Vous êtes sur la page 1sur 47

1 Compléments de cristallographie – F.

Hatert

COMPLEMENTS DE
CRISTALLOGRAPHIE

MASTER 1 et 2 en Sciences Géologiques


MASTER 2 en Sciences Chimiques

2013-2014

Prof. Frédéric Hatert


Chargé de Cours
2 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Plan du cours

Cours TP

1. Introduction et rappels 1h30 0h30


Définition du cristal, de la cristallographie.
La symétrie des cristaux : les éléments de symétrie, les systèmes cristallins,
les classes cristallines, les modes de réseau de Bravais, les 230 groupes
spatiaux.
Introduction aux Tables Internationales de Cristallographie.

2. La diffraction des rayons X 2h00


Production des rayons X.
Interactions rayonnement-matière, le facteur de structure, les absences
systématiques.
Le réseau réciproque, la sphère d’Ewald.

3. La méthode des poudres.


Principe. La caméra de Debye-Scherrer et le diffractomètre de poudres. 0h30
Identification des composés et affinement des paramètres 0h30
cristallographiques.
Affinements structuraux par la méthode de Rietveld. 1h00 2h00

4. Techniques sur monocristaux.


Méthodes du cristal tournant, de Weissenberg et de précession. 0h30
Le diffractomètre à 4 cercles. 0h30
Partie expérimentale : montage et centrage du cristal, collecte des données, 1h00
corrections d’absorption, réduction des données.
Détermination de la structure : transformée de Fourier, méthode de 2h00
Patterson, méthodes directes.

5. Interprétation des résultats.


Les coordonnées atomiques, les facteurs d’occupation des sites et les 0h30
facteurs de température.
Calcul du contenu de la maille ; relations composition chimique-Z-densité- 1h00
volume de la maille.
Modélisation de structures simples grâce aux contraintes imposées par la 0h30
symétrie.
Dessin des structures et nomenclature des polyèdres de coordination. 1h00
Distances et angles interatomiques ; valences associées aux longueurs de 1h00
liaisons.
3 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Chapitre 1. Introduction et rappels

Définition du cristal, de la cristallographie

Avant 1912 : Cristal = solide chimiquement homogène, partiellement ou


complètement délimité par des surfaces planes naturelles qui s’interceptent selon des
angles constants. Loi de constance des angles : Nicols Steno, 1669.

Figure 1. Illustration de la loi de constance des angles. Les


cristaux de quartz déformés (a) ou non déformés (b)
présentent sans distinction des angles de 120° entre leurs
faces.

Après 1912 : Max von Laue a montré que les cristaux diffractent les rayons X.
Nouvelle définition : « Solide dans lequel un motif atomique se répète
périodiquement dans les trois directions de l’espace, engendrant ainsi un réseau. »

• Réseau = Répétition périodique d’un motif atomique selon les 3 directions de


l’espace, engendrant ainsi un cristal.
• Nœud = Point autour duquel la répartition de la matière est identique. Ce concept
est une simplification, qui évite de devoir représenter le nombre important
d’atomes présents dans la majorité des cristaux.
• Rangée réticulaire = Droite qui passe par 2 nœuds.
• Plan réticulaire = Plan qui passe par 3 nœuds non colinéaires.

Il est donc possible de décomposer le réseau en une série de parallélépipèdes dont les
arêtes sont parallèles aux axes cristallographiques, appelés « Mailles cristallines »
(Figure 2). Il existe 7 grands types de mailles cristallines, caractéristiques des 7 «
Systèmes cristallins ».
4 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Figure 2. Les mailles cristallines des 7 systèmes cristallins,


et leurs éléments de symétrie.

a, b, c (Å), α, β, γ (°) = paramètres cristallographiques ou paramètres de maille


(Tableau 1).

Mais un cristal n’est pas qu’un concept géométrique, et chaque maille contient un
MOTIF atomique caractéristique.

En conclusions :

CRISTAL = RESEAU + MOTIF


5 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Tableau 1. Paramètres cristallographiques et éléments de symétrie caractérisant


les mailles cristallines des 7 systèmes cristallins.

Systèmes cristallins Paramètres de maille Eléments de symétrie


Triclinique a≠b≠c 1
α≠β≠γ
Monoclinique a≠b≠c 2/m
α = γ = 90°
β ≠ 90°
Orthorhombique a≠b≠c 2/m 2/m 2/m
α = β = γ = 90° (ou mmm)
Rhomboédrique a=b=c 3 2/m
α = β = γ ≠ 90°
(ou 3 m)
Tétragonal a=b≠c 4/m 2/m 2/m
α = β = γ = 90° (ou 4/mmm)
Hexagonal a=b≠c 6/m 2/m 2/m
α = β = 90° (ou 6/mmm)
γ = 120°
Cubique a=b=c 4/m 3 2/m
α = β = γ = 90° (ou m3m)

La symétrie des cristaux


Symétrie externe des cristaux (symétrie ponctuelle)

La symétrie externe des cristaux se caractérise par la présence des éléments de symétrie
suivants :

Centre de symétrie, notation 1, Figure 3.

Figure 3. Le centre de symétrie.


6 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Le plan de symétrie, notation m, Figure 4.

Figure 4. Le plan de symétrie.

Les axes de symétrie, notations 2, 3, 4, 6, Figure 5.

Figure 5. Les axes de symétrie.

Les axes d’inversion (rotation + inversion), notations 2 , 3 , 4 , 6 , Figure 6.

ATTENTION, le seul élément de symétrie nouveau parmi les axes d’inversion est l’axe 4 .
En effet :
1 = Centre de symétrie
2 =m
3 =3+1
6 = 3/m
7 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Figure 6. Les axes d’inversion.

Remarque : La notation 2/m signifie que l’axe d’ordre 2 est perpendiculaire au plan
miroir, alors que la notation 2m n’implique aucune relation géométrique entre ces deux
éléments de symétrie.

Les cristaux montrent de nombreuses faces, mais les combinaisons d’éléments de symétrie
qui les caractérisent peuvent se regrouper en deux catégories :

a. Les cristaux HOLOEDRES, dont la symétrie est identique à celle de leur maille
cristalline. Ces cristaux peuvent être regroupés en 7 systèmes cristallins (Tableau 1).

b. Les cristaux MERIEDRES, dont la symétrie est inférieure à celle de la maille


cristalline, à cause de la présence d’un motif cristallin de symétrie inférieure. Ces
cristaux se regroupent en 32 classes cristallines (Tableau 2).

Il existe plusieurs types de mériédries, caractérisées par la présence d’axes


cristallographiques uniquement (holoaxie), par l’absence de centre (antihémiédrie), par
la présence d’un centre mais l’absence d’un autre élément de symétrie (parahémiédrie),
ou par l’absence de deux éléments de symétrie indépendants (tétartoédrie). Ces adjectifs
sont appliqués pour désigner les classes cristallines au sein des systèmes cristallins.
8 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Tableau 2. Les 32 classes cristallines.

Système Classe Notation Système Classe Notation

Triclinique Holoèdre 1 Hexagonal Holoèdre 6/m 2/m 2/m


Triclinique Antihémiédrique 1 Hexagonal Holoaxe 622
Monoclinique Holoèdre 2/m Hexagonal Antihémiédrique 6mm
Monoclinique Holoaxe 2 Hexagonal Antihémiédrique 6 2m
Monoclinique Antihémiédrique m Hexagonal Parahémiédrique 6/m
Orthorhombique Holoèdre 2/m 2/m 2/m Hexagonal Tétartoédrique 6
Orthorhombique Holoaxe 222 Hexagonal Tétartoédrique 6
Orthorhombique Antihémiédrique 2mm Rhomboédrique Holoèdre 3 2/m
Tétragonal Holoèdre 4/m 2/m 2/m Rhomboédrique Holoaxe 32
Tétragonal Holoaxe 422 Rhomboédrique Antihémiédrique 3m
Tétragonal Antihémiédrique 4mm Rhomboédrique Parahémiédrique 3
Tétragonal Antihémiédrique 4 2m Rhomboédrique Tétartoédrique 3
Tétragonal Parahémiédrique 4/m Cubique Holoèdre 4/m 3 2/m
Tétragonal Tétartoédrique 4 Cubique Holoaxe 432
Tétragonal Tétartoédrique 4 Cubique Parahémiédrique 2/m 3
Cubique Antihémiédrique 4 3m
Cubique Tétartoédrique 23

Les combinaisons d’éléments de symétrie au sein des polyèdres ne sont pas aléatoires, et
sont régies par des théorèmes :

1. Dans tout polyèdre, tous les éléments de symétrie se coupent en son centre.
2. Si l’on considère un centre, un axe d’ordre pair et un plan de symétrie
perpendiculaire à cet axe, deux de ces éléments ne peuvent exister sans le
troisième.
3. Si un polyèdre possède en tout n axes d’ordre pair dans un plan, il possède également
un axe d’ordre n perpendiculaire au plan. Réciproquement, si perpendiculairement à
un axe d’ordre n, il y a un axe d’ordre pair, il y a en tout n axes d’ordre pair dans le
plan perpendiculaire à l’axe d’ordre n.
4. Si un polyèdre possède en tout n plans de symétrie passant par une droite, ces plans
font entre eux des angles égaux à π/n. De plus, cette droite est un axe d’ordre n.
Réciproquement, lorsque suivant un axe d’ordre n, il y a un plan de symétrie, il y a en
tout n plans de symétrie se coupant suivant cet axe.

Remarque : Dans certaines classes cristallines, l’axe d’ordre multiple peut subir une
dégénérescence. Ainsi, 4 peut se dégénérer en 4 puis en 2 ; et 6 peut se dégénérer en 6
(voir Tableau 2).

EXERCICES : Identifier la classe cristalline de polyèdres en bois.


9 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Symétrie des cristaux à l’échelle atomique

Lorsque l’on examine un cristal à l’aide de techniques radiocristallographiques, on obtient


une information dont l’échelle est de l’ordre de grandeur de l’Angström (Å, 10-10 m). Le
cristal n’apparaît donc plus comme une figure finie, mais bien comme un édifice infini.
Dans ces conditions, une opération de symétrie supplémentaire est toujours présente, la
TRANSLATION, qui est absente des figures finies. La présence de translations est à
l’origine de l’apparition de nouveaux éléments de symétrie au sein des structures
cristallines :

Les axes hélicoïdaux produisent une rotation suivie d’un déplacement le long de l’axe
(Figure 7). Notations nk : 21, 31, 32, 41, 42, 43, 61, 62, 63, 64, 65. La translation selon l’axe
est égale à la période selon cet axe multipliée par k/n. Ainsi, les axes 21, 42, et 63
produisent une rotation suivie d’une translation de ½ fois le paramètre cristallographique
parallèle à cet axe.

Figure 7. Les axes hélicoïdaux.


10 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Les plans de glissement produisent une réflexion par rapport au plan suivie d’une
translation parallèle à ce plan. Notations : a, b, c, n, d. Les plans de glissement a, b et c
produisent une réflexion suivie d’une translation parallèle aux axes cristallographiques a,
b ou c, respectivement. Cette translation est d’amplitude égale à la moitié du paramètre de
maille selon lequel la translation s’effectue. Les plans de glissement n et d produisent des
translations diagonales. Si le plan de glissement est parallèle à (100), par exemple, il peut
être de type b (translation b/2), de type c (translation c/2), de type n (translation b/2 + c/2)
ou de type d (translation b/4 + c/4) (Figure 8).

Figure 8. Les plans de glissement.

Au niveau du réseau cristallin, l’existence des translations se traduit pas une modification
du nombre de nœuds présents dans la maille cristalline. Une maille simple, dite
PRIMITIVE, présente 8 nœuds situés aux huit sommets du prisme, ce qui correspond à
un seul nœud situé à l’intérieur de la maille. En appliquant une translation à l’un des
nœuds situés sur le sommet de la maille primitive, il est possible d’obtenir un nœud
équivalent localisé sur une face, sur une arête ou à l’intérieur de la maille cristalline, tout
en préservant la périodicité originelle de la maille. La position de ces nœuds
supplémentaires ne peut pas être quelconque, et conduit aux 14 modes de réseau de
Bravais (Figure 9). Voici la signification des symboles utilisés :

P = Maille primitive
I = Maille centrée
A = Maille face a (100) centrée
B = Maille face b (010) centrée
C = Maille face c (001) centrée
F = Maille toutes faces centrées
R = Maille rhomboédrique
11 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Figure 9. Les 14 modes de réseau de Bravais.

Les structures cristallines peuvent donc être classées, selon leur symétrie, en 230 groupes
spatiaux (ou groupes d’espace ; voir Tableau 3). Chaque groupe spatial est caractérisé par
un mode de réseau, ainsi que par des éléments de symétrie « finis » (centre de symétrie,
axes de symétrie, plans de symétrie, axes d’inversion) ou « infinis » (axes hélicoïdaux,
plans de glissements). La notation générale des groupes spatiaux peut s’écrire :

X a/m b/n c/o


avec :
• X = symbole du mode de réseau
• a, b et c = axes de symétrie, axes d’inversion ou axes hélicoïdaux parallèles au
axes cristallographiques a, b et c, respectivement (monoclinique, orthorhombique).
Pour les systèmes cristallins comportant un seul axe multiple (rhomboédrique,
tétragonal, hexagonal), cet axe est représenté en premier lieu dans la notation (a) et
est parallèle l’axe cristallographique c, alors que les axes de symétrie b et c sont
12 Compléments de cristallographie – F. Hatert

dans le plan perpendiculaire à l’axe d’ordre multiple. Pour le système cubique, les
axes d’ordre 4 (+ dégénérescents) sont représentés en a, les axes d’ordre 3 (ou 3)
en b, et les axes d’ordre 2 en c.
• m, n et o = plans de symétrie ou plans de glissement perpendiculaires aux axes de
symétrie mentionnés ci-dessus.

Tableau 3. Les 230 groupes spatiaux.


13 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Exemples :
• P21/c (=P1 21/c 1) : Monoclinique holoèdre, mode de réseau primitif, axe hélicoïdal
21 selon b, plan de glissement c perpendiculaire à b (le glissement s’effectue donc
selon c et a une amplitude de c/2).
• Pnma (= P21/n 21/m 21/a) : Orthorhombique holoèdre, mode de réseau primitif, axes
hélicoïdaux 21 selon a, b et c, plan de glissement n perpendiculaire à a (le glissement
s’effectue selon b/2 + c/2), plan miroir perpendiculaire à b, plan de glissement a
perpendiculaire à c (le glissement s’effectue selon a et a une amplitude de a/2).
• I41/amd (= I41/a 2/m 2/d) : Tétragonal holoèdre, mode de réseau centré, axe
hélicoïdal 41 selon c, axes d’ordre 2 selon a, b, ainsi que selon les diagonales à ces
axes. Un plan de glissement a perpendiculaire à c (glissement a/2), deux plans
miroirs perpendiculaires aux axes a et b, et deux plans de glissement d
perpendiculaires aux diagonales a-b (glissement a/4 + c/4).
• F 4 3m : Cubique antihémiédrique, mode de réseau faces centrées, 3 axes
d’inversion 4 selon a, b et c, 4 axes d’ordre 3 selon les diagonales du cube, 6 plans
miroirs selon les plans diagonaux du cube.
14 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Remarque 1 : Dans les notations des groupes spatiaux, les symboles du mode de réseau, des
plans de symétrie et des plans de glissement sont en italiques, alors que les axes ne le sont
pas.

Remarque 2 : Si un cristal n’est pas centrosymétrique, certaines faces observables


macroscopiquement permettront probablement de mettre en évidence cette caractéristique. Par
contre, son réseau réciproque (voir chapitre 2) sera toujours centré, de même que son cliché
de diffraction. Les réflexions hkl et h k l seront d’intensités égales. Il est donc impossible, à
partir d’un cliché de diffraction, de déterminer la classe cristalline d’un cristal. La symétrie
des réflexions permet, au mieux, de déterminer son groupe de Laue (Tableau 4). L’examen
morphologique peut par conséquent être d’une aide précieuse.

Tableau 4. Les 11 groupes de Laue.

Les Tables Internationales de Cristallographie

Le volume A des « International Tables for Crystallography » reprend la description de toutes


les notions relatives à la symétrie. Chaque groupe spatial est décrit en détail, avec,
notamment, la position de tous les éléments de symétrie dans la maille cristalline.

Symboles utilisés : Voir Tableaux 5 et 6.


15 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Tableau 5. Représentations des plans de symétrie et plans


de glissements, utilisées dans les Tables Internationales de
Cristallographie.

Tableau 6. Représentations des axes de symétrie, des axes


d’inversion, et des axes hélicoïdaux, utilisées dans les
Tables Internationales de Cristallographie.
16 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Exercices :
Positionner les éléments de symétrie dans les structures suivantes, en vous aidant des Tables
Internationales de Cristallographie, des modèles moléculaires des structures en 3 dimensions,
et de leurs dessins.

DIOPSIDE

CaMg[Si2O6], C2/c
a = 9,75 Å
b = 8,92 Å
c = 5,25 Å
β = 106,0°
17 Compléments de cristallographie – F. Hatert

RUTILE

TiO2, P42/mnm
a = 4,59 Å
c = 2,96 Å
18 Compléments de cristallographie – F. Hatert

APATITE

Ca5(PO4)3F, P63/m
a = 9,40 Å
c = 6,88 Å
19 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Chapitre 2. La diffraction des rayons X

2.1. Production des rayons X

Le moyen de production de rayons X le plus utilisé est le tube à rayons X, qui équipe la
majorité des diffractomètres de laboratoire. Son principe de fonctionnement est illustré à
la Figure 10. Des électrons sont produits par un filament appelé « cathode », et projetés
vers une cible métallique appelée « anode » ou parfois « anticathode ». Le déplacement
des électrons s’effectue sous vide, grâce à une différence de potentiel de l’ordre de 30-50
kV, appliquée entre la cathode et l’anode. La percussion de l’anode par ces électrons
provoque un rayonnement blanc, auquel se superposent des raies dont les longueurs
d’onde sont caractéristiques du métal qui compose l’anode (Figure 11).

Figure 10. Le tube à rayons X.

Figure 11. Le rayonnement émis par un tube à rayons X.

Comme le montre la Figure 11, le rayonnement caractéristique d’un tube à rayons X


comporte trois raies, appelées Kα1, Kα2 et Kβ. Seules les raies Kα1 et Kα2 sont utilisées, et
leurs longueurs d’onde moyennes sont : 0,7107 Å (tube Mo), 1,5418 Å (tube Cu), 1,7902
Å (tube Co) et 1,9373 Å (tube Fe). Afin de supprimer la raie Kβ moins intense, un filtre
20 Compléments de cristallographie – F. Hatert

est inséré à la sortie du tube à rayons X. Sa composition dépend du type de tube utilisé :
Zr (tube Mo), Ni (tube Cu), Fe (tube Co) ou MnO2 (tube Fe).

2.2. Interactions rayonnement-matière

2.2.1. Le bruit de fond

Trois phénomènes sont responsables du bruit de fond observé en diffraction des


rayons X :

• Le rayonnement blanc produit par le tube à rayons X (voir Figure 11).


• Si l’énergie des rayons X est suffisamment élevée, ces rayons sont capables
d’arracher des électrons de la couche K d’un atome. La majeure partie du
rayonnement X incident est alors utilisée pour éjecter ces électrons K, et le
phénomène de diffraction est fortement affaibli. De plus, des électrons des
couches L et M vont redescendre vers la couche K, provoquant ainsi une
émission de rayons X secondaires, d’énergie inférieure au rayonnement
primaire. Ce rayonnement secondaire, appelé rayonnement de fluorescence,
est particulièrement intense lorsque les échantillons analysés sont riches en Y,
Sr, Rb (tube Mo), en Co, Fe, Mn (tube Cu), en Mn, Cr, V (tube Co) ou en Cr,
V, Ti (tube Fe).
• L’interaction d’un photon X avec les électrons peut provoquer la déviation du
photon sans perte d’énergie (diffusion cohérente) ou avec une légère perte
d’énergie (diffusion incohérente). Les photons X d’énergie moindre, issus de
cette diffusion incohérente et réémis dans toutes les directions, contribuent
faiblement au bruit de fond. Ce phénomène est connu sous le nom d’effet
Compton.

2.2.2. Interactions rayons X – électrons

Lorsqu’une radiation électromagnétique est réfléchie par un plan, la composante du


faisceau dont le vecteur électrique est parallèle au plan est réfléchie sans diminution
d’intensité. Par contre, la composante perpendiculaire au plan voit son intensité
diminuée d’un facteur cos2 2θ, c'est-à-dire d’une quantité qui dépend de l’angle de
réflexion.

L’intensité diffusée par un électron libre est donnée par l’équation :

 e4  1 + cos 2 2θ 
Ie = I0  2 4 2  
 m c D  2 

où I0 est l’intensité initiale, e la charge de l’électron, m la masse de l’électron, c la


vitesse de propagation de la lumière, D la distance entre l’électron et le détecteur, et 2θ
l’angle entre le faisceau direct et le faisceau diffusé. Le facteur de polarisation
correspond à [(1 + cos2 2θ)/2], et montre que l’intensité diffusée diminue avec l’angle
de diffusion et est minimale pour un angle 2θ = 90°. D’autre part, il est intéressant de
remarquer que l’intensité diffusée est inversement proportionnelle à m2, ce qui a pour
conséquence qu’un proton ne diffuse plus qu’une onde dont l’amplitude est près de
21 Compléments de cristallographie – F. Hatert

2000 fois inférieure à celle diffusée par un électron. On peut donc conclure que
pratiquement, seuls les électrons diffusent le rayonnement X.

2.2.3. Interactions rayons X – atomes

Considérons une hypothétique « structure monoatomique », dans laquelle un seul


atome est localisé à chaque nœud du réseau. Puisque la diffusion est provoquée par les
électrons qui entourent l’atome, l’amplitude de l’onde diffusée par l’atome est, en
première approximation, proportionnelle au numéro atomique Z de cet atome.
Toutefois, comme les électrons se distribuent dans un domaine dont les dimensions
sont de l’ordre de grandeur de la longueur d’onde de la radiation incidente, il y aura
des interférences entre les Z ondes diffusées par les électrons. Seuls les électrons
parfaitement localisés sur les plans réticulaires ne subiront pas de déphasage, et
contribueront pleinement à la radiation diffusée (Figure 12).

Figure 12. Déphasage résultant de la diffusion par différents


points au sein de la couche électronique.

Si l’on considère un atome dans son ensemble, les interférences entre les Z ondes
diffusées par les électrons vont provoquer une diminution de l’amplitude de l’onde
résultante diffusée par l’atome. L’amplitude diffusée par l’atome (Aa) et celle diffusée
par l’électron libre (Ae) sont liées entre elles par le facteur de diffusion atomique, f0 :

Aa = f0.Ae

Le déphasage entre les Z ondes diffusées par les électrons est nul dans la direction du
faisceau incident, et augmente avec l’angle de diffusion. Ceci explique pourquoi le
facteur de diffusion atomique est égal au numéro atomique lorsque θ = 0, et diminue
rapidement lorsque θ augmente (Figure 13). En pratique, pour les structures
organiques constituées d’atomes légers, il est inutile de mesurer des intensités au-delà
de 25° θ, alors que pour des composés inorganiques, une limite arbitraire de 50° θ peut
être considérée (en utilisant la radiation MoKα).

La Figure 13 montre également que les atomes d’hydrogène sont très difficiles à
localiser en diffraction des rayons X.
22 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Figure 13. Exemples de corrélations entre le facteur de


diffusion atomique et l’angle θ.

2.2.4. Interactions rayons X – cristal

Jusqu’à présent, nous avons envisagé la diffusion des rayons X par les électrons puis
par des atomes isolés, sans considérer la distribution de ces atomes dans les trois
directions de l’espace. Dans un cristal, chaque type d’atome peut être considéré
comme un nœud réticulaire, et les autres nœuds de ce réseau sont alors occupés par
des atomes de même type. Le cristal est donc construit en juxtaposant autant de
réseaux identiques qu’il y a de types d’atomes, ces réseaux étant déplacés entre eux de
distances identiques à celles qui séparent les atomes individuels.

De prime abord, les notions de réseau et de plan réticulaire peuvent sembler abstraites,
car ces concepts géométriques ne peuvent êtres positionnés avec précision au sein
d’une structure cristalline. N’importe quel atome peut être pris comme origine du
réseau, sans rien changer à sa périodicité et à sa symétrie.

Même si l’on ne peut exactement positionner l’origine du réseau dans la structure, ce


concept reste concret car la distribution périodique des atomes dans les 3 directions de
l’espace est à l’origine du phénomène de diffraction, qui serait impossible si les
atomes étaient distribués de manière quelconque dans l’espace.

Il faut donc bien distinguer la diffusion des rayons X par les électrons et par les
atomes, d’une part, et le phénomène de diffraction des rayons X produit par
l’arrangement périodique des atomes, d’autre part.
23 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Comme un réseau optique diffracte la lumière, un réseau cristallin va diffracter les


rayons X. Ce phénomène est lié aux interférences qui existent entre les ondes diffusées
par les atomes. Dans certaines directions, les interférences serons constructives et une
intensité sera diffractée, alors que dans d’autres directions, les interférences seront
destructives et aucune réflexion ne sera observée.

La notion de réseau cristallin va donc nous fournir un outil simple qui permettra de
prévoir dans quelle direction la diffraction se produira. Pour expliquer ce concept,
considérons à nouveau un modèle hypothétique de « structure monoatomique », dans
laquelle un seul atome est localisé à chaque nœud du réseau. Comme le montre la
Figure 14, les ondes diffusées par deux atomes localisés dans des plans réticulaires
adjacents produiront des interférences constructives si la différence de chemin
parcourue par ces ondes, ∆, est un multiple entier de la longueur d’onde de la radiation
incidente (Figure 14). Puisque sin θ = (∆/2)/d, on déduit que 2d sin θ = n λ. Cette
équation est connue sous le nom de Loi de Bragg. Elle permet de prévoir l’angle 2θ
entre le faisceau incident et le rayon diffracté par une famille de plan hkl, qui est
fonction de la distance réticulaire dhkl et de la longueur d’onde λ de la radiation
incidente.

Figure 14. La loi de Bragg.

La loi de Bragg nous indique dans quelle direction le faisceau sera diffracté, mais elle
ne fournit aucune information sur l’intensité des réflexions. Considérons à nouveau un
modèle hypothétique de « structure monoatomique », dans laquelle un seul atome est
localisé à chaque nœud du réseau (un atome de ce type est placé arbitrairement à
l’origine, 0,0,0). Les seules interférences qui interviennent sont ici celles dictées par la
loi de Bragg, et l’amplitude diffractée ne sera pas influencée par la présence d’autres
atomes. Toutefois, même dans ce modèle simple, il faut tenir compte du déplacement
des atomes qui vibrent autour d’une position moyenne, et se déplacent légèrement par
rapport au plan réticulaire. Le facteur qui exprime le déplacement des atomes est
appelé facteur de déplacement atomique ou facteur de température, U.
L’amplitude diffractée, Fc, peut être calculée pour chaque réflexion hkl, à condition
que l’on connaisse également les valeurs des paramètres de maille du cristal qui
permettent de calculer dhkl :
24 Compléments de cristallographie – F. Hatert

 − 2π 2U 
Fc = f1.exp  2 
 d 

Dans cette expression, f1 représente le facteur de diffusion atomique de l’atome, qui est
fonction du type d’atome et de l’angle de diffraction. Ces facteurs sont inclus dans les
programmes d’affinements structuraux, et sont repris dans les Tables Internationales
de Cristallographie, Vol. C, Table 6.1.1.1.-5.

Considérons maintenant un second atome dans la maille (Figure 15). Pour cet atome,
le réseau est identique et la géométrie de diffraction restera la même. Lorsque le cristal
est exposé au faisceau de rayons X de telle sorte qu’une famille de plans hkl soit en
position de diffraction, tous les atomes de type 1 vont diffuser les rayons X en phase
l’un avec l’autre. Il en est de même pour tous les atomes de type 2. Toutefois, le
second réseau, auquel appartient le second atome, a été déplacé par rapport à l’origine
d’un vecteur x2, y2, z2. L’onde résultante diffusée par ces atomes de type 2 présentera
par conséquent un déphasage par rapport à l’onde résultante diffusée par le premier
atome. Ce déphasage sera différent pour chaque réflexion considérée.

Figure 15. Modèle simple de structure à deux atomes.

Si l’on considère une structure cristalline plus complexe, la résultante des j ondes
diffusées dans la direction de réflexion hkl par les j atomes de la maille s’appelle le
facteur de structure. Chacune des j ondes est caractérisée par une amplitude
proportionnelle à fj, facteur de diffusion atomique, ainsi que par une phase φ par
rapport à l’onde diffusée par l’atome hypothétique placé à l’origine de la maille.

On ne peut établir l’amplitude du rayonnement X diffusé par l’ensemble de la maille,


tant que les phases des rayons X diffusés par chaque atome ne sont pas connues. Ces
phases dépendent des positions de chaque atome dans la maille, et la connaissance de
ces positions permet assez facilement de calculer le facteur de structure, pour une
réflexion hkl :

2 2
n  n 
Fhkl [ ] [ ]
= ∑ f j cos 2π (hx j + ky j + lz j )  + ∑ f j sin 2π (hx j + ky j + lz j ) 
 j =1   j =1 

Rappelons que l’intensité diffractée sera proportionnelle au carré de l’amplitude


diffractée, fournie par le facteur de structure.
25 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Alors qu’on peut facilement calculer les amplitudes diffractées par un cristal, en
connaissant les coordonnées de ses atomes, sa symétrie et ses paramètres de maille, la
démarche inverse n’est pas aussi aisée. Les intensités mesurées fournissent en effet les
amplitudes des facteurs de structure, mais pas leurs phases (Figure 16). La résolution
de ce problème, appelé « problème de la phase », est l’étape indispensable à toute
détermination de structure cristalline.

Figure 16. Addition vectorielle des ondes diffusées par


des atomes individuels, aboutissant au facteur de
structure, d’amplitude F et de phase φ.

2.3. Le réseau réciproque et la sphère d’Ewald

Pour effectuer une détermination structurale sur monocristal, il est indispensable de


mesurer l’intensité d’un grand nombre de réflexions. Pour ce faire, il faut connaître
l’orientation exacte à donner au cristal par rapport au faisceau de rayons X, afin d’amener
chaque famille de plans réticulaires dans une position telle que la loi de Bragg soit
satisfaite.

Pour faciliter cette tâche, la notion de réseau réciproque a été introduite. Considérons la
famille de plans (010), séparés entre eux par d010. Si l’on trace la perpendiculaire à ces
plans passant par l’origine, et que l’on reporte la distance 1/d010 sur cette droite, le pôle
obtenu est le pôle réciproque 010, qui représente la famille de plans (010) du réseau direct.
Si l’on répète cette opération pour plusieurs familles de plans, on obtient un réseau
réciproque (Figure 17).

Comme on le voit sur la Figure 17, il existe des pôles réciproques 200, 300, … qui
s’alignent également sur les droites perpendiculaires aux familles de plans du réseau
direct. En accord avec la loi de Bragg, chaque famille de plans du réseau direct ne
diffracte pas qu’une fois, et produit plusieurs ordres de diffraction qui correspondent aux
différentes valeurs entières que peut prendre le nombre n de la loi de Bragg. Les pôles
réciproques 001, 002 et 003 représentent ainsi les ordres de diffraction 1, 2 et 3, produits
par la famille de plans (001) du réseau direct.
26 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Figure 17. Exemple d’un réseau réciproque, divisé en plans


réciproques le long de l’axe c*.

Remarque : Afin de distinguer le réseau réciproque du réseau direct, un astérisque est


ajouté dans la notation des axes et des plans du réseau réciproque : a*, b*, c*, …

Considérons un cristal monoclinique. Les pôles réciproques 001, 002, 003, … vont
s’aligner le long de l’axe c*, lui-même perpendiculaire à la famille de plans (001) du
réseau direct. De la même manière, les pôles réciproques 100, 200, 300… vont s’aligner
le long de l’axe a*, perpendiculaire à la famille de plans (100) du réseau direct. Puisque le
système monoclinique est caractérisé par un angle β différent de 90°, on voit
immédiatement, sur la Figure 18, que β* = 180°- β. De plus, on remarque que le
paramètre c* n’est pas égal à 1/c, comme dans le cas d’un repère orthogonal, mais qu’il
vaut 1/d001 ou encore 1/(c.sinβ).

Figure 18. Relation entre le réseau direct et le réseau


réciproque, dans le système cristallin monoclinique.
27 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Une autre observation importante, que l’on peut tirer de la Figure 18, concerne les
rangées (a* et c*) du réseau réciproque, qui sont perpendiculaires aux plans du
réseau direct. Inversement, les plans du réseau réciproque sont toujours
perpendiculaires aux rangées du réseau direct.

Il est maintenant aisé d’interpréter la loi de Bragg à l’aide de la notion de réseau


réciproque. Imaginons une sphère au centre de laquelle se trouve le cristal (O). L’origine
du réseau réciproque est placée sur la surface de cette sphère, à l’endroit exact où le
faisceau direct de rayons X vient la transpercer (P). Un pôle réciproque, situé ailleurs sur
la surface de la sphère (Q), est en position de diffraction. La Figure 19 montre
immédiatement que :

PQ 1
sin θ = =
AP d hkl AP

Puisque le pôle réciproque est en position de diffraction, la loi de Bragg peut lui être
appliquée :

2 dhkl sin θ = λ → sin θ = λ/(2 dhkl)

De la combinaison de ces deux équations, il apparaît que la distance AP doit être égale à
2/λ pour que le pôle réciproque Q soit en position de diffraction. Le rayon de cette
sphère, appelée sphère d’Ewald, doit donc être égal à 1/λ.

Figure 19. La sphère d’Ewald.


28 Compléments de cristallographie – F. Hatert

2.4. Les absences systématiques

Les éléments de symétrie ayant une composante de translation provoquent la disparition


systématique de certaines réflexions. Ce sont les absences systématiques, qui sont d’une
grande utilité pour déterminer le groupe spatial des cristaux. Le tableau 7 reprend les
principales conditions d’absences systématiques.

Tableau 7. Les absences systématiques.


29 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Chapitre 3. La méthode des poudres

3.1. Principe et instruments

La méthode des poudres consiste à envoyer un faisceau de rayons X monochromatique


(généralement CuKα, λ = 1,5418 Å ou FeKα, λ = 1,9373 Å) sur un échantillon réduit en
poudre. On obtient ainsi une infinité de petits cristaux, appelés « cristallites », orientés
dans toutes les directions possibles. De cette manière, tous les plans réticulaires hkl
soumis aux rayons X trouveront des cristaux orientés de manière à satisfaire la loi de
Bragg. L’ensemble des cristallites, en position de diffraction pour un plan hkl donné,
produiront un cône de diffraction d’ouverture angulaire 4θ (Figure 20).

Figure 20. Cône de diffraction produit par une famille de plans hkl.

Lorsque les cônes de diffraction produits par différentes familles de plans réticulaires
tombent sur un film photographique, ils y dessinent autant de circonférences
concentriques. C’est le principe de la caméra de Debye-Scherrer (Figure 21). En
choisissant un diamètre de caméra approprié (114,6 mm), la mesure entre les deux traces
produites par un cône de diffraction autour du faisceau direct (en mm) fournit directement
la valeur 4θ, qu’il suffit alors d’introduire dans la loi de Bragg pour calculer la distance
réticulaire dhkl.

Figure 21. La caméra de Debye-Scherrer.


30 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Afin d’obtenir des données plus précises, de plus grandes quantités de matière peuvent
également être diffractées à l’aide d’un diffractomètre, dans lequel le film est remplacé
par un détecteur mesurant l’intensité des rayons X diffractés. Le principe du
diffractomètre de poudres est illustré à la Figure 22, et une comparaison entre un
diffractogramme de poudres et un cliché de Debye-Scherrer est fournie à la Figure 23.

Figure 22. Principe du diffractomètre de poudres.

Figure 23. Comparaison entre un cliché de Debye-


Scherrer et un diffractogramme de poudres.

3.2. Identification des composés et affinement des paramètres cristallographiques

L’ensemble des valeurs de dhkl mesurées, ainsi que leurs intensités respectives, permettent
d’identifier le composé diffracté, à l’aide des tables ICDD (International Centre for
Diffraction Data). De plus, la position exacte de dhkl des réflexions peut fournir, grâce à
un programme d’affinement par moindres carrés (comme LCLSQ, Burnham, 1991), les
valeurs des paramètres de maille du composé.
31 Compléments de cristallographie – F. Hatert

3.3. Affinements structuraux par la méthode de Rietveld

La méthode développée par Rietveld (1967, 1969) permet d’affiner la structure cristalline
d’un composé à partir de son diffractogramme de poudre. A cette fin, le diffractogramme
mesuré est comparé à un diffractogramme calculé à partir du modèle structural introduit
au départ. Au cours de l’affinement, les paramètres relatifs au bruit de fond, à la forme des
pics et à la structure cristalline de l’échantillon sont ajustés par moindres carrés jusqu’à ce
que le diffractogramme calculé se superpose le mieux possible au diffractogramme
mesuré. Il s’agit de rendre minimale l’expression :

Sy = Σi wi(yoi – yci)2

où yoi et yci représentent respectivement les intensités observées et calculées au point i, et


où wi représente le poids associé à l’intensité i, égal à 1/yoi. Cette opération s’effectue sur
tous les points du diffractogramme (Young, 1995).

Une analyse structurale par la méthode de Rietveld débute toujours par l’affinement des
paramètres relatifs au bruit de fond, au point zéro, au déplacement de l’échantillon, à la
largeur des pics et à leur profil. Ensuite, les paramètres de maille et les paramètres
structuraux sont affinés. Dans certains cas, le paramètre relatif à l’orientation
préférentielle des cristallites peut également être affiné de manière à obtenir une meilleure
correspondance entre les diffractogrammes mesuré et calculé. La progression d’un
affinement est suivie grâce aux facteurs reproduits au Tableau 8. Dans le cas d’un
affinement parfait, le facteur de profil pondéré (Rwp) doit être égal au facteur Rexp, ce qui
conduit à un « goodness of fit » (S) égal à 1.

Tableau 8. Facteurs permettant d’estimer la qualité d’un affinement structural


par la méthode de Rietveld.

Facteur Nom

Rp = 100
∑y −y oi ci
Facteur de profil non pondéré
∑y oi

 ∑ w i (y oi − y ci )2 
1/ 2

Rwp = 100   Facteur de profil pondéré


 ∑ w i y oi2 
1/ 2
 N − P + C
Rexp = 100  2 
Facteur espéré
 ∑ w i y oi 
 ∑ w i (y oi − y ci )2 
1/ 2
R wp
S= =   « Goodness of fit »
R exp  N 

RB = 100
∑ Io − Ic Facteur de Bragg
∑I o
32 Compléments de cristallographie – F. Hatert

yoi = intensité observée au point i. C = nombre de contraintes imposées.


yci = intensité calculée au point i. Io = intensité observée pour chaque
wi = 1/yoi = facteur de pondération. réflexion.
N = nombre de points mesurés. Ic = intensité calculée pour chaque
P = nombre de paramètres à affiner. réflexion.

Exercice

Réaliser l’affinement structural du composé Li(Mn1,75Ti0,25)O4 grâce au programme


DBWS-9807 (Young et al., 1998).
Ce composé est de structure spinelle, et comme données de départ, on peut utiliser les
données structurales du composé LiMn2O4 :

Groupe spatial Fd3m


a = 8.243 Å
Li 0.125 0.125 0.125
Mn 0.50 0.50 0.50
O 0.2637 0.2637 0.2637
33 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Exercice-Rietveld

Diffractogramme
Mesure par pas de 0,020° 2θ, avec un temps de comptage de 15 s par pas.
Balayage de 20 à 150° 2θ.
Fichier an.udf

Fichier contenant les paramètres de départ


C:/RIET/ALLUAU/AN/an

Programme utilisé
DBWS-9807 (Young et al. 1998). Il existe beaucoup d’autres programmes similaires
comme FULLPROF (dérivé de DBWS) ou GSAS.

Démarrage du programme
Démarrer Norton commander (NC). Aller dans le répertoire C:/RIET/ALLUAU/AN.
Taper l’instruction « an an1 anr1 ». Cette instruction va effectuer un affinement en
utilisant les paramètres de départ présents dans « an ». Ils seront copiés pour sauvegarde
dans « an1 » et le fichier « an » contiendra les paramètres affinés. Le fichier « anr1 » est
un fichier résultats qui contient plus d’informations structurales.

Paramètres à affiner
1. Facteur d’échelle
Ce facteur doit être affiné à chaque cycle. On commence par lui seul.

2. Bruit de fond
Six paramètres permettent d’affiner le bruit de fond. Généralement, seuls les 5 premiers
sont nécessaires et le sixième peut rendre l’affinement instable. Si le profil du bruit de
fond est trop complexe, on peut également l’introduire manuellement.

3. Facteurs relatifs à l’échantillon et au diffractomètre


Ces facteurs sont le point zéro (ZER), le déplacement de l’échantillon (DISP), la rugosité
de surface (P, Q, R, T) et la transparence de l’échantillon (TRANS). Généralement, seul le
point zéro doit être affiné ; parfois le déplacement de l’échantillon.

4. Paramètres de maille
Attention de les affiner après l’affinement du point zéro. Ces paramètres sont souvent
assez différents de ceux calculés à l’aide d’un standard interne, car ils sont dépendants du
point zéro du goniomètre !

5. Profil des pics


Les pics sont caractérisés par leur largeur à mi-hauteur et leur profil. La largeur à mi-
hauteur dépend principalement des paramètres U, V et W, mais généralement,
l’affinement de U et V suffit. Plusieurs fonctions permettent de reproduire le profil des
pics, parmi lesquelles de simples fonctions gaussiennes ou lorentziennes. Les fonctions les
plus utilisées sont mixtes, c'est-à-dire qu’elles comportent une composante gaussienne et
une composante lorentzienne. On retiendra la fonction pseudo-Voigt, caractérisée par les
paramètres NA et NB, ainsi que la Pearson-VII, caractérisée par les paramètres NA, NB et
NC. Généralement, seuls NA et NB doivent être affinés.
34 Compléments de cristallographie – F. Hatert

6. Position des atomes


Avant d’affiner ces positions, il est préférable de fixer tous les paramètres affinés
précédemment, sauf le facteur d’échelle. Sinon, l’affinement peut devenir instable.
Plusieurs positions peuvent être affinées à la fois, mais il ne faut pas affiner beaucoup plus
de 10 coordonnées à la fois.

7. Facteurs d’occupation des sites


Il faut les affiner avant les facteurs de température, car ces deux paramètres sont corrélés.

8. Facteurs de température isotropes


En théorie, ils doivent être proches de 1. Mais des atomes légers, comme Na, peuvent
montrer des facteurs de température plus élevés. Au-dessus de 2, ou lorsque les valeurs
sont négatives, il est préférable de les fixer à 1.0. On peut également affiner ces facteurs
en groupes : tous les oxygènes ensemble, …

9. Orientation préférentielle, asymétrie des pics


A la fin de l’affinement, on peut introduire une légère orientation préférentielle des
cristallites. On essayera d’abord des orientations (100), (010) ou (001), avant d’introduire
des notations plus complexes si nécessaire. Une asymétrie des pics peut également être
introduite.

10. Relâcher tous les paramètres


Un affinement Rietveld se termine par la libération des paramètres 2 à 5. Ainsi, tous les
paramètres sont libérés et l’affinement converge vers les valeurs finales. Attention, cette
étape est délicate, et il est prudent de relâcher les paramètres progressivement !

Quand arrêter l’affinement ?


En théorie, le facteur S d’un affinement Rietveld doit tendre vers 1. Mais cette valeur n’est
jamais atteinte en pratique, et on peut espérer des valeurs entre 2.5 et 2.0. Par contre, le
facteur RBragg doit absolument être inférieur à 10%.
35 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Chapitre 4. Techniques sur monocristaux

4.1. Méthodes du cristal tournant, de Weissenberg et de précession

Le principe des techniques sur monocristaux est relativement simple. Il suffit de


provoquer le passage des pôles réciproques à travers la sphère d’Ewald. Pour ce faire, il
est possible soit de faire varier la longueur d’onde de la radiation (et donc le diamètre de
la sphère d’Ewald) tout en maintenant le cristal fixe (méthode de Laue), soit de faire
bouger le cristal dans un faisceau de rayons X de longueur d’onde constante (méthodes du
cristal tournant, de Weissenberg et de précession).

Les plus anciennes de ces techniques, comme le cristal tournant, la caméra de


Weissenberg ou la caméra de précession, enregistraient les intensités diffractées sur des
films sensibles à la radiation X. Après développement du film en chambre noire, on
pouvait obtenir une mesure directe des paramètres de maille des composés étudiés.
L’indexation des taches de diffraction permettait d’établir les règles d’absences
systématiques, conduisant ainsi à l’identification du groupe spatial. Finalement, l’intensité
des taches de diffraction était mesurée à l’aide d’un densitomètre, fournissant ainsi les
données nécessaires pour déchiffrer la structure cristalline du composé étudié.

Nous n’allons pas entrer dans le détail de ces anciennes techniques, qui sont très
didactiques mais sortent du cadre de ce cours de cristallographie approfondie. Retenons
seulement que la méthode du cristal tournant permet une mesure directe d’un paramètre de
maille, que la méthode de Weissenberg fournit une image déformée d’un plan sélectionné
du réseau réciproque, et qu’une caméra de précession fournit une image non déformée
d’un tel plan.

4.2. Le diffractomètre à 4 cercles

Afin de mesurer l’intensité des réflexions diffractées par un monocristal, des


diffractomètres ont été développés, parmi lesquels le diffractomètre à 4 cercles que nous
allons décrire en détail.

Le principe de cet instrument est de pouvoir amener n’importe quel pôle réciproque en
condition de réflexion, en le positionnant sur la sphère d’Ewald. Pour ce faire, le cristal est
placé exactement au centre d’un dispositif comprenant 4 cercles, destiné à donner au
cristal toutes les orientations possibles (Figure 24). Le premier cercle correspond à la
rotation du détecteur dans le plan horizontal, formant un angle 2 théta (2θ) avec le
faisceau direct. Le second cercle, oméga (ω), produit une rotation de l’armature circulaire
contenant le cristal autour d’un axe vertical. Le troisième cercle, khi (χ), permet une
rotation du cristal à l’intérieur de l’armature circulaire, selon un axe de rotation horizontal.
Finalement, le dernier cercle, phi (φ), correspond à la rotation du cristal sur lui-même.
36 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Figure 24. Le diffractomètre à 4 cercles.

Lorsqu’une réflexion est en position de diffraction, il est nécessaire de mesurer son


intensité. Cette mesure peut s’effectuer soit à l’aide d’un compteur à scintillation ponctuel,
soit à l’aide de détecteurs à surface comme les détecteurs CCD (« Charge Coupled
Device »). La mesure d’un cristal de taille normale (100 x 100 x 100 µm) peut nécessiter
jusqu’à 3 jours pour un diffractomètre à détecteur ponctuel, alors qu’une quinzaine
d’heures suffisent lorsqu’un détecteur CCD est utilisé. L’avantage d’un détecteur CCD
réside aussi dans la possibilité de mesurer des cristaux de très petite taille (inférieure à 50
x 50 x 50 µm), qui sont inaccessibles aux diffractomètres munis de détecteurs ponctuels.

4.3. Partie expérimentale

4.3.1. Montage et centrage du cristal

La première étape à franchir, lors de l’étude radiocristallographique d’un composé, est la


sélection d’un bon monocristal. Il faut éviter des cristaux trop gros (> 200 µm), car ils
risquent d’être composés de plusieurs monocristaux accolés et peuvent présenter une
absorption importante du rayonnement X. D’autre part, il faut également éviter les
cristaux trop petits (< 100 µm) afin de ne pas augmenter inutilement le temps de mesure,
surtout avec un diffractomètre à détecteur ponctuel. Un examen au microscope polarisant
(lumière transmise, polarisée et analysée) permet de distinguer immédiatement si un
cristal est bien monocristallin ou non.

Une fois le cristal sélectionné, il faut le fixer sur un capillaire en verre très fin, à l’aide
de vernis à ongles ou de colle type « Araldite ». Le diamètre du capillaire ne doit pas
dépasser la taille du cristal, car le verre, par sa nature amorphe, provoque une
augmentation sensible du bruit de fond. Une fois le cristal monté sur le capillaire, on
introduit ce capillaire dans un support en laiton fixé sur une tête goniométrique.

La tête goniométrique est ensuite vissée à l’intérieur de l’armature circulaire du


diffractomètre à 4 cercles, à l’endroit prévu à cet effet. Des déplacements lents selon les 4
cercles sont ensuite appliqués au monocristal, afin de vérifier son centrage. Si le cristal
ne reste pas à la même position suite à ces déplacements, son centrage est amélioré en
réglant les vis micrométriques de la tête goniométrique.

4.3.2. Collecte des données


37 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Une fois le cristal centré, il est nécessaire de déterminer la matrice d’orientation, qui
fournit l’orientation des axes cristallographiques du cristal par rapport aux 4 angles du
goniomètre. La méthode la plus couramment utilisée consiste, pour les diffractomètres à
détecteur ponctuel, en un balayage systématique d’une portion de l’espace réciproque, afin
de repérer quelques réflexions intenses. Dès que quelques réflexions ont été identifiées,
une première maille cristalline est proposée par le programme, qui est souvent plus petite
et moins symétrique que la véritable maille. Les réflexions d’un cristal peuvent toujours
être indexées dans une petite maille triclinique, appelée maille réduite. Cette première
maille cristalline peut être vérifiée de plusieurs manières :

- En utilisant des données obtenues précédemment sur films (cristal tournant,


Weissenberg ou précession).
- En cherchant des réflexions supplémentaires, localisées entre les réflexions
précédemment observées. De telles réflexions, aux indices de Miller fractionnaires, ne
peuvent être indexées que dans une maille plus grande.
- En utilisant un programme fournissant une liste de toutes les mailles possibles
(instruction « Bravais »). Parmi ces mailles, des mailles plus symétriques peuvent
apparaître, mais la géométrie de la maille seule ne suffit pas à déterminer sans
ambiguïté le système cristallin. Par exemple, une maille d’apparence orthorhombique
peut toujours correspondre à un cristal monoclinique avec un angle β très proche de
90° !

Une fois la matrice d’orientation et les paramètres de maille connus, on peut mesurer
l’intensité de n’importe quelle réflexion (sauf quelques réflexions inaccessibles pour des
raisons instrumentales). Ces mesures s’effectuent par balayage du goniomètre selon
l’angle oméga ; c’est pour cela que l’on utilise fréquemment le terme « ω scan ». Dès la
première mesure, on peut savoir si le cristal sélectionné est de bonne qualité. Si un cristal
est poly-cristallin, des pics élargis, voir dédoublés ou triplés, peuvent être obtenus (Figure
25), nécessitant la séparation d’un nouveau cristal.

Figure 25. Elargissement des pics lié au caractère


poly-cristallin d’un échantillon.

La mesure de toutes les réflexions de l’espace réciproque n’est pas possible, et il faut
sélectionner certaines réflexions afin d’affiner la structure cristalline d’un composé. Une
38 Compléments de cristallographie – F. Hatert

première sélection est effectuée en choisissant la valeur maximale de l’angle θ. Cette


valeur définit, au sein de l’espace réciproque, une sphère au-delà de laquelle les données
ne seront pas mesurées. Cette sphère sera appelée sphère réciproque.

Puisque le réseau cristallin est toujours centré, il n’est pas nécessaire de mesurer
l’entièreté des réflexions de la sphère réciproque. La portion de cette sphère dépend de la
symétrie du composé étudié, c'est-à-dire de son groupe de Laue. Pour un cristal
triclinique, seule la moitié de la sphère réciproque doit être mesurée, alors que les cristaux
monocliniques et orthorhombiques ne requièrent que la mesure du quart ou du huitième de
cette sphère, respectivement.

4.3.3. Corrections d’absorption

Une fois les intensités mesurées, il ne faut pas encore retirer le cristal du diffractomètre
car des mesures supplémentaires doivent être réalisées afin d’effectuer les corrections
d’absorption. En effet, le rayonnement X subit, au cours de son trajet au sein du cristal,
une absorption qui dépend de la nature de cristal et de l’épaisseur traversée, x :

I = I0 e-µx
Dans cette équation, µ est le coefficient d’absorption, qui s’exprime en mm-1. Pour un
cristal sphérique, la quantité de rayonnement absorbée ne varie pas selon la direction, et
les corrections d’absorption ne sont pas nécessaires. Par contre, lorsqu’un cristal est
fortement anisotrope, par exemple lorsqu’il est fortement allongé, il faut corriger les
données obtenues.

Une méthode fréquemment utilisée (« psi-scan ») consiste à mesurer les intensités de


réflexions symétriquement équivalentes, qui devraient être identiques pour un cristal
sphérique, mais qui vont varier pour un cristal anisotrope, en fonction de l’épaisseur de
cristal traversée. La mesure de ces intensités permet de modéliser les variations de
l’absorption en fonction de la direction considérée, et ainsi de corriger les données
obtenues précédemment.

4.3.4. Réduction des données

A cette étape, les données collectées se résument à une mesure d’intensité au sommet du
pic et à deux mesures du bruit de fond, à droite et à gauche du pic. Il est donc nécessaire
de corriger plusieurs paramètres expérimentaux, afin d’obtenir des valeurs F0 qui puissent
être comparées aux valeurs calculées par les programmes d’affinement :

• Le facteur de polarisation (voir 2.2.2.) exprime la variation de l’intensité


diffusée en fonction de l’angle θ, et vaut (1 + cos2 2θ)/2. L’intensité diffusée est
donc minimale pour un angle 2θ = 90°. Il convient de corriger l’effet de cette
polarisation.
• Le facteur de Lorentz. Lorsqu’on applique une rotation au réseau réciproque,
comme c’est le cas lors des mesures au diffractomètre à 4 cercles, les pôles les
plus proches de l’origine du réseau réciproque passent plus lentement au travers
de la sphère d’Ewald que les pôles situés loin de cette origine. Au total, ces pôles
proches de l’origine passent plus de temps en condition de diffraction que les
39 Compléments de cristallographie – F. Hatert

pôles éloignés, et leur intensité en est par conséquent augmentée. Le facteur de


Lorentz, L, est donc dépendant de l’angle θ et correspond à 1/sin 2 θ.

Généralement, facteurs de Lorentz et de polarisation sont considérés simultanément, au


cours des corrections Lp, où Lp = (1 + cos2 2θ)/(2 sin 2 θ). Le facteur de structure
observé correspond finalement à :

I
F0 =
Lp

,où I est l’intensité mesurée. Il ne reste plus qu’à appliquer les corrections d’absorption
pour obtenir des données utilisables par les programmes de détermination de structures
cristallines.
40 Compléments de cristallographie – F. Hatert

4.4. Détermination de la structure


4.4.1. Détermination du groupe spatial

L’étape la plus délicate à franchir, lors de la résolution d’une structure cristalline, est
sans aucun doute la détermination du groupe spatial. Lorsque la maille cristalline est
connue sans ambiguïtés, le groupe spatial peut être déterminé à l’aide de deux types de
données différentes :

• La symétrie des réflexions, qui permet de déterminer le groupe de Laue et


d’obtenir des informations sur la présence ou non d’un centre de symétrie.
• Les absences systématiques, qui permettent la détermination du mode de réseau
de Bravais et signalent la présence d’axes hélicoïdaux et de plans de glissements.

Lorsque les intensités collectées sont de bonne qualité, et ne sont pas affectées par des
phénomènes perturbateurs comme des macles, par exemple, la détermination du groupe
spatial ne pose aucun problème. Par contre, avec des données de moins bonne qualité, il
est souvent nécessaire d’examiner visuellement différents plans du réseau réciproque afin
de déterminer les règles d’absences systématiques, ou encore de tester plusieurs groupes
spatiaux pour déterminer lequel fournit le modèle structural le plus cohérent.

4.4.2. Les méthodes directes

Une fois le groupe spatial déterminé, il est nécessaire de résoudre la structure. Cette
étape s’effectue grâce au programme SHELXS (Sheldrick, 1997).
Comme nous l’avions vu précédemment (voir 2.2.4), on peut facilement calculer les
amplitudes diffractées par un cristal en connaissant les coordonnées de ses atomes, sa
symétrie et ses paramètres de maille. Par contre, la démarche inverse n’est pas aussi aisée
car les intensités mesurées fournissent l’amplitude des facteurs de structure, mais pas leur
phase. La résolution du problème de la phase est l’étape cruciale de toute détermination
structurale.
Dans le programme SHELXS, la résolution du problème de la phase est généralement
réalisée grâce aux méthodes directes qui, comme leur nom l’indique, permettent une
détermination directe de certaines coordonnées atomiques. Le principe de ces méthodes
est complexe et fait appel à un formalisme mathématique qui dépasse le cadre de ce cours.
Retenons simplement qu’il s’agit de méthodes statistiques qui fournissent une solution
possible, mais qui n’est pas nécessairement la bonne...

4.4.3. Transformée de Fourier et affinements par moindres carrés

Une fois un premier modèle structural établi par méthodes directes, il est nécessaire de
l’améliorer. Le programme SHELXS attribue déjà quelques noms à certains atomes, en
fonction de la composition chimique introduite au départ. Mais ces atomes ne sont pas
nécessairement corrects. De plus, le programme fournit une liste de pics de densité
électronique (« Q »), qui ne sont attribués à aucun atome. Il convient, à cette étape,
d’éliminer les pics et atomes douteux, et d’attribuer les pics qui semblent correspondre à
certains atomes. Ce choix s’effectue principalement en examinant les environnements
atomiques et en sélectionnant la configuration géométrique la plus probable (respect des
distances et angles inter-atomiques au sein des divers polyèdres de coordination).
Une fois ce premier modèle établi, le programme SHELXL est utilisé afin d’effectuer
deux opérations simultanées :
41 Compléments de cristallographie – F. Hatert

• Affiner par moindres carrés les coordonnées atomiques et le facteur de


température isotrope des atomes existants.
• Ajouter de nouveaux pics de densité électronique, obtenus par transformée de
Fourier à partir des intensités mesurées et du modèle préliminaire.

Ce second cycle permet tout d’abord de vérifier la validité des atomes attribués
précédemment, grâce aux facteurs de température isotropes. Ces derniers doivent en effet
se situer dans une gamme acceptable, entre 0.005 et 0.080. Un atome d’oxygène dont le
facteur de température est nul correspond probablement à un atome plus lourd, et un
atome lourd avec un facteur de température élevé correspond probablement à un atome
plus léger. Les facteurs de températures supérieurs à 0.100 indiquent fréquemment
l’absence d’atomes.
Le second cycle d’affinement permet également d’affiner la position des atomes
existants et d’obtenir de nouveaux pics de densité électronique, qui peuvent être attribués
à de nouveaux atomes. Ainsi, au fil des cycles d’affinement, tous les atomes sont trouvés
et le modèle se complète.
Une fois tous les atomes trouvés, il est nécessaire de finaliser le modèle. Une
première étape consiste en l’affinement des facteurs de température anisotropes. Même si
les facteurs de température isotropes étaient valables, il arrive fréquemment qu’à cette
étape, on réalise que le modèle structural est mauvais. En effet, la présence d’atomes
« Non positive definit », c'est-à-dire avec un facteur de température anisotrope négatif,
indique que ces atomes ne sont pas acceptables. Si un mauvais groupe spatial a été choisi,
on peut ainsi aboutir à un modèle où pratiquement la moitié des facteurs de température
anisotropes sont négatifs ! Les facteurs d’occupation des sites peuvent également être
affinés à ce stade, de manière à prendre en compte une distribution cationique
partiellement désordonnée.
La validité d’un affinement se mesure par plusieurs facteurs de fiabilité, parmi
lesquels R, wR2 et S. Le facteur R correspond à :

∑F −F o c
R= hkl

∑F hkl
0

Il peut descendre en dessous de 3 % pour les excellents affinements, mais une valeur
inférieure à 5 % est déjà suffisante. Un facteur R supérieur à 10% n’est pas acceptable, et
un modèle structural meilleur doit absolument être élaboré. Le facteur S, aussi appelé
« goodness of fit », doit idéalement tendre vers 1.
Un facteur R en dessous de 5 %, un facteur S proche de 1.0, ainsi qu’un modèle
structural sans facteurs de température négatifs et sans densité électronique résiduelle
importante, signalent la fin de l’affinement structural.

Exercice :

Résolution de la structure du composé Mn7(HPO4)4(PO4)2


Distances P-O ~ 1.55 Å
Distances Mn-O ~ 2.23 Å

Fichiers de départ :
42 Compléments de cristallographie – F. Hatert

• TP1.hkl : Liste des intensités observées pour toutes les réflexions hkl mesurées.
Ces valeurs ont été corrigées (réduction des données, corrections d’absorption).
• TP1.p4p : Fichier reprenant certains paramètres expérimentaux, notamment les
paramètres de maille mesurés sur le cristal.

Création d’un fichier .INS


• Dans Norton Commander, se mettre dans le répertoire où se trouvent les fichiers
et taper l’instruction « xprep TP1 » afin de lancer le programme XPREP destiné à
créer un fichier .INS.
• Une fenêtre nous donne le nombre de violations des règles d’absences
systématiques pour chaque mode de réseau. Le mode de réseau où ces réflexions
« interdites » sont les moins abondantes est probablement le bon. Le sélectionner.
• L’instruction [H] permet de chercher des mailles équivalentes plus symétriques.
Choisir celle qui semble la plus probable, aussi en fonction du groupe de Laue
déterminé lors de la mesure au diffractomètre.
• L’instruction [S] suivie de [S] permet de déterminer le groupe spatial. Choisir
d’abord le système cristallin, le mode de réseau, puis le groupe spatial en fonction
des absences systématiques et du test statistique permettant de déterminer la
présence d’un centre de symétrie. Le programme choisit lui-même les solutions
qui lui semblent les meilleures.
• L’instruction [C] permet de définir le contenu de la maille. Il faut ici rentrer la
composition chimique du cristal. Modifier la valeur de Z (= nombre d’unités
formulaires par maille) de manière à obtenir une densité plausible.
• L’instruction [F] permet de créer le fichier .INS.
• L’instruction [Q] permet de quitter le programme.

Résolution de la structure
• Taper l’instruction « XS TP1 » afin de lancer le programme SHELXS.

Amélioration du modèle
• Taper l’instruction « XP TP1 » destinée à lancer l’interface graphique XP.
• Taper les instructions « FMOL » puis « INFO », et une liste des atomes et des
« Q » s’affiche. Voici les instructions essentielles qui vont vous aider à utiliser
XP :

 ENVI xx : Fournit la liste des atomes situés dans l’environnement immédiat de


l’atome xx. Les distances inter-atomiques et les angles sont également
présentés.
 KILL xx : Elimine l’atome xx.
 NAME xx yy: Renomme l’atome xx en yy.
 INFO: Fournit la liste des atomes.
 INFO xx : Fournit les coordonnées de l’atome xx.
 INFO $x : Fournit les coordonnées de tous les atomes de type x.

• Taper l’instruction « FILE TP1 » afin d’enregistrer vos modifications dans le


fichier .INS.
• Taper l’instruction « EXIT » pour quitter le programme.

Nouveau cycle d’affinement


43 Compléments de cristallographie – F. Hatert

• Ouvrir le nouveau fichier .INS et modifier le nombre de cycles : L.S. = 50.


Sauvegarder et fermer le fichier.
• Taper « XL TP1 » qui lance le programme d’affinement SHELXL. On voit défiler
les valeurs des facteurs de fiabilité.
• Ouvrir le fichier .RES, dans lequel les résultats se trouvent. On peut y trouver le
facteur R.
• Faire tourner à nouveau XP, modifier les atomes si nécessaire, puis sauvegarder.
• Une fois tous les atomes trouvés, ouvrir le fichier .INS et taper l’instruction
ANIS. Ceci permettra, au cours du cycle d’affinement suivant, d’affiner les
facteurs de température anisotropes.
• Après cet affinement final, ouvrir le fichier .LST, plus complet que le fichier
.RES. On y trouve notamment une liste des facteurs de température anisotropes, à
côté de laquelle les atomes « Non positive definit » sont mentionnés.
44 Compléments de cristallographie – F. Hatert

Chapitre 5. Interprétation des résultats

5.1. Les coordonnées atomiques et les facteurs d’occupation des sites

Les coordonnées atomiques indiquent la position des atomes dans la maille cristalline. Un
atome est en position générale lorsque ses coordonnées x, y et z sont quelconques. Cet
atome se répète un certain nombre de fois dans la maille cristalline ; ce nombre est appelé
multiplicité du site. Par contre, un atome est considéré en position spéciale lorsqu’il est
localisé sur un élément de symétrie. Dans ce cas, certaines coordonnées peuvent prendre
des valeurs particulières, comme ½, ¼, ¾, 1/3, …

Les atomes en position spéciale se répètent moins fréquemment dans la maille quel les
atomes en position générale. Leur multiplicité est par conséquent moindre. La notation de
Wyckoff, que l’on retrouve dans les Tables Internationales de Cristallographie, comporte
un nombre qui correspond à la multiplicité du site, suivi d’une lettre. Grâce cette notation,
il est donc possible de connaître la multiplicité de chaque site. La détermination de la
notation de Wyckoff s’effectue grâce aux Tables Internationales de Cristallographie, qui
fournissent cette notation pour chaque type de coordonnée atomique.

Les facteurs d’occupation des sites, fournis par le programme SHELXTL, dépendent de
la multiplicité de chaque site. Ainsi, le facteur d’occupation d’un atome en position
générale sera 1.0, alors que le facteur d’occupation d’un atome localisé sur un site dont la
multiplicité est la moitié de celle d’un site en position générale est de 0.5. On peut
généraliser en affirmant que :

Mx
SOFx =
MG

où SOFx est le facteur d’occupation du site x, Mx est la multiplicité de ce site, et MG est la


multiplicité d’un site en position générale.

Grâce à la notion de multiplicité, il est donc possible, à partir des coordonnées atomiques,
de calculer les facteurs d’occupation des sites et d’en déduire la composition chimique du
composé analysé.

Exercice :
L’affinement structural d’un cristal d’alluaudite (C2/c) a fourni les coordonnées
suivantes :

x y z
A(1) Na 1/2 0 0
M(1) Mn 0 0,2666(2) 1/4
M(2) Fe 0,2759(2) 0,6521(1) 0,3592(4)
P(1) P 0 -0,2778(5) 1/4
P(2) P 0,2420(4) -0,1033(3) 0,1347(8)
O(1) O 0,4533(7) 0,7121(6) 0,540(1)
O(2) O 0,0929(7) 0,6472(6) 0,229(1)
O(3) O 0,3246(7) 0,6577(6) 0,094(1)
O(4) O 0,1267(7) 0,4065(6) 0,324(1)
45 Compléments de cristallographie – F. Hatert

O(5) O 0,2304(7) 0,8305(6) 0,319(2)


O(6) O 0,3183(7) 0,4980(7) 0,376(1)

Calculez :

• Les notations de Wyckoff et la multiplicité des différents sites


cristallographiques.
• Les facteurs d’occupation des différents sites, en considérant une distribution
cationique ordonnée.
• Le contenu chimique de la maille.

5.2. Calcul du contenu de la maille ; relations composition chimique-Z-densité-


volume de la maille

Le contenu chimique de la maille ne correspond en général pas avec la formule chimique


d’un composé. En effet, il est toujours possible de diviser le contenu de la maille par la
multiplicité du site cristallographique de moindre multiplicité. On obtient ainsi une
formule chimique simplifiée, appelée unité formulaire. Le nombre d’unités formulaires
présentes dans la maille est le nombre Z qui permet, à l’aide de la composition chimique
du cristal et du volume de sa maille, de calculer sa densité :

d *V
Z=
PM * 1.6602

, où PM est le poids moléculaire de l’unité formulaire, d la densité et V le volume de la


maille (en Å3).

Exercice :

• Etablir la formule chimique simplifiée (unité formulaire), le Z, et calculer la


densité de l’alluaudite ci-dessus, en sachant que le volume de sa maille est de 877
Å3.
• Calculer le contenu de la maille, le Z et la densité du composé Li(Mn1.75Ti0,25)O4
étudié précédemment par la méthode de Rietveld.
46 Compléments de cristallographie – F. Hatert

5.3. Modélisation de structures simples grâce aux contraintes imposées par la symétrie

5.4. Dessin des structures et nomenclature des polyèdres de coordination

5.5. Distances et angles inter-atomiques ; valences associées aux longueurs de liaisons

Les programmes d’affinements structuraux fournissent en général des tableaux reprenant les
distances et angles inter-atomiques. Les angles des liaisons donnent des indications sur la
morphologie du polyèdre de coordination entourant un cation. Ainsi, un octaèdre non déformé
ne doit comporter que des angles de 90 et 180°, alors qu’un tétraèdre non déformé ne
comporte que des angles de 109,5°. Dans la réalité, toutefois, les angles des liaisons varient
fréquemment autour de ces valeurs idéales.

Les variations des angles de liaisons autour de leur valeur moyenne, mais aussi celles des
distances inter-atomiques et des longueurs des arêtes des polyèdres de coordination,
permettent d’estimer la distorsion d’un polyèdre de coordination. On définit ainsi les trois
paramètres suivants :

100 n d i − d m
BLD = •∑
n i =1 d m

où BLD est la « Bond Length Distortion », n le nombre de distances inter-atomiques, di leurs


valeurs, et dm la distance inter-atomique moyenne.

100 n ai − a m
BAD = •∑
n i =1 a m

où BAD est la « Bond Angle Distortion », n le nombre d’angles inter-atomiques, ai leurs


valeurs, et am l’angle inter-atomique moyen.

100 n ei − em
ELD = •∑
n i =1 em

où ELD est la « Edge Length Distortion », n le nombre d’arêtes pour le polyèdre de


coordination concerné, ei les longueurs de ces arêtes, et em la moyenne de ces longueurs.

Les longueurs de liaisons peuvent également être utilisées pour confirmer la distribution
cationique. En effet, il existe des tables, établies par Shannon (1976), qui reprennent les
rayons ioniques effectifs de différents cations et anions, dans différentes coordinances. Ainsi,
si l’on veut connaître la distance Mn2+-O idéale dans un octaèdre, il suffit d’ajouter le rayon
ionique effectif de Mn2+ en site octaédrique, et celui de O2- en site octaédrique. La
comparaison entre cette distance idéale et celle observée dans la structure permet de confirmer
la distribution cationique établie.

Finalement, une autre méthode destinée à confirmer les distributions cationiques est basée sur
les valences associées aux longueurs de liaisons. Si l’on considère un polyèdre de
coordination, dans lequel un cation est entouré d’oxygènes, la contribution de valence
négative apportée par chaque oxygène dépend de la longueur de liaison. Plus l’oxygène est
47 Compléments de cristallographie – F. Hatert

proche du cation, plus sa charge négative compensera fortement la charge positive du cation.
On définit ainsi la valence associée aux longueurs de liaisons, et la somme de ces valences
pour tous les oxygènes (ou autres anions) entourant un cation doit être égale à la valence du
cation.

Brown & Altermatt (1985) ont établi une relation empirique permettant de calculer les
valences associées aux longueurs de liaisons :

S = exp[(ro − r ) / B ]

, où r est la distance inter-atomique, r0 est une valeur qui dépend du cation, de son état de
valence et de l’anion qui le coordonne, et B une constante qui vaut généralement 0.37.

Le calcul des valences associées aux longueurs de liaisons permet l’établissement d’une table
de valences, qui indique non seulement les valences des cations, mais également celles des
anions. Dans une telle table, il est aisé de différencier l’oxygène (valence -2) d’un groupement
OH- (valence -1) ou d’une molécule H2O (valence 0) !

Exercices :

1. Calculez les « BLD » des octaèdres de la structure de Mn7(HPO4)4(PO4)2 étudié


précédemment.
2. Réalisez la table de valences de ce composé, et identifiez la position des groupements
OH-.

Vous aimerez peut-être aussi