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LES CERAMIQUES REFRACTAIRES

DE L’ELABORATION AUX PROPRIETES D’EMPLOI

Jacques Poirier 1,2

(1) CNRS-CEMHTI, 1D, av. de la Recherche Scientifique, 45071 Orléans Cedex 2 France
(2) Université d’Orléans, Polytech’ Orléans

E-mail: jacques.poirier@univ-orleans.fr

Commission thématique Réfractaires, SF2M/GFC

Résumé

Les réfractaires constituent une famille très étendue de céramiques. A ces matériaux, nous
pouvons associer un certain nombre de mots clés caractérisant en quelque sorte leur complexité :
hétérogénéité, diversité des assemblages agrégats / liaison / additifs, réseau capillaire, corrosion par
des processus physico-chimiques hors équilibre, non linéarité du comportement thermomécanique,
effet d’échelle. Apprécier l’aptitude d’un produit réfractaire dans un contexte industriel nécessite une
approche technique pluridisciplinaire faisant appel à des connaissances de base en génie des
matériaux et des procédés, en thermique, en thermomécanique et en physico-chimie des hautes
températures.

Refractories are part of an extended family of ceramics. A certain number of key words
characterizing in some way their complexity can be associated to these materials. These key words
are: heterogeneity, diversity of aggregate/binder/additive assemblies, capillary network, corrosion
through unbalanced physicochemical processes, non-linearity of the thermomechanical behavior and
scale effect. Appreciating the aptitude of a refractory product in an industrial context requires a
pluridisciplinary technical approach which requires basic knowledge in material and process
engineering, thermics, thermomechanics and physicochemistry of high temperatures.

Mots clés: réfractaires, conception, sollicitations, usage

1. INTRODUCTION - la pétrochimie et le secteur émergent des


biocarburants de 2ème génération par la voie
Les réfractaires sont des matériaux de thermochimique ;
structure, consommables, travaillant à hautes - l’énergie : les nouvelles filières de production
températures dans un environnement sévère, d’énergie, de chaleur et d’électricité, telles que
qu’il s’agisse de la corrosion par les métaux la production d’hydrogène ou les nouvelles
fondus en sidérurgie ou par une atmosphère générations des centrales nucléaires (EPR,
agressive chlorée dans les incinérateurs. génération IV) nécessitent la conception de
L’importance stratégique de ces matériaux est revêtements réfractaires adaptés.
considérable : ils répondent à une réelle Sans ces matériaux de grande diffusion, notre
demande de quatre secteurs économiques vie quotidienne serait sans aucun doute
importants : beaucoup moins agréable. En effet, nous ne
- les secteurs traditionnels des hautes disposerions pas d’acier, de fonte, d’alliages
températures, tels que la métallurgie [1], métalliques, de verre, de céramiques, de
l’industrie du verre, de la céramique et des ciment ou de cracking de pétrole… à un prix
matières premières qui visent en permanence raisonnable.
une amélioration de leurs procédés L’amélioration de la performance des
d’élaboration et de leur rendement réfractaires a un impact important sur la
énergétique. La sidérurgie, à elle seule, productivité des industries utilisatrices, la
représente de l’ordre de 60% de l’utilisation de sécurité du personnel et sur l’environnement
ces matériaux ; (les réfractaires consommés sont difficilement
- l’environnement et plus particulièrement le recyclables) :
domaine des traitements et la valorisation - le coût direct de la consommation des
énergétique des déchets (incinération) ; réfractaires est très élevé. Par exemple, ils
représentent plus de dix pour cent des coûts de transformation d’une aciérie ;
1
- ces matériaux ont un rôle capital pour résister, refuser de se soumettre. Pour un
garantir la fiabilité des unités de fabrication et matériau, sa signification est « qui résiste à de
la sécurité du personnel. La défaillance d’un hautes températures » [3]. Mais que signifie
revêtement réfractaire est souvent la cause une température élevée pour un matériau
d’incidents majeurs : percées ou ruptures de réfractaire ? Le verre pyrex, par exemple, est
pièces entraînant des arrêts de production, un matériau qui supporte des températures
des dégâts généralement importants, des supérieures à 350°C et n’est pas considéré
risques pour les personnes ; pour autant comme un matériau réfractaire. On
- ils ont une contribution forte dans les voit donc que les températures auxquelles le
procédés d’élaboration notamment matériau doit « résister » (c’est-à-dire
métallurgiques ou verriers par leur influence conserver ses propriétés physiques et son
sur la qualité des produits finis : composition et intégrité) doivent se situer au-delà d’un certain
propreté inclusionnaire. seuil pour parler de matériaux réfractaires.
En dehors du niveau de température élevée et La réponse est fournie par la normalisation
donc de l’infusibilité qui est le caractère dans ce domaine :
principal de toutes les céramiques réfractaires, « Les matériaux réfractaires sont des matières
ces matériaux doivent posséder un nombre et produits autres que les métaux et alliages
important de propriétés complémentaires pour (sans que soient exclus ceux contenant un
résister aux sollicitations qu’ils subissent en constituant métallique), dont la résistance
service. Dans la mesure où leur comportement pyroscopique est équivalente à 1500°C au
est principalement gouverné par des minimum » Norme AFNOR NF B 40-001 (La
phénomènes de corrosion, la composition résistance pyroscopique d’un matériau est la
chimique, la minéralogie, la microstructure et la température à laquelle un échantillon de
porosité sont des caractéristiques essentielles. produit soumis à une élévation graduelle de
La connaissance des propriétés température dans des conditions normalisées,
thermomécaniques des matériaux et des se ramollit et s’affaisse sous son propre poids).
sollicitations (choc thermique, érosion, blocage
de dilatation…) des pièces et des revêtements Cette définition présente deux précisions
soumis à des hautes températures sont importantes :
également à considérer. Tous les matériaux - l’exclusion, parmi les matériaux utilisés
réfractaires ont une caractéristique commune : comme constituant principal, des métaux et
leurs propriétés d’emploi sont fréquemment des alliages ;
dépendantes de leur organisation à l’échelle - les réfractaires sont constitués, dans leur
mésoscopique, celle de la microstructure allant grande majorité, de mélanges de composants
typiquement du micromètre au millimètre. Ce cristallisés et vitreux.
domaine intermédiaire entre le microscopique
et le macroscopique est le paramètre clé pour 2.2- Fonction assurée par les réfractaires
comprendre la plupart des propriétés et des
mécanismes de dégradation des réfractaires Les procédés à haute température
[2]. Après une présentation synthétique de la conduisent à utiliser des enceintes ou des
définition et de la fonction des produits réacteurs, constitués de revêtements
réfractaires, le choix des réfractaires pour réfractaires. Les matériaux réfractaires sont
remplir cette fonction sera abordé. Les liens donc présents au cœur (chaud) de la majorité
entre leurs propriétés d’emploi et les des processus d’élaboration et de production
principaux domaines d’application seront d’énergie impliquant des températures allant
décrits. Enfin, les procédés et les technologies de 1000°C à plus de 1700, voire 2000°C.
de fabrication des réfractaires seront présentés Les fonctions principales des matériaux
en mettant l’accent sur les contraintes qui réfractaires sont donc les suivantes :
pèsent sur les procédés d’élaboration - assurer la protection physique du personnel
spécifiques aux réfractaires. et des installations entre la matière chaude (le
produit traité) et la carcasse extérieure de
2. DEFINITION ET FONCTION DES l’outil de traitement. Notons que la matière
CERAMIQUES REFRACTAIRES chaude peut se trouver sous toutes les formes
habituelles : liquide, solide et gazeuse.
2.1- Définition -réduire les pertes thermiques.

Ethymologiquement, « réfractaire » vient du


latin « refractarius », de refringer : briser, 3. DESCRIPTION DES REFRACTAIRES

3.1- Classification
Quatre grands modes principaux de classification permettent une présentation rapide
2
d’un produit réfractaire. essentielle est une excellente résistance à la
- Par la nature chimique et minéralogique corrosion en raison de leur extrême compacité
Il existe essentiellement trois grandes familles (la porosité est inférieure à 5% et même
de réfractaires : souvent 3%) et de la haute réfractarité des
- les réfractaires acides du système cristaux enchevêtrés qui les constituent. Par
silice - alumine ; contre, ils sont très sensibles aux chocs
- les réfractaires basiques à base de thermiques, ce qui limite leur utilisation
magnésie, dolomie, chromite ; principalement aux fours de fusion du verre.
- les réfractaires spéciaux: carbones, les électrofondus peuvent être subdivisés en
carbures, nitrures, spinelles, zircone cinq groupes en fonction de leur composition
sans oublier les matériaux ultra chimique : les réfractaires à base d’alumine,
réfractaires tel que l’oxyde de thorium. d’alumine-silice, alumine-zircone-silice (AZS),
- Par leur masse spécifique et leur compacité de zircone ou de chrome (principalement
On distingue les produits denses et les alumine-chrome ou chrome-magnésie).
produits légers (donc thermiquement isolants).
Par définition, les produits légers isolants Electrofondus du système alumine – silice
possèdent une porosité totale supérieure à Obtenus par fusion de matières premières de
45% en volume. bauxite et d’argile, ces réfractaires sont
- Par la forme. Il existe les produits façonnés, constitués de cristaux de mullite, de corindon
les produits non-façonnés, les produits semi- et d’une phase vitreuse. Leur utilisation est
rigides. assez limitée.
Les produits façonnés se présentent sous la Alumine ß électrofondue
forme définitive dans laquelle ils seront mis en Composé en totalité de cristaux d’alumine ß,
œuvre : il s’agit de briques ou de pièces de ce type de réfractaire a une excellente
forme, de dimension et format divers. résistance à la corrosion par les vapeurs
Les produits non façonnés sont constitués de alcalines. Il est utilisé dans les superstructures
bétons, pisés, ciments, coulis, pâtes des fours de verrerie.
plastiques. Il s’agit en général de mélanges Electrofondus du système alumine -
pulvérulents prêts ou non à l’emploi, livrés en zircone – silice (AZS)
sacs ou fûts et qui nécessitent donc une mise Les produits AZS sont constitués de cristaux
en forme avant emploi. de baddeleyite (ZrO2) et de corindon (Al2O3)
Les produits semi-rigides forment une associés à une phase vitreuse indispensable
catégorie de produits façonnés à part, pouvant pour limiter les tensions internes générées par
être « déformés » au cours de leur mise en le polymorphisme de ZrO2. L’oxyde de
œuvre : il s’agit en général de matériaux à zirconium confère au produit une excellente
base de fibres céramiques livrés sous forme résistance à la corrosion par les verres fondus.
de nappes, de plaques, de panneaux ou de On distingue deux types d’électrofondus AZS :
cordons. les produits dont la teneur en ZrO 2 se situe
- Par leur technologie de fabrication entre 32-35 % et ceux qui contiennent 41% de
On distingue deux modes principaux de ZrO2.
fabrication : Electrofondus à haute et très haute teneur
-la fusion des matières premières en zircone (HTZ et THTZ)
permettant de produire des blocs ou pièces Ce n’est que dans les années 1980 que les
réfractaires électrofondus ; électrofondus à très haute teneur en zircone
-la transformation d’un produit pulvérulent (THTZ) ont été développés au Japon. Le
constitué de particules non cohésives en un caractère monophasé de la microstructure de
matériau consolidé. La cohésion du matériau ces réfractaires conduit à une composition
réfractaire s’effectue par frittage ou par homogène au sein des blocs électrofondus.
réaction chimique (à l’aide d’un liant organique, Electrofondus Al2O3 - Cr2O3
minéral ou hydraulique). L’agressivité du verre « isolation » étant très
supérieure à celle du verre sodo-calcique, des
3.2- Conception et constituants des réfractaires d’alumine-chrome s’écartant de la
réfractaires [4] formule AZS ont été développés. Ils ont une
structure très compacte constituée de cristaux
3.2.1. Les électrofondus de spinelles et de solutions solides Al 2O3 -
Cr2O3.
Les électrofondus sont les réfractaires de La figure 1 montre les microstructures de
l’industrie verrière. Leur caractéristique réfractaires alumine-zircone-silice et à haute
teneur en zircone.

3
3.2.2. Les réfractaires constitués de
« particules cohésives »

Ces produits réfractaires sont des céramiques


fortement hétérogènes, toujours polyphasées,
comportant un squelette plus ou moins
grossier (agrégats pouvant atteindre des tailles
Fig. 1 : Microstructures de réfractaires de quelques millimètres) lié par une matrice de
électrofondus : a) AZS, b) HTZ granulométrie fine (schématiquement
constituée d’une liaison et d’additifs).
Al2O3 – AZS AZS
Propriétés Al2O3 ß Al2O3 -Cr2O3
SiO2 32-36% ZrO2 39-41%ZrO2
Composition (%)
SiO2 16-20 0,1-0,2 11-17 10-13 1-3
Al2O3 73-79 93-94,5 48-53 45-48 56-60
Fe2O3 1,5-2,0 0,02> 0,15> 0,15> 5-7
Cr2O3 - - - - 26-28
ZrO2 0-3,5 - 32-36 39-41 -
MgO - 0-0,1 - - 5-7
Na2O - 5,0-6,5 1,1-2,0 1,0-1,3 -
Phase (%)
Mullite 55-70 - - - -
Alumine α 20-30 - 46-50 42-45 -
Alumine β - 99-100 - - -
Baddeleyite - - 31-36 39-44 -
Spinelles - - - - 50-55
Al2O3- - - - - 60-70
Cr203 10-15 0-1 17-21 15-17 0-3
Verres
Masse volumique apparente
(Kg/m3) 2950-3100 2900-3100 3400-3550 3600-3700 -
Porosité apparente (%) ,5-4 3-5 0-1 0-1 3-6
Résistance à la compression 250-300 20-70 200-500 200-500 150<
à froid (MPa)
Conductivité thermique 4,1-4,4 3,1-3,7 3,7-4,3 3,7-4,3 3-3,5
à 1000°C (W/m.K)
Dilatation thermique 5–6 6,5 – 7,5 6 – 8,5 6-9 7-9
entre 25 et 1000°C (10-6/K)
Tableau 1: Caractéristiques principales de réfractaires électrofondus

S’ajoute à ces différents constituants une Cette définition de conception peut être
phase supplémentaire constituée par la considérée comme « universelle » à
porosité importante (ouverte et fermée) de la l’exception des réfractaires électrofondus. Le
céramique qui contribue largement à fixer les résultat de l’assemblage de ces constituants
propriétés du matériau (voir figure 2). fait partie du savoir-faire de chaque fabricant.
Additifs
Les agrégats
Agrégats
Ils sont en général constitués par un ou
plusieurs minéraux, essentiellement des
Liaison oxydes sous une forme cristallisée, qui
confèrent le caractère principal (réfractarité et
propriétés complémentaires) au produit fini.
MATERIAU REFRACTAIRE Ces minéraux constituent entre 70 et 100% de
DES AGREGATS + UNE MATRICE la composition du produit, en occupent bien
2/3 1/3 souvent toute la répartition granulométrique et
granulométrie grossière granulométrie fine
toujours la partie la plus grossière.
En fonction de leur origine et de leur mode de
Fig. 2 : Conception d’un réfractaire constitué production, on distingue :
de particules cohésives

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- les matières premières naturelles : elles sont premières utilisées pour la fabrication des
pratiquement toujours impures et doivent donc produits réfractaires.
être le plus souvent traitées ;
- les matières premières synthétiques : elles Les différents systèmes de liaison
présentent une très haute pureté et sont Les éléments de liaison constituent le moyen
élaborées soit par traitement thermique à partir indispensable d’assurer en permanence la
d’une matière première naturelle déjà cohésion de l’ensemble des constituants des
transformée, soit par réactions physico- produits réfractaires.
chimiques à partir de produits de synthèse.
Le tableau 2 présente les principales matières

Groupe Matières Premières Chimie de classement Type


Système Silice-Alumine Al2O3 SiO2
Alumine Alumine tabulaire (frittée) 99 Synthétique
Alumine calcinée 99 Synthétique
Alumine électrofondue blanche 99 Synthétique
Alumine électrofondue brune 94-96 Synthétique
Bauxite réfractaire 82-89 Naturel
Mullite frittée et électrofondue 72-78 Synthétique
Cyanite 55-59 Naturel
Andalousite 52-59 Naturel
Silice-Alumine Chamottes d'argile 35-60 Naturel
Argiles réfractaires 30-45 Naturel
Bentonites – Pyrophyllites 20-35 Naturel
Perlite – Vermiculite 9-12 40-75 Naturel
Silice Quartzites 99 Naturel
Silice vitreuse 99 Naturel
Silice volatilisée 90-95 Synthétique
Systèmes basiques MgO CaO SiO2 Cr2O3 Al2O3
Magnésie Magnésie électrofondue 93-99 Synthétique
Magnésie frittée terrestre 70-97 2-20 inf 20 Synthétique
Forstérite Olivine 39-44 41-50 Naturel
Dolomie Dolomie frittée 38 59 Synthétique
Spinelle Spinelle électrofondue 28-31 67-72 Synthétique
Spinelle frittée 10-28 67-90 Synthétique
Chrome Chromite 16-20 32-45 15-28 Naturel
Co-clinker magnésie / chromite 55-60 15-20 Synthétique
Oxyde de chrome vert 99 Synthétique
Autres C SiC ZrO2 CaO Al2O3
Carbone Graphite 77-98 Naturel
Noir de fumée 99 Synthétique
Carbure Carbure de silicium 87-99 Synthétique
Zirconium Sable de zircon 64-67 Naturel
Zircone dense 80-95 Synthétique
Zircone / Mullite électrofondue 35-37 46-52 Synthétique
Tableau 2 : Liste des principaux agrégats

En permanence, car cette cohésion doit être températures d’utilisation et pendant toute la
effective depuis la mise à froid jusqu’aux durée de vie du matériau. Une partie des

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matières ajoutées comme liant n’a pas toujours thermodurcissables. Ces liaisons laissent au
un caractère réfractaire : en général, celles-ci cours de la montée en température, des
sont additionnées en faible quantité et résidus de carbone très fins dans la porosité
appartiennent toujours à la fraction fine de la du produit fini et en améliorent ainsi la texture
granulométrie des produits finis. C’est et la résistance à la corrosion.
évidemment logique puisqu’il s’agit d’une
partie du matériau qui « enrobe » les agrégats Les additifs
et les additifs pour assurer la cohésion du La matrice est en général le maillon le plus
matériau. Il existe quatre systèmes de liaison : faible du matériau. La tendance actuelle est de
- la liaison céramique, renforcer les caractéristiques de cette matrice
- la liaison hydraulique : la liaison est assurée par l’introduction de particules ou de poudres
par l’hydratation d’un ciment réfractaire de synthèse, fines et ultra fines, ayant les
alumineux ajouté dans le produit. Ce ciment caractéristiques suivantes :
est constitué d’un mélange d’aluminates de - une grande pureté ;
calcium qui s’hydratent en présence d’eau à - une distribution granulométrique étroite
basse température, en provoquant le - un fort rapport surface / volume et une
durcissement du matériau. grande réactivité chimique.
- les liaisons chimiques minérales, On trouvera, au tableau 3, quelques exemples
- les liaisons organiques : il s’agit de liaison non exhaustifs de propriétés apportées par les
« basse ou moyenne température ». On citera additifs.
principalement les liants carbonés : brais de
houille, goudrons et résines

Additifs Propriétés associées


Chromite, mullite frittée et électrofondue, spinelle Augmentation de la réfractarité
Aluminium métal (aux températures moyennes)
Silicium métal (aux températures élevées) Augmentation de la résistance mécanique à chaud
associés avec du carbone
Carbure de silicium
Graphite (anti-mouillant)
Oxyde de chrome
Augmentation de la résistance à la corrosion
Zircone
Spinelle
Porteurs de carbone : noir de fumée, brai, résine
Carbure de silicium Augmentation de la résistance
Alumine électrofondue à l’abrasion et l’érosion
Mullite
Augmentation de la résistance
Graphite
aux chocs thermiques
Silice vitreuse
Carbure de silicium
Augmentation de la conductivité thermique
Graphite
Produits pyrolisables
Diminution de la conductivité thermique
(création de porosité par ajouts
divers)
Augmentation de la compacité
Imprégnation par brai et goudron
et bouchage de la porosité
Argile (retrait)
Modification des dimensions à chaud
Cyanite, sable de quartz (gonflement)
Argile, bentonite, produits organiques divers (plastifiants)
Modifications rhéologiques
Produits organiques divers (défloculants et fluidifiants)
Tableau 3: Quelques exemples d’additifs et de leurs propriétés associées

Ces additifs dont la granulométrie moyenne est en jouant sur leur nature (oxydes, nitrures,
typiquement comprise entre 0,1 et 100 μm ont carbures, métaux) on améliore les propriétés
une très large diversité de composition et de d’usage.
minéralogie. On distingue deux types Ces poudres permettent d’optimiser la
d’additifs : ceux de nature similaire et ceux de microstructure des céramiques réfractaires à
nature différente de celle des agrégats. l’échelle micronique ou submicronique.
En repoussant le plus loin possible les limites Une microstructure d’un réfractaire à base
dimensionnelles des particules les plus fines et d’agrégats bauxite est montrée à la figure 3.
6
La matrice de ce réfractaire à haute teneur en constituants au moment de leur production.
alumine a une granulométrie inférieure à 100 Cela montre à quel point le savoir-faire et la
μm. Elle est composée de : technicité des fabricants a évolué afin de
- 15% de fines particules d’argile réfractaire de répondre au mieux aux besoins spécifiques
granulométrie inférieure à 60 μm ; des utilisateurs et d’accroître la tenue en
- 5 % de bauxite de Guyane dont la service des revêtements réfractaires. Les
composition minéralogique est la gibbsite, de réfractaires sont devenus des matériaux de
granulométrie inférieure à 90 μm ; haute technologie, faisant appel aux
- 15% d’alumine ultra-fine, calcinée et techniques les plus modernes de préparation
rebroyée de très haute pureté (% Al 2O3 > des poudres (par exemple la granulation), de
99,3%) et de granulométrie moyenne 6 μm. façonnage (tel que le pressage isostatique) et
L’ajout de cette poudre d'alumine ultra-fine de cuisson (sous atmosphère contrôlée
permet d’abaisser sensiblement la porosité du développant un frittage réactif). A titre
réfractaire comparativement à un réfractaire d’exemple, la figure 4 présente la
identique dans lequel sont incorporés 10% (au microstructure d’un réfractaire d’alumine
lieu de 5%) de bauxite fine de Guyane et 10% graphite, façonné par pressage isostatique,
d’alumine fine de granulométrie moyenne : d50 utilisé pour la réalisation de pièces de coulée
= 45 μm. continue en aciérie.
Cette porosité ouverte diminue de 16 à 14 Ce matériau contient plusieurs ajouts
% après cuisson à 1500°C pendant 5h. notamment de l’alumine micronisée (<10 μm),
Agrégats de bauxite : des fondants (borax Na2B4O7) permettant la
65 % m de la composition formation de phases fusibles pour réduire la
perméabilité et des poudres de silicium (<75
μm) utilisées pour augmenter la résistance à
l’oxydation du carbone, réduire la perméabilité
et augmenter les propriétés mécaniques à
chaud.
Agrégats : corindon brun
et zircone mullite électrofondue

200 μm
Si

Matrice : 35% de la composition


- Une liaison phosphatique (acide H3PO4) Paillettes
- Des additifs de granulométrie < 100 μm de graphite
 15% d’ argile (kaolin < 60 μm)
 5% de bauxite de Guyanne (gibbsite) 312 μm
 15 % d’alumine ultrafine calcinée et
rebroyée : d 50% =6 μm /100%< 45 μm
Fig. 3 : Microstructure d’un réfractaire à haute
Matrice
teneur en alumine
- Liaison : carbone
(pyrolyse d’une résine phénolique)
4. PROPRIETES D’USAGE - Additifs
 Graphite
La combinaison des constituants agrégats /  Alumine tabulaire
 Corindon brun
liaison / additifs a pour but d’adapter les  Silicium métal
caractéristiques du matériau aux conditions  Alumine micronisée
d’utilisation [5].  Fondant K2OAl2O3SiO2
Ainsi un produit réfractaire ne résistera pas
uniquement « aux hautes températures », mais Fig. 4 : Microstructure d’un réfractaire
également à d’autres agressions : d’alumine graphite
- la corrosion chimique;
- l’érosion mécanique à chaud ; Apprécier l’aptitude à l’emploi d’un produit
- les chocs thermiques ; réfractaire dans un contexte industriel défini
- les sollicitations mécaniques. est une démarche technique difficile. Il faut
Il n’est pas rare de nos jours que certains connaître les caractéristiques du matériau et
produits contiennent un grand nombre de en évaluer l’effet sur le comportement en
service. La connaissance des propriétés d’emploi du matériau commence par ses
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matières premières: en effet un réfractaire réfractaire non façonné (béton à ultra basse
garde, par la nature même de son procédé de teneur en ciment).
fabrication, la mémoire de ses matières
0
premières. Dans la mesure où le
comportement du réfractaire est
principalement gouverné par des phénomènes -20

Stress (MPa)
de corrosion et d’imprégnation capillaire, la
20 °C
composition chimique, la porosité ouverte -40
(volume et répartition en taille des pores) et la 210 °C
microstructure sont des paramètres essentiels. 350 °C
-60 600 °C
Il s’agit de prendre en compte l’agencement
des différents constituants : -80
- la répartition des phases minéralogiques ; -1 -0.8 -0.6 -0.4 -0.2 0
- la nature et la distribution des impuretés ; Strain (%)
- la répartition de la granulométrie ; Fig. 5 : Courbe contrainte-déformation d’un
- la taille des cristaux dans les agrégats frittés ; réfractaire non façonné (essais de
- la répartition des défauts internes, des compression)
microfissures, de la porosité ;
- le développement des liaisons ;
Ces propriétés thermomécaniques qui varient
- la localisation de certains ajouts.
avec la température impliquent une activité
On retiendra que les matières premières sont
soutenue dans le domaine des essais
des opposants à la corrosion, la porosité en
mécaniques, la prise en compte progressive
est le cheminement, les phases secondaires
de conditions de sollicitations de plus en plus
en sont les freins ou les accélérateurs suivant
complexes et l’intégration des microstructures.
leur disposition, leur nature et leur répartition.
L’usure des réfractaires a principalement deux
Ces caractéristiques sont à compléter par des
origines: la corrosion et les dégradations
propriétés thermiques et thermomécaniques
thermomécaniques. En pratique, dans les
qui permettent d’évaluer la résistance des
installations industrielles, ces deux modes de
matériaux aux sollicitations du même nom.
dégradation sont souvent associés. Par
On citera :
exemple, l’imprégnation d’un laitier dans la
- le coefficient de dilatation ;
porosité d’un réfractaire conduit à une
- la conductivité thermique et la chaleur
corrosion chimique qui transforme
spécifique ;
profondément la nature et l’agencement des
- le module d’élasticité ;
phases et s’accompagne d’une modification
- la résistance mécanique en compression,
des propriétés thermomécaniques du
traction, flexion ;
matériau. Les utilisateurs constatent alors que
- le fluage et d’une manière plus générale les
la couche imprégnée est fréquemment
lois de comportement mécanique qui intègrent
éliminée par rupture qualifiée « d’écaillage
les phénomènes de viscoplasticité et
structurel » qui limite la durée de vie du
d’endommagement.
revêtement. A titre d’illustration, examinons les
Le comportement thermomécanique des
dégradations des réfractaires à haute teneur
réfractaires se caractérise par deux effets
en alumine utilisés dans les poches à acier. En
majeurs :
service, ces réfractaires sont imprégnés par
- des effets non linéaires et viscoplastiques qui
les laitiers constituées d’oxydes liquides (figure
s’expliquent par deux mécanismes:
6). Dans la zone imprégnée, des fissurations
l’endommagement qui apparaît à basse
sont observées qui provoquent un écaillage de
température et des relaxations de contraintes
la surface de la céramique
dont l’origine est souvent due à l’écoulement
de phases vitreuses à haute température;
- une dissymétrie entre traction et
compression. En fait, il existe une zone où le
comportement des réfractaires est symétrique
en traction/compression. Cette zone, qui
correspond au domaine élastique, est de très
faible amplitude.
A titre d’exemple la figure 5 montre une courbe
expérimentale contrainte - déformation d’un

Fig. 6 : Imprégnation et écaillage de


réfractaires dans une poche à acier

8
Cette succession de couches minérales
Cette corrosion par les laitiers engendre la s’explique par l’existence de gradients de
formation de plusieurs zones successives composition dans la phase liquide.
(figure 7.) : - Une zone d’imprégnation, dans laquelle la
- une zone de laitier microstructure du matériau est légèrement
- une zone de précipitation formée de couches modifiée par la pénétration du laitier dans les
minérales néoformées : corindon / hexa- joints de grains.
aluminate de calcium / dialuminate de calcium.

Fig. 7 : Profil de corrosion et structure des zones de précipitation et d’imprégnation dans une brique
d’andalousite après attaque par un laitier Al2O3- CaO (A/C = 1 en poids)

La corrosion et les dégradations - prendre en compte le caractère particulier


thermomécaniques peuvent être accélérées ou des produits réfractaires qui sont des
retardées en fonction de nombreux paramètres matériaux poreux et hétérogènes associant
concernant le matériau, la maçonnerie et les différents constituants.
conditions d’utilisation dont il convient Dans la plupart des cas, on ne peut pas éviter
d’évaluer l’importance. les méthodes de simulation (essais de
Pour comprendre et trouver une parade aux corrosion en laboratoire) permettant d’orienter
phénomènes de corrosion il faut : les choix des réfractaires. Cependant la réalité
- faire appel à des notions de base de industrielle est complexe. L’examen des
thermodynamique. Les lois de la chimie et réfractaires usagés à différentes échelles,
notamment de la thermodynamique sont associé à des techniques d’analyse (chimie,
incontournables. On doit les utiliser pour éviter diffraction X, microscopie électronique) est
des erreurs trop courantes. Il s’agit de prédire indispensable pour identifier les mécanismes
les états d’équilibre entre les agents et orienter les solutions.
d’agression (gaz / métal / laitier / charges Pour expliquer et éviter les dégradations
solides) et le matériau réfractaire ; thermomécaniques, il faut :
- intégrer les facteurs de cinétique liés au - étudier les états de contraintes et leurs
caractère transitoire des réactions mises en conséquences pour l’intégrité des revêtements
jeu par la prise en compte de la microstructure et des pièces réfractaires, de manière à prévoir
du matériau et des paramètres de viscosité, les comportements en service ;
tension superficielle et de mouillabilité des - concevoir des solutions techniques,
laitiers ;

9
assurant la maîtrise des phénomènes Ils se caractérisent par une réfractarité élevée
mécaniques. et une très bonne résistance à la corrosion par
La quantification des sollicitations les oxydes liquides (laitiers). Ils sont utilisés en
thermomécaniques joue donc un rôle central. convertisseur, four électrique (magnésie),
L’outil correspondant est la modélisation par poche à acier (magnésie, dolomie), fusion des
éléments finis. Celle-ci s’est considérablement métaux non ferreux Cu et Pb (magnésie
développée en raison de la mise sur le marché chrome), fours rotatifs de cimenterie
d’ordinateurs puissants accessibles aux (magnésie chrome, magnésie spinelle,
laboratoires et de la large diffusion de logiciels dolomie). utilisation dans un dégazeur d’acier
adaptés. sous vide (RH/OB).
Un second outil, plus traditionnel conserve
toute son importance : l’observation. C’est en 5.3. Utilisation des réfractaires spéciaux :
effet l’observation associée, le cas échéant, à exemple des réfractaires de carbure de
des mesures qui permet d’identifier les silicium
dégradations thermomécaniques et d’orienter
les actions. Le carbure de silicium est un produit de
synthèse obtenu à haute température au four
5. EXEMPLES D’APPLICATIONS électrique : c'est le procédé ACHESON. Le
INDUSTRIELLES principe est la réduction, à haute température,
de la silice par le carbone. La réaction de base
Des exemples de matériaux réfractaires est : SiO2 + 3C  SiC + 2CO
utilisés dans différents secteurs industriels : Les réfractaires à base de carbure de silicium
cimenterie, électrométallurgie, sidérurgie, sont principalement utilisés dans les
chimie, incinération sont présentés ci dessous. incinérateurs, les cuves d’électrolyse de
l’aluminium et les hauts-fourneaux.
5.1- Utilisation des réfractaires du système Il existe au moins quatre type de réfractaires
silice - alumine SiC :
- carbure de silicium à liaison silicate d'alumine
Il s’agit d’une famille très étendue constituée - carbure de silicium à liaison nitrure de
de : silicium
- réfractaires de silice (SiO2>93%) dont les - carbure de silicium directement lié ;
caractéristiques essentielles sont une - carbure de silicium à liaison SiAlON.
résistance exceptionnelle aux chocs Ces réfractaires sont constitués d’agrégats de
thermiques pour des températures supérieures SiC et d’une matrice de granulométrie fine qui
à 800°C et un faible fluage. Ils sont utilisés constitue la liaison et représente environ 20 %
comme voûtes de four de fusion de verrerie, du produit. Suivant les cas, on aura :
coupoles de cowpers, fours à coke ; - de l’argile plus ou moins dopée en Al 2O3 ou
- réfractaires argileux (20%<Al2O3<45%). Ils se de la silice et de l’alumine, en proportion
caractérisent par une dilatation et une définie permettant la formation de mullite après
conductivité thermique faibles. Les applications cuisson ;
principales concernent la construction des - des poudres de silicium associées à des
fours : à anode, à coke …, hauts fourneaux, particules fines de carbure de silicium (avec un
cowpers, revêtements de sécurité des poches adjuvant de protection et un autre de
à acier, cimenterie, isolation des fours de compactage) ;
verrerie ; - des poudres de silicium, d'alumine, et
- réfractaires à haute teneur en alumine éventuellement aluminium (avec adjuvants).
(Al2O3>45%). La résistance à la corrosion et Le type de cuisson dépendra du produit à
la réfractarité augmentent avec la teneur en réaliser :
alumine. Leurs applications concernent les - concernant les produits à liaison argileuse ou
hauts fourneaux (mullite, corindon), les mullitique, la cuisson sera réalisée dans un
cowpers (andalousite), la cimenterie (bauxite), four classique à une température de l'ordre de
la chimie (mullite, corindon), l’incinération 1400°C ;
(corindon)… - pour les cuissons où le développement de la
Le tableau 4 donne les caractéristiques liaison nitrurée a lieu durant la cuisson, les
principales de quelques produits réfractaires fours seront spéciaux, à atmosphère contrôlée
SiO2-Al2O3. d'azote. Le début de nitruration se situe à
1300°C et la cuisson est conduite jusqu'à
5.2. Utilisation des réfractaires basiques 1450°C environ ;
- pour les liaisons SiC-SiC, une atmosphère
neutre est nécessaire.

10
HTA Alumine /
Type de produit Argileux
Groupe 1 Carbone
Liaison Céramique Céramique Carbone
Traitement Cuisson Cuisson Polymérisation
Matières premières
Agrégats et additifs Chamotte Bauxite Alumine
d’argile électro-fondue
Graphite
Silicium
Liant Argile Argile Résine
Analyse chimique (%)
Al2O3 42 79,5 85
SiO2 54 14 0,9
Fe2O3 1,5 1,6 0,7
TiO2 1,4 2,9 0,8
- - 2
Si
- - 9
C
Autres 1,1 2 1,6

Mullite
Corindon Corindon
Cristoballite
Phases minéralogiques Mullite Graphite
Corindon
Phase vitreuse Silicium
Phase vitreuse
Propriétés physiques et thermiques
Masse volumique apparente (Kg/m3) 2250 2750 3090
Porosité ouverte (%) 16,5 20 10,5
Résistance à la compression (MPa) 65 90 59
Affaissement sous charge (°C) 1450 1460 -
(sous 0,2 MPa déterminée à T 0,5 )
Variation permanente de dimension + 0,1 +3 0
à 1450°C/5h (%)
Dilatation thermique à 1000°C (%) Conductivité thermique à 1000°C 0,65 0,71 0,7
(W/m.K) 1,4 2,2 4
Chaleur spécifique moyenne
Entre 20-1000°C (KJ/Kg.K ) 1,06 1,10 1,11

Tableau. 4 : Caractéristiques de quelques matériaux réfractaires SiO 2-Al2O3

6. PRINCIPES DE FABRICATION DES


CERAMIQUES REFRACTAIRES
Les pièces présentent après défournement des
6.1. Les réfractaires électrofondus formes complexes.
L'utilisation dans les fours verriers qui
Le procédé d’électrofusion permet d’obtenir nécessite un pré-montage des blocs
des céramiques plus denses, par comparaison électrofondus suivant leur disposition le long
aux réfractaires frittés. Cette technique des parois, sur la sole, en superstructure ou en
consiste à fondre, en four à arc, des matières voûte, requiert un usinage des pièces afin de
premières de grande pureté puis à couler les mieux disposer les joints. L'usinage sert aussi
oxydes liquides dans des moules isolants à éliminer les zones de concentration de
(généralement constitués de sable siliceux défauts (retassures).
aggloméré par des liants organiques ou Ce procédé d’élaboration est très pointu
inorganiques). Le refroidissement, lent et notamment pendant la phase de solidification :
contrôlé, peut durer plusieurs jours ou - un refroidissement trop rapide ou des
semaines, afin de limiter le développement de gradients de température peuvent générer des
contraintes internes dans les blocs coulés de tensions et provoquer des ruptures aux arêtes
grandes dimensions (typiquement de 1 à 2 m et aux coins de la pièce coulée ;
de haut), mais aussi dans le but de minimiser - le passage du liquide au solide se produit
les quantités de phase vitreuse et permettre la avec un retrait considérable et une forte
cristallisation. tendance à former des cavités de retrait
(retassure). Dans un certain nombre d'applications, la retassure est généralement
éliminée, et pour cela, les blocs sont - pressage unidirectionnel à l’aide de presses
surdimensionnés. Dans d'autres cas, le bloc hydrauliques ou à friction ;
entier est utilisé, mais la retassure est - pressage isostatique pour certaines pièces
disposée de manière à éviter tout contact de grandes dimensions et/ou des pièces
possible avec le verre. Il existe plusieurs creuses (tube de protection de jet, busette
procédures de coulage visant à diminuer immergée, …) ;
l'amplitude, à éliminer ou à localiser la - moulage par extrusion ou coulage en
retassure à l'endroit désiré. barbotine (techniques peu utilisées).
- les blocs coulés peuvent présenter une Suivant les types de produits, les réfractaires
inhomogénéité dans la composition chimique subiront après façonnage des traitements
et la taille des cristaux en fonction de la thermiques appropriés destinés à leur donner
localisation. Plusieurs phénomènes peuvent des caractéristiques, en l’état de livraison, les
expliquer les disparités de composition. Citons rendant aptes à l’utilisation.
- les différences de densité, qui favorisent la Il s’agit :
sédimentation des éléments les plus lourds ; - de cuissons oxydantes (liaisons céramiques).
- les courants de convection ; Des fours tunnels de grande capacité, chauffés
- l’enrichissement progressif du liquide en au gaz et utilisés pour les fabrications de
éléments à points de fusion plus faibles. grande série peuvent atteindre des
températures de l’ordre de 1600/1650°C en
6.2. Les réfractaires frittés zone de cuisson. D’autre part, des fours
intermittents permettent de répondre aux
Les procédés de fabrication des produits besoins de diversification et de petites séries.
réfractaires frittés sont très variés [6] : ils vont Selon les applications, ils peuvent atteindre
d’un simple mélange de poudre à partir de des températures supérieures à 1700°C.
granulats classés à des procédés élaborés - de cuissons sous atmosphère contrôlée
pouvant inclure des cuissons réactives sous (liaisons carbures et nitrures). Différentes
atmosphère contrôlée. techniques existent telles que :
- en atmosphère réductrice, s’il s’agit par - la cuisson en caisson, à une température
exemple de produit d’alumine carbone pour supérieure à 1450°C, de réfractaires noyés
développer une liaison de type SiC par dans une poudre de coke. Ce traitement
réaction à haute température entre le silicium concerne les produits à liaison carbone
et le carbone ; développant du carbure de silicium par la
- en atmosphère d’azote, s’il s’agit de former réaction Si + C  SiC
des nitrures : Si3N4, AlN ou SiAlON. - la cuisson sous azote permettant de
A quelques exceptions près (andalousite, développer une liaison de Si3N4, SiAlON ou
graphite naturel, chromite, zircon), les AlN par nitruration in situ de Si et/ou Al.
réfractaires frittés sont constitués d’agrégats - de traitements de consolidation. Certains
pré-stabilisés par cuisson à très haute réfractaires argileux et à haute teneur en
température (supérieure à la température alumine sont livrés à l’état dit « cru ». Ils sont
d’utilisation) pour éviter un risque de variation en fait traités thermiquement pour les sécher et
dimensionnelle due à un post frittage de faire réagir les liants chimiques afin de
densification. Les matières premières sont consolider leurs propriétés mécaniques. Cette
garanties par leur composition chimique, mais opération se fait en séchoir tunnel ou
aussi par leur masse volumique apparente et intermittent (température entre 120 et 150°C)
leur porosité sur grains ou sur pellets. Ces et/ ou en four de traitement thermique basse
matières premières réfractaires sont variées et température (tunnel ou intermittent) à environ
peuvent être associées pour réaliser un 300 à 400°C.
réfractaire performant. Les matières premières - de polymérisation. Les réfractaires carbonés
sélectionnées et pesées sont introduites, avec à liaison carbone (brai ou résine) sont traités
un ordre déterminé, dans un mélangeur pour thermiquement pour développer la liaison et
obtenir une répartition homogène. La éliminer les volatiles. Ce traitement se fait :
répartition granulaire des matières premières - à basse température (120/150°C) pour la
est déterminée à l’aide de modèles polymérisation des résines et le séchage des
d’empilement (modèles de Furnas, Hughan, réfractaires. Elle est effectuée en étuve
Andreasen, Fuller-Bollomey) afin d’atteindre permettant ainsi d’extraire et de traiter les
une compacité maximale. composés volatils, notamment les phénols.
La mise en forme est réalisée selon plusieurs - à plus haute température 350/400°C pour la
techniques : polycondensation des brais et l’élimination des
volatiles
Pour optimiser les matériaux, des traitements complémentaires peuvent être appliqués tels
que : gouverne le comportement thermomécanique
- une post imprégnation aux goudrons ayant des maçonneries réfractaires est le blocage de
une teneur en carbone résiduelle la plus dilatation. Il s’agit d’une limitation des
élevée possible ; déplacements due aux interactions entre les
- un usinage pour obtenir des cotes précises ; différents éléments constitutifs de la
- un émaillage pour éviter l’oxydation de maçonnerie [7]. Ces interactions s’effectuent
certaines pièces carbonées. au travers des joints et interfaces. Les
maçonneries réagissent aux régimes
7. MISE EN ŒUVRE DES thermiques transitoires en deux étapes :
MACONNERIES - dans un premier temps, chaque brique ou
REFRACTAIRES élément se déforme de manière autonome
sans interaction avec ses voisins. Cela se
Les revêtements réfractaires sont traduit pour les briques et plus généralement
schématiquement répartis en deux familles pour les pièces parallélépipédiques par des
(figure 8) : tensions parallèles au flux thermique ;
- les maçonneries cylindriques : elles ont un - dans un deuxième temps, les interactions
axe de révolution et sont soumises à un flux deviennent significatives et on observe des
thermique radial ; comportements spécifiques aux assemblages :
- les maçonneries de type mur : elles sont ruptures, soulèvements, flambages
planes et soumises à un flux thermique accompagnés de compression dans les plans
perpendiculaire à leur surface. normaux à la direction des flux thermiques.
Le comportement thermomécanique présente
également la caractéristique d’être non linéaire
: il n’y a pas proportionnalité entre déformation
et contrainte en tout point. Ceci résulte
notamment des joints et des interfaces. La
majorité des problèmes thermomécaniques
rencontrés concernent les maçonneries
Fig. 8 : Maçonnerie cylindrique et de type plan excessivement bloquées. Il est donc
souhaitable d’évoluer vers des maçonneries
La plupart des installations comportent les moins contraintes et donc plus stables. La
deux types de maçonnerie : cylindrique pour la conception de telles maçonneries doit concilier
paroi et de type mur pour le fond. A titre la réduction des tensions thermiques et des
d’exemple, la figure 9 montre un revêtement compressions induites par le blocage, avec
réfractaire de poche à acier. Le fond est de des impératifs de maintien en place des
géométrie plane, la paroi est cylindrique. revêtements pendant les manipulations des
outils, et la limitation des joints auxquels sont
associés des risques d’infiltration et de
corrosion.
La conception de ces structures réfractaires
est habituellement basée sur l'expérience et
par essais-erreurs (modifications suite à des
problèmes rencontrés). Généralement, seules
les parties métalliques, supports des
garnissages, sont calculées et le réfractaire est
Fig. 9 : Poche à acier : toilerie, plan de
appliqué sur la paroi de façon assez
maçonnage et revêtement réfractaire
empirique. Pourtant, ce matériau est très
fortement sollicité compte tenu des niveaux de
La différence de dilatation entre l’acier et les
température. Il s'endommage souvent de façon
matériaux réfractaires entraîne l’apparition de
importante et sa durée de vie est essentielle
contraintes d’origine thermique qui peuvent
pour le fonctionnement correct de l'installation.
provoquer la fissuration du garnissage.
Une conception rationnelle basée sur un calcul
Concevoir une maçonnerie consiste à définir le
de dimensionnement et de fiabilité des
format et l’agencement géométrique des
garnissages réfractaires est nécessaire en
briques ou pièces, le dimensionnement des
particulier pour la réalisation de nouvelles
joints éventuels, la nature des matériaux de
installations aux performances accrues. Le
jointoiement, dans le but de maîtriser le
calcul de structures réfractaires peut être
comportement thermomécanique de
abordé à différentes échelles : celle du
l’ensemble. Le mécanisme principal qui
matériau, celle des constituants tels que les
ancres, les tubes, les joints ou les briques
(échelle locale) et celle de la structure elle- prise en compte du comportement des
même (figure 10). Les outils numériques, tels matériaux (évolution des caractéristiques avec
que les calculs par éléments finis apportent la température, endommagement et à une
une aide à la conception de structures bonne prise en compte de la fermeture des
réfractaires permettant le choix des matériaux joints (contact, frottements et
et le dimensionnement de ces structures en thermomécanique couplée).
prenant en compte les propriétés
thermomécaniques des réfractaires.
A titre d’exemple, la figure 11 montre un calcul
par éléments finis d’une poche à acier. La
difficulté du calcul est principalement liée à une
bonne définition des sollicitations thermiques
qui sont très sévères (cycle de remplissage de
la poche en acier liquide à 1650°C,
rayonnement, convection, ...), à une bonne

Fig. 10. Les différentes échelles d’une structure réfractaire [8]

Fig.11. Calcul d’une poche à acier [9]. a) maillage du quart de la structure, b) températures en tolerie,
c) zones plastifiées rn tolerie, d) zones endommagées dans la couche de sécurité

8. CONCLUSION
- des critères de choix des matériaux basés
Apprécier l’aptitude d’un produit réfractaire sur une meilleure connaissance des
dans un contexte industriel nécessite une sollicitations ;
approche technique pluridisciplinaire faisant - des propriétés d’emploi en constante
appel à des connaissances de base en génie amélioration ;
des matériaux et des procédés, en thermique, - le développement de nouveaux matériaux ;
en thermomécanique et en physico-chimie des la maîtrise des contraintes thermomécaniques
hautes températures. L’amélioration de la dans les revêtements ;
longévité des réfractaires passe par les axes - une mise en œuvre soignée des réfractaires.
de progrès suivants :
9. BIBLIOGRAPHIE

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1999.
[2] Schmitt N., Thermomécanique et couplages
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fabrication de pièces, mémoire d’habilitation à
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[4] Ceramics Materials : Processes, Properties
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Niepce (chap. 10) : Refractory materials ISTE
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[5] Aliprandi G., Matériaux Réfractaires et
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[6] Chester J.H., Refractories : production and
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Institute, 1973.
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[8] Gasser A.- Modélisation du comportement
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renforts tissés, Habilitation à diriger des
recherches, Université d’Orléans, 2002.
[9] Gasser A. Boisse P., Dutheillet Y. Poirier
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thermomechanical refractory lining behaviour,
Journal of Materials : Design and Applications,
215 Part L 41-54, 2001.

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