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La fission ou la fusion de l'atome pourra-t-elle remplacer les principales ... https://www.monde-diplomatique.

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La fission ou la fusion de l’atome pourra-


t-elle remplacer les principales sources
d’énergie en voie d’épuisement ?
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L
�������� disposera-t-elle en temps voulu d’une nouvelle source d’énergie suffisamment

puissante pour remplacer le pétrole et le charbon qui sont en train de se tarir ? De la


réponse qui sera donnée à cette question dépend l’avenir de notre civilisation, car elle
commande l’évolution du niveau de vie des populations du globe. Ce problème a fait l’objet
devant la Commission politique spéciale des Nations unies d’un exposé magistral de
M. Jules Moch, que sa qualité d’homme d’Etat doublé d’un ancien polytechnicien, rend
particulièrement compétent en la matière. Nous sommes en mesure d’offrir en exclusivité à nos
lecteurs le résumé officiel de cette étude d’un intérêt exceptionnel.

L’humanité évolue matériellement en fonction du progrès technique. Celui-ci, sans cesse accéléré dans
le temps et dans l’espace, se mesure en fin de compte par la quantité d’énergie disponible.

Le progrès technique varie, dans un même pays, selon les époques et les branches d’activité ; à une
même époque, selon les pays et les branches ; dans une même branche, selon les pays et les époques.
Mais une vue d’ensemble apparaît nettement quand on étudie l’évolution générale sur une période
assez longue.

La première constatation qui s’impose alors est l’accroissement de la force motrice utilisée par
habitant. Celle-ci, engins de transports exclus, est passée aux Etats-Unis de 0,19 CV. en 1909 à 0,38
en 1930 ; et à plus de 0,50 en 1950. Elle est passée, au Canada, de 0,23 CV. en 1923, à 0,54 en 1953.
Elle a crû en France dans une semblable proportion. Dans les trois pays, l’énergie disponible par
habitant a sensiblement doublé au cours du premier tiers de siècle.

Dans les pays industrialisés, cette puissance est de l’ordre d’un demi CV. par habitant, elle est quatre
cents fois moindre dans les territoires les plus sous-développés et n’atteint, dans le monde entier, que
le sixième du total américain.

Ressources énergétiques de l’univers


Il faut donc satisfaire une demande sans cesse accrue d’énergie pour ne pas freiner l’essor de la
civilisation dans les pays industrialisés. Pour promouvoir la civilisation matérielle dans les deux tiers

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sous-développés de l’humanité. c’est une progression beaucoup plus considérable encore qu’il faudrait
réaliser puisqu’il serait nécessaire de sextupler la consommation totale pour amener tous les pays au
niveau actuel de l’Amérique.

Le dix-neuvième siècle a connu le quasi-monopole de la vapeur. Ce sont les machines thermiques,


volumineuses, puissantes et coûteuses qui ont imposé le passage de la manufacture familiale à la
société anonyme, « de l’artisanat dispersé au prolétariat concentré .. Ce monopole a été battu en
brèche au vingtième siècle par l’électricité et l’essence. La multiplication des petits moteurs a permis
la renaissance d’un artisanat modernisé et une relative déconcentration vers les petites et moyennes
industries.

Mais pour étudier le développement économique et pas seulement un aspect de l’évolution sociale, il
faut considérer toutes les sources d’énergie. On constate alors que les Etats-Unis tirent la moitié de
leurs ressources énergétiques du charbon, un quart du pétrole et du gaz, et un quart de la houille
blanche. En Europe occidentale, le charbon fournit les trois quarts de la puissance consommée, le
pétrole 14 %, la houille blanche 8 %. En U.R.S.S. les pourcentages sont approximativement de 68, 10
et 22 %.

Mais ces ressources, inégalement réparties entre les peuples, s’épuisent plus ou moins rapidement, ou
demeurent limitées. Si les Etats-Unis possèdent cinq à six siècles de réserves de charbon, l’Angleterre
n’en a que pour un siècle et certains gisements français sont déjà entrés dans la période d’épuisement
et des prix de revient en hausse. La situation est plus grave pour le pétrole, dont depuis un demi-siècle
on prévoit l’épuisement pour les dix années suivantes. Bien qu’on continue à découvrir de nouvelles
nappes, le fait est que les réserves actuellement connues des Etats-Unis correspondent seulement à
quatorze ans de la consommation actuelle.

Pour la houille blanche, si les ressources sont inépuisables dans le temps, elles sont aussi limitées.
Cependant, fleuves et chutes d’eau sont en général encore mal utilisés. Le Canada, fortement
industrialisé, n’a mis en valeur que le quart de ses immenses ressources hydrauliques, tandis que
l’Italie, privée de combustibles minéraux, exploite déjà 60 % de la puissance de ses chutes, la France,
mieux dotée en charbon, 55 %, les Etats-Unis, 43 %.

Une lointaine solution


Les hommes doivent donc, dans d’assez brefs délais, exploiter de nouvelles sources d’énergie. La
réalisation de cet objectif est, à terme, la condition du progrès social. Or l’énergie atomique apporte
pour le moment une solution toute théorique.

L’équation d’Einstein, la plus géniale des conceptions humaines, nous apprend en effet que
l’annihilation totale d’un gramme de matière quelconque dégagerait une énergie équivalant
sensiblement à la combustion de 20 millions de tonnes de charbon. Les besoins actuels de tous les
hommes seraient ainsi couverts par l’annihilation, chaque année, de 130 kilos de matière, et il en
suffirait de six fois plus pour élever le niveau de vie universel à l’étiage américain.

Mais nous ne savons pas annihiler entièrement une particule de matière et peut-être nos descendants
ne le sauront-ils jamais. Le phénomène de la fission détruit moins du millième des masses en contact.
Celui de la fusion, s’il pouvait être provoqué sous forme ralentie, en ferait disparaître moins d’un
centième. Il faut donc soumettre à la fission des masses mille fois supérieures aux précédentes pour
créer la même énergie, c’est-à-dire raisonner en tonnes et non pas en kilos.

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Si l’on passait à la pratique dans les conditions expérimentales actuelles, il faudrait utiliser des
quantités d’uranium beaucoup plus considérables ; le prix de revient de l’opération serait à jamais
prohibitif. Il résulte de quelques chiffres que, dans les conditions théoriques actuelles, si on les réalise
industriellement dans un certain nombre d’années, il faudrait disposer d’uranium naturel et de
thorium au rythme de 300 tonnes par an pour produire, avec un rendement de 50 % – très supérieur
au rendement actuel -l’énergie utilisée aujourd’hui. Mais comme un tel progrès des techniques ne se
produira pas avant un certain nombre d’années, il faut prévoir une augmentation de la consommation
d’énergie comparable à celle qui s’est produite dans la période précédente, soit deux fois plus. Pour
doter tous les peuples de l’industrialisation américaine actuelle, la quantité nécessaire serait de près de
4.000 tonnes par an. La généralisation de l’énergie atomique par ce procédé encore inexploité rte
pourra donc s’effectuer que très progressivement. Gardons-nous de trop rapides espoirs.

La coopération internationale
s

1 La première commission de l’Assemblée générale étudie la possibilité d’établir une coopération


internationale pour l’utilisation de l’énergie atomique à des fins pacifiques. Les Etats-Unis, qui ont été
les premiers à avan-, cer cette idée, ont soumis aux Nations unies, de concert avec d’autres puissances
intéressées, un ensemble de propositions en vertu desquelles il serait créé une agence internationale
de l’énergie atomique chargée « de faciliter l’utilisation, dans le monde entier, de l’énergie atomique à
des fins pacifiques et d’encourager la coopération internationale en vue du développement accru de
l’énergie atomique et de son application pratique au profit de l’humanité ».

Dans les interventions qu’ils ont faites à la Commission politique, les représentants des Etats-Unis, du
Royaume-Uni, du Canada et de la France ont exposé l’état des recherches, dans leurs pays, en vue de
l’utilisation pacifique de l’énergie atomique, ainsi que la contribution que leurs pays étaient disposés
dès maintenant à apporter à une entreprise de coopération internationale dans ce domaine.

Voici les renseignements fournis sous ce double aspect par les représentants de ces pays.

J���� M���
Ancien ministre

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