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« Alchimie et stoïcisme : à propos de


récentes recherches », Chrysopœia, V
(1992-1996), pp. 5-144.
Traduit de: « Alchimie et stoïcisme : à propos de récentes recherches », Chrysopœia, V (1992-1996),
pp. 5-144.

Sylvain Matton

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TRADUCTION 1

« Alchimie et stoïcisme : à propos


de récentes recherches »,
Chrysopœia, V (1992-1996), pp. 5-
144.
Sylvain Matton

Original Paper 

Résumé

S OM M A IR E
On ne mesure encore que très imparfaitement la place que tinrent dans l'élaboration et le
développement des doctrines alchimiques les grandes écoles de la philosophie antique. C'est
sur cette importante question que Bernard Joly s'est proposé d'entreprendre des recherches,
dont il a exposé les résultats dans La Rationalité de l'alchimie au XVII e siècle, ouvrage qui
consiste en une présentation 1 , une édition 2 , une traduction 3 et un commentaire de l'opus-
1. La Rationalité de l'alchimie au XVII e siècle […] avec le texte latin, la traduction et le
commentaire du Manuscriptum ad Federicum [sic] de Pierre-Jean Fabre, Préface de Jean-
Paul Dumont, « Mathesis », Paris, 1992. -Cet ouvrage reprenant, sous une forme assez peu
modifiée, sa thèse de doctorat dirigée par J.-P. Dumont (Lille, 1988), il est fâcheux que Joly
n'ait pas saisi cette occasion pour en corriger les nombreuses fautes, presque toutes
reproduites dans son ouvrage, ce qui rend entre autres inutilisable sa bibliographie des
oeuvres de Fabre (pp. Graeci,et Germanici ;p. 288, la traduction française par François Sauvin
du Char triomphal de l'antimoine de Basile Valentin n'a pas été « publiée » mais effectuée en
1646, ni « rééditée à Paris en 1977 », mais éditée pour la première fois ; etc.

2. Cette édition, qui se veut critique, du Manuscriptum ad Fridericum est fort


défectueuse. D'abord, on comprend mal comment l'édition tardive de J.-J. Manget (dans sa
TRADUCTION 2

Bibliotheca chemica curiosa) a pu être choisie pour texte de base, et non pas l'édition
originale parue dans les Miscellanea Curiosa sive Ephemeridum Medico-physicarum
Germanicarum Academiae Imperialis Leopoldinae Naturae Curiosorum decuriae II de l'année
1689 (Nuremberg, 1690) -titre écorché par Joly qui écrit (p. 122, note 5) germanicum et
Imperiales, et donne l'année 1681 pour 1689. Ensuite, une foule de fautes, qu'une relecture un
tant soit peu attentive de ce texte assez bref aurait pu éviter, la rendent peu utilisable
(certaines, provenant d'une confusion due à la proximité des anciennes graphies du s et du f,
laissent des plus perplexes). En voici un relevé qui permettra au moins de corriger les quinze
premières pages : p. 130, l. 6 : heredae pour hederae, l. 15 : la leçon terendo de BCC pour
ferendo n'est pas signalée dans l'apparat, legitiman pour legitimam, l. 26 après Claudero
manque D. ; p. 132, l. 1 : praecatur pour precatur, l. 7 : amitiam pour amicitiam ; l. 12 :
referabit pour reserabit ; p. 134, l. 7 : après reliqua manque omnia ; ac pour at ; l. 11 sit pour fit
; l. 14 sit pour fit ; l. 22 sit pour fit ; p. 136, l. 17 : sit pour fit ; l. 29 afferit pour asserit ; l. 30,
même chose ; p. 138, l. 19 : dinstinctam pour distinctam ; l. 20 dinstincta pour distincta ; p.
142, l. 5 Lapidem pour Lapideam ; l. 6 : quita pour quinta ; l. 15 posquam pour postquam ; p.
144, l. 4 après materia manque haec ; p. 146, l. 5 impregnat pour impraegnat ; 10 : fortiatur
pour sortiatur ; l. 26 immmaculata pour immaculata ; p. 148 ce sont les définitions 23 et 29, et
non pas alchimistes du XVII e siècle se sont fondés sur des concepts stoïciens » et que nous
sommes moins en présence d'une « influence » stoïcienne que d'un « modèle » stoïcien, car «
la notion d'influence implique une réception passive, consciente ou inconsciente, qui ne
correspond certainement pas à la réalité de la constitution d'un système de pensées » 6 . Ces
concepts stoïciens à partir desquels, ou par référence auxquels, se serait développée la
pensée alchimique, et singulièrement celle de l'âge classique, sont celui de pneuma, ceux de
principe, d'élément et de corps -qui auraient permis aux alchimistes de conduire un «
important remaniement » des concepts de forme et de matière -, celui du mélange total et
enfin celui de la conflagration universelle. Ce serait en particulier en bénéficiant de
l'engouement que connut, à partir du XVI e siècle, la morale stoïcienne et surtout des travaux
de Juste Lipse (Joest Lips, 1547-1606) 7 que l'alchimie du XVII e siècle a pu utiliser
pleinement toutes les ressources que lui offrait la physique stoïcienne. Car « dans les textes
alchimiques les plus anciens », précise Joly, l'importance des concepts stoïciens « était
occultée par la présence dominante d'autres courants philosophiques » (id.), occultation qui
doit sans doute permettre de nous expliquer le fait que, toujours selon Joly, il n'y aurait que de
rares références formelles au stoïcisme dans l'ensemble de la littérature alchimique.

Malheureusement, comme l'a fait remarquer Gad Freudenthal dans son compte rendu de
La Rationalité de l'alchimie au XVII e siècle 8 , cette thèse « ne reçoit pas de confirmation ici ;
à la fin du livre elle reste ce qu'elle avait été à son début -une hypothèse intéressante pouvant
servir d'heuristique pour des recherches historiques », et ce en raison de l'approche
anhistorique de Bernard Joly (et, ajouterons-nous, de Jean-Paul Dumont), dont «
l'argumentation présente trois vices décisifs » : 1) « une analyse purement conceptuelle et
notamment structurale » de la pensée alchimique ; 2) l'absence d'étude de la connaissance
TRADUCTION 3

que les alchimistes avaient du système stoïcien, ainsi que l'absence de vérification historique
des rapprochements effectués ; 3) une analyse fondée sur « ce qu'une théorie est supposée
pouvoir ou ne pas pouvoir expliquer "objectivement", c'est-à-dire selon le jugement de
l'analyste, et non pas [sur] ce que les adhérents de cette théorie à une période donnée ont
réellement pensé à ce sujet ».

C'est donc à la lumière d'une approche purement historique que nous voudrions
examiner la validité de la thèse du stoïcisme modèle philosophique de l'alchimie, en
reprenant chacun des principaux points, mentionnés plus haut, sur lesquels elle s'articule. Or
une renverrons toujours à la première édition et, entre crochets droits, à la seconde édition).
La thèse de J.-P. Dumont n'était au reste pas entièrement nouvelle, sinon par son caractère
systématique, puisque certaines influences stoïciennes sur les théories minéralogiques
avaient été relevées par D. R. Oldroyd dans son article « Some Neo-Platonic and Stoic
Influences on Mineralogy in the Sixteenth and Seventeenth Centuries », Ambix, XXI (1974), pp.
128-156. 6. B. Joly, La Rationalité de l'alchimie au XVII e siècle, p. 84. 7. Voir J. Lagrée, Juste
Lipse et la restauration du stoïcisme (bibliographie sur Lipse pp. 257-259) ; Ch. Mouchel (éd.),
Juste Lipse (1547-1606) en son temps. Actes du Colloque de Strasbourg 1994, Colloque,
Congrès et conférences sur la Renaissance, 6, Paris, 1996. 8. Revue philosophique de la
France et de l'étranger, avril-juin 1995, pp. 265-268. telle approche, nous allons le voir, ne
permet pas de vérifier ces diverses supputations, mais tout au contraire les infirme.

LES R ÉF ÉR ENC ES DES ALC HI M I S TES AU S TOï CISME


Dans « Les a priori philosophiques de l'Alchimie classique : J.-J. Becher et le
matérialisme stoïcien », Jean-Paul Dumont s'étonnait que « le nom de Chrysippe,
fréquemment cité par les philosophes de l'époque hellénistique et les Pères, cesse […]
d'apparaître dans le catalogue des auteurs, même apocryphes, allégués par les alchimistes »
9 . Pareillement, Bernard Joly écrit dans son étude « Présence des concepts de la physique
stoïcienne dans les textes alchimiques du XVII e siècle » 10 que les alchimistes « semblaient
ne jamais se référer explicitement à la doctrine du Portique », avant qu'il ne présentât comme
« l'un des rares textes alchimiques du XVII e siècle qui parle explicitement des stoïciens » 11
un passage du Palladium spagyricum (Toulouse, 1624) de Pierre Jean Fabre 12 . À ce
témoignage, Joly en a récemment ajouté deux autres 13 , l'un de Clovis Hesteau de
Nuysement (ca 1550/60-1623/24) 14 et l'autre d'Étienne de Clave (ca 1585ca 1645) 15 . En
réalité, les références au stoïcisme dans la littérature alchimique sont beaucoup plus
fréquentes que ne l'ont cru Dumont et Joly. Mais bien évidemment leur fréquence n'est pas
en soi significative : l'existence ou l'inexistence de références formelles au stoïcisme, comme
la présence de doctrines ou simplement de concepts stoïciens, prennent une tout autre
signification selon la période et l'aire culturelle auxquelles appartiennent les textes qui les
mentionnent.
TRADUCTION 4

La situation des alchimistes grecs, qui vivaient à une époque où la philosophie stoïcienne
était largement diffusée 16 et pour qui les écrits des stoïciens étaient encore dispo-9. « Les a
priori philosophiques de l'alchimie classique… », p. 19 [82]. 10. Parue dans : J.-C. Margolin et
S. Matton (éd.), Alchimie et philosophie à la Renaissance. Actes du colloque international de
Tours (4-7 déc. 1991), Paris, 1993, pp. 341-354. 11. « Présence des concepts de la physique
stoïcienne dans les textes alchimiques du XVII e siècle », p. 342.

12. Voir infra,. Cf. « Physique stoïcienne et philosophie chimique au XVII e siècle », dans :
Le Stoïcisme aux XVI e et XVII e siècles, Actes du Colloque CERPHI (4-5 juin 1993), organisé
par Pierre-François Moreau, publié sous la direction de Jacqueline Lagrée, Cahiers de
Philosophie politique et juridique, n° 25, Caen, 1994, pp. 175-191, ici pp. 182 et 188. 14. Voir
infra pp. 77-80. Sur Nuysement, voir la thèse inédite de W. Kirsop, Clovis Hesteau, sieur de
Nuysement, et la littérature alchimique de la fin du XVI e siècle et du début du XVII e siècle,
consultable à la Bibliothèque de la Sorbonne, cote : W. Univ. 1960 (21) in-4°, 2 vol ; voir encore
R. Guillot, introduction à : Cl. Hesteau de Nuysement, OEuvres poétiques, I, Genève, 1994. 15.
Voir infra pp. 108-110. Sur de Clave, voir H. Metzger, Les Doctrines chimiques en France du
début du XVII e à la fin du XVIII e Siècle, Paris, 1923(rééd. Paris, 1969, pp. 51-59 ; O. R. Bloch,
La Philosophie de Gassendi, La Haye, 1971, passim, et « Le discours de la méthode d'Étienne
de Clave (1635) », dans : G. Belgioso et al. (éd.), Descartes : il metodo e i saggi, Rome, 1990,
pp. 155-161 ;A. G. Debus, The French Paracelsians, Cambridge, 1991, passim. 16. Pour la
diffusion du stoïcisme dans l'Antiquité, voir notamment R. M. Wenley, Stoicism and its
Influence, Boston, 1924 ;M. Pohlenz, Die Stoa, Geschichte einer geistigen nibles, était à cet
égard radicalement différente de celle des alchimistes du monde arabe, où la connaissance
des doctrines de la Stoa était déjà confuse, même si un certain nombre d'idées d'origine
stoïcienne s'introduisirent très tôt dans l'Islam et y exercèrent une importante influence
jusque dans la théologie 17 ; elle différait également de celle des alchimistes du Moyen Âge
latin, où l'on ne connaissait guère le stoïcisme qu'à travers Cicéron, Sénèque et Calcidius 18 ;
de même, la situation des alchimistes médiévaux était fort différente de celle des alchimistes
de la Renaissance et du XVII e siècle, siècles marqués, avec la redécouverte des textes
philosophiques grecs, mais aussi des Pères grecs 19 , par un regain d'intérêt pour la
philosophie du Portique 20 . Cet intérêt était certes essentiellement tourné vers la morale, et
c'est lui qui suscita les principaux monuments de la renaissance du stoïcisme 21 , depuis les
traductions de l'Enchiridion d'Épictète en 1450 par Niccolò Perotti (1429Perotti ( -1480 22 et
en 1479 par Ange Politien (Angelo Poliziano, 1454-1494 23 jusqu'aux Elementa philosophiae
stoicae moralis quae in Senecam, Ciceronem, Plutarchum, aliosque scriptores commentarii
loco esse possint (Mayence, 1606) de Caspar Schopp, dit Scioppius (1576-1649 24 , en
passant par l'Ample discours sur la doctrine des Stoïques (Paris, 1595) 25 de Simon Goulart
(1543-1628 26 , La Philosophie morale des Stoïques (Lyon, 1600) 27 de Guillaume Du Vair
Bewegung, 2 vol., Göttingen, 1948-1949 ; G. Verbeke, L'Évolution de la doctrine du pneuma du
stoïcisme à S. Augustin, Paris -Louvain, 1945, et « Le Stoïcisme, une philosophie sans
frontières », dans Aufstieg und Niedergang der römischen Welt, I : Von den Anfängen Roms
TRADUCTION 5

bis zum Ausgang der Republik, 4. Bd, Berlin -New York, 1973, pp. 3-42 ; M. Spanneut,
Permanence du stoïcisme de Zénon à Malraux, Gembloux, 1973. 17. Voir F. Jadaane,
L'Influence du Stoïcisme sur la pensée musulmane, Beyrouth, 1967. 18. Voir M. Spanneut,
Permanence du stoïcisme de Zénon à Malraux ; G. Verbeke, The Presence of Stoicism in
Medieval Thought, Washington, 1983 ;M. M. Colish, The Stoic Tradition from Antiquity to the
Middle Ages, Leyde, 1985. 19. Sur la présence du stoïcisme chez les Pères, voir M. Spanneut,
Le Stoïcisme des pères de l'Église de Clément de Rome à Clément d'Alexandrie, Patristica
Sorbonensia, 1, Paris, 1957. 20. Voir L. Zanta, La Renaissance du stoïcisme au XVI e siècle,
Paris, 1914 ; J. Lagrée, Juste Lipse et la restauration du stoïcisme, Paris, 1994 ;M. J. Osler
(éd.), Atoms, pneuma, and tranquillity, Epicurean and Stoic Themes in European Thought,
Cambridge University Press, 1991. 21. Voir Julien-Eymard d'Angers, art. « Stoicismo cristiano
», dans Enciclopedia filosofica, VI, Florence, 1967, col. 190-191. 22. Cette traduction a été
éditée pour la première fois par R. P. Oliver, Niccolò Perrotti's version of the Enchiridion of
Epictetus, Urbana (Ill.), 1954. Voir aussi L. Zanta, La Traduction française du Manuel
d'Epictète d'André Rivaudeau, Paris, 1914, pp 13-15. 23. L'édition princeps est celle de
Bologne, 1497. Sur cette traduction, voir I. Maïer, Ange Politien : La formation d 'un poète
humaniste, 1469-1480, Travaux d'Humanisme et Renaissance, 81, Genève, 1966, XXXVIII, pp.
509-511 (notice de Weiss) ; F. Hoefer (éd.), Nouvelle Biographie générale, XLIII, Paris, 1864,
col. 581-583. 25 (1556-1621) 28 et la Manuductio ad Stoicam philosophiam (Anvers, 1604)
de Juste Lipse. Cependant, l'attention des humanistes à l'ensemble de la philosophie
stoïcienne est attestée dès le dernier quart du XV e siècle avec le grand ouvrage
encyclopédique de Giorgio Valla (1447-1500 29 , le De expetendis et fugiendis rebus (Venise,
1501), resté inachevé et publié posthumement, mais que Valla avait mis en chantier dès les
années 1480 30 . Cette attention devait même déboucher sur des essais de reconstruction de
la logique stoïcienne, avec la Comparatio dialecticae et logicae ex Stoicorum, Platonicorum,
et Peripateticorum placitis (Paris, 1565) 31 de Jean Riolan (1539Riolan ( -1605 32 , ainsi que
de la métaphysique et de la physique stoïciennes, avec l'Ample Discours sur la doctrine des
Stoïques de Goulart, mais surtout avec les Physiologiae stoicorum libri tres (Anvers, 1604) de
Lipse et les Dissertationes ad stoicae philosophiae et caeteram philosophicam historiam
facientes argumenti varii (Leipzig, 1682) du très aristotélicien Jakob Thomasius (1622-1684),
le maître de Leibniz 33 .

Ainsi, même si elle ne constitue pas un argument péremptoire contre la thèse d'une
influence déterminante du stoïcisme sur l'alchimie grecque -thèse dont on attend toujours un
début de démonstration 34 -, l'absence de références aux stoïciens chez les alchimistes 27.
La Saincte philosophie, La Philosophie des stoïques, Manuel d'Epictète, Civile conversation et
plusieurs autres traictez de pieté, Lyon, 1600, pp. 121-269. 28. Voir E. Cougny, Guillaume Du
Vair. Étude d'histoire littéraire avec des documents nouveaux tirés des manuscrits de la
Bibliothèque impériale, Paris, 1857 ;R. Radouant, Guillaume Du Vair, l'homme et l'orateur
jusqu'à la fin des troubles de la Ligue (1556de la Ligue ( -1596, Paris, s. d. [1934].
TRADUCTION 6

29. Voir V. Branca (éd.), Giorgio Valla tra scienza e sapienza. Studi di Gianna Gardenal,
Patrizia Landucci Ruffo, Cesare Vasoli, Civiltà veneziana. Saggi 28, Florence, 1981
(chronologie de la vie et des oeuvres de Valla, par G. Gardenal,.

30. Voir J.-M. Mandosio, « Les sources antiques de la classification des sciences et des
arts à la Renaissance », dans : D. Jacquart (éd.), Les Voies de la science grecque (sous
presse). 31. Disputationes duae, una de origine, altera de incremento et decremento
philosophiae, habitae Burdigalae in schola Aquitanea. Quibus accessit comparatio dialecticae
et logicae ex Stoicorum, Platonicorum, et Peripateticorum placitis, Paris, 1565. 32. Cf. R.
Tabuteau, Deux anatomistes français : les Riolan, Paris, 1929 ; I. Tolomio, « Il genere "historia
philosophica" tra Cinquecento e Seicento », dans : G. Santinello (éd.), Storia delle storie
generali della filosofia, I : Dalle origini rinascimentali alla "historia philosophica", Brescia,
1981, pp. 114-116. 33. Voir R. Sachse, Jakob Thomasius, Rektor der Thomasschule,
Programm der Thomasschule, Leipzig, 1894 ; G. Aceti, « Jakob Thomasius ed il pensiero
filosofico-giuridico di G. G. Leibniz », Ius, 1957, pp. 259-318 ; C. Weber, notice « Thomasius,
Jakob », dans : A. Jacob (éd.), Encyclopédie philosophique universelle : III, Les OEuvres
philosophiques, dictionnaire, dirigé par J.-F. Mattéi, Paris, 1992Paris, , t. 1, pp. 1499Paris, -
1501 34. L'on peut repérer dans le corpus des alchimistes grecs un vocabulaire d'origine
stoïcienne, mais ce vocabulaire, à l'exception de quelques très rares expressions, s'était alors
considérablement banalisé en prenant des sens très différents, ainsi que l'a noté G. Verbeke
qui, à propos du «Ë¥` √µ| ¥`… §≤∫µ ("corps spirituel"), observe que « les alchimistes se sont
emparés d'une expression courante dans la philosophie de leur époque, mais ils en ont
notablement changé la signification » (L'Évolution de la doctrine du pneuma du stoïcisme à S.
Augustin,p. 347). On attend donc toujours des partisans d'une influence stoïcienne sur
l'alchimie grecque qu'ils apportent la démonstration de leur thèse. Car si von Lippmann a
consacré au stoïcisme, comme aux autres grandes écoles philosophiques antiques, une
section de son Entstehung und Ausbreitung der Alchemie (Berlin, 1919[rééd. Hildesheim,
1978, pp. 144-152), il n'a grecs, remarquée par Marcelin Berthelot 35 , traduit au moins une
non-reconnaissance par ces alchimistes d'une filiation doctrinale entre eux et le Portique.
Inversement, comme nous allons le voir, la filiation affirmée par les alchimistes arabes et
médiévaux par le biais d'une alchimisation de la Stoa et de ses scholarques n'implique en soi
aucune véritable influence doctrinale. En revanche, parce qu'elles pouvaient s'appuyer sur un
savoir réel, certaines références d'alchimistes de la Renaissance et de l'Âge classique à des
thèses stoïciennes sont susceptibles de fournir des éléments importants en faveur ou au
détriment de la thèse d'un modèle philosophique stoïcien dans l'alchimie de cette époque.

Présence de la morale stoïcienne


En premier lieu, nombre de renvois au stoïcisme présents dans les écrits alchimiques de
la Renaissance et de l'Âge classique ne concernent pas directement l'alchimie, ni même des
doctrines physiques, voire logiques, plus ou moins reliées à l'alchimie, mais cette philosophie
TRADUCTION 7

morale à laquelle le stoïcisme devait alors son renouveau. Tel est le cas de la remarque de
Gianfrancesco Pico della Mirandola (1469Mirandola ( -1533 36 dans son De auro :

« […] car on sait (qui l'ignore en effet ?) que les hommes avec qui nous vivons ont
convenu depuis déjà de nombreux siècles que l'or serait la mesure de toutes les cependant
fourni aucun élément mettant formellement en évidence une relation de dépendance de
l'alchimie envers le stoïcisme, pas plus que ne l'ont fait R. P. Multhauf dans The Origins of
Chemistry (Londres, 1966, pp. 73-77) Graeco-Roman Egypt (Londres, 1970, pp. 20-23,
traduction française de Ch. Rollinat, Les Origines de l'alchimie dans l'Égypte gréco-romaine,
Paris, 1986, pp. 29-33) -pour ne rien dire de l'article extravagant de J.-P. Dumont, « Deux
hypothèses concernant l'interprétation stoïcienne de l'art tinctorial : Alexandre d'Aphrodise et
la villa des Vettii » (dans : J.-C. Margolin et S. Matton (éd.), Alchimie et philosophie à la
Renaissance, pp. 327-340 [voir aussi la préface de Dumont à B. Joly, Rationalité de l'alchimie
au XVII e siècle, pp. [16][17][18]. Encore que lors de la discussion de sa communication au
colloque de Tours, où il lui fut demandé si cette dernière n'était pas un canular, J.-P. Dumont
en ait fermement affirmé le caractère sérieux, je préfère, pour ma part, y voir un malicieux
pastiche (au moins pour sa seconde partie) de ces érudites interprétations alchimiques des
documents de l'Antiquité qu'aimèrent à faire les adeptes, dès la Renaissance).

et J. Lindsay, dans The Origins of Alchemy in


35. Cf. Les Origines de l'alchimie, p. 142 : « les écoles Épicuriennes et Stoïcienne,
circonstance étrange, semblent inconnues de nos auteurs » ; ce que Berthelot explique en
affirmant (p. 264) : « On sait d'ailleurs que les doctrines épicuriennes et stoïciennes, qui ont
joué un si grand rôle à Rome, sont presque ignorées à Alexandrie. C'est à l'École Ionienne, aux
Pythagoriciens et surtout à Platon, que les alchimistes se rattachent, par une tradition
constante et par des théories expresses ; théories qui sont venues jusqu'à la fin du XVIII e
siècle. » 36. Cf. Enciclopedia filosofica, Florence, 1967, IV, coll. 1583-1584 ; Ch. B. Schmitt,
Gianfrancesco Pico della Mirandola (1469-1533 and his critique of Aristotle, Leyde -La Haye,
1967 ; F. Secret, « Gianfrancesco Pico della Mirandola, Lilio Gregorio Giraldi et l'alchimie »,
Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance, XXXVIII (1976), pp. 93-108. choses extérieures
que les péripatéticiens nomment "biens" et les stoïciens "commodités" » 37 .

Tel est également le cas de deux références faites par Adam von Bodenstein (1528-1577
38 dans deux dédicaces d'ouvrages de Paracelse 39 . La première se rencontre dans l'épître
dédicatoire, adressée à Cosme de Médicis, du De causis, signis et curationibus morborum ex
tartato utilissimi (Bâle, 1563). Bodenstein y note : « Le consensus général des hommes usant
de la raison atteste à juste titre que les biens de l'âme sont les plus éminents de tous ; les
stoïciens jugèrent même, à tort, que ces seuls biens suffisent à établir une vie heureuse. » 40
La seconde référence se trouve dans les Libri V de vita longa (Bâle, s. d. [1563]), dans l'épître,
datée de 1562 et adressée à Ludwig Wolfgang de Habsbourg, préfet de Badenweiler.
TRADUCTION 8

Observant qu'il faut placer le bien public au-dessus des intérêts privés, Bodenstein explique : «
C'est pourquoi Platon, nous dit Cicéron, a excellemment écrit que nous ne sommes pas nés
seulement pour nous, mais nous nous devons pour partie à notre patrie, pour partie à nos
amis 41 , et, comme le pensent les stoïciens, tout ce qui est engendré sur terre est créé pour
l'usage des hommes, et LES HOMMES EUX-MêMES SONT ENGENDRéS DANS L'INTéRêT DES
HOMMES, afin de pouvoir être utiles les uns aux autres. » 42 37. Cf. De auro libri tres, III, III,
Venise, 1586, p. 112 (éd. J. J. Manget, Bibliotheca chemica curiosa, II, p. 580b) : « […] cum
notum sit, (quis est enim is qui nesciat ?) inter homines, quibus cum viuimus multis iam
seculis conuenisse vt aurum metiretur externa omnia, quae peripatetici bona, stoïci commoda
nuncupaverunt […] ». 38. Voir la notice de P. Kibre dans : Ch. C. Gillispie (éd.), Dictionary of
Scientific Biography, I, New York, 1970, pp. 49-50 - : « Animi quidem bona omnium esse
praestantissima communis hominum ratione vtentium consensus verè testatur : Caeterùm ea
sola ad beatam vitam constituendam sufficere Stoici perperam iudicarunt ». Voir aussi
l'édition et la traduction de la dédicace données par A. Perifano dans L'Alchimie à la cour de
Côme 1 er de Médicis : savoirs, culture et politique, Paris, 1997 (sous presse Il en va de même
de la citation suivante d 'Heinrich Khunrath (1560-1605 43 , tirée de son Amphitheatrum
Sapientiae aeternae (éd. Hanau, 1609) : « La langue est comme l'éventail de la discorde. Aussi
doit-elle toujours être contenue avec beaucoup de soin. C'est pourquoi Zénon demandait de
discourir avec une langue trempée dans l'esprit 44 . » 45 Les allusions à la philosophie
morale des stoïciens ne sont bien sûr pas nécessairement laudatives. En lui dédiant son
Auriloquio (ca 1560/70), Vincenzo Percolla 46 écrit à son fils : « Et je t'exhorte à délaisser
l'opinion stoïcienne du mépris des richesses pour suivre celle des péripatéticiens, qui
considèrent qu'elles sont l'instrument nécessaire d'une vie vertueuse 47 . En effet, on ne peut
pratiquer la magnificence, la libéralité ni d'autres vertus si l'on ne possède les biens adéquats,
faute desquels il est difficile de s'élever jusqu'aux contemplations abstraites, qui sont la route
conduisant au bonheur ; on recherche ces biens lorsqu'il faut pourvoir aux besoins de la vie.
Je veux donc que tu soies péripatéticien, et je t'interdis absolument d'agir à la manière des
épicuriens, qui font du plaisir le souverain bien. » 48 praestantissime uir euidenter nos docet,
semper publica bona anteponenda esse priuatis : nam IEHOVA omnibus creaturis simul
benefacit : Solem communicat bonis & malis, iubetque nos aliorum salutem aequè quaerere
quàm nostram : Ac recta ratio commoda latè patentia, pluribus uitalia & maiora,
angustioribus, proprijs ac minoribus suadet praeferenda, quòd uniuersi potius sit habenda
cura, quàm unius partis. Vnde praeclarè scriptum est à Platone (ait Cicero) Non nobis solùm
nati sumus, sed ortus nostri partem patria uendicat, partem amici, atque (ut placet Stoicis)
Quae in terris gignuntur ad usum hominum omnia creari, HOMINES AVTEM HOMINVM
CAVSA ESSE GENERATOS, ut ipsi inter se alij alijs prodesse possint. » 43. Voir J. Ferguson,
Bibliotheca Chemica, Glasgow, 1906(rééd. Hildesheim, 1974 44. Ce dit de Zénon ne figure
pas dans J. von Arnim, Stoicorum Veterum Fragmenta, Leipzig, 1903-1905. Nous n'avons pu
trouver la source de Khunrath. 45. Cf. Amphitheatrum Sapientiae aeternae, Hanau, 1609, p. 82
: « Lingua quasi flabellum est seditionis : quare omnibus quàm diligentissimè continenda.
Hinc Zenon, linguâ in mentem intinctâ, disserere iussit. Semper cogita, lingua quò ? Audi
TRADUCTION 9

citus, dic lentus atque cautus. » Voir aussi la traduction Grillot de Givry, Amphithéâtre de
l'Éternelle sapience, [Paris, 1898[Paris, -1900 (rééd. Milan, 1990), p. 67.

46. Voir l'introduction de C. A. Anzuini à son édition de l'Auriloquio, Textes et travaux de


Chrysopoeia, 2, Paris -Milan, 1996, et « Alchimie et mythologie dans un traité inédit du XVI e
siècle : l'Auriloquio de Vincenzo Percolla », Chrysopoeia, V (1992-1996 47. Cf. Aristote,Ethica
Nicomachea,X,9. 48. Traduction J.-M. Mandosio, « L'Auriloquio ("Discours doré") de Vincenzo
Percolla. Extraits et Table des matières traduits de l'italien », Chrysopoeia, V
(1992Chrysopoeia, V ( -1996, pp. 509-528, ici p. 511 ; cf. Auriloquio, édition C. A. Anzuini, p. 2 :
« Et ti essorto che lasciando la stoica opinione del disprezzo delle ricchezze, t'appigli alla
peripatetica, che tiene s'habbiano da procurare come instromento della virtuosa vita ; poiche
non si potrebbe usare magnificenza, liberalità et altre virtù senza i necessarij beni et si può
male elevare l'animo alle contemplationi astratte, strada che adduce alla felicità che si
richiede quando è forza d'occuparsi à provedere il sostentamento della vita, et volendoti
peripatetico, di necessità ti prohibisco l'uso epicureo, che generalmente ripone il sommo bene
nel dilettevole […]. » Des références aux stoïciens alchimistes se rencontrent encore dans
l'une des versions du Liber Marie Sororis Moysi ou Practica Mariae Prophetissae in artem
alchimicam, traduction latine médiévale de la Risaelat Maeriya ilae AEras wa-su'aeluhº wa-
jawaebuhae lahº (Épitre de Marie à Aros, avec sa réponse à sa question) 57 , qui fut publiée
dans l'édition de Bâle 1593 de l'Artis auriferae quam chemiam vocant volumen primum 58 .
On y lit : « Aros dit : Certainement. Mais parle-moi de ce vase sans lequel on ne peut achever
l'oeuvre.

Marie dit : C'est le vase d'Hermès, que les stoïciens ont caché, et il n'est pas un vase de
nigromancie mais il est la mesure de ton feu.

Aros lui dit : Ô maîtresse, prête l'oreille à la société des stoïciens 59 ; ô prophétesse, as-tu
pénétré dans les secrets des philosophes qui posèrent dans leurs livres que l'on peut faire
l'art à partir d'un seul corps ?

Et Marie dit : Certainement. Hermès ne l'a pas enseigné parce que la racine de la science
est un corps que l'on ne peut faire souffrir ni soigner. C'est un poison qui mortifie tous les
corps et les réduit en poudre, et qui coagule le mercure par son odeur.

Et elle dit : Moi, je te jure par le Dieu éternel que quand ce poison se dissout jusqu'à
devenir une eau subtile -peu m'importe par quelle dissolution cela se « Dixit Plato 1 . Et 2
separatio per contraria in inquisitione. Dixit Hames 3 . Hec est dictio quam adinuenit
philosophus secundum stoycos qui dicunt separationem in hac specie operis per solutionem
et calcinationem simul in una 4 re et 5 in uno tempore per solutionem in aqua 6 , et
calcinationem in igne, qui est contrarius aque. Quod autem opinantur discipuli eius, scilicet
Platonis, est ut soluant 7 aliquid ex re 8 cum humiditate, secundum quod potest, deinde
TRADUCTION 10

soluant cum calcinatione quod remansit ex humiditate. Set opinio philosophi conueniens 9
stoycis leuior 10 est operanti, et facilior et conuenientior ueritati. Nam res spoliata per
contraria propinquior erit 11 temperantie, cum non 12 spolietur partem suam 14 . Oportet
ergo ut dominatur 15 res illa, set repugnat ne res illa dominetur ei 16 Je remercie Antoine
Calvet de m'avoir signalé ce passage. 57. Voir F. Sezgin, Geschichte des arabischen
Schrifttums, IV, pp. 72-73 (Sezgin affirme à tort que la traduction latine de la Risaelat Maeriya
ilae AEras a été publiée dans l'édition de 1572 de l'Artis auriferae…). Sur Marie, voir encore E.
J. Holmyard : « An alchemical text ascribed to Mary the Copt », Archeion, VIII (1927), pp. 161-
168 ;M. Ullmann : Die Natur-und Geheimwissenschaften im Islam, Leyde -Cologne, 1972, p.
183 ; R. Patai : « Maria the Jewess, founding mother of alchemy », Ambix, XXIX (1982), pp.
177-197 ;D. Kahn, « Les Sept Visions de Marie la Prophetesse sur l'oeuvre de la pierre des
philosophes », Chrysopoeia, II (1988), fasc. 4, pp. 369-384 ; J. Letrouit, « Chronologie des
alchimistes grecs », dans : D. Kahn et S. Matton (éd.) Alchimie : art, histoire et mythes, Actes
du premier colloque international de la Société d'Étude de l'Histoire de l'Alchimie, Paris,
Collège de France, 14-16 mars 1991, Paris -Milan, 1995 , il coagule le Mercure en Lune
possédant une véritable solidité, et il tombe sur le trône de Jupiter, il le lunifie en Lune. La
science se trouve dans tous les corps, mais les stoïciens ont caché cela, à cause de la
brièveté de leur vie et de la longueur de l'oeuvre, et ils ont trouvé ces éléments tinctoriaux et
ils les ont développés. Tous les philosophes enseignent ces éléments tinctoriaux, excepté le
vase d'Hermès, parce qu'il est divin et, de par la sagesse du Seigneur, caché aux infidèles. Et
ceux qui l'ignorent ne connaissent pas le véritable régime, en raison de leur ignorance du vase
d'Hermès. » 60 N'ayant pu consulter le texte arabe, resté manuscrit, de la Risaelat Maeriya ilae
AEras, j'ignore si ces références aux stoïciens s'y trouvent ou si elles relèvent d'une
corruption du texte de la traduction latine, car elles n'apparaissent pas dans la version
reproduite dans le tome V du Theatrum chemicum (Strasbourg, 1660) 61 . Quoi qu'il en soit,
ces références dans un texte qu'il tenait pour être « fort ancien », sinon de la soeur de Moïse
62 , ont dû paraître si incongrues au « Sieur S. » que celui-ci les élimina, sans même le
mentionner 60. Cf. Artis auriferae…, Bâle, 1593, pp. 323-324 (éd. 1610éd. Theatrum
chemicum, V, pp. 85-86) (Paris, 1678) 63 . C'est donc dans le recueil de l'Artis auriferae que le
médecin François Pousse 64 , s'il est bien l'auteur de l'anonyme ouvrage anti-alchimique
Examen des principes des alchymistes sur la pierre philosophale (Paris, 1711) Oüy, dit-elle, &
cependant Hermés n'en a point parlé, parce que la racine de la Science est, *** & un venin qui
mortifie tous les corps, qui les reduit en poudre, & qui coagule le Mercure par son odeur. Et je
vous proteste par le Dieu vivant, que lors que ce venin se dissout en une eau subtile, de
quelque maniere que cette dissolution se fasse, il coagule le Mercure en veritable Lune à
toute épreuve. Et si l'on en fait projection sur Jupiter, il le change en Lune. Je vous dis de plus
que la Science se trouve en tous les corps. Mais les Philosophes n'en ont rien voulu dire, à
cause de la brieveté de la vie, & de la longueur de l'ouvrage. Et ils l'ont trouvée plus facilement
dans la matiere qui contient le plus évidament les quatre Elemens, & ils ont multiplié &
obscurcy cette matiere, par les divers noms qu'ils luy ont donnez. Ce n'est pas que tous les
Philosophes ont assez parlé de tout ce qu'il faut pour faire l'oeuvre, hormis du vaisseau de
TRADUCTION 11

Hermés ; parce que c'est une chose divine, & que Dieu veut qui soit inconnuë aux Gentils &
Idolâtres. Ce vaisseau estant d'une si grande necessité pour le Magistere, que ceux qui ne le
connoissent pas, n'en sçauront jamais le veritable regime. » 64. Voir S. Matton, « Jean-
Baptiste Le Brethon et la situation de l'alchimie à la Faculté de médecine de Paris au début du
XVIII e siècle », introduction à la rééd. anastatique de : Le Breton, Les Clefs de la philosophie
spagyrique (1722), Paris, 1985, pp. 7-32, ici p. 14. 65. Examen des principes des alchymistes
sur la pierre philosophale, Paris, 1711, p. 203. 66. Voir M. Berthelot, Les Origines de l'alchimie,
Paris, 1885(rééd. 1938. Sur « Zénon » dans la littérature alchimique arabe, voir F. Sezgin,
Geschichte des arabischen Schrifttums, IV,pp. 61,66,117. perdu en arabe, mais qui, traduit en
latin sous le titre de Turba philosophorum, tint une place capitale dans la tradition alchimique
occidentale 68 . Il est malheureusement impossible de déterminer positivement si Zénon («
Zenon », « Zimon », « Zeumon », « Cinon », « Symon », etc., dans les manuscrits latins) y
désigne le fondateur de l'école du Portique plutôt que l'Éléate, les cinq discours qu'il y
prononce n'offrant aucun élément théorique caractéristique de la philosophie de l'un ou de
l'autre 69 . Mais l'important est que rien n'interdisait d'entendre que ce Zénon fût Zénon de
Citium, et que l'introduction, opérée à partir de la Turba philosophorum, de « Zénon » dans la
suite des anciens maîtres de l'art laissât toujours la porte ouverte à cette identification. Cette
insertion de Zénon dans la série des grands alchimistes se rencontre dans la Pretiosa
margarita novella ( En raison de l'absence de tout qualificatif, « Zénon » pouvait facilement
désigner (au moins aux yeux de nombreux lecteurs de Pietro Bono) Zénon de Citium, Zénon
d'Élée étant très peu connu du Moyen Âge, et Zénon l'épicurien totalement inconnu, comme
en témoigne, par exemple, le De vita et moribus philosophorum du pseudo-Walter Burley : ce
dictionnaire des philosophes antiques quasi contemporain de la Pretiosa margarita novella,
puisque rédigé vers 1315/1320 par un italien anonyme 73 , consacre une notice à « Zénon
philosophe stoïcien » 74 et une autre à Zénon d'Élée, mais ne connaît ce dernier que comme «
un autre philosophe du nom de Zénon à propos duquel Valère Maxime a écrit » 75 . À la
Renaissance, avec la redécouverte de la littérature grecque et notamment des écrits de
Platon, de Plutarque et de Diogène Laërce, Zénon d'Élée devint une figure plus familière du
paysage philosophique, encore que sa notoriété n'atteignit jamais celle de Zénon de Citium, si
bien que l'on peut penser que le nom seul de « Zénon » devait alors évoquer d'abord le
premier plutôt que le second. Mais surtout cette meilleure connaissance de l'histoire de la
philosophie antique allait à l'encontre de l'identification avec le fondateur du Portique du
Zénon alchimiste de la Turba philosophorum, auquel beaucoup d'alchimistes -par exemple
Evangelista Quattrami (1527Quattrami ( -1602 Bâle, 1593Bâle, , I, p. 302 (éd. 1610 « Platon a
mêlé les trois voies susdites des individus minéraux, végétaux et animaux ; il les a étendues
jusqu'au nombre de sept, car le mélange pouvant se faire de quatre façons différentes, on
retrouve trois voies simples et quatre voies mixtes, dont Platon a parlé dans la réponse qu'il
fit à Zénon, son disciple, qui lui demandait de quelle manière il pourrait retrouver la félicité du
monde. Il lui répondit que la félicité du monde, il l'obtiendrait en mettant en mouvement la
terre avec la terre, en congelant l'eau avec l'eau, en pacifiant le vent avec le vent, en éteignant
le feu avec le feu, en remplissant la lune avec la lune, en obscurcissant le soleil avec le soleil
TRADUCTION 12

et en vivifiant Saturne avec Saturne. Par ces mots, il a voulu dire qu'il obtiendrait la félicité de
la pierre appelée le petit monde s'il composait ladite pierre en suivant les trois voies susdites.
En effet, dans la voie minérale la terre de la marcassite est mise en mouvement avec la terre
du mercure vulgaire, car une fois réunies, ces terres se dissolvent et se mettent en
mouvement en passant par l'alambic. » 90 En admettant qu'il s'agisse bien ici de Zénon de
Citium, on ne s'étonne guère qu'il soit fait auditeur de Platon au lieu d'être, comme il le fut,
celui de Xénocrate et de Polémon. Le souci de l'exactitude historique et du respect de la
chronologie fut en effet rarement le fort des alchimistes. Même un auteur aussi savant que
William Davisson (Davidson, d'Avissone, ca 1593-1669) 91 , tint « Zénon le Stoïcien » pour un
philosophe antérieur à 90. Cf. V. Percolla, Auriloquio, CLXXIX (« Delli enigmati di Platone, nelli
quali si contengono le sette vie »), éd. C. A. Anzuini, p. 131 : « Mescolando Platone le tré vie
sudette degli individui minerali vegetabili et animali, le allargo fino al numero di sette,
percioche variandosi la mistione per quattro modi, si ritrovano tré vie semplici et quattro
miste delle quali ragionò Platone nella risposta che fece à Zenone suo discepolo quando
dimandato da lui in che maniera ritrovar potesse la felicità del mondo, gli rispose che la
felicità del mondo egli havrebbe se mobilitasse la terra con la terra, congelasse l'acqua con
l'acqua, pacificasse il vento col vento, estinguesse il fuoco col fuoco, empiesse la luna con la
luna, oscurasse il sole col sole, et Saturno con Saturno vivificasse et per queste parole volle
egli dire che haverà la felicità della pietra detta minor mondo se per le tre vie sudette
comporrà la detta pietra, percioche nella via minerale si mobilita la terra della marcasita con
la terra del mercurio volgare, peroche congiunte, queste terre si solvono et mobilitano,
passando per lambicco. » 91. Voir F. Hoefer, Histoire de la chimie depuis les temps les plus
reculés jusqu'à notre époque, II, Paris, 1843, pp. 242-244 ;J. Small

➌ Cléanthe
Lui aussi ignoré de la littérature alchimique grecque, le successeur de Zénon à Athènes
n'est qu'indirectement relié à la littérature alchimique arabe. En effet, il n'apparaît, semblet-il,
que dans le Kitaeb sirr al-Ïalîqa (Le livre du secret de la création) mis sous le nom
d'Apollonius de Tyane, en arabe Balînaes ou Balînºs 96 . Or, bien qu'il ait été utilisé par Jaebir
ibn Îayyaen et surtout qu'il contienne, comme l'on sait, la plus ancienne version connue de la
fameuse IV (1990IV ( -1991 (Paris, 1560), Joannes Chrysippus Fanianus 105 laisse entendre
que Chrysippe a allégoriquement fait allusion au grand oeuvre. Traitant de l'usage de la
métaphore chez les alchimistes, Fanianus explique à propos de Raymond Lulle : « S'il a utilisé
les lettres de l'alphabet, Aristote fit également de même, et l'on ne doit pas plus s'étonner à
propos de Lulle qu'à propos d'Aristote de ce qu'il ait ainsi écrit à la manière des anciens et des
étrangers, puisqu'Aristote lui-même dans son De secretis secretorum (si du moins cet
ouvrage est bien d'Aristote) nomme la pierre animale, végétale et métallique " oeuf ", et que
Pythagore nomme " fève " ce dernier, si nous en croyons Marcellus 106 . Coelius [Rhodiginus]
dit aussi au livre XIV 107 de ses Lectiones antiquae que dans l'oeuf se retrouve
analogiquement toute la machine du monde, appelant " terre " son enveloppe ou coquille, "
TRADUCTION 13

eau " l'humeur réfrigérante et humectée qui lui est voisine, " air " ce qu'il contient de spiritueux,
chauffant et humide, " feu " son jaune. Cela est confirmé, ajoute-t-il, par la modération de la
chaleur qui est la sienne comme par sa nature assez sèche, en même temps que par sa
couleur et sa figure ronde et par la force vitale qui se trouve en lui, ainsi que c'est le cas pour
le monde. Certains vont plus loin et, parlant de manière surprenante comme le font les
précédents, nomment " quinte essence " le coeur même des oiseaux qui se tient au milieu et
même au centre du jaune de l'oeuf. Que dire encore de ce fait qu'il est attesté que beaucoup
d'êtres plus admirables naissent dans un oeuf, comme des serpents et une forme semblable
à l'homme, que l'on dit douée d'admirables vertus et que l'on nomme la vraie mandragore ?
Ou du lait de coq (sur lequel Érasme a écrit beaucoup de choses en se fondant sur
Aristophane, Pline, Eustathe et Athénée 108 ), lait si rare à trouver que ºƒµ §…›µ zc≥` est
devenu une expression proverbiale, fort appropriée aux riches et à ceux qui ont tous les biens
en abondance ? Et Chrysippe, à ce que rapporte Cicéron, n'a-t-il pas écrit que l'oeuf dont rêva
une certaine personne concernait un trésor, et que l'oniromancien que consulta cette
personne conjectura que le jaune de l'oeuf indiquait de l'or et le reste, de l'argent 109 (Paris,
1654) 115 . On retrouve Sénèque dans le petit livre anonyme de François Alary 116 , Le
Parnasse assiégé ou la guerre declarée entre les philosophes anciens et modernes (Lyon,
1697), ouvrage burlesque, encore que son but affiché soit de « demontrer la realité de la
Science d'Hermes, & la verité de la Médecine de Paracelse » 117 . Cette guerre oppose les
sectes des académiciens, des épicuriens, des gymnosophistes, des Ioniens, des
péripatéticiens, des gassendistes, des cartésiens, qui veulent chacune s'emparer du Parnasse
après la mort de son maître, Apollon. Non seulement les stoïciens ne font pas partie des
belligérants, mais ils réprouvent ceux-ci : « Enfin l'on ne pouvoit s'imaginer que le bruit dût
jamais cesser. Car les Stoïciens reprenoient si rudement de tous côtés les mutins, y étant
excités par Zenon leur General que l'on auroit veu les Philosophes entre eux en venir bientôt
aux mains ; ce qui animoit même davantage toutes les sectes les unes contre les autres.
Aussi quand, à l'incitation de Diogène le Cynique, l'on forme, pour tenter de rétablir la paix, un
conseil dont Aristote est élu chef, c'est sans doute en raison de leur neutralité que ce dernier «
établit Seneque & Vegetius pour faire la charge de ses Secretaires » 120 .

Quoique relativement discrète, surtout comparée avec celle, beaucoup plus massive,
d'Aristote et des aristotéliciens, la présence des stoïciens dans la littérature alchimique n'est
donc pas aussi rare que Jean-Paul Dumont et Bernard Joly l'ont affirmé. Reste à examiner si
cette présence est liée à une influence significative du stoïcisme sur l'alchimie, voire à
l'institution d'un « modèle » stoïcien, en sorte qu'il faudrait prendre à la lettre les vers de
l'anonyme et satyrique auteur du Chymica vannus (Amsterdam, 1666) 121 : « Qu'est-ce que la
chimie, sinon la secrète école des sages Qui te montre les oeuvres de la nature universelle ?
Qu'est-ce que la chimie, sinon la « Dans l'esprit céleste de l'alchimie, mélange de feu et d'air,
comment ne pas reconnaître le pneuma des stoïciens ? » demande Bernard Joly, qui poursuit
: « Ce feu venu du ciel engendre toutes choses : il est semence universelle, qui donne aux
corps leurs propriétés particulières dans les trois règnes, ce qui correspond à la qualité
TRADUCTION 14

déterminante des stoïciens, mais qui leur donne aussi leur consistance en les fixant ; les
stoïciens appelaient tonos cette force cohésive du pneuma. La matière ainsi constituée est
faite du mélange des éléments actifs (le feu et l'air) et des éléments passifs (l'eau et la terre).
De la même manière, l'esprit céleste des alchimistes se mêle à l'humidité radicale : ce sont
les deux principes, Soufre et Mercure, qui dans leur union intime ne perdent pas leurs
propriétés ; tel est le mélange total des stoïciens, inévitable si l'on admet que le pneuma se
répand dans un monde où il n'y a pas de vide, comme l'enseignaient Chrysippe, Apollodore et
Posidonius, selon le témoignage de Diogène Laërce » 123 .

On prendra garde tout d'abord qu'il serait fort aventureux de parler de l'esprit céleste « de
l'alchimie » en général, puisque, nous l'avons montré, il s'agit là d'une innovation de l'alchimie
de la Renaissance 124 , et d'une innovation que tous les alchimistes n'acceptèrent pas. C'est
en particulier le cas de Johann Joachim Becher (1635-1682) 125 au moins dans le traité où
Jean-Paul Dumont prétendit pourtant retrouver les conceptions matérialistes stoïciennes,
l'OEdipus chimicus (Francfort, 1664). En effet, si Becher -à qui il arrive souvent de se
contredire, y compris à l'intérieur d'un même ouvrage 126 -accepte dans le premier
Supplément à sa Physica subterranea (Francfort, 1669), l'Experimentum chymicum novum
(Francfort 1671) 127 , l'existence d'un spiritus universi, il la refuse dans l'OEdipus chimicus,
où il explique : « D'aucuns affirment qu'existe sur terre un esprit (spiritus) unique qui vivifie et
conserve tous les corps, les uns lui attribuant pour demeure la rosée, d'autres la pluie,
d'autres la glaise, la terre, les silex, un assez grand nombre le nitre, d'où ils s'efforcent de
l'extraire par des procédés variés. Mais de telles gens semblent mal comprendre la Nature et
vouloir la faire matériellement comparaître devant leurs yeux. L'activité vitale des choses est
en effet une faculté de la nature, non point quelque corps ou esprit matériel que l'ouvrier peut
parvenir à prendre dans sa main. Car il y a une égale impossibilité à voir devant ses yeux les
qualités occultes de la nature et à chercher à les manier de ses mains. Je ne nie point que
l'on puisse trouver des matières subtiles qui puissent développer l'activité vitale et conserver
les corps, mais de façon accidentelle et non pas essentielle, et au surplus de diverses
manières. En effet les végétaux croissent et sont aidés dans leur activité vitale grâce au
fumier, les animaux grâce aux bons sucs, les métaux grâce aux soufres. Donc, vouloir trouver
un unique esprit pour l'activité vitale de toutes les choses revient au même que de poser une
seule matière pour les trois règnes, ce qui est absurde. » 128 Quant aux alchimistes qui
soutinrent l'existence d'un esprit universel, il n'était évidemment pas question pour eux de
reconduire, au moins ouvertement, le monisme matérialiste du Portique dans la mesure où ils
étaient chrétiens ou devaient paraître tels. himself in the same work or in different works, and
use the same word in a variety of meanings, and different words for the same thing (haerent
Peripatetici in verbis nos in rebus habitaculum aliqui rori, alii pluviae, alii luto, terrae, silicibus,
non pauci nitro asscribunt, unde variis laboribus educere conantur, verùm tales videntur
Naturam subintelligere eamque corporaliter ob oculos sistere velle, rerum enim vegetatio
naturae facultas est non materiale aliquod corpus vel spiritus, qui in manus artificum veniat,
pari enim impossibilitate occultas qualitates naturae suis quis oculis videbit, suis quaeret
TRADUCTION 15

tractare manibus ; Non inficias eo reperiri materias subtiles, quibus vegetatio promovetur
atque corpora conservantur ; verùm accidentaliter, non essentialiter, tum diversimodè, fimo
enim vegetabilia, bonis succis animalia, sulphuribus metalla promoventur, suaque in
vegetatione adjuvantur, unicum ergo spiritum pro omni rerum vegetatione velle quaerere, est
idem ac statuere unam materiam pro tribus regnis, quod absurdum est. » J.-P. Dumont a
évidemment ignoré ce texte.

Leur spiritus mundi ne pouvait donc être le pneuma igné des stoïciens conçu comme la
Divinité elle-même, matérielle et immanente. C'est ce que rappelle dans son Traicté du feu et
du sel (Paris, 1618) Blaise de Vigenère (1523-1596) 129 -qui ne fait au reste pas des stoïciens
les inventeurs de la doctrine du feu artiste, la rapportant à la « Theologie Phenicienne »,
laquelle selon lui « n'admettoit qu'vn seul element, le feu ; qui est le principe & la fin de tout ; le
producteur & destructeur de toutes choses » 130 . Parlant du feu, Vigenère note : « Les
Stoiciens, bien que trop superstitieux en cela, faisoient vn si grand cas de cest element, qu'ils
le disoient estre ie ne sçay quoy de viuant, & tres-sage, fabricateur de tout l'Vnivers, & de ce
qui y estoit contenu, à propos de ce que nous auons cydessus allegué de la Sapience 7 qui
sont les bêtes metaphisiques, scholastiques, lors qu'elles nous representent le grand nombre
des opinions fausses, qui ont étés etablies par succession des temps, car avant que nous
decouvrions le verité, nous sommes sujets à mils erreurs que nous avancons tres souvent
pour des choses certaines. La Region fantastique de ce cercle est l'origine de touttes les
sectes des faux philosophes & de leur division, de la sont venû les visionairs sceptiques
desesperés, les voluptueux epicuriens les stoiques hypocrites & les peripateticiens Athées,
de la aussy procedent leurs contestations sur la nature, sçavoir, si la premiere matiere est le
feu, si elle est l'air, ou, si elle est l'Element de l'eau, ou celuy de la terre, ou bien enfin si elle est
une vision d'atomes, touttes les quelles choses sont des suppositions fabuleuses. ignare
sagesse, en disant que certaines des choses créées sont des `À…∑'√∫«…`…`, c'est-à-dire
qu'elles demeurent par soi, lesquelles, par leurs propres hyparxis, essence et forces, ne
s'appuient, pour être, sur rien d'autre que sur l'être incréé de Dieu, être producteur et créateur,
qui de même qu'il les a produites, les conserve et les maintient afin qu'elles ne retournent pas
au néant, et il les convertit à lui, les couve de ses forces continues et inépuisables et les
rappelle à lui. » 136 Cet amalgame entre les stoïciens et les épicuriens trouvait un appui dans
l'Écriture sainte elle-même, les Actes des Apôtres [17,[16][17][18] nous apprenant que sur
l'agora d'Athènes, cette « ville remplie d'idoles » dont le spectacle « faisait brûler en lui
l'indignation », saint Paul était abordé par « des philosophes épicuriens et stoïciens », dont «
les uns disaient : "que peut bien vouloir dire ce discoureur ?", d'autres : "On dirait un précheur
de divinités étrangères", parce qu'il annonçait Jésus et la résurrection ». Ainsiencore que ce
ne soit pas dans un contexte exactement alchimique, mais dans un écrit dirigé contre les
Rose-Croix -ce sont ces versets évangéliques que l'on trouve cités par l'antiparacelsien
Andreas Libavius (ca 1550-1616) 137 (Francfort, 1615), qui répond aux attaques lancées par
Nicolas Guibert (ca 1547-ca 1620) 139 contre l'alchimie, le même Libavius rappellera encore
l'impiété de la conception que les stoïciens se faisaient de Dieu :
TRADUCTION 16

« Après le Diable il appelle à l'aide les païens Homère, Ovide, Galien, etc. L'on s'étonne ici
que notre homme manque à ce point de décence qu'il ose citer Ovide et Galien comme s'il
traitait avec des personnes qui n'ont lu les écrits ni de l'un ni de l'autre, et comme si,
conduisant la danse, il sautillait au milieu de servantes de bouviers. Ovide attribue des
métamorphoses à ses dieux. Que dire de la tête de Méduse ? Est-ce là Dieu ? Circé use de
magie diabolique. Les transmutations sontelles possibles grâce au Diable ? Que penser des
exemples du XV e livre des Métamorphoses ? Des abeilles naissent du cadavre d'un boeuf, un
cheval de guerre enfoui sous terre donne naissance à un frelon, etc. Voyez ce qui est dit à
propos d'un scorpion naissant d'un crabe, de vers à soie changés en papillons, de grenouilles
naissant du limon, d'un serpent naissant de la moelle épinière d'un homme, etc. Galien nie
avec Pline que Dieu puisse quoi que ce soit de plus que la nature. Les stoïciens l'enchaînent
au destin 140 . Voilà bien de fameux témoignages ! » 141 Même si cette condamnation du
stoïcisme ne fut pas unanime, elle reste suffisamment massive pour éclipser des textes
comme celui des Aurei Velleris […] mouvement du ciel n'étant ni un mouvement nécessaire, ni
un mouvement par violence, mais un mouvement intermédiaire entre ceux-ci, de sorte qu'il
dépend de la volonté de Dieu, lequel est fléchi par les sacrifices, les offrandes, les prières, les
jeunes, les aumônes -autrement, s'il n'était pas tout-puissant, s'il était soumis à la nécessité, il
ne serait pas Dieu, de même qu'un homme ne serait point un homme s'il n'avait pas de libre-
arbitre, mais, telle une bête, agissait sous l'empire d'autrui, ce contre quoi s'élève la sentence
d'Épictète qui disait : "Quoique je sois esclave de corps, je porte partout avec moi une âme
libre" 142 . Et si l'homme était contraint par nécessité ou par prédestination à faire tout ce qu'il
fait, il ne serait nullement soumis au jugement divin, tout comme un animal dépourvu de
raison, puisqu'il serait excusé par le destin et la prédestination, c'est-à-dire l'ordre de la
nécessité. » 143

Une dé-divinisation du pneuma


Rien ne s'opposait cependant à ce que les alchimistes tinssent le pneuma igné des
stoïciens pour être la nature entendue comme principe actif de la génération et de
l'organisation des êtres : ce pneuma n'est plus alors Dieu, mais seulement l'instrument de
Dieu. Ainsi, dans sa Philosophia pyrotechnica seu cursus chymiatricus (Paris, 1635), traitant «
De la nature, c'est-à-dire de l'esprit du monde et de son séminaire général, ainsi que des
opinions des anciens philosophes sur la constitution de sa nature », et après s'être appuyé
aussi bien sur la Genèse que sur la philosophie néoplatonicienne 144 pour faire de cet esprit
du monde, qui procède de l'âme du monde, un feu ou une lumière 145 Paris, 1640, p. 292 : «
Conclude animalem quendam spiritum semper ab anima mundi, quasi interioris vitae
propaginem, pullulare, ignemque hunc esse, & quasi animale lumen ipsum, in dimensiones
iam porrectum, spiritum actu omnium vbique fomitem, coelum inquam, non circumfusum
solum, sed etiam cunctis infusum, coelumque coelorum, flatum animae diuinioris, sub forma
quadam animae proxima, id est, caelesti, id est ignea : hoc est translucida, lucida, calida ;
protinus euolantem, mox in aërem dissimiliorem animae tumescentem, subinde in aquam
TRADUCTION 17

terramque compactum. » « Le feu céleste est un feu unique et pur, ne subissant ni ne


produisant aucune violence, brillant d'admirable manière, mais au-delà de la vue, et ardant
très suavement. En revanche, notre feu qui brûle n'est pas un feu pur, mais plutôt un élément
igné. Assurément, parce qu'il peut plus facilement que le reste être engendré et engendrer,
s'augmenter, briller très longtemps, attirer toutes choses à lui et naître partout, ce feu tient
tout du ciel, lequel a partout vigueur. Voilà pourquoi Théophraste consacre un livre entier à
admirer la puissance du feu 146 . Voilà peut-être d'où vient cet esprit que les stoïciens
disaient infus en toutes choses, géniteur des réalités naturelles et séminaire du monde. Au
livre I de son Du régime, Hippocrate le nomme également feu : démontrant en cet endroit le
cercle et la conspiration de la nature dans les corps, il dit : "le feu a établi des triples circuits"
147 , comme s'il disait "la nature a éta-bli…". Les Anciens appelaient cet esprit "lien du monde
tout entier", grâce à quoi ce monde, quoique constitué de choses si diverses, est dit un. Pour
parler chrétiennement, on peut dire que cela n'est rien d'autre que la continuelle opération de
Dieu le protecteur (opération que les théologiens nomment "nature naturante") au moyen de
cet esprit, feu ou séminaire général, qui est comme son instrument très proche et que nous,
nous appelons de façon appropriée "nature naturée". La première nature est donc Dieu, tandis
que la seconde est la nature proprement dite, laquelle se divise en universelle et en
particulière. L'universelle est cette puissance ordonnatrice de Dieu diffuse à travers l'univers,
et elle est tenue pour être une vertu divine que Dieu a placée dans toutes les créatures. C'est
pourquoi les Anciens disaient que tout est plein de Dieu. En outre, c'est la nature universelle
dont parle Platon dans le Timée lorsqu'il dit : "La nature est une certaine force infuse à travers
toutes choses, régulatrice et nourrice des corps, principe du mouvement et du repos en eux-
mêmes" 148 . En des termes presque identiques, Hermès dit que cette nature est une
certaine force issue de la cause première, diffuse à travers tous les corps, principe en soi du
mouvement et du repos en soi. Anaxagore, Démocrite, Parménide, Pythagore et d'autres très
sages philosophes reconnurent cette force comme étant une intelligence diffuse à travers
l'univers, auteur « Les Stoïciens définissent la nature, (c'est-à-dire, ce qui fait cet ordre des
choses que nous appellons Nature), un feu artificiel, qui dans toutes ses actions tend à la
generation, & que c'est un esprit qui ressemble au feu, & à un ouvrier qui travaille toûjours
pour former quelque chose. Opinantur naturam ignem esse artificialem suo itinere ad
generationem tendentem, id autem esse spiritum, ignis speciem artisque prae se ferentem
151 .

Et en effet si l'on considere que la matiere subtile étherée produit le feu par son
mouvement, & que toutes choses se produisent & se corrompent par le mouvement de cette
matiere qui se meut toûjours, on verra que cette espece de feu n'est jamais oisif, parce qu'il
ne cesse jamais de se mouvoir Paris, 1724. 151. Cf. Cicéron, De natura deorum, II, 57 (= J. von
Arnim, Stoicorum Veterum Fragmenta, I, 171) : « Zeno igitur naturam ita definit, ut eam dicat
ignem esse artificiosum ad gignendum progredientem uia. Censet enim artis maxime
proprium esse creare et gignere, quodque in quibus nostrarum artium manus efficiat, id multo
artificiosius naturam efficere, id est, ut dixi, ignem artificiosum, magistrum artium reliquarum.
TRADUCTION 18

» d'engendrer ou de corrompre toûjours quelque chose, soit sur la terre, ou dans ses entrailles
les plus profondes, soit dans l'air, ou dans les eaux. L'on verra que cette matiere subtile est le
principe de la vie & des actions de toutes les choses ; car la vie & les actions ne sont que des
mouvemens, de maniere que si l'on ne doit pas suivre l'erreur de Platon, d'Aristote, & des
Stoïciens même, en disant que cet esprit de feu étherée est Dieu, on peut dire sans difficulté,
que c'est l'instrument immediat dont Dieu se sert pour former la nature naturée sensible, &
que c'est l'ame du monde qui anime, donne la vie & la forme à tous les individus de l'univers.
C'est ce que les Academiciens ont appellé Forme, c'est-à-dire, esprit formateur, & plusieurs
Anciens & autres plus modernes l'ont nommé Natura Plastica 152 , ou nature ouvriere. » 153
Et c'est également en ce sens -comme l'indiquent assez les autres autorités alléguées -que,
dans la préface de sa Basilica medica (Francfort, 1618), Johann Daniel Mylius 154 interprète
le feu artiste de Zénon : 152. Il s'agit bien sûr de Ralph Cudworth, dans The True Intellectual
System of the Universe, Londres, 1678, spéc. I, III, XXXVII, pp. 147-181 (où, p. 153, il se réfère
à Paracelse et aux chymistes : « Lastly, as the latter Platonists and Peripateticks have
unanimously followed their Masters herein, whose Vegetative Soul also is no other than a
Plastick Nature; so the Chymists and Paracelsians insist much upon the same thing, and
seem rather to have carried the Notion on further, in the Bodies of Animals, where they call it
by a new name of their own, the Archeus. ») ; il s'agit aussi de Henry More, qui écrit par
exemple dans l'Immortalitas animae, II, VIII, 6 (Philosophicorum Tomus alter, Londres, 1679,
p. 353) : « verùm altiùs ascendemus ad argumenta validiora ; in quibus hoc, puto, locum
aliquem habere possit, Nullam nos nullius animae operationem immediatam usquam
deprehendere, quam non ea primùm in materia exerit majorem in modum puritatis
partiúmque tenuitatis participem, quae sequax sit ductilis ; quod in omnibus omnino
generationibus observari potest ; ubi corpus semper è tenui fluidóque liquore organizatur, qui
Plasticae virtuti animae cedit facillimé. Nec dubito quin ea imprimis moveat, quippe ad
movendum opportunissimas, partes subtilissimas, quales sunt illae primi secundíque
elementi Cartesiani, quae ex istiusmodi substantia humida ac tenui nunquam excluduntur :
quae ejus elementa, sunt illa verè coelestis seu aetheria materia, quae ubique est, ut Ficinus
alicubi affirmat de coelo, & ignis ille, quem Trismegistus [en marge : Poemand. cap. 10. sive
Clavis] ait intimum esse mentis vehiculum, ac instrumentum quo Deus usus est in mundo
fabricando, *quóque Animam mundi, ubicunque quid agat, etiamnum uti certissimum est. »
La note * (p. 355) précise : « Per Animam Mundi intellige Spiritum Naturae, non talem
Animam Mundi qualem utplurimum fingunt Platonici. » La théorie cudworthienne de la nature
plastique suscita, comme on sait, un débat entre P. Bayle (Continuation des pensées diverses
[…] Stuttgart, 1991, pp. 111-114. « Saint Bernard (In Cant., serm. VIII) dit : "L'industrie de la
nature ne peut dormir en nous ; assurément la nature elle-même est un grand don en nous" ;
Boèce (De consolatione philosophiae,III [20]) : "La nature donne à tous les êtres ce qui leur
convient et travaille à ce qu'ils ne périssent pas aussi longtemps qu'ils sont aptes à
subsister". Hugues dit : "La nature est une certaine force et puissance créatrice divinement
introduite dans les choses, qui produit les êtres les uns à partir des autres à l'intérieur de leur
genre" 155 ; Cassiodore (Epistulae, IV, 38) : "Quand la nature lui est opposée, toute industrie
TRADUCTION 19

lui cède" ; saint Thomas ([Summa theologica,] 1 re part., q. 29, art. 1) : "La nature fait naître
toutes choses". Zénon ([Cicéron], De natura deorum, II, [LVII]) définit la nature "un feu artiste,
qui procède méthodiquement à la génération" 156 . » 157 Dans ces conditions, le feu des
stoïciens n'est "divin" que dans la mesure où cette nature créée est l'image et le symbole de
Dieu, lequel n'est plus lui-même "feu" que métaphoriquement, ainsi que l'explique Cesare Della
Riviera (ca 1538-1625) 158 « Pour en revenir à l'anima mundi, les gens vulgaires de l'espèce
la plus lourde ont employé ce mot "âme" comme nous le faisons avec celui de materia prima
ou avec celui de "pierre des philosophes" : ils pensent que c'est quelque chose d'excellent et
de singulier, mais n'en ont aucune notion définie et arrêtée. » 169 Appliqué aux alchimistes
eux-mêmes, ce jugement serait certes très excessif. Il faut cependant convenir que ceux-ci
n'ont pas défini leur esprit universel du monde de manière unanime, ni, souvent, arrêtée et
claire. La reconnaissance de l'existence d'un pneuma ou spiritus mundi qui n'est pas Dieu,
mais sa créature et son instrument, n'implique en particulier nullement qu'ils aient adopté de
façon un tant soit peu rigoureuse les doctrines physiques stoïciennes. Les amalgames
d'autorités disparates où s'inscrivent les références au feu artiste de Zénon l'indiquent assez
à eux seuls 170 The dullest sort of the Vulgar People used this word Soul, as we do that of
Materia Prima, or the Philosophers-Stone ; they thought it be some strange excellent Thing,
but had no particular formd Notion thereof : » 170. De tels amalgames de doctrines
philosophiques diverses ne sont évidemment pas propres aux alchimistes, lesquels
pouvaient les tirer de la littérature philosophique. Ainsi dans sa Philosophia pyrotechnica seu
cursus chymiatricus, II, XVIII (« De principiis seu elementis in specie, & primò de Sale »),
Davisson écrit (p. 449) : « Mais pour que des allégories et du sens mystique nous accédions à
une véritable investigation de sa nature, il nous faudra poser quelques fondements pouvant
illustrer la nature du ciel et par conséquent du feu. Tout d'abord nous utiliserons en cette
partie les oeuvres de Piccolomini, qui écrit au chapitre II de son traité du ciel : "En recherchant
la nature des choses, les plus anciens philosophes ont jugé de celles qui sont distantes des
sens par celles qui leur sont plus proches. Du fait que tout ce qui se présente devant nos yeux
est soit l'un des quatre éléments, soit un mixte de ces quatre éléments, ils ont jugé que le ciel
était aussi de même nature. C'est pourquoi Empédocle pensait qu'il était composé des quatre
éléments ; Démocrite, Leucippe et Épicure estimèrent qu'il se compose d'atomes s'accordant
surtout avec la nature du feu ; Diogène [d'Apollonie] disait qu'il est un air raréfié ; Pythagore,
Héraclite, la suite des Stoïciens soutenaient qu'il est un feu, et Plotin dans son livre du ciel,
confirme, en suivant l'avis de Platon, que le ciel est un feu." » (« Sed vt ab allegoriis & mystico
sensu ad veram eius naturae inquisitionem accedamus, ponenda erunt aliquot fundamenta,
quae caeli en cela certaines thèses du Testamentum pseudo-lullien pour les appliquer au
spiritus mundi, ce dernier est la « quinte essence », substance pure dans laquelle est
comprise toute la nature et que Dieu créa d'abord ex nihilo pour en tirer ensuite les anges et
le ciel empirée, puis le firmament et les astres, et enfin notre monde 171 . Quant à Guillaume
Mennens, Cesare Della Riviera et William Davisson, ce sont des conceptions du monde
résolument néoplatoniciennes qu'il défendent. Della Riviera emprunte à Ficin et à Farra sa
doctrine du spiritus mundi 172 . De Guillaume Mennens, anti-aristotélicien avoué, prenant
TRADUCTION 20

pour phare Georges de Venise 173 , on a pu dire qu'il donne « dans tous les écarts de
l'idéologie ultraplatonicienne » 174 . Quant à William Davisson, pour qui, nous l'avons dit,
l'esprit du monde procède de l'âme du monde dont il est « comme le rejeton de la vie interne »
175 , ce sont toujours les néoplatoniciens antiques et modernes -Ficin 176 Severinus (Peder
Sørensen, 1540/42-1602 180 , constituent l'une des sources majeures de sa doctrine.

L'interprétation néoplatonicienne du pneuma matériel des stoïciens comme véhicule


d'une âme du monde incorporelle ne posait pas sur le fond un problème théologique aussi
grave que celui de la divinisation stoïcienne de ce pneuma matériel. Comme Jakob
Thomasius l'objecta à Juste Lipse dans la quatorzième (« Stoicus Deus forma Mundi
informans ») de ses Dissertationes ad Stoicae Philosophiae et caeteram Philosophicam
Historiam facientes argumenti varii -où Vivès est épinglé au passage pour son ignorance de
la doctrine du Portique -, il n'y a pas une « légère », mais une « énorme » différence entre
identifier, avec les stoïciens, l'âme du monde à Dieu et en faire, avec les platoniciens, une
production de Dieu 181 . Dès lors, en effet, que l'âme comme l'esprit du monde étaient 180.
Cf. Les Elemens de la philosophie de l'art du feu ou chemie, Paris, 1651, p. 17 Paris, 1899-
1972, XII, col. 2322-2338 l'Âge classique ne condamnèrent-ils pas comme contraire à la foi la
thèse d'une âme du monde créée, lors même qu'ils rejetaient pour leur part son existence, ce
qu'ils firent dans leur immense majorité. De fait, même parmi les théologiens platonisants du
Moyen Âge -y compris les maîtres de l'école de Chartres -186 qui, à partir du Timée 187 , de
son commentaire par Calcidius, de l'In somnium Scipionis (I, 15) de Macrobe et du D e
consolatione philosophiae (III, IX) de Boèce, mais aussi d'écrits augustiniens aujourd'hui
reconnus comme apocryphes, tel que le Sermo CLVII in vigilia Paschae (I, 3) 188 , et enfin de
la tradition arabe, en particulier d'Avicenne 189 , se livrèrent à des spéculations sur l'âme du
monde, beaucoup ne reconnurent pas l'existence d'une véritable âme du monde dans la
mesure où ils identifiaient cette dernière à Dieu. Ce fut en particulier le cas du chartrain
Guillaume de Conches (1080-1145) 213 , il s'appuie seulement sur la théorie de l'âme du
monde pour montrer que Platon et les Anciens avaient eu une certaine intuition du Saint-
Esprit, démonstration qui s'appuie elle-même sur une théorie de l'involucrum interdisant de
prendre à la lettre les discours des philosophes antiques sur l'âme du monde 214 . D'ailleurs,
dans la révision de sa Dialectica, Abélard rejette ouvertement la théorie du monde « animal
immense, vivant d'une âme divine » 215 .

Cette circonspection des théologiens platonisants dans l'affirmation de l'existence d'une


âme du monde eut pour pendant celle des anti-platoniciens dans leur négation de cette âme.
Pour ne prendre que quelques exemples dans un milieu peu suspect d'une excessive
complaisance envers le platonisme, celui de la Compagnie de Jésus au dernier quart du XVI e
siècle 216 , ce fut la position de Benito Pereyra (Pereirus, 1535(Pereirus, -1610 (Rome, 1593),
ouvrage qui servit lui-même de référence pour l'élaboration de l'enseignement reçu et
dispensé par les jésuites : si Crispo souligne le caractère théologiquement hétérodoxe de la
doctrine platonicienne qui fait de l'âme humaine une partie de l'âme du monde dès lors que
TRADUCTION 21

l'on assimile à Dieu cette âme du monde 220 , il ne se prononce en revanche pas sur la
doctrine de l'âme du monde conçue comme distincte de Dieu.

Il en alla pareillement dans les milieux de la Réforme. Témoin le pasteur luthérien et


professeur extraordinaire de théologie à Leipzig, August Pfeiffer (1640-1698) de Gassendi à
Voltaire, ; A. Mothu, « La pensée en cornue : considérations sur le matérialisme et la "chymie"
en France à la fin de l'âge classique », Chrysopoeia, IV (1990IV ( -1991, pp 307-445, et « Le
mythe de la distillation de l'âme au XVII e spéculations des rénovateurs du platonisme
comme Henry More (1614-1687) 227 et Ralph Cudworth (1617-1688 228 , des théologiens, tel
l'abbé Bergier (1718-1790) dans son Dictionnaire de théologie (Paris, 1778), s'élevèrent
violemment contre la théorie de l'âme du monde, ce sont toujours les doctrines -qualifiées de
pythagoriciennes aussi bien que de stoïciennes -ramenant Dieu à l'âme du monde qui sont
visées 229 .

Distinction et unification des Âme et Esprit du monde chez les


alchimistes
Une des interprétations hétérodoxes de la doctrine de l'âme ou de l'esprit du monde
consistait donc à confondre cette âme du monde telle que la concevaient et la définissaient
les platoniciens, soit avec Dieu même, soit, plus spécifiquement, avec l'une des personnes
divines, que ce fût le Saint-Esprit ou le Verbe. C'est ce que reprocha aux alchimistes Johann
Crato von Krafftheim (1519-1585) 230 Londres, 1968, p. 47 : « The smattering I have of the
Philosophers stone, (which is something more than the perfect exaltation of gold) hath taught
me a great deale of Divinity, and instructed my beliefe, how that immortall spirit and
incorruptible substance of my soule may lye obscure, and sleepe a while within this house of
flesh. Those strange and mysticall transmigrations that I have observed in Silkewormes,
turn'd my Philosophy into Divinity. There is in these workes of nature, which seeme to puzle
reason, something Divine, and hath more in it than the eye of a common spectator doth
discover. » Le manuscrit Pembroke ajoute (éd. N. Endicott, ibid.) : « I have therefore forsaken
those strict definitions of death, by privation of life, extinction of naturall heate, separation,
etc. of soule and body, and have fram'd one in an hermeticall way unto mine owne fancie ; est
mutatio ultima, quâ perficitur nobile illud extractum Microcosmi, for to mee that consider
things in a naturall and experimentall way, man seemes to bee but a digestion et critiquait la
jactance des alchimistes 236 . Loin de déceler, comme Crato, une quelconque impiété dans
l'esprit du monde des philosophes hermétiques, Browne fait au contraire de son existence un
argument en faveur de celle de Dieu : « Maintenant, outre ces esprits particuliers et divisés, il
peut exister (pour autant que je sache) un esprit universel et commun au monde tout entier.
C'était l'opinion de Platon, et c'est encore celle des philosophes hermétiques. S'il existe une
nature commune qui unit et lie en une même espèce les individus dispersés et divisés,
pourquoi ne pourrait-il en exister une qui les unisse tous ? Quoi qu'il en soit, je suis sûr qu'il
TRADUCTION 22

existe un Esprit commun qui agit à l'intérieur de nous bien qu'il ne constitue aucune partie de
nous, et que c'est l'Esprit de Dieu, le feu et l'éclat de cette noble et puissante essence, qui est
la vie et la chaleur radicale des esprits, et de ces essences qui ne connaissent pas la vertu du
Soleil ; un feu entièrement contraire au feu de l'enfer. C'est la douce chaleur qui couvait les
eaux, et qui en six jours fit éclore le monde ; c'est ce rayonnement qui dissipe les brumes de
l'enfer, les nuées de l'horreur, de la crainte, de l'affliction, du désespoir, et maintient la région
de l'âme dans la sérénité ; de quiconque ne sent pas le souffle chaud et la douce brise de cet
Esprit, je n'ose dire qu'il vit quoique je sente son pouls, car vraiment sans lui il n'est pour moi
aucune chaleur sous les tropiques, ni aucune lumière, même si j'habitais dans le corps du
Soleil. » 237 or a preparative way unto that last and glorious Elixar which lies imprison'd in the
chaines of flesh &c. » 235. Cf. id., XLVI, éd. N. Endicott, p. 54 : « That common sign drawne
from the revelation of Antichrist, is as obscure as any ; in our common compute he hath
beene come these many yeares, but for my owne part to speake freely, I am halfe of opinion
that Antichrist is the Philosophers stone in Divinity, for the discovery and invention whereof,
though there be prescribed rules, and probables inductions, yet hath hardly any man attained
the perfect discovery thereof. » 236. Cf. Pseudodoxia Epidemica, or Enquiries into very many
received tenents, and commonly presumed truths (Londres, 1650), chap. VII, éd. N. Endicott,
p. 134 : « These with swarms of others have men delivered in their writings, whose verities are
only supported by their Authorities : but being neither consonant unto reason, nor
correspondent unto experiment, their affirmations are unto us no Axiomes ; we esteem
thereof as things unsaid, and account them but in the list of nothing. I wish herein the
Chymistes had been more sparing ; who overmagnifying their preparations, inveigle the
curiosity of many, and delude the security of most. For if experiments would answer their
encomiums, the Stone and Quartane Agues, were not opprobrious unto Physitians ; we might
contemn that first and most uncomfortable *Aphorism of Hippocrates ; For surely that Art
were soon attained, that hath so generall remedies ; and life could not be short, were there
such to prolong it. » La note * précise « Ars longa, vita brevis ».

237. Cf. Religio medici, XXXII, éd. N. Endicott, pp. 38-39 : « Now, besides these particular
and divided Spirits there may be (for ought I know) an universal and common Spirit to the
whole world. Is was the opinion of Plato, and it is yet of the Hermeticall Philosophers ; if there
be a common nature that unites and tyes the scattered and divided individuals into one
species, why may there not be one that unites them all ? However, I am sure there is a
common Spirit that playes within us, yet makes no part of us ; and that is the Spirit of God, the
fire and scintillation of that noble and mighty essence, which is the life and radicall heat of
spirits, and those essences Certains alchimistes prirent même le soin de rejeter
expressément l'identité de l'âme du monde avec l'une des personnes divines. Ayant fait, nous
l'avons vu, du spiritus mundi l'instrument immédiat de la « continuelle opération » de Dieu, et
ayant été conduit à assimiler l'âme du monde des néoplatoniciens à une « puissance de Dieu
», William Davisson met par deux fois son lecteur en garde, dans Les Elemens de la
philosophie de l'art du feu ou chemie (Paris, 1651), contre une éventuelle identification de
TRADUCTION 23

l'âme du monde avec le Saint-Esprit. Il avertit d'abord :

« Les Platoniciens nomment cet esprit ou puissance, l'ame du monde ; non pas que
formellement le S. Esprit ou troisiesme personne de la Trinité fust l'ame du monde, car ce
seroit vn blaspheme ; mais il est cause efficiente du monde, pource que cet esprit anime &
viuifie le monde. » 238 Et il répète plus loin : « Ceste opinion de l'Ame du monde, est si
commune parmy les Platoniciens, qu'il n'y en a pas vn seul qui ne soit de ce sentiment-là,
auquel s'accordent plusieurs d'entre les Poëtes & les Autheurs profanes.

Cét esprit ou Ame, est quelquefois nommé esprit de Dieu, quelquefois esprit des
Creatures. Mais il ne faut pas croire que cét esprit soit l'esprit de Dieu, qui est la troisiesme
personne de la Trinité : car ce seroit blaspheme, mais bien vn Esprit produit le premier iour,
qui souuant est nommé Esprit de Dieu, par excellence […]. » 239 Pour défendre l'existence
d'une âme du monde, Davisson ne craint pas de recourir à des autorités qui nous paraissent
étrangères, voire opposées à cette doctrine. Dans sa Philosophia pyrotechnica, il invoque
Aristote : « D'autres définissent l'âme du monde comme la puissance de Dieu et pour ainsi
dire le Dieu de la nature elle-même, ou l'âme de la nature moyenne, par le biais de that know
not the vertue of the Sunne ; a fire quite contrary to the fire of Hell : This is that gentle heate
that brooded on the waters, and in six dayes hatched the world ; this is that irradiation that
dispells the mists of Hell, the clouds of horrour, feare, sorrow, despaire ; and preserves the
region of the mind in serenity : whosoever feels not the warme gale and gentle ventilation of
this Spirit, (though I feele his pulse) I dare not say he lives ; for truely without this, to mee
there is no heat under the Tropick ; nor any light, though I dwelt in the body of the Sunne. » Cf.
aussi la traduction française de Ch. Chassé, Paris, 1947, pp. 73-74. Dans une note à la
traduction latine de J. (Lübeck, 1668(Lübeck, -1692, il admet bien l'existence d'un esprit
éthéré universel auquel il veut réduire l'âme du monde de Platon, laquelle, entendue au sens
strict d'âme, lui paraît totalement injustifiable : « Platon nomme "animal monde" tout cet
univers qu'il considère comme un animal et auquel il attribue une âme infuse à travers toutes
ses parties. D'où il est de nouveau clair que Platon a trop oeuvré à ramener les corps naturels
à ces classes universelles que sont les idées, conçues par l'intelligence. Il lui a paru absurde
qu'une partie du monde vive, mais non pas sa totalité, puisque le monde engendre des êtres
animés, et que ce qui est dépourvu d'âme ne peut engendrer des être vivants. Telle est, dans
le Timée, la véritable opinion de Platon, qui appelle "animal" cet univers parce qu'il
contiendrait le reste des êtres animés, parmi lesquels Platon comprend même tous les
disques célestes. Mais cette opinion implique de grandes absurdités. Car quoi de plus
absurde que d'imaginer un animal composé d'une infinité d'autres ? Par quel argument idoine
pourrait-on prouver qu'existe une âme du monde qui soit une intelligence rationnelle
différente de Dieu tout en n'étant pas un ange ? Assurément cela ne peut être démontré par
aucune raison, ni par la révélation. Toutes ces choses sont davantage semblables à des
fables qu'à la raison. Certes, les stoïciens ont eux aussi admis une âme du monde ; mais par
elle ils désignaient Dieu, que Platon distingue de l'âme du monde. Cette opinion est peut-être
TRADUCTION 24

également celle des pythagoriciens, mais on ne peut presque rien apprendre de précis sur
leur philosophie. Que si Platon veut entendre par cette âme du monde un certain esprit
éthéré, ensemencé des raisons séminales et répandu à travers les parties de l'univers, il ne
serait pas fort à reprendre pour une pareille opinion, et ceux qui rejettent cet esprit ne peuvent
rien nous riposter de plus connu et que nous puissions plus distinctement concevoir. De plus,
tous ceux qui nous ont donné des principes physiques, y compris les péripatéticiens, ont
imaginé un autre principe commun auquel ils ont recours quand ils ne peuvent expliquer une
chose au moyen des quatre éléments. Ils imaginent ainsi un cinquième être ou quinte
essence, comme on l'appelle couramment, qui pour ainsi dire dominerait parmi les quatre
éléments, et les régirait, tout en renfermant une sorte de combinaison supérieure de ces
éléments. (Lübeck, 1732, pp. 210-211) : « M u n d u m Animalem Plato vocat totum istud
Universum, quod, ut animal considerat, eique animam quandam per omnes partes infusam
affingit. Ex quo iterum patet, nimium laborasse Platonem in corporibus naturalibus ad
universales illas Idearum classes, mente conceptarum, reducendis. Absurdum illi scil. visum
est, partem aliquam mundi vivere, non verò totum, cùm mundus generet animantes, neque
illud, quod expers animi sit, generare possit animalia. Atque haec Platonis vera sententia est,
in Timaeo, Universum hoc animal vocantis, quod contineret relinquas animantes, quibus
comprehendebat etiam omnes orbes coelestes ; quae verò magnas absurditas implicat. Quid
enim est absurdius, quam fingere animal, ex aliis infinitis compositum ? quo idoneo
argumento probari poterit, esse aliquam mundi animam intelligentem rationalem, à Deo
diversam, quae tamen nec esset Angelus ? nullâ certè id ratione evinci potest, nec revelatione
; quae omnia portentis potius, quam rationi sunt similia. Stoici quidem Animam mundi etiam
agnoverunt, sed ea ipsa Deum notabant, quem tamen alium ab anima mundi facit Plato.
Fortassis & Pythagoreorum illa sententia est. Sed de illorum Philosophia nihil adeò distinctè
doceri potest. Quod si Plato per istam mundi animam intelligere velit Spiritum quendam
aethereum, rationibus seminarijs foetum, per partes universi dispersum, non esset adeò ob
istam sententiam reprehendendus, quique illum rejiciunt, nihil possunt nobis reponere, quod
notius sit, animoque distinctius concipi possit. Praeterea omnes ii, qui nobis principia Physica
posuerunt, ac ipsi quoque Peripatetici aliud Encore qu'il ne l'ait pas explicitement formulée
comme Morhof, la réduction de l'âme du monde des platoniciens à ce qui n'était pour eux que
son véhicule matériel, l'esprit du monde, avait déjà été opérée par Fabre, en particulier dans
son Panchymicum 263 (Toulouse, 1646) ouvrage que Morhof ne méprisait pas 264 , tout en
doutant que son auteur, quoi qu'il en ait dit, ait jamais possédé la pierre philosophale 265 .
Fabre connaissait en effet la doctrine néoplatonicienne du spiritus mundi telle que Ficin
l'avait exposée dans ses De vita libri tres : c'est le célèbre passage, fort souvent cité par les
alchimistes, du chapitre III du De vita coelitus comparanda que paraphrase Fabre dans son
Propugnaculum alchymiae (Toulouse, 1645), en utilisant principalement le plagiat qu'en avait
fait Agrippa dans son De occulta philosophia (I, XIV) 266 , mais non pas uniquement ce
plagiat, puisque Fabre reprend la référence à l'élixir des Arabes dont avait parlé Ficin mais
qu'avait omise Agrippa. Fabre écrit : « Le pur de la nature repose dans les profondeurs de
n'importe quel mixte. C'est l'étincelle de la lumière créée et son esprit emprisonné et enclos
TRADUCTION 25

dans la matière très quoddam comminiscuntur commune principium, quo confugiunt, quando
per quatuor Elementa rem non possunt expedire. 268. De fait, son soin à respecter
l'orthodoxie tant dans ses doctrines que dans sa démarche lui valut d'être donné en exemple -
par le biais de son Alchymista christianus -par Mersenne lui-même, pourtant prompt à
dénoncer l'impiété des alchimistes, celle d'un Fludd ou d'un Nuysement. Voir, pour l'éloge fait
par Mersenne de thèses de l'Alchymista christianus, notre introduction à : Dom Belin, Les
Aventures du philosophe inconnu, Paris, 1976, pp. 30-41 ; pour la position générale de
Mersenne envers l'alchimie, R. Lenoble, Mersenne ou la naissance du mécanisme, Paris,
1943Paris, , (rééd. 1971

Méconnaissances et distorsions de la physique stoïcienne


Il convient de prêter attention au fait que l'affirmation, chez certains alchimistes, du
caractère corporel de l'âme du monde, ou esprit universel, n'implique nullement de leur part
quaeram, dicam corpus naturae, Salis corpus esse, quod in centro cuiuscumque rei creatae
latet, & quod per Alchymiam Vulcani ope, à centro rerum omnium educitur, cui inhaeret
Sulphur radicale, & Mercurius innatus ac primigenitus, ita vt duos secum habeat coniunctos
frates à se ipso inseparabiles, nec propterea id vnum compositum est, sed quid valde simplex
& homogeneum, etsi tria in se coerceat quae quamuis distinguantur, non tamen differunt nec
diuersas constituunt formas in suo esse, vt latissimè & clarissimè disputa tum est, ac
demonstratum in Alchymista Christiano nobis iamdiu in lucem edito. […] Si ergo quis Salis
istius centralis naturam ac essentiam cognitam habet, habet & naturae manifestam
essentiam ; naturae enim omnes proprietates, virtutes, & energias quas antiqui omnes
Philosophi in natura ipsa posuerunt facillimè animaduertet ac reperiet in ipso centrali rerum
Sale, humidi potissimùm primigenij, & calidi innati proprietates, in quibus antiqui totam
naturae essentiam collocarunt tanquam Principium motus & quietis rerum omnium. » 275. Id.,
pp. 5-6 : « Est ergo Natura Spiritus Luminis in principio à Deo creati, à quo omnia facta sunt
per creationem diuinam, quique in corpore Salis centralis cuiuscumque rei radicaliter infusus
est ad conseruationem & generationem rerum omnium ». une adhésion à une physique
pneumatique stoïcienne, à défaut d'un impossible assentiment à la théologie du Portique. La
raison principale en est que le plus souvent ils n'avaient sur cette physique que des
connaissances très limitées, incertaines et confuses. En particulier, il n'était pas rare qu'ils
interprétassent la théorie stoïcienne du pneuma en un sens franchement néoplatonicien, en
tenant le pneuma stoïcien pour le véhicule d'une âme du monde incorporelle. C'est ce que fait
William Davisson dans sa Philosophia pyrotechnica, où, après avoir expliqué ce qu'est l'âme
du monde pour les platoniciens -en se référant à Platon, mais aussi à Plotin et à Marsile Ficin
-, il poursuit : « L'esprit corporel des stoïciens, ou esprit revêtu d'un corps extrêmement
subtilqu'ils ont très sagement reconnu être commun à tous les éléments et à toutes les
choses -, n'est pas différent. Il serait identique à un vent envoyé par des soufflets dans des
instruments musicaux, ce qui leur fait émettre un son : ainsi l'ensemble des choses sont
mues, selon leur aptitude, par cet esprit qui les pénètre. En effet, s'il s'introduit dans la
TRADUCTION 26

matière du feu, il déploie et meut ses aiguillons extrêmement pointus par un mouvement
parfaitement adapté. De la même façon, s'il pénètre dans la matière de l'air, dans celle de
l'eau ou dans celle de la terre, il donne à chacune une mesure convenable, écartant, tant
qu'elles le requièrent, leurs parties les unes des autres et mouvant chacun conformément à
ce qui a été ordonnancé par l'intellect et à ce qui convient à leur nature. Ainsi avec la matière
du feu il produit du feu, avec l'air, de l'air, et ainsi de suite. Et il est en toutes les choses soit
comme la forme de toutes, soit comme un troisième séminaire, soit comme une forme
spécifique, comprise dans l'extension d'une idée plus commune. De fait, à partir de
nombreuses formes particulières dans le monde intelligible se constitue une certaine forme
unique, comme celle qu'Hermès, avons-nous vu, appelle omnicorporelle ou pantomorphe.
Ensuite, à partir des nombreuses formes spécifiques, on est peu à peu ramené dans une
unique forme générique subalterne, et de là dans la forme la plus générale. C'est pourquoi
tant qu'elles se tiennent cachées dans ce séminaire commun, les espèces de ce qui doit être
engendré constituent réellement une réalité unique, n'étant distinctes qu'en puissance, c'est-
à-dire par rapport à l'espèce, à la qualité, au corps et à la matière qui doit être informée. » 276
276. Cf. Philosophia pyrotechnica…, pp. 301-302 : « Non absimilis est his spiritus corporeus
Stoïcorum, seu spiritus corpore tenuissimo indutus, quem omnibus elementis, & rebus
communem sapientissimè agnouerunt. Qui quidem in omnibus idem esset, quod ventus à
follibus in organa immissus vnde sonum edant : sic ab illo spiritu ineunte res cunctas moueri,
prout ipsarum fert aptitudo. Si enim materiam ignis subeat, eius quam acutissimos aculeos
motu quam aptissimo diducit mouetque, prout eorum naturae conditio postulat. Eodem
pacto, si aëris, si aquae, aut terrae materiam ineat, vnicuique mensuram dat congruam, partes
quoad requirunt, alias remouens ab aliis, atque mouens vnumquodque, prout à mente
ordinatum est, & prout suae naturae competit. Sic cum ignis materia, ignem ; cum aëre, aërem
efficit, & ita de reliquis, estque in rebus omnibus vel sicut omnium forma, vel seminarium
tertium, vel forma specifica, intra communioris ideae ambitum comprehensa. Et enim ex
multis particularibus formis in mundo intelligibili, forma quaedam est conflata vnica, qualem
vel omnicorpoream vel √`µ…∫¥∑ƒ⁄∑µ Et Davisson est encore plus explicite dans Les Elemens
de la philosophie de l'art du feu ou chemie. Parlant de l'esprit, il explique : « Ainsi la nature
incorporelle loge & envoye le Notre dans les corps mixtes, & changeant mesme les aliments
en des corps vivants, engendre tout le sang des Animaux. Or dans ceste substance
corporelle, loge la force incorporelle, qui est l'esprit de l'univers, tout feu & intellect, plein des
exemples ou idées de tout l'ordre, & des dispositions des principes & elements des corps
mixtes : c'est pourquoy Hermes Trismegiste parlant dans sa Table Smaragdine Une telle
dichotomie ramenant le pneuma stoïcien au couple néoplatonicien âme du monde / esprit du
monde se retrouve chez Pierre Jean Fabre lui-même, mais sans que ce dernier aille jusqu'à
affirmer le caractère incorporel de l'âme du monde. Précisément dans le passage du
Palladium Spagyricum allégué par Bernard Joly pour démontrer que le médecin de
Castelnaudary était « assez bien informé de la physique stoïcienne » 278 , Fabre écrit : «
Cependant je ne pense pas, à la manière des stoïciens mal compris, que le monde soit un
animal ayant, dans les profondeurs de l'Océan, des sortes de narines par lesquelles ses
TRADUCTION 27

haleines expirées ou inspirées tantôt enfleraient les mers, tantôt les feraient refluer. Cela
relève en effet de la fable, et je ne crois point que les stoïciens aient professé un tel conte de
vieilles femmes, si ce n'est par énigme. Ils estimaient, en vérité, que ce monde est une sorte
d'animal qui a vigueur grâce à une âme et un esprit, mais cette âme était pour eux la nature,
et l'esprit était tenu, toujours par eux, pour quelque chose d'extrêmement subtil et l'alcool de
tous les éléments, par lequel la force et puissance de la nature se communiquait à l'univers.
Vers cette opinion, moi je ne rougirais pas d'aller, toutes brides de ma pensée relâchées,
puisque par sa seule grâce, sans aucun mérite de ma part, Dieu m'a jugé digne de voir cette
visus est appellare Mercurius. Deinde ex specificis pluribus paulatim in vnam genericam
subalternam, & hinc in generalissimam refertur. Itaque gignendarum species quamdiu in illo
communi seminario delitescunt, re vera vnum sunt quid, distinctae solum secundum
potentiam siue respectum ad speciem, qualitatem, corpus atque materiam informandam. »
277. âme ou nature (bien qu'autrement invisible) et l'esprit souventefois 279 , revêtu, par art
spagyrique, du corps des éléments, dans le règne animal, végétal et minéral. Je prie et
supplie encore et encore Dieu de permettre à beaucoup de philosophes d'excellentes moeurs
de voir cela, afin qu'avec le secours de la lumière divine apparaisse enfin devant nous la vraie
philosophie, dépouillée de tous les voiles et vêtements qui l'ont cachée jusqu'à présent, et la
cacheront à l'avenir, à moins que quelqu'un n'explique très bien et comme il convient les
fables et énigmes de tous les anciens philosophes, pour déchirer complètement les voiles
recouvrant la face de la physique aristotélicienne, jadis dépeinte sur les guirlandes mêmes
d'Aristote (comme si elle n'avait pas encore été vue par Aristote lui-même et par beaucoup
d'autres), et nous montrer Diane, c'est-à-dire la nature, dans sa nudité. Mais je ne crois pas
que cela se puisse produire, en raison de la brièveté de la vie, de l'immense travail de l'oeuvre,
de la difficulté à bien juger et du danger pour la renommée de l'expérimentateur. Toutefois, je
ne cesserai d'avertir ceux qui désirent vivement cet oeuvre, que, s'ils veulent et désirent voir la
nature nue, ils doivent travailler de toutes leurs forces à toutes les opérations chimiques qui
sont exposées dans tous les chapitres du présent livre. C'est en effet seulement grâce à elles
qu'ils pourront apercevoir, voilée par une sorte de corps subtil exalté, cette âme, la nature, -
qualifiée par d'autres philosophes de "puissance contemporaine de la matière première", d'
"inengendrable et incorruptible", d' "adaptée à toutes les formes" -, en même temps que
l'esprit de cette même âme, qui a également été appelé "âme" et "nature" ; [âme et esprit] à
partir desquels uniquement, nous en sommes convaincus, peut se faire la teinture des
philosophes, vers laquelle, comme cela est clair d'après ce que nous avons dit, tend de par
son mouvement naturel intrinsèque la nature en soi elle-même -de même qu'un mouvement
vers son terme, où il doit cesser -, la nature ayant besoin de l'art, qui lui est semblable, pour
enfin parvenir à cette fin. » 280 279. Dans « Physique stoïcienne et philosophie chimique au
XVII e siècle », B. Joly comprend différemment ce passage, qu'il traduit (l. c.) : « […] puisque
cette âme ou nature, quoique par ailleurs constamment invisible et esprit, […] Dieu m'a jugé
digne de la voir […] ». En revanche, dans « Présence des concepts de la physique stoïcienne
dans les textes alchimiques du XVII e siècle », Joly traduisait bien (p. 353) : « cette âme ou
nature, quoique par ailleurs invisible, et l'esprit, Dieu me jugea digne de les voir fréquemment
TRADUCTION 28

[…] ». 280. Cf. Palladium spagyricum, V, pp. 73-75 : « Nec tamen more Stoïcorum perperam
intellectorum animal mundum esse puto, in profundis Oceani nares quasdam habens, per
quas emissi anhelitus vel reducti, modo inflent maria modo reuocent. Hoc enim fabulosum
est nec Stoïcos nisi aenigmatice haec anilia sensisse puto. Existimabant quidem mundum
hunc animal quoddam esse, quod anima quadam & spiritu valeret, sed illa anima, natura illis
erat, & spiritus, tenuissimum & Alcool elementorum omnium, illis ijsdem habebatur, quo
naturae vis & potestas vniuerso communicaretur. In quam ego sententiam, totis mentis meae
laxatis habenis, ire non erubescam, cum animam illam siue naturam, etsi alioqui inuisibilem &
spiritum identidem, arte Spagyrica in animali regno vegetabili & minerali, elementorum
corpore indutum, me vidisse, merito nullo, sua sola gratia dignatus sit Deus, quem iterum
atque iterum rogo ac deprecor, vt id ipsum cernere liceat, multis optimorum morum
philosophis, vt tandem diuino aspirante lumine, Il faut par ailleurs noter que Fabre fait encore,
par deux fois au moins, référence au « Dieu de Zénon ». La première mention se trouve dans
le Palladium spagyricum. On y lit : « Comme la vie de tous les êtres animés n'est rien d'autre
qu'une permanence de la chaleur céleste dans un sujet constitué d'un épais assemblage de
tous les éléments, dans l'union desquels elle rejaillit, l'âme sensitive, l'âme végétative ou l'âme
rationelle seront introduites à partir d'une préparation proportionnée de ce sujet. Car le sujet
avec lequel doit être liée cette chaleur céleste, le Dieu de Zénon, mérite de subir certaines
préparations particulières avant que l'âme sensitive puisse s'y élever ou bien l'âme rationnelle
y être introduite. » 281 L'autre référence se trouve dans le Panchymicum : Pour Fabre, donc, le
« Dieu de Zénon » correspond à la « chaleur céleste », laquelle n'est pas, selon lui, la nature
elle-même, mais son « vulcain » et son « archée », c'est-à-dire le soufre. Cependant -thèse que
s'appropriera Nicaise Le Febvre (Le Fèvre, dit "Nicolas", ca 1610-1669) dans son Traicté de la
chymie (Paris, 1660) 283 -, le soufre est, avec le mercure et le sel, l'un des trois principes à la
fois distincts et homogènes constitutifs de l'unique essence de l'« esprit de lumière » qu'est la
nature. Aussi, bien que, en raison de l'unicité essentielle de cette triplicité principielle, par quoi
la nature forme un symbole de la divine Trinité, on puisse lato sensu désigner un principe par
un autre, ou encore la nature par l'un ou l'autre de ces principes 284 , il n'en reste pas moins
que stricto sensu ces trois principes ne doivent pas être confondus entre eux ni avec la
nature, pas plus que ne doivent être confondues entre elles et avec Dieu les trois personnes
de la sainte Trinité. En conséquence, il semble qu'aux yeux de Fabre la conception
zénonienne de la Nature ne soit qu'une approximation de la vérité, comme le sont au
demeurant celles des meilleurs philosophes antiques, dont aucun, nous est-il expliqué au tout
début du Panchymicum, n'a parfaitement su ce qu'est réellement la nature puisque tous en
ignorèrent la vraie cause 285 . re, nec ratione longè diuersum, suos etenim habent flores
mineralia, suos animalia, suosque vtraque fructus […] cation est un feu qui « se meut en l'air »
et prend sa source dans « Démogorgon » 290 , ce dieu des Anciens qui, « primogéniteur
universel », désigne la « minière », au centre du monde, de l'esprit universel ; il poursuit alors :
« Dans le sein de cest ancien a Demogorgon la racine de ce feu est implantée, 291. Cf.
Diogène Laërce, VII, 1, 188, 21-29 Cobet : « ˘Fµ …ı|≠µ` § ¢|ªµ ≤`® µ∑◊µ ≤`® | ¶¥`ƒ¥Äµäµ ≤`® Eß`
√∑≥≥`±» …ı ~…ă` §» ∏µ∑¥`«ß` §» √ƒ∑«∑µ∑¥câ|«¢` §. L`…ı aƒ¤d» ¥Åµ ∑"µ ≤`¢ı `Ã…ªµ ¿µ…` …ƒÄ√|
TRADUCTION 29

§µ …éµ √k«`µ ∑À«ß`µ { §ı aă∑» |•» -{›ƒ/ ≤`® ‰«√|ƒ }µ …° z∑µ° …ª «√ă¥` √|ƒ §Ä¤|…` §, ∑-…› ≤`®
…∑◊…∑µ «√|ƒ¥`… §≤ªµ ≥∫z∑µ ºµ…` …∑◊ ≤∫«¥∑ …∑ §∫µ{ı Ã√∑≥|ß√|«¢` § }µ …Ù ÃzƒÙ, |À|ƒzªµ `À…Ù
√∑ §∑◊µ…` …éµ -≥äµ √ƒª» …éµ …˵ ~∂ï» zĵ|« §µ, |≠…ı a√∑z|µµkµ √ƒË…∑µ …d …Ä««`ƒ` «…∑ §¤|
±`, √◊ƒ, -{›ƒ, aă`, zïµ. » La traduction latine d'A. Traversari, qu'a peut-être utilisée Brouaut,
donne (éd. Lyon, 1551, p. 309) : « Vnum quoque deum esse, ipsum´ que & mentem, & fatum, &
Iouem, multis´ que alijs appellari nominibus. Principiò igitur illum cùm esset apud se,
substantiam omnem per aërem in aquam conuertisse. Et quemadmodum in foetu semen
continetur, ita & hanc serendi rationem in humore talem resedisse materia ad operandum
aptissimè parata, ex qua caetera post haec gignerentur. Tum genuisse primum elementa
quatuor, ignem, aquam, aërem, terram. » Voir aussi id., 40-44: « Dßµ|«¢` § {Å …ªµ ≤∫«¥∑µ, ae…
`µ }≤ √ ƒª» å ∑À«ß` …ƒ`√° { §ı aă∑» |•» Ãzƒ∫µ, |≠…` …ª √`¤ ¥|ƒÅ» `À…∑◊ « «…dµ a√∑…|≥|«¢° z°, …ª
{Å ≥|√…∑¥|ƒÅ» }∂`|ƒ›¢°, ≤`® …∑◊…ı }√® √≥Ä∑µ ≥|√… µ¢Åµ √◊ƒ a√∑z|µµç«ñ. » La traduction latine
d'A. Traversari donne (éd. cit, p. 311) : « Mundum uerò fieri, cum ex igne substantia per aërem
uersa in humorem fuerit, deinde crassior ipsius pars effecta fuerit terra, porrò subtilior in
aërem cesserit, eadem´ que magis ac magis extenuata in ignem euaserit. » principe des
choses, nous ne nous esloignerons p de la verité : Car pour certain c'est le premier ouurier, et
dernier destructeur ou mueur q des formes iusques a ce qu'il ayt reduict les choses a leur
dernier periode et matiere, oultre laquelle il r n'y a plus de progression mais bien
transformation. Il ressort de ce texte que pour Brouaut le feu de Zénon n'est pas à
proprement parler l'esprit universel, mais seulement le moteur de sa corporification, de même
que l'esprit universel n'est pas davantage la divinité matérielle et immanente de Zénon, car si
Démogorgon, la « racine et miniere » de l'esprit universel, est le « primogeniteur vniuersel »
d'où « est sorty tout ce qui est, soit hault au Ciel, soit bas soubz le Ciel », il « n'y a rien qui de
luy et par luy par la meditation et premiere pensee d'vng seul Dieu ne soit mis en lumiere »
293 ; Démogorgon n'est donc que l'agent et l'instrument du Créateur. Ainsi pour Brouaut,
comme pour Fabre, la doctrine de Zénon, quoique plus approfondie que celle d'un Thalès, qui
s'est arrêté à la matière patiente, n'est qu'une vue partielle de la vérité, et Brouaut ne rappelle,
d'après Diogène Laërce, les vues de Zénon sur les éléments et leur conversion que comme
une confirmation de ses propres thèses, non comme leur source et leur modèle.

D'autre part, que les thèses de Zénon telles que les rapporte Diogène Laërce -de manière,
il est vrai, quelque peu obscure -soient souvent restées incomprises aux XVI e et XVII e
siècles dans les milieux alchimiques, c'est ce dont témoigne la leçon erronée (i) de la
majorité des manuscrits des Trois livres des elemens chymiques et spagyriques, lesquels,
substituant iceluy à icelle, font de l'air, et non de l'eau, la substance finale enveloppant le
principe générateur. Sur ce point, la version donnée par Nuysement est correcte. Cependant
Nuysement ne paraît pas avoir remarqué que ce passage -qui avait été cité par Juste Lipse
dans sa Physiologia Stoicorum 294 -était tiré de Diogène Laërce, puisqu'il corrige « comme la
semence au germe », par quoi Brouaut traduit le « ‰«√|ƒ }µ …° z∑µ° …ª «√ă¥` » de Diogène
Laërce, en « comme vn sperme general ». Au reste, loin d'insister sur la doctrine physique de
Zénon, comme il eût pu le faire s'il avait été réellement influencé par les milieux stoïciens de
TRADUCTION 30

son temps, Hesteau de Nuysement en réduit sensiblement l'importance en ajoutant au texte


de Brouaut une référence à la Genèse : Le texte d'Hesteau de Nuysement fut à son tour repris
dans L'Hydre morbifique exterminée par l'Hercule Chymique (Paris, 1628) par David de Planis
Campy (ca 1589-1644) 296 , autre effronté pillard, qui paraît encore moins connaître le texte
de Diogène Laërce et la doctrine de Zénon, puisqu'il attribue à ce dernier la théorie du sel qu'il
trouve chez Nuysement :

« Que diray je plus de l'Eau ? Hermes en son Pimandre appelle la nature Eau, par ce mot
humide : car vapeur est la premiere & prochaine action du feu, auec lequel elle est tellement
conjoincte qu'on ne le sçauroit seulement imaginer sans elle. C'est pourquoy le Stoïque Zenon
estimoit que la substance du feu par l'Air se conuertissoit en Eau, & conseruée en icelle
comme un sperme general (pour la generation & conseruation de toutes choses) en forme
d'vn Sel : y ayant dans iceluy Sel vn secret Element de feu, qui a les mesmes actions de ce feu
primitif, estant pour ceste cause appellé baulme des corps, dautant qu'il y a en luy ce qui
donne, augmente, & conserue la vie ; n'est sinon vne vapeur humide accompagnée de chaleur
temperée. » 297 Et dans L'Ouverture de l'escolle de philosophie transmutatoire (Paris, 1633),
Planis Campy réutilisera le passage, mais en gommant cette fois la référence à Zénon : « Il
est constant parmy tous les Philosophes, que le Feu ne peut subsister sans Air, qui est son
aliment ; & c'est ce que Hermes veut inferer en son Pimandre quand il 295. Cf. Traittez de
l'harmonie et constitution generale du vray sel, pp. 67-68 (éd. La Haye, 1639, p. 26 ;éd. Paris,
1974, p. 179).

296. Voir F. Secret, « De quelques traités d'alchimie au temps de la régence de Marie de


Médicis », Chrysopoeia, III (1989), fasc. 4, pp. 382-385 ;A. G. Debus, The French Paracelsians,
pp. 78-80. 297. L'Hydre morbifique…, VIII (« La massue herculeane »), éd. OEuvres, p. 257.
Nuysement avait écrit : « […] Hermes en son Pimandre appelle Nature humide. Car vapeur est
la premiere et prochaine action du feu ; avec lequel elle est tellement conjoincte qu'on ne le
scauroit seulement imaginer sans elle […]. » appelle la Nature humide, car vapeur est la
prochaine action du Feu ; aussi sa substance par l'Air se conuertit en Eau & se conserue en
icelle (ce qui sera pour l'explication de ceux qui disent qu'elle se treuue en l'Eau) laquelle
jettee aux entrailles de la Terre par la force du Vent, immediate [sic] fils de la Nature, vient à
exiter derechef à mouuement le Cahos, qui est l'Air, & luy exite le Feu centric ; & cestuy-cy
separe, purge, digere, colore, & fait meurir toute espece de semence, les poussant dans les
Matrices pures ou impures d'où prouient la diuersité des Myxtes. En ce que dessus ce
remarquent les actions des trois principes principiez, sçauoir le Souphre par le Feu, le Sel par
l'Air, & le Mercure par l'Eau. » 298 On notera le flottement de Planis Campy dans son analyse
des rapports entre les éléments et les « principes principiez », puisque dans L'Hydre
morbifique il affirmait que pour Zénon c'est dans l'eau que le feu, en tant que sperme général,
se conserve sous forme de sel. Quant à l'attribution aberrante, dans cette même Hydre
morbifique, d'une théorie chymique du sel au fondateur de la Stoa, elle ne resta pas tout à fait
isolée, car William Davisson évoqua lui aussi les stoïciens à propos du sel. Dans sa
TRADUCTION 31

Philosophia pyrotechnica, en un texte qu'il devait reprendre, avec quelques modifications


stylistiques, dans l'Oblatio salis sive Gallia Lege Salis condita (Paris, 1641), il écrit : « Que le
sel soit incorruptible, et même le préservatif de tout ce qui est corruptible, cela a été
suffisamment démontré plus haut. Il est donc comme une seconde âme, qui, aussi
longtemps qu'elle est dans un corps, le préserve de la putréfaction, conformément à cette
sentence de Pline 299 et des stoïciens, que la viande de porc est en soi pour ainsi dire morte
à moins que ne lui soit donnée une âme en place de sel. Car le sel a, comme les ferments, la
propriété de convertir finalement en sa nature tout ce à quoi il a été mêlé, pourvu qu'il puisse
pénétrer en détruisant l'humidité superflue. » 300 L'on pourrait multiplier les textes de la
littérature alchimique prétendant à l'érudition mais présentant en réalité des connaissances
soit fort approximatives, soit confuses, soit franchement fausses de la philosophie
stoïcienne, et d'où cette dernière sort défigurée, parfois même totalement méconnaissable.
Dans sa Sympathia septem metallorum ac 298. L'Ouverture de l'escolle de philosophie
transmutatoire, sect. II, chap. V,expl. § 5,p. 697).

299. Cf. Pline, Naturalis historia, VIII, LI : « Animalium hoc maxime brutum, animamque ei
pro sale datam non illepide existimabatur ». 300. Philosophia pyrotechnica, II, XVIII (« De
principiis seu elementis in specie, & primò de Sale »), p. 429 : « Quod autem sal sit
incorruptibile, immo & omnium corruptibilium praeseruatiuum, hoc satis superque
demonstratum fuit. Est igitur quasi secunda anima, quae quamdiu est in corpore, ipsum à
putrefactione praeseruat iuxta illud Plinij & Stoicorum dicentium carnem porcinam esse quasi
mortuam per se, nisi anima ipsi data fuisset loco Salis. Nam Sal talem habet proprietatem, vt
veluti fermenta omnia ipsi admixta in eius naturam tandem conuertat, modo penetrare possit
absumendo superfluam humiditatem. » Voir aussi Oblatiosalis sive Gallia Lege Salis condita,
Paris, 1641, pp. 25-26. septem selectorum lapidum ad planetas (Paris, 1610), après avoir
expliqué que Vénus est en sympathie avec le cuivre et non avec l'aurichalque -
correspondance platonicienne rappelée par Ficin dans son Compendium du Critias ainsi que
par Francisco Vallès dans son De sacra philosophia (Turin, 1587) 301 -, Petrus Arlensis de
Scudalupis 302 continue : « Les sages comptent deux Vénus, l'une dans le ciel, sans mère,
l'autre sur la terre, née et issue de parents. Les sages, comme je l'ai déjà dit, dissimulaient
tout sous un voile -coutume assurément excellente pour ne point donner des perles à des
gens ne les méritant pas et à des ignorants. Encore que les stoïciens et les platoniciens
considèrent de manière différente ces deux Vénus, elles sont unies ensemble par saint
Augustin, sur la foi duquel parlent les stoïciens. Saint Augustin pose deux cités, à savoir la
Jérusalem céleste et l'infâme Babylone. La Vénus céleste engendre un amour saint et chaste,
tandis que la terrestre engendre un amour profane. La seconde dépend de la première et ne
peut en aucune manière subsister sans elle. Celle qui se tourne vers la terre est commune et
vulgaire, celle qui se tourne vers les cieux est plus ancienne et plus noble. Selon les Saintes
Écritures, ce furent d'abord les cieux qui furent affermis -et voilà l'ancienneté de la première.
Ensuite, après la formation des cieux, apparut la terre ferme, et les corps élémentés
n'existèrent pas aussitôt. C'est pourquoi les stoïciens qualifièrent d' "éthérée" la première et d'
TRADUCTION 32

"aérienne" la seconde. En raison de sa vertu diffusive et productive, ils appelèrent l'une


"céleste" et l'autre, en raison de son humidité et de sa viscosité, "métallique" et "terrestre" 303
Paris, 1610, pp. 375-376 (éd. Hambourg, 1717 : « Duae Veneres a sapientibus enumerantur,
una in Coelo sine matre, altera in Terra a parentibus orta productaque. Sapientes omnia, ut
praedixi, sub velamine occultabant, mos utique peroptimus, ne Margaritae non merentibus
neque agnoscentibus concederentur. Duae illae Veneres licet a Stoicis diversimode quam a
Platonicis considerentur, tamen simul a D. « Les stoïciens appellèrent "nature" l'âme qui régit
les plantes, tandis qu'ils appellèrent "âme" celle qui régit les animaux. Mais ils laissèrent
entendre que la substance de l'une et de l'autre est un esprit inné, comme en témoigne Galien
dans son V e commentaire de la V e partie du traité des Épidémies d'Hippocrate. Il s'ensuit
que tout ce qui est privé d'âme est aussi privé d'esprit, puisqu'en effet l'esprit est l'instrument
de l'âme, comme l'a montré Galien au livre III, chapitre VII « se mêle à l'humidité radicale »,
avec laquelle il forme « les deux principes, Soufre et Mercure », conformément à la doctrine
stoïcienne faisant de la matière un « mélange des éléments actifs (le feu et l'air) et des
éléments passifs (l'eau et la terre) » 307 . Mais l'affirmation que les alchimistes tenaient le
spiritus mundi pour un mélange de feu et d'air est des plus contestables. Elle est
indéniablement fausse dans son universalité, et l'on peut même se demander s'il y eut jamais
un adepte à penser de la sorte : nous n'en connaissons pas, pour notre part, qui ait défendu
cette thèse. En l'occurrence, ce ne fut pas le cas de Pierre Jean Fabre, contrairement à ce que
croit Bernard Joly, qui précise que pour Fabre le véhicule du spiritus mundi est constitué par
l'humide radical 308 . Or c'est très exactement le contraire que professe Fabre : pour lui, nous
l'avons vu, l'humide radical, ou mercure, s'identifie au spiritus mundi en tant qu'il en est, avec
le soufre et le sel, l'un des trois principes homogènes constitutifs 309 , tandis que l'air n'est
qu'un véhicule du spiritus mundi 310 -comme le sont les trois autres éléments : ciel, eau, terre
311 -, véhicule d'où ce spiritus peut être 307. Voir supra p. 33. 308. Cf. « Présence des
concepts de la physique stoïcienne dans les textes alchimiques du XVII e siècle », p. 343 : «
Le chapitre cinq du Palladium Spagyricum est consacré à la calcination des minéraux. Cette
opération, explique Fabre, produit l'Alcool, c'est-à-dire la partie la plus ténue que l'on puisse
extraire de toute chose, et qui n'est autre que sa partie ignée et aérienne séparée de sa partie
terreuse (Palladium Spagyricum, éd. Toulouse, 1638, p. 32). L'extraction de cette substance,
spirituelle et métallique, puis sa réunion avec la matière fixe qui se trouve ainsi spiritualisée
constituent l'essentiel des opérations de production de la Pierre des Philosophes (idem, p.
33). Se trouve ainsi mis en évidence, selon Fabre, l'existence d'un esprit, qui est de l'air rempli
de lumière ou de chaleur, qui provient des astres, sources de toute chaleur, et qui, en se fixant
dans les différents corps des trois règnes (végétal, animal et minéral), leur donne vie et
conservation (idem, p. 48 naturelles, est vne substance subtile, penetrante, qui occupe tout
l'espace du monde, qui est depuis le ciel iusques au globe de l'eau & de la terre. Il penetre
encore ces deux solides elements, & s'insinuë dans leurs pores, pour porter l'esprit general de
vie, en toutes les parties de leurs solides matières » ; et id., p. 60 (= Compendium secretorum
chymicorum, éd. Opera reliqua, p. 360) : « l'air est vn element qui a pris son origine & sa
source de la plus subtile partie de l'humide radical du monde que Dieu estendit depuis le ciel
TRADUCTION 33

iusques à la superficie de l'eau, & luy donna encore ingrés & penetration, iusques au plus
profond de la terre pour y porter son esprit, qui premier lui donna son estre, afin de pouuoir
par ce moyen fournir ce qu'il faut à tant de generations, & productions des mixtes, qui se font
tous les iours parmy ces elements ». 311. Cf. Id., pp. 62-63 (= Compendium secretorum
chymicorum, éd. Opera reliqua, p. 361) : « en tant qu'element il [l'air] n'est que le vehicule de
cét esprit [du monde], qui de soy est si simple & subtil, qu'il ne peut estre communiqué à nul
des mixtes & indiuidus elementaires, que par les vehicules & moyens que Dieu a establis dans
la Nature : Or ces vehicules sont quatre, le ciel est le premier, qui par ses rayons & influences
nous communique cét esprit de vie : l'air est le second vehicule qui moins subtil que les
rayons et influences du ciel, nous communique encore en sa façon le mesme esprit : l'eau est
le troisiéme vehicule qui nous départ pareillement cette extrait 312 . Certes, dans l'un de ses
derniers écrits, l'Universalis sapientiae, seu Panchymici tomus ultimus, dont la dédicace à
François Vautier est datée de 1648, Fabre écrit : « Il existe de nombreux médecins qui
nomment "éthérés" et "aériens" nos esprits et ceux de toutes les autres choses, qui estiment
également que ces esprits possèdent, innée en eux, la substance d'un air très pur, et qui
pensent en conséquence que l'air entre dans la composition des esprits. J'ai moi-même
considéré cela comme très vrai en de nombreux endroits de mes livres, mais devenu plus
vieux et plus prudent, j'ai changé d'avis, poussé à cela par l'anatomie même des choses, où je
n'ai point constaté que l'air forme une partie essentielle de leur composition, mais seulement
qu'il remplit les pores de toutes choses et constitue le véhicule de l'esprit céleste. En effet,
l'air existe dans la nature non pas pour composer, avec les autres éléments, les choses
naturelles, mais seulement pour être le véhicule de l'esprit céleste, qui entre dans la
composition de toutes choses, et pour être le moyen de conjuguer les choses supérieures,
c'est-à-dire les influx célestes, avec les éléments inférieurs. » 313 Cette rétractation de Fabre
ne signifie cependant pas qu'il ait jamais pensé que l'air entrait dans la composition
substantielle de l'« esprit céleste », c'est-à-dire du spiritus mundi considéré dans son
essence. De fait, nous n'avons trouvé en aucun endroit de ses oeuvres antérieures à
l'Universalis sapientia une telle proposition. Car il faut se rappeler que pour Fabre, l'esprit
général du monde n'est pas en soi composé d'éléments, mais est infus dans tous les
éléments, dont il constitue « la vie et l'âme » 314 . Ce n'est qu'en sa corporification qu'il se
revêt des éléments, lesquels lui donnent un « corps visible et palpable » 315 en même temps
qu'ils souillent ce corps de leurs impuretés ou excréments 316 . L'esprit général du monde ne
contient que virtuellement en lui -« dans son ventre » 317 -les éléments, dans la mesure où
ceux-ci ont été produits par Dieu à partir des trois principes, même si la création tout entière
fut, selon l'avis de « beaucoup de Chymiques », et notamment de Raymond Lulle, instantanée
318 .

Il reste cependant toujours possible de rapprocher la théorie fabrienne de l'esprit général


du monde ainsi restituée d'une certaine conception stoïcienne du pneuma. L'on sait en effet
que les stoïciens ne s'accordèrent pas sur sa nature, certains faisant effectivement de lui un
composé d'air et de feu, mais d'autres le tenant pour une subtance ignée au-dessus et à
TRADUCTION 34

l'origine des quatre éléments 319 , ce qui est la doctrine de Fabre et de l'écrasante majorité,
pour ne pas dire la totalité, des alchimistes partisans du spiritus mundi. Toutefois, cette
doctrine avait également été celle de néoplatoniciens tant antiques que modernes, et c'est
essentiellement par leur intermédiaire, en particulier par celui de Ficin 320 relayé par les
paracelsiens, qu'elle se diffusa chez les alchimistes, dont les analyses divergent
fréquemment dès lors qu'elles portent précisément sur les éléments produits à partir du
spiritus mundi.

Philosophes, qu'en la generation des mixtes naturels, les Elemens entrassent en leur
composition & production ; d'autant que toutes sortes de mixtes se produisent dans iceux, &
prennent nourriture, & se conseruent emmy les Elemens : Mais si l'on pese bien & considere
cette façon de production, nourriture & conseruation, l'on verra que bien qu'elle se fasse dans
les Elemens, elle ne se fait pas pourtant d'iceux ; mais de cét esprit de vie qui est en eux, &
sans lequel les elemens seroient inutiles & vain dans la pâture, comme des corps sans ame &
sans vie : car de vray cét esprit est leur vie & leur ame ; au moyen de laquelle ils font,
produisent, & conseruent toutes choses […]. » 315. Id., II, VII (« Pourquoy la nature ne peut
separer les impuretez & saletez qui sont en l'esprit general du monde, & pourquoy ne peut-
elle seule acheuer la Medecine vniuerselle »), p. 156. 316. Cf. id., p. 154 : « le corps du Soleil
[…] n'est rien plus que cette lumiere fixée en corps de Soleil par la main de Dieu, d'où il nous
depart l'esprit general de vie pour la conseruation & production de toutes choses ; lequel
esprit de vie venant à se corporifier en esperme general, contracte en cette coagulation les
excrements qui sont dans les elements, & principalement dedans l'eau & dans la terre […]
Beaucoup d'alchimistes, comme de chimistes, de la fin de la Renaissance et de l'Âge
classique n'adoptèrent pas en effet la doctrine classique des éléments 321 . En premier lieu,
ces alchimistes remirent en question le nombre canonique de quatre éléments. D'aucuns le
réduisirent, tels Johann Joachim Becher ou Guillaume Mennens. Encore que ses vues sur les
éléments ne soient pas toujours très cohérentes 322 , Becher retint seulement pour éléments
l'air, l'eau et la terre 323 , tandis que Mennens, lui, n'avait retenu que l'eau, le feu et la terre,
l'air étant de la même nature que l'eau selon que l'atteste le divin Tétragramme HWHY
(YHWH), où l'identité de l'eau et de l'air est marquée par la répétition du Hé 324 : ce sont ainsi
les eaux célestes, que nous nommons "air", qui constituent la source continuelle de ces eaux
inférieures que nous appelons "eaux" 325 , lesquelles alimentent jusqu'au feu éthéré -ce qui
donne à Mennens l'occasion de citer Cléanthe d'Assos : « En vérité, si l'on en croit le
philosophe Cléanthe, ce feu éthéré ne manque jamais d'aliment, à cause de quoi, dit-il, l'Océan
est placé sous la zone torride, de sorte que, quand le Soleil, accompagné des autres planètes,
parcourt aussi l'étendue de ce cercle, il tire sa nourriture de l'eau de l'Océan placée sous lui
326 Le rejet par Guillaume Mennens de l'air comme élément ne constituait pas une
nouveauté. Dans Le Grand Miroir du monde (Lyon, 1587), Joseph Duchesne (Du Chesne,
Quercetanus, ca 1544-1609) 329 avait nié que l'air fût un élément, mais il lui arriva par la suite
de l'accepter en tant que tel 330 . Semblablement, Pierre Jean Fabre, après avoir, nous l'avons
dit, longtemps tenu l'air pour un élément, reviendra sur cette opinion dans l'Universalis
TRADUCTION 35

sapientia 331 .

Plus fréquemment encore que l'air, c'est le feu qu'à la suite de Jérôme Cardan 332 les
alchimistes exclurent du nombre des éléments. 335 , dans le néoplatonisme ficinien et dans
la Genèse, Pierre Jean Fabre se borna longtemps à substituer le "ciel" au "feu" 336 ,
maintenant donc, par delà ce changement terminologique, les quatre éléments 337 ; en
revanche, Fabre opéra réellement la suppression du feu, avec celle de l'air, dans l'Universalis
sapientia 338 . Et il est remarquable que les stoïciens eux-mêmes aient parfois pu se voir
invoqués pour 1907 ; S. Matton, « Henry de Rochas plagiaire des Trois livres des elemens
chymiques et spagyriques de Jean Brouaut ».

334. Cf. La physique démonstrative, Paris, 1642, II, II, pp. 109-110 : « La nature se sert de
deux principaux instruments pour composer tous les mixtes, le premier est ce feu vivifiant ou
esprit universel qui par toutes les parties de l'vniuers produict les effects de sa puissance, par
la fecondité qu'il donne à toutes choses : Mais il tire ses principalles facultés du Soleil ; le
second instrument est vn feu particulier donné par cet vniuersel à chasque mixte pour son
entretien, qui est fomenté, par les continuelles vertus que luy influë son pere caché dans les
rayons du Soleil. / Et c'est-là le seul feu de nature, non pas cette chaleur devorante ennemie
jurée de la vie, ce principe des morts qui destine tous ses subjects à la ruine, & à la cendre,
comme il est chimeriquement imaginé par les Peripateticiens ; les philosophes sacrés
parlant, du ciel, de l'air, de la terre, & des deux eaux n'auroient pas obmis sa necessité pour la
composition de toutes choses, si elle eust esté telle comme plusieurs se sont persuadés ; en
somme s'il y auoit vn element du feu, il auroit des-ja embrasé vniuersellement toute la nature
; celuy la doibt donc estre estimé entierement aueugle qui cherche autre feu elementaire, que
dans le corps du soleil son principe. » Voir aussi La Physique reformée, p. 1 : « Qu'il n'y a point
de feu Elementaire ».

335. Voir R. Halleux, « Les ouvrages alchimiques de Jean de Rupescissa », Histoire


littéraire de la France, t. XLI, Paris, 1981, pp. 241-284 ;M. Pereira, The Alchemical Corpus
attributed to Raymond Lull, Warburg Institute Surveys and Texts, 18, Londres, 1989, pp. 9-20
et passim. 336. Cf. L'Abrégé des secrets chymiques, chap. VIII (« Du Ciel, premier element
naturel »), pp. 48 sqq. ; Panchymici seu anatomiae totius universi […] opus, t. I, pp. 50 sqq.
Pour un exemple de cette substitution antérieur à Fabre, voir notamment P. Severinus, Idea
mediciniae philosophicae, Bâle, 1571, V, pp. 40-41 : « Tanta opinionum uarietate,
confusionibus & erroribus, implicata est doctrina Elementorum, ut nulla ingenij dexteritate,
sententiae tam dispares conciliari possint. De Terra, communi omnium parente, Aqua, Aëre,
consentiunt multi : Igneum uerò Elementum, quia remotum est, nec ita sensibus obuium,
obscuram & dubiam explicationem sortitum est. Priora illa tria, foecunditate Generationum,
Generatorum conseruatione, & corruptionum testimonio, uitae usura, repentè Elementorum
appellationem obtinuerunt : de Igne uerò uehementer dubitandum est. Aristotelici Coelum à
corruptibili Elementorum familia planè seiunxerunt. À superiori Aëris regione, ad concauum
TRADUCTION 36

Lunae ignem collocarunt, motu leuium corporum persuasi, quae sursum rectà tendunt. Alij,
inter quos est Plinius, Coelum uel Firmamentum, ignem esse dixerunt, & quartum constituere
Elementum. PARACELSVS Mosaicae philosophiae discipulus, hanc sententiam magna
authoritate confirmauit». 337. On pourrait imaginer que Cléanthe ait pu pousser Pierre Jean
Fabre à substituer le "ciel" au "feu" dans la série des quatre éléments, l'insistance de Cléanthe
à distinguer entre le feu vital et le feu ordinaire devant lui être connue, pour avoir été
rapportée par Cicéron dans son De natura deorum (Cf. II,41 [= J. von Arnim,Stoicorum
Veterum Fragmenta,I,504] enseigne que le feu n'agit qu'en tant que chaud, comme s'il disait,
quand on traite de la puissance et de la vertu active du feu, qu'il ne sert à rien de rechercher
de quelle nature ou de quelle substance il est constitué. Car si l'on regarde dans l'ordre de
l'action, "la nature du feu est sèche" et "le propre du feu est la chaleur" 343 : que l'on
recherche soit la nature soit la propriété du feu en tant que tel, on trouvera seulement la
sécheresse et la chaleur. Certains chimistes ou alchimistes n'acceptèrent même aucun des
quatre éléments canoniques. Dans son Tyrocinium chymicum (Paris, 1612), traduit en
français sous le titre de Les Elemens de chymie (Paris, 1615), Jean Béguin (ca 1550ca 1620)
345 ne retient pour éléments que les trois principes paracelsiens 346 . À son tour, Henry de
Rochas souligne que les quatre éléments des péripatéticiens ne sont pas réellement des
éléments, aucun n'entrant dans la composition des mixtes 347 : comme le voulait déjà Fabre,
le ciel, l'air, l'eau et la terre ne sont pour de Rochas que les quatre colonnes véhiculant l'esprit
universel 348 .

En combinant les trois principes paracelsiens avec l'ensemble ou quelques-uns des


quatre éléments traditionnels, d'autres alchimistes augmentèrent au contraire le nombre des
éléments. C'est le cas de Pierre Jean Fabre lui-même dans l'Universalis sapientia. Supprimant
le feu et l'air de la suite des éléments, Fabre porte le nombre de ces derniers de quatre à cinq,
à savoir l'eau, la terre, le soufre ou huile, l'esprit ou mercure et le sel 349 . Fabre emprunta très
certainement cette suite au chimiste Étienne de Clave, qui, quoi qu'on en ait dit 350 , n'était
pas foncièrement hostile à l'alchimie 351 . De Clave l'avait en effet ordine ad actionem, ∂äƒd ê
…∑◊ √ ƒª» ⁄Õ« §» ©{ §∑µ …ª £Äƒ¥∑µ }«… § sive naturam, sive proprietatem ignis qua talis
inquiras, solam siccitatem et calorem reperies. Paris, 1641, pp. 181-182 (à propos du feu des
alchimistes) : « […] leur feu naturel, que nous cognoissons parfaitement, & qu'il ne nous est
pas permis de reueler, dautant que nous l'auons découuert par vne profonde meditation, qui
vous fera tousiours distinguer & tirer du nombre des Alkimistes grossiers & ignorans, auec
leurs feux de Lampe, de bois ou de charbon. Enfin ces Philosophes Hermeticiens par ce feu
de la nature, continué paruiennent iusques à la blancheur parfaitte, ayans pour lors acquis la
moitié du Royaume Philosophique, & ainsi continuans tousiours le mesme feu, cette
blancheur se change en rougeur permanente à toutes énoncée en ces mêmes termes dans
sa Nouvelle lumiere philosophique des vrais principes et elemens de nature et qualité d'iceux
(Paris, 1641) 352 , et dès 1624 dans les thèses que, conjointement avec Antoine Villon, il avait
proposé de soutenir publiquement 353 . Mais de Clave ne faisait lui-même que reprendre une
théorie déjà émise par Joseph Duchesne dans Le Grand Miroir du Monde, où n'étaient
TRADUCTION 37

conservés, à côté des trois principes paracelsiens, que les deux éléments mosaïques : eau et
terre 354 . Quant à William Davisson, ce sont sept éléments qu'il adopte en suivant Severinus,
soit le feu, l'air, l'eau, la terre, le sel, l'huile ou soufre et le mercure ou fluor 355 .

Ces mélanges des principes paracelsiens avec les éléments classiques témoignent de la
grande hétérogénéité des doctrines des éléments et des principes, ainsi que des relations
qu'ils entretiennent, élaborées par les alchimistes de la Renaissance et de l'Âge classique. Par
exemple les diverses combinaisons des trois principes sel, soufre, mercure et des éléments
classiques contredisent les doctrines déjà contradictoires -comme le fit remarquer le père
Gaetano Felice Verani (1648-1713) dans sa Philosophia universa speculativa
peripateespreuves. Ce que nous auons dit cy-dessus de cette operation n'assure pas que
nous y soyons paruenus, ne l'ayant iamais experimenté : mais nous auons declaré l'intension
des Hermeticiens, & assuré seulement que nous auons découuert le secret du feu naturel, qui
est vn des principaux & des plus necessaires de la Philosophie Chymique, que nous
promettons de declarer à quiconque pourra depurer la matiere Hermetique. » 352. Cf. id., pp.
159-160 ; voir aussi chap. II (« De l'impossibilité du feu elementaire », pp. 4 sqq., et chap. V («
de l'air »), pp. 26 sqq. De Clave proclame (p. 5) être le premier à avoir rejeté les quatre
éléments d'Aristote. Mais il critique également les trois principes de Paracelse ; cf. chap. VI («
Des elemens & du nombre d'iceux »), pp. 39-40 : « il ne se faut pas esmerueiller, si Aristote n'a
pas premierement recognu le nombre des elemens, non plus que leurs qualitez premieres,
puisqu'il a ignoré la vraye resolution & reduction des mixtes en leurs elemens, ny mesme
Paracelse, qui a sceu la resolution d'iceux en leurs principes, qu'il appelle plus sensibles
Mercure, Soufre & Sel, lesquels il a toutefois creu resulter du meslange des quatres elemens
Peripatetiques: Ce que nous refuterons exactement cy-aprés.» Voir encore, contre Severinus,
p. 40 : « Nous dirons à present en bref, que les elemens estans les corps simples qui entrent
en la composition des mixtes, sont ceux qui se doiuent trouuer pareillement en leur
resolution. Or est-il que nous ne trouuons que cinq corps simples en leur derniere resolution :
Par consequent nous pouuons dire qu'il y a cinq elemens, & non plus, quoy que clabaudent
fastueusement apres Pierre, Seuerin, Danois, quelques chymistes ignorans, qui font des
distinctions friuoles de principes & d'elemens, comme s'ils estoient distinguez les vns des
autres ».

353. Voir B. Joly, « Les références à la philosophie antique dans les débats sur l'alchimie
au début du XVII e siècle », dans D. Remarquons enfin qu'il n'est pas jusqu'à la transmutation
mutuelle des éléments, acceptée par les stoïciens, qui n'ait été contestée par certains
alchimistes, dont Becher n'est pas l'un des moins éminents 358 , encore qu'il n'ait pas montré
une totale constance sur ce point, puisque dans l'Experimentum chymicum novum il accepte
la transmutation de l'eau en terre démontrée par les expériences de Van Helmont, Boyle et de
Rochas, transmutation à propos de laquelle il rappelle qu'elle était acceptée par beaucoup
d'Anciens, dont Zénon : « Il n'y a rien d'étonnant que dans cette expérience de de Rochas l'eau
se soit changée en terre, attendu que Van Helmont et Boyle ont produit de nombreuses
TRADUCTION 38

expériences de ce genre. C'est d'ailleurs déjà là une antique opinion, puisque Athénagoras
cite le témoigne suivant tiré d'un des Anciens, Orphée :

ıF≤ …∑◊ -{`…∑» •≥OE» ≤`…Ä«…ä, "De l'eau fut fait du limon" 359 . Ce à quoi un auteur grec,
le scoliaste d'Apollonius, ajoute : ıF∂ •≥ §∑◊ }x≥c«…ä«| ¤¢·µ `-…ä, "Du limon fut produite la
terre". qui était celui des éléments classiques n'implique pas l'adoption par les alchimistes du
concept d'élément tel qu'il était reçu par les stoïciens : la définition zénonienne des éléments
fut ainsi ouvertement repoussée par Johann Conrad Barchusen (1666Barchusen ( -1723 361
dans ses Elementa chemiae (Leyde, 1718) -édition révisée de sa Pyrosophia, succincte atque
breviter iatro-chemiam, rem metallicam et chrysopoeiam pervestigans (Leyde, 1698). Traitant
« des principes chimiques en général », et négligeant de mentionner la distinction zénonienne
entre "principe" (aƒ¤ç) et "élément" («…∑ §¤|±∑µ), Barchusen détaille : « […] la raison demande
que nous sachions ce que sont les principes des corps et quel est leur nombre. Par principe,
donc, nous entendons une certaine matière simple, très ténue, incapable de se changer en
une autre forme par elle-même, sans l'addition de quelque chose. Le Stagirite a défini
autrement que moi le mot principe, et a dit : "Les principes sont ce qui ne vient pas d'autre
chose, ni mutuellement d'eux-mêmes, mais ce dont viennent toutes choses" 362 . De manière
encore différente, Zénon, le premier des stoïciens, nomme élément "ce dont vient d'abord tout
ce qui se fait et en quoi finalement tout se résout" (Diogène Laërce, VII 363 ). Mais parce que
l'une et l'autre définitions apparaissent trop obscures, nous avons avancé ici la nôtre, comme
étant plus claire, afin que chacun sache ce que nous croyons qu'il faut entendre par un
principe chimique. » 364 Dans ces conditions, lors même que des éléments sont communs
aux stoïciens et aux alchimistes, cela ne signifie aucunement que les uns et les autres les
entendent de manière identique. Dans une dissertation « sur la terre » de ses Acroamata
(Utrecht, 1703) insiste ainsi sur la différence qui sépare la conception des chimistes de celles
de certains penseurs antiques, entre autres de « certains stoïciens », mentionnés par
Calcidius : « Démocrite et Épicure attribuent à des connexions mutuelles, disposées de façon
particulière et formant jusqu'à un certain degré des figures, le fait que cette terre soit une
certaine continuité de corpuscules, lesquels sont saisis par l'entendement plutôt que par les
sens. D'autres ajoutent une qualité, comme Anaxagore, qui pense que la nature et propriété
de toutes les matières se trouve amassée en chacune d'elles. D'autres, comme Diodore [le
mégarique] et certains stoïciens, pensent que la subtilité de la matière résulte de la petitesse
de corps indivisibles, dont le nombre serait infini, et dont tant la réunion que la séparation
seraient fortuites. (Si l'on désire en savoir davantage sur cela, qu'on lise le commentaire de
Calcidius sur le Timée de Platon 365 .) Mais par "terre" les chimistes entendent un corps
chaud, insipide, immuable, duquel l'artiste ne peut en aucune manière extraire quoi que ce
soit. » 366

Matière et forme
Jean-Paul Dumont a estimé que si « les stoïciens anciens, et Chrysippe en particulier »
TRADUCTION 39

ont rendu « pensable et possible la pratique de la transmutation et de la teinture métallique »,


c'est premièrement parce qu' « ils inaugurent un travail sur les concepts de composé, de
forme et de matière, qui sera jugé indispensable par les philosophes alchimistes jusqu'au XVII
e siècle ». Selon Dumont, « on assiste à une matérialisation de la forme et de la matière,
même si les principes ne sont pas eux-mêmes à proprement parler des corps » 367 . En
réalité, s'il est parfaitement exact que certains alchimistes -mais non pas tous, tant s'en faut,
beaucoup d'entre eux se satisfaisant pleinement, surtout jusqu'au XVI e siècle, des
conclusions aristotéliciennes -ont jugé indispensable un travail sur les concepts de matière et
de forme, il serait erroné de croire qu'un tel travail les ait majoritai- . Thèse reconduite par B.
Joly, La Rationalité de l'alchimie au XVII e siècle, p. 86 : « C'est par référence à ce modèle
stoïcien qu'a pu être poursuivi [au XVII e siècle] l'important remaniement du concept de
matière première que rendaient nécessaire les développements de la pensée alchimique. »
rement conduits à adopter ou simplement à rejoindre les thèses stoïciennes. Quand il a lieu,
l'abandon par les alchimistes des conceptions aristotéliciennes de la matière et de la forme
s'articule pour l'essentiel, et pas nécessairement de manière exclusive, soit sur des positions
dogmatiques paracelsiennes, épicuriennes 368 , voire cartésiennes 369 , soit sur une attitude
épistémologique de défiance à l'égard de toute spéculation métaphysique, attitude
quelquefois inspirée par la critique de Pierre de La Ramée (Ramus, 1515(Ramus, -1572 370
371. Dans La Rationalité de l'alchimie au XVII e siècle, p. 63, n. 47, à propos de la révision
alchimique du concept aristotélicien de matière première, B. Joly nous demande de noter « la
très grande similitude entre les thèmes développés par l'OEdipus chemicus [sic] de J. J.
Becher, qu'étudie Jean-Paul Dumont et ceux du Manuscriptum ad Fridericum de Pierre-Jean
Fabre, alors que rien n'indique que les deux auteurs aient eu connaissance des travaux l'un de
l'autre ». On peut en réalité affirmer sans hésiter que Fabre, mort en 1658, n'a pas eu
connaissance des travaux de Becher, dont tous les traités parurent après la rédaction du
Manuscriptum ad Fridericum, dernier ouvrage de Fabre, et dont le premier que Fabre aurait pu
lire, parce que rédigé en latin, l'Olitor opportunus, fut publié l'année même de la mort du
médecin de Castelnaudary (pour la bibliographie de Becher, voir H. Hassinger, Johann
Joachin Becher, 1635-1682. Ein Beitrag zur Geschichte der Merkantilismus,
Veröffentlichungen der Kommission für neuere Geschichte Österreichs, 38, Vienne, 1951, pp.
254-272). En tous état de cause, Fabre n'a pas pu lire l'OEdipus chimicus, paru huit ans après
sa mort. D'autre part, l'on peut également affirmer que Becher a bien eu connaissance des
travaux de Fabre, puisqu'il le censure en ces termes dans sa Physica subterranea, Francfort,
1669, p. 204 : « Gellij enim dictum observandum est, qui loqui vult, quod nemo intelligat,
magnam rem praestat, si taceat, tali ergò inutili theoriâ & loquacitate plurimi libri scatent,
quorum authores sine experientiâ Philosophati sunt, de Fabro Monspeliensi satis mirari
nequeo, quòd non erubuerit tàm aperta mendacia scribere, narrat mihi R. D. Carolus
Bendegin, se ejusdem famâ & amore hujus scientiae ex Italiâ in Galliam, virum convenisse,
sed ne furnum quidem vel vidisse, vel minimam praxin in homine animadvertisse. » (« […]
quant à Fabre de Montpellier, je ne cesse de m'étonner qu'il n'ait point rougi d'avoir écrit de si
grossiers mensonges. Monsieur le Révérend Charles Bendegin me rapporte qu'en raison de la
TRADUCTION 40

renommée de Fabre, et par amour pour cette science, passant d'Italie en France, il lui rendit
visite, mais ne vit pas même un fourneau ni ne remarqua chez lui la moindre pratique. » -Voir
aussi la préface du Tripus hermeticus fatidicus, éd Francfort, 1689, p. 8, où Becher écrit plus
amènement : « Huic malo itaque, cum alii remedia ponere deberent & in compendium
redigere, non furnos modò, verùm etiam operationes & processus in infinitum quasi
produxêre, idque adhuc sub Charitatis tirocinii in artis formam redactione, ut in Libavio,
Beguino, Fabro, le Febure, Rolfinckio, Glaubero, Hartmanno, Schrôdero aliisque quamplurimis
videmus & observamus. »).

En ce qui concerne Becher, c'est au prix d'une lecture pour le moins tendancieuse et
passablement forcée que Jean-Paul Dumont a tenté de lui faire endosser une tunique
stoïcienne. Voici le texte invoqué : « De la vraie matière première des chimistes. Puisque la
science chimique est une science pratique, elle a assurément un sujet matériel et pratique.
C'est pourquoi elle pose comme matière première ce qui pour elle tombe premièrement sous
le sens et les mains. Or telle ne peut être la matière première des aristotéliciens, puisque
celle-ci ne peut être saisie que par la raison, sans pouvoir être appréhendée par les yeux et
par les mains. Une autre matière première doit donc être recherchée, et c'est bien sûr la
matière seconde des aristotéliciens, qui est la première des chimistes, à savoir les accidents
de la matière première aristotélicienne, car ceux-ci se prêtent au traitement chimique.
Cependant il faut savoir pourquoi les chimistes prennent les accidents pour la première
matière des choses : c'est en raison de l'ordre où ils tombent en premier lieu sous leur yeux, à
savoir dans la semence. La semence est en effet la première matière des choses du point de
vue de l'ordre où l'on peut traiter de celle-ci. Ainsi la semence du boeuf, du navet et du plomb
est la première matière du boeuf, du navet et du plomb qui tombe sous nos yeux et sous nos
mains 372 . C'est pourquoi, chaque fois que chez les chimistes il est fait mention de la
matière première des corps, il faut toujours entendre la semence d'un corps déterminé. » 373
Il est évident que le « sujet » de la chimie est ici tout simplement son « objet », et qu'il est faux
de prétendre avec Dumont que « subjectum a ici le sens fort et étymologique de matériau
sous-jacent et de substrat, et correspond au grec hypokeiménon » 374 . Il est non moins
évident que le fait de dire que la matière première des chimistes est la matière seconde 372.
Dumont, « Les a priori philosophiques de l'alchimie classique… », p. 5 [66], traduit : « c'est bien
évidemment parce que ce sont eux qui tombent d'abord sous nos yeux, et plus
particulièrement dans la semence (nempe in semine), car la semence est la matière première
des choses, pour autant qu'on puisse en parler : la semence du boeuf, du légume et du plomb
est la matière première du boeuf, du légume et du plomb, qui tombent [sic] sous nos yeux et
nos mains ». 373. Cf. OEdipus chimicus, § 5 (« De verâ Chimicorum primâ Materiâ »), éd.
Manget, pp. 308-309 : « Cùm Chimica scientia practica sit, subjectum, etiam habet materiale
& practicum, quare id pro prima materia statuit, quod primùm ei sub sensum & manus cadit,
tale autem Aristotelicorum prima materia esse nequit, cum illa tantum ratione comprehendi,
oculis verò manibusque apprehendi non possit, alia meritò nobis quaerenda erit, nempe
Aristotelicorum secunda, quae Chimicorum prima est, puta primae materiae Aristotelicae
TRADUCTION 41

accidentia, haec enim tractationi Chimicae inserviunt ; Sciendum autem est, qua ratione
Chimici accidentia pro primâ rerum materiâ sumant, eo scilicet ordine quo primùm ob oculos
cadunt, nempe in semine ; semen enim prima est rerum materia, in ordine quo eam tractare
licet, sic semen bovis, rapi, plumbi, est prima materia bovis, rapi, plumbi quae nobis sub
oculos & manus cadit, quare quotiescunque apud Chimicos primae corporum materiae
mentio fit, semper ejus corporis semen subintelligi debet […]. » Pour l'ensemble de la
traduction que Dumont donne de ce texte, nous renvoyons à son article, « Les a priori
philosophiques de l'alchimie classique… », pp. Ainsi, chez les auteurs mêmes qu'allèguent les
partisans de la thèse d'un stoïcisme fournissant les « a priori philosophiques » ou le « modèle
» de l'alchimie de l'âge classique, on ne discerne nullement un retour aux conceptions
stoïciennes de matière et de forme. Bien plus, lorsque la conception stoïcienne de la matière
a l'heur de se voir citée par un alchimiste, ce n'est pas nécessairement pour être clairement
exposée ni expressément approuvée. Tel est le cas de Johann Conrad Barchusen, grand
admirateur de Becher. Opérant un rapprochement entre la conception des stoïciens et celle
des platoniciens qui avait déjà été effectué par Juste Lipse dans sa Physiologia stoicorum
377 -lequel les rapprochait encore de celle d'Aristote 378 -, Barchusen , 20, 548, 8-11 (=
Poseidonios, Die Fragmente, éd. W. Theiler, Berlin -New York, 1982, p. 190, F. 267).

Diogène Laërce (liv. VII), "appellent la substance de toutes choses matière première, et
matière celle à partir de laquelle toute chose, quelle qu'elle soit, est composée" 379 . Et les
platoniciens, au témoignage d'Apulée (De dogmate Platonis), "déclarent que la matière est
incréable et incorruptible, et qu'elle n'est ni le feu ni l'eau ni un autre des principes ou
éléments simples, mais de toutes les réalités la première capable de formes et sujette à être
façonnée, encore brute et privée de la qualité d'une forme" 380 . La matière première est donc
le sujet de toutes les formes substantielles et des accidents, parce que si elle recevait une
forme, elle ne serait plus nommée matière mais corps. Quant à savoir si la matière existe
sans la forme ou, inversement, la forme sans la matière, et pareillement si on se la peut
représenter, il ne m'appartient pas de le déterminer. Vous me demandez ce que moi j'en
pense, puisque j'ai avancé les opinions des autres ? Je dirais que j'ai l'esprit lent à saisir ces
choses, et que je ne puis en aucun cas concevoir une quelconque matière sans la concevoir
en même temps étendue et configurée de telle ou telle façon. Et de même je ne puis
concevoir une forme sans que ne me vienne en même temps à l'esprit quelque matière soit
solide, soit liquide, soit d'une autre nature, ou possédant une longueur ou une largeur ou une
profondeur. » 381 La thèse qui veut que l'alchimie classique ait eu pour modèle la doctrine
stoïcienne des trois niveaux de la réalité, à savoir celle des principes, des éléments et des
corps 382 , n'apparaît donc pas fondée. Les alchimistes ne prirent pour modèles ni la théorie
stoïcienne des principes ni celle des éléments, pour la simple raison qu'ils connaissaient fort
mal ces théories quand ils ne les ignoraient pas totalement avec la plupart de leurs
contemporains. 379. Cf. Diogène Laërce,VII,191, […] touchant la guerison des playes par la
poudre de sympathie (Paris, 1658) de Kenelm Digby (1603-1665 386 . Glissenti n'est pas
alchimiste, ou il n'est, si l'on veut, qu'un alchimiste purement spirituel dans la mesure où son
TRADUCTION 42

Breve trattato consiste à donner une interprétation exclusivement morale de l'alchimie, en


ramenant tous les discours sur le grand oeuvreaussi bien ceux portant sur la pratique que
ceux relevant de la théorie -à l'expression d'une quête du souverain Bien, dont la pierre
philosophale serait simplement l'allégorie. Dans le chapitre VIII, où il s'emploie précisément à
« prouver par l'autorité des alchimistes que la pierre des philosophes n'est pas une médecine
pour faire de l'or matériel », et examine « les opinions de certains philosophes [antiques]
concernant cette question », à savoir leurs théories des principes naturels, en lesquels
consiste leur « pierre », Glissenti omet l'opinion des stoïciens, qu'il ne manque pourtant pas de
mentionner, en la personne de Zénon, sitôt que s'éloignant de la question technique des
principes, il passe à des considérations physico-morales sur la mort et l'immortalité :

« Et parce que, parmi ces causes premières, il y a les principes naturels, d'aucuns veulent
que lesdits principes soient cette pierre. Mais parce que les causes premières ont été
diversement interprétées par beaucoup de gens, leur pierre varie aussi en fonction de ces
opinions. Certains -dont les péripatéticiens -prétendent que la pierre est ce principe naturel,
c'est-à-dire la matière appétitive de la forme par privation. D'autres, comme Thalès de Milet,
mettent la Pierre dans les eaux, car ils prétendent que c'est d'elles que toutes choses ont été
engendrées. Anaximène l'a mise dans l'air, Héraclite d'Éphèse dans le feu, Anaxagore Med. D.
& Prof. P., Giessen, 1671. 385. Voir Biographisches Lexikon der hervorragenden Ärzte aller
Zeiten und Völker, V, Munich -Berlin, 1962 386. Cf. Digbaei oratio de vulnerum per pulverem
sympatheticum sanatione […] in latinum sermonem versa a Laurentio Strauss cum eiusdem
Strauss epistola ad Digbaeum, dans Theatrum sympatheticum, Nuremberg, 1660, pp. 1-192.
Sur K. Digby, voir J. R. Partington, A History of Chemistry, II, pp. 423-426. vèrent au point qui
leur semblait indépassable par la nature, ils s'arrêtèrent là et appelèrent ce point la pierre,
c'est-à-dire le terme de leurs spéculations. D'autres prétendent que le monde est éternel ; et
voyant que toutes choses s'engendrent l'une de l'autre, avec corruption de la première, ils ont
posé par leur pierre la génération et la corruption. Et parce que nulle chose ne peut être
engendrée d'une autre si la corruption ne l'a pas précédée, et parce que les choses qui se
corrompent meurent, ils ont estimé que la mort elle-même était la pierre des philosophes. Car
nulle chose mortelle n'achève son existence sans s'achever en mort, et nulle chose ne
commence à exister sans commencer par la mort. C'est pourquoi les éléments s'engendrent
l'un de l'autre avec la mort du premier : l'air s'engendre du feu avec la mort du feu, l'eau de l'air
avec la mort de l'air, la terre de l'eau après sa corruption et sa mort, et ainsi de suite. Et de
cette belle conclusion Aristote s'est servi dans son livre De la génération et de la corruption,
lorsqu'il dit que la génération d'une chose est la mort d'une autre, et la mort de l'une est la
génération de l'autre. Il s'ensuit que nulle chose ne peut être engendrée dans les choses
inférieures si elle n'a pris naissance de la mort d'une autre chose précédente 387 . Donc cette
cause commune appelée mort, et désignée par Aristote sous le nom de privation, d'aucuns en
ont fait leur pierre, comme un terme stable, vers lequel se jettent toutes les choses mortelles
et d'où elles tirent leur origine, étant donné que nul effet ne peut être entièrement connu, qu'il
soit un corps composé ou simple, si l'on ne résout pas ses principes et s'il ne meurt pas tout
TRADUCTION 43

d'abord. Et il semble que Platon se soit accordé avec cette opinion, lorsqu'il a défini la
philosophie en disant qu'elle est "méditation sur la mort" 388 ; d'où l'on appelle le philosophe
"celui qui médite sur la mort". Telle est cette pierre sur laquelle beaucoup ont trébuché, ne
pouvant aller plus avant par leur entendement. Tu en comprendras mieux certains, comme
Platon, Socrate, Zénon, et d'autres, en voyant que beaucoup de choses naturelles sont
incorruptibles, comme l'âme raisonnable qui ne peut s'achever par la mort, mais qui va se
perpétuant à travers les siècles. Ils ont accordé que dans les choses mortelles, la mort est la
Pierre ; et ils ne se sont pas arrêtés là : dans les immortelles, allant plus loin, ils ont connu
que tous les effets se réduisent à une cause première, qui diffuse sa vertu, à travers les
moyens termes, jusqu'aux derniers effets, en procédant selon l'ordre de composition ; puis,
s'élevant en sens inverse selon l'ordre de résolution, ils ont finalement atteint Dieu. Ils ont
donc conclu que leur pierre était Dieu, première cause, sans principe, pierre, dis-je, au-delà de
quoi on ne peut aller, pierre où il convient de s'arrêter, principij naturali, alcuni vogliono che i
detti principij siano questa Pietra ; ma perche diuersamente sono state da molti reputate le
prime cause, perciò secondo le diuerse opinioni varia anco la loro Pietra. Volendo alcuni, & i
Peripatetici, che la Pietra sia quel principio naturale, cioè la materia appetitiua della forma per
priuatione. Altri come Talete Milesio pose la Pietra nell'acque, volendo che da queste fossero
tute le cose generate. Anassimene la puose nell'aria. Eraclita Effesio nel fuoco. Anassagora
Clazomeno, & l'Epicuro ne gli Atomi. Parmenide nelle qualità calde, e fredde. Diodoro,
Democrito, e Leucippo nel uuoto, e nel pieno. Pitagora nel numero. Empedocle nella lite, e
nell'amicitia de i quattro elementi ; in somma furono varij nell'inuestigare de i primi principij, e
le cause de gli effetti : si che quando si trouarono giunti colà, doue pareua loro, che
naturalmente più oltre non si potesse passare, quiui fermandosi chiamarono quel punto
Pietra, cioè il termine delle loro speculationi. Altri volendo che il Mondo sia stato eterno : e
uedendo che tutte le cose si generano l'una dell'altra, con la corrottione della prima statuirono
per loror Pietra la generatione e la corrottione ; e perche non si può generare cosa alcuna da
un'altra se prima non precede la corrottione, e perche le cose che si corrompono muoiono,
perciò stimarono che la Morte stassa fosse la Pietra de i Filosofi ; poi che nessuna cosa
mortale finisce di essere, che non finisca in morte ; e nessuna cosa commincia ad essere, che
non comminci dalla morte ; impercioche gli elementi si generano l'vno dall'altro con la morte
del primo, del fuoco si genera l'aria con la morte del fuoco, dell'aria l'acqua con la morte
dell'aria, di quella la terra con la sua corrottione e morte precedente, e così discorrendo. E di
questa bella conclusione si seruì Aristotele nel libro della Generatione, e Corrottione, dicendo.
La generatione d'una cosa è la morte d'un altra, e la morte dell'una è generatione dell'altra.
Onde cosa alcuna non si può dar generata nelle cose inferiori, che dalla morte d'alcuna altra
precedente non habbia hauuto l'origine. Questa causa dunque commune chiamata Morte, e
da Aristotele compresa sotto il nome della priuatione, fù la Pietra di alcuni, come termine
stabile, a cui corrono tutte le cose mortali, e da cui traggono l'origine, essendo che nessuno
effetto intieramente si possa conoscere, sia corpo composito, ò semplice se non si
rissoluene i suoi principij, e se prima non muore. E pare che a questa opinione acconsentisse
Platone quando diffinendo la Filosofia, disse, che ella è Contemplatione di Morte ; di doue il
TRADUCTION 44

Filosofo si verrebbe a nomare speculatore di Morte. E questa è quella Pietra nella quale molti
urtarono, non potendo col loro ingegno tra passare più oltre. Alcuni meglio intendi come
Platone, Socrate, Zenone, & altri, uedendo che molte cose naturali sono incorrottibili, come
l'anima ragioneuole che non può terminar con la morte, ma che si và perpetuando coi secoli,
posto che nelle cose mortali concedessero esser Pietra la morte, nelle immortali però non
s'acquetarono : ma passendo più oltre conobbero che tutti gli effetti si riducono ad una prima
causa, la quale infonde la sua uirtù per li mezzi fin a gli ultimi effetti, procedendo con l'ordine
compositiuo ; & eglino col ressolutiuo salendo allo indietro diedero finalmente di petto in Dio ;
si che tennero che la loro Pietra fosse Iddio, prima causa, senza principio, pietra dico, oltre di
cui non si può passare, pietra in cui conuiene fermarsi, e pietra stabile, e ben digna di dirsi
Pietra di Filosofi. » Voir aussi la traduction latine de L. tariorum : Mediaeval and Renaissance
Latin Translations and Commentaries. Annotated Lists and Guides, Washington, 1960, I, pp.
77-135, ici pp. 113-114. 397. Voir la notice de R. Ricciardi dans Dizionario biografico degli
italiani, XVIII, Rome, 1975, pp. 101-102. 398 Afrodisei de Mistione » 400 . En outre, ceux qui
n'avaient pas accès à ce De mixtione pouvaient fort bien avoir une connaissance indirecte de
la doctrine stoïcienne du mélange total qui y est exposée grâce à la lecture d'ouvrages de
médecine comme le commentaire composé par Jean Riolan sur le De abditis rerum causis
(Paris, 1548) de Jean Fernel (ca 1497-1558 401 , cet Ad libros Fernelii de abditis rerum causis
commentarius (Paris, 1598) de Riolan étant particulièrement important dans la mesure où
Fernel fut rapidement élevé au rang d'une autorité par les alchimistes en raison du chapitre
XVIII du Livre II du De abditis rerum causis, où le grand médecin se montre favorable à
l'alchimie 402 , encore que cela fût contesté par certains anti-alchimistes comme le médecin
huguenot Jacques Aubert (ca 1500Aubert (ca -1587 Fernel, pour sa part, assoit sur des bases
aristotéliciennes sa théorie des principes et des éléments constitutifs des corps 406 . Selon
lui, si les principes fondamentaux que sont la matière et la forme, antérieurs aux éléments, ne
peuvent être saisis que par la raison, les éléments -dont les combinaisons presque infinies
produisent tous les corps de l'univers -ne sont ni des concepts, ni des qualités, mais des
substances matérielles absolument indécomposables, isolables et théoriquement
perceptibles dans leur état de pureté 407 , bien qu'ils échappent à la grossièreté de nos sens.
La combinaison substantielle constitutive des corps consiste par conséquent uniquement
dans l'action réciproque des qualités spécifiques des éléments, qui ne sont pas modifiés par
elle. C'est pourquoi il faut écarter la tradition scolastique, illustrée par Thomas d'Aquin et
Duns Scot, selon laquelle les éléments, qui désignent non des substances mais des qualités,
ne se rencontrent jamais à l'état isolé et n'ont aucune existence effective dans la mesure où
leur présence dans les corps se réduirait à une modification qualitative et où ils perdraient
leur forme propre, à laquelle se substituerait la forme du composé, lorsqu'ils entrent dans la
composition d'un corps. Il faut également écarter l'idée proprement inintelligible que les
substances des corps se mélangent totalement. C'est donc bien ici la théorie stoïcienne du
mélange total, comme l'a parfaitement vu son commentateur Jean Riolan, que rejette
formellement Fernel, même s'il ne se réfère pas aux stoïciens, mais voit la source de cette
idée chez Plotin 408 . Quand donc, au chapitre XII de son Ad libros Fernelii de abditis rerum
TRADUCTION 45

causis commentarius, Riolan traite de la manière dont se mélangent les éléments, il expose,
en renvoyant au De mixtione d'Alexandre d'Aphrodise, et pour les repousser, les arguments
avancés par les stoïciens en faveur de leur doctrine du mélange substantiel contre la doctrine
aristotélicienne du mélange des seules qualités adoptée par Fernel 409 et par lui-même. Une
même théorie des éléments et du mélange opposée à celle des stoïciens pouvait ainsi être
reçue aussi bien par des partisans que par des détracteurs de l'alchimie, puisque Riolan, qui
reproche à Fernel d'avoir parlé de la pierre philosophale 410 , se rangeait parmi ces
détracteurs.

La doctrine stoïcienne du mélange total s'est vue également repoussée par des
alchimistes adoptant une doctrine non aristotélicienne des éléments. Ainsi dans un passage
de son Ad Iacobi Auberti Vindonis de metallorum ortu et contra chemistas brevis et dilucida
responsio (Lyon, 1575), où il s'inspire manifestement de la Physiologia de Fernel, Joseph
Duchesne, qui polémiqua aussi avec Riolan, rejette la conception stoïcienne du mélange, en
se rangeant sur ce point à l'avis de son adversaire Jacques Aubert. Duchesne remarque : «
Les philosophes posent que les métaux, comme tous les autres corps mixtes, sont
constitués de deux matières : l'une, qui est la matière générale et très éloignée, se tire des
éléments comme de ce qui est au premier rang de toutes choses, les choses étant
composées de ces éléments comme de ce qu'il y a de plus simple, et les plus simples d'entre
elles se résolvant en eux. D'autre part, que seules les qualités et les vertus des éléments se
transforment mutuellement et se mélangent totalement, les péripatéticiens le soutiennent
contre les stoïciens 411 , lesquels s'emploient au madens, aut elychnium oleo perfusum, aëre
excluso, in capacitates liquorem admittit, quo totum imbuitur, sic per cineres aqua diffunditur,
eius tamen magna portione exhalante : sudor laxioris cutis meatus praeterfluit, eoque
copiosor, quò cutis laxior. Sed considera, quaeso te per sacras Musas, lector, quanta
consequutione absurdorum premantur, qui duo corpora sese penetrare arbitrantur. contraire
à démontrer que les substances des éléments se mélangent totalement entre elles. Mais
abandonnant les flots agités de leurs opinions trompeuses, nous revenons au port couvert et
tranquille, et sur ce point nous approuvons l'opinion d'Aubert qui estime que dans les mixtes
les éléments ne subsistent pas de manière essentielle ou en acte, mais en puissance 412 . Ce
dont témoigne Galien dans son livre Sur la méthode médicale, quand il écrit que les éléments
se mélangent tous entre eux uniquement par le biais des qualités 413 . » 414 Duchesne
admet donc avec Aubert la doctrine scolastique de la présence seulement virtuelle des
éléments dans les mixtes qu'avait combattue Fernel. Étienne de Clave, en revanche,
s'alignera, dans sa Nouvelle Lumière philosophique, sur la position de Fernel en qualifiant d'«
absurde » la théorie de la présence virtuelle. Il écrit :

« […] entre les Physiciens les vns veulent que les elemens soient actuellement aux mixtes,
puis que par la resolution ils s'y trouuent actuellement : Ce que les autres nient, disans que ce
ne sont pas des elemens, mais bien que cette resolution se fait en quelques corps, qui ont
bien quelque affinité auec iceux ; mais qu'ils ne sont pas vrais elemens, d'autant qu'ils veulent
TRADUCTION 46

que les formes elementaires perissent en la generation, & que les qualitez, mais retuses, y
demeurent en sorte que de cette mixtion il resulte vne nouuelle forme, qu'ils appellent la
forme du mixte, parce, disent-ils, qu'elle donne estre à la chose qui est engendrée. 420 , la
connaissance qu'avait de Clave de la physique stoïcienne et spécialement de leur théorie du
mélange paraissant bien s'être strictement limitée à ce qu'en avaient dit les Coïmbrois. Ces
derniers avaient écrit à propos de la thèse de ceux qui nient que les formes spécifiques des
éléments persistent dans le mélange : « Cette opinion est donc démontrée, parce que si les
éléments conservaient leur formes propres dans le mixte, de telles formes seraient ou bien
dans une même situation, ou bien dans des situations différentes. Si elles étaient dans une
même situation, comme le soutiennent les stoïciens, à ce que rapporte Alexandre dans son
opuscule sur le mélange, puisqu'elles comporteraient chacune leurs dimensions propres,
deux corps se pénétreraient entièrement l'un l'autre, ce qui est impossible. Si elles étaient
dans des situations différentes, comme le pense Avicenne, alors chaque partie du mélange ne
serait pas mélangée, puisque chacune ne contiendrait pas les formes des éléments, par
l'assemblage desquelles, dit-on, les choses se mélangent. entre autres celles-cy, pour infirmer
les opinions des Philosophes desnommez au chapitre precedent, desquelles toutesfois il ne
fait aucune mention, sinon qu'il dit qu'ils ont creu que les elemens estoient actuellement dans
les mixtes, auec leurs formes elementaires entieres, mais esmoussées par la forme du mixte.
La raison est telle : si les elemens gardoient leurs propres formes au mixte, les formes
seroient en mesme situation ou diuerse, si en mesme, suiuant l'opinion des Stoïciens, deux
corps se penetreroient l'vn l'autre. Nous respondons premierement que cela n'a point de lieu
parmy nos elemens ; d'autant que nous ne leur donnons point de diuerses situations, comme
les Peripateticiens, qui en donnent vne fort esleuée & legere à leur feu imaginaire : puis en
suitte vne autre moins legere & moins esloignée à l'air, que nous auons prouué au premier
Liure n'estre pas element : Mais nos elemens se meslent & se mettent facilement en toutes
sortes de postures & situations en la mixtion ; & partant il n'est pas necessaire d'introduire
vne impossibilité sur la situation, en disant que deux corps se penetreroient. Car bien que l'air
ne soit pas vn element, il ne laisse pas de s'introduire par les pores des autres corps mixtes,
voire des simples, où il en trouue pour éuiter le vuide : Et pour cela nous ne disons pas qu'il se
fasse penetration de deux corps, oüy bien permeation des pores. » 422

On voit que non seulement Étienne de Clave n'a pas de lumière particulière sur la théorie
stoïcienne du mélange total, mais encore qu'il ne fait nullement sienne cette théorie. Car s'il
accepte, avec Averroès, la permanence des formes et des qualités des éléments, qui
demeurent comme « remises et rebouschées » et « resserrées » par la forme générale du
mixte 423 , de Clave explique le mélange des éléments dans le cadre d'une théorie
corpusculaire incompatible avec la doctrine stoïcienne, ainsi qu'en convient Bernard Joly lui-
même 424 . dimensiones ferant, iam duo corpora sese inuicem permearent, quod fieri nequit.
Si in diuerso, vt sentit Auicenna, iam non quaelibet pars misti esset mixta ; quia non quaelibet
contineret formas elementorum, quarum coitione misceri res dicunt. » 422. Nouvelle Lumière
philosophique, chap. IV (« De l'opinion de ceux qui nient que les Elemens entrent actuellement
TRADUCTION 47

en la composition des mixtes auec la refutation d'icelle »), pp. 274-275.

423. Voir id., pp. 271-273. Si aux yeux d'Étienne de Clave cette thèse n'est pas
expressément défendue par Aristote, elle n'est pas non plus rejetée par lui (cf. p. 274 : «
D'ailleurs nous pouuons dire que touchant ce meslange des elemens en la composition,
Aristote ploye tantost d'vn costé tantost de l'autre, comme nous monstrerons vn iour en nos
Liures de la Generation & Corruption, ausquels nous refuterons plus exactement les opinions
de ceux qui les interpretent à leur mode »).

424. Cf. « Physique stoïcienne et philosophie chimique au XVII e siècle », p. 189 : « En fin
de compte, cependant, une approche corpusculaire l'emporte chez lui, puisqu'il considère
finalement que la mixtion s'opère par une union des éléments "qui se meslent exactement en
la Tous ces textes attestent que, loin d'avoir servi de modèle prépondérant ou simplement
privilégié aux alchimistes de la Renaissance et de l'Âge classique, la doctrine stoïcienne du
mélange total ne laissa pas au contraire d'être souvent critiquée par eux, quand elle ne fut pas
tout bonnement ignorée. Nous avons vainement cherché un auteur chimique l'entérinant soit
explicitement soit tacitement, mais de manière incontestable. Car si l'obscurité de bien des
textes alchimiques peut ne pas en interdire une lecture stoïcienne, cette dernière n'en devient
pas pour autant légitime et ne prend aucune valeur démonstrative. Tel est le cas, par exemple,
du passage suivant du pseudépigraphe lullien Conclusio summaria ou Repertorium ad
intelligendum Testamentum et Codicillum (XV e s.) 425 : « La chaleur du corps digère et
résout le mercure dans la mesure où il est transporté dans l'eau avec ses parties mercurielles
dissoutes ; et ainsi notre flegme est constitué de trois substances essentielles, essences des
éléments qui sont en vérité ainsi liées entre elles, parce qu'une grande quantité de chaque est
adjointe avec une grande quantité de quelque autre aux qualités d'eux-mêmes. En raison de
quoi Alexandre le péripatéticien dit que le mélange des éléments produit des choses
admirables, car les éléments opèrent mieux certains effets en étant mélangés que
séparément, et cela parce que dans un tel mélange demeurent les essences propres des
éléments, qui sont leurs propres vertus opératives, comme le rend évident notre eau
philosophique, laquelle est appelée "métalline" 426 parce qu'elle est produite seulement à
partir du genre métallique. En effet, dans cette eau se trouve conservée une disposition
médiane, qui se tient entre la mollesse et la dureté. Par son moyen se fait le passage de la
mollesse du vif-argent vers la dureté très parfaite du métal. Ainsi le passage d'un extrême à
l'autre, ou d'un contraire à l'autre, s'accomplit uniquement par le biais d'une disposition
déterminée, qui participe des deux contraires. » 427 composition des corps, autant que la
nature le peut permettre, c'est à dire par tres-menuës parcelles jointes tres subtilement
entr'elles d'une conjonction Physicale, et non par une pene- On pourrait voir ici une reprise ou
un écho de la thèse chrysippienne de la permanence dans le mélange total des substances
des composants, telle qu'Alexandre d'Aphrodise l'expose dans le De mixtione. Mais la
référence à Alexandre -trop vague pour que nous ayons pu identifier le passage visé -ne
concerne pas le De mixtione, et notre texte peut tout aussi bien s'interpréter dans un sens
TRADUCTION 48

anti-stoïcien, si l'on comprend que ce qui demeure dans le mélange des éléments, ce sont
leurs « essences » ou « substances essentielles », lesquelles ne seraient pas leurs «
substances » au sens strict, mais leurs seules « vertus opératives ».

Une chose en tout cas est sûre, c'est que ni Fabre ni Becher ne peuvent en toute rigueur
être présentés comme des partisans de la doctrine stoïcienne du mélange total. Dans son
Panchymicum, consacrant un chapitre (I, XXXV) à la question « agitée chez les philosophes
péripatéticiens et les médecins » de savoir « si les éléments disparaissent lors de la
constitution du tempérament, et si ne demeurent que leurs qualités », Fabre repousse -en
s'inspirant très certainement encore une fois de la Nouvelle Lumière philosophique d'Étienne
de Clave -la théorie « absurde » de ceux qui nient la persistance de la forme des éléments
dans les mélanges substantiels tout en affirmant que subsistent leurs qualités 428 . Quant à
Becher, sur cette question du mélange qu'il juge capitale 430 , il ne défend pas plus que Fabre
une théorie proprement stoïcienne. En faisant avant tout appel à la pratique, et en repoussant
l'analyse aristotélicienne pour son vain verbalisme 431 , Becher distingue deux sortes de
mélanges : d'une part une « mixtion superficielle », dont les constituants restent séparables et
dont le principe est la raréfaction et l'« appétence du dense » ; d'autre part une « mixtion
centrale », qui par la cohésion de ses constituants produit un corps spécifique, et dont le
fondement est l'« appétence du sec et de l'humide » 432 . Or, ainsi que le souligna Georg Ernst
Stahl (1660Stahl ( -1734 433 dans son Specimen Beccherianum (Leipzig 1703), cette doctrine
de la mixtion s'articule sur une « théorie mécanico-corpusculaire » de la matière, qui exclut
l'idée même de mélange total, puisque selon cette théorie les corpuscules sont liés entre eux
dans la mixtion, mais ne sont pas substantiellement coétendus 434 . Sur ce point, Stahl
précise : « Parce qu'ils étaient inexpérimentés dans les résolutions et les combinaisons
artificielles des choses vraiment pures, les Anciens entretinrent une étrange conception au
sujet du mélange et de cette forme qui pour ainsi dire pénètre le mélange. Ils soutinrent en
effet qu'il fallait comprendre que ce mélange entraîne en quelque sorte une telle pénétration
mutuelle et extrêmement profonde des principes, que si l'on divisait un corps mixte de ce
genre en des points même mathématiques, comme à l'in-fini, chacun de ces minima de
minima resterait néanmoins un mixte, c'est-à-dire participerait de ce mélange qui existait
auparavant dans ce minimum-physique indivisé.

Cette opinion procédait assurément en droite ligne de cette brillante imagination


d'Aristote quant à la divisibilité mathématique des corps physiques, à savoir que des points
qui dans tous les cas ont une dimension de physicâtre pourraient se diviser en points
mathématiques, dépourvus de toute quantité.

Notre auteur [Becher] s'éloigne fort de ce genre de folie, et c'est pourquoi il n'a pas
accepté une telle confusion pénétrative des principes en un chaos absolument-un. En effet,
comme cette confusion fait entièrement disparaître les propriétés des principes, ce qui est
contraire à l'expérience, notre auteur, qui, lui, se met toujours à l'école de l'expérience, n'a pu
TRADUCTION 49

l'admettre.

Et que le mélange fasse disparaître les propriétés des principes, c'est ce qu'indique ou
plutôt implique l'affirmation solennelle que l'introduction d'une nouvelle forme constituant un
nouveau mélange présuppose une privation de la forme antérieure ; or il n'y a pas retour de la
privation vers l' "habitus". Voilà les vraies fleurettes de cette philosophie, à moins qu'on ne
préfère les appeler les champignons d'une cervelle philosophique. » 435 LA C ONF LAGR ATI
ON UNI VER S ELLE Si, dans « Les a priori philosophiques de l'alchimie classique », Jean-Paul
Dumont a mentionné l'ekpyroesis (}≤√Õƒ›« §»), la conflagration universelle des stoïciens 436 ,
ce fut sans chercher à la rattacher, au moins directement, à une doctrine alchimique. Par
contre, 435. Cf. id., pp. 8-9 (éd. 1738, pp. 3-4) dans La Rationalité de l'alchimie Bernard Joly,
après avoir fait observer que cette conflagration universelle n'est pas, comme le croyait
Plutarque 437 , une corruption mais une purification, ajoute : « C'est ainsi que dans les
opérations alchimiques, les métaux, que l'on peut rapprocher des astres, vont disparaître,
fondus et sublimés, pour réapparaître au terme de la transformation sous forme d'or » 438 .
De la même manière que la conflagration a pour conséquence de réduire le monde à sa
propre semence, « les purifications successives de l'oeuvre alchimique doivent aboutir à la
production de ce que l'alchimie des XVI e et XVII e siècles appellera semence métallique,
matière première quasiment abstraite de tout corps, que l'on nomme pierre philosophale »
439 . Joly conclut alors : « Les analyses stoïciennes peuvent donc bien être considérées
comme des modèles des opérations alchimiques et l'on peut aussi bien dire que la formation
du monde et sa conflagration sont exprimées en termes chimiques, ou reconnaître dans les
opérations alchimiques la reprise en laboratoire des procédés par lesquels le monde s'est
engendré à partir du feu-principe » 440 . Et une note sur les opérations alchimiques précise : «
Il est vrai que la thèse de la conflagration est abandonnée dès Diogène de Babylone, au
deuxième siècle av. J.-C. Par la suite, elle n'est plus reprise explicitement dans la philosophie
alchimique de la nature. On peut cependant constater qu'un "résidu" de ce modèle a subsisté
pour rendre compte des opérations qui se produisent dans ce microcosme que constitue
l'appareillage alchimique » 441 . En vérité, on ne saurait sérieusement avancer que la thèse
de la conflagration ne fut « plus reprise explicitement dans la philosophie alchimique de la
nature » après Diogène de Babylone. D'une part, en effet, rien ne nous autorise à seulement
supposer que cette thèse de la conflagration ait jamais été reprise par des alchimistes avant
Diogène de Babylone, tous les textes alchimiques que nous possédons -dont les plus anciens
remontent au III e siècle de notre ère 442 -lui étant postérieurs. D'autre part, cette thèse de la
conflagration a bien été « explicitement reprise dans la philosophie alchimique de la nature »
après Diogène de Babylone.

Elle fut rappelée sinon adoptée par Jacques Gohory (1520-1576) 443 dans le Theophrasti
Paracelsi philosophiae et medicinae, utriusque universae, compendium (Paris, 1567)
universelle un dogme spécifiquement stoïcien, l'assimilant au contraire à ceux d'Épicure,
d'Empédocle et d'Héraclite 458 -, Jakob Thomasius note que la légende du phénix a été
TRADUCTION 50

inventée pour symboliser cette conflagration universelle. Il formule ainsi sa XI e thèse : «


L'insanité de ces sectateurs de Zénon n'a rien laissé de reste. De fait, en ce qui concerne la
[cause] efficiente, ils enseignèrent que ce n'est point en raison de la volonté de Dieu mais à
cause d'une fatale nécessité de la nature que tout s'enflammera chaque fois que s'achèvera
une période d'une grande année, à savoir lorsque les humeurs ayant été finalement, au bout
de tant de siècles, entièrement bues par les étoiles, auront laissé une forêt propice aux feux.
En ce qui concerne la matière, toutes choses, y compris les âmes elles-mêmes, les génies, les
dieux inférieurs, se changeront non pas en néant, dans la mesure où nous nous référons à la
forme, mais en leurs propres principes : les esprits en Dieu, les corps en la matière. Et cela
conformément à une fin et une mort telle que, à l'instar du phénix (que l'on dit être un oiseau
fabuleux inventé comme symbole de cette fiction principalement), le même monde,
numériquement, qui existait auparavant (avec cette réserve qu'il y a une incertitude en ce qui
concerne les êtres vivants) germera de nouveau de ses cendres, la même fable se répétant
en outre, selon des successions circulaires, de toute éternité. » 459 Et dans une note portant
sur le phénix (note q), Thomasius renvoie à sa neuvième dissertation, « où ce thème est
abondamment traité » 460 . De fait Thomasius y expose diverses interprétations suscitées
par le mythe du phénix, sans omettre l'interprétation alchimique 461 . Pour celle-ci, il se fonde
essentiellement sur deux ouvrages de Michael Maier 458. Cf. Dissertationes…, Th. IX, p. 10 : «
Praeter Stoicos & Epicureos etiam aliis qvibusdam Ethnicorum e) Mundana deflagratio
utcunqve fuit persvasa. Verùm ex his omnibus Stoicorum tantùm scrinia excutere jam placet,
ut appareat, ipsorum confessio qvàm tetris ulceribus scateat. » La note e) renvoie à
Empédocle et à Héraclite.

459. Cf. Dissertationes…, pp. 12-13 : « TH. XI. Nihil horum reliqvit insania sectatorum
Zenonis. Enimverò qvod ad efficientem attinet, non ex arbitrio Dei, sed fatali naturae
necessitate finitis anni magni spaciis exarsura omnia docuerunt, cùm videlicet ebibiti tandem
a stellis per tot seculorum spacia humores obseqventem ignibus silvam reliqverint ; qvod ad
materiam, omnia, & in his ipsas animas, genios, minores Deos conversum iri ; nec in nihilum
tamen, qvod ad formam referebamus, sed in principia sua, spiritûs in Deum, corpora in
Materiam ; & eo qvidem fine atqve exitu, ut Phoenicis instar, qvam fabulosam avem dicas in
hujus praecipuè commenti symbolum excogitatam esse q), Mundus idem numero, qvi ante,
nisi qvòd de animabus res ambigua, de favillis iterum progerminet, eademque fabula porrò
circulatoriis vicibus in omnem aeternitatem repetatur. » 460. Cf. id., p. 14 : « q) Hâc de re
copiosè agetur Dissert. IX. » 461. Cf. Dissertationes, « Dissertation IX. Ad. Thes. q. Phoenix »,
pp. 78-155, ici pp. 129-133. Pour un aperçu des divers aspects de cette interprétation, voir S.
Matton, « L e Phénix dans l'oeuvre de Michel Maier et la littérature alchimique », introduction à
la réédition anastatique de : Michel Maier, Chansons intellectuelles sur la resurrection du
Phoenix (Paris, 1758), Paris, 1984, pp. 5-61. que nous le sachions, cette équivalence ne paraît
pas avoir été posée par les alchimistes euxmêmes, qui ne semblent pas non plus avoir relié le
mythe du phénix à l'ekpyroesis des stoïciens ; mais si d'aucuns ont jamais avancée cette
équivalence ekpyroesis = grand oeuvre, il y a fort à parier que ce ne fut nullement en y
TRADUCTION 51

trouvant un modèle théorique de leurs opérations alchimiques, mais simplement en y voyant


l'une des innombrables allégories, telle celle du phénix, par lesquelles les Anciens voilèrent le
secret de l'Art. Les alchimistes avaient souvent beaucoup de lecture et d'érudition. Aussi
n'est-il pas surprenant qu'un certain nombre d'entre eux aient lu les écrits de Lipse, qu'il
s'agisse de ses traités sur le stoïcisme -c'est le cas de Jacob Toll, que nous avons vu faire
référence à la Physiologia Stoïcorum -ou de ses autres ouvrages. Ainsi, dans la version finale
de son Amphitheatrum Sapientiae aeternae, achevée deux ans avant la publication de la
Physiologia Stoicorum, commentant le verset biblique (Pr. VI, 6) Va à la fourmi, ô paresseux
et considère ses voies, et apprends la sagesse, Henrich Khunrath explique qu'en tous les
animaux « luit une étincelle de sagesse ou de prudence » et allègue entre autres l'exemple de
l'éléphant, à propos duquel il renvoie à la correspondance de Lipse : « L'Éléphant, le plus grand
des animaux terrestres est docile, clément, prudent, doué d'excellente mémoire ; ami de
l'homme, selon Pline, au livre VIII de son Histoire naturelle, et Juste Lipse dans ses Lettres ;
au témoignage aussi de l'expérience d'aujourd'hui, car des témoins oculaires et dignes de foi
connaissent les preuves de magnanimité qu'il a données de notre temps à Anvers, à Lisbonne
et à Vienne. » 475 Ainsi encore, dans son De Aureo Vellere, paru la même année que la
Physiologia Stoicorum, Guillaume Mennens met à profit, à propos des discussions
théologiques, le De una religione liber (Anvers, 1599) de Lipse : « […] même le très docte Juste
Lipse atteste que les discussions non seulement ne réduisent point les schismes, mais
poussent les hérétiques à durcir davantage leur position ; qu'en conséquence on doit éviter
les disputes dialectiques et proposer les formules de foi transmises par les Anciens, comme
l'écrit un vieil auteur ecclésiastique qu'il rapporte. Car s'ils rejettent ce qui est ancien et les
Anciens, quelle raison ou subtilité, poursuit-il, les pourra vaincre ? 476 » 477

De telles références, qui restent relativement rares, n'indiquent cependant pas chez les
alchimistes une lecture des ouvrages de Lipse qui ait été de nature à influer significativement
sur leur doctrines. Même l'utilisation de la Physiologia Stoicorum faite par Toll dans ses
Fortuita demeure en quelque façon marginale, puisque sa démarche ne consiste pas à partir
de doctrines stoïciennes qui lui tiendraient lieu de modèles théoriques, mais à les utiliser avec
d'autres doctrines en guise d'illustrations ou de confirmations de points précis de son travail
de déchiffrement des procédés chymiques dissimulés sous des fables antiques. S'ils avaient
réellement trouvé chez Lipse des éléments propres à élaborer et à justifier leur science, les
alchimistes n'eussent certainement pas manqué de le faire savoir, comme ils le firent avec
Ficin ou Fernel, et eussent été prompts à ranger sous leur bannière même un auteur qui
jamais ne mentionna l'alchimie, bien qu'il y ait beaucoup de chances pour qu'il ait eu des
contacts avec les milieux alchimiques lors de son séjour romain de 1567-1569 aux côtés du
cardinal de Granvelle, à qui il avait dédié, en 1566, ses Variae lectiones et dont il était devenu
le protégé 478 : on connaît en effet l'intérêt de Granvelle pour l'alchimie, et l'on sait que des
alchimistes -entre autres Domenico Pizimenti et Nicolas Guibert -fréquentèrent sa cour, tant à
Rome qu'à Naples, lorsqu'il y fut nommé viceroi 479 . Du moins Lipse exprima-t-il son goût
pour la médecine paracelsique, ainsi que l'a fait remarquer François Secret. à sa couleur,
TRADUCTION 52

celui-là ne peut pas même être vu la nuit, parce qu'il est extrêmement raréfié. Nous voyons
donc le feu être très fort dans le fer incandescent, en raison de sa densité, l'être moins dans le
bois, être très faible dans le lin ou l'étoupe, être si dilué dans la flamme que nous y faisons
passer la main sans blessure, et tellement ténu dans l'eau ardente qu'il ne se nourrit pas du
linge, mais le lèche. Nous ne voyons pas le feu élémentaire dans sa sphère. » 493 Il ne serait
pas absolument illégitime de vouloir discerner dans ces thèses une influence stoïcienne dans
l'insistance non seulement à souligner la différence entre le feu élémentaire et le feu
ordinaire, mais encore à marquer la supériorité du feu sur les autres éléments. Les stoïciens y
sont au reste expressément allégués. Certes, la "citation" étrangement formulée de Sénèque,
« il convient que le sage fasse confiance », faite dans la seconde thèse pour repousser
l'objection de ceux qui, « trop attachés au sens et liés à la matière », nient qu'il existe un feu
élémentaire du fait qu'on ne le perçoit pas, est surtout d'ordre rhétorique 494 . En revanche,
bien que banale, la citation de Zénon faite dans la quatrième thèse a une importance au
moins égale aux références faites à Aristote : « Nous attribuons au feu une place dans la
nature plus élevée que celles des autres éléments, deux principaux arguments nous poussant
à cela. Le premier est que comme la supériorité d'un élément s'infère d'une propriété native
de chacun, qui est la marque de sa forme substantielle, et que la qualité du feu l'emporte de
loin sur toutes les autres, nous affirmons légitimement que le feu est plus noble que les
autres éléments. D'autre part, sa chaleur l'emporte parce qu'elle est plus active et plus
universelle pour produire des choses tant dans les oeuvres de l'art (d'où vient, semble-t-il, que
le feu est appelé "maître des arts") que dans celles de la nature -et c'est pourquoi Zénon (au
témoignage de Cicéron, dans le second livre du De natura deorum 495 ), croyait que la nature
n'est rien d'autre qu'un feu artiste, et qu'Aristote a probable 505 , dont les arguments pro et
contra ne sont malheureusement pas exposés, mais dont on sait au moins que pour Pierre
Bert, étant un e{∑∂∑µ, elle ne devait pas être défendue par le répondant, une proposition
constituant selon lui un e{∑∂∑µ soit parce qu'elle est évidemment fausse, soit parce qu'elle
implique quelque chose de manifestement faux, soit parce qu'elle corrompt les bonnes
moeurs, soit, enfin, parce qu'elle s'oppose aux opinions reçues 506 . Traitant des météores
souterrains après qu'eurent été examinés les météores ignés, aériens et aqueux, la treizième
et dernière thèse se présente en effet de la manière suivante : « À partir de certaines des
exhalaisons enfermées dans la terre et mélangées avec elle sont produits des corps qui sont
des mixtes parfaits, et ne sont donc pas à proprement parler des météores, mais que l'on
compte quand même parmi les météores en raison de l'identité de leur cause et de leur
matière. Ces corps sont les métaux, les pierres et les terres précieuses. Les métaux sont
immédiatement engendrés à partir du soufre et du mercure, le premier se produisant à partir
d'une exhalaison chaude et sèche, le second à partir d'une exhalaison chaude et humide
lorsque se présente une fine onctuosité terreuse. Ils sont soit purs soit impurs. Les purs sont
l'or et l'argent. Les impurs ont les uns plus d'eau, les autres plus de terre. Ont plus d'eau le
plomb et l'étain, plus de terre le cuivre et le fer. Les pierres sont produites à partir d'une
exhalaison sèche lorsque se rencontre un onctueux terreux et aqueux. Elles sont soit viles soit
nobles. Les viles sont soit poreuses soit solides. Les poreuses sont le tuf et la pierre ponce.
TRADUCTION 53

Les solides sont le silex, la pierre à aiguiser, le roc, l'émeri, la pyrite. Les pierres nobles sont
les gemmes et les marbres. Les espèces les plus nobles de ces derniers sont l'albâtre, le
marbre d'ophite, le porphyre. Les espèces les plus nobles des premiers sont le diamant, le
saphir, l'émeraude, la hyacinthe, l'améthyste, l'escarboucle, la calcédoine, le rubis, la
chrysolite, l'oeil de chat, l'agate, la cornaline, le jaspe, l'onyx, la turquoise. Les moins nobles
sont le cristal, le corail, l'hématite et l'aimant. Les terres précieuses donner de l'éclat à son
génie et acquérir sans peine les sciences, ainsi que pour faire de l'or, trois choses que les
hommes désirent au plus haut point. Arnaud de Villeneuve et Raymond Lulle en particulier
pensent qu'elle peut se tirer d'un vin céleste et, jointe à de l'or céleste, être absorbée par celui-
ci, et que se forme un or potable d'une rare vertu 511 . Telles sont en grande partie les
consolations des chimiques perdus, qui rêvent encore que de l'or peut s'extraire une âme, à
partir de laquelle on pourrait ensuite produire beaucoup d'or. Mais examinons selon quelle
théorie il est possible d'extraire des choses une quinte essence, au moyen de sublimations. Il
est clair que cela ne peut se faire selon l'avis d'Aristote, d'une part parce que le ciel n'est pas
mélangé aux choses périssables, d'autre part parce qu'il n'existe pas un premier corps plus
pur et plus simple que les quatre éléments, et que d'un mixte on peut seulement tirer les
quatre éléments. Quant à l'opinion rapportée par Cicéron et attribuée à Aristote 512 , je n'en
dis rien car c'est une erreur évidente, comme on l'a montré. À propos de l'esprit universel des
stoïciens, on doit également dire qu'il ne se peut obtenir, non seulement parce qu'on ne doit
pas l'admettre, comme l'a montré par divers arguments Alexandre [d'Aphrodise], mais encore
parce que les stoïciens pensent que sa condition est de se répandre à travers les corps, et de
les lier, et non pas de subsister séparément. Si nous parlons selon l'avis d'Orphée et des
théologiens phéniciens, leur quinte essence est soit incorporelle, soit un corps. Si elle est
incorporelle, elle ne convient pas, puisque ce qui est extrait au moyen de sublimations est un
corps, et qu'en outre l'incorporel ne constitue pas légitimement un cinquième degré entre les
corps ; si c'est un corps, il est absurde que l'âme [du monde] incorporelle exhale un corps ; de
plus on n'a jamais remarqué chez nous d'autre corps que les quatre éléments, et ceux qui
sont constitués d'eux. C'est pourquoi, si nous disons qu'elle peut s'extraire de ces corps, nous
sommes contraints de dire avec les Académiciens que la quinte essence est une sublimation
et une purification des quatre éléments, ainsi que leur réduction en esprits subtils, de
condition ignée et solaire, doués d'un pouvoir exceptionnel en regard de la condition de ce
dont ils sont tirés. Si nous disons cela, nous ne nous opposerons ni à Aristote ni à
l'expérience : mais ces esprits ne peuvent guère être correctement nommés une quinte
essence, puisque ce sont des mixtes des quatre éléments, et ils ne peuvent être doués de
toutes les vertus que les chimiques attribuent à la quinte essence. » 513 511. Cf. M. Ficin, In
librum de Coelo, comment., Opera omnia, Bâle, 1576, II, p. 1603, (éd. Paris, 1641 Vtrum
elementorum substantiae, an qualitates solae, totis totae perfundantur.

« Quando igitur mistorum elementorum substantias in concretione haberi perspicuum


jam est, investigatione dignum videtur, ut illorum apta fiat adhaesio mutuaque complexio.
Corporum substantias totas totis commisceri ac penitus in sese penetrare, multi ex Plotino
TRADUCTION 54

opinati sunt.

Qui cum viderent sudores è cute nostra emanare, neque illam perfodi vel secari ; rursum
lanam aqua perfusam permadere totam, affirmare non dubitaverunt, totum corpus in
mistione per aliud totum penitus induci, ipsumque quoquoversum subire, materiam materiae
injici, molemque moli. Etenim aquae materiam in lana esse dixerunt, non quibusdam modo
inanibus spatiis conclusam, sed per totam illius substantiam fusam : tota enim madet, nec
ulla pars ejus expers est humoris.

Ad hunc modum non solum quatuor elementorum qualitates, sed eorum quoque
substantias permisceri in compositione partium similarium prodiderunt.

At vero ista qui possint sibi constare, concipere arduum est, & supra captum cogitationis.
Dum in corporibus macerandis humor solidioris substantiam pervadit, manifestum est, &
apud omnes in confesso, majorem toti molem accedere. Nam & lana madefacta occupat
locum ampliorem. Quod si est, necessarium consequitur, aliam alio situ collocari materiam.
In quibus vero non amplior videtur moles evadere, ceu liquore perfusis cineribus, aut cuticula
sudante, necesse est quos vocant poros & angustas vias latêre, in quibus aër, aut spiritus
tenuior, aut aliqua cum materia esset, exhalatur, cedensque liquori ingressum praebet.

Si enim nullum intervallum medium intercipitur, quomodo fieri posse credemus, ut in


solidum & undique inaccessum aliud corpus penetret, nisi consectiones utrinque fiant, qua
demum transitus fit ? Atqui si hoc modo corporum substantiae totis immiscentur, fit saltem
illorum adusque minima divisio, sic ut hujus minimum corpusculum, illius minimam
particulam contingat. Id certe indignum philosophia videri solet, credere aliquid esse in rerum
natura minimum, quod diuidi nequeat. Omne quidem corpus sectione infinitum est, neque ad
extremum & individuum perduci potest dividendo.

Quinetiam si illuc veniri potest, continua fractione comminutioneque facta, corporum


substantiae in sectiones absumentur, & tanquam in nihilum redactae se mutuo destruent.

Ad postremum vero quum exiguum quiddam permiscetur majori corpori, quomodo vsque
adeo distendi aut secari poterit, ut per universum majus se diffundat, & cuique individuo hujus
aliud individuum minoris accedat ?

Fieri igitur non potest, sed ne intelligi quidem, ut corporum substantiae mutuo se
penetrent, & eodem prorsum situ constitutae sint & collocatae : nec fieri potest ut in
ampliorem molem diffusae per minimas sectiones consertae colligentur.

Rationes istae fortasse Averrhoidem eo necessitatis adegerunt, ut non commentitium


quiddam modo, sed somnio quoque simillimum adferret : qui ut hanc substantiarum
TRADUCTION 55

permistionem tueretur, elementorum formas à perfectarum substantiarum dignitate &


universo genere detorsit, ut non in qualitates, sed in medium quoddam & inauditum genus
transferret. Illas quidem intendi posse & remitti per eandem materiam aequabiliter fusas,
qualitatum comparatione & exemplo pariter exporrigi.

Cujus opinionis levitas alio loco à nobis refutata, fusiorem hic disputationem non
desiderat.

Quocirca missis lubricarum opinionum fluctibus atque jactationibus, in tutum &


tranquillum portum nos recipiamus. Elementorum substantias mistio totis totas non inserit,
sed qualitates duntaxat miscet atque confundit, ut per totius compositi molem aequabiliter
sint fusae.

Primum enim quatuor illae mundi simplices naturae dum partibus quodammodo viribus
confluunt, in exiguas, non autem quamminimas portiones se distrahunt, eoque se ordine
componunt, ut quaeque tandem alterius diversique generis cuipiam cohaerescat, nihilque
sensu notari possit quod non ex quatuor earum portionibus constet.

Hoc positu exiguae portiones suam formam, qualem ante permistionem, integram
quaeque retinent : neque enim intensionem neque remissionem substantiae ferunt.

At vero elementorum qualitates contrariae totis totae se permiscent, & mutua quadam
repugnantia sese vicissim ad moderationem quandam redigunt, fitque illarum confusione
temperamenti quoddam similare genus per unversam compositi molem diffusum. Quanquam
igitur substantiae ≤`¢ı ø≥∑ temperari nequeunt, sed duntaxat continua appositione connecti :
qualitatum tamen consummata est permistio.

Quumque haec absoluta fuerit, temperamentum accedit aequabiliter toti comspersum, &
novam protinus forma inducitur : ac tum vere efficitur diversorum in unum atque idem
concretio. Quoniam enim à forma & ejus vi totum subsistit, consentanem est, id ipsum ab
unica & consimili, unum simplexque fieri.

Quae porro in hoc genito simplici corpore manent exiguae elementorum portiones, suis
quidem formis integrae subsistunt, non tamen liberae aut sui juris, sed simplicitae, vinctae, &
quasi interceptae mutua qualitatum pugnantia, atque etiam dignioris formae praesentia. Unde
pristinas sibique inditas vires expromere non valent, neque ignis urere, neque aqua impendio
refrigerare. Solum igitur potestate insunt : atque sic, ut, cum temperamento per obitum
dissoluto ad se redibunt, partesque propriis elementis reddentur atque restituentur
universitati, nullius imperio obstrictae in libertatem vindicentur resumantque pristinas vires.

In hunc modum mistae temperataeque elementorum portiones, materia fit totius,


TRADUCTION 56

simplici formae substrata.

Haec autem forma seu perfectio sui ubique persimilis est adeo, ut non modo particulae
quae sub aspectum recidunt, & quae ex tenuibus elementorum portionibus constant, sed &
ipsa elementorum fragmenta, quae seorsum non aliis permista substantiis intelligimus, totius
speciem gerant. Mistum enim jam est horum unumquodque, totiusque temperamentum
accepit : nihil igitur prohibet quo minus compositi totius species immigret in omnia.

Neque vero flagitium est fateri, duabus illa formis ornari, quarum una actu praesentique
imperio, altera ad tempus abrogata & antiquata, potestate duntaxat insideat. Ergo quae
fuerant olim diversa, ignis, aër, aqua & terra, nunc in similaris corporis compositionem dum
confluunt, eandem similitudinem speciemque gerunt, omniumque fit in unum atque idem
concretio.

Haec fuerit nobis tanquam levis armaturae primae disputationis excursio, quae simplices
rerum naturas persequuta sic coëgit, ut in π¥∑ §∑¥|ƒËµ compositionem conjecerit omnes ac
illigaverit. » APPENDICE III Francesco Piccolomini (De rerum Considero primò, ut pertinet ad
opinionem Stoicorum de ea multa dici ab Alexandro in cap. de mixtione, & iure explodi, nam
partes vniuersi, ut nectantur, & sibi cohaereant, non egent alieno aliquo spiritu, sed per
propriam naturam, & conditionem iunctae sunt. Ita Aqua sui natura haeret Aëri, & Aër Igni, &
cum spiritus ille statuatur corpus, si per omnia mearet, daretur penetratio corporum, explosa
ab Arist. in quarta Physicorum, & praesertim quia pro connexione, conseruatione, &
perfectione sat est Lumen & motus Coeli, quorum uires per vniuersum effunduntur. Considero
secundò, ut pertinet ad opinionem Academicorum, quod ipsi quatuor tantùm putârunt, dari
simplicia corpora & Elementa ; dicebant tamen ea non inueniri pura, sed permixta, adeò ut in
omnibus essente omnia. Cum enim putârint ea esse praedita anima, etiam putârunt debere
includere conditiones omnium primorum corporum. Supremam aëris partem nuncupârunt
aetherem ; Coelum dixêre ignem, quia existimârunt coelum esse elementa omnia in igneam
conditionem eleuata, adeò ut re vera corpus simplex quintum, distinctum à conditione
quatuor elementorum non approbauerint; & omnium eorum materiam dixêre unà, & eandem,
& proptereà re uera eorum opinio differt ab ea Arist. Considero tertiò, ut pertinet ad opinionem
tertiam ex Cicerone depromtam, quòd ipse in I. Tusculanarum ait, Cum quatuor Elementis non
competant animorum officia, & affectiones, Arist. quintum genus adhibet, uacans nomine, &
sic ipsum animam }µ…|≥|¤|®`µ appellat, nouo nomine, quasi quandam continuatam
motionem & perennem. Insuper in progressu eiusdem libri addit, Sin autem est quinta
quaedam natura, ab Arist. inducta primùm, haec & Deorum est, & animorum, & post pauca, Ita
quidquid est illud, quod sentit, quod sapit, quod vult, quod uiget, Coeleste, & diuinum est, ob
eamque rem aeternum sit necesse est, nec uerò Deus ipse, qui intelligitur à nobis, alio modo
intelligi potest, nisi Mens soluta quaedam & libera, segregata ab omni concretione mortali,
omnia sentiens & mouens, ipsaque praedita motu sempiterno ; hoc è genere atque eâdem è
natura est humana Mens. Et in primo Academicorum q. cum dixisset quatuor elementorum
TRADUCTION 57

duo superiora agere, Aquam verò, & Terram formari, & pati, addit, quintum genus, è quo
essent Astra mentesque singulares eorum quatuor, quae supra dixi, dissimile Aristo.
quoddam esse rebatur, sed subiectam putant omnibus sine ulla specie, atque carentem omni
illa qualitate materiam quandam, ex qua omnia expressa, atque effecta sint &c. Ex his
refulget, quid ex opinione Aristotelis putauerit Cicero esse Quintam essentiam ; Eam enim
numerat in serie corporum, ait ex ea constare Astra & Mentes, inquit dici entelechiam, hoc
est, perennem motum, ac ex se moueri, addit eorum vnam esse communem materiam ; quae
tantùm abest, vt sit opinio Arist. quòd nil pugnantius cum ea enunciari valeat. Nam ita Mens
esset corpus cum statuatur portio Quintae essentiae, numeratae inter corpora, ex qua
constant astra, quae corpora sunt. Insuper Arist. Quintae essentiae negat competere
materiam primam communem : Similiter negat Mentem ex se moueri, ut patet ex primo de
anima. Praetereà entelechiae nomen tribuit omni actui cùm substantiae, tùm accidentium.
Mitto alia innumera, quae addere possem. Considero quartò, vt pertinet ad opinionem
quartam, putantium Quintam essentiam esse spiritum ex mundi anima exspiratum, nonnullos
existimare quod quemadmodum in vniuerso Mundo intelligibili idem est actus intelligentiae,
ita per vniuersum Mundum sensibilem effunditur ex anima Mundi perspicuus quidam
lucidusque spiritus, eius imago, formas passim efficiens atque secernens, vt ille ideas : de
hoc dici aiunt, Spiritus intus alit. Hinc Iulianus Platonicus ex Theologia Phoenicum ait,
diffusam esse per vniuersum, & singulis insitam naturam quandam tralucidam, atque
Lucentem in seipsa, quasi ex diaphano, & Lucido temperatam, neque mixtioni alienae, neque
passionibus vllis obnoxiam, quae sit actus quidam purus intelligentiae, extra procedens,
habeatque, inuisibile. Lumen, & incorporeum, luminis huius visibilis & incorporei causam.
Addunt, quòd huiusmodi Lumen anima Mundi ex Mente recipit, ac illud quasi spiritum foras
efflat, de quo putant debere intelligi illud, Et spiritus ferebatur super aquas, quem spiritum
Coelum coelorum appellant, ac ut animae particulares proprios exposcunt in animali spiritus,
ex sanguine genitos, ita animae rationales ex Coelo descendunt, hoc spiritu circumfusae, ex
anima mundi expirato tanquam vehiculo aethereo. Et addunt nonnulli, ut ait Simplicius,
coelorum essentiam per uniuersum vsque ad centrum esse effusam, ut Sphaerae coelorum
perfectae & absolutae essent. Considero quintò de opinione Arist. nil esse dicendum, cum
enim egerim de Coelo, à quo Essentia quinta non distinguitur. Patet quid ex eius opinione sit
sentiendum, Coelum enim est non sublimitas Elementorum, sed Essentia quinta distincta à
quatuor Elementis, ea simplicior, purior, & praestantior, cuius materia differt ab ea mortalium
nec valet à sua sede, aut per naturam, aut per uim seiungi. Considero sextò, multorum esse
opinionem, ex singulis sub coelo positis posse per sublimationes elici Essentiam quintam,
quam dicunt praeciosissimam, & praeditam virtute mirabili, plurimumque valere pro uita
proroganda, pro illustrando ingenio, acquirendisque sine labore scientijs, & pro gignendo auro,
quae sunt tria ab hominibus maximè exoptata. Arnaldus de Villanoua, & Raimundus
praesertim putant elici posse ex vino coelesti, & iunctam auro solari, imbibi ab eo, & constitui
aurum potabile eximiae virtutis, & hae magna ex parte sunt consolationes perditorum
Chimicorum, qui etiam somniant ex auro elici posse animam, ex qua mox plurimum auri
producatur 523 . At perpendamus, secundum quam opinionem valeat per sublimationes ex
TRADUCTION 58

rebus elici Quinta essentia ? Id non posse fieri per opinionem Ari. conspicuum est ; tum quia
coelum non est permixtum cum mortalibus ; tum insuper quia non datur corpus prius purius,
& simplicius quatuor Elementis; ex mixto autem solùm quatuor Elementa elici possunt. De
opinione relata à Cicerone & Aristo. tributa, nil dico, quia est conspicuus error, vt apparuit. De
communi spiritu Stoicorum etiam dicendum est, non posse elici, ne dum quia concedi non
debet, vt varijs rationibus Alex. patefacit, verùm insuper quia ex opinione Stoicorum eius
conditio est effundi per corpora, eaque nectere, non autem seorsùm subsistere. Si loquimur
de opinione Orphei, & Phoenicum Theologorum, ea Quinta essentia vel est incorporea, vel
corpus : si incorporea ad rem non facit, quia id quod elicitur per sublimationes corpus est,
insuper incorporeum non rectè constituit gradum quintum inter corpora. Si est corpus,
absurdum est animam incorpoream spirare corpus ; insuper apud nos nunquam inspectum
fuit aliud corpus praeter quatuor Elementa, & constituta ex eis. Quare si dicimus posse ex his
corporibus elici, cogimur cum Academicis dicere Essentiam quintam esse sublimationem, &
depurationem quandam quatuor Elementorum, reductionemque eorum in spiritus tenues;
igneam & solarem quandam conditionem includentes, eximia facultate praeditos, ob
conditionem eorum, ex quibus educuntur. Hoc si dicimus, nec Aristo. nec experientiae
aduersabimur : at minus rectè illi spiritus Quinta essentia nuncupantur, cum sint mixti ex
quatuor Elementis, nec valent esse praediti tot viribus, quos Chimici tribuunt Quintae
essentiae 523. Voir encore F. Piccolomini Jakob 12,49,53,119,120,121 Thorndike,Lynn
17,24,30,44,48,51,56,82,88,115 Toll,Jacob 28,116,118,122,123 Tolomio,I. 12 Toth

Références
« Présence des concepts de la physique stoïcienne dans les textes alchimiques du XVII e
siècle », p. 343.

Voir S. Matton, « Marsile Ficin et l’alchimie. Sa position, son influence », dans : J.-

C. Margolin et S. Matton (éd.), Alchimie et philosophie à la Renaissance, pp. 123-192. 125.


Voir la notice d’A. G. Debus dans : Ch. C. Gillispie (éd.), Dictionary of Scientific Biography, I,
pp. 548-550 ; bibliographie à compléter par M. Teich, « Interdisciplinarity in J. J. Becher’s
Thought », History of European Ideas, 9.2 (1988), pp. 145-160 ; id., « J. J . Becher and Alchemy
», dans Z. R. W. M. von Martels, Alchemy Revisited, Proceedings of the International
conference on the History of Alchemy at the University of Groningen 17-19 April 1989,
Collection de Travaux de l’Académie Internationale d’Histoire des Sciences, 33, Leyde, 1990,
pp. 222-228 ;

G. Frühsorge et G. F. Strasser (éd.), Johann Joachim Becher (1635-1682), Wolfenbütteler


Arbeiten zur Barockforschung, 22, Wiesbaden, 1993 ; P. H. Smith, « Alchemy as a Language of
Mediation at the Habsburg Court », Isis, LXXXV (1994), pp. 1-25, et T h e business of Alchemy.
Science and Culture in the Holy Roman Empire, Princeton, 1994. 126. Ainsi que l’a fait
TRADUCTION 59

remarquer J. R. Partington, A History of Chemistry, II, Londres, 1961, chap. XVII (« The
phlogiston theory. Part I. Becher »), p. 639 : « He frequently contradicts siècle en France »,
dans : J.-C. Margolin et S. Matton (éd.), Alchimie et philosophie à la Re- naissance, pp. 435-
462.

Voir S. Hutton (éd.), Henry More (1614-1687), Tercentenary Studies, Archives inter- nationales
d’histoire des idées, 127, Dordrecht – Boston – Londres, 1990, spéc. pp. 219-246 : R. Crocker,
« A bibliography of Henry More ». 228. Voir J. A. Passmore, Ralph Cudworth, Cambridge 1951
(rééd. Bristol, 1990) ;

L. Gysi, Platonism and Cartesianism in the Works of Ralph Cudworth, Berne, 1962 ;

J. Jacquot, « Le platonisme de Cudworth », Revue philosophique de la France et de l’étranger,


LXXXIX (1964), pp. 29-44. Sur l’âme du monde chez Henry More et Ralph Cudworth, voir
notamment D. P. Walker, Il concetto di spirito o anima in Henry More e Ralph Cudworth,
Lezioni della Scuola di studi superiori in Napoli, 5, Naples, 1986. 229. Voir abbé N. S. Bergier
Dictionnaire de théologie, s. v. « âme » (éd. Paris, 1828, I, pp. 95-97).

Voir J. F. A. Gillet, Crato von Crafftheim und seine Freunde. Ein Beitrag zur Kirchen-
geschichte, Francfort, 1860 ; sur les rapports de Crato et des antiparacelsiens, voir, pour Ges-
sner, C. Gilly, « “Theophrastia Sancta”. Der Paracelsismus als Religion im Streit mit den offi-
ziellen Kirchen » dans : J. Telle (éd.), Analecta Paracelsica. Studien zum Nachleben
Theophrast von Hohenheims im deutschen Kulturgebiet der frühen Neuzeit, Heidelberger
Studien zur Natur- kunde der frühen Neuzeit, 4, Stuttgart, 1994, ici pp. 430-431 ; pour Th.
Éraste, Ch. D. Gunnoe, Jr., « Thomas Erastus and his Circle of Anti-Paracelsians », ibid., pp.
127-148, ici pp. 135- 136 et 141-142.

Jeu de mot probable sur Tartareus qui peut aussi bien signifier “du Tartare” (“tartaréen”)

que “du tartre” (“tartareuse”), ce qui pourrait ainsi être une allusion au De tartaro de Paracelse,
qui fut édité par Adam de Bodenstein (voir ci-dessus p. 14).

Cf. Biblioteca Nazionale Centrale, Palatino 867, vol. X, ff. 24 r -25 v , ici f. 24 v .

Voir L. Figard, Un Médecin philosophe au XVI e siècle, Étude sur la psychologie de Jean
Fernel, Paris, 1903 ; C. S. Sherrington, Endeavour of Jean Fernel, Cambridge, 1946 ;

M. L. Bianchi, « Occulto e manifesto nella medicina del Rinascimento : Jean Fernel e Pietro
Severino », cit. supra note 180. 402. Cf., par exemple, P. Borel, Bibliotheca chimica, éd. Paris,
1654, p. 93 (Heidelberg, 1656, p. 89) : « Fernelius libro de Abditis rerum causis, cap. 18. lib. 2.
de lapide Philosophico optimè disserit, se calluisse eum testatur, processumque eius docet. »
TRADUCTION 60

La « Physiologia Fernelij » est également incluse dans la Lista di nomi di scrittori chimici et di
libri di diversi citée supra p. 103 et note 400. Voir encore les textes de Theobald van
Hoghelande, Israël Harvet (l’« Anonyme d’Orléans » qui donna un commentaire du Tractatus
vere aureus de lapidis philosophici secreto d’Hermès) et de Pietro Maria Canepari cités dans
notre article, « Marsile Ficin et l’alchimie… », pp. 124, 125, 181, 185, 190. 403. Voir Dictionnaire
de biographie française, IV, Paris, 1941, col. 32. 404. Cf. Progymnasmata in Ioan. Fernelii
med. librum de Abditis rerum naturalium et medicamentorum causis : quibus adduntur
quorundam grauissimorum morborum curationes, Bâle, s. d. [= 1579], Exerc. LII (« An
Fernelius philosophicum lapidem probauerit ? »), p. 292 : « Bona sufflonum pars, eorum
præsertim, qui cæteris præstant, certè sua spe falluntur : quippe, qui Fernelium libro secundo
[en marge Cap. 18], de Abditis rerum causis lapidem philosophicum probare contendunt.
Longè enim secus sensit ille, ueluti ex Eudoxo, qui omnia diluit argumenta, à Bruto de isto
lapide proposita, licet cuique percipere. Etenim Eudoxus Philiatrum carbonariorum elixir, ut
quid abditum supernaturale admirantem sic interrogat : Siccíne (inquit) è philosophia ad
diuitias habendi desiderio quasi inflammatus raperis ? Vide ne quod postremò additum est
fabulam detegat. Hæc Fernelius quibus lapidem Philosophicum nihil aliud ese, nisi uanorum
hominum impostorum figmentum perspicuè demonstrat. Quare tanto uiro, de uera
philosophia medicina bene merito magnam faciunt iniuriam, ipsum dementiæ insimulantes.
Imò uerò ipsos ludit, artis imposturas detegit. » 405. Cf. Alchymia ratione et experientia ita
demum viriliter impugnata et expugnata, unâ cum suis fallaciis et deliramentis, quibus
homines imbubinârat, ut nunquam imposterum se erigere valeat, II, XI (« De Fernelio, et vtrum
Alchymiæ fauerit »), Strasbourg, 1603, pp. 85-87, et De in- teritu alchemiæ metallorum
transmutatoriæ tractatus aliquot, Toul, 1614, II, tract. III, pp. 108- 113. 406. Pour un bon
exposé de cette théorie, voir L. Figard, Un Médecin philosophe au XVI e siècle, pp. 115 sqq.

Cf. Physiologia, II (« De elementis »), III , éd. Leyde, 1645, p. 111 : « Elementum enim corpus
est simplex, ex quo quidque primum constituitur ». Les élements se trouvent naturellement
dans leur état de pureté dans certains lieux de l’univers, par exemple la terre au centre du
monde, ou le feu dans les cieux (voir id., II, VI , p. 117).

Voir id., II , cap. VII . Texte reproduit ci-dessous, Appendice II, pp. 140-142. 409. Cf. Ad libros
Fernelii de abditis rerum causis commentarius, cap. VIII (« Modvs mixtio- nis exponitur »),
dans Opera omnia, Paris, 1610, p. 12 : « Magna dissensione certant Stoïci cum Peripateticis,
an elementa ≤`…d «‡¥`…`, penes substantias, an ≤`…d √∑§∫…ä…`», penes qualitates tantùm
misceantur. Placet Stoïcis substantias ipsas formas elementorum, permisceri, Peripateticis
solas qualitates : quibus fauet Galenus, sic autem illi obiiciunt Stoïcis : elementa æ≥` {§ı
æ≥∑µ, tota totis commiscentur, atqui non possunt substantiæ substantiis permisceri sine
penetratione dimensionum : deinde, quæ miscentur, prius remitti necesse est, vt actione per-
pessione mutua temperentur ; intentio remissio sunt qualitatum propriæ, non formarum,
misce- rentur ergo qualitates, non formæ. Respondent Stoïci, dimensiones sese penetrare
non esse ab- surdum. Causam enim continentem, quam Zeno nominatim ignem appellabat,
TRADUCTION 61

dispersam per vniuersum, eiusque præsentia nullam mundi particulam esse destitutam :
lumen quoque, cùm sit corporeum, corpus perlucidum, vt vitrum, vndique permeare : quibus
videntur hæc attestari : Primò, quod elychnium totum oleo perfundatur. Secundò, quòd
accrescat corpus in omnes di- mensiones simul extendatur, alimento in omnes corporis
particulas effuso : Tertiò, quòd vas ple- num cineribus, non minus aquæ continet quàm si
vacuum esset : Postremò, quòd sudor corpus cutem peruadat. Verùm ignem Stoïcorum, vt
animam mundi, Platonicorum scriptis celebratam, Aristotelei multis argumentis refellunt, quæ
nos collegimus lib. de anima mundi. Lumen verò non esse corpus Aristot. aduersus
Empedoclem demonstrauit, nec defuerunt qui intentionalem tantum qualitatem, non realem
esse defenderunt, tantum abest vt illud corpus esse iudicarent. Lana aqua 430. Cf. id., éd.
Leipzig, 1738, p. 93 : « Nam licet subjectum hujus scientiæ, mixtionis mixtorum cognitio sit,
itaque spagyrica potius mixtoria quam separatoria vocanda esset ; tamen a posteriori nempe
a separatione, tanquam a potiori magis necessario, denominationem veteres sumserunt :
præsertim circa mixtionem subterraneorum. » 431. Cf. id., cap. III , p. 102. 432. Cf. id., pp. 102-
103.

Voir la notice de L. S. King, dans : Ch. C. Gillispie (éd.), Dictionary of Scientific Biography, XII,
New York, 1975, pp. 599-606 ; sur la chimie de Stahl, voir H. Metzger, Newton, Stahl,
Boerhaave et la doctrine chimique, Paris, 1930 (rééd. 1974), pp. 93-188, en particulier pp. 118-
124. (« Statique de la mixtion ») et 124-129 (« Statique de l’agrégation ») ;

J. R. Partington, A History of Chemistry, II, Londres, 1961, pp. 637-690. 434. Cf. Specimen
Beccherianum sistens fundamenta, documenta, experimenta, quibus principia mixtionis
subterraneæ, et instrumenta naturalia atque artificialia demonstrantur, à la suite de Becher,
Physica subterranea, Leipzig, 1703, pp. 7-8 (éd. 1738, p. 3) : « Omnino vero intelligit Autor, per
Mixtionem, Combinationem corpusculorum talem, sub qua illa quidem acte complicata,
adeoque mutuo nexu, seu cohæsione in firma societate, velut exquisite pro uno stent : Omni
modo tamen unumquodque illorum antiquam propriam suam Essentiam, etiam sub hoc nexu,
retineat. / Consentit in hoc, convenit Autor noster rectissime, cum sana Theoria Mechanico-
Corpusculari, quæ nimirum recte intelligit, combinationes quascunque non aliter fieri absolvi,
quam per actam appositionem, exactam juncturam, aliquando etiam implicationem
(tortuosorum, uncinatorum, hamatorum, spiralium) corpusculorum. » Pour une illustration de
cette théorie mécanico-corpusculaire, voir par exemple Becher, Supplementum secundum in
Physicam subterraneam, thèse IV (« De modo transmutationis metallicæ, nempe de objecti
transmutantis penetrantia et forma tincturæ absoluta »), id., éd. 1738, pp. 370-379. lumen
chemicum. À cela se rapportent les orgies et les mystères des anciens, et les lustrations par
l’eau et le feu […].

En outre, dans l’une de ses Dissertationes ad Stoicæ philosophiæ et cæteram philoso-


phicam historiam facientes argumenti varii, l’« Exercitatio de Stoica mundi exustione » 456 —
où, tout comme Toll et Juste Lipse lui-même 457 , il ne fait pas de la conflagration 455. Cf.
TRADUCTION 62

Fortuita, XXIII (« Deucalionis Pyrrhæ fabula Chemica enarrata »), pp. 178-180 :

« Terrent etiamnum nubila mentem, adest etiam nunc regulo sulphur aliquod externum
adustibile, quod per ignem rursus expellendum. Hæc enim est illa vera }≤√Õƒ›«§» mundi, de
qua veteres Philosophi, noster superius : Esse quoque in fatis reminiscitur, affore tempus,
Quo mare, quo tellus, correptaque regia cæli Ardeat, MUNDI moles operosa laboret.

Lips. Manuduct. ad Stoïcam Phil.

Sophocles apud Justinum Martyrem : ˜F«…`§ zdƒ, Ç«…`§ ≤|±µ∑» `•‡µ› ¤ƒ∫µ∑» Q˘…`µ √ƒª»
zÄ¥∑µ…` £ä«`ƒªµ ¤c«ñ Yƒ«›√ª» `•{çƒ. å {Ä x∑«≤ä£|±«` ⁄≥∑∂, ˜A√µ…` …d }√§z|§` ≤`® ¥|…cƒ«§`
X≥Ä∂|§ ¥`µ|±«`.

De monarchia Dei Lucretius in quinto : Principio maria, ac terras, cælum tuere : Horum
naturam triplicem, tria corpora, Memmi, Tris species tam dissimileis [sic], tria talia textu, Una
dies dabit exitio : multosque per annos Sustentata ruet moles, machina MUNDI.

Servius ad Virgilii Eclog. VI . Sane sciendum, per dilivium [sic], per ecpyrosim, significari
temporum mutationem. Insignia sunt, quæ Nigidius retulit : Quidam, inquit, Deos, eorum
genera, temporibus ætatibus distinxerunt : (Ita hic locus mutilus supplendus est) inter quos
Orpheus. Primum regnum Saturni, deinde Jovis ; tum Neptuni, inde Plutonis : nonnuli etiam, ut
Magi ajunt (id est Chemici) Apollinis fore regnum. In quo videndum est, ne ardorem (sive illa
ecpyrosis appelanda est) dicant. Et recte Stoïci, (modo, ut oportet, ea accipiamus) }µ …°
a√∑≤`…`«…ç«|§ mundi post hanc deflagrationem cadere de cælo semina dicunt, quibus
hominum genus instauretur. Nascitur enim HOMO noster de cælesti semine, vereque in eum
quadrat, quod adulatorie Virgillius Pollionis filio tribuit, Jam nova progenies CAELO demittitur
alto : Quippe qui perfectissimum instar universi est Basilius Valentinus : Jam vero de semine
hoc, quod metalla operantur, ita illud habeto, influentiam quandam cælestem divino nutu ab
alto demitti, eaque Syderum proprietatibus mixtam, ex hoc conjugio tertium quid gigni, quod
essentiæ terrenæ sit. Atque hoc est initium seminis nostri, ejusque prima origo. Ex illis tribus
prodeunt elementa, quæ deinde igne Aetnæo agitante perfectum corpus pariunt, Est autem
hoc semen spiritus Merculialis [sic], Neptunius, qui cum sulphureo Joviali mixtus in uterum
terræ sive salis Plutonium incidit, ibique alitur crescit, donec in Hominem efformetur
Chemicum, partuque in lucem prodeat. Plura huc facientia invenies apud eundem cap. VI . de
natur. supernaturalibus, apud Sendivogium tr. VI . novi. lum. Chemici. Pertinent huc Orgia …|
≥Ä…`§ veterum, lustrationesque per aquam ignem. […] »

Dans Dissertationes ad Stoicæ Philosophiæ et cæteram Philosophicam Historiam facientes


argumenti varii, pp. 1-28.

Voir J. Lipse, Manuductio ad Stoïcam Philosophiam : Physiologiæ Stoicorum libri tres, lib. II,
TRADUCTION 63

diss. XXIII (« Christianos etiam huius sententiæ, sed diuisa, esse : item Epicureos, Heraclitum
ante omnes: neque omnes tamen Stoicos. »), éd. Opera, I, p. 866. (1569-1622) 462 , les
Symbola aureæ mensæ duodecim nationum (Francfort, 1617) et la Septimana philosophica
(Francfort, 1620) 463 , en signalant que Maier n’a pas traité du phénix dans son ouvrage
entièrement consacré à l’interprétation de la mythologie égypto- grecque, les Arcana
arcanissima (s.l.n.d. [Londres, 1613/14]) 464 . Mais Thomasius sait que le phénix a aussi été
alchimisé par Gohory, dans son Theophrasti Paracelsi philosophiæ et medicinæ, utriusque
universæ, compendium, ce qu’avait noté Ulisse Aldrovandi (1522-

dans son Ornithologia (Bologne, 1599) 465 ; qu’il le fut encore par Pierre Jean Fabre dans son
Panchymicum, par Johannes Rist (1607-1667) avec son Philosophischer Phœnix (Hambourg,
1638) 466 et par Keslerus 467 , tous signalés par Ole Borch (Borrichius, 1626- 462. Voir J.
Telle : « Maier, Meier, Majerus, Michael », dans : W. Killy (éd.), Literatur- lexikon : Autoren und
Werke deutscher Sprache, VII, Gütersloh – Munich, 1990, pp. 428 sqq. ; U. Neumann : « Maier,
Michael », dans : T. Bautz (éd.), Biographisch-Bibliographisches Kir- chenlexikon, V, Herzberg,
1993, pp. 562-564 ; bibliographies à compléter par U. Neumann, « Michel Maier (1569-1622)
“philosophe et médecin” », dans : J.-C. Margolin et S. Matton (éd.), Alchimie et philosophie à
la Renaissance, pp. 307-326 ;

K. Figala et U. Neumann, « À propos de Michel Maier : quelques découvertes bio-


bliographiques », dans : D. Kahn et S. Matton (éd.), Alchimie : art, histoire et mythes, pp. 651-
664, et « “Author cui nomen Hermes Malavici”. New light on the bio-bibliography of Michael
Maier (1569-1622) », dans : P. Rattansi et A. Clericuzio (éd.), Alchemy and Chemistry in the
16th and 17th Centuries, Archi- ves internationales d’histoire des idées, 140, Dordrecht –
Boston – Londres, 1994, pp. 121- 147. 463. Cf. Dissertationes, §. 234, p. 131 : « Sed ne
inauditus condemnetur Majerus, jubeamus ipsum priùs causam suam dicere. Eqvidem
Phœnicem ille secreti Chymici hiero- glyphicum facit non modò lib. I. symb. aureæ mensæ p.
30. sed lib. IV. p. 151. lib. V. p. 197. lib. XIII. p. 562. 598. nullibi tamen, qvod videre nobis
contigerit, argumenta speciosiora congerit, qvàm in Septimanâ philosophicâ die 5. p. 174. »
464. Cf. id., §. 230, p. 130 : « Nititur ille falsâ hypothesi, qvam d. l. his prodit verbis: pleraqve
antiqvorum fabulosa de Diis, Deabus, Heroibus, animalibus, festis, ludis intitutis scripta
cantata Chymiæ occultissimæ esse velamenta. Qvâ de re p. seq. 31. videri jubet Hiero-
glyphica sua Ægyptio-Græca, (in qvibus tamen phœnicem avem frustrà sumus aucupati,) eâ
inten- tione fine scripta, ut artis Chymicæ veritas in allegoriis latens apertissimè
demonstretur. » 465. Cf. id., §. 229 : « An huc etiam faciat, qvod apud Aldrovandum lego XII.
Ornithol. 28. f. 404. Alchymistis phœnix elixirem significat. Nam Phœnix, Basiliscus, Glaura,
Mandragora, Chamæleon, Homunculus similia barbara vocabula sunt synonyma, ut Leo
Svavius (Scholiis in Paracelsum) annotat : dicant Chymiæ periti. » Cf. U. Aldrovandi,
Ornithologiæ, hoc est de avibus historiæ libri XII, Bologne, 1599, XII, XXVIII (« De Phœnice »),
p. 819. 466. Cf. id., §. 228 : « Etiam auctor occulti nominis I.R.H. perbrevi libello suo Hamburgi
A. 1638. in 12°. impresso, titulum fecit : Philosophischer Phœnix, das ist/ Sonnenklare
TRADUCTION 64

Entdec- kung des alleredelsten Steins der Weisen. Idemqve alias qvasdam Gentilium
Poetarum fabulas chymico sensu, qvod Majerus ante ipsum fecerat, exponit. » Le titre
complet de l’ouvrage de Rist est I.H.R. Philosophischer Phoenix, das ist kurtze Jedoch
grundl~che und sonnenklare Entdeckung der wahren und eigendl~chen matenae des aller
edelsten Steins der Weisen. 467. Cf id., §. 231, pp. 130-131 : « Volverunt hoc idem saxum
præter Majerum etiam Castelnovidariensis Faber, Keslerus, ut è Barrichio [sic] p. 91. de ortu
progress. Chem. intelligo. Kircheri qvoqve sententia est, auriferam artem, (qvàm è §. 226.
interpretare Chemiam Philosophici lapidis nesciam,) à Trismegisto symbolis hieroglyphicis
exhibitam fuisse. Ipsum adi Tom. II. Oedipi Part. alt. Class. 7. c. 2. seqq. f. 393. » 1690) 468
dans sa De ortu et progressu chemiæ dissertatio (Copenhague, 1668) ;

qu’enfin Johannes Petrus Lotichius avait mentionné cette interprétation alchimique dans ses
commentaires sur le Satyricon de Pétrone (Francfort, 1629) 469 . Or ces écrivains chymiques
s’accordent pour voir dans le phénix une figure hiéroglyphique du grand œuvre, qu’ils
l’appellent « teinture d’or » 470 , pierre des philosophes ou élixir 471 . En conséquence,
encore que Thomasius, qui veut que le phénix soit en réalité une image de la conflagration du
monde 472 , rejette pour sa part cette interprétation, qui ne lui apparaît pas en adéquation
avec les différents éléments du mythe 473 , on obtient chez lui la suite d’équivalences
ekpyrœsis = phénix = grand œuvre, et donc l’équivalence ekpyrœsis = grand œuvre. Certes,
pour autant 468. Voir la notice de P. M. Rattansi dans : Ch. C. Gillispie (éd.), Dictionary of
Scientific Biography, II, pp. 317-318.

Cf. id., §. 227, p. 130 : « A Majeri opinione non alienus videtur Jo. Petrus Lotichius lib. II.
Comment. in Petron. c. 13. ubi non modò p. 278. memorat, à fabulâ Phœnicis Chymicos
causæ suæ patrocinium accersere, sed p. seq. Majeri symbola aureæ mensæ eruditissimum
vocat de fabulis ad Chymiam pertinentibus tractatum. » Voir T. Petroni Arbitri Satyricon, Super
profligatis Neronianæ tempestatis moribus : Commentariis, sive excursibus medico-
philosophicis : Itemque notis universalibus et perpetuis recens adornatum […] Noviter
recensente Jo. Petro Lotichio, Med. D. […], Francfort, 1629, pp. 277-280, où, à propos de
Jason, Lotichius donne un développement sur l’interprétation alchimique de fables antiques,
en incluant, p. 278, celle du phénix (« Eodem referunt fabulam Phœnicis, Cadmi cum Dracone
congressum, Ganymedis item, Midæ, Danaës, Sphyngis, Tantali, id genus alia, é quibus
omnibus Chymici caussæ suæ patrocinium accersunt. »).

Cf. id., §. 225, p. 129-130 : « Idem esto judicium secundò de accommodatione Phœnicis ad
chymicorum tincturam auream. Nec enim assentior Mich. Majero, cui lib. I. symbolorum
aureæ mensæ p. 30. tàm certum, qvàm qvod certissimum est, Ægyptios per avem phœnicem
intellexisse tincturam auream, si hoc ad primariam Ægyptiorum intentionem, ut apparet,
retulit. » 471. Cf. id., §. 229, cité ci-dessus note 465.

Cf. id., §. 330, p. 155 : « Concludamus ergò sententiam si non immoti roboris, saltem
TRADUCTION 65

probabilitatis haud infimæ, qvi Phœnicem excogitarunt, eos illum imaginem esse Mundi
voluisse, qvæ non unitatem ipsius tantùm, durationemqve longam, sed circulos per vitæ
mortisqve vices exprimeret perpetuos, ex gentilium videlicet, qvi autores fabulæ fuerunt,
mente ;

atqve in his qvi phœnicem igne mori asseruerunt, mondo ex conflagratione interitum fuisse
ominatos. Qvem exemplo phœnicis adhibito depingunt atqve illustrant etiam Aug. Steuchus
lib.

X. de perenni philos. p. 710. B. Gerhardus Tom. IX. Loc. Theol. tit. de Consumm. sec. n. 48. p.
409. » 473. Cf. id. : « §. 237. Qvi parum æqvi sunt Chymicis, qvintum fortasse comparationis
membrum desiderabunt, neqve minùs aureæ tincturæ, qvàm phœnici locum inter entia
rationis deberi ajent. Sed transeant joci. Nos hoc Majero, ne qvidem si seria res agatur, non
opponemus. Neqve verò de re, sed de gentis Ægyptiæ opinione lis est. Itaqve per hos vera
phœnici congrua sint omnia, qvæ voluit vir doctus. / §. 238. Verùm qvò minùs credamus ad
auream tincturam Sacerdotes Ægyptios respexisse, cùm Phœnicem comminiscerentur, ea
nos primùm ratio movet, qvòd Phœnix ille, qvi è cineribus corporis sui combusti nascitur, non
Ægyptius est, sed Græcus, per §. 11. seqq. / §. 239. Deinde si qvis pro combustione, ut
causam Majeri adjuvet, mortem in genere substituat : vel hæc sola nobis ratio, ut ipsum nos
deferamus, sufficiet, qvòd ejus accommodatio est inadæqvata. Qvinqve partibus primariis
ideam phœnicis constare sæpiùs dictum est. Ex his duæ tantùm comparent : (secundariæ
nullo nobis numero sunt,) mors renovatio. Ubi tres reliqvæ ? ubi unitas individui ? ubi anni
longævi ? ubi juges circuli ? » 474. Cf. J.-P. Dumont, « Les a priori philosophiques de l’alchimie
classique… », p. 20

et « Préface » à B. Joly, La Rationalité de l’alchimie au XVII e siècle, p. 10 ;

B. Joly, L a Rationalité de l’alchimie au XVII e siècle, pp. 84-85, et « Physique stoïcienne et


philosophie chimique au XVII e siècle », pp. 179 et 183.

Traduction Grillot de Givry (modifiée par nous), Amphithéâtre de l’Éternelle sapience, p. 32 ;


cf. Amphitheatrum Sapientiæ æternæ, p. 39 : « E L E P H A S , animalium terrestrium
maximum, docile, clemens, prudens, memoria valens, ⁄§≥cµ¢ƒ›√∑µ, iuxta Plinium, lib. 8.
Natural. histor. Iustum Lipsium in Epistolis, teste quoque experientia hodernia : sciunt enim
testes oculares fide digni, quæ præstiterit magnanimitatis documenta Antuerpiæ, Vlyxeponæ,
atque Viennæ, nostro tempore. » et philologue Victor Giselin (Ghyselinck, Giselinus, 1543-
1591) 480 qu’il souffrait de ce dérangement hépatico-mésentérique que les Arabes nomment
« myrachial », Lipse lui demandait en effet :

« Voilà le nœud. As-tu un coin pour lui ? Mais es-tu toi aussi attaché aux médecins de la vieille
école ? Je dis de la vieille, car ceux de la nouvelle depuis Paracelse promettent un secours du
TRADUCTION 66

vinaigre de vitriol. Ils disent qu’il refroidit, pénètre, ouvre et en même temps fortifie les
viscères et les membres. Et en vérité (retiens ta colère et ta voix) j’en use déjà, avec un
succès assez heureux. Quant au résultat final, je verrai : s’il continue de me soulager ainsi,
j’appellerai son inventeur un dieu. » 481

Du silence de Juste Lipse sur l’alchimie, il est évidemment impossible de conclure quoi que
ce soit quant à sa position à l’égard de cette dernière. Simplement, que Lipse n’ait opéré
aucun rapprochement entre les thèses de la physique stoïcienne et celles de la philosophie
chymique est sans doute l’indice qu’il n’aperçut pas de lien entre les unes et les autres, tout
comme n’en avait pas vu le traducteur de La Politique de Juste Lipse (1594), Simon Goulart,
dans son Ample discours sur la doctrine des stoïques, où il observait que « les Peripatetiques
anciens modernes ont traicté infinies questions sur les meteores, ausquelles les Stoïques
n’ont point touché » 482 : Goulart rangeait probablement parmi ces questions celle de la
formation des métaux, et partant celle des transmutations métalliques, sur laquelle il n’était
pas totalement dépourvu d’information, comme en témoignent certaines remarques sur l’or
et l’herbe lunaire de ses commentaires sur la Premiere Sepmaine de Guillaume de Saluste Du
Bartas (Paris, 1583) 483 , ainsi que ses annotations au Grand Miroir 480. Voir la notice de L.
Roersch dans Biographie nationale, publiée par l’Académie royale des sciences, des lettres et
des beaux-arts de Belgique, VII, Bruxelles, 1880-1883, col. 787-792. 481. Cf. Epistolarum
selectarum Centuria prima miscellanea, Epist. LXXXI (« XI . kalend.

Sextil. 1585 »), éd. Opera, I, p. 32 : « habes ei cuneum ? an tu quoque cum veteris Scholæ
medicis obhæres ? Dico, veteris. nam isti noui à Paracelso, auxilium pollicentur ab Vitrioli
aceto. Frigerare id aiunt, penetrare, aperire ; simul robur addere visceribus membris. Et sanè
(iram vocem comprime) iam vtor, successu non infelici. De exitu videbo : si iuuare ita porrò
pergit, ego inuentorem hunc deum. » Je remercie F. Secret de m’avoir signalé cette lettre.
482. Ample discours sur la doctrine des Stoïques, éd. cit., p. 354.

Cf. Les Œuvres de Guillaume de Saluste, seigneur Du Bartas, reveus et augmentés par
l’autheur. En ceste derniere edition ont esté adioustez commentaires sur la Sepmaine [ … ]
argumens […] et sommaires […], Paris, 1583, textes cités par F. Secret, « Notes pour une
histoire de l’alchimie en France », Australian Journal of French Studies, IX (1972), pp. 217-
236, ici pp. 219-220 (« II. Du Bartas, ses commentateurs et l’alchimie »). F. Secret a fait
observer que le commentaire du passage sur l’élixir de la Seconde Sepmaine auquel fait
allusion P. Borel dans sa Bibliotheca chimica (Paris, 1654, p. 42 [Heidelberg, 1656, p. 40] :

« Salustius Bartassius in Gallica sua Hebdomade, vt S. G. S. id est Simon Goulartius


Syluanectensis, in Commentario suo, de Elixire, quædam referunt. ») n’est pas de S. Goulart
mais de Claude Duret. Pour l’ensemble du commentaire de Goulart, voir H. Perrochon, «
Simon Goulart, commentateur de la Premiere Sepmaine de Du Bartas », Revue d’Histoire
littéraire de la France, XXXII (1925), pp. 397-401. Sur Du Bartas, voir J. Dauphiné, Guillaume
TRADUCTION 67

de Saluste Du Bartas, poète scientifique, Paris, 1983, et, sous la direction du même, Du Bartas
poète encyclopédique du catholicisme, ayant abjuré entre les mains du cardinal de Retz après
s’être réfugié en France, où Louis XIII lui donna une chaire de mathématique au Collège royal
et le nomma son historiographe. Bert connut bien Lipse pour avoir étudié les belles-lettres à
Leyde sous sa direction et l’avoir accompagné en Allemagne en 1591. Bert enseigna
d’ailleurs lui-même à Leyde, d’abord comme régent des basses classes, puis dans le nouveau
collège de l’Université, dont il fut aussi le bibliothécaire, avant d’être nommé en 1606 régent
du Collège des États et fait en 1615 professeur en philosophie. Bert s’intéressa au stoïcisme,
tout particulièrement à la morale stoïcienne, et ses rela- tions avec Lipse y furent sans doute
pour quelque chose. En 1619, il prit pour sujet de son cours à l’Université de Leyde le De
brevitate vitæ de Sénèque, cours dont la leçon inaugu- rale fut publiée sous le titre de P. Bertii
Quum librum L. Annæi Senecæ De brevitate vitæ publicè explicare adgrederetur, oratio, habita
Lugduni Batavorum, VII. Eid. Quinctileis, Anno M. DC. XIX (Leyde, 1619) 490 . Mais cet intérêt
ne conduisit apparemment jamais Bert à remettre en question la philosophie d’Aristote, qu’il
fit profession d’enseigner et qu’il place, dans ses Logicæ peripateticæ libri sex (Leyde, 1604),
au-dessus de toutes les autres 491 . En particulier, les nombreuses thèses universitaires qu’il
présida, notamment celles portant sur la physique, s’inscrivent clairement dans le cadre de
l’aristotélisme. Ainsi — et pour ne considérer que celles qui entretiennent un rapport plus ou
moins direct avec l’alchimie —, un an avant que Lipse ne publiât sa Physiologia Stoicorum,
Bert fit soutenir à l’Anversois Samuel I. F. Hochedé de La Vigne des Theses physicæ de
elemento ignis, eiusque motu in orbem (Leyde, 1603) 492 , dont la première énonce : « Contre
les novateurs Cardan et ses suivants, l’on peut prouver de diverses façons que le feu est un
élément : 1) à partir de la raison du mouvement ; 2) à partir de l’union («âzßl) des qualités
premières ; 3) à partir de la résolution des mixtes.

Le feu élémentaire diffère cependant du nôtre en ce que celui-ci est le dernier degré de la
chaleur, tandis que celui-là est la chaleur même ; celui-ci est épais et dense, celui- là ténu ;
celui-ci brûle en raison de sa densité et de la compaction de sa matière, celui-là ne brûle pas
en raison de sa ténuité ; celui-ci est visible même de jour grâce 490. Cf. Quum librum L. Annæi
Senecæ De brevitate vitæ publicè explicare adgrederetur, oratio, Leyde, 1619, pp. 3-4 : « […]
Senecæ libellum de Breuitate vitæ in manus sumere, publiceque explicare instituerim, id
priusquam rem ipsam adgrediar, statui paucis exponere : nam à vobis illud exspectari, ab
huius loci atque temporis ratione non esse omninò alienum, puto. Vereor enim ne qui sint, qui
me ordinem meum desruisse suspicentur, quod omisso Aristotele, eiusque laudatissimo
interprete, ad Stoicæ Philosophiæ Principem nunc accedam, vel non mei muneris esse
judicent, de longa brevi vita disserere. » 491. Cf. Logicæ peripateticæ libri sex, Leyde, 1604, f. *
r : « Philosophiam omnem Peripa- teticam (quæ Dogmatum veritate, Ordinis accuratione,
Demonstratione robore, cæteras omnes philosophias antecedit) […].

» 492. Theses physicæ de elemento ignis, eiusque motu in orbem, Quas […] sub patrocinio
TRADUCTION 68

D. Petri Bertii Illust. DD. Ordinum Holland et Occidentalis-Frisiæ Collegii Theologici Lugduno-
Bat. Subregentis dignissimi, In eiusdem Collegii auditorio tueri adnitar Samuel I. F. Iochedæus
[sic] de La Vigne Antwerp., Leyde, 1603. 493. Id., f. G2 r : « Ignem Elementum esse variè
contra Cardanum, ejusque sequaces rerum novatores probari potest. I. ex ratione motus. II. ex
primarum qualitatum «âzßl. III. ex mixtorum resolutione. Differt tamen ab igni nostro, quòd hic
fit …∑◊ £|ƒ¥∑◊ Ã√|ƒx∑≥é, ille a…ª …ª £|ƒ¥∫µ. hic crassus densus, ille tenuis. hic vrat ob
densitatem materiæ compactionem, ille ob tenuitatem non urat. hic conspiciatur etiam
interdiu ob colorem, ille ne noctu quidem sit conspicuus, quia rarissimus : Videmus igitur
ignem in ferro candente validissimum esse, propter densitatem, in ligno minùs, imbecilliorem
eundem esse in lino aut stupa, in flamma ita dilutum, ut manum traducamus sine offensione.
In aqua ardente ita tenuem, ut linteum non depascar, sed lambat : elementarem in suo orbe
non videmus. » 494. Theses physicæ de elemento ignis, f. G2 r : « Qui negant elementum
esse, quia non conspicitur, nimis videntur sensib. dediti, affixque esse materiæ. At rectè
Seneca, S APIENTEM CREDVLVM ESSE OPORTERE dixit. » Il s’agit peut-être d’une allusion à
Ad Lucilium epistulae morales, I, III , 4 : « utrumque enim vitium est, et omnibus credere, et
nulli ». 495. Voir ci-dessus, note 151. dit (dans le second livre De la vie et de la mort, et dans
le second livre D e s Animaux, chap. V , texte 50 496 ) que l’âme fait tout par le biais de la
chaleur. » 497

Toutefois, quelle que soit l’importance de la présence du stoïcisme dans ces thèses, cette
présence ne mène guère à une attitude d’ouverture à l’alchimie. Si l’allusion à « l’eau ardente »
de la Thèse I nous rapproche de l’alchimie, c’est probablement aussi certains alchimistes que
vise la Thèse II en dénonçant « l’erreur de ceux qui prétendent que le ciel est le quatrième
élément » 498 , puisque, nous l’avons vu, certains alchimistes avaient substitué le « ciel » au
feu dans la série des éléments 499 . La publication de la Physiologia Stoicorum de Lipse n’eut
pas pour effet d’accroître la présence de la physique du Portique dans les thèses que présida
Pierre Bert. L’année de cette publication, Bert fit ainsi soutenir à Samuel Nothæus des Theses
physicæ de mixtione (Leyde, 1604) 500 où ne se rencontre pas même une allusion à la
théorie stoïcienne du mélange. L’année suivante, il fit soutenir à l’Édamois Robertus
Gulielmus F. Puppius des thèses sur la X«§∑≥∑zß` de meteoris (Leyde, 1605) 501 , dont le
titre est peut-être un écho de l’ouvrage de Lipse, mais dont le contenu est, du point de vue du
stoïcisme, très en retrait sur les Theses physicæ de elemento ignis […] de 1603, en dépit d’une
référence aux Naturales quæstiones de Sénèque, à propos des comètes 502 . Elles offrent
des analyses conventionnelles et des distinctions banales qui se rencontrent à l’époque dans
la plupart des thèses universitaires sur les météores 503 . La seconde thèse énonce ainsi :

Aristote, Parva naturalia : De juventute et senectute, de vita et morte, de respiratione, 4, 469a-


b, et 14 (8), 474a ; De animalium generatione, II, 4, 740b. 497. Cf. f. G2 v : « Igni præ cæteris
elementis altiorem naturæ gradum adscribimus, idque duobus præcipuè moti argumentis.
Primum est ; cum Elementi præstantia colligatur ex nativâ cujusque proprietate, quæ
substantialis formæ index est, Ignis autem qualitas ex cæteris longè excellat, meritò ignem
TRADUCTION 69

cæteris elementis nobiliorem asserimus. Excellit autem Calor, quia actuosior est (Thom. 4.
sent. d. 44. quæst. 3. art. 2.), ad res efficiendas universalior, tam in operibus artis, hinc dictus
videtur ignis artium magister, quàm naturæ, hinc Zeno, teste Cicerone (lib. 2. de Natura
Deorum), credidit naturam nihil aliud esse, quàm ignem artificiosum, Aristoteles (lib. 2. de vita
morte lib. 2. de Anim. cap. 5. tex. 50) animam omnia interventu caloris operari dixit. […] » 498.
Cf. Thesis II, f. G2 r : « Qui Cœlum putant esse quartum istud elementum, erroris depre-
henduntur, ex eo, quòd cœlum non caleat, neque leve aut grave sit, neque rectâ lineâ feratur.
» 499. Voir ci-dessus p. 89. 500. Theses physicæ de Mixtione Quas J|∑◊ {§{∫µ…∑» , Præside
Clarissimo Doctissimo Viro, D. Petro Bertio, Collegii Theol. Illust. D. D. Ord. Hollandiæ West-
Frisiæ Subregentis dignissimi, pro viribus defendam Samuel Nothæus, Leyde, 1604. 501.
XWTKQMQDK˝A de Meteoris, quam […] Præside […] D. M. Petro Bertio Collegii Theologici,
quod est in Acadaemiâ Lugduno-Bat. subregente, Ethices Professore publico, a«≤ç«|›» ѵ|≤`
Examinadam proponit Robertus Gulielmus F. Puppius Edamensis, Leyde, 1605. 502. Cf. id.,
Thesis V, f. A2 v : « Durant [Cometæ] quandiu materia eorum ardet, ad summum (si Senecæ a
credimus) senos menses » ; la note « a » indique : « Q.N. l. 7. c. 10 21 ». Le Corollaire de cette
thèse explique : « Novum illud visum, quod anno 1572. ad genu Cassiopeæ apparuit, non fuit
stella nec cometa, sed hyperphysicâ generatione à Deo procreatum. » 503. Cf., par exemple, I.
L. Hawenreuterus (præside), Disputatio de igneis meteoris, Stras- bourg, 1603 ; I. G. Leo
(præside), Disputatio de meteoris philosophica, Bâle, 1601 ; etc.

« La cause efficiente des météores est double, hyperphysique et physique. La première est le
premier moteur, supérieur à la nature : Dieu lui-même ; la seconde est à son tour double,
éloignée et prochaine. La cause éloignée est la force et influence des astres qui dispose et
prépare la matière élémentaire en vue d’une émanation, et l’émanation en vue de la
génération des météores. La cause prochaine, également appelée instrumentale, est la
chaleur et le froid : la chaleur, dans la mesure où, excitée par les rayons du soleil, elle dissout
en émanation, en les raréfiant, de minces parties de terre ou d’eau, et les élève en l’air ; le
froid, dans la mesure où il resserre les exhalaisons qui se sont élevées. De même, leur
matière est double. La matière éloignée est constituée par les quatre éléments, et
principalement par la terre et l’eau ; la matière prochaine est une exhalaison ou émanation
(l’aµ`£¥ß`«§» des Grecs) qui s’engendre à partir de particules de terre et d’eau amincies. Cette
exhalaison est double, c’est une fumée (en grec ≤`√µ∫») et une vapeur (en grec a…¥ß»). La
fumée est une exhalaison plus fine, chaude et sèche, tandis que la vapeur est plus épaisse,
chaude et humide ; la première est tirée, par la vertu des astres, de terres et de lieux arides,
tandis que la seconde l’est d’eaux et de lieux humides ; et elles sont soit portées en haut, soit
enfermées dans des cavités dans la terre. La forme des météores est ce par quoi chacun
d’eux est ce qu’il est, et elle varie selon que la matière est diversement affectée. Leur fin est
l’illustration de la sagesse divine, la justification du monde et le salut des vivants. C
OROLLAIRE I. Le ciel agit sur ces réalités inférieures.

C OROLLAIRE II. La fumée ne diffère pas en espèce de la terre, ni la vapeur de l’eau. » 504
TRADUCTION 70

Or c’est précisément dans ce cadre théorique d’un néo-aristotélisme scolastique qu’il est fait
explicitement mention de la question de l’alchimie transmutatoire, présentée sous la forme
d’un « e{∑∂∑µ », c’est-à-dire, selon la terminologie aristotélicienne, d’une thèse im- 504. Cf.
XWTKQMQDK˝A de Meteoris, II : « Causa effectrix Meteororum duplex est, hyperphysica
physica : illa est primus motor, natura melior, ipse Deus ; hæc iterum est duplex, remota
propinqua. Remota est vis influentia stellarum quæ materiam elementarem ad halituum,
halitusque ad Meteororum generationem disponit præparat. Propinqua, quæ intrumentalis
dicitur, est calor frigus ; ille quatenus Solis radiis excitatus tenuiculas partes terræ, aquæve
rarefaciendo in halitus solvit, in sublime elevat ; hoc quatenus exhalationes elevatas
constringit. Materia itidem duplex est, remota sunt 4 elementa, imprimis terra aqua ;
propinqua est exhalatio sive halitus (Græcis aµ`¥ß`«§») qui ex particulis terræ aquæ
extenuatis gignitur. Halitus iste duplex est, fumus (qui ≤`√µª») vapor (qui a…¥®» Græcis
dicitur). Fumus est halitus tenuior, calidus siccus : vapor vero crassior, calidus humidus ; ille
ex terris locis aridis, hic ex aquis locisque humectis virtute siderum educitur, vel sursum
fertur, vel in terræ cavernis concluditur. Forma Meteororum est id per quod unumquodque est
id quod est ; estque varia, prout materia variè afficitur. Finis eorum est illustratio sapientiæ
divinæ, mundi expurgatio, salus viventium. Coroll. I. Cœlum agit in hæc inferiora. II. Fumus à
terrâ vapor ab aquâ non differt specie. » 505. Par opposition à l’ǵ{∑∂∑µ, ou thèse probable ;
cf. Aristote, Topica, VIII, 5, 159a 39 et suiv.

Cf. P. Bert, Logicæ peripateticæ libri sex, V, III , IV et IX , Leyde, 1604, pp. 308-309 :

« De officio Respondentis. / Respondentis est ponere thesin, vel ǵ{∑∂∑µ , vel e{∑∂∑µ , vel
¥ä{Ä…|ƒ∑µ . / Ad opposita ita respondebit, ut neque concedat falsa, neque ea quæ ignotiora
sunt conclusione. / Si Thesis fuerit ex alienâ sententiâ non ex suâ, respondebit ad objectiones
ex alienâ potius sententiâ quam ex suâ. / CAP . IV . / Ad argumentum opponentis hoc modo
respon- dendum est. / I . si præmissæ veræ sint, neque iis evertatur thesis, dicendum est,
videri : sed nihil hæc facere ad disputationem. / II . Si insuper præmissæ sint falsæ, licebit
cum eâdem protestatione conclusionem concedere, præmissas negare. / III . Si vera sint
omnia, ad rem faciant, viden- dum est an ulla sit petitio principii. / IV . Si ad rem faciunt sunt
e{∑∂`, rejicienda sunt. / V . Si neque ad rem conducant, neque e{∑∂` sunt neque ǵ{∑∂`,
absolutè poterunt concedi. / VI . Si ad disputationem pertinent, utendum vel distinctione, vel
negatione, vel instantia. Nam si conce- dantur evertetur thesis. / […] / CAP . IX . /
Respondentis est antè disputationem præmeditari, sibi ipsi aliquid objicere, quod tacitè
solvat. / Hoc Græci vocant √ƒ∑|z¤|§ƒ|±µ. / ıA{∑∂` non sunt de- fendenda. / Idem præceptum
lib. I . cap. II . Sunt autem e{∑∂`, I . Manifestè falsa. II . Ex quibus mani- festè falsum sequitur.
III . Quæ bonos mores corrumpunt. IV . Quæ receptis sententiis adversantur. » naissent des
deux exhalaisons mélangées à de la terre. Certaines d’entre elles ne peuvent pas se liquéfier,
d’autres si. À ce dernier genre appartiennent le sel, l’alun, le bitume, le vitriol. Au premier,
l’orpiment, le réalgar, la chaux, le gypse, la craie, l’ocre, l’argile, la terre sigillée, la terre
d’Arménie.
TRADUCTION 71

C OROLLAIRE I : Les métaux et les pierres ne sont pas animés. C OROLLAIRE II : Les métaux,
comme les pierres, diffèrent entre eux selon l’espèce. IMPROBABILIT é : De l’or véritable peut
être produit par l’alchimie. » 507

C ONC LUS I ON

L’approche historique des textes ne nous permet pas de voir dans le stoïcisme le « modèle
philosophique » de l’alchimie de l’âge classique, aussi bien que de l’alchimie de la
Renaissance et du Moyen Âge ; cette approche ne nous permet pas même de reconnaître
dans le stoïcisme un modèle parmi d’autres, avoué ou secret, et cela pour la simple et bonne
raison que les doctrines physiques stoïciennes étaient alors très mal connues, voire complè-
tement ignorées des alchimistes. Aussi, bien que sur les questions de l’esprit universel du
monde, des principes et des éléments, de la matière et de la forme, du mélange et des mixtes,
etc., les alchimistes de la Renaissance et de l’Âge classique aient développé des thèses
souvent divergentes ou franchement contradictoires, aucun d’entre eux ne semble avoir
repris de manière spécifique l’enseignement du Portique, et aucun ne s’en est jamais
sérieusement réclamé. Mais s’il n’y a pas de modèle stoïcien, cela ne signifie évidemment
507. Cf. XWTKQMQDK˝A de Meteoris, XIII : « Cæterum è quibusdam ex exhalationibus terræ
inclusis cumque ea permistis fiunt corpora quidem perfectè mixta, quare Meteora propriè non
sunt, sed tamen ob causæ materiæ identitatem etiam inter Metora numerantur. Sunt autem
illa metalla, lapides, terræ pretiosæ. Metalla proximè generantur ex sulphure, quod ex calida
sicca, argento vivo, quod ex calida humida exhalatione adveniente terrestri subtili
unctuositate fit. Suntque vel pura vel impura. Pura sunt aurum argentum ; Impurorum alia plus
humoris, alia plus terræ habent. Plus humoris habent plumbum stannum. Plus terræ, æs
ferrum. Lapides ex sicca exhalatione accedente terrestri aqueo unctuoso producuntur.
Suntque vel ignobiles, vel nobiles. Ignobiles rursum vel porosi vel solidi. Porosi sunt tophus
pumex.

Solidi, silex, cos, saxum, smiris, pyrites. Nobiles lapides sunt Gemmæ Marmora. Horum
species nobilissimæ sunt alabastrites, ophites, porphyrites. Illarum species nobiliores sunt
adamas, saphirus, smaragdus, hyacintus, amethystus, carbunculus, calchedonius, rubinus,
chrysolithus, asterites, achates, sardius, iaspis, onyx, turcois. Minus nobiles crystallus,
coralium, hæmatites magnes. Terræ pretiosæ fiunt ex utraque exhalatione terræ commista.
Harum aliæ liquescere non possunt, aliæ possunt. Istius generis sunt sal, alumen, bitumen,
vitriolum. Illius auripigmentum, sandaracha, calx, gypsum, creta, ochra, argilla, terra-sigillata,
terra-Armenia. C OROL . I. Metalla lapides non sunt animata. II. Metalla inter se, ut Lapides,
differunt specie. A˜EQPQO. Verum aurum per Alchymiam potest effici. » pas qu’on ne puisse
pas retrouver dans l’alchimie des éléments d’origine stoïcienne ou, sim- plement, qui
s’accordent avec les enseignement du stoïcisme — car il convient toujours de bien distinguer,
comme l’a fait Paul Kraus à propos du corpus jâbirien, entre ce qui relève d’une « influence du
stoïcisme », ce qui est « interprétation stoïcisante » et ce qui n’est que point de rencontre non
TRADUCTION 72

déterminant 508 . Des éléments d’origine stoïcienne puisque, exacte- ment comme pour les
rédacteurs du corpus jâbirien, la physique stoïcienne n’est parvenue aux alchimistes, pour
l’essentiel, qu’ « encapsulée » dans la doctrine d’autres écoles philoso- phiques,
principalement celle du néoplatonisme. Et c’est bien le néoplatonisme ficinien, non le néo-
stoïcisme chrétien, qui exerça une influence déterminante sur l’alchimie des XVI e et XVII e
siècles, en y introduisant la doctrine du spiritus mundi, identifié avec l’élixir. Sur ce point
capital, l’analyse faite par le philosophe Francesco Piccolomini (1520-1604) 509

dans le chapitre sur la quintessence de son De rerum definitionibus (Venise, 1600) 510 est
significative. Platonisant, mais sur la base d’une concordance de Platon et d’Aristote
reconduisant la physique du dernier, ce critique du stoïcisme et de l’alchimie ne rapproche
pas, comme il aurait pu le faire dans une intention polémique, la quintessence-élixir des
alchimistes, qu’il tient pour une rêverie, du pneuma des stoïciens : il remarque au contraire
que la quintessence des premiers ne peut correspondre au pneuma des seconds, dans la
mesure où, selon eux, ce pneuma n’a pas d’existence séparée des corps ; il ne nie pas, en
revanche, qu’elle puisse correspondre au véhicule éthéré d’une âme du monde, tel que
l’emprunte l’empereur Julien à « la théologie d’Orphée et des Phéniciens », dès lors que ce
véhicule est conçu comme un corps, encore que cela lui apparaisse absurde, l’âme du monde
ne pouvant « exhaler » un corps. Mais surtout, c’est par les thèses des « académiciens », qui
posent que la quinte essence est « l’essence du ciel, une perfection et pureté des quatre
éléments», que Piccolomini explique celle qu’extraient les chimistes. Enfin, c’est Ficin même
qu’il recopie, sans le signaler, lorsqu’il écrit : « […] c’est l’opinion de beaucoup de gens qu’au
moyen de sublimations l’on peut ti- rer de tout ce qui se tient sous le ciel une quintessence,
qu’ils disent extrêmement précieuse, douée d’une merveilleuse vertu, très puissante pour
prolonger la vie, pour

Cf. P. Kraus, Jæbir ibn Îayyæn […] Jæbir et la science grecque, Le Caire, 1942 (rééd.

Paris, 1986), p. 171 : « La confrontation de la théorie des éléments de Jæbir avec celle
d’Aristote a donc suffisamment montré que la différence entre les deux systèmes est due à
une interprétation stoïcisante des données péripatéticiennes. Je dis stoïcisante et non pas
stoïcienne, car il est historiquement improbable sinon impossible d’admettre une influence
directe du stoïcisme sur Jæbir. La physique stoïcienne ne lui est parvenue qu’encapsulée
dans la doctrine d’une autre école philosophique », celle du moyen platonisme.

Voir L. Thorndike, A History of Magic and Experimental Science, VI, pp. 377-379;

E. Garin, « Note e notizie », Giornale critico della filosofia italiana, XL (1961), pp. 124-135, et
Storia della filosofia italiana, pp. 656-661;

A. Poppi, « Il problema della filosofia morale nella scuola padovana del rinascimento :
TRADUCTION 73

platonismo e aristotelismo nella definizione del metodo dell’etica », dans : Platon et Aristote à
la Renaissance, pp. 105-146.

Voir De rerum definitionibus liber unus…, Venise, 1600, f. 92 v -94 r ; texte reproduit ci-
dessous, Appendice III, pp. 143-144.

APPENDICE I Zenonis sermones ex Turba philosophorum excerpti (18/17, 28/26, 37/35, –/41,
–/55) [Sermo XVII] 514

Inquit Cinon : Iam dixistis, philosophorum et discipulorum Turba, in album faciendo ;

dicendum est igitur in rubeum faciendo. Scitote, omnes huius artis investigatores, quod nisi
dealbetis, non potestis rubeum facere, eo quod duae naturae nihil aliud sunt quam rubeum et
album.

Dealbate igitur rubeum et album rubificate ! Et scitote, quod annus in quatuor dividitur
tempora. Primum autem tempus est frigidae complexionis, quod est hiems ; secundum vero
est calidae complexionis quod est ver ; deinde tertium, quod est aestas ; deinde quartum, quo
fructus maturantur, quod est autumnus. Hoc igitur modo vos oportet naturas regere : hiemis
humiditate, deinde veris caliditate et exitu florum aestatisque calore et acie, et qualiter
autumnus fructus maturat et lenificat, ut ab arboribus colligantur. Hoc igitur descripto
exemplo tingentes regite naturas ; sin autem, neminem nisi vos ipsos reprehendite ! [Sermo
XXVI.] 515

Inquit Cinon : Video vos, Turba Sapientum, duo corpora coniunxisse, quod minime vobis iussit
Magister fieri. Respondit Turba : Dic ergo secundum opinionem tuam, Cinon, et cave invidiam
! Et ille : Scitote, filii doctrinae, quod oportet vos compositum quadraginta diebus putrefacere,
deinde quinquies vase sublimare ; deinde igni stercoris iungite et coquite. Et scitote, quod
colores, qui vobis ex eo apparent, sunt hi : prima die mugra citrina, secunda vero mugra rubea,
tertia quoque croco sicco similis ; demum perfectus color postea vobis apparebit et nummis
vulgi imponetur. Tunc est iksir compositum ex humido et sicco, et tunc invariabili tingit
tinctura.

Scitote, quod corpus est, in quo aurum est. Iksir autem ponentes cavete, ne festinanter ipsum
extrahatis, forte namque moratur. Extrahite igitur ipsum secundum vim iksir vestri. Hoc autem
venenum est quasi nativitas et vita, eo quod est anima ex multis extracta rebus et nummis
imposita. Eius igitur tinctura est vita his, quibus adimit detrimentum, et mors corporibus, ex
quibus extrahitur. Ideoque magistri dixerunt, inter ea esse libidinem tanquam maris et
feminae. Et si quilibet in hac arte introductus sciret naturas, prolixitatem sustineret coquendi,
donec propositum nutu Dei extraheret. [Sermo XXXV.] 516
TRADUCTION 74

Cinon autem ait : Numquid cuiquam dimisistis aliquid dicendum ? Et Turba : Quoniam parum
prosunt dicta Vitimeri et Bacsem huius artis investigatoribus, dic ergo, quid scis, prout
diximus ! Et ille : Verum dicitis, omnes huius artis investigatores ; nihil aliud in errorem vos
introduxit, quam invidorum dicta, quia quod quaeritis palam minimo venditur pretio ; quodsi
eius pretium novissent venditores et quantum manibus tenent, nullo modo venderent.
Ideoque illud venenum philosophi honoraverunt et varie ac multipliciter de illo tractaverunt,
omnibusque sumptis nuncupaverunt nominibus. Quare quidam invidi dixerunt, ‘est lapis et
non lapis, verum gumma ascine’, ideoque huius veneni vim philosophi celaverunt. Hic enim
spiritus, quem 514. Ed. J. Ruska, Turba Philosophorum…, pp. 126-127 . 515. Id., pp. 135-136 .
516. Id., pp. 141-143 .

Discours de Zénon dans la Turba philosophorum [Discours XVII]

Zénon dit : Assemblée des philosophes et des disciples, vous avez parlé de la façon de faire
le blanc ; il faut donc parler de celle de faire le rouge. Sachez tous, chercheurs en cet art, qu’à
moins de blanchir, vous ne pouvez faire le rouge, parce que les deux natures ne sont rien
d’autre que le rouge et le blanc. Blanchissez donc le rouge et rougissez le blanc ! Et sachez
que l’année se divise en quatre saisons. La première saison, qui est l’hiver, est de complexion
froide, tandis que la seconde, qui est le printemps, est de complexion chaude ; vient ensuite la
troisième, qui est l’été, puis la quatrième, où mûrissent les fruits, qui est l’automne. Aussi
convient-il que vous régissiez de cette manière les natures : par l’humidité de l’hiver, ensuite
par la chaleur du printemps et la sortie des fleurs, par l’ardeur et l’éclat de l’été, et de la façon
dont l’automne fait mûrir et adoucit les fruits pour qu’on les cueille sur les arbres. Donc, en
teignant selon le modèle qui vient d’être décrit, régissez les natures. Si vous ne le faites pas,
ne vous en prenez à personne d’autre qu’à vous-mêmes ! [Discours XXVI]

Zénon dit : Je vois, assemblée des sages, que vous avez conjoint deux corps, ce que notre
Maître ne vous a absolument pas prescrit de faire.

L’Assemblée répondit : Donne donc ton avis, Zénon, et garde-toi de toute jalousie ! Et lui :
Sachez, fils de la science, qu’il faut que vous putréfiiez le composé pendant quarante jours,
puis que vous le sublimiez cinq fois dans le vase. Mettez-le ensuite au feu de fumier et
cuisez-le. Et sachez que les couleurs qui vous apparaissent à partir de là sont les suivantes :
le premier jour, la mugra citrine; le second, la mugra rouge ; le troisième, encore une couleur
semblable à du safran sec ; enfin, après cela, la couleur parfaite vous apparaîtra et on pourra
l’appliquer sur les monnaies d’argent communes. C’est alors l’iksir composé de l’humide et du
sec, et alors il teint d’une teinture qui ne change pas. Sachez que c’est un corps dans lequel il
y a de l’or. Par ailleurs, en établissant l’iksir, prenez garde à ne pas l’extraire avec
précipitation, car il lui arrive de s’attarder. Extrayez-le donc en fonction de la force de votre
iksir. D’autre part, ce venin est comme une naissance et une vie, parce qu’il est l’âme extraite
de beaucoup de choses et appliquée aux monnaies. Sa teinture est donc une vie pour les
TRADUCTION 75

choses chez qui elle supprime quelque chose de dommageable, et une mort pour les corps
desquels on l’extrait. Voilà pourquoi les maîtres ont dit qu’il y a entre eux un désir comme
celui du mâle et de la femelle. Et si n’importe qui d’introduit en cet art connaît les natures, il
maintiendra un long temps de cuisson, jusqu’à ce qu’il ait extrait, grâce à Dieu, ce qu’il s’est
proposé. [Discours XXXV]

Or, Zénon dit : Permettez-vous à quelqu’un d’ajouter quelque chose ? Et l’Assemblée : Puisque
les mots de Pythagore 517 et de Paxamos 518 ne sont pas suffisam- ment utiles aux
chercheurs en cet art, dis donc ce que tu sais, comme nous l’avons fait ! Et lui : Vous dites
vrai, vous tous, chercheurs en cet art. Ce sont les paroles des [auteurs] ja- loux, et rien d’autre,
qui vous ont fait tomber dans l’erreur, car ce que vous recherchez se vend de- vant tous les
yeux à vil prix. Si les vendeurs connaissaient son prix, et tout ce qu’ils tiennent dans leurs
mains, ils ne le vendraient en aucun cas. Pour ce motif les philosophes ont fait hon- neur à ce
venin, en ont traité de façons nombreuses et variées, et l’ont appelé de tous les noms qu’ils lui
choisirent. Voilà pourquoi certains [auteurs] jaloux dirent : “il est pierre et non-pierre, la vraie
gomme ascine”. C’est pourquoi les philosophes cachèrent la force de ce venin. En effet, 517.
Vitimerus = Pythagore (voir J. Ruska, Turba philosophorum…, p. 26) || 518. Bacsem (Baqsam)
= Paxamos (voir J. Ruska, ibid., p. 25 ;

P. Kraus, Jæbir et la science grecque, p. 43).

quaeritis, ut eo quodlibet tingatis, in corpore occultus est et absconditus, invisibilis quemad-


modum anima in humano corpore. Vos autem, omnes huius artis investigatores, nisi hoc
corpus diruatis et imbuatis, teratis ac parce et diligenter regatis, quousque a sua spissitudine
extrahatis et in tenuem spiritum et impalbabilem vertatis, in vanum laboratis. Quare
philosophi dixerunt : ‘nisi corpora vertatis in non corpora, et incorporea in corporea, nondum
operandi regulam invenistis’. Turba autem ait : Demonstra igitur posteris, quomodo corpora in
non corpora vertantur ! Et ille : Igne et ethelie terantur, quousque pulvis fiat. Et scitote, quod
non fit nisi fortissima decoctione et contritione continua, igne, non manibus, cum imbutione,
putrefactione, soli expositione et ethelie. In hac autem arte vulgus errare fecerunt, cum
dixerunt, quod natura vilis est, quae parva re venundatur. Amplius dixerunt, naturam omnibus
naturis esse pretiosiorem, quare in libris suis inspicientes fefellerunt ; verum tamen dixerunt,
nolite ergo dubitare in his ! Turba vero respondit : Ex quo invidorum dictis credis ? Demonstra
igitur duarum disposi- tionem naturarum ! Et ille : Significo vobis, quod ars duabus eget
naturis ; non enim fit pretiosum absque vili nec vile absque pretioso. Oportet vos igitur, huius
artis investigatores, Vitimeri dicta sequi, cum dixit suis discipulis : ‘nihil aliud expedit vobis,
quam aquam et vaporem sublimare’. Et Turba : Totum opus in vaporis est et aquae
sublimatione. Demonstra igitur illis vaporis dispositionem ! Et ille : Cum videtis naturas
aquam fieri ab ignis calore et purificatas totumque magnesiae corpus ut aquam liquefactum,
tunc omnia vapor facta sunt. De iure autem tunc vapor suum continet par, quare invidi
utrumque vaporem nominaverunt, eo quod similiter utrumque in decoctione iunctum est et
TRADUCTION 76

unum alterum continuit. Tunc vero natura ad fugiendum iter non invenit, quamquam est ei
fuga essentialis ; continuit tamen eam, quod fugere non dimisit, et locum fugiendi non invenit,
et permanentia facta sunt. Cum enim incidit occulta in corpore, congelatur cum eo, et color
eius variatur, suamque naturam extrahit ingeniis, quae Deus suis electis insinuavit, et
mancipat ipsam ne fugiat. Nigredo vero et rubor apparet ac in aegritudinem incidit et in
rubigine ac putrefactione moritur ; de iure autem non habet tunc fugam, eo quod dimisit
fugere servitutem. Tunc tamen libera fit, suum consequens coniugem, et sinceras offert
orationes, ut eius color sibi suoque coniugi eveniat et decor inde, quemadmodum fuerat ;
verum cum nummis imponitur, aurem eos facit. Hoc autem et spiritum et animam philosophi
vaporem appellaverunt et nominaverunt ; dixerunt ipsum spiritum humidum nigrum
coinquinatione carentem. Et quemadmodum in homine est humiditas et ciccitas, sic opus
nostrum, quod invidi celaverunt, nihil aliud est quam vapor et aqua. Respondit Turba :
Demonstra vaporem et aquam ! Et ille : Dico opus ex duobus esse. Invidi tamen haec duo
composita nuncupaverunt, eo quod ista duo quatuor fiunt, in quibus siccitas est et humiditas,
spiritus et vapor. Respondit Turba : Optime dixisti, ab invidia denudatus ; [demum] sequimini
igitur Cinonem ! [Sermo XLI.] 519

Inquit Cinon : Quicquid dixisti, Iargos, verum est ; non video vos tamen, omnem Turbam,
‘rotundum’ narrasse. Et ille : Dic igitur de illo, prout opinaris ! Et Zinon : Significo posteris
rotundum, quod aes in quatuor vertit, ex una re esse. Respondit Turba : Ex quo dicis hoc ?
Pone igitur posteris modum regendi ! 519. Id., p. 148.

cet esprit que vous recherchez pour teindre tout ce que vous voudrez avec lui, se cache et se
dissimule dans un corps, invisible comme l’âme dans le corps humain. Or vous tous,
chercheurs en cet art, vous travaillerez en vain à moins que vous ne détruisiez et imbibiez ce
corps, que vous ne le broyiez et ne le régissiez doucement et soigneusement, jusqu’à ce que
vous le tiriez de son épaisseur et le changiez en un esprit ténu et impalpable. C’est pourquoi
les philosophes ont dit : “À moins que vous ne changiez les corps en incorporels et les
incorporels en corps, vous ne trouverez pas encore la manière correcte d’opérer”.

L’Assemblée dit alors : Démontre donc à tes suivants comment les corps se changent en in-
corporels ! Et lui : Qu’on les broie par le feu et l’ethelie, jusqu’à obtenir une poudre. Et sachez
qu’on ne l’obtient que par une coction extrêmement forte et par un broyage continu, au moyen
du feu, non des mains, avec imbibition, putréfaction, exposition au soleil et ethelie. Mais dans
cet art [les philosophes] ont fait se tromper la multitude, lorsqu’ils ont dit que c’est une nature
vile qui se vend pour peu de chose ; ils ont ajouté que c’est une nature plus précieuse que
toutes les natures, et ainsi ils ont induit en erreur ceux qui compulsent leurs livres. Et pourtant
ils ont dit vrai. Donc, gardez-vous de douter d’eux ! L’Assemblée répondit: D’où vient que tu
crois les dires des [auteurs] jaloux ? Indique donc la disposition des deux natures ! Et lui : Je
vous signifie que l’art a besoin de deux natures, car le précieux n’advient pas sans le vil, ni le
vil sans le précieux. Il faut donc, chercheurs en cet art, suivre les paroles de Pythagore quand
TRADUCTION 77

il a dit à ses disciples : “Rien d’autre ne vous importe que de sublimer l’eau et la vapeur”. Et
l’Assemblée : Tout l’œuvre est dans la sublimation de l’eau et de la vapeur. Démontre-leur
donc la disposition de la vapeur ! Et lui : Lorsque vous voyez les natures devenir de l’eau sous
la chaleur du feu, qu’elles sont purifiées et que tout le corps de la magnésie est liquéfié
comme de l’eau, alors tout a été fait vapeur. Or, la vapeur retient alors de droit son égal. C’est
pourquoi les [auteurs] jaloux ont nommé vapeur ces deux choses, parce que l’une et l’autre
ont pareillement été jointes dans la cuisson, et que l’une a retenu l’autre, qu’alors sa nature
n’a pas trouvé son chemin pour fuir, quoique la fuite soit essentielle pour elle ; elle a pourtant
retenu cette nature, parce qu’elle n’a pas renoncé à fuir, mais n’a pas trouvé le lieu pour fuir,
et elles sont devenues permanentes. Car quand elle tombe cachée dans le corps, elle se
congèle avec lui, et sa couleur se change, et elle extrait sa propre nature par les propriétés
que Dieu a communiquées à ses élus, et elle l’attrape pour qu’elle ne fuie point. Mais la
noirceur et la rougeur apparaissent, et elle tombe malade et elle meurt dans la rouille et la
putréfaction. Par ailleurs, elle ne possède pas alors droit à la fuite, parce qu’elle a renoncé à
fuir la servitude. Pourtant, elle devient alors libre, en suivant son conjoint, et elle élève de
sincères prières pour que sa couleur lui échoie, à elle et à son conjoint, et de là sa beauté,
telle qu’auparavant. En vérité, lorsqu’on l’applique à des monnaies d’argent, elle en fait de l’or.
Les philosophes ont nommé “vapeur” cet esprit et âme ; ils ont dit que c’est un esprit humide,
noir, exempt de souillure. Et tout comme il y a en l’homme humidité et sécheresse, notre
œuvre, que les [auteurs] jaloux cachèrent, n’est rien d’autre que vapeur et eau. L’Assemblée
répondit : Indique la vapeur et l’eau ! Et lui : Je dis que l’œuvre consiste dans les deux.
Cependant les [auteurs] jaloux ont appelé ces deux-là “composés”, parce qu’ils deviennent
quatre, en lesquels il y a sécheresse, humidité, esprit et vapeur.

L’Assemblée répondit : Tu as fort bien parlé, sans jalousie. Finalement, suivons donc Zénon !
[Discours XLI]

Zénon dit : Tout ce que tu as dit, Sergios 520 , est vrai ; toutefois je ne vois pas que vous,
toute l’Assemblée, ayez expliqué le “rond”. Et lui : Parles-en donc, selon l’opinion que tu en as !
Et Zénon : Je signifie à mes suivants que le rond, qui change le cuivre en quatre, vient d’une
seule chose.

L’Assemblée répondit : En vertu de quoi dis-tu cela ? Expose donc à tes suivants la manière
de diriger ! 520. Iargos = Sergios (voir J. Ruska, Turba philosophorum…, p. 26).

Et ille : Libenter. Oportet ex aere nostro partem accipi, ex aqua vero permanente tres partes ;

demum commisceantur et coquantur, quousque spissentur et unus fiant lapis ; de quo invidi
dixerunt : ‘accipite de sincero corpore partem, de corpore vero magnesie tres, deinde
commiscete aceto recto masculo terrae mixto, et cooperite vas et observate, quod in eo est,
et continue coquite, donec terra fiat. [Sermo LV.]
TRADUCTION 78

Inquit Pion : [Quod] Pitagoras de aqua iam tractavit, quam invidi omnibus nuncupaverunt
nominibus. Demum in fine sui libri de auri fermento tractavit, iubens ut ei quid sulfuris aquae
mundae imponatur et aliquantulum suae gummae. Miror, universa Turba, qualiter invidi in hoc
tractatu operis perfectionem prius quam initium narraverunt. Respondit Turba : Cur ergo
putrefacere dimisisti ? Et ille : Verum dixistis ! Putrefactio non fit absque sicco et humido,
vulgus autem humido putrefacit, humidum utique sicco tantum coagulatur, et ex utroque
tantum initium est operis, quamvis invidi hoc opus in duo diviserunt partes, asserentes, quod
unum citius fugit, alterum verum fixum et immobile.

Et lui : Volontiers. Il convient de prendre de notre cuivre une partie, et de l’eau permanente
trois parties. Qu’alors on les mélange et les cuise, jusqu’à ce qu’ils s’épaississent et
deviennent une seule pierre. Les [auteurs] jaloux ont dit à ce propos : “Prenez du corps non
altéré une partie, et du corps de magnésie trois parties ; mélangez ensuite avec du vinaigre
rectifié mâle mélangé à la terre, puis couvrez le vase, surveillez ce qu’il y a en lui, et cuisez de
façon continue jusqu’à obtenir une terre. [Discours LV]

Zénon 521 dit : Pythagore a déjà traité de l’eau, que les [auteurs] jaloux ont appelée de tous
les noms. Puis, à la fin de son livre, il a traité du ferment de l’or, demandant que lui soient
appliquées quelque eau de soufre nette et un peu de sa gomme. J’admire, ô Assemblée,
comment les [auteurs] jaloux ont exposé, dans ce traitement de l’œuvre, l’achèvement avant
le commencement. L’Assemblée répondit : Pourquoi donc as-tu renoncé à putréfier ? Et lui :
Vous avez dit vrai ! La putréfaction ne se fait pas sans le sec et l’humide ; or le vulgaire
putréfie avec l’humide ; l’humide dans tous les cas est coagulé par le sec seulement ; et le
commencement de l’œuvre est issu de l’un et l’autre seulement, quoique les [auteurs] jaloux
aient divisé cet œuvre en deux parties, affirmant que l’un fuit assez rapidement, tandis que
l’autre est fixe et immobile 522 .

Pion (Bijºn) = Zénon (voir J. Ruska, Turba philosophorum…, p. 25).

Cf. id., p. 158 . Arnou 50

Aros 18, 30

Astanus 23 Athénagoras 93

Athénée 29

Aubert, Jacques 104, 106, 107

Augurello, Giovanni Aurelio 48


TRADUCTION 79

Augustin, saint 35, 50, 82

Averroès 39-40, 108, 109, 110

Avicenne (et ps.-) 51, 61, 62, 63, 64, 108, 109

Bacsem, voir Paxamos Badawi, Abderrahman 17

Baldewein (Balduinus), Christian Adolph 8

Baldwin, M. 125

Balînºs, 23, 27

Balmas, Enea 116 Baqsam, voir Paxamos Barbier, P. 56

Barchusen, Johann Konrad 94, 98

Basile Valentin 7, 117

Bastholm, E. 49

Bautz, T. 120

Bayle, Pierre 43

Beaulieu, A. 69

Becher, Johann Joachim 8, 33, 87, 93, 96, 97, 98, 103, 112, 113, 114

Becq, Annie 26, 27

Bède le Vénérable 51, 53

Béguin, Jean 91

Belgioso, G. 10

Belin, Jean-Albert 69

Belinus, voir Balînºs Bendegin, Carolus 96


TRADUCTION 80

Bergier, N. S. 57

Bergmans, P. 28

Bernard le Trévisan 30, 31

Bernard de Clairvaux, saint 44

Bertelli, S. 42

Berthelot, Marcelin 13, 17, 20, 27

Bertius, P., voir Bert, Pierre Bianchi, M. L. 49

Bietenholz, P. G. 51, 52

Du Bon de Saint-Genois, 125

Du Chesne, Joseph 76, 88, 92, 106, 125

Duhem, Pierre 53

Dumont, Jean-Paul 7-9, 10, 13, 32, 33, 95- 99, 102, 114, 122

Duns Scot, voir Jean Duns Scot Du Plessis d’Argentré, Charles 53

Duret, C. 124

Du Vair, Guillaume 11

Duval, Robert (Robertus Vallensis) 29-31

Duveen, Denis I. 29

Endicott, N. 58, 59

Épictète 11, 39, 40

Épicure 26, 37, 95, 100, 119

Érasme de Rotterdam 29
TRADUCTION 81

Erastus, Thomas 57

Evola, Julius 44 Eximenus, voir Xénophane Exiodus, voir Hésiode Fabre, Pierre Jean 8, 10, 41,
64, 67, 69, 70, 71, 73, 75, 76, 77, 83, 84, 85, 86, 88, 89, 91, 96, 112, 113, 120

Fahd, T. 16

Fanianus, Chrysippus 29

Farra, Alessandro 44, 45, 48

Ferguson, John 15, 23, 28, 29, 39

Fernel, Jean 49, 104, 105, 107, 123, 140- 141

Ficin, Marsile 33, 45, 48, 50, 61, 62, 67, 69, 71, 72, 82, 86, 89, 123

Figala, K. 120, Figard, L. 104

Foes, A. 41

Fontaine, Marie-Madeleine 30, 31

Foppens, J. F. 28

Franck, A. 28

Fränkel, H. 56

Freudenthal, Gad 9, 61

Frühsorge, G. 33

Gabrielli 103

Galien 39, 49, 58, 83, 106, 107

Gallizioli, G. B. 51

Gardenal, Gianna 12
TRADUCTION 82

Garin, Eugenio 53

Gassendi, Pierre 53

Geber (et ps.-) (voir aussi Jæbir ibn Îay- yæn) 21, Georges de Venise, 45, 46, 48

Gillet, J. F. A. 57

Giraldi, Lilio Gregorio 13

Médicis, voir Côme Ier de Médicis Meier, P. 42

Meitzner, B. 38

Mélissus 21, 26

Mennens, Guillaume 28, 39, 45, 46, 48,, 87, 88, 122

Mercure, voir Hermès Merryweather, J. 60

Mersenne, Marin 69

Metzger, Hélène 10, 91, 113

Moïse 20, 23, 26, 80

Moltke, L. N. 60

Moran, B. T. 43, 48, 49, 88

Morani, M. 27

Moreau, Pierre-François 10

Morhof, Daniel Georg 64, 65, 67, 87

Morienus 21

Morin, Jean-Baptiste 25

Moritz von Hessen-Kassel 43


TRADUCTION 83

Mosheim, J. L. 53

Mothu, Alain 56, 58

Mouchel, Ch. 9

Multhauf, Robert P. 13, 56

M u ÒÌaf al-jamæ‘a, voir Turba philoso- phorum Mylius, Johann Daniel 43, 47, 62

Mynors, R. A. B. 29

Nasr, H. 16

Nauert, C. G. 61

Nazari, Giovan Battista 23

Nelli, René 8 Némésius d’Émèse 27

Neumann, Ulrich 120

Oliver, R. P. 11

Olympiodore 31

Orphée 41, 61, 62, 64, 93, 132, 142, 144

Osler, M. J. 11 Ostanès 31

Ott, L. 51

Ovide 21, 39, 116

Pagano, A. 44

Pagel, Walter 93 Pamele (Pamelius) 51

Paquot, J.-N. 28

Paracelse 14, 26, 31, 43, 53, 96, 116, 124


TRADUCTION 84

Parménide 21, 26, 41, 100

Parnasse assiégé ou la guerre declarée entre les philosophes anciens et modernes (Le), voir
Alary Partington, James Riddick 33, 56, 99, 113

Pascal, Pierre 44, 45

Passmore, J. A. 57

Patai, R. 18

Paul, saint 38 Paulmier-Foucart, Monique 26 Paxamos 134

Pelagius Africanus 31

Penot, Bernard G[illes] 34

Percolla, Vincenzo 15, 25

Pereira, Michela 89, 111

Pereirus, voir Pereyra Pereyra, Benito 54

Perfetti, Amalia 23 Perifano, Alfredo 14, 22

Perna, Pietro 116

Perotti, Niccolò 11

Perrenot, Antoine, cardinal de Granvelle 123

Perrone-Compagni, V. 61

Pétrone 121

Petrus Bonus 21, 22

Peuckert, Will-Erich 56

Pfeiffer, August 55 Philogène 31


TRADUCTION 85

Piccolomini, Francesco 47, 132-134, 142- 144

Picinelli, F. 44

Pico della Mirandola, Gianfrancesco 13 Pico della Mirandola, Giovanni 13, 48

Pierre Abélard 53, 54

Pierre Lombard 53

Pion (= Zénon) 138, 139

Pistorius, Johann 48

Pitcairn / Pitcarne / Pitcarnius 90

Pizimenti, Domenico 123

Planis Campy, David de 22, 80, 81

Plantin, Christophe 125

Platon (et ps.-) 13, 14, 17, 18, 21-26, 31, 41-50, 52, 54, 59, 63, 65, 72, 90, 95, 99, 101, 108, 132,
142

Plessner, Martin 21 Pline l’Ancien 29, 39, 81, 122

Plotin 26, 47, 49, 72, 98, 105, 142

Plutarque (et ps.-) 22, 115

Pohlenz, M. 10 Polémon 25

Porret, Pierre 125 Posidonius 31, 33, 98

Possenti, A. 31

Pousse, François 20

Prelog, J. 22
TRADUCTION 86

Proclus 26, 49, 55

Prost, A. 61

Ptolémée 21, 31

Puppius, Robertus Gulielmus F. 128

Pythagore 21, 23, 26, 29, 41, 47, 62, 64, 100, 134-139

Quattrami, Evangelista 22, 23, 41

Quercetanus, voir Du Chesne Radouant, R. 12

Ramus, voir La Ramée Rasi, Rasis, voir Rhazès Rattansi, P. M. 91, 120, 121

Raymond Lulle (ps.-) 29, 86, 133, 143, 144

Rémusat, Ch. de 54 Repertorium ad intelligendum Testamentum et Codicillum, voir Conclusio


Sum- maria Reuchlin, Johannes 48, Rhazès (ibn Zakariyyæ ar-Ræzi) 21

Ricciardi, R. 103

Riolan, Jean (le père) 12, 30, 104, 105, 106

Ripley, George 593, 596, 641, 650, 737

Risælat Mæriya ilæ Æras wa-su’æluhº wa- jawæbuhæ lahº 18, 19

Rist, Johannes 120 Rochas, Henry de 88, 91, 93

Rochas d’Aiglun, colonel de 88

Roersch, L. 124

Rollinat, Ch. 13

Rondelet, Guillaume 77

Rosinus 23, 24
TRADUCTION 87

Rossellet, F. 123

Rotondò, A. 58

Rudolph, U. 21

Rudrum, Alan 37 Rupescissa, voir Jean de Roquetaillade Ruska, Julius 21, 135, 137, 139

S., sieur, voir Salomon, Nicolas Sachse, R. 12

Salomon 23

Salomon, Nicolas 19

Santinello, G. 12, 54

Sauvin, François 7

Schegk, Jacob 103

Schiavone, M. 13

Schmitt, Ch. B. 13, 54, 99

Schopp (voir Bier), 11

Schrevel, A.-C. de 51

Schröder, G. 56 Schyron 77

Scoliaste d’Apollonius 93

Secret, François 13, 25, 28, 30, 39, 44, 46, 80, 82, 123, 124

Sénèque 11, 30, 32, 126, 127, 128

Sergius 136, 137

Servius 117

Severinus, Petrus 26, 48, 49, 89


TRADUCTION 88

Sezgin, Fuat 16, 17, 18, 20, 21, 28

Shackelford, J. 49

Sherrington, C. S. 104

Simplicius 143

Singer, Dorothea Waley 17

Sipsius, Michael 53

Skinner, Q. 54

Small, J. 25

Smith, P. H. 33

Socrate 21, 23, 31, 38, 101

Sophocle 116

Sørensen, voir Severinus Spanneut, M. 11

Spigellius 7

Spink, John Stefenson 42, 43, 56

Stahl, G. E. 113

Stéphane dAlexandrie, voir Étienne Steinschneider, Moritz 17 Stobée 82

Strasser, G. F. 33

Virgile 21, 45, 52, 61, 117

Vitimerus, voir Pythagore Vivès, Juan Luis 49

Von Martels, Zweder R. W. M. 33

Walker, Daniel Pickering 57, 115


TRADUCTION 89

Walkley, Thomas 734

Wallas, G. 90

Walter Burley (ps.-), voir De vita et mori- bus philosophorum

Weber, C. 12, 64

Webster, J. 67

Weiss 11, 52, 99

Weisser, U. 27

Wenley, R. M. 10

Zachaire, voir Zecaire Zanta, L. 11

Zecaire, D. 30

Zénon (de Citium ou autre) 15, 20, 21, 23, 25, 26, 28, 31, 44, 46, 47, 75, 78, 79, 80, 81, 86, 90, 93,
94, 100, 101, 119, 127, 134-139

Zénon d’Élée 22 Zénon l’épicurien 22

Zenone, A. 23

Zeumon (= Zénon), 21

Zimon (= Zénon), 21

Zoroastre 26, 45, 62

Zorzi, Francesco, voir Georges de Venise Zosime de Panopolis 23, 24, 31

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