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Cahier pratique : la protection de la clientèle 5/6

Mettre en conformité le
traitement des réclamations
CHRISTOPHE BOURDEL, AVOCAT ASSOCIÉ, GRANRUT ET FLORA WAMBA, AVOCAT
COLLABORATEUR, GRANRUT | 25/04/2014 à 00h00
ACPR PROTECTION DES CONSOMMATEURS

De nombreuses dispositions législatives et réglementaires imposent aux


compagnies d'assurances d'assurer la mise en place et le suivi du
traitement des réclamations de leurs clients. S'inspirant d'une
démarche qualité, l'ACPR donne des lignes directrices aux organismes
soumis à son contrôle.

Depuis le 1er septembre 2012, les entreprises soumises au contrôle de l'ACPR doivent
justifier de leur mise en conformité à la recommandation ACPR sur le traitement des
réclamations en mettant en place des dispositions ayant pour objectif de garantir au
consommateur une information claire et transparente sur les modalités de traitement des
réclamations ainsi qu'un accès facile à celui-ci.

Cette recommandation 2011-R-05 du 15 décembre 2011 s'inscrit dans un contexte européen


de protection de la clientèle et répond aux objectifs fixés par l'European Insurance and
Occupational Pensions Authority (Eiopa) consistant à clarifier la définition de réclamation, à
améliorer l'information délivrée sur les modalités de traitement des réclamations, à organiser
ce traitement et en assurer le suivi, en particulier au titre du contrôle interne.

Dans un souci d'harmonisation de l'application de cette recommandation, l'ACPR a souhaité


définir la notion de réclamation, comme toute « déclaration actant le mécontentement d'un
client envers un professionnel ». Cette définition résulte d'une approche de droit
communautaire et distingue ainsi la réclamation d'une simple demande de prestation ou
d'information. Cependant, la frontière entre les deux notions est parfois bien ténue.

Un constat d'insuffisance

Préalablement à la mise en place de cette recommandation, l'ACPR a effectué une analyse des
systèmes de traitement des réclamations préexistants sur nombre d'organismes soumis à son
contrôle. Elle a publié cette analyse dans sa revue d'avril-mai 2013. Elle a ainsi réalisé une
étude auprès de 397 organismes d'assurances et de 389 établissements de crédit, à l'issue de
laquelle elle a pu constater que le système de traitement des réclamations était
significativement insuffisant au sein de la plupart de ces entreprises contrôlées.

À l'issue de la première année d'application de cette recommandation, les entreprises


d'assurances doivent se conformer au système des réclamations préconisé par l'ACPR, en tirer
les conséquences et améliorer leur pratique interne au regard des différents problèmes
soulevés par leurs clients. Au-delà de la volonté d'instaurer un suivi efficace des réclamations,
cette recommandation permettra à terme aux assureurs de mieux recenser les différents
dysfonctionnements internes et de les traiter plus efficacement.

Cette recommandation de l'ACPR se développe en trois principaux volets, avec, en premier


lieu l'information et l'accès aux services chargés de traiter les réclamations, en deuxième
l'organisation des réclamations, et en troisième le suivi du traitement des réclamations ainsi
que la prise en compte des carences qu'il révèle.

Accéder au service réclamation

Avant l'entrée en vigueur de cette recommandation, l'ACPR, dans sa revue d'avril-mai 2013, a
ainsi pu constater que plus d'un organisme d'assurances sur trois déclarait ne pas fournir
d'informations sur la procédure de réclamation à ses assurés dans les documents et supports
contractuels qu'il émet. Cette part s'élevait à 47% pour les mutuelles et les institutions de
prévoyance et à 20% pour les entreprises d'assurances.

Elle déplorait également le fait que le niveau d'information de l'assuré était encore plus faible
dans les lieux d'accueil et sur les sites Internet des organismes concernés. En effet, seuls 30%
des organismes ayant participé à l'enquête de l'ACPR prévoyaient cette information.

S'agissant de l'accès au système de traitement des réclamations, les entreprises n'indiquaient


pas toujours la possibilité de formuler une réclamation par téléphone, sur Internet ou sur les
lieux d'accueil. Ceci traduisait ainsi une insuffisance de moyens mis en oeuvre pour
l'information et l'accès au système de traitement des réclamations.

Enfin, s'agissant de l'information et de l'accès à la médiation, seule la moitié des entreprises


déclaraient se soumettre à une charte ou à un protocole de médiation, et publier le rapport
annuel du médiateur directement sur leur site Internet.

Face à ces contrastes, l'ACPR a pris des mesures afin de permettre un accès plus large au
système d'information. En effet, cette recommandation impose aux assureurs l'obligation
d'informer la clientèle des modalités de saisine du service réclamation, des délais de
traitement, de l'existence et des références d'une éventuelle charte de médiation. Ces
informations doivent être rapidement accessibles à l'ensemble de la clientèle, notamment dans
les lieux d'accueil de la clientèle et sur leur site Internet.
L'ACPR a également relevé que l'organisation du système de traitement des réclamations au
sein des organismes d'assurances apparaissait défaillante, car seuls 48% des organismes
d'assurances déclaraient accuser réception des réclamations et seules 60% des entreprises
d'assurances se seraient engagées sur un délai maximal de traitement.

Dans cette optique, l'ACPR préconise dans sa recommandation qu'en cas de réclamation,
l'assureur doit en accuser réception dans un délai sur lequel il s'engage. Celui-ci ne peut pas
excéder dix jours. En outre, il est indispensable par la suite pour l'assureur de tenir informé le
client du déroulement du traitement de sa réclamation, notamment lorsque, en cas de
survenance de circonstances particulières, les délais prévus ne peuvent pas être respectés.

S'il ne peut pas faire droit à sa demande, l'assureur doit informer l'assuré des voies de recours
possibles et des coordonnées du médiateur. Les services de l'assureur doivent être différenciés
clairement du dispositif de médiation indépendant. Ces mesures apparaissent en adéquation
avec les différentes défaillances qui avaient été relevées par l'ACPR avant l'entrée en vigueur
de la recommandation de 2011.

Organiser le système de traitement des réclamations

Pour une mise en place effective du traitement des réclamations, les entreprises d'assurances
organisent leur système de traitement des réclamations de manière opérationnelle. En effet, à
côté des défaillances liées à l'accès au système des réclamations, l'ACPR avait également
relevé des lacunes à ce niveau au sein de certains organismes. Dans son rapport, l'ACPR
déplore que la proportion d'organismes dotés d'outils informatisés multiples soit très faible,
d'autant plus que ces organismes n'ont pas été en mesure de déclarer que la totalité des
réclamations reçues transitaient par l'outil informatisé, ce qui les met dans l'impossibilité
d'assurer une identification exhaustive et un suivi efficace de leurs réclamations.

La volonté de l'ACPR a ainsi été de préconiser aux assureurs, dans sa recommandation, la


mise en place d'une procédure leur permettant d'identifier les réclamations, de définir les
circuits de traitement, de veiller à ce que les collaborateurs qui « réceptionnent les demandes
de la clientèle » soient en mesure d'identifier celles qui constituent des réclamations, puis de
les orienter sur « les circuits de traitement ».

Cette procédure doit notamment différencier clairement les différents circuits de traitement
des réclamations, s'ils existent, et prévoir clairement les modalités de transmission au(x)
médiateur(s) désigné(s).

Elle doit permettre de respecter les délais de traitement qui ont été communiqués au client,
c'est-à-dire au maximum dix jours ouvrables à compter de la réception de la réclamation pour
en accuser réception et au maximum deux mois entre la date de réception de la réclamation et
la date d'envoi de la réponse au client.
Cette procédure doit prévoir les modalités d'enregistrement des réclamations et du suivi de
leur traitement. Elle doit prévoir un niveau de qualification requis pour les collaborateurs en
charge de la fonction de traitement des réclamations. Enfin, l'ACPR confirme que cette
procédure doit être formalisée et communiquée à l'ensemble des collaborateurs concernés.

Toutes ces mesures s'inscrivent ainsi dans une volonté de recenser toutes les réclamations afin
d'en assurer une identification exhaustive et un suivi efficace.

Après une première année d'application de la recommandation, l'ACPR déplore cependant,


dans son rapport annuel d'activité du 29 mai 2013, le fait que seulement 55% des
établissements de crédit se sont fixé un objectif en matière de traitement des réclamations, et
que seulement 58% déclarent traiter plus de 90% des réclamations reçues. Du côté des
assureurs, le dispositif n'est pas non plus appliqué de manière effective et reste très largement
à développer. Ainsi, près de la moitié des mutuelles et institutions de prévoyance déclare ne
pas fournir d'information sur la procédure de réclamation à leur clientèle.

L'ACPR note également le fait que des contrôles ont révélé que certains établissements
proposaient une ligne surtaxée pour recevoir leurs réclamations, ce qui constitue un véritable
obstacle pour une application effective de ce dispositif.

Ainsi, les entreprises d'assurances ont encore une marge de progrès à réaliser afin de se
conformer à cette réglementation. Cette mise en conformité nécessitera cependant des coûts
de fonctionnement supplémentaires au sein des compagnies d'assurances. Ainsi, si l'objectif
de protection de plus en plus accrue des consommateurs apparaît légitime, il va générer des
frais de gestion supplémentaires qui, directement ou indirectement, auront un impact sur la
rentabilité servie aux assurés.

Suivre les réclamations

Pour une meilleure application du système de traitement des réclamations, l'ACPR insiste sur
l'importance de mettre en place un système de reporting et donne un exemple d'informations
dont elle estime la collecte nécessaire (lire encadré « Les sept informations clés de la
réclamation », p. 62).

Aussi, il convient de restituer les informations collectées aux personnes responsables en


interne, et notamment « aux organes définissant la politique commerciale du réseau auquel
appartient l'entité ».

Ce reporting doit également permettre d'identifier les manquements et mauvaises pratiques en


matière de commercialisation et de protection de la clientèle afin de mettre en oeuvre des
actions correctives, notamment au niveau des intervenants impliqués dans le processus de
commercialisation ou de gestion.
Dans cette optique, après avoir analysé les éventuels manquements, il convient de proposer
des solutions de nature à y remédier et à améliorer le service rendu à la clientèle.

L'ACPR précise aux « entités tenues de se doter d'un contrôle interne » qu'elles doivent
mettre en oeuvre les moyens et procédures nécessaires pour s'assurer du bon respect de cette
recommandation et contrôler les risques subis par la clientèle que pourraient causer les
manquements et/ou atteintes aux règles de protection de la clientèle, identifiés au travers des
réclamations. Enfin, elles doivent en justifier, notamment dans l'annexe du rapport de contrôle
interne.

L'organisation du traitement des réclamations de la clientèle gagnerait à bénéficier d'un


traitement centralisé et commun à toutes les entités du groupe. Les voies de recours devraient
être clairement présentées, et il est important que les procédures et organisations mises en
place permettent d'atteindre les objectifs fixés par la recommandation. L'ACPR préconise
notamment que les organismes d'assurances délèguent l'identification des risques à travers les
réclamations et leur prise en compte à un délégataire.

L'ACPR veille ainsi à ce que toutes les entreprises soumises à son contrôle se mettent en
conformité avec cette recommandation afin d'en tirer les conséquences dans leur processus
interne.

C'est le cas, notamment, d'une mise en garde qui a été prononcée à l'encontre d'un courtier
commercialisant des produits d'assurance sur Internet pour manquement à plusieurs
recommandations. L'ACPR avait ainsi mentionné le caractère incomplet de certains
dispositifs de traitement des réclamations.

Il faut noter que si, avant l'entrée en vigueur de cette recommandation, le processus de
traitement des réclamations n'avait pas été audité dans plusieurs compagnies d'assurances,
l'ACPR constate cependant une multiplication des audits internes des processus et des
services chargés des réclamations réalisés en 2011, ainsi qu'un nombre important d'audits en
2012, ce qui montre ainsi l'impact de cette recommandation.

La perspective d'un gain d'image

Si l'ACPR a préconisé de mettre en application ce dispositif à compter du 1er septembre 2012,


il apparaît clairement que les mesures qu'il contient nécessitent une mise en application
progressive par les professionnels de l'assurance. Ainsi, il apparaît nécessaire de leur laisser
du temps afin, d'une part, de concevoir un système de traitement des réclamations conforme à
ces préconisations, d'autre part, de former ses équipes à ces nouvelles méthodes et, enfin, d'en
assurer le contrôle interne.
Toutefois, ces défis méritent d'être relevés, car, si les compagnies d'assurances, les mutuelles
et les intermédiaires d'assurances ont aujourd'hui mauvaise presse, c'est incontestablement lié
à des incompréhensions résultant du mauvais suivi des besoins et interrogations de leurs
clients.

Il est donc incontestable que les efforts portés sur la gestion des réclamations auront
directement un effet positif sur l'image de marque de toute la profession. Cet objectif vaut la
peine d'être atteint.

Une étude auprès de 397 organismes d'assurances et de 389 établissements de crédit a


constaté que le système de traitement des réclamations était significativement
insuffisant.

Seule la moitié des entreprises déclarent se soumettre à une charte ou à un protocole de


médiation.

Des contrôles ont révélé que certains établissements proposaient une ligne surtaxée pour
recevoir leurs réclamations, ce qui constitue un véritable obstacle pour une application
effective de ce dispositif.

Les sept informations clés de la réclamation

 Nom du client.
 Date de réception de la réclamation.
 Objet de cette dernière.
 Contrat, produit ou service visé.
 Liste des intervenants autres que l'établissement ou l'organisme d'assurances lui-
même, et des personnes physiques ou morales visées par la réclamation.
 Date de la réponse - positive ou négative - au client.
 Manquements aux règles de protection de la clientèle éventuellement identifiés.

À noter

En pratique, le délai dont dispose l'assuré pour déclarer le sinistre commence à courir à partir
du moment où il prend connaissance des dommages.

Des avancées significatives en europe

 Au plan national L'Institut national de la consommation (INC) vient de publier 150


lettres types pour aider le consommateur à rédiger un courrier de réclamation
conformément aux règles en vigueur. Parmi ces modèles, 21 concernent l'assurance et
font référence à des situations précises telles que la résiliation du contrat, le rachat
d'une assurance vie, la contestation d'une indemnisation, la saisine du médiateur ou la
déclaration d'une modification du risque.
 Au plan international L'Eiopa a lancé, le 5 avril 2013, une consultation publique sur
la gestion des réclamations par les intermédiaires d'assurances. Ces derniers avaient
jusqu'au 28 juin 2013 pour faire part de leurs commentaires sur les huit mesures
préconisées par le superviseur européen des assurances et sur un guide de bonnes
pratiques. L'objectif de cette consultation est de clarifier les attentes de l'institution
envers les intermédiaires quant à leurs procédures internes de gestion des
réclamations, de les éclairer sur le type d'informations à fournir et de suggérer des
procédures de réponse, de façon à protéger au mieux les intérêts des assurés et des
bénéficiaires des contrats. L'un des enjeux de cette consultation publique est ainsi de
déterminer si la gestion des réclamations doit être identique chez les intermédiaires et
organismes d'assurances et, le cas échéant, ce qui relève de leurs responsabilités
respectives.

Un dernier article relatif à la protection de la clientèle, intitulé « L'exercice du pouvoir


de contrôle », d'Emmanuelle Cardon, avocate collaboratrice senior, et de Bruno Quint,
avocat associé du cabinet Granrut, est disponible sur www.argusdelassurance.com

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