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UNIVERSITE D’ALGER

BENYOUCEF BENKHEDDA
FACULTE DE MEDECINE
DEPARTEMENT MOHAMED MAHERZI

CANCER DE L’OESOPHAGE

Module de Gastro-entérologie (4ème année de Médecine)

Docteur Noureddine Ait Benamar


Service de chirurgie Générale
Clinique Djillali Rahmouni
N.AIT BENAMAR CANCER DE L’OESOPHAGE

SOMMAIRE

I. INTRODUCTION
II. EPIDIOMOLOGIE
III. RAPPEL ANATOMIQUE
IV. RAPPEL HISTOLOGIQUE
V. ANATOMIE PATHOLOGIQUE
VI. DIAGNOSTIC POSITIF
VI.1. CLINIQUE
VI.1.1. Signes fonctionnels
VI.1.2. Signes physiques

VI.2. PARACLINIQUES

VI.2.1. Endoscopie haute

VI.2.2. Transit œsogastroduodénal (TOGD)

VI.2.3. Echoendoscopie

VI.2.4. Tomodensitométrie thoracoabdominale (TDM)

VI.2.5. Laryngoscopie indirecte

VI.2.6. Trachéobronchoscopie

VI.3. CLASSIFICATION TNM

VII. BILAN D’OPERABILITE


VIII. BILAN DE RESECABILITE
IX. TRAITEMENT
IX.1. Objectifs
IX.2. Moyens et indications thérapeutiques
IX.2.1 Préparation à la chirurgie
IX.2.2. Chimiothérapie

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IX.2.3. Radiothérapie
IX.2.4. Moyens endoscopiques
IX.2.4.1. Dilatation endoscopique
IX.2.4.2. Laser Yag
IX.2.4.3. Prothèse œsophagienne expansible
IX.2.5. Chirurgie
IX.2.5.1. Chirurgie curative
IX.5.1.1. Principes carcinologiques
IX.5.1.2. Techniques
- Intervention d’Ivor Lewis Santy
- Intervention de Nabeya Akiyama
- Intervention de Sweet

IX.2.5.2. Chirurgie palliative


IX.2.5.2.1. Intervention d’Orringer
IX.2.5.2.2. By pass gastrique ou colique
IX.2.5.2.3. Gastrostomie d’alimentation
X. PRONOSTIC
XI. CONCLUSION

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OBJECTIFS DU COURS :

1. Il est indispensable pour l’étudiant de faire appel aux objectifs contributifs


(rappels anatomiques et histologiques) pour comprendre les implications
pathologiques, cliniques et thérapeutiques du cancer de l’œsophage.

2. L’étudiant doit évoquer le cancer de l’œsophage devant toute gêne à la


déglutition et de demander l’endoscopie haute comme examen de première
intention.

3. Etre capable d’évaluer le statut du cancer de l’œsophage d’abord par une


évaluation clinique, puis par des examens paracliniques en fonction de
l’intention thérapeutique envisagée pour le malade.

4. Evaluer l’état nutritionnel et respiratoire du malade, sur le plan clinique,


biologique et spirométrique.

5. Enumérer les différentes armes thérapeutiques qu’on peut adapter au malade.

6. Définir une stratégie thérapeutique appropriée qui s’inscrit dans une option
curatrice ou palliative et qui doit tenir compte du stade de la maladie, des
compétences du malade et de l’environnement.

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POINTS ESSENTIELS

1- L’incidence du cancer de l’œsophage est en nette augmentation


particulièrement l’adénocarcinome du bas œsophage qui est associé le plus
souvent à l’endobrachy-œsophage.

2- La chirurgie reste le traitement de référence du carcinome de l’œsophage


sans métastases chez les malades en bon état général.

3- La technique chirurgicale n’est pas standardisée aussi bien sur le choix des
interventions à thorax fermé ou ouvert pour les carcinomes sous carénaire
et sur l’étendu du curage ganglionnaire

4- Les malades qui relèvent d’une exérèse chirurgicale doivent répondre à


une oesophagectomie radicale avec ou sans radiochimiothérapie
néoadjuvante.

5- Plus de 60% des malades ne peuvent relever d’un traitement radical car le
diagnostic est fait tardivement au stade de tumeur localement avancée et le
traitement palliatif pour ces malades doit être adapté en fonction du statut
du malade.

6- La gravité des complications postopératoires, dominés par les


complications respiratoires et la fistule médiastinale, impose de
sélectionner les malades.

7- La survie globale à 5 ans reste faible, l’amélioration des résultats dépend


du diagnostic précoce et des progrès dans le traitement locorégional et
systémique.

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I. INTRODUCTION
Le cancer de l’œsophage est défini comme une tumeur épithéliale se développant au
dépend de la paroi de l’œsophage. Le carcinome épidermoide reste majoritaire même
si le nombre d’adénocarcinome augmente régulièrement en rapport avec la métaplasie
intestinale du bas œsophage. C’est le plus grave des cancers digestifs puisque 80% des
malades décèdent dans l’année suivant le diagnostic. Cette gravité est liée au retard
diagnostic, au retentissement nutritionnel et respiratoire. Le cancer de l’œsophage
relève d’une prise en charge multidisciplinaire. Il pourrait être traité par la chirurgie, la
radiochimiothérapie, ou la combinaison des trois. Mais, les cas curables restent très
faibles.

II. EPIDEMIOLOGIE
Le cancer de l’œsophage est le 8éme cancer des cancers digestifs, il est à
prédominance masculine, en moyenne 10 hommes pour une femme. Il est rare avant
40 ans, son incidence augmente avec l’âge avec un pic de fréquence entre 55 à 70 ans.
Ses deux formes histologiques correspondent à des facteurs de risques différents. En
effet, le carcinome épidermoide très fréquent en Asie, est fortement lié à une
consommation d’alcool et de tabac ; par contre l’adénocarcinome est lié
principalement à l’obésité mais surtout au reflux gastro-œsophagien compliqué
d’endobrachy-œsophage, qui dans la plupart des cas n’est pas connu lorsque le cancer
se développe. La principale caractéristique du cancer de l’œsophage est son diagnostic
tardif au stade de cancer avancé ou de maladie métastatique, d’où l’intérêt de définir la
population à haut risque qui sera soumise à une surveillance rigoureuse clinique et
surtout endoscopique. Les maladies à haut risque de cancer sont l’Oesophagite
caustique, Endobrachy-œsophage, Mégaoesophage, Oesophagite sidéropénique
(syndrome de Kelly Paterson)

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III. RAPPEL ANATOMIQUE


L’œsophage est un organe profond, plaqué contre le rachis, le rendant inaccessible à
l’examen clinique et expliquant le diagnostic tardif du cancer de l’œsophage. C’est un
conduit musculo-membraneux, de 20 à 25 cm de longueur, s’étend de la sixième
vertèbre cervicale (C6) correspondant à la bouche de Killian à la dixième vertèbre
dorsale (D10), point de projection de la jonction oesocardiale. Il traverse trois régions
successives, cervicales, thoraciques et abdominales. De ce fait, son exérèse
chirurgicale exige l’abord direct des différents sites traversés (laparotomie,
thoracotomie, cervicotomie), Parfois seulement par double voie sans ouverture du
thorax.
Les rapports avec les organes de voisinage varient en fonction de la filière traversée, et
sont essentiellement d’ordre respiratoire (membraneuse de l’arbre tracheobronchique),
vasculaire (grande veine azygos, canal thoracique) et récurrentiel. Au cou, l’œsophage
étant légèrement déjeter à gauche, rentre en contact avec la trachée, le lobe thyroïdien,
le nerf récurrent et l’axe vasculaire jugulocarotidien. La région thoracique est
subdivisée en deux étages par rapport à la bifurcation trachéale se projetant à hauteur
de la quatrième vertèbre dorsale (D4), défini l’œsophage sus carénaire et sous
carénaire, qui en cas de cancer impose une exérèse transthoracique pour le premier, du
fait des rapports intimes avec l’arbre tracheobronchique (membraneuse) et la grande
veine azygos et pour le second une exérèse avec ou sans thoracotomie, sans risque car
à distance des éléments sus cités. Par contre dans sa portion abdominal, l’œsophage est
court mesure deux centimètres, repose contre les piliers du diaphragme dont
l’agrandissement du hiatus œsophagien (phrénotomie) permet d’accéder à l’œsophage
sous carénaire. En avant, il est recouvert de péritoine et masqué par le lobe gauche du
foie.
L’œsophage tire sa vascularisation des organes de voisinage qui varie en fonction de la
région traversée (vascularisation d’emprunt). Pour le segment cervical et thoracique
supérieur sus azygo-aortique, la source principale est l’artère thyroïdienne inférieure,
accessoirement, 1 ou 2 rameaux viennent directement de la sous-clavière surtout à
gauche. Pour le segment thoracique moyen et inférieur, on distingue deux systèmes :
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les artères œsophagiennes venant des artères bronchiques et des artères œsophagiennes
directement de l’aorte thoracique. Enfin, pour le dernier segment abdominal, la
vascularisation émane des artères abdominales à savoir l’artère diaphragmatique
gauche, l’artère coronaire stomachique et l’artère splénique par leurs branches oeso-
cardio-tubérositaires antérieure et postérieures. Cette particularité vasculaire est
caractérisée par la présence de segments richement vascularisée alternant avec des
segments de vascularisation pauvre sur les quels les anastomoses ont beaucoup moins
de chance de tenir.
Le drainage lymphatique de l’œsophage, assuré par un courant lymphatique
transpariétal et un courant sous muqueux longitudinal qui aboutissent à des collecteurs
qui gagnent les chaines lymphatiques, médiastinale, cervicale et cœliaque (drainage
lymphatique bidirectionnel). Le cancer de l’œsophage est réputé très lymphophile, son
extension lymphatique emprunte le réseau transpariétal mais surtout le réseau sous
muqueux longitudinal. La propagation peut se faire de façon continue mais aussi de
manière discontinue en saut de puce et sur une distance importante. Ainsi, les relais
ganglionnaires peuvent être Sautés (Skip metastasis des anglo-saxons), elle
expliquerait la survenue synchrone d’un cancer de la sphère ORL et d’une seconde
localisation œsophagienne. Elle a aussi des conséquences directes sur la technique
opératoire, une localisation cervicale du cancer associe à l’exérèse de l’œsophage une
pharyngolaryngectomie ; une marge de sécurité de 8 cm d’œsophage au dessus de la
tumeur est nécessaire pour avoir une recoupe saine d’où la nécessité de faire un
examen extemporané de la recoupe œsophagienne supérieure.

IV. RAPPEL HISTOLOGIQUE


Contrairement aux autres organes du tube digestif, l’œsophage est constitué seulement
de quatre tuniques, la muqueuse, la sous muqueuse, la musculeuse et l’adventice. Il ne
renferme pas de séreuse. L’absence de cette dernière est à l’origine de l’envahissement
rapide des organes de proximité.
La muqueuse de l’œsophage épaisse et résistante, est subdivisée en un épithélium de
revêtement malpighien non kératinisé dans ces 2/3 supérieure, qui en cas de
transformation maligne va donner un carcinome épidermoide, et d’un épithélium
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glandulaire dans son 1/3 inférieur, siège d’un adénocarcinome. Ce dernier peut se
développer également sur une métaplasie intestinale du bas œsophage qui défini
l’endobrachy-œsophage.

V. ANATOMIE PATHOLOGIQUE
Le carcinome épidermoide reste la forme histologique la plus fréquente du cancer de
l’œsophage, représente 90% des cas, il intéresse l’œsophage cervical et sus carénaire.
L’adénocarcinome est relativement faible par rapport au carcinome épidermoide,
représente 5 à 10%. Néanmoins, il est en nette augmentation durant ces deux dernières
décades, en rapport directe avec la métaplasie intestinale du tiers inférieur de
l’œsophage.
Il peut prendre la forme infiltrante (31%), la forme bourgeonnante (26%), la forme
ulcérée (22%), voir la forme mixte (11%).
L’extension intraoesophagienne se fait en sous muqueux ou transpariétal où on
distingue le cancer in situ ne dépassant pas la sous muqueuse, de meilleur pronostic et
le cancer invasif de mauvais pronostic. En l’absence de la séreuse, l’extension
extraoesophagienne se fait rapidement. La tumeur va ainsi, infiltrer le tissu
périoesophagien puis les viscères voisins en fonction de son siège. L’extension
longitudinale se fait dans les deux sens, expliquant l’existence de foyers à distance de
la tumeur d’origine, et enfin, circulaire où le quart de la circonférence est atteint au
bout de six mois, c'est-à-dire que la tumeur va devenir circonférentielle en deux ans.
L’extension lymphatique est précoce, il n’y a pas de corrélation stricte entre
l’envahissement ganglionnaire et le degré de pénétration transpariétale de la tumeur.
L’absence de systématisation du drainage lymphatique fait qu’on peut rencontrer des
gites lymphatiques très éloignés du site tumoral.
Les métastases viscérales sont souvent hépatiques, pulmonaires, osseuses et cérébrales,
leur présence contre indique la chirurgie à visée curatrice.

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VI. DIAGNOSTIC POSITIF

VI.1. CLINIQUE

VI.1.1. Signes fonctionnels : Tous les caractéristiques anatomiques,


histologiques et anatomopathologiques font du cancer de l’œsophage une maladie
diagnostiquée au stade de cancer avancé, voir de maladie métastatique.
Le symptôme majeur du cancer de l’œsophage est la dysphagie qui est classée en
quatre grades.
- Grade 1: Léger accrochage des aliments, cependant, les aliments solides et liquides
passent.
- Grade 2 : Seulement, les aliments semi liquides passent.
- Grade 3 : Seulement les aliments liquides.
- Grade 4 : Impossibilité d’avaler les liquides même la salive (Aphagie).
Des signes digestifs moins importants sont représentés par le hoquet récidivant,
éructation, régurgitation alimentaire, hypersiallorrhée, fétidité de l’haleine qui traduit
la nécrose tumorale.
D’autres signes fonctionnels traduisent l’extension locorégionale de la tumeur et
correspondent à des formes évoluées du cancer. L’odynophagie (déglutition
douloureuse) et la douleur rétro sternale témoignent de l’infiltration de la graisse
médiastinale postérieure, la dysphonie est l’expression d’un envahissement du nerf
récurrent. Les signes respiratoires (pneumopathie chronique, quinte de toux à la
déglutition traduisent la fistule oesotrachéale). Parfois, ils sont secondaires à
l’obstruction totale de la lumière œsophagienne et traduisent la pneumopathie
d’inhalation.
VI.1.2. Signes physiques : L’examen clinique est pauvre et peu
contributif. Néanmoins, il permet de rechercher les signes d’extension de la maladie
(ganglion de Troisier, hépatomégalie métastatique, carcinose péritonéale) et d’évaluer
l’état physiologique du malade, d’apprécier l’état nutritionnel et les compétences
respiratoires du malade.

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En l’absence de traitement, l’évolution se poursuit vers la cachexie, le décès en moins


de deux ans après l’apparition des premiers symptômes. Le décès peut être lié à une
infection broncho pulmonaire par fistule oesotrachéale, à l’hémorragie cataclysmique
par ulcération d’un gros vaisseau ou à la dissémination métastatique.

VI.2. PARACLINIQUES
Les examens paracliniques ont pour but de poser le diagnostic de cancer de
l’œsophage et de rechercher les critères de non opérabilité et de non résecabilité.
Le bilan pré thérapeutique comporte :
VI.2.1. Endoscopie haute : Elle permet de voir la tumeur, de la
situer par rapport aux arcades dentaires (1/3 supérieur 20%, 1/3 moyen 50%, 1/3
inférieur 30%), de préciser les caractères sténosants, franchissable ou non de la tumeur
et surtout d’effectuer des biopsies.
VI.2.2. Transit œsogastroduodénal (TOGD) : Examen capital
pour le chirurgien, il permet de distinguer le siège sus et sous carénaire du cancer de
l’œsophage, élément important pour l’indication de la voie d’abord chirurgicale. Le
TOGD précise l’étendue de la tumeur en longueur par rapport à la vertèbre qui mesure
3 cm, la désaxation de l’œsophage, la présence d’une fistule oesotrachéale et apprécie
la morphologie de l’estomac en vue d’un remplacement œsophagien.
VI.2.3. Echoendoscopie : Elle explore les différentes couches de la
paroi, leur degré d’infiltration (la musculeuse : T2, l’atmosphère péri œsophagien:
T3, Les viscères voisins : T4 et détecte les adénopathies métastatiques. Ses
performances sont limitées par l’existence d’une sténose.
VI.2.4. Tomodensitométrie thoracoabdominale : Elle recherche
d’éventuelles métastases hépatiques et/ou pulmonaires, détecte les adénopathies
médiastinales et cœliaques.
VI.2.5. Laryngoscopie indirecte : Elle a pour objectif d’éliminer
un cancer des voies aériennes supérieures synchrones et de confirmer la paralysie
récurrentielle en cas de dysphonie.

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VI.2.6. Trachéobronchoscopie : Elle est demandée


particulièrement pour les cancers du 1/3 supérieur de l’œsophage ou l’œsophage sus
carénaire.

VI.3. Classification TNM (UICC 2002)


Le scanner thoracoabdominal, l’echoendoscopie, et le PET scan ont une place de choix
dans le bilan préthérapeutique. Ces examens associés permettent de classer les tumeurs
selon la classification TNM et donc de discuter les options thérapeutiques dans le
cadre de réunions multidisciplinaires, mais il faut savoir que seule l’étude de la pièce
d’exérèse permet une classification certaine.
Les cancers localisés correspondent donc aux tumeurs non métastatiques classées T1N0
(stade I), T2-T3N0 (Stade IIa), ou T1-T2N1 (Stade IIb). Pour ces cancers localisés, la
résection chirurgicale est de règle chaque fois que l’état général et le bilan
d’opérabilité le permettent.

VII. BILAN D’OPERABILITE

La comorbidité liée aux facteurs de risque joue un rôle important dans la gravité du
cancer de l’œsophage. L’évaluation de ces fonctions vitales est un élément capital du
bilan pré thérapeutique.
L’appréciation de l’état nutritionnel est une étape capitale, permet de chiffrer le taux
d’amaigrissement en pourcentage, de calculer l’indice de masse corporelle (IMC) et de
mesurer les paramètres anthropométriques. Sur le plan biologique, il sera demandé un
taux d’hémoglobine, de lymphocyte et d’albumine, rarement la ferritinémie et la
transferrine. La dénutrition est un facteur pronostique péjoratif, les complications
postopératoires sont plus fréquentes et la survie plus courte lorsque l’index nutritionnel
préopératoire est abaissé. La dénutrition est non seulement considérée comme
l’indicateur de l’immunodépression mais elle est le témoin d’un stade avancé de la
maladie.
L’évaluation de la fonction respiratoire est d’abord clinique puis paraclinique par
l’appréciation des volumes courants respiratoires et de la gazométrie. Ainsi, les

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critères de non opérabilité sont une insuffisance respiratoire (VC < 90%, VEMS <1000
ml/s, PaO2 < 70 mm Hg), un amaigrissement > 20%, un index de Karnovsky < 80%,
une insuffisance cardiaque stade III-IV, une cirrhose hépatique Child C).

VIII. BILAN DE RESECABILITE


Outre les facteurs de comorbidité, le pronostic est également corrélé au stade de
classification TNM de L’UICC. Les critères de non résecabilité sont l’envahissement
trachéo-bronchique avec ou sans fistule oesotrachéale, l’envahissement récurrentiel,
l’adhérence à l’aorte > 80%. La présence d’envahissement ganglionnaire régionale
et/ou de métastases représentent une contre indication opératoire. De même, la
présence d’adénopathies cœliaques ou sus claviculaires pour les cancers de l’œsophage
thoracique a la signification d’une métastase qui contre indique la résection
chirurgicale à visée curatrice.

IX. TRAITEMENT
Des progrès récents dans le traitement du cancer de l’œsophage ont fourni une variété
de nouvelles options thérapeutiques pour cette maladie hautement létale.
De différentes alternatives à la résection chirurgicale ont été proposées à savoir la
radiothérapie, la chimiothérapie, les prothèses endoscopiques et le forage au laser.
Malgré les progrès de la chirurgie, du traitement adjuvant et de l’anesthésie
réanimation, les cas curables restent modestes et la survie à 5 ans varie de 10 à 40%
(moyenne de 15%).

IX.1. OBJECTIFS
Le traitement du cancer de l’œsophage à pour but de préparer le malade à une exérèse
chirurgicale, il vise à :
- Stopper la dénutrition (arrêter le catabolisme) et corriger l’état nutritionnel si
possible.
- Améliorer les compétences respiratoires.
- Rétablir la fonction de déglutition.

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- Supprimer la tumeur en respectant les principes carcinologiques.

IX.2. MOYENS ET INDICTIONS THERAPEUTIQUES


Les moyens thérapeutiques sont scindés en deux groupes, les premiers sont destinés
aux malades, permettent de corriger les conséquences induites par le cancer et qui
rentrent dans le cadre de la préparation du malade à la chirurgie, les seconds sont
dirigés vers la maladie dont le souci est de rétablir la déglutition et de supprimer le
cancer si possible.
IX.2.1. Préparation à la chirurgie : La préparation respiratoire à
la chirurgie débute avant l’hospitalisation par un sevrage de 6 semaines d’alcool et de
tabac. La kinésithérapie respiratoire qui consiste à apprendre au malade les techniques
de drainage bronchique autonome par expiration lente et forcée, les manœuvres
d’expansion pulmonaire par inspiration maximale soutenue par les techniques de
mobilisation du diaphragme et éventuellement une désinfection broncho-pulmonaire
par une antibiothérapie adaptée.
La préparation nutritionnelle consiste en, une alimentation parentérale assurée par un
cathéter central, voir entérale par une stomie d’alimentation de préférence une
gastrotomie qui en cas de résection œsophagienne ne compromet pas la gastroplastie.
Chez les malades dénutris, la nutrition parentérale totale (NPT) administrée 10 à 21
jours avant l’intervention, réduit la fréquence des complications postopératoires.
IX.2.2. Chimiothérapie : La chimiothérapie n’est proposée qu’en
association à la chirurgie ou à la radiothérapie. Il s’agit d’une poly chimiothérapie
centrée sur la cisplatinum. L’association la plus utilisée est le cisplatinum et le
fluorouracil en perfusion continue. Combinée à la radiothérapie, elle a pour but de
rendre résécable une tumeur d’emblée inextirpable.
IX.2.3. Radiothérapie : Elle peut être utilisée seule ou en
association à d’autres méthodes, à visée néoadjuvante ou adjuvante à la chirurgie. Elle
est contre indiquée en cas d’envahissement des viscères de voisinage tels que l’aorte et
l’arbre trachéo-bronchique en raison du risque de fistulisation.

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La radiothérapie exclusive curative peut être d’indication, le résultat est basé sur la
réponse complète appréciée sur la disparition de la dysphagie, la fonte tumorale à
l’endoscopie et l’absence de reliquats tumoraux à l’histologie.
La radiothérapie exclusive palliative a pour but de ralentir l’évolution de la tumeur et
de faire régresser la dysphagie et la douleur.
Le traitement combiné qui associe la radiothérapie préopératoire à deux cures de
chimiothérapie (Cisplatine + 5 FU en perfusion continue) a pour but de rendre
resécable une tumeur d’emblée inextirpable.
La radiothérapie postopératoire a pour but de stériliser les lésions résiduelles, elle
permet d’allonger la survie et de diminuer la fréquence des récidives médiastinales,
une chimiothérapie peut lui être associée dans un but potentialisateur.
IX.2.4. Moyens endoscopiques : Les méthodes thérapeutiques
endoscopiques peuvent être à visée curatives pour les formes superficielles du cancer
de l’œsophage qui sont en nombre de trois (la mucosectomie, l’électrocoagulation au
plasma à argon et le laser). Dans la majorité des cas, elles sont purement palliatives,
permettent de rétablir la déglutition car 60% des cancers de l’œsophage sont au stade
de tumeurs avancées. Le traitement palliatif inclut :
IX.2.4.1. Dilatation endoscopique : Actuellement elle est délaissée
car n’améliore pas la dysphagie et le risque hémorragique et de perforation est élevé.
IX.2.4.2. Laser Yag : Son rôle est d’assurer la perméabilité de la
lumière œsophagienne par destruction photo thermique de la tumeur endo luminale. Il
permet en moyenne de trois séances d’améliorer la dysphagie dans au moins 80% des
cas. La récidive est observée dans 65 à 75% après le traitement initial et peut être traité
par de nouvelles séances au laser. Elle est grevée d’un taux de complications de 8% et
représentée par la perforation, l’hémorragie, la fistule et la sténose cicatricielle.
IX.2.4.3. Prothèse œsophagienne expansible : Elle constitue
actuellement le traitement palliatif le plus utilisé en raison de son efficacité et de sa
simplicité dans sa mise en place en une seule séance. Les fistules oesotrachéale sont
leurs meilleures indications. Les complications précoces (20 à 30%) sont représentées
par les pneumopathies d’inhalation, douleur thoracique, perforation et hémorragie. Les

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complications à distance (35-45%) par migration prothétique, obstruction tumorale et


l’impaction alimentaire. La survie moyenne est de 10 à 26 semaines.
IX.2.5. Chirurgie : La résection chirurgicale constitue la pierre
angulaire du traitement curatif des cancers de l’œsophage (T1-3, N0-1) qui n’ont pas de
maladie métastatiques (M0). Le taux de résection varie de 25 à 50%. La chirurgie ne
peut s’inscrire que dans une option curative, la chirurgie palliative est à exclure et ne
garde sa place que devant l’absence des autres moyens palliatifs non chirurgicaux.
IX.2.5.1. Chirurgie curative : La curabilité du cancer de
l’œsophage est faible, de l’ordre de 10%. La résection chirurgicale doit être complète
(R0) sans résidus macroscopiques ou microscopiques qui seront recherchés sur les
limites de résection chirurgicales : recoupe supérieure et inférieure, limites de
résection latérales (clearance latérale). Elle repose sur les principes carcinologiques.
IX.2.5.1.1. Principes carcinologiques : Ils se fondent sur la
clearance de tous les tissus tumoraux, associe à l’oesophagectomie une
cellulolymphadénomectomie médiastinale, cœliaque voir cervicale pour certains
auteurs. L’exérèse doit passer à 8 cm au dessus du pole supérieur de la tumeur. En cas
d’envahissement de la portion cervicale de l’œsophage il est nécessaire d’associer une
pharyngolaryngectomie.
IX.2.5.1.2. Techniques : Pour répondre aux principes
carcinologiques, l’exérèse du cancer de l’œsophage doit impérativement se faire par
thoracotomie associée à une laparotomie. On distingue ainsi :
- Intervention d’Ivor Lewis Santy : Elle associe une laparotomie et une
thoracotomie droite, consiste en une oesophagectomie subtotale emportant la
petite courbure gastrique avec anastomose intra thoracique et curage médiastinal
et cœliaque. Le rétablissement de la continuité digestive est assuré par l’estomac
(gastroplastie) empruntant le lit œsophagien rarement l’espace rétro sternal. Elle
s’adresse aux cancers de l’œsophage sous carénaire.
- Intervention de Nabeya Akiyama : Elle est réalisée par triple voie abdominale,
thoracique droite et cervicale gauche. Le transplant est gastrique rarement le
colon, l’anastomose est réalisée au cou à quelques centimètres de la bouche de

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l’œsophage. Elle est proposée pour les cancers situés au dessus de la carène ou la
crosse de l’aorte.
- Intervention de Sweet : Elle est réalisée par thoracophrénolaparotomie gauche.
Malgré sa simplicité, elle n’est plus utilisée en raison du risque élevé
d’envahissement de la recoupe œsophagienne, d’un curage médiastinal incomplet
et d’un fréquent reflux gastro-œsophagien sévère.

Ces interventions à thorax ouvert sont accompagnées de complications respiratoires


de l’ordre de 20% qui prolongent le séjour en unité de soins intensifs, de fistule
anastomotique intrathoracique, de chylothorax, qui parfois pourraient compromettre
le pronostic vital des malades. Elles sont accompagnées d’une mortalité
postopératoire entre 5 et 10% et la survie à 5 ans varie de 20 à 25%.
IX.2.5.2. Chirurgie palliative : Elle a pour objectif de rétablir la
déglutition avec ou sans oesophagectomie, n’a de place que si les autres moyens
palliatifs non chirurgicaux ne sont disponibles.
IX.2.5.2.1. Intervention d’Orringer : Elle consiste en une
oesophagectomie sans thoracotomie, nécessite deux voies d’abord, abdominale et
cervicale gauche. Elle a été proposée pour diminuer le risque de complications
respiratoires et pour supprimer le risque vital lié à la fistule anastomotique
intrathoracique. Elle est certainement une intervention intéressante pour les malades à
risque respiratoire.
IX.2.5.2.2. By pass gastrique ou colique : C’est une intervention
qui a pour objectif de rétablir la déglutition en laissant en place l’œsophage tumoral.
L’estomac ou le colon est passé dans le tunnel rétro sternal et l’anastomose
œsogastrique ou œsocolique est réalisée au cou.
IX.2.5.2.3. Gastrostomie d’alimentation : Elle peut se pratiquer
sous anesthésie locale, constitue un pis allé devant un malade fatigué présentant un
cancer au stade terminal en aphagie.

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N.AIT BENAMAR CANCER DE L’OESOPHAGE

X. PRONOSTIC
La survie globale à 5 ans des cancers de l’œsophage réséqués est de 30% (22 à 34%).
Elle varie en fonction de l’infiltration transmurale, des ganglions métastatiques, du
degré de différenciation de la tumeur et du caractère curatif ou palliatif du traitement
réalisé.

XI. CONCLUSIONS
La prise en charge du cancer de l’œsophage exige un bilan préthérapeutique rigoureux
pour définir une stratégie thérapeutique appropriée et pertinente. Il est clair que des
mesures de santé publiques doivent converger vers la réduction de l’incidence du
cancer de l’œsophage et la précocité du diagnostic au stade utile de la maladie. Au
même moment, des efforts doivent être consentis pour améliorer le traitement
locorégional et systémique.

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