Triste de ne pouvoir prendre les prendre toutes deux, Et de n’être qu’un seul voyageur, j’en suivis L’une aussi loin que je pus du regard Jusqu’à sa courbe du sous-bois.
Puis je pris l’autre, qui me parut aussi belle,
Offrant peut-être l’avantage D’une herbe qu’on pouvait fouler, Bien qu’en ce lieu, vraiment, l’état en fût le même, Et que ce matin-là elles fussent pareilles,
Toutes deux sous des feuilles qu’aucun pas
N’avait noircies. Oh, je gardais Pour une autre fois la première ! Mais comme je savais qu’à la route s’ajoutent Les routes, je doutais de ne jamais revenir.
Je conterai ceci en soupirant,
D’ici des siècles et des siècles, quelque part : Deux routes divergeaient dans un bois ; Quant à moi, j’ai suivi la moins fréquentée Et c’est cela qui changea tout.
Robert Frost (1874-1963) – Mountain Interval (1916) – Anthologie de la poésie
américaine (Stock, 1956) – Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Alain Bosquet