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Cursul 4 - Civilizatie Fr. II LMA
Cursul 4 - Civilizatie Fr. II LMA
« Lorsque dans le silence de l’abjection, l’on n’entend plus retentir que la chaîne de l’esclave et la
voix du délateur ; lorsque tout tremble devant le tyran et qu’il est aussi dangereux d’encourir sa
faveur que de mériter sa disgrâce, l’historien paraît, chargé de la vengeance du peuple. C’est en
vain que Néron prospère, Tacite est déjà né dans l’empire ; il croît inconnu auprès des cendres de
Germanicus et déjà l’intègre Providence a livré à un enfant obscur la gloire du maître du monde. Si
le rôle de l’historien est beau, il est souvent dangereux, mais il est des autels comme celui
de l’honneur, qui, bien qu’abandonnés, réclament encore des sacrifices ; le Dieu n’est point anéanti
parce que le temple est désert. Partout où il reste une chance à la fortune, il n’y a point d’héroïsme
à la tenter ; les actions magnanimes sont celles dont le résultat prévu est le malheur et la mort.
Après tout, qu’importent les revers si notre nom prononcé dans la postérité va faire battre un cœur
généreux deux mille ans après notre vie ? »2
2
Chateaubriand, Œuvres choisies. Mémoires d’outre-tombe, Paris, Bibliothèque Larousse, t. III, 1910, p. 94.
Napoléon instaura une censure très stricte aussi à la littérature : il s’acharna contre les
Idéologues3 parce que ceux-ci étaient libéraux en politique et opposés au catholicisme. Dès 1803,
Napoléon avait fait supprimer à l’Institut de France la classe des Sciences morales et politiques,
où les Idéologues étaient nombreux. En plus, les œuvres des deux grands écrivains français de
l’époque, Mme de Staël et Chateaubriand, furent interdites, parce qu’ils y attaquaient
ouvertement le régime dictatorial de l’Empereur. Napoléon, qui souhaitait maintenir la France
sous un contrôle très strict, s’intéressa aussi à l’enseignement : il voulait que l’école formât la
jeune génération dans un esprit de discipline, afin d’avoir, à l’avenir, des fonctionnaires capables
et dévoués. C’est pourquoi il organisa, en 1808, l’Université, c’est-à-dire un corps spécial
d’enseignants, auxquels il donna le monopole d’enseigner. L’Université comprenait tant les
établissements d’enseignement de l’Etat (écoles primaires, collèges, lycées et établissements
d’enseignement supérieur) que des écoles privées, que l’Etat autorisait et contrôlait.
A la tête de l’Université, Napoléon nomma un Grand Maître et il fit diviser l’Empire en une
quarantaine de circonscriptions universitaires (ou Académies), dirigée chacun par un Recteur.
L’Empereur s’intéressa particulièrement aux collèges et aux lycées où étaient instruits les
fils de la bourgeoisie. La formation des professeurs de lycée était assurée par l’Ecole Normale,
fondée à Paris en 1808. L’enseignement supérieur était dispensé dans des Ecoles spéciales
(comme l’Ecole Polytechnique, l’Ecole des Arts et Métiers de Chalon, le Collège de France) ou
dans les Facultés de Théologie, Médecine, Droit, Lettres et Sciences.
Napoléon exigeait aussi, de la part de l’Eglise, de former des générations loyales et
dociles. Au début, il autorisa la formation de quelques congrégations et eut une quelconque
libéralité envers les Jésuites. Mais ses intérêts politiques mirent fin à cette bonne entente :
voulant fermer l’Italie au commerce anglais, Napoléon fit occuper un à un les Etats pontificaux.
En réplique, le Pape Pie VII refusa d’accorder l’institution canonique aux évêques nommés par
3
Les Idéologues étaient, à la fin du XVIII e siècle, un groupe de philosophes que l’on peut considérer comme les
héritiers de la méthode d’analyse et des valeurs que l’Encyclopédie de Diderot véhiculait. Leurs représentants les
plus marquants étaient Condorcet, Destutt de Tracy, le médecin G. Cabanis et les philosophes Volney et Maine de
Biran. S’ils n’ont pas constitué une école au sens classique du terme – à cause de la situation politique trouble et
essentiellement défavorable – ils partageaient au moins la conviction que toute métaphysique est vaine, que l’esprit
critique est essentiel dans les sciences et que la sensibilité est l’expression de la vitalité dans l’homme. Les
Idéologues ont fondé un matérialisme psychologique, en affirmant que penser, c’est sentir. Apres la Terreur, ils ont
créé les différentes institutions de l’instruction publique, comme l’école normale et les écoles centrales, résolument
laïques. En 1794 ils ont organisé l’Institut de France, qui allait devenir le bastion du nouvel esprit scientifique.
Malheureusement, ni la dictature républicaine, ni l’Empereur Napoléon Ier n’ont fait grâce à leur liberté
intellectuelle.
l’Empereur et, en conséquence, à partir de 1808, certains évêchés restèrent sans titulaires. La
riposte de Napoléon fut d’occuper Rome, la dernière ville où s’exerçât le pouvoir du Pape (en
1809). Furieux, le Pape donna une sentence d’excommunication contre tous ceux qui lui avaient
enlevé ses Etats. Bien que le nom de Napoléon ne figurât pas explicitement dans la bulle
d’excommunication, l’Empereur fit arrêter et incarcérer le Pape près de Gênes, à Savone (juillet
1809).
A son retour de la campagne de Russie (en 1813), Napoléon, qui avait fait transférer le
Pape à Fontainebleau, le détermina à signer un arrangement provisoire, qu’il fit publier
immédiatement, sous le nom de Concordat de Fontainebleau (en février 1813). Le Pape
protesta aussitôt, mais l’Empereur rendit obligatoire le nouveau Concordat et fit punir tous ceux
qui s’y opposaient. Peu après, ses défaites militaires en Allemagne et en France, l’obligèrent à
renvoyer le Pape à Rome (en mars 1814).
Ainsi, par ses mesures dictatoriales et répressives, Napoléon a détruit ce qu’avait réalisé
dans le domaine religieux le Premier Consul ; la plupart des catholiques se détacha de lui et se
rallia aux royalistes.
« Louis XVIII déclara, je l’ai déjà plusieurs fois mentionné, que ma brochure lui avait plus profité
qu’une armée de cent mille hommes ; il aurait pu ajouter qu’elle avait été pour lui un certificat de
vie. Je contribuai à lui donner une seconde fois la couronne, par l’heureuse issue de la guerre
d’Espagne. »4
Dans les phrases citées ci-dessus, on observe que Chateaubriand affirme, sans fausse
modestie, qu’il a contribué à la Restauration des Bourbons. Mais ce qui nous a semblé plus
4
Chateaubriand, Œuvres choisies. Mémoires d’outre-tombe, éd. cit., p. 98.
frappant encore, c’est le fait que Chateaubriand ait reconnu que Bonaparte, dont il était l’ennemi
déclaré, avait apprécié avec impartialité cet écrit, raison pour laquelle il déclare : « Mon
admiration pour Bonaparte a toujours été grande et sincère, alors même que j’attaquais Napoléon
avec la plus grande vivacité »5.
La renommée de Chateaubriand était de plus en plus grande. En 1811 il fut élu à
l’Académie française, mais, ne voulant pas changer son discours de réception (qui était en fait un
réquisitoire contre l’Empire) il ne fut pas reçu à l’Académie.
A la chute de l’Empire, en 1815, il fut élu Pair de France et continua une carrière
politique brillante, qui, cependant, ne lui épargna pas des revers de fortune et des adversités.
Parallèlement, il continua sa carrière littéraire, en publiant Les Martyrs (en 1809), année pendant
laquelle il commença aussi ses Mémoires d’outre-tombe, vaste œuvre dans le genre
autobiographique, qui, selon sa volonté, ne devaient être publiés qu’après sa mort. Quarante ans
séparent les premiers mots des dernières lignes de ses Mémoires. La période la plus intense de
rédaction de cette œuvre est comprise entre 1822-1832. L’auteur est en même temps héros de son
histoire, témoin d’événements historiques ou privés et portraitiste de personnages qu’il a connus
de près ou de loin.
La publication des Mémoires d’outre-tombe commence dans « La Presse » malgré
l’opposition de Chateaubriand, en 1848, pendant les derniers mois de sa vie.
Dans les lignes suivantes, nous donnerons un petit commentaire d’un texte extrait du livre
XXIV de la troisième partie des Mémoires d’outre-tombe6 (Chapitre 8, Inutilité des vérités ci-
dessus exposées), où Chateaubriand fait le bilan de l’épopée napoléonienne et où il s’attache « à
peindre les personnages en conscience », c’est-à-dire avec toute sa bonne-foi et la fidélité de ses
souvenirs.
Le lecteur peut douter de son objectivité quand il brosse le portrait de Napoléon, mais ne
peut nier le fait que Chateaubriand ait composé là l’une des plus belles pages, dans le genre des
mémoires. Se positionnant en historien lucide contre le mythe de l’Empereur, se dressant en
adepte de la liberté contre « le despotisme de sa mémoire » l’écrivain cède pourtant à la
fascination exercée sur tous les hommes par l’Empereur, ce qui rend encore plus présente son
image et plus attachante sa légende. Les lignes suivantes portent témoignage de cette étrange
5
Ibidem, p. 99.
6
Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe,
http://www.ebooksgratuits.com/ebooksfrance/chateaubriand_memoires_outre-tombe.pdf, visité le 1er octobre 2014.
fascination de Napoléon sur l’esprit et la raison de Chateaubriand, bien qu’il fût l’un de ses
opposants les plus acerbes :
« Bonaparte n’est plus le vrai Bonaparte, c’est une figure légendaire compose des lubies du poète,
des devis du soldat et des contes du peuple : c’est le Charlemagne ou l’Alexandre des épopées du
moyen âge que nous voyons aujourd’hui. Ce héros fantastique restera le personnage réel : les autres
portraits disparaîtront. Bonaparte appartenait si fort à la domination absolue, qu’après avoir subi le
despotisme de sa personne, il nous faut subir le despotisme de sa mémoire. Ce dernier despotisme
est plus dominateur que le premier, car si l’on combattit quelquefois Napoléon alors qu’il était sur
le trône, il y a consentement universel à accepter les fers que mort il nous jette. Il est un obstacle
aux événements futurs : comment une puissance sortie des camps pourrait-elle s’établir après lui ?
n’a-t-il pas tué en la surpassant, toute gloire militaire ? Comment un gouvernement libre pourrait-il
naître, lorsqu’il a corrompu dans les cœurs le principe de toute liberté ? Aucune puissance légitime
ne peut plus chasser de l’esprit de l’homme le spectre usurpateur. » (p. 682)
Dans cette première partie du texte, Chateaubriand compare Napoléon aux figures
mythiques des empereurs Charlemagne et Alexandre ; comme eux, il a atteint l’apogée dans la
conscience collective de l’humanité, au-delà des notions du bien et du mal. Chateaubriand
explique ce phénomène de sublimation des exploits du Napoléon par le pouvoir despotique,
écrasant, qu’il exerce même après sa disparition physique sur la mémoire collective : on oublie
ses méfaits pour ne se souvenir que de sa grandeur. Ainsi, Chateaubriand reconnaît que la
légende de Napoléon, qui est apparue dans l’adversité, s’est développée rapidement et a acquis
une popularité extraordinaire. Dans un passage ultérieur, Chateaubriand enchaîne une autre idée :
celle du génie de l’administrateur de l’Etat et de la puissance morale extraordinaire qui animait
Napoléon et par laquelle il a su fléchir devant lui tant d’hommes orgueilleux, révoltés ou
présomptueux :
« Bonaparte n’est point grand par ses paroles, ses discours, ses écrits, par l’amour des libertés qu’il
n’a jamais eues et n’a jamais prétendu établir ; il est grand pour avoir créé un gouvernement
régulier et puissant, un code de lois adopté en divers pays, des cours de justice, des écoles, une
administration forte, active, intelligente, et sur laquelle nous vivons encore ; il est grand pour avoir
ressuscité, éclairé et géré supérieurement l’Italie ; il est grand pour avoir fait renaître en France
l’ordre du sein du chaos, pour avoir relevé les autels, pour avoir réduit de furieux démagogues,
d’orgueilleux savants, des littérateurs anarchiques, des athées voltairiens, des orateurs de
carrefours, des égorgeurs de prisons et de rues, des claque-dents de tribune, de clubs et
d’échafauds, pour les avoir réduits à servir sous lui ; il est grand pour avoir enchaîné une tourbe
anarchique ; il est grand pour avoir fait cesser les familiarités d’une commune fortune, pour avoir
forcé des soldats, ses égaux, des capitaines, ses chefs ou ses rivaux, à fléchir sous sa volonté ; il est
grand surtout pour être né de lui seul, pour avoir su, sans autre autorité que celle de son génie, pour
avoir su, lui, se faire obéir par trente-six millions de sujets à l’époque où aucune illusion
n’environne les trônes. » (p. 682)
Dans cette page consacrée au portrait de Napoléon I er, Chateaubriand emploie un style
oratoire ; la répétition insistante des mots « il est grand », loin d’être agaçante, est tout au
contraire porteuse d’un sens de plus en plus fort, de plus en plus impressionnant pour le lecteur,
lui faisant découvrir, en crescendo, la grandeur incontestable de l’Empereur. Par ce style
oratoire, malgré le parti-pris d’impartialité affirmé dès le début du texte par l’auteur,
Chateaubriand contribue à renforcer le mythe napoléonien, à assurer, malgré soi, la survivance
de la gloire de l’Empereur.
La Colonne Vendôme (la Colonne de la Grande Armée)
L’intention de glorifier l’Empereur et sa Grande Armée est évidente et semble légitime dans un
régime totalitaire. Pourtant, le monument dégage un tel équilibre souriant, ouvrant ses trois
arcades sur le Jardin de Tuileries et le Palais du Louvre, que le simple spectateur oublie la portée
édifiante et guerrière pour n’en retenir que sa beauté.
Figure 9 : L’Arc de Triomphe du Carrousel