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En physique, l’énergie est la grandeur qui caractérise tout changement d’état d’un système.
Aucune société n’existe sans apport d’énergie.
Nous ne pouvons ni créer ni détruire de l’énergie.
Nous pouvons en revanche extraire de l’énergie déjà là pour l’utiliser mais une partie va
inévitablement se dissiper dans le processus.
Evolution de la production mondiale d’énergie primaire 1900-2012
- il s’est constitué une imprégnation culturelle très profonde en faveur de l’idée que
l’abondance énergétique croissante est la situation « normale » (hors crises profondes et
guerres mondiales). Nous avons beaucoup de mal à imaginer un épuisement absolu de
l’énergie disponible.
- pour le moment il n’existe aucun exemple significatif de développement
économique moderne sans utilisation massive d’énergie fossile (pétrole, gaz, charbon, voire
nucléaire) car, avec ces sources d’énergie, on bénéficie quasi-gratuitement d’une énergie
concentrée et facilement utilisable grâce au travail réalisé par la nature pendant des
millions d’années.
- subie ou contrôlée, la réduction de la consommation d’énergie fossile sera un
changement de trajectoire absolument unique depuis au moins deux siècles.
Source Bilan de l’énergie pour 2009, Service de l'Observation et des Statistiques (Commissariat Général au Développement
Durable), 2010
Usages du pétrole :
- la quasi-totalité des produits courants en contiennent
- l’alimentation moderne est faite grâce à lui
- une fraction non négligeable du chauffage en France
- une petite partie de la production électrique dans le monde
Mais surtout :
- une densité énergétique phénoménale. (quantité d’énergie par unité de masse ou de
1
volume) . (250 kg batterie au lithium équivaut à 5 litres d’essence environ).
Ces qualités font que toutes les sociétés qui n’en consomment pas encore beaucoup
veulent le faire :
1
Actuellement, seul l’uranium fait mieux…mais c’est moins pratique !
La consommation de pétrole des grands pays producteurs de pétrole augmente ce
qui limite rapidement leurs capacités à exporter2 (ce qui exerce une pression à la hausse sur le
prix du pétrole…et augmente ainsi les moyens financiers de ces pays pour consommer leur pétrole…).
Luís de Sousa - World Oil Exports VII International Oil & Gas Depletion
2
De ce fait, de nombreux pays producteurs sont déjà devenus rapidement importateurs de pétrole : Indonésie, GB, Egypte, etc..
Au final, depuis les années 60-70, il y’a une corrélation très étroite entre les variations de
la croissance du PIB mondial et les variations de la croissance de la production pétrolière
mondiale.
Plus le pays est développé plus il utilise de transports et plus il dépend du pétrole.
La consommation des pays développés diminue principalement du fait des effets de la
crise 3 tandis que la demande des autres régions du monde ne cesse d’augmenter.
Pour évoquer les inquiétudes (ou l’enthousiasme) sur l’industrie pétrolière, les médias se
focalisent principalement sur la question des réserves. Ces dernières étant souvent
évoquées en termes d’années de production. C’est une double erreur (ou manipulation selon
les cas).
Compter les réserves en années de production est une pure commodité de langage, un
artifice intellectuel qui ne correspond à rien de concret.
Par exemple, dire que les réserves représentent 40 ans de production, c’est supposer que la
production va stagner pendant 40 ans4 (alors que le monde en veut toujours plus….) puis chuter
brutalement à zéro !
Manicore.com
Cette forme de mesure des réserves est parfois utilisée par des ingénieurs…qui sont en
principe conscients de l’irréalisme de l’expression.
3
Exemple : aux Etats-Unis, le nombre de personnes tributaires de bons alimentaires a augmente dé 30 millions depuis 2008
4
Sauf période de crise très grave, la production n’a cessé d’augmenter depuis plus d’un siècle.
Mais nous, quand on nous dit : « …nous avons pour 40 ans de réserve » nous
comprenons : « il n’y a pas de problèmes pendant 40 ans »
ce qui se traduit par « la consommation de pétrole pourra encore augmenter 40 ans ».
Manicore.com
Bien évidemment, en pensant cela, on rajoute sans s’en rendre compte des réserves que
les ingénieurs ne donnent pas (triangle violet au dessus de 30 entre 2005 et 2040).
Plus important, comme la production de pétrole ne peut pas stagner puis chuter
brutalement à zéro, dire qu’on a pour 40 ans de réserves peut signifier quelque chose de
très différent de : on est tranquille pour 40 ans.
En effet, dans la réalité, quand on cherche à extraire le plus vite possible une ressource
finie, la production passe par un maximum puis décroît. C’est ce qu’on appelle la courbe
de Hubbert5. Cette forme a été très souvent vérifiée6 et pas seulement pour le pétrole.
Par exemple, on peut avoir quelque chose comme ceci :
Manicore.com
5
Du nom du géologue américain qui en 1957 avait ainsi prédit le pic de production de pétrole de son pays en 1970.
6
Seule des circonstances politiques qui empêchent d’extraire le plus vite possible aboutissent à une forme différente
(ex : courbe de l’Irak ).
Bilan :
Se focaliser sur la mesure des réserves n’est pas une bonne approche. C’est d’autant plus
vrai que :
- la notion de réserve est polysémique (1P,2P,3P ) et le comptage est principalement
basé sur les déclarations des Etats.
- les données annoncées sont souvent trompeuses et/ou manipulées avec une
tendance structurelle à la surestimation ( cf J.Laherrère : guerre des quotas de 1986 et pb de
déclaration à la SEC).7
Ce qui compte vraiment pour notre société, ce ne sont pas les déclarations plus ou moins
vérifiables sur le potentiel dans le sous-sol.
Ce qui compte pour notre société, c’est la production actuelle de pétrole et son évolution à
court et moyen terme8.
Les découvertes de pétrole classique (dit conventionnel) ont plafonné dans les années 60
avec la mise à jour de quelques très gros champs pétroliers. Aujourd’hui, elles sont
structurellement beaucoup plus faibles et très en dessous du volume produit annuellement.
http://www.avenir-sans-petrole.org/
trait : découvertes annuelles de pétrole en milliards de barils de réserves estimées
7
Détails disponibles sur cet important sujet s’il y’a des questions ou remarques
8
L’état d’un gisement présent ou dans un futur proche est aussi bien plus difficile à enjoliver que celui d’une réserve
hypothétique.
Depuis un siècle et demi, le volume de pétrole produit n’a presque jamais cessé
d’augmenter jusqu’à aujourd’hui même si cela se fait à un rythme de plus en plus faible.
(+7% /an pendant les Trentes-Glorieuses, +0,5%/an actuellement environ)
Il est donc essentiel de savoir si cela pourra continuer encore longtemps.
Si on fait le bilan de la décennie passée, on se rend compte que ce sont surtout les
« optimistes » qui ont été obligés de corriger leurs prévisions. 9
Aujourd’hui, même s’il reste des controverses on peut affirmer a minima que plus
personne de sérieux ne croit que la production de pétrole va de nouveau augmenter au
rythme des années 60 malgré un prix 10 fois plus élevé.
Avant d’examiner cela plus en détail, il nous faut évoquer rapidement la technologie
pétrolière.
9
en 2004, l’AIE prévoyait bien plus de 120 millions de barils par jour en 2035, en 2008, elle ne prévoit plus que 110
mb/j environ en 2035 et en 2012, c’est moins de 100 mb/j.
Comparez sa capacité prédictive avec celle des pessimistes comme l’ASPO Voir par exemple
http://aspofrance.viabloga.com/files/JL_Marseillelong2013.pdf page 17 à 19 notamment
B) Un aperçu des limites des technologies de récupération assistée
Cantarell était un très gros gisement de pétrole au large du Mexique. Vers la fin des années
90 on a mis en place des technologies pour accélérer la production (multiplication des
puits et injection d’azote). L’extraction a rapidement doublé pour passer 2 millions de
barils/jour (2mb/d) avant de chuter bien plus vite que ce qui aurait eu lieu sans cela.10
On peut donner une autre illustration significative des limites techniques avec la
production pétrolière européenne qui a été divisée par deux en 10 ans.
Production pétrolière en Europe occidentale (UE+Norvège).
10
production de Cantarell fin 2008 : 850 000 barils/jour, 2013 moins de 100 000 barils/jour
http://aspofrance.viabloga.com/files/Sophia2013.pdf p 15 et plus
On peut aussi donner l’exemple de la situation des compagnies pétrolières privées (Total,
Shell…).
Elles sont minoritaires au niveau mondial mais elles disposent de la meilleure technologie.
Or, entre le milieu des années 2000 et aujourd’hui, leurs investissements (exploration,
exploitation) ont été multipliés par 2,5 (109 milliards de dollars à 262 milliards de dollars) tandis
que leur production de pétrole a décru de 13% passant de 16,1 millions de barils par jour à
14 millions de barils/jour.
http://petrole.blog.lemonde.fr/2014/03/17/nouvelle-chute-en-2013-de-la-production-de-brut-des-majors-
desormais-contraintes-a-desinvestir/#more-10295
L’essentiel du B) :
« La technologie n’augmente pas les réserves, elle vide le puits plus vite ». (J. Laherrère)
C) les limites physiques, techniques, économiques et la question du temps
« Toutes les grandes défaites peuvent se résumer en deux mots : trop tard » général Mc Arthur
(NB : Petrobras = compagnie pétrolière brésilienne, pas une officine écologique extrémiste).
L’essentiel :
L’industrie pétrolière est en train de courir sur un tapis roulant à rebours qui accélère.
C’est ce qu’on appelle parfois l’effet de la reine rouge.
On ne renouvelle pas les trois quart de l’extraction pétrolière comme une gamme de
téléphones portable.
11
ex : il faudrait doubler la production mondiale de charbon pour remplacer 50% du pétrole !
12
Il faut aussi des ressources en métaux abondantes pour toute l’infrastructure. Or, elles s’épuisent et demandent de
plus en plus d’énergie pour aller les chercher. Encore un cercle vicieux mais on ne peut pas tout détailler.
Bilan du II)
Benoît Thévard
Pour estimer l’importance de cette énergie nette, on utilise de plus en plus la notion de taux de
retour énergétique (TRE) = énergie récupérée / énergie consommée pour l’extraire.
TRE ou EROEI : (Energy Returned on Energy Invested (ou EROI: Energy Returned on Investment).
EROIE estimés (énergie récupérée / énergie investie)
http://www.avenir-sans-petrole.org/article-extraire-du-petrole-pour-extraire-du-petrole-pour-113088729.html
EROIE : energy returned on invest energy
13
pour maintenir une société complexe il faut sans doute que le système énergétique fournisse 10
fois plus d’énergie qu’il n’en consomme (EROEI = 10) Voir notamment les analyses de Charles Hall
Ce que nous dit ce graphique c’est qu’en 1930 aux Etats-Unis, on récupérait 100 fois plus
de pétrole qu’on n’en dépensait pour l’extraire. (EROEI = 100)
En 2005, ce n’est plus que 10 fois plus en moyenne.
Même si les calculs sont discutés, la tendance de fond pour les énergies fossiles et plus
particulièrement pour le pétrole est claire :
Une part croissante de l’énergie extraite est utilisée par le système énergétique
(donc indisponible pour la société).
Ce seuil d’un EROIE minimal de 1 est une frontière indépassable qui distingue l’énergie
de toutes les autres ressources nécessaires au fonctionnement d’une société.
Si quelqu’un est prêt à payer et qu’on dispose de l’énergie nécessaire on peut imaginer
aller chercher un minerai rare sur la lune et en tirer un avantage pour la société (en théorie
au moins !).
Par contre, quelque soit la volonté humaine et l’argent déversé, s’il faut dépenser plus
d’une unité d’énergie pour en récupérer une seule de qualité équivalente, la société ne peut
que y perdre.
14
déplacer et filtrer 1000 tonnes de terre nécessitera toujours une quantité énorme d’énergie quelque soit la technique.
Idem pour l’offshore profond, la fracturation hydraulique des pétroles compacts, etc…..).
Synthèse II) et III): quel approvisionnement prévisible en hydrocarbures liquides en
Occident pour les 20 prochaines années ?
On retrouve dans ce scénario modéré parmi d’autres l’essentiel de ce que nous avons
souligné précédemment :
- la production de pétrole conventionnel qui stagne et va décliner rapidement.
- la somme de toutes les autres formes d’hydrocarbures liquides qui compense juste.
15
Ou les nombreuses incertitudes géopolitiques (Irak, Russie…)
La disponibilité en hydrocarbures liquides de l’Occident devrait baisser de 30 à 50 %
en moins de 20 ans.
AIE
40 Exportations nettes
ASPO
30
20
Optimistes
Pessimistes
10 Exportations disponibles
pour les pays développés
B.Durand, La crise pétrolière et l’Europe, une situation d’urgence. (téléchargeable gratuitement sur internet)
Lecture : Les exportations nettes correspondent à ce que les pays producteurs de pétrole
peuvent livrer aux pays importateurs de pétrole. (B.Durand met en évidence la différence
entre la prévision optimiste de l’AIE en bleu et celle de l’ASPO en orange).
Une fois décompté les importations prévisibles des pays émergents, il en déduit que les
exportations disponibles pour les pays développés diminuent rapidement.
IV) Peut-on envisager une croissance forte en Occident avec une telle trajectoire ?
A) Peut-on imaginer de remplacer assez vite le pétrole dans les transports par
de l’électricité (d’origine renouvelable ou non) ?
http://energyskeptic.com/category/energy/alternative-energy-energy/
Le nucléaire pourrait en théorie avoir son mot à dire sur une durée de 50 ans mais
même sur ce délai il y’a de fortes objections (développement de nouvelles filières sans U235,
acceptation sociale, contraintes de sécurité…).
Sur 20 ans le nucléaire ne peut changer fondamentalement la donne.
L’éolien et le solaire sont encore extrêmement marginaux. Rien que pour avoir
l’équivalent énergétique d’1% de la production mondiale d’hydrocarbures liquides, il
faudrait installer 1/3 de la capacité éolienne installée depuis 20 ans ou 2 fois la capacité
photovoltaïque installée depuis 20 ans16.
Dans les faits, cela serait encore bien plus compliqué car il faudrait gérer l’intermittence
de ces sources d’énergie et toutes les pertes énergétiques que cela induit (centrales
1718
thermiques en appoint, réseaux intelligents, STEP…)
Tout cela devrait se faire à très grande échelle avec un coût d’investissement initial
extrêmement élevé.
_________________________________
De toute façon, même si au prix d’immenses efforts, on parvenait à produire une quantité
suffisante d’électricité pour remplacer une part des carburants, cela ne suffirait pas.
La production électrique, renouvelable ou non, n’a aucun effet sur l’énergie dans les
transports si on ne remplace pas en même temps les modes de propulsion.
Par exemple, l’Allemagne a dépensé plus de 250 milliards d’euros dans les énergies
renouvelables…sans que cela ne diminue en rien sa consommation de carburants.
Au final :
Il n’est pas du tout crédible de penser que l’on pourra remplacer une partie significative du
pétrole d’ici deux décennies par de l’électricité quelque soit sa source et encore moins si
elle est renouvelable. 2122
16
Calculs simplifiés à partir de http://www.manicore.com/documentation/part_eolien.html
17
Des physiciens ont récemment calculé un EROIE inférieur à 4 pour l’éolien et inférieur à 2 pour le solaire photovoltaïque.
18
http://festkoerper-kernphysik.de/Weissbach_EROI_preprint.pdf. Cela confirme les calculs très détaillés de C.Hall et Prieto
sur le photovoltaïque en Espagne. (http://www.springer.com/energy/renewable+and+green+energy/book/978-1-4419-9436-3 )
19
Il faudrait en plus que le parc automobile cesse d’augmenter de 30 millions de véhicules supplémentaires par an.
20
Il s’est vendu autour de 200.000 voitures électriques en 2013 dans le monde et une étude optimiste prédit plus de 2,5
millions en 2018 mais les ventes mondiales annuelles de voiture thermique dépassent largement 60 millions.
21
Imaginer de remplacer une part significative de la phénoménale quantité d’énergie consommée actuellement par des
renouvelables d’ici à la fin du siècle soulève déjà de sérieuses questions (disponibilité en métaux et en espace, EROIE global,
gestion de l’intermittence, infrastructures annexes, etc…) Pour plus de détails voir le travail exceptionnel du physicien David
Mc Kay : http://www.amides.fr/sewtha.html Quoiqu’il en soit, c’est une autre question. La transformation du système
énergétique dans 50 ans est une problématique différente de la résolution du défi pétrolier dans 20 ans. Plus exactement, ce
qu’on peut réaliser dans 50 ans est fortement conditionné par ce qu’on réalise en priorité d’ici 20 ans dans le domaine pétrolier.
22
On peut s’interroger sur la scientificité des plans qui décrivent l’avenir énergétique en détail dans 50 ans. La théorie
ne se retrouve jamais confrontée aux faits et surtout il est évident que sur une telle durée il peut se passer tout et son contraire
(effondrement, généralisation du nucléaire au thorium, etc…). Les interactions mondiales sont devenues trop complexes pour
prétendre faire des prévisions précises de long terme. Sur ce délai, le système est forcément chaotique donc imprévisible
quelque soit les analyses et capacités de calcul (comme les prévisions météo au-delà de quelques jours).
Si on ne peut pas remplacer suffisamment une énergie par une autre, peut-être faut-il se
tourner vers la question de l’efficacité de son usage.
Pour se faire une idée de ce qui est possible dans l’avenir, on peut examiner les résultats
obtenus en Europe dans la décennie 2000.
Evolution de l'amélioration de l'efficacité énergétique en Europe
23
et au moins un siècle pour rénover en profondeur tous les logements
- il est souvent de plus en plus difficile de réduire la consommation d’énergie d’une
technologie donnée (ex : moteurs thermiques d’automobile et d’avion).
- développer les services ne réduit pas significativement la consommation d’énergie
même dans les transports (certains services comme le transport aérien sont très énergivores, d’autres
induisent des dépenses de biens transportés par la suite comme les achats par internet, ….).
Le moteur énergétiquement plus efficace a conduit à acheter des voitures plus puissantes,
plus lourdes, plus équipées……et à rouler plus et plus vite.
Dans les transports les effets rebonds sont très élevés et expliquent pourquoi la
consommation de carburant en France n’a cessé d’augmenter (hors crises 73 et 79 et actuelle)
malgré des décennies de progrès technique.
Les progrès techniques dans l’efficacité énergétique des véhicules thermiques sont
forcément graduels tandis que les désirs de mobilité sont insatiables.
Dans les transports, pour contrer les effets rebonds il faudrait donc que la population
accepte une contrainte forte (réglementation, taxation, quotas généralisés…). Cela suppose une
transformation radicale des mentalités qui n’est pas acquise malgré certaines évolutions.
Enfin, on peut noter que depuis le début de la crise actuelle, l’efficacité énergétique ne
progresse plus. Il est plus difficile pour tous les acteurs de trouver des financements et le
ralentissement économique induit une baisse de certains taux de remplissage (transport de
marchandises par camions et avions, transport de personnes par avion…).
24
même si celui-ci le stimule constamment par la publicité et les injonctions politiques à consommer...
Bilan B:
Il ne faut pas se fier aux progrès spectaculaires dans un domaine isolé (ni aux effets d’annonce
de tel ou tel constructeur de voiture hybride par exemple…).
Ce qui compte c’est la globalité.
Or, pour toutes les raisons de fond que nous venons de souligner, la tendance de fond dans
l’amélioration de l’efficacité énergétique tourne autour de 1%/an. Il y’a une grande inertie
et on ne voit pas d’accélération (au contraire).
C’est encore plus vrai pour le seul secteur des transports : les gains en efficacité des
moteurs thermiques sont très graduels et le remplacement par l’électrique restera
longtemps très marginal. Les freins culturels sont aussi très forts.
Examinons ce qu’un gain limité en efficacité énergétique de 1%/an implique comme force
de rappel sur notre croissance dans les 20 ans qui viennent :
-si l’approvisionnement en pétrole de l’Occident stagne, on peut espérer que le PIB
augmente de +1%/an grâce à l’efficacité énergétique.25
Mais, après tout, l’avenir n’est pas forcément dans la continuité du passé.
Est-ce qu’on ne peut pas imaginer que la hausse des prix du pétrole nous amène à faire
plus d’efforts, à trouver des alternatives qu’on n’aurait pas développé autrement ?
25
le cas d’un approvisionnement pétrolier en Occident qui augmente est trop invraisemblable pour mériter examen.
26
C’est malheureusement très théorique car une telle trajectoire aurait des conséquences économiques en cascade très
néfastes notamment au niveau des capacités à investir dans les économies d’énergie.
C) la montée du prix du pétrole nous forcera telle à aller vers une « croissance
durable » ?
Mais pour que cela fonctionne ainsi, encore faut-il que le prix du pétrole puisse
durablement se maintenir à un niveau élevé.
Ce n’est pas ce que nous enseigne l’histoire occidentale récente :
comme le pétrole est devenu très important pour toute l’économie moderne, la
hausse de son prix finit par provoquer une récession en Occident 27…ce qui fait baisser
ensuite le prix du pétrole.
Par exemple, aux Etats-Unis, selon une étude de James Hamilton de l'université de San
Diego28, 10 récessions sur 11 depuis 1945 ont été précédées par une hausse des cours du
brut, et inversement, 11 flambées des prix du baril sur 12 ont été suivies par une récession.
Jeff Rubin and Peter Buchanan, October 2008, in What's the Real Cause of the Global Recession ?, CIBC World Markets
27
En 2004, l'AIE avait involontairement confirmé ce phénomène. Dans son rapport « L'impact des prix de pétrole élevés sur
l'économie mondiale », elle estimait 0,4 % de croissance en moins pour 10 dollars supplémentaires par baril.(
http://www.franceculture.fr/emission-les-carnets-de-l-economie-oskar-slingerland-14-et-si-le-prix-du-petrole-avait-provoque-
la-c http://www.franceculture.fr/emission-les-carnets-de-l-economie-oskar-slingerland-34-est-ce-le-prix-de-l-energie-qui-
nous-empeche )
La hausse des prix impacte surtout les pays riches. Les pays émergents bénéficient eux d’un transfert de richesses.
(NB : Facture énergétique de la France triplée en % du PIB depuis fin des années 90 (1 à 3% du PIB))
28
(http://econweb.ucsd.edu/~jhamilton/oil_history.pdf )
Partant de ces constats, des analystes ont proposé dès le milieu des années 2000 un autre
schéma pour décrire les implications économiques de la raréfaction pétrolière :
c’est la « théorie » dite de la tôle ondulée
Expliquons brièvement : avec la raréfaction progressive du pétrole, la production a de plus
en plus de mal à suivre. De son côté, la technologie et les changements d’habitude trop
lents ne peuvent pas freiner la demande suffisamment vite29.
Dès lors, avec une demande insatiable et une offre qui ne suit pas, le prix du pétrole
va se mettre à monter jusqu’à ce que la partie du système économique mondial la plus
fragile « casse ». La crise économique qui s’en suit fait chuter la demande de pétrole
d’une partie de la population (nouveaux chômeurs et pauvres…).
Le prix du pétrole baisse alors…et les acheteurs encore solvables conservent peu ou
prou leurs habitudes de consommation de pétrole tandis que les investissements dans les
alternatives et les nouveaux gisements pétroliers sont freinés.
Et le cycle de reprise de la hausse des prix peut reprendre.
Aujourd’hui, Pour réaliser sans retard les investissements de plus en plus coûteux dans les
nouveaux projets en hydrocarbures liquides indispensables, il faut un prix du baril qui
tourne autour de 100 dollars par baril.
Malheureusement, à ce prix là, l’économie mondiale ne parvient pas à se rétablir.30
D’ailleurs, depuis la seconde moitié de 2014, la croissance mondiale ralentit…ce qui s’est
accompagné d’une baisse brutale du prix du pétrole.
29
( produit très désiré et très difficile à remplacer à l’identique).
30
La preuve en est que les déséquilibres économiques qui ont été au cœur de la crise de 2008 se sont aggravés entre 2011 et
2014 (chômage, endettement public et privé, inégalités, financiarisation, bulles spéculatives, etc…)
Conclusion IV:
Il n’est pas du tout plausible que l’approvisionnement en énergie nette sous forme
d’hydrocarbure liquide fasse autre chose que baisser de 1 à 2%/an en Occident.
Dans ce contexte, il n’est pas du tout plausible que nous parvenions à mobiliser
l’énergie et les autres ressources nécessaires pour transformer notre système énergétique à
un rythme bien plus élevé que ce que nous avons réussi à faire en période d’abondance
énergétique.
Par conséquent :
L’idée qu’une croissance significative du PIB puisse avoir lieu d’ici à 2030 dans les pays
développés n’est basé sur aucune argumentation rationnelle sérieuse.