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RELATIONS INTERRELIGIEUSES
LORENZO PERRONE
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Je rappelle, non sans un brin de chauvinisme, qu’en 1899, au seuil de sa phase
agnostique et libertine, il visita avec sa famille le sanctuaire de la Madonna di San
Luca à Bologne.
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Dans une lettre du 2 septembre 1934, Massignon se lamente de la situation
familiale à ce propos : “mon foyer, du fait de l’abstention de piété (très discrète et
très différente) de ma Femme, n’a jamais pu être un foyer fervent […] Ma Femme
trouve qu’on n’a pas besoin d’être si souvent (1 heure le matin et ¼ d’heure
l’après-midi) à l’église quand on n’est ni moine ni prêtre (comme si l’action de
grâces était une ‘profession’ matérielle réservée à certains” (Massignon – Abd-el-
Jalil, 109).
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Qu’on pense à la neuvaine de prière faite en 1932 à La Verne avec le P. Abd-el-
Jalil, pour le 1300e anniversaire de la mort de Muhammad et mentionnée dans une
lettre du 7 octobre 1957 à Giorgio La Pira, maire de Florence. Cf. G. BASETTI-
SANI, en appendice : Carteggio tra L. Massignon e G. La Pira, Firenze 1985, 273.
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“Il a béni debout ma ‘voie’ particulière et tous mes collaborateurs. Il m’a taqui-
né, disant qu’à force d’aimer, j’étais devenu un ‘musulman catholique’ pour qu’on
aime, par moi, les musulmans dans l’Église” (Massignon – Abd-el-Jalil, 109 [24
juillet 1934]).
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hors de ce nœud d’angoisse où l’âme sent sa vocation intime étranglée par son
destin communautaire, auquel elle doit consentir par l’offrande exhalée vers le
ciel d’un sacrifice total” (L. MASSIGNON, L’hospitalité sacrée, Textes inédits pré-
sentés par J. Keryell, Préface de R. Voillaume, Paris 1987, 416). Pour l’idée de
prière comme anabasis chez Évagre et pour son équivalence sacrificielle chez
Origène, je renvoie à mon travail en cours d’élaboration : L’impossibilità donata.
Uno studio su Origene e la preghiera.
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“La cité des morts au Caire”, 379.
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“Merci pour votre lettre du 28, date qui m’est chère, notre union de prières avec
Paul Claudel ayant sa fête de famille le jour de St Augustin” (Massignon – Abd-
el-Jalil, 47 [6 septembre 1928]). Il s’agissait, comme le rappelle Françoise Jac-
quin, d’une “coopérative de prières” fondée par Massignon en 1913 : “À la fin des
années 1920, elle réunissait une petite centaine d’intellectuels catholiques (clercs
et laïcs) en une chaîne de prières aux intentions des uns et des autres” (ibid., 47,
n. 1). Cf. aussi V.-M. MONTEIL, “Entretiens”, PD, 10.
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C’est cela le “grand rêve”, daté originellement de 1909, auquel Six a consacré
sa passionnante reconstruction (Le grand rêve de Charles de Foucauld et Louis
Massignon), qui fait de Massignon l’interprète et le témoin le plus fidèle de
l’enseignement de Foucauld : “Ce legs, ce ne sont pas des congrégations ou des
‘fraternités’, mais une ‘Union’ destinée ‘à toute âme de bonne volonté’ qui veut
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125). En revanche dans la Passion l’islamologue soutient que “[Pour Hallaj]
l’essentiel est d’obtenir le pardon de tous par une prière d’offrande totalement
dénuée” (La Passion de Hallâj martyr mystique de l’Islam, I, 266 ; cf. aussi ibid.,
28-29 sur l’universalisme de la prière du mystique).
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Il résulte de la “Convocation” du 1er juillet 1960 que Massignon se rendit en
pèlerinage à la prison dans laquelle l’ami s’était ôté la vie : “Le Scellement, au
bout de trente-neuf années, de notre blason (le Cœur percé par la Lance), sur
l’autel même de la prison où se tua le premier frère désespéré pour qui la Badaliya
fut fondée à Damiette – en Espagne (à Mislata de Valence), doit nous confirmer
dans notre vocation (Luis)” (L’hospitalité sacrée, 442).
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Dans la “Lettre annuelle no VII” écrite à Jérusalem (9-13 décembre 1953), il
rappelle avoir célébré une messe “à Béni Naïm […], l’endroit exact de la grande
prière de badaliya d’Abraham sur Sodome, méditée par nous dès 1908 (Baghdad)
et 1913, dans sa lettre et son symbole” (ibid., 406).
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“Lettre annuelle n° IV”, écrite à Hébron et Bethléem à Noël 1950 (ibid., 403).
34
“Convocation” du 3 février 1962 (ibid., 457).
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l’on considère ce qui émerge de la “Lettre à Mme R. Charles-Barzel”, dans “Ô
Vierge puissante”, où Massignon résume les étapes de l’histoire du salut en sui-
vant ce schéma : “Dans l’histoire de l’humanité, nous avons trois périodes reli-
gieuses : 1) l’état de nature, blessé par le péché d’Adam, correspondant à l’époque
patriarcale ; 2) l’état légal, qui commence au décalogue du Sinaï ; 3) l’état évan-
gélique, qui commence au Christ et à la Pentecôte. […] L’Islam est encore à l’état
patriarcal, au temps d’Abraham” (in BORRMANS, “Aspects théologiques de la
pensée de Louis Massignon sur l’islam”, 128). Dans l’une des dernières lettres à
Abd-el-Jalil il reprend le même schéma qu’il associe au souvenir de Monchanin :
“L’Islam remonte vers le passé d’avant Moïse et même Noé, il y a là cette ferme-
ture du temps par remontée vers nos origines que Monchanin a, comme moi, saisi
et compris” (Massignon – Abd-el-Jalil, 277)
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Pour les Pères, Abraham est d’abord l’homme de l’exode et de la foi en Dieu,
comme nous le voyons dans l’interprétation de Daniélou : “Pour le théologien
familier des Pères de l’Église, Abraham est l’homme à qui Dieu demande de par-
tir, et qui a accepté ce saut dans l’inconnu. […] Du commencement absolu à l’at-
tente du retour du Christ, la foi d’Abraham mise à l’épreuve dans la stérilité de
Sara, dans l’abandon d’Ismaël, dans le sacrifice d’Isaac, cette foi domine la pen-
sée du Père Daniélou” (BESSIRARD, “Louis Massignon et le Père Daniélou”, 171-
172). Toutefois, celui-ci montre qu’il fait siens les accents typiques de Massignon
sur Abraham intercesseur (cf. p. 173). Les trois prières d’Abraham comprennent
quatre textes de différentes périodes : “La prière sur Sodome”, “L’hégire d’Is-
maël”, “Le sacrifice d’Isaac” et “Les trois prières d’Abraham père de tous les
croyants”. Je les citerai selon leur titre à partir de l’édition préparée par son fils
Daniel : L. MASSIGNON, Les trois prières d’Abraham, Paris 1997.
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Dans le texte “À la limite”, écrit pour Noël 1956, Massignon fait sienne la per-
spective des témoins souffrants de He 12, comme compagnons de prière et de lut-
te : “À la limite où notre effort d’intercession suppliante entre deux terrorismes
plie, accablé, comme celui de Gandhi à Noakhali en 1947, sur les genoux, – rele-
vons nos yeux en haut, vers la vie éternelle, vers le ‘nuage de témoins qui nous
ont précédés’ ; ils ont été marqués, eux aussi, abandonnés, otages et rançon de la
justice, avant le temps, dans la participation au Calice de la Passion, dans la Soli-
tude à deux avec le Seigneur, dans l’esseulement de l’Essentiel Désir” (PD, 284 ;
cf. aussi 376).
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“Gandhi a rejoint dans une mort puissante pour les pauvres et les persécutés,
l’effort des saints solitaires slaves, issus de saint Pacôme et de saint Basile, dont
Tolstoï lui avait transmis, avec l’amour des Béatitudes évangéliques, le dernier
écho” (“Les trois prières d’Abraham père de tous les croyants”, 131). Sur les rap-
ports avec Gandhi, voir Massignon et Gandhi, la contagion de la vérité. Textes
choisis et présentés par C. Drevet, Préface de Y. Moubarac, coll. “Chrétiens de
tous les temps” 23, Paris 1967.
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“Priant, il va y avoir quarante ans, et essayant d’imiter ces trois amis et aînés,
dans un coin de désert de Haute Égypte, Fao, là où fut jadis Phboou, l’ermitage de
Pacôme, le premier centre historique de la militante ascèse chrétienne, il me fut
donné d’en goûter la force : lorsque l’inconscience obstinée d’un compagnon en-
traîné jusque-là s’ouvrit soudain pour un instant à la percée de la Grâce” (“Les
trois prières d’Abraham père de tous les croyants”, 132). Sur les circonstances de
ce voyage, voir SIX, Le grand rêve de Charles de Foucauld et Louis Massignon,
42-43. Le souvenir du monachisme dans l’Arabie préislamique est évoquée dans
“L’hégire d’Ismaël”, 64.
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Je renvoie ici à mes contributions : “La preghiera nel Commento a Matteo di
Origene” et “La morte in croce di Gesù epifania divina del mistero del Logos fatto
carne (Origene, Commentariorum Series in Matthaeum, 138-140)” (en cours de
publication).
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Cet orant est pour Massignon (fils explicite de Huysmans) un témoin de Dieu,
défiguré et méconnaissable aux yeux des hommes : “Quand Dieu se choisit un
témoin, même dans le domaine le plus humble, il le rend aux autres méconnais-
sable et odieux. Il voile son âme pour la défendre de la vaine gloire, comme le
Targui se voile contre le vent de sable, afin qu’elle ne découvre son visage que
pour Lui. Mais en même temps, ce déguisement l’a substituée aux autres, pour
porter à leur insu leurs péchés et détourner d’eux le châtiment” (“Les trois prières
d’Abraham père de tous les croyants”, 133).
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Cf. BORRMANS, “Aspects théologiques de la pensée de Louis Massignon sur
l’islam”. L’A. rappelle que pour Massignon “les chrétiens devraient toujours abor-
der les musulmans ‘comme des frères en Abraham, nés non du même sang (na-
sab), mais du même Esprit de foi et de sacrifice’, renvoyés qu’ils sont, par ces
derniers, aux exigences de la Règle de vie évangélique, cette Rahbâniya (idéal
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de Moidrey, missionnaire de Jérusalem et de La Salette, au sens anagogique de
l’Écriture Sainte, qui est son sens réel, primitif et final” (“Le pèlerinage” [1949],
in OM III, 817).
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P. CLAUDEL, L. MASSIGNON, J. DANIÉLOU, “Sur l’Exégèse biblique”, in Dieu
Vivant, 14, 1949, 73-93. Comme l’éditorial le rappelait, “la redécouverte du sens
spirituel de l’Ancien Testament, c’est-à-dire de son caractère préfiguratif, est un
des caractères essentiels du renouveau présent de l’exégèse. C’est une cause pour
laquelle Dieu Vivant a toujours combattu” (p. 75).
52
“Et que pense M. Steinmann affirmant avec sérénité que l’Ancien Testament
n’a qu’un sens, le sens littéral, entendu au sens le plus bas et le plus grossièrement
trivial possible, que pense-t-il de cette énorme littérature patristique, inspiratrice
de tant de beauté et de dévotion, qui, pendant je ne sais combien de siècles, a
prétendu le contraire ?” (“Lettres au Révérend Père Maydieu directeur de la Vie
Intellectuelle”, 77). Contre Steinmann, qui voyait en Origène l’inventeur de l’in-
terprétation figurée, Claudel rétorqua : “J’avais cru jusqu’à ce jour que c’était
saint Paul” (ibid., 78 ; cf. aussi 79).
53
Expliquant le nom de Sodome, il énonce à la suite les sens littéral, allégorique,
tropologique et anagogique (“La prière sur Sodome”, 35). Cf. ci-dessous, n. 64.
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“[…]Tandis que le christianisme dégénéré n’entrevoit dans Abraham qu’une
silhouette folklorique incohérente, le monde musulman tout entier croit en son
père Abraham, l’invoque de façon solennelle et communautaire, pour le salut de
chacun, et le salut de tous, le Dieu d’Abraham à la Fête annuelle des Sacrifices,
‛Id al-Qurbân, à la fin des Cinq prières quotidiennes, aux fiançailles et aux funé-
railles” (ibid., 549). Massignon composa une prière pour la fête de S. Abraham (9
octobre) et l’inscrivit en tête de “La prière sur Sodome” “ut solemnius a S. Roma-
na Ecclesia memoria recolatur sancti Abrahae Patriarchae omnium credentium
Patris” (Les trois prières d’Abraham, 32).
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“Pour l’Islam, toute paix en ce monde est bâtarde, qui n’est pas fondée sur le
Dieu d’Abraham” (“Les trois prières d’Abraham, père de tous les croyants”, 140).
Dans “L’hégire d’Ismaël” Massignon rappelle également “cette mobilisation sour-
de des croyants musulmans, au nom de la transcendance divine que tout pouvoir
temporel doit reconnaître” (p. 63).
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Il a mis cela en lumière grâce aussi au principe de Gandhi du satyagraha (“non-
violence” ou “poignée de main de la vérité”) : “J’avais été frappé d’y trouver de
quoi rappeler aux Musulmans croyants un principe d’action sociale qu’ils ont trop
souvent oublié et qui s’appelle : al-amr bi’l-ma’rûf, c’est-à-dire prescrire ce qui
est juste, par devoir civique : traiter l’étranger comme un hôte, ‘l’hôte de Dieu’”
(“La Palestine et la paix dans la justice”, PD, 222-223).
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Écrit en réponse à un questionnaire sur Dieu, Massignon le présente comme
l’“Hôte” accueilli par l’âme au moment de la conversion : “Cet Hôte fragile,
qu’elle porte en son sein, détermine dès lors tous ses comportements […] c’est un
Étranger mystérieux qu’elle adore, et qui l’oriente : elle s’y voue” (“Visitation de
l’Étranger. Réponse à une enquête sur Dieu”, PD, 281).
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“Au sens anagogique, spiritualiter, Sodome est la cité de la fausse hospitalité
qui a voulu abuser des anges, donc la cité du péché contre l’Esprit Saint” (“La
prière sur Sodome”, 34). “Sodome est la cité qui s’aime elle-même, qui se refuse à
la visitation des anges, des hôtes, des étrangers ou qui veut en abuser” (“Les trois
prières d’Abraham, père de tous les croyants”, 137-138).
65
La floraison contemporaine des gay and gender studies semble ne pas prêter
attention aux thèses complexes de Massignon sur le phénomène homosexuel, ren-
forcées par un ensemble d’arguments historiques, sociologiques et psychologi-
ques, certes aujourd’hui assez discutables. Deux des œuvres les plus représenta-
tives de la nouvelle vague d’études, comme J. BOSWELL, Christianity, Social
Tolerance and Homosexuality. Gay People in Western Europe from the Beginning
of the Christian Era to the Fourteenth Century, Chicago – London 1980, et M.
BRINKSCHRÖDER, Sodom als Symptom. Gleichgeschlechtliche Sexualität im
christlichen Imaginären – eine religionsgeschichtliche Anamnese, Berlin – New
York 2006, ignorent totalement la singulière approche de Massignon, que Jean
Genet en revanche apprécie : “Non seulement l’analyse – fulgurante – du mal ob-
servé replace admirablement le problème, mais chaque mot a un éclat, un prolon-
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gement très lointain : le ton de votre voix est inoubliable” (lettre à Massignon du
13 avril 1956 in Les trois prières d’Abraham, 165-166).
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Le lien entre les deux thématiques semble parfois susciter l’embarras des inter-
prètes. Ainsi, Rizzardi, qui développe pourtant une réflexion intéressante sur la
première prière, ne parle jamais de la sodomie : “Dans la première prière, Abra-
ham joue le rôle de l’intercesseur en faveur de Sodome, il restitue l’hospitalité
reçue de cette terre, cette hospitalité qu’il avait déjà réservée aux trois personna-
ges divins (Gn 18,1ss). Hospitalité et substitution sont les deux attitudes intérieu-
res d’Abraham à l’égard des ‘étrangers’ et des ‘exclus’” (RIZZARDI, L. Massignon
(1883-1962). Un profilo dell’orientalista cattolico, 101). Pour D. CANCIANI,
“Louis Massignon : Un ostaggio nella casa dell’islam”, in L. MASSIGNON, L’ospi-
talità di Abramo all’origine di ebraismo, cristianesimo e islam, Milano 2002, 7-
52, “même si en commentant la première prière [Massignon] s’arrête ensuite sur
un thème apparemment étranger, celle-ci reconduit en réalité, une fois saisi le mo-
tif inspirateur, à une commune matrice de valeurs, constitutives des trois religions.
Ces valeurs sont l’‛hospitalité’, et la ‘fidélité à la parole donnée’” (p. 15).
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“La vocation sainte de l’un a précisément pour antitype le crime de l’autre : du
côté d’Abraham, l’acceptation de la paternité familiale, sanctifiée par l’abnégation
et couronnée par la grâce mystique de l’union ; et du côté de Sodome, la tentation
uranienne de l’idéalisme qui délivre du joug de la nature et fait sombrer dans
l’inversion physique” (“La prière sur Sodome”, 35-36).
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Comme le rappelle CANCIANI, “Louis Massignon : Un ostaggio nella casa del-
l’islam”, 16, Massignon applique aussi aux homosexuels le principe de substitu-
tion salvifique : “l’idée de ‘substitution’ […] qui la sous-tend, est pour lui trop
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importante pour considérer cette prière et l’illustration historique qu’il en offre, un
simple tribut au climat culturel du temps. Certes, l’homosexualité par laquelle il a
été en partie effleuré voire même, par personne interposée, touché, était un phéno-
mène diffus dans le milieu intellectuel et artistique, même parmi certains conver-
tis au catholicisme de ces années. Cela explique probablement l’attention parti-
culière qu’il lui prête dans le long excursus où, toutefois, l’amour platonique et
l’inversion, et les diverses formes qu’ils ont assumées dans la société et dans
l’Église, sont examinés avec une grande sensibilité, qui le mène à découvrir, au-
delà de toute explication psycho-analytique, qui reste pourtant nécessaire, dans les
déviations sexuelles la manifestation détournée d’une aspiration spirituelle origi-
nelle. La thérapie suggérée fait référence à l’union mystique, à l’aide gratuite
garantie par Dieu qui seul peut constituer un rempart qui préserve du mal et per-
met de se maintenir solidement dans le réel.” À propos de la prière composée par
Massignon, voir G. HARPIGNY, Islam et christianisme chez Louis Massignon,
Louvain-la-Neuve 1981. Sur l’adhésion de Daniélou à l’engagement de prière de
l’ami, cf. BESSIRARD, “Louis Massignon et le Père Daniélou”, 173.
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“L’hospitalité, avec ses préambules, salutations cérémonieuses et palabres, est
un embryon de relations internationales, une offre de participation proposée à
l’étranger, à l’ennemi, à la notion de personne humaine que la tribu s’est formée
pour ses membres. L’hospitalité est une merveilleuse initiative humaine, elle est,
pour le primitif, sacrée ; tandis que chez nous, elle est désécrée, elle n’est qu’un
moyen de faire des affaires, et une tactique rentable” (“Le respect de la personne
humaine en islam, et la priorité du droit d’asile sur le devoir de juste guerre”,
OM III, 547).
70
Cf. la “Convocation” du 5 mai 1961 : “dans le Coran, l’hospitalité donnée à
‘l’hôte de Dieu’, c’est-à-dire à tout passant désarmé (ibn alsabîl) est définie com-
me une application du devoir canonique de l’Aumône […] Sous les racines AWA,
JWR, DYF, le Coran donne 26 exemples de la pratique héroïque de l’hospitalité
‘divine’ (car il s’agit d’une parole donnée, infiniment noble et généreuse) ; de la
part de prophètes (Abraham et Lot ; Marie à Rabwé ; Muhammad orphelin ; les
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“Convocation” du vendredi 3 juin 1960 (ibid., 441). L’œcuménisme devrait
faire trésor aussi des indications contenues dans la “Convocation” du vendredi 6
octobre 1961 : “un témoignage brutal en faveur de la vérité, sous sa non-violence
physique apparente, recèle le recours à une violence spirituelle, à une arme plus
menaçante que les pires armes matérielles, l’arme de la Vérité conçue comme
notre privilège et monopole, contraignant l’adversaire à s’humilier comme un
menteur […] car nous voulons mourir anathème, pour nos frères qui sont perdus”
(ibid., 453).
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“Elle est aussi la vraie Terre sainte, étant cette ‘argile’ vierge, prédestinée, sub-
limiori modo redempta, où sont conçus, avec leur Chef, tous les élus. C’est donc
Elle qui, comme une ligne de faîte, et non pas de partage, où l’on pressent son
apparition, attire les pèlerins qui cherchent justice sur les hauts lieux de Palestine,
juifs, chrétiens, musulmans, sans qu’ils s’en doutent, même ces derniers” (“Les
trois prières d’Abraham père de tous les croyants”, 145).
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“C’est là qu’il faut aller entendre, sous un déferlement de profanations annon-
ciatrices du Jugement, l’appel de notre Père commun, appelant tous les cœurs qui
ont faim et soif de la Justice, au pèlerinage, à la Ville sainte ; appel redit ici, au
retour d’une treizième visite, faite non sans un grand désir, encore inexaucé, d’y
mourir” (ibid., 146).
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