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UNIVERSITE PARIS DAUPHINE

EDOCIF
LEDA
N° attribué par la bibliothèque

L’impact de l’ouverture sur la performance des entreprises :


L’exemple Tunisien

THÈSE
pour l’obtention du titre de
Docteur en Sciences Economiques
(Arrêté du 7 Août 2006)

Présentée et soutenue publiquement par


Mouna Ben Rejeb

JURY

Directeur de thèse : Monsieur Bernard Guillochon


Professeur à l’Université Paris – Dauphine

Rapporteurs : Monsieur Marouane Abassi


Professeur à l’Institut des Hautes Etudes Commerciales Tunis – Carthage

Monsieur Gérard Lafay


Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon – Assas

Suffragants : Monsieur Jean-Marc Sinoën


Professeur à l’Université Paris – Dauphine

18 Décembre 2009
L’Université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans
les thèses : ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

ii
iii
Remerciements

REMERCIEMENTS

Je remercie chaleureusement mon directeur de recherche, Bernard Guillochon pour


avoir accepté d’encadrer ce travail, et d’avoir été patient tout au long de ces années. Je lui suis
également reconnaissant pour sa disponibilité, sa confiance, j’ai beaucoup appris à ses côté et
je lui adresse toute ma gratitude.

Je tiens à remercier l’ensemble des membres du jury qui ont accepté d’évaluer cette
thèse. Je remercie Marouane Abassi et Gérard Lafay qui ont bien voulu accepter le rôle de
rapporteur, et également Jean Marc Siroën pour l’intérêt qu’il a porté à mon travail.

Je tiens à remercier très sincèrement et tout particulièrement Ivan Ledezma pour son aide si
précieuse et ses conseils. Ils ont été déterminants dans cette thèse.

Toute ma gratitude pour Karim Ben Slimane pour avoir relu et corrigé mon manuscrit et ayant
ainsi participé à son amélioration.

Je remercie vivement Néjib Mrad et Ridha benzarti pour toute l’aide qu’ils m’ont apporté dans
la collecte de données.

Je ne pourrais jamais oublier le soutien et l’aide des personnes chère de ma merveilleuse


famille, en particulier mes parents à qui je dois d’y être arrivée et qui ont montré une patience à toute
épreuve. Je ne peux évidemment pas oublier ma tante, ma sœur et mon frère de m’avoir toujours
encouragé dans les moments très difficile de mon parcours. Egalement le soutien de mes amis qui se
sont toujours intéressés à l’avancement de mes travaux.

Enfin, je tiens à témoigner toute ma reconnaissance à mon fiancé Hamdi pour son soutien et
son amour, il a su faire preuve d’une grande patience et sans qui rien n’aurait été possible.

iv
Table des Matières

Table des Matières


Index des Tableaux.............................................................................8
Introduction Générale......................................................................12
1ère Partie: Le cadre macroéconomique et réglementaire de
l’activité des entreprises tunisiennes...............................................18
Chapitre 1 : Le cadre institutionnel et économique de l’activité des
entreprises tunisiennes...................................................................................21
1. Les nouvelles mesures fiscales et réglementaires.........................................................21
1.1. Les réformes fiscales ............................................................................................21
1.1.1. Les incitations communes...............................................................................23
1.1.2. Les incitations spécifiques .............................................................................23
1.2. La facilitation du commerce ................................................................................26
1.3. Les lois sur la concurrence....................................................................................29
2. Les assouplissements de la politique commerciale.......................................................33
2.1. L’effort en faveur de la libéralisation ..................................................................33
2.1.1. Une libéralisation progressive et fragile.........................................................34
2.1.2. Analyse de la politique commerciale de la Tunisie........................................36
i. Les dispositions de l’accord de libre échange entre la Tunisie et l’UE : le
calendrier de démantèlement des obstacles (1996-2008)..........................................37
ii. La Protection tarifaire..........................................................................................41
iii. La promotion des exportations............................................................................48
2.2. Evolution et caractéristiques des échanges extérieurs..........................................51
2.2.1. Les échanges extérieurs de la Tunisie.............................................................51
2.2.2. La spécialisation .............................................................................................56
a. Classification des produits....................................................................................56
ii. Le commerce intra branche...................................................................................61
iii. L’avantage comparatif ........................................................................................64
Chapitre 2: L’activité des entreprises..........................................................70
1. Présentation des entreprises par branche d’activité......................................................70
1.1. Le tissu industriel tunisien....................................................................................70
1.2. Le cas particulier du secteur textile-habillement..................................................76
2. Diagnostic économique des PME ................................................................................80
3. Programme de mise à niveau du tissu industriel en Tunisie.........................................86
2ème Partie: Les entreprises tunisiennes industrielles face à
l’ouverture.........................................................................................92
Chapitre 3: Ouverture et Productivité : les analyses existantes...............93
1. La productivité des entreprises.....................................................................................93

5
Table des Matières

1.1. La productivité et la performance économique.....................................................93


1.2. Les mesures de la productivité totale des facteurs................................................95
1.2.1. Les méthodes non paramétriques....................................................................95
1.2.2. Les méthodes paramétriques...........................................................................97
2. L’ouverture économique.............................................................................................111
2.1. Les effets possibles de la politique commerciale................................................112
2.2. La mesure de l’ouverture ..................................................................................112
2.3. L’ouverture et les niveaux de productivité.........................................................116
2.4. L’ouverture et la croissance de la productivité ..................................................117
3. Les effets de l’ouverture des entreprises sur les marchés extérieurs .........................119
3.1. La relation entre les exportations et la productivité des entreprises...................119
3.1.1. La causalité entre exportation et productivité : l’approche standard............120
3.1.2. Les contributions théoriques et empiriques récentes sur la relation
exportation- productivité.........................................................................................127
a. Les modèles théoriques avec hétérogénéité des firmes ......................................127
ii. L’effet d’auto-sélection .....................................................................................130
iii. L’effet d’auto-sélection consciente ...................................................................131
iv. La mesure des effets de l’apprentissage par l’exportation ................................133
3.2. La relation entre la croissance de la productivité et le mouvement de rotation des
producteurs..................................................................................................................137
3.3. L’impact de la libéralisation commerciale sur la performance de l’entreprise ..140
Chapitre 4: Ouverture et productivité : le cas de la Tunisie ...................151
1. Les données.................................................................................................................151
1.1. Les problèmes de mesure des variables utilisées................................................151
1.2. La base de données d’entreprises tunisiennes.....................................................154
1.3. Les caractéristiques de l’échantillon...................................................................155
2. L’analyse économétrique ...........................................................................................162
2.1. Analyse économétrique de la relation exportation-productivité.........................163
2.1.1. L’auto sélection des entreprises....................................................................164
a. Présentation de la démarche................................................................................164
b. Les résultats.........................................................................................................168
2.1.2. Le Learning by exporting..............................................................................170
a. Présentation de la démarche................................................................................170
b. Les résultats.........................................................................................................172
2.1.3. L’auto sélection consciente...........................................................................174
a. Présentation de la démarche................................................................................174
ii. Les résultats .......................................................................................................175
2.2. Illustration pour le cas du secteur textile-habillement et cuir.............................176
2.2.1. Mesure de la productivité totale des facteurs pour les entreprises du secteur
textile habillement et cuir tunisien.........................................................................176
2.2.2. Analyse économétrique de la relation exportation- PTF..............................179
Conclusion Générale.......................................................................180
Bibliographie...................................................................................183
Annexes............................................................................................194

6
Table des Matières

a. L’effet d’auto-sélection.......................................................................................194
ii. Le learning by exporter ......................................................................................195

7
Index des Tableaux

Index des Tableaux


Tableau 1 : Les incitations pour les entreprises exportatrices......24
Tableau 2 : La durée moyenne des procédures administratives
pour le commerce extérieur..............................................................27
Tableau 3 : Libéralisation des importations selon les lignes
tarifaires.............................................................................................37
Tableau 4 : Le calendrier du démantèlement des droits de douane
(%)......................................................................................................40
Tableau 5 : Droit de douane par groupement d’utilisation
(Moyenne simple, toutes positions tarifaires en %).......................43
Tableau 6 : Les tarifs appliqués par la Tunisie pour les produits
provenant de l’UE année 2002.........................................................44
Tableau 7 : Taux de protection nominale par activité (%)...........45
Tableau 8 : Taux de protection effective par activité (%).............47
Tableau 9 : Répartition des exportations par secteur et par régime
.............................................................................................................48
Tableau 10 : Evolution des exportations et des importations de la
Tunisie................................................................................................52
Tableau 11 : Evolution du déficit commercial par rapport au PIB
en (%).................................................................................................53
Tableau 12 : Evolution du taux d’ouverture entre 1992 et 2004 en
(%)......................................................................................................53
Tableau 13 : La part des exportations manufacturières dans le
total des exportations (X) et dans le PIB de 1970 à 1999...............54
Tableau 14 : Evolution des exportations des industries
manufacturières tunisiennes par groupement de pays de 1998 à
2005.....................................................................................................55
Tableau 15 : Les exportations des industries manufacturières
tunisiennes par type d’utilisation en (%)........................................55

8
Index des Tableaux

Tableau 16 : Evolution de l’indicateur T de classification des


produits..............................................................................................57
Tableau 17 : Evolution de l’indicateur Bela Belassa par produit.62
Tableau 18 : Contributions à la balance commerciale..................65
Tableau 19 : Evolution de l’indicateur de l’avantage comparatif
révélé et du solde commercial .........................................................67
Tableau 20 : Répartition des entreprises et de l’emploi industriels
par secteur et par régime..................................................................72
Tableau 21 : Coût horaire du travail dans l’industrie textile.......77
Tableau 22 : Répartition des entreprises par taille........................80
Tableau 23 : Répartition des entreprises par activités et par taille
en 2001................................................................................................81
Tableau 24 : Evolution des approbations des dossiers de mise à
niveau par secteur de 1996 à 2003...................................................89
Tableau 25 : Description des variables des entreprises (1998-
2003).................................................................................................155
Tableau 26 : Répartition des entreprises par activité et par régime
...........................................................................................................156
Tableau 27 : Répartition des entreprises selon la structure du
capital...............................................................................................157
Tableau 28 : Répartition des entreprises par taille (nombre
d’employés)......................................................................................158
Tableau 29 : Evolution de l’emploi par régime et par activité (en
termes de nombre d’employés)......................................................159
Tableau 30 : Part de l’échantillon dans l’industrie manufacturière
en termes d’exportation et de production.....................................161
Tableau 31 : Les caractéristiques des firmes exportatrices (en
moyenne)..........................................................................................162
Tableau 32 : La probabilité de commencer à exporter...............168
Tableau 33: La probabilité de commencer à exporter................169
Tableau 34 : Effets marginaux des déterminants de la décision
d’exporter.........................................................................................169

9
Index des Tableaux

Tableau 35 : Croissance de la productivité et exportation..........172


Tableau 36 : Croissance de la productivité et exportation..........173
Tableau 37: Auto-sélection consciente sur le marché des
exportations.....................................................................................175
Tableau 38 : Estimation des fonctions de production par la
méthode des MCO, effets fixes et semi-paramétrique de
Levinsohn et Petrin.........................................................................178
Tableau 39: La probabilité de commencer à exporter pour les
entreprises du THC.........................................................................195
Tableau 40: Croissance de la productivité et exportation pour le
secteur THC.....................................................................................196

10
11
Introduction Générale
La libéralisation commerciale a été une composante importante de la politique de
développement des pays durant ces vingt dernières années. Le sujet qui a intéressé les
chercheurs est de savoir si l’intensification des échanges avec l’extérieur, pour un pays déjà
fermé ou un pays libéralisé, permet d’obtenir une croissance plus forte et plus durable.

Le débat sur le rôle positif de l’ouverture internationale sur la croissance économique


a été conduit en utilisant des données agrégées au niveau des pays ou des industries. Plusieurs
études empiriques incluant Ben David (1993) et Sachs et Warner (1995), ont identifié un effet
positif de l’ouverture (exprimée par le niveau des tarifs douaniers, les barrières non tarifaires,
le taux de change réel, etc.) sur la croissance (représentée par le taux de croissance du revenu
ou le niveau de revenu par tête). Plusieurs recherches faites sur le sujet concluent que la
multiplication des échanges permet aux pays concernés d’obtenir une croissance de la
productivité. Dans tous ces travaux, le mécanisme par lequel l’ouverture affecte la croissance
est encore sujet de débat. Certaines études ont affirmé que la libéralisation commerciale
permet une croissance plus rapide, alors que d’autres prônent les avantages d’une ouverture
modérée.

Toutefois, la majorité de ces études macroéconomiques fait face à des problèmes de


nature empirique liés à la qualité et à la nature des données exploitées, comme le souligne
Edward (1993) et Rodrik (1995). En effet, il existe une difficulté dans la définition de
l’ouverture, puisqu’elle est le plus souvent associée directement au régime commercial libéral
(faible protection tarifaire et non tarifaire), mais ce concept est rarement utilisé dans les études
empiriques. Certains chercheurs introduisent des composantes non liées au commerce, comme
l’ont affirmé Rodriguez et Rodrik (2001). Beaucoup utilisent le taux d’ouverture, mais dans
ce cas apparaît un problème de biais d’endogéneité dans l’utilisation d’une mesure directe de
l’ouverture, car les variables de l’échange (exportations et importations) sont endogènes au
niveau de revenu. Mais, il est difficile de penser que seules ces variables de politique
commerciale puissent expliquer correctement l’évolution et le niveau du revenu national. En
effet, il existe d’autres variables qui expliquent les différences de croissance de la
performance économique entre les pays, comme les institutions, les infrastructures, la
législation, etc. Ainsi, les études qui ont suivis, ont introduit d’autres variables explicatives
que le taux d’ouverture dans les régressions, comme des variables géographiques et des

12
variables sur le niveau de développement institutionnel. En utilisant la méthode des variables
instrumentales, certaines études n’ont pas pu identifier de lien positif entre ouverture et
performance économique comme Rodriguez et Rodrik (2001).

L’approche macroéconomique reste insuffisante pour mieux comprendre l’ensemble


des processus qui conditionnent le dynamisme des pays. Il faut donc chercher à identifier les
mécanismes sous-jacents, par lesquels l’échange agit sur la croissance d’un pays. Pour cela il
est nécessaire de passer par des analyses microéconomiques.

Nous avons donc choisi dans cette thèse l’analyse microéconomique pour traiter
empiriquement du lien entre les exportations et la productivité.

Durant cette dernière décennie, il y a eu un rapide développement d’une littérature


abondante sur l’hétérogénéité des firmes et les stratégies de globalisation au niveau de la
firme. Ces travaux se sont intéressés aux nouvelles théories sur la firme dans un contexte
d’ouverture et aux tests micro économétriques. L’intérêt s’est porté sur l’ajustement au niveau
de la firme à la libéralisation commerciale et sur la baisse des coûts de l’échange. Cette
nouvelle littérature a permis de revoir les clés du processus de globalisation de l’échange. La
révolution a été dans l’émergence d’une nouvelle théorie du commerce international qui tient
compte de la concurrence imparfaite comme réponse au développement du commerce intra-
branche. Sur le plan empirique, cette nouvelle littérature a été traitée initialement dans le
travail de Bernard et Jensen (1995) qui a changé les perspectives de la recherche. Les auteurs
ont analysé les différences entre les firmes exportatrices et celles non exportatrices
appartenant à une même industrie, avec des dimensions diverses de la performance de la
firme, incluant la productivité. Durant les années qui ont suivi cette publication, le
développement de la littérature a été progressif et nourri par deux développements
complémentaires. Premièrement, l’émergence sur le plan théorique de nouveaux modèles de
l’échange, dont le précurseur est Melitz (2003), qui intègre l’hétérogénéité à travers les firmes
d’une même industrie et la participation sur les marchés internationaux. Deuxièmement, la
disponibilité de données au niveau de la firme a facilité l’analyse détaillée de l’ajustement au
niveau de la firme pour un grand nombre de pays.

L’un des sujets qui a reçu une attention particulière est la relation entre la productivité
au niveau de la firme, l’entrée et la survie sur les marchés d’exportation. Les différents
travaux sur le sujet ont essayé d’examiner l’étendue et les causes des différentiels de
productivité entre les exportateurs et les non exportateurs qui sont orientés uniquement sur le

13
marché domestique. Il existe aujourd’hui beaucoup d’analyses empiriques sur un grand
nombre de pays développés, émergents et en développement.

En effet, il existe deux possibilités, qui ne sont pas des hypothèses mutuellement
exclusives, sur la question de savoir si les firmes exportatrices sont plus productives que les
non exportatrices. La première hypothèse consiste dans l’effet d’auto-sélection des firmes les
plus productives sur les marchés d’exportation. Cet effet est expliqué par la présence de coûts
fixes additionnels pour pouvoir vendre ses produits dans les pays étrangers. Ces coûts incluent
les coûts de transport, les coûts de distribution et de marketing, de personnels qualifiés, ou les
coûts de production pour adapter les produits domestiques aux exigences des consommateurs
étrangers. Ces coûts constituent une barrière à l’entrée que seules les firmes les plus
performantes peuvent surmonter. De plus, le comportement des firmes peut être tourné vers le
futur dans le sens que le désir d’exporter dans le futur conduit ces firmes à améliorer leur
productivité courante pour être compétitive sur les marchés extérieurs.

La seconde hypothèse, prend en compte le rôle de l’apprentissage par les exportations.


Les connaissances acquises des acheteurs internationaux, aident les firmes qui commencent à
exporter à améliorer leur productivité après leur entrée sur les marchés d’exportation. De
plus, les firmes qui participent aux marchés internationaux sont exposées à une concurrence
plus intense et doivent se développer plus rapidement que les firmes qui servent uniquement
le marché domestique.

Dans cette thèse nous allons essayer de comprendre quel rôle joue l’activité
d’exportation sur la productivité des firmes. Les sous-bassements théoriques de notre travail
se réfèrent aux nouvelles théories de l’échange qui supposent l’hétérogénéité des firmes mais
également aux théories qui cherchent à expliquer l’accroissement de la productivité au niveau
de chaque firme.

La productivité est un indicateur important de la performance avec laquelle une


entreprise organise son processus de production. La productivité est communément définie
comme le ratio des quantités de biens produits sur les quantités de facteurs de production
utilisés. Or, le rapport de l’OCDE (2001) révèle qu’elle couvre un ensemble d’informations
plus large, qui incluent : la technologie (sous la forme de nouveaux produits, nouvelles
techniques organisationnelles, résultats scientifiques et nouveaux projets), l’efficience
(lorsque le processus de production a atteint le niveau maximum d’output qui est
matériellement possible compte tenu de son niveau technologique et des inputs au moment

14
considéré), les économies des coûts réels (les différentes sources de croissance de la
productivité). La comparaison des mesures de la productivité pour des processus de
production spécifiques, et enfin les niveaux de vie.

La productivité peut être mesurée de différentes façons. Le choix entre les méthodes
dépend de l’objectif de mesure de la productivité (changement technologique, efficience
technique), mais surtout de la disponibilité des données au niveau des entreprises. En effet, il
est difficile d’accéder à ce genre de données pour certains pays, où seuls les organismes
publics y ont un droit d’accès, comme c’est le cas en Tunisie. Les mesures de la productivité
relient l’output soit à un seul facteur de production (pour l’emploi c’est la productivité du
travail), soit à plusieurs facteurs (capital et travail). Dans ce cas on calcule un indicateur
appelée la productivité totale des facteurs (PTF).

Au niveau empirique, la question de l’impact de l’ouverture sur la productivité des


entreprises, n’est pas encore tranchée. En effet, la plupart des études trouvent des résultats
contrastés. Ces différences de résultat peuvent être expliquées par la qualité de certaines
données microéconomiques et par le manque de séries complètes, ce qui a contraint les
auteurs à faire des choix, qui ont nécessairement des conséquences sur les résultats. Au même
moment, les méthodes de mesure de la productivité se sont beaucoup développées ces
dernières années, reposant sur des hypothèses et des fondements différents.

L’objet de ce travail de recherche est donc d’analyser et d’apprécier le lien entre une
intensification des échanges (du point de vue des exportations) et la productivité des
entreprises manufacturières dans le cas de la Tunisie.

La Tunisie a connu durant la dernière décennie des mutations profondes et rapides de


son environnement économique qui ont été suivies par des réformes touchant tous les secteurs
de l’économie, en particulier les industries manufacturières. Dans le passage d’une économie
protégée à une économie de marché, l’entreprise a du s’adapter à la libéralisation pour
pouvoir survivre et se développer pour être un moteur de la croissance économique.

La Tunisie a signé des accords de libre échange avec l’UE, les Etats Unis et avec les
pays arabes. Les entreprises ont donc du se préparer à l’intégration à l’économie mondiale et
faire face à la concurrence des firmes étrangères souvent mieux structurées et plus
compétitives. Une série de mesures ont été alors mises en place pour accompagner l’ouverture
de son économie.

15
La libéralisation commerciale, entamée au début des années 1990 en Tunisie devait
avoir des impacts sur la performance du tissu industriel. Nous nous efforcerons dans le cadre
de cette étude d’apprécier les effets positifs et négatifs par secteur, en mettant évidence les
secteurs bénéficiaires et ceux qui auront du mal à se restructurer. Cette analyse détaillée des
entreprises va pouvoir nous informer sur le niveau de développement du pays et sur les
mesures qui devront être prises par le gouvernement pour apporter les améliorations
nécessaires au niveau macroéconomique et sectoriel.

Sur le plan microéconomique, il existe très peu d’études portant sur le lien entre
l’activité des exportations et la productivité en Tunisie, même si le volet macroéconomique a
été largement analysé. Le manque de travaux de recherche sur le sujet est principalement dû à
la difficulté d’accès aux données sur les entreprises. Nous avons pu constituer une base de
données sur les entreprises manufacturières sur une période de 6 ans de 1998 à 2003. Même si
la base de données est assez restreinte, il nous a paru utile de l’exploiter, tout en étant prudent
dans l’interprétation des résultats des régressions, car elle est l’une des rares à couvrir la
période qui suit le processus de libéralisation de l’économie tunisienne, c'est-à-dire après
l’année 1996.

La thèse se compose de deux parties.

La première partie est essentiellement consacrée à l’analyse de l’aspect réglementaire


et fiscal qui touche les entreprises industrielles, ainsi qu’à l’étude de la politique commerciale
et des échanges commerciaux de la Tunisie. Cette partie comprend deux chapitres. Le premier
chapitre examine la fiscalité des entreprises et les lois sur la concurrence qui sont mises en
place pour garantir une meilleure efficience des entreprises et une équité surtout pour les plus
petites et les moyennes entreprises. Nous nous intéressons aussi dans ce chapitre aux
stratégies de développement de la Tunisie, en établissant un bilan des performances globales
du secteur extérieur et en présentant le cadre réglementaire de la politique commerciale avec
une analyse de la protection des importations et des incitations à l’exportation. Dans un
deuxième chapitre, nous allons examiner le tissu industriel de la Tunisie, en nous intéressant
tout particulièrement aux petites et moyennes entreprises qui composent la majeure partie de
tissu industriel tunisien, et enfin présenter le programme de mise à niveau qui constitue un
élément important dans le dispositif mis en place par le gouvernement pour apporter aux
entreprises l’expertise et l’aide nécessaires pour faire face à la concurrence étrangère imposée
par la libéralisation.

16
La deuxième partie, tente d’apporter des éléments de réponse à la question majeure de
la thèse qui est la suivante : comment l’ouverture des économies, en particulier de l’économie
tunisienne, entamée depuis le début des années 90, a influé sur la productivité des entreprises
de l’industrie manufacturière. Dans le troisième chapitre, nous passons en revue la littérature
théorique et empirique concernant le lien entre l’ouverture et la croissance. Par la suite, nous
présentons les méthodes de mesure de la productivité totale des facteurs, en insistant sur les
méthodes semi-paramétriques de Levinsohn et Petrin (2003). Nous présentons les modèles
d’échange qui introduisent l’hétérogénéité entre les firmes et étudient le lien avec les
exportations. En effet, les études empiriques affirment que seules les entreprises les plus
productives vont pouvoir accéder aux marchés étrangers. Nous montrons dans ce chapitre que
les hypothèses sur l’auto-sélection consciente et l’effet d’apprentissage par l’exportation ne
sont pas toujours validées. Enfin, le quatrième chapitre est consacré à une application
empirique de l’impact de l’ouverture (du point de vue des exportations) sur la productivité du
travail des entreprises tunisiennes. Nous étudions alors, la validité de ces hypothèses dans le
cadre des entreprises des industries manufacturières tunisiennes.

Nos résultats valident l’hypothèse de l’auto-sélection, alors que l’effet d’apprentissage


par les exportations et celui de l’auto-sélection consciente n’ont pas pu être validés. Ces
résultats ne sont pas très robustes en raison de l’étroitesse de l’échantillon et de l’existence de
biais de sélection. Par la suite nous avons mesuré la PTF par la méthode semi-paramétrique
pour un échantillon d’entreprises du secteur textile-habillement et cuir tunisien, en essayant de
l’utiliser pour analyser l’impact d’entrée sur les marchés d’exportation sur la PTF des
entreprises de ce secteur.

17
1ère Partie: Le cadre
macroéconomique et réglementaire
de l’activité des entreprises
tunisiennes

18
Chapitre 1

Introduction
Les gouvernements dans les pays en développement à l’instar des pays du Maghreb
ont souvent favorisé et maintenu un certain contrôle sur le secteur manufacturier. La raison
principale est que ce secteur est perçu comme étant le principal moteur de modernisation de
l’économie et de création d’emplois qualifiés.
Après des décennies de protectionnisme, la Tunisie a commencé, depuis le début des années
90, à libéraliser les échanges commerciaux avec l’extérieur. Ce libéralisme commercial est
imposé par les impératifs de la mondialisation. Reste que l’Etat continue à promouvoir les
industries nationales pour faire face à la concurrence extérieure, en mettant en place une
panoplie de mesures pour la restructuration et le développement des entreprises industrielles.
Reste que la protection des industries doit aussi s’accompagner de mesures qui visent à
surmonter les difficultés inhérentes à l’environnement des affaires qui handicape lourdement
les industriels dans ces pays. En effet, il existe une variété d’éléments qui distinguent
l’environnement des affaires des pays du Maghreb de celui observé dans les pays de l’OCDE.
Les plus répandus sont les suivants :

 La taille du marché : la taille du marché domestique pour les produits


manufacturés est relativement limitée. Lorsque les coûts de transport sont significatifs et les
pays de l’OCDE sont distants, la demande des biens manufacturés les plus sophistiqués est
plus faible que celle des produits manufacturés primaires (aliments, vêtements, textile).

 Accès aux inputs manufacturés : la liste des produits intermédiaires et des biens
d’équipement produits localement est souvent limitée. Les producteurs doivent accepter des
substituts imparfaits ou bien importer des inputs à un prix élevé. Ainsi, la grande majorité des
machines et équipements utilisés par ces pays sont importés.

 Capital humain : le faible taux d’éducation secondaire et le manque de techniciens


et de scientifiques aussi affectent le mélange des produits manufacturés et les proportions des
facteurs utilisées pour les produire. De façon similaire, beaucoup d’auteurs ont montré que la
flexibilité dans les processus de production et la capacité d’absorber les nouvelles
technologies est directement reliée au stock de capital humain disponible dans un pays.

 L’infrastructure : routes, ports, aéroports, les moyens de communication, tendent à


être limités dans les pays du Maghreb. Les techniques de production sont directement
affectées. mais ces dernières années la Tunisie et le Maroc ont accordé beaucoup
d’importance à l’amélioration de l’infrastructure pour attirer les investisseurs étrangers.

19
Chapitre 1

 Marchés financier : les marchés du crédit sont relativement restreints, et penchent


lourdement vers des instruments de court terme. Les contraintes financières persistent
essentiellement pour les petites entreprises qui ont du mal à accéder au crédit bancaire.

 Gouvernance : la faiblesse du système légal et la corruption galopante sont des


problèmes sérieux dans les pays du Maghreb.

20
Chapitre 1

Chapitre 1 : Le cadre institutionnel et


économique de l’activité des entreprises
tunisiennes

Tout au long de cette dernière décennie, l’environnement économique, juridique et


fiscal de la Tunisie a été marqué par des mutations profondes et rapides qui ont affecté
l’investissement, les échanges commerciaux et l’organisation de toutes les industries. La
finalité de ces réformes est d’asseoir les fondements d’une économie ouverte sur son
environnement et disposant d’atouts suffisants pour affronter la concurrence, tant sur le
marché local que sur les marchés extérieurs.

La première section sera composée de trois volets. Le premier sera focalisé sur les
différentes réformes fiscales apportées par le gouvernement tunisien pour promouvoir les
exportateurs et aider à accroitre les investissements direct étrangers. Le deuxième sera
consacré aux mesures prises pour la facilitation des échanges commerciaux. Le troisième sera
dédié aux lois sur la concurrence mises en place pour prévenir et limiter les pratiques
anticoncurrentielles.

La deuxième section est une analyse de la politique commerciale avec une étude de
tous les efforts consentis en faveur de la libéralisation et des évolutions des échanges
commerciaux de la Tunisie entre 1998 et 2004.

1. Les nouvelles mesures fiscales et réglementaires

1.1.Les réformes fiscales

Lorsqu’un pays est largement ouvert sur l’extérieur, sa fiscalité devient un élément
important dans la détermination de ses rapports économiques avec les autres pays. L’analyse
des réformes fiscales permet d’examiner les effets de la fiscalité sur la compétitivité
internationale des entreprises tunisiennes.

A partir des années 90, la Tunisie a commencé son processus de réformes fiscales. Les
plus importantes sont les suivantes :

21
Chapitre 1

 L’instauration d’un impôt unique sur le revenu des personnes physiques, qui a pour
objectif la simplification du système en vigueur et l’allègement de la charge fiscale.

 La baisse de l’impôt sur les bénéfices des sociétés en le ramenant à 35 % contre


65 % auparavant. Cet impôt direct unique vient remplacer des impôts antérieurs.
Cette réforme vient réconcilier les entreprises avec le profit et les encourager à
présenter des bilans réels et crédibles auprès des banques.

 Aménagement des droits de douane suite au démantèlement tarifaire des


importations de produits industriels, intervenu après l’accord d’association avec
l’Union Européenne en 1996. Cette baisse des recettes fiscales a été compensée par
un ajustement de la TVA, l’institution ou la révision des droits de consommations et
la réduction des exonérations.

 Les différentes taxes indirectes ont été remplacées par la TVA (4 taux) à partir de
1988. Le taux général est de 18 %, des taux réduits de 6 % pour les “produits
sensibles”1 et de 10 % pour certains biens d’équipement, et un taux plus élevé de 29
% pour les produits de luxe. La TVA est considérée par les entreprises comme le
principal fardeau fiscal.

 Les PME bénéficient d’un régime particulier. elles paient un forfait pour la TVA et
l’impôt sur les bénéfices.

 L’instauration de la retenue à la source pour les marchés publics, les paiements des
entreprises publiques ou les loyers, afin de diminuer l’évasion fiscale.

En l’absence d’amélioration massive du taux de collecte de l’impôt direct,


l’ajustement fiscal durant la transition se fondera donc essentiellement sur la TVA.

En ce qui concerne la politique de l’investissement, le changement majeur a été la


promulgation le 21 décembre 1993 du nouveau code d’incitations aux investissements. La
nouvelle loi assure la liberté d’investir, la liberté de transférer les bénéfices à l’étranger et la
liberté de transfert du capital au moment de la réalisation du projet.

Le nouveau code vient harmoniser dans un seul texte, les incitations instituées par les
cinq codes sectoriels promulgués antérieurement. Il se distingue par sa globalité et par son
ciblage : la réhabilitation de l’entreprise et la dynamisation de l’investissement privé. Mais
depuis sa promulgation, il a subi plusieurs modifications partielles de relèvement ou
1
Par exemple : les produits pharmaceutiques, les engrais, certains produits alimentaires, produits de l’artisanat,
etc.

22
Chapitre 1

d’abaissement de taux de nature à rendre complexe l’application de la loi. Cette instabilité a


eu un impact négatif sur l’environnement de l’investisseur.

Les nouveautés du code d’incitations aux investissements sont les suivantes :

- Il ne cible plus comme auparavant les secteurs, mais cible l’entreprise quel que soit
son champ d’activité. Une attention particulière est accordée aux sociétés agricoles et
de pêche, suivies des sociétés exportatrices et des projets à vocation écologique.

- Le nouveau code établit une liste des activités prioritaires éligibles aux avantages
fiscaux et financiers de l’Etat. Elles sont au nombre de sept : l’exportation, le
développement régional, l’agriculture, la protection de l’environnement,
l’encouragement de nouveaux promoteurs à créer des PME, la promotion de la
technologie et la recherche et développement, et enfin l’investissement de soutien.

- La répartition des incitations se fait selon deux catégories :

1.1.1. Les incitations communes


 dégrèvement fiscal au profit des souscripteurs au capital initial ou pour
l’augmentation du capital des entreprises créées dans les secteurs concernés par
ce code, dans la limite de 35 % des bénéfices ou des revenus soumis à l’impôt.

 Exonération des droits de douane et paiement de la TVA (10 %) pour les


équipements importés et n’ayant pas de similaire fabriqué localement.

 Suspension de la TVA et du droit de consommation pour les biens d’équipement


fabriqués localement. Mais avec la loi du 29 décembre 1997, cette suspension de
la TVA a été supprimée pour les équipements acquis à compter de la date
effective d’entrée en activité des investissements de création du projet.

 Possibilité d’opter pour le régime d’amortissement dégressif au titre du matériel


et des équipements de production dont la durée d’utilisation dépasse 7 années.

1.1.2. Les incitations spécifiques


 Pour les entreprises exportatrices, les principales incitations accordées à ces
entreprises résident dans le fait d’être totalement exemptées de payer des impôts
sur le revenu et des impôts directs. Elles peuvent aussi importer la totalité des
intrants nécessaires à leurs activités sans paiement de droits de douane (régime
d’admission temporaire). Les incitations les plus généreuses sont accordées aux
entreprises offshores (totalement exportatrices), qu’elles soient de capital

23
Chapitre 1

étranger ou tunisien. Les entreprises partiellement exportatrices bénéficient des


mêmes incitations fiscales, mais au prorata de leurs ventes à l’étranger. Il existe
cependant des différences importantes entre les deux catégories d’entreprises,
qui sont décrites dans le tableau suivant :

Tableau 1 : Les incitations pour les entreprises exportatrices

Entreprises totalement exportatrices Entreprises partiellement exportatrices et


exportateurs indirects (avantages liés aux
revenus engendrés par les exportations)
10 ans d’exonération fiscale, 50% de réduction 10 ans d’exonérations fiscales, 50% de réduction
par la suite par la suite.
Exonération de droits de douane, d’enregistrement Suspension de la TVA et des taxes à la
et TVA consommation sur les biens d’équipement
nécessaires à l’exportation
Liberté d’importation, en franchise totale des Remboursement des droits de douane et des
droits de douane et taxes, des biens nécessaires à charges acquittés sur a) : des matières premières et
l’investissement et à la production (biens produits semi- finis importés ou acquis
d’équipement, produits semi-finis, moyens de localement, b) des biens d’équipement importés
transport des marchandises) produits à l ‘étranger.
Déductibilité des impôts sur les gains réinvestis

Recrutement de 4 cadres étrangers Aucun avantage particulier

Possibilité d’écouler sur le marché local une


partie de leur production ne dépassant pas 20%2,
du chiffre d’affaires réalisé à l’exportation après
paiement de toutes les taxes et impôts.
Source : Ministère du développement économique

 L’Etat octroie des avantages multiples pour l’investissement dans les zones de
développement régional, sous forme :

− de participation aux dépenses d’infrastructures pour une part de 50 %,

− de prime à l’investissement de l’ordre de 8 % représentant une partie du


coût du projet,

− de prise en charge de la cotisation patronale au régime de la sécurité


sociale pendant une période de 5 ans,
2
La limitation de 20 % de vente sur le marché local a été portée dernièrement à 30 %.

24
Chapitre 1

− de l’exonération totale de l’impôt pendant les 10 premières années et


qui est ramenée à 50 % durant les 10 années suivantes ;

 Incitations financières et fiscales pour les projets de première transformation de


produits agricoles (prime de 7 % de l’investissement total et une prime d’étude
de 1 % du coût de l’investissement) ;

 Les avantages liés à la promotion de la technologie et de la recherche-


développement concernent les entreprises industrielles, agricoles et de pêche
permettant la maîtrise ou le développement de la technologie ou une
amélioration de la productivité. Ces entreprises peuvent bénéficier :

− d’aides financières aux opérations technologiques liées à des


investissements matériels et immatériels,

− de prise en charge des dépenses de formation du personnel,

− de prise en charge de 50 % des cotisations patronales au régime légal


de sécurité sociale durant une période de 5 ans pour les équipes
supplémentaires introduites pour optimiser la capacité de production
ainsi que pour les diplômés de l’enseignement supérieur (minimum 4
ans après le baccalauréat),

− d’exonération douanière et imposition au taux de 10 % pour les


équipements importés pour les besoins de la R&D ;

 Pour les nouveaux promoteurs et PME, l’Etat a diversifié les avantages qui leur
sont accordés sous forme de participation au capital allant de 10 % à 30 % du
capital, de prime d’étude et d’assistance techniques de l’ordre de 70 % du coût
de l’étude, une prise en charge du tiers du prix du terrain ou du bâtiment
industriel et une prime d’investissement de 10 % de la valeur des équipements,
( les deux derniers avantages sont non éligibles pour les PME).

Ce code est devenu aujourd’hui un véritable labyrinthe pour les investisseurs. Il


prévoit des niveaux différenciés d’appui entre industries et secteurs. Le système actuel des
incitations aux investissements est largement dominé par les exonérations fiscales, qui
risquent d’attirer surtout des investissements à court terme, avec des avantages limités pour le
pays hôte. Ces incitations à l’investissement comportent des coûts budgétaires élevés pour

25
Chapitre 1

l’Etat, ce régime incitatif impose un fardeau administratif avec pour conséquence des retards
et des incertitudes pour les investisseurs et une augmentation du coût de l’investissement.

La Tunisie est engagée depuis le milieu des années 90 dans une stratégie de
développement fondée sur une compétitivité internationale de plus en plus grande, surtout
après la signature de l’accord d’association avec l’UE. Dans le cadre de cette stratégie, le
régime d’incitations aux exportations risque de désavantager les entreprises onshore par
rapport à celles offshore. En effet le traitement inégal entre ces deux catégories, peut
décourager l’investissement étranger dans le secteur onshore3, et nuire ainsi aux transferts de
ressources, de technologies et de qualifications qui en résulteraient.

La politique d’incitation fiscale tunisienne doit être réformée, puisqu’elle a atteint ses
limites surtout ces dernières années. L’une des distorsions de cette politique c’est le
comportement de certains investisseurs étrangers engagés juste pour profiter de ces avantages
fiscaux qui quittent le pays après la période de grâce (10 ans). Dans l’industrie du textile-
habillement, ce comportement est assez répandu. Il faut que les privilèges fiscaux soient
octroyés en accord avec la stratégie de chaque secteur industriel et non pas selon un schéma
standard, ceci nécessite le passage d’une approche de politique d’incitation des
investissements quantitative à une approche qualitative. Cela pourra permettre d’améliorer
l’efficacité des entreprises dans chaque secteur industriel et mieux les préparer à faire face à la
concurrence étrangère.

1.2.La facilitation du commerce

Une bonne performance économique dépend d’une part du régime des échanges, mais
aussi de tous les éléments qui affectent les coûts de transaction, parmi lesquelles on cite le
dédouanement et les contrôles de qualité et de sécurité. Régler les questions de la facilitation
des échanges peut réduire les coûts et le temps pour commercer et permet de mieux profiter
des effets potentiels de la libéralisation des échanges sur la production et l’emploi.

Durant la dernière décennie, la libéralisation commerciale en Tunisie a beaucoup


progressé, permettant aux entreprises domestiques un plus grand accès aux marchés à
l’exportation. Mais malgré les initiatives dans les années 80 de rationalisation des flux
d’informations concernant le commerce des marchandises, les procédures concernant les
transactions commerciales sont restées coûteuses et inefficaces dans les années 90. Les
3
Bien qu’il n’existe aucune relation réglementaire entre le statut offshore et la propriété étrangère (et
réciproquement), la plupart des investisseurs étrangers ont adopté un statut offshore en Tunisie.

26
Chapitre 1

demandes d’autorisations douanières, les procédures et la logistique portuaire, et la qualité de


contrôle imposent des coûts significatifs pour le gouvernement et le secteur privé. Pour les
exportateurs tunisiens, ces coûts excessifs de logistique des échanges engendrent des pertes de
parts de marché.

En effet, le délai de dédouanement est considéré comme une contrainte majeure,


particulièrement pour les petites et moyennes entreprises produisant pour le marché local,
ainsi que la lenteur des formalités douanières. Ces contraintes dans le processus douanier sont
associées à l’existence de plusieurs intervenants dans la procédure d’inspection de la
documentation et des marchandises.

Selon une note de la Banque mondiale (2004), à la fin des années 90, un cargo de
marchandises attend en moyenne dans un port tunisien 8 jours et dans certains cas jusqu’à 18
jours, à cause des procédures de contrôle technique, comparé aux quelques heures à
Singapour et à 4 jours en Argentine. De façon similaire, les autorisations nécessitent en
moyenne 4 jours en Tunisie, alors qu’elles ne nécessitent que 25 minutes à Singapour, 1 heure
au Maroc et 3 heures en Argentine. En plus, les autorités tunisiennes inspectent 50 à 80 % de
la marchandise importée, alors que la part correspondante est de moins 5 % à Singapour, de
15 % au Maroc et de 30 % en Argentine.

En 1998, la durée moyenne des procédures est résumée dans le tableau suivant :

Tableau 2 : La durée moyenne des procédures administratives pour le commerce


extérieur

Tunisie Maroc Argentine Singapour


Attente moyenne d’un cargo de Quelques
18 jours - 4 jours
marchandise au port heures
Le temps moyen d’obtention des
4 jours 1 heure 3 heurs 25 minutes
autorisations

La part inspectée de marchandise


50% à 80% 15 % 30 % <5%
importée
Source : Banque mondiale.

Les procédures utilisées pour le commerce extérieur sont encore plus compliquées,
nécessitant plusieurs documents. En effet, il existe 19 étapes distinctes pour effectuer une
importation et 15 étapes pour effectuer une transaction à l’exportation. Il faut noter que les
entreprises offshore bénéficient de procédures à l’import et à l’export plus allégées. On
s’attend à ce que cette différence entre les entreprises tunisiennes offshore et onshore va

27
Chapitre 1

progressivement se réduire avec la mise en place totale de l’accord avec l’UE. Ces lourdes
procédures gênent sévèrement la capacité des entreprises à faire face à des commandes de
délais courts, ce qui ébranle leur compétitivité. En 1999, le gouvernement tunisien, aidé par la
Banque mondiale, a introduit des mesures de facilitation du commerce, en commençant par la
simplification et l’automatisation des procédures relatives aux documents commerciaux. Les
réformes se sont basées sur l’adoption des standards internationaux pour la documentation
commerciale et une meilleure coordination entre les différents intervenants. Le
développement des formats électroniques pour les documents a beaucoup facilité le partage de
l’information. En 2000, une agence semi publique est créée (Tunisie Trade Net), permettant
l’échange de données électroniques et délivrant trois documents au lieu de cinq (titre du
commerce extérieur, déclaration de douane et document de contrôle technique). Une seule
connexion au serveur central permet à chaque participant d’échanger des documents et
messages avec les autres participants. Parmi les intervenants dans la délivrance de documents
pour le commerce avec l’extérieur on trouve la douane, le ministère du commerce, les
autorités portuaires, les banques et les organisations professionnelles.

Toutes ces mesures ont permis une réduction du temps d’attente des procédures
administratives pour les exportations et les importations. Les biens importés peuvent être
libérés du port au bout de 8 jours en moyenne au lieu de 18 jours dans les années précédentes.
Le temps nécessaire pour préparer une déclaration a baissé passant de 3 jours à 15 minutes.
En 2003, l’inspection physique a atteint le niveau de 15 % nettement inférieur à celui relevé
en 1998.

A la différence des autres, les entreprises totalement exportatrices, bénéficient d’un


régime suspensif d’entrepôt franc, quelque soit leur emplacement. Ce régime leur permet
d’importer les intrants nécessaires à leurs productions au moyen d’une « déclaration
d’autorisation d’enlèvement » unique.

L’expérience de la Tunisie montre des améliorations considérables en ce qui concerne


la facilitation du commerce. Ceci révèle une meilleure coopération entre les opérateurs du
secteur privé et les structures gouvernementales à tous les niveaux, ainsi qu’une avancée sur
le plan réglementaire qui a permis la reconnaissance légale des documents et de la signature
électroniques. Mais il reste encore des défaillances auxquelles il faut y remédier. La Tunisie
ne possède qu’un faible nombre d’entrepôts modernes et des services de logistique qui ne
correspondent pas aux besoins des entreprises du secteur privé. En effet, les exportateurs sont

28
Chapitre 1

exposés à des pertes d’opportunités pour vendre à l’étranger, à cause de l’existence des coûts
de logistique élevés, qui peuvent atteindre jusqu’à 17 % de la valeur marchande dans le cas
des industries chimiques et pharmaceutiques.

1.3.Les lois sur la concurrence

Selon la littérature économique un marché concurrentiel amène l’entreprise à faire des


efforts en vue d’assurer une plus grande productivité, à l’inverse un marché protégé de la
concurrence ne permet pas de réaliser une bonne allocation des ressources.

Le principe de base pour guider une législation de concurrence est de circonscrire ces
lois dans une logique de maintien et de promotion de l’efficience économique.

Les lois sur la concurrence peuvent être appliquées de différentes manières. La


première est fondée sur des critères structurels, on mesure les parts de marché et les degrés de
concentration. La seconde approche est plutôt comportementale fondée sur des critères de
conduite, elle concernerait la défense contre des pratiques anticoncurrentielles et le
comportement des prix.

Potentiellement, le comportement anticoncurrentiel peut dépendre de deux facteurs, le


degré de concentration et l’ouverture du marché. En effet, si quatre firmes possèdent une large
part du marché, alors il devrait être facile pour elles de se mettre d’accord pour fixer les prix,
manipuler les offres, ou partager le marché. Cependant, si les importations représentent
relativement une large part de la demande domestique et peuvent répondre librement aux
actions restrictives domestiques, alors les importations vont avoir un rôle dissuasif contre les
pratiques anticoncurrentielles. Ainsi, une forte concentration du marché et une faible
pénétration aux importations sont des indicateurs significatifs de l’affaiblissement potentiel du
processus concurrentiel.

L’indicateur de concentration du marché a été contesté du côté de ce qui se passera du


point de vue de la concurrence. Ce n’est pas le nombre d’entreprises par secteur qu’il faut
prendre en compte, mais il faut voir s’il existe des barrières à l’entrée au marché. Ces
barrières vont permettre aux entreprises déjà existantes d’avoir une situation et un pouvoir
incontestable sur les entrants potentiels. Cependant, il reste encore un indicateur important de
mesure du pouvoir de marché que les autorités de la concurrence utilisent dans le monde
entier pour surveiller le processus de concurrence.

29
Chapitre 1

Pour un pays comme la Tunisie, un accord multilatéral va pouvoir augmenter l’accès


aux marchés extérieurs et réduire les comportements oligopolistiques dans son propre marché.
La plupart des entreprises industrielles en Tunisie sont de moyenne ou petite taille et ne
peuvent pas mettre en place leur propre réseau de distribution dans les pays développés. Les
arrangements exclusifs peuvent les empêcher d’entrer dans ces marchés ou d’augmenter leurs
ventes. Ces arrangements exclusifs peuvent aussi affaiblir la concurrence sur son propre
marché.

Les deux facteurs importants qui peuvent affaiblir la concurrence domestique en


Tunisie sont le degré élevé de la concentration et la faible amélioration de la pénétration des
importations.

Les PME et les micro-entreprises ne représentent qu’une petite fraction de la


production de l’économie tunisienne. La concentration du marché, telle que mesurée par les
parts des quatre plus grandes entreprises dans la valeur ajoutée totale d’un secteur donné, est
très élevée en raison de l’étroitesse du marché intérieur et des conséquences de l’ancien
système de licences d’investissement, auquel il n’a été mis fin qu’en 1987. L’agro-industrie,
les produits chimiques et les industries mécaniques et électriques sont les industries les plus
concentrées; l’industrie du textile, de l’habillement et du cuir sont les moins concentrées car
elles sont pour la plupart à vocation exportatrice. Dans l’industrie des matériaux de
construction, la concentration varie, la fabrication de tuiles étant l’activité la moins concentrée
et le ciment constituant l’activité la plus concentrée (87 pour cent de la production est assurée
par les quatre plus grandes entreprises qui toutes étaient jusqu’à présent des entreprises
publiques).

Le Gouvernement, afin de protéger les intérêts des consommateurs, a reconnu qu'une


structure de marché fortement concentrée nécessite une législation vigoureuse contre les
pratiques commerciales restrictives. Mais, en se plaçant du coté des entreprises, cette
concentration peut représenter un atout face à la concurrence étrangère. En effet, les secteurs
industriels qui possèdent de grandes entreprises tournées vers les marchés extérieurs sont
assez performants et ils sont capables de résister à une libéralisation de plus en plus
grandissante.

Trois pays de la région du Moyen Orient et du Maghreb ont déjà adopté des lois sur la
concurrence, la Tunisie en 1991, la Turquie en 1994 et l’Algérie en 1995. La concurrence a
été régulée en Tunisie par la promulgation de la loi 91-64 du 29 juillet 1991 relative à la

30
Chapitre 1

concurrence et aux prix et ses amendements de 1993, 1995 et celle en cours de discussion à la
Chambre des députés. La Tunisie s'est dotée d'un cadre juridique moderne comparable à celui
des pays développés surtout qu'il s'est largement inspiré du droit français (ordonnance du 1er
décembre 1986) et européen (traité d’Amsterdam).

La loi sur la concurrence a plusieurs objectifs à travers les divers pays du monde, mais
l’objectif ultime c’est de permettre une meilleure efficience. D’autres objectifs pour plus
d’équité, la redistribution des richesses, la limitation du pouvoir économique, la protection et
le développement des petites et moyennes entreprises, l’intégration régionale des marchés,
etc.

La loi tunisienne de 1991 énonce comme objectif la prévention des comportements


anticoncurrentiels, assurer la transparence des prix, prévenir les pratiques restrictives et les
hausses des prix illicites. Il n’y a pas de mention explicite d’un objectif comme l’efficience ou
l’équité.

Même si la loi sur la concurrence tunisienne est supposée traiter du comportement


anticoncurrentiel, mais paradoxalement elle permet au gouvernement de fixer les prix dans
certains cas. Elle stipule que les prix devraient être généralement libre déterminés par les
forces du marché, avec l’exception : les biens et les services de base, les activités où la
concurrence est absente à cause d’une position de monopole, des difficultés
d’approvisionnement ou à cause d’un effet d’une disposition légale ou réglementaire. En
plus, les prix peuvent être contrôlés par l’administration sur une période maximum de 6 mois
dans les cas suivants : une situation de crise, de circonstances exceptionnelles et un
comportement anormal du marché d’un secteur donné. Bien que les prix soient librement
déterminés par le marché, la loi a réservé à l’Etat le droit d’intervenir et de fixer les prix dans
des situations particulières. Cette clause, a été utilisée de façon saisonnière surtout pour les
produits alimentaires. Les prix qui sont aussi fixés par le gouvernement concernent les
produits de première nécessité, d’utilité publique, pharmaceutiques et d’autres produits et
services.

Concernant le comportement anticoncurrentiel, la loi tunisienne interdit toutes les


actions et les accords dont le but est de gêner, ou restreindre la concurrence, en particulier
ceux qui empêchent la formation du prix du marché, limitent l’accès au marché pour d’autres
firmes, limitent ou contrôlent la production, l’investissement et le progrès technique, les parts
de marché ou les sources d’approvisionnement.

31
Chapitre 1

Les cas présumés de pratiques anticoncurrentielles peuvent être soumis au Conseil de


la Concurrence4 par le Ministre du Commerce, les entreprises, les organisations
professionnelles, les syndicats, les associations de consommateurs, les chambres d’agriculture
et les chambres de commerce. Le champ des activités du Conseil tunisien de la Concurrence
a été élargi en 1995 et en 1999. Toutefois, son rôle mérite d'être renforcé pour prévenir les
pratiques restrictives, entreprendre des études, faire des recommandations concernant la
promotion de la concurrence et conseiller le Gouvernement sur des projets de lois et de
réglementation relatifs à la concurrence. Toutes ces mesures réglementaires, sont de nature à
améliorer l’environnement des affaires.

Avec aussi la signature de l'accord de partenariat avec l'UE en 1996, la Tunisie s’est
engagée à appliquer le droit communautaire de la concurrence dont les principales
dispositions ont été transcrites dans l’accord, notamment en ce qui concerne la lutte anti- trust
(ententes et abus de position dominante), les concentrations, «l’ajustement » des monopoles,
le contrôle des concentrations et le contrôle de la transparence des aides publiques.

Mais l’existence d’un cadre juridique et institutionnel ne suffit pas. Tout dépend de
son application effective sur un plan pratique. Le succès de toute politique de concurrence
dépend du degré de libéralisation effective de l‘économie et de la réduction du niveau de sa
protection. Il est indéniable que des progrès importants ont été réalisés en matière de
stabilisation des prix intérieurs et de l'amélioration de la qualité des produits offerts. Ces
améliorations peuvent être révélatrices d’une amélioration du niveau de la concurrence.
Néanmoins des distorsions continuent à affecter le fonctionnement normal du marché et à
réduire le bien être que le consommateur aurait pu tirer d'un environnement plus
concurrentiel.

Pour la plupart des professionnels tunisiens, les priorités de la politique de


concurrence ne se situent pas au niveau des pratiques anticoncurrentielles (ententes, collusion
et abus de position, évasion fiscale et imitation illégale) mais au niveau de la lutte contre la
concurrence déloyale (contrefaçon, circuits informels, importations à prix très compétitifs
etc.)

Malgré les améliorations apportées au cadre institutionnel de la concurrence, il reste


encore un effort important à faire pour réduire les pratiques anticoncurrentielles et contenir la
4
Le Conseil est dirigé par un juge ou un expert en matière de concurrence, et comporte sept juges et conseillers juridiques
(dont le président s’il est juge), quatre représentants des milieux d’affaires et deux experts. Depuis sa création, le
Conseil n’a pas eu d’économiste parmi ses membres. Grand nombre des questions qu’il considère sont de nature
technique, liées à la concentration du marché, à l’établissement des prix et à l’évaluation de conditions
anticoncurrentielles en général.

32
Chapitre 1

concurrence déloyale sur le marché interne, surtout pour le secteur onshore qui reste le plus
exposé à ce genre de pratiques.

Il est clair que la politique de concurrence doit protéger le processus concurrentiel


mais non pas les concurrents, car il est inéluctable que la compétition conduirait à la
disparition des entreprises les moins efficaces. On peut difficilement à la fois protéger les
entreprises les moins efficaces et souhaiter promouvoir l’exportation (réalisée en général par
les plus efficaces). Les politiques qui encouragent la croissance de l’exportation ont été
appuyés par le fait qu’elles améliorent la productivité des firmes exportatrices. La croissance
de la productivité agrégée est induite par la sortie des firmes les moins productives,
l’expansion et l’entré au marché à l’export des firmes les plus productives. Cette réallocation
des ressources des firmes les moins au plus productives accroît la productivité moyenne de
l’industrie. Les gains sociaux peuvent être amplifiés si l’augmentation de la concurrence sur
le marché du produit induite par la libéralisation commerciale conduit à de faibles hausses de
prix sur le coût marginal. Dans ce cas, la baisse des marges et l’augmentation de la
productivité moyenne contribuent tous les deux à de plus faibles prix et à de revenus réels
plus élevés.

2. Les assouplissements de la politique commerciale

Les orientations de la Tunisie en matière de commerce extérieur vont dans le sens


d’une libéralisation progressive. Afin de s’immerger dans l’économie mondiale et de
s’adapter au nouveau contexte économique, caractérisé par les intégrations régionales, il a
fallu favoriser les relations à l’échelle régionale. Alors des mesures fondamentales de
transformation du commerce extérieur ont été prises. Les résultats sont encourageants mais les
conséquences de ces mesures ne se sont pas encore toutes manifestées.

2.1.L’effort en faveur de la libéralisation

La politique commerciale est considérée comme l’un des principaux facteurs


expliquant le lien entre la performance des exportations et la croissance de la productivité.
Des études empiriques récentes ont apporté des preuves de l’effet positif d’une plus grande
ouverture de la politique commerciale sur la croissance de la productivité (Dollar 1992 ;

33
Chapitre 1

Sachs et Warner 1995 ; Edwards 1998 ; Dollar et Kraay 2004), mais les résultats restent assez
controversés à cause des problèmes de mesure et des problèmes conceptuels (Edwards 1993 ;
Rodriguez et Rodrik 1999).

2.1.1. Une libéralisation progressive et fragile

Au début des années 60, la Tunisie a développé un régime de commerce extérieur des
plus restrictifs parmi les pays en voie de développement. Pratiquement toutes les importations
nécessitent un certain type de licence et/ou un accord administratif avec des degrés variés de
restrictions selon le type de produit. Les exportations sont généralement libres, avec quelques
restrictions pour certains produits et tous sont sujets à des contrôles des échanges extérieurs.
La politique standard menée est la substitution aux importations avec des taux élevés de
protection nominaux et effectifs.
Dans les années 70 est apparu un renversement de la plupart des aspects de la
précédente orientation politique. Cette décennie a été largement influencée par le
développement de la production du pétrole, aussi bien qu’une augmentation substantielle des
prix du pétrole et des autres minéraux (phosphates et produits dérivées les plus exportés).
Malgré une tentative, spécialement en 1976, de simplification afin de rendre le régime
commercial à l’import plus flexible et plus libéralisé, il restait très restrictif, avec un niveau et
des taux de dispersion de la protection élevés, un degré élevé de complexité et une panoplie
d’exemptions et de régimes spécifiques aux produits. La stratégie de substitution aux
importations initiées dans les années 60 a été intensifiée, avec un secteur public en expansion
rapide. Les contrôles de l’Etat sont présents à tous les niveaux : prix, investissement, crédit,
échange et commerce extérieur. Cependant, il y a une émergence d’un secteur privé aussi bien
des exportations de secteurs non traditionnels. Les exportations manufacturières ont augmenté
de 21 % par an durant cette période.
Durant les années 80, des politiques macroéconomiques expansionnistes ont été
adoptées dans un contexte d’amélioration des termes d’échange. Mais en faisant face à une
nette détérioration des termes d’échange depuis 1984 (un déclin d’environ 20 % durant 1984-
1986), il y a eu un déclin du volume du pétrole exporté, qui était encore un composant
significatif des exportations, et la politique fiscale n’a pas été ajustée, même en devenant
expansionniste en 1985-86. Au début de l’année 1986, la situation est devenue clairement
insoutenable. Alors en vue d’une stabilisation de la situation économique, un programme
d’ajustement structurel a été mis en place en 1986, et a été fortement intensifié suite au

34
Chapitre 1

changement du régime politique à la fin de 1987. Il a inclus, une large dévaluation5 de la


monnaie aussi bien qu’un large éventail des programmes de réformes structurelles. Le
programme de stabilisation qui a été mis en place rapidement a été un succès et a permis, sur
une courte période, la restauration des indicateurs macroéconomiques au début des années 90.
Une forte montée des exportations a aidé à atteindre ces gains avec les secteurs exportateurs
importants atteignant les meilleures performances en termes de gains de productivité.
Les réformes commerciales mises en place durant cette période ont permis la réduction
des tarifs nominaux, et le taux de protection nominal a décliné en moyenne de 41 % en 1986 à
29 % en 1988. Le taux de protection effectif a diminué passant de 70 % à 42 %, mais il est
resté élevé pour la plupart des activités manufacturières, avoisinant 78 %. Les restrictions
quantitatives sur les importations ont été supprimées graduellement.
Le processus de libéralisation de l’économie tunisienne a continué durant la période
1990-1997. Les réformes ont touché tous les aspects de la politique domestique :
investissement, crédit, secteur financier et prix. La principale réforme fiscale mise en œuvre a
permis la simplification du système de taxe et la réduction de l’impôt direct sur le revenu. Un
programme de privatisation a été initié dont l’objectif est la réduction du rôle direct de l’Etat
dans l’activité économique. Le régime commercial a été libéralisé, et la convertibilité du dinar
tunisien a été réalisée en 1993. L’ouverture du régime commercial a permis à la Tunisie de
devenir membre du GATT en 1990, et après membre de l’OMC. Depuis 1996 une plus grande
libéralisation a été mise en place dans le contexte de l’accord d’une zone de libre échange
signé avec l’Union Européenne. L’accord a abouti à la libéralisation du commerce des
produits industriels en 2008. Les produits agricoles et les services vont être le sujet d’autres
négociations pour les libéraliser, ils ne sont pas encore pris en compte dans l’accord.

La Tunisie a progressé, durant cette décennie, en particulier en diversifiant sa base de


production, en faisant évoluer la participation du secteur industriel qui dépasse désormais les
20 % du produit intérieur brut et celle du secteur des services y compris le tourisme qui
dépasse les 50 % et ceci après que la base de production ait compté principalement sur le
secteur agricole et des mines.
Le régime commercial normal est resté fortement protégé tout au long de cette
période, avec un grand biais de substitution aux importations qui n’a pas été bénéfique pour
les exportations. Ceci n’a pas contribué a amélioré la compétitivité. Pour permettre aux
exportateurs de surmonter le régime restrictif des importations et de compenser le biais
apporté par les primes en faveur des activités importatrices compétitives, un nouveau régime a
5
En août 1986, la Tunisie a dévalué le Dinar de 10 %, suivie d’un glissement soutenu jusqu’en 1992.

35
Chapitre 1

été introduit au début des années 70. Selon ce système, les entreprises qui sont exclusivement
spécialisées dans la production pour l’exportation peuvent bénéficier d’avantages significatifs.
Ce système de production offshore n’est pas limité à un emplacement géographique
spécifique, mais il s’applique à toutes les firmes qui remplissent les conditions et sont sujettes
à un système de contrôle des clients. Il attire un nombre significatif d’entrepreneurs
domestiques et étrangers, et il est la principale voie qui conduit à l’exportation
manufacturière. La performance des exportations reflète la performance principalement de ce
système de production, spécialement les produits de l’habillement. En 1996, 64 % du total des
exportations sont produites par ces activités, spécialement dans les activités non
traditionnelles et non basées sur les ressources naturelles.
Le régime à l’export offshore et ses avantages fiscaux, aussi bien que les
encouragements additionnels aux exportateurs sous forme de subventions et de promotion aux
exportations, a beaucoup aidé à corriger le biais de substitution aux importations et a permis
de soutenir la performance des exportations de la Tunisie. Il en a résulté aussi le
développement d’une économie duale, un produit pour le marché domestique et l’autre pour
les exportations uniquement. Le lien entre les deux est resté faible voire inexistant, ce qui peut
constituer le grand challenge de la Tunisie pour améliorer sa compétitivité dans le futur.

Le secteur offshore n’a pas donné au secteur privé national le coup de fouet nécessaire
à la compétitivité qui est normalement le fruit de la concurrence et du commerce extérieur. La
raison principale en est que le secteur offshore a développé très peu de liens avec l’économie
onshore, et qu’il ne tire de celle-ci pratiquement aucun intrant échangeable6.

2.1.2. Analyse de la politique commerciale de la Tunisie

La Tunisie a opté depuis la deuxième décennie de développement pour une politique du


commerce extérieur destinée au marché intérieur et basée sur une politique industrielle de
substitution aux importations. En effet, avant 1986 seulement 10% des importations
bénéficiaient d’un régime libre. En 1982, l’éventail des droits de douane s’étalait de 5% à
236%. Le plan d’ajustement structurel a permis la correction d’un certain nombre de
distorsions à travers la mise en œuvre d’une nouvelle politique du commerce.

6
Une autre indication du dualisme est la pénétration des importations, mesurée par le ratio des importations rapporté à la
demande interne, qui s’est accrue en 1988, dans la phase initiale d’ajustement structurel et qui a suivi l’allégement des
restrictions sur les importations, mais qui a montré peu de changements après cette période. Les textiles, l’habillement et le
cuir, pour lesquels le ratio collectif est passé de 51 pour cent en 1988 à plus de 60 pour cent en 1997 étaient les exceptions
importantes.

36
Chapitre 1

i. Les dispositions de l’accord de libre


échange entre la Tunisie et l’UE : le
calendrier de démantèlement des
obstacles (1996-2008)

Avant 1976 la réglementation en vigueur correspondait à un prolongement de la


réglementation française en matière de commerce extérieur et de change. Le commerce
extérieur se dédoublait en zone franc et hors zone franc.

La notion d’étranger n’est apparue qu’à partir de la promulgation de la loi 76-18 qui a
commencé à codifier la réglementation du commerce extérieur. Cette loi n’est entrée en
vigueur qu’en 1982. En effet, depuis cette date de mise en application de cet avis, les
procédures de commerce extérieur sont déterminées en fonction du régime du produit et du
statut de l’opérateur sans référence au pays d’origine ou de destination.

Ces différentes mesures ont permis de mieux encadrer le développement du commerce


extérieur, cependant elles exigent d’une part un contrôle très rigoureux des importations qui
peut parfois entraver le processus productif au sein de l’entreprise (rupture de stocks), d’autre
part cette réglementation protège d’une manière excessive les produits locaux à travers la
politique d’agrément au niveau de l’investissement ou de l’interdiction d’importation pour les
produits fabriqués localement. Jusqu'à 1986 les importations étaient pénalisées aussi bien par
des droits de douane élevés que par un système de licences d’importation. Plus de 94% des
lignes tarifaires étaient soumises aux restrictions quantitatives7. La baisse brutale des positions
tarifaires libres à l’importation enregistrée en 1986 s’explique par la crise de 1985-86 où le
pays a subi une détérioration des conditions d’endettement, et le défaut du financement
extérieur a engendré une hausse de la protection.

Tableau 3 : Libéralisation des importations selon les lignes tarifaires


1983 1986 1988 1990 1994 1999
Positions tarifaires libres à 1827 489 1694 4331 7511 7926
l’importation
% du nombre total 21.7 5.8 20 48.3 85.6 86.7
Total des positions tarifaires. 8425 8455 8475 8376 8765 8765
Source IEQ, Ministère du Commerce.

La réforme du commerce extérieur engagée depuis 1987 avait comme objectifs la


suppression de toutes les restrictions quantitatives à l’importation à l’exception de quelques
7
Voir IEQ(1996).

37
Chapitre 1

produits liés à la sécurité, des biens de consommation de base subventionnés et de certains


produits de luxe non fabriqués localement. Cette réforme a permis la libéralisation de 20% des
lignes tarifaires et elle s’est encore poursuivie et renforcée au cours des années 1990. En effet,
la part des importations libéralisées est passée à environ 50% des positions tarifaires en 1990
et à 86.7 % en 1999. Cette libéralisation fut progressive et a concerné dans une première
étape les matières premières, les demi-produits et les biens d’équipement non fabriqués
localement. A partir de 1989, une seconde phase fut amorcée et a concerné des produits
similaires fabriqués localement. Cette libéralisation a été progressive.

En 1994, le système de libéralisation a connu une simplification dans ses procédures


en remplaçant la liste positive par une liste négative ne donnant que les biens soumis à une
autorisation d’importation. Il s’agit des listes de produits relevant des secteurs de l’industrie
de l’agriculture et des mines. Ces listes portent uniquement sur les biens de consommation de
base subventionnée, les articles de luxe non fabriqués en Tunisie et les articles liés à la
sécurité. Pour ce qui est de la libéralisation par référence à la production intérieure elle fut
assez lente : au cours des premières années du Plan d’Ajustement Structurel 10% de la
production intérieure étaient exposés à la concurrence des importations non soumises aux
restrictions, ce ratio est passé à 50% en 1992 et à plus de 90% en 1996.

En 1995 la Tunisie a signé un accord d’association avec l’Union Européenne, qui est
entré en vigueur le 1er mars 1998, c’est l’un des premiers accords signés avec un pays sud-
méditerranéen. Cet accord de partenariat qui est conclu pour une durée illimitée entre l’Union
européenne et leurs Etats membres d’une part et la Tunisie d’autre part, vient remplacer et
confirmer les avantages de l’ancien accord de 1976 et les différents protocoles d’adaptation
successifs. Cet accord revêt une grande importance pour la Tunisie, parce que l’UE
représente plus de 75 % du commerce tunisien.

Un important volet de l’accord porte sur le démantèlement des droits de douane et


autres taxes équivalentes grevant les importations de produits industriels en provenance de la
zone Euro, conformément à un calendrier arrêté à cet effet et dont la principale caractéristique
est de moduler la réduction de la protection en fonction de la nature des produits concernés et
de la capacité des entreprises tunisiennes à faire face à la concurrence extérieure. Mais la
Tunisie a décidé de son coté d’avancer de deux ans le calendrier, en le faisant débuter en
1996. L’accord fixe les dispositions relatives aux échanges commerciaux pendant la période
de transition de 12 ans avant d’aboutir à une zone de libre échange (ZLE) complète pour les
produits industriels comme suit :

38
Chapitre 1

-Les produits industriels :


 La suppression des restrictions quantitatives à l’importation et des mesures d’effets
équivalents dans les échanges entre les deux parties. Les restrictions quantitatives
constituent le principal instrument de cette protection.
 Les produits industriels européens sont exonérés de la totalité des droits de douane et
taxes d’effet équivalent sur les importations pour accéder au marché tunisien, sur des
étapes et ce suivant 4 listes de produits et marchandises arrêtées en tenant compte du
pouvoir concurrentiel des secteurs nationaux tunisiens :
- 1ère liste: représentant 12 % des importations en provenance de la Communauté
européenne dès l’entrée en vigueur de l’accord (le 1er mars 1998). Cette liste
couvre des biens d’équipement et des produits semi-finis non fabriqués
localement. Leur libéralisation intervient dès la mise en application de l’accord.
- 2ème liste: elle représente 28 % de la totalité des importations de l’Union
européenne et comporte des entrants et des produits semi-finis non fabriqués
localement (biens de consommations intermédiaires). Les droits relatifs à ces
produits seront éliminés au cours d’une période de 5 ans, à raison de 1/5 par an
c’est à dire par tranche de 15 %, sachant que dès l’entrée en vigueur de l’accord,
chaque droit et taxe a été ramené à 85% du droit de base jusqu’à l’obtention d’un
taux nul en 2001. En exemple on trouve, sucres et sucreries, produits chimiques,
produits pharmaceutiques, matières plastiques, bois, coton, produits céramiques,
métaux précieux, etc.
- 3ème liste: représentant 30 % des importations et correspondant à des produits finis
industrialisés localement, relativement disposés à supporter la concurrence. Les
droits concernant ces produits sont ramenés à l’entrée en vigueur de l’accord à 92
% du droit de base puis éliminés sur une période de transition de 12 ans (8 % par
an).
- 4ème liste: elle représente 29,5 % dont les tarifs seront démantelés à partir de la 5ème
année sur une période de 8 ans. Cette liste correspond aux produits fabriqués
localement qui ont un faible pouvoir concurrentiel et dont les unités industrielles
nécessitent une mise à niveau au préalable. Il est prévu à l’entrée en vigueur de
l’accord que les droits seront ramenés à 88 % du droit de base, puis une réduction
tarifaire quatre ans après à raison de 11 % par an. On importe dans cette liste :
vêtements, tapis, machines et appareils électriques, etc.

39
Chapitre 1

- Le démantèlement ne concerne pas une liste dite « négative » de produits


représentant 0,5 % des importations en provenance de l’Union européenne, se
rapportant aux produits de l’artisanat, de friperie et textiles à caractère social, mais
dont un réexamen du régime applicable est prévu 4 ans après l’entrée en vigueur
de l’accord .

Tableau 4 : Le calendrier du démantèlement des droits de douane (%)


1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
Liste 1 10,2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Liste 2 24,4 20,8 17,1 13,4 9,8 6,1 0 0 0 0 0 0 0 0
Liste 3 31,9 29,4 26,8 24,3 21,7 19,2 16,6 14,1 11,5 8,9 6,4 3,8 1,3 0
Liste 4 37,8 37,8 37,8 37,8 37,8 33,3 29,1 25 20,8 16,6 12,5 8,3 4,2 0
Ensemble* 26,1 22,0 20,4 18,9 17,3 14,7 11,4 9,8 8,1 6,4 4,7 3,0 1,4 0
* Moyenne simple des positions tarifaires appartenant aux 4 listes
Source : IEQ.

- Les produits agroalimentaires:


 Pour les produits agricoles industrialisés l’accord prévoit de préserver l’exonération
des productions tunisiennes des taxes sur la composante industrielle et de maintenir la
protection au niveau de la composante agricole et en contre partie la Tunisie adopte le
même régime au profit des productions européennes, mais de façon progressive sur la
période de :
- 12 ans dès la mise en vigueur de l’accord pour les produits non industrialisés en
Tunisie comme certaines préparations de légumes et fruits, certaines préparations
alimentaires et certains produits chimiques organiques ;
- 8 ans après une période moratoire de 4 ans pour les produits industrialisés en
Tunisie et qui concerne certaines préparations à base de céréales, certaines
préparations alimentaires, huiles, graisses, sucre et sucreries, préparation de
cacao…
 L’exclusion de ce régime des produits particulièrement sensibles comme les produits
laitiers, les pâtes alimentaires, etc.
 Octroi à la communauté de quotas correspondant à la moyenne des exportations sur la
Tunisie des années 1991-1993, aux tarifs en vigueur le 01/01/95 pour certains
produits non industrialisés en Tunisie.

Selon un rapport de la Banque Mondiale (2008), le calendrier convenu a été


rigoureusement suivi, et les droits sur les importations de l’UE sont passés d’environ 100 %
en 1996 à 4 % en 2007. En janvier 2008, le commerce des biens industriels entre la Tunisie et

40
Chapitre 1

l’UE devrait être complètement exempté de droits. Cependant, vu la particularité des produits
agroalimentaires, la réduction tarifaire n’a pas été poursuivie comme convenu dans l’accord
d’association suite à des difficultés rencontrées dans la détermination du contenu industriel de
ces produits et du calendrier de démantèlement à suivre. Ainsi, réduire la protection des
firmes agroalimentaires sans une réduction de la protection de l’agriculture risquerait de
réduire sensiblement la profitabilité et la survie des entreprises de ce secteur.

En 1999 les changements intervenus dans la fiscalité des importations ont concerné
deux aspects :

 Les mesures intervenues dans le cadre de l’accord d’association avec l’UE et


qui ont concerné une légère baisse des droits de douane pour les produits
agricoles et agro-alimentaires et à une consolidation de certains avantages
fiscaux sous forme de suspensions ou réductions des droits de douane
généralisées aux intrants du secteur industriel ou limitées aux matières premières
et articles destinées aux secteurs textile et mécaniques, aux produits destinés à
l’agriculture et pêche et matières premières et articles destinés à l’artisanat.

 Les mesures de modification de la TVA qui ont pris la forme d’un élargissement
de la liste des produits soumis à 10% aux pièces et parties accessoires des
machines pour traitement de l’information, d’une réduction à 10% et 6 %
respectivement pour les produits locaux destinés à l’agriculture et la pêche et les
matières premières et articles destinés à l’artisanat.

Il est à remarquer que le secteur de la confection sera le dernier secteur à être touché par
la libéralisation des importations. Pour ce qui est du secteur agricole, l’impact en termes de
production des produits prohibés est de 6.6 %, ils concernent des produits tels que les vaches
laitières, pomme de terre, amandes, blé, tomates, dattes etc. Par ailleurs et dans le cadre des
accords de l’Uruguay Round, la Tunisie a consolidé ses lignes tarifaires dans une fourchette
qui se situe entre 25 et 200%. Ces taux sont relativement élevés comparativement aux taux
proposés par les pays à niveau de développement comparable et pour des produits qui
disposent d’un certain avantage comparatif tels que l’huile d’olive, les agrumes ou les dattes.

ii. La Protection tarifaire


La politique de libéralisation des importations a été accompagnée par des mesures qui
ont porté essentiellement sur l’instauration d’une protection tarifaire de la production. Cette
protection a été assurée selon des critères de protection effective des produits et de

41
Chapitre 1

l’harmonisation tarifaire qui a tenu compte des différents stades de transformation des
produits. A cet effet il a été procédé :

- à la baisse des droits de douane jusqu'à 17% pour les matières premières
destinées à la fabrication des produits locaux

- à l’augmentation des droits de douane jusqu’au taux maximum de 43% pour les
articles et produits fabriqués localement.

Cette baisse des taux de droits de douane a aussi permis de confronter un certain
nombre d’activités à une concurrence plus soutenue ce qui a amené l’instauration d’un
prélèvement conjoncturel à l’importation (PCI) au taux de 5% du montant des droits et taxes
liquidés à l’importation, ainsi que d’un droit complémentaire provisoire (DCP) pouvant aller
jusqu'à 30%. Ce droit ne peut pas être en vigueur au delà de 3 ans, toutefois il a été maintenu
pour certains produits qui ont subi des retards en matière de restructuration industrielle. Le
maintien de ce droit a touché prés de 40 produits au cours de la loi de finances de 1994.

Par ailleurs et en perspective de la création de la ZLE avec l’Union Européenne, dès


1994 un certain nombre de mesures ont été adoptées. Ces mesures ont pour but de contrôler la
qualité et la conformité des importations aux normes internationales et protéger les opérateurs
tunisiens contre les pratiques de la concurrence déloyale.

Ces mesures de contrôle sont de deux sortes :

- La première est relative aux aspects de conformité technique

- La seconde est liée aux prix, droits anti-dumping et droits compensatoires

Ces mesures concernent principalement des produits libres à l’importation et sont de


nature à augmenter davantage la protection.

La libéralisation des importations devait se conjuguer avec une dé-protection des


activités productives. La réussite d’une telle politique dépend dans une large mesure de la
mise en œuvre des principales réformes engagées dans le cadre du PAS ainsi que du
raffermissement des liens entre les activités industrielles résidentes et non résidentes.

Les droits de douane sont le principal instrument de protection des produits locaux vis-
à-vis de la concurrence étrangère. Le tableau ci-dessous donne une illustration des droits de
douane pratiqués par groupement d’utilisation :

42
Chapitre 1

Tableau 5 : Droit de douane par groupement d’utilisation (Moyenne simple, toutes


positions tarifaires en %)
Groupement 1990 1995 1997 1999 2000 2001 2002 2002
d’utilisation UE hors UE
Matière première 16,7 19,7 17,7 12,1 9,0 6,4 5,3 16,1
minérale
Matières premières 21,4 22,4 37,8 33,3 32,7 26,8 25,7 29,6
végétales et animales
Produits énergétiques 10,8 11 5,4 3,7 2,8 0,2 0,2 2,1
Demi-produits 18 21,3 20,9 15,2 12,2 8,3 7,3 18,5
Équipement agricole 15,8 23,2 41,7 39,2 36,3 27,5 25,9 32,3
Equipement industriel 19,6 20,6 14,7 11,4 9,5 6,5 6 13,5
Alimentation humaine 34,7 36,4 91,2 86,3 84,7 72,6 72,3 74,1
produits de 35,9 37,3 33,5 28,2 24,5 20,1 17,5 32,4
consommation
Ensemble 25,8 27,5 30,8 28,2 25,5 23,8 22,6 31,7
Source : IEQ et Ministère du Commerce

On note que les produits d’alimentation humaine restent largement protégés puisque
les droits de douane pratiqués sont restés les plus élevés durant la période de 1990 à 2002, car
même les accords signés entre la Tunisie et ces différents partenaires commerciaux ne
prennent pas en compte les biens agricoles, et montrent une volonté de maintenir ce secteur
protégé. On remarque que la protection est relativement faible pour les matières premières,
demi-produits et les équipements agricoles et industriels, surtout pour ceux en provenance de
l’UE, et reste élevée pour les produits de consommation finale.
En termes d’évolution des droits de douane, une tendance vers la baisse est observée
dès 1997, renforcée par les premières mesures liées aux dispositions de l’accord de libre
échange qui touchent les biens d’équipement, les matières premières et les produits semi-finis
non fabriqués localement.

Cependant, la réduction régulière des droits sur les importations de l’UE contraste
avec la réduction lente des droits des NPF (ceux auxquels font face les partenaires non
préférentiels). Les écarts demeurent importants sur les biens semi-finis et ceux de
consommation finale. Mais cet écart peut mener à une diversion des échanges, ce qui ne
profite pas aux consommateurs. Surtout que les pays asiatiques (qui font face aux tarifs NPF)
appliquent des prix plus bas et des taux de change compétitifs.

En étudiant les tarifs douaniers appliqués par la Tunisie pour ces importations
provenant des pays de l’UE pour l’année 2002, selon la base de données MACMAP, on
remarque que ces tarifs ne dépassent pas les 43 % pour les secteurs des industries mécaniques

43
Chapitre 1

et électriques, pour le textile – habillement et pour la chimie qui sont les secteurs en
progression et pour lesquels la baisse des tarifs des produits importés utilisés dans la
production permet d’améliorer leur compétitivité à l’exportation. Mais ces tarifs restent
relativement élevés par rapport à ceux pratiqués par les pays de l’UE.
Tableau 6 : Les tarifs appliqués par la Tunisie pour les produits provenant de l’UE
année 2002
Code Désignation Moyenne simple Fourchette
30 Produits pharmaceutiques 11,23 0 - 28,6
39 Produits plastiques 14,28 0 - 25,8
40 Caoutchouc et produits similaires 17,07 5 - 28,6
41 Cuirs et peaux 13,3 5 - 25,8
42 Articles en cuir, sacs à mains, valises 18,71 5 - 28,6
44 Bois et articles en bois 16,76 0 - 28,6
48 Papiers et cartons 15,8 0 - 28,6
50 Tissus et fils en soie 7,5 0 - 10
51 Tissus et fils en laine 10,9 0 - 16,2
52 Fils et tissus en coton 11,48 0 - 17,96
54 Fils synthétiques 9,42 5 - 16,2
55 Fibres synthétiques de base 12,66 0 - 17,96
57 Tapis et revêtement du sol 32,46 25,8 - 43
59 Matières textiles à usage industriel 15 5 - 25,8
60 Etoffes de bonneterie 21,88 17,96 - 25,80
64 Chaussures et ses accessoires 23,22 16,2 - 28,6
68 Carreaux, marbre, granit et ouvrages en matière minérale 15,54 5 - 28,6
69 Produits céramiques 14,62 0 - 28,6
70 Produits et ouvrages en verre 15,25 5 - 28,6
82 Outils et instruments agricoles 15,57 0 - 28,6
84 Chaudières, moteurs et appareils mécaniques 15 0 - 28,6
85 Appareils et équipements électroniques 18,83 1,25 - 47,5
86 Locomotives, appareils mécaniques de transport ferré 12 0 - 23,94
87 Véhicules et accessoires 15,62 0 - 28,6
Source : MACMAP

Les branches retenues dans ce tableau 6 sont les plus importantes dans les
importations tunisiennes. Pour le secteur du textile et habillement, les autorités ont essayé de
réduire le coût pour tous les producteurs qui s’est traduit par des tarifs faibles imposées aux
matières premières de l’industrie (tissus et fils).

Le programme de libéralisation des importations a permis certes d’impulser l’activité


économique il n’en demeure pas moins que les liens d’intégration entre l’activité productive
domestique et celle liée totalement à l’exportation restent faibles.

A titre d’illustration, une des mesures qui était préconisée, entres autres, pour motiver
la compétition et promouvoir l’exportation était l’autorisation d’écouler 20% de la production
des entreprises totalement exportatrices sur le marché intérieur. Cette mesure est prévue par
les textes réglementaires depuis plus de 10 ans mais elle n’a pas été appliquée car elle

44
Chapitre 1

comportait une corrélation avec les achats locaux. En effet, il faut que ces entreprises achètent
une partie de leurs matières premières du marché domestique. C’est à partir de 1997 que les
procédures de son application ont été assouplies par la suppression de cette corrélation et que
les industries offshore vont pouvoir en bénéficier.

Pour analyser le système de protection dont bénéficient les activités économiques deux
indicateurs de protection sont utilisés : la protection nominale et la protection effective.

 La protection nominale

Le taux de protection nominale (TPN) mesure l’écart en pourcentage entre le prix


domestique d’un produit fabriqué localement échangeable et son prix international, définit
comme le prix de libre échange du produit en question (le prix observé à la frontière). Cet
écart résulte de la mise en place d’un système de protection.

L’approche utilisée par l’IEQ pour l’estimation du TPN est : le TPN tarifaire.

TPN = (prix intérieur hors taxes / prix CAF à l’importation) - 1

Il a été supposé que pour deux produits un local et l’autre importé parfaitement
homogènes, leurs prix intérieurs majorés de leurs droits et taxes respectives soient égales.
Cette hypothèse n’est valable qu’en cas de marché concurrentiel et performant. Cette
condition est assez vérifiée pour le marché des produits manufacturés ; mais elle est beaucoup
moins pour le marché des produits agricoles.

La protection qui est présentée englobe à la fois les obstacles tarifaires et non tarifaires
(car l’écart de prix qui est considéré ici résulte de beaucoup de phénomènes qui ne se
résument pas au seul droit de douane : coûts de transport, normes, quotas, subventions, effets
frontières, etc.) Il faut noter que la protection nominale telle que définie ici englobe plus que
celle calculée par MACMAP précédemment.

Les taux de protections nominales sont relativement élevés surtout pour le secteur
agricole, bien qu’ils continuent à diminuer. L’analyse par secteur d’activité des industries
manufacturières montre que les secteurs dont les taux de protection sont les plus élevés sont le
secteur des IAA et celui de l’ITHC avec respectivement 46 % et 62 % en 1995. L’économie
tunisienne reste dans son ensemble fortement protégée avec un taux moyen de 37 % en 1995
contre 44 % en 2000, comme le montre le tableau suivant :

Tableau 7 : Taux de protection nominale par activité (%)

45
Chapitre 1

ACTIVITES 1990 1995 1997 1999 2000 2001 2002 2002


UE hors UE
Agriculture et pêche 23 39 135 129 127 101 98 98

Industrie 35 43 49 44 41 36 33 45
manufacturière :
Industrie agricole et 33 46 92 89 88 81 81 82
agroalimentaire
Matériaux de 31 41 36 33 27 26 22 40
construction, céramique
et verre
Industrie mécanique et 36 30 30 26 24 20 17 31
électrique
Chimie 33 25 30 27 24 16 14 24

Textile-habillement et 37 62 48 39 35 30 26 40
cuir
Industries diverses 36 45 34 30 26 22 20 33

Ensemble 29 37 50 46 44 37 35 43
Source : Les services des douanes et l’IEQ

Le taux de protection nominal global se situe à 43 % en 2002, soit à un niveau


supérieur par rapport à celui relatif à l’UE. Cet écart en faveur de l’UE est susceptible d’être à
l’origine d’un détournement des échanges qui viendrait renforcer la part du commerce avec
l’UE dans les échanges globaux de la Tunisie.

Il faut noter qu’il existe un écart important entre les tarifs réglementaires et les taux
réels tels que révélés par le service des douanes. Un tel écart tient, en grande partie aux
diverses exonérations et réductions accordées, à certains produits et activités, pour des raisons
conjoncturelles (importations de certains produits à certaines périodes de l’année) ou celles
octroyées aux entreprises exportatrices dans le cadre du régime préférentiel. En effet, les
entreprises exportatrices ne paient aucun droit pour les produits qu’elles importent incorporés
dans la part de la production destinée à l’exportation.

 La protection effective

Le taux de protection effective (TPE) de l’activité j résulte de l’effet combiné de la


protection au niveau de la production et des consommations intermédiaires. Il est défini par
l’écart en pourcentage entre la valeur ajoutée évaluée au prix domestique et la valeur ajoutée
évaluée au prix international de l’activité en question, attribuable aux mesures de protection
en place.

46
Chapitre 1

La valeur ajoutée domestique est la différence entre la production de l’activité j et les


consommations intermédiaires exprimées aux prix producteurs locaux. La valeur ajoutée au
prix international est estimée à partir de ces mêmes données converties aux prix
internationaux. La conversion se fait en déflatant les valeurs exprimées aux prix producteurs
locaux par les TPN tarifaires correspondants.

Le concept de valeur ajoutée retenu par l’IEQ utilisé pour le calcul du TPE est celui
défini par Balassa. Il considère que les consommations intermédiaires d’une activité j donnée
sont formées d’intrants échangeables (faisant l’objet d’échanges commerciaux) et non
échangeables. Ces derniers sont supposés avoir les mêmes prix intérieurs et internationaux
(TPN est nul). La méthode de calcul de ce taux de protection prend en compte uniquement les
effets des tarifs sur la valeur ajoutée, parce que l’information sur les barrières non tarifaire est
difficile à mesurer. Malgré cette limitation (TPE biaisé à la hausse), il reste utile de mesurer
ce TPE pour voir les changements dans les prix relatifs suite à la libéralisation commerciale.

La protection effective accuse les mêmes tendances que la protection nominale, elle a
baissé en 1990 et a augmenté en 1995, puis en 1997. Cette tendance à la hausse est due au fait
que le calendrier de démantèlement tarifaire dans le cadre de l’accord de libre échange avec
l’UE, commence par la baisse des droits de douane sur les intrants utilisés (les matières
premières et l’équipement), alors que ceux sur les produits finis sont restés quasi constants.

Tableau 8 : Taux de protection effective par activité (%)


ACTIVITES 1990 1995 1997 1999 2000 2001 2002
Agriculture et pêche 24 45 169 161 164 124 120

Industrie manufacturière : 84 85 98 80 72 62 58

Industrie agricole et 100 71 59 60 65 69 70


agroalimentaire
Matériaux de construction, 82 85 154 119 85 76 70
céramique et verre
Industrie mécanique et 101 169 144 78 88 54 53
électrique
Chimie 78 65 102 78 60 39 45
Textile-habillement et cuir 73 126 106 91 79 71 59
Industries diverses 80 69 82 68 56 41 41
Ensemble 44 41 73 66 64 51 49
Source : Les services des douanes et l’IEQ

47
Chapitre 1

Le niveau global de la protection effective reste assez élevé en raison de la fiscalité sur
les produits et les intrants qui permet aux producteurs de créer davantage de valeur ajoutée
qu’il n’aurait été possible en l’absence de cette protection, mais aussi de la forte protection
des produits agricoles dont la production tient une place importante dans l’ensemble de la
production tunisienne, de l’ordre de 30 %.

Les réductions des tarifs douaniers qui interviendront annuellement vis-à-vis des
importations issues de l’UE, surtout avec le démantèlement tarifaire des produits de la 3ème et
la 4ème liste à partir de l’année 2000, entraîneront une diminution importante du taux moyen de
droits de douane. Cette baisse aboutira à des taux de protection nominale pour les produits et
les intrants encore plus faible, ce qui engendrera une réduction plus large de la protection
effective pour l’ensemble des secteurs de l’industrie manufacturière comme le montre le
tableau 8, à l’exception des produits du secteur agroalimentaire.

iii. La promotion des exportations


Le législateur tunisien a prévu dés le début des années 1970, un certain nombre
d’avantages fiscaux en faveur des exportateurs. Ces avantages sont prévus dans le cadre des
lois (1972-38, 81-56). Cette législation a permis d’instaurer un régime offshore pour les
entreprises locales et étrangères qui exportent plus de 80% de leur production.

Le régime totalement exportateur (offshore) représente prés de 60% des exportations


totales réalisées en 1996. Ce taux serait de 90 % pour les industries manufacturières. La
croissance des exportations en Tunisie a été menée exclusivement par l’industrie offshore qui
a bénéficié de politiques avantageuses, laissant l’industrie onshore à la traîne.

En effet l’analyse du comportement du commerce extérieur selon le régime et le


groupement sectoriel d’activité montre que les activités manufacturières sont largement
dominées par le régime offshore. Les secteurs qui exportent le plus en régime offshore sont
l’industrie plastique, la chimie, les industries mécaniques et électriques et l’industrie textile-
habillement et cuir.

Tableau 9 : Répartition des exportations par secteur et par régime


Produits Structure en %
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
Bois, Ouvrages en bois et Meubles
(ID)
Régime onshore 21% 24% 29% 27% 31% 46% 33% 28%
Régime offshore 79% 76% 71% 73% 69% 54% 68% 72%
Papier, Imprimerie et édition (ID)

48
Chapitre 1

Régime onshore 48% 42% 51% 44% 33% 53% 73% 51%
Régime offshore 52% 58% 49% 56% 67% 47% 27% 49%
Industrie du Plastique et Divers (ID)
Régime onshore 10% 8% 9% 12% 24% 23% 24% 26%
Régime offshore 90% 92% 91% 88% 76% 77% 76% 74%
I.A.A, Boissons et Tabac
Régime onshore 65% 62% 62% 70% 62% 77% 79% 63%
Régime offshore 35% 38% 38% 30% 38% 23% 21% 37%
Chimie et caoutchouc
Régime onshore 7% 5% 7% 7% 6% 11% 11% 12%
Régime offshore 93% 95% 93% 93% 94% 89% 89% 88%
Industries Mécaniques et électriques
Régime onshore 5% 5% 9% 9% 13% 13% 11% 10%
Régime offshore 95% 95% 91% 91% 87% 87% 89% 90%
Matériaux de construction,
Céramique et Verre
Régime onshore 80% 71% 60% 51% 56% 70% 70% 79%
Régime offshore 20% 29% 40% 49% 44% 30% 30% 21%
Industrie Métallurgique de base
Régime onshore 3% 2% 4% 6% 4% 8% 4% 5%
Régime offshore 97% 98% 96% 94% 96% 92% 96% 95%
Textile, Habillement et Cuir
Régime onshore 3% 3% 5% 4% 4% 3% 4% 4%
Régime offshore 97% 97% 95% 96% 96% 97% 96% 96%
TOTAL INDUSTRIES
MANUFACTURIERES
Régime onshore 8% 7% 9% 10% 10% 12% 13% 13%
Régime offshore 92% 93% 91% 90% 90% 88% 87% 87%
Source : CEPEX

Le législateur a par ailleurs instauré une distinction entre les régimes onshore et
offshore. Certes, depuis l’adoption du code d’investissement en 1994, plusieurs mesures ont
été mises en œuvre afin de tenir compte des réformes engagées dans la libéralisation du
commerce extérieur. Ces mesures ont accompagné la réforme du système fiscal, et ont visé le
rapprochement des régimes totalement exportateur et partiellement exportateur. Telles que la
suppression de la caution financière et l’instauration du système de caution garantie, des
mesures de facilitation des échanges pour réduire les coûts de transaction pour le secteur
onshore. En matière de procédures douanières les entreprises partiellement exportatrices sont
astreintes à un certain nombre de contraintes réglementaires qui ne s’appliquent pas aux
entreprises totalement exportatrices relevant du régime offshore. En effet, il faut prés de 10
jours à une entreprise partiellement exportatrice pour dédouaner ses marchandises, alors
qu’une entreprise totalement exportatrice exécute la même opération en quelques heures.

49
Chapitre 1

D’autre part et pour pouvoir rapprocher les entreprises exportatrices des principaux
marchés étrangers, des institutions ont été créées pour stimuler l’effort d’exportation telles
que la création du CEPEX8 et l’instauration depuis 1985 du FOPRODEX9 qui est destiné à
promouvoir les exportations et à aider les entreprises à mener des actions de promotion de
nouveaux produits ainsi que la prospection de nouveaux marchés. Les modalités pratiques de
l’aide attribuée par ce fonds concernent trois types d’actions bien distinctes :

- Le soutien aux opérations d’exportation, à travers une aide au transport


(maritime, terrestre, aérien) qui est limitée à 50% du coût du transport dés lors qu’il s’agit
d’un produit nouveau (on a exclu des produits traditionnels tels que l’huile d’olive,
phosphates ...) ou d’un nouveau marché.

- Le soutien direct qui vise une liste de produits arrêtés par le Ministère du
Commerce. Le fonds intervient par une subvention directe en vue de régler une partie de la
différence entre le prix du marché et le prix de revient, déterminé par les intrants. Ce sont
généralement des produits qui rencontrent des problèmes de concurrence (ciments, double
concentré de tomate.).

- Le soutien aux actions de promotion, qui prend la forme de prêt qui sont
jumelés ou non à des subventions.

L’analyse des interventions de ce fonds montre qu’il a été utilisé davantage pour
soutenir des activités dont la compétitivité était douteuse que pour promouvoir l’exportation
active. En effet l’analyse du fonds entre 1988 et 1995 montre que dans un premier temps prés
de 80% du budget était allouée au soutien direct, cette part ne représente que prés de 40 % en
1995.

Le soutien direct a concerné au cours de la période 1986-1994 des produits tels que le
ciment, le double concentré de tomate, les agrumes et les biens d’équipement.

Le soutien spécifique du transport, a bénéficié, durant la même période, de prés de 21


Millions de dinars et il a concerné pour prés de 46 % le transport aérien, 47 % le transport
maritime et 7 % le transport terrestre.

L’activité promotionnelle n’a bénéficié pour la même période que d’un montant de
prés de 4 Millions de dinars et a concerné pour la moitié le financement des foires et salons,

8
CEPEX : est le Centre de Promotion des Exportations crée en 1973.
9
FOPRODEX : est le Fonds de Promotion des Exportations.

50
Chapitre 1

22% pour la publicité, 13 % pour les brochures et 17% pour les études de prospection et
seulement 3 % ont été utilisées pour améliorer la qualité.

La mission du FOPRODEX a nettement changé en 1995, mais elle reste à plus de


80% dominée par des activités de soutien direct ou de transport. Ce soutien pour certains
exportateurs (qui arrivent à bénéficier de cette mesure) contribue à alléger le coût élevé de
transport mais peut constituer une violation des réglementations de l’OMC.

En Avril 2000, un nouveau fonds appelé FAMEX10 est crée par la Banque mondiale et
le CEPEX. Il s’adresse à une plus large gamme d’entreprises désirants débuter ou développer
leur activité à l’exportation. Le FAMEX a pour objectif de soutenir 350 entreprises sur une
période de 3 ans. Il a pu atteindre cet objectif et même le dépasser vers la fin de l’année 2004.

L’intervention du FAMEX se fait en deux étapes successives. En premier lieu, il


accorde une subvention de 70 % avec un maximum de 10 000 dinars par entreprise pour la
préparation du plan marketing (recherche d’un marché et de partenariats, formation liée au
plan des exportations, modification de la conception des produits, établissement de bureaux à
l’étranger, etc.) accompagnée d’une assistance technique des experts du fonds. Ensuite, une
subvention de 50 % non remboursable avec un maximum de 100 000 dinars par entreprise
pour la mise en œuvre de ce plan marketing assisté par les experts du FAMEX.

En totalité le FAMEX a profité à 636 entreprises, parmi lesquelles 76 % travaillent


pour le marché local. Tous les secteurs de l’économie ont pu bénéficier du FAMEX. Dans
l’industrie manufacturière, les industries du textile-habillement, mécanique et électrique et
agroalimentaire ont le plus profité des avantages de ce fonds (en termes de nombre
d’entreprise).

Ce fonds a été une mesure importante qui a pu aider les entreprises ciblées à
développer une culture de l’exportation et à diversifier leurs activités. Vu la réussite de ce
fonds par une amélioration des exportations et des recettes fiscales, la Tunisie a adopté le
FAMEX II depuis 2006, qui cible l’appui à 500 entreprises.

2.2.Evolution et caractéristiques des échanges extérieurs

2.2.1. Les échanges extérieurs de la Tunisie

10
FAMEX : est le Fonds d’accès aux Marchés d’exportation.

51
Chapitre 1

Pendant la période qui a précédé l’adoption du plan d’ajustement structurel en 1987, la


Tunisie a connu des difficultés économiques ayant conduit à un rationnement des
importations dont le taux de croissance annuel moyen est de 0,1% soit une quasi-stagnation.
En conséquence, les investissements ont baissé ce qui a ralenti de façon drastique la
croissance des exportations dont le taux a atteint 0.8% par an en moyenne au cours de la
période 1980-1986.

Au cours de la période 1987 - 89, il y a eu une dépréciation du dinar tunisien, une


reprise des investissements et une augmentation du taux d’utilisation des capacités de
production, ce qui a entraîné une augmentation des exportations et des importations. Les taux
de croissance annuels moyens des exportations et des importations ont été de 13.6% et 6.9%
respectivement pendant cette période.

Cependant, le rythme de croissance du secteur d’exportations durant la période 1990-


96 marque un ralentissement par rapport à la période précédente à cause des effets négatifs
engendrés par une conjoncture internationale difficile (la guerre du Golfe) et d’un moindre
accompagnement de la politique de change.

Pour ce qui concerne les importations, leur croissance est relativement moins rapide
que celle des exportations pendant la période 1990-96 et s’explique par la reprise de
l’investissement, l’introduction à partir de 1992 de la convertibilité courante du Dinar tunisien
qui a allégé le rationnement des devises nécessaires pour l’importation, la réduction des
restrictions quantitatives et la baisse des tarifs douaniers.

La Tunisie enregistre une reprise de la croissance des exportations et des importations


à partir de 1997. Le taux de croissance des importations est légèrement supérieur à celui des
exportations, ceci s’explique par les effets des mesures de libéralisation des importations
conformément aux accords signés avec l’Union Européenne en 1996.

Tableau 10 : Evolution des exportations et des importations de la Tunisie


Source : INS X/PIBexprimées en millions de dinars, aux prix courants)
(Données
Années X PIB M X/M (%) (X-M)
(%)
1992 5 418,6 13 706,0 39,5 6 368,3 85,1 - 949,7
1993 5 930,5 14 662,9 40,4 7 033,2 84,3 -1 102,8
1994 7 105,5 15 813,8 44,9 7 570,4 93,8 - 464,9
1995 7 657,0 17 051,5 44,9 8 323,0 92 - 666,0
1996 8 028,7 19 066,2 42,1 8 315,0 96,5 - 286,3
1997 9 146,7 20 898,3 43,8 9 660,0 94,7 - 513,3
1998 9 711,9 22 561,0 43 10 467,0 92,8 - 755,0
1999 10 489,0 24 671,5 42,5 11 046,9 95 - 558,0
2000 11 871,5 26 650,8 44,5 12 842,4 92,4 - 970,9
2001 13 710,9 28 757,1 47,7 15 029,1 91,2 -1 318,3
52
2002 13 525,8 29 923,8 45,2 14 806,2 91,3 -1 280,4
2003 14 109,2 32 202,4 43,8 15 356,4 91,9 -1 247,2
2004 16 439,5 35 148,0 46,8 17 468,9 94,1 -1 029,4
Chapitre 1

X
D’après ce tableau le taux a crû de 1992 à 2001 de 39,5% à 47,7%.
PIB

Cette hausse en 10 ans indique la capacité de la Tunisie à exporter une partie de plus
en plus importante de sa production. Cette capacité reflète évidemment sa compétitivité par
rapport aux concurrents, qui reste à développer. Par ailleurs le taux de couverture des
importations par les exportations s’est amélioré de 1992 à 1996, mais par la suite il a subi une
baisse, passant de 96,5% à 91% entre les années 1996 et 2002. Cette baisse peut s’expliquer
par une augmentation des importations de plus en plus importante qui a suivi le
démantèlement tarifaire des produits industriels importés de l’UE, et par une faible croissance
des exportations par rapport aux importations, même s’ils ont continué à augmenter.

Tableau 11 : Evolution du déficit commercial par rapport au PIB en (%)


Années (X-M)/PIB
1992 -6,9
1993 -7,5
1994 -2,9
1995 -3,9
1996 -1,5
1997 -2,5
1998 -3,3
1999 -2,3
2000 -3,6
2001 -4,6
2002 -4,3
2003 -3,9
2004 -2,9
Source : INS

Cependant, la Tunisie enregistre d’une année à l’autre un déficit commercial assez


élevé surtout pour les années 2001, 2002 et 2003. Ce déficit est ramené de 7,5% du PIB en
1993 à un niveau plus supportable de 2,9% du PIB en 2004.

Quand on étudie le taux d’ouverture, on remarque qu’il varie selon les années de 86%
en 1992 à 99,9% en 2001, mais la tendance générale est à la hausse.

Tableau 12 : Evolution du taux d’ouverture entre 1992 et 2004 en (%)


Années (X+M)/PIB

1992 86

53
Chapitre 1

1993 88,4
1994 92,8
1995 93,7
1996 85,7
1997 90
1998 89,4
1999 87,3
2000 92,7
2001 99,9
2002 94,7
2003 91,5
2004 96,5
Source : INS

Le succès économique de la Tunisie dépend largement de la croissance et de la


diversification des exportations. D’après le tableau 13, on note une augmentation des
exportations manufacturières qui ont cru en moyenne de 24,5 % du total des exportations en
1970 à 59,3 % dans les années 90, soit une augmentation de 4,6 % à 25,3 % du PIB. Ceci
montre l’importance grandissante des industries manufacturières dans l’économie tunisienne
et surtout dans le commerce extérieur, qui vont être la base de notre étude.
Tableau 13 : La part des exportations manufacturières dans le total des exportations
(X) et dans le PIB de 1970 à 1999
ANNEE Tunisie
%X % PIB
1970-1979 24,5 4,6
1980-1989 42,9 15,7
1990-1999 59,3 25,3
2000-2004 62,7 28,6
Source : INS.

En regardant la destination des exportations tunisiennes vers les différents groupes de


pays, on note une réelle prédominance des pays de l’UE, mais cette dépendance diminue
d’une année à l’autre passant de 82,3 % à 71,5 % de 1998 à 2005, mais elle reste encore assez
forte. Si on considère que les exportations des entreprises offshore, la part de l’Union
Européenne est encore plus importante avec un taux avoisinant les 90 %, à l’inverse des
exportations du régime onshore qui sont plus équilibrées. Concernant les exportations vers les
pays du Maghreb Arabe, on remarque qu’elles suivent une tendance haussière qui s’explique
par le développement économique de l’Algérie et de la Libye qui profitent de la hausse des
cours de pétrole et du gaz. L’objectif à venir du gouvernement étant de diversifier ses clients

54
Chapitre 1

et ses fournisseurs étrangers pour pouvoir profiter des potentialités existantes dans les autres
régions du monde et surtout les pays émergents de l’Asie.
Tableau 14 : Evolution des exportations des industries manufacturières tunisiennes
par groupement de pays de 1998 à 2005
Groupement de pays 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
Union Européenne 82,3% 80,6% 77,9% 78% 76,9% 79,6% 77,2% 71,5%
Moyen Orient 2% 1,9% 3,9% 3,8% 3,9% 2,5% 2,4% 2,6%
Europe Centrale et Orientale 0,1% 0,1% 0,1% 0,1% 0,1% 0,1% 0,2% 0,3%
Asie Océanique 5,2% 5,7% 4,3% 3,7% 4,2% 2,8% 3,5% 4,8%
Amérique du Nord 0,5% 0,8% 0,8% 0,9% 0,7% 0,6% 0,9% 0,6%
Union du Maghreb Arabe 3,7% 4% 4,3% 4,8% 6,3% 6% 5,8% 9,3%
Source : CEPEX

Comme l’illustre le tableau 14, en analysant le groupement d’utilisation des produits


exportés, on note qu’ils sont constitués essentiellement de biens de consommation dont la part
dans les exportations totales ne cesse de diminuer de 1998 à 2005 passant de 71 % à 48 %
alors que celle des demi- produits a connu une nette augmentation passant de 25,54 % à 36,67
% durant la même période. On remarque une nette réorientation de la spécialisation en 7 ans
vers les demi-produits aux dépens des biens de consommation.
Tableau 15 : Les exportations des industries manufacturières tunisiennes par type
d’utilisation en (%)

1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005


Types de biens exportés
Biens d'équipement 1,97 5,67 7,23 7,36 8,22 7,57 7,02 7,88
Agricole 0,006 0,1 0,1 0,04 0,03 0,02 0,02 0,02
Autres 1,97 5,57 7,13 7,32 8,19 7,55 7 7,86
Matières premières et demi-produits 26,06 29,32 29,93 29,12 29,96 30,85 35,76 38,73
Demi-produits 25,54 28,64 29,1 28,29 28,88 29,35 33,82 36,67
Produits d'origine minérale 0,33 0,12 0,19 0,21 0,28 0,35 0,46 0,4
Produits d'origine animale ou
végétale 0,19 0,56 0,64 0,62 0,8 1,15 1,48 1,66
Biens de consommation 71 61 58,6 59 57,7 57,8 53 48
Produits alimentaires 0,8 3,8 4,2 4,4 4 3,7 4,3 5,3
Source : INS

55
Chapitre 1

Toutefois, les exportations des biens d’équipement agricoles, sont faibles, puisque le
pays ne dispose pas de production locale importante et par conséquent il importe beaucoup
pour satisfaire les besoins du marché interne. En ce qui concerne les autres biens
d’équipement il s’agit d’équipement pour l’industrie textile et cuir, pour l’industrie
alimentaire et pour l’industrie papier et bois. Concernant les produits d’origine minérale, la
Tunisie ne possède pas de ressources minières importantes, donc ses exportations sont très
faibles, il s’agit surtout de phosphate.

2.2.2. La spécialisation
L’objet de cette section est d’étudier l’évolution de la spécialisation de la Tunisie. Elle
offre une occasion pour illustrer comment l’économie tunisienne a marqué une évolution
d’une spécialisation basée sur les ressources naturelles vers une spécialisation basée sur la
main d’œuvre non qualifiée dans l’esprit du modèle d’Heckscher – Ohlin – Samuelson pour
s’engager, récemment, dans une spécialisation basée sur la main d’œuvre qualifiée dans
l’esprit du modèle de la concurrence monopolistique et des rendements d’échelle croissants.

L’échange international résulte de l’avantage comparatif et des rendements d’échelle


croissants. Le commerce interbranches reflète les avantages comparatifs et le commerce intra
branche reflète les économies d’échelle et, éventuellement, la capacité à différencier les
produits.

Cette section s’inspire de ce cadre d’analyse pour effectuer un bilan et diagnostic du


schéma de spécialisation de l’économie tunisienne.

a. Classification des produits

Ce paragraphe fournit une classification des biens en quatre catégories :


- Biens exportables ;
- Biens non échangeables ;
- Biens d’importations concurrentielles ;
- Biens d’importations non concurrentielles.
Cette classification est basée sur l’indicateur suivant :

M− X
T=
Y+ M− X

56
Chapitre 1

Y, M et X désignent la production, les importations et les exportations respectivement. Cet


indicateur correspond aux importations nettes (M-X) et met en évidence la part de la demande
intérieure (Y+M-X) qui n’est pas satisfaite par la production locale. Des valeurs négatives de
ce ratio indiquent qu’il s’agit d’un secteur exportateur net. Des valeurs proches de 1 indiquent
que la demande intérieure est plus satisfaite par les importations que par la production locale.

Nous avons utilisé des données de la NAP-50 relatives aux années 1998 - 1999 - 2000 - 2001
- 2002- 2003 pour calculer l’indicateur T pour les différents produits.
Sur la base d’une nomenclature de 60 produits, la classification des produits tunisiens retient
les critères suivants11 :
- Biens exportables : T négatif et supérieur en valeur absolue à 2%.
- Biens non échangeables (X et M faibles) ou échange intra branche (X et M élevés mais
proche l’un de l’autre) : T inférieur en valeur absolue à 2%.
- Biens d’importations concurrentielles : T positif et inférieur à 85%.
- Biens d’importations non concurrentielles : Les autres produits avec T>85%.
Pour une nomenclature plus détaillée (149 produits), il est possible de retenir un seuil de 5%
au lieu de 2% et 95% au lieu de 85% [NABLI, 1979].
Tableau 16 : Evolution de l’indicateur T de classification des produits

Types de produits
T (%) 1998 1999 2000 2001 2002 2003
biens importations
Produits agricoles & pêche
9% 7% 9% 11% 14% 10% concurrentielles
PRODUITS DES GRANDES biens importations
01 CULTURE 34% 33% 47% 51% 65% 34% concurrentielles
02 FRUITS -12% -7% -5% -12% -12% -11% biens exportables
biens importations
03 LEGUMES 5% 2% 2% 2% 3% 2% concurrentielles
biens importations
04 PRODUITS AGRICOLES DIVERS 14% 23% 20% 16% 15% 18% concurrentielles
bien faiblement échangé
05 PRODUITS DE L'ELEVAGE 2% 1% 1% 0% 0% 1% puis échange intra branche
PRODUITS DE LA FORET ET DE biens importations
06 LA SYLVICULTURE 6% 8% 6% 6% 17% 28% concurrentielles
POISSONS ET PRODUITS MARINS
08 DIVERS -17% -13% -8% -3% -5% 4% biens exportables
Produits de l'industrie agro-
10 alimentaire 0,4% -5% -2% -1% 2% 1% échange intra branche
11 VIANDE 1% 1% 1% 0% 0% 0% biens faiblement échangés
biens importations
12 PRODUITS LAITIERS 7% 6% 5% 6% 6% 7% concurrentielles
PRODUITS DE LA
13 TRANSFORMATION DES GRAINS -5% -4% -5% -3% -5% -3% biens exportables
bien exportable puis biens
14 HUILES ET CORPS GRAS -8% -73% -19% -15% 29% 14% importations concurrentielles
15 CONSERVES -44% -42% -42% -64% -58% -41% biens très exportables
biens importations
16 SUCRE CONFISERIE CHOCOLAT 35% 28% 28% 29% 33% 24% concurrentielles
biens importations
17 PRODUITS DIVERS DES IAA 7% 5% 6% 5% 0% 2% concurrentielles

11
M.K.NABLI, B.TALBI, M.EL ABASSI, R EL FERKTAJI, Op Cit, [2001], p23.

57
Chapitre 1

18 BOISSONS 0% 0% 0% 1% 1% -1% échange intra branche


19 TABACS -3% 0% 2% -2% 0% -1% échange intra branche
échange intra branche puis
Mat. de Construction
biens importations
20 Céramique et Verre 1% 1% 1% 3% 2% 3% concurrentielles
biens importations
21 PRODUITS DE CARRIERES 16% 13% 16% 15% 14% 12% concurrentielles
CIMENT ET OUVRAGES EN
22 CIMENT -8% -5% -4% -1% -3% -6% biens exportables
23 PRODUITS CERAMIQUES -5% -6% -10% -8% -10% -4% biens exportables
biens importations
24 PRODUITS EN VERRE 31% 29% 29% 29% 31% 29% concurrentielles
Machines & Matériel biens importations
30 Mécanique et Electrique 53% 55% 54% 52% 48% 46% concurrentielles
biens importations
31 PRODUITS SIDERURGIQUES 52% 46% 46% 50% 54% 61% concurrentielles
biens importations
32 OUVRAGES EN METAUX 16% 16% 22% 22% 23% 24% concurrentielles
MACHINES ET EQUIPEMENTS biens importations non
33 AGRICOLES ET INDUSTRIELS 90% 89% 91% 92% 88% 86% concurrentielles
biens importations
34 AUTOMOBILES CAMIONS CYCLES 68% 69% 65% 59% 56% 48% concurrentielles
MATERIELS DE TRANSPORT biens importations non
35 DIVERS ET LEUR REPARATION 88% 97% 95% 90% 90% 52% concurrentielles
36 MATERIELS ELECTRIQUE 1% -3% -10% -9% -7% 0% biens exportables
biens importations
37 MATERIEL ELECTRONIQUE 50% 57% 58% 60% 63% 68% concurrentielles
biens importations
38 EQUIPEMENTS MENAGERS 27% 23% 25% 24% 15% 19% concurrentielles
biens importations
40 Produits chimiques 5% 6% 13% 14% 16% 16% concurrentielles
41 ENGRAIS -88% -83% -87% -98% -76% -78% biens très exportables
AUTRES PRODUITS CHIMIQUES biens importations non
42 DE BASE 78% 78% 82% 80% 81% 83% concurrentielles
biens importations
43 PRODUITS DE LA PARA-CHIMIE 25% 26% 28% 32% 31% 26% concurrentielles
biens importations
44 PRODUITS PHARMACEUTIQUES 55% 56% 57% 60% 64% 59% concurrentielles
ARTICLES EN CAOUTCHOUC biens importés
45 PNEUMATIQUES 28% 28% 24% 30% 17% 19% concurrentielles

50 Textile, Habillement et cuir -18% -20% -21% -24% -28% -25% biens exportables
biens importations
51 FILES ET TISSUS 67% 66% 64% 67% 65% 64% concurrentielles
52 TAPIS -5% -5% -4% -4% -1% 0% biens exportables
53 PRODUITS DE LA BONNETERIE -53% -64% -56% -84% -80% -74% biens très exportables
54 VETEMENTS -249% -227% -208% -266% -275% -298% biens très exportables
CUIRS ARTICLES DE
55 MAROQUINERIE CHAUSSURES -21% -24% -30% -35% -26% -17% biens exportables
Produits des Industries biens importations
60 Manufacturières Diverses 22% 20% 23% 23% 19% 16% concurrentielles
PRODUITS DES INDUSTRIES DU biens importations
61 BOIS 13% 12% 14% 14% 10% 2% concurrentielles
PAPIER LIVRES JOURNAUX ET biens importations
62 DISQUES 26% 26% 30% 32% 27% 24% concurrentielles
PRODUITS EN MATIERES biens importations
63 PLASTIQUES 36% 33% 37% 34% 33% 34% concurrentielles
biens importations
64 PRODUITS DIVERS 23% 15% 16% 15% 10% 9% concurrentielles
Source : Calcul de l’auteur.

- Catégorie des biens exportables :


Cette catégorie regroupe les produits tels que les fruits et poissons pour les produits
agricoles, produits de la transformation des grains et huile pour le secteur agroalimentaire,

58
Chapitre 1

ciment et produits céramiques pour les IMCCV, matériels électriques des IME, les engrais
concernant les produits chimiques, et l’industrie du textile – habillement et cuirs.

La production d’une grande partie de ces produits dépend des ressources naturelles ;
toutefois ils ne sont pas exportés à l’état brut. Le processus de transformation concerne les
produits de l’agriculture et pêche. Il permet d’augmenter le taux de la valeur ajoutée de ces
produits et se traduit, du point de vue de la spécialisation de la Tunisie par la mise en évidence
d’un avantage lié aux dotations naturelles et un avantage lié à la disponibilité du facteur
travail.

En effet, les exportations en expansion concernent les industries légères,


principalement l’habillement et la bonneterie. La catégorie de nouveaux produits à
l’exportation devient de plus en plus large depuis le milieu des années 80 avec l’introduction
d’un certain nombre de produits : cuirs et chaussures, ciment, produits de la céramique et
transformation de graines

- Catégorie des biens non échangeables ou échanges intra branches :


Compte tenu du caractère relativement agrégé de la nomenclature des produits, cette
catégorie consiste en deux sous-catégories :

 La sous catégorie de produits pour lesquels l’échange international n’est pas


envisageable étant donné les coûts de transport élevés. Ces produits constituent une
composante permanente dans la catégorie des biens non échangeables.

 La sous catégorie de produits pour lesquels les exportations et les importations


sont presque équivalentes, il s’agit de l’échange intra branche (quelques produits agricoles,
les boissons, le tabac).

- Catégorie des biens d’importations non concurrentielles :


Cette catégorie regroupe les biens dont la production nationale Y est inexistante ou
négligeable et dont les importations nettes sont faibles (T proche de 1). La délimitation de
cette catégorie de produits est biaisée par le caractère relativement agrégé de la NAP50, par
exemple le secteur des fruits est classé dans la catégorie des biens exportables compte tenu de
l’importance des agrumes alors que les fruits exotiques (les bananes) sont totalement
importés.

59
Chapitre 1

Le critère que nous retenons pour cerner la catégorie des biens d’importations non
concurrentielles correspond aux produits dont la production locale est négligeable par rapport
à la demande locale. Il faut donc avoir à la fois une production et des exportations très faibles.

La catégorie des biens d’importation non concurrentiels se limite aux : équipements agricoles
et industriels et matériels de transport divers.

60
Chapitre 1

- Catégorie des biens des importations concurrentielles :


Tous les autres produits sont classés dans la catégorie des biens des importations
concurrentielles. Il s’agit des produits dont la production locale n’est pas négligeable mais
insuffisante pour satisfaire la demande intérieure. On y trouve les produits des industries
mécaniques et électriques, de la chimie (y compris les médicaments), de l’agriculture.

ii. Le commerce intra branche


Le commerce intra–branche concerne des flux d’importations ou d’exportations
relatifs aux produits d’un même secteur d’activité. Le commerce intra–branche améliore les
gains de l’échange parce qu’il permet une meilleure exploitation des économies d’échelle et
stimule l’innovation pour soutenir la différenciation des produits et défendre le pouvoir de
monopole sur les marques (concurrence monopolistique).
Nous avons utilisé des données de la base PC-TAS relatifs aux années de 1995 à 2004
pour calculer l’indice de BELA BELASSA qui fournit une mesure de la spécialisation intra-
branche exprimée par le rapport suivant :

Xi − Mi
Ai =
Xi + Mi
Avec Xi et Mi expriment respectivement les exportations et les importations du produit i par le
pays.

Cet indicateur revient donc à comparer le commerce net (Xi-Mi) au commerce total
(Xi+Mi) d’une catégorie de produits considérée. Il varie entre -1 et +1, lorsqu’il est égal à 0,
le commerce croisé est total, à -1 le pays importe sans exporter le produit i et à +1 il exporte
sans importer ; dans ces deux cas, la spécialisation est complète. On peut aussi ajouter que
plus ce rapport est faible plus la spécialisation intra-branche est importante.

D’ailleurs, JL.MUCCHIELLI [1987], en reprenant Balassa, définit un seuil arbitraire qui


indique le passage d’un commerce inter à un commerce intra-branche. Ainsi, il considère
qu’un ratio de + ou – 0.33, pour lequel les exportations (importations) sont le double des
importations (exportations) est le seuil au-delà duquel ou en deçà duquel les échanges sont
interbranches. Entre les bornes –0.33, +0.33 le commerce est alors intra, à l’extérieur de ces
bornes il est interbranche.

61
Chapitre 1

Tableau 17 : Evolution de l’indicateur Bela Belassa par produit

Désignation 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
Boissons en eau 0.72 0.82 0.86 0.77 0.89 0.93 0.82 0.95 0.93 0.89
Tabacs -0.14 -0.16 0.11 0.11 0.002 -0.10 0.09 -0.02 0.03 -0.27
Confiserie -0.17 0.07 0.29 0.28 0.32 0.09 0.03 0.42 0.66 0.70
-
Préparations alimentaires -0.25 0.14 0.20 0.002 0.26 0.28 0.24 0.38 0.28 0.33
Produits à base de Céréales 0.87 0.79 0.80 0.70 0.66 0.85 0.66 0.75 0.07 0.16
Crustacés 0.99 0.98 0.99 0.99 0.99 0.99 0.98 0.96 0.97 0.96
Articles en céramiques 0.79 0.83 0.79 0.60 0.59 0.74 0.79 0.55 0.71 0.90
Ustensiles de cuisine -0.01 -0.09 -0.02 -0.01 0.09 0.13 0.10 0.08 0.18 0.01
Equipements sanitaires -0.47 -0.41 -0.29 -0.21 -0.30 -0.15 -0.11 -0.14 -0.15 -0.14
Machines et équipements
électriques 0.004 0.01 -0.02 0.03 0.09 0.07 0.09 0.14 0.12 0.10
Appareils électroménager -0.29 -0.50 -0.19 -0.29 -0.57 -0.41 -0.31 -0.18 -0.47 -0.60
Produits de l'industrie
chimique 0.29 0.32 0.42 0.40 0.40 0.28 0.23 0.22 0.02 0.08
Produits de nettoyage -0.1 -0.06 0.12 0.19 0.14 0.26 -0.03 -0.03 -0.08 -0.17
Parfums et produits
cosmétiques 0.10 0.25 0.45 0.26 0.18 0.06 0.17 0.17 0.04 -0.20
Engrais brut et transformé 0.95 0.96 0.96 0.97 0.97 0.96 0.96 0.95 0.92 0.91
Huiles essentielles
parfumées 0.85 0.89 0.89 0.91 0.91 0.89 0.88 0.78 0.82 0.83
Pneu et chambre à air 0.23 0.02 -0.07 -0.07 -0.18 0.12 -0.06 0.30 0.24 0.25
Gants 0.92 0.96 0.97 0.95 0.88 0.78 0.49 0.47 0.48 0.51
Habillement pour femme 0.86 0.86 0.86 0.88 0.91 0.92 0.93 0.93 0.94 0.94
Habillement homme 0.851 0.828 0.809 0.842 0.838 0.871 0.870 0.864 0.874 0.903
Vêtement de protection 0.28 -0.16 0.42 0.40 0.73 0.88 0.86 0.73 0.76 0.24
Linge de maison 0.85 0.87 0.70 0.68 0.58 0.48 0.59 0.73 0.72 0.78
Textile d'ameublement 0.84 0.89 0.97 0.95 0.93 0.87 0.92 0.95 0.97 0.98
Ficelle, cordage et corde 0.06 0.17 0.10 -0.18 -0.21 0.06 0.33 0.44 0.07 0.23
Sac de voyage et produits
similaires 0.87 0.79 0.72 0.63 0.68 0.75 0.72 0.74 0.71 0.62
Papier et carton pour
emballage 0.04 0.06 -0.13 -0.41 -0.17 -0.12 0.003 0.10 -0.25 -0.13
Papier pour des produits
industriels -0.66 -0.51 -0.12 -0.04 0.22 0.30 0.38 0.70 0.66 0.62
Source : Base PC-TAS (calcul de l’auteur).

D’après le tableau 17, on remarque que la Tunisie est spécialisée dans les produits qui
possèdent un indice proche de 1, puisqu’ils sont très exportés et peu importés. Les entreprises
appartenant à ces activités ont un important potentiel de développement, les performances à
l’export sont expliquées par l’avantage comparatif et par l’exploitation des rendements
d’échelle croissants au sein même des produits où le pays possède un avantage comparatif. À
partir de 1997, la Tunisie a essayé de diversifier les produits exportables, ce qui est de nature
à augmenter le commerce intra–branche. Quant au commerce intra branche, il faut identifier
les produits dont l’indice de Bela Belassa est compris entre -0.33 et 0.33.

62
Chapitre 1

- Dans le secteur agroalimentaire on trouve les boissons en eau, les produits à base de
céréales (farine de blé) et les crustacés (sèches, crevettes, escargots congelés). Ce sont des
produits plus orientés à l’exportation. Les produits tels que le tabac, la confiserie et les
préparations alimentaires (on exporte surtout des pâtes et des tomates en conserve) se
caractérisent par du commerce intra branche. Ce sont surtout des biens de consommation
finale.

- Dans le secteur des matériaux de construction céramique et verre, la Tunisie exporte des
produits et carreaux en céramiques et du ciment, elle importe des biens en verre. Le
commerce intra branche est élevé pour les ustensiles de cuisine et les équipements
sanitaires.

- Dans le secteur de la chimie, il existe de l’intra branche pour les produits de nettoyage, les
parfums et les produits cosmétiques, les pneus pour les voitures et les bus et les produits
chimiques (on exporte surtout de l’acide phosphorique et d’autres produits extraits du
phosphate). Dans les biens qui sont plutôt exportables on a les engrais et les huiles
essentielles

- Le secteur du textile- habillement et cuir se caractérise par du commerce inter-branche, les


biens les plus exportés sont surtout l’habillement homme et femme (pantalons, vêtement
de travail, pullover et lingerie), les gants et le textile d’ameublement. Cependant, la
Tunisie importe du tissu, fils et filés qui sont les intrants pour la branche habillement
orientée vers l’extérieur. Ceci révèle l’existence d’une spécialisation verticale du
commerce intra branche dans le secteur textile-habillement, intensifiée à partir de 1996,
suite au développement des projets en partenariat étranger. On trouve de l’intra branche
pour ce qui est ficelle, cordage et corde.

- Le secteur mécanique et électrique est en expansion rapide à partir des années 2000, le
produit le plus exporté est le faisceau de câbles pour automobiles. La branche qui possède
un solde commercial positif est celle relative aux composants et appareillages électriques,
et elle se caractérise par du commerce intra branche.

- Dans les industries diverses, les branches des articles en bois, des biens en plastique et de
l’édition sont plutôt importatrices, seules les produits de papier et carton pour emballage
ont un indice proche de 0 révélateur d’un commerce intra branche.

63
Chapitre 1

iii. L’avantage comparatif


Le diagnostic de l’avantage comparatif des produits tunisiens est effectué à l’aide de
deux indicateurs : la contribution au solde commercial (CTB) et l’avantage comparatif révélé
(ACR).

• La contribution à la balanc commerciale

Le calcul des contributions à la balance commerciale met en évidence les positions


relatives des différents produits échangeables et permet de distinguer entre ceux qui
contribuent positivement au solde commercial et ceux qui y contribuent négativement. La
catégorie des produits à contribution positive comprend les produits exportables et les
produits dont le solde commercial négatif est relativement moins important que le solde
global en tenant compte de leurs poids dans le commerce extérieur du pays.

La contribution du produit i au solde commercial est mesurée par l’indicateur suivant :

(( X i − M i ) − α i ( X − M )) X + Mi
CTBi = 2 , avec α i = i
(X + M) X+ M
Avec Xi les exportations et Mi les importations du produit i et, X et M sont les
exportations et les importations de toutes les industries manufacturières du pays.
Le tableau 18 utilise les données des tableaux entrée-sortie de l’année 1992 à 2002
pour mettre en évidence les produits qui contribuent positivement au solde commercial parmi
lesquels on a les secteurs des industries agroalimentaires (huile d’olive et les conserves), les
industries du textile habillement et cuir pour les produits tels que les pantalons jeans, les
vêtements du travail et la lingerie féminine et pour les industries de matériaux de
construction, céramique et verre.

64
Chapitre 1

Tableau 18 : Contributions à la balance commerciale


SECTEURS 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

Produits CTB -0.003 -0.001 -0.016 -0.055 -0.03 -0.041 -0.03 -0.02 -0.033 -0.035 -0.044
agricoles &
pêche Solde
-90.78 -93.19 -166.2 -459.6 -264.8 -396.9 -348.7 -295 -423.9 -538.9 -637.7
commercial
Produits de CTB 0.03 0.036 0.051 0.024 0.005 0.044 0.024 0.055 0.037 0.024 0.005
l'industrie
agro- Solde
-24.25 -1.225 109.6 -11.44 -95.5 102.9 -15.91 221.1 107 64.288 -119.1
alimentaire commercial
Mat.de CTB 0.015 0.009 -0.002 0.009 0.004 0.006 0.004 0.003 0.004 0.001 0.003
Construction
.Céramique Solde
et Verre 18.9 0.347 -47.77 12.58 -10.7 5.985 -5.95 -12.5 -17.6 -46.03 -21.76
commercial
Machines & CTB -0.299 -0.305 -0.263 -0.216 -0.245 -0.253 -0.238 -0.27 -0.236 -0.215 -0.192
Matériel
Mécanique Solde
et Electrique -2108 -2285 -2031 -1923 -2100 -2548 -2773 -3232 -3367 -3648 -3206
commercial

CTB 0.034 0.019 0.017 0.015 0.029 0.03 0.031 0.025 0.009 0.004 -0.006
Produits
chimiques Solde
-150.7 -200 -157 -201.9 -119.8 -112.7 -112.9 -142 -337.8 -390.1 -452.7
commercial

CTB 0.241 0.261 0.25 0.266 0.274 0.252 0.245 0.246 0.255 0.254 0.26
Textile,
Hab.& cuir Solde
264 361.7 596.9 701.3 753.7 777.2 743.7 835.1 945.1 1218.2 1412
commercial
Prod.des
CTB -0.019 -0.019 -0.038 -0.043 -0.035 -0.037 -0.036 -0.03 -0.036 -0.033 -0.027
Indust
Manufact.Div Solde
erses -286.2 -289.7 -343.7 -405.5 -337.9 -407.1 -429.9 -407 -511.2 -559.4 -473.3
commercial
Source : INS (calcul personnel). Le solde commercial est exprimé en millions de dinars aux prix courants.

En examinant le tableau du solde commercial des différents secteurs de l’industrie


manufacturière, on note que le secteur du textile – habillement présente un solde positif durant
toute la période étudiée, et il contribue positivement au solde commercial des industries
manufacturières, c’est un secteur essentiellement exportateur. Pour les secteurs à
contribution positive comme celui de l’agroalimentaire et des matériaux de construction,
céramique et verre, pour certaines années, ils présentent des soldes négatifs faibles par
rapport au solde global, et surtout leurs poids dans le commerce extérieur sont aussi faibles.

Concernant le secteur chimique, tous les soldes de 1992 à 2002 sont négatifs cela n’a
pas empêché ce secteur d’avoir un indicateur positif de contribution au solde commercial, cela
s’explique par le fait que le solde commercial négatif de ce secteur est relativement plus faible
que le solde global des industries manufacturières pondéré par son poids dans la totalité des
échanges manufacturiers.

65
Chapitre 1

• Avantages comparatif révélé

L’indicateur de l’avantage comparatif révélé 1, de la base de données CHELEM, qui


est retenu ici part du solde et il tient compte de la taille du marché national.

Pour un pays i et chaque produit k, il calcul d’abord la part du solde par rapport au
produit intérieur brut Y, soit en millièmes :

yik = 1000
( X ik − M ik )
Avec X ik etM ik les exportations et les importations
Y
du pays i en produit k

Relativement au PIB, la contribution du produit k au solde commercial est définie par :

f ik = yik − g ik yi.

Avec : g ik =
X ik + M ik
et yi. = 1000
( X i. − M i. )
X i. + M i. Y
Cependant, il est nécessaire d’éliminer l’influence des changements qui ne sont pas
spécifiques au pays étudié, mais qui résultent de l’évolution du poids des produits sur le plan
mondial. En se situant par rapport à une année de référence r, qui est ici l’année 2003, chacun
des flux X et M est corrigé pour les autres années n en les multipliant tous par :

Wkr
r
ekn = W n Avec W kn : Commerce mondial du produit k pour l’année n ;
Wk
Wn

Wn : Commerce mondial à l’année n ;

Wr : Commerce mondial à l’année de référence, 2003.

L’indicateur d’avantage comparatif f’ est ainsi calculé aux poids mondiaux de l’année
de référence r. Pour celle-ci, il coïncide avec la contribution relative f ; pour les autres années
n, il s’en distingue d’autant plus que le commerce mondial du produit k tend à s’écarter de la
tendance moyenne qui est enregistrée pour l’ensemble des marchandises.

66
Chapitre 1

L’économie tunisienne dispose de 17 produits ayant un avantage comparatif révélé


sur 70 produits pris en compte dans la base CHELEM. Tous les groupes de produits ayant un
avantage comparatif sont classés dans la catégorie des biens exportables.

L’avantage comparatif est basé sur les ressources naturelles au sens large (fruits,
poissons, huiles, engrais, pétrole, ciment) ou bien sur le coût salarial (vêtements, cuirs,
produits de la bonneterie, tapis).
Tableau 19 : Evolution de l’indicateur de l’avantage comparatif révélé et du solde
commercial
Produit 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
ACR 3.549 2.681 3.659 2.404 2.191 1.883 1.343 1.210 0.503 0.801 1.899
Ciment
SC 52.504 45.014 70.073 51.389 41.354 34.666 24.487 15.925 2.645 10.177 38.029
ACR 0.663 0.418 0.242 0.273 0.653 0.887 0.834 1.296 1.367 1.091 1.279
Céramique
SC 4.135 2.458 -1.248 0.009 4.658 9.431 8.579 11.83 15.636 12.002 18.414
ACR 72.535 80.758 94.544 89.072 89.777 85.884 83.169 89.244 100.14 92.546 85.961
Vêtements de confection
SC 1035.6 1295.3 1610.6 1651.6 1581.5 1631.7 1552 1452 1764.9 1730.8 1753.3
Vêtements de ACR 20.578 20.759 24.03 21.085 17.26 16.438 20.21 26.239 25.942 27.667 24.238
bonneterie SC 207.06 229.67 301.61 295.5 229.81 205.29 303.04 346.2 380.84 447.78 429.77
ACR 5.094 5.818 6.512 6.146 7.851 8.281 8.668 10.078 10.209 9.991 9.388
Cuirs
SC 49.679 72.191 86.244 85.246 93.78 96.64 92.604 76.824 101.07 117.83 119.41
ACR 3.874 3.242 4.213 5.970 6.471 8.365 10.649 11.247 16.597 16.225 12.366
Fournitures électriques
SC -25.08 -15.77 4.070 37.288 7.374 25.703 67.01 28.206 143.53 169.13 67.899
Chimie minérale de ACR 9.071 10.663 10.639 11.593 15.071 16.117 15.815 11.526 11.686 10.432 6.839
base SC 115.75 158.32 182.44 215.85 257.74 288.93 272.7 168.06 194.8 177.27 120.11
ACR 12.554 12.795 13.793 13.677 14.06 13.916 13.269 15.765 15.787 13.895 14.602
Engrais
SC 165.54 203.08 275.34 299.92 259.6 271.23 250.4 240.44 261.76 250.01 300.66
ACR 0.484 0.712 1.527 1.137 0.569 0.546 1.295 1.667 1.326 1.328 1.435
Minerais non ferreux
SC 6.507 10.616 31.147 22.763 10.714 9.582 22.456 28.487 23.013 23.501 29.259
ACR 0.556 1.089 1.612 1.059 2.210 2.161 1.795 2.937 1.748 2.564 1.589
Produits céréaliers
SC 6.508 14.944 26.388 19.931 36.284 35.859 28.059 37.394 25.238 46.058 32.181
ACR 7.734 12.852 6.139 1.433 9.446 5.129 14.276 12.354 6.213 -0.457 1.0137
Corps gras
SC 79.126 185.04 93.7 1.6598 141.06 63.284 231.66 140.71 72.169 -38.49 -26.86
ACR 4.613 3.671 3.339 4.105 4.546 5.232 3.971 4.861 4.387 4.903 4.351
Viandes et poissons
SC 72.306 64.922 65.2 85.712 81.093 94.242 73.154 75.037 76.79 91.079 84.603
ACR 0.809 1.324 0.880 0.657 1.410 0.872 0.889 0.917 1.025 0.912 1.106
Boissons
SC 8.042 17.316 12.801 10.283 20.308 13.057 13.289 10.517 13.467 13.605 19.662
ACR 0.119 0.788 0.514 0.371 1.794 1.101 0.982 0.331 1.143 0.592 1.200
Tabacs manufacturés
SC -6.644 11.938 7.008 4.481 32.708 16.973 14.289 -4.278 15.388 6.836 21.819
ACR 0.018 0.288 -0.043 -0.333 -0.005 -0.272 -0.439 -0.041 1.2675 2.419 3.152
Tapis
SC -15.43 -6.791 -12.19 -19.05 -15.47 -26.02 -29.13 -22.53 0.226 20.44 37.174
ACR 0.250 0.123 -0.599 0.339 0.564 0.360 1.617 1.528 1.414 1.571 0.270
Conserves végétales
SC -2.027 -1.846 -19.03 1.841 1.173 -2.591 20.163 13.984 15.352 21.121 -2.013
Source : CHELEM, le solde commercial est exprimé en millions de dollars US.
S C : Solde Commercial ; ACR : Avantage Comparatif Révélé

Le résultat de l’ACR trouvé suite à un calcul plus détaillé que celui de CTB, nous
confirme celui étudié précédemment. En effet les vêtements confectionnés et de bonneterie,
ainsi que le pétrole brut ont les indicateurs d’avantage comparatif révélé les plus élevés. En

67
Chapitre 1

étudiant les soldes commerciaux par produits, on remarque que tous ces produits ayant un
avantage comparatif révélé présentent pour toutes les années des soldes positifs. Alors que les
produits comme le tapis et les conserves végétales présentent des soldes négatifs pour
quelques années.

68
Chapitre 1

Conclusion
L’étude des échanges commerciaux de la Tunisie avec le reste du monde montre
qu’elle est très tributaire de ses échanges avec l’Union Européenne. Ces dernières années elle
a commencé à s’ouvrir aux pays émergents d’Asie pour ses importations et aux pays Arabes
(Maghreb Arabe) pour ces exportations.

L’analyse de la spécialisation, mise en évidence par les différents indicateurs, révèle


que la Tunisie jusqu’à la fin des années 90 exporte surtout des biens basés sur ces ressources
naturelles et ceux (habillement) qui utilisent une main d’œuvre non qualifiée. Ce schéma a
obligé le pays à rester concentré sur certaines branches, pour lesquelles il possède un avantage
comparatif, sans développer les industries à forte valeur technologique qui lui permettent de
mieux profiter de la libéralisation commerciale entamée depuis 1996. Consciente de cette
lacune, la Tunisie a essayé d’orienter sa spécialisation vers une spécialisation dans la
production des biens intensifs en travail qualifié (comme le secteur de l’industrie mécanique
et électrique) dans le cadre d’une ouverture sur l’extérieur qui repose sur la promotion de la
technologie, incite au partenariat et encourage l’entrée d’investissements directs étrangers en
améliorant la qualité des biens. Cette nouvelle orientation est profitable aux entreprises
industrielles tunisiennes et va leur permettre d’améliorer leurs performances à moyen et à
long terme.

69
Chapitre 2

Chapitre 2: L’activité des entreprises

Les entreprises industrielles ont toujours été un élément clé de la croissance


économique en Tunisie, leurs études va nous permettre de mieux comprendre quelles sont les
enjeux auxquels ces entreprises vont devoir faire face et les politiques qu’il faut mettre en
place pour qu’elles puissent affronter une concurrence étrangère de plus en plus forte imposée
par une politique de libéralisation, instaurée depuis le milieu des années 90. Premièrement, on
va décrire le tissu industriel tunisien, puis nous allons nous intéresser aux petites et moyennes
entreprises qui constituent la majeure partie des entreprises du secteur industriel. A la fin nous
présenterons le programme de mise à niveau et étudierons ses effets sur l’amélioration de
l’efficacité des entreprises. Le programme de mise à niveau est mis en place pour permettre
une restructuration et un développement des entreprises pour qu’elle soit prête à s’ouvrir sur
l’extérieur.

1. Présentation des entreprises par branche d’activité


1.1.Le tissu industriel tunisien
L’industrie manufacturière tunisienne se caractérise par un potentiel de production
assez important, un nombre d’emplois significatif et un degré d’ouverture élevé par rapport
aux autres secteurs de l’économie. Elle a été, pendant les trois dernières décennies, la
composante la plus dynamique du secteur productif, avec une croissance moyenne de 6 %
depuis 1987. Sa part dans le PIB a connu une évolution passant de 6 %, à 22 % durant la
période 1997-2001 et à 24 % en 2004.

L’industrie manufacturière est composée par des entreprises publiques et privées.


Concernant le secteur privé, on remarque qu’il est constitué dans sa majorité par des PME et
des micro-entreprises. Ces dernières contribuent pour une part importante à la valeur ajoutée
dans l’agriculture, les produits manufacturés et le secteur des services échangeables. Mais
elles ne sont pratiquement pas impliquées dans de nombreuses autres activités importantes
telles que les mines, les télécommunications, l’électricité, l’éducation et le transport aérien et
maritime. Elles ont une part limitée dans les exportations.

En ce qui concerne le secteur industriel, les entreprises de moins de 20 employés


représentent près de 60 % de toutes les entreprises privées actives, et les entreprises de moins
de 250 employés représentent quant à elles plus de 94 % de leur ensemble.

70
Chapitre 2

La taille restreinte des entreprises s’explique par deux facteurs principaux : la


propriété familiale et la politique hautement protectionniste qui a perduré sur plus de trois
décennies. Les entrepreneurs tunisiens ont été très réticents jusqu’à présent à ouvrir la
propriété hors du cercle familial. En raison de ressources financières limitées, cette attitude a
limité leur choix d’investissements à des petits projets. L’existence de barrières importantes à
l’entrée des importations a fait qu’un grand nombre de ces projets apparaissent
artificiellement rentables.

L’expansion la plus marquante de l’investissement privé depuis le démarrage de


l’ajustement structurel s’est faite dans le secteur manufacturier, dont la part a augmenté
d’environ 48 % en 1990 à plus de 85 % en 1998 (plus de 35 % de l’investissement privé dans
le secteur manufacturier entre dans le contexte des investissements de mise à niveau).12 En
effet, ce secteur compte environ 15 % de la totalité de la formation brute du capital fixe et la
proportion de l’investissement manufacturier faite par le secteur privé a atteint 86.3 % en
moyenne entre 1996 et 2002. Le secteur privé a également augmenté sa part de
l’investissement non manufacturier, d’environ 40 % avant les réformes structurelles, à plus de
50 % à présent, en raison principalement de l’expansion de l’investissement direct étranger
(IDE) dans le pétrole et l’exploration du gaz, et l’investissement privé local dans la
construction.13 Par contraste, la part de l’investissement privé dans les services a stagné à
environ 40 % depuis les années 80.

Quant aux entreprises publiques (EP), elles sont présentes dans la majorité des
activités économiques,14 et la privatisation a encore un rôle majeur à jouer dans le
développement du secteur privé. En 1989 la législation régissant la restructuration et la
privatisation des EP qui étaient lésées par un endettement accru est entrée en vigueur. Depuis
lors, la privatisation en Tunisie a été guidée par les principes d’efficience consistant à assurer
la pérennité et la compétitivité de l’entreprise dès sa privatisation, en la restructurant avant la
privatisation, en attirant du financement et des investissements supplémentaires, en assurant

12
La privatisation du gros des cimenteries, prévue pour les trois à quatre prochaines années, devrait accroître
la part de l’investissement privé dans le secteur industriel.
13
Cette part devrait également s’accroître à l’avenir en raison de l’intervention plus importante des entreprises
étrangères prévue dans des activités réservées précédemment aux secteurs publics, tels que la production
d’électricité et l’épuration des eaux usées.
14
Le secteur public représente une très grande part du secteur non manufacturier, en particulier dans le secteur
des mines et de l’énergie. Dans le secteur manufacturier, les EP jouent un rôle important dans les produits
chimiques, représentant 48 pour cent de la valeur ajoutée totale. Dans le secteur des services, les activités
des EP se concentrent sur le transport terrestre (17 EP, dont 15 font du transport terrestre de passagers) ; les
communications (6 EP, dont 2 dans les télécommunications) ; la construction (14 EP dans la construction et
les travaux publics) ; les institutions financières (9 EP dont 6 dans la banque et 3 dans les assurances) ; et la
santé (6 EP, dont 4 dans la sécurité sociale).

71
Chapitre 2

une gestion et un transfert de technologie flexibles et en préservant l’emploi. Plutôt que la


maximisation des recettes, ce sont ces considérations qui ont joué le rôle dominant dans les
décisions de privatisation. Elles expliquent également le rythme modéré de la privatisation
jusqu’à 1997 et le choix initial d’une privatisation pragmatique au cas par cas. Cette prudence
a été accompagnée d’une amélioration progressive des procédures de privatisation, ce qui a
permis une accélération du processus depuis 1997. Par ailleurs, les autorités ont décidé de
passer à la privatisation de grandes entreprises, d’employer des techniques de privatisation
plus sophistiquées et de recourir à l’expertise professionnelle telle que celle des banques
d’affaires.

Le tissu industriel compte en 2001, 5262 entreprises employant moins de 10


personnes. Le secteur textile-habillement représente 41 % des unités employant 10 salariés et
plus, suivi par les industries agroalimentaires avec 15 % des entreprises industrielles. Ces
deux secteurs accaparent à eux seuls 60 % des emplois dans les industries manufacturières,
avec la moitié pour le secteur textile-habillement, comme l’indique le tableau ci-dessous.

Tableau 20 : Répartition des entreprises et de l’emploi industriels par secteur et par régime

Secteurs Totalement Non totalement Total Part


exportatrices exportatrices
Des (%)
Entreprise Emplois Entreprises Emplois entreprises
s
Agroalimentaires 98 10 364 702 46 500 800 15
Matériaux de construction, 15 462 394 29 117 409 8
céramique et verre
Mécaniques et Métallurgique 52 3663 412 24 881 464 9
Electrique, Electronique et de 130 27 356 132 9 204 262 5
l’Electroménager
Chimie (hors plastique) 23 8 891 190 11 657 213 4
Textile-Habillement 1690 177 877 445 26 182 2 135 41
Cuir et Chaussures 188 19 611 120 5 343 308 6
Bois et ameublement 22 863 185 9 696 207 4
Divers 74 4 165 390 19 512 464 9
Total 2292 253 252 2970 182 092 5 262 100
Source : l’Agence de Promotion de l’Industrie.

La production des entreprises manufacturières a connu un accroissement annuel


moyen de 10 % entre 1992 et 2001. Tous les secteurs ont registré des hausses de leur
production pendant cette période.

72
Chapitre 2

Définies par un effectif compris entre 10 et 100 (selon l’API), les petites et moyennes
industries (PMI), représentent en 2001, 77 % de la population totale des entreprises. Ainsi le
tissu industriel tunisien est composé en majorité de PME.

Les entreprises à participation étrangère sont au nombre de 1654 sur 5262 entreprises
industrielles, dont 1370 sont totalement exportatrices et les autres exportent et vendent sur la
marché local et plus de la moitié (917 entreprises) sont à capitaux intégralement étrangers. Le
secteur qui a connu le plus grand attrait d’investissements étrangers est le secteur textile-
habillement. Il représente ainsi 60 % du nombre total des entreprises à participation étrangère,
suivi par les secteurs des industries électriques, électroniques et de l’électroménager et du cuir
et chaussures avec une part de 8 % chacun. La France demeure le partenaire prédominant
avec 35 % du nombre d’entreprises tunisiennes à participation étrangère, l’Italie vient en
seconde position avec 21 % suivie de l’Allemagne 11 %. On note que la dépendance au
niveau commercial de la Tunisie via à vis des pays de l’Union Européenne est suivie aussi par
des investissements à prédominance européenne. Ceci est facilité par la proximité
géographique et par des considérations historiques.

Les industries manufacturières ont connu, durant la période 1997-2004, un rythme de


croissance soutenue de 7% en moyenne et par an. Les investissements réalisés durant la même
période n'ont cessé d'augmenter. Ils sont passés de 749 MTND en 1997 à 1008 MTND en
2004.

• La performance des entreprises tunisiennes en 2004

En 2004, la valeur de la production manufacturière a atteint 25,1 milliards TND et la


valeur ajoutée 7,4 milliards TND. Près de 42% de cette production sont exportés, soit 10,6
milliards TND représentant 88% des exportations totales du pays pour l'année 2004.

Les Industries Manufacturières en Tunisie comptent, en février 2005, 5 468 entreprises


employant 10 personnes et plus dont 2360 (soit 43%) sont totalement exportatrices, recensées
dans le cadre de l'enquête permanente de l’Agence de Promotion de l’Industrie.

Le secteur Textiles et Habillement représente 38% des unités employant 10 personnes


et plus. Il est suivi par celui des Industries Agro-alimentaires (17%). En 2001, ces parts
étaient respectivement de 41% et de 15%.

Les entreprises totalement exportatrices sont de 2360 unités soit 43% du tissu
industriel.

73
Chapitre 2

Définies par un effectif compris entre 10 et 100, les Petites et Moyennes Industries
"PMI", représentent en 2004, 78% de la population totale des entreprises.

Les Industries Manufacturières emploient 446 104 personnes dont 267 652 (soit 60%)
relèvent des entreprises totalement exportatrices. Le secteur des Textiles et Habillement
emploie à lui seul 46% du total. 88% des emplois de ce secteur travaillent sous le régime
exportateur.

En 2004, les entreprises à participation étrangère sont au nombre de 1 744 dont 974
sont à capitaux 100% étrangers ; 1433 sont totalement exportatrices (soit 82%) et 311 unités
relèvent du régime autre que totalement exportateur (soit 18%). On remarque que ce nombre
important d’entreprises à capital étranger a augmenté entre l’année 2001 et 2004 de 5 %.

Le secteur qui a connu le plus grand attrait d’investisseurs étrangers est toujours le
secteur des Textiles et de l'Habillement. Il représente 56% du nombre total des entreprises à
participation étrangère, cette part a diminué depuis l’année 2001. Après le secteur des Textiles
et de l'Habillement, viennent les secteurs des Industries Electriques, Electroniques et de
l’Electroménager et du Cuir et de la Chaussure avec respectivement 9% et 7%. L’analyse du
nombre d’entreprises à participation étrangère par pays d’origine révèle que la France
demeure le partenaire prédominant avec 37%. L’Italie vient en seconde position avec 22%
suivie de l’Allemagne et de la Belgique avec 8% chacune.

Sur 5468 unités industrielles recensées en 2004, 1744 sont en partenariat soit 32%
dont 974 sont à capitaux 100% étrangers. Il est à signaler qu’en 2001 le tissu industriel
tunisien comptait 1654 entreprises en partenariat soit 31% dont 917 unités étrangères à 100%.

La valeur de la production des Industries Manufacturières est passée de 15,5 milliards


TND en 1997 à 25,1 milliards TND en 2004, accusant un accroissement annuel moyen de 7%.
Tous les secteurs ont enregistré des hausses de leur production, variant, en moyenne et par an,
entre 4% pour le Secteur des Industries Chimiques (hors Plastique) et 14% pour le secteur
Electrique, Electronique et de l’Electroménager.

La valeur ajoutée des Industries Manufacturières a augmenté régulièrement entre


1997 et 2004 en passant de 4,7 milliards TND à 7,4 milliards TND. Le taux de croissance
annuel moyen enregistré a été de 7%. La part de la valeur ajoutée de l’industrie dans le total
des secteurs de l’économie a été de 30% en 2004. On retiendra que 26% de cette valeur
ajoutée sont générés par le secteur agro-alimentaire et 22% par le secteur textile et
habillement.

74
Chapitre 2

En plus, la part des Industries Manufacturières dans le PIB s’est accrue, au cours des
quatre dernières décennies, de 6% dans les années 1960/63, à 22% sur la période 1997-2001
et à 24% pour l’année 2004. Les Industries Manufacturières ont été, pendant les trois
dernières décennies, une composante dynamique du secteur productif.

L’Agence de Promotion de l’Investissement Etranger créée en 1996, a établi des


stratégies de promotion de l’investissement et elle encourage activement l’investissement
étranger dans l’agro-industrie, les composantes automobiles, la technologie de l’information,
l’électronique et les produits pharmaceutiques. On note que les investissements réalisés par
les Industries Manufacturières, durant la période 1997-2004, n’ont pas cessé d’augmenter. Ils
sont passés de 749 MTND en 1997 à 953 MTND en 2000, et à 1 008 MTND en 2004
marquant ainsi, une progression annuelle moyenne de 4%. Durant la période 2000/2004, le
secteur des IAA (industries agroalimentaires) a occupé la première position, soit 21%. La
deuxième position revient aux secteurs des ITH (industrie du textile et habillement) et des
IMCCV (industrie des matériaux de construction de la céramique et du verre), soit 18% pour
chacun. Néanmoins le niveau des IDE en Tunisie demeure insuffisant. La part de l’IDE dans
le total des investissements du secteur privé a chuté de 30 % en 1990 à 12 % en 1998.

Entre 1997 et 2004, les importations ont augmenté à un rythme moins rapide que celui
des exportations. Le taux de croissance annuel moyen des importations a été de 8% et celui
des exportations a été de 10%. La part des importations relatives aux Industries
Manufacturières dans le total des importations de biens a été de 83% en 2004 contre 88% en
1997. Puisque on importe de plus en plus de biens intermédiaires nécessaires à la production
dans le secteur industriel par rapport aux produits finis.

Normalement l’évolution des exportations constitue un indicateur des tendances de la


compétitivité des entreprises et le secteur à vocation exportatrice agit souvent comme un
moyen d’introduire des avancées technologiques dans une petite économie comme celle de la
Tunisie. La croissance des exportations tunisiennes de ces dernières années a été dynamisée
par les industries offshores des textiles et de l’habillement, dominées par le secteur privé. En
effet, les exportations des Industries Manufacturières ont presque doublé durant la période
1997/2004. Elles sont passées de 5,5 milliards TND en 1997 à 10,6 milliards TND en 2004,
soit un taux d’accroissement annuel moyen de 10%. Il est à signaler que 42% de la valeur de
la production de l’année 2004 ont été exportés contre 35% en 1997. Les entreprises totalement
exportatrices ont contribué pour 73% dans les exportations totales des Industries

75
Chapitre 2

Manufacturières sur la période 1997-2004. En effet, leur part dans le total des exportations n’a
cessé d’augmenter en passant de 41% en 1981 à 88% en 2004.

Malgré leur contribution élevée et toujours croissante aux exportations, les textiles et
les produits mécaniques et électriques n’ont contribué que relativement modestement à la
croissance du PIB. Dans ces deux sous secteurs, la production est généralement réalisée au
moyen d’arrangements offshore, qui permettent l’accès hors taxes aux intrants importés et qui
bénéficient d’une série d’incitation à l’investissement. Par conséquent, la production de valeur
ajoutée dans ces sous secteurs est restée limitée, car les intrants importés ne subissent que des
transformations minimes avant d’être réexportés. Cette situation limite les retombées positives
du régime offshore.

Le taux de couverture des importations par les exportations a évolué en passant de


69% en 1997 à 81% en 2004.

Pour l’année 2004, les meilleurs taux ont été réalisés par les secteurs Cuir et
Chaussures (191%), Textiles et Habillement (150%), IAA (118%) IMCCV (112%) et Chimie
(94%).

1.2.Le cas particulier du secteur textile-habillement


La Tunisie est l’un des pays du Maghreb le plus concerné par la fin de l’Accord
Multifibre (AMF). Car l’élimination des quotas qui le privilégiait jusqu’à présent dans l’accès
aux marchés des pays européens, a eu un impact significatif sur l’économie largement
dépendante du secteur textile pour l’exportation et l’emploi. En effet, le secteur textile
habillement constitue le premier poste d’exportation de la Tunisie (50 %) en 2001 et emploie
une bonne partie de la population active (48 % de la main d’œuvre de l’industrie
manufacturière en Tunisie). Les exportations de la Tunisie dans ces secteurs sont orientées
exclusivement vers l’Europe. Elle est le 5ème fournisseur d’habillement dans le classement
global des fournisseurs de l’UE.

Le secteur textile en Tunisie est caractérisé par un manque d’intégration verticale ce


qui lui impose de procéder à des sous-traitances souvent réduites à de simples confections.
Les entreprises du secteur sont dans leur majorité des PME tournées vers l’exportation et
employant une main d’œuvre peu qualifiée. Mais vu la menace des deux géants mondiaux,
l’Inde et la Chine, le pays a été obligé d’affronter ce défi en adoptant des stratégies de mise à
niveau pour renforcer la compétitivité des entreprises du secteur et contractant des nouveaux
accords de libre échange.

76
Chapitre 2

Mais pour pouvoir expliquer les performances enregistrées par la Tunisie en matière
d’exportation, il faut s’appuyer sur l’analyse de la compétitivité des entreprises du secteur
textile-habillement en suivant l’évolution des parts de marché. Il faut aussi prendre en
considération le développement du commerce intra-branche et la montée en gamme qui peut
nous renseigner sur la diversification des marchés et des produits. Tous ces changements
structurels seraient attribuables à un ensemble de facteurs explicatifs liés à la structure de
coûts de production et aux variables conditionnant le cadre macro-économique.

L’analyse de ces déterminants s’avère fondamentale dans la mesure où la


consolidation du positionnement compétitif du secteur textile-habillement exige des
entreprises de disposer d’un appareil productif suffisamment flexible pour pouvoir s’adapter
aux mutations en cours, de s’organiser de manière à exploiter toute sorte d’économie
(d’échelle, de gamme ...) et de veiller à la modernisation de l’outil de production.

En d’autres termes, les entreprises du secteur sont appelées à maîtriser davantage les
coûts de production et à améliorer leur productivité afin non seulement de se rapprocher des
prix internationaux mais aussi de relever les défis futurs eu égard à l’intensification de la
concurrence tant sur le marché interne qu’externe.

En effet, l’analyse des coûts de production et notamment du coût de travail s’impose


dans la mesure où la production du secteur se caractérise par un fort contenu en main
d’œuvre. Il s’agit plus précisément d’apprécier dans quelle mesure la structure de
qualification et l’état des équipements vont de pair avec l’évolution à la hausse de ces coûts.

L’étude sur les coûts mondiaux du travail dans le secteur textile - filature et tissage -
effectuée par le cabinet de conseil Werner International, en 2002, fait ressortir plus
d’évolutions dans les pays développés que dans les pays à bas prix par rapport à l’étude
précédente, étude datant de 2000. Elle souligne d’ailleurs que la compétitivité globale dépend
d’autres facteurs que le salaire horaire, comme les coûts des matières premières, de l’énergie,
des crédits, ou comme la taille de l’entreprise.

L’analyse comparative des coûts horaires du travail entre la Tunisie et ses principaux
concurrents est présentée dans le tableau 21:

Tableau 21 : Coût horaire du travail dans l’industrie textile

PAYS CÔUT MOYEN/ H EN $

77
Chapitre 2

1990 1996 1998 2000 2002


Tunisie 2,82 1,8 1,76 1,65 1,77
Maroc 1,28 1,92 1,89 1,87 1,89
Egypte 0,45 0,84 0,91 1,02 1,01
Chine 0,37 0,58 0,62 0,69 0,69
Turquie 1,82 2,02 2,48 2,69 2,13
Pologne n.d. 2,39 3,15 2,35 2,90
France 12,74 16,45 14,16 13,85 15,93
Italie 16,13 16,65 15,81 14,71 15,60
Source : Werner International

Selon le consultant américain, le coût horaire en Tunisie était de 1,77 $ en 2002 soit un
neuvième du coût français (15,93 $). Mais, en Tunisie, la main d’œuvre est aussi 6,3 % moins
chère qu’au Maroc et 17 % moins chère qu’en Turquie. Il faut noter que les coûts en Afrique
du Nord n’ont guère bougé entre 2000 et 2002.

Les Coûts horaires en Egypte ont été en continuelle hausse de 1990 à 2000, mais
restent inférieurs à ceux de la Tunisie et du Maroc.

Le secteur textile tunisien est dominé par les activités de sous-traitance, qui demeurent
le métier industriel le plus exporté. Le secteur est composé de 2200 entreprises (dont 1600
exportatrices), employant 250 000 personnes (soit la moitié de l’emploi des industries
manufacturières), réalisant 3 milliards d’euros par an de recettes. Il existe 1000 entreprises
étrangères ou à participation étrangères et 915 offshore assurant la quasi-totalité des
exportations du secteur. En effet, la Tunisie a réussi à attirer des montants significatifs
d’investissements étrangers, qui se sont dirigés en particulier dans le textile-habillement. A la
différence du Maroc, qui a aussi développé une industrie de l’habillement de taille un peu
inférieure, l’investissement direct étranger y joue un rôle majeur (les entreprises à
participation étrangère emploient 60% de l’emploi du secteur).

Le secteur est spécialisé dans la confection ; c’est donc plus un secteur habillement
que textile. 95 % des exportations sont orientées vers les marchés européens, toutefois la
Tunisie demeure un exportateur de taille modeste au niveau mondial. En effet, la part du pays
dans le commerce international de l’habillement a progressé de 0,8 % en 1980 à 1 % en 1990
et 1,3 % en 2001. La Tunisie est plutôt importatrice de fibres textiles, fils et tissus, ainsi que
des accessoires destinés à la confection, elle dépend pour ses approvisionnements en matières
premières et de fournitures de l’UE. Il faut noter que plus de la moitié du chiffre d’affaire

78
Chapitre 2

réalisé à l’exportation est absorbée par l’importation des matières et fournitures. Pour pallier
ces lacunes, le gouvernement encourage le développement d’une industrie textile en adoptant
une politique de modernisation et de mise à niveau des entreprises du secteur.

Grâce à la loi tunisienne encourageant l’établissement en Tunisie d’investisseurs


étrangers, le pays a aussi pu profiter d’un transfert de technologie considérable. En 2002, le
pays compte 763 investisseurs étrangers dans le secteur du textile-habillement. Mis à part
quelques investissements de poids dans le secteur textile (comme l’anglais Coats, l’américain
Swift et l’italien Marzotto ), ces groupes ont surtout investi dans la confection. La présence
française est, pour sa part très importante, avec 320 investisseurs. Mais les investisseurs
italiens (170), allemands (128) et belges (106) sont également nombreux.

Occupant une place prépondérante dans l’économie tunisienne, le secteur textile-


habillement est largement orienté à l’exportation. Les entreprises du secteur profitent d’un
traitement fiscal très avantageux, surtout les entreprises totalement exportatrices qui sont
exemptées d’impôts sur les bénéfices pendant les dix premières années de leur activité et, au
delà de cette période, elles ne paient que 17,5 % au lieu de 35 %.

Par le biais des AMF, la Tunisie a élargi sa part du marché des textiles et de
l’habillement de l’UE de 1,5 % en 1980 à 4 % en 2000. Mais, depuis l’année 2000 on
remarque une baisse de la part du secteur textile- habillement et cuir dans l’emploi et la
production des industries manufacturières, suite à la pression exercée par les pays asiatiques
et des nouveaux membres de l’UE.

Après l’élimination des AMF, une concurrence accrue, de la part des pays dotés d’une
main d’œuvre moins chère et/ou plus qualifiée, a rendu difficile pour la Tunisie le maintien de
sa part de marché en Europe ou l’accès à d’autres marchés des pays de l’OCDE. En effet, le
démantèlement des Accords Multifibres a érodé le potentiel des exportations des entreprises
tunisiennes placées sur les mêmes segments que leurs concurrents chinois sur les marchés
européens. C’est la moitié des exportations industrielles tunisiennes qui se sont trouvées ainsi
confrontées à une concurrence pratiquement insoutenable sur ces créneaux. Il a fallu donc
fournir plus d’effort pour améliorer la compétitivité coûts par une augmentation de la
productivité du travail à travers le développement des compétences et la modernisation des
procédés technologiques.

79
Chapitre 2

2. Diagnostic économique des PME

Les PME constituent la majeure partie des entreprises en Tunisie, c’est pour cela qu’il
est d’une grande importance d’étudier les spécificités de ces entités.

Si on accepte la définition des PME selon laquelle ce sont les entreprises qui
emploient 10 à 100 employés, la catégorie petite et moyenne entreprise constitue le premier
maillon du tissu économique national avec une part supérieure à 95% du total des entreprises
opérationnelles.

Le tissu industriel se caractérise par une forte proportion des petites entreprises,
environ 20% d’entre elles emploient moins de 10 personnes. Ces chiffres montrent une
évidence que le secteur manufacturier est largement dominé par les PME avec une importante
participation des micros entreprises.
Tableau 22 : Répartition des entreprises par taille

Nombre de salariés Nombre d’entreprises %

Moins de 6 69 822 18.36


6à9 4 668 1.23
10 à 19 4 030 1.06
20 à 49 2 989 0.79
50 à 99 1 318 0.35
100 et plus 1 716 0.45
Indépendant ou non déclaré 295 707 77.77
(pas salarié)
Source : INS Répertoire National des Entreprises 2001

La typologie des PME en Tunisie montre une prédominance de l’industrie


manufacturière qui compte environ 48 198 entreprises en activité en 2001 et constitue le
catalyseur du développement du secteur PME et de l’économie dans sa globalité. Environ 30
% des entreprises de l’industrie manufacturière emploient moins de 20 personnes. 87% des
entreprises opérant dans le commerce et la réparation d’automobiles et d’articles ménagers
sont des indépendants ou non déclarés et 13 % d’entre eux emploient moins de 20 salariés.

Les PME forment la majorité du secteur privé, ainsi les entreprises tunisiennes
demeurent à dominante individuelle et familiale avec 88% d’entreprises unipersonnelles, 10%
de SARL et seulement 2% de sociétés anonymes.

La part des PME dans le PIB a évolué de 6% pendant les années soixante à près de
20% en 200115. D’autre part les PME jouent un rôle stratégique dans l’équilibre social du

15
Publication de l’API en 2002

80
Chapitre 2

pays, les emplois dans le secteur industriel ont été décuplés passant de 40 000 en 1960 à plus
de 500 000 en 2001.

Enfin, les PME permettent de promouvoir l’exportation dans plusieurs secteurs


d’activité, grâce à des coûts de production inférieurs à ceux engagés par les grandes firmes
particulièrement dans l’industrie manufacturière. En effet la part des exportations de ces
industries a progressé de prés de 10 % par an entre 1992 et 2001 atteignant ainsi une valeur de
8,2 milliards de dinars.

Cette position clé des PME dans les exportations permet un effet des retombées
technologiques dans l’économie et ce grâce à leur rôle de centres d’innovation et de
technologie pour les grandes firmes nationales et internationales dans le cadre de contrats de
sous-traitance et de joint venture.
Tableau 23 : Répartition des entreprises par activités et par taille en 2001
Activité -6 6à9 10 à 19 20 à 49 50 à 99 + 100 Ind. ou Total
salariés salariés salariés salariés salariés salariés N.D.
Agriculture 308 77 114 97 38 57 868 1556
Pêche 62 18 120 49 6 5 248 508
Industrie extractive 235 35 47 67 17 11 312 724
Industrie manufacturière 11953 1598 1556 1465 780 930 29925 48198
Production et distribution 3 1 3 3 10
d’électricité, de gaz et d’eau
Construction 3451 409 417 300 144 152 10063 14936
Commerce, réparation automobile et 21691 1302 838 378 96 78 159924 184307
articles domestiques
Hôtels et restaurants 5399 368 187 128 56 175 8279 14592
Transports et communications 11713 160 180 116 33 69 42816 55087
Activités financières 293 34 21 14 9 29 307 707
Immobiliers, locations et services 5791 307 243 160 68 107 12548 19224
aux entreprises
Education 1359 72 39 37 11 8 2016 3542
Santé et action sociale 3091 83 73 23 13 13 2423 5719
Services collectifs, sociaux et 2418 111 88 65 18 28 16565 19293
personnels
Autres 33 11 18 13 8 19 957 1059
Activités non déclarées 2022 92 89 76 21 32 8456 10788
Total 69822 4668 4030 2989 1318 1716 295707 380250
Source : Répertoire national des entreprises 2001
Ind. : Indépendant, N.D. : Non Déclaré

En effet, l’industrie manufacturière est constituée surtout d’entreprises de moins de 10


salariés, et celles ayant un effectif de 10 salariés ou plus représentent environ 10 % du total

81
Chapitre 2

des entreprises manufacturières. Les secteurs où il existe un nombre importants d’entreprises,


on trouve le commerce, réparation automobile et articles domestiques suivi par les transports
et communication et en troisième position on trouve l’industrie manufacturière.

Le gros de la contribution à la valeur ajoutée et à l’emploi dérive des PME, en


particulier de celles qui comptent de 100 à 250 employés (Nabli et Behlous, 1999). La
majorité des entreprises tunisiennes fait partie de cette catégorie des PME et ce groupe tend à
générer le volume le plus important de ventes et d’emplois. Les PME établies doivent faire
face à une contrainte relativement plus importante que les grandes entreprises pour ce qui est
de l’accès au crédit. En outre, il y a lieu de souligner que cette contrainte est
vraisemblablement plus importante au niveau du financement de démarrage.

Les procédures requises pour solliciter un prêt semblent être perçues comme étant plus
fastidieuses pour les petites et les moyennes entreprises, qui souvent ne disposent pas des
compétences requises. L’information comptable inadéquate et le faible niveau de
capitalisation imposent probablement une contrainte plus forte aux PME du fait que les
banques se basent davantage sur la structure financière lorsqu’elles évaluent la solvabilité des
emprunteurs plutôt que sur des critères moins standardisés, qui exigeraient plus de temps, de
qualifications et de coûts.

Ainsi, le taux d’endettement à moyen et long terme par rapport au capital est de 16%
pour les PME16 contre 30% pour les entreprises de plus grande taille. Les PME couvrent cette
insuffisance des ressources longues par un endettement à court terme (91% de la dette totale
contre 81% pour les grandes entreprises) qui compense le plus souvent une insuffisance de
capitalisation des PME. La structure d’endettement des entreprises par terme montre deux
choses : une dette composée de manière importante de dettes à court terme, avec une tendance
à l’aggravation de cette situation. La part des flux de dettes à moyen et long terme (CMLT
bancaires + obligations et bons non négociables) a considérablement baissé à partir de 1997,
elle se situe en moyenne à moins de 20% de l’endettement total contre des niveaux de plus de
25% au début des années quatre-vingt-dix. Ainsi, les dernières années se caractérisent par la
prédominance du court terme expliqué en grande partie par l’évolution de la dette
commerciale.

16
Dans cette étude de l’INS les PME sont définies comme celles dont les ventes s’élèvent à moins de 500.000 DT.

82
Chapitre 2

En effet suite à l’étude de la structure financière des firmes, on peut citer les trois
caractéristiques des firmes les plus importantes, qui ont une influence sur la structure
financière et peuvent avoir des implications sur le commerce. Il s’agit de :

- L’orientation commerciale : l’intervention du gouvernement a favorisé les activités


exportatrices, mais les firmes exportatrices ont aussi été capables d’améliorer leurs
accès au crédit domestique à cause des avantages informationnels dont elles
disposent, apportant à leurs banques un meilleur monitoring de leurs activités.
Exporter fournit aussi un signal sur l’efficience de la firme et permet un accès plus
facile au crédit. Les firmes publiques exportatrices ont aussi un accès préférentiel
au crédit. Après la libéralisation financière en 1994, les firmes exportatrices du
secteur privé ont augmenté leurs parts de dette à long terme dans le total des dettes
et ont élevé leurs niveaux. Le plus important, est que les exportations
manufacturières sont principalement issues du secteur offshore. Ces firmes sont
souvent des filiales de firmes étrangères ou appartenant à des étrangers et ont un
statut de non résidents. Les firmes résidentes sont souvent en sous-traitance avec
quelques importants clients étrangers. Ces firmes peuvent être moins contraintes à
accéder au marché du crédit, parce qu’elles peuvent être considérées comme moins
risquées et plus transparentes. Puisque ces firmes sont exemptes de taxes, elles ne
sont pas incitées à fausser leurs comptes, et les banques peuvent avoir une
meilleure information pour estimer leurs risques et leurs capacités à rembourser la
dette. Il existe aussi en Tunisie un secteur financier offshore, qui s’adresse
essentiellement à ces firmes exportatrices. Ceci permet de leurs apporter de
meilleurs services et des opportunités de financement.

- La propriété étatique : Les firmes appartenant à l’Etat ont eu un accès préférentiel


au crédit suite à l’intervention directe du gouvernement et aussi aux garanties
implicites du gouvernement particulièrement avec les banques étatiques. Un
nombre d’activités où des firmes appartenant à l’Etat sont dominantes ont eu le
même type d’accès préférentiel tels que : les produits miniers, les engrais, la
métallurgie et les matériaux de construction. Mais, le poids de ces entreprises
étatiques est aussi important dans presque la plupart des autres activités. Les
exportations des entreprises publiques, la plupart étant des monopoles, sont
presque totalement constitués de ressources naturelles : les produits miniers, le
pétrole, le gaz et les engrais. Le tourisme est l’une des exceptions où les

83
Chapitre 2

entreprises publiques ont joué un rôle significatif, au stade initial, mais après elles
ont été privatisées. L’accès préférentiel de ces entreprises aux ressources de l’Etat
et au crédit a pu aider le développement d’activités où le secteur privé n’aurait pas
pris de risques, surtout au début, à cause des risques encourus et de la maturité à
long terme ou de la taille des investissements. Mais l’extension du rôle du secteur
public dans l’activité économique a contribué à une plus faible efficience. En effet,
la crise financière de 1985-86 en Tunisie peut être considérée comme le résultat de
la perte de la compétitivité, en partie due à la faible performance d’un secteur
étendu d’entreprises publiques. Actuellement, on trouve que les indicateurs de
performance des entreprises publiques sont plus mauvais que ceux des firmes
privées. Les premières ont aussi faiblement participé à la diversification et à
l’accroissement des exportations, qui sont associés à la croissance de la
productivité et ont pu détourner les ressources des autres activités possédant un
avantage comparatif.

- La taille de la firme : les considérations de l’asymétrie de l’information et les


imperfections du marché financier font de la taille de la firme un facteur
permettant de déterminer sa capacité à obtenir des financements externes. En effet,
la structure financière des amené firmes varie considérablement selon leur taille. Il
existe divers éléments qui peuvent affecter la spécialisation commerciale et la
compétitivité. Premièrement, si le pays possède un avantage comparatif dans les
industries légères, tels que l’habillement et d’autres activités, le développement de
ces activités peut être entravé par le manque de financement externe. Rajan et
Zingales (1998) ont trouvé que le développement financier avait un rôle
particulièrement favorable à l’augmentation de nouvelles firmes. Si la taille
optimale de ces firmes est petite, ceci va limiter la capacité du pays à développer
ce genre d’activités exportatrices. Deuxièmement, si quelques unes de ces activités
ont des économies d’échelle significatives, les petites firmes avec un faible accès
au financement externe peuvent être dans l’incapacité de se développer et d’en
tirer des bénéfices. Cependant, pour la Tunisie ces firmes de petites tailles ne sont
pas moins capables d’augmenter leurs endettements. Quand elles avaient à payer
des charges d’intérêt plus élevées, leurs ratios d’endettement n’étaient pas plus
faibles que les firmes de grande taille. Néanmoins, leurs dettes ont plus de maturité
à court terme, le ratio des dettes à long terme sur les actifs est plus faible pour les

84
Chapitre 2

firmes de petites tailles. Les activités exportatrices dans les secteurs les plus
dynamiques avec des avantages comparatifs révélés, tel que l’habillement, sont
représentées par des petites et moyennes entreprises. La nature offshore de ces
firmes a pu contribuer à compenser leurs désavantages de coûts de l’asymétrie de
l’information. Les banques ont pu aussi compenser ces coûts en imposant des
charges d’intérêts élevées particulièrement depuis la libéralisation financière. Des
taux élevés de rendement sont associés avec des coûts d’intérêt élevés.
L’intervention de l’Etat a aussi contribué au développement des PME. En plus de
l’inclusion de ces firmes dans le ratio demandé du crédit à moyen et long terme au
secteur privé, le gouvernement a aussi fourni des ressources étatiques (via le
système bancaire) pour financer de nouvelles PME, incluant des subventions et des
crédits à long terme subventionnés, de très faibles taux d’intérêt et des garanties.
L’intervention de l’Etat a pu aider l’accès des PME au financement externe, mais
la sélection adverse dans le choix des firmes bénéficiaires a pu aussi limiter son
efficacité.

Durant cette dernière décennie, l’Etat a renforcé les mesures pour accroître le
développement des PME. Plusieurs actions ont été réalisées dans ce domaine telles que :

 La simplification des procédures administratives comme la création du guichet


unique de l’API17 qui délivre des déclarations d’investissement dans les activités
industrielles et de services ;

 La mise à niveau du tissu industriel ;

 La promotion de la création d’entreprises, par la facilitation de l’accès au crédit,


afin de promouvoir l’emploi ;

 La création de zones spécialisées par secteurs ou région, mais faisant l’objet


d’études préalables.

L’environnement de l’entreprise s’avère de plus en plus menaçant, face à une


concurrence de plus en plus intense, certaines PME se sont trouvés en difficulté. Seules les
entreprises qui ont une bonne assise financière et organisationnelle ont réussi à s’en sortir, les
autres ont fini par disparaître.

17
API : agence de promotion de l’industrie, une institution gouvernementale dont la mission est d’appliquer la
politique du gouvernement relative à la promotion du secteur industriel, c’est une structure d’aide aux entreprises
et aux nouveaux promoteurs.

85
Chapitre 2

3. Programme de mise à niveau du tissu industriel en Tunisie


La stratégie de mise à niveau industrielle est devenue une nécessité pour la Tunisie
afin de s’adapter aux exigences imposées suite à la mise en place d’une zone de libre échange
avec l’UE et à l’obligation de se conformer aux dispositions de l’OMC. En effet,
l’intensification de la concurrence dans le contexte de la mondialisation était de nature à
rendre obligatoire, pour des raisons de survie une restructuration de l’entreprise sur le plan
organisationnel et managérial.

Cette mise à niveau nécessite des fonds importants et des mesures d’accompagnement.
Outre la contrainte de financement de cette impérative modernisation / restructuration d ‘une
grande partie du tissu industriel, les pouvoirs publics doivent prendre des mesures pour
faciliter sa mise en place et le suivi de ce vaste programme de restructuration.

Avant l’initiation du PMN, l’entreprise tunisienne souffrait d’insuffisances profondes


l’empêchant d’appréhender les mutations de son environnement et montrait divers aspects de
non compétitivité à savoir :

 95 % des PME avaient une structure familiale ;

 Un mode de management intuitif et centralisé ;

 Une sous-capitalisation caractérisait la majorité des entreprises ;

 Un sur endettement bancaire ;

 Un taux faible d’encadrement : 1 ingénieur pour 1000 habitants, ce taux est plus
faible qu’au Maroc.

Le programme de mise à niveau (PMN) a été lancé en 1996 pour accompagner la


modernisation des entreprises. Il accorde des facilités pour faire établir un diagnostic du
niveau de compétitivité de l’entreprise.

Le programme de mise à niveau est destiné aux entreprises en activité depuis au moins
deux ans, ayant un potentiel de croissance, ne connaissant pas des difficultés économiques et
relevant des secteurs industriels et des services liés à l’entreprise. Entamé en 1996, c’est un
programme qui a pour objectif d’accroître la compétitivité des entreprises industrielles. Pour
les grandes entreprises, il est actuellement le seul programme auquel elles sont éligibles (à
l’exception des cas où elles réalisent un investissement régional ou technologique). En effet,
c’est le seul instrument en Tunisie qui soutient l’investissement des entreprises sans
conditions liées directement au code des incitations aux investissements. A ce titre, il

86
Chapitre 2

complète le code qui a ignoré les entreprises de grande taille (c’est-à-dire, les entreprises qui
réalisent des investissements supérieurs à 3 MD).

Dans un souci de coordination des actions sélectionnées dans le cadre de la mise à


niveau, la gestion du programme a été confiée au Ministère de l’Industrie et de l’Energie par
l’intermédiaire du Bureau de Mise à Niveau (BMN), auquel revient la responsabilité de tracer
la stratégie, de coordonner et de superviser toutes les actions du programme.

Fin 1998, 331 entreprises avaient obtenu des primes s’élevant à 111 MDT pour un
montant d’investissement de 847 MDT, réparti sur 3 ans. Ces entreprises sont issues pour un
tiers des industries agroalimentaires et pour un cinquième du textile, habillement, cuir et
chaussure. En outre, 431 autres entreprises ont présenté un dossier. Le nombre d’entreprises
passées par le PMN est donc relativement faible comparé à un total de 4000 entreprises
industrielles. Il peut s’expliquer par plusieurs raisons. Premièrement, ce programme s’adresse
par définition aux entreprises ayant une chance de survivre à la concurrence. Deuxièmement,
certains opérateurs attendent encore avant d’agir, parce qu’ils envisagent un changement
d’activité ou se sentent peu concernés car ils sont dans un secteur temporairement protégé. En
réponse à cet attentisme, les organismes gouvernementaux envisagent un ciblage par secteurs
prioritaires (confection, électronique, cuir et chaussures).

Une enquête réalisée en 2002 par le BMN auprès de 1103 entreprises dont le
programme avait été approuvé par le comité de pilotage, montre que :

 67 % d’entre elles avaient diversifié leur production et 78 % avaient mis au point


de nouvelles gammes de produit tout en améliorant leur processus de
fabrication ;

 Près de 82 % des entreprises avaient amélioré leur taux d’utilisation des


équipements ;

 75 % des entreprises avaient adopté un programme qualité et de certification ;

 69 % des entreprises avaient entamé une restructuration de leur orientation


commerciale et axé leurs efforts sur la mise au point d’une stratégie de
développement des exportations.

Au cours de la période 1997-2001, on constate que le chiffre d’affaire des entreprises


acceptées dans le cadre du plan de mise à niveau a enregistré une augmentation annuelle de
11 %, contre 8,5 % pour l’ensemble du secteur manufacturier. Les entreprises affichent

87
Chapitre 2

également des performances à l’exportation assez remarquables. Le taux de croissance annuel


du chiffre d’affaire à l’exportation a atteint 16 %, alors que celui du secteur manufacturier
s’est accru de 13 %. Ce sont les entreprises du secteur cuir et chaussure qui ont réalisé la
meilleure performance suivies par les firmes des industries chimiques et les unités opérant
dans l’industrie du textile-habillement. Quant à l’évolution de l’emploi dans les entreprises
adhérentes est marquée par une augmentation des effectifs au rythme annuel de 4 %.

Les résultats de cette enquête montrent aussi que les entreprises s’appuyant sur leur
expérience reste focalisées sur le marché local et occulte la dimension internationale.

Il est à signaler également que les entreprises de grandes tailles s’en sortent le mieux
en matière d’exécution des plans d’investissement. Et qu’il existe des insuffisances et des
défaillances au niveau de l’encadrement des entreprises dans leur démarche de mise à niveau
et de l’environnement qui caractérise la mise en application du PMN.

88
Chapitre 2

Tableau 24 : Evolution des approbations des dossiers de mise à niveau par secteur de
1996 à 2003
Secteurs 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 200318

IAA19 Nombre de dossiers 14 22 34 32 38 26 21 28


Invest en MDT 35 102 117 99 91 79 29 37

Part du nbre de 23 17 20 13 14 11 9 16
dossiers en %

ICC20 Nombre de dossiers 3 11 17 40 9 11 10 11

Invest en MDT 17 6 11 20 12 14 5 6

Part du nbre de 5 9 10 17 3 5 4 6
dossiers en %

ICH21 Nombre de dossiers 4 16 12 13 13 5 14 7


Invest en MDT 24 26 51 18 33 6 24 6

Part du nbre de 7 13 7 5 5 2 6 4
dossiers en %

ID22 Nombre de dossiers 5 22 31 30 42 42 31 28


Invest en MDT 12 48 60 25 43 67 28 74
Part du nbre de 8 17 19 13 16 17 13 16
dossiers en %

IMCCV23 Nombre de dossiers 4 6 11 18 20 15 14 3


Invest en MDT 13 7 48 54 141 187 30 9
Part du nbre de 7 5 7 8 8 6 6 2
dossiers en %

IME24 Nombre de dossiers 8 18 19 16 39 34 22 26


Invest en MDT 24 35 59 32 47 73 57 18
Part du nbre de 13 14 11 7 15 14 9 15
dossiers en %

ITH25 Nombre de dossiers 23 33 43 90 102 109 135 70


Invest en MDT 65 37 43 51 79 63 70 42
Part du nbre de 38 26 26 38 39 45 55 40
dossiers en %

Total Nombre de 61 128 167 239 263 242 247 173


dossiers
Invest en MDT 189 262 388 298 446 490 243 192
Sources: rapport de BMN de juillet 2003

On note que la part des entreprises du secteur textile habillement dans le total des
entreprises qui ont bénéficié du PMN est la plus importante avoisinant les 50 % sur les
dernières années, suivi du secteur agroalimentaire puis de l’industrie mécanique et électrique.
Ces trois secteurs bénéficient à eux seuls, en moyenne de 65 % du total des investissements.
18
Situation fin juillet 2003.
19
IAA : industrie agroalimentaire.
20
ICC : industrie du cuir et de la chaussure
21
ICH : industrie chimique
22
ID : industries diverses
23
IMCCV : Industrie des matériaux de construction céramique et verre.
24
IME : industrie mécanique et électrique.
25
ITH : industrie du textile habillement.

89
Chapitre 2

Ceci, atteste de l’importance de ces secteurs dans le tissu industriel et de la nécessité de les
restructurer.

Quant aux investissements, c’est le secteur IMCCV qui a bénéficié de la plus grande
part durant les années 2000-2001.

Le rapport coût efficacité du PMN demeure mitigé et ce pour deux


raisons principales :

• Le PMN est affecté par de faibles ratios de décaissement ; au cours de la période


1996- 2002, le PMN a approuvé un nombre total de 1350 demandes d’assistance
tandis que le total de l’investissement engagé et des subventions approuvées a
atteint respectivement 2323MD et 300MD. Seuls 92 MD de subventions ont été
décaissés jusqu’à présent.

• L’impact du PMN sur l’investissement et les emplois additionnels est ambigu. Les
entreprises participant au programme ont enregistré une performance quelque peu
supérieure à l’ensemble du secteur manufacturier en termes de ventes et
d’exportations, et marginalement supérieure en termes d’emplois. Ainsi les ventes
des entreprises participantes ont augmenté à un taux annuel de 11% contre un
taux moyen de croissance de 8.3 % pour l’ensemble du secteur manufacturier.
L’emploi a augmenté de 4% par an contre 2.9 % pour l’ensemble du secteur. Ces
résultats sont à relativiser et ne relèvent pas que de l’impact du programme, il ne
faut pas perdre de vue que les entreprises participantes, répondant aux critères du
programme enregistrent déjà des performances supérieures à la moyenne.

Un programme de mise à niveau est par définition, un processus continu qui vise à
préparer et à adapter l’entreprise et son environnement aux exigences du libre échange. Pour
le cas de la Tunisie, ce programme est parvenu à initier une prise de conscience des chefs
d’entreprise de la nécessité à se moderniser face à un processus de démantèlement
irrévocable. Les entreprises participantes au PMN ont pu d’une part améliorer leurs processus
de production, au moyen d’investissement dans de nouveaux équipements, et d’autre part
conquérir de nouveaux marchés.

Toutefois ce programme présente quelques faiblesses. En effet, les entreprises


adhérentes ont déploré la bureaucratie pesante associée au programme, et le fait qu’il profite
le plus aux grosses entreprises. Mais depuis les années 2000, les PME y adhèrent de plus en

90
Chapitre 2

plus. On note une évolution dans les modes de gestion des entreprises participantes au PMN
et une amélioration de leur compétitivité, ce qui facilitera l’adaptation à un contexte
économique plus ouvert vers l’extérieur.

Le Gouvernement a lancé en 2004 un programme plus ambitieux que le PMN appelé


le Programme de modernisation industrielle ou PMI. Ce programme, conçu en coopération
avec l’UE, vise à fournir une assistance technique pour appuyer la création d’entreprises,
l’innovation et le renforcement de la qualité.

91
2ème Partie: Les entreprises
tunisiennes industrielles face à
l’ouverture

92
Chapitre 3

Chapitre 3: Ouverture et Productivité : les


analyses existantes

Le secteur manufacturier dans les pays en développement a été traditionnellement


protégé et soumis à une lourde réglementation. En conséquence, la performance des
entreprises dans ces pays a accumulé de grandes faiblesses pour différentes raisons telles que :
1. la tolérance du marché au maintien des firmes inefficientes,
2. l’existence d’oligopoles,
3. l’incapacité des petites firmes à croître.
Mais depuis le début des années 1990, ces pays suivent un mouvement d’ouverture des
échanges, en vue d’augmenter leur croissance. Or cette thèse a été longuement discutée dans
la littérature d’u point de vue macroéconomique. Ce débat s’est orienté par la suite vers des
études microéconomiques pour mieux comprendre les mécanismes par lesquels les firmes
profitent de l’ouverture pour accroître leur performance.

1. La productivité des entreprises

1.1.La productivité et la performance économique

Les mesures de la croissance de la productivité sont principalement fondées sur l’idée


de croissance de la production au moindre coût. L’augmentation d’efficience indique une
amélioration de la performance productive. Les indices de croissance de la productivité sont
construits à partir d’éléments d’informations variés qui sont souvent utilisés individuellement
pour représenter la performance économique incluant la croissance de la production, l’emploi
et l’investissement.
La croissance de la productivité dépend d’une part de tous les changements dans la
production, les quantités, les prix des inputs, leurs déterminants et d’autre part de plusieurs
caractéristiques et changements du climat économique dans lequel la firme opère.
La question fondamentale qui se pose concernant la productivité et la performance
économique est celle de savoir quel est le coût en termes de ressources et d’inputs utilisés
pour produire un certain montant d’output. Pour y répondre il faut définir la structure de
coûts.

93
Chapitre 3

La productivité est en général calculée à partir de fonctions de production et d’indices


de quantité de facteurs de production et de la production. Mais sous certaines conditions
(minimisation des coûts), il existe une approche, qui représente les gains de productivité
comme des déplacements vers le bas d’une fonction de coût (c’est le coût minimal des
facteurs utilisés pour produire un certain niveau de production, étant donnés les prix des
facteurs). Ainsi, la croissance de la productivité est égale à la diminution des coûts totaux qui
n’est expliquée ni par une baisse de la production, ni par une variation des prix des facteurs.

Les mesures de la productivité peuvent être classées en mesures de la productivité


d’un facteur unique (reliant une mesure d’un output à une mesure unique d’un input) ou en
mesure de la productivité multifactorielle (reliant une mesure d’un output à une mesure d’une
multitude d’inputs). Une autre distinction, d’une pertinence particulière au niveau de
l’industrie ou de la firme, est celle qui sépare les mesures de la productivité qui relient
quelques mesures de la production brute à un ou plusieurs inputs de celles qui utilisent le
concept de valeur ajoutée pour capter les mouvements de la production.

Néanmoins, l’approche fondée sur le concept de la production brute fournit peu


d’indications sur l’importance relative d’une entreprise ou d’une industrie dans la croissance
de la productivité globale, à l’échelle d’un plus vaste secteur ou de l’économie tout entière, en
raison des problèmes soulevés par le commerce intra-branche (risque de double
comptabilisation). Mais aussi l’existence de différentes méthodes de mesure de la production
brute peut influer sur les estimations de la productivité. Les indices de volume de la
production sont habituellement obtenus en divisant une série ou un indice de production aux
prix courants par un indice des prix appropriés. L’estimation de données de production en
volume se résume souvent à la construction d’indice des prix. Mais il existe plusieurs
problèmes quand on veut déflater la production :

 Pour que les estimations de la productivité soient valides, il faut que les indices de
prix et de volume de la production soient construits indépendamment des indices
de prix et de volume des consommations intermédiaires.

 Suite au développement rapide des technologies de l’information et de la


communication, il est difficile de faire la distinction entre un produit nouveau et un
changement de qualité d’un produit déjà existant.

Il faut savoir qu’il existe de grandes différences de productivité d’un établissement à


un autre. Il existe des redéploiements (réorganisation) incessants et importants de produits et

94
Chapitre 3

d’intrants entre les producteurs, même entre producteurs d’un même secteur. De plus ces
redéploiements de la production et de facteurs de production, d’activités moins productives au
profit d’activités plus productives, contribuent à la croissance de la productivité globale.

1.2.Les mesures de la productivité totale des facteurs

Il existe deux méthodes pour mesurer la productivité au niveau de la firme, les


méthodes paramétriques et non paramétriques. Notre attention se portera principalement sur
les méthodes paramétriques.

1.2.1. Les méthodes non paramétriques

Ces méthodes englobent la méthode des indices et celle d’analyse d’enveloppement


des données (DEA). Ces mesures peuvent être directement construites à partir des données
sans avoir besoin d’estimation d’une fonction de coût ou de production.

• La méthode des indices : mesure la productivité comme le ratio


d’un output et d’un input (facteur capital, travail et consommations
intermédiaires). Cette approche est tirée directement de la structure
de la comptabilité de la croissance. Les indices les plus utilisés
sont : les indices de Fisher, Törnqvist et de Malmquist. Leurs
avantages résident dans le calcul direct (aucune estimation exigée),
la capacité de traiter de multiples outputs et plusieurs inputs, et la
technologie de production flexible et hétérogène qu’ils permettent.
Leur principal désavantage est lié à la nature déterministe du
modèle et des hypothèses nécessaires quant au comportement de la
firme (efficience technique et allocative) ou la structure du marché.
Avec cette méthode, on ne peut pas prendre en compte dans
l’estimation les erreurs de mesures et les points aberrants.

• L’analyse d’enveloppement des données (DEA, Data Envelopment


Analysis) : dite aussi l’estimation de frontières non paramétriques a
été largement développée à partir du modèle de Charnes, Cooper et
Rhodes (1978), en tenant compte des rendements d’échelle
variables. On ne suppose aucune fonction de production. Au lieu de
cela, l’efficience est définie comme un ratio d’une combinaison

95
Chapitre 3

linéaire d’outputs sur une combinaison linéaire d’inputs. Les


données en termes de quantités des outputs et des inputs sont
utilisées pour construire une surface à l’aide d’une multitude de
programmes de programmation linéaire représentant chaque firme
de l’échantillon. Les poids des inputs et de l’output sont choisis
directement pour maximiser l’efficience de la firme à l’étude. La
frontière couvre les firmes les plus efficientes de l’échantillon et
enveloppe les autres observations. L’efficience de chaque firme est
mesurée relativement à la frontière des firmes les plus productives.
La mesure de l’efficience est interprétée comme la distance entre la
productivité de la firme étudiée et la frontière d’efficience. Le
principal avantage de cette méthode est l’absence d’une forme
fonctionnelle. La technologie sous-jacente est laissée entièrement
non spécifiée et elle peut varier entre les entreprises. En effet,
chacune d’elle est considérée comme un processus séparé qui peut
être combiné avec d’autres pour reproduire le plan de production de
l’unité étudiée. Toutefois, la fonction de frontière obtenue par cette
approche est déterministe, aucune variation aléatoire n’est possible,
ce qui rend l’estimation sensible aux points extrêmes. Puisque
chaque observation est comparée à toutes les autres, l’erreur de
mesure d’une seule firme peut affecter toutes les estimations de la
productivité.

Ces méthodes non paramétriques proposent des modèles de nature déterministe. Elles
sont donc sensibles aux valeurs extrêmes et aux erreurs de mesure. Alors que les méthodes
paramétriques permettent d’éviter ces faiblesses, c’est pour cette raison que nous allons
essayer d’insister et de développer avec plus de détails ces méthodes.

96
Chapitre 3

1.2.2. Les méthodes paramétriques

Les méthodes paramétriques supposent les mêmes rendements à l’échelle pour toutes
les firmes. La forme de la fonction de production est spécifiée. La fonction qui est la plus
utilisée dans la littérature est la fonction de production de type Cobb Douglas.

y it = β 0 + β k k it + β l l it + ω it + η it (1)

Où y it est le logarithme de l’output de la firme i à l’année t, k it est le logarithme du

facteur capital, lit est le logarithme du facteur travail, ω it est la productivité connue par la

firme mais inobservable par l’économètre, et η it est la mesure de l’erreur ou du choc de


productivité. L’estimation des paramètres des inputs souffre d’un problème d’endogéneité.
Les firmes choisissent leurs inputs en connaissant leur propre niveau de productivité. De ce
fait une régression d’un output sur les inputs par la méthode des moindres carrés ordinaires
(MCO) va donner des coefficients de la fonction de production biaisés. Il existe trois
méthodes d’estimation qui permettent de remédier à ce problème de simultanéité. Il s’agit :
des frontières stochastiques, des méthodes semi paramétriques (qui font l’objet dans le
chapitre 4 d’une application empirique au cas des entreprises tunisiennes du secteur textile
habillement et cuir) et de la méthode des moments généralisés (GMM).

i. Les frontières stochastiques

La notion de frontière déterministe expliquée précédemment dans les méthodes non


paramétriques néglige la possibilité que la performance d’une firme puisse être affectée par
d’autres facteurs que ceux contrôlés par la firme, tels le mauvais rendement des machines ou
encore les pénuries des intrants. Ces limites sont à l’origine du développement de l’approche
stochastique. Ces modèles de frontières stochastiques ont été initialement proposés par
Aigner, Lovell and Schmidt (1977) et Meeusen et Van den Broeck (1997). Ils ont permis
l’introduction d’une variable représentant le bruit statistique résultant d’évènements
aléatoires. Ainsi, ces modèles ont pu séparer l’inefficacité technique du terme d’erreur

aléatoire. Dans la fonction de production (1), le terme ω it est négatif et il représente


l’inefficacité de la firme i au temps t par rapport à la frontière de production (représentant les
observations les plus productives de l’échantillon). Cette méthode a été initialement

97
Chapitre 3

développée pour mesurer la productivité pour des données d’entreprises en coupe


transversale. La fonction de production est exprimée sous la forme suivante :

y i = α + β xi + ε i − v i (2)

Avec y i le logarithme de l’output pour la firme i, xi le vecteur des inputs de la firme

i et α et β les paramètres à estimer. ε i le terme d’erreur aléatoire est supposé indépendant et

identiquement distribué suivant une loi normale N(0 , σ 2 ) et vi l’inefficience technique est
supérieure ou égale à 0. Cette condition assure que toutes les observations se situent sur ou au
dessous de la frontière.

Par la suite, cette méthode a été généralisée pour les données de panel par Pitt et Lee
(1981), Schmidt et Sickles (1984) et Battese et Coelli (1988). Il été proposé qu’on estime la
fonction de production sans hypothèse sur la distribution de l’effet d’inefficience. Le modèle
en données de panel peut donc s’écrire :

y it = α + β xit + λ t + ε it − vi (3)

Avec λ t est l’effet temporel. Le terme de l’inefficience peut être fusionné avec la

constante, on aura α i = α − vi , on obtient alors un modèle standard de données de panel :

y it = α i + β xit + λ t + ε it (4)

Ainsi α i peut être estimé par un estimateur à effets fixes ou aléatoires. Le modèle
présenté comme suit suppose que l’efficience technique de l’entreprise est invariante dans le
temps. Cette restriction est très forte. Pour cette raison les modèles qui se sont développés
ultérieurement ont abandonné cette hypothèse pour considérer que l’efficience de l’entreprise
peut varier dans le temps.

ii. Les méthodes semi paramétriques

Ces méthodes ont été introduites par Olley et Pakes (1996), puis prolongées par
Levinsohn et Petrin. La mesure de la productivité au niveau de la firme dépend de la
différence entre la production actuelle de la firme et celle prévue. Il est alors crucial d’obtenir
des estimateurs sans biais des coefficients de la fonction de production.

98
Chapitre 3

• La méthode d’Olley et Pakes

L’objectif empirique des auteurs est d’analyser les changements dans la distribution de
la productivité qui accompagnent les changements dans la réglementation et l’environnement
technologique aux Etats-Unis.

Pour cela, ils ont essayé d’estimer les paramètres d’une fonction de production. Il faut
noter que du fait des changements dans l’environnement s’accompagnent d’un grand
mouvement d’entrée et de sortie des firmes, et comme il sera expliqué plus tard, le
déterminant majeur de la sortie ou non de la firme est sa productivité. Il existe par ailleurs un
lien important entre la productivité et le choix des quantités d’inputs utilisées par les firmes
existantes.

La connaissance de la firme de sa productivité ω it affecte sa décision de rester ou de


sortir du marché et son choix d’embaucher des travailleurs, d’acheter des matières et

d’investir dans un nouveau capital. Mais, ω it est inobservable pour l’économètre. Cette
asymétrie d’information introduit deux biais dans l’estimation : les biais de simultanéité et de
sélection.

En effet, le biais de simultanéité apparaît lorsque les différences d’efficacités sont


connues par les firmes quand elles choisissent le niveau de ses inputs. La première analyse de
ce problème date des travaux de Marschak et Andrews (1944). Ainsi, les firmes vont accroître
leur utilisation d’inputs comme résultat d’un choc de productivité positif. Aussi bien
l’estimation par les moindres carrées ordinaires que l’estimation par les effets fixes ne pourra
résoudre ce problème de simultanéité. Puisque la première méthode d’estimation ne prend pas
en compte les chocs de productivité inobservables et la seconde n’est valable que si la
productivité inobservable et spécifique à la firme est invariable dans le temps.

Quant au biais de sélection, il résulte de la relation entre les chocs de productivité et


l’entrée et la sortie des firmes qui accompagnent la restructuration industrielle. Bien que la
littérature sur la libéralisation commerciale ait abordé le biais de simultanéité dans plusieurs
travaux, elle a beaucoup négligé le biais de sélection induit par la sortie des firmes.

La voie traditionnelle qui tient compte de l’entrée et de la sortie restreint l’analyse à un


panel cylindré. Les données concernent alors uniquement les firmes qui sont présentes tout au
long de la période étudiée. Si les décisions des firmes de sortir dépendent de leurs perceptions
de la productivité future, et si leurs perceptions sont partiellement déterminées par leurs

99
Chapitre 3

productivités courantes, alors un panel cylindré va être sélectionné, en partie, sur la base de
réalisations inobservées de la productivité. Cela va générer un biais de sélection d’une forme
particulière des estimations de la fonction de production. Les auteurs vont illustrer ce point en
considérant un panel cylindré dans la partie empirique.

Pour analyser aussi bien le problème de sélection et de simultanéité, il faut utiliser un


modèle dynamique du comportement de la firme qui permet des différences de l’efficacité
spécifique à la firme et qui montre des changements particuliers dans le temps. Pour résoudre
le problème de simultanéité, le modèle doit spécifier l’information disponible quand les
décisions d’inputs ont été prises. Pour contrôler le biais de sélection induit par les décisions de
liquidation, le modèle doit générer une loi de sortie.

Il existe plusieurs modèles qui tiennent compte de l’incertitude particulière et de


l’entrée et de la sortie (Ericson et Pakes (1995), Hopenhayn et Regerson (1993), Jovanovic
(1982), et Lambson (1992)). Le modèle utilisé dans l’étude d’Olley et Pakes combine les
caractéristiques des modèles d’Ericson et Pakes, et de Hopenhayn et Regerson.

L’analyse du modèle avec la demande d’input et la loi de liquidation, dont les auteurs
ont besoin est la suivante:

Comme dans Ericson et Pakes, les auteurs supposent que les profits courants sont une
fonction des variables d’état propres à la firme, des prix des facteurs, et du vecteur qui liste les
variables d’état des autres firmes actives sur le marché. Ainsi, dans l’exemple utilisé par Olley

et Pakes, le vecteur des variables d’état spécifiques à la firme sont : ait , l’âge de la firme, K it ,

le stock de capital de la firme, et ω it , un indice de l’efficacité de la firme. La structure de


marché est composée de la liste de ces trois variables pour toutes les firmes actives. Les prix
des facteurs sont supposés être communs à toutes les firmes et calculés selon un processus de
Markov exogène de premier ordre.

Au début de chaque période une firme existante a trois décisions à prendre. La


première est de décider de sortir ou de continuer à opérer. Si elle sort, elle reçoit une valeur de
liquidation de φ Dollars et ne réapparaît plus jamais. Si elle continue, elle choisit ces facteurs

(travail, matières premières, énergie) et le niveau d’investissement I it qui, avec la valeur du

capital courant K it et le taux de dépréciation du capital δ détermine le stock du capital au

début de la période suivante K it + 1 .

100
Chapitre 3

Les équations d’accumulation du capital ( K it ) et de l’âge ( ait ) sont les suivantes :


K it + 1 = (1 − δ ) K it + I it et ait + 1 = a it + 1 , (1)

Comme dans Hopenhayn et Regerson, l’indice de productivité, ω it , est connu par la

firme, et évolue dans le temps selon un processus de Markov exogène. La distribution de ω it + 1

conditionnelle à toutes les informations connues à l’instant t est déterminée par la famille des
fonctions de distribution suivantes :
Fw = { F ( . / wit ) , wit ∈ Ω } (2)

La firme est supposée maximiser la valeur attendue des cash flows nets futurs
actualisés. Cependant, les deux, la sortie et les décisions d’investissements vont dépendre de
la perception par les firmes de la distribution des structures futures du marché donnée par les
informations courantes. Les décisions d’investissement, d’entrée, et de sortie générées par ces
perceptions vont, à leur tour générer une distribution pour la structure du marché dans les
années futures.

Ainsi, les deux, le profit et la valeur des variables d’état (comme l’âge et le capital)
dans cet équilibre dépendent de la structure du marché et des prix des facteurs. La décision
d’une firme existante de maximiser la valeur attendue des profits nets futurs est ainsi
caractérisée par une équation de Bellman26:

 
Vt ( wit , ait , k it ) = max  Φ , sup π t ( wit , a it , k it ) − c ( I it ) + β E [Vt + 1 ( wit + 1 , ait + 1 , k it + 1 ) / J it ]  (3)
 I it ≥ 0 

Où π t ( .) est la fonction de profit donnant les profits de la période courante comme une

fonction des variables d’états, c( I it ) est le coût de l’investissement courant I it , β est le facteur

d’escompte de la firme i, et J it représente l’information disponible à l’instant t.

Le maximum utilisé dans l’équation (3) indique que la firme compare sa valeur de
liquidation Φ aux rendements actualisés attendus en restant sur le marché. Si les variables
d’état courantes indiquent que continuer n’est pas opportun, la firme va se retirer. Si ce n’est
pas le cas la firme choisit le niveau d’investissement optimal (contraint à être non négatif). La

26
L’équation de Bellman capte l’essentiel du problème dynamique auquel un agent économique est confronté.
L’agent a besoin d’équilibrer de façon optimale son gain présent et son gain espéré futur. On note Vt (.) la
fonction de valeur, soit la somme maximale accessible des gains présents et futurs.

101
Chapitre 3

solution à ce problème de contrôle génère une loi de sortie et une fonction de demande
d’investissement.

Si on définit la fonction χ it égale à 1 si la firme décide de rester sur le marché lorsque

sa productivité ω it est supérieure à un certain seuil qui dépend de son stock de capital K it et de

son âge ait , alors la loi de sortie peut s’écrire comme suit :

 1siω it ≥ ω t ( a it , k it )
χ it =  (4)
 0autrement ,

La décision de la firme d’investir dans plus de capital, est la suivante :

I it = I t ( ω it , ait , k it ). (5)

L’équation de décision d’investissement implique que la productivité future va


augmenter avec un choc de productivité courant. Dans ce cas les firmes qui subissent un choc
de productivité positif et large à la période t vont investir plus à la période t+1.

Les fonctions ω t ( .) et I t ( .) sont déterminées selon l’équilibre Markov Parfait de Nash,


et vont dépendre de tous les paramètres déterminant le comportement d’équilibre. En
particulier, ces fonctions sont indexées par t, comme elles dépendent de la structure du
marché et des prix des facteurs prévalant quand ces décisions ont été prises.

Basée sur ces deux lois de sortie et de décision d’investissement, Olley et Pakes ont
essayé de spécifier une fonction de production pour estimer les paramètres de façon plus
cohérente et sans biais.

Les auteurs supposent que l’industrie produit un bien homogène avec une technologie
de type Cobb-Douglas. La fonction de production est la suivante :

y it = β 0 + β a ait + β k k it + β l l it + ω it + η it (6)

Où y it est le log de l’output (valeur ajoutée) de la firme i à l’année t, ait est l’âge, kit

est le log du facteur capital, lit est le log du facteur travail. Le terme d’erreur, comme dans le

cas des frontières stochastiques, est composé d’un terme d’efficience technique ω it , et d’un

terme de mesure de l’erreur η it ou du choc de productivité qui n’est pas prévisible durant la

102
Chapitre 3

période dans laquelle le travail peut être ajusté. Ici les variables ω it et η it sont inobservables

par l’économètre. La distinction par rapport à η it est que ω it est une variable d’état qui affecte
le processus de décision de la firme, et qui détermine les deux décisions de demande d’input

et de liquidation, alors que η it n’a pas d’effet sur les décisions de la firme.

Les hypothèses du modèle présentées, les méthodes économétriques standard, comme


celle des moindres carrées ordinaires (MCO) donnent des estimateurs biaisées de l’équation
(6) pour deux raisons :

En premier lieu, on considère les biais des estimateurs MCO de l’équation (6) causés
par l’endogenéité de demande des inputs. Ce problème de simultanéité apparaît parce que le

choix des inputs est déterminé en partie par l’opinion qu’a la firme sur ω it quand ces inputs

seront utilisés. S’il y a une corrélation en série de ω it , les inputs en période t vont être
positivement corrélés avec la réalisation du choc de productivité. Si l’augmentation de
l’utilisation des variables d’inputs de la firme résultant d’un choc de productivité positif, n’est
pas prise en compte dans la fonction de production, alors la procédure MCO va apporter des
estimateurs biaisés à la hausse des coefficients des inputs.

En deuxième lieu, on considère le problème de la sélection induit par la disparition des

firmes. Si la fonction de profit est croissante avec k it alors les firmes avec un large stock de
capital peuvent s’attendre à un rendement futur plus grand pour n’importe quel niveau de
productivité courante. Ainsi, elles vont continuer à produire avec une plus faible productivité
réalisée ce qui entraîne les petites firmes à sortir du marché. L’auto-sélection générée par le
comportement de sortie implique que la productivité future attendue va être décroissante avec
k it , menant à un biais négatif du coefficient du capital.

A la différence des méthodes d’estimation standard, Olley et Pakes (1996) ont pris en
compte ces problèmes. On va décrire la méthode d’estimation de l’algorithme, qui nécessite
trois étapes. Le travail est supposé être le seul facteur variable (alors son choix peut être

affecté par la valeur courante de ω it ). Les autres inputs, k it et ait , sont des facteurs fixes et

sont affectés uniquement par la distribution de ω it conditionnée par l’information à la


période t-1 et les valeurs passées de ω .

La 1ère étape : L’application de cette méthode nécessite en premier l’utilisation de la


loi de décision d’investissement, pour contrôler la corrélation entre le terme d’erreur et les

103
Chapitre 3

inputs. Cette équation (5) est basée sur l’hypothèse que l’investissement est strictement
monotone. En particulier, la solution au problème d’optimisation de la firme, de l’équation

(3), mène à l’équation (5) de l’investissement, c.à.d, I it = I t ( ω it , ait , k it ). A condition que I it


> 0, Pakes (1994) montre que l’investissement est strictement croissant avec la productivité.
Ainsi les firmes qui observent un choc de productivité positif à la période t vont investir plus à

cette période. Par conséquent, pour l’ensemble des valeurs ( I it , ait , k it ) pour lequel I it > 0, on
peut inverser l’équation (5) et écrire :

ω it = ht ( I it , ait , k it ). Avec ht = I t ( .)
−1
(7)

L’équation (7) nous permet d’exprimer la variable de productivité inobservable ω it ,


comme une fonction de variables observables. Il faut noter que l’équation (7) repose d’une

part sur le fait que ω it est l’unique variable d’état inobservable spécifique à la firme et d’autre

part sur l’hypothèse que l’investissement croît avec ω it .

En substituant (7) dans l’équation (6) de la fonction de production on peut avoir :

yit = β l lit + φ t ( I it , ait , k it ) + η it (8)

Où φ t ( I it , ait , k it ) = β 0 + β a ait + β k k it + ht ( I it , ait , k it ) (9)

On fait une approximation de φ t (.) par une série de polynômes d’ordre n (n=4 dans
ce cas) ou par les méthodes de Kernel27. La première a été adoptée par Olley et Pakes (1996),
après avoir essayé les deux méthodes.

Le modèle partiellement linéaire dans l’équation (8) est un modèle à régression semi-

paramétrique qui permet d’identifier le coefficient du travail β l et non les coefficients de la

fonction de production du capital et de l’âge, β a et β k . Le coefficient estimé du travail va

être non biaisé, puisque φ t (.) contrôle la productivité inobservable. Ainsi, le terme d’erreur
n’est plus corrélé aux inputs, ce qui élimine le biais de simultanéité.

27
La Kernel régression est une méthode de régression non paramétrique qui permet d’estimer l’espérance
conditionnelle d’une variable aléatoire. L’objectif est d’estimer une fonction non linéaire entre deux variables.
Pour chaque observation un nouveau modèle est calculé.

104
Chapitre 3

La 2nd étape : L’équation (8) ne nous permet pas de séparer les effets du capital et
ceux de l’âge sur la décision d’investissement de leurs effets sur l’output. Alors pour identifier

les coefficients β a et β k les auteurs utilisent, en plus des estimateurs de β l et φ t (.)


obtenus à partir du modèle partiellement linéaire, des estimateurs des probabilités de survie,
ce qui permettra de contrôler le biais de sélection.

La loi de sortie implique que la firme va choisir de rester sur le marché, si sa

productivité est plus grande que le seuil ω t qui dépend de k it et ait . La probabilité de survie à

la période t+1 dépend alors de ω t , ω it et aussi de l’âge, du capital et de l’investissement à la

période t. On nomme les probabilités prédites de ce modèle P̂it .

Ces probabilités sont données par :

Pr{ χ it + 1 = 1 / ω t + 1 ( k it + 1 , ait + 1 ) , J it }
= Pr{ω it + 1 ≥ ω t + 1 ( k it + 1 , ait + 1 ) / ω t + 1 ( k it + 1 , ait + 1 ) , ω it }
= ℘ t {ω t + 1 ( k it + 1 , ait + 1 ) , ω it }
(10)
= ℘ t ( I it , ait , k it )
= Pit

Où χ it + 1 est la fonction de la loi de sortie à la date (t+1), l’égalité ℘ t ( I it , ait , k it )


découle de l’équation (5) [c.à.d, ω it = ht ( I it , ait , k it ). ], et de l’équation (1) [qui implique que

ait +1 et k it +1 peuvent être calculés à partir de ( I it , ait et kit )].

Par ailleurs, on considère l’espérance de ( yit +1 − β l lit +1 ) conditionnelle à


l’information à la date t et à la survie :

E [ yit + 1 − β l lit + 1 / ait +1 , kit + 1 , χ it + 1 = 1]


= β 0 + β a ait + 1 + β k kit +1 + E [ω it + 1 / ω it , χ it + 1 = 1] (11)
≡ β a ait + 1 + β k kit + 1 + g (ω t + 1 , ω it )

F ( dω /ω )
g (ω ,ω )= β0+ ∫ω
it + 1 it

∫ F ( dω )
t+ 1 it it + 1
ω t+ 1 it + 1 /ω it
ω t+ 1

Il faut noter que le terme biaisé dans l’équation (11), g(.), est une fonction avec deux

indices de variables d’état spécifiques à la firme ; ω it et ω t +1 [kit +1 ( kit , I it ), ait +1 ( ait )] .

105
Chapitre 3

Pour contrôler l’impact de l’inobservable sur la sélection, on a besoin d’une mesure de ω it et


une mesure de la valeur de ω qui rend juste la firme indifférente entre le fait de continuer sur

le marché ou de sortir (c.à.d, ω t+1 (.) ). Jusqu’à 1996, la plupart des modèles utilisés ont corrigé
le biais de sélection par l’utilisation des modèles avec un indice unique.

L’équation de sélection (10) peut être inversée pour exprimer ω t+ 1 en fonction de Pit

et ω it . On peut alors écrire g(.) comme une fonction de Pit (la probabilité que la firme se

maintienne sur le marché) et ω it la productivité.

La 3ème étape : En substituant Pit et φ t (.) , estimée à partir des deux premières étapes,

dans g(.), et en utilisant l’estimation de β l de la 1ère étape, on a pu obtenir l’estimation des

coefficients β a et β k . Cette dernière étape consiste à minimiser la somme des carrées des
résidus de cette équation :

y it − βˆl l it = β a a it + 1 + β k k it + 1 + g ( Pit , φ t − β a a it − β k k it ) + ξ it + 1 + η it (12)

ξ it + 1 = ω it + 1 − E[ω it + 1 / ω it , χ it + 1 = 1]

Et de (9), (10) et (11), on a :

g (ω t+ 1 ,ω it )= [
g ℘ t− 1 ( Pit , φ t − β a ait − β k k it ) , φ t − β a ait − β k k it ]
≡ g [ Pit , φ t − β a ait − β k k it ]

La fonction non connue g(.) est approximée par les séries de polynôme d’ordre n ou

par les méthodes de Kernel. ξ it +1 est considérée comme l’innovation dans le processus de

ω it +1 entre t et t+1. Cependant le capital utilisé à une période donnée k it +1 est supposé être

connu au début de la période (dépendant des investissements à la période t) et ξ it + 1 est

indépendant de toutes les variables connues au début de la période, cela signifie que ξ it + 1 est

non corrélé à kit +1 et à ait +1 qui dépendent uniquement des informations en t.

Après avoir estimé tous les coefficients de la fonction de production, alors la


productivité de l’entreprise i est calculée comme suit :

106
Chapitre 3

prit = exp( y it − βˆ l l it − βˆ k k it − βˆ a ait ) (13)

Cette mesure identifie le terme de productivité et la part de l’erreur de mesure.

• La méthode de Levinsohn et Petrin

Levinsohn et Petrin (2003) ont proposé une nouvelle méthode d’estimation de la


productivité en mettant en évidence à partir de données au niveau de la firme que
l’investissement utilisé par Olley et Pakes (1996) comme variable de contrôle de la variable
d’état, est par définition coûteux à ajuster. Les coûts d’ajustement sur le plan économétrique
peuvent causer des problèmes dans l’estimation de différentes façons. Les firmes qui font
uniquement des investissements intermittents vont voir leurs observations à investissement
zéro enlevées de l’estimation, (la condition de monotonicité ne s’applique pas pour ces
observations). Dans le secteur manufacturier ceci peut représenter une large proportion des
données.

Ainsi, pour remédier à cette limitation de la méthode d’Olley et Pakes, ils suggèrent
l’utilisation d’inputs intermédiaires comme proxy à la place de l’investissement. En effet, les
firmes qui produisent utilisent des inputs intermédiaires positifs comme l’électricité, le fuel ou
les matières premières. De plus ils sont moins coûteux à ajuster que l’investissement et ils
peuvent répondre de façon plus entière au choc de productivité que l’investissement.

Dans la méthode utilisée par Levinsohn et Petrin (2003), on s’efforce à estimer une
fonction de production combinant les deux techniques d’estimation paramétriques et non
paramétriques. Dans la procédure d’estimation, on utilise les matières premières comme
Proxy pour contrôler le biais de simultanéité qui apparaît lorsque le choix des inputs est

déterminé en partie par l’opinion qu’a la firme sur la productivité ω it , quand ces inputs
seront utilisés. Cette simultanéité viole les conditions de la méthode des moindres carrées
ordinaires (MCO) d’avoir des estimateurs non biaisés. Les auteurs n’ont pas essayé de traiter
le problème du biais de sélection, sachant que l’utilisation d’un panel non cylindré réduit ces
effets sur l’estimation.

107
Chapitre 3

On ajoute donc dans cette méthode une variable d’input, mit , qu’on nomme input
intermédiaire ( matériaux ou énergie). On écrit la fonction de production de type Cobb-
Douglas en logarithme :

yit = β 0 + β k k it + β l lit + β m mit + ω it + η it (14)

Où ω it est l’efficience technique, et η it est le choc de productivité inattendue


inobservable par l’économètre et par la firme.

La variable stock de capital est construite d’une manière différente de celle d’Olley et
Pakes, qui considèrent que l’investissement de l’année précédente entre dans le capital de
cette année. Levinsohn et Petrin considèrent que le stock de capital de cette année est
déterminé par le niveau d’investissement de cette même année.

K it = (1 − δ ) K it − 1 + I it

On suppose que la décision d’investissement à la date t est faite en connaissant

uniquement ω it −1 . Ceci permet d’éviter que le choix du niveau du capital (via

l’investissement) dépende de ω it .

La fonction de demande de l’input intermédiaire mit = mt ( ω it , k it ) , doit être monotone

en ω it pour tout kit pour le qualifier de bon Proxy. En effet, avec un stock de capital et de
travail donnés, plus le niveau de productivité est élevé, plus la firme utilisera de matériaux
puisqu’elle produira plus. Il faut noter que les prix des inputs et de l’output sont supposés
communs à toutes les firmes. Alors il est possible d’inverser la fonction de demande pour

obtenir une fonction de productivité ω it = ω t ( mit , k it ). , en imposant l’hypothèse de

monotonicité (conditionnelle au capital, la demande d’input intermédiaire augmente avec la


productivité).

L’équation (14) peut s’écrire :


yit = β l lit + φ t ( mit , k it ) + η it (15)

Avec φ t (.) donnée comme une fonction du capital et d’input intermédiaire :


φ t ( mit , k it ) = β 0 + β k k it + β m mit + ω t ( mit , k it ) (16)

108
Chapitre 3

Tout d’abord, on estime la fonction inconnue φ t (.) en utilisant une approximation

polynômiale de troisième ordre en kit et mit . Il est possible d’avoir un estimateur non biaisé

du coefficient β l en utilisant la méthode des MCO appliquée à l’équation (15).

Pour estimer β m et β k , on suppose que la productivité suit un processus de Markov de

premier ordre, ω it = E ( ω it / ω it − 1 ). + ξ it avec ξ it est l’innovation dans le processus de la

productivité. Il est non corrélé au capital kit .

Pour chaque valeur candidate β m* et β k* (pour β m et β k ), on peut calculer une

prévision de ω it pour chaque période t, en utilisant :

ωˆ it = φˆt − β k* k it − β m* mit (17)

E ( ω it / ω it − 1 ) est estimée par une régression de l’estimation de ω it + η it sur

l’estimation de ω it − 1 , sachant que :

ω it +ˆ η it = y it − βˆl lit − β *m mit − β *k k it (18)

ωˆ it − 1 = φˆt − 1 ( mit − 1 , k it − 1 ) − β *m mit − 1 − β *k k it − 1 (19)

Le résultat obtenu est appelé E ω it /̂ ω ( it − 1 ) , et on l’utilise pour estimer le résidu de la


fonction de production η it + ξ it on a alors :

η it +ˆ ξ it (β m* , β k* ) = yit − βˆl lit − β m* mit − β k* kit − E ω it /̂ ω it −1 ( ) (20)

Ce résidu doit interagir avec au moins deux instruments pour identifier les

coefficients β m et β k . Si le stock de capital à la période t est déterminé par les décisions


d’investissement de la période précédente, alors il ne peut pas répondre au choc du terme

d’innovation de la productivité de la période t ξ it . Ce qui donne la première condition de

moment qui permet d’identifier le coefficient β k :

E ( y it − β l l it − β m mit − β k k it − E ( ω it / ω it − 1 ) / k it ) = E (η it + ξ it / k it ) = 0 (21)

109
Chapitre 3

La seconde condition de moment permet d’identifier le coefficient de l’input

intermédiaire β m . Les auteurs utilisent le fait que le choix du niveau d’input intermédiaire de

la période précédente (t-1) est non corrélé à ξ it .

E ( y it − β l l it − β m mit − β k k it − E ( ω it / ω it − 1 ) / mit − 1 ) = E (η it + ξ it / mit − 1 ) = 0 (22)

Pour améliorer l’efficience et le test de spécification, on ajoute des conditions de sur-

identification. On définit alors Z it le vecteur des variables instrumentales :

Z it = { k it , mit − 1 , l it − 1 , k it − 1 , mit − 2 }

(
Finalement, on obtient les estimateurs βˆk , βˆm en minimisant la fonction : )
2
 
(
Q β ,β *
m
*
k ) = min ∑ 5
h= 1  ∑ (η it
ˆ ξ it ) Z hit 
+ (23)
( β k* , β m* )  t 

h : indexe les 5 variables instrumentales du vecteur Z it .

La productivité résiduelle totale des facteurs (PTF) est définie comme étant

prit = exp(ω it + η it ) . Elle représente l’efficience technique. En utilisant les coefficients


estimés de la fonction de production, la productivité de la firme est déterminée de la même
façon que celle d’Olley et Pakes par la différence entre l’output observé et l’output estimé :

prˆit = exp( y it − βˆl l it − βˆ m mit − βˆ k k it ) (24)

En utilisant la valeur ajoutée comme output alors la productivité calculée s’écrit :

prˆit = exp( yit − βˆl lit − βˆk kit ) (25)

Ainsi, plus cette mesure de l’efficience technique est élevée plus l’entreprise est
productive.

i. Les variables instrumentales

La méthode des variables instrumentales permet de tenir compte de l’endogénéité de


certaines variables explicatives. On utilise pour le calcul de la productivité la méthode des
moments généralisés (MMG). En panel dynamique, il existe deux façons d’estimer cette
méthode, la première c’est l’estimateur MMG en différence première d’Arallano et Bond
(1991) et la deuxième c’est l’estimateur MMG en système de Blundel et Bond (1998). Cette
méthode des variables instrumentales présente l’avantage de résoudre le problème du biais de

110
Chapitre 3

simultanéité, mais elle a plusieurs inconvénients. En effet, elle ne permet pas de dissocier
l’efficience technique du bruit statistique et elle nécessite l’utilisation d’une grande base de
données (nombre important de firmes).

Ces différentes mesures de la productivité, ne mesurent pas les mêmes composantes


du concept de la productivité totale des facteurs et donc elles ne donnent pas les mêmes
implications en termes de politique commerciale. Le choix de la méthode dépend de ce qu’on
cherche à mesurer et de la nature des données disponibles. En général, les méthodes
paramétriques sont plus adéquates en cas de présence d’erreur de mesure de façon
significative. Dans le chapitre 4, nous allons essayer de mesurer la PTF pour un échantillon
d’entreprises tunisiennes. Vu que notre analyse portera sur la compréhension de
l’accroissement de la productivité suite à l’intensification du processus de libéralisation
commerciale, le choix portera sur les méthodes semi paramétriques qui sont capables
d’éliminer les biais de simultanéité et de sélection.

Les mesures de la productivité au niveau de l’entreprise permettent ainsi de mieux


comprendre et d’interpréter la croissance de la productivité d’une industrie dans son
ensemble. En effet, les études effectuées à partir de données recensées auprès des entreprises,
mettant l’accent sur la dynamique des entreprises, l’apparition et la disparition de celles-ci et
le redéploiement des ressources, permettent de répondre à la question de savoir comment
l’innovation et la « destruction créatrice » se traduisent par une accélération de la croissance
de la productivité au niveau sectoriel. Malgré la difficulté d’avoir des données, les études au
niveau de l’entreprise améliorent notre compréhension des déterminants sous-jacents et de la
dynamique de la croissance de la productivité.

2. L’ouverture économique
L’ouverture commerciale permet l’intensification de la concurrence ce qui peut
constituer un catalyseur de la croissance des économies. A l’échelle macroéconomique, elle
permet une meilleure allocation globale des ressources. Et à l’échelle microéconomique, cette
concurrence peut aider à la recherche de gains de productivité, à améliorer l’adaptation à la
demande et dans certains cas à accélérer le rythme de l’innovation. Il est alors utile de
comprendre les différentes mesures de l’ouverture et d’étudier sa relation particulière avec la
productivité qui constitue l’objet de notre étude empirique pour les industries manufacturières
tunisiennes.

111
Chapitre 3

2.1.Les effets possibles de la politique commerciale

Il existe plusieurs arguments statiques qui expliquent pourquoi la protection


commerciale peut affecter la performance des firmes domestiques dans les pays en
développement. La plupart mêlent les effets de la politique commerciale aux pressions
concurrentielles auxquelles ces firmes font face, à la taille du marché dans lequel elles
opèrent, ou aux deux. Les réponses des firmes dépendent souvent de l’existence des barrières
d’entrée et de sortie, de l’importance des économies d’échelle (internes ou externes), et de la
forme de la protection (droits de douane ou restrictions quantitatives).
D’autres effets de la politique commerciale sur la performance ont été démontrés dans
un cadre explicitement dynamique.
Pour établir un lien entre l’ouverture commerciale et la performance industrielle, il
faut d’abord quantifier les niveaux de protection spécifiques à chaque industrie avant et après
la libéralisation.

2.2.La mesure de l’ouverture

Depuis la fin des années 80, les nouvelles théories de la croissance ont fourni un cadre
théorique important à l’idée que l’ouverture affecte positivement la croissance. Malgré le
nombre important de travaux empiriques sur le sujet, certains auteurs doutent de la robustesse
des conclusions de ces études. Selon Rodrik (1995)28, dans la plupart des travaux sur
l’ouverture et la croissance, l’indicateur utilisé relatif au régime commercial est très mal
mesuré et l’ouverture prise dans le sens d’absence de restrictions commerciales est souvent
confondue avec les aspects macroéconomiques du régime politique.
Les premières études comparatives entre pays sur l’ouverture ont utilisé des
indicateurs consistant dans un pourcentage exprimant le rapport d’une mesure de commerce
extérieur à un agrégat intérieur ou par son accroissement comme le ratio de dépendance
commerciale et le taux de croissance des exportations (Balassa, 1982)29 . Ces indicateurs
présentent plusieurs limites, puisqu’ils ne dépendent qu’en partie de la politique d’ouverture
et sont largement endogènes.
Alors, plusieurs auteurs ont essayé d’éviter ces problèmes en utilisant des
combinaisons de mesures ciblées sur certains aspects de la politique commerciale comme le

28
Rodrik, D., “ Trade policy and industrial policy reform.” In Behrman and Srinivasan (eds), Handbook
of Development Economics, Vol. 3B, Amesterdam : North Holland.
29
Balassa, B., “Development Strategies in Semi-Industrial Countries.” Oxford: Oxford University
Press.

112
Chapitre 3

niveau moyen des tarifs à l’importation, le pourcentage des importations soumis à des
restrictions quantitatives, les taxes à l‘exportation, le contrôle des changes, etc., pour tenter de
classer les pays selon leur degré de distorsion du commerce. Chaque indicateur est partiel et
ne rend pas compte de l’ensemble des instruments de la politique économique. Parmi les
études représentatives les plus connues de cette méthode on peut citer, celle du rapport sur le
développement dans le monde de la Banque Mondiale (1987) et celle plus récente de Sachs et
Warner (1995), où ils utilisent une variable muette qui signale le caractère ouvert ou fermé 30
d’un pays. Bien que cette étude ait constitué une amélioration par rapport aux autres
tentatives, la méthodologie de Sachs et Warner a été critiquée notamment sur la capacité des
critères retenus à constituer des indicateurs de politique d’ouverture, et sur le fait d’avoir une
classification binaire alors que la politique commerciale est par nature graduelle.
Comme la plupart des indicateurs ont fait l’objet de critiques, Edwards (1998) juge
alors, que la nature complexe de la politique commerciale (le commerce international peut
être affecté par les droits de douane, les quotas, les licences, les interdictions, les contrôles du
taux de change, les subventions,…) rend illusoire la tentative de construire un indice unique
du degré d’ouverture et va induire des contradictions. Selon lui, la relation entre croissance et
commerce ne pourra être considérée comme robuste que si elle est vérifiée sur un grand
nombre d’indicateurs de politique commerciale. Il va élaborer un indice synthétique, au
moyen d’une analyse des informations fournies par 9 indicateurs d’ouverture31, pour tester le
pouvoir explicatif des différents indicateurs particuliers de la politique d’ouverture sur la
croissance de la productivité des facteurs.
Toutefois, les différents indicateurs n’aboutissent pas au même classement, car ils
reflètent des réalités différentes. Cette idée est mise en évidence dans les travaux de Pritchett
(1996) qui montrent que les indicateurs employés ne sont que très faiblement corrélés entre
eux.
Rodriguez et Rodrik (1999) ont présenté une critique rigoureuse de ces indicateurs
composites qui porte sur la robustesse des conclusions empiriques de ces travaux.
30
Un pays i est considéré l’année t comme fermé s’il remplit au moins un des cinq critères suivants : (1)
un taux moyen de tarifs douanier supérieur à 40 % ; (2) des barrières non tarifaires couvrant plus de 40 % des
importations ; (3) une prime sur le marché parallèle des changes supérieure à 20 % sur une période de dix ans
( soit les années 1970, soit les années 1980) ; (4) existence d’un système économique socialiste ; (5) existence
d’un monopole d’Etat sur les principales exportations.
31
Les indicateurs d’ouverture utilisés sont : l’indice de Sachs et Warner ; l’indicateur du rapport sur le
développement dans le monde de la Banque Mondiale ( 1987) ; l’indicateur de Leamer ; la prime moyenne sur
le marché parallèle des changes ; Le tarif moyen à l’importation pour les produits manufacturés ; la couverture
moyenne des barrières non tarifaires ; l’indice de distorsion dans le commerce international de Heritage
Foundation ; le ratio des revenus des taxes sur le commerce extérieur à la valeur du total du commerce ; l’indice
de distorsion dans les importations de Wolf.

113
Chapitre 3

Siroën (2000) a détaillé les différents types d’indicateurs les plus utilisés, par référence
aux travaux de Baldwin (1989) qui propose une typologie des indicateurs d’ouverture
commerciale, dont la première est fondée sur les instruments de politique commerciale
comme la dispersion des tarifs douaniers ou la fréquence des barrières non tarifaires. La
deuxième s’appuie sur l’écart entre un résultat constaté, en termes de flux commerciaux ou de
prix des biens, et le résultat prévisible lorsque l’Etat n’applique aucune barrière au commerce.
La classification de Siroën, permet de distinguer les indicateurs qui isolent le niveau
absolu de l’ouverture commerciale de ceux qui apprécient l’ouverture d’un pays relativement
à un ou des partenaires commerciaux.
A. Les indicateurs d’ouverture absolue : sont traditionnellement les plus utilisés. Ils
permettent de mesurer directement le degré d’ouverture d’un pays au commerce
extérieur, soit en analysant les résultats des ratios d’ouverture, soit en étudiant
directement les différentes mesures de protection adoptées par le pays considéré.
 Le ratio d’ouverture : est fréquemment utilisé dans les études empiriques.

( Xi +Mi ) 32
Le rapport permet d’indiquer le degré de dépendance d’un
PIBi
pays i au commerce extérieur. Il présente plusieurs limites. Tout d’abord au
niveau de la construction du ratio, qui met en rapport une production au
numérateur et une valeur ajoutée au dénominateur. Ceci peut introduire un
biais en faveur de pays massivement réexportateurs qui importent des biens
intermédiaires ou des produits semi-finis qui seront incorporés dans les
exportations. Puis la politique industrielle et commerciale appliquée peut
introduire des distorsions et peut entraîner une augmentation artificielle du
ratio. Mais la principale critique adressée au ratio d’ouverture, c’est qu’il
peut dépendre de beaucoup de facteurs autres que les politiques
commerciales comme la taille, la structure des avantages comparatifs et la
configuration géographique. En effet, les plus grands pays sont moins
dépendants du commerce extérieur et les pays qui détiennent des ressources
naturelles abondantes le sont davantage. Or ces éléments sont indépendants
de la politique commerciale du pays.
 La mesure directe : elle consiste à évaluer directement les mesures des
obstacles aux échanges. Mais celles-ci posent quelques problèmes

32
X i et M i représentent respectivement les exportations et les importations du pays i.

114
Chapitre 3

d’interprétation. La moyenne simple du tarif douanier introduit un biais,


puisqu’elle favorise les pays qui imposent fortement les quelques produits
importés en grande quantité et défavorise ceux qui protègent fortement des
secteurs pour lesquels les flux d’importation seraient de toute façon faibles.
Si ces taux sont pondérés par le volume des importations, cela pose aussi
des problèmes, car un tarif élevé sur un produit a tendance à réduire le
volume des importations donc son poids dans la moyenne. En plus, la
possibilité d’avoir différents tarifs (ad valorem, spécifiques, consolidés,
appliqués, contingents tarifaires) rend difficile le calcul d’un taux moyen
(Bouët, 2000). Dès lors, pour contourner ces problèmes, d’autres auteurs
ont utilisé la part des recettes tarifaires dans le PIB ou dans les
importations. Mais cet indicateur présente aussi des biais puisqu’un pays
indiqué comme le plus fermé sera celui qui maximise ces recettes fiscales
sans, pour autant, appliquer une politique commerciale protectionniste.
Puisqu’il existe une relation non linéaire entre les recettes et les tarifs. Et
comme le droit de douane moyen, le rapport des recettes sur les
importations ne permet pas d’associer aux mesures tarifaires les mesures
des barrières non tarifaires (BNT). Ces BNT posent des problèmes pour
évaluer leurs impacts sur le prix à l’importation. Généralement, c’est la part
des importations couvertes par les BNT qui est prise en compte. A côté des
problèmes déjà rencontrés pour les tarifs, il existe la difficulté de ne pas
pouvoir quantifier l’intensité de la protection. Une autre approche peut être
utilisée consiste à combiner plusieurs indicateurs partiels de politique
commerciale. Elle a été présentée par Sachs et Warner (1995) qui ont utilisé
une variable muette pour signaler le caractère fermé ou ouvert d’une
économie. Pour résoudre le problème de l’hétérogénéité des barrières à
l’importation (tarifs, quotas, normes, subventions, droits d’anti-dumping,
etc.), la méthodologie adoptée par les chercheurs33 a permis de mettre place
un concept qui permet le calcul de la protection globale appelé OTRI
(overall trade restrictiveness index). Cet indice global permet le calcul de
l’équivalent tarifaire de l’ensemble des obstacles dont s’entoure un pays. Il

33
Les indices de restrictivité commerciale (Trade Restrictiveness indexes) comme l’OTRI ont été
développés par Anderson et Neary dès 1992 pour la Banque Mondiale, en permettant d’évaluer l’écart entre le
prix domestique de chaque pays importateur et le prix mondial par produit et en moyenne. Par la suite Kee et
Alii (2006) ont pu apporter des améliorations à cette méthode pour mieux mesurer la protection d’un pays.

115
Chapitre 3

peut ainsi capter toutes les distorsions commerciales imposées aux


importations.
B. Les méthodes d’ouverture relative : permettent d’apprécier l’écart entre la valeur
constatée dans un pays et une norme construite dans un pays ou une zone de
référence. Le degré d’ouverture est apprécié selon une mesure de la distorsion ou
par une évaluation par les résidus. La première méthode consiste à mesurer un
indicateur de distorsion à partir des écarts de prix, entre les prix mondiaux et les
prix intérieurs. Cette démarche se heurte à deux difficultés, tout d’abord les
distorsions introduites par les politiques ne sont pas les seules qui expliquent ces
différences, d’autres facteurs34 doivent être pris en compte. Puis les distorsions
considérées devraient aussi prendre en compte l’influence des politiques sur les
prix internes. La deuxième démarche consiste à comparer le volume constaté du
commerce extérieur à celui prévu à partir d’un modèle de référence, méthode qui
repose sur le modèle de gravité. Ce résidu capterait l’influence de la politique
commerciale, ce résidu s’interprète comme l’écart entre la valeur de l’intensité du
commerce d’un pays avec celles d’autres pays qui auraient les mêmes
caractéristiques. Ainsi, un pays est considéré ouvert, si ce résidu est positif. En
comparaison avec le ratio d’ouverture, cet indicateur est meilleur, puisqu’il élimine
certains des facteurs explicatifs de l’échange autre que ceux relevant de la
politique commerciale. Toutefois, les travaux s’appuyant sur cette méthode ne
peuvent conclure que sur l’opportunité pour un pays d’être plus ou moins ouvert
que les autres. D’après Siroën (2000), même si ces méthodes présentent certaines
limites, elles devraient permettre une amélioration de la fiabilité des mesures
d’ouverture.

2.3.L’ouverture et les niveaux de productivité


Les industries avec une faible protection commerciale présentent souvent une baisse
de la dispersion de la croissance moyenne de l’efficience, entre les entreprises. De façon
similaire, les industries protégées ont tendance à présenter des différences accentuées de la
productivité. L’interprétation standard de ces résultats est que les forces de concurrence
étrangère conduisent les producteurs domestiques inefficients à exploiter les économies

34
Les coûts de transports, les désajustements de taux de change, les différences d’élasticité prix ou
d’élasticité revenue et les comportements stratégiques des firmes sont tous des facteurs qui expliquent l’écart des
prix.

116
Chapitre 3

d’échelle, à éliminer le gaspillage, à adopter de meilleures pratiques technologiques, ou bien à


disparaître.
Il y a un certain nombre d’auteurs qui ont tenté d’expliquer la corrélation entre
l’efficience et l’ouverture. Il existe quelques preuves montrant que les effets des économies
d’échelle internes ne sont pas la principale raison. Si la libéralisation commerciale force
inefficacement les petites firmes à réduire leurs courbes de coût, on doit observer une
augmentation de la taille des entreprises dans les secteurs compétitifs à l’importation quand la
protection est levée. Cependant, les études de panel au niveau micro (Roberts et Tybout,
1991 ; Tybout et Westbrook, 1995) trouvent que les hausses de pénétration de l’importation
sont associées aux réductions de la taille des entreprises, comme aux réductions de la
protection. En conséquence, la libéralisation peut aller à l’encontre de l’efficience à l’échelle,
au moins à court terme. L’impact de l’ajustement de la taille de ces firmes sur l’efficience est
probablement assez réduit, alors que déjà l’ajustement prend principalement place dans les
grandes entreprises qui opèrent à un niveau de rendements constants dans leurs courbes de
coût.
Malgré une possible présence des économies d’échelle externes, il est improbable
qu’elles justifient la relation entre les effets de l’efficience et la protection. En utilisant des
données de panel au niveau de la firme, Krizan (1997) trouve des rendements à l’échelle
externes dans plusieurs industries marocaines. Ces résultats signifient que les économies
d’échelle externes sont à l’origine des gains de la libéralisation, mais les effets sont assez
faibles. En plus pour obtenir de larges gains ou pertes d’efficience, il faut supposer
d’improbables larges rendements externes.
En résumé, quand la libéralisation commerciale améliore l’efficience productive, elle
est probablement due en grande partie à des améliorations intra- firme qui ne sont pas reliées
aux économies d’échelle externes ni internes.

2.4.L’ouverture et la croissance de la productivité

Les effets dynamiques et statiques de la politique commerciale sont conceptuellement


distincts, puisque les premiers prennent en compte la dimension temporelle. Cependant, toutes
les réponses aux politiques mises en place prennent du temps, même celles qui peuvent être
décrites analytiquement sans modèle dynamique. En effet, en ayant des données micro qui
couvrent des périodes de court terme, il est difficile de faire la distinction entre les
ajustements transitoires en moyen terme des différents niveaux de productivité, des derniers

117
Chapitre 3

changements dans le taux de croissance de la productivité. Nous allons donc nous tourner
vers des modèles dynamiques.
Pour estimer la pertinence des modèles analytiques et dynamiques, on va s’intéresser à
la question suivante : comment se fait la diffusion des technologies ?
- Le transfert des technologies via le commerce : toutes choses étant égales par
ailleurs, les politiques orientées vers l’extérieur sont susceptibles de faciliter la
croissance à long terme si les technologies sont diffusées à travers l’échange
international. Les pays en développement peuvent acquérir de nouvelles
technologies en important les méthodes et les techniques utilisées dans les pays
développés ou simplement en développant des produits intermédiaires et des
moyens de production innovants qui sont acquis sur les marchés étrangers. Ils
peuvent aussi apprendre de leurs clients étrangers avec lesquels ils commercent
les différents designs de produits et les techniques de management. Une fois les
nouvelles technologies étrangères acquises à travers ces diverses voies, elles
peuvent être diffusées aux autres firmes domestiques qui ne sont pas directement
engagées dans le commerce extérieur.
Il existe de très faibles preuves au niveau micro-économétrique de l’augmentation de
la productivité due aux effets de l’importation de produits intermédiaires et de biens
d’équipements sophistiqués, bien que les pays en développement en importent beaucoup.
Plusieurs études (Handoussa, Nishimizu et Page (1986) ; Tybout et Westbrook (1995))
signalent l’existence d’une corrélation positive, mais faibles entre l’accès à l’importation de
produits intermédiaires et la performance. Ces importations peuvent donc être le moyen à
travers lequel le commerce diffuse les technologies.
Plus de preuves détaillées sont nécessaires sur l’acquisition des nouvelles technologies
via les exportations. Plusieurs études, en s’appuyant sur les effets de l’apprentissage par les
exportations, dans une comparaison de la productivité des exportateurs des pays en
développement avec celle des autres pays dans la même industrie, trouvent que les
exportateurs ont de meilleures performances que les non exportateurs. C’est pourquoi la
corrélation dans un échantillon représentatif entre les exportations et l’efficience peut refléter
une causalité dans un sens ou dans l’autre ou dans les deux.
- Le transfert technologique à travers les IDE : Même si elles ne sont pas elles mêmes
innovantes, les filiales des multinationales dans les pays en développement peuvent
transmettre leur expertise aux firmes locales à travers les mêmes canaux de diffusion que ceux
mentionnés en relation avec les exportateurs. En effet, les externalités provenant des IDE

118
Chapitre 3

semblent être bénéfiques pour les pays hôtes, plusieurs études ont montré que les firmes à
participation étrangère sont plus productives que celles appartenant à des concurrents
domestiques (Haddad et Harrison (1993)). Mais la présence des IDE a un impact positif sur la
productivité des firmes locales comme l’ont montré les études du secteur manufacturier de
pays comme l’Australie, le Canada et le Mexique. Il existe en revanche des cas où les effets
externes sont non significatifs comme dans le cas des firmes manufacturières au Venezuela
(Aitken et Harrison (1999)). Ces retombées négatives sur les firmes locales peuvent refléter
les effets défavorables des IDE, à cause de la concurrence et également à cause du fait que les
effets externes des IDE peuvent ne pas être positifs dans les pays en développement, où les
firmes ne possèdent pas une grande capacité d’absorption.

3. Les effets de l’ouverture des entreprises sur les marchés


extérieurs

Dans la théorie classique du commerce international, les gains du commerce sont dus
à la spécialisation selon les avantages comparatifs. Dans la nouvelle théorie du commerce
international, les gains suite aux échanges commerciaux augmentent suite à la combinaison
des économies d’échelle et la diversité de variétés de produits disponibles aux
consommateurs. Cependant, l’analyse empirique de la libéralisation commerciale au niveau
de la firme, apporte une source additionnelle de gains qui est la croissance de la productivité
générée par la contraction et la sortie des firmes les moins productives et l’expansion et
l’entrée sur les marchés à l’exportation des firmes les plus productives. Cette réallocation des
ressources augmente la productivité moyenne de l’industrie.

Dans la littérature récente, le sujet qui a reçu une attention particulière est celui qui
s’intéresse à la relation entre la productivité au niveau de la firme et l’entrée et la survie sur
les marchés d’exportation. Il existe aujourd’hui plusieurs analyses empiriques basées sur les
travaux de Bernard et Jensen (1995), pour de nombreux pays développés et en
développement. L’interaction entre les coûts fixes et l’hétérogénéité des firmes a été l’élément
clé dans ces analyses.

3.1.La relation entre les exportations et la productivité des entreprises

Les théories traditionnelles du commerce international expliquent les échanges de


biens entre pays en termes d’avantage comparatif (les différences des coûts d’opportunité).

119
Chapitre 3

L’avantage comparatif peut intervenir à cause des différences de productivité (avantage


comparatif « ricardien ») ou à cause des différences d’intensité des facteurs entre industries ou
des différences entre pays de facteurs abondants (Heckscher-Ohlin). La théorie traditionnelle
du commerce explique les échanges entre les industries. Par contre, la nouvelle théorie du
commerce international associée à Krugman (1979) et que d’autres ont construit sur
l’hypothèse de concurrence monopolistique de Dixit-Stiglitz, s’intéresse aux firmes. Ainsi,
toutes les firmes exportent, parce qu’elles se spécialisent dans des variétés distinctes
horizontalement, en raison de la préférence des consommateurs pour la variété. Dans ce
cadre, les coûts de l’échange absorbent juste une proportion des revenus des firmes générés
sur les marchés extérieurs, mais ne les empêchent pas de continuer à exporter. Bien que la
nouvelle théorie ait apporté des contributions sur les déterminants du commerce, mais un
monde où toutes les firmes exportent est manifestement très éloigné de ce qu’on voit dans la
réalité, où certaines firmes exportent et d’autres du même secteur n’exportent pas.

Ainsi, dans la nouvelle littérature microéconomique concernant l’exportation, on se


pose la question de savoir pourquoi certaines firmes exportent alors que d’autres non.
L’analyse empirique et théorique sur le sujet apporte des explications sur le processus par
lequel les firmes entrent sur les marchés d’exportation et les bénéfices qui en découlent.

3.1.1. La causalité entre exportation et productivité : l’approche standard

L’axiome selon lequel il existe des coûts fixes d’entrée sur les marchés d’exportation
(recherche de marché, adaptation des produits, mise en place de canaux de distribution…) a
été modélisé initialement par Clerides et al. (1998). Dans leur modèle, les firmes les plus
productives avec de faibles coûts marginaux ont les profits les plus élevés mais ce ne sont pas
toutes les firmes qui exportent. Seules les firmes avec un profit suffisamment élevé pour
couvrir les coûts fixes d’entrée sur les marchés d’exportation peuvent exporter. Ce résultat
amène à la conclusion que l’auto-sélection est fondamentale pour exporter. Ce qui suppose
que les firmes vont augmenter leur productivité avant d’entrer. Ainsi, il existe une relation
directe entre la productivité et le fait d’exporter.

Clerides et al. (1998) ont aussi envisagé la possibilité de l’apprentissage par les
exportations. Ce qui signifie, qu’une fois la firme entrée sur les marchés d’exportation, sa
croissance de la productivité va augmenter encore plus. Les auteurs ont présenté un modèle
avec un déplacement vers le haut du processus stochastique qui détermine la productivité de
la firme.

120
Chapitre 3

Depuis une dizaine d’années plusieurs études ont accordé une attention particulière au
sens de causalité entre l’exportation et les changements de la productivité des firmes. Ces
travaux permettent la comparaison entre les firmes exportatrices et non exportatrices. Les
hypothèses qui sont examinées pour comprendre cette relation sont les suivantes :
- Hypothèse 1 : les entreprises les plus productives vont exporter c’est l’effet
d’auto-séléction .
- Hypothèse 2 : les exportations améliorent la productivité, on
parle alors de l’effet d’apprentissage par l’exportation (learning by
exporting).
Pour comprendre le rôle de l’ouverture internationale, ou plus précisément, le rôle des
exportations dans la croissance de la productivité, il est nécessaire d’étudier la relation de
causalité entre les exportations et les mesures de la performance incluant la productivité. Il
existe deux explications théoriques de la corrélation positive entre l’exportation et la
productivité, qui sont les suivantes :

 Hypothèse 1 : Les firmes les plus productives font de l’auto-sélection sur le marché
orienté à l’exportation. La causalité va dans le sens de la productivité vers l’exportation. En
effet, dans le but de vendre des marchandises à l’étranger, les producteurs doivent supporter
des coûts additionnels comme les coûts de transport, les dépenses de modification pour
s’adapter à la réglementation étrangère et les coûts d’installation pour créer un réseau de
distribution. Avec toutes ces dépenses, seuls les producteurs les plus rentables, sont capables
de couvrir les frais d’entrée sur les marchés extérieurs. Sa validité empirique est mise en
évidence, en examinant, avant d’entrer, la différence de productivité entre les firmes qui
commencent à exporter et les non exportatrices. Si les firmes les plus performantes
deviennent exportatrices, alors on prévoit un résultat montrant des différences significatives
dans la performance entre les futurs exportateurs (starters) et les futurs non exportatrices
plusieurs années avant que quelques une ne commencent à exporter. Pour analyser cette
hypothèse, l’une des méthodes classiques est de sélectionner les firmes qui n’exportent pas
entre la date (t-3) et (t-1), puis de calculer la différence moyenne de la productivité du travail
entre les firmes qui devraient exporter à la date t et celles qui n’exportent pas à la date t, soit :

ln PTit − 1 − ln PTit − 3 = a + β Exportit + cControli 0 + eit

Où PT est la productivité du travail de la firme i à la date (t-1) et (t-3), Export est la variable
muette qui exprime le fait d’exporter ou non (égale à 1 si la firme exporte à la date t et 0

121
Chapitre 3

sinon), Control est le vecteur des variables de contrôle à la date 0 (des variables muettes pour
l’industrie, la région, la taille de la firme et l’année) et e est le terme d’erreur. Le coefficient
β estimé montre si les futures firmes exportatrices sont plus productives que les firmes non
exportatrices pendant les années antérieures à la période d’exportation.

 Hypothèse 2 : L’activité d’exportation augmente la concurrence sur les marchés


étrangers permettant la diffusion technologique et celles des connaissances à travers le pays,
ce qui pousse les firmes à améliorer leurs productivités. En exportant, les entreprises
acquièrent aussi des connaissances transmises par les acheteurs et les concurrents étrangers
bien informés sur les procédures et les produits qui réduisent les coûts, tout en améliorant la
qualité. Ils leur apportent de nouveaux projets et une assistance technique, c’est l’effet
d’apprentissage. Ainsi, le sens de la causalité va de l’exportation vers la productivité. Pour
tester cette hypothèse, il faut analyser la situation après leur entrée, de la différence de
croissance de la productivité entre celles qui commencent à exporter (starters) et les non
exportatrices. Pour cette raison, il faut faire la distinction entre les différentes catégories de
firmes selon qu’elles commencent à exporter à la date t (start) ou qu’elles arrêtent à exporter à
la date t (stop) ou qu’elles exportent pendant toute la période (both) :

- Startit = 1 si ( Exporti 0 = 0) et ( Exportit = 1)

- Bothit = 1 si ( Exporti 0 = 1) et ( Exportit = 1)

- Stopit = 1 si ( Exporti 0 = 1) et ( Exportit = 0) ,

Soit l’équation suivante :

ln PTit − ln PTi 0 = a + β 1Startit + β 2 Bothit + β 3 Stopit + cControli 0 + eit

Pour comparer les exportateurs et les non exportateurs, on analyse le coefficient β 2


estimé.

Pour tester l’hypothèse que l’entrée sur les marchés d’exportation permet d’améliorer
la productivité, on analyse les différences de croissance de la productivité après l’entrée sur
les marchés d’exportation entre les starters et les non exportateurs. Pour cela on analyse le
coefficient estimé β 1 .

122
Chapitre 3

Finalement pour voir la différence de productivité entre les entreprises qui s’arrêtent

d’exporter (stop) et celles non exportatrices, il faut analyser le coefficient β 3 (on s’attend à ce
qu’il soit négatif).
Plusieurs études empiriques ont essayé de montrer la validité de chacune de ces deux
causalités. Les premières études faites sur ce sujet ont montré que les exportateurs sont plus
productifs que les non exportateurs avant de commencer à exporter, ce qui semble indiquer
que la corrélation entre exportation et productivité reflète partiellement un effet d’auto-
sélection. En particulier Clerides, Lach et Tybout (1998) trouvent très peu de preuves que
l’exportation passée améliore la performance des entreprises en Colombie, au Mexique et au
Maroc. Des résultats similaires ont été établis par Aw, Chung et Roberts (2000) et Aw, Chen
et Roberts (1997) pour Taiwan, Bernard et Jensen (1995, 1999b) pour les Etats Unis.

A l’inverse les preuves en faveur des effets d’apprentissage sont plus rares. Les études
mentionnées ci-dessus trouvent aussi que dans la plupart des industries, la différence
d’efficacité entre les exportateurs et les non exportateurs ne croît pas constamment, ce qui
veut dire que l’apprentissage n’est pas un phénomène durable. Cependant, les firmes dans
diverses industries présentent des gains relatifs d’efficacité après être devenues exportatrices,
donc l’hypothèse de l’apprentissage par l’exportation ne peut pas être écartée totalement.
Ainsi l’étude de Clerides, Lach et Tybout (1998) a essayé de répondre aux questions
suivantes : Est ce que les firmes deviennent plus efficientes en devenant exportatrices ? Est ce
que les entreprises exportatrices génèrent des externalités positives pour les producteurs
orientés vers le marché local ? La méthodologie utilisée pour détecter ces effets
d’apprentissage est fondée sur l’idée que si exporter génère des gains d’efficience, alors les
firmes qui commencent à exporter vont présenter un changement dans leur processus
stochastique qui gouverne la croissance de leur productivité. Donc les trajectoires de leur
productivité doivent s’améliorer après l’entrée sur les marchés étrangers. De même, si la
présence des exportateurs génère des externalités positives, les firmes non exportatrices dans
la région où l’industrie est concernée devraient présenter des changements de leur coût quand
le nombre d’exportateurs augmente.

Chaque entrepreneur fait face à des coûts et à un processus de demande étrangère, et


choisit une période pour participer aux marchés étrangers. Leur décision doit prendre en
compte les coûts fixes de démarrage. L’apport de Clerides, Lach et Tybout consiste à
examiner comment le « learning by exporting » affecte la trajectoire de la productivité des
exportateurs ou des firmes qui ont changé de statut pendant la période, c'est-à-dire qui sont

123
Chapitre 3

entrées sur les marchés d’exportation ou qui en sont sorties. Précisément les auteurs
comparent les trajectoires de productivité de ces diverses populations.

En vue de voir la forme finale des solutions, les auteurs ont essayé de discuter leurs
implications en utilisant des simulations. Sous certaines hypothèses de chocs exogènes de la
productivité et de la demande, les simulations montrent que :

 Les non exportateurs qui bénéficient des plus grands chocs positifs de
productivité entreront sur les marchés étrangers (effet d’auto-sélection).

 Les exportateurs qui subissent des chocs négatifs de productivité devront sortir
des marchés étrangers.

 La présence des effets de « learning by exporting » permet aux firmes d’améliorer


leur productivité après qu‘elles soient devenues exportatrices.

Ces résultats vont permettre d’examiner la performance des producteurs colombiens,


mexicains et marocains. Les auteurs commencent par comparer la trajectoire de la
productivité des producteurs entrants sur les marchés étrangers avec celle des non
exportateurs, des exportateurs déjà existants et des firmes sortantes du marché étranger. La
productivité est mesurée en utilisant la variable de coût moyen et la productivité du travail. La
comparaison révèle que les firmes qui deviennent exportatrices ont déjà une productivité
élevée avant d’entrer sur les marchés étrangers et que leur efficacité relative n’augmente pas
systématiquement après que les ventes à l’étranger aient commencé.

Les auteurs vont effectuer aussi des tests économétriques sur les effets d’apprentissage.

Pour tester si l’association entre l’exportation et l’efficience reflète plus qu’une auto-
sélection, les auteurs ont estimé simultanément une fonction de coût autorégressive avec une
équation dynamique. Celle-ci caractérise les décisions de participation aux marchés à
l’exportation. Les résultats montrent que le « learning by exporting » existe uniquement dans
les industries de l’habillement et du cuir au Maroc, alors que l’expérience résultant de
l’exportation pour les autres n’a eu aucun effet sur les coûts.
Concernant les externalités, les auteurs ont trouvé que la présence d’entreprises déjà
exportatrices peut faciliter le changement d’orientation des firmes qui vendent sur le marché
local, dans le sens d’un mouvement vers les marchés étrangers. Ils ont aussi montré que,
toutes choses étant égales par ailleurs, les coûts de production deviennent plus faibles dans les
régions de la Colombie où il y a eu une augmentation de l’activité d’exportation. Une
interprétation possible est que les exportateurs deviennent plus efficients en étant présents sur

124
Chapitre 3

les marchés étrangers, mais les producteurs orientés vers les marchés locaux sont capables de
bénéficier de ces réductions de coût.
Bernard et Jensen (1999b) dans leur étude des firmes américaines ont trouvé que la
croissance de la productivité des firmes exportatrices n’est pas significativement différente de
celle des non exportatrices, et ce résultat est indépendant de la mesure choisie de la
productivité, soit la productivité du travail, soit la productivité totale des facteurs. Bien que
Bernard et Jensen (1999b) signalent que les nouveaux entrants sur le marché à l’exportation
ont connu des améliorations de leur productivité au voisinage de la période d’entrée, ces gains
ont été de courte durée. En faisant des tests sur la performance antérieure à la période
d’exportation, les auteurs ont constaté que :
• Sur un horizon d’une année les exportateurs ont connu des améliorations
significatives de leurs performances (emploi, ventes, productivité) ;
• Pour des intervalles de temps plus longs, les bénéfices des exportateurs
sont difficiles à localiser et se limitent à la croissance de l’emploi.
L’hypothèse d’auto-sélection est basée sur la comparaison entre les firmes
exportatrices et les non exportatrices.
Une étude similaire existe sur la Corée de Aw, Chung et Roberts (2000), dans laquelle
ils signalent qu’ils n’ont trouvé aucune preuve forte qui supporterait l’hypothèse d’auto-
sélection ou celle de learning by exporting. Ce résultat concernant la Corée est très différent
de celui des autres pays et contredit ceux de l’étude empirique de Chin Hee Hahn (2004) qui
présente une corrélation solide et robuste. Les auteurs proposent deux explications pour
l’absence de productivité fondée sur les effets d’auto-sélection :
- Quand la profitabilité attendue à long terme est un facteur qui influence la
décision d’exporter, la productivité peut ne pas être un bon indicateur pour mesurer la
performance des entreprises coréennes à cause de l’hétérogénéité des producteurs.
- La subvention accordée par le gouvernement coréen aux secteurs exportateurs,
perturbe le lien qui pourrait exister entre productivité et décision d’exporter.
En prenant en compte les différentes études sur la relation entre l’ouverture et la
croissance, il faut essayer d’expliquer comment l’ouverture économique améliore le niveau de
productivité à long terme et le taux de croissance, dans une optique d’étude des opportunités
qu’offre l’ouverture.

125
Chapitre 3

L’étude de Chin Hee Hahn (2004) analyse la relation entre les exportations et les
différentes mesures de la performance, incluant la productivité totale des facteurs (TFP), au
niveau des entreprises manufacturières coréennes.
Il a montré l’existence des deux effets, qui sont d’ailleurs plus prononcés durant la
période d’entrée et de sortie du marché à l’exportation que dans la période où elles sont
présentes. Cette corrélation positive et significative entre l’exportation et la TFP a été justifiée
par les effets d’apprentissage et de sélection.
Pour montrer l’effet d’auto-sélection, Chin Hee Hahn a commencé par examiner et
comparer les différentes caractéristiques des firmes exportatrices et non exportatrices, avant
de commencer à exporter, telles que l’emploi, les ventes, la production par travailleur, la
valeur ajoutée par travailleur, la TFP, le capital par travailleur, le salaire moyen, la part de
recherche et développement dans les ventes, la part des exportations dans les ventes, la
croissance des exportations. Il a divisé l’échantillon en deux sous périodes de 1990 à 1994 et
de 1995 à 1998, puis il a sélectionné toutes les firmes qui n’exportent pas pendant la première
période, ensuite il a comparé les niveaux initiaux et les taux de croissance des mesures de
performance pour les exportateurs et les non exportateurs à ceux de l’année finale 1994.
Enfin, il a comparé les TFP de 1990 entre deux groupes de firmes, celles qui commencent à
exporter en 1994 et continuent par la suite et celles qui n’ont jamais exporté tout au long de la
période de 1990 à 1998.
Pour montrer l’effet de learning by exporting, l’auteur doit examiner si les
exportations améliorent la performance durant des horizons de temps différents. Dans ce cas
la mesure de performance la plus intéressante est la TFP, car si des retombées technologiques
ou de connaissances sont associées à l’activité d’exportation, elles devraient se traduire en
premier lieu dans la TFP. Il a considéré dans l’analyse deux autres variables qui sont l’emploi
et la valeur des ventes. Pour cela, il a classé les firmes en 5 catégories qui sont :
 Les firmes qui exportent tout au long de la période d’analyse :
« always » ;
 Les firmes qui n’ont jamais exporté : « never » ;
 Le groupe qui est sorti du marché à l’exportation et n’est plus rentré de
nouveau : « stopper » ;
 Le groupe qui a commencé à exporter au début de la période et le reste
par la suite : « starter » ;
 Les firmes qui ont changé de situation plus que 2 fois durant la période
étudiée : « others ».

126
Chapitre 3

Les résultats trouvés montrent que l’effet d’apprentissage est de court terme au niveau
des producteurs pris individuellement, mais au niveau de l’économie dans son ensemble,
exporter permet l’amélioration de la productivité agrégée.

3.1.2. Les contributions théoriques et empiriques récentes sur la relation


exportation- productivité

Les évolutions de l’ancienne et de la nouvelle théorie du commerce ont permis le


développement de modèles théoriques plus riches qui insistent sur l’importance de
l’hétérogénéité des firmes à générer du commerce international et à induire la croissance de la
productivité agrégée. Ces modèles proposent des explications à quelques travaux empiriques
et leurs analyses occupent aujourd’hui une large part des sujets de recherche sur le commerce
international. Bernard, Eaton, Jensen et Kortum (2003) ont développé un modèle dans lequel
ils introduisent l’hétérogénéité au niveau de l’entreprise dans un modèle statique en adaptant
un modèle ricardien d’avantages comparatifs spécifiques à la firme.
Une nouvelle catégorie de modèles est présentée par Melitz (2003), dans laquelle il
introduit l’hétérogénéité des firmes dans le modèle de Krugman (1980) du commerce intra
industrie. Le modèle de Melitz (2003) est considéré comme fondamental car il a lié
l’hétérogénéité des firmes à la productivité de l’industrie, avec l’exportation comme facteur
clé de ce processus. Son travail a stimulé une grande partie de l’analyse des implications de
l’hétérogénéité de la firme dans plusieurs champs du commerce international.
Dans la plupart des modèles théoriques, les décisions d’entrée sur le marché des
exportations sont déterminées par la combinaison entre les effets liés aux coûts fixes et ceux
reposant sur la productivité de la firme. Mais les études empiriques correspondantes ont
introduit d’autres caractéristiques de la firme comme la taille, l’âge, le capital humain,
l’intensité capitalistique, la propriété du capital, etc. La prise en compte de ces facteurs a été
validée empiriquement. Même s’il y a des différences dans la méthodologie utilisée, les
résultats sont dans la plupart du temps robustes, comme l’atteste Wagner (2007).

a. Les modèles théoriques avec hétérogénéité des firmes

Melitz (2003) a construit un modèle dynamique au niveau de l’industrie avec des


firmes hétérogènes dans des industries en concurrence monopolistique (Dixit-Stiglitz). Dans
ce modèle, les firmes potentiellement compétitives supportent des coûts fixes pour entrer sur
les marchés d’exportation. Ces entrants potentiels font face à l’incertitude concernant leur

127
Chapitre 3

productivité dans l’industrie. Une fois les coûts d’entrée payés, la productivité de la firme est
obtenue comme résultat d’une distribution de probabilité. Ceci-ci détermine si la firme de fait
produit et exporte ou non. Les exportations augmentent les profits attendus, ce qui induit plus
d’entrées sur le marché des exportations et pousse les firmes les moins efficaces à sortir. De
plus, les coûts de l’exportation sont tels que, pour les firmes déjà existantes dans une
industrie, seules celles qui dégagent une productivité supérieure à un certain seuil trouvent
profitable d’exporter.
Dans ce modèle, la réduction des barrières à l’échange augmente les profits que les
exportateurs existants peuvent gagner sur les marchés extérieurs et réduit le niveau du seuil de
productivité à l’export à partir duquel l’entreprise exporte. La demande de travail au sein de
l’industrie va augmenter, grâce à l’expansion des exportateurs existants et grâce à l’entrée des
nouvelles firmes. Cette augmentation de la demande de travail fait monter les prix des
facteurs et réduit les profits des firmes non exportatrices. Cette baisse des profits sur le
marché domestique pousse certaines firmes ayant une faible productivité à sortir du marché.
Cette sortie des firmes les moins productives, et la réallocation de l’emploi vers les firmes les
plus productives, vont permettre l’augmentation de la productivité moyenne au sein de
l’industrie. De plus, exporter permet une expansion des firmes les plus productives et la
contraction des firmes les moins productives. Cet effet de réallocation permet d’améliorer la
productivité moyenne de l’industrie.
Les modèles avec hétérogénéité des firmes permettent de traiter de nombreuses
questions sur le plan empirique. Ils mettent en évidence les interactions entre l’hétérogénéité
des firmes et le commerce international, avec l’avantage d’une meilleure productivité pour les
exportateurs expliqué par l’auto-sélection des firmes les plus productives pour l’exportation.
La réallocation des ressources des firmes les moins productives vers les firmes les plus
productives génère des améliorations de la productivité agrégée. Durant ce changement, les
exportateurs vont augmenter plus rapidement que les non exportateurs en termes de taille et
d’emploi. Les modèles décrivent simultanément une destruction et une création d’emplois au
sein des industries à cause de la sortie des firmes les moins productives et l’expansion des
plus productives.
Le modèle de Bernard, Eaton, Jensen et Kortum (2003) apporte un éclairage différent
de celui de Melitz (2003). Dans leur modèle, les firmes sont en concurrence monopolistique.
Chaque pays réunit de multiples producteurs potentiels de chaque bien avec des niveaux de
productivité différents. Les différences entre firmes se situent dans leur niveau de marge (la
différence entre le prix et le coût marginal), sachant que les rendements d’échelle sont

128
Chapitre 3

constants. Les auteurs ont montré que la levée des barrières aux importations permet une
réduction des prix des intrants importés, ce qui entraine une baisse du prix du bien. La
diminution des coûts de production permet aux firmes d’appliquer des prix plus bas, poussant
les firmes non exportatrices à faible productivité à sortir du marché, en raison de
l’intensification de la concurrence des importations. Mais cette baisse des coûts de l’échange
va permettre aux entreprises à forte productivité d’entrer sur les marchés d’ exportation.
Le modèle de Melitz (2003) est actuellement développé de différentes façons.
Helpman et al. (2004) ont apporté une extension au modèle de base en considérant la décision
d’établir une filiale à l’étranger. L’hétérogénéité des firmes permet de faire la différence entre
les firmes d’une même industrie et de déterminer laquelle exporte et laquelle devient une
multinationale. Comme on l’a vu précédemment les coûts fixes d’entrée sur les marchés
d’exportation incluent les coûts de distribution, de recherche de marché, etc, en plus des coûts
de transport. Les coûts fixes des investissements directs étrangers (IDE) sont la duplication
des coûts pour mettre en place une usine nouvelle semblable à l’usine domestique. Ces coûts
sont supposés être plus importants que ceux relatifs à l’entrée sur les marchés d’exportation.
Ainsi, l’hétérogénéité de la productivité assure l’auto-sélection des firmes, puisque seules les
firmes les plus productives deviennent des multinationales. Celles avec une productivité
moyenne vont exporter et les moins productives vont rester sur le marché domestique.
D’autres travaux ont apporté des extensions au modèle de Melitz, en prenant en
compte les asymétries entre pays. Melitz et Ottaviano (2003) ont examiné les différences au
niveau de la concurrence entre pays (contrôlés par les différences de taille) suite à une
libéralisation commerciale. Ils ont trouvé qu’à cause d’une concurrence plus intense dans un
grand pays, le choix des produits est plus important, la productivité moyenne est plus élevée,
mais la survie des firmes est faible à cause des nouveaux entrants, dont la probabilité de sortie
est plus élevée.
Plus récemment, Yeaple (2005) a présenté un modèle différent des modèles de Melitz
(2003) et Bernard et al. (2003), puisqu’il considère que l’entrée des firmes sur les marchés
d’exportation n’est pas exogène. Il présente un modèle statique à un seul facteur de
production avec produits différenciés. Il a introduit un modèle avec des firmes homogènes,
avant qu’elles n’entrent sur le marché des exportations, qui investissent dans les nouvelles
technologies. Mais ces firmes diffèrent selon leur coût de revient unitaire. L’existence de
travailleurs avec des niveaux de compétences différents sur un marché de travail en
concurrence parfaite, implique que certaines firmes vont adopter des technologies à faibles
coûts et d’autres des technologies, à coûts élevés. Contrairement aux modèles précédents,

129
Chapitre 3

l’hétérogénéité du modèle de Yeaple (2005) repose sur le fait que les firmes prennent des
décisions différentes au regard des technologies utilisées.
Dans ce cadre, quand l’économie est ouverte, l’échange international est coûteux.
Puisque les firmes qui souhaitent exporter vont devoir faire face à un coût fixe et un coût de
transport. Donc elles doivent choisir de s’engager ou non dans le commerce international en
plus de servir le marché domestique. Seules celles qui utilisent des technologies à plus bas
coût de revient par unité, et qui, par conséquent peuvent vendre une grande quantité à un prix
rentable, entrent sur les marchés d’exportation. Ainsi, seules les firmes produisant avec de la
haute technologie vont pouvoir exporter. Ces firmes qui exportent sont donc les plus grandes,
celles qui utilisent la technologie la plus avancée et payent des salaires plus élevés.
Ainsi, une baisse du coût de l’échange peut pousser centaines firmes à passer d’une
technologie à coût élevé vers une technologie à faible coût, ce qui se traduit par une
augmentation de la productivité mesurée au niveau de la firme.
Comme on l’a déjà vu, la théorie insiste sur les différences des caractéristiques de
performance entre les exportateurs et les non exportateurs. Mais est ce que ces différences
résultent de la décision d’exporter ou est ce que seules les firmes les plus efficaces deviennent
exportatrices ? Cette question de causalité entre exportation et productivité est apparue en
partie dans le débat sur la relation entre ouverture et croissance au niveau macroéconomique,
mais elle a été plus particulièrement traitée dans la littérature microéconomique sur les
exportations.

ii. L’effet d’auto-sélection


Les arguments en faveur de l’auto-sélection ont été mis en évidence par Bernard et
Jensen (1999, 2004a). Pour savoir si l’auto-sélection existe il faut partir de la comparaison
entre les entreprises exportatrices et non exportatrices et sur la différence dans la performance
des firmes nouvellement entrées sur les marchés d’exportation, autour de la période d’entrée.
Les entrants futurs possèdent les caractéristiques appropriées qui leurs permettent d’exporter
et d’accroître plus vite leur productivité que les non exportateurs. Mais après une courte
période elles deviennent non distinguées des autres firmes exportatrices.
Les études (Bernard et Jensen (1999) ; Clerides, Lach et Tybout (1998) ; Aw, Chung
et Roberts (2000)) qui se sont intéressées à ce sujet ont montré que la productivité des firmes
augmente avant qu’elles n’entrent sur le marché des exportations. Mais cette augmentation est
faible sur la période qui suit l’entrée sur les marchés d’exportation

130
Chapitre 3

Pour savoir si les nouveaux exportateurs apparaissent déjà comme ayant les
caractéristiques appropriées qui leur permettent de devenir exportateurs, on peut tester si
l’augmentation de la productivité associée à l’entrée sur les marchés d’exportation est
expliquée par la décision de devenir exportateur.
Pour mettre en évidence cet effet d’auto-sélection, il faut étudier les caractéristiques
initiales de la firme qui affectent sa probabilité de commencer à exporter. On estime
l’équation suivante:

Pr( X it = 1 / X it − 1 = 0) = F ( β Z it − 1 + η s + η t + eit ) (1)

Avec X it est une variable muette égale à 1 si la firme exporte en t. Z it − 1 est le vecteur
des caractéristiques de la firme en t-1 (PTF, taille, capitaux étrangers, licences étrangères, âge

et l’intensité capitalistique). η s et η t sont des variables muettes indiquant le secteur et le

temps. eit est l’erreur de mesure.


Malgré, l’abondance des travaux empiriques mettant en évidence l’effet d’auto-
sélection, il existe très peu d’études récentes qui expliquent les sources de croissance de la
productivité avant l’entrée sur les marchés d’exportation. Une des explications possibles est
que les firmes augmentent leur productivité dans l’intention de devenir des firmes
exportatrices, appelée processus d’auto-sélection consciente.

iii. L’effet d’auto-sélection consciente

Les travaux théoriques, comme ceux de Melitz (2003) et Bernard et al. (2003),
supposent que la productivité est exogène et montrent que seules les firmes les plus
productives peuvent entrer sur les marchés étrangers en ayant les moyens de supporter les
coûts de l’échange fixes et/ou variables. Dans ce contexte, la politique commerciale peut
affecter la productivité en permettant une réallocation de la production des firmes les moins
productives vers les firmes les plus productives. Cependant, dans ce cas, il n’y a pas d’effet
sur la productivité au niveau de la firme.
Lopez (2004) a proposé l’idée que l’auto-sélection dans les pays en développement
puisse être un processus conscient par lequel les firmes augmentent leur productivité, avec
l’objectif explicite de devenir des firmes exportatrices. La raison principale est que dans ces
pays les biens produits pour les marchés d’exportation, en particulier ceux des pays

131
Chapitre 3

développés, sont souvent d’une meilleure qualité que les biens similaires produits pour le
marché local. Ainsi, les firmes qui veulent se focaliser sur les marchés internationaux ont
besoin d’acheter de nouvelles technologies et d’investir dans de nouveaux capitaux pour
pouvoir produire un bien de meilleure qualité destiné à l’exportation. L’introduction de ces
nouvelles technologies augmente la valeur de l’output produit par les exportateurs, d’où
l’augmentation de la productivité mesurée relativement aux firmes non exportatrices, sachant
que celles-ci continuent à produire des biens de faible qualité pour le marché domestique.
Lopez (2004) a développé un modèle simple dans lequel les firmes investissaient dans
de nouvelles technologies dans l’intention de devenir des firmes exportatrices. L’adoption de
ces technologies nécessite de la maîtrise et de l’apprentissage, que seules les firmes les plus
productives peuvent accomplir. Ainsi, l’auteur montre qu’il existe certes de l’auto-sélection,
mais que celle-ci implique une décision consciente pour augmenter la productivité. Ainsi,
l’idée que l’entrée sur les marchés d’exportation est un processus non exogène a été appuyée
théoriquement par le modèle de Yeaple (2005).
Pour analyser l’hypothèse d’auto-sélection consciente, Alvarez et Lopez (2005)
proposent d’étudier le comportement des firmes qui font la transition en produisant
exclusivement pour le marché domestique en les comparant à celles produisant pour le
marché des exportations, comparées aux firmes non exportatrices. Si cette hypothèse est
correcte, on devrait observer que les firmes qui font la transition font des investissements dans
de nouvelles technologies qui leur permettent de produire des biens de haute qualité. Ainsi,
les firmes qui deviennent exportatrices dans le futur doivent commencer par investir dans du
capital physique avant d’entrer sur les marchés d’exportation. Ils estiment donc la même
équation (1) que celle de l’effet d’auto-sélection, en ajoutant l’investissement comme variable
qui affecte la décision d’exporter.
L’intervention de l’Etat pour promouvoir les exportations (zones de libre échange,
incitations fiscales,…) est un engagement très répandu dans l’établissement des nouvelles
politiques commerciales, qui a été historiquement porté par l’idée que la croissance des
exportations et la croissance de la production sont positivement corrélées. La littérature
empirique a permis d’appuyer cette corrélation positive, en prenant comme argument
l’évidence macroéconomique. Au niveau microéconomique, Lopez (2005) a affirmé cette
preuve empirique. Il affirme que même si l’auto-sélection des firmes est la clé pour entrer sur
les marchés d’exportation, elle peut, cependant, être une auto-sélection consciente,
spécialement dans les pays en développement. En effet, il appuie l’idée que les firmes
améliorent consciemment leur productivité, en ayant à l’esprit l’ouverture sur les marchés

132
Chapitre 3

extérieurs, plutôt que les meilleures firmes entrent sur les marchés d’exportation. Ainsi,
l’intervention de l’Etat en réduisant les barrières à l’exportation peut stimuler plus l’effet
d’auto-sélection consciente et permet ainsi une augmentation de la productivité.

iv. La mesure des effets de


l’apprentissage par l’exportation

En suivant les travaux de Bernard et Jensen (1999) et Clerides et al. (1998), la


littérature a utilisé principalement deux méthodes pour mesurer les effets de l’apprentissage
par l’exportation.
- La première méthode consiste à séparer l’échantillon en deux groupes distincts, les
exportateurs et les non exportateurs, pour mettre en évidence les différences entre les
performances des firmes des deux groupes. On considère cette équation expliquant la mesure
de performance de la firme i à l’année t :

ln Yit = α 0 + α 1 Di 0 + α 2 ' Z i 0 + β 0 t + β 1 Di 0 t + β 2 ' Z i 0 t + ω i + η it (25)

Avec Yit la performance (productivité du travail ou productivité totale des facteurs) de la

firme i ; Di 0 une variable indicatrice égale à 1 si la firme appartient au groupe « treatment » et


égale à 0 si la firme appartient au groupe de contrôle durant l’année de base t = 0 ;
Z i 0 est un vecteur des caractéristiques observables de la firme (taille, appartenance à

l’industrie pendant l’année de base) ;


t est l’évolution du temps ;
ω i est inobservable, c’est un effet non variable dans le temps de la firme ;

η it est l’erreur de mesure.

En prenant les différences moyennes annuelles entre t = 0 et T, on obtient :


1
∆ ln Yit ≡ ( ln YiT − ln Yi 0 ) = β 0 + β 1 Di 0 + β 2 ' Z i 0 + ε it (26)
T
Avec, ε iT ≡ η iT − η i 0 . La différence des différents estimateurs βˆ1 mesure la différence
moyenne de la performance entre les firmes appartenant au groupe « treatment » et les firmes
appartenant au groupe de contrôle, Après avoir tenu compte de la tendance générale
influençant la performance de toutes les firmes de façon égale, la tendance de la performance

133
Chapitre 3

est reliée aux caractéristiques observables de la firme et aux effets de la firme non observables
et non variables dans le temps.
Plusieurs variantes de l’équation (26) ont été estimées dans la littérature, en utilisant
des données des pays industrialisés et des pays en développement, en considérant des groupes
divers de « treatment » et de « contrôle » et différents horizons de temps (T). Par exemple
Bernard et Jensen (1999) définissent leurs groupes de « treatment » comme les firmes
manufacturières américaines qui exportent à l’année du début de l’échantillon et estiment
l’équation (26) en utilisant différentes périodes de temps (1984-1988), (1989-1992) et (1984-
1992) et différents horizons de temps, le court terme (T=1), le moyen terme (T=3,4) et le long
terme (T=8).
Une extension de l’équation (1) développée dans la littérature a consisté à inclure plus qu’une
variable indicatrice identifiant différents groupes « treatment ». Bernard et Jensen (1999), par
exemple, considèrent trois groupes :
1) Les firmes qui n’exportent pas à t = 0, mais exportent à t = T, ce sont les entrants ;
2) Les firmes qui exportent dans les deux années, ce sont les exportateurs permanents ;
3) Les firmes qui exportent à t= 0 et n’exportent pas à t = T, ceux qui abandonnent.

Le groupe de « contrôle » est constitué par les firmes qui n’exportent dans aucune année.

Une autre extension développée dans la littérature a consisté dans le fait de


sélectionner le groupe « treatment » et celui de « contrôle » à partir des sous ensemble des
firmes de l’échantillon. Par exemple, Aw et al. (2000) utilisent des données au niveau de la
firme sur trois années non consécutives pour la Corée et Taiwan et ils considèrent :
i/ Les régressions où seuls les entrants sur le marché à l’export appartiennent au groupe
« treatment » et les non exportateurs sont le groupe de « contrôle », en excluant ceux qui
abandonnent et les exportateurs permanents de l’estimation ;
ii/ Et les régressions où ceux qui abandonnent appartiennent au groupe « treatment » et les
exportateurs permanents au groupe de contrôle, en excluant les entrants et les non
exportateurs de l’estimation.

Alors que tous les chercheurs ont estimé des variantes de l’équation (26) en utilisant
les MCO, Delgado et al. (2002) utilisent une méthode non paramétrique pour comparer les
distributions de la croissance de la productivité pour les exportateurs et les non exportateurs
manufacturiers espagnols durant la période (1991-1996). L’estimation est exécutée

134
Chapitre 3

séparément pour les sous ensembles de grandes et petites firmes. Les auteurs ne peuvent pas
rejeter l’hypothèse nulle que la croissance de la productivité est plus importante pour les
exportateurs que pour les non exportateurs quand l’échantillon inclut uniquement des firmes
jeunes (celles qui ont commencé leurs processus de production entre 1986 et 1991). Ce
résultat est valide pour les petites et grandes firmes jeunes.

L’innovation la plus récente dans la mesure des effets de l’apprentissage par


l’exportation à travers les comparaisons des différents groupes a consisté dans l’utilisation des
méthodes permettant de contrôler plus précisément les différences entre les firmes dans les
groupes « treatment » et de « contrôle ». Comme la littérature sur les méthodes d’évaluation
pour les données non expérimentales le suggère, la comparaison appropriée pour évaluer les

effets d’entrée sur le marché à l’export nécessite une démarche contrafactuelle. On note ∆ YiT
1

la performance entre t = 0 et T de la firme qui entre sur le marché à l’export a t=τ

(0 ≤ τ < T ) et ∆ YiT0 la performance hypothétique de la même firme qui n’avait pas

commencé à exporter. L’effet d’entrée est capté par ∆ YiT − ∆ YiT . Nous pouvons essayer de
1 0

connaître l’effet moyen résultant du fait de commencer à exporter sur la performance défini
comme étant la différence attendue pour les sous ensembles de firmes qui sont entrées
actuellement sur le marché à l’export :
[ ]
E ∆ YiT1 − ∆ YiT0 / Diτ = 1 = E[∆ YiT1 / Diτ = 1] − E[∆ YiT0 / Diτ = 1]

Cependant le dernier terme représente la performance (productivité), que la firme qui


n’exporte pas, aurait eu en moyenne à la période T si elle avait commencé à exporter en t. Or
ce terme est inobservable.
Ce que l’on observe est la différence de performance entre les entrants et les non

exportateurs, E[∆ YiT / Diτ = 1] − E[∆ YiT / Diτ = 0] . Cependant, cette différence apporte une
1 0

faible estimation de la relation de cause à effet de l’entrée sur le marché à l’export sur la
performance si, la théorie et la preuve empirique, suggèrent que les exportateurs ont des
caractéristiques très différentes des non exportateurs. Des méthodes adaptées identifient un
sous ensemble de non exportateurs qui est similaire à la population des entrants sur le marché
à l’export avant d’y entrer, où les similarités sont basées sur les caractéristiques observables
de la firme. Girma et al. (2004), Arnold et Hussinger (2005) et De Loecker (2004) utilisent la
méthode d’appariement par les scores de propension (propensity score matching) pour
sélectionner les sous ensembles appropriés de firmes qui commencent à exporter et celles qui

135
Chapitre 3

n’exporteront pas sur la base d’un certain nombre de caractéristiques observables communes
avant l’entrée. Cette méthode nécessite l’estimation d’une régression probit pour expliquer la
probabilité d’entrée sur le marché à l’export.
Pr( Dit = 1 / Dit − 1 = 0) = F ( β Z it − 1 + η l + ε it )

Avec Dit est une variable muette égale à 1 si la firme commence à exporter en t, Z it − 1

est le vecteur des caractéristiques, η l celui des variables muettes indiquant la localisation et

ε it l’erreur de mesure.
Or ces méthodes d’appariement ne permettent qu’une analyse année par année. Alors
pour voir ce qui se passe, on regroupe les entreprises exportatrices et les entreprises de
contrôle (non exportateurs) déjà identifiées, puis on estime soit de façon non paramétrique
soit paramétrique les différences de performance entre deux périodes. Il s’agit donc de
calculer la différence entre la productivité moyenne avant et après avoir commencé à exporter
( ∆ ln Y ).
- La deuxième méthode de mesure des effets de l’apprentissage par l’exportation consiste à
ajouter à la régression une ou plusieurs variables indicatrices de participation à l’export
décalées expliquant la mesure de performance de la firme. Par exemple, Clerides et al. (1998)
régressent le coût variable moyen sur la participation à l’export décalée en contrôlant avec le
taux de change réel, le stock de capital décalé et le coût variable moyen décalé. Kraay (1999)
a régressé trois mesures alternatives de la performance (la productivité du travail, la PTF et
les coûts unitaires) sur la participation à l’export décalée, la performance décalée et les effets
fixes de la firme. Bigsten et al. (2004) et Van Biesebroeck (2004) estiment une fonction de
production avec une variable indicatrice de participation à l’export décalée ajoutée comme un
changement de PTF. Une régression représentative de la seconde méthode est donnée par
l’équation suivante :
ln Yit = β 0 t + β 1 Dit − 1 + β 2 ln Yit − 1 + β 2 ' X it + ω i + ε it (27)

Avec Dit − 1 variable indicatrice égale à 1 si la firme exporte à t-1 et 0 sinon ;


X it est un vecteur qui inclut les variables variant dans le temps (le stock de capital ou le

nombre de travailleurs) et les caractéristiques fixes de la firme (appartenance sectorielle) ;


ω i est un effet de la firme non variable dans le temps ;

ε it est un choc de performance variable dans le temps.


Le problème économétrique majeur avec l’équation (27) est que la décision de
participation à l’export est endogène parce qu’exporter est positivement corrélé à la

136
Chapitre 3

performance ; par conséquent, si ε it est important, le coefficient βˆ1 capte les effets des chocs
de performance passés favorables. Pour remédier au problème d’endogénéité on peut estimer
l’équation (27) en utilisant des variables instrumentales ou les MMG. Kraay (1999) a estimé

une variante de cette équation en différences premières sous les hypothèses suivantes : ε it est
identiquement distribué et la décision de participation à l’export est prédéterminée :
E[ Dit * ε is ] = 0 pour tous les s>t. Il faut noter que la dernière hypothèse admet que la

participation à l’export est positivement corrélée avec les chocs de performance passés et
présents. Van Biesebroeck (2004) estime aussi une variante de l’équation (27) en utilisant
l’estimateur MMG de Blundell et Bond (1998).
Une autre méthode qui traite du problème d’endogéneité de la participation à l’export
consiste à estimer l’équation (27) simultanément avec une autre équation expliquant la
décision de participer au marché à l’export. Cette approche a été utilisée par Clerides et al.
(1998). Ils ont estimé les deux équations en utilisant toute l’information du maximum de
vraisemblance. Un résultat important de l’étude de Brigsten et al. (2004) est que le résultat de
ce type d’estimation n’est pas robuste avec l’hypothèse sur les termes d’erreur.
Les auteurs pensent que le phénomène de l’apprentissage par l’exportation est relié à
l’intensité d’exposition à de nouveaux défis. Par conséquent, un aspect important de leur
méthodologie est de capter l’apprentissage par l’exportation en utilisant des mesures de
l’expérience à l’export qui nous renseignent non seulement sur la question de savoir si la
firme a participé ou non aux marchés à l’export dans le passé mais aussi sur l’intensité et la
persistance dans le temps de l’exposition des firmes aux marchés à l’export.

3.2.La relation entre la croissance de la productivité et le mouvement de


rotation des producteurs

L’efficacité des producteurs individuels au sein d’une même industrie diffère. Ainsi la
réallocation des ressources depuis les producteurs les moins efficaces vers les plus efficaces
offre un potentiel pour améliorer la performance économique moyenne de la branche.
Il est intéressant de rappeler que la réallocation des ressources provient de trois
sources différentes35 qui sont :

35
Voir l’article de Tybout, James R. et Roberts, Mark J., “ Producer turnover and productivity growth
in developing countries.” The World Bank Research Observer, Vol. 12, N°. 1, Février 1997.

137
Chapitre 3

• Les changements structurels à long terme au niveau de la technologie, des


dotations et de la demande : Ils génèrent en même temps une expansion de la
production et attirent de nouveaux producteurs dans quelques secteurs, et
induisent une contraction de la production et la sortie des producteurs vers
d’autres secteurs. Typiquement, les secteurs industriels dans les pays en
développement se désengagent graduellement des opérations l’assemblage des
biens manufacturés à faible intensité technologique et s’orientent vers des
produits plus sophistiqués qui sont relativement intensifs en capital humain et
en capital physique.
• Les fluctuations cycliques : elles surviennent à partir des changements des
conditions macroéconomiques ou des chocs sur les marchés externes. Leurs
effets sont particulièrement ressentis dans les industries à faibles coûts fixes,
car dans ce cas les entrées éclairs peuvent être profitables. Une des méthodes
pour quantifier les flux des ressources au niveau microéconomique est
d’étudier les créations et les destructions d’emploi. En effet, dans les pays en
développement les taux de création d’emploi sont plus sensibles que les taux
de destruction d’emploi aux fluctuations de l’activité économique agrégée,
selon qu’il s’agisse d’une période d’expansion ou de contraction. Alors, la
dominante cyclique consiste en une large augmentation dans la création de
nouvelles opportunités d’emploi durant les périodes d’expansion. Une
interprétation possible est que l’accès limité aux marchés financiers dans ces
pays, force les firmes à compter plus sur leur finance interne, ainsi expansion
et entrée sont plus sensibles à la demande.
o La rotation des producteurs au sein d’une même industrie même quand les
conditions macroéconomiques sont stables : ce phénomène dérive du fait que
l’existence de coûts fixes d’entrée et de sortie36, combinés avec l’incertitude,
rendent possible la coexistence au sein d’une même industrie de producteurs à
des niveaux de rentabilité différents. Ces différences proviennent des
disparités au niveau des capacités managériales ou des variations aléatoires
dans la rentabilité des investissements passés en capital ou en technologie. De
ce fait la firme reste incertaine quant à son rendement relatif et essaye
d’apprendre à travers son expérience du marché ou en observant les bénéfices

36
Les coûts d’entrée incluent les frais des licences, les achats irréversibles de biens en capital. Les coûts
de sortie peuvent inclure les dépenses en cas de faillite ou le payement d’indemnités aux employés.

138
Chapitre 3

des projets d’investissement. Les entreprises qui trouvent qu’elles sont


relativement inefficientes ou que l’investissement est improductif vont
éventuellement sortir du secteur, alors que celles qui trouvent qu’elles sont
rentables ou que leur investissement est productif vont survivre et progresser.
Les nouvelles firmes entrent continuellement et essayent à leur tour de
concurrencer celles qui sont déjà en place. Dans ce cas, les sorties vont être
concentrées parmi les plus jeunes firmes, alors que les plus anciennes firmes,
qui ont une meilleure expérience, vont être les plus efficaces. La rapidité de ce
processus de rotation est affectée par les conditions du marché et par l’ampleur
des coûts fixes d’entrée et de sortie exigés.
La théorie suggère que l’hétérogénéité dans les profits ou au niveau de la rentabilité et
de l’incertitude d’une partie des entrants sur leur futur classement, relativement aux normes
de leur industrie, est la vraie raison de ce phénomène de rotation. En plus, les taux de rotation
diffèrent selon les industries, celles qui ont des entrées élevées se caractérisent par beaucoup
de sorties. Ce type de rotation, mesurée en termes d’emplois ou en nombre de firmes,
implique un environnement avec une mobilité substantielle des ressources, dont la plupart
survient parmi les producteurs d’une même industrie.
La rotation fondée sur les gains de productivité peut provenir de deux sources. L’une
est la sortie continuelle des producteurs incompétents et l’entrée simultanée des producteurs
qui sont plus efficaces. L’autre source est la réallocation des parts de marché des firmes les
firmes les moins efficaces vers les firmes les plus efficaces. Ces gains peuvent être comparés
avec les changements de la productivité dans les firmes, ce qui a été le sujet dans la plupart
des études sur la productivité dans les pays émergents.
Pour étudier ces processus, deux approches ont été utilisées. L’une simple se réduit à
une construction des ratios de la production sur le travail, firme par firme (Tybout (1992)).
L’autre commence par une estimation de la fonction de production décrivant la relation entre
la production de biens et les matières premières nécessaires à la production de ce bien (Liu et
Tybout, 1996). La productivité spécifique aux firmes pour chaque année est calculée par un
ratio de la production observée sur la production estimée à partir de la fonction de production,
en tenant compte d’un certain niveau d’inputs. Une fois chaque trajectoire de la productivité
d’une firme calculée, elle peut être utilisée pour montrer la croissance de la productivité parmi
les firmes déjà en place qui ont opéré durant toute la période d’analyse et les effets de la
rotation (entrée et sortie des firmes). La première est simplement destinée à améliorer le
rendement ; la deuxième est imputable à l’écart de productivité parmi les existants, les

139
Chapitre 3

producteurs entrants (qui sont à leur première année d’activité) et les producteurs sortants (qui
sont à leur dernière année d’activité).
Il existe plusieurs modèles de base concernant les résultats sur les effets de la rotation
des producteurs dans les pays émergents parmi lesquels :
 Les fluctuations macroéconomiques peuvent induire des rotations
significatives avec des effets considérables sur la productivité, parce que les
taux d’entrée et de sorties varient selon la conjoncture. Durant le
revirement, des firmes en place perdent des parts de marché parce que
l’entrée de nouvelles firmes est plus rapide que la faillite des firmes
existantes. Ce modèle exerce une influence contre-cyclique sur la
productivité, puisque les nouvelles firmes et celles en fin de vie sont
typiquement moins productives que les producteurs existants. De façon
similaire, les effets de productivité de la réallocation des parts de marché
peuvent être substantiels à court terme, parce que les firmes ne progressent
pas et ne se contractent pas toutes proportionnellement tout au long de la
durée du cycle.
 Le remplacement de firmes disparues par de nouvelles a aussi un certain
impact sur la productivité. La moyenne des gains durant la période de
récession est approximativement compensée par les pertes dues aux
rotations durant la phase de reprise. De ce fait l’essentiel de la croissance de
la productivité mesurée provient des gains de rentabilité des firmes
existantes. Ceci s’explique en partie par le fait que les firmes entrantes et
sortantes ne représentent qu’une faible part de la production et aussi parce
que l’écart de la productivité entre les firmes durant leur première année
d’activité et celles durant leur dernière année est petit.
 En s’intéressant à l’écart d’efficacité entre les firmes entrantes et celles
sortantes, les auteurs remarquent que la productivité moyenne pour chaque
nouvelle firme augmente avec la maturité, en atteignant les normes
industrielles après quelques années d’expérience.

3.3.L’impact de la libéralisation commerciale sur la performance de


l’entreprise

140
Chapitre 3

Dans la littérature le sujet a été traité dans beaucoup d’articles, mais chacun utilise une
méthodologie différente ce qui donne des résultats parfois opposés.
L’argument de l’allocation efficiente par la libéralisation du commerce a été
longuement débattu par la théorie traditionnelle du commerce dans un contexte de marchés
parfaitement concurrentiels. Cependant, depuis les années 1970, ce qui est intitulé « la
nouvelle théorie du commerce » a montré que les gains générés par le commerce suite à la
spécialisation selon les avantages comparatifs est uniquement une partie de l’histoire,
puisqu’en présence de marchés imparfaitement concurrentiels la libéralisation commerciale
peut apporter des gains additionnels en réduisant les poids morts des pertes crées par le
pouvoir de marché des firmes domestiques. En effet, dans l’ancienne théorie du commerce,
les gains collectifs de la libéralisation sont dus à la spécialisation selon l’avantage comparatif.
Dans la nouvelle théorie du commerce, les gains sociaux du commerce s’accentuent avec la
combinaison des économies d’échelle et l’expansion des variétés de produits disponibles pour
les consommateurs. Toutefois, les analyses empiriques de la libéralisation commerciale au
niveau de la firme, apportent la preuve de l’existence d’une source additionnelle de gains
collectifs à savoir que la croissance de la productivité agrégée est induite par la sortie des
firmes les moins productives et par l’expansion et l’entrée sur le marché à l’export des firmes
les plus productives. Cette réallocation des ressources des firmes depuis les moins vers les
plus productives accroît la productivité moyenne de l’industrie. Ces gains collectifs peuvent
être amplifiés si l’augmentation de la concurrence sur le marché du produit induite par la
libéralisation commerciale conduit à de faibles hausses de prix par rapport au coût marginal.
Dans ce cas, la baisse des marges et l’augmentation de la productivité moyenne contribuent
tous les deux à de plus faibles prix à des revenus réels plus élevés.
Dans un article important, Pavcnik (2002) trouve que 2/3 des 19 % d’augmentation de
la productivité agrégée, qui a suivi la libéralisation commerciale au Chili à la fin des années
70 et au début des années 80, est due à une survie relativement plus importante et à la
croissance des firmes les plus productives. Des résultats similaires émergent d’un large
nombre d’études sur les réformes de libéralisation commerciale dans les pays en
développement, comme ceux de l’article de Tybout (2003). La réallocation des ressources au
sein de chaque branche prouvée par ces études domine la réallocation des ressources entre
branches appuyée par les théories de l’avantage comparatif.
L’inquiétude est que le lien entre plus d’échange et une expansion relative des firmes
les plus productives dans les pays en développement peut ne pas être conduit uniquement par

141
Chapitre 3

des changements de la politique commerciale, puisque la libéralisation commerciale est


souvent une partie d’un ensemble de réformes économiques.
Bien que l’argument d’efficience de la libéralisation commerciale ait été généralement
accepté, l’argument le plus important qui va à l’encontre des réformes sur le plan commercial
dans les pays en développement qui ont opté pour une stratégie d’industrialisation de
substitution à l’importation, a été le fait que la libéralisation va augmenter les inégalités des
revenus et donc détériorer les conditions des pauvres. En particulier, l’augmentation du
chômage des travailleurs évincés suite à la contraction des secteurs concurrencés par
l’importation, une plus grande incertitude et précarité des conditions du travail et enfin la
création de nouvelles opportunités d’emplois uniquement pour les employés les plus qualifiés
ont été souvent estimés comme des conséquences inévitables de la libéralisation.
D’autres études ont traité ces questions selon différentes perspectives. Matusz et Tarr
(1999), et Bacchetta et Jansen (2001) examinent l’effet sur l’ajustement des coûts de la
libéralisation commerciale. Ils ont montré que dans la majorité des études on trouve que les
coûts d’ajustement sont faibles et parfois moins importants en comparaison des bénéfices de
la libéralisation commerciale. Les coûts d’ajustement sont considérés comme un
investissement futur qu’un pays fait dans le but d’atteindre des profits futurs sous la forme de
revenus plus élevés. Les ajustements vont nécessiter l’expansion du secteur exportateur du
pays et les secteurs concurrencés par l’importation vont essayer d’améliorer leur
compétitivité. La libéralisation commerciale permet d’avoir deux types de gains dans
l’économie :

o Gain des consommateurs car ils paient des prix plus faibles (produits importés
avec de faibles barrières tarifaires);

o Gain d’efficience, avec l’augmentation de la spécialisation internationale. Il y


aura un mouvement des facteurs de production vers les activités pour
lesquelles le pays est relativement plus productif.
Finalement, Tybout (2001) étudie au niveau de la firme les effets de la politique
commerciale sur les taux de marge, la taille des firmes, les exportations, la productivité et la
profitabilité des producteurs domestiques. Plusieurs résultats robustes ont été identifiés dans
cette étude tels que :

 Les marges diminuent généralement avec la concurrence à l’importation,


ce phénomène peut alors refléter soit une élimination du pouvoir de
marché soit des pertes.

142
Chapitre 3

 Les firmes dans les secteurs concurrencés par l’importation réduisent leur
niveau de production quand la concurrence étrangère s’intensifie, surtout
à court terme.

 Le commerce rationalise la production dans le sens que simultanément


les marchés des firmes les plus efficientes seront développés et de
nombreuses firmes importatrices tendent à se contracter.

 Souvent, l’exposition à la compétitivité étrangère améliore l’efficience


intra-firme.

 Les firmes qui s’engagent dans des activités internationales tendent à être
de plus grandes tailles, plus productives, et fournissent des produits de
meilleure qualité.
L’article d’Epifani (2003) vient compléter toutes les études faites sur le sujet, mais
aussi apporte une extension concernant les effets des réformes commerciales sur le marché du
travail et un fondement théorique plus large du travail empirique.
Ce papier recense les plus importantes études empiriques utilisant des données de
panel au niveau de la firme pour étudier les effets des réformes commerciales sur la
performance de l’entreprise et le marché de travail dans les pays en développement.
L’auteur s’intéresse, en particulier, aux effets des réformes commerciales de 1991 en
Inde, qui depuis constitue un excellent cas d’expérimentation sur lequel les effets d’un
changement drastique du régime commercial peuvent être mesurés.
En effet, Epifani a insisté, en particulier, sur la pertinence empirique des effets de la
libéralisation commerciale prévus par la théorie en présence de rendements d’échelle
croissants, de concurrence imparfaite et d’hétérogénéité des firmes. Les résultats les plus
importants sont les suivants :

 Il y a la preuve que généralement la croissance de la productivité des firmes


augmente après la mise en place de réformes du régime commercial, surtout
celles exposées à la concurrence étrangère (les exportateurs et les firmes dans les
secteurs importateurs compétitifs).

 La réallocation des parts de la production entre les firmes de différents niveaux


de productivité est la principale source de gains de productivité induite par le
commerce.

143
Chapitre 3

 Il existe des retombées positives des IDE qui sont dues au lien entre les firmes
étrangères et leurs fournisseurs locaux.

 A court terme, il n’y a ni la preuve d’effets de « learning by exporting », ni celle


d’effets de retombées positives de firmes étrangères vers des firmes domestiques
appartenant au même secteur d’activité. Puisque, les firmes exportatrices sont
plus efficaces que les firmes non exportatrices, mais les trajectoires de leur
productivité ne changent pas après qu’elles soient entrées sur les marchés
d’exportation.
 Il y a la preuve d’une augmentation substantielle de l’élasticité de la demande
pour les travailleurs non qualifiés et une stabilité ou une baisse de l’élasticité de
la demande pour les travailleurs qualifiés, bien qu’il ne soit pas clair que cette
tendance soit induite par le commerce. Mais il ya la preuve que les firmes
exposées à la concurrence étrangère font face à une plus grande volatilité du
salaire par rapport aux firmes appartenant au secteur de biens non échangeables.

Fernandes (2003), dans son article, traite le même sujet du lien entre la politique
commerciale et la productivité au niveau de la firme. Pour cela, il a essayé de répondre à la
question suivante: est ce qu’en augmentant l’exposition à la concurrence étrangère, on
engendre des gains de productivité industriels ? Un panel d’entreprises manufacturières
colombiennes couvrant la période entre 1977 et 1991 a été utilisé dans cet article.

Cette étude apporte une contribution à l’approche microéconomique en examinant


l’impact de la politique commerciale sur la productivité des firmes colombiennes en suivant
deux étapes dans la procédure d’estimation :

1. En obtenant de nouvelles mesures de variation dans le temps de la productivité de la


firme, l’auteur a appliqué une méthode d’estimation semi- paramétrique de Levinsoh
et Petrin (2001) pour remédier au biais de simultanéité (corrélation entre la
productivité et les inputs). L’estimation de la fonction de production par la méthode
des moindres carrées ordinaires, suppose que les variables qu’elle régresse comme le
travail sont considérées comme des variables exogènes, Ce qui donne des coefficients
biaisés. Comme cela a été évoqué précédemment dans ce chapitre, le choix des inputs
sont endogènes et dépendent en partie de l’opinion qu’a la firme sur sa productivité
quand ces inputs vont être utilisés.

144
Chapitre 3

2. Cette régression s’appuie sur des mesures qui présentent des variations significatives
selon les industries et dans le temps, qui diffèrent des méthodes employées dans les
études précédentes s’appuyant sur un seul changement du régime commercial. Dans
cet article l’auteur s’intéresse plus particulièrement aux tarifs nominaux en tant que
mesure directe des barrières commerciales reflétant le degré d’interventionnisme du
gouvernement et les changements dans la politique commerciale. Cependant la
politique commerciale (les tarifs) est sujette à des problèmes d’endogenéité possibles
qui ont été traités dans l’estimation.

La méthode empirique consiste à estimer une fonction de production combinant des


techniques paramétriques et non paramétriques, en supposant que le preneur de décision
maximise les profits attendus à partir d ‘une fonction de production de Cobb-Douglas en
situation d’incertitude.

Il existe une grande hétérogénéité des firmes au niveau de la taille, l’âge, la


production, les inputs. Mais, la distribution de la taille des entreprises est relativement stable
dans le temps, avec 70 % d’entreprises manufacturières de moins de 50 employés chaque
année. L’âge moyen des entreprises est passé de 10 ans en 1977 à 14 ans en 1991. Les
principales industries représentées sont : l’habillement, le textile, les produits métalliques et
les produits non métalliques et l’agroalimentaire.

Pour étudier le lien entre la protection commerciale et la productivité, Fernandes a


utilisé différents indicateurs pour mesurer la protection qui sont les droits de douane et les
taux effectifs de protection.

Les résultats les plus importants se résument comme suit :

 Il existe une preuve selon laquelle l’augmentation de la concurrence étrangère


suite à la baisse de la protection commerciale permet une augmentation de la
productivité des firmes colombiennes. Les changements dans les tarifs, durant la
période étudiée, sont une réponse aux déséquilibres externes et fiscaux, ce qui
semble indiquer que l’impact négatif des tarifs ne reflète pas le lien de causalité
entre la productivité et la politique commerciale.

 L’impact négatif des tarifs n’est pas dû à la sortie de firmes moins productives
suite à la libéralisation commerciale, mais reflète plus les gains de productivité à
l’intérieur des firmes. Ce qui fournit la preuve que ces gains sont associés à une
augmentation (i) de l’intensité du travail qualifié dans la production, (ii) des

145
Chapitre 3

importations de produits intermédiaires et (iii) des investissements en machine


au niveau de la firme.

 Prendre en compte l’hétérogénéité dans l’impact de la politique commerciale sur


la productivité selon la taille des firmes a permis à l’auteur de constater que
l’impact négatif des tarifs sur la productivité est plus important pour les grandes
entreprises. Cela suppose que la libéralisation commerciale réduit les rentes
inefficaces ce qui profite aux grandes firmes et que les biens de ces grands
producteurs seront concurrencés directement par les importations. De plus, ces
firmes utilisent plus souvent des inputs importés que les petites firmes. Ce
résultat n’avait pas été trouvé par les autres études.

 Il existe une preuve que la productivité des firmes exportatrices est plus
positivement affecté par la libéralisation commerciale que celle des firmes non
exportatrices.

 En introduisant l’hétérogénéité entre les industries au regard de l’impact de la


politique commerciale sur la productivité, l’auteur a pu évaluer un impact négatif
des tarifs plus important pour les entreprises appartenant à des industries à faible
degré concurrentiel sur le marché domestique.
L’extension de ces résultats à d’autres pays ne va pas de soi. En effet, les effets de la
libéralisation de la politique commerciale sur la productivité des entreprises dépendent des
modalités de la libéralisation et des interactions avec les institutions et les autres politiques.
L’article de Muendler (2004) permet d’étudier comment la politique commerciale
affecte la productivité et de voir si une économie ouverte croit plus rapidement qu’une
économie fermée.

Cet article va donc s’intéresser à l’étude des effets des suppressions des barrières à
l’importation sur la productivité des entreprises manufacturières de moyennes et grandes
tailles au Brésil.

Dans l’objectif de promouvoir les gains de productivité, les firmes brésiliennes ont été
exposées à une forte concurrence étrangère et ont bénéficié de facilités d’accès aux marchés
internationaux.

Pour l’auteur les réformes commerciales peuvent affecter la productivité à travers trois
voies :

146
Chapitre 3

1. « Foreign input push » : Les équipements et les produits intermédiaires de haute


qualité permettent aux firmes d’adopter de nouvelles méthodes de production et leur
utilisation peut augmenter l’efficience.

2. « Competitive push » : la suppression des barrières à l’importation augmente la


compétitivité du côté du marché des biens. Ce qui permettra aux firmes d’éliminer les
problèmes d’agence et les amène à innover dans leurs méthodes de travail.

3. « Competitive elimination » : l’augmentation de la concurrence étrangère conduit les


firmes les moins efficientes à fermer et les rendent incapables de survivre, ce qui
permettra aux firmes compétitives d’augmenter leur part de marché. Ce mouvement
d’entrée et de sortie de firmes augmente la productivité moyenne de la branche.

A la différence de l’étude de Fernandes (2001) sur les entreprises colombiennes qui


prétend que la productivité est positivement reliée à l’utilisation d’inputs de haute qualité,
cette recherche montre que l’effet de « foreign input push » est relativement faible comparé
aux deux autres.

Cette présente étude utilise un panel de 9500 moyennes et grandes entreprises


manufacturières brésiliennes pour les années 1986 à 1998. La base de données a été fournie
par le Bureau brésilien IBGE qui est chargé des études annuelles sur les firmes industrielles
dans son PIA37. L‘échantillon analysé se compose de 1000 grandes entreprises, de 6700
entreprises de taille moyenne et enfin de 1800 firmes nouvellement créées qui comptent
chacune plus de 100 employés.

Les variables économiques dans le PIA incluent les ventes, le stock de produit finis,
les coûts des inputs, les salaires, le nombre d’employés et différentes variables liées à
l’investissement et au stock du capital.

Dans cette étude empirique, l’auteur se fonde sur la procédure d’estimation d’Olley et
Pakes (1996) adapté au contexte actuel.

Les résultats selon les trois effets mentionnés ci-dessus se résument comme suit :

 « Foreign input push » est un effet relativement peu important. La différence


d’efficience entre les inputs domestiques et étrangers a eu un impact mineur sur la
productivité. En effet, l’adoption d’une technologie étrangère prend du temps pour
donner un effet positif à cause des effets d’apprentissage, des facteurs de

37
PIA : rapport de recherche annuelle des industries brésiliennes.

147
Chapitre 3

complémentarité et des réarrangements nécessaires de la production. Cependant,


les estimations confortent l’idée que les inputs étrangers créent une valeur
additionnelle, surtout à moyen terme.

La libéralisation commerciale induit une grande pression concurrentielle :

 La concurrence pousse les firmes à améliorer leur performance. C’est l’effet


« Competitive push » qui peut être une vraie source de changement de la
productivité. En contrôlant l’endogénéité de la pénétration des marchés étrangers
et des tarifs, on montre que les petits changements dans la loi concernant les tarifs
représentent une réelle motivation pour améliorer l’efficience des firmes en place.
Quand les barrières commerciales sont éliminées l’effet de « Competitive
elimination » des firmes les moins efficientes frappe de façon plus brutale. Cet effet a été une
source dominante de changement de la productivité des entreprises manufacturières
brésiliennes entre les années 1990 et 1998.

148
Chapitre 3

Conclusion
Une partie substantielle de la littérature empirique s’est intéressée aux effets
dynamiques de la libéralisation commerciale et a étudié les effets de la politique commerciale
et de l’ouverture sur la productivité totale des facteurs et sur l’efficience au niveau industriel
et au niveau de la firme.

Le résultat des études au niveau des secteurs n’est pas toujours concluant. Puisque
qu’il est difficile de faire la distinction entre les effets de la politique commerciale et les choix
de la politique macroéconomique et ceci rend difficile l’attribution de la causalité à la
politique commerciale elle-même. Plusieurs d’entre elles ont du mal à contrôler les autres
facteurs qui influencent (comme les effets sectoriels) la croissance de la productivité.
La littérature au niveau de la firme écarte le problème du contrôle des effets
industriels. Elle a pu établir un lien de causalité entre la libéralisation commerciale et
l’amélioration de la performance de la firme. Cependant, il subsiste encore des interrogations
sur le sens de cette causalité. L’avancée sur le plan micro économétrique a permis la
prolifération de résultats empiriques plus robustes, ce qui a permis d’étendre les champs de
recherche sur le plan théorique.
Si on examine les résultats des différentes études qui ont essayé d’analyser la relation
entre l’orientation à l’export et l’efficience / productivité, on trouve que les firmes
exportatrices sont plus efficaces que celles orientées vers le marché domestique (Haddad,
1993 ; Aw et Hwang, 1995 ; Tybout et Westbrook, 1995) et elles ont attribué ce résultat aux
effets positifs de l’apprentissage qui augmentent avec le contact avec les acheteurs étrangers.
Ces diverses études concluent également que les firmes les plus productives entrent sur les
marchés d’exportation, cette auto-sélection pouvant être consciente.
Il existe des faiblesses dans la littérature au niveau de la firme. Premièrement, la
plupart des études examinent les changements au niveau de l’efficacité en une seule fois et les
résultats trouvés sont en accord avec l’idée que la libéralisation commerciale génère des gains
statiques. Cependant, elles ne peuvent pas apporter des preuves concluantes pour le long
terme, montrer l’existence d’améliorations dynamiques de l’efficacité au niveau de la firme.
Deuxièmement, l’indicateur de performance de la firme utilisé par plusieurs études la PTF, est
caractérisé par des problèmes d’estimation. En effet, la diversité des méthodes utilisées dans
l’estimation de la productivité et de la relation productivité-exportation, ne permet pas de
trancher sur ce sujet. En effet, chaque méthode d’estimation de la PTF nous renseigne sur une

149
Chapitre 3

de ses composantes (efficience technique, progrès technique, efficience d’échelle). Ces


différentes méthodes nous donnent des résultats très variés de l’estimation de chaque
composante avec l’activité d’exporter.

150
Chapitre 4

Chapitre 4: Ouverture et productivité : le cas de


la Tunisie

Dans cette recherche, la méthodologie consiste à effectuer une étude économétrique en


utilisant un panel d’entreprises sur une période allant de 1998 à 2003. Pour cela il faut faire la
distinction entre entreprises exportatrices et non exportatrices, les premières étant en général
plus performantes dans la mesure où elles sont orientées vers les marchés extérieurs. Nous
serons donc amenés à suivre l’évolution de la performance de ces entreprises dans le temps,
pour repérer celles qui ont profité de l’ouverture et ont pu s’adapter et celles qui ne seront pas
viables.

1. Les données
Avant de procéder à l’analyse économétrique et pour pouvoir mieux interpréter les
résultats trouvés ultérieurement, nous allons présenter une description de l’échantillon des
entreprises tunisiennes.

1.1.Les problèmes de mesure des variables utilisées


La source que l’on utilise est l’ensemble des enquêtes annuelles effectuées par
l’Institut National des Statistiques (INS) durant la période 98-03. Le choix de ces années est
conditionné par des contraintes de disponibilité des données38. L’enquête nationale sur les
activités économiques (ENAE) permet la collecte de données annuelles sur l’activité
économique des entreprises de plus de 10 salariés. Elle couvre de façon exhaustive toutes les
entreprises de plus de 100 salariés (à peu près 1500). Alors que les entreprises qui emploient
entre 10 et 100 salariés ont été tirées au hasard dans un ensemble qui lui-même est le résultat
d’un tri par la taille. Cette enquête collecte des informations sur 3580 entreprises soit 70 % de
l’activité économique.

Le champ de ces enquêtes couvre aussi bien les activités des industries
manufacturières que le commerce, l’agriculture, la pêche, les hôtels et restaurants, transports
et communication, location et services aux entreprises, immobiliers, et autres. Ils sont définis
sur la base du répertoire national des entreprises géré par l’INS.
38
Le processus de libéralisation commerciale Tunisie a commencé depuis le début des années 1990. Or dans
notre échantillon les données recueillies ne commencent qu’à partir de l’année 1998. Ce choix de l’année du
début de période est justifié par le changement du système comptable des entreprises tunisiennes en 1997, pour
qu’il soit conforme aux normes internationales. Par souci de comparabilité à travers le temps, il était préférable
de commencer l’analyse après l’année 1997.

151
Chapitre 4

L’INS définit ainsi ce répertoire : « Le répertoire national des entreprises est un


système inter administratif d’identification des entreprises issu des fichiers de la Direction
Générale du Contrôle Fiscal et de la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale ; il enregistre
l’état civil des entreprises et leurs principales caractéristiques économiques (bilan, compte de
résultat, exportation, emploi), sociales et juridiques ».

L’une des difficultés dans l’estimation de la PTF (productivité totale des facteurs), est
le manque de données disponibles dans les bases de données sur les quantités des facteurs de
production et de l’output.

Concernant la production, les données sur la valeur de la production peuvent être


utilisées comme mesure de l’output. Dans notre échantillon, nous avons pu avoir des
informations sur le chiffre d’affaires et la variation de stock39.

Puisqu’on travaille sur plusieurs années, il est donc indispensable de tenir compte de
l’évolution des prix, il faut donc déflater les valeurs de la production. En général, on a besoin
des prix de vente des biens pour chaque entreprise, or cette information est non disponible
dans la base de données. Ainsi pour passer de l’output en valeur à l’output en volume, on
utilise le déflateur des prix de vente par industrie. Sachant que les prix ont une incidence
directe sur la mesure de la PTF. Or il n’y a aucune garantie que l’évolution des prix appliqués
par l’entreprise suive celle de l’industrie. La mesure de la PTF peut être ainsi sous estimée ou
sur estimée par l’effet des prix. Une entreprise peut être considérée comme efficiente, en
regardant une productivité élevée ou une amélioration de sa productivité, alors qu’elle a pu
profiter de conditions de marché plus avantageuses ou d’une meilleure qualité des produits.
L’inconvénient de cette méthode est d’engendrer des interprétations fausses des résultats
d’estimation. Pour cette raison, il faut essayer d’utiliser un déflateur à des niveaux de digits
les plus fins possibles. On est donc tributaire de la disponibilité de ce type de données sur les
indices de prix. Dans notre étude le déflateur retenu est l’indice des prix de ventes
industrielles40 à 2 digits41

39
Valeur de la production = chiffre d’affaire + stock final – stock initial.
40
L’indice de prix de vente industrielle (base 2000) est le seul indice de prix disponible par l’Institut National
des Statistiques (INS) tunisien, il y a un projet pour construire d’autres indices comme l’indice des prix de gros.
Cet indice a été rénové au passage à l’année de base 2000, en passant de la NAP (Nomenclature d’Activité
économique) à la NAT (Nomenclature d’Activité Tunisienne). Ce nouveau dispositif est une adaptation
nationale du dispositif Européen des nomenclatures d’activités (NACE). Ainsi, dans tous les calculs statistiques,
il a fallu faire la correspondance entre la NAP et la NAT pour les années 1998 et 1999.
41
Le déflateur disponible le plus fin est à 2 digits pour les années 1998, 1999, mais pour les années suivantes
nous disposons de données à 3 digits.

152
Chapitre 4

Le travail est mesuré soit par le nombre d’employés, le nombre d’heures de travail.
En général, la variable la plus disponible dans les bases de données est celle correspondant au
nombre d’employés. Mais cette dernière ne nous permet pas de faire la distinction entre les
travailleurs à temps plein et ceux à temps partiel, ce qui peut biaiser la quantité du travail.
Dans notre étude, nous avons pu disposer de données relatives aux nombres de personnels
salariés et non salariés permanents pour chaque entreprise, donc le travail sera mesuré par le
nombre d’employés.

Pour ce qui concerne les consommations intermédiaires, comme pour la production


il faut disposer des informations sur les prix, ou bien il faut déflater les inputs intermédiaires
par un indice des prix qui diffère d’une catégorie à une autre selon qu’il s’agit de matières
premières, fuel, électricité, services … Dans l’échantillon nous avons pu obtenir la valeur des
inputs intermédiaires utilisés dans la production.

Le capital est l’une des variables les plus difficiles à estimer car il s’agit d’un input
utilisé sur une longue période. Il est acheté à une date donnée et utilisé sur une période de
temps jusqu’à sa fin de vie. Dans le bilan comptable, on inscrit les immobilisations
corporelles (terrains, bâtiments, équipements, etc.), leur agrégation nous permet de déterminer
la quantité de capital de l’entreprise. A fin de tenir compte de la dépréciation des
immobilisations, on a préféré utiliser pour le calcul du stock de capital la méthode de
l’inventaire perpétuel qui suppose que le capital de l’entreprise pendant une année donnée est
déterminé par l’équation suivante :

K it = (1 − δ ) K it − 1 + I it (4.1)

Avec K it le stock de capital de l’entreprise i à l’année t, I it est son niveau


d’investissement et δ le taux de dépréciation que nous considérerons ici comme égal à 5 %.
Cette variable est déflatée par un indice des prix de l’investissement correspondant au prix de
la FBCF (formation brut du capital fixe) en base 2000.

Malgré l’existence de plusieurs études empiriques sur le calcul de la productivité et de


la relation exportation-productivité, il existe un problème majeur concernant la disponibilité
de données à l’échelle de l’entreprise surtout pour les pays en développement où ces bases de
données dont difficiles d’accès. Particulièrement, dans le cas de la Tunisie, ces données
microéconomiques ne sont utilisées que par des organismes étatiques et non accessibles au
public, même pas aux chercheurs sauf dans le cas d’une collaboration avec un organisme

153
Chapitre 4

d’étude statistique public. Dans notre étude, la collecte des données relatives aux entreprises a
été difficile et elle a pris beaucoup de temps.

1.2.La base de données d’entreprises tunisiennes


La base de données brute sélectionnée de l’Institut National des Statistiques s’étend
sur 7 ans de (1998 à 2004) et compte 1988 observations, avec la présence du même nombre
d’entreprises 284 par an. Suite au non report ou au mauvais report de réponses par les
enquêteurs qui sont assez fréquents dans ce genre de cas, il était indispensable de procéder à
l’élimination de certaines observations ou entreprises. Ainsi, compte tenu de la présence de
points aberrants et d’erreurs de mesure, cette base de données a été nettoyée selon les critères
suivants :
- On élimine les entreprises qui possèdent des consommations intermédiaires inférieures
aux achats de matières utilisées.
- On supprime les entreprises où les achats d’approvisionnement sont nuls alors qu’elles
possèdent une production positive.
- On vérifie qu’aucune entreprise ne possède de valeur ajoutée (VA) négative ou nulle
et que la VA soit supérieure à la charge de personnel.
- On supprime les entreprises ou les observations où il y a non concordance entre les
informations complémentaires concernant la valeur des ventes et celle des achats
matières collectées en détail avec les valeurs disponibles dans les états financiers de
l’entreprise (l’Etat de résultat).
- Dans le cas où les entreprises enregistrent d’une année sur l’autre une augmentation de
leur emploi d’au moins 60 % concomitante avec une diminution d’au moins 80 % de
leur VA, de leur chiffre d’affaire ou de leur production et inversement, on supprime
les observations ou les entreprises dont ce cas a été plusieurs fois révélé.
- On élimine les observations ou les entreprises (en cas de répétition) avec une
augmentation d’une année sur l’autre d’au moins 60 % de l’emploi et une diminution
d’au moins 60 % de la charge du personnel ou une diminution d’au moins 60 % de
l’emploi avec une augmentation d’au moins 60 % de charge de personnel.
- Enfin, on ne conserve que les entreprises présentes sur au moins trois années
consécutives dans la base de données.
Sachant que notre objectif en premier lieu est de mesurer la productivité, il était
indispensable de procéder à un nettoyage très restrictif de la base de données pour éviter
au maximum les erreurs de mesure. L’année 2004 n’a pas été retenue car elle présentait

154
Chapitre 4

plusieurs aberrations. Pour la plupart des entreprises, il y avait des séries de variables
comme l’emploi ou les achats consommés présentant beaucoup de points aberrants et de
données manquantes. Ce manque de données ne nous permet pas de calculer la
productivité pour pouvoir par la suite estimer la relation entre la productivité et
l’exportation.

Nous n’avons pas pu finalement retenir que 114 entreprises sur une période de 6 ans
de 1998 à 2003, soit 678 observations. Pour combler des donnés manquantes pour certaines
entreprises et vu l’étroitesse de l’échantillon nous avons eu recours à l’extrapolation par la
méthode des moindres carrés ordinaires42 pour essayer de récupérer quelques observations
(soit une trentaine d’observations, 4 % de l’échantillon), cette méthode n’a été appliquée
qu’en cas de présence de données avant et après le point manquant.

Tableau 25 : Description des variables des entreprises (1998-2003)


Variable
s Description Moyenne
Y Production (dinars tunisien, prix de 2000) 8215617,01
VA Valeur ajoutée (dinars tunisien, prix de 2000) 4591196,22
L Travail (nombre d’employés) 207,331
K Capital (dinars tunisien, prix de 2000) 8506850,21
Dépenses en matières intermédiaires (dinars tunisien, prix de
M 2000) 3089692,88
E Dépenses en énergie (dinars tunisien, prix de 2000) 348425,232

1.3.Les caractéristiques de l’échantillon


Nous avons choisi un échantillon d’entreprises qui répond aux critères suivants :

 Entreprises appartenant aux industries manufacturières. Ce choix est


expliqué par une plus grande exposition de ces industries à la concurrence
étrangère suite à la mise en place d’une zone de libre échange d’ici 2008
avec l’UE.

 Entreprises ayant un effectif salarié ≥ 10 ;

Le choix de l’échantillon couvre les différents types de secteurs des industries


manufacturières à savoir l’agroalimentaire, le textile-habillement et cuir, la chimie, la
mécanique et électrique, les matériaux de construction, la céramique et le verre et les autres
industries manufacturières.

42
Au lieu de procéder à une extrapolation linéaire, nous avons préféré utiliser la droite des moindres carrées qui
s’ajuste le mieux au nuages de points (x,y), x étant la variable avec une observation manquante ou erronée et y
c’est le temps.

155
Chapitre 4

L’échantillon est constitué en tenant compte de l’orientation commerciale des


entreprises à savoir celles exportatrices orientées vers les marchés extérieurs dans lesquelles
on trouve les entreprises très exportatrices (exportant plus de 80 % du total de leur production
et la plupart du temps 100%), les partiellement exportatrices, et celles non exportatrices
orientées vers le marché domestique. Cette distinction permet de distinguer les effets de
productivité provenant de la libéralisation commerciale de ceux provenant des autres sources.

Cet échantillon est cylindré, ainsi toutes les entreprises sont présentes sur les six
années d’étude (1998-2003), cette limitation a été imposée par les conditions de collecte de
données qui étaient très contraignantes.

Comme nous l’avons dit précédemment et compte tenu des manques et des erreurs que
renferme cette base de données, le nombre d’entreprises que nous allons analyser ne
dépassera pas les 114 entreprises. Ce nombre représente à peu près 2 % de la population
d’entreprises répondant aux critères de sélection ci-dessus mentionnés.
Tableau 26 : Répartition des entreprises par activité et par régime
Nombre d'entreprise
Totalement Part
Activité Autres Total
exportatrices
14 Industrie extractive 0 2 2
15 Industries Alimentaires 0 8 8
8%
16 Industrie du Tabac 1 0 1
17 Industrie Textile 0 9 9
18 Industrie de l'Habillement et des Fourrures 38 3 41 48%
19 Industrie du Cuir et de la Chaussure 4 1 5
21 Industrie du Papier et Carton 0 4 4
22 Edition, Imprimerie, Reproduction 0 4 4
24 Industrie Chimique 0 9 9 8%
25 Industrie du Caoutchouc et des plastiques 1 5 6
26 Fabrication d'autres produits minéraux non métalliques 0 6 6 5%
27 Métallurgie 0 4 4
28 Travail des métaux 0 3 3
29 Fabrication de Machines et Equipements 0 1 1
31 Fabrication de Machines et Appareils Electriques 1 1 2
12%
32 Fabrication d'Equipement de Radio, Télévision et
Communication 1 0 1
33 Fabrication d'instruments médicaux, de précision,
d'optique et d'horlogerie 0 1 1
34 Industrie Automobile 0 2 2
36 Autres Industries Manufacturières 1 4 5
TOTAL 47 67 114

156
Chapitre 4

Le secteur textile–habillement et cuir43 représente 48 % des entreprises de


l’échantillon, suivi par l’industrie mécanique et électrique44 avec 12 %. Les industries
chimiques et agroalimentaires45 représentent chacune 8 % des entreprises étudiées. Les
industries diverses représentent 16 % des entreprises de l’échantillon.
Après répartition des entreprises selon leurs orientations commerciales, il est utile
d’examiner la structure et l’origine du capital des entreprises de l‘échantillon, d’où le tableau
suivant :
Tableau 27 : Répartition des entreprises selon la structure du capital

Nombre
Structure du capital Pourcentage
d'entreprises
100 % étatique 5 4%
100 % capital privé local 68 60%
100 % Capital étranger 22 19%
Capital mixte étranger / local 19 17%
Total 114 100%

L’échantillon est composé à 60 % par des entreprises à capital privé local et à 27 %


par des entreprises de l’échantillon à plus de 50 % de capital étranger. La part du secteur
étatique est faible par rapport au secteur privé dans l’échantillon car les entreprises privées
représentent la majeure partie du tissu industriel tunisien, à cause d’une politique de
privatisation des entreprises qui n’a cessé de prendre de l’ampleur depuis le milieu des années
1990.
La France demeure un partenaire prédominant avec plus que la moitié des entreprises
en partenariat, suivie par la Belgique et l’Allemagne, avec une part de 13 % chacune. L’Italie
qui est le deuxième pays d’origine des entreprises industrielles à capital étranger, ne
représente dans l’échantillon que 2 %. Le secteur qui connaît le plus grand attrait pour les
investisseurs étrangers est le secteur de l’habillement, qui représente plus de 60 % du nombre
total des entreprises à participation étrangère, suivie du secteur de fabrication des machines et
appareils électriques. Cette répartition illustre bien les secteurs les plus attractifs dans
l’industrie tunisienne.
La disponibilité des données concernant le nombre d’employés salariés et non salariés
permanents pour chaque entreprise, nous a permis de répartir les entreprises selon leurs tailles,
comme l’indique le tableau 28 :

43
Le secteur textile habillement et cuir est représenté par les activités 17, 18 et 19.
44
L’industrie mécanique et électrique comprend les activités 27, 28, 29, 31, 32, 33 et 34.
45
L’industrie agroalimentaire comprend les activités 15 et 16.

157
Chapitre 4

Tableau 28 : Répartition des entreprises par taille (nombre d’employés)

Nombre
Taille d'entreprises
[10- 49] 17
[50-99] 32
[100-199] 38
[200-499] 20
500 et plus 7

La population totale des entreprises industrielles tunisiennes est constituée à plus de 70


% d’entreprises de petites et moyennes tailles (entre 10 et 100 emplois). Cependant,
l’échantillon est représenté par une part de ces entreprises ne dépassant pas les 43 %. Ce
décalage entre ces deux pourcentages est lié à des contraintes de disponibilité des données,
dont nous avons déjà parlé.

L’emploi des entreprises faisant partie de l’échantillon représente 5 % de l’emploi


total des industries manufacturières tunisiennes de plus de 10 employés. Les entreprises
totalement exportatrices représentent en moyenne 36% de l’emploi de l’échantillon, alors que
le poids de ces entreprises dans l’industrie tunisienne en termes d’emploi est de 58 %, comme
l’illustre le tableau 29.

158
Chapitre 4

Tableau 29 : Evolution de l’emploi par régime et par activité (en termes de nombre d’employés)

Emploi 98 Emploi 99 Emploi 00 Emploi 01 Emploi 02 Emploi 03

Autre Autre Autre Autre Autre


Activité TE s TE s TE s TE s TE s TE Autres
14 Industrie
0 6941 0 6545 0 6171 0 5890 0 6153 0 6221
extractive
15 Industries
0 1593 0 1602 0 1580 0 1676 0 1696 0 1708
Alimentaires

16 Industrie du Tabac 55 0 62 0 60 0 53 0 47 0 50 0

17 Industrie Textile 0 990 0 1063 0 1135 0 1130 0 1090 0 1056

18 Industrie de
l'Habillement et des 6897 336 6958 331 7136 340 7512 357 7391 335 7652 342
Fourrures
19 Industrie du Cuir
471 43 473 52 491 59 492 56 602 61 628 60
et de la Chaussure
21 Industrie du
0 1196 0 1011 0 1471 0 1431 0 1097 0 1093
Papier et Carton
22 Edition,
Imprimerie, 0 598 0 589 0 580 0 580 0 598 0 604
Reproduction
24 Industrie
0 1411 0 1445 0 1429 0 1435 0 1488 0 1498
Chimique
25 Industrie du
Caoutchouc et des 100 423 100 447 100 429 71 403 105 386 105 424
plastiques
26 Fabrication
d'autres produits
0 501 0 500 0 527 0 602 0 577 0 535
minéraux non
métalliques

27 Métallurgie 0 204 0 200 0 201 0 221 0 246 0 245

28 Travail des
0 184 0 244 0 218 0 237 0 205 0 253
métaux
29 Fabrication de
Machines et 0 53 0 35 0 35 0 38 0 43 0 37
Equipements
31 Fabrication de
Machines et Appareils 126 302 128 308 140 314 127 306 127 299 126 299
Electriques
32 Fabrication
d'Equipement de
61 0 65 0 87 0 79 0 76 0 79 0
Radio, Télévision et
Communication
33 Fabrication
d'instruments
médicaux, de 0 170 0 173 0 113 0 100 0 100 0 104
précision, d'optique et
d'horlogerie
34 Industrie
0 171 0 187 0 217 0 247 0 275 0 266
Automobile
36 Autres Industries
283 313 311 353 317 349 274 358 338 344 338 349
Manufacturières

TOTAL 7993 15429 8097 15085 8331 15168 8608 15067 8686 14993 8978 15094

TE : entreprises totalement exportatrices, autres : les entreprises partiellement exportatrices et celles orientées sur le marché
local.

On remarque des changements de la valeur de l’emploi d’une année à une autre, qui
sont dus à un mouvement de recrutements ou de licenciements d’ouvriers et d’apprentis. Ces

159
Chapitre 4

variations dans le temps sont dépendantes de la conjoncture économique et du rythme des


ventes des entreprises qui sont tributaires de gain ou de perte de parts de marché à l’intérieur
ou à l’extérieur en cas d’entreprises exportatrices. Ainsi, dans l’industrie de l’habillement, il y
a eu une nette diminution de l’emploi surtout pour les entreprises non totalement exportatrices
à partir de l’année 2001, suite à la restructuration du secteur nécessaire pour faire face au
démantèlement de l’Accord multifibre début de l’année 2005. Quant au secteur de la chimie,
il y a eu une augmentation de l’emploi, due au développement de ce secteur ces dernières
années sur le marché interne et à l’exportation.

Les secteurs les plus représentés dans l’échantillon en termes d’emploi sont les
suivants :
- Les industries du textile habillement et cuirs (les activités 17, 18 et 19)
représentent en moyenne 39 % de l’emploi total dans l’échantillon, et 48 % du nombre total
des entreprises de l’échantillon. Ces parts reflètent bien le poids des industries T-H dans
l’industrie tunisienne en termes d’emploi et de nombre qui est aux alentours de 50 %.
- L’industrie extractive représente en moyenne 27 % de l’emploi de
l’échantillon, mais elle ne représente que 2 % du nombre des entreprises prises. Ceci
s’explique par les besoins de cette industrie en main d’œuvre. On remarque une baisse de
l’emploi jusqu’à l’année 2001, puis un léger redressement pour les années suivantes du à la
baisse de l’activité dans les mines de phosphates.
- Les industries électriques, électronique et de l’électroménager (les activités
31, 32, 33, 34) représentent 4 % de l’emploi de l’échantillon et 6 % du nombre total des
entreprises. Ces activités sont présentes dans l’industrie tunisienne pour un montant de l’ordre
de 8 % de l’emploi industriel. Cette part est en augmentation ces dernières années et vaut 5 %
du nombre total des entreprises industrielles.
- Quant à la part de l’emploi de l’industrie agroalimentaire (activités : aliments
et tabacs) dans l’échantillon elle est de seulement 7 %, et en termes de nombre d’entreprises
elle ne représente que 8 %, soit un chiffre légèrement inférieur à son poids dans l’industrie
manufacturière tunisienne qui est respectivement de 13 % et 15 %.
- L’industrie des matériaux de construction, céramique et verre (activité :
fabrication d'autres produits minéraux non métalliques) représente 2% de l’emploi de
l’échantillon et 5 % du nombre d’entreprises présentes dans la base de données. Le poids de
cette industrie dans l’échantillon est proche de son poids dans l’industrie qui est de 7 % en
termes d’emploi et de 8% en termes de nombre d’entreprises.

160
Chapitre 4

- Les industries mécaniques et métallurgiques (les activités 27, 28 et 29) sont


présentes avec une part de 2 % de l’emploi total de l’échantillon et 8 % du nombre des
entreprises. Leur poids dans l’industrie manufacturière correspond à 6 % de l’emploi total et
9 % du nombre des entreprises industrielles, ce qui est proche de la moyenne de l’échantillon.
- Enfin l’industrie chimique représente 6 % de l’emploi de l’échantillon et 8 %
du nombre des entreprises, alors que son poids dans l’emploi total des industries
manufacturières n’est que de 5%.
Les entreprises retenues dans l’échantillon représentent environ 5 % du total de la
production en valeur du total des industries manufacturières. La part des exportations se situe
en moyenne au niveau de 3 % du total des exportations manufacturières tunisiennes.

Tableau 30 : Part de l’échantillon dans l’industrie manufacturière en termes d’exportation


et de production
Part de l’échantillon dans le total de l’industrie
manufacturière46
1998 1999 2000 2001 2002 2003

EXPORTATION 3% 3% 3% 2% 3% 2%

PRODUCTION 5% 5% 5% 4% 4% 4%

L’échantillon contient 97 entreprises exportatrices (totalement ou partiellement) et 17


tournées vers le marché local, soit 15 % du nombre total des entreprises de l’échantillon.
Les secteurs les plus exportateurs dans l’échantillon sont les suivants :
- L’industrie chimique représente une part qui varie entre 2 % et 18 % du total
des exportations de l’échantillon selon les années. Elle représente dans le secteur industriel
que 13 %.
- La part de l’industrie du textile habillement dans l’échantillon est d’environ
42 %, sachant qu’en réalité elle pèse pour presque la moitié des exportations des industries
manufacturières. Sa part a un peu diminué ses dernières années surtout pour le textile.
- La fabrication des machines et appareils électriques est un secteur en
expansion en Tunisie. Sa part dans l’industrie n’a cessé d’augmenter à un rythme continu avec
un poids de 17 %. Cette évolution est bien représentée par les entreprises du secteur
appartenant à l’échantillon avec une part passant de 3 à 8 % entre 1998 et 2003.

46
La représentativité de l’échantillon est étudiée par rapport à la totalité des entreprises des industries
manufacturières avec 10 emplois et plus, recensées par l’agence de promotion de l’industrie (API).

161
Chapitre 4

- L’industrie agroalimentaire qui contribue pour 8 % aux exportations de la


population totale des entreprises industrielles, ne représente dans l’échantillon en moyenne
sur la période 7%. Cette part n’a cessé de diminuer pendant la période étudiée.
- L’industrie extractive représente 19 % des exportations de l’échantillon.
L’échantillon représente au niveau des exportations 3 % du total des exportations
manufacturières et représente au niveau de la valeur ajoutée 8 % de la valeur ajoutée de la
population des entreprises manufacturières avec plus de 10 employés.
Les secteurs qui génèrent la plus grande part de la valeur ajoutée dans l’échantillon,
sont le secteur du texile-habillement et cuir (16 %), suivi du secteur de l’agroalimentaire (11
%), puis le secteur chimique (8 %).
Pour analyser plus en détail les différences entre les firmes, nous présentons dans le
tableau 31 les valeurs moyennes de certaines variables selon l’orientation commerciale de
l’entreprise. En général, les entreprises exportatrices sont plus grandes que celles non
exportatrices avec en moyenne 242 employés contre 114. Ces entreprises exportatrices sont
aussi plus ouvertes sur l’extérieur en termes de capital avec une participation étrangère
nettement supérieure (33.7 %) à celles des non exportatrices qui sont plutôt orientés sur le
marché domestique avec une part de 2.7 %.
Tableau 31 : Les caractéristiques des firmes exportatrices (en moyenne)

Ensemble des entreprises


Variables 47
Exportatrices Marché local
Production (dinars base 2000) 10243819.98 8423902.96
Nombre d'employés 242 114
Capital (dinars base 2000) 6016570.86 4546291.5
Part de capital étranger (%) 32.7 2.7
Source : à partir de l’échantillon.

En examinant la représentativité de l’échantillon des entreprises selon les différentes


variables (emploi, capital, production, exportation, taille), on note qu’en général cela
correspond assez bien au poids de chaque secteur dans l’industrie manufacturière tunisienne.

2. L’analyse économétrique

A partir des études empiriques récentes, nous allons analyser le lien entre l’activité des
exportations et la productivité, pour le cas des entreprises industrielles tunisiennes.

47
Les variables comme le capital, consommation intermédiaires et production sont exprimés en dinars tunisien,
alors que le travail est mesuré par le nombre d’employés.

162
Chapitre 4

L’échantillon est assez réduit et nous disposons d’un nombre faible d’entreprises par
secteur. Il existe aussi un biais de sélection présentée ultérieurement. Toutes ces limites sur
les données nous amène à interpréter les résultats avec précaution. Néanmoins, cette base de
données est unique sur la période qui marque le début de la libéralisation commerciale en
Tunisie. L’étude est importante, puisque le sujet n’a pas été traité au paravent avec des
données détaillées sur les entreprises tunisiennes.

Pour déterminer l’impact des exportations sur la performance des entreprises


tunisiennes, il faut tout d’abord définir les variables suivantes :

 L’ouverture de l’entreprise est mesurée par les exportations ;

 La performance de l’entreprise est mesurée par la productivité du travail,


dans le cas du textile-habillement nous prendrons en compte non pas la
productivité du travail mais la productivité totale des facteurs ; Ceci
mérite explication.

Pour l’ensemble de l’échantillon nous n’avons pas pu traiter de façon correcte le


calcul de la PTF à partir de la méthode semi paramétrique, en raison des insuffisances sur les
données par secteur dont nous disposons dans cet échantillon. Nous avons donc choisi
l’indicateur de productivité du travail (VA/L). En revanche pour le secteur textile la démarche
de la PTF a pu être mené à son terme, avec néanmoins des résultats fragiles.

Pour montrer qu’il existe une relation entre la productivité de la firme et l’exportation,
il faut rechercher si les firmes exportatrices sont plus productives que les non exportatrices.
Pour cela il faut tout d’abord commencer par le calcul de la productivité de chaque entreprise.
Les entreprises sont réparties en deux groupes selon qu’elles soient exportatrices ou non.

2.1.Analyse économétrique de la relation exportation-productivité


A partir des études empiriques déjà présentées au chapitre 3, nous allons étudier la
relation entre le fait d’exporter et la productivité (productivité du travail) des entreprises
manufacturières tunisiennes, à partir d’un échantillon de 114 entreprises sur 6 ans de 1998 à
2003. Cet échantillon est assez réduit et comporte certains biais de sélection (entreprises
existantes sur toute la période, un nombre réduit d’entreprises par activité, un nombre
important (42 % de l’échantillon) d’entreprises totalement exportatrices), il faut donc
interpréter les résultats avec précaution. Néanmoins, cette étude reste intéressante, puisqu’il
n’existe pas encore d’études sur le lien de productivité et des exportations au niveau des

163
Chapitre 4

entreprises manufacturières tunisiennes. Il ya des travaux au niveau sectoriel comme Mouelhi


(2007), mais au niveau de la firme, les études existantes se sont intéressées à l’impact de
l’ouverture (taux de protection) sur le marché du travail, ou les liens entre les IDE et la PTF,
étudiés dans le papier de Ghali et Rezgui (2007).

L’idée selon laquelle les exportateurs sont systématiquement plus productifs que les
non exportateurs pose la question suivante : est ce que les firmes avec une productivité élevée
font de l’auto sélection pour entrer sur le marché des exportations, ou bien exporter provoque-
il une croissance de la productivité à travers les différentes formes de « learning by
exporting » ? Les résultats des différents travaux portant sur des industries et sur des pays
confirment qu’une productivité élevée précède l’entrée sur le marché de l’export comme le
confirme Bernard et Jensen (2004). Ces résultats suggèrent la présence de coûts fixes d’entrée
sur le marché des exportations, que seules les firmes les plus productives sont capables de
supporter.

L’auto-sélection et l’apprentissage par l’exportation ne sont pas mutuellement des


possibilités exclusives, puisque les firmes ayant des productivités élevées qui ont la capacité
de supporter les coûts d’entrée sur les marchés à l’export peuvent, en principe, continuer à
améliorer leurs productivités résultant du fait d’exporter. Ainsi, plusieurs études ont trouvé
des preuves de l’existence de l’apprentissage par l’exportation souvent après avoir contrôlé
les effets d’auto sélection, comme celle d’Alvarez et López (2005).

Pour les entreprises tunisiennes, nous allons étudier la causalité entre exportation et
productivité dans les deux sens.

2.1.1. L’auto sélection des entreprises

a. Présentation de la démarche

L’hypothèse d’auto-sélection suppose qu’il existe une relation positive entre la


performance de la firme (exprimée par la productivité) et ses exportations, puisque seules les
firmes les plus productives vont être capables d’entrer sur les marchés internationaux. En
effets, ces firmes vont devoir supporter des coûts fixes pour entrer sur le marché des
exportations, et vont faire face à une concurrence plus élevée sur les marchés étrangers que
sur le marché domestique, la firme va, dans la période présente, prendre la décision d’exporter
ou pas.

164
Chapitre 4

Selon cette hypothèse, les exportateurs futurs tendent à être plus productifs que les
futurs non exportateurs avant d’entrer sur le marché des exportations, et souvent elles ont un
taux de croissance de la productivité supérieur pendant la période précédant la date
d’exportation.

Pour identifier l’existence d’un effet d’auto-sélection des entreprises que le marché
des exportations, nous allons étudier comment les caractéristiques initiales de la firme (la
productivité) affectent sa probabilité d’exporter ou non. Ainsi, la performance initiale va être
très importante pour expliquer pourquoi quelques firmes exportent et d’autres vendent
uniquement sur le marché domestique.

Dans notre étude, nous nous sommes inspirés de l’étude d’Alvarez et Lopez (2005),
afin d’identifier l’existence d’un effet d’auto-sélection des entreprises sur le marché des
exportations. Pour cela nous groupons les années par paire pour les firmes qui n’exportent pas
la 1ère année, puis nous regardons comment la probabilité de commencer à exporter la 2nd
année est affectée par les caractéristiques de la firme à la 1ère année de la paire. La variable
dépendante est égale à 1 si l’entreprise exporte en t, sachant qu’elle n’exporte pas en t-1 et 0
sinon.

La variable retenue dans l’estimation pour représenter la performance de l’entreprise


est la productivité du travail (VA/L), exprimée par le ratio valeur ajoutée sur emploi. Comme
nous l’avons précisé plus haut nous n’avons pas pu retenir la PTF comme mesure de
performance, car il existe très peu d’observations pour chaque secteur présent dans
l’échantillon.

Pour estimer cette décision d’exportation, nous utilisons un modèle Probit dans lequel
cette décision dépend d’une variété de caractéristiques spécifiques à la firme :

P ( X it = 1 / X it − 1 = 0 ) = F (α + β ln PTit − 1 + γ (ln K / L) it − 2 + λ Z it − 1 + ω s + ω t + ε it ) (4.2)

P(.) : probabilité de l’évènement X ;

X it : Une variable muette égale à 1 si l’entreprise i exporte à l’année t;

PTit − 1 : La productivité du travail, exprimée par le rapport valeur ajoutée sur emploi

(VA/L), de l’entreprise i à l’année (t-1) (en logarithme);

165
Chapitre 4

( K / L)it − 2 : L’intensité capitalistique, exprime le ratio stock de capital sur emploi de

l’entreprise i à l’année (t-2) (en logarithme).Pour éviter des problèmes de multicollinéarité

entre PTit − 1 et ( K / L)it − 1 , il faut prendre la variable (K/L) en (t-2) .

Z it − 1 : représente les caractéristiques de l’entreprise i, en (t-1), qui peuvent expliquer

la probabilité à se mettre à exporter. Ces caractéristiques sont :

o L’âge (age) : le nombre d’année d’existence de la firme (en logarithme) ;

o La taille: variable binaire égale à 1 si l’emploi>100 (GRANDE) et 0 sinon ;

o ω s : des variables muettes sectorielles ;

o ε it : l’erreur de mesure.

Les entreprises appartenant au secteur manufacturier tunisien sont classées par régime
d’exportation. Nous distinguons les entreprises partiellement exportatrices (PE), celles qui
possèdent un ratio (exportations/ventes) compris entre 0 et 80 % et les entreprises totalement
exportatrices (TE) qui exportent 100 % de leurs ventes, mais qui ont le droit d’écouler sur le
marché local une part de leurs produits ne dépassant pas 20 % de leur chiffre d’affaire à
l’exportation. Ces dernières ont toujours bénéficié d’avantages spécifiques voir chapitre 2
(financiers, assistance technique, garanties, incitations fiscales, facilitation des procédures
douanières). Nous supposons que cette différence de traitement entre ces deux types
d’entreprises, même si ces dernières années il y a eu des mesures pour diminuer cet écart, est
de nature à apporter des distorsions dans l’analyse de la relation exportation-productivité. En
effet, les entreprises TE font face à la concurrence étrangère, donc devraient être
performantes. Mais le fait de bénéficier de plus d’avantages que les PE, a permis à certaines
d’entre elles de ne pas faire l’effort d’améliorer leurs productivités pour entrer sur le marché à
l’exportation. Ce sont des entreprises qui profitent d’une politique commerciale qui favorise
les exportations, en se positionnant sur des secteurs pour lesquels la Tunisie possède un
avantage concurrentiel, et essayent de profiter des facilités qu’offre le régime totalement
exportateur sans se soucier d’améliorer leurs productivités, car il y a toujours des mécanismes
d’aide qui leur laissent le temps de réagir face à un choc externe. Comme le cas des
entreprises appartenant au secteur textile-habillement et cuir qui sont en majorité des unités
travaillant en sous-traitance pour des entreprises étrangères. Sachant que ces entreprises TE
exportent sur toute la période, puisque par définition, leur activité principale est orientée vers

166
Chapitre 4

les marchés extérieurs, même si elles possèdent une productivité élevée en (t-1), vu qu’elles
ne changent pas de statut (de non exportatrices à exportatrices) entre la date (t-1) et t, on ne
peut pas voir leur effet d’auto-sélection.

L’histogramme du ratio (exportation/vente totale de l’entreprise) montre que pour le


dernier quantile (exp_vente=1), on a une forte densité d’entreprises totalement exportatrices
dans l’échantillon. Il faut tenir compte dans l’interprétation des résultats de la présence de ces
entreprises TE, puisqu’elles constituent une part importante des entreprises de l’échantillon.

Histogramme de la variable (exportation/vente)


10
8 6
Density
4
2
0

0 .2 .4 .6 .8 1
exp_vente

Ainsi, pour contrôler l’existence de l’effet de switch (passage de statut de non


exportatrice à exportatrice), nous commençons par retirer de l’estimation celles qui
bénéficient du régime particulier TE. En effet, ces entreprises n'obéissent pas à un effet de
sélection fondé sur la productivité mais profite d’une politique de subvention des
exportations. Nous faisons donc un test de l’hypothèse d’auto-sélection en prenant en compte
dans l’estimation uniquement les firmes partiellement exportatrices (qui exportent entre 0 et
80 % de leurs ventes à la date t, sachant qu’elles n’exportent pas en (t-1))

Ainsi pour remédier à ce biais, nous testons premièrement l’hypothèse d’auto-


sélection en prenant en compte toutes les entreprises exportatrices quelles que soient leur part

167
Chapitre 4

du chiffre d’affaires à l’export, puis une deuxième régression en regardant uniquement les
estimations pour les entreprises PE.

b. Les résultats
Les résultats des régressions en probit présentés dans le tableau 33 (qui porte sur la
totalité des entreprises exportatrices) et le tableau 34 (qui ne comporte pas les entreprises
totalement exportatrices), comme le prédisent les nouveaux modèles de l’échange, montrent
que le niveau de productivité explique la probabilité pour une entreprise de se mettre à
exporter et de rester sur le marché des exportations. Cela est mis en évidence par le signe et la
significativité du coefficient de la productivité du travail en (t-1). Dans un modèle probit, cela
signifie qu’une augmentation marginale de la PT va accroître la probabilité d’exporter.

Pour les TE, on ne peut observer les corrélations entre productivité et l’entrée au
marché des exportations que normalement nous devrons observer, puisqu’elles sont
totalement exportatrice dès le début de la période. En somme pour elle la variable

d’exportation X it a un bruit lié à la politique d’exportation.

On remarque qu’on a le même résultat pour la variable productivité du travail, aussi


bien en prenant en compte dans l’estimation les entreprises TE (tableau 33) ou en prenant en
compte uniquement les entreprises partiellement exportatrices présenté dans le tableau 34.

Mais les résultats des deux régressions, en considérant la valeur du pseudo R-squared,
montrent qu’il y a une amélioration du pouvoir prédictif avec la deuxième régression
présentée par le tableau 34 (estimation sans entreprises TE). Le biais introduit par les
entreprises totalement exportatrices est le fait qu’on n’a pas de changement d’état. Ainsi, la

variable X it ne change pas d’état à (t-1) est reste égale 1, donc l’effet d’auto-sélection est
impossible à vérifier pour cette catégorie d’entreprises.

On observe que les coefficients des variables taille et âge ne sont pas significatifs. Ce
résultat est sans doute dû à l’étroitesse de l’échantillon et à son hétérogénéité. Nous nous
serions attendus à ce que les plus grandes soient les plus exportatrices, résultat que nous
retrouvons dans beaucoup d’études empiriques sur le sujet.

Tableau 32 : La probabilité de commencer à exporter


La décision d’exporter
Modèle : (1) (2) (3) (4)
ln( PT )t − 1 0.359*** 0.461** 0.469* 0.379*
(0.126) (0.213) (0.248) (0.220)

168
Chapitre 4

ln( K / L)t − 2 -0.0179 -0.023 0.059


(0.128) (0.154) (0.131)
ln(age) t − 1 -0.168
(0.164)
taillet − 1 -0.334
(0.205)

Effets sectoriels non non oui non


Nombre 561 448 448 432
d’observations
Pseudo R-squared 0.033 0.049 0.084 0.064
Source : calcul de l’auteur. Les écarts types sont entre parenthèses et *, **, *** indiquent
respectivement une significativité aux seuils de 10 %, 5 % et 1 %.

Tableau 33: La probabilité de commencer à exporter


La décision d’exporter
Avec, 0< (exportation/vente) <0.99 à la date t
Modèle : (1) (2) (3) (4)
ln( PT )t − 1 0.416*** 0.518** 0.475* 0.437*
(0.133) (0.227) (0.265) (0.235)

ln( K / L)t − 2 0.0132 0.062 0.097


(0.137) ( 0.167) (0.141)
ln(age) t − 1 -0.216
(0.171)
taillet − 1 -0.269
(0.219)

Effets sectoriels non non oui non


Nombre 561 448 448 432
d’observations
Pseudo R-squared 0.044 0.072 0.115 0.084
Source : calcul de l’auteur. Les écarts types sont entre parenthèses et *, **, *** indiquent respectivement
une significativité aux seuils de 10 %, 5 % et 1 %.

Le tableau 35 qui correspond aux effets marginaux, montre qu’une augmentation de


1% dans la productivité du travail permet une augmentation de la probabilité de commencer à
exporter d’environ 3,5 %, dans le cas où on tient compte de l’intensité capitalistique et des
effets sectoriels.

Tableau 34 : Effets marginaux des déterminants de la décision d’exporter


Effets marginaux
(Avec, 0< (exportation/vente) <0.99 à la date t)
Modèle : (1) (2) (3) (4)
ln( PT )t − 1 0.040*** 0.043** 0.035* 0.035*
(0.012) (0.018) (0.019) (0.018)

169
Chapitre 4

ln( K / L)t − 2 0.001 0.005 0.008


(0.011) (0.012) (0.011)
ln(age) t − 1 -0.017
(0.014)
taillet − 1 -0.022
(0.019)

Effets sectoriels non non oui non


Nombre 561 448 448 432
d’observations
Source : calcul de l’auteur. Les écarts types sont entre parenthèses et *, **, *** indiquent
respectivement une significativité aux seuils de 10 %, 5 % et 1 %.

2.1.2. Le Learning by exporting

a. Présentation de la démarche
L’amélioration de la productivité associée à l’accès aux marchés à l’export a été
appelée par Clerides et al (1998) et par d’autres comme « l’apprentissage par l’exportation ».

L’hypothèse de learning by exporting suppose qu’il existe une corrélation positive


entre la performance et le fait d’exporter qui est dû à l’amélioration de la productivité suite à
l’absorption des connaissances et des nouvelles technologies une fois les firmes entrées dans
le marché des exportations.

Une grande partie des analyses empiriques menées sur cette question n’apporte pas la
preuve de l’existence du learning by exporting. On montre que les exportateurs sont plus
productifs, plus grands, plus intenses en capital, et payent des salaires plus élevés que les non
exportateurs. Ainsi, il est très important de comprendre les mécanismes qui caractérisent la
relation entre le fait d’exporter et la productivité ; plusieurs gouvernements, par exemple,
mettent en place des avantages et des subventions pour promouvoir les exportations. La
justification d’une amélioration de l’efficacité existe, si les firmes améliorent leurs
technologies à travers l’apprentissage portant sur les caractéristiques de leurs clients
étrangers. Cet apprentissage va générer des retombées positives qui vont augmenter la
productivité.

Les firmes domestiques qui sont passées à l’export ont besoin de résoudre de
nouveaux problèmes comme adopter des standards techniques rigoureux pour satisfaire des
consommateurs plus exigeants. La production de biens exportés peut nécessiter l’introduction
d’équipements nouveaux et plus efficaces auxquels les travailleurs ont besoin de s’adapter.
Les marchés à l’export sont supposés être plus compétitifs que le marché domestique. Ils

170
Chapitre 4

exercent une pression sur les firmes pour pouvoir satisfaire les commandes dans les temps et
assurer une qualité standard pour leurs produits. Faire face à tous ces défis peut aider les
firmes à améliorer leurs productivités. Cependant, une fois que les firmes ont réussi à relever
ces défis. La possibilité d’acquérir des effets d’apprentissage supplémentaires peut se réduire
de façon significative dans le temps.

La méthode habituelle pour tester l’effet d’apprentissage par les exportations est
d’étudier la relation entre l’exportation et la croissance de la productivité du travail ( ou
croissance de la PTF).

Comme on l’a vu dans la revue de la littérature empirique, certaines études essayent


d’expliquer la croissance de la productivité des entreprises par certaines de leurs
caractéristiques ainsi que par le statut d’exportation ou par la part des exportations dans la
production. Nous allons suivre cette démarche, en supposant que les entreprises ont des
rendements d’échelle constants et que la technologie de la firme i à la période t est décrite par
une fonction de type Cobb Douglas, en logarithme. On va estimer l’équation de croissance de
la productivité du travail, selon la méthode des effets fixes :

∆ ln(VA / L) i ( t ,t − 2 ) = α 1 X i ( t − 2 ) + β ∆ ln( K / L) i ( t ,t − 2 ) + ∑α
k
k Z i + ε it (4.3)

∆ ln(VA / L) i ( t ,t − 2 ) : Croissance de la productivité du travail de l’entreprise i entre

l’année t et (t-2);

X i ( t − 2 ) : Variable muette égale à 1 si l’entreprise i exporte à la période (t-2) et 0

sinon :

∆ ( K / L) i (t ,t − 2 ) : Croissance de l’intensité capitalistique de l’entreprise i entre l’année t

et (t-2) ;

Z i : représente le vecteur des autres caractéristiques de l’entreprise i qui peuvent

expliquer la croissance de la productivité. Ces caractéristiques sont en particulier :

o taille: variable binaire égale à 1 si l’emploi>100 (GRANDE) et 0 sinon ;

o L’âge (age) : nombre d’année d’existence de la firme, en logarithme ;

o ε it : l’erreur de mesure.

171
Chapitre 4

b. Les résultats
En faisant l’estimation de l’équation (3.4) présentée par le tableau 36, on trouve un

coefficient positif et non significatif de la variable muette d’exportation X i ( t − 2 ) . Nous ne


parvenons donc pas à mettre en évidence l’existence d’un effet learning by exporting. On ne
peut pas conclure non plus qu’il n’existe pas. Il faut interpréter ce résultat avec précaution.
Pour cela il faut tenir compte de l’existence d’un biais de sélection de l’échantillon, ainsi que
de l’étroitesse de celui-ci.

Tableau 35 : Croissance de la productivité et exportation


Variable
dépendante : ∆ ln(VA / L)i ( t ,t − 2 )
Modèle : (1) (2)
X i (t − 2) 0.058 0.033
(0.083) (0.087)
∆ ( K / L) i (t ,t − 2 ) 0.485*** 0.480***
(0.089) (0.093)
ln(age) 0.160
(0.217)
taille -0.214*
(0.124)
Nombre 448 432
d’observations
Source : calcul de l’auteur. Les écarts types sont entre parenthèses et *, **, *** indiquent
respectivement une significativité aux seuils de 10 %, 5 % et 1 %.

On peut expliquer cette absence de significativité de plusieurs manières.

En premier lieu, les entreprises étrangères offshores (qui font partie des TE) sont
totalement coupées de leur environnement local. Il s’agit d’enclaves ne permettant pas de
diffusion technologique aux autres entreprises appartenant au régime onshore (PE). Par
ailleurs, les entreprises partiellement exportatrices tunisiennes subissent plusieurs contraintes
par rapport aux entreprises TE (difficulté d’accès au financement, existence de pratiques
anticoncurrentielles sur le marché domestique, rigidité des procédures de licenciement). Donc
elles n’arrivent pas à profiter des retombées positives liées à l’entrée sur le marché des
exportations qui améliorerait leur productivité du travail.

En deuxième lieu, il faut signaler que les réformes de la libéralisation sont à leur 1ère
phase durant la période observée (1998-2003). On note que durant cette période, le
programme de libéralisation est encore à son stade initial pour les produits finis. En effet, les
réformes commerciales ont touché uniquement les inputs et les équipements jusqu’à la fin des

172
Chapitre 4

années 1990. Ce programme de libéralisation a été graduel et s’est étalé dans le temps. Ainsi,
pendant la période étudiée les entreprises partiellement exportatrices sont peu concurrencées
sur le marché domestique, donc peu incitées à faire des gains de productivité.

Une autre explication est que la Tunisie tend à se spécialiser dans des produits et des
industries qui ne possèdent pas suffisamment d’effet d’externalités positives. La libéralisation
commerciale avec l’UE depuis 1996 a permis à la Tunisie de continuer à acheter des biens de
haute technologie des pays de l’UE. Or les industries tunisiennes choisissent l’option rapide
d’importer les parties et les composants de haute valeur technologique, qui vont être utilisés
dans leurs produits destinés à l’exportation, au lieu d’encourager le transfert des technologies
vers les entreprises du régime onshore. Ceci est de nature à limiter la croissance de la
productivité des entreprises.

L’étude du contexte dans lequel opèrent les entreprises exportatrices tunisiennes, ne


permet donc pas de dire s’il peut exister un effet learning by exporting ou non. Pour cela il
faudrait élargir la taille de l’échantillon.

Vu que nous n’avons pas pu obtenir un résultat sur l’existence d’un effet
d’apprentissage par les exportations, nous allons maintenant tester une relation plus restreinte
entre exportation et productivité du travail, en prenant comme variable explicative les
exportations au début de période (année 1998). Nous étudierons leurs effets sur la croissance
de la productivité entre la période t et le début de la période étudiée (année 1998). Les
entreprises qui exportent durant l’année 1998, vont soit continuer à exporter jusqu’à la fin de
la période, soit sortir du marché des exportations à une date donnée comprise entre l’année
1998 et l’année 2003.

Pour cela nous reprenons l’équation (3.4), en changeant la période (t-1) par l’année de
début de période (1998). Nous obtenons les résultats figurant dans le tableau 37.

Tableau 36 : Croissance de la productivité et exportation


Variable
dépendante : ∆ ln(VA / L)i (t ,t
ini )

Modèle : (1) (2)


X i ( t ini ) -0.689*** -0.697***
(0.064) (0.066)
∆ ( K / L) i ( t ,tini ) 0.706*** 0.714***
(0.017) (0.018)

173
Chapitre 4

ln(age) -0.084
(0.106)
taille -0.148*
(0.084)
Nombre 674 649
d’observations
Source : calcul de l’auteur. Les écarts types sont entre parenthèses et *, **, *** indiquent
respectivement une significativité aux seuils de 10 %, 5 % et 1 %.

Le tableau 37 montre qu’il existe une relation négative et significative entre les
exportations initiales et la croissance de la productivité. Ceci indique que le fait d’entrer sur le
marché des exportations ne garantit pas à lui seul une meilleure performance. Il semble bien
que bien qu’exportatrices, elles aient eu des difficultés à s’adapter à un marché qui s’ouvrait
rapidement. Il est possible que la concurrence qu’elles subissent sur le marché domestique de
la part des autres entreprises tunisiennes altère leur capacité d’exportation.

On peut peut-être expliquer ce phénomène a priori inattendu par le contexte dans le


quel ces firmes exportatrices opéraient au début de la période, à savoir que l’on entre dans le
début d’une phase de libéralisation commerciale principalement à l’égard de l’UE.

En réalité, une concurrence étrangère élevée peut amener une baisse des ventes des
firmes domestiques tunisiennes, au stade initial de la libéralisation. Quelques unes de ces
firmes domestiques sont lentes à s’ajuster, mais restent sur le marché, c’est pour cette raison
qu’il ya une diminution de la croissance de la productivité du travail pendant la période
étudiée. La chute de la croissance de la productivité dans un contexte plus ouvert avec une
augmentation de la concurrence aboutit à une diminution de la compétitivité et à une
stabilisation de la croissance des exportations tunisiennes. Il est nécessaire d’adopter des
réformes structurelles pour faciliter la réallocation des ressources aux secteurs bénéficiant
d’avantage comparatif et de freiner les coûts de transition.

Ce résultat (faible preuve de learning) traduit une insuffisance de robustesse des effets
des exportations et corrobore les conclusions contradictoires sur les effets de learning by
exporting dans les études empiriques précédentes.

2.1.3. L’auto sélection consciente

a. Présentation de la démarche

174
Chapitre 4

Pour analyser cette hypothèse, on va étudier le comportement des entreprises qui


changent de statut, en passant de producteur vendant exclusivement sur le marché
domestique à celui de vendeur sur les marchés extérieurs, en comparaison aux entreprises
non exportatrices.

Si cette hypothèse est vérifiée, alors on devrait observer que les firmes qui souhaitent
intégrer les marchés étrangers prennent des décisions visant à accroître leur niveau de
productivité préalablement à leur entrée. En effet, ces entreprises vont devoir investir dans du
capital physique avant d’entrer sur les marchés d’exportation, visant ainsi à améliorer leur
produit et leur système de production.

Pour ce faire, on estime la même fonction (4.2) en considérant la variable

d’investissement décalée d’une période ou de deux périodes en logarithme ( ln( I ) it − 1 ). Si


l’effet d’auto-sélection consciente est valide, on s’attend à ce que l’investissement ait un effet
positif sur la probabilité d’exporter. En effet, les firmes exportatrices font face à une
concurrence très intense sur les marchés étrangers et elles doivent proposer des biens de haute
qualité très attractifs, ce qui les oblige à investir.

ii. Les résultats

Les résultats présentés dans le tableau 38, montrent que l’investissement est non
significatif en (t-1) et (t-2). On n’arrive pas à mettre en évidence cet effet d’auto-sélection
consciente. Ce résultat peut être expliqué soit par les limites de l’échantillon, soit par le fait
que les entreprises engagent des frais pour entrer sur le marché des exportations, qui vont
abaisser temporairement leur niveau de productivité.

Tableau 37: Auto-sélection consciente sur le marché des exportations


La décision d’exporter
Modèle : (1) (2)
ln( PT )t − 1 0.462 0.279
(0.303) (0.425)
ln( K / L)t − 2 -0.123 -0.161
(0.212) (0.301)
ln( I )it − 1 0.046
(0.110)
ln( I )it − 2 0.092
(0.151)
ln(age) t − 1 -0.076 0.022
(0.224) (0.310)

175
Chapitre 4

taillet − 1 -0.479* -0.905**


(0.311) (0.428)
Effets sectoriels non non
Nombre 208 158
d’observations
Source : calcul de l’auteur. Les écarts types sont entre parenthèses et *, **, ***
indiquent respectivement une significativité aux seuils de 10 %, 5 % et 1 %.

2.2.Illustration pour le cas du secteur textile-habillement et cuir

Le secteur du textile-habillement cuir est à l’origine de la moitié des exportations


manufacturières et emploie la moitié des salariés de l’industrie manufacturière tunisienne.
C’est l’exportation qui a largement contribué à la croissance du secteur, depuis
l’établissement de la loi de 1972, qui a encouragé la vocation exportatrice des entreprises en
leur offrant des avantages fiscaux dans le cadre du régime offshore (totalement exportateur).
Il est donc intéressant d’analyser cette relation exportation-productivité totale des facteurs
pour les entreprises du secteur THC, sachant que la part de ce secteur dans l’échantillon est de
48 % en termes de nombre d’entreprises.

2.2.1. Mesure de la productivité totale des facteurs pour les entreprises du


secteur textile habillement et cuir tunisien

Notre analyse économétrique est fondée dans ce cas sur le travail théorique concernant
le comportement de maximisation du profit de la firme dans un modèle dynamique présenté
par Olley et Pakes (1996) (OP). Ceux-ci ont fourni un cadre intéressant pour analyser la
dynamique des firmes liée à la libéralisation commerciale. Dans leur méthode, ils proposent
d’utiliser l’investissement comme proxy pour l’estimation de la productivité au sein de
l’entreprise. Par la suite Levinsohn et Petrin (2003) (LP), ont proposé d’utiliser comme proxy
de la productivité non pas l’investissement mais l’un des composants de la consommation
intermédiaire (matières premières ou énergie) qui présente des avantages au niveau des
données, car il évite des coûts d’ajustement liés à la perte de données. La méthode de LP
permet aussi de corriger le biais de simultanéité, qu’on a évoqué dans le chapitre 3.
Dans le cas des entreprises tunisiennes, on a renoncé à l’estimation par la méthode
d’Olley et Pakes (1996), pour une raison liée au processus de sélection de l’échantillon. En
effet, la base de données des entreprises a été sélectionnée de sorte que chaque entreprise soit
présente pendant toute la période de 1998 à 2003. Il n’y a donc pas de mouvement d’entrée et

176
Chapitre 4

de sortie des entreprises. Il est alors impossible d’appliquer la méthode d’OP qui est adaptée
au cas où cette dynamique existe. On introduirait un biais de sélection.
Pour obtenir des estimateurs cohérents des paramètres de la fonction de production, on
va calculer la productivité en utilisant la méthode semi paramétrique de Levinsohn et Petrin.
Ce choix nous permet de mesurer l’efficience technique des entreprises. Cette méthode est
appliquée pour la première fois, à notre connaissance, à des entreprises tunisiennes.
Rappelons ici que nous allons calculer la PTF pour le secteur du textile-habillement et cuir qui
représente presque la moitié de l’échantillon, alors que pour les autres secteurs manufacturiers
on n’aurait pas pu procéder à ce calcul, car on ne dispose que de peu d’observations. Ceci
aurait été de nature à fausser le résultat, d’autant que les méthodes d’estimation semi-
paramétriques sont particulièrement sensibles à la taille de l’échantillon.
Ainsi, on obtient une mesure de la productivité au niveau de la firme en estimant une
fonction de production. On décrit la technologie de la firme i à la période t par une fonction de
production de type Cobb Douglas, en logarithme :

vait = β 0 + β l lit + β k k it + µ it (4.4)

Avec µ it = ω it + η it
Où vait est le log de la valeur ajoutée48 de l’entreprise utilisé comme mesure de son

output, lit est le log du travail représenté par le nombre d’employés et kit est le log du stock
de capital utilisé par la firme i à la période t, calculé selon la méthode de l’inventaire
perpétuel. Toutes les variables sont exprimées en logarithmes. Donc les cœfficients des inputs

représentent les élasticités de l’output par rapport aux inputs. Le terme µ it spécifique à la

firme est composé d’une part de l’efficacité spécifique à la firme ω it qui est connue par la

firme mais non connue par l’économètre, d’autre part du choc de productivité inattendu η it
qui n’est connu ni par la firme ni par l’économètre.
On procède à l’estimation de la fonction de production (4.4) pour chaque secteur et
chaque variable proxy à savoir la consommation de matières premières et d’énergie.
Le niveau de productivité obtenu grâce à l’estimation des coefficients de la fonction de
production est le suivant :

ptf it = exp(vait − βˆl lit − βˆk kit ) (4.5)

48
La valeur ajoutée a été utilisée au lieu de la production pour éviter d’avoir des résultats incohérents avec
l’utilisation de la méthode de Levinsohn et Petrin (2003). VA=Y – Consommations intermédiaires (matières
premières, énergie, services)

177
Chapitre 4

Le calcul du terme de productivité par la méthode qui vient d’être exposée est appliqué
à toutes les firmes de l’échantillon. Cette productivité calculée inclut un terme d’erreur, c'est-
à-dire qu’elle ne distingue pas entre les facteurs sous contrôle de la firme et les facteurs
exogènes. Plus elle est élevée, plus la firme sera productive.
Pour montrer l’intérêt qu’il y a à utiliser la méthode semi paramétrique de Levinsohn
et Petrin (2003), il est utile de présenter les résultats de l’estimation de la fonction de
production par la méthode des MCO et celles des effets fixes, pour pouvoir les comparer. En
effet, théoriquement, le coefficient du travail estimé par les MCO doit être biaisé à la hausse
c’est à dire supérieur à celui estimé par la méthode de LP (ceci quelle que soit la variable
proxy utilisée), alors que le biais du capital reste ambigu. Quant au coefficient du capital
obtenu par la méthode des effets fixes, il est inférieur à celui de la méthode LP. Ainsi
l’estimation des coefficients de la fonction de production par la méthode de LP par rapport à
celle des MCO et des effets fixes, permet l’élimination du biais de simultanéité. L’estimation
est présentée dans le tableau 39.

Tableau 38 : Estimation des fonctions de production par la méthode des MCO, effets
fixes et semi-paramétrique de Levinsohn et Petrin

Variables MCO Effets fixes LP(matières) LP(énergie)


l 0.666*** 0.111 0.702*** 0.709***
(0.044) (0.112) (0.099) (0.093)
k 0.321*** 0.321*** 0.367** 0.484***
(0.027) (0.102) (0.160) (0.167)
cste 1.504*** 4.231***
(0.197) (0.231)
Nombre 324 324 324 324
d’observations
Source : Calcul de l’auteur. Les écarts-type sont entre parenthèses. *, **, et *** indiquent une
significativité respectivement au seuil de 10 %, 5 % et 1 %.

D’après ces résultats, on remarque qu’il y a des différences entres les estimations selon
qu’on utilise comme proxy du capital soit les matières, soit l’énergie. Sachant que les achats
de matières premières sont les plus sensibles à une variation de la productivité, plus
l’entreprise est productive plus elle consommera de matières premières. Cette augmentation
sera moins forte pour l’électricité ou le fuel (l’énergie). On choisira donc pour le calcul de la
productivité totale des facteurs, la méthode LP avec un proxy qui nous permettra d’avoir des
coefficients estimés plus significatifs. Dans notre cas ce sont les matières premières et non pas
l’énergie.

178
Chapitre 4

2.2.2. Analyse économétrique de la relation exportation- PTF

Pour analyser la relation entre l’activité d’exportation et la productivité, on a testé la


validité des 3 hypothèses, l’auto-sélection, le learning by exporting, l’auto-sélection
consciente. En raison des limites de l’échantillon relatif aux entreprises du secteur THC, nous
n’avons pas pu mettre en évidence le lien entre les exportations et la PTF. La raison probable
de cette non significativité est que le panel étudié est constitué d’entreprises exclusivement
exportatrices dont la majorité sont totalement exportatrices. Nous fournissons en annexe les
résultats économétriques qui ne font apparaître aucun des 3 effets attendus.

Vu les spécificités de ce secteur présentées au chapitre 2, c'est-à-dire la vocation


exportatrice des firmes de ce secteur, qui sont majoritairement des PME qui exécutent les
commandes des donneurs d’ordre étrangers, on s’attend à ce que ces firmes soient
productives dès le début de la période.

179
Conclusion Générale

Conclusion Générale

Nous avons étudié dans cette thèse les effets de la libéralisation commerciale, du côté
des exportations, sur la productivité du travail d’un point de vue général et, plus
particulièrement, du point de vue des firmes tunisiennes.

L’étude du lien entre les exportations et la productivité du travail pour toutes les
entreprises tunisiennes a révélé deux résultats principaux.

Le premier résultat confirme l’hypothèse standard selon laquelle, seules les firmes les
plus productives vont entrer sur les marchés d’exportation. Nous avons démontré que cette
hypothèse reste valable que nous prenions en compte ou que nous laissions de côté dans
l’estimation les entreprises totalement exportatrices. En effet la présence de ces dernières
introduit un bruit dans l’estimation de la probabilité de l’entrée sur les marchés d’exportation.
Mais la corrélation de cette probabilité d’entrée avec les autres caractéristiques de l’entreprise
comme l’âge et la taille n’a pas pu être validée dans notre étude. Ceci peut être expliqué par
l’existence d’un biais de sélection.

Le second résultat souligne l’existence d’un effet négatif de l’entrée sur les marchés
d’exportation en début de période, sur la croissance de la productivité entre la date t et le
début de la période (année 1998). Nous n’avons pas observé d’effet d’apprentissage par les
exportations dans notre étude.

Au cours de cette analyse, nous avons mené d’autres tests:

- Lors du test de l’effet d’auto-sélection consciente, nous n’avons pas


trouvé de résultat significatif montrant que les entreprises prennent la
résolution préalable d’investir afin d’augmenter leur productivité et de
préparer leur entrée sur les marchés des exportations.

- Nous avons refait la même analyse pour les entreprises du secteur


textile-habillement et cuir en remplaçant la productivité du travail par
la productivité totale des facteurs. Mais nous n’avons pas abouti à un
résultat probant, en raison du faible nombre d’observations.

180
Conclusion Générale

Notre travail présente des limites liées à la taille et à la qualité des données de
l’échantillon. En effet, la taille réduite de l’échantillon a eu deux conséquences majeures sur
la robustesse des résultats. La première nous a amené à utiliser la productivité du travail au
lieu de la PTF. Cette dernière aurait sans doute donné des résultats plus intéressants
puisqu’elle tient compte des spécificités sectorielles et de tous les facteurs de production. La
deuxième nous a obligés à abandonner l’utilisation de techniques plus sophistiquées
d’estimation économétriques pour analyser le lien entre l’activité d’exportation et la
productivité du travail.

L’existence d’un biais de sélection de l’échantillon nous a conduits à interpréter ces


résultats avec beaucoup de précaution. Premièrement, l’échantillon est constitué d’un nombre
important d’entreprises exportatrices dont la moitié est totalement exportatrices.
Deuxièmement, il n’y a pas de mouvement d’entrée et de sortie des firmes sur la période
étudiée. Troisièmement, il existe un nombre très faible d’entreprises par secteur, à l’exception
du secteur textile-habillement et cuir.

Ces limites sont inhérentes à l’échantillon lui-même. En effet, il est difficile de


pouvoir obtenir un échantillon sur la période 1998 à 2003, présentant un ensemble exploitable
de données détaillées (les consommations intermédiaires, les ventes par produit sur le marché
domestique et celles destinées à l’exportation, les données sur le capital, la part du capital
étranger, la taille, l’âge…). En dépit de l’ensemble de ces limites qui expliquent la fragilité de
nos résultats, nous avons obtenu quelques résultats intéressants sur l’impact de la
libéralisation commerciale sur la productivité du travail des entreprises manufacturières
tunisiennes.

Dans une analyse future, il serait intéressant, de tenir compte des importations par
entreprise ou des droits de douane à un niveau fin pour étudier les liens entre les importations
et la PTF. En effet, il serait intéressant de rechercher si l’augmentation de la concurrence
incite les entreprises à accroître leur niveau d’efficience technique, et si les entreprises
importatrices profitent de la diffusion technologique par le biais de leurs fournisseurs
étrangers.

Il serait également pertinent d’intégrer les données sur les sources d’apprentissage, en
particulier des données relatives aux clients étrangers, dans l’étude de l’effet d’apprentissage
par les exportations. Il serait utile de rechercher en premier lieu, si les firmes qui ont exportés
dans le passé sont davantage susceptibles de bénéficier d’un apprentissage du fait de leurs

181
Conclusion Générale

contacts avec leurs clients. On pourrait étudier également la question de savoir si les firmes
qui ont reçu des effets positifs d’apprentissage de la part de leurs clients dans le passé sont
davantage susceptibles de connaître des augmentations de productivité.

Des recherches en ce sens pourraient constituer un prolongement intéressant de ce


travail de thèse

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193
Annexes

Annexes
On présente les résultats du lien entre l’exportation et la productivité totale des
facteurs des entreprises du secteur textile, habillement et cuir.

a. L’effet d’auto-sélection

Pour identifier l’existence d’un effet d’auto-sélection des entreprises sur le marché des
exportations, nous allons procéder à la même démarche présentée ci-dessus pour toutes les
entreprises de l’échantillon. Dans le cas des entreprises du secteur THC, nous avons pu
calculer la productivité totale des facteurs, en suivant la méthode semi-paramétrique de
Levinsohn et Petrin. Ainsi, nous allons essayer de voir si les entreprises du THC les plus
productives vont exporter. Nous estimons la décision d’exportation, en utilisant un modèle
probit :

P ( X it = 1 / X it − 1 = 0 ) = F (α + β ln PTFit − 1 + λ Z it − 1 + ω s + ε it ) (1)

X it : Une variable muette égale à 1 si l’entreprise i exporte à l’année t;

PTFit − 1 : La productivité totale des facteurs de l’entreprise i à l’année (t-1), en

logarithme;

( I ) it − 1 : L’investissement de l’entreprise i à la date (t-1) ;

Z it − 1 : représente les caractéristiques de l’entreprise i, en (t-1), qui peuvent expliquer

la probabilité à se mettre à exporter. Ces caractéristiques sont :

o L’âge (age) : le nombre d’année d’existence de la firme, en logarithme ;

o La taille: variable binaire égale à 1 si l’emploi>100 (GRANDE) et 0 sinon ;

o Cap-etrang : la part du capital étranger, en logarithme ;

o ε it : l’erreur de mesure.

Pour tester l’hypothèse d’auto-sélection consciente, on reprend la même équation (1)


en ajoutant l’investissement décalée d’une période, pour voir les entreprises qui font des

194
Annexes

investissements afin de préparer leur entrée future sur les marchés d’exportation. Le résultat
est présenté dans la colonne 4, du tableau 39.

Les résultats des effets d’auto-sélection et d’auto-sélection consciente sont présentés

dans le tableau 39. Le coefficient de ln( PT )t − 1 , est non significatif.

Tableau 39: La probabilité de commencer à exporter pour les entreprises du THC


La décision d’exporter
Modèle : (1) (2) (3) (4)
ln( PTF ) t − 1 -0.040 1.567 -0.116 0.781
(0.395) (1.532) (0.407) (0.789)
ln(age) t − 1 -0.014 0.702
(0.267) (0.635)
taillet − 1 -0.275 -0.606
(0.343) (0.622)
ln(cap − etrang ) t − 1 -1.313
(0.978)
ln( I ) t − 1 -0.136
(0.225)
Nombre d’observations 267 145 266 88
Pseudo R-squared 0.0002 0.288 0.009 0.164
Source : calcul de l’auteur. Les écarts types sont entre parenthèses et *, **, *** indiquent
respectivement une significativité aux seuils de 10 %, 5 % et 1 %. Cap-etrang représente la part du
capital étranger.

ii. Le learning by exporter

On estime l’équation suivante :

∆ ln( PTF ) i ( t ,t − 2 ) = α 1 X i ( t − 2 ) + ∑
k
α k Z i + ε it (4.3)

∆ ln( PTF ) i (t ,t − 2 ) : Croissance de la productivité totale des facteurs, calculer

précédemment de l’entreprise i entre l’année t et (t-2);

X i ( t − 2 ) : Variable muette égale à 1 si l’entreprise i exporte à la période (t-2) et 0

sinon :

Z i : représente le vecteur des autres caractéristiques de l’entreprise i qui peuvent

expliquer la croissance de la productivité. Ces caractéristiques sont en particulier :

o taille: variable binaire égale à 1 si l’emploi > 100 (GRANDE) et 0 sinon ;

195
Annexes

o L’âge (age) : nombre d’année d’existence de la firme, en logarithme ;

o ε it : l’erreur de mesure.

Tableau 40: Croissance de la productivité et exportation pour le secteur THC

Variable
dépendante : ∆ ln(VA / L)i ( t ,t − 2 )
Modèle : (1) (2)
X i (t − 2) 0.213 0.179
(0.184) (0.191)
ln(age) 0.585**
(0.228)
taille -0.081
(0.151)
Nombre 213 213
d’observations
Source : calcul de l’auteur. Les écarts types sont entre parenthèses et *, **, *** indiquent
respectivement une significativité aux seuils de 10 %, 5 % et 1 %.

Les résultats du tableau 40 ne sont pas significatifs, difficile à interpréter dans ce cas.

196
Vu : Le Président

Vu les suffragants :

Vu et permis d’imprimer : le Vice – Président du Conseil Scientifique Chargé de la Recherche


de l’Université Paris Dauphine.
Résumé de la thèse

L’objet de ce travail est d’analyser le lien entre l’entrée sur les marchés d‘exportation et la
productivité des entreprises manufacturières, dans le contexte tunisien. Nous avons
commencé par une analyse de l’aspect réglementaire et fiscal qui touche les entreprises
industrielles, et par l’étude de la politique commerciale de la Tunisie. Par la suite nous avons
passé en revue la littérature théorique et empirique sur le sujet. Enfin, pour expliquer ce
phénomène, nous avons testé trois hypothèses : l’auto-sélection, l’apprentissage par les
exportations, et l’auto-sélection consciente, en nous basant sur des données au niveau des
entreprises sur la période (1998- 2003). Les résultats valident l’hypothèse de l’auto-sélection,
alors que l’effet d’apprentissage par les exportations et celui de l’auto-sélection consciente
n’ont pas pu être observé.

Mots-clés : productivité du travail, méthode semi-paramétrique, libéralisation commerciale,


auto-sélection, apprentissage par les exportations, entreprises tunisiennes.

Abstract

This work aims to study the relationship between the entry to export market and industrial
firm productivity in the Tunisian context. At the outset, we analyze Tunisian regulation and
fiscal policy system of industrial firms and we focus on Tunisian trade policy during the last
decades. In the second step, we review the literature on free trade theories and we review
empirical papers that are related to the scope of the study. In the remainder of this work we
developed and tested three hypotheses on the link between entry to export market and
Tunisian firm productivity. Our hypotheses include self-selection, learning by exporting and
conscious self-selection. For the purpose of this study we collected data on industrial Tunisian
firms in the period from 1998 to 2003. In this period, Tunisia spent a lot of efforts in adopting
and in implementing free trade policy. Our results show the existence of self selection
phenomena in the industrial Tunisian firms. However we didn’t find any evidence of neither
learning by exporting nor conscious self selection.

Keywords: Labor productivity, semi-parametric method, trade liberalization, self selection,


learning by exporting, tunisian firm.

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