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Mais d’autres dirigeants pronostiquent déjà une


nouvelle réunion dans le courant de l’été, tant les
Sommet européen: ces conflits d’intérêts
sujets de discorde, et les menaces croisées de veto,
potentiels que les 27 préfèrent ne pas sont encore nombreux. Les Pays-Bas et leurs alliés
regarder « frugaux » tiquent, non plus sur le montant global
PAR LUDOVIC LAMANT
ARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 17 JUILLET 2020 de la relance mais sur la répartition de celle-ci :
ils voudraient réduire la part des subventions (500
milliards d’euros, à ce stade) pour augmenter celle des
prêts (250 milliards).
Autre point dur : ce que l’on appelle à Bruxelles « la
gouvernance » de ce nouveau mécanisme. En clair :
qui, de la Commission européenne et/ou des 27 États,
doit valider les étapes du déblocage de l’argent pour
Le premier ministre tchèque Andrej Babis, le 11 juin 2020. © Michal Cizek / AFP les relances de chaque pays ? Là encore, les pays dits
Alors que le sommet européen qui s’ouvre vendredi « frugaux », Pays-Bas en tête, vont tout faire pour
à Bruxelles doit financer un plan de relance à durcir le mécanisme, et plaider pour un droit de regard
750 milliards d’euros, des eurodéputés alertent sur des autres pays sur la nature et la réalisation du plan
l’absence de véritable contrôle des aides versées à de relance d’un État membre, à partir du moment
certains États. Le chef du gouvernement tchèque où celui-ci touche l’argent européen. D’un point de
Andrej Babis est visé. vue politique, la question est très sensible, puisqu’elle
C’est la première fois depuis le surgissement de touche à la souveraineté des États.
l’épidémie que les chefs d’État et de gouvernement se Le troisième obstacle a trait au débat qui avait déjà
réunissent, en chair et en os, à Bruxelles. Au cours de la tendu les partenaires européens en février : lier le
réunion qui s’ouvre vendredi matin, ils espèrent faire versement des aides financières au respect de l’État de
d’une pierre, deux coups : s’entendre sur l’architecture droit par les pays qui en bénéficient. L’idée d’une «
du budget de l’UE sur les sept ans à venir, après conditionnalité », évoquée par le Parlement européen
l’impasse quasi totale du sommet de février sur ce en mars 2018, défendue par la Commission en mai
sujet (soit une enveloppe d’un peu moins de 1 100 2018, a été reprise par le Belge Charles Michel,
milliards d’euros), mais aussi valider la mécanique président du Conseil européen, la semaine dernière.
d’un plan de relance inédit face au Covid, chiffré, lui, Il reste à voir si les deux principaux pays visés par
à 750 milliards d’euros.
La Commission européenne, comme Berlin – qui
occupe la présidence tournante de l’UE jusqu’à la
fin de l’année – et Paris, continue d’espérer une
avancée d’ici samedi soir. En cas de fumée blanche, cet
accord poserait la première pierre d’un endettement
en commun des membres de l’UE, un pas vers une
Europe plus intégrée et, en théorie, plus solidaire. Pour
Emmanuel Macron, cela permettrait de financer une
partie du plan de relance de 100 milliards d’euros qu’il
a esquissé le 14 juillet – à hauteur de 30 à 40 milliards
d’euros.

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cette mesure – Pologne et Hongrie – vont continuer Andrej Babis, qui avait été l’un des avocats les
d’opposer leur veto. D’autant que les discussions sur plus fervents, au sommet européen de février,
le budget se prennent à l’unanimité. d’une augmentation du budget européen, nie avoir
commis le moindre acte répréhensible. Après la
venue d’une délégation d’eurodéputés en observation
à Prague, en début d’année, il avait qualifié de «
folle » la présidente de la délégation, la conservatrice
allemande Monika Hohlmeier, et de « traîtres » les
élus tchèques qui l’accompagnaient. Après l’adoption
de la résolution le mois dernier, il a critiqué l’«
Le premier ministre tchèque Andrej Babis, le 11 juin 2020. © Michal Cizek / AFP ingérence » du Parlement européen dans les affaires
Malgré les pressions de plus en plus vives intérieures du pays, ce qui lui a valu une réponse
du Parlement européen, les dirigeants européens musclée du président de l’institution, David Sassoli.
devraient, sauf surprise, éviter d’aborder un autre sujet Eurodéputé allemand écologiste, Daniel Freund s’est,
qui menace pourtant toute l’architecture du budget : lui aussi, rendu cette année en République tchèque et
la situation trouble des dirigeants hongrois ou tchèque en Hongrie. « Orbán fonctionne un peu avec l’argent
face aux aides européennes. des aides européennes comme le cheik d’un émirat
Ces derniers participent à l’élaboration du budget sur avec l’argent du pétrole, assure-t-il. La comparaison
les sept ans à venir, tandis que leurs proches – voire peut paraître étrange mais, dans les deux cas, cet
des entreprises qu’ils détiennent eux-mêmes en partie argent vient de l’extérieur, il semble ne pas pouvoir se
– bénéficient des aides structurelles de l’UE. tarir, et il est, au départ, uniquement accessible à une
petite élite du pays. »
Des proches d’Orbán sont ainsi les premiers
bénéficiaires des aides versées à la Hongrie, et « La solution n’est pas seulement de critiquer Babis
notamment de la politique agricole commune (PAC), ou Orbán, poursuit-il. C’est vraiment la manière
comme l’avait documenté fin 2019 une enquête dont l’Europe verse ses aides qui a rendu possible
du New York Times. Mais le cas du premier ces situations. Il faut se pencher sur la manière
ministre tchèque Andrej Babis inquiète aussi nombre dont l’Europe s’y prend, pour verser et contrôler
d’eurodéputés. Ce dernier continue d’avoir des liens cet argent. » Daniel Freund propose par exemple de
avec le groupe Agrofert qu’il a fondé, présent dans bloquer le versement des fonds prévus pour la relance
l’industrie alimentaire, la chimie ou encore les médias. post-Covid à la Hongrie tant que le pays n’aura pas
Agrofert est aussi l’un des principaux bénéficiaires des rejoint le parquet européen, une institution encore
aides européennes versées à la République tchèque. balbutiante, en cours de création depuis 2017. Il plaide
aussi pour muscler les moyens humains des rares
Dans une résolution adoptée en juin, le Parlement
institutions, à l’instar de l’Olaf, chargées d’enquêter
européen exhorte l’intéressé à « renoncer à ses intérêts
sur des cas de fraude sur le territoire.
commerciaux, ne pas demander de financements
de l’UE ou s’abstenir de prendre des décisions Il n’est pas certain que le sujet intéresse la plupart des
concernant leurs intérêts ». Les élus réclament chefs d’État et de gouvernement qui se réunissent à
l’obligation de publier les bénéficiaires finaux des Bruxelles en cette fin de semaine, surtout impatients
subventions de l’UE, mais aussi l’instauration de d’annoncer des montants colossaux pour « relancer »
plafonds de paiements directs, pour chaque personne l’économie du continent. Les contrôles attendront.
physique.

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