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Manuel

de

Mécanique des Roches


Tome 1 : Fondements

par le Comité français de mécanique des roches


Coordonné par Françoise Homand et Pierre Duffaut

!"#$%" '() *+,$-" #. /.0-1).

Pierre BÉREST Pierre BÉREST


Daniel BILLAUX Pierre HABIB
Marc BOULON Jean-Paul SARDA
François CORNET Gérard VOUILLE
Christian DAVID
Pierre DUFFAUT
Jean-Louis DURVILLE
Sylvie GENTIER
Albert GIRAUD
Mehdi GHOREYCHI
Jean-Pierre HENRY
Françoise HOMAND
Djimedo KONDO
Pierre LONDE
Frédéric PELLET
Jack-Pierre PIGUET
Jean-Paul SARDA 2)"3(0.
Jian-Fu SHAO
Mountaka SOULEY Pierre BÉREST

Les Presses de l’École des Mines


Paris, 2000
© École des Mines de Paris, 1999
60, Boulevard Saint-Michel, 75272 Paris CEDEX 06 FRANCE
email : delamare@dg.ensmp.fr
http://www.ensmp.fr/Presses
ISBN : 2-911762-23-1
Dépôt légal : mai 2000
Achevé d’imprimer en mai 2000 (Grou-Radenez, Paris)

Tous droits de reproduction, d’adaptation et d’exécution réservés pour tous les pays

Photo de couverture : versant rive gauche de la vallée du Verdon, immédiatement à


l’aval du grand barrage voûte de Castillon (Alpes Maritimes). Les bancs calcaires
inclinés sont affectés de failles et leur stabilité, compte tenu de la poussée de la
voûte, est assurée par des tirants précontraints depuis sa mise en service par EDF en
1948. Il s’agit d’un problème typique de mécanique des roches, heureusement résolu
avant la naissance de cette discipline (photo P. Duffaut, 1998).
CHAPITRE 2 PHYSIQUE DES ROCHES

2.1 INTRODUCTION
La physique des roches couvre, selon les auteurs, un domaine plus ou moins vaste. Il
s’agit, dans ce manuel, de la description du milieu poreux (grains, pores et fissures)
et de la quantification de ses principales propriétés physiques, à l’exclusion des
propriétés mécaniques, traitées au chapitre 3. Une roche peut être définie comme un
assemblage de minéraux ayant hérité de liaisons plus ou moins fortes au cours de
son histoire géologique. La description d'une roche se fait sur un échantillon observé
à la loupe et éventuellement au microscope optique polarisant ou électronique à
balayage. On décrit la texture, les minéraux présents, la taille des grains, les fissures
et les altérations.
On présente ensuite les définitions et les méthodes d’étude de la porosité et de la
perméabilité, dont l’incidence est grande sur les propriétés mécaniques, à sec ou en
présence de fluides. Les propriétés acoustiques sont considérées comme participant
à la caractérisation des roches (l’ensemble est appelé en anglais index properties).
On évoque les propriétés thermiques mais on laisse de côté les propriétés
magnétiques et électriques en dépit de certaines applications.
Les propriétés mesurées au laboratoire ne tiennent pas compte des discontinuités
apparaissant à l’échelle du massif, joints de stratification, diaclases, failles, qui sont
traitées aux chapitres 4 et 5. Lorsque ces discontinuités sont rares ou espacées
l’échantillon est représentatif du massif jusqu’à une large échelle, comme dans les
craies et les roches argileuses.

2.2 LES PRINCIPALES CATÉGORIES DE ROCHES


Le nom d'une roche est donné en fonction de sa composition minéralogique, de sa
texture et de son mode de formation. Ce dernier conduit à distinguer trois grandes
familles de roches : sédimentaires, métamorphiques et magmatiques.

TABLEAU 2-1 : PRINCIPALES ROCHES MAGMATIQUES

Avec quartz & feldspath Sans quartz


Feldspath alcalin dominant Granite Syénite
Rhyolite Trachyte
Feldspaths alcalins Monzogranite Monzonite
+ plagioclases Rhyolite Trachyandésite
Granodiorite
Rhyodacite
Plagioclase seul Diorite quartzique Diorite
(<50% Anorthite) Dacite Andésite
Plagioclase seul Gabbro
(>50% Anorthite) Basalte
les noms en italique sont les équivalents volcaniques, ceux en gras sont les roches les plus
répandues
32 Manuel de Mécanique des Roches

Les roches magmatiques, résultent de la solidification de magmas. Ceux qui


parviennent directement à la surface forment les roches volcaniques ou effusives, les
laves, dans lesquelles on n'observe à l'œil nu que très peu de cristaux (en raison d’un
refroidissement rapide). Au contraire la solidification en profondeur donne les
roches plutoniques dont la lenteur du refroidissement permet la croissance des
cristaux, bien visibles donc à l’œil nu. Les minéraux sont essentiellement des
silicates : quartz, feldspaths alcalins et plagioclases, amphiboles, micas etc.. Les
classifications font intervenir la texture de la roche (arrangement et taille des
cristaux) et la composition minéralogique (tableau 2-1). Associées aux roches
métamorphiques, les roches magmatiques, dont les plus répandues sont les granites,
forment l’essentiel de la croûte terrestre continentale, bien qu’elles soient souvent
cachées sous les roches sédimentaires.
Les roches sédimentaires sont formées à la surface de la terre sur le sol ou au fond
de l'eau. Elles résultent de la désagrégation des roches préexistantes. Leur dépôt en
couches initialement proches de l'horizontale résulte :
! de l'action des agents d'érosion et de transport (eaux, crues, glaciers, vent) qui
déposent finalement des roches détritiques ;
! de l'activité des êtres vivants (roches organogènes) ;
! de phénomènes physico-chimiques (roches hydrochimiques et salines formées
essentiellement par précipitation).
Ces actions se combinent souvent et beaucoup de roches sédimentaires sont en fait
d'origine mixte). Ces sédiments se consolident et se cimentent lorsqu'ils sont enfouis
en profondeur (l’augmentation de la température et de la pression favorisant des
réactions entre les minéraux et les fluides interstitiels). Les roches sédimentaires
couvrent 75 % de la surface des continents et la quasi totalité des fonds océaniques,
mais leur épaisseur est limitée.
Il y a de nombreuses classifications des roches sédimentaires fondées sur la
composition chimique, la granularité des constituants ou le mode de formation qui
sont présentées dans les ouvrages de géologie. On se limite à citer les quatre groupes
principaux : grès, calcaires, roches argileuses, évaporites, en laissant de côté les
roches carbonées (pétroles, charbons et lignites).
Les grès sont essentiellement constitués de grains de quartz (99,5 % pour le grès très
pur de Fontainebleau), ils contiennent souvent des feldspaths et des micas. Les grès
feldspathiques sont appelés arkoses, les grès recristallisés quartzites, les grès
contenant des galets, poudingues ou conglomérats.
Les calcaires sont constitués essentiellement de carbonates de calcium (calcite ou
aragonite) et de carbonate de magnésium (dolomie). Leur origine est organique, par
accumulation de débris d’organismes marins (craies), ou de précipitation chimique.
Les roches argileuses dont nous étudierons le comportement dans le chapitre 11,
sont composées de minéraux argileux (illite, kaolinite, montmorillonite,
interstratifiés), avec éventuellement des grains de petite dimension de quartz et
carbonates. Le terme argilite désigne les roches argileuses au sens large. Les shales
sont des argilites litées.
Les évaporites sont des sels précipités lors de l'évaporation d'un liquide. A partir de
l'eau de mer les principaux minéraux précipités sont le gypse, l'anhydrite, le sel
gemme sous ses diverses formes dont la halite et la potasse (sylvinite).
Physique des Roches 33

Il faut faire attention aux dénominations issues des cartes géologiques, dérivées de
l'appellation chronologique (étage) pour les roches sédimentaires. Il peut y avoir des
variations latérales de faciès qui font que le nom de la formation ne représente pas la
lithologie de tout l'ensemble.
Les roches métamorphiques résultent de la transformation profonde à l'état solide
de roches sédimentaires ou magmatiques préexistantes sous l'effet d'une
augmentation de la température et/ou de la pression. Il y a recristallisation complète
des roches primitives. Les roches formées portent en général la trace de l'anisotropie
du tenseur des contraintes sous lequel elles ont cristallisé, ce qui peut se traduire par
une schistosité ou une foliation accompagnée de linéation. Les roches les plus
communes sont les schistes, les micaschistes et les gneiss, beaucoup plus massifs,
mais dans lesquels les minéraux apparaissent nettement orientés. Les marbres et les
quartzites sont des roches massives entièrement recristallisées dans lesquelles
l'orientation des minéraux (calcite ou quartz) n'est que rarement visible à l'œil nu.
La description d'une roche comprend les observations suivantes, effectuées à l'œil nu
ou de préférence à la loupe ou au microscope :
! identification des minéraux présents,
! taille, arrangement des minéraux et des vides associés (texture),
! proportion des différents constituants,
! vides et défauts : pores et fissures,
! état d'altération des minéraux.
L'analyse minéralogique des constituants contribue à une meilleure description de la
roche et permet d'approcher son altérabilité, son potentiel de gonflement, son
aptitude au « collage », éventuellement son abrasivité. L'analyse minéralogique
s'effectue couramment par diffraction X, et dans le cas où des minéraux argileux
gonflants sont susceptibles d'être présents il est nécessaire de réaliser un traitement
spécial. Cette analyse conduit à une identification des minéraux présents et après
interprétation une composition quantitative peut être obtenue.
Pour les roches carbonatées argileuses, le dosage de la teneur en CaCO3 précise
l'identification de la roche.
L’état d'altération de la roche se décrit précisément en s'attachant à identifier s'il
s'agit d'une altération essentiellement météorique ou d'une altération d'origine
profonde, hydrothermale (souvent liée au volcanisme actuel ou plus ancien).

2.3 LE MILIEU POREUX


2.3.1 DÉFINITION ET MESURE
Dans les roches la matière minérale forme un squelette solide qui ne remplit pas tout
l’espace, et dont le complément est appelé vide. La proportion de vide est appelée
porosité (du grec !"#"$, passage, ou détroit, entre les îles). La forme des vides, leur
taille, leur répartition, leurs liaisons ou au contraire l’isolement de certains, influent
sur le comportement mécanique (chapitre 3) et sur les propriétés de couplage
(chapitre 10).
La porosité n est, par définition, le rapport du volume des vides Vv au volume total
Vt :
34 Manuel de Mécanique des Roches

Vv
n" (2-1)
Vt
ou par rapport au volume du squelette Vs,
Vt % Vs V
n" " 1% s (2-2)
Vt Vt
Ces deux expressions peuvent différer car les techniques de mesures de Vv et Vs ne
sont pas équivalentes (tableau 2-2). Les méthodes 3 et 6 sont équivalentes, et
permettent de déterminer la porosité connectée. Les méthodes 4 et 6 (sur poudre)
déterminent le volume des solides sans les vides non connectés et donnent donc la
porosité totale, au sens strict.

TABLEAU 2-2 : PRINCIPALES MÉTHODES DE MESURE DE LA POROSITÉ

Volume total
1. Mesure directe des dimensions de l'éprouvette
2. Poussée d'Archimède dans le mercure, qui ne mouille pas la roche et ne pénètre
pas dans les pores sans une forte pression

Volume des vides


3. Absorption d'un fluide mouillant par saturation sous vide

Volume du solide
4. Mesure au pycnomètre de la masse volumique du solide, après broyage
5. Poussée d'Archimède dans un fluide mouillant saturant la roche, par différence
entre masse sèche et immergée
6. Compressibilité des gaz parfaits, en réalisant une détente isotherme en reliant une
enceinte V1 (contenant l'échantillon) de volume V1 à la pression P1 à une enceinte
vide de volume V2 (pycnomètre à hélium). Après détente, la pression d'équilibre P2
permet de calculer le volume d’une masse connue de poudre ou de roche.

La porosité est de l’ordre du centième pour certains marbres et quartzites, du


dixième pour beaucoup de roches sédimentaires, elle peut atteindre 0,5 pour
certaines craies et tufs. La forme des vides est représentée en première
approximation par un coefficient de forme, rapport de la plus petite dimension à la
plus grande. Ceci permet de distinguer les vides de type pore dont le coefficient de
forme est entre 10-1 et 1) et les vides de type fissure, dont le coefficient de forme est
très faible, entre 10-2 et 10-4, et dont l’épaisseur est négligeable. La part des pores
dans le volume des vides est prépondérante, mais par contre les fissures contribuent
pour l’essentiel à la surface spécifique (§ 2.5.3).
L'espace poreux peut être étudié de manière directe par observation au microscope
optique ou électronique, éventuellement après remplissage par un produit colorant.
Les techniques d’analyse d'images permettent ensuite une estimation quantitative de
la porosité.
2.3.2 MASSES VOLUMIQUES ET TENEUR EN EAU
On appelle masse volumique d’un matériau la masse de l’unité de volume
(dimension L-3M).
Physique des Roches 35

On définit, suivant l’état du matériau, #s la masse volumique absolue ou masse


volumique du solide, #h la masse volumique naturelle à réception du matériau, #d
la masse volumique sèche, et # sat la masse volumique saturée (après saturation de
la roche) :
Ms Ms Mh M sat
#s = #d = #h = #sat = (2-3)
Vs Vt Vt Vt
avec Ms la masse du matériau sec, Vs le volume des grains après broyage, Vt le
volume de l'échantillon, Mh la masse naturelle, Msat la masse de l'échantillon saturé.
#d varie en fonction de la porosité de la roche, par contre #s ne dépend que de la
minéralogie (tableau 2-3). La teneur en eau w est le rapport de la masse d’eau, à la
masse du solide sec
Mw
w= (2-4)
Ms
Vw w w#d
Et on appelle degré de saturation Sr " " " (2-5)
Vv #w #w n#s
+
#d #s

2.3.3 ÉTUDE DES DIMENSIONS DES PORES AU POROSIMÈTRE A MERCURE


Le porosimètre à mercure permet d’étudier la répartition des vides de rayon d’entrée
compris entre 200 $m et 0,0036 $m (voire 0,0018 $m). La mesure est fondée sur les
équilibres capillaires entre plusieurs fluides non miscibles dans un même espace
poreux. Un fluide mouillant s'étendra préférentiellement au contact du solide par
rapport à un fluide non mouillant. Les équilibres fluide mouillant / fluide non
mouillant sont régis par les pressions capillaires à leurs interfaces :
& 1 1 )
Pca " t s ( % + (2-6)
' R1 R 2 *
avec R1 e t, R 2 : rayons de courbures principaux, tS : tension superficielle à
l'interface entre les deux fluides et le signe ± suivant que les centres de courbure
sont ou non du même coté de l'interface.
On appelle drainage le déplacement d’un fluide mouillant, par un fluide non
mouillant sous l'effet d'une pression qui contrebalance les forces capillaires. On
appelle imbibition l’augmentation de la saturation en fluide mouillant, à la suite
d’une chute de pression. Les courbes de pression capillaire sont obtenues par une
suite de drainages et d'imbibitions en augmentant ou diminuant les pressions qui
s'opposent aux pressions capillaires. La figure 2-1 correspond au cas d’un
échantillon saturé initialement par de l’eau dans lequel on réalise un drainage par
application d’une pression d’air dans une enceinte étanche. Il apparaît un état de
saturation irréductible en fluide mouillant qui correspond à une configuration de la
phase mouillante telle que les déplacements y sont devenus impossibles, car l’eau
est sous forme d’amas reliés entre eux par des couches d’eau très minces dont la
viscosité est très élevée.
Si on relâche la pression d’air, l’eau pénètre dans l’échantillon par imbibition, mais
le phénomène n’est pas réversible, il y a un fort hystérésis. A pression capillaire
nulle, la saturation en eau est inférieure à 100 %. Une partie de l’air a été piégée
pendant le processus d’imbibition. Cette fraction d’air est appelée saturation
36 Manuel de Mécanique des Roches

résiduelle en fluide non mouillant et sa valeur rapportée au volume total de


l’échantillon est la porosité piégée.
L'augmentation de pression capillaire en drainage conduit à des rayons de courbure
de l'interface de plus en plus petits. Par contre l’imbibition correspond à une
augmentation progressive du rayon de courbure moyen de l’interface fluide
mouillant–fluide non mouillant, il se
Pca produit alors des piégeages.

Saturation
résiduelle
irréductible
Saturation

Figure 2-1 : Courbes de pression


capillaire
Il n’y a pas de saturation irréductible
lorsque le fluide mouillant est un gaz
raréfié (vide) qui disparaît au fur et à
Drainage mesure de la pénétration du fluide
final
Drainage non mouillant Le mercure est un
initial fluide non mouillant alors que la
p acc
pression vapeur de mercure est un fluide
d'accès mouillant. On réalise ainsi un
drainage par pénétration de mercure
Imbibition dans un échantillon dans lequel on a
Saturation en fluide
fait préalablement le vide. Pour
mouillant (%) interpréter la porosimétrie au
0 20 40 60 80 100
mercure on assimile le milieu poreux
à un réseau de capillaires dont on
calcule le rayon moyen R par la
formule de Jurin :
2 t s cos ,
Pca " (2-7)
R
avec Pca : pression capillaire ou pression de mercure tS : tension superficielle, , :
angle de mouillabilité et R : rayon d’accès au pore. Il est clair d’après la figure 2-2
que le rayon calculé par la formule de Jurin est un rayon d’accès et non le rayon des
élargissements.
Les paramètres recueillis par le porosimètre à mercure permettent de représenter sur
un diagramme le volume de mercure injecté en fonction du rayon d'accès des pores
et fissures envahis. Le modèle du réseau poreux est constitué de pores (sphériques)
reliés entre eux par des étranglements capillaires. Ce sont les rayons d'accès qui sont
déterminés.

R2
R1
r

2$cos, 2$cos, MERCURE 2$cos,


-P< P.
R1 r VIDE r

Figure 2-2 : Passage du mercure dans un réseau capillaire


Physique des Roches 37

Le volume de mercure injecté fournit la porosité totale. La différence entre


l'injection et le retrait (figure 2-3) donne une valeur du piégeage du mercure dans le
réseau poreux. Cette valeur est une estimation par excès de la porosité piégée (np)
car le retrait s'effectue jusqu'à la pression atmosphérique et ne permet pas de
connaître le volume poreux abandonné par le mercure entre la pression
atmosphérique et la pression effective de début d'injection (3.10-3 MPa).
Porosité (%) 1ère injection
nt

np

2ème injection
nl

1° et 2° retraits

R(µm)
0
0,001 0,01 0,1 1 10 100

Figure 2-3 : Courbes d’injection et de retraits


12 nt 14
n(%) n(%) EUVILLE nt
10 12 Calcaire à entroques
GUDMONT
Calcaire oolithique 10
8 np np
8
6
6 nl
4 nl 4
2 2
r (mm) r (mm)
0,001 0,01 0,1 1 10 100 0,001 0,01 0,1 1 10 100

Figure 2-4 : Exemples de spectres de porosité de calcaires


Si l'échantillon subit un second cycle d'injection, la porosité libre (n1) est mesurée
ainsi que la valeur réelle de la porosité piégée (np), par différence entre la porosité
totale (nt du 1er cycle d'injection) et la porosité libre (n1 du 2ème cycle d'injection).
Cette différence entre la courbe de retrait et celle de la 2è m e injection est due
essentiellement à une variation de la valeur de , en injection et en retrait, provoquée
par des phénomènes irréversibles.
La figure 2-4 présente des exemples de courbes porosimétriques obtenues sur deux
calcaires. Le calcaire d’Euville est un calcaire à entroques (débris de Crinoïdes, de
l’ordre de 2 à 4 mm) cimentées de calcite. Le calcaire de Gudmont est un faciès
oolithique (grains de 1 mm). La courbe de porosité totale du calcaire d’Euville
indique deux familles de pores : une macroporosité dans les vides du ciment et une
microporosité dans les entroques. La macroporosité dans le calcaire de Gudmont est
absente. Une microporosité se développe soit au sein des oolithes, soit dans la
matrice carbonatée.
38 Manuel de Mécanique des Roches

2.4 CIRCULATION DES FLUIDES : LA PERMÉABILITÉ


La perméabilité caractérise l’aptitude d’une roche (ou de tout autre milieu poreux) à
laisser circuler des fluides au sein dans son espace poreux.
2.4.1 DÉFINITION DE LA PERMÉABILITÉ
A l’échelle macroscopique, la loi qui décrit l’écoulement d’un fluide en milieu
poreux est la loi de Darcy, mise en évidence par une expérience très simple dans
laquelle Darcy a montré que le débit volumique Q à travers une colonne de sable de
longueur L est proportionnel à la section S de la colonne et au gradient de charge
hydraulique /h/L. La charge hydraulique h (ou hauteur piézomètrique) est fonction
de l’altitude z, de la pression du fluide P, de la densité du fluide # et de la gravité g.
Q k/h P
" avec h " z + . (2-8)
S L #g
Le facteur de proportionnalité k est appelé coefficient de perméabilité ou
conductivité hydraulique. La dimension de k est celle d’une vitesse. La loi de
Darcy exprime la proportionnalité entre un flux hydraulique et la force motrice
responsable de ce flux (gradient de hauteur piézométrique ).Un inconvénient majeur
de la loi de Darcy sous la forme précédente est que le coefficient de perméabilité k
dépend non seulement des propriétés du matériau, mais aussi des propriétés du
fluide (notamment sa viscosité $). Une formulation plus générale de la loi de Darcy
est préférable :
Q k /P
" (2-9)
S $ L
Le paramètre k est la perméabilité intrinsèque du milieu poreux traversé. La
perméabilité est homogène à une surface : son unité SI est donc le m2. En pratique,
on utilise souvent comme unité le Darcy, avec l’équivalence 1 Darcy =
0,987 10 12 m2. Par comparaison on voit que k = (#g/$)k et donc pour de l'eau à
20°C, on a la correspondance suivante 1 Darcy = 0,96 10-5 m/s.
Dans le cadre général de la mécanique, à partir de la combinaison de l'équation
d'état, de celle de continuité et de celle de mouvement, on établit la relation
fondamentale de l'hydrodynamique en milieu homogène et isotrope :
V = - k grad 0, et pour un milieu anisotrope V = - k . grad 0 (2- 10)
Expressions dans lesquelles V désigne le champ de vitesse du fluide, 0 le potentiel
(chapitre 6), la conductivité hydraulique prenant une forme tensorielle dans le milieu
anisotrope. Un exemple important de milieux poreux anisotropes est celui des roches
réservoirs où la compaction se fait préférentiellement selon la direction verticale en
raison des forces de gravité : la perméabilité verticale kv est alors souvent plus faible
que la perméabilité horizontale kh, avec une anisotropie marquée (le rapport kh/kv
peut aller jusqu’à 100).
La loi de Darcy ne s’applique, en toute rigueur, que pour un régime d’écoulement
laminaire, par opposition au régime d’écoulement turbulent. Lorsque la vitesse du
fluide devient grande, les forces d’inertie ne sont plus négligeables devant les forces
de viscosité. Le domaine de validité de la loi de Darcy correspond aux nombres de
Reynolds faibles. Cette condition est généralement remplie pour les circulations de
fluides dans le massif rocheux, mais pas forcément dans les mesures en laboratoire.
Physique des Roches 39

2.4.2 MÉTHODES DE MESURE DE LA PERMÉABILITÉ


Selon l’ordre de grandeur des perméabilités à mesurer, différentes techniques
peuvent être utilisées en laboratoire. Pour les fortes perméabilités, les techniques
basées sur l’établissement d’un écoulement à travers un volume représentatif de
roche sont préférables : méthodes à charge constante, à charge variable. Dans ce cas
la perméabilité est déduite par application directe de la loi de Darcy. Pour les
perméabilités plus faibles, une méthode transitoire est couramment utilisée : elle
consiste à estimer la perméabilité à partir de l’analyse de la diffusion d’un incrément
(pulse) de pression dans un échantillon de roche, en système fermé.
Pg Figure 2-5 : Exemple de dispositif
Eprouvette
injection Débimètre expérimental de mesure de la
perméabilité
Le perméamètre de type I.F.P.
présenté sur la figure 2-5 permet de
réaliser des essais de perméabilité en
conditions de charge constante. Dans
le cas de l’injection de liquide, le
calcul de perméabilité se fait avec les
Pf
Enveloppe en sortie notations suivantes, S : surface
Confinement caoutchouc d'injection (m2), Pg : pression
d'injection (Pa), Pf : pression en sortie
(Pa), L : longueur de l'éprouvette, Q :
débit mesuré (m3/s), µ : viscosité du fluide (Pa.s), (1 Pa.s = 1 Poiseuille = 10
poises), par la formule :
Q$L
k" (2-11)
( Pg % Pf )S

La perméabilité au gaz est avec les paramètres définis dans l’équation 2-11 et Patm,
la pression atmosphérique (Pa) :
2Q$LPatm
k" (2-12)
( Pg2 % Pf2 )S

2.4.3 VARIABILITÉ DE LA PERMÉABILITÉ DES ROCHES


La perméabilité des roches présente une très large gamme de valeurs : plus de 14
ordres de grandeur séparent les roches les plus perméables des roches les moins
perméables. Pour fixer les idées, une perméabilité de 1 Darcy est une forte
perméabilité, celle par exemple d’un bon aquifère ; dans le domaine pétrolier, la
perméabilité des roches réservoirs intéressantes est supérieure à la centaine de
millidarcy. A l’opposé, pour le stockage en profondeur de déchets radioactifs, on
recherche des perméabilités bien inférieures au microdarcy. Les roches étant
soumises in situ à des conditions (contraintes, température ...) qui ne sont pas celles
de la surface, il est intéressant de connaître quelle est l’évolution de la perméabilité
en profondeur. Celle-ci est en grande partie tributaire de la manière dont les
propriétés géométriques des réseaux de pores ou de fissures (volume accessible au
fluide, connectivité) sont modifiées en réponse à l’application de contraintes ou de
températures élevées. Pour ce qui est de l’effet des contraintes, il faut séparer l’effet
de la contrainte moyenne de celui du déviateur.
40 Manuel de Mécanique des Roches

Dans un premier temps, examinons comment varie la perméabilité d’une roche


soumise à une pression moyenne croissante. Pour des roches saturées, la contrainte
moyenne à prendre en considération est la contrainte effective $' = $ – bp. Dans
cette relation, $ est la contrainte moyenne totale égale à la trace du tenseur des
contraintes, p est la pression du fluide présent dans l’espace poreux ou pression de
pore, et b est le coefficient de Biot, compris entre 0 et 1 (chapitre 10). Cette loi
constitue une manière synthétique de prendre en compte les rôles antagonistes joués
par l'état de contrainte et la pression de pore sur la déformation du milieu poreux.
Une augmentation de contrainte effective a toujours pour effet de rendre le milieu
plus compact, et par conséquent de réduire le volume accessible au fluide : il en
résulte une diminution de perméabilité. La chute de perméabilité observée dépend
fortement de la géométrie des pores : elle prend souvent la forme d’une loi
exponentielle du type :
k = k0 exp[-1$’] (2-13)
L’amplitude de la décroissance est fixée par le paramètre 1 qui dépend de la nature
des roches : d’une manière générale, plus le facteur de forme des pores est faible,
plus le milieu poreux est déformable, et plus la perméabilité sera sensible à des
variations de pression.
L’application d’un déviateur de contrainte provoque dans la roche des déformations
importantes : lorsque la contrainte est suffisamment basse, la déformation reste
élastique, mais lorsque la contrainte déviatorique devient grande, la déformation
devient inélastique, avec développement de fissures qui vont affecter profondément
le comportement du matériau. En laboratoire la configuration classiquement utilisée
pour mettre en évidence le rôle des contraintes déviatoriques est celle de l’essai
triaxial. L'évolution de la perméabilité suit celle des microstructures : décroissance
lorsque la déformation de la roche est contractante, augmentation lorsque la
déformation devient dilatante. Cette hypothèse, somme toute logique, a été vérifiée
dans des roches à faible porosité mais peut être mise en défaut.
2.4.4 LIEN ENTRE PERMÉABILITÉ ET MICROSTRUCTURE
La perméabilité d’une roche est entièrement déterminée par la géométrie de son
réseau de porosité. La relation entre les deux est cependant loin d’être évidente, et
nombre de modèles ont été développés pour estimer la perméabilité à partir des
propriétés microstructurales des roches. Dans tous ces modèles, le problème clé
consiste à déterminer une longueur caractéristique pour les processus de transport de
fluide : en effet une telle échelle de longueur doit exister, puisque la perméabilité,
d’un point de vue dimensionnel, est homogène à [L2 ]. Comment à partir de la
connaissance (même approximative) des propriétés géométriques du milieu poreux
peut-on prédire la valeur de la perméabilité de ce milieu ? Quels sont les paramètres
microstructuraux qui contrôlent les propriétés de transport dans les roches ? La
physique des roches essaie de répondre à ces questions depuis très longtemps déjà.
Le problème posé consiste à établir une passerelle entre l’échelle microscopique
(celle des pores et des grains) et l’échelle macroscopique (celle à laquelle est définie
la perméabilité).
Dans le modèle de milieu équivalent, la longueur caractéristique est définie à partir
de grandeurs macroscopiques très simples, à savoir le volume de porosité Vv et
l’aire Ap de l’interface pore-solide. La relation classique de Kozeny-Carman donne
l’expression de la perméabilité dans l’approche du milieu équivalent :
Physique des Roches 41

R 2h n
k" (2-14)
2 t2
où le paramètre Rh = Vv /Ap, appelé rayon hydraulique, constitue la longueur
caractéristique recherchée. Les autres paramètres sont la porosité n et la tortuosité t,
alors que 2 est un facteur qui dépend de la géométrie des pores, et qui présente une
variabilité très faible (approximativement entre 2 et 3). Le point faible du modèle
réside dans le paramètre «tortuosité», qui quantifie l’accroissement de la distance
parcourue par le fluide, difficile à estimer en raison de la complexité topologique du
milieu poreux.
Une approche différente est possible. Au lieu d’utiliser des grandeurs
macroscopiques, on peut s’attacher à décrire les processus d’écoulement à l’échelle
des composants élémentaires (les pores, les fissures), puis par différentes techniques
remonter à la propriété macroscopique, la perméabilité. A l’échelle locale,
l’écoulement dans les pores et les fissures considérés comme des entités propres est
régi par la loi de Poiseuille. Ces pores et ces fissures interagissent entre eux du fait
de l’existence de connexions multiples dans les milieux poreux. L’information
essentielle à fournir concerne la distribution statistique des propriétés
dimensionnelles des pores ou des fissures, représentés par des canaux d’écoulement
individuels. On peut considérer une distribution aléatoire de tubes ou s’attacher à
décrire de manière plus détaillée la topologie complexe des milieux poreux par une
approche de type réseau.

2.5 PROPRIÉTÉS ACOUSTIQUES


La caractérisation des matériaux rocheux par des méthodes ultrasoniques est
couramment utilisée. L'étude de la propagation des ondes de compression et de
cisaillement dans un matériau à l'état sec et saturé permet d'évaluer les propriétés
physiques du matériau telles que sa porosité, son état de fissuration et ses propriétés
élastiques (module de Young, coefficient de Poisson). L'analyse des signaux
ultrasoniques en terme d'atténuation a été surtout exploitée en physique des roches
pétrolière. Ce paramètre est particulièrement intéressant pour l'analyse de
l'anisotropie d'un matériau, soit structurale, soit liée à une microfissuration.
2.5.1 PROPAGATION DES ONDES DANS UN MILIEU ÉLASTIQUE
La physique des roches classique s'intéresse à la propagation des ondes de volume P
et S, caractérisées par leurs vitesses (premières et secondes, d’après l’ordre de leur
réception) et leur atténuation. Les équations de propagation des ondes dans un
milieu élastique et viscoélastique sont indiquées en annexe du présent chapitre. Pour
une onde P, le mouvement vibratoire a lieu suivant la direction de propagation et
affecte le volume de la roche. Vp est donc la vitesse d'une onde de compression (ou
onde longitudinale).Vs est la vitesse d'une onde de c i s a i l l e m e n t (ou onde
transversale), dont le mouvement vibratoire a lieu dans un plan normal à la direction
de propagation. Elles sont plus lentes que les ondes P et ne se propagent pas dans
l'eau.
Vp et Vs étant exprimées en fonction des coefficients de Lamé, la mesure du temps
de propagation d'une onde ultrasonique dans une roche permet de remonter aux
modules élastiques. Dans le cas d'un matériau isotrope, le calcul du coefficient de
Poisson 3 et du module de Young E est le suivant :
42 Manuel de Mécanique des Roches

1/2 - (Vs / Vp)2


3 = (2-15)
1 - (Vs / Vp)2

Vp2 (1+3) (1-23)


E= # (1-3) (2-16)

Il est donc indispensable de mesurer Vp et Vs pour calculer E et 3 ; trop souvent Vp


est seul mesuré, E est déduit en supposant 3 = 0,25.
L’état de saturation du matériau influe sur l'évolution de ses propriétés ultrasoniques
et a fait l'objet de nombreux travaux dont une grande partie concerne des calculs
prédictifs de vitesses ultrasoniques sur un matériau multiphasique et traite
généralement d'un état totalement saturé par rapport à un état sec. La propagation
d'une onde purement élastique dans un milieu biphasique solide/liquide (roche
totalement saturée) a été décrite par Biot qui a introduit les notions de couplage
inertiel fluide-solide et de déplacements relatifs de ces deux phases. Les relations
entre saturation partielle et propriétés ultrasoniques sont plus complexes ; leur
analyse nécessite des suivis expérimentaux très rigoureux et fait intervenir, d'un
point de vue théorique, des mécanismes à l'échelle du pore (écoulements locaux) et
des notions de distribution des fluides dans les réseaux poreux.

générateur oscilloscope Figure 2-6 : Mesure des vitesses des


ondes ultrasonores
Les vitesses des ondes sont
mesurées à l’aide d’un dispositif
dont un exemple est représenté sur
la figure 2-6. L’éprouvette a deux
faces planes et parallèles, un produit
émetteur micro - ordinateur couplant est placé entre l’éprouvette
et les céramiques piézoélectriques P
et S. Les céramiques ondes S
doivent conduire à un mouvement
perpendiculaire à la direction de
récepteur propagation, émetteur et récepteur
sont donc polarisés. Le signal est
visualisé sur l’oscilloscope et stocké
pour un traitement en terme d’atténuation. Les vitesses des ondes P et S sont ensuite
calculées de la façon suivante :
L
Vp ou Vs (m/s) = (2-17)
t
avec : L (en mètres), longueur de l'échantillon ; t (en secondes), temps de parcours lu
sur l'oscilloscope.
2.5.2 ATTÉNUATION
Le signal ultrasonique qui se propage dans une roche s'atténue au cours de son trajet.
Cette atténuation est due à des interactions entre l'onde et le milieu de propagation.
Il faut distinguer l'atténuation intrinsèque, liée à l'anélasticité de l'ensemble matrice
solide-fluide saturant, de l'atténuation extrinsèque due à la diffraction de l'onde par
réflexion (interfaces, géométrie de l’éprouvette). L'atténuation se caractérise par une
Physique des Roches 43

diminution de l'amplitude de l'onde et une perte préférentielle de ses hautes


fréquences. L'atténuation est quantifiée par un coefficient d'atténuation 4 (voir
l'annexe) ou par Q, appelé facteur de qualité qui est inversement proportionnel au
coefficient d'atténuation. Le calcul de l’atténuation est généralement réalisé à l’aide
d’une méthode dite du rapport des spectres. L’atténuation peut être extrinsèque par
perte d’énergie due à la diffraction de l’onde sur les discontinuités ou obstacles dans
le matériau (grains, pores, microfissures) et peut être importante lorsque la longueur
d'onde devient comparable à l'échelle de l'hétérogénéité. Les mécanismes avancés
pour expliquer le phénomène d'atténuation intrinsèque sont très divers et complexes.
De plus, ces mécanismes seraient différents selon l'état de saturation de la roche
considérée. On consultera la littérature spécialisée indiquée en fin de chapitre pour
tout ce qui concerne l'atténuation.
2.5.3 VITESSES ET PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES ROCHES
La lithologie est un facteur déterminant en ce qui concerne les vitesses Vp et Vs
dans la mesure où les caractéristiques élastiques des minéraux constitutifs sont
différentes (Tableau 2-3 ). Les valeurs indiquées dans ce tableau sont des moyennes
calculées à partir des vitesses des ondes suivant différentes directions mesurées sur
des cristaux non altérés.
Le rapport Vp/Vs est intéressant à utiliser et permet de différencier nettement grès et
calcaires, car le coefficient de Poisson de la calcite est très différent de celui du
quartz.

TABLEAU 2-3 : PROPRIÉTÉS PHYSIQUES ET MÉCANIQUES DES PRINCIPAUX MINÉRAUX

Minéraux #s (g/cm3) E (GPa) 3 Vp (m/s)

Quartz 2,65 96,4 0,08 6 050


Olivine 3,2-3,6 216 0,24 8 770
Augite 3,2-3,6 14 3 0,24 7 330
Amphibole 2,9-3,2 110 0,29 6 800
Muscovite 2,7-3 80 0,25 5 880
Biotite 2,8-3,1 67 0,30 5 360
Orthose 2,5-2,6 63 0,29 5 680
Plagioclase 2,6-2,8 77 0,29 6 220
Magnétite 4,4-5,2 218 0,19 7 410
Calcite 2,7 84 0,28 6 320
Dolomie 2,8-3,1 7 900
Halite 2,1-2,6 36 4 320
Gypse 2,3-2,4 5 200
D’après Belikov (1967)

La vitesse des ondes P varie à lithologie constante avec la porosité de pores, mais
diminue plus fortement encore avec la porosité de fissures. Pour estimer la part
relative de porosité de pore ou de fissure dans des roches de lithologie différente on
utilise l’indice de continuité IC défini comme le rapport de la vitesse des ondes P
mesurée dans l’échantillon à la vitesse des ondes calculée Vp* à partir de la
composition minéralogique. Vp* est la moyenne arithmétique pondérée des vitesses
44 Manuel de Mécanique des Roches

des ondes Vi , de chaque minéral constitutif de la roche, les coefficients de


pondération étant les teneurs ci, de la roche en chaque minéral :

Vp
IC (%) = 100 V * avec Vp* = 5 ci x V i (2-18)
p

Ce rapport des vitesses varie comme le rapport K/K* des compressibilités K globale
(bulk modulus) de la roche et K* de la matrice (les minéraux constitutifs de la
roche) en fonction de la porosité de pores np et de la porosité de fissures nf , mais la
sensibilité à la présence de fissures est beaucoup plus marquée. On peut écrire :
IC = 100(1 –A np - B nf) (2-19)
avec nf + np = ntotale et nf << np
Dans le cas des roches exclusivement poreuses (ntotale = np ), il y a une relation
expérimentale entre l’indice de continuité IC = ICp et la porosité n :

ICp = 100 (1 – 1,4 np) (2-20)


Dans le cas le plus courant d’une roche poreuse et fissurée, la porosité totale n totale
est égale approximativement à np, ce qui permet d’évaluer ce que serait la valeur de
l’indice de continuité ICp du milieu poreux correspondant à la roche si elle n’était
affectée que de pores :
ICp = 100 (1– 1,4 n) (2-21)
La différence entre la valeur de l’indice de continuité mesuré IC et cette valeur ICp
correspond à l’existence des fissures; elle est exprimée de manière relative par le
Degré de Fissuration DF :
IC
DF " 1 % (2-22)
IC p

100
Indice de continuité IC (%)
90
80
70 0%

60
25%
50
40
50%
30
20
75%
10
Porosité (%)
0
0 10 20 30 40 50

Figure 2-7 : Détermination du degré de fissuration avec l'indice de continuité


Donc toute roche, quelle que soit sa porosité n, peut être affectée d’un degré de
fissuration variant entre 0 et 100 %, avec DF exprimé en pour cent. Dans le plan
(IC-Porosité), les droites d’égale valeur du degré de fissuration forment un faisceau
Physique des Roches 45

(figure 2-7) situées sous la droite des milieux non fissurés. On peut donc, à partir de
la mesure de la porosité, de la vitesse des ondes Vp, et du calcul de l’indice de
continuité IC, estimer la densité de fissuration d’une roche.
La vitesse des ondes P est sensible à l'état de saturation des roches. Le modèle
classique explicatif est celui de Wyllie donnant la vitesse de propagation des ondes à
travers un milieu biphasique (phase 1 et 2) :
1 n 1% n
" + (2-23)
V V1 V2
où V1, V2 sont les vitesses de propagation dans les milieux 1 et 2, n et (1-n) sont les
proportions volumiques des milieux 1 et 2.
Cette approche donne des résultats satisfaisants pour des milieux consolidés saturés
(calcaires et grès) ; dans ce cas, le milieu 1 est le fluide, le milieu 2 la matrice, et n la
porosité.
Une autre formulation de la propagation d'une onde dans un milieu biphasique a été
proposée par Wyllie en tenant compte du module de compressibilité K et du
coefficient de Poisson 3. La relation reliant la vitesse V à K, 3 et à la masse
volumique # est de la forme :

#V 2
K" (2-24)
1+ q
où q est un paramètre déduit des relations d’équivalence entre modules élastiques,
fonction du coefficient de Poisson 3'
De nombreux auteurs ont proposé des formules de Wyllie modifiées selon le volume
de porosité présent. En réalité le milieu n’est pas toujours saturé en liquide et il peut
donc contenir de l’air et de l’eau ou plusieurs liquides. Les vitesses varient alors
selon la nature du liquide et son degré de saturation. Si on s’intéresse au cas d’une
roche partiellement saturée en eau les variations de Vp et Vs avec le degré de
saturation Sr sont relativement complexes car plusieurs effets se superposent. Si on
compare les vitesses Vp et Vs en milieu sec et saturé, on observe Vp sec < Vp saturé
et une petite tendance inverse pour Vs. Le module de compressibilité est plus élevé
en milieu saturé alors que le module de cisaillement reste constant et la densité
augmente avec la saturation.

1,15 Figure 2-8 : Influence de la porosité


Vpsat/Vpsec de fissure sur l'évolution des vitesses
Eu des ondes P à l'état sec et saturé pour
différents calcaires
Le
1,1 D2 L’effet de module l’emporte dans le
Gu2 cas des ondes P et Vp augmente. Pour
J1 les ondes S l’effet de densité est le
J2 J5 seul et Vs diminue. L’augmentation de
1,05 Gu3 la vitesse des ondes P dépend de la
D1 structure du réseau poreux et de la
valeur de la porosité de fissure (figure
Gu
2-8, pour différents calcaires). Des
nf (%)
1 1 exemples d’évolution des vitesses en
0 0,05 0,1 0,15 0,2 fonction du degré de saturation sont
46 Manuel de Mécanique des Roches

présentés sur la figure 2-9. Les vitesses décroissent globalement entre l'état sec et un
degré de saturation intermédiaire (Vp minimale) puis augmentent jusqu'à une valeur
maximale correspondant à la saturation totale. La saturation partielle de l'échantillon
provoque d'abord une augmentation de la densité donc une diminution de la vitesse.
Par contre, quand les pores sont presque totalement saturés, ils sont plus difficiles à
comprimer d'où une augmentation de la rigidité et de la vitesse. La compétition entre
effet de module et de densité est fortement dépendante du type de réseau poreux,
puisque les variations sont différentes pour différents calcaires.
Les roches bien que contenant des minéraux fortement anisotropes sont souvent
isotropes ou faiblement anisotropes. Si une anisotropie apparaît c’est qu’il existe
peut-être une orientation préférentielle des minéraux, mais surtout une orientation de
la microfissuration affectant l’échantillon. Les mesures de vitesses des ondes
permettent de mettre en évidence l’anisotropie de structure ou de fissuration et de
décider en fonction de son importance d’en tenir compte ou non dans un programme
d’essais mécaniques (chapitre 3). Considérons une symétrie hexagonale comme sur
la figure 2-10. La vitesse Vp sera la même suivant les directions principales 2 et 3 du
plan de base, mais elle sera plus faible dans la direction 1 affectée par les plans
d’anisotropie. Les ondes S sont émises et reçues par des céramiques polarisées de
manière à ce que le déplacement des particules se fasse perpendiculairement à la
direction de propagation. La vitesse de l’onde S suivant la direction 1 sera la même
dans toutes les directions, la vibration se faisant dans un plan homogène. Par contre
suivant les directions 2 ou 3 le plan d’anisotropie est parallèle à la direction de
propagation de l’onde.

Vp x 1000 (m/s) Figure 2-9 : Évolution de la vitesse


5,5 des ondes P avec le degré de
Gudmont 1 saturation dans différents calcaires
(Sw=Sr)
4,5 Lorsque plan d’anisotropie et plan
de polarisation de l’onde sont
Euville confondus l’amplitude du signal et
sa vitesse sont maximales (Vsmax) et
3,5 Dugny 2
lorsqu’ils sont perpendiculaires
Jaumont l’amplitude du signal et sa vitesse
sont minimales (Vsmin ). On définit
Sw (%) un indice de biréfringence IB qui est
2,5
0 20 40 60 80 100 une caractéristique du degré
d’anisotropie :
Vs max % Vs min
IB " (2-25)
Vs max
Pour une direction intermédiaire le signal se décompose en une composante
polarisée selon le plan d’anisotropie, l’autre étant perpendiculaire et à la réception
on aura deux signaux, dont l’un sera d’amplitude et de vitesse supérieure à l’autre.
Selon la symétrie du matériau étudié on détermine les directions de propagation et
de polarisation nécessaires à la détermination de tous les paramètres élastiques. Les
figures 2-10 et 2-11 montrent les directions de mesure nécessaires pour calculer tous
les paramètres de la matrice de raideur. Lorsque le système d’anisotropie est
complètement inconnu on peut le déterminer en multipliant les directions de mesure,
puis calculer les modules élastiques correspondants.
Physique des Roches 47

Vp1 Vp45 Vp1


1 Vs13
1 Vp12
Vp13
Vs21
Vs21
Vs23 Vs23
2
Vp2
2
3
Vp3 3

Vp3 Vp23
Figure 2-10 : Directions de Figure 2-11 : Directions de
propagation et correspondances avec propagation et correspondances avec
les éléments Cij de la matrice de les éléments Cij de la matrice de
raideur (symétrie hexagonale ou raideur (symétrie orthotrope)
isotrope transverse)

2.6 PROPRIÉTÉS THERMIQUES


2.6.1 CARACTÉRISTIQUES THERMIQUES
La loi de Fourier et l'équation de la chaleur (Annexe de ce chapitre) font intervenir
des propriétés thermiques des roches : la conductivité thermique 6 et la chaleur
spécifique C. La diffusivité thermique est définie comme le rapport :
6
a" (2-26)
#C
La mesure de la diffusivité a, de la masse volumique # et de la chaleur spécifique C
permet la détermination de la conductivité thermique (qui peut aussi être mesurée
directement).
La conductivité est un scalaire pour un corps thermiquement isotrope. Pour un corps
anisotrope la conductivité thermique est représentée par un tenseur d'ordre 2
symétrique, soit une matrice 3x3. Un milieu isotrope transverse comme celui de la
figure 2–10 est caractérisé par deux valeurs de conductivité thermique (ou de
diffusivité thermique) 611, et 622 = 633.
Les roches dans la nature sont au moins partiellement saturées en fluides et la
conduction de la chaleur peut être couplée à d'autres types de transferts tels que par
exemple le transfert de masse.
Les mécanismes de transfert dans les milieux poreux sont fortement influencés par
la configuration des pores et des minéraux. Le transfert de masse se produit
uniquement à travers la structure continue des pores connectés, tandis que le
transfert de chaleur peut impliquer la phase solide et les pores. Si l'on assimile les
solides poreux à des matériaux composites à phase matricielle (contenant
éventuellement des pores isolés) et à phase poreuse en réseau, on constate que les
transferts de chaleur et de masse sont complémentaires. Le transfert de masse
s'effectue uniquement par le réseau de pores, le transfert de chaleur se produit
essentiellement dans la phase minérale. Par conséquent, les variations en porosité
auront tendance à influencer les deux processus en sens inverse. L'étude du couplage
chaleur - masse fait l'objet de nombreux travaux à consulter dans la littérature
48 Manuel de Mécanique des Roches

spécialisée. Les techniques de mesure de la conductivité thermique s'effectuent en


régime permanent (plaque chaude gardée, fil chaud) ou en régime transitoire (flash).
La mesure en transitoire donne la diffusivité et il est nécessaire de déterminer par
microcalorimétrie la chaleur spécifique pour calculer la conductivité thermique.
2.6.2 PARAMÈTRES INTERVENANT SUR LES PROPRIÉTÉS THERMIQUES
Les principaux facteurs qui influencent les propriétés thermiques des roches sont :
! la variation de composition minérale et chimique ;
! la structure ;
! la température et les contraintes ;
! la porosité et la teneur en fluide.
Les roches sont formées de minéraux ayant des propriétés thermiques qui varient
aussi bien avec la température qu'avec la direction du flux de chaleur. Le quartz a la
conductivité moyenne la plus élevée (6moy = 7,7 W/m/K). La conductivité
thermique d'une roche dépend largement du minéral principal. Elle augmente avec la
masse volumique. Le tableau 2-4 donne les conductivités thermiques de quelques
roches à l'état sec.

TABLEAU 2-4 : VALEURS DE CONDUCTIVITÉ THERMIQUE DES ROCHES

Roches Origine Masse Chaleur Conductivité


Volumique spécifique thermique
kg/m3 J/kg.K W/m.K

Grès Vosges 2 650 2,7


Granite Limousin 2 600 700 2,8
Ardoise Angers 2 800 740 1,2 & 4,5
Argilite Tournemire 2 340 815 0,7 & 2
Marne Alsace 2 300 826 1,04 & 1,4
Argilite Aisne 2 220 845 0,75 & 1,4
Calcaire Euville 2 310 846 3,5
Sel 2160 870 6
Les deux valeurs de conductivité sont suivant les directions principales d'anisotropie

La plage de 1 à 6 W/m/K de la conductivité est relativement limitée alors que la


perméabilité varie de 7 à 8 ordres de grandeurs. L'anisotropie des minéraux et des
structures des roches influence la conductivité thermique. La conductivité thermique
est forte suivant les plans d'anisotropie (directions 2 et 3 figure 2-10) ; elle est plus
faible selon la direction perpendiculaire (direction 1 figure 2-10).
La conductivité thermique d'une roche, à l'état sec, diminue lorsque la température
augmente. L'anisotropie joue un rôle car la diminution est plus importante dans la
direction perpendiculaire à la schistosité que dans la direction parallèle (figure 2-12).
Pour les formations sédimentaires, à l'échelle du massif, la conductivité thermique
décroît lorsque la température augmente : la conductivité thermique de la matrice est
une fonction décroissante de la température, mais celle du fluide augmente
légèrement avec la température et la combinaison de ces deux effets conduit à une
décroissance significative de la conductivité thermique.
Physique des Roches 49

Les contraintes isotropes tendent à refermer les défauts de type fissure et la


conductivité thermique augmente légèrement. En général, la présence d'eau dans
un matériau poreux augmente la conductivité thermique au sein de ce dernier (figure
2-13). La conductivité thermique, à minéralogie identique décroît avec
l'augmentation de la porosité.
6 1,9
6 (W/m/K) 6 (W/m/K)
5 1,7 Direction 2 ou 3
4 Direction 2 ou 3 1,5
3 1,3
2 1,1 Direction 1
Direction 1
1 0,9
T°C Sr
0 0,7
0 50 100 150 200 250 300 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
Figure 2-12 : Conductivité thermique Figure 2-13 : Conductivité thermique
de schistes ardoisiers en fonction de la d'une argilite en fonction du degré de
température et de l'anisotropie saturation et de l'anisotropie
2.6.3 DILATATION THERMIQUE
Un solide homogène et isotrope, libre de toute liaison, soumis à une variation
uniforme de température T subit une déformation isotrope proportionnelle à T.
L’effet de la température se traduit par une dilatation ou une contraction. Si l est la
distance séparant deux points du solide, après échauffement (ou refroidissement),
cette distance subit une variation relative de longueur égale à
/l
" 4T (2-27)
l
avec 4, coefficient de dilatation linéaire du solide. En d’autres termes la variation
uniforme de température détermine sur une roche homogène isotrope et libre de
toute liaison, un tenseur de déformation uniforme :
7 ij " 4T8 ij (2-28)

La variation de volume associée est /V/V = 7ij = 34T. La quantité 4v=34 est
appelée coefficient de dilatation thermique volumique. Si la roche est anisotrope, il
est nécessaire de déterminer le coefficient de dilatation thermique suivant les
directions principales d’anisotropie.
Le coefficient de dilatation linéaire des roches varie en fonction de la minéralogie, la
texture, la porosité et la microfissuration. Il varie entre 5 10-6K-1 et 25 10-6K-1 pour
la plupart des roches. Il est de 40 10-6K-1 pour le sel gemme. Pour l’ardoise
perpendiculairement à la schistosité il est de 24 10-6K-1 alors que suivant les deux
autres directions principales il n’est que de 17 10-6K-1.
Dès lors que la roche n’est plus libre de toute liaison et/ou que la variation de
température n’est plus uniforme des contraintes d’origine thermique peuvent
apparaître dans la roche (chapitre 10).
50 Manuel de Mécanique des Roches

SÉLECTION BIBLIOGRAPHIQUE
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rocks. IPST, pp. 118-124, 1967.
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anisotropes. Thèse de Doctorat de l’INPL, Nancy, 175 p., 1991.
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les changements de phase eau-glace. Thèse de Doctorat de l’INPL, Nancy,
353 p., 1993.

ANNEXE : ÉQUATIONS DE PROPAGATION DES ONDES ET DE LA


THERMIQUE
PROPAGATION DES ONDES
Dans le cadre de l'élasticité linéaire régie par la loi de Hooke, expression simple de
la relation unissant la contrainte à la déformation, l'équation du mouvement d'une
onde dans un matériau isotrope s'écrit de la façon suivante :

92U
(6 + 2$) grad div U - $ rot rot U = # (2-29)
9t2
Physique des Roches 51

avec #, masse volumique du matériau, 6 et $, coefficients de Lamé.


Soient 0 un potentiel scalaire et : un potentiel vecteur tel que U = grad 0 + rot :.
Considérons d'abord un mouvement irrotationnel (rot U = 0 ; U = grad 0),
l'équation du mouvement d'une onde devient :

920
(6 + 2$) ;2 0 = # (2-30)
9t2
1/ 2
1 920 & 6 + 2$ )
;2 0 = 2 2 avec Vp " ( + (2-31)
Vp 9t ' # *
Si nous considérons maintenant un mouvement sans changement de volume tel que
U = rot: avec div rot: = 0, l'équation du mouvement de l'onde devient :
1/ 2
1 92 : & $)
;2 : = avec Vs " ( + (2-32)
V s2 9t2 ' #*
Un modèle viscoélastique linéaire est communément utilisé pour rendre compte de
la dissipation d'énergie durant le passage de l'onde, et donc de son atténuation.
Dans ce cas, l'équation du mouvement est donnée par :

92U 92U
# = M(<) (2-33)
9t2 9x2
où M(<) est un module complexe qui découle de la loi de comportement (<
pulsation).
Pour une onde plane, on démontre qu'une solution de l'équation du mouvement peut
s'écrire sous la forme :

U = Uo e[i(<t - k*x)] (2-34)

Avec x, distance parcourue par l'onde et k* nombre d'onde complexe. La solution


précédente peut également s'écrire :

< (2-35)
U = Uo e- 4x e[i<(t - x/c)], avec k* = c - i 4

où c et 4 sont des réels.


Le facteur e-4x exprime l'atténuation de l'onde et 4 est appelé coefficient
d'atténuation. L'autre paramètre le plus souvent rencontré pour décrire l'atténuation
est le facteur de qualité qui s'exprime par le rapport des parties réelle et imaginaire
du module complexe M(<) issu du modèle viscoélastique linéaire :
Mr
Q" (2-36)
Mi
Ce paramètre peut être défini comme le rapport de l'énergie maximale emmagasinée
pendant un cycle Wmax sur l'énergie /W dissipée durant ce cycle :
52 Manuel de Mécanique des Roches

2 !Wmax
Q" (2-37)
/W
Ces deux paramètres sont liés entre eux par la relation suivante :
!f !
Q" " (2-38)
QV 4
où f est la fréquence et V la vitesse de l'onde. Cette relation est simplifiée mais
donne une bonne estimation de la relation entre Q et 4.
LOI DE FOURIER ET ÉQUATION DE LA CHALEUR
Considérons un milieu continu, homogène, isotrope, thermiquement isolé et de
température non uniforme. Dans ce milieu, on considère les isothermes du champ de
température. Soit (S) la surface isotherme de température T, soit A un point de (S) et
n le vecteur normal à (S) au point A et orienté dans le sens des températures
décroissantes.
La loi de Fourier stipule que pour une petite surface 8s de dimension finie et tracée
sur (S) autour de A, traversée dans la direction n durant le temps 8t par la quantité
de chaleur 8Q, on pose a priori :

9T
8Q = - 6 8s 9n 8t (2-39)

9T
où 9n 8t (2-40)

désigne le gradient de température dans la direction normale. Exprimée


vectoriellement, la relation devient :
8Q " % 68s gradT.n 8t (2-41)
Cette loi de type phénoménologique est essentiellement locale. Le coefficient de
proportionnalité 6 est un paramètre physique appelé conductivité thermique. Il
traduit la conductibilité du matériau, laquelle peut dépendre de la température, de la
pression, de l'état mécanique, de la direction, etc.
La loi de Fourier s'exprime classiquement sous la forme :
q " %6gradT (2-42)
où q désigne le vecteur courant de chaleur (W m-2 ) et 6 le tenseur de conductivité
thermique (W/m/K) dont les coefficients 6ij sont les coefficients de conductivité
Considérons un milieu orthotrope c'est-à-dire un milieu pour lequel les coefficients
6ij se réduisent à trois. Dans ce cas :
9T
q i " %6 ii (2-43)
9x i
Dans le cas d'un milieu isotrope, 6 est un scalaire :
611 = 622 = 633 = 6 (2-44)
Physique des Roches 53

L'équation de la chaleur qui traduit le bilan de chaleur échangée s'exprime sous la


forme (en négligeant la production interne de chaleur et le couplage
thermomécanique) :
9T
#C " div; 2 T (2-45)
9t
#C est la chaleur volumique du matériau.
En prenant en compte la loi de Fourier on obtient, dans le cas du milieu isotrope :

9T & 92 T 92 T 92 T )
#C " 6( 2 + 2 + 2 + (2-46)
9t ' 9x1 9x 2 9x 3 *
CHAPITRE 3
COMPORTEMENT MÉCANIQUE DES ROCHES

3.1 INTRODUCTION
Les propriétés mécaniques des roches se divisent en deux catégories :
! les résistances à des sollicitations mécaniques : traction, compression uniaxiale
ou triaxiale, définissant des seuils ou critères de rupture ;
! les déformabilités sous l'effet des sollicitations mécaniques : modules
instantanés ou différés.
Au delà de ces propriétés, qui s’expriment par des données chiffrées, on préférera
parler de comportement, un terme plus général. Le terme de « loi de
comportement » désigne d'une manière générale l'expression mathématique de la
relation entre les contraintes et l'histoire des déformations subies par l'échantillon.
Dans ce chapitre, il ne sera fait référence qu’à des lois de comportement
élémentaires, élasticité et plasticité, les lois « avancées » étant présentées dans le
chapitre 8.
Le comportement et les propriétés mécaniques des roches sont étudiés au
laboratoire, à partir d'échantillons continus de dimensions centimétriques à
décimétriques. La représentativité d'échantillons de laboratoire, c'est-à-dire leur
aptitude à représenter les propriétés du site dont ils sont extraits, se heurte à
plusieurs types de difficultés :
! présence de fractures : certains types de fractures, présentes sur le site, peuvent
ne pas être présentes dans l'échantillon prélevé, trop petit pour les contenir, et
donc échappent à l'analyse (c'est notamment le cas pour les discontinuités
majeures - fractures régionales, failles... - qui ne sont évidemment pas
susceptibles de prélèvement). D'une manière générale, tout bloc extrait du site a,
en quelque sorte, déjà subi une « sélection naturelle » interdisant la présence de
discontinuités importantes (qui conduiraient à une division du bloc en blocs plus
petits) ;
! hétérogénéité du massif : certains massifs sont hétérogènes, c'est-à-dire formés
d'éléments de propriétés mécaniques différentes, par exemple alternance de
schistes et de grès ;
! variabilité des propriétés mécaniques au sein du massif rocheux, même au
sein d'une formation identifiée ; il convient alors d’utiliser la géostatistique pour
décrire et modéliser la nature de cette variabilité et, éventuellement, le type
d'échantillonnage à effectuer en vue d'une « représentativité correcte » ;
! enfin l'effet d'échelle : les roches présentent généralement un « effet d'échelle »
plus ou moins marqué, lié à la présence au sein de la matrice rocheuse, de divers
types d'hétérogénéités et de discontinuités ; cet effet d'échelle se manifeste par
le fait que les propriétés mécaniques mesurées sont fonction des dimensions de
l'éprouvette.
L'étude des discontinuités présentes dans le massif rocheux, et susceptibles d'en
affecter les propriétés mécaniques, fait l'objet des chapitres 4 et 5. Les
56 Manuel de Mécanique des Roches

hétérogénéités du massif rocheux sont également évoquées dans le chapitre 4. Dans


ce chapitre on aborde l’effet d’échelle, dans la mesure où il influence directement les
résultats des essais mécaniques.

3.2 LES ESSAIS DE BASE


Les essais de base mettent en jeu trois types de sollicitations :
! traction : traction indirecte (ou essai brésilien) ;
! compression uniaxiale (ou monoaxiale ou simple) ;
! compression triaxiale (isotrope et déviatorique).
Il existe un certain nombre de recommandations, en particulier éditées par la SIMR
(Société Internationale de Mécanique des Roches) dont certaines préconisent le
choix de dimensions des éprouvettes à essayer. L’AFNOR a édité très récemment
des normes fixant les caractéristiques des éprouvettes et les conditions
expérimentales pour les essais de base. Dans ce paragraphe on se limitera aux
propriétés de résistance, l’aspect comportement étant présenté aux §3.3 et 3.4.
3.2.1 LES ÉPROUVETTES
Il est recommandé d’essayer des éprouvettes « les plus grandes possible » compte
tenu des moyens techniques du laboratoire, de façon à intégrer au mieux les
hétérogénéités minérales et les discontinuités du volume poreux. En tout état de
cause seule la dimension minimale, liée à la taille des grains, est fixée: le diamètre
doit être au moins égal à dix fois la taille des plus gros éléments. L’AFNOR
recommande une dimension minimale de 40 mm de diamètre. Il est préférable de
garder constant le diamètre pour la série d’essais : traction indirecte, compression
uniaxiale et triaxiale.
Les éprouvettes, de forme cylindrique, sont prélevées par découpage (carottage,
sciage et rectification) à partir de blocs ou de carottes de plus grandes dimensions
prélevées sur le site. L'orientation des éprouvettes s'effectue, par référence aux
directions S1, S2, S 3 identifiées sur le site (chapitre 4). Ainsi, s'agissant d'une
formation sédimentaire, l'axe S3 est perpendiculaire aux plans de stratification, dans
lequel les directions S1 et S2 sont souvent indifférenciées.
Un soin particulier doit être apporté à la qualité de la découpe et de la rectification :
parallélisme des faces, perpendicularité avec les génératrices, obéissent à des
spécifications rigoureuses. La rectifieuse doit permettre de garder l’éprouvette fixe,
le retournement étant assuré par le marbre sur lequel l’éprouvette est disposée par
l’intermédiaire de vés.
3.2.2 ESSAI DE TRACTION INDIRECTE
La réalisation d'essais de traction directe se heurte au problème classique du collage
des têtes d'éprouvette sur le dispositif intermédiaire de la machine d'essai. La
résistance maximale à la traction peut être limitée par celle de l’interface colle-
éprouvette, ce qui est le cas pour les roches de résistance à la traction supérieure à
15 MPa.
C’est pourquoi un essai de traction indirecte, l’essai brésilien, a été emprunté au
domaine du béton. L’éprouvette d’élancement (hauteur/diamètre) minimal égal à un,
subit une compression suivant deux génératrices opposées. Cette compression
s’exerce par l’intermédiaire de pièces métalliques (figure 3-1) ou en interposant un
Comportement mécanique des roches 57

carton d’épaisseur millimétrique, pour « gommer » les irrégularités éventuelles des


génératrices du cylindre. La vitesse de mise en charge recommandée par la SIMR est
de 200 N/s. La résistance à la traction est calculée par :
2P
!t " (3-1)
"DL
avec : !t résistance à la traction, P effort à la rupture, D diamètre de l'éprouvette, L
longueur de l'éprouvette. L’état de contrainte au centre de l’éprouvette, au moment
de la rupture, est représenté par une contrainte de compression verticale !y égale à :
6P
!y " (3-2)
"DL
avec les mêmes notations que celles de l’équation (3-1), tandis que la contrainte
horizontale !x a pour valeur celle de l’équation (3-1). L’essai brésilien n’est un essai
de traction que pour les matériaux fragiles : les roches, le béton, le verre. La rupture
doit impérativement se produire à partir du centre, sous forme d’une fracture unique
verticale. Il peut y avoir des difficultés expérimentales dans le cas de roches
fortement anisotropes et pour les roches ductiles (sel, argiles..).

Plateau
supérieur

Eprouvette

Plateau
inférieur

Figure 3-1 : Dispositif pour essai Figure 3-2 : Frettage d'une éprouvette
brésilien en compression
3.2.3 ESSAI DE COMPRESSION UNIAXIALE
C'est l'essai le plus communément réalisé. Il est effectué sur éprouvettes
cylindriques, d'élancement L/D (L, hauteur, D diamètre) compris entre 2 et 2,5.
L’élancement est un point important qui se comprend lorsqu’on examine les
conditions de contact machine-éprouvette. Il existe un état de contrainte non
homogène dans des zones en forme de cône (figure 3-2) correspondant à un frettage
de l’éprouvette. Le frettage est dû au frottement empêchant le déplacement libre des
extrémités de l’éprouvette, engendré par le contraste de déformabilité entre la roche
et les plateaux de la presse. Les roches sont toujours plus déformables que les aciers
avec lesquels elles sont en contact durant l'essai. Ce frettage augmente
artificiellement la résistance à la compression de l'éprouvette. Il convient donc de
diminuer les zones d'influence du frettage en jouant sur l’élancement :
! élancement faible (L/D = 1) : les deux cônes s'interpénètrent, la résistance à la
compression est alors surévaluée ;
58 Manuel de Mécanique des Roches

! L/D = 2 : les cônes sont séparés, la distribution des contraintes au centre de


l'éprouvette n’est plus perturbée :
! élancement fort (L/D = 3) : les cônes sont bien éloignés mais il y a risque de
compression excentrée de l'éprouvette, si les faces ne sont pas rigoureusement
parallèles.
Il faut noter que la Société Internationale de Mécanique des Roches interdit
l’interposition de matériau ou de produit entre l’éprouvette et les plateaux de la
presse, excepté des plaques d’acier d’épaisseur comprise entre 15 mm et D/3 et de
diamètre égal à celui de l’éprouvette. La machine d’essai doit être assez rigide
(colonnes de diamètre approprié et faible course des vérins), hydraulique et si
possible asservie. L’usage de machines mécaniques est prohibé. Le plateau supérieur
peut être équipé d’une rotule. Le centrage de l’éprouvette doit alors être rigoureux.
L'essai est conduit à partir d'un chargement monotone croissant (soit à vitesse de
déformation, soit à vitesse de contrainte uniaxiale fixée). La normalisation n’impose
pas de vitesse, mais conseille une durée d'essai comprise entre cinq minutes et
quelques dizaines de minutes, de manière à ne pas induire d’effets différés.
On appelle résistance à la compression (notée ! c) la contrainte maximale
supportée par l'échantillon lors d'un essai à chargement monotone croissant. Cette
valeur constitue une première information très utile et parfois suffisante sur les
performances mécaniques escomptées de la roche. L'étendue des valeurs des
résistances est grossièrement comprise entre 1 et 200 MPa. Les valeurs inférieures à
5 MPa correspondent à des roches qualifiées de « très tendres » ; des valeurs
supérieures à 100 MPa caractérisent des roches dites « très résistantes ».
Dans le cas d'échantillons dont l'anisotropie est avérée, il convient d'orienter la
direction de sollicitation suivant les axes principaux de l’anisotropie et de définir des
valeurs des résistances suivant ces axes, sans oublier que le minimum de résistance
peut être obtenu dans une direction biaise.
Le rapport entre la résistance à la compression uniaxiale et la résistance à la traction
donne un indice de fragilité, qui est une caractéristique importante de comportement.
Ce rapport varie usuellement entre 5 (roche peu fragile) et 30 (roche très fragile).
3.2.4 ESSAI TRIAXIAL
Figure 3-3 : Cellule pour essai triaxial
Cet essai est réalisé sur des éprouvettes identiques
à celles de l’essai de compression uniaxiale, mais
le dispositif expérimental limite souvent
l’élancement aux environs de 2. Il s’agit d’un essai
triaxial de révolution où !2 = !3 = Pc (pression de
confinement). L’éprouvette est placée dans une
jaquette étanche et souple, pour les roches tendres,
plus rigide pour les roches raides. La figure 3-3
donne un exemple de schéma de cellule triaxiale,
dimensionnée pour supporter des confinements
courants de 1 à 40 MPa, ce qui impose des parois
épaisses en acier. De plus la charge axiale doit être
transmise par un piston rigide de même diamètre que l’éprouvette. L’essai est
conduit en imposant d’abord un chargement hydrostatique !1 = !2 = !3 = Pc. Puis la
contrainte axiale est augmentée en respectant une consigne de vitesse de mise en
Comportement mécanique des roches 59

charge constante ou de vitesse de déformation constante, jusqu’au maximum qui


correspond à la résistance à la compression triaxiale.
A partir des valeurs de résistance à la traction, à la compression uniaxiale et à la
compression triaxiale, sous plusieurs confinements, il est possible de déterminer un
critère de rupture (§3.6.2 et chapitre 9).

3.3 GÉNÉRALITÉS SUR LES CONDITIONS EXPÉRIMENTALES


La réalisation de tout essai mécanique s'effectue selon un chemin de sollicitation
qui résulte de l'exécution d'un programme (ou « consigne ») prédéfini ; le
programme fixe les paramètres d'exécution de l'essai - contraintes ou déformations -
et leur évolution dans le temps, la machine d'essai devant suivre le déroulement du
programme, à partir du contrôle des paramètres d'asservissement. Le trajet de charge
résulte de l'exécution :
! soit d'une consigne en déformation (par exemple essai effectué à vitesse de
déformation imposée #̇ constante) ;
! soit d'une consigne en contrainte (par exemple !˙ constante).
Le dispositif d'asservissement de la presse a pour objet l'exécution de l'essai
conformément au programme prédéfini ; de la qualité de l'asservissement dépend
celle de l'essai ; or l'essai peut ne pas se dérouler correctement, en particulier si des
phénomènes de perte de résistance de l'échantillon au moment de la rupture
imposent une variation trop rapide du dispositif de correction (par exemple, une
consigne de type d!/dt = constante peut s'avérer impossible à exécuter si la
contrainte vient à excéder la résistance de l'échantillon). Divers types de trajets de
charge peuvent être exécutés ; leur définition est fonction de l'objet et de la
destination de l'essai envisagé. Parmi les plus usuels, citons :
! chargement monotone croissant (de type #̇ = constante ou !˙ = constante) ;
! chargement croissant jusqu’à un certain niveau, suivi d’un déchargement et
d’un rechargement jusqu’à un niveau plus élevé. On peut ainsi réaliser 3 à 5
cycles jusqu’à la rupture ;
! chargement cyclique autour d'une position moyenne (essai de fatigue).
Les grandeurs physiques mesurées sont principalement :
! des forces : par exemple force exercée par la presse de compression sur
l'échantillon ;
! des pressions : pression du fluide dans une cellule triaxiale ;
! des déplacements : déplacement relatif des plateaux de la presse mesurés par
des capteurs de déplacement, déplacements axiaux et radiaux de l’éprouvette
par l’intermédiaire d’un collier de mesure équipé de capteurs, déplacements
particulaires d'éléments de matière sur un échantillon (mesurés par traitement
numérique d'images prises en cours d'essai) ;
! des déformations par jauges d’extensométrie ;
! des volumes et débits liquides : variation du volume d'huile ou volume de fluide
expulsé de l’éprouvette saturée au cours d’un essai triaxial ;
! le temps ;
! la température.
60 Manuel de Mécanique des Roches

Mentionnons plus particulièrement les mesures d'extensométrie par jauges de


déformation (strain gages), dont la mise en place nécessite une attention
particulière : longueur de jauge par rapport aux hétérogénéités de la matrice
rocheuse, sensibilité à la pression de confinement et à l’eau (dans ce cas il faut
soigner le dispositif d’étanchéité), risque de dérive lors d'essais de longue durée.
Moyennant les précautions et la technicité nécessaires, ces mesures d'extensométrie
sont toutefois parfaitement fiables et fournissent des mesures locales, en zone non
frettée, de grande qualité.
Les essais mécaniques peuvent être réalisés à température ambiante pour la plupart
des problèmes courants. Il peut être nécessaire de contrôler rigoureusement la
température durant les essais mécaniques et particulièrement pour les essais de
longue durée et les essais de fluage (§3.8). Il est nécessaire de réaliser des essais
mécaniques sous température pour divers problèmes, par exemple, stockage de
déchets exothermiques, exploitation du pétrole dans les gisements haute
température. Dans ce chapitre, il ne sera question que du comportement à
température dite ambiante.

3.4 COMPORTEMENT MÉCANIQUE SOUS SOLLICITATION ISOTROPE


Les procédures d’essai présentées au §3.2 permettent d’obtenir la résistance de la
roche, ce qui n’est pas toujours suffisant. Il est nécessaire de caractériser le
comportement, ce qui signifie d’obtenir des réponses à des questions, dont la
première est particulièrement importante :
! la roche est-elle isotrope ?
! la roche est-elle microfissurée naturellement ?
L'essai de compressibilité ou de compression isotrope permet de répondre à ces
questions et ceci de façon très simple. En effet, si la roche est sans microfissures et
homogène, élastique et isotrope, sa réponse # à une sollicitation de type
hydrostatique (sphérique) est :
! identique dans toutes les directions de l'espace ;
! linéaire en fonction de la contrainte (!1 = !2 = !3 = pression de confinement Pc)
Pc (1 % 2 $)
#" (3-3)
E
avec E module de Young et $ coefficient de Poisson.
En conséquence tout écart aux deux réponses attendues précédentes donnera des
indications sur le caractère isotrope et /ou microfissuré de la roche.
3.4.1 PRINCIPE DE L’ESSAI
L'essai se pratique sur des cubes dont les dimensions sont suffisamment grandes par
rapport à la taille du plus grand constituant élémentaire. Ce cube est découpé en
fonction de la structure de la roche, ce qui n'est pas toujours, a priori, évident...
Notons S1 la normale au plan repéré (stratification, schistosité). Supposons connues
les deux autres directions principales orthogonales de structures, qui sont alors
notées S2 et S3.
Rappelons que si
! S1, S2 et S3 sont orthogonales, la roche est dite orthotrope ;
Comportement mécanique des roches 61

! S2 et S3 ne jouent aucun rôle particulier la roche est dite isotrope transverse.


Le cube est, après séchage, équipé de jauges d'extensométrie selon la figure 3-4. Le
cube est ensuite gainé, par exemple d'un enduit silicone, pour éviter toute
pénétration de fluide durant l’essai (figure 3-5).
S3

#1

S2
#2

#3

S1

Figure 3-4 : Orientation du cube par Figure 3-5 : Exemple de cube


rapport aux axes de structure et instrumenté et gainé de silicone (une
positionnement des jauges fenêtre a été découpée ; les jauges sont
groupées en rosette
Le cube est placé dans une enceinte de pression. Il est sollicité par l'intermédiaire
d'un fluide dont on contrôle la pression. Notons #i la déformation dans la direction
Si. La figure 3-6 présente schématiquement les réponses des trois jauges en fonction
de la pression de confinement Pc.
Pc 1, 2, 3 Pc 2, 3 Pc 3 2

1 1

# # #
a b c

Figure 3-6 : Résultats schématiques d'essais de compressibilité


Si les trois jauges donnent les mêmes réponses #1 = #2 = # 3 : la roche est
probablement isotrope. Dans le cas où nous supposons l'isotropie, la variation de
volume est égale à :
&V 3(1 % 2 $) P
" #1 ' # 2 ' # 3 " Pc " c (3-4)
V E K
avec K module de compressibilité.
62 Manuel de Mécanique des Roches

Si #2 = #3 ' #1: la roche est probablement isotrope transverse et le plan (S2, S3 ) est
un plan isotrope.
Si #2 ' #3 ' #1: la roche est peut être orthotrope.
3.4.2 CARACTÉRISATION DE LA MICROFISSURATION NATURELLE
Schématisons une microfissure sous forme d’un ellipsoïde aplati, caractérisé par un
grand axe de longueur 2c et une ouverture 2a (figure 3-7). Cette fissure est définie
par un coefficient de forme a/c de l’ordre de 10-3. Sous l'effet d'une charge normale,
l'ouverture va diminuer jusqu'à ce que les lèvres de la fissure se touchent.
Supposons qu'une roche isotrope possède une population de fissures de ce type,
réparties de manière aléatoire et effectuons un essai de compressibilité. Du fait de
l'isotropie et de la répartition aléatoire des microfissures, la réponse des jauges sera
telle que #1 = #2 = #3. La figure 3-8 représente l'évolution de la variation de volume
&V/V en fonction de la pression Pc.
Pc
B
p

2a

Pf A
2c

0 &V/V
nf

Figure 3-7 : Représentation Figure 3-8 : Exemple d'essai de


schématique d'une fissure naturelle en compressibilité sur une roche isotrope
forme de pièce de monnaie microfissurée
On décompose les courbes en deux parties :
! OA, à concavité vers le bas, où les microfissures se ferment progressivement en
commençant par les fissures ayant le rapport a/c le plus petit ;
! AB, linéaire représentant le comportement élastique de la roche.
Le point A correspond donc à la fermeture de toutes les microfissures : la pression
correspondante sera appelée pression de fermeture Pf. L’écart sur l'axe &V/V par
rapport à l'élasticité, correspond au volume de toutes les microfissures : il s'agit donc
de la porosité de fissures nf = Vf/Vt.
3.4.3 ÉTUDE DE QUELQUES EXEMPLES
La figure 3-9 indique le repère structural d’un essai de compressibilité (figure 3-10)
avec des cycles de chargement-déchargement sur un marbre présentant un plan de
foliation dont la normale est S1. On remarquera que les parties linéaires (AB) ont
sensiblement la même pente, ce qui signifie que ce marbre est isotrope. Par contre,
on constate que la fermeture est nettement plus importante dans la direction de S1,
ce qui permet d'affirmer que les microfissures sont orientées préférentiellement dans
le plan de foliation.
Comportement mécanique des roches 63

L'étude des cycles chargement-déchargement permet de constater que les fissures


fermées au premier cycle de chargement ne se rouvrent qu'en partie au cours du
déchargement. Par contre cet effet disparaît après le premier cycle.

! (MPa) #3 #2 #1

S1 40

30

20
S3
10

S2 # .10-4
0
1 2 3 4 5
Figure 3-9 : Repère structural Figure 3-10 : Essai de compressibilité
sur un marbre présentant un plan de
foliation
La figure 3-11 montre un essai de compressibilité sur une ardoise, qui présente une
anisotropie forte due à la présence d'un plan de discontinuité (plan de fissilité). La
direction S1 est prise perpendiculaire à ce plan. On remarque que, les déformations
selon S2 et S3 sont sensiblement identiques tant du point de vue « fermeture des
fissures » que du point de vue de l'élasticité. Par contre la réponse selon S1 est très
différente:
! la fermeture des fissures est beaucoup plus importante, ce qui indique que les
microfissures sont dans le plan de schistosité et c'est ce qui permet le délitage
des ardoises ;
! la pente des déformations élastiques est différente, ce qui semble indiquer que
cette roche est isotrope transverse.
La figure 3-12 présente un essai de compressibilité sur un échantillon d'argilite : la
direction S1 est prise perpendiculaire au plan de stratification.
60 60
Pc (MPa) Pc (MPa)
#3 #2 #1
#2 #3 #1
40 40

20 20

#.10-6 #.10-3
0 0
0 500 1000 1500 0 5 10 15
Figure 3-11 : Essai de compressibilité Figure 3-12 : Essai de compressibilité
sur une ardoise sur une argilite
64 Manuel de Mécanique des Roches

L'allure des courbes présentées est très semblable à celle de l’ardoise et les
conclusions voisines. Les remarques portent sur l'interprétation de la « fermeture des
fissures »: dans le cas d'une argilite, il est plus correct de parler de « serrage des
feuillets argileux » que de fermeture de fissures. Notons que le mécanicien des sols
interprète cette partie convexe comme étant indicatrice d'un état de surconsolidation
du matériau et que la pression Pc serait la pression de consolidation.
3.4.4 CAS DES ROCHES TRÈS POREUSES : PRESSION D'EFFONDREMENT
DES PORES
Figure 3-13 : Essai de
60 compressibilité sur une craie
Pc
Les matériaux très poreux, par
exemple les craies, présentent
40 lors de l’essai de compressibilité,
un comportement particulier. Un
exemple est donné par la figure
20
Pt 3-13, qui présente l'évolution de
la variation de volume en
Pcol. fonction de la pression de
#v 10-2 confinement. A partir de
0 l'examen des résultats de cet
0 4 8 12 16 essai, on peut faire les remarques
suivantes :
! la craie ne présente pas de microfissures décelables, le comportement est
linéaire élastique dès l'origine ;
! à partir d'une certaine pression pcol, la variation de volume (compaction) est
plus grande que dans la zone élastique, ce qui signifie que la microstructure
commence à évoluer (destruction des joints de grains) pour réduire sa porosité.
La pression Pcol correspond donc à une pression de début d'effondrement de
structure. Elle est appelée « pression d'effondrement des pores » (p o r e
collapse) ;
! au delà d'une certaine pression Pt, le gradient de variation de volume s'inverse à
nouveau: la roche semble « se raidir ». En fait, à partir de la pression Pt
l'effondrement de la microstructure poreuse tend à se stabiliser.
La pression Pcol joue un grand rôle dans la compaction des réservoirs pétroliers. La
valeur de cette pression dépend de la nature de la roche, c'est à dire de la nature des
joints de grains, et de la porosité : plus la porosité de la roche est importante, plus la
valeur de Pcol diminue.
3.4.5 REMARQUES SUR L'ISOTROPIE
La disposition des jauges de la figure 3-4 ne permet pas de conclure avec certitude
que les résultats de la figure 3-6a conduisent à une roche isotrope, et que les résultats
de la figure 3-6b conduisent à une roche isotrope transverse. L'hypothèse d'isotropie
impose de vérifier la même propriété quelle que soit l'orientation. Or les jauges
d'extensomètrie ont été placées selon trois directions particulières. Pour s'assurer de
la validité de l'hypothèse d'isotropie, soit spatiale soit planaire, il est nécessaire
d’ajouter des jauges suivant trois autres orientations.
Comportement mécanique des roches 65

3.4.6 VALIDATION DES MODULES ÉLASTIQUES


L'essai de compressibilité est un essai dont les conditions aux limites sont
parfaitement maîtrisées et qui permet facilement de caractériser le comportement
élastique. Il peut être utilisé pour valider la détermination des paramètres des
roches.
Roche isotrope
Dans le cas d'une roche isotrope, l'essai de compressibilité permet de déterminer le
module de compressibilité K. Ce module de compressibilité est lié au module de
Young et au coefficient de Poisson (équation 3-4). Supposons les modules E et $
déterminés à partir d'autres essais : compression uniaxiale, compression triaxiale, par
exemple. On peut ainsi vérifier la qualité des paramètres obtenus ainsi que la qualité
de l'hypothèse d'élasticité postulée dans ces autres essais pour obtenir ces
paramètres.
Roche isotrope transverse
Les déformations théoriques selon les directions S1 et S 2 sont respectivement
(Annexe de ce chapitre) :,
( 1 2$ + (1 % 2 $12 +
#1 " * % 21 - Pc ; #1 " * - Pc (3-5)
) E1 E2 , ) E1 ,
( %$ 1 % $ 23 + (1 % $ 21 % $ 23 +
# 2 " * 12 % - Pc ; # 2 " * - Pc (3-6)
) 1E E 2 , ) E2 ,
Avec E1, E2 modules de Young principaux et $ 12 , $23, $21 coefficients de Poisson
principaux (définitions dans l'annexe) déterminés par d'autres essais. Ces deux
relations permettent ainsi de valider la détermination de ces modules.

3.5 COMPORTEMENT EN COMPRESSION UNIAXIALE


3.5.1 COURBES CONTRAINTE-DÉFORMATIONS
L'essai de compression est effectué avec enregistrement simultané des déformations
axiales #a et des déformations transversales #t (dans le cas d’une roche isotrope). Un
exemple de disposition de ces jauges en position axiale et transversale est présenté
sur la figure 3-14. Le nombre idéal de jauges est de trois selon chaque direction.
On ne considère ici que la moyenne des mesures suivant une direction, après
élimination éventuelle des valeurs considérées comme aberrantes (mauvais
fonctionnement d’une jauge, rupture prématurée d’une jauge). La déformation
volumique de l'échantillon durant l'essai a pour expression :
&V/V = . = #a + 2#t (3-7)
Classiquement, on représente sur un même graphique les deux courbes !1 - #a et ! 1
- #t auxquelles on associe la courbe !1 - . ( figure 3-15). La référence élastique
isotrope conduit à la définition du module de Young ou module d'élasticité et du
coefficient de Poisson par les relations classiques :
#
!1 " E# a ; $"% t (3-8)
#a
66 Manuel de Mécanique des Roches

!1
!c

!l
!d

!f

!r
!s

#3 #1

Figure 3-14 : Figure 3-15 : Courbes contrainte-déformations axiale,


Position des transversale et volumique
jauges
Le coefficient de Poisson, théoriquement compris entre -1 et 0,5 est pratiquement
compris entre 0,15 et 0,45 pour la plupart des roches. Des valeurs élevées sont à
mettre en relation avec le développement de microfissures ou de déformations
plastiques au sein de la roche. L'étendue des valeurs de module de Young est
comprise entre 1 GPa (roche qualifiée de « très déformable ») et 100 GPa (roche
qualifiée de « très raide »). L'une des questions fondamentales qui se pose à
l'ingénieur est de savoir dans quelle mesure, ou dans quel domaine de sollicitation,
la roche présente un comportement élastique. Si tel est le cas, la détermination de E
et $ définit sa loi de comportement élastique et l'identification d'un « domaine
d'élasticité » constitue une donnée essentielle pour la validité d'une loi de
comportement.
L’identification de la zone élastique est souvent assimilée à la zone linéaire de la
courbe ! 1 - #a alors qu’en toute rigueur, il faut vérifier la réversibilité du
comportement par un cycle déchargement-rechargement. La pente de la courbe !1 -
#a en chargement continu, correspond à un module enveloppe (ou module tangent).
Elle est différente des pentes des cycles déchargement-rechargement : Eenveloppe '
Edéchargement = Erechargement. Ces deux derniers modules sont égaux s’il n’y a pas
d’effets différés dans le comportement, ni d’effet de presse. Une autre difficulté
dans l’évaluation des modules est liée au frettage : si on emploie des capteurs de
déplacement entre plateaux de la presse, les déformations sont plus importantes du
fait des interfaces et de l’inhomogénéité des déformations le long de l’éprouvette. Le
module correspondant est inférieur au module calculé à partir des mesures de
déformation des jauges collées en partie centrale de l’éprouvette. Une analyse des
courbes contrainte-déformations axiale, transversale et volumique permet d'identifier
les différents seuils correspondant aux mécanismes conduisant aux déformations et à
la ruine de l’éprouvette. Le comportement est dominé par :
! la microstructure de la roche : composition minéralogique, forme et agencement
des minéraux, nature des contacts interminéraux, nature de la porosité et de
l'agencement des vides (porosité de pores et/ou de fissures), présence éventuelle
de fluides interstitiels ;
! le niveau de la contrainte appliquée.
Comportement mécanique des roches 67

Décrivons le comportement d’un granite dans lequel on distingue usuellement cinq


étapes successives :
! pour de faibles niveaux de contrainte cette roche initialement microfissurée
présente généralement une phase dite de serrage, l'application de la charge
provoque une fermeture progressive des microfissures, et donc une
augmentation de la raideur : la courbe ! 1 - #a présente une concavité comme
indiqué sur la figure 3-15. La contrainte ! s correspond au début du
comportement linéaire consécutif à la phase de serrage. Cette phase
s'accompagne souvent d'émissions acoustiques liées à la fermeture progressive
du réseau microfissural ;
! pour des niveaux de contraintes supérieures à ! s, le comportement est
généralement élastique, linéaire et réversible, jusqu'à un niveau de contrainte !f
à partir duquel apparaît, sur la courbe !1 - #t un écart par rapport à la linéarité :
#t augmente alors plus vite que dans la phase élastique ;
! cette déformation est liée à l'ouverture et à la propagation des fissures
préexistantes ou à l’amorçage de nouvelles fissures. Des événements
acoustiques se manifestent à nouveau. L'ouverture des fissures se traduit par une
évolution de la variation de volume . qui diminue moins vite que dans la phase
élastique. A mesure que la contrainte !1 augmente, le phénomène de dilatance
transversale prend de l'ampleur jusqu'à un niveau de contrainte !d (seuil de
dilatance) à partir duquel la variation de volume . change de sens : à ce
moment, l'augmentation de volume compense la diminution de volume due à la
contraction élastique. Cette phase s’accompagne d'une très nette recrudescence
des émissions acoustiques, traduisant une évolution instable du réseau fissural
par coalescence des fissures ;
! à partir du niveau de contrainte défini par !d, toute augmentation de !1 induit
un développement instable et non contrôlé du réseau fissural, qui induit à son
tour un endommagement croissant de la roche. Les déformations axiales cessent
d’être linéaires (ce seuil ! l est appelé abusivement limite élastique), jusqu’à la
résistance à la compression !c, pic de la courbe ;
! le comportement post-pic, essentiellement régi par les frottements mutuels des
fragments de roche, n’est que rarement marqué par l’établissement d’une
résistance résiduelle !r sous sollicitation uniaxiale (granite altéré ou très
microfissuré).
3.5.2 EXEMPLES DE COMPORTEMENT
Des figures présentent des courbes contrainte-déformations axiale, transversale et
volumique pour un grès très tendre (figure 3-16), un calcaire à organismes (figure 3-
17) et une marne (figure 3-18). Le grès tendre présente des déformations axiales non
linéaires en début de chargement, un comportement fortement non linéaire pour les
déformations transversales. La courbe volumique est entièrement non linéaire, le
seuil de dilatance est très bas. Les pentes des cycles déchargement-rechargement
sont quasi-identiques. Les déformations permanentes sont importantes.
Le calcaire présente une petite phase de serrage, ensuite une partie linéaire et une
phase non-linéaire avant le maximum (courbe !-#a). La courbe !-#t montre un seuil
de fissuration très net. La courbe !-#a de la marne est rapidement non-linéaire, les
déformations irréversibles sont croissantes. Les déformations transversales cessent
d’être linéaires à peu près au même seuil que les déformations axiales. La dilatance
se produit très tardivement.
68 Manuel de Mécanique des Roches

12
!1 (MPa)
10
!t . !a
8

2
#.10-3
0
-6 -4 -2 0 5 10
Figure 3-16 : Courbes !1 - #a , #t et . ; grès

!1 (MPa)
40

#t . #a
30

20

10

#.10-3
-0,5 0 0,5 1,5

Figure 3-17 : Courbes !1 - #a , #t et . ; calcaire

25 !1 (MPa)

#t . #a
20

15

10

5
#.10-3
0
-2 -1 0 2 4

Figure 3-18 : Courbes !1 - #a , #t et . ; marne


Comportement mécanique des roches 69

3.5.3 CAS DES ROCHES ORTHOTROPES


Les roches orthotropes sont caractérisées par 5 modules élastiques (Annexe) : 2
modules de Young principaux E1, E2 , 2 coefficients de Poisson principaux $12 (ou
$ 21), $ 23 et un module de cisaillement G12. Les quatre premiers modules peuvent
être déterminés à partir d'essais de compression uniaxiale comme dans le cas des
roches isotropes, en revenant à la signification physique de ces paramètres. Le
module G12 est déterminé par des essais « clinotropes ».
Essais en axes principaux
Les essais de compression simple sont effectués suivant les axes de structure S1 et
S2 par exemple. Les éprouvettes sont équipées de jauges comme sur la figure 3-19.

S1 S2
S1 X1
S2 S1

X3
S3 S1
S3
S2

S3 plan
d’anisotropie

Figure 3-19 : Instrumentation pour les Figure 3-20 : Essai clinotrope sur
modules principaux roche isotrope transverse
Pour l'essai de compression selon S1 la jauge axiale permet de calculer le module de
Young E1 et la jauge transversale, le coefficient de Poisson $ 12 . Pour l'essai de
compression selon S2, la jauge axiale permet de déterminer E2, la jauge transversale
collée dans le plan [S2, S3], le coefficient de Poisson $23, la jauge transversale collée
perpendiculairement à la schistosité, c’est-à-dire au plan [S2, S3], le coefficient de
Poisson $21.
Essais clinotropes - Mesure de G12
Effectuons une rotation . du repère principal des contraintes autour de S2 et
caractérisée par "+2 % . " S(1,X1). Pour un essai de compression réalisé dans une
orientation . différente de 0° et 90°, une jauge axiale (figure 3-20) donne une valeur
du module E(.) qui doit être égale à (Annexe de ce chapitre) :

1 sin 4 . ( 1 $ $ + cos 4 .
" '* % 12 % 21 - sin 2 . cos 2 . ' (3-9)
E (. ) E1 ) G12 E1 E2 , E2

Les paramètres E1, E2, $12, $21 étant connus, le calcul de G12 s'en déduit. Il est donc
possible, de déterminer le module de cisaillement G12 par jauges d'extensométrie. Il
faut néanmoins faire très attention à bien mesurer un paramètre élastique E(.), car la
présence de microfissures dans le plan d’anisotropie peut masquer le comportement
élastique.
70 Manuel de Mécanique des Roches

3.6 COMPRESSION TRIAXIALE DE RÉVOLUTION

Figure 3-21 : Principe de l'essai


!1
triaxial
Embase L'essai triaxial est un essai sur
supérieure éprouvette cylindrique gainée (figure
3-21). Il consiste à étudier le
comportement de la roche sous une
pression de confinement.
L'éprouvette est en outre sollicitée par
Gaine
une contrainte axiale ! 1. Supposons,
!3 " Pc tout d’abord, que l'essai est effectué
sur échantillon « sec », c'est-à-dire
sans fluide interstitiel, ou encore que
la pression du fluide interstitiel reste
nulle durant tout l’essai. On présentera
Embase
en §3.6.3 le principe des essais dans
inférieure
lesquels cette pression n'est pas nulle
et les différentes situations qui en
découlent.
3.6.1 LES TRAJETS DE CHARGEMENT
L'essai triaxial est donc caractérisé par deux paramètres de chargement: !1, et ! 2 =
!3 = Pc . Il est donc possible de décrire l'ensemble des chemins triaxiaux par une
expression des trajets de chargement dans le plan !1-Pc ou !1-!3 (figure 3-22).
! trajet 1 : chargement hydrostatique (!1 = ! 2 = ! 3 = Pc) jusqu'à une valeur Pc =
P0. Ensuite chargement croissant en !1 avec P0. Il s'agit ici de l'essai triaxial
monotone classique ;
! trajet 2 : chargement tel que ! 1 = k ! 3, avec k constante. Cet essai est appelé
essai proportionnel. Il peut être généralisé par un trajet de la forme :
chargement hydrostatique jusqu'à une valeur Pc = P0 puis chargement tel que !1
= k !3 (trajet 2*) ;
! trajet 3 : chargement hydrostatique jusqu'à une valeur Pc = P0 puis chargement
décroissant en !1. Il s'agit ici de l'essai d'extension classique (extension
longitudinale) ;
! trajet 4 : chargement hydrostatique jusqu'à une valeur Pc = P0 puis chargement
décroissant en !3 avec !1 = P0 . Il s'agit ici de l'essai d'extension latérale. Il
peut être généralisé par un trajet de la forme chargement hydrostatique jusqu'à
une valeur Pc = P0 puis chargement croissant en !1 jusqu'à une valeur (!1)0 et
enfin chargement décroissant en !3 avec !1 = (! 1)0. (trajet 4*). Ce trajet
représente schématiquement le chemin de contrainte autour d'un ouvrage
souterrain lors du percement ;
! trajet 5 : chargement hydrostatique jusqu'à une valeur Pc = P0 puis chargement
à contrainte moyenne constante (!1+ 2 P0 = K constante). Cette deuxième
phase de chargement est purement déviatorique et permet d'étudier la surface de
charge indépendamment de la contrainte moyenne.
Comportement mécanique des roches 71

2
!1 !1 !1

1 2*
P0 P0 P0 3

P0 Pc P0 Pc P0 Pc

0 0 0

!1
4* !1
(!1)0
5
P0
4 P0

P0 Pc P0 Pc

0 0

Figure 3-22 : Définition des principaux types de trajets de chargement en essai


triaxial
3.6.2 INFLUENCE DE LA PRESSION DE CONFINEMENT
REPRÉSENTATION DES RÉSULTATS
Influence de la pression de confinement sur le comportement
Plaçons nous dans le cas des essais triaxiaux classiques (trajet 1) et examinons
l'influence de la pression de confinement sur le comportement.
La figure 3-23 présente l'évolution des courbes contrainte-déformation axiale pour
une marne. Comme l'indique cette figure, l'augmentation de la pression de
confinement a en général plusieurs effets :
! elle augmente la limite élastique et la résistance maximale ;
! elle fait passer le comportement du type fragile au type ductile (§3.7) ;
! sur les courbes contrainte déformation volumique on remarquerait une
diminution de la dilatance.
Physiquement l'augmentation de pression de confinement diminue les possibilités
d’amorçage et de propagation des microfissures par augmentation du frottement sur
les lèvres des microfissures. Dans le cas des matériaux poreux, craie par exemple, on
a montré (§ 3.4.4) que la pression de confinement pouvait conduire à une pression
limite de comportement élastique. Il en découle donc une diminution de la limite
élastique avec la pression de confinement. Sur la figure 3-24, le comportement
ductile à partir du confinement de 6 MPa est observable. Les déformations ductiles
augmentent rapidement : sur la figure les courbes à 13 et 17 MPa de confinement
ont été tronquées.
72 Manuel de Mécanique des Roches

20 !1-!3 (MPa)

6 MPa
100 !1-!3 (MPa) !3=50 MPa 15 17 MPa
3 MPa
80
13 MPa
60 10
! 3=30 MPa
40
!3=10 MPa
20 5
!3=5 MPa
#.10-3 1 MPa
#%
0 20 40
0
0 0,5 1 1,5 2,0 2,5
Figure 3-23 : Influence de la pression Figure 3-24 : Influence de la pression
de confinement sur le comportement de confinement sur le comportement
d'une marne en fonction de la pression d'une craie en fonction de la pression
de confinement de confinement
Représentation dans le plan de Mohr
A partir des essais triaxiaux, il est possible d'étudier l'influence de la pression de
confinement sur la limite élastique ou la rupture (chapitre 9). La première
représentation et la plus communément pratiquée est la représentation de Mohr. Il
suffit de tracer les cercles, centrés sur l’axe des contraintes principales, et coupant
cet axe en ! 1 et Pc, correspondant aux conditions limites recherchées (limite
élastique ou rupture) et de prendre l'enveloppe de ces cercles. La figure 3-25 donne
l'exemple d’une marne. On remarque que plus la pression de confinement augmente,
plus l'enveloppe « s'aplatit » pour tendre vers une asymptote / = constante,
caractéristique d'un comportement ductile (§3.7).

/ (MPa)
30

20

10

20 40 60 80 100 ! (MPa)

Figure 3-25 : Représentation de Mohr des conditions de rupture pour une marne
Représentation en plan principal
C'est la représentation la plus directe à partir des résultats de l'essai triaxial. Deux
types de représentation sont possibles:
! dans le plan des contraintes principales, c'est-à-dire dans le plan (!1, !3) ;
! dans le plan (P,Q) avec P contrainte moyenne (P = (!1 + 2!3)/3) et Q contrainte
déviatorique (Q = (!1 - ! 3)). La notation habituelle est souvent en minuscules ;
les majuscules sont employées ici, pour qu’il n’y ait pas de confusion avec la
pression interstitielle notée p.
Comportement mécanique des roches 73

Les figures 3-26 et 3-27 donnent ces représentations pour la même marne en
conditions de rupture.
120 80
!1 (MPa) Q (MPa)
100 60
80
40
60

40 20
!3 (MPa) P (MPa)
20 0
0 10 20 30 40 50 0 10 30 50 70
Figure 3-26 : Représentation dans le Figure 3-27 : Représentation dans le
plan expérimental des conditions de plan (P,Q) des conditions de rupture
rupture pour une marne pour une marne
Représentation en Invariants
Cette représentation peut être intéressante pour certains types de critères tels que
Cam Clay ou Drucker-Prager (chapitre 9). Elle représente par exemple la variation
de 03J2 (J2 deuxième invariant du tenseur déviatorique des contraintes ; voir
Annexe générale) en fonction de I1, I1 premier invariant du tenseur des contraintes.
Notons que dans le cas de l'essai triaxial, cette représentation est équivalente à la
représentation (P,Q) puisque P=I1/3, et Q=03J2.
3.6.3 ESSAIS DRAINÉS ET ESSAIS NON DRAINÉS
Dans ce qui précède, nous avons supposé que la roche était sèche ou que la pression
du fluide interstitiel restait nulle durant l'essai triaxial. Nous allons maintenant
envisager le cas où la roche est parfaitement saturée en fluide avant d'effectuer
l’essai. Le dispositif expérimental (figure 3-28) comprend des embases drainantes en
tête et pied d'échantillon reliées à des capteurs de pression (A) et (B) et à des vannes
(A) et (B). Notons p la pression du fluide interstitiel.
Essai non drainé
L'essai non drainé signifie que, durant l’essai, la masse de fluide dans l'échantillon
reste constante. Donc pour réaliser cet essai, il faut :
! fermer la vanne B ;
! mettre le fluide interstitiel à une pression initiale p0. On vérifiera que le capteur
B indique cette pression p0 ;
! fermer la vanne A.
On note au cours de l'essai triaxial l'évolution de la pression p avec le chargement.
Les deux capteurs de pression doivent donner la même valeur. L’essai triaxial
classique (trajet 1) comprend une partie hydrostatique et une partie déviatorique. La
figure 3-29 donne l'évolution de la pression p interstitielle en fonction de la pression
de confinement pour une craie (première partie de l'essai). On remarque une relation
linéaire entre p et Pc donnant BS, le coefficient de Skempton (chapitre 10) :
BS = &p/&Pc (3-10)
74 Manuel de Mécanique des Roches

A
Embase !1 A
supérieure Mesure
drainante de
volume 30
Pc (MPa)
Gaine
!3 = Pc
20

Embase B 10
inférieure
drainante B
p (MPa)
0
0 5 10 15 20
Figure 3-28 : Dispositif expérimental Figure 3-29 : Pression interstitielle en
pour essai drainé et non drainé fonction de la pression de confinement
pour une craie (essai non drainé )
La figure 3-30 donne l'évolution de la pression durant un chargement déviatorique
sur un grès. On remarque que la pression augmente lorsque la variation de volume
de l'échantillon diminue, et que la pression chute dès qu'apparaît la dilatance.
300 300
!1 - !3 !3 = 10 MPa !1 - !3 !3 = 10 MPa
(MPa) (MPa)
200 #3 . #1 200

100 100

#.10-3 p (MPa)
0 0
-10 -5 0 5 10 -1 0 1 2 3

Figure 3-30 : Évolution de la pression interstitielle en fonction du chargement pour


un essai triaxial non drainé sur un grès
Essai drainé
Durant un essai, la pression interstitielle est gardée constante en laissant le fluide
entrer ou sortir de l’éprouvette. Dans l'essai triaxial drainé, on note l'évolution de la
variation du volume des vides en mesurant le volume de fluide expulsé pendant
l’essai. Ainsi l'essai triaxial est mené de la façon suivante pour une pression p égale
à0:
! vérification de la saturation de l'échantillon et des différents circuits du
dispositif expérimental ;
! fermeture de la vanne A, ouverture de la vanne B ;
! réalisation de l'essai en mesurant le fluide expulsé ; on veille à ce que le capteur
A indique toujours une pression nulle.
Comportement mécanique des roches 75

Cet essai peut être réalisé aussi avec une pression p = p0, en utilisant des contrôleurs
de pression qui gardent la pression constante et qui font simultanément la mesure de
variation de volume.
Critère de rupture en contrainte effective
La roche, au cours des essais drainés et non drainés, est soumise à une pression
interstitielle non nulle. Le concept de contrainte effective est alors utilisé dans toutes
les lois de comportement et pour l’expression du critère de rupture. On pose : !’= !
- bp, avec b, le coefficient de Biot (chapitre 10), compris entre 0 et 1. A la rupture, b
est pris généralement égal à 1. Dans le chapitre 10, on verra que ce sont les
contraintes effectives et non les contraintes totales qui gouvernent les déformations
du milieu poreux. Le concept de contrainte effective est donc lié à la loi de
comportement de la roche et il est important de dissocier les contraintes effectives
élastiques, des contraintes effectives gouvernant la rupture.

3.7 CLASSIFICATION DES COMPORTEMENTS


3.7.1 LES DIFFERENTS COMPORTEMENTS
Certaines roches comme les craies se rompent progressivement par écoulement, et
présentent donc de grandes déformations avant la rupture qui est dite ductile. Pour
les grès peu poreux, les granites, la rupture se manifeste de manière brutale, sous
forme de macrofissures se propageant sur des distances plus ou moins longues. Ce
type de rupture est qualifié de fragile. Le mode de rupture dépend de l’état des
contraintes, de la température et de l’histoire des contraintes. On peut avoir des
résultats différents pour un chargement croissant monotone uniaxial, un chargement
sous confinement, un chargement cyclique.
Le comportement mécanique se classe en deux types suivant que les relations
contrainte-déformations sont réversibles ou non. Il est donc nécessaire de réaliser un
cycle déchargement-rechargement pour faire ce premier classement. La figure 3-31
illustre le comportement réversible, qui correspond à l’élasticité linéaire et non-
linéaire. Si le comportement varie en fonction du temps on le qualifie de
viscoélastique. Lorsque le déchargement est effectué à un niveau de contrainte plus
élevé (figure 3-32), par exemple la fin de linéarité des déformations axiales !l, des
déformations irréversibles apparaissent. Celles-ci sont qualifiées de plastiques et la
roche a un comportement élastoplastique.

! !
b

a !p

# #

Figure 3-31 : Comportement réversible Figure 3-32: Comportement non


linéaire (a) et non-linéaire (b) réversible
76 Manuel de Mécanique des Roches

Le terme « élastoplastique » est cependant un abus de langage (voir chapitre 8) car il


recouvre :
! de l’élastoplasticité au sens propre (glissement dans un cristal de sel, par
exemple) ;
! un endommagement (créateur de discontinuités) dont on rend compte par des
lois issues de la théorie de l’élastoplasticité.
Figure 3-33 : Comportement élasto-
! b plastique parfait (a), écrouissage positif
(b), écrouissage négatif (c)
a Le comportement est élastoplastique
parfait si la limite élastique ne dépend
c pas de l’histoire des contraintes et des
déformations. En d’autres termes, la
courbe contrainte-déformation axiale
présente un plateau (figure 3-33, courbe
a). Si la pente de la courbe contrainte-
# déformation axiale est positive, on
qualifie ce comportement de durcissant
ou d’écrouissage positif (courbe b). Si la pente de la courbe contrainte-déformation
axiale est négative, il s’agit d’un comportement radoucissant ou écrouissage négatif
(courbe c). Quand le comportement dépend du temps, le comportement est
élastoviscoplastique.
Dans le chapitre 8 on présentera les mécanismes physiques qui interviennent dans le
processus de déformation ainsi que les principes des grandes catégories de lois de
comportement. Il n’est question dans ce chapitre que de donner quelques éléments
sur l’élasticité non-linéaire ou comportement hypoélastique et sur la plasticité.
3.7.2 COMPORTEMENT HYPOÉLASTIQUE
Il se réfère à une forme incrémentale de lois élastique non linéaire usuellement
adoptée quand l'incrément de contrainte est une fonction à la fois de l'état de
contraintes et de l'incrément de déformation. La différence fondamentale avec une
loi élastoplastique est le caractère réversible. La forme incrémentale d’une loi
élastique non-linéaire est :
d! = f(!,d#), soit d! = Dt(!)d# (3-11)
Dt étant une matrice tangente. Une loi hypoélastique ne nécessite pas que les
directions principales de contraintes et de déformation coïncident. Dans la classe de
ces modèles, on a, par exemple, la loi de Duncan dite hyperbolique. Le terme
hyperbolique est relié à l'équation adoptée pour l'interpolation des résultats d'essais
triaxiaux et non à la nature des équations gouvernant le problème en terme d'analyse
de contraintes. L’évolution du module de Young a la forme suivante :
2 n
( R (1 % sin 7)(!1 % ! 3 ) + 1 !3 4
E " % *1 ' f - KPatm 3 6 (3-12)
) 2(C cos 7 % ! 3 sin 7) , 2 Patm 5
avec Rf, K, n : paramètre du matériau, Patm : pression atmosphérique, C : cohésion
et 7 : angle de frottement.
Comportement mécanique des roches 77

3.7.3 ÉLASTOPLASTICITÉ
Rappelons, tout d’abord, quelques définitions relatives à la plasticité. La surface
d’écoulement est la surface dans l’espace des contraintes définissant des états de
contrainte pour lesquels se développent des déformations plastiques. La loi de
durcissement règle les changements possibles en forme, taille et position de la
surface d’écoulement. La règle d’écoulement gouverne l’incrément des
déformations plastiques. Dans le domaine non linéaire, l'incrément de déformation
totale consiste en la somme des incréments de déformation élastique et de
déformation plastique :

d# = d#el + d#pl (3-13)


et l'incrément de contrainte correspondant est directement évalué sur la base de la
relation élastique :

d! = D d#el " D(d# - d#pl) (3-14)


La condition d'écoulement peut s'exprimer par :

F = F [!, h(#pl )] (3-15)


h est alors le vecteur de durcissement gouvernant le changement de surface
d’écoulement avec l'augmentation des déformations plastiques. Si F est négatif, l'état
de contraintes est représenté par un point dans l'espace des contraintes à l'intérieur
de la surface d’écoulement. Dans ce cas, le matériau a un comportement purement
élastique incrémental. Si F = 0 l'état de contraintes est sur le critère d’écoulement. Si
F positif, ce sont des points à l'extérieur de la surface, donc l'état de contraintes n'est
pas admissible. Des déformations plastiques se développent pendant un incrément
depuis F = 0, seulement si le point de contraintes reste sur cette surface pendant
l'incrément, c'est-à-dire si la condition de consistance suivante est respectée :
T T
1 8F 4 1 8F 4 1 8h 4
dF " 3 6 d! ' 3 6 3 pl 6 d# pl " 0 (3-16)
2 8! 5 2 8h 5 2 8# 5
L'incrément de déformation plastique gouvernée par la règle d'écoulement plastique
est proportionnel au gradient du potentiel plastique Q = Q[!, h(#pl)] par l'incrément
d9 de multiplicateur plastique.

8Q
d# pl " d9 (3-17)
8!

d #pl
Figure 3-34: Règle d’écoulement
non associée
nQ
Cette équation exprime la con-
d! dition que dans l'espace superposé
Q
! des contraintes et des déforma-
tions, le vecteur représentant l'in-
F=
0 crément de déformation plastique
est directement le vecteur extérieur
normal à la surface représentant le
!,#
potentiel plastique au point qui
78 Manuel de Mécanique des Roches

correspond à l'état courant de contraintes. A noter que d9 est une inconnue qu’on ne
peut déterminer qu’en résolvant un problème de structure. La règle d'écoulement est
associée si le potentiel plastique et la surface d'écoulement coïncident. Si ce n’est
pas le cas la règle d’écoulement est non associée (figure 3-34 où nQ = 8Q/8!).

3.8 COMPORTEMENT DIFFÉRÉ


Par le terme comportement différé, nous entendons des lois de comportement
faisant intervenir, en plus de la déformation # et de la contrainte !, leur dérivée par
rapport au temps. On parle également de comportement visqueux lorsqu'il y a
dépendance du comportement avec le temps, le terme visqueux est à associer à la
viscosité qui est un paramètre pouvant décrire cette dépendance (§ 3.8.2).
3.8.1 MISE EN ÉVIDENCE DE L'EFFET DU TEMPS SUR LE COMPORTEMENT:
FLUAGE ET RELAXATION
La méthode la plus simple pour mettre en évidence l'importance du temps pour le
comportement des roches est d'effectuer un essai de fluage. L’essai de fluage le plus
simple à réaliser est en compression monoaxiale, mais des essais triaxiaux peuvent
être également réalisés. Sur l'éprouvette de compression appliquons à l'instant t = t0,
une contrainte ! = !0 (figure 3-35a). Si le matériau est purement élastique alors il
subit à l'instant t = t0 une déformation # = #0 qui ne variera pas avec le temps. Mais
l'expérience montre qu'il n'en est pas souvent ainsi : le matériau subit à l'instant t = t0
une déformation instantanée # = #0, puis la déformation évolue ensuite de façon plus
ou moins croissante (contraction >0) avec le temps (figure 3-35b). Cette croissance
avec le temps dépend de la valeur de ! 0 et sera étudiée plus en détail dans le
paragraphe 3-8-2.

# !

!0
#0 b b
!:

t t

! #

!0 #0

a a

t0 t t0 t
Figure 3-35 : Chemin et réponse d’un Figure 3-36 : Chemin et réponse d'un
essai de fluage essai de relaxation
Comportement mécanique des roches 79

L'essai de relaxation est un autre essai qui permet de rendre compte des effets du
temps sur le comportement : c'est l’essai dual de l'essai de fluage. Il est décrit par la
figure 3-36. Dans cet essai on applique une déformation # = #0 au temps t = t0 ; cette
déformation est maintenue constante. La réponse est donc en contrainte ; si le temps
a un effet sur le comportement, la contrainte décroît (compression >0) avec le temps
depuis ! = !0 au temps t = t0, pour tendre généralement vers une asymptote ! =
!: < !0.
3.8.2 INFLUENCE DE L'INTENSITÉ DU DEVIATEUR
SUR LE COMPORTEMENT DIFFÉRÉ.
Prenons un essai de fluage en compression simple et faisons varier la contrainte
appliquée à l'éprouvette (figure 3-37). Si la charge est faible par rapport à la
contrainte de rupture, la vitesse de fluage s'annule rapidement après une phase
transitoire (courbe a). La déformation reste toujours faible. Ce fluage est
relativement bien traduit par une expression sous forme logarithme du temps, par
exemple :
# - #0= A ln ( ;t + 1) (3- 18)
Ce fluage est aussi appelé fluage < ou fluage logarithmique. A noter que cette
expression n’est vraie que pour une fenêtre t = [0,T].
La courbe de fluage (b) correspond à des niveaux de contraintes plus élevés et peut
être décomposée en deux stades :
! stade I : ou fluage primaire ou fluage transitoire ou fluage >. C'est un stade de
transition ou la vitesse de fluage diminue rapidement avec le temps. Ce fluage
peut prendre la forme :

# - #0 = A t m (3-19)
avec m compris entre 0,3 et 0,6 selon les conditions expérimentales ;
! stade II : ou fluage secondaire ou fluage stationnaire. Dans ce stade, la
vitesse de fluage est constante, et cette constante est analogue à la viscosité des
fluides.
Après ce stade, les déformations peuvent s'amortir ou se poursuivre à une vitesse
constante (fluage permanent). La vitesse de fluage croît avec la contrainte appliquée
avec une loi de la forme :

d#/dt = K !n (3- 20)


avec n compris entre 1 et 5 (voir chapitre 8, sel gemme). La température joue un rôle
très important sur cette vitesse de fluage.
Cependant si la charge appliquée est encore augmentée, il apparaît alors un
troisième stade III (courbe c) ou fluage accéléré. Ce fluage est essentiellement lié à
un développement important de la micro fissuration. Cette accélération de la vitesse
de fluage d#/dt conduit à plus ou moins long terme à la rupture de l'éprouvette. Le
suivi de la vitesse de fluage et de sa variation dans le temps est la base de la méthode
de suivi de la stabilité des ouvrages : l'ouvrage est stable si la vitesse de fluage
diminue ou reste constante dans le temps, l'ouvrage devient instable à plus ou moins
long terme si la vitesse de fluage augmente avec le temps.
80 Manuel de Mécanique des Roches

Enfin, si on effectue un essai de fluage sous des contraintes proches de la contrainte


de rupture, les stades I, et II peuvent disparaître pour ne laisser place qu'au stade III.

c !
#
???
! Fluage
b
??
? ?? Relaxation

? Courbe
a limite

t
#

Figure3-37 : Influence du déviateur sur Figure 3-38 : Définition et obtention


la réponse en fluage d'une courbe « ultime »
3.8.3 NOTION DE COURBE LIMITE
La réponse de la roche dépend du temps avec une plus ou moins grande intensité
selon la nature minéralogique et les fluides interstitiels. Ainsi la résistance et les
modules obtenus lors des essais en laboratoire vont dépendre de la vitesse de
sollicitation utilisée. Pour caractériser le comportement à long terme et obtenir ainsi
la courbe limite ou ultime, il serait nécessaire d'effectuer des essais à vitesse de
chargement très faible. Cette courbe limite peut être déterminée de la façon suivante
à partir d'un essai standard :
! à un état de chargement donné on stoppe l'essai et on effectue, soit un essai de
fluage, soit un essai de relaxation (figure 3-38);
! à la stabilisation on obtient un point de la courbe ultime ; la procédure est
répétée à différents niveaux de chargement.

3.9 EFFET D’ÉCHELLE


3.9.1 POSITION DU PROBLÈME
Un des problèmes essentiels en mécanique des roches est l'extrapolation des mesures
de laboratoire aux propriétés à plus grande échelle. Afin d'étudier ce problème, de
nombreux auteurs ont réalisé des essais sur des échantillons de différentes
dimensions qui ont montré que la résistance à la compression variait avec la taille de
l'éprouvette. La première explication consiste en une approche probabiliste : lorsque
le volume de roche soumis à un essai augmente, la probabilité de contenir des
défauts, susceptibles d’amorcer une fissure, ou même des fissures préexistantes,
augmente. Cependant, la figure 3-39 résumant divers résultats publiés montre que
tous les matériaux ne présentent pas un même comportement lorsque leur dimension
augmente. Les travaux de différents auteurs permettent de classer ces
comportements en trois catégories :
! la résistance décroît avec les dimensions de l'éprouvette : effet de volume ;
! la résistance augmente avec le volume de l'éprouvette : effet de surface ;
Comportement mécanique des roches 81

! la résistance croît puis décroît : les deux effets se compensent. L'effet de surface
a tendance à dominer pour de petites dimensions d'échantillons.
Quelques exemples des différents comportements sont présentés ci-après.

250 !c (MPa)
Granite
200 Grès 1
Calcaire 1
150 Marbre
Calcaire 2
100
Grès 2
Charbon
50

0
Ø (cm)
0 2 4 6 8 10 12

Figure 3-39 : Résistance à la compression en fonction de la dimension de


l'échantillon pour diverses roches
3.9.2 EFFET DE VOLUME
La rupture est généralement amorcée par une augmentation de contrainte sur une
hétérogénéité de la roche. Si on considère une répartition homogène de ces
imperfections, en augmentant la taille de l'éprouvette on augmente le nombre des
défauts susceptibles d'amorcer une fissure. Ainsi il parait logique que la résistance à
la compression diminue quand la dimension de l'échantillon augmente.
Ce raisonnement peut également expliquer la dispersion importante lors des essais,
le défaut générant la rupture pouvant être différent d'un échantillon à l'autre. En
conséquence, l'augmentation de la taille de l'éprouvette devrait diminuer la
dispersion des résultats, l'amorçage de la première fissure ayant plus de chance de se
dérouler dans les mêmes conditions.
Tout ceci est basé sur le concept de « maillon le plus fragile » : si on discrétise
l'échantillon en une infinité d'échantillons élémentaires, la résistance globale est
déterminée par la résistance du maillon le plus faible. On peut alors établir une
relation entre la résistance de l'éprouvette et son volume, connaissant la probabilité
de rupture. La fonction de densité de probabilité la plus utilisée est celle utilisée par
la théorie de Weibull. La probabilité de rupture d'un volume V d'un échantillon
soumis à une contrainte ! est :
( +
S " 1 % exp *% @ f (! )dV - (3-21)
* -
) V ,
m
1 ! % !u 4
f(!) est une fonction du matériau f (! ) " 3 6 (3-22)
2 !o 5
82 Manuel de Mécanique des Roches

avec ! u, la plus petite contrainte que tout élément de volume élémentaire peut
supporter, !o, la contrainte de référence, m, un paramètre d'échelle. Dans le cas où
la distribution des contrainte est uniforme :
m
1 ! % !u 4
3 6 représente donc le risque de rupture pour le volume élémentaire.
2 !o 5
Prenons deux éprouvettes :
m m
1 !1 % ! u 4 1 !2 % !u 4
3 6 V1 " 3 6 V2 (3-23)
2 !o 5 2 !o 5
1/ m
!1 1 V2 4
si !u = 0 on obtient "3 6 (3-24)
! 2 2 V1 5

Ainsi l'effet d'échelle ne dépendrait que de m. En fait ! u ' 0 et les constantes du


matériau ne sont pas déterminées de façon simple. La théorie de Weibull est
critiquable sur plusieurs points :
! en tant que modèle statistique, il demande de très nombreux essais afin de
déterminer les deux constantes propres au matériau et nécessaires aux calculs ;
! elle fait appel à la théorie des valeurs extrêmes impliquant que la résistance soit
déterminée par la fissure la plus critique. La rupture est donc synonyme
d’amorçage de la fissure. Or, si cela peut être le cas dans un essai de traction
directe, ce n'est plus vrai lors d'un essai en compression simple ;
! il est de plus nécessaire que l’état de contrainte soit uniforme, ce qui n'est pas
toujours le cas.
Houpert a étudié la dispersion des résistances à la compression pour le granite de
Senones. Il apparaît clairement sur la figure 3-40 que la dispersion diminue lorsque
le volume des éprouvettes augmente. Ce qui est en accord avec les théories de la
rupture comme nous l'avons vu plus haut.
3.9.3 EFFET DE SURFACE
Certains essais contredisent les résultats présentés. En effet, pour certaines roches la
résistance à la compression peut augmenter lorsque les dimensions de l'échantillon
augmentent comme sur le granite de Senones ( figure 3-41).

Coefficient de
variation (%)
8

6 !c (MPa)
180
4
170
2 160
Ø éprouvette (cm)
Volume (cm3 ) 150
0
0 400 800 1200
Figure 3-40 : Dispersion de la Figure 3-41 : Effet d'échelle inverse sur
résistance et volume essayé le granite de Senones
Comportement mécanique des roches 83

Cet effet d'échelle inverse serait lié à des détériorations de la couche externe de
l'éprouvette modifiant les propriétés mécaniques de la roche sur une certaine
épaisseur. Or, la surface externe par unité de volume décroît lorsque les dimensions
de l'éprouvette diminuent. Ainsi, l'effet de surface est prépondérant (lorsqu'il existe)
pour les éprouvettes de petit diamètre.
3.9.4 EFFET D’ÉCHELLE MIXTE
Pour illustrer l’effet d’échelle mixte, composé d’un effet de surface pour les
éprouvettes de petit diamètre et d’un effet de volume pour les diamètre plus
importants, les figures 3-42 et 3-43 présentent des résultats d’essai de compression
uniaxiale réalisés sur une ardoise suivant les deux directions principales
d’anisotropie.
!c (MPa) !c (MPa)

150
200

Ø (cm)
50
Ø (cm)
100 2 4 6 8 10 12
2 4 6 8 10 12

Figure 3-42 : Évolution de la résistance Figure 3-43 : Évolution de la résistance


à la compression orthogonalement à la à la compression parallèlement à la
schistosité schistosité
Pour de petits diamètres (Ø < 40mm) on aurait un effet d'échelle inverse
probablement dû à un « effet de peau », la surface endommagée durant la
préparation des échantillons étant relativement importante. Lorsque le diamètre
augmente on retrouve un effet d'échelle normal faisant diminuer la résistance avec le
volume.
Si nous excluons la première phase faisant intervenir un mécanisme différent, la
décroissance de résistance peut se traduire par l'équation suivante :
!c = 304 exp[- 0,02 Ø ] (3-25)
avec !c = résistance à la compression en MPa, Ø = diamètre d'éprouvette en cm.
Pour les essais réalisés sur des éprouvettes selon le plan d’anisotropie, la résistance à
la compression présente une évolution un peu différente (figure 3-43). On constate
une augmentation de la résistance jusqu'à un diamètre de 70mm puis une légère
diminution. Peut-on voir là l'influence très marquée d'un effet de surface ? Il s'agit
bien d'un phénomène lié à la préparation des éprouvettes, mais le terme effet de
surface ne paraît pas suffisant car cette direction de carottage a posé de très gros
problèmes, les éprouvettes cassant très souvent soit durant le carottage soit durant la
rectification. Les contraintes engendrées durant cette phase préparatoire ont donc
souvent suffit à amorcer des ruptures par « décollement » de plans de schistosité.
84 Manuel de Mécanique des Roches

3.9.5 TRANSITION FRAGILE-DUCTILE ET EFFET D'ÉCHELLE


Pour une même roche, le comportement est modifié par l'augmentation de la
contrainte moyenne. Par exemple un calcaire dur (!c> 50 MPa) est élastique-fragile
en compression simple, il devient élasto-plastique en essai triaxial sous pression de
confinement de 30 MPa, puis ductile sous pression de confinement proche de 500
MPa. Une élévation de température produit des effets similaires.
Le changement d'échelle fait passer aussi le comportement de la fragilité à la
ductilité : un massif rocheux formé de roche fragile a un comportement élasto-
fragile à l'échelle du décamètre, et relativement ductile à l'échelle kilométrique. On
sait que la dispersion des résultats d'essais est elle aussi sensible à l'échelle (Bernaix,
1967), elle diminue pour des échantillons plus grands, et peut même disparaître
lorsqu'on passe de la fragilité vers la ductilité.
L'effet d'échelle joue de la même manière autour d'une cavité creusée dans un terrain
sous forte contrainte : un forage de petit diamètre est parfaitement stable ; quelques
déformations non réversibles peuvent apparaître dans un petit tunnel, avec des
déformations différées modestes pendant un jour ou deux ; mais une caverne de 15
m au même endroit donne lieu à des déplacements différés plus importants, que ces
effets différés apparaissent comme du fluage, de la convergence « inextinguible »,
ou comme une croissance à long terme de la charge des soutènements.

SÉLECTION BIBLIOGRAPHIQUE
AFNOR : Normes NFP 94-420, 94-422, 94-423, 94-425, 94-426.
Bieniawski Z.T. - The effect of specimen size on compressive strength of coal. Int. J. Rock
Mech. Min. Sci., vol. 5, pp. 325-335, 1968.
Bernaix J. - Etude géotechnique de la roche de Malpasset, Dunod, 1967.
Einstein H., Baecher G. & Hirschfeld R. - The effect of size on strength of a brittle rock. 2ème
Congrès ISRM, Belgrade, vol. 2, thème 3, 1970.
Homand F. - Comportement mécanique des roches en fonction de la température. Mémoire
Sci. de la Terre 46, 261 p., 1986.
Houpert R. & Tisot J.P. - Effet d'échelle et dispersion des contraintes de rupture en
compression simple dans le cas d'un granite. Revue de l'Industrie Minérale,
n° spécial, pp. 29-34, 1969.
Mandel J. – Propriétés mécaniques des matériaux. Eyrolles, 284 p., 1978.
Morlier P., Amokrane K. & Duchamps J.M. - L'effet d'échelle en mécanique des roches,
recherche de dimensions caractéristiques. Revue Française de Géotechnique,
49, pp. 5-13, 1989.
Niandou H., Shao J.F., Henry J.P. & Fourmaintraux D. – Laboratory investigation of the
mechanical behaviour of Tournemire shale. Int. J. Rock Mech. Min. Sci., 34
(1), pp. 3-16, 1997.
Shao J.F. & Henry J.P. – Modélisation du comportement d’une craie blanche très poreuse et
validation. Revue Française de Géotechnique, 43, pp. 35-46, 1988.
Comportement mécanique des roches 85

ANNEXE : RELATIONS CONTRAINTE-DÉFORMATION


EN MILIEU ÉLASTIQUE
MILIEU ISOTROPE
Les deux paramètres E module de Young, (ou module d'élasticité longitudinale) et $,
coefficient de Poisson, suffisent à caractériser le comportement élastique linéaire
d’un milieu homogène. Sous forme matricielle, la relation entre le tenseur des
contraintes et celui des déformations dans le cas d'un essai de compression sur un
matériau dont le comportement est élastique et linéaire s'écrit :
(# x + ( 1 E +
*# - " * % $ E - !
* y- * -- x . (3-26)
*) # z -, *)% $ E -,

A trois dimensions, la relation entre le tenseur des contraintes et celui des


déformations s'écrit :
(1 %
$
%
$
0 0 0 +
*E E E -
( #x + * 1
%
$
0 0
- !
0 -( x +
*# - * E E * -
* y- * -* ! y -
1
* #x - * 0 0 0 -* ! x -
* -"* E -* - (3-27)
2(1 ' $)
* ; yz - * 0
- /
0 - * yz -
* ; xz - * E * -
* - * 2(1 ' $) - * / xz -
; * 0 - /
)* xy ,- * E * xy -
-) ,
* 2(1 ' $) -
*) E -,
De cette relation, il ressort qu'il existe également un coefficient de proportionnalité
entre les contraintes de cisaillement / et les déformations angulaires ; appelées
distorsions ou glissements (;ij=2#ij). Ce coefficient est désigné par G et appelé
coefficient d'élasticité transversale ou module de cisaillement :
E
G" (3-28)
2(1 ' $)
A partir d'un essai de compression hydrostatique, il est possible de déterminer le
coefficient de proportionnalité entre la contrainte isotrope ! appliquée et la
déformation élastique volumique de l'échantillon. Ce coefficient désigné par K est
appelé module de compressibilité K tel que :
E &V
K" ;! " K (3-29)
3(1 % 2 $) V
Les coefficients d'élasticité définis précédemment peuvent s'exprimer en fonction
des coefficients de Lamé 9 et / :

39+2/ 9 E
E=/ 9+/ $ = 2 (9 + /) G = / K = 3 (1 - 2$) (3-30)

et inversement :
86 Manuel de Mécanique des Roches

E$ E
9 = (1 + $) (1 - 2 $) / = G = 2 (1 + $) (3-31)

ÉLASTICITÉ EN MILIEU ANISOTROPE


D'une manière générale, dans un repère quelconque orthonormé R, les relations
entre les taux de déformations et les contraintes peuvent s'écrire vectoriellement
sous la forme:

# = A.! ( 3- 32)
avec : # vecteur des taux de déformation, ! vecteur des contraintes et A matrice
d’élasticité à 36 coefficients
La relation (3-32) constitue la loi de Hooke généralisée. On démontre par des
considérations énergétiques que cette matrice est symétrique. Le nombre de
coefficients indépendants est donc réduit à 21.
( 1 $ yx $ zx Ax, yz Ax, xz Ax, xy +
*E % %
* x Ex Ex G yz G xz G xy --
* 1 $ zy Ay, yz Ay, xz Ay, xy -
%
( #x + * Ey Ey G yz G xz G xy - ( ! x +
*# - * -* -
* y- * 1 Az, yz Az, xz Az, xy - * ! y -
* #x - * Ez G yz G xz G xy - * ! x -
* -"* -* - (3-33)
* ; yz - * 1 / yz, xz / yz, xy - * / yz -
* ; xz - * G yz G xz G xy - * / xz -
* - * -
/ xz, xy - **/ xy --
*) ; xy -, * 1 ) ,
* G xz G xy -
* -
* 1 -
* G xy -,
)

! Ex, Ey, Ez sont les modules de Young dans les directions x, y et z ;
! Gyx , Gxz, Gxy sont les modules de cisaillement pour les plans respectivement
parallèles aux plans yOx, xOz et xOy ;
! $yz, $zx, $zy, $xy, $xz, $yz sont les coefficients de Poisson.
! Les coefficients de Poisson $ij correspondent au rapport de la déformation dans
la direction j (effet) et de la déformation dans la direction i dues à la contrainte
agissant dans la direction i (cause). Les coefficients de Poisson $ij et $ji sont tels
que $ij/Ei = $ji/Ej
! /xz,yz : ........ : /xz,xy sont appelés coefficients de Chentsov et sont tels que /ij,kl
caractérise le cisaillement dans le plan parallèle à kl induit par la contrainte
tangentielle dans le plan parallèle à ij. Autrement dit,

/ik,jk /jk,ik
Gjk = Gik (3-34)

! Ayz,x ........ Axy,z sont appelés les coefficients d'influence mutuelle de premier
ordre ; A x,yz,........ Az,xy sont appelés les coefficients d'influence mutuelle de
Comportement mécanique des roches 87

second ordre. Le coefficient A ij,k caractérise l'étirement dans la direction


parallèle à k induit par la contrainte de cisaillement agissant dans un plan
parallèle à celui défini par les indices ij. Le coefficient Ak,ij caractérise un
cisaillement dans le plan défini par les indices ij sous l'influence d'une
contrainte normale agissant dans la direction k. Autrement dit :

Aij,k Ak,ij
Ek = Gij (3-35)

Rappelons que dans le cas général de l'anisotropie, il n’y a jamais concordance des
directions principales de contrainte et de déformation, contrairement au cas de
l'isotropie.
LE MILIEU ORTHOTROPE
Les milieux naturels présentent souvent une structure orientée planaire (présence de
plans et orientation préférentielle des grains dans ces plans par exemple). Repérons
la matrice rocheuse suivant le repère orthonormé de structure noté S de la figure
3-9, avec :
• S1 direction orthogonale aux plans ;
• S2 direction d'allongement des grains par exemple ;
• S3 de telle façon que le repère S = S1,S2,S3 soit direct.
Une approche très physique consiste à écrire la matrice d'élasticité [A] en
introduisant des coefficients (complaisances) entre cause (contrainte normale ou
tangentielle) et effet (allongement et variation angulaire), au lieu de déduire les
relations de la matrice de l’équation générale (3-33). Prenons le repère R identique
au repère S pour définir les tenseurs de contrainte et déformation et par conséquent
la matrice [A]. Dans ce repère particulier, les contraintes normales n'induisent que
des allongements (un cube se transforme en un parallélépipède rectangle), et les
cisaillements ne provoquent aucun allongement. Le tableau 3-1 synthétise alors la
relation entre cause et effet.

Tableau 3 - 1 : MATRICE D’ÉLASTICITE DANS LE REPÈRE S

Cause
Contrainte normale Contrainte tangentielle
S1 S2 S3 S2,S3 S3,S1 S1,S2
!11 !22 !33 /23 /31 /12
S1 #11 1/E1 -$21/E2 -$31/E3 0 0 0
Allonge-
ment

S2 #22 -$12/E1 1/E2 -$32/E3 0 0 0


S3 #33 -$13/E1 -$23/E2 1/E3 0 0 0
Effet

S3,S2 ;32 0 0 0 1/G23 0 0


Variation
d’angle

S3,S1 ;31 0 0 0 0 1/G31 0


S1,S2 ;12 0 0 0 0 0 1/ G12
88 Manuel de Mécanique des Roches

La notation $ij postule que i est l'indice lié à la cause et j l'indice lié à l'effet. Du fait
de la symétrie de la matrice, on doit avoir :

$ij $ji
Ei = Ej (3-36)

Il y a donc 9 coefficients indépendants pour caractériser un matériau orthotrope.


On ne peut avoir concordance des directions principales en contrainte et en
déformation que si elles sont confondues avec le repère structural S.
LE MILIEU ISOTROPE TRANSVERSE
Dans le cas particulier où les directions S2 et S3 sont interchangeables, il y a
isotropie dans le plan (S2, S3).Dans ce cas, nous avons :
E2 = E3, $12 = $13, $23 =$32 et G13 = G12
La matrice d'élasticité s'écrit alors dans le repère structural :

( 1/E 1 -$21/E2 -$21/E2 0 0 0 +


* -$ /E 12 1 1/E2 -$23/E2 0 0 0
-
* -$ /E 12 1 -$23/E2 1/E2 0 0 0 -
[A] =
* 0 0 0 1/G23 0 0 - (3-37)

* 0 0 0 0 1/G12 0
-
) 0 0 0 0 0 1/G12 ,

De plus nous avons :

$12 $21 E2
E1 = E2 et G23 = 2(1 + $ ) (3-38)
23

Il y a donc 5 coefficients indépendants E1 , E2, $ 12 (ou $ 21 ), $ 23 et G12 appelés


modules principaux pour caractériser un matériau isotrope transverse.

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