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Le 18 juillet 1864 stanley Jevons écrit “ j’ai passé tout un mois à Londres,
travaillant au Museum sur l’épuisement du charbon. Il n’est pas aisé de maîtriser un
sujet aussi vaste et de le faire en trois mois”. Aujourd’hui c’est à notre tour de
s’interroger sur la question du charbon en Angleterre et cela non pas en trois mois
mais en 20-25 minutes. Pour se faire nous allons étudier l’essai de Stanley William
Jevons paru en 1865, intitulé : The coal question. L e texte que nous lisons est une
traduction issue de la revue Futuribles sous le nom de “Sur la question du charbon”
en 2005.
De plus comme il est dit aux lignes 2 à 7, Jevons est connu pour être cofondateur de
l’école néoclassique et de la révolution marginaliste avec l’économiste Léon Warlas
et le mathématicien Karl Menger. La « révolution marginaliste » se fonde sur
l'apparition de nouvelles notions telles que celle d'utilité marginale. Celle-ci
augmente au fur et à mesure que la quantité disponible d'un bien diminue.
Autrement dit, plus un bien est rare, plus son utilité est grande. Il théorise également
ce qu’on appelle “le paradoxe de Jevons”. Ce paradoxe est le suivant : À mesure
que les améliorations technologiques augmentent l’efficacité avec laquelle une
ressource est employée, on observe que la consommation globale de cette
ressource augmente. En termes simples : plus une énergie est maîtrisée (donc
démocratisée, généralisée), plus sa consommation augmente car sa
disponibilité est plus grande.
Cet essai est écrit dans les années 1860 en Angleterre, à l’époque l’usage
généralisé du charbon engendre une augmentation rapide et continue de la
production de minerai dans la première moitié du 19e siècle. De ce fait, le monde
minier et l’industrie deviennent interdépendants.
Dans cet essai Jevons étudie les conséquences de la dépendance du Royaume-Uni
vis-à-vis du charbon. Dans la mesure où le charbon est une ressource énergétique
disponible en quantité finie et non renouvelable, Jevons soulève alors la question de
la durabilité de l’exploitation de charbon. Sa thèse centrale est que la domination du
Royaume-Uni sur le monde n'est que passagère, du fait de la nature non infinie du
charbon qui est la ressource énergétique primaire sur laquelle la richesse et la
domination du Royaume-Uni repose. A la ligne 56 il pose la question “Combien de
temps pouvons-nous vivre dans une condition stationnaire ?”
Aux lignes 44-45 Jevons dit “nous utilisons cette aide inestimable (le charbon)
beaucoup plus que tous les autres pays réunis”. En effet, cette dépendance ne
concerne pas seulement l’industrie lourde, où le minerai est consommé en
abondance, il concerne toutes les branches susceptibles d’utiliser des machines.
Il ajoute aux lignes 72-75 “L’épuisement de nos mines ira de pair avec un coût ou
une valeur du charbon en augmentation ; et quand le prix aura atteint un certain
niveau, comparé au prix en vigueur dans les autres pays, nos principales branches
d’activités seront condamnées”. L’économie britannique qui est la plus avancée au
milieu du 19e siècle, entretient donc une dépendance forte avec le secteur
énergétique et minier.
Lignes 76-78 “il sera judicieux [...] de se demander s’il n’y a pas eu récemment une
hausse sérieuse du prix du charbon, qui pourrait être le signe d’un épuisement
naissant”. Pour Jevons c’est un signe précurseur de difficultés à venir. Dans la
mesure où le charbon est une ressource épuisable, fonder l’ensemble d’un appareil
productif sur son seul usage est un risque.
Lignes 26 à 29 “il est presque inutile de dire que nos mines sont littéralement
inépuisables. On ne peut en atteindre le fond et même si un jour nous avions à
payer le combustible à un prix élevé on n’en manquera jamais réellement”. Ce qui
inquiète, c’est davantage le déclassement compétitif de la Grande-Bretagne (par
rapport aux États-Unis, à l’Australie et aux autres pays européens) qu’une
quelconque pénurie qui viendrait stopper brutalement l’appareil productif.
Selon Jevons, lignes 40-41 “nous ne pouvons tout simplement pas progresser
longtemps comme nous le faisons actuellement”. Jevons en déduit que la croissance
économique exponentielle se heurte aux rendements décroissants des mines et à la
concurrence des charbons étrangers. Lignes 34-35 “ je ne veux pas là signifier la
chute ou le naufrage de la nation, mais la fin des avancées présentes du royaume”.
Selon lui le déclin de la Grande-Bretagne est inévitable.
Ligne 111-112 “La consommation totale sur la période de 110 ans 1861-1870 serait
de 102 704 millions de tonnes”. Pour Jevons cette prédiction est à mettre en
parallèle à l’estimation de charbon disponible. Un certain Monsieur Hull, ligne 122,
aurait estimé la quantité de charbon disponible en Angleterre. Ce monsieur Hull, est
Edward Hull, un géologue irlandais. Il estime donc ligne 123 “83 000 millions de
tonnes jusqu’à une profondeur de 1200 mètres”.
Pour Jevons, les estimations de Edward Hull sont bien en dessous des réalités de
son hypothèse. Il dit ligne 126 à 129 “on ne peut que reconnaître qu’il faudra sans
doute plus d’un siècle de notre rythme actuel de croissance pour épuiser nos mines
à une profondeur de 1200 mètres, soit 450 mètres de plus que nos mines les plus
profondes aujourd’hui” et que lignes 132-134 “si la profondeur moyenne devait
atteindre 1200 mètres, la conséquence en serait une hausse plus importante mais
inconnue (du prix du combustible)”.
Donc peu importe le montant exact des réserves de charbon, selon Jevons, à un
taux constant de croissance, les accroissements absolus augmentent avec le temps.
Pour lui, la conclusion est simple, l’Angleterre ne peux pas maintenir pendant
longtemps son rythme actuel.
Selon Jevons, ligne 148-153 “Le lecteur qui comprend parfaitement la loi
naturelle de la croissance, ou la multiplication dans les affaires sociales, verra que la
quantité absolue de charbon définit le degré de richesse auquel nous accéderons
plutôt que la période pendant laquelle nous pourrons profiter, soit de la croissance,
soit de l’apogée de la prospérité”.
Là encore ce que Jevons met en avant ce n’est pas la diminution des mines de
charbon mais la conséquence que cela va avoir sur la société anglaise et sur la
position du pays dans l’économie mondiale.
Mais il ajoute plus loin que cette estimation est en lien avec le surplus de la
population. Il dit ligne 159-160 que la population anglaise a augmenter en l’espace
de quatre ans autant qu’entre 1651 et 1751, soit 100 ans. Jevons s’interroge donc
sur l’avenir, si en l’espace de quatre ans la population anglaise à augmenter autant
qu’en un siècle, que peut t’on imaginer pour les années à venir. C’est pourquoi selon
lui, l’estimation d’Edward Hull est irrecevable, car il ne prend pas en compte
l’augmentation future de la population.
Il dit ligne 171-173 “Même si notre progression était stoppée au bout d’un
demi-siècle, il est probable que, malgré cela, notre consommation aura triplé ou
quadruplé d’ici là”.
Lignes 182-185 “pour s’assurer une médiocrité dans la sécurité, il nous faudrait
revenir en arrière et tuer dans l’oeuf les pensées et inventions qui nous ont
affranchis de la stagnation et de la dégénérescence il y a un siècle”.
Jevons observe donc que la consommation anglaise de charbon augmente. Pour lui
cette augmentation est dû aux innovations antérieures, il met, entre autre, en avant
le rôle des générations passées sur la situation actuelle de l’Angleterre. Il observe
que la consommation anglaise de charbon a augmenté après que des hommes
comme Thomas Savery, James Newcomen, Abraham Darby, James Brindley, Watt
ou encore Adam Smith (lignes 185-190) aient conçu des machines et des inventions
qui ont littéralement changés le cours de l’histoire.
Nous allons prendre l’exemple du moteur à vapeur de James Watt pour comprendre
la pensée de Jevons. Le moteur à vapeur de Watt fonctionne au charbon et a eu
pour conséquence de faire de la houille une source d’énergie plus rentable, ce qui a
conduit à généraliser l’utilisation du moteur à vapeur au sein des entreprises.
Celles-ci ont à leur tour fait augmenter la consommation totale de charbon, même
lorsque la quantité de charbon utilisée dans le cadre d’une utilisation particulière
diminuait.
C’est là l’essence même du paradoxe que Jevons met en avant dans son exposé.
Donc les améliorations technologiques de Watt ont eu pour conséquence
d’augmenter l’utilisation du charbon, alors que paradoxalement la consommation
totale de cette ressource auraient dû diminuer.
Lignes 143-145 “le prix du combustible augmentera peut-être en l’espace d’une vie
humaine, jusqu’à un taux dommageable pour notre suprématie commerciale et
industrielle” Pour Jevons le diagnostic de l’époque est relativement simple : le
charbon est le levier du développement économique, il s’épuise, il est donc
nécessaire de trouver un moyen de le préserver.
Lignes 67-71 “En bref, tout commerce est affaire de prix. Sera-t-il payant de faire
ceci à ce prix-ci ? ou Sera-t-il plus payant de faire ceci à tel prix, ici, ou à tel prix,
là-bas ? Telles sont les questions majeures qui gouvernent chaque activité
commerciale dans un système industriel libre” ? Donc, parmi les moyens évoqués
pour préserver le charbon, Jevons sous entendrai l’instauration d’une taxe. Mais il
est en désaccord avec cette solution car il dit ligne 103-104 “l’augmentation du coût
du combustible sera un obstacle démesuré à nos progrès futur”.
On peut comprendre le point de vue de Jevons, car comme nous l’avons vu plus tôt
pour lui, le charbon est l’essence même de la production anglaise mais également
des nouvelles inventions et des nouvelles énergies. Donc une taxe sur le charbon
entraînerait certes le ralentissement de son extraction ou permettrait de fragiliser les
éventuelles industries étrangères qui auraient besoin de minerai britannique ; mais
cela augmenterait le coût-même de la vie en angleterre car toute chose y est créé
grâce à des machines qui fonctionne soit directement au charbon soit avec des
nouvelles énergies qui trouvent leur essence dans le charbon.
Conclusion
Il va s’en dire que le contexte de l’époque ne lui permettait pas d’imaginer les
avancées technologiques que notre société connaît aujourd’hui. Le charbon a
finalement été remplacé par d’autres formes d’énergie. Aujourd’hui le discours de
Stanley Jevons et de son fils Herbert Jevons, qui reprend en 1915 la question de
son père, reste une vision fondatrice de notre temps. En 2013 par exemple sort une
publication traitant de l’essai de Stanley Jevons par rapport à la fiscalité écologique.
En 1865, il était question d’étudier l’épuisement du charbon. Aujourd’hui les
changements climatiques requièrent la mise en place de dispositifs carbone qui
restent pour la plupart encore à inventer. Dans ces deux situations séparées de 150
ans, ce sont les mêmes éléments qui sont mis sur la table pour créditer ou
discréditer la mise en place d’une fiscalité.