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MARDI 2 MARS 2021

77E ANNÉE – NO 23684


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Trump sort de sa retraite et évoque son retour
▶ L’ex­président républi­ ▶ S’exprimant lors d’un ▶ Ovationné, le milliar­ ▶ Après sa défaite à la ▶ Dans tout le pays, les
cain a mis fin à son silence rassemblement annuel daire a promis un avenir présidentielle et l’assaut fidèles de l’ancien prési­
dimanche, pour dénoncer de conservateurs, Donald radieux au « trumpisme » de ses partisans contre le dent veulent croire au
de nouveau une élection Trump a entretenu l’idée et a appelé les républicains Congrès, M. Trump conti­ retour gagnant de leur
« truquée » et attaquer son d’une nouvelle candida­ à s’unir, excluant de nue de fracturer en profon­ champion en 2024
successeur avec virulence ture à la Maison Blanche fonder son propre parti deur le Parti républicain PAGE S 2 E T 4

BIRMANIE LA RÉPRESSION PREND UN TOUR SANGLANT Covid­19 L’Allemagne restreint les 
▶ Au moins 18 personnes sont mortes lors de manifestations contre le coup d’Etat militaire
passages à la frontière mosellane
▶ Le procès de l’ex­dirigeante Aung San Suu Kyi a débuté lundi PAGE 4 ET ÉDITORIAL PAGE 31 en raison de l’évolution de la rante­huit heures au maximum.
pandémie de Covid­19, l’Allema­ Contrairement aux mesures pri­
gne a décidé de restreindre les ses vis­à­vis de la République
passages à la frontière avec la Mo­ tchèque et de l’Autriche, la fron­
selle, au risque de compliquer la tière n’est pas fermée et il n’y aura
vie de milliers de frontaliers. A pas de contrôles systématiques,
partir de mardi 2 mars, toute per­ assure Berlin. Mais la France a vi­
sonne venant de la Moselle ne vement regretté la décision alle­
pourra pénétrer en Allemagne mande, et les autorités locales os­
que munie d’un test négatif – PCR cillent entre colère et amertume.
ou antigénique – datant de qua­ PAGE 7

Climat Corse
Fin amère pour  Vives tensions 
la convention  entre l’Etat et 
citoyenne  les nationalistes
Après dix­sept mois de tra­ Les relations entre le pré­
vail, les 150 volontaires ont fet et les dirigeants de la
attribué une note de 3,3 Collectivité de Corse sont
sur 10 au gouvernement devenues exécrables,
pour la prise en compte à quelques mois des élec­
de leurs propositions tions territoriales de juin
PAGE 8 PAG E 12

Syrie Aéroports
Le temps presse  A Roissy, jusqu’à 
Policier birman lors d’une manifestation, à Taunggyi, dans l’Etat Shan, le 28 février. AFP
pour les familles  30 000 postes 
françaises menacés
Sondage Reportage Politique Economie Les initiatives se multi­ L’aéroport pourrait perdre
La « souveraineté A Nice, beaucoup PS, LFI, EELV, PCF : Entre les banques plient pour obtenir le un tiers de ses emplois.
européenne », de scepticisme quatre femmes et l’Etat, rapatriement en France Au­delà d’Air France et
des femmes djihadistes d’ADP, ce sont les em­
une idée encore lors du week­end bousculent une complicité et de leurs enfants, mais ployés des sous­traitants
mal comprise de confinement la gauche retrouvée l’exécutif reste inflexible qui sont le plus exposés
PAGE 6 PAG E 9 PAGE 13 PAGES 1 8-19 PAGE 10 PAG E 14

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INTERNATIONAL
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2| MARDI 2 MARS 2021

POLITIQUE  AMÉRICAINE ▶▶▶

Donald Trump,
lors de la
Conservative
Political Action
Conference,
le 28 février
à Orlando
(Floride). OCTAVIO
JONES/REUTERS

lier du Parti républicain et s’est inscrite sur


les listes électorales comme « indépen­
dante », l’une des trois catégories politiques
aux Etats­Unis. Cette critique de l’aile tradi­
tionnelle du GOP par les électeurs trumpis­
tes est au cœur des discussions stratégiques
que doit désormais mener un parti fracturé.
Pour l’heure, la commerçante ne voit
qu’une porte de sortie pour les prochaines
échéances électorales : « Il faut que Trump
fonde son propre parti et dans ce cas, je le re­
joindrai sans hésiter. » Mais dimanche, l’an­
cien locataire de la Maison Blanche a douché
les espoirs de Donna Kowalczyk, en confir­
mant que le GOP suffisait à ses ambitions.
Pour l’électrice, un peu perdue, la priorité
reste tout de même de se débarrasser d’un
Joe Biden « qui signe des décrets pour que les
hommes puissent utiliser les toilettes des fem­
mes [allusion à l’Equality Act, voté par la
Chambre des représentants pour mieux pro­
téger la communauté LGBT + des discrimina­
tions], distribue des milliards aux pays étran­
gers et interdit le fracking », la fracturation
hydraulique, qui a connu un essor en Penn­
sylvanie depuis dix ans.
Tout à son admiration pour l’ancien prési­
dent – « la meilleure chose qui soit jamais arri­
vée au GOP » –, Randy Gilbert se montre lui
aussi sévère envers les hauts responsables
du Parti républicain. Dans la querelle qui a
opposé Mitch McConnell, le chef de la mino­

Quatre mois après la défaite, les 
rité républicaine au Sénat, à M. Trump sur les
événements du 6 janvier, le militant de Vir­
ginie a choisi son camp. « McConnell est un
mauvais gars ; il n’a que son intérêt en tête et
est vendu à la Chine. » Elaine Chao, l’épouse
du sénateur du Kentucky, d’origine taïwa­

républicains prisonniers de Trump
naise, a été ministre des transports de l’an­
cien président durant quatre ans. Un détail
pour M. Gilbert, qui insiste : « Nous devons
nettoyer le GOP de tous ces responsables qui
ne pensent qu’à faire de l’argent et s’opposent
à Trump. »

washington ­ correspondante La première apparition publique de l’ancien EMPRISE


Dans les cercles de Randy Gilbert, un

P
rivés de leur chef de file depuis
son départ de la Maison Blan­
président, dimanche, en Floride, devant homme, un seul, émerge pour remettre le
parti en ordre de bataille. « Trump doit pren­
che, les partisans de Donald
Trump attendaient son retour
la Conservative Political Action Conference, a ravi dre la tête du GOP, il doit se représenter
en 2024. Et je vous assure qu’il sera réélu faci­
sur la scène politique avec une
impatience grandissante. La
ses partisans. Beaucoup de républicains estiment lement. » Aux sceptiques, Randy conseille la
lecture de The Art of the Comeback, un
première intervention médiatique de l’an­
cien président dimanche 28 février, à Or­
qu’il est le seul à pouvoir remettre le parti en ordre ouvrage écrit par l’homme d’affaires en 1997,
après ses faillites. « Tout y est. Vous pouvez
lando (Floride), devant la Conservative Politi­
cal Action Conference, les a ravis et confor­
de bataille pour la présidentielle de 2024 être sûr qu’il a déjà une stratégie pour assurer
son retour. » A condition, bien sûr, que, d’ici
tés. S’ils en doutaient, leur champion leur a là, le GOP ait repris la main sur le déroule­
bien confirmé qu’il avait remporté le scrutin ment des élections. Pour le militant, bom­
présidentiel de novembre et que l’élection ton ; et ce qu’il a vu ne correspondrait en rien sur la stratégie de l’ancien président. Cet avo­ bardé ces dernières semaines à la tête d’une
lui avait été « volée ». à ce que les « médias » en ont dit. « J’étais venu L’ANCIEN LOCATAIRE  cat exerce dans le comté de Luzerne (Pennsyl­ « commission régionale sur l’intégrité des
Randy Gilbert, lui, n’est pas homme à s’in­ avec des amis pour écouter Trump, prier et DE LA MAISON  vanie), l’un des plus disputés de ces dernières élections », comme pour nombre de respon­
terroger. Quatre mois après la défaite de l’an­ mettre un coup d’arrêt au vol [de l’élection]. élections – en 2016, M. Trump y avait devancé sables républicains à travers le pays, l’avenir
cien président, ce responsable du Parti répu­ Mais ce sont les “antifas” [des militants d’ex­ BLANCHE A DOUCHÉ de 10 points Hillary Clinton, contribuant à du parti passe avant tout par un meilleur
blicain dans un district rural de Virginie n’en trême gauche] qui ont incité les gens à s’atta­ faire basculer la Pennsylvanie dans le giron contrôle de l’organisation des scrutins.
démord pas : « La fraude a été massive, quer au Capitole. On les a tout de suite repé­ LES ESPOIRS DE  conservateur, une première depuis 1988. Déjà, dans plusieurs Etats républicains, des
Trump a gagné », et l’ancien président a bien rés », assure­t­il, énigmatique. « Je suis déçu par la manière dont Trump a textes sont ainsi présentés pour limiter le
raison de crier au scandale. « On a les preuves Quant aux trumpistes qui se sont rués à
CERTAINS MILITANTS, géré la transition. Si des fraudes ont eu lieu, el­ vote par correspondance ou restreindre les
informatiques que les bulletins ont été en­ l’intérieur du bâtiment, « ils n’étaient pas de EN CONFIRMANT les n’ont sûrement pas été massives au point possibilités de voter en personne de ma­
voyés en Iran, en Estonie, en Allemagne ou en vrais militants. Les policiers les ont laissé pas­ de changer le résultat de l’élection. Il faut ab­ nière anticipée – des pratiques réputées fa­
Espagne et qu’ils ont été manipulés au profit ser pour ternir l’image des supporteurs du QUE LE PARTI  solument que Trump dépasse son discours vorables aux démocrates. Dimanche,
des démocrates », assure contre toute évi­ président », soutient le républicain. Deux sur la fraude », estime cet électeur républi­ Donald Trump a encouragé les élus républi­
dence le militant zélé, figure incontournable cents partisans de Trump ont bien été arrê­ RÉPUBLICAIN  cain, plus intéressé par la personnalité cains engagés dans ces démarches, suggé­
du Grand Old Party (GOP) dans la vallée de la tés pour leur participation aux violences du SUFFISAIT « d’outsider » du milliardaire que par la politi­ rant que le pays devait avoir « un seul jour
rivière Shenandoah. 6 janvier. Mais Randy Gilbert n’en démord que du GOP. « Il aurait dû accepter la défaite d’élection et non pas quarante­cinq ou trente
pas : « Je ne crois pas à votre vérité », assène­ À SES AMBITIONS comme un gentleman. Son ego l’a perdu. Et il jours » pour se rendre aux urnes.
UNIVERS ALTERNATIF t­il volontiers pour couper court, avec le sou­ a raté l’occasion d’élargir sa base », ajoute le Vito DeLuca lui aussi est convaincu que les
Ainsi va le monde pour une grande partie rire, à toute discussion. militant républicain. pratiques électorales ont favorisé les démo­
des républicains. Selon les sondages, quel­ A plusieurs centaines de kilomètres de là, crates. Mais il se veut plus pragmatique :
que 70 % des électeurs de Trump restent dans la petite ville de Wilkes­Barre (Pennsyl­ SE DÉBARRASSER DE BIDEN quelles qu’aient été les erreurs de Trump,
convaincus que l’élection présidentielle de vanie), Donna Kowalczyk aussi « a vu des En dépit de ses critiques, il a été « dégoûté » « les Américains ont la mémoire courte et
2020, remportée par Joe Biden avec 7 mil­ choses » qui lui permettraient d’affirmer que par la procédure en destitution pour incita­ pardonnent facilement ». « Si Biden ne résout
lions de voix d’avance, a été truquée. Parmi « l’élection a été volée ». Aussi, depuis quatre tion à l’insurrection, menée contre l’ancien pas les problèmes, fait monter l’inflation ou
ces dizaines de millions d’Américains, cer­ mois, l’ancienne démocrate, séduite en 2016 président par les démocrates. « Ces derniers augmente les impôts », « l’outsider » aura en­
tains, versés dans le complotisme, sont en par la personnalité de Donald Trump, est­ avaient fait pareil au printemps lorsqu’ils ont core toutes ses chances. Mais – symbole de
outre persuadés que M. Trump fera son re­ elle un peu désemparée. « A quoi bon voter appelé les Black Lives Matter [les militants la versatilité d’une partie des électeurs
tour à la Maison Blanche le 4 mars, date offi­ encore si les démocrates peuvent truquer les antiracistes] à manifester et que les centres­ trumpistes –, si la politique de Joe Biden lui
cielle des inaugurations présidentielles jus­ élections comme ils l’ont fait cette fois ? », s’in­ villes ont été pillés et brûlés. » convient, l’avocat de Pennsylvannie n’exclut
qu’en 1933. terroge cette coiffeuse, propriétaire d’un sa­ Pour Donna Kowalczyk, la réalité de la dé­ pas de voter démocrate en 2024. Sa seule
Randy Gilbert ne va pas jusque­là, mais sa lon à l’ancienne. Dans cet Etat­clé, où Joe Bi­ faite ne passe pas et, étrangement, sa colère certitude : il ne donnera jamais sa voix à l’un
foi dans l’ancien président n’a jamais vacillé. den l’a emporté, les accusations de fraude et vise d’abord le GOP. « Les républicains ont de ces républicains « politiciens profession­
Même après l’assaut contre le Capitole per­ la contestation des résultats par les républi­ failli, ils ne se sont pas battus pour Trump ou nels, juste là pour s’enrichir ». L’emprise de
pétré par des centaines de militants chauffés cains ont été particulièrement véhémentes. pour sauver les résultats de l’élection », juge­t­ l’ancien président n’a pas fini de peser sur le
à blanc par Donald Trump. Au contraire. Le Elles ont été totalement démenties. elle. Comme des milliers de personnes dans sort du parti. 
républicain y était, ce 6 janvier, à Washing­ Plus circonspect, Vito DeLuca s’interroge tout le pays, elle vient d’ailleurs de se désaffi­ stéphanie le bars
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4 | international MARDI 2 MARS 2021

POLITIQUE  AMÉRICAINE

Donald Trump
réapparaît et entretient
l’idée d’un retour
L’ex­président est sorti de son silence pour
promettre un avenir radieux au « trumpisme »

washington ­ correspondant vous le savez, [les démocrates]


viennent de perdre la Maison Blan­

J amais par le passé un ancien


président des Etats­Unis
n’était sorti aussi rapidement
de sa retraite pour attaquer
avec virulence son successeur et
che ». « Qui sait, qui sait, je pourrais
bien décider de les battre une troi­
sième fois », a­t­il poursuivi dans
une allusion à une éventuelle can­
didature en 2024, une hypothèse
entretenir l’hypothèse d’une nou­ répétée à la fin de son discours.
velle candidature. Jamais, surtout, « Si nous avions eu une élection
un locataire de la Maison Blanche correcte, les résultats auraient été
battu dans les urnes n’avait pris la bien différents », a­t­il grincé plus
parole pour dénoncer une nou­ tard, « ils ont tellement triché ».
velle fois une élection selon lui « Comment diable est­il possible
« truquée ». En s’exprimant diman­ que j’aie perdu ? Je n’ai pas perdu », a
che 28 février à Orlando, en Flo­ encore insisté M. Trump avant de Un mémorial en hommage aux victimes de la répression, à Rangoun, le 1er mars. REUTERS
ride, en clôture de la Conservative décliner les griefs avancés pen­
Political Action Conference, un dant la transition, des votes mas­
rassemblement annuel de conser­ sifs prêtés à des « illégaux » ou des
vateurs, Donald Trump a ajouté « morts », en passant par les suffra­
ces deux nouvelles ruptures sans
précédent à une déjà longue liste
de libertés prises avec les normes
politiques américaines.
ges jugés suspects obtenus par Joe
Biden dans deux villes qui comp­
tent une importante commu­
nauté afro­américaine, Detroit et
En Birmanie, la répression prend
un tour sanglant
Outre l’attaque en règle contre Philadelphie. Pas une seule fois il
une administration en place de­ n’a fait allusion à l’assaut meur­
puis moins de six semaines mais trier livré contre le Congrès par
déjà jugée coupable de tous les certains de ses partisans, le 6 jan­
maux, Donald Trump, qui a rejeté vier, qu’il avait invités à marcher
catégoriquement l’idée de lancer sur le Capitole pour peser sur la Les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles sur la foule qui protestait
un nouveau parti, souhaitait faire certification par les élus des résul­
la démonstration de son emprise tats de la présidentielle. contre le coup d’Etat militaire, à Rangoun et dans plusieurs autres villes
sur le Parti républicain. Un par­
terre conquis et l’absence de voix Volonté de revanche
nuancées ou divergentes au sein A l’origine de sa seconde mise en
du Grand Old Party (GOP) lui ont accusation par le Congrès, cette at­ bangkok ­ correspondant cocktails Molotov et autres objets l’ONU, Kyaw Moe Tun : après avoir
facilité la tâche. L’ancien vice­pré­ taque a profondément divisé le en Asie du Sud­Est contre des policiers massés der­
« Toutes les condamné un coup d’Etat « inac­
sident Mike Pence était ainsi ab­ Parti républicain. Mais M. Trump, rière leurs boucliers. On entend ethnies ont rejeté ceptable dans le monde

L’
sent, tout comme le chef de la mi­ acquitté par le Sénat le 14 février, a escalade de la violence des coups de feu, des camions de d’aujourd’hui », le diplomate a pro­
norité républicaine du Sénat, assuré dimanche contre toute évi­ policière et militaire à police en mouvement sont hués
le coup d’Etat ! », mis qu’il continuerait à se battre
Mitch McConnell (Kentucky), par­ dence que le Grand Old Party est l’encontre des manifes­ par la foule à un carrefour. A Man­ se réjouit un au côté de ses concitoyens « pour
ticulièrement sévère avec l’ancien « uni ». Il n’a reconnu qu’une tants birmans a mar­ dalay, une photo diffusée sur In­ un gouvernement issu du peuple,
président pour son rôle majeur « seule division », « entre une poi­ qué, dimanche 28 février, un san­ ternet montre deux soldats en
intellectuel élu par le peuple et pour le peuple ».
dans l’entretien d’une théorie du gnée de politiciens de l’establish­ glant tournant dans la partie de uniforme, camouflés, viser de leur membre d’une Sous les applaudissements de
complot à propos du « vol » de ment de Washington et tout le bras de fer engagée entre le pou­ fusil d’invisibles manifestants der­ nombre de ses pairs – sauf l’am­
l’élection du 3 novembre. monde dans tout le pays ». L’ex­ voir militaire et les protestataires rière un grillage.
minorité bassadeur de Chine –, il a conclu
A de rares exceptions, les ora­ président a témoigné de sa vo­ depuis le coup d’Etat du 1er février. Pour les participants d’un mou­ son discours en levant trois doigts
teurs invités pendant les trois lonté de revanche en listant les Cette nouvelle journée de rassem­ vement de masse autogéré et sans de la main droite, geste de rallie­
jours du rassemblement conser­ noms des 17 élus républicains qui blement de masse vient peut­être chefs apparents, cette dure jour­ tout le peuple de Birmanie uni au ment antidictature désormais
vateur ont rivalisé dans les dé­ ont voté sa mise en accusation à la de faire basculer le pays sur le che­ née vient rappeler que les militai­ sein du mouvement de désobéis­ utilisé en Asie du Sud­Est par les
monstrations de loyauté et dans la Chambre et sa culpabilité au Sé­ min de la répression, ravivant la res de la junte de 2021 sont malgré sance civile ; c’est la première fois manifestants prodémocratie. Di­
mise en cause de la sincérité du nat. Il a joué également de la me­ mémoire des terribles journées tout les héritiers de ceux de la fin que je constate pareille chose dans plomate de carrière âgé de 50 ans,
scrutin. La présence dans les cou­ nace en assurant que son soutien d’un précédent mouvement pro­ du siècle dernier, quand la répres­ ce pays qui est profondément di­ cet ambassadeur qui a gravi les
loirs du grand hôtel qui accueillait aux candidats à des élections démocratique, en 1988. sion se déroulait dans un pays en­ visé sur des bases ethniques. » échelons du ministère des affai­
l’événement d’une statue dorée de constitue aujourd’hui « l’influence Les forces de l’ordre ont tiré à bal­ core quasi fermé du monde exté­ « Toutes les ethnies ont rejeté le res étrangères durant les régimes
Donald Trump, confectionnée au la plus puissante en politique ». les réelles dans la foule à Rangoun, rieur. Pour celles et ceux qui espé­ coup d’Etat ! », se réjouit­il. militaires précédents (1962­2011)
Mexique par un admirateur expa­ Quelques jours plus tôt, cette plus grande ville et capitale écono­ raient que la stratégie déployée Si le mouvement de désobéis­ a été, dimanche, démis de ses
trié, a nourri l’impression d’un cassure républicaine était apparue mique du pays, à Mandalay, la face aux manifestants s’était as­ sance civile semble se déployer de fonctions par le nouveau pouvoir
culte de la personnalité, que l’inté­ dans toute sa brutalité lors d’une grande cité du nord, mais aussi souplie, ce dimanche marque manière quasi « organique », sur qui l’a accusé de « trahison ».
ressé a alimentée pendant son in­ conférence de presse de la direc­ dans plusieurs agglomérations peut­être la fin de certaines illu­ un mode opératoire observé ces Une importante défection dans
tervention en notant, alors que le tion de la minorité républicaine à provinciales, à Pégou, près de Ran­ sions, même si le bilan est encore dernières années à Hongkong et, les forces de l’ordre a eu lieu le
public scandait « on vous aime ! », la Chambre. Alors que son chef, Ke­ goun, à Lashio, dans le nord­est, à loin d’atteindre celui des ef­ plus récemment, à Bangkok, la ré­ même jour. Il s’agit du chef de la
que ses prédécesseurs n’avaient ja­ vin McCarthy (Californie), avait ap­ Moulmein, Hpa­An, Dawei et frayants mois d’août et septem­ sistance s’organise aussi de ma­ police de la division de Rangoun,
mais suscité une telle adulation. prouvé la future prise de parole de Myek, dans le sud, à Myawaddy, bre 1988. Durant cette période, se­ nière plus concrète. Un comité re­ Tin Min Tun, qui, en démission­
Son discours visait à annoncer Donald Trump, son adjointe, Liz sur la frontière thaïlandaise. lon des estimations restées impré­ présentant un certain nombre de nant de ses fonctions, devient
un avenir radieux au « trum­ Cheney (Wyoming), avait assuré Selon un décompte des Nations cises, près de 2 000 personnes fu­ députés de l’ex­Parlement bica­ sans doute le membre le plus im­
pisme », que l’ex­président a ré­ au contraire qu’elle estimait que ce unies et celui de plusieurs agences rent tuées, dont plus d’un millier méral (Sénat et Assemblée natio­ portant de l’appareil sécuritaire à
sumé succinctement à des barriè­ dernier « ne doit plus jouer de rôle » de presse étrangère, dix­huit per­ rien qu’à Rangoun – le bilan global nale) s’est formé ces dernières se­ se ranger du côté des manifes­
res douanières, une politique mi­ au sein du Parti républicain. sonnes sont mortes. D’après la té­ des morts de cette même année maines. Les membres de ce co­ tants. Selon sa déclaration relayée
gratoire ultra­restrictive et à la dé­ L’unanimité de dimanche n’a lévision birmane indépendante 1988 s’élève sans doute à 3 000. mité désigné par son acronyme sur Facebook, l’officier de police a
fense des valeurs républicaines pas été non plus sans bémols. Si DVB et d’autres médias locaux, le anglais « CRPH », tous parlemen­ assuré ne « pas vouloir travailler
traditionnelles, l’accès sans en­ une majorité écrasante (95 %) des bilan pourrait dépasser les vingt Adolescentes « frappées à la tête » taires de la Ligue nationale pour la sous le régime issu du coup d’Etat ».
trave aux armes à feu ou la lutte congressistes a approuvé le cap du tués. Des dizaines d’autres mani­ « Je sais que les forces de sécurité démocratie (NLD) – parti du gou­ La situation était calme, lundi
contre l’avortement. Constellé de trumpisme, selon les résultats festants ont été blessés. Le nombre birmanes se conduisent violem­ vernement renversé –, ont appelé matin, à Rangoun, où un millier
contre­vérités, comme lorsque d’un sondage dépourvu de carac­ d’arrestations se chiffre à plu­ ment, mais j’avais imaginé qu’elles à la formation d’« administrations de grévistes des chemins de fer ef­
M. Trump a affirmé que son suc­ tère scientifique, seuls 55 % se sont sieurs centaines rien qu’en fin de se comporteraient cette fois de populaires » dans les quartiers. Ils fectuaient un sit­in dans le quar­
cesseur avait levé toutes les sanc­ déclarés prêts à voter pour l’ex­ semaine, alors que plus de manière différente, confiait di­ ont demandé à la population de tier d’Insein. Un nombre équiva­
tions contre l’Iran, ce message a président dans le cas où une élec­ 700 autres personnes avaient déjà manche au téléphone, depuis refuser de se soumettre aux or­ lent de protestataires étaient ras­
été constamment pollué par son tion se tiendrait immédiatement. été appréhendées depuis le Rangoun, Kyaw Thein (le nom a dres du nouveau régime. semblés dans le centre­ville.
incapacité à dépasser sa défaite. « Si nous idolâtrons une personne, putsch. Les médias birmans, qui été changé), un intellectuel d’une L’envoyée spéciale du secrétaire Le début du procès par visiocon­
Inlassablement, le battu du 3 no­ nous perdrons », a mis en garde Bill continuent d’être en mesure de re­ quarantaine d’années. J’étais ce général de l’ONU pour la Birmanie, férence de l’ancienne dirigeante
vembre a ressassé sa rancœur, as­ Cassidy (Louisiane), l’un des sept later les événements de manière matin en tête du cortège d’une ma­ la diplomate suisse Christine Aung San Suu Kyi, assignée à rési­
surant dès les premières minutes républicains qui ont voté pour quasi indépendante, semblent ce­ nifestation à Hledan [centre de Schraner Burgener, a réitéré sa­ dence dans la capitale Naypyidaw,
de son intervention que, « comme condamner M. Trump au Sénat. pendant être devenus des cibles : Rangoun, près de l’université], et medi devant l’Assemblée générale a débuté lundi en fin de matinée.
« Trump n’influencera pas de ma­ plusieurs journalistes, dont un Ja­ soudain la police a attaqué des l’exigence des Nations unies de L’avocat de l’ex­ conseillère d’Etat
nière significative les actions du ponais – libéré quelques heures jeunes qui étaient en queue de ma­ voir la démocratie restaurée, tout – poste équivalent à celui de pre­
GOP au Congrès au cours des deux plus tard – ont été arrêtés samedi nif : des adolescentes ont été frap­ en semblant accorder de la légiti­ mier ministre – a déclaré à
L’EX­PRÉSIDENT N’A PAS  prochaines années », estime Henry et dimanche. pées à la tête, brutalisées. Je suis mité politique au CRPH : elle s’est l’Agence France­Presse que sa
FAIT ALLUSION À L’ASSAUT  Olsen, expert du Grand Old Party Dans plusieurs villes, comme à écœuré. Je crois qu’il existe désor­ ainsi félicitée de voir la poignée de cliente semble « en bonne santé ».
au sein du Ethics and Public Policy Mandalay et Monywa, les habi­ mais une volonté systématique de députés s’obstiner à vouloir Mme Suu Kyi, 75 ans, est poursuivie
MEURTRIER LIVRÉ  Center, un cercle de réflexion con­ tants ont dressé des barricades s’en prendre aux plus jeunes. » « maintenir leurs obligations à ser­ pour avoir importé illégalement
servateur de Washington. « Nous dans les rues pour contrer l’avan­ Un point, cependant, incite à un vir le peuple qui a voté pour eux ». des talkies­walkies et passé outre
CONTRE LE CONGRÈS  saurons s’il compte vraiment après cée des policiers. Une vidéo tour­ certain optimisme cet homme A New York, la journée de samedi aux restrictions liées au coronavi­
les primaires de 2022, et c’est bien née dans le centre­ville de Ran­ qui appartient à l’une des sept avait été marquée par une déclara­ rus durant la campagne électorale
PAR CERTAINS DE SES  loin », ajoute­t­il.  goun montre des manifestants principales ethnies minoritaires tion inattendue et spectaculaire de novembre 2020. 
PARTISANS, LE 6 JANVIER gilles paris casqués en train d’envoyer des de Birmanie : « Désormais, je vois de l’ambassadeur de Birmanie à bruno philip
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MARDI 2 MARS 2021 international | 5

Au Nigeria, la spirale des enlèvements de masse


Le gouvernement est critiqué de toutes parts pour sa gestion de la crise sécuritaire dans le nord du pays

lagos ­ correspondance
« Si une entente

L
es photographies de dor­ est trouvée avec
toirs vides et de lits dé­
faits publiées dans la
un gang,
presse se ressemblent, les autres vont
comme les événements qui se ré­
pètent selon un scénario presque
potentiellement
immuable. A trois reprises ces réagir dans
derniers mois, des hommes ar­
més, vêtus de treillis militaires,
la surenchère »
ont attaqué en pleine nuit des NNAMDI OBASI
écoles publiques du nord­ouest analyste pour International
du Nigeria. Les élèves présents Crisis Group
ont systématiquement été captu­
rés et emmenés en forêt par leurs
ravisseurs. Certains ont été libé­ de Zamfara et Katsina sont favora­
rés quelques jours plus tard. bles au dialogue, celui de Kaduna a
Le dernier assaut en date a eu déclaré récemment ne pas croire à
lieu vendredi 26 février, vers la repentance des criminels lo­
2 heures du matin, dans une école caux, contre lesquels il dit être « en
publique de Jangebe. Selon la po­ guerre ». Et si les amnisties per­
lice, 317 jeunes filles ont été enle­ mettent parfois d’apaiser un
vées dans ce pensionnat situé temps les conflits, la violence finit
dans l’Etat de Zamfara. La se­ bien souvent par ressurgir. Les
maine précédente, mercredi groupes criminels sont très nom­
17 février, 38 personnes dont breux – une quarantaine dans le
24 écoliers avaient été faites pri­ seul Etat de Zamfara – et « il existe
sonnières dans leur pensionnat un élément de rivalité entre eux »,
de Kagara, dans l’Etat voisin de Ni­ selon Nnamdi Obasi. « Si une en­
ger. A la mi­décembre, c’est le kid­ tente est trouvée avec un gang, les
napping de 344 lycéens à Kan­ autres vont potentiellement réagir
kara, dans l’Etat de Katsina, qui dans la surenchère », estime­t­il.
avait suscité un émoi mondial. Tous les observateurs pointent
en outre le manque d’implication
Appât du gain Le dortoir du pensionnat de Jangebe (Zamfara), au Nigéria, où 317 jeunes filles ont été enlevées le 26 février. KOLA SULAIMON/AFP du gouvernement fédéral et du
De nombreux groupes criminels, président Muhammadu Buhari,
plus ou moins structurés, opè­ critiqué de toutes parts pour sa
rent dans les régions du centre et sieurs prisonniers auraient été li­ les autorités de l’Etat de Zamfara pense des bandits avec de l’argent mauvaise gestion de la crise sécu­
du nord­ouest du Nigeria depuis
La plupart bérés en échange des otages de ont annoncé sa reddition en et des véhicules ». ritaire dans le nord du Nigeria.
une décennie. Ils sont spécialisés des gangs sont Kagara, relâchés samedi 27 février. échange d’une amnistie accordée « Malheureusement, les accords de
dans le vol de bétail, le kidnap­ La plupart des gangs sont motivés par le gouvernement local. La po­ Déni de responsabilité paix locaux ne sont jamais qu’une
ping ou encore les attaques de
motivés par par l’appât du gain, mais certains lice a présenté les armes et les mu­ « Cela pourrait avoir un effet boo­ solution de court terme, qui devrait
poids lourds. Depuis 2011, leurs l’appât du gain, ont aussi tissé des liens étroits nitions remises par le jeune chef merang désastreux », a averti le s’accompagner d’une réflexion sur
exactions ont fait 8 000 victimes avec les djihadistes du nord­est du de gang et ses lieutenants – qui chef de l’Etat. Et « il n’y a pas que les enjeux socio­économiques et
et poussé 200 000 personnes à
mais certains ont pays. Au mois de décembre, Abu­ ont juré sur le Coran de « ne pas re­ Buhari qui émet ce genre de criti­ sur les questions de justice et de ré­
fuir leur domicile, selon un rap­ aussi tissé des bakar Shekau, le chef historique venir à leurs anciennes pratiques ». ques », selon Idayat Hassan, direc­ conciliation », note Nkasi Wodu,
port publié en mai 2020 par l’In­ d’une des factions du groupe Boko Ce type de résolution n’a rien de trice du Centre pour la démocra­ juriste basé à Port Harcourt. Ce
ternational Crisis Group (ICG).
liens étroits avec Haram, a revendiqué par deux fois nouveau au Nigeria, où un pro­ tie et le développement (CDD) à spécialiste des questions de paix
Leurs chefs sont parfois même les djihadistes du le rapt des 344 écoliers de Kankara. gramme d’amnistie pour les acti­ Abuja. « Cela ne fait qu’aggraver la et de développement rappelle
connus localement. Après chaque Une vidéo, montrant les jeunes vistes du delta du Niger a notam­ colère des populations locales, aussi que « le système sécuritaire
kidnapping dans une école, les
nord-est du pays captifs encadrés par leurs ravis­ ment été mis en œuvre dès 2009. confrontées à ce qui peut être est très centralisé au Nigeria, très
autorités ont très vite fait savoir seurs en pleine brousse, avait été Les modalités de ces accords sont perçu comme un déni de justice », contrôlé par le gouvernement fédé­
qu’elles étaient en contact avec les diffusée sur les canaux de com­ bien sûr opaques, qu’il s’agisse de explique­t­elle. En plus d’empê­ ral ». Ces derniers jours, le gouver­
ravisseurs et qu’elles négociaient qui interroge : « Pourquoi ces cri­ munication habituels du groupe compensation financièrement, cher la compensation des victi­ neur de l’Etat de Niger s’est plaint
avec eux. Mais aucune informa­ minels continueraient­ils à mener terroriste, plongeant le Nigeria de réhabilitation ou bien de libé­ mes, ces accords d’amnistie publiquement du manque de sou­
tion n’a jamais filtré sur les condi­ ce genre d’opération très coûteuse dans l’effroi. Mais si Boko Haram a ration de prisonniers. Peu après « s’inscrivent en violation de la lé­ tien d’Abuja pour assurer le sauve­
tions de libération de ces otages. s’il n’y avait aucun bénéfice pour sans doute apporté un soutien lo­ l’enlèvement des 317 lycéennes de gislation fédérale sur le kidnap­ tage des otages dans sa région. 
« Les gouverneurs locaux insis­ eux ? » Dans la presse locale, les gistique ou financier à cette opé­ Jangebe, vendredi 26 février, le ping », abonde Nnamdi Obasi. liza fabbian
tent pour dire qu’aucune rançon écoliers de Kankara ont effective­ ration, celle­ci a bien été conduite président Muhammadu Buhari a L’analyste remarque d’ailleurs
n’a jamais été versée, mais c’est très ment évoqué d’importantes som­ par un bandit local, Auwalu Dau­ cependant mis en garde les gou­ que les gouverneurs locaux pei­
difficile à croire », souligne mes d’argent versées à leurs ravis­ dawa. Le 8 février – moins de deux verneurs locaux, les exhortant « à nent eux­mêmes à s’entendre sur
Nnamdi Obasi, analyste pour ICG, seurs au mois de décembre et plu­ mois après ce rapt spectaculaire –, revoir leur politique de récom­ le sujet. Alors que les gouverneurs Retrouvez en ligne l’ensemble de nos contenus

Israël attribue à l’Iran l’attaque d’un cargo dans le Golfe RUSS IE


Navalny transféré dans
une région à 200 km
à l’est de Moscou
L’attaque vise une relation commerciale bourgeonnante avec les monarchies arabes, fruit des accords de 2020 Le principal opposant au
Kremlin, Alexeï Navalny, est
arrivé dans une région à
200 km à l’est de Moscou pour
jérusalem ­ correspondant role du ministère iranien des affai­ le Golfe a significativement aug­ Le quotidien Kayhan l’affirme den, Israël pour l’heure se satisfait être transféré dans une colo­
res étrangères a rejeté l’accusation menté. En s’en prenant à l’un de lui­même : « Les opérations de l’axe des consultations auxquelles l’a nie pénitentiaire afin d’y pur­

U ne nouvelle ère de provo­


cations militaires et de ri­
postes s’est ouverte entre
Téhéran et ses rivaux régionaux,
après des mois de retenue ira­
de M. Nétanyahou.
Parti du port d’Eilat deux semai­
nes plus tôt, chargé d’automobi­
les, le MV Helios Ray avait déchargé
mercredi au port saoudien de
ces navires, Téhéran signale que
cette relation économique
bourgeonnante est à sa portée. Ce
n’est pas la première fois que
l’Iran s’en prend à un navire civil
de la résistance en Syrie et en Irak,
ainsi que les avancées militaires des
révolutionnaires yéménites ces der­
niers jours, et aujourd’hui l’attaque
contre le navire de guerre israélien,
convié l’administration démo­
crate, et ne paraît pas décidé à s’en­
gager dans une opposition fron­
tale à Washington, comme il
l’avait fait en 2015. L’Etat hébreu
ger une peine de deux ans et
demi de prison. Le secrétaire
général de la commission pu­
blique de Moscou de sur­
veillance des lieux de déten­
nienne. Lundi 1er mars, le premier Dammam, situé sur la côte orien­ israélien naviguant sous pavillon se déplaçant sous couvert de navire préfère appeler son allié à la pa­ tion, Alexeï Melnikov, a
ministre israélien, Benyamin Né­ tale du pays, face à l’Iran, et devait étranger, et Israël peut « contenir marchand et battant pavillon d’un tience, en estimant que rien ne précisé à l’agence Interfax que
tanyahou, a attribué à Téhéran l’at­ se rendre à Singapour. Il battait pa­ l’événement », notait dimanche le autre pays, démontrent que la pé­ presse pour conclure trop vite un M. Navalny serait placé en
taque d’un navire marchand israé­ villon des Bahamas et ne figurait correspondant militaire du quoti­ riode où les agissements israéliens « deal », tant que les sanctions quarantaine avant d’être
lien, survenue vendredi dans le pas sur la liste des navires israé­ dien Yediot Aharonot, Alex Fish­ restaient sans réponse est révolue. » massives décrétées sous la prési­ transféré vers l’une des colo­
golfe Persique, en signalant une liens civils auxquels le Shabak, le man, c’est­à­dire répliquer de ma­ Dans cette phase sensible, Té­ dence Trump demeurent en place. nies pénitentiaires de la ré­
possible réplique à venir. « C’est renseignement intérieur, fournit nière limitée. héran a intérêt à démontrer son Sur ce dossier, Israël aura à coor­ gion. Le sort d’Alexeï Navalny
clairement une opération ira­ une assistance. Accosté depuis à pouvoir de nuisance pour se donner ses efforts avec les puis­ était inconnu depuis son dé­
nienne, c’est évident », a­t­il af­ Dubaï, il présentait des traces Créer un levier de négociation créer un levier de négociation. sances du Golfe, elles aussi fort in­ part, jeudi 25 février, du centre
firmé, tandis que l’Iran lui­même d’impact au­dessus de la ligne de Israël se prépare depuis des mois C’est ainsi que sont comprises en quiètes. Selon l’ancien patron du de détention moscovite où il
en faisait peu mystère. flottaison. Le doute demeurait à de telles attaques, après l’assas­ Israël les attaques contre des ba­ renseignement militaire, Amos était incarcéré. – (AFP.)
Dimanche, le quotidien ultra­ lundi pour savoir s’il avait été tou­ sinat du physicien nucléaire ira­ ses américaines menées ces der­ Yadlin, leurs intérêts sont com­
conservateur Kayhan, porteur ré­ ché par une mine ou par un mis­ nien Mohsen Fakhrizadeh, en no­ nières semaines en Irak, premiè­ plémentaires. Pour Israël, la prio­ HAÏTI
gulier de messages semi­officiels sile qui aurait traversé sa coque. En vembre 2020 près de Téhéran, res entorses sérieuses à une trêve rité demeure la capacité nucléaire Des milliers d’Haïtiens
et dirigé par un homme nommé tous les cas, selon les analystes de mais surtout alors que l’Iran s’ap­ décrétée en octobre 2020 par les de Téhéran. « Les pays du Golfe, contre l’insécurité et un
par le Guide suprême, avait af­ défense de la presse israélienne, prête à négocier pour préserver milices chiites pro­iraniennes du quant à eux, sont plus inquiets des retour de la « dictature »
firmé que « l’attaque du navire a l’attaque paraît avoir été planifiée l’accord international sur son pays. Ces attaques ont suscité activités de subversion de l’Iran Plusieurs milliers d’Haïtiens
été le fait de l’axe de la résistance », et menée de manière à infliger des programme nucléaire (JCPoA). Le une première réponse militaire dans la région, de ses milices et de ont manifesté, dimanche
c’est­à­dire du réseau d’alliances dommages limités – les 28 mem­ renseignement militaire israé­ de la nouvelle administration ses missiles, estime M. Yadlin. Ils 28 février, à Port­au­Prince et
mené par Téhéran dans la région. bres d’équipages sont indemnes, lien estime que l’arrivée de Joe Bi­ américaine, le 25 février : des veulent s’assurer que les Etats­Unis dans quelques villes de pro­
Dans le golfe d’Oman, le navire aucun n’était israélien. den à la présidence américaine, frappes à la frontière irako­sy­ ne ferment pas les yeux [sur ces ac­ vince, pour dénoncer la re­
était potentiellement à portée de Cette attaque vise un point fra­ en janvier, a levé l’interdit qui pe­ rienne. C’est également ainsi que tivités] au profit des négociations, crudescence des enlèvements
tir des rebelles houthistes du Yé­ gile : depuis la normalisation his­ sait contre les opérations militai­ sont perçues des attaques récen­ et veulent un accord international commis par les gangs et
men, alliés de Téhéran. Mais cette torique des relations d’Israël avec res iraniennes dans la région, en tes des rebelles houthistes du Yé­ élargi » à ces questions. Ce qui accusant le pouvoir en place
formulation préservait surtout la les Emirats arabes unis et Ba­ faisant disparaître la crainte d’un men contre l’Arabie saoudite. n’est pas une priorité d’Israël.  du président Jovenel Moïse
possibilité de nier une implication hreïn, en septembre 2020, le trafic geste radical, durant la fin de Face aux négociations sur le dos­ ghazal golshiri (à paris) de chercher à imposer une
directe. Lundi matin, le porte­pa­ commercial entre le port d’Eilat et mandat de M. Trump. sier nucléaire voulues par M. Bi­ et louis imbert nouvelle « dictature ». – (AFP.)
0123
6 | international MARDI 2 MARS 2021

UNION  EUROPÉENNE

La souveraineté, un concept à géométrie variable


« Parmi les mots suivants, quels sont ceux que vous évoquent « Selon vous, faut-il renforcer... »
spontanément le terme de “souveraineté” ? En premier ? En deuxième ? »
en % de réponses
France Allemagne Italie Espagne Pologne Roumanie Lettonie Suède ... la souveraineté européenne,
pourcentage de « oui »
31 63 22 20 65 55 72 47
Lettonie 84
Indépendance
51 23 46 54 9 41 15 22 Roumanie 83
Puissance
22 53 25 20 40 22 42 62 Allemagne 83
Autodétermination
43 58 43 32 Pologne 78
7 6 14 20
Nationalisme
61 Espagne 73
15 35 13 27 30 45 34
Liberté France 66
26 6 26 17 5 9 4 11
Protectionnisme Suède 64
13 13 10 19 13 12 8 4
Protection Italie 60

« Pour que l’Europe soit souveraine, doit-elle selon vous disposer de chacune des choses suivantes ? » ... la souveraineté de votre pays,
pourcentage de « oui »
en % de réponses,
selon ce qui est primordial Roumanie 91
France Allemagne Italie Espagne Pologne Roumanie Lettonie Suède
Lettonie 90
67 67 73 75 59 82 71 45
Une économie prospère Allemagne 84
67 71 72 67 53 75 70 50
Une politique de sécurité Pologne 80
et de défense commune
70 65 66 72 46 75 64 56 Suède 74
Garantir la production européenne
dans des domaines stratégiques 71
tels que l’alimentation ou la santé Italie

62 59 64 64 43 72 59 44 70
Des ressources énergétiques France
européennes / Ses propres
ressources énergétiques Espagne 70
63 65 58 62 48 73 65 50
Une défense forte de ses propres
valeurs (...) tant à l’intérieur qu’à Ce sondage Ipsos, pour les fondations Jean-Jaurès
l’extérieur et Friedrich-Ebert-Stiftung, a été réalisé
63 61 56 60 39 68 59 66 entre le 28 décembre 2020 et le 8 janvier 2021,
Une maîtrise des frontières par Internet, selon la méthode des quotas, auprès
extérieures de l’Union européenne de 8 000 personnes, constituant 8 échantillons
64 60 61 57 40 66 60 64 de 1 000 personnes représentatives de la population,
Des outils communs pour lutter âgées de 18 ans et plus, dans les 8 pays mentionnés.
contre les ingérences étrangères
Infographie : Le Monde Source : Ipsos

L’« Europe souveraine », une idée floue


D’après les fondations Jean Jaurès et Friedrich Ebert, la notion est diversement perçue dans huit pays de l’UE

bruxelles ­ bureau européen Premier enseignement de cette enquête : sémantique de la royauté, quand les seconds vis­à­vis des autres » et à « la coopération li­
tandis que les deux tiers des sondés affir­ pensent « indépendance », « liberté », « auto­ brement déterminée avec ses partenaires ».

L
a crise due au Covid­19 a renforcé ment le comprendre, le terme reste opaque nomie », « pouvoir », « autodétermination », Mais, dans l’Hexagone, elle évoque « le fait de
sa visibilité, mais cela fait quelques pour nombre de citoyens : 29 % d’entre eux ou encore « confiance ». « En France, le terme vivre selon ses propres valeurs » et « la capa­
années que le concept de « souve­ disent ne pas bien appréhender ce qu’est la de souveraineté est enraciné du côté de la cité à faire valoir ses propres intérêts ». « La
raineté européenne » a émergé. Si « souveraineté nationale ». Ce pourcentage droite et du passé, de la puissance et du natio­ France est très autocentrée. Elle se définit par
François Hollande s’y référait déjà monte à 37 % quand on parle de « souverai­ 29 % DES SONDÉS  nalisme. En Allemagne, il est moderne et apo­ ses valeurs et ses intérêts. Le “je pense donc je
lors d’un discours devant le Parle­ neté européenne », et c’est en France et en DISENT NE PAS BIEN  litique », explique Brice Teinturier. suis” cartésien irradie partout », juge Brice
ment de Strasbourg, le 7 octobre 2015, Emma­ Italie que l’expression suscite le plus d’in­ Teinturier. « Le gaullisme a laissé sa trace, de
nuel Macron l’a largement popularisé, en en compréhension. Sans doute parce que, APPRÉHENDER FAIRE FACE AUX CRISES ET AUX MENACES la même manière que la monarchie »,
faisant le fer de lance de sa politique euro­ contrairement à ce que l’on constate dans les La promotion de la « souveraineté » ne peut constate, pour sa part, Gilles Finchelstein.
péenne. Le 26 septembre 2017, quand il a pré­ six autres pays étudiés, une majorité des ci­ CE QU’EST qu’être diversement appréciée selon l’endroit Les sondeurs ont ensuite cherché à savoir si
senté, à la Sorbonne, son projet pour refonder toyens y considèrent « qu’il est contradictoire d’où l’on parle, et ce qu’elle recouvre : elle sus­ les Européens estiment que l’Europe est
l’Europe, le président de la République a, à dix­ d’employer les deux mots “souveraineté” et
LA « SOUVERAINETÉ  cite plus d’adhésion lorsqu’elle fait écho à la aujourd’hui souveraine. En moyenne, 51 %
huit reprises, prononcé le mot « souverai­ “Europe” ensemble », notent les sondeurs. NATIONALE ». notion d’indépendance et moins lorsqu’elle d’entre eux ont répondu par l’affirmative à
neté ». Et, depuis, il est rare qu’il parle de la L’institut Ipsos a également testé la notion renvoie à la notion de puissance. C’est donc cette question. Mais là aussi, les résultats
construction communautaire sans l’évoquer. d’« autonomie stratégique » – elle aussi chère CE POURCENTAGE  en Allemagne qu’elle est le plus appréciée – il sont très différents d’un pays à l’autre. Alors
Quant à la chancelière allemande, Angela Me­ à Emmanuel Macron –, dont il s’avère qu’elle faut dire que l’Europe a jusqu’ici remarqua­ que les habitants du nord et l’est de l’Europe
rkel, même si son camp reste largement hos­ est encore moins lisible que les autres… MONTE À 37 %  blement servi les intérêts allemands –, mais en sont majoritairement persuadés, la
tile à cette thématique, elle a, ces derniers QUAND ON PARLE elle reçoit également un bon accueil en Polo­ France (64 % des Français) et l’Italie (54 % des
mois, donné quelques signes d’évolution. « PROBLÈME DE RÉCEPTION » gne, en Lettonie, en Roumanie et, dans une Italiens) sont convaincus du contraire. En re­
Partout en Europe, y compris dans des pays à Quant à ceux qui disent comprendre ce que DE « SOUVERAINETÉ  moindre mesure, en Suède. A l’inverse, elle vanche, dans les huit pays qu’Ipsos a auscul­
la tradition libérale bien établie comme les recouvrent ces différents concepts, il appa­ est moins populaire en Italie, en France et en tés, une majorité des personnes interrogées
Pays­Bas ou la Suède, la « souveraineté » – in­ raît que le sens qu’ils leur donnent varie for­ EUROPÉENNE » Espagne. « L’Allemagne est le miroir inversé de (73 %) souhaitent que la souveraineté euro­
dustrielle, sanitaire, dans la défense, commer­ tement d’un pays à l’autre. « Quand ils par­ la France, et l’Italie le miroir déformant de la péenne soit renforcée. Et pour une fois, l’Ita­
ciale – s’impose dans le débat politique. lent de souveraineté, les dirigeants européens France », décrypte Gilles Finchelstein. lie (60 %) et la France (66 %) ne font pas
Dans ce contexte, deux fondations d’inspi­ ont un problème de réception de leur message On retrouve ce même clivage, lorsque les bande à part, même s’ils sont en queue de pe­
ration sociale­démocrate, Jean­Jaurès, à dans leurs opinions publiques, qui compren­ sondeurs testent plus précisément la notion loton. Tous évoquent la nécessité de faire
Paris, et Friedrich­Ebert, à Berlin, ont sou­ nent mal de quoi on leur parle. Et dans leurs de « souveraineté européenne » : si 52 % des front face à la menace terroriste, au défi du
haité mieux comprendre ce qu’entendent échanges entre eux, ils n’y mettent pas non personnes interrogées disent qu’elle « évo­ changement climatique et à la crise sanitaire.
les citoyens lorsque les responsables politi­ plus la même chose », résume Brice Teintu­ que quelque chose de positif », ce pourcen­ Ils ont bien compris qu’au vu de l’impor­
ques leur parlent de « souveraineté euro­ rier, directeur général délégué d’Ipsos. tage monte à 63 % en Allemagne, et tombe à tance de la Chine et des Etats­Unis sur la
péenne », et comment, d’un pays à l’autre, ils Les sondeurs ont donc demandé aux Fran­ 41 % en France et 37 % en Italie. Des résultats scène internationale, seule l’Europe peut
en accueillent la perspective. Mardi 2 mars, çais et aux Allemands quels « mots, idées, qui devraient faire réfléchir à Berlin et à leur permettre de peser encore. La Pologne
elles devaient publier les résultats d’un son­ images » le terme de « souveraineté » – sans Paris, puisque les opinions publiques alle­ et la Lettonie y voient aussi un moyen de ré­
dage particulièrement éclairant sur le sujet, préciser de quel type de souveraineté, natio­ mande et française ne sont donc pas totale­ sister à « la volonté de puissance de la Rus­
réalisé par Ipsos auprès de 8 000 citoyens ré­ nale ou européenne, il s’agit – leur évoque. ment en phase avec ce que prônent leurs di­ sie ». Malgré leurs particularités et leurs ma­
partis dans huit pays (France, Allemagne, Ita­ Pour les premiers, inspirés par « un imagi­ rigeants. L’enquête d’Ipsos permet de mieux nières divergentes d’appréhender le sujet,
lie, Espagne, Pologne, Lettonie, Roumanie, naire monarchique », comme le dit Gilles Fin­ comprendre ces écarts. On y apprend en ef­ donc, les Européens aspirent finalement
Suède), qui rassemblent 75 % de la popula­ chelstein, directeur général de la Fondation fet qu’outre­Rhin, la notion de « souverai­ tous à plus de souveraineté ensemble. 
tion de l’Union européenne (UE). Jean­Jaurès, il renvoie, avant tout, au champ neté » renvoie d’abord à « l’indépendance virginie malingre
0123
MARDI 2 MARS 2021 international | 7

Entre la Moselle et la Sarre, « ce qui se joue transfrontalières européennes. un membre du Technisches


« Environ 140 millions d’Euro­ Hilfswerk, le service allemand de

est important pour l’avenir même de l’UE » péens vivent dans une zone fron­
talière. C’est pourquoi ce qui se
joue ici aujourd’hui est si impor­
protection civile, responsable de la
gestion du centre. Cinq cents per­
sonnes par jour ? Une jauge limi­
tant pour l’avenir même de tée mais suffisante tant que les
En raison de la pandémie, l’Allemagne a de nouveau décidé de restreindre les passages à la l’Union européenne. » frontaliers pouvaient circuler li­
frontière avec le territoire mosellan, au risque de compliquer la vie des habitants de la région brement d’un pays à l’autre dans
« On teste déjà énormément » un rayon de 30 kilomètres. Mais ce
Comme exemple de « coopération n’est désormais plus du tout le
transfrontalière concrète », Chris­ cas : en demandant, à partir de
moselle, sarre ­ envoyé spécial dence est de 73 cas pour (La République en marche) de la tophe Arend cite le centre de dé­ mardi, un test datant de quarante­
100 000 personnes dans la Sarre. 6e circonscription de la Moselle « AUJOURD’HUI,  pistage en train de se monter à la huit heures maximum à toute

L a menace planait depuis


deux semaines, elle a fini
par se concrétiser. Diman­
che 28 février, l’Allemagne a an­
noncé qu’elle allait restreindre
Sur place, c’est aussi l’amer­
tume qui domine. « Je regrette
beaucoup que Berlin ait pris cette
mesure de classement [de la Mo­
selle en « zone de circulation des
fait partie des élus qui se sont dé­
menés, au printemps 2020, pour
que Berlin rouvre des points de
passage sur la frontière française.
Ces dernières semaines, il a de
J’AI L’IMPRESSION 
DE REVENIR DES 
DÉCENNIES EN ARRIÈRE »
Brême d’or, une zone commer­
ciale à cheval sur la frontière, à
quasi­équidistance de Forbach et
de Sarrebruck. Vendredi 26 février,
le député y avait rendez­vous avec
personne venant de Moselle, les
autorités allemandes formulent
une exigence qui, d’après le prési­
dent de la région Grand­Est, pour­
rait se révéler intenable. « Depuis
les passages à sa frontière en pro­ variants »], qui ne laisse que peu de nouveau bataillé pour éviter de RAFAEL CARENTZ Uwe Conradt, le jeune maire (CDU) quelques semaines, à cause des va­
venance du département de la latitude aux Länder limitrophes nouveaux contrôles. « Ici, il n’y a patron d’une entreprise à la de Sarrebruck, pour inspecter les riants, on teste déjà énormément
Moselle, après le classement de pour agir avec pragmatisme », a pas la France d’un côté et d’Allema­ frontière franco-allemande lieux, à quatre ou cinq jours de la en Moselle », remarquait Jean Rot­
celui­ci comme « zone de circula­ réagi, dimanche soir, le secrétaire gne de l’autre. Nous sommes un mise en route du centre. tner, dimanche soir, avant de lâ­
tion des variants » du Covid­19 d’Etat aux affaires européennes seul et même bassin de vie », expli­ « L’idée est de dépister ici environ cher : « Avec ce que nous demande
par l’institut de santé publique du Land de Sarre, Roland Theis. que­t­il de son bureau de Forbach, 500 personnes par jour, au moyen l’Allemagne, je ne sais absolument
Robert­Koch. En pratique, cela si­ Bien que membre de l’Union aux murs duquel sont accrochées de tests antigéniques gratuits », ex­ pas comment on va s’organiser. » 
gnifie qu’à partir de mardi chrétienne­démocrate (CDU) plusieurs cartes des régions pliquaient ce jour­là aux deux élus thomas wieder
2 mars toute personne venant de d’Angela Merkel, ce dernier con­
la Moselle ne pourra pénétrer damne la décision prise par le
sur le territoire allemand que gouvernement de la chancelière,
munie d’un test négatif – PCR ou assurant que la Sarre va « plaider
antigénique – datant de quaran­ auprès du gouvernement fédéral
te­huit heures au maximum. pour que l’impact de cette mesure
Contrairement à ce qui est le sur la population soit limité ».
cas, depuis le 14 février, aux fron­ Côté mosellan, les mots sont à
tières avec le Tyrol autrichien et peu près identiques, même si
la République tchèque, aucun personne n’a réellement été sur­
contrôle systématique ne sera pris par la décision allemande,
cependant effectué le long des trois jours après que la France a
quelque 200 kilomètres qui sé­ elle­même annoncé que les per­
parent l’Allemagne de la Moselle, sonnes venant d’Allemagne en
a assuré le gouvernement d’An­ Moselle, pour d’autres raisons
gela Merkel. Une différence de que professionnelles, devraient
traitement justifiée par le fait désormais être pourvues d’un

Résultats 2020
que les Länder concernés – la test négatif datant de soixante­
Sarre et la Rhénanie­Palatinat – douze heures.
ne l’ont pas demandé, à la diffé­ Pour saisir la portée de ces nou­
rence de la Bavière et de la Saxe il velles contraintes, il suffit de se
y a deux semaines. rendre dans l’une des nombreu­
Malgré cet engagement, la ses entreprises dont l’activité se
France regrette vivement la déci­ déploie de part et d’autre de la
sion prise par l’Allemagne. « C’est frontière. A l’instar de Floratec,
une mauvaise nouvelle que nous une jardinerie­pépinière dont les
déplorons. La vie quotidienne des bureaux se trouvent à Rehlingen­
frontaliers va forcément devenir Siersburg, côté allemand, et l’en­ LES SOLIDES RÉSULTATS 2020 ET LES PERSPECTIVES 2021
plus compliquée », déclare au trepôt à Guerstling côté français. AMÉLIORÉES CONFORTENT LA CRÉATION DE VALEUR INITIÉE CHIFFRE D'AFFAIRES
Monde Clément Beaune, le secré­
17 209 M€ -0,9%
(1)
taire d’Etat aux affaires euro­ « Véritable choc » PAR LE PLAN STRATÉGIQUE SUEZ 2030
péennes. Selon lui, toutefois, « le En mars 2020, la mise en place de au 2 semestre ème

pire a été évité », à savoir l’instal­ barrières sur la petite route de


Résultats solides : les objectifs du second semestre ont été dépassés
lation de barrières blanc et rouge
le long de la frontière, comme ce
campagne qui sépare ces deux
petites communes leur avait
EBIT
Les mesures déployées avec SUEZ 2030 portent leurs fruits
fut le cas, en mars 2020, quand le
gouvernement allemand prit
causé un « véritable choc », confie
Rafael Carentz, le patron de cette
780 M€
Augmentation du dividende ordinaire à 0,65€ par action (3)
cette mesure du jour au lende­ société d’une quinzaine de sala­
main et de façon unilatérale. riés. « Pour aller du bureau à l’en­
Objectifs et perspectives 2021 améliorés (4) DETTE NETTE
« Cette fois, il y a eu d’intenses dis­ trepôt, ça prend normalement
cussions à tous les niveaux, à la moins de trois minutes. Du jour
Le Conseil d’administration de SUEZ a décidé à l’unanimité, lors de 9 749 M€ (2) -403 M€
vs fin 2019
fois entre Paris et Berlin et entre au lendemain, c’est devenu une
les élus de chaque côté de la fron­ expédition de presque quatre sa réunion du 24 février 2021, que les conditions n’étaient pas
tière, ce qui nous permet d’arriver heures aller­retour, tout ça parce réunies pour accueillir favorablement le projet de Veolia. DIVIDENDE
à une solution certes peu satisfai­ qu’on devait faire un immense dé­
sante, mais tout de même plus ac­
ceptable qu’au printemps 2020 »,
tour pour trouver un des rares
points de passage qui restaient « Notre plan stratégique SUEZ 2030 - qui allie recentrage sur les activités
0,65€ par action (3)
estime Clément Beaune. ouverts entre les deux pays. »
au titre de 2020
en croissance et à valeur ajoutée avec un plan de performance ambitieux
Président de la région Grand­ Pour cet Allemand de 60 ans qui
Est, Jean Rottner (Les Républi­ jongle aisément d’une langue à - démontre ses résultats après seulement un an de mise en œuvre – ainsi Confirmation de l’intention d’une
cains) est moins diplomate. « Il l’autre, le rétablissement de con­ distribution exceptionnelle de 1 Md€
que sa force pour relever les enjeux actuels de l’environnement. Nos
s’agit d’une décision rude et bru­ trôles à la frontière, même moins
tale de la part de l’Allemagne. stricts que lors de la « première résultats annuels sont solides et montrent la pertinence de nos choix (1) Croissance organique (-2,6% en année pleine)
C’est d’autant plus difficile à en­ vague », va « forcément perturber
stratégiques et ce même dans le contexte particulier de la crise sanitaire. (2) Au 31 décembre 2020, incluant 138 M€ de dette relative à des activités
caisser que le taux d’incidence en l’activité économique et la vie quo­ dont la cession a été annoncée en 2020 et sera finalisée au premier
Moselle a reculé de 310 à 285 cas tidienne ». Mais son inquiétude L’engagement des collaborateurs et notre innovation forte ont soutenu semestre 2021

pour 100 000 personnes en une est plus profonde. « Enfant, j’ai (3) Soumis à l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires
notre dynamique commerciale au service de nos missions essentielles.
semaine et qu’un gros effort sur la grandi avec cette frontière qui fer­ (4) Avec l’hypothèse de taux de changes et prix des matières
vaccination a été fait avec l’injec­ mait tous les soirs. Jeune adulte, Nous avons significativement réduit notre endettement en apportant des premières constants et l’absence de retour aux situations de
confinement généralisé à échelle régionale.
tion de 30 000 doses de plus que j’ai assisté à son ouverture totale.
améliorations structurelles à notre génération de trésorerie et avons
ce qui était initialement prévu Aujourd’hui, j’ai l’impression de re­
dans ce département », s’indigne venir des décennies en arrière », déployé au-delà de nos attentes notre plan de performance. Ces solides
M. Rottner auprès du Monde. dit­il avec un mélange de colère et
Très en colère, il estime que « la de tristesse, en évoquant « des scè­
résultats nous permettent de réhausser notre trajectoire financière et RELATIONS ACTIONNAIRES
décision du gouvernement alle­ nes qu’[il] pensai[t] ne plus jamais d’affirmer notre confiance dans notre capacité à créer de la valeur pour Abonnez-vous à la lettre actionnaires
mand est davantage guidée par revoir ». Comme ce jour, il y a Devenez membre du Club Actionnaires
nos actionnaires, nos salariés et nos clients afin de préserver les
des considérations politiques que quelques mois, où il circulait côté
par une logique sanitaire ». En français et où quelqu’un lui a crié : ressources vitales de notre planète. » 0 800 207 207
comparaison, le taux d’inci­ « Vous n’avez rien à faire ici ! La
frontière est fermée ! » Bertrand Camus actionnaires@suez.com
Travailleurs pendulaires pris Directeur Général
« LA VIE QUOTIDIENNE  dans des embouteillages mons­
tres, personnes âgées soudaine­
© SUEZ / Getty Images

DES FRONTALIERS  ment privées de visites, couples


vivant un pied dans chaque pays WWW.SUEZ.COM
VA FORCÉMENT DEVENIR  et séparés du jour au lendemain… Retrouvez le communiqué et l'intégralité des
Des histoires comme celles­là, résultats sur notre site internet (rubrique Finance).
PLUS COMPLIQUÉE » Christophe Arend peut en racon­
CLÉMENT BEAUNE ter des dizaines. Coprésident du
secrétaire d’Etat bureau de l’Assemblée parlemen­
aux affaires européennes taire franco­allemande, le député
PLANÈTE
0123
8| MARDI 2 MARS 2021

Clap de fin amer pour la convention citoyenne
Les 150 volontaires ont attribué la note de 3,3 sur 10 pour la reprise de leurs propositions par le gouvernement

C
lap de fin pour la con­
vention citoyenne pour
le climat (CCC). Quel­
ques minutes avant
16 heures, dimanche 28 février,
les travaux de la huitième et ul­
time session se sont achevés dans
l’émotion… et l’expression d’une Un rassemblement
réelle déception. Dix­sept mois d’étudiants
après les débuts de leur mission, « en grève pour le
en octobre 2019, les 150 volontai­ climat » devant
res, tirés au sort, se sont accordés le ministère de
sur « la réponse à la réponse », soit l’écologie, à Paris,
leur sentiment sur le sort réservé le 15 février 2019.
par le gouvernement à leurs BENJAMIN MENGELLE
149 propositions pour permettre
de « diminuer d’au moins 40 %
(par rapport à 1990) les émissions
de gaz à effet de serre d’ici à 2030
dans un esprit de justice sociale ».
S’agissant de leur appréciation
de la prise en compte par le gou­
vernement de leurs propositions,
la note est rude : 3,3 sur 10. « Insa­
tisfaisant », selon le barème établi
pour cette notation. Pire, à l’inter­
rogation « dans quelle mesure les
décisions du gouvernement relati­
ves aux propositions de la CCC per­
mettent­elles de s’approcher de
l’objectif fixé » par le président de
la République, les conventionnels
ont accordé un sec 2,5. « Ce n’est
pas une surprise, on s’y attendait,
a expliqué au Monde, après le
vote final, la ministre de la transi­
tion écologique, Barbara Pompili.
Ils ont réagi comme si le projet de
loi était la seule base pour la re­
prise de leurs propositions, mais
c’est une erreur, leurs objectifs se
retrouvent aussi ailleurs. »
bres de la convention n’étaient pas établirait une distorsion dans l’at­ convention. Je ne vois pas ce qu’on conventions citoyennes [était] de
« Cent filtres »
« Ils ont réagi là. Ils ont leurs raisons, mais ne les tractivité du territoire, créant de aurait pu faire de plus », plaide nature à améliorer la vie démocra­
Les réactions ne se sont pas fait comme si le oubliez pas, a aussi déclaré aux l’insécurité pour les entreprises », Barbara Pompili. tique de notre pays ».
attendre. « Les citoyens ont rempli « présents » Thierry Pech, l’un des justifie Barbara Pompili. « Manque d’ambition », « poids Hubert, lui, estime que « l’utilité
leur contrat démocratique. Aux
projet de loi était coprésidents du comité de gou­ Sur d’autres sujets, les notes des lobbys », « grande déception » de la convention ne se mesure pas à
parlementaires maintenant de la seule base de vernance. Pensez à parler à ceux n’ont été guère meilleures. Sur « tromperie »… Les mots étaient la seule prise en compte de nos pro­
s’emparer, avec courage et respon­ qui sont moins convaincus. Si on l’aérien, la proposition était d’in­ souvent durs ce week­end. « L’am­ positions. La prise de conscience
sabilité, de la crise climatique dans
reprise de leurs veut mettre la société en mouve­ terdire les vols intérieurs quand bition n’est pas là, regrettait Mat­ progresse et la convention servira
un esprit de justice sociale », juge propositions » ment, il ne faut pas rester entre une alternative en moins de qua­ thias Martin­Chave, un déve­ de point d’appui à des avancées fu­
Pierre Cannet, directeur du plai­ gens qui sont d’accord. » tre heures existe. Dans le projet de loppeur Web lyonnais de 32 ans. tures ». Une des membres résume
BARBARA POMPILI
doyer du WWF France. Green­ Sur les thèmes déterminés par loi, il était question de deux heu­ Toutes les propositions fortes, à le sentiment général en expri­
ministre de l’écologie
peace a, elle, décerné un « bonnet la convention, les votes n’ont ja­ res et demie et non de quatre. Ré­ même de changer le modèle de so­ mant le souhait que « les 150 de­
d’âne au gouvernement ». « On ne mais permis de donner la sultat : les conventionnels ont ciété, ont été vidées de leur subs­ viennent 67 millions de citoyens ».
peut pas demander à des citoyens moyenne au gouvernement. La donné un petit 2,8 au gouverne­ tance ou sont tombées aux « Il faut garder espoir et continuer
et citoyennes de s’impliquer pen­ Durant trois jours, de vendredi à thématique « se loger » a obtenu ment. Certains votes ont été plus oubliettes. » Mais tous ont aussi le combat. Je vais avoir 18 ans dans
dant des mois sur un sujet aussi dimanche, en visioconférence une note de 3,4 sur 10, « produire favorables sans rarement dépasser exprimé leur satisfaction devant deux semaines, il faut continuer à
crucial et attendre d’eux d’adhérer comme ils en ont pris l’habitude et travailler », « se nourrir » et 5 sur 10. Seule exception, le vote le travail accompli et, surtout, la croire en nos propositions », a dé­
à la manipulation qui en est depuis le début de la pandémie, « se déplacer » ont eu 3,7 chacune, sur l’intégration dans l’article 1 de certitude de l’utilité de leur mis­ claré l’un des lycéens de la conven­
faite », affirme ainsi Clément Sé­ les adhérents à cet exercice de dé­ « consommer » 4 et les proposi­ la Constitution de « la préservation sion. « On a fait le job, ce sera au tion, l’Alsacien Jocelyn.
néchal, chargé de campagne poli­ mocratie participative inédit ont tions sur la gouvernance 4,1. de la biodiversité, de l’environne­ gouvernement et aux parlemen­ Il y avait donc aussi, à l’issue de
tiques climatiques. débattu, soupesé les avancées et Sur les propositions qui ont le ment et la lutte contre le dérègle­ taires de continuer. Avec ces notes cette dernière session, un encou­
Le 21 juin 2020, la convention les abandons. Cent dix­neuf plus fait débat, entraînant moult ment climatique ». Les convention­ camouflet, on ne fait pas un ca­ ragement à continuer de se mobi­
citoyenne pour le climat avait conventionnels ont pris part à ces réactions de divers lobbys – trans­ nels ont mis un 6,1. Car le projet de price, comme des enfants déçus de liser. « Les membres de la conven­
transmis 149 propositions au pré­ derniers votes sur quatre ques­ port aérien, publicité, agriculture, loi constitutionnelle intègre la ne pas avoir satisfaction, on mon­ tion sont déçus du rendu de leur
sident de la République, qui en a tions globales, puis sur les six thè­ etc. –, la sanction est plus sévère. préservation de l’environnement. tre qu’il faut y aller, continuer », in­ travail et, en même temps, ils pen­
rejeté trois et s’était engagé à mes (se nourrir, se loger, se dépla­ Ainsi sur celle qui proposait d’ins­ dique Agny Kpata, 38 ans, tra­ sent que celui­ci a été utile, c’est
transmettre les autres « sans fil­ cer, consommer, produire et tra­ crire le crime d’écocide dans la loi, « Garder espoir » vaillant dans le secteur privé mé­ un aspect paradoxal », analyse
tre ». « Cent filtres » ont ironisé vailler, et la gouvernance) et qua­ devenu, après la réécriture gou­ Mais la notation des convention­ dical dans les Yvelines. Barbara Pompili. Les convention­
nombre de conventionnels déçus, rante­trois objectifs. vernementale, un délit avec une nels a fait réagir la ministre de la A la question « Dans quelle me­ nels, eux, ont rédigé un « ser­
voire irrités, par le sort réservé par Pour le réalisateur Cyril Dion, accentuation des sanctions en cas transition écologique, qui y voit sure la CCC a été utile à la lutte ment », dans lequel les signataires
l’exécutif à leurs mesures. Aujour­ l’un des garants de la convention, d’atteinte à l’environnement, la plutôt un « vote politique ». « Cer­ contre le changement climatique s’engagent dans leur travail et
d’hui, le gouvernement compta­ « l’exercice a été très long, on en est note moyenne des 109 suffrages tains citoyens ont décidé de mettre en France ? », la note a atteint un dans leurs activités à porter, ap­
bilise 75 mesures mises en œuvre à dix­sept mois au lieu des quatre exprimés a atteint 2,7. « La lecture zéro à tout. Il y a eu quinze zéros score de 6. La note de 7,7 sur 10, pliquer ou transmettre les objec­
et 71 en voie de l’être, un décompte annoncés au début. Il y a forcé­ du gouvernement n’est pas la sur quatre­vingt­onze exprimés, soit le meilleur score du week­ tifs de la convention. 
revu à la baisse par les experts qui ment un peu de fatigue, de lassi­ même que celle de la convention. alors qu’on a repris quasiment end, a même été atteinte lorsqu’il rémi barroux
ont travaillé avec la CCC. tude ». « Trente à quarante mem­ On l’assume, car définir ce crime mot pour mot la proposition de la s’agissait de dire si « le recours aux et audrey garric

Une commission spéciale pour conduire le débat parlementaire


Les députés débattront, en procédure accélérée, des 69 articles du projet de loi Climat et résilience en séance plénière à partir du 29 mars

U n nouvel acte com­


mence pour les proposi­
tions de la convention
citoyenne pour le climat (CCC),
qui a tenu sa huitième et ultime
tionné des membres de la CCC, un
par thématique (se nourrir, se lo­
ger, produire et travailler, con­
sommer, se déplacer), des repré­
sentants des collectivités, les par­
4 du Parti socialistes, 2 de La
France insoumise, 1 non inscrite
(Delphine Batho)… – étudieront
les amendements déposés et dé­
cideront de leur recevabilité.
pondu que « si des amendements
devaient reprendre des proposi­
tions de la convention citoyenne
pour le climat sans présenter de
lien, même indirect, avec le dis­
terdiction des pesticides cancérigè­
nes, mutagènes, reprotoxiques ».
Outre ce « stratagème du gou­
vernement pour écarter du débat
parlementaire » certaines proposi­
Si un amendement est déposé, par
exemple, sur l’interdiction de nou­
velles implantations d’entrepôts
d’e­commerce, il sera recevable
puisqu’il y a des articles sur l’artifi­
session les vendredi 26, samedi 27 tenaires sociaux ou encore des re­ Ce point a d’ailleurs fait l’objet positif des articles du projet de loi tions, Delphine Batho dénonce cialisation des sols », explique
et dimanche 28 février. Le temps présentants des ONG. A partir du d’une première confrontation (…), ils seraient considérés comme « le temps ridiculement court pour Laurence Maillart­Méhaignerie.
des parlementaires est désormais lundi 1er mars, plusieurs ministres au sein de la commission. Alors irrecevables sur le fondement de discuter des centaines, voire des Elle indique qu’elle soutiendra
venu : les députés débattront, en répondront aux questions des que Delphine Batho (députée des l’article 45 de la Constitution ». milliers d’amendements qui ne des amendements sur l’efficacité
procédure accélérée, des 69 arti­ parlementaires, dont celle de la Deux­Sèvres, membre du groupe manqueront pas d’être déposés ». énergétique des bâtiments ou
cles du projet de loi Climat et rési­ transition écologique, Barbara Ecologie Démocratie Solidarité) a Délais rapides Si elle s’inquiète aussi des délais sur la publicité, des points sur les­
lience, en séance plénière à partir Pompili, celui de l’économie, indiqué sa volonté, avec d’autres, Pour Mme Batho, il s’agit d’une rapides qui présideront à l’exa­ quels la ministre de la transition
du 29 mars, avant son passage au Bruno Le Maire ou encore celui de de représenter sous formes « aberration démocratique ». La dé­ men du projet de loi, la prési­ écologique souhaite aussi que le
Sénat, l’exécutif espérant un vote l’agriculture, Julien Denormandie. d’amendements les propositions putée y voit un moyen d’écarter dente de la commission réfute texte de loi aille plus loin. « Il n’est
définitif avant la fin de l’été. A partir du 8 mars, et pendant de la convention écartées par des propositions importantes les critiques sur les amende­ pas question que les ambitions du
Sans attendre, la commission quinze jours, les 71 membres de le gouvernement, la présidente ayant trait à la sobriété numéri­ ments. « L’article 45 de la Constitu­ projet de loi soient révisées à la
spéciale chargée de l’examen du cette commission – dont 36 de de la commission, Laurence que, l’écoconditionnalité des aides tion permet d’éviter les “cavaliers” baisse », promet la présidente de
projet de loi a commencé à tra­ La République en marche (LRM), Maillart­Méhaignerie (députée aux entreprises, l’aide à l’achat de [des amendements qui n’ont rien la commission spéciale. 
vailler. Elle a d’ores et déjà audi­ 13 Les Républicains, 8 du MoDem, LRM d’Ile­et­Vilaine), lui a ré­ véhicules propres ou encore « l’in­ à voir avec le texte de loi étudié]. r. bx.
0123
MARDI 2 MARS 2021 planète | 9

A Nice, le confinement partiel ne satisfait personne


Les contraintes sanitaires renforcées le week­end laissent la population entre lassitude et scepticisme

REPORTAGE « D’ici quinze


nice ­ envoyé spécial
jours, le variant

I
ls ont choisi cette option, on
verra bien si ça marche. » britannique
Dans son bureau au sixième
étage de l’hôpital Pasteur,
représentera
Carole Ichai, chef du pôle anes­ 100 % des cas »
thésie réanimation urgences du JULIE CONTENTI
CHU de Nice, se tient à l’écart du chef adjointe médecine
débat qui agite la Côte d’Azur d’urgence au CHU de Nice
depuis la visite, le 20 février,
du ministre de la santé, Olivier
Véran. La mise sous cloche pen­
dant au moins deux week­ends explique­t­elle. Des affichettes
(les 27­28 février et 6­7 mars), des manuscrites annoncent les spé­
soixante­trois communes litto­ cificités de la patientèle : ici des
rales des Alpes­Maritimes, dont hommes, là des femmes, ou en­
Nice, Cannes et Antibes, et de core des variants britanniques…
près d’un million d’habitants frei­ « Nous avons déjà un gros pour­
nera­t­elle enfin une épidémie centage de ce variant. D’ici quinze
de Covid­19 qui s’emballe sur les jours, il représentera 100 % des cas,
bords de la Méditerranée ? Et pronostique Julie Contenti, in­
montrera­t­elle l’exemple à suivre quiète. Cela n’arrête pas de monter
à toute la France ? et nous accueillons des malades de
Avec un taux d’incidence de plus en plus jeunes, avec une
591 pour 100 000 habitants et moyenne d’âge de 60 ans. Dire que
683 patients hospitalisés, le dé­ nous sommes saturés est un
partement vit son pire moment euphémisme. »
depuis mars 2020. Selon le der­ La veille, elle a vu arriver 32 pa­
nier bilan de l’agence régionale de tients atteints du Covid­19, alors
santé (ARS), rendu public le 25 fé­ que son service recevait parallèle­
vrier, 176 personnes y sont décé­ ment ses 200 patients habituels.
dées en quinze jours dont 58 en « En période de vacances scolaires,
établissements médico­sociaux. je me demande quel impact peut
Et les perspectives ne font qu’in­ avoir un confinement localisé et li­ Une patiente aux urgences, en zone Covid­19, à l’hôpital Pasteur 2 de Nice, dimanche 28 février. LAURENT CARRÉ POUR « LE MONDE »
quiéter avec une part de variant mité au week­end », s’interroge
anglais, reconnu comme plus cette maîtresse de conférences au
contagieux, qui dépasse les 50 % CHU. Contrairement au directeur
« C’est tolérance
dans le département, et frôle les général de la santé, Jérôme Salo­ zéro. On
90 % dans certaines métropoles, mon, qui assurait dimanche 28 fé­
dont celle de Nice. vrier dans Le Journal du dimanche,
verbalise tout
Ce vendredi 26 février, Carole que le couvre­feu à 18 heures ce qui n’est pas
Ichai s’intéresse peu aux effets du « fonctionne très bien », Julie
confinement partiel qui vient. Contenti ne voit pas l’effet d’une
conforme »
« Quand on est les mains dans la mesure que Nice subit pourtant RICHARD GIANOTTI
farine de 7 h 30 à 21 heures, on ne depuis le 2 janvier : « On observe directeur de la police
pense pas à ça », assure­t­elle. Le moins d’entrées de traumatologie municipale de Nice
matin, elle a bouclé, en tant que en nuit profonde, mais rien de mar­
régulatrice des lits Covid­19 dans quant sur les flux Covid. » De l’hôpi­
les Alpes­Maritimes, l’évacuation tal Pasteur à la promenade des nue des 3 419 caméras de sur­
de six patients hors du départe­ Anglais, le trajet donne l’impres­ veillance quadrillant la ville.
ment. Trois vers Brest. Trois vers sion de changer de monde. « C’est tolérance zéro. On verbalise
des hôpitaux de la région Proven­ A quelques heures du confine­ tout ce qui n’est pas conforme », a
ce­Alpes­Côte d’Azur. « Des mesu­ ment, les queues de clients s’éti­ prévenu le directeur de la police
res par anticipation pour éviter rent sur plusieurs dizaines de mè­ municipale Richard Gianotti.
d’être coincés par une situation ex­ tres devant les grandes enseignes Un arrêté du maire Christian
trêmement explosive, reconnaît­ de l’avenue Jean­Médecin. Un peu Estrosi (Les Républicains) prohibe
elle. Nous atteignons le plafond plus loin, un trio de musiciens am­ l’accès au trottoir littoral de la
de ce qu’on peut faire en termes biance le bord de mer avec des re­ promenade des Anglais et aux
de capacité, pour des raisons prises rock. Une bonne centaine plages. Et quatre marchés non ali­
structurelles mais surtout pour de touristes ou de Niçois, masqués mentaires, dont ceux des quar­
des questions de disponibilités de pour la plupart, profitent du soleil tiers populaires de l’Ariane et des
personnels soignants. » printanier et de ce bout de norma­ Dans le Vieux­Nice, samedi 27 février. LAURENT CARRÉ POUR « LE MONDE » Moulins, ont été interdits. Aux
lité retrouvée… jusqu’à ce que la entrées routières et autoroutiè­
« Malades plus jeunes » police municipale mette un terme res, CRS, gendarmerie et police
Six étages plus bas, les urgences au concert. Andrea Paone, le bat­ temps que le confinement par­ geaient sur la possibilité d’accéder nationale effectuent des contrô­
de Pasteur 2 illustrent parfaite­ teur du trio et professeur de musi­ tiel, Nice s’est vu promettre un
La première à leur location le samedi matin », les serrés, obligeant les conduc­
ment cette pression épidémi­ que, s’en agace : « Je suis venu en bonus de 35 000 doses par le gou­ leçon de ce explique­t­on. La parution des ar­ teurs à justifier d’un « motif im­
que. A 13 heures, ambulanciers tramway, nous étions deux cent vernement pour mars et a ouvert, rêtés préfectoraux réglementant périeux » pour pénétrer en ville.
et pompiers, surblouses bleues, dans la rame. Là, on est dehors, per­ en conséquence, un nouveau
confinement la circulation, cinq petites heures Le dispositif est appelé à être re­
charlottes, masques FFP2, y dé­ sonne n’est collé… » centre de vaccinations au Palais localisé est que avant leur entrée en vigueur, n’a mis en place dès vendredi 5 mars.
versent à flux tendu des cas de des expositions. pas aidé à clarifier la situation de Pour ce premier week­end de
Covid­19. Ici, la zone 1 (sur 3), ré­ Bonus de 35 000 doses Du haut de la tour Bellanda, la
bon nombre de ceux qui voulaient se déplacer. confinement, les agents munici­
servée au coronavirus, compte Sur la plage en contrebas, un vue sur la baie des Anges est fée­ Niçois ont fui la Yvette et Gérard Salviati, 70 et paux ont dressé 645 procès­ver­
neuf box individuels. Dans cha­ groupe de Britanniques sirotent rique. Giovanni Sardisco y est 71 ans, eux, n’ont pas quitté la ville. baux, en majorité pour défaut
cun, trois patients sont déjà en­ quelques bières autour d’un pi­ monté avec toute sa famille pour
zone concernée Vendredi, à l’heure de la ruée vers d’attestation et non­respect du
tassés, disposés en quinconce et que­nique. « On se réunit ici une fêter à l’air libre, la grossesse de les hauteurs, ils ont fait un saut port du masque. « Ce n’est pas
séparés par des cloisons mobiles. fois par semaine. Nous sommes sa fille. Restaurateur à Nice, cet aux pépinières Prosperi. Cette ins­ beaucoup pour une ville de
« C’est le premier pic de la journée, dans notre bulle, ce n’est pas pareil Italien n’ouvre, depuis novem­ venus en toute bonne foi avec titution locale a annoncé qu’elle 350 000 habitants », jauge le pre­
il y en aura un autre à 18 heures », que d’être dans la foule », se bre, que pour des petits déjeuners leurs enfants déguisés. respecterait le confinement et fer­ mier adjoint délégué à la sécurité,
prédit Julie Contenti, chef de ser­ convainc Veronica Sexton, 58 ans, à emporter. « J’aurais préféré La première leçon de ce confine­ merait tout le week­end. Les Anthony Borré, qui y lit « la preuve
vice adjointe du département Irlandaise dont l’activité dans le qu’on ferme tout pendant un ment localisé est que bon nombre clients s’y pressent en préparation que les Niçois veulent donner une
de médecine urgence. tourisme à Nice « est à l’arrêt ». mois et qu’ensuite, on reparte de Niçois – et plus largement d’ha­ de leur jardinage dominical. chance à cette mesure et ne pas
Dans chaque box, elle a fait fixer « Pourquoi n’arrive­t­on pas ici à comme avant. Mais, je comprends bitants du littoral des Alpes­Mari­ Les deux retraités en sortent les faire des efforts pour rien ». L’avis
au mur de grosses bonbonnes faire une campagne de vaccina­ que ce soit une décision difficile », times – ont fui la zone concernée. bras chargés de pots. Autant de hérisse certains élus LR du dépar­
mobiles d’oxygène. Pour sup­ tion comme en Angleterre ? », souffle­t­il. Risquant de transporter ailleurs jeunes plants qu’ils mettront en tement. Provoqué par les deman­
pléer le réseau interne. « Jus­ questionne Teresa Pelmano, An­ Devant le Hobo Coffee, dans les une contamination jusqu’alors terre plus tard dans la semaine des répétées du maire de Nice,
qu’alors, on ne pouvait oxygéner glaise de 69 ans, qui vit sa re­ ruelles du Vieux Nice, Thomas localisée. Dès 15 heures, vendredi, dans leur résidence de la vallée de le confinement localisé a mis
qu’une seule personne à la fois », traite sur la Côte d’Azur. En même Scotti, cuisinier de 26 ans, partage la voie Mathis, passerelle routière la Roya. « Ce week­end, nous res­ hors d’eux les maires de Cannes,
l’analyse. Pour lui, les inter­ qui traverse l’agglomération sur tons à Nice. On prend les choses Grasse ou Villeneuve­Loubet
dictions du week­end sont « des toute sa largeur, a commencé à sa­ avec fatalisme. On va lire », assure qui se plaignent d’être assimilés à
De nouvelles mesures restrictives demi­mesures qui ne vont pas ser­
vir à grand­chose ». « Cela impacte
turer. Un long ruban de voitures
partant vers la frontière du Var
Yvette, lavande et œillets de poète
en mains. « Nous sommes mal
la situation de la métropole voi­
sine. A Antibes, le maire Jean Leo­
à l’étude à Paris et en Ile-de-France plus les commerçants que nos ou les vallées de l’arrière­pays, placés pour dire si ce confinement netti, lui, ne décolère pas, esti­
La maire (PS) de Paris, Anne Hidalgo, devait réunir, lundi vies… Vous croyez vraiment que exemptées de confinement. est une bonne mesure ou pas, re­ mant que la mesure est « pénali­
1er mars en fin de matinée, les 20 maires d’arrondissement de la les gens ne vont plus se voir ou prend Gérard, son époux. Ce qui sante et inefficace sanitairement ».
capitale « pour échanger sur des propositions de mesures qui se- faire la fête le soir ? », sourit­il, en Ville fantôme nous agace, c’est de ne pas pouvoir Jeudi 4 mars, Christian Estrosi
ront soumises au préfet de police et à l’agence régionale de santé commandant un dernier verre A la station de ski d’Auron, l’office encore nous faire vacciner. » réunira son conseil local scien­
(ARS) » lors d’une seconde réunion dans l’après-midi. Lundi avant l’heure fatidique. Derrière de tourisme assure qu’il n’y a pas Samedi et dimanche, Nice a pris tifique pour un premier bilan
après-midi, la présidente de région (Libres !), Valérie Pécresse, lui, des membres du collectif eu de hausse significative de la de­ des allures de ville fantôme. Pour avant le deuxième week­end de
devait également s’entretenir avec le directeur de l’ARS franci- Reinfo Covid distribuent des invi­ mande après les annonces du faire respecter le confinement, la restrictions. Une analyse trop pré­
lienne, Aurélien Rousseau, le préfet de Paris et d’Ile-de-France, tations pour un carnaval au­ gouvernement. « Nous sommes municipalité a déployé tous ses coce pour en tirer de véritables
Marc Guillaume, et le préfet de police, Didier Lallement. tonome prévu le lendemain en pleines vacances de février et les moyens sécuritaires. Cent vingt enseignements. « Le confinement
« Ils me proposeront des mesures de restriction qui leur parais- place Garibaldi. La manifestation, locations d’appartements étaient policiers sur le terrain, des mes­ de mars a produit des effets, ce­
sent les plus adaptées au vu de la situation épidémiologique interdite comme tous les carna­ déjà complètes depuis quelque sages vocaux par haut­parleurs lui­ci, même partiel, en produira
de la région, et là encore si elles sont justifiées, je ne m’y oppose- vals, tournera court et vaudra un temps. Quelques personnes ont ré­ rappelant d’un ton anxiogène la sûrement », veut croire son pre­
rai pas », a déclaré Mme Pécresse dimanche. Pour elle, « il faut flot de contraventions aux orga­ servé une chambre d’hôtel dès le nécessité « d’éviter les déplace­ mier adjoint. 
tout faire pour éviter un nouveau reconfinement ». nisateurs et à quelques parents, vendredi soir car elles s’interro­ ments » et une utilisation soute­ gilles rof
FRANCE
0123
10 | MARDI 2 MARS 2021

Enfants de djihadistes : pressions pour un retour
 
Des parlementaires sont arrivés, samedi, au Kurdistan irakien, où sont détenues les Françaises et leurs familles

D
epuis une semaine,
une dizaine de fem­
mes françaises prove­
nant des rangs de l’or­
ganisation Etat islamique (EI) et
détenues dans des camps du
nord­est de la Syrie ont entamé
une grève de la faim pour obtenir
leur rapatriement en France avec
leurs enfants. Plus de 120 fem­
mes et plus de 300 enfants fran­
çais – et non pas 200 comme il
est souvent écrit – sont détenus
par les forces kurdes syriennes
depuis la chute de Baghouz, der­
nier bastion du « califat » de l’EI
en Syrie.
Cette grève de la faim, une pre­
mière depuis le début de leur dé­
tention, s’est accompagnée de
plusieurs autres initiatives vi­
sant à faire évoluer une situation
complètement bloquée. Ainsi,
Pascale Descamps, 55 ans, dont la
fille souffre d’une tumeur au cô­
lon, est en grève de la faim depuis
le 1er février pour obtenir son ra­
patriement sanitaire et son juge­
ment devant les tribunaux.
L’exécutif, lui, préfère éviter le
sujet tant il est sensible dans
l’opinion publique. Après la fuite
dans la presse d’un projet de ra­
patriement massif il y a deux ans,
l’Elysée avait reculé face aux réac­
tions très hostiles, confirmées
par un sondage. Depuis, c’est le
blocage. Des rapatriements spo­
radiques, dits « au cas par cas »,
s’effectuent selon des critères dif­
ficiles à évaluer : trente­cinq en­
fants, présentés comme orphe­
lins, ont rejoint la France depuis
2019. Dans les faits, leurs mères –
réelles ou adoptives – doivent dé­ Dans le camp d’Al­Hol (nord­est de la Syrie), le 20 février. DELIL SOULEIMAN/AFP
cider dans la précipitation si elles
acceptent de s’en séparer, sans es­
poir d’avoir ensuite des nouvel­ un cas. Enfin, la Cour de justice de Chaque rapatriement partiel, « la situation à l’intérieur des
les ou de les rejoindre plus tard.
« Les deux tiers la République a été saisie d’une comme celui de sept enfants camps ne cesse de se détériorer :
La remontée en
de ces enfants ont plainte pénale pour « omission français (issus de trois fratries dif­ les enfants et leurs mères man­ puissance de l’EI
« irresponsable et inhumain » de porter secours ». férentes), en janvier, s’accompa­ quent de tout, survivent sous des
Pour la première fois surtout, une
moins de 6 ans. Ils Depuis que l’espoir de la mise gne donc de demandes croissan­ tentes de fortune et luttent contre
a une influence
délégation de parlementaires sont des victimes sur pied d’un tribunal spécial tes, concernant leur implication des températures nocturnes pou­ directe sur
français est arrivée, samedi 27 fé­ pour juger les crimes de l’EI sous dans les procédures, de la part vant atteindre moins dix degrés ».
vrier, à Erbil, au Kurdistan irakien,
absolues » l’égide de l’ONU au Kurdistan sy­ des autorités kurdes syriennes, Un incendie au camp d’Al­Hol, sa­
la sécurité
dans le but de visiter les camps MARIE DOSÉ rien s’est évanoui, les autorités du dont l’entité étatique, le Rojava, medi 27 février, a causé la mort à l’intérieur
d’Al­Hol et de Roj au Rojava, le avocate Rojava militent pour un rapatrie­ ne fait pas l’objet d’une recon­ d’une femme et de trois enfants.
Kurdistan syrien, où sont déte­ ment global. Ce dont les pays naissance internationale. Le der­ M. Laurent avait déjà signé une
des camps
nues les Françaises ainsi que leurs européens ne veulent pas, à l’ex­ nier rapatriement effectué par lettre ouverte avec soixante­
enfants. Le groupe, composé de les camps de familles de djihadis­ ception de la Finlande, qui a affi­ l’Allemagne en décembre 2020, a quinze autres parlementaires
deux députés ex­La République tes au Rojava. ché cet objectif fin 2020. consisté à ramener une mère et français de tous bords, en sep­ camps ». C’est, entre autres, pour
en marche, Frédérique Dumas (Li­ Pour Mes Dosé et Rivière, « lais­ Les pays occidentaux fournis­ ses enfants ensemble, pour la tembre 2020. Sans effet. « Le pou­ cette raison que la majorité des
bertés et territoires, Hauts­de­ ser ces femmes dans ces camps sent aux Kurdes syriens une aide première fois. Mais, de source voir exécutif est en train de sacri­ détenues étrangères ont été
Seine) et Hubert Julien­Laferrière alors que les autorités kurdes ex­ matérielle en échange de leur rôle française, on estime que Berlin fier des enfants à l’aune d’un calen­ transférées du camp d’Al­Hol, ré­
(non­inscrit, Rhône), deux dépu­ hortent la France à les rapatrier de geôliers de ce « Guantanamo n’a pas changé de politique et drier électoral, persuadé qu’une puté insalubre et ingérable avec
tés européens, Mounir Satouri depuis des années est totalement extraterritorial », mais, comme le qu’il s’agissait d’une exception. décision de rapatrier tous nos res­ ses 65 000 résidents (dont
(Europe Ecologie­Les Verts) et Syl­ irresponsable et inhumain ». « Les souligne Me Dosé, « on peut com­ sortissants nuirait grandement à 9 000 étrangers), vers une exten­
vie Guillaume (Parti socialiste), et deux tiers de ces enfants ont prendre que la priorité des Kurdes, Dossier explosif son image », écrit le sénateur sion du camp de Roj (2 000 rési­
des avocats Marie Dosé et Ludovic moins de 6 ans, ajoute Me Dosé. Ils qui se sont déjà sacrifiés pour pro­ Deux parlementaires, le sénateur communiste. dents), mieux sécurisé.
Rivière, n’a pas pu entrer diman­ sont des victimes absolues. Pour téger notre sécurité, ne soit pas de communiste de Paris Pierre Lau­ Emmanuel Macron est le seul La remontée en puissance de l’EI
che en Syrie. eux, la Syrie se résume à un camp, garder nos ressortissants ». Par rent et le député (UDI, Lozère) décisionnaire sur ce dossier, qu’il a une influence directe sur la sé­
Les autorités kurdes syriennes une vie dans la boue, le froid et les ailleurs, les autorités du Rojava Pierre Morel­A­L’Huissier, ont ré­ juge explosif à l’approche de la curité à l’intérieur des camps :
arguaient de considérations de vapeurs d’un champ de pétrole. » sont de plus en plus conscientes digé chacun une lettre ouverte campagne présidentielle. Le gou­ vingt personnes, dont au moins
sécurité. La délégation devait ef­ Le Comité des droits de l’enfant qu’elles pourraient un jour être demandant à leurs collègues élus vernement norvégien a de fait cinq femmes, ont été assassinées
fectuer une nouvelle tentative, de l’ONU s’est prononcé pour un tenues pour complices, voire res­ d’appuyer, auprès de l’exécutif, le perdu sa majorité à l’occasion du courant janvier à Al­Hol. Les déte­
lundi 1er mars. Depuis début jan­ rapatriement. La Cour euro­ ponsables, de détention arbi­ rapatriement des enfants fran­ rapatriement d’une femme de dji­ nues les plus radicalisées, infor­
vier, des délégations belge, autri­ péenne des droits de l’homme traire devant les juridictions in­ çais avec leurs mères. Dans son hadiste avec ses deux enfants, en mées du retour en force de l’EI, en
chienne et catalane ont pu visiter doit prochainement audiencer ternationales. courrier, M. Laurent rappelle que janvier 2020. profitent pour réaffirmer leur
La multiplication des initiatives emprise.
de ces derniers jours est à appré­ Les évasions sont régulières :
Magali Laurent attend toujours des nouvelles de sa fille Lila cier en regard du calendrier élec­
toral français. « Après juin, plus
une exfiltration coûte 12 000 à
18 000 euros actuellement. Hayat
rien ne bougera jusqu’à la prési­ Boumedienne, l’épouse d’Amedy
deux photos ornent chaque extrémité pages, 18 euros), où elle raconte l’enlève­ mars 2017 ; il annonce devoir fuir à cause dentielle », estime une source Coulibaly, auteur de la tuerie de
du bar américain du salon de Magali Lau­ ment de sa fille et sa quête pour la retrou­ des combats. Nul ne sait ce qu’il est devenu proche du dossier. Interrogés par l’Hyper Cacher de Vincennes, en
rent : sur l’une, une enfant blonde aux ver : « J’ai fait le choix de raconter mon his­ mais les services de sécurité s’accordent à Le Monde, le ministère des affai­ janvier 2015, a rejoint, selon nos
yeux bleus de 3 ans et demi, Harper ; sur toire pour donner une vision plus intime de penser qu’il est mort. res étrangères et le Parquet natio­ sources, la poche d’Idlib sous le
l’autre, une fille du même âge, brune aux ce que les djihadistes ont pu faire à leurs Quant à Lila, c’est le mystère absolu. L’en­ nal antiterroriste (PNAT) n’ont contrôle de divers groupes rebel­
yeux marron, Lila. Les ravissantes filles proches, combien ils ont détruit la vie de fant est introuvable. Les recherches dans pas souhaité s’exprimer. les et djihadistes. Tous les experts
sont demi­sœurs, issues de la même mère ceux qui les entouraient. » Mais le véritable les camps en Syrie n’ont rien donné, mais en terrorisme militent pour un
mais de pères différents, mais ne se sont ja­ sujet de son livre est Lila. De son ex­com­ elle a pu passer inaperçue tant certaines Evasions régulières rapatriement et des procès en
mais connues. Lila, si elle vit encore, a pagnon, dont elle venait de divorcer au femmes djihadistes cachent l’existence Si le temps presse, ce n’est pas France, afin d’éviter des retours
aujourd’hui 9 ans. Harper a aujourd’hui moment de l’enlèvement, elle ne veut pas d’orphelins. « L’instruction est restée seulement en vertu d’impératifs clandestins qui pourraient dé­
l’âge auquel Lila a été arrachée à sa mère. parler. Cet homme, qui a voilé sa fille âgée ouverte au pôle antiterroriste jusqu’à ce humanitaires. La situation sécu­ boucher un jour sur des attentats.
Dans la vaste tragédie qu’est le sort des d’à peine 4 ans et l’a rebaptisée Fatima, lui jour, explique Frank Berton, l’avocat de ritaire se dégrade de mois en Concernant les combattants
enfants de djihadistes français partis en est aujourd’hui étranger. Pendant des Magali Laurent. Il y a eu à plusieurs reprises mois dans la Badia, le désert sy­ étrangers (plus de 5 000 hommes,
Syrie, l’histoire de Lila est un drame dans mois, il a exercé un chantage sur son ex­ des informations obsolètes, des faux es­ rien entre la vallée de l’Euphrate dont moins d’une centaine de
le drame. Enlevée par son père d’origine compagne en lui promettant à chaque ap­ poirs. » Il rend hommage aux services de et les grands centres urbains de Français) détenus à Hassaké et
tunisienne, Anis, alors qu’elle avait 3 ans, pel de lui passer sa fille sans le faire. police et de justice antiterroristes qui ont l’Ouest. L’EI, en phase de recons­ qu’il n’est pas question de rapa­
l’enfant a été emmenée à l’insu de sa mère toujours été « disponibles et mobilisés ». titution de ses cellules, agit trier, une nouvelle prison, plus
en Turquie, en octobre 2015. Puis son père « Faux espoirs » « Je sais qu’énormément de choses ont été même au Rojava contre les For­ grande et mieux sécurisée, est en
a gagné la Syrie, où il a rejoint Rakka, capi­ La dernière conversation de Magali avec sa faites et continuent de l’être », ajoute Ma­ ces démocratiques syriennes construction, selon le site améri­
tale du « califat » de l’organisation Etat isla­ fille remonte à l’été 2016. Peut­être parce gali Laurent. Elle n’ose pas prononcer le (FDS), qui administrent ce terri­ cain Defense One. Les risques
mique (EI). C’est un cas quasi unique parmi que l’enfant était trop agitée après ces mot espoir à propos de sa fille. Lila ne toire. Selon une source sécuri­ d’une attaque de prison, comme il
les départs pour la Syrie. échanges ou parce que le père s’est remarié parle probablement plus le français taire, « les autorités kurdes ne en est intervenu régulièrement en
Magali Laurent a publié en janvier un ré­ sur place, il a coupé le contact entre Magali aujourd’hui, si elle est vivante.  pourraient pas faire face à un sou­ Irak, sont devenus trop grands. 
cit émouvant, Reviens, Lila (Grasset, 224 et Lila. Son dernier courriel remonte à c. a. lèvement généralisé dans les christophe ayad
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MARDI 2 MARS 2021 france | 11

Harcèlement moral : plaintes à Campus France


Plusieurs ex­salariés et salariés dénoncent une ambiance de travail toxique. La direction évoque des cas isolés

I
ls sont quatre, sur un ca­ la fusion. Béatrice Khaiat, ac­ Plusieurs d’entre eux « cra­ par plusieurs nouveaux licencie­
napé, de l’autre côté d’un
L’ex-directeur tuelle directrice de la structure, a quent » et dénoncent un harcèle­
L’inspection ments. En décembre de cette
écran. Mesures barrières des ressources longtemps travaillé à EduFrance. ment moral. Ainsi l’ancien res­ du travail enjoint même année, Ronel T., un salarié
aidant, nous avons dû re­ Cette ancienne des cabinets de ponsable des systèmes informa­ du service comptabilité, en dé­
courir à la visioconférence
humaines ira deux ministres de l’éducation, tiques, dont la grave dépres­
à Campus France pression depuis des mois, situa­
pour échanger. Mais l’émotion jusqu’à déposer Claude Allègre puis Jack Lang, a sion sera reconnue comme de prendre tion provoquée selon lui par une
n’en est pas moins palpable dirigé le groupement d’intérêt maladie professionnelle. L’ex­di­ « mise à l’écart » dans son travail,
quand ces ex­salariés de Campus
une main public de 2000 à 2006, avant recteur des ressources humaines
des mesures fait une tentative de suicide : « Je
France, établissement public qui courante pour d’être nommée conseillère tech­ ira jusqu’à déposer une main pour protéger n’en pouvais plus. »
pilote la venue d’étudiants du nique au sein du cabinet du pre­ courante au commissariat pour Quelques mois plus tard, en
monde entier dans les universités
harcèlement mier ministre Jean­Marc Ayrault. harcèlement. Il obtiendra finale­
deux salariés. juin 2019, Zoubir M., un autre sa­
de notre pays, évoquent leurs an­ Au départ de ce dernier, en 2014, ment un accord financier. Sans effet larié, déjà en conflit avec l’entre­
nées de souffrance. elle est nommée adjointe, puis prise, est victime d’un malaise sur
Burn­out, dépression, hospitali­ Parallèlement à ces batailles judi­ prend la succession du premier « Au troisième enfant, je licencie » son lieu de travail. Les pompiers
sations, tentative de suicide, pro­ ciaires, le collectif d’ex­salariés a directeur de Campus France, An­ Béatrice Khaiat « ne voulait tra­ tout de même que 12 % des sala­ doivent venir le chercher pour
cédures judiciaires multiples… multiplié les alertes aux élus, toine Grassin. vailler qu’avec ses copains », as­ riés sont en situation de « surs­ l’hospitaliser. Un événement re­
« Une situation délirante, de très aux ministères. Interrogé, le mi­ Décrite comme efficace, Béa­ sure, lapidaire, une ancienne sala­ tress » à risque. connu comme « accident du tra­
grande souffrance au travail et de nistère des affaires étrangères, trice Khaiat est aussi souvent qua­ riée. Déclassements, propositions Fin 2017, le comité d’hygiène, de vail ». Il sera tout de même licen­
déni rarement vu », note un bon tutelle de Campus France, lifiée de « brutale » tant dans son d’accords financiers… Les départs sécurité et des conditions de tra­ cié pour « faute grave » dans les
connaisseur du dossier et des explique avoir « demandé un management que dans ses pro­ s’enchaînent. En 2015, un tableau vail (CHSCT, une instance pré­ semaines qui suivent. Il est de­
problématiques de harcèlement. renforcement du dialogue social » pos. Des sorties comme « j’en ai interne recense une douzaine de sente dans toutes les grandes en­ puis toujours en dépression et
La direction de l’organisme, et assurer depuis un « suivi rien à foutre », « casse­toi, tu me cas de « contentieux de person­ treprises) émet une alerte pour sous traitement médicamenteux
elle, répond qu’il n’y a pas « la étroit » de la situation. fais chier » sont, à en croire de nel », parmi lesquels plusieurs re­ « danger grave et imminent » lourd. « Sans le collectif, peut­être
moindre brutalité dans le mana­ nombreuses sources, fréquentes. présentants du personnel en ins­ concernant les salariés du ser­ que mon corps serait dans la Seine,
gement (…) pas plus qu’il n’a été re­ « Brutale » « C’est une personnalité com­ tance de licenciement économi­ vice communication, dont l’une ou que j’aurais sauté par la fenê­
levé de situation de harcèlement ». Fort de plus de 200 employés, plexe », nuance une employée, que, mais aussi des ruptures con­ des membres, Laura F., qui re­ tre », confie­t­il.
Et dénonce la « rancœur person­ Campus France, établissement « qui peut être attachante mais qui ventionnelles. Le tableau liste le vient de congé maternité, est ré­ Du côté de Campus France, par
nelle » des quatre salariés qui ont public à caractère industriel et prend des décisions unilatérales, coût de ces départs, qui s’élève, gulièrement fustigée par la direc­ l’intermédiaire de la direction de
créé un collectif. commercial − une structure de sans toujours respecter le travail entre indemnités de licenciement trice : « Au troisième enfant, je li­ la communication, on se dit « at­
Déjà évoqués par Mediapart à droit privé sous tutelle publi­ ou les hiérarchies ». D’autres par­ et frais d’avocat, à plusieurs cen­ cencie. » Une seconde alerte est tentifs aux situations de détresse
l’été 2020, les multiples conflits que −, lancé au début des années lent de « management familial », taines de milliers d’euros. émise, au printemps 2018, psychologique », on rappelle qu’il
judiciaires résultant de la situa­ 2010, résulte de la fusion d’entités où l’on se dit tout, quitte à laver La directrice impose son concernant un salarié du service s’agit avant tout de cas « indi­
tion sociale au sein de Campus aux pratiques différentes. Princi­ son linge sale en public. rythme, parfois « chaotique ». Si informatique, Hafid R., mis en viduels », et qu’« aucun lien objec­
France, structure chargée de la palement une association, Egide, Dès son retour au sein de Cam­ elle plaît aux ministères de tutelle cause pour des motifs parfois tif n’a été établi entre l’état de
promotion des universités fran­ qui gérait depuis 1991 les attribu­ pus France en 2014, Mme Khaiat – de Campus France, sa méthode triviaux, comme le fait d’avoir santé de ces salariés et d’éventuels
çaises dans le monde et de la ges­ tions de bourses pour les étu­ qui, sollicitée à plusieurs reprises, « ne se préoccupe pas des gens au quitté le travail plus tôt pour ré­ manquements » de l’employeur.
tion des étudiants étrangers en diants étrangers en France ; et le n’a pas souhaité nous répondre milieu ». L’intendance doit suivre cupérer son enfant un jour de Quant aux départs, ils ne seraient
France, continuent de se régler groupement d’intérêt public Edu­ directement – entreprend des les initiatives – et parfois les revi­ grève des transports. que des « cas isolés de conten­
devant les tribunaux. Une dizaine France, créé en 1998 et qui coor­ changements profonds. « Elle rements – de la direction, peu im­ tieux », « pas révélateurs d’un
de procédures sont en cours au donnait la promotion internatio­ avait un certain nombre de person­ porte le prix en termes de condi­ Plusieurs licenciements dysfonctionnement ou d’éventuels
total, devant les prud’hommes, nale des établissements d’ensei­ nes issues des anciennes structures tions de travail. En 2016, un audit A ces deux occasions, l’inspection manquements » de la part de l’em­
en cour d’appel, en cassation, gnement supérieur hexagonaux. en ligne de mire, confie un ancien conduit par un cabinet externe du travail enjoint à Campus ployeur. « Campus France est un
mais aussi devant des tribunaux « Deux métiers très différents, responsable, et elle s’est mise en conclut à un « risque psychosocial France de prendre des mesures endroit où il fait bon travailler »,
judiciaires dans plusieurs cas. avec des cultures peu compatibles, tête de les faire partir. » C’est le cas majeur » au sein de Campus pour protéger ces deux salariés. assure Jean­Luc Ito­Pages, l’un des
Lundi 18 janvier, un ancien sa­ le travail sur les bourses étant plus de plusieurs anciens responsables France : « Des situations de conflit, Sans effet : tous deux seront hos­ délégués du personnel, las de ces
larié – non membre du collectif – austère, pendant que les autres issus d’Egide. Dans des échanges de violence voire de harcèlement pitalisés pour dépression. Ils sont polémiques, et craignant qu’elles
a ainsi obtenu 30 000 euros d’in­ font des salons, voyagent, sont que Le Monde a pu consulter, Mme au travail sont parfois décrites par en contentieux avec l’entreprise finissent par « nuire à l’avenir de
demnités pour licenciement plus visibles », note une salariée Khaiat est accusée en interne les salariés. » La direction com­ depuis, celle­ci contestant en jus­ l’opérateur », dont l’activité est
« sans cause réelle et sérieuse ». de Campus France, qui déplore d’avoir publiquement fait savoir mande un second rapport à un tice la qualification de maladie mise en sommeil par la pandémie
D’autres jugements sont atten­ que « l’opposition entre les cultu­ qu’elle voulait « la tête » des an­ autre cabinet, qui rend un juge­ professionnelle pour leurs patho­ depuis un an. 
dus dans les mois qui viennent. res » perdure, des années après ciens dirigeants de la structure. ment moins sévère, mais estime logies. L’année 2018 est marquée samuel laurent

Enquête pour « tentative de meurtre » après JUSTICE


Crimes et délits sexuels
sur mineurs : le ministre
composée de multiples autres
victimes, qui n’accèdent pas à
ces relais de communication
veut des enquêtes mais pour lesquelles la

l’agression d’un photojournaliste à Reims systématiques


Face à la libération de la
parole des victimes d’infrac­
souffrance est identique »,
écrit Eric Dupond­Moretti
dans cette note destinée
tions sexuelles et notam­ aux magistrats datée
Christian Lantenois a été attaqué samedi à Croix­Rouge, un « quartier sensible » ment d’inceste, le garde du vendredi 26 février.
du sud de la ville. Son état est « stabilisé, mais critique, extrêmement préoccupant » des sceaux, Eric Dupond­Mo­
retti, a demandé aux procu­ R ECTI FI C ATIF
reurs de « systématique­ Dans notre article « A Mon­
ment » ouvrir une enquête, treuil, l’errance amère de

U ne enquête pour « tenta­


tive de meurtre » a été
ouverte, samedi 27 fé­
vrier, après l’agression à Reims
d’un photographe du quotidien
Une rédactrice de L’Union s’était
rendue à Croix­Rouge pour véri­
fier l’information qui circulait
alors d’un possible coup de feu,
voire d’une rixe, dans le quartier.
« Rien ni personne
n’entravera jamais
notre volonté
agression. Rien ni personne n’en­
travera jamais notre volonté
d’informer ni notre liberté d’agir »,
a réagi le directeur général du
journal Daniel Picault. Le syndicat
même si les faits sont sus­
ceptibles d’être prescrits, se­
lon une note consultée lundi
1er mars par l’AFP. « Si certains
de ces témoignages sont par­
travailleurs sans papiers »
(Le Monde daté 28 février­
1er mars), nous avons
présenté les personnes pho­
tographiées comme étant
régional L’Union, « grièvement Christian Lantenois, qui travaille d’informer SNJ­CGT a rappelé dans un com­ ticulièrement médiatisés, ils sans papiers, alors que nous
blessé de manière volontaire », se­
lon le procureur de la République
comme photographe pour le quo­
tidien depuis les années 1980,
ni notre liberté muniqué que « rien ne saurait jus­
tifier un tel déchaînement de
ne doivent pas nous conduire
à oublier que la réalité est
ne connaissions pas leur
situation administrative.
de Reims (Marne), Matthieu avait décidé de l’accompagner. d’agir » violence à l’encontre d’un journa­
Bourrette. Arrivé inconscient au Alors que sa collègue – qui n’a pas DANIEL PICAULT liste exerçant son métier ». « S’atta­
centre hospitalier universitaire subi d’agression – avait emprunté directeur général de « L’Union » quer à un journaliste, c’est s’atta­
samedi, avec un pronostic vital un véhicule banalisé, sans carnet quer à la démocratie », s’est ému à
engagé, Christian Lantenois, la de notes ni appareil photo par son tour le syndicat SNJ, dont
victime âgée de 65 ans, se trou­ souci de discrétion, Christian Lan­ Christian Lantenois a été un élu.
vait lundi matin « stabilisé dans tenois était, lui, au volant d’une Passionné de terrain, « hyper­ Le cabinet du président de la Ré­
& CIVILISATIONS

un état très critique » précise voiture floquée du logo du jour­ connu à Reims », selon un ancien publique et le premier ministre,
Carole Lardot, l’une des deux ré­ nal, car il devait enchaîner sur un collègue, pour avoir couvert Jean Castex, ont appelé la rédac­ N° 70
MARS 2021

dactrices en chef du journal.


Aucune interpellation n’avait
autre reportage. quantité d’événements – notam­
ment sportifs – depuis une qua­
tion en chef de L’Union pour té­
moigner leur soutien, et l’affaire a
& CIVILISATIONS
eu lieu lundi matin et les circons­ « Dingue de boulot » rantaine d’années, Christian fait réagir de nombreuses person­
tances de l’agression restaient « C’est un quartier dans lequel Lantenois est décrit comme « jo­ nalités politiques, du ministre de
imprécises. Elle a eu lieu samedi nous nous rendons régulièrement, vial », « passionné », « dingue de l’intérieur, Gérald Darmanin, af­
en début d’après­midi à Croix­ explique Carole Lardot. Il y a des boulot » dans un bref portrait firmant sa « solidarité avec la ré­
Rouge, quartier populaire hé­ bagarres, des règlements de comp­ que lui consacre son journal : daction de L’Union et l’ensemble
rissé de tours dans le sud de tes, du trafic de stupéfiants, mais « C’est le photographe rêvé des ré­ de la profession », à la ministre de
Reims. Le photographe y a été re­ pas seulement : 25 000 personnes dacteurs, toujours en alerte pour la culture Roselyne Bachelot, qui
trouvé près de son véhicule, non y vivent. Notre rôle de média de aller immortaliser un événement a dénoncé une « lâche agression »,
loin de la médiathèque, « au sol » proximité est de suivre le quoti­ et le livrer, à vous lecteurs, dans en passant par le président du
et saignant « au niveau des dien de ces habitants, et d’en rela­ nos colonnes. Un témoin de notre Sénat, Gérard Larcher, ou celle
oreilles », a expliqué à l’Agence ter les épisodes. » « Le quartier société. Il en paye aujourd’hui, si du Rassemblement national, Ma­
DE LÉNINE À POUTINE
France­Presse le préfet de la reste un quartier sensible. Il y a un injustement, le prix. » rine Le Pen. « Aujourd’hui, le seuil
Marne, Pierre N’Gahane, sans li­ an, juste avant le confinement, il y Dans l’éditorial paru dimanche de l’inacceptable a été dépassé, a,
vrer davantage d’informations a eu deux séries d’affrontements dans L’Union, Carole Lardot et pour sa part, écrit le maire (Les Ré­
sur la nature et l’origine de la entre les jeunes de ce quartier et l’autre rédactrice en chef Géral­ publicains) de Reims Arnaud Ro­ CÉSAR LA COMMUNE TAJ MAHAL
LE DICTATEUR CE QUE SONT MAUSOLÉE
FACE À SES DEVENUS DE L’AMOUR
blessure. Au moment des faits, d’un autre quartier », a rappelé le dine Baehr­Pastor écrivent : binet sur Facebook. Au­delà de ASSASSINS LES MENEURS DISPARU

« les forces de l’ordre étaient sur préfet de la Marne, selon qui la « Cette agression n’est pas le fruit l’ignominie d’un tel acte, je veux
place, a­t­il précisé, elles avaient police se trouvait sur place car elle du hasard : voiture du journal exprimer mon ras­le­bol devant ce
identifié des mouvements de jeu­ redoutait un nouvel affronte­ repérée, appareil photo brisé, c’est ramassis de vauriens qui pourris­ Chaque mois, un voyage à travers le temps
nes, dont certains portaient des ment de ce type, dans un con­ bel et bien le journaliste qui était sent la vie de nos quartiers. »  et les grandes civilisations à l’origine de notre monde
battes de base­ball, et des renforts texte marqué par plusieurs rixes, visé. » « L’entreprise condamne aude dassonville CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX
avaient été appelés ». parfois mortelles, entre jeunes. avec la plus grande fermeté cette et henri seckel
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12 | france MARDI 2 MARS 2021

En Corse, le feu couve entre l’Etat et les nationalistes


Les relations entre le préfet et les dirigeants de la Collectivité de Corse sont devenues peu à peu exécrables

ajaccio ­ envoyés spéciaux


« C’est la volonté

C
ampé à son pupitre, le de nuire qui me
président de l’Assem­
blée de Corse, l’indé­
semble animer ce
pendantiste Jean­Guy préfet. Paris doit
Talamoni (Corsica libera), a
donné le ton lors de son discours
le faire partir »
d’ouverture de la session qui JEAN-GUY TALAMONI
s’est tenue jeudi 25 et vendredi président de l’Assemblée
26 février. S’exprimant en corse, de Corse
il prononce une féroce diatribe,
ponctuée à six reprises par « luni
scorsu s’hè francatu un limitu » déchets, promesse non tenue
(« lundi, une limite a été fran­ d’une compagnie maritime ré­
chie »). Lundi 22 février, une gionale, déficience des trans­
vingtaine de jeunes militants de ports ferroviaires, cherté de la
la mouvance nationaliste ont pé­ vie, mise en œuvre de la pro­
nétré par surprise dans la préfec­ grammation annuelle de l’éner­
ture et déployé, au balcon du pre­ gie, inopérabilité du plan d’amé­
mier étage, deux banderoles ré­ nagement et de développement
clamant la libération d’Alain durable de la Corse…
Ferrandi et de Pierre Alessandri, En durcissant son discours, en
deux des membres du com­ se recentrant sur ses « fonda­
mando qui assassina le préfet mentaux » – les thèmes histori­
Claude Erignac, le 6 février 1998. ques du récit nationaliste –, en re­
L’anaphore vise le préfet Pascal portant la responsabilité des dif­
Lelarge, qui a fait procéder à ficultés actuelles sur les « bloca­
l’évacuation sans ménagement ges de l’Etat » et la situation
des occupants par les forces de héritée de ses prédécesseurs, elle
l’ordre. Plusieurs d’entre eux ont entend aussi calmer les impa­
été blessés dans l’opération, et tiences, voire la déception, de ses
c’est le visage ensanglanté qu’ils propres militants, particulière­
se sont adressés à la presse. Les ment des jeunes.
images ont fait le tour de l’île, Gilles Simeoni lui­même, le pré­
suscitant émoi et réprobation sident autonomiste du conseil A l’Assemblée de Corse, le 26 février, à Ajaccio. KAMIL ZIHNIOGLU POUR « LE MONDE »
bien au­delà des rangs nationa­ exécutif de la Collectivité, n’y
listes. « Je demande solennelle­ échappe pas. En témoignent les
ment qu’il [le préfet] franchisse propos, tenus le 26 janvier, lors tions municipales, où elles se M. Simeoni, brillant orateur, fils dions la collectivité ? Non, je ne
une fois pour toutes les limites de d’une conférence de presse. « S’il sont souvent présentées en or­ d’Edmond Simeoni, le « père » du
Bien qu’affaiblie, pense pas. Y a­t­il un risque que
notre pays », assène M. Talamoni. faut construire un rapport de force dre dispersé, en ont été l’illustra­ mouvement nationaliste corse la majorité nous échouions politiquement ?
En quelques mois, les relations politique avec l’Etat, y compris par tion. La coalition Pè a Corsica, du début des années 1970, mort Oui », résume M. Angelini. La
entre le représentant de l’Etat, ar­ des moyens qui ne se limitent conduite par M. Simeoni, réunis­ en décembre 2018, sait qu’il jouit
sortante vieille gauche est moribonde. A
rivé fin juillet 2020 à Ajaccio, et pas à l’action institutionnelle, on sant Femu a Corsica, Corsica li­ encore d’une forte popularité se présente en droite, le maire d’Ajaccio, Laurent
les dirigeants nationalistes de la sait d’où l’on vient et nous savons bera et le Parti de la nation corse dans l’île. Peut­il pour autant se Marcangeli, ex­Les Républicains
Collectivité de Corse sont deve­ qui nous sommes et ce que (PNC), l’avait emporté au second permettre de faire cavalier seul
position de force (LR) et proche d’Edouard Phi­
nues exécrables. Elles viennent nous sommes capables de faire, tour, en décembre 2017, avec pour se compter ? C’est prendre aux élections lippe, s’apprête à mener une liste
d’atteindre un nouveau pic de déclarait le chef de file de Femu a 56,5 % des suffrages exprimés un risque que lui­même n’est pas dont il veut croire qu’elle le con­
tension. « C’est la volonté de nuire Corsica. On sera capables là aussi et remporté quarante et un siè­ assuré de vouloir prendre.
territoriales duira à affronter M. Simeoni au
qui me semble animer ce préfet. d’aller sur un rapport de force qui ges sur soixante­trois. Depuis, Du côté de M. Talamoni, dont le second tour. Il dresse un bilan sé­
Paris doit le faire partir », insiste ne se limitera pas aux déclara­ cette majorité s’est fragmentée. poids électoral est nettement vère de sa mandature. « En 2015, il
auprès du Monde le président de tions et aux prises de parole dans M. Talamoni n’a pas hésité, à plu­ moindre que celui du président mandent aussi une obligation de y avait besoin d’un souffle nou­
l’Assemblée de Corse, qui appelle les assemblées. » sieurs reprises, à sermonner le de l’exécutif, l’intérêt est évidem­ résultat. Je n’adhère pas du tout à veau. Maintenant, ça fait cinq ans
désormais à la « désobéissance ci­ Des propos qui ont pu être in­ président de l’exécutif, jugeant ment de reconduire une liste cette stratégie victimaire du “c’est et demi, et la déception est
vile ». « Ma priorité, c’est de contri­ terprétés comme une légitima­ sa gestion trop timorée. Jean­ d’union. Aussi met­il quelque peu tout de la faute de l’Etat”. Nous grande. On est dans le non­choix,
buer à ce qu’on ait une stratégie of­ tion de formes d’action s’écar­ Christophe Angelini et ses colis­ en sourdine ses critiques à l’en­ avons à faire beaucoup mieux les mauvais choix, la procrastina­
fensive et un rapport de force très tant du cadre démocratique. tiers du PNC se sont séparés de droit de ce dernier. « Il y a un cer­ dans tous les domaines. » tion », dit­il.
ferme avec l’Etat », déclare­t­il. M. Simeoni s’en défend : « Je dis à Femu a Corsica pour former leur tain nombre de déclarations de Est­il prêt à faire de nouveau Seul, toutefois, il n’est pas en
l’Etat que son attitude le conduit propre groupe. Gilles Simeoni, depuis quelque liste commune ? Il laisse planer le mesure de renverser la majorité
Calmer les impatiences dans une impasse, car ceux qui temps, qui vont dans le bon sens. doute. « Il n’y a pas, avec Gilles, de actuelle. La faible chance qu’il y
A moins de quatre mois des élec­ croient dans ce que nous portons « Divergences sur le fond » Maintenant, il faut passer à l’acte, rivalité ou de conflit, mais il y a des parvienne repose sur une al­
tions territoriales, prévues les vont finir par se dire que rien ne Seront­ils capables de faire de nous confie­t­il. On essaie d’accor­ divergences sur le fond. On ne peut liance au second tour avec la liste
13 et 20 juin, le climat politique changera par la voie démocrati­ nouveau liste commune dès le der nos visions stratégiques. J’ai pas repartir en pilotage automati­ que conduira le maire de Bonifa­
en Corse n’est pas à l’apaisement. que, dit­il au Monde. Nous som­ premier tour en juin ? Pour été très contrarié que la stratégie que. Il faut se poser la question de cio, Jean­Charles Orsucci, chef de
A l’orée d’une campagne électo­ mes issus d’une culture de la lutte l’heure, chacun prend ses mar­ d’union ait été affaiblie à l’occa­ ce qu’on a fait de bien ou non. Et file de La République en marche
rale où elle va devoir rendre et du militantisme, mais tout ques. « Je continue à penser que la sion des municipales. Oui, je suis quel projet nous portons, quel sur l’île. « La question qu’on va se
compte des cinq années et demie mon engagement, c’est pour ligne stratégique qui a été la pour l’union, mais je ne sais pas si pays nous laisserons à nos en­ poser au soir du premier tour,
passées à la tête de la Collectivité qu’en Corse il n’y ait plus de vio­ mienne a été la bonne, défend elle se fera au premier ou au se­ fants ? On manque de netteté, juge c’est : “Est­ce qu’il y a la possibilité
territoriale de Corse, devenue lence politique et pour que la dé­ M. Simeoni. Je vais continuer à la cond tour. On verra bien. » M. Angelini. La question du nom­ d’une alternative ou pas ?” S’il y a
Collectivité de Corse en jan­ mocratie respire. Je n’ai pas envie défendre. S’il y a des désaccords Beaucoup, en réalité, dépend de bre de listes dépendra de la ré­ une chance, on fusionnera », ex­
vier 2018, la majorité nationa­ que des jeunes ou des moins jeu­ qui perdurent, il faudra les expli­ M. Angelini, dont la prise de dis­ ponse à ces deux questions. En dé­ plique M. Marcangeli, qui se dit
liste montre les muscles. Elle nes soient conduits à penser que quer publiquement. Je ne pose pas tance avec le chef de l’exécutif mocratie, il est parfois bon de se « très inquiet pour l’avenir de la
tente ainsi de masquer son pro­ la démocratie ne sert à rien. » un imperium : soit on est d’accord s’est creusée. « Quand il s’agit d’en­ compter. Je n’ai pas de religion. » Corse ». A quelques mois des élec­
pre bilan à la tête de l’institution, Le durcissement du ton vise avec moi, soit on s’en va. Mais si gager nos institutions dans le rap­ Bien qu’affaiblie, la majorité tions territoriales, le paysage poli­
qui dispose de moyens considé­ aussi à ressouder des liens qui se accord il y a, sur des bases claires, port de force, je fais savoir mon dé­ sortante se présente néanmoins tique en Corse est encore loin
rables, alors qu’elle reste empê­ sont distendus entre les différen­ on verra si cet accord se traduira saccord, indique­t­il. Nous avons en première position aux pro­ d’être stabilisé. 
trée dans l’accumulation de dos­ tes composantes du courant na­ au premier tour ou s’il se formali­ une nécessité de gestion et de mo­ chaines élections territoriales. paul ortoli
siers en souffrance : gestion des tionaliste : les dernières élec­ sera au second tour. » dernisation. Les Corses nous de­ « Y a­t­il un risque que nous per­ et patrick roger

La gestion des transports ferroviaires continue de faire polémique


L’exécutif local est contraint de se justifier après le rapport très critique présenté par la chambre régionale des comptes

ajaccio ­ envoyés spéciaux reté le travail qui est le vôtre et on CFC, Hyacinthe Vanni, n’a pas été temporaire ou cédé des parcelles de le directeur des transports, puis la
ne peut pas toujours dire que c’est
« Nous n’avons entendu, nous n’avons rien fait terrain sur le domaine ferroviaire. sous­direction des transports ferro­

D ire que le rapport de la


chambre régionale des
comptes (CRC) sur les
Chemins de fer de la Corse (CFC)
– révélé par Le Monde la veille de la
la faute à l’Etat, ce n’est pas rece­
vable », a lancé le pilier local de La
République en marche (LRM). Le
libéral Jean­Martin Mondoloni
(Per l’avvene) a fustigé, de son
rien fait d’illégal
et la gabegie
visée concerne
d’illégal et la gabegie visée con­
cerne la mandature précédente »,
a­t­il plaidé, voulant emporter la
« conviction » des élus : « Tout n’est
pas parfait mais les livres sont
Or ce n’est pas vrai, c’était mon pré­
décesseur », soutient M. Simeoni.
Mais c’est bien lui qui a régularisé
par la suite ces procédures.
Le président de l’exécutif rap­
viaires. » Il assure enfin qu’aucun
des 82 millions d’euros de finance­
ment prévus pour le train au titre
du programme exceptionnel d’in­
vestissements (PEI) pour la Corse
session de l’Assemblée de Corse côté, les « dysfonctionnements »
la mandature ouverts, nous sommes prêts au pelle la charge considérable que 2016­2020 n’a été perdu. « Comme
ouverte jeudi 25 février – a secoué et l’« utilisation militante » de précédente » dialogue et nous avons besoin fut la création de la collectivité le montre le PEI clôturé le 31 dé­
l’assemblée insulaire, relève de l’outil ferroviaire. d’un service public ferroviaire. » unique en 2018 – quand les deux cembre 2020, ils ont été consom­
GILLES SIMEONI
l’euphémisme. Il a cristallisé les L’autre aile droite de l’Assem­ départements furent absorbés més en totalité », affirme­t­il.
président du conseil exécutif
critiques sur la gestion du prési­ blée de Corse, par la voix de Valé­ Traces durables dans l’entité territoriale. Il réfute Reste que cette « bataille du
de la Collectivité de Corse
dent de l’exécutif, l’autonomiste rie Bozzi (La Corse dans la Répu­ Sans se livrer à une contre­exper­ l’idée d’une « armée mexicaine », rail » corse laissera durablement
Gilles Simeoni (Femu a Corsica), blique), a renvoyé l’accusation de tise exhaustive du rapport, le pré­ cinq échelons hiérarchiques, pour des traces. Elle a ouvert une faille
accusé d’avoir tenté d’en dissimu­ « clientélisme » pointée dans le sident de l’exécutif a indiqué au encadrer les huit agents du service dans le récit de la majorité natio­
ler le contenu et ne pas en assu­ document de la CRC à une majo­ partage sur la Corse avant la con­ Monde que l’accusation de « clien­ ferroviaire de la collectivité. « Il naliste qui s’était installée à la tête
mer les conclusions. rité nationaliste qui a historique­ quête du pouvoir territorial télisme » était celle qui l’avait « par­ faut prendre l’organigramme de la de la collectivité en disant vouloir
Le chef de file d’Andà per du­ ment construit son discours po­ en décembre 2015. ticulièrement touché » compte collectivité dans sa globalité, expli­ en faire une « maison de cristal ».
mane, Jean­Charles Orsucci, l’a litique autour de cette même ac­ Pour sa défense, M. Simeoni a tenu de sa « trajectoire politique ». que­t­il. Soit le directeur général Dans cet épisode, la transparence
enjoint à « corriger le tir ». « Ce cusation à l’endroit des clans po­ évoqué la « mauvaise foi de l’audi­ « Il m’est reproché d’avoir concédé des services de la collectivité, qui n’a pas été sa vertu première. 
rapport vient de pointer avec du­ litiques qui régnaient sans trice de la CRC ». « Le président des des autorisations d’occupation gère 5 000 personnes, son adjoint, p. o. et p. rr
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MARDI 2 MARS 2021 france | 13

Cette nouvelle
génération
d’élues qui
veut changer
la gauche Johanna Rolland, maire PS de Nantes, en 2019. LOÏC VENANCE/AFP Elsa Faucillon, députée PCF, à l’Assemblée, en 2020. LUDOVIC MARIN/AFP

Plusieurs femmes font entendre


leur voix alors que le PS, EELV, LFI et
le PCF sont dirigés par des hommes

L’
égalité est toujours un cienne basketteuse a décidé d’oc­
combat, notamment à cuper davantage le terrain natio­
gauche. Dans cette fa­ nal pour porter sa vision de la so­
mille politique, jamais cial­écologie. Johanna Rolland a
avare de discours sur la parité, les ainsi été élue à la tête de France ur­
femmes semblent les grandes ab­ baine – l’association des maires
sentes des directions des organisa­ des grandes villes et communau­
tions. Olivier Faure pour le Parti tés urbaines –, à la barbe d’un autre
socialiste (PS), Julien Bayou pour socialiste, le maire de Dijon, Fran­
Europe Ecologie­Les Verts (EELV), çois Rebsamen. Elle vient aussi
Adrien Quatennens pour La d’accepter celui de porte­parole du
France insoumise (LFI), Fabien PS. « Johanna a su moderniser la
Roussel pour le Parti communiste politique en s’appuyant sur le Mathilde Panot, députée LFI, à Rouen en 2020. LOU BENOIST/AFP Sandra Regol, secrétaire nationale adjointe EELV, en 2020. J. SAGET/AFP
français (PCF), Guillaume Lacroix concret des situations vécues. Nous
pour le Parti radical de gauche avons besoin de son talent pour
(PRG)… la gauche n’a que des hom­ nourrir notre projet », assure Oli­ Lors de la présidentielle de 2017, tiers. Il n’empêche : c’est une figure cillon, 39 ans, est un cas à part. Fi­ très agréable, avec qui on peut bla­
mes à sa tête. vier Faure. Mme Panot s’occupe de la coordina­ incontournable d’EELV, prêchant gure de proue des minoritaires (le guer. C’est une bonne camarade, ré­
On a même le sentiment d’une Un temps, des rumeurs – dé­ tion des groupes d’action, la cel­ notamment la parole écologiste texte qu’elle a porté lors du sume Stéphane Peu, son collègue
régression quand on regarde les menties rapidement – ont couru lule de base militante des « insou­ sur les plateaux de télévision les congrès de 2018, « Pour un prin­ de Seine­Saint­Denis. On n’est pas
photos de la gauche au début des sur une tentation de rapproche­ mis ». Un travail de fourmi mais plus hostiles, comme pendant temps communiste », a recueilli toujours d’accord sur la hiérarchi­
années 2000 : autour de la table de ment avec La République en mar­ essentiel. Puis elle gagne aux légis­ longtemps sur CNews. Résultat : environ 12 % des voix), la députée sation des combats, mais elle n’est
négociation des accords électo­ che (LRM) après une invitation latives dans un bastion commu­ elle est devenue la cible récurrente des Hauts­de­Seine porte une li­ pas faux­cul. Elle exprime ses
raux entre les partis, la socialiste d’Emmanuel Macron en 2018. Un niste, la 10e du Val­de­Marne. de militants d’extrême droite sur gne d’unité à gauche, notamment convictions et a une culture du dé­
Martine Aubry, l’écologiste Cécile scénario qui fait sourire les pro­ « C’est une grosse travailleuse, elle a les réseaux sociaux qui lui adres­ par un rapprochement avec LFI et bat très forte. » La benjamine du
Duflot et la communiste Marie­ ches de Johanna Rolland. « C’est du fond, elle s’investit dans tous les sent menaces et messages hai­ parvient, peu à peu, à faire enten­ groupe communiste à l’Assemblée
George Buffet. Dix ans plus tard, la une élue fidèle à ses convictions sujets qu’elle prend », dit Mme Pra­ neux. C’est la rançon amère d’un dre sa voix, notamment dans les nationale n’est pas pour autant
parenthèse se serait refermée et mais qui a compris qu’il fallait utili­ dos. Une fois devenue députée, la certain succès politique. « Elle a ga­ médias. Elsa Faucillon fonctionne une débutante : elle a dirigé la fé­
les cadres femmes auraient dis­ ser des espaces plus larges que le PS jeune femme monte vite dans l’or­ gné en maturité, avance Julien en miroir avec son amie Clémen­ dération communiste des Hauts­
paru de la scène ? Pas si sûr. Sans pour porter ses idées », souligne ganigramme de son groupe jus­ Bayou. Elle sert de modèle et suscite tine Autain (les deux femmes co­ de­Seine et a été conseillère dépar­
bruit, elles sont au moins quatre – Mathieu Klein. « Johanna est une qu’à en devenir vice­présidente. des vocations. Lors de la législative dirigent la revue Regards) qui oc­ tementale. Un CV qui attire forcé­
Johanna Rolland au PS, Mathilde de celles qui a le moins tergiversé à Une fonction qui la place sur la partielle dans le Val­de­Marne en cupe plus ou moins une place ment l’attention dans une forma­
Panot à LFI, Sandra Regol à EELV et sortir des schémas imposés », note « short list » des successeurs éven­ septembre, elle a su reprendre équivalente chez les « insoumis ». tion politique en reflux et
Elsa Faucillon au PCF – à prendre Olivier Bianchi. tuels de M. Mélenchon même si ce vingt­cinq points entre les deux Elsa Faucillon bouscule aussi ses vieillissante. M. Peu en est per­
peu à peu la lumière jusqu’à deve­ La quadragénaire n’hésite pas à sujet reste tabou au sein de LFI. tours. » Même si cela n’a pas suffi camarades en montant souvent suadé : « Elle a beaucoup de choses
nir des rouages essentiels de leur renvoyer la vieille génération à Difficile d’accès pour les journa­ pour remporter la circonscription au créneau sur des sujets socié­ à dire et a de belles perspectives de­
formation respective. une nécessaire retraite politique. listes, très méfiante, elle est plus face à Isabelle Santiago (PS). taux, quand la tradition commu­ vant elle. » 
Comme lorsqu’elle est venue à Jar­ discrète que ses collègues Alexis Il ne faut pas toujours se fier à sa niste place la question sociale au­ abel mestre
Johanna Rolland, nac (Charente), début janvier, en Corbière, Adrien Quatennens ou bonne humeur, dont elle ne se dé­ dessus de tout. « C’est quelqu’un de et sylvia zappi
soutien à Olivier Faure après que Eric Coquerel qui occupent les pla­ partit jamais, ni à son abord sym­
l’héritière émancipée François Hollande avait, de nou­ teaux télé. Elle fait cependant par­ pathique. En interne, elle sait se
Son nom était jusqu’à il y a peu veau, dit tout le mal qu’il pensait tie de la jeune garde de Jean­Luc montrer ferme pour faire respec­
associé au Grand­Ouest. Johanna des choix stratégiques du PS. Aux Mélenchon, lui qui a toujours ter la ligne du parti, comme lors
Rolland est longtemps restée dans yeux de la maire de Nantes, la ligne fonctionné en mettant en avant des municipales de 2020 à Mont­
sa mairie de Nantes, d’abord « unitaire » tracée par Olivier Faure des jeunes espoirs. Mais Mme Pa­ pellier lorsqu’il a fallu désinvestir
comme adjointe de l’ancien pre­ en vue de la préparation de la pré­ not sait aussi faire parler d’elle par Clothilde Ollier, candidate qui
mier ministre Jean­Marc Ayrault, sidentielle de 2022 est la seule qui de nombreuses interventions avait pourtant remporté une pri­
puis comme maire depuis 2014 permettra une plate­forme pro­ dans l’Hémicycle. « Elle a un verbe maire locale.
alors qu’elle n’avait pas 35 ans. grammatique et une candidature direct, une plume précise, elle dit les Sandra Regol est aussi clivante :
L’étiquette d’« héritière » de l’ex­ commune à gauche. L’élue veut choses », insiste M. Bompard. elle ne cache pas un jugement UNE VIE, UNE ŒUVRE
chef du premier gouvernement « poser les sujets de fond en propo­ Elle est aussi régulièrement la ci­ (très) sévère sur les formations
du quinquennat de François Hol­ sant un chemin » : celui d’un projet ble d’attaques des députés de la partenaires. « A gauche, la seule
ÉDITION
2021
lande, choisie pour perpétuer une « conjoint » avec les écologistes majorité : dernièrement, le député chose qu’on comprend, c’est le rap­
politique sociale­démocrate bon mais pas forcément derrière eux. LRM de Vendée Pierre Henriet l’a port de force. Nous ne sommes pas
teint, lui a d’abord collé à la peau. Johanna Rolland est en effet deve­ qualifiée de « poissonnière » quand hégémoniques, mais si on nous
Mais très vite, la quadragénaire a nue l’un des soutiens d’Anne Hi­ elle intervenait à la tribune (il a été, mord, on répond. On est gentil,
tracé son chemin, assumant un vi­ dalgo dans la course engagée à pour cela, sanctionné par l’Assem­ mais pas stupide », peut­elle ainsi
rage écologiste tardif sous l’impul­ gauche pour 2022. blée nationale). Pour les « insou­ asséner en direction de ses « cama­
sion – et la pression – de ses alliés mis », cette agressivité s’explique rades ». Elle est également proche
locaux d’EELV. L’élue a compris Mathilde Panot, par le travail de Mme Panot : « Elle ne du combat du nouvel antiracisme
qu’il fallait que la nouvelle généra­ mâche pas ses mots, elle n’a pas politique, incarné notamment par
tion d’édiles socialistes invente un la bonne élève de LFI peur et elle a du succès sur les ré­ le comité La Vérité pour Adama,
modèle différent de gestion des « C’est l’une de nos millionnaires, seaux sociaux. » Soit le portrait­ro­ formé à la suite de la mort en 2016
territoires alliant transition écolo­ on est tous très admiratifs. » N’allez bot de la parfaite élue LFI. d’Adama Traoré, après son inter­
gique et lutte contre les inégalités pas croire que l’eurodéputé Ma­ pellation par la police. Ce qui ne
sociales. Comme la « bande des nuel Bompard envie une gagnante Sandra Regol, fait pas l’unanimité à gauche, no­
quadras » qu’elle anime – avec Oli­ à l’EuroMillions. Il parle de Ma­ tamment chez certains socialistes.
vier Bianchi (maire de Clermont­ thilde Panot, députée du Val­de­ la Verte qui a mûri
Ferrand), Mathieu Klein (maire de Marne, et de son succès sur les ré­ A Europe Ecologie­Les Verts, « il Marguerite Duras
Nancy), Nathalie Appéré (maire de seaux sociaux où ses vidéos dé­ n’y a pas de numéro deux ». C’est en
Elsa Faucillon, La voix et la passion
Rennes) et Carole Delgas (prési­ passent régulièrement le million tout cas ce qu’assurent les écolo­ l’outsider communiste « Oui, elle nous manque », par Laure Adler
dente de la région Occitanie) –, elle de vues. Une médaille qui compte gistes qui s’agacent de l’omnipré­ C’est un peu un paradoxe com­
a soutenu l’élection d’Olivier Faure à La France insoumise où le dis­ sence de Sandra Regol. A 42 ans, la muniste. Le PCF a été l’une des tou­
en 2008 à la tête du PS mais sans cours politique se diffuse notam­ secrétaire nationale adjointe du tes premières formations de la
jamais mettre un pied dans les ins­ ment sur les nouveaux espaces parti écolo est devenue presque gauche à mettre une femme à sa
tances nationales. numériques. A 32 ans, Mathilde l’alter ego de Julien Bayou, le pa­ tête : Marie­George Buffet fut se­
Depuis sa réélection à la tête de la
Cité des ducs de Bretagne, l’an­
Panot est un talent précoce. Elle ac­
compagne Jean­Luc Mélenchon
tron des Verts. Ces deux­là sont
amis de longue date et, venant du
crétaire nationale entre 2001 et
2010. Pourtant, aujourd’hui, les MARGUERITE DURAS
depuis près d’une décennie. « On
l’a vue arriver au moment de la
monde associatif, ont un parcours
parallèle au sein de l’écologie poli­
nouvelles pousses du « parti » sont
très souvent masculines et pari­ LA VOIX ET LA PASSION
campagne des européennes de tique. C’est ainsi un binôme qui di­ siennes, comme Ian Brossat, Igor
Johanna Rolland 2014, c’est François Delapierre qui rige désormais la formation en Zamichiei ou Nicolas Bonnet Un hors-série du « Monde »
est l’un des l’avait repérée, raconte Juliette Pra­ pleine dynamique électorale de­ Oulaldj, même si des exceptions
dos, responsable des relations puis les européennes de 2019. existent, comme Cécile Cukier­ 124 pages - 8,90 €
soutiens d’Anne presse de LFI. Puis, elle a participé Sandra Regol n’a pas fait partie man, jeune sénatrice de la Loire, Chez votre marchand de journaux
Hidalgo dans la au M6R [éphémère Mouvement des nouvelles maires écologistes porte­parole du PCF et qui doit et sur lemonde.fr/boutique
pour la VIe République qui a pré­ de la fournée de 2020, comme conduire une liste d’union avec LFI
course à gauche cédé le lancement de LFI]. Depuis, Jeanne Barseghian à Strasbourg aux élections régionales en Auver­
pour 2022 elle a toujours été dans le coin. » ou Léonore Moncond’huy à Poi­ gne­Rhône­Alpes. Mais Elsa Fau­
ÉCONOMIE & ENTREPRISE
0123
14 | MARDI 2 MARS 2021

A Roissy, près de 30 000 emplois en danger
L’aéroport, qui tourne toujours au ralenti, pourrait perdre un tiers de ses postes directs et indirects d’ici à 2022

P
our la trouver, il faut
s’aventurer au fond du
« PR », le parking longue
durée de l’aéroport
Roissy­Charles­de­Gaulle. C’est là,
coincée entre des travaux de ter­
rassement et les portiques d’en­
trée du parking, que se niche la
Moszar, la maison des organisa­
tions syndicales de la zone aéro­
portuaire de Roissy (Val­d’Oise).
Un bâtiment provisoire, façon Al­
geco, où deux syndicats, la CGT et
SUD­Aérien, avaient appelé les sa­
lariés de Gibag­SGH, un des multi­
ples sous­traitants de l’aéroport, à
se réunir jeudi 25 février. A la Mos­
zar, ce jeudi, ils ne sont qu’une de­
mi­douzaine à avoir répondu à
l’appel. Après une année de chô­
mage partiel « il est difficile d’orga­
niser les salariés », se désolent, en
chœur, Abdelhafid Dif (CGT) et
Imad Dachroune (SUD­Aérien).
De fait, beaucoup n’ont plus
donné signe de vie depuis des
mois. Pourtant, l’heure est grave.
A Roissy, Gibag­SGH, filiale du
groupe 3S spécialisé dans l’assis­
tance aéroportuaire et la sûreté,
veut supprimer 10 % ses effectifs,
soit 18 salariés sur 178. Quelques
semaines avant Gibag­SGH, c’est
Flybus, une filiale du groupe
Transdev, spécialisée dans le
transport des passagers de l’aéro­
gare à l’avion, qui a sorti la fau­
cheuse avec l’objectif de suppri­
mer 34 postes sur 96, soit un tiers
des effectifs, déplore Zaïnil Niza­
raly, secrétaire général de la Fédé­
ration de l’équipement, de l’envi­
ronnement, des transports et des
services (FEETS­FO). Dans l’un des terminaux de l’aéroport Roissy­Charles­de­Gaulle (Val­d’Oise), le 5 février. GONZALO FUENTES/REUTERS

Sombre prédiction
Gibag­SGH, Flybus, ne sont que phe pour la plate­forme de Rois­ qui travaillent sur la zone aéro­ lontaires de 80 salariés sur un ef­ Les licenciements au terminal 2 a eu des conséquen­
l’avant­garde de ce que Nordine sy­Charles­de­Gaulle qui, selon portuaire devraient perdre leur fectif de 450, ou encore, WFS, dont ces directes sur la sous­traitance :
Kebbache, délégué CGT et chauf­ les derniers chiffres de fin 2019, emploi dès le premier semestre les 220 bagagistes devraient per­
annoncés pratiquement « toutes les entrepri­
feur routier pour Transdev sur la emploie plus de 94 000 salariés de 2021. A l’examen, indique dre leur emploi après la mise en li­ devraient encore ses du terminal 1 ont lancé des
plate­forme de Roissy annonce directs et indirects. Et encore, se­ M. Deman, ce sont « 7 % à 8 % des quidation judiciaire de la société. PSE », déplore le syndicaliste CGT.
comme une hécatombe pour lon les syndicats, ces chiffres « se­ effectifs qui auront été perdus entre Les syndicats redoutent que
accroître Les milliers de licenciements an­
l’emploi qui devrait décimer les raient largement en deçà de la réa­ le début du confinement en l’adage qui veut qu’« un emploi les difficultés noncés devraient accroître les dif­
multiples sous­traitants de l’aéro­ lité, car ils ne prennent pas en mars 2020 et la fin juin 2021 ». supprimé chez Air France entraîne ficultés des communes et des dé­
port. Une myriade de sociétés compte le sort des 20 000 à 30 000 Au contraire des grands plans so­ deux à trois suppressions de postes
économiques des partements riverains de l’aéro­
évaluée à 700 ou 800, actives dans intérimaires employés à Roissy ». ciaux, comme ceux d’Air France dans la sous­traitance » se vérifie communes et des port. Une des missions que s’était
la manutention des bagages, la Surtout, l’écho de la crise se fait avec près de 7 600 suppressions de une fois de plus. Notamment fixé Paris CDG Alliance était de
sûreté, l’assistance aéroportuaire, ressentir dans tous les secteurs postes ou encore de Groupe ADP parce que, comme le signale Nor­
départements « permettre aux habitants de béné­
le nettoyage des avions. Une d’activités. Avec des aéroports au (anciennement Aéroports de Pa­ dine Kebbache, « les deux gros riverains ficier des emplois de ce territoire ».
sombre prédiction confirmée par ralenti, les loueurs de voitures et ris), qui veut en faire partir 1 500, donneurs d’ordre à Roissy sont Air Abdelhafid Dif et Imad Dachroune
Marc Deman, directeur adjoint les hôtels mettent également en c’est une multiplicité de PSE qui va France et ADP et la majorité des ne disent pas autre chose : « Plus
de Paris CDG Alliance, un groupe­ place des plans de sauvegarde de s’additionner ces prochains mois. sous­traitants travaillent pour Khouira, membre du bureau na­ que des salariés issus de l’immigra­
ment d’intérêt public qui rassem­ l’emploi, précise le responsable. eux ». « Moi je travaille pour Trans­ tional de SUD­Aérien. Ce baga­ tion de deuxième ou troisième gé­
ble des acteurs publics et privés du Avec la survenue de la pandé­ « On ne fait que du Air France » dev mais, à Roissy, je conduis des giste, filiale d’un groupe améri­ nération, nous sommes des habi­
territoire de Paris­CDG et ses envi­ mie, l’activité économique liée à A chaque fois, ce sont des dizaines camions pour Air France. On ne fait cain, refuserait le dispositif d’acti­ tants des banlieues de l’aéroport. »
rons, tels Groupe ADP, Air France, l’aéroport du Nord­Est parisien ou plus rarement des centaines que du Air France », indique­t­il. vité partielle de longue durée Face aux coupes claires, M. Deman
la région IIe­de­France, ou encore s’est complètement retournée. de salariés qui sont poussés vers Selon les organisations syndica­ (APLD) au profit d’une liquidation invite les sous­traitants à la modé­
les départements riverains de l’aé­ En 2019, Paris Alliance CDG avait la sortie. Outre Gibag­SGH ou Fly­ les, « avec la crise, Air France a pris judiciaire. Le moyen pour la direc­ ration : « L’enjeu, si demain l’activité
roport, la Seine­et­Marne, la Sei­ recensé plus de 15 000 recrute­ bus, la CGT, Sud­Aérien ou encore la décision de renégocier tous ses tion de créer une nouvelle société repart, est de ne pas trop réduire les
ne­Saint­Denis ou le Val­d’Oise. ments. Deux ans plus tard, c’est FO pointent du doigt la société contrats avec la sous­traitance ». en réembauchant « à des salaires compétences car un aéroport exige
M. Deman prévoit « de 20 000 à l’inverse. Selon les enquêtes du H. Reinier, spécialisée dans le A la baisse. Pour garder ou récu­ plus bas ». La décision du Groupe des savoir­faire spécifiques. » Pas
30 000 suppressions de postes groupement d’intérêt public, transfert de bagages en transit, pérer les contrats, des sociétés ADP de fermer les terminaux 1 et 3 sûr qu’il soit entendu. 
d’ici à la mi­2022 ». Une catastro­ 7 000 salariés des sous­traitants qui prépare un plan de départs vo­ s’adaptent. Tel CBS, indique Tayeb pour concentrer le peu d’activité guy dutheil

Les aides aux voyagistes jugées peu lisibles et incomplètes


Les mesures mises en place par le gouvernement « coûtent cher et n’atteignent pas leur but », estiment les acteurs de ce secteur

P our les acteurs du voyage


organisé, 2021 a com­
mencé comme 2020 : une
série de claques et des coups de fil
tous azimuts – aux comptables,
verture des frontières ne serait pas
crédible. Mais on ne peut pas cu­
muler la non­lisibilité sur l’activité
et la non­lisibilité sur les coûts. »
Après un redémarrage des voya­
ges internationaux à l’occasion des
fêtes de fin d’année, le gouverne­
ment a décidé, en janvier, la quasi­
fermeture des frontières extérieu­
geurs du Monde. C’est au niveau
des agences de voyages, qui distri­
buent des prestations fournies
par d’autres, que le bât blesse. Pour
elles, le chiffre d’affaires corres­
Mas, par exemple, perd de 25 000 à
35 000 euros par mois, en ayant vu
son activité fondre de plus de 80 %.
Au­delà de la crise, l’Etat pourrait
à nouveau être appelé à la res­
qui disposaient de fonds propres. »
Au­delà des banques et de l’Etat,
les voyagistes réclament égale­
ment l’argent des compagnies aé­
riennes, accusées pour certaines
aux clients, aux compagnies aé­ Quasi-fermeture des frontières res à l’Union européenne. Il a alors pond aux commissions encais­ cousse par le secteur du voyage au de traîner à rembourser des voya­
riennes, aux hôtels… Ceux de Le spécialiste du voyage sur me­ progressivement élargi le panel sées, soit 10 % de la vente dans le moment du remboursement des ges non honorés, près d’un an
Jean­François Rial sont réservés sure estime notamment que la d’aides à destination du secteur. A tourisme, et 5 % environ dans la avoirs émis au printemps 2020, après le début de la crise.
aux cabinets ministériels. Le PDG prorogation d’un mois sur l’autre l’indemnisation du chômage par­ billetterie de voyage d’affaires. lorsque les séjours ont tous été an­ Si Air France a remboursé les
de Voyageurs du Monde tente de de la couverture à 100 % du tiel et au fonds de solidarité dans la nulés. Ces avoirs devront être rem­ tour­opérateurs, respectant ainsi
convaincre Bercy que les disposi­ chômage partiel se révèle contre­ limite de 200 000 euros s’est Des avoirs à rembourser boursés, si les clients le souhai­ la réglementation européenne, ce
tifs d’aide, pourtant abondants, productive. « On a appris le 22 fé­ ajouté le remboursement des « Même une grosse agence ne peut tent, dix­huit mois après leur n’est pas le cas d’autres compa­
sont parfois mal calibrés et mal vrier que l’on aurait 100 % d’in­ charges fixes pour les entreprises atteindre le plancher de 1 million émission, soit à partir de septem­ gnies, y compris continentales ou
communiqués. « Le gouverne­ demnisation en mars. C’est trop dont le chiffre d’affaires mensuel d’euros », résume Jean­Pierre Mas, bre 2021. Or, il est peu probable que américaines. « Faire peser la crise
ment aide énormément les voya­ tard. L’incertitude génère la peur, dépasse 1 million d’euros. Le gou­ président de l’organisation patro­ tous les voyagistes français soient de liquidités du secteur du voyage
gistes, mais comme les mesures et donc des licenciements. Il y en a vernement indemnise à hauteur nale Les Entreprises du Voyage en mesure de le faire. Certains sur les consommateurs est grave,
sont floues, annoncées trop tard, eu presque partout, hormis chez de 70 % des charges fixes les entre­ (EDV). Un millier d’agences sont sont en mauvaise santé finan­ tant du point de vue de la concur­
voire rabotées, il n’empêche pas nous et NG Travel. Si les frontières prises de plus de 50 salariés, et de concernées, selon les calculs des cière, et les banques ont cessé de rence que de la protection des
les licenciements, s’inquiète le très ne rouvrent pas avant au moins 90 % les entreprises d’une taille EDV, en discussions avec le cabinet leur accorder des prêts garantis consommateurs, estime Pawel
médiatique patron, dont l’activité le mois de mai, il faudrait que l’on inférieure. Le plafond d’indemni­ d’Alain Griset, ministre délégué par l’Etat. « Depuis septembre Niewiadomski, président de l’As­
a chuté de 95 %. Cela coûte cher au soit certains de nos coûts jusqu’à sation a été relevé à 10 millions chargé des petites et moyennes [2020], les banques ont décidé de ne sociation européenne des agents
gouvernement, et il n’atteint pas fin juin. Quitte à conditionner d’euros sur l’ensemble de 2021. entreprises. Malgré le chômage plus prêter au secteur du voyage, de voyages et des tour­opéra­
le but recherché. C’est la double cette aide à un niveau de baisse de De quoi protéger les plus grands partiel et le fonds de solidarité, la s’indigne M. Rial. Même aux entre­ teurs. Cela doit cesser. » 
peine. Demander une date de réou­ notre activité. » tour­opérateurs, comme Voya­ société de billetterie de Jean­Pierre prises rentables avant le Covid­19, clément guillou
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MARDI 2 MARS 2021 économie & entreprise | 15

La France Le projet Team


France Invest
doit attirer vers
attire encore des territoires
moins connus
que la région
les investisseurs parisienne
ou les grandes

étrangers métropoles

le baromètre de l’attractivité
Malgré la crise liée à la pandémie, mené par l’institut Kantar pour le
compte de Business France.
le pays a accueilli 1 215 projets La mise en application du Brexit
constitue un enjeu supplémen­
d’investissements en 2020, taire, puisque les entreprises qui
envisagent de revoir leur stratégie
en limitant la baisse à 17 % sur un an d’implantation au Royaume­Uni
déclarent que la destination de re­
port en Europe serait l’Allemagne
(49 %), suivie par la France (44 %),
selon ce baromètre. Dans cet ob­

A
près la « remontada » cours du premier semestre 2020, jectif, les ministres Franck Riester,
opérée ces dernières et, sur l’ensemble de l’année, les Agnès Pannier­Runacher (indus­
années, le Covid­19 al­ flux mondiaux d’investissements trie) et Jacqueline Gourault (terri­
lait­il avoir raison de ont chuté de 40 % environ. toires) ont donc lancé vendredi
l’appétence des investisseurs Autre motif de satisfaction, ces 26 février le projet Team France
américains, allemands ou britan­ investissements directs ont per­ Invest. Un projet qui doit accom­
niques pour la France ? Position­ mis de maintenir ou de créer pagner les investisseurs vers des
née sur la troisième marche du 35 000 emplois en France, soit territoires moins connus que la
podium en Europe pour les inves­ « notre deuxième meilleur bilan région parisienne ou les grandes
tissements étrangers en 2017, la des dix dernières années », se féli­ métropoles régionales.
France s’était hissée à la cite Franck Riester, ministre délé­ La relative surchauffe en termes
deuxième place en 2018 et à la gué auprès du ministre de l’Eu­ che, les projets liés aux déplace­ Business France veut voir dans des impôts de production, de de prix, de densité ou de difficul­
première en 2019. « Nous étions rope et des affaires étrangères, ments − notamment à l’aéronau­ cet intérêt non démenti des ac­ 20 milliards d’euros sur la période tés de déplacement dans ces ter­
très soucieux de voir comment chargé du commerce extérieur et tique −, et au tourisme mais aussi teurs européens pour le marché 2020­2022 ». Plus largement, ré­ ritoires urbanisés pourrait en­
cette dynamique allait se compor­ de l’attractivité. le secteur des logiciels et presta­ français un « sentiment de solida­ sume M. Lecourtier, « la France a courager les investisseurs à se
ter dans la crise », confie Christo­ tions informatiques. Seuls 8 % rité » entre les pays de l’Union, sur montré depuis quelques années tourner vers des régions moins
phe Lecourtier, directeur général Energies renouvelables des projets sont uniquement fi­ fond de crise économique, mais qu’elle était capable d’améliorer denses, où il existe encore beau­
de Business France, l’organisme Pour un quart d’entre eux, ces nanciers (fusions et acquisitions aussi un « effet d’aspiration » du ses points noirs : nous avons as­ coup de réserves de foncier dis­
chargé de l’attractivité internatio­ 1 215 projets concernent l’implan­ ou prises de participation) et 2 % plan de relance européen de soupli le code du travail, allégé la ponible, à proximité malgré tout
nale du pays. La réponse est plu­ tation ou le développement de si­ concernent des investissements 750 milliards d’euros. La France fiscalité sur les entreprises et fai­ de bassins d’emplois dynami­
tôt rassurante. tes de production. Les activités de immobiliers. bénéficie dans ce contexte de sa sons des efforts pour fluidifier le ques. La volonté de « vendre » aux
L’agence gouvernementale a re­ recherche et développement re­ Comme les années précédentes, situation géographique, centrale millefeuille administratif pour les investisseurs ce « troisième cer­
censé, en 2020, 1 215 projets d’in­ présentent 12 % du total des pro­ les investisseurs viennent d’abord au sein du marché unique, de sa investisseurs ». cle » de territoires, toutefois, né­
vestissements dans l’Hexagone, jets, un niveau proche des servi­ des Etats­Unis, qui génèrent 17 % démographie plus dynamique cessite un accompagnement ren­
un chiffre certes en baisse de 17 % ces aux entreprises (13 %). La logis­ des projets, les Allemands faisant qu’ailleurs, garante d’un marché Vendre les « territoires » forcé. Ce sera le rôle de Team
par rapport à l’année précédente, tique, portée par l’essor du com­ presque jeu égal avec les Améri­ intérieur actif, ainsi que de ses in­ Reste à poursuivre, voire renfor­ France Invest. Concrètement, il
mais meilleur que ce que le con­ merce en ligne, se porte bien (6 % cains (16,5 %). Le Royaume­Uni ar­ frastructures et du bon niveau de cer cette dynamique dans les an­ s’agira de créer pour les investis­
texte mondial pouvait laisser re­ des projets). rive en troisième position, avec formation de la population. nées qui viennent. Malgré la crise, seurs en quête d’un terrain d’at­
douter. Selon la Conférence des Sur le plan sectoriel, la santé et 10 % des projets. L’Europe fournit Cette dynamique des investisse­ 65 % des cadres dirigeants à terrissage une « data room » vir­
Nations unies sur le commerce et les biotechnologies sont en plein toujours près de deux tiers des in­ ments démontre que « nos réfor­ l’étranger déclarent que les entre­ tuelle − qui réunira tous les ac­
le développement (Cnuced), les in­ essor (+ 40 %), de même que les vestissements dans l’Hexagone, mes ont su convaincre », assure le prises de leur pays ont tendance à teurs capables d’informer et
vestissements directs étrangers activités autour des énergies re­ avec une montée remarquée des ministre Franck Riester, qui cite accélérer ou à maintenir leurs in­ d’aider le porteur de projet. 
(IDE) ont chuté de moitié (49 %) au nouvelables. En baisse, en revan­ Pays­Bas ou de l’Irlande. en particulier « la baisse inédite vestissements en Europe, indique béatrice madeline

Discrimination à l’embauche : Adecco Danone prêt à céder


renvoyé en correctionnelle après vingt ans ses parts dans le groupe
500 intérimaires auraient été victimes de « fichage à caractère racial » entre 1997 et 2001
chinois Mengniu
Emmanuel Faber, le PDG de Danone en sursis,
souhaite donner des gages aux actionnaires
L a cour d’appel de Paris a dé­
cidé, jeudi 25 février, de ren­
voyer le groupe d’intérim
« Aucune
des entreprises
Les accusations sont étayées
par les témoignages des anciens
salariés d’Adecco, le fichier des in­
teur unique du client Disneyland
Paris en 1997. Malgré le non­lieu
requis par le parquet général à
Adecco et deux anciens direc­
teurs de l’agence de Paris­Mont­
parnasse devant le tribunal cor­
rectionnel, où ils devront répon­
dre dans un jugement public du
donneuses
d’ordre ne sera
jugée », regrette
térimaires PR4 saisi par huissier
de justice, le rapport de l’inspec­
tion du travail et « les aveux enre­
gistrés en caméra cachée de la di­
rection d’Adecco, affirme M. Tho­
l’automne 2020, Adecco et les
deux anciens directeurs viennent
finalement d’être renvoyés en
correctionnelle par décision de la
cour d’appel de Paris.
T out le monde se souvient
de la photo d’Antoine Ri­
boud, fondateur de Da­
none, prise par son frère Marc
dans les années 1980, faisant goû­
Sans attendre, le groupe s’em­
presse d’ajouter dans son commu­
niqué « que les produits attendus
de l’opération, une fois achevée, se­
ront retournés dans leur majorité
délit de discrimination à l’embau­ Samuel Thomas, mas. Le premier commandant de Quant aux commanditaires, ils ter un yaourt à une enfant chi­ aux actionnaires, au travers d’un
che et de fichage « en raison de police chargé de l’enquête avait sont épargnés : « Malheureuse­ noise sur la Grande Muraille. Le programme de rachat d’actions ».
l’origine, de la nationalité ou de
à l’origine par ailleurs obtenu dès le début de ment, comme pour le procès que début d’une longue saga pour l’en­
l’ethnie » de 500 intérimaires en­ de la plainte l’instruction tous les aveux des sa­ j’avais obtenu contre Adecco treprise française dans l’ex­empire Sous la pression de fonds
tre 1997 et 2001. lariés d’Adecco chargés de ficher Bruxelles en 2015, pour usage du du Milieu. L’actuel PDG du groupe Le numéro un mondial du yaourt
La Maison des potes et SOS­Ra­ les “PR4” et de répercuter les or­ code discriminatoire “BBB” [Blanc d’agroalimentaire, Emmanuel Fa­ souligne que cette cession s’ins­
cisme se sont félicités de cette dres des clients qui ne voulaient bleu belge], aucune des entrepri­ ber, s’apprête à en clore un chapi­ crit dans la revue de portefeuille
« victoire » obtenue après vingt alertée par un ancien salarié que des “BBR” », ajoute­t­il. ses donneuses d’ordre de discrimi­ tre. Il a annoncé, dimanche 28 fé­ d’activités, annoncée par M. Faber
ans de bataille judiciaire achar­ d’une agence Adecco de Mont­ nation ne sera jugée », regrette Sa­ vrier, son intention de céder sa en octobre 2020. A cette occasion,
née. « L’enjeu désormais est de parnasse, à Paris, faisant état Commanditaires épargnés muel Thomas. La peine inscrite participation dans la société chi­ il avait évoqué la décision de se sé­
permettre aux 500 victimes de d’un système de discrimination Durant la procédure, Adecco s’est au code pénal pour le fichage de noise Mengniu, avec laquelle Da­ parer de sa filiale en Argentine et
pouvoir se constituer partie civile, qui, selon lui, écartait les candi­ défendu en expliquant que le données personnelles faisant ap­ none avait fait cause commune de sa marque Vega. Mais la vente
explique Samuel Thomas, à l’ori­ dats noirs de certaines missions code « PR4 » désignait en fait les paraître directement ou indirec­ pour produire et vendre des pro­ des parts de Mengniu a été dévoi­
gine de la plainte déposée de chef de rang ou commis de personnes « [ne] sachant pas ou tement des origines raciales ou duits laitiers frais, en 2013. lée à la veille d’un conseil d’admi­
en 2001 contre le géant suisse du salle dans les restaurants. peu lire, et/ou compter et/ou ren­ ethniques est de cinq ans d’em­ L’alliance avait alors été présen­ nistration, lundi 1er mars, qui de­
travail temporaire. Il est essentiel SOS­Racisme dénonce alors la contrant des difficultés d’adapta­ prisonnement plus une amende tée comme stratégique et signe de vait s’annoncer très tendu et dont
pour nous d’avoir obtenu un pro­ mise en place d’un système orga­ tion au poste ». L’avocat du de 300 000 euros. la volonté du groupe de se réatta­ l’ordre du jour était sur la gouver­
cès public pour que toutes les vic­ nisé avec fichage « racial » (arti­ groupe de travail temporaire, L’affaire n’est pas définitive­ quer au marché chinois du yaourt. nance du groupe.
times de discrimination soient cle 226­19 du Code pénal) fondé Me François Vaccaro a précisé à ment bouclée : joint par l’AFP, Pour s’en désengager, Danone en­ Le PDG de Danone est, depuis
encouragées à engager des pour­ sur les codes « BBR » (bleu blanc l’Agence France Presse que « des Adecco a déclaré n’avoir « aucun visage de procéder en deux étapes. plusieurs semaines, sous la pres­
suites judiciaires contre les discri­ rouge) et « PR4 » (pour les person­ personnes manifestement euro­ commentaire à faire sur la procé­ Il va d’abord convertir sa participa­ sion d’actionnaires, comme le
minations dont elles sont victi­ nes de couleur), refusant à ces péennes de couleur blanche se dure en cours » et « examiner tion dans la filiale commune déte­ fonds activiste britannique Blue­
mes », a souligné le président de travailleurs l’accès à certains pos­ [sont vu] attribuer ce critère », l’éventualité d’un recours » de­ nue avec Mengniu dans les pro­ bell Capital Partners et l’investis­
la Maison des potes et ancien vi­ tes, en réponse à la demande qualifiant l’accusation de discri­ vant la Cour de cassation. Quelle duits laitiers frais en une participa­ seur américain Artisan Partners.
ce­président de SOS­Racisme. d’entreprises clientes. L’agence mination de « parfaitement cho­ qu’en soit l’issue, « Vingt années tion directe au capital du groupe Tous deux réclament une disso­
de Montparnasse concernée tra­ quante et contraire à la réalité ». après, combien de victimes la chinois, puis céder l’ensemble de ciation des rôles de président et de
Un système organisé vaillait notamment avec le mi­ Après dix­sept ans d’instruc­ Maison des potes va­t­elle réussir ses parts, soit 9,8 %. Un accord a directeur général et le départ de
L’affaire remonte à loin, en effet. nistère des affaires étrangères, tion, la cour d’appel de Paris a an­ à joindre pour les informer qu’el­ été conclu en ce sens avec Cofco, M. Faber. Dans ce contexte, l’an­
A la suite d’une plainte déposée Eurodisney et la Société des wa­ noncé en juin 2018 la mise en exa­ les peuvent rejoindre le combat principal actionnaire de Mengniu nonce d’un programme de rachat
en février 2001 par Samuel Tho­ gons­lits. 500 candidats auraient men du géant de l’intérim et de dans sa phase finale et obtenir, es­ et bras armé de l’Etat chinois dans d’actions après la cession des parts
mas au nom de SOS­Racisme, ainsi été victimes de discrimina­ deux anciens directeurs de pérons­le, gain de cause ? », s’in­ le secteur agroalimentaire. dans Mengniu sonne bien comme
une information judiciaire est tion dans le secteur de l’hôtelle­ l’agence incriminée : Mathieu terroge Samuel Thomas. La ques­ Danone estime que la cession une volonté de M. Faber de donner
ouverte en mars. L’association de rie­restauration en Ile­de­France Charbon et Olivier Poulin. Ce der­ tion reste ouverte.  pourrait intervenir courant 2021 et des gages aux actionnaires. 
lutte contre le racisme avait été entre 1997 et 2001. nier était notamment l’interlocu­ anne rodier lui rapporter 850 millions d’euros. laurence girard
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18 | économie & entreprise MARDI 2 MARS 2021

Etat-banques, la complicité retrouvée


Si, depuis le début de la crise sanitaire, les banques ont deux américaines. L’affaire paraît technique,
mais très concrètement « les acteurs de la
un engagement des banques d’appliquer un
plafond. « Les banques sur lesquelles on tape
permis d’éviter la catastrophe en distribuant les crédits banque d’investissement ont un rôle essentiel
sur la vie des affaires, des capacités à orienter
tout le temps, et de manière un peu démago­
gique et facile (…), c’est 360 000 emplois, c’est
fournis par l’Etat, elles font face à une chute de leur la restructuration du secteur productif, à
pousser tel ou tel type d’alliance, donc c’est un
considérable et je suis attaché à ce modèle »,
s’est expliqué Bruno Le Maire dans l’émis­
rentabilité – faiblesse des taux, irruption des Big Tech, élément très important d’influence économi­ sion « Cash Investigation », diffusée le 4 fé­
que », décrypte François Villeroy de Galhau. vrier sur France 2. Puis : « Ma responsabilité
perte de compétitivité. Alors, en retour, elles demandent La banque de proximité ne s’en sort pas de ministre des finances, c’est de faire atten­
beaucoup mieux. La dématérialisation à vi­ tion à ce que nos banques restent rentables. »
l’allégement d’une réglementation qui les « étrangle » tesse accélérée de l’économie a signé la mort Or, justement, les banques françaises,
de la banque de dépôts. Les Français ne se comme leurs concurrentes européennes, ont
rendent plus qu’occasionnellement dans vu leur rentabilité chuter depuis la crise fi­
leurs agences bancaires, qui ferment chaque nancière de 2008. Et s’effondrer dans la crise
DOSSIER du secteur financier. « Il faut avoir en tête que
la loi de finance rectificative créant les PGE
année par dizaines. Or, dans la course à l’in­
novation numérique, la lourdeur des masto­
actuelle, sous le coup des énormes provi­
sions passées pour les prêts souscrits par des
date de mi­mars 2020 et que le premier PGE a dontes bancaires et leur informatique en par­ clients qui ne pourront pas les rembourser. Il

C
e mardi 1er décembre 2020, le été accordé le 24 mars, poursuit­il. Cette capa­ tie obsolète ne sont pas des atouts. Les néo­ s’agit désormais d’un des premiers sujets de
ministre de l’économie, Bruno cité à mobiliser un secteur est exceptionnelle. » banques, aux services simples et bon marché, préoccupation du superviseur européen des
Le Maire, se rend sur le plateau « Dans la crise de 2008, les banques étaient perdent de l’argent, mais elles gagnent des banques, logé au sein de la BCE. « Les actifs
de LCI pour régler quelques du côté des problèmes, cette fois elles sont du parts de marché. « Le modèle des réseaux des banques ont une rentabilité trois fois plus
comptes avec les assureurs, côté des solutions », renchérit François Ville­ bancaires n’est en rien condamné, note le faible en Europe qu’aux Etats­Unis », se désole
accusés de ne pas prendre leur roy de Galhau, le gouverneur de la Banque de LA CRISE SANITAIRE  gouverneur de la Banque de France, mais c’est Emmanuel Moulin. Les banques américaines
part dans la crise sanitaire. En revanche, il France et président de l’Autorité de contrôle une reconversion. » Qui se traduit partout en « peuvent s’appuyer sur un marché domesti­
« constate qu’avec les banquiers, nous avons prudentiel et de résolution (ACPR), le « gen­ EST L’OCCASION  Europe par des dizaines de milliers de sup­ que très large, profond et bien margé, alors
trouvé des accords sur tous les sujets », et cite darme » des banques. Comme l’a montré la pressions d’emplois. « Faire de la banque n’a que nous sommes encore loin de l’objectif de
l’exemple du report du remboursement des distribution de plus de 130 milliards d’euros POUR LES BANQUES,  jamais été aussi compliqué, constate Olivier l’Union bancaire en termes de circulation du
prêts garantis par l’Etat (PGE). « C’est rare de PGE à plus de 650 000 petites entreprises Klein, directeur général de la BRED, même si capital et de la liquidité », explique­t­il, ajou­
qu’un ministre des finances rende hommage françaises, les banques n’ont jamais été aussi
DONT LA RÉPUTATION  des voies de sortie par le haut existent. » tant que « l’environnement de taux bas crée
aux banques », s’étonne­t­il lui­même. essentielles. « La banque, c’est le sang de l’éco­ S’EST DURABLEMENT  une forte pression sur la rentabilité du crédit ».
L’Etat et les banques ont toujours travaillé nomie », résume le dirigeant d’un grand FRAIS D’INCIDENTS BANCAIRES L’avenir n’est pas forcément plus enga­
en osmose, dans un mélange d’intérêts bien groupe bancaire. Et pourtant, cette utilité ABÎMÉE DANS  L’Etat accompagne discrètement cette trans­ geant. L’irruption des Big Tech, les géants de
compris. Leurs relations complexes ont redécouverte masque de grandes fragilités. formation. Un exemple ? Les frais d’incidents l’Internet, sur le marché des paiements
connu dans l’histoire récente quelques sé­ Parmi les signaux d’alerte, le déclassement L’OPINION,  bancaires, le plus souvent prélevés aux n’annonce rien de bon pour les banques
rieuses convulsions. La crise financière de des champions tricolores dans les activités de DE REDORER  clients fragiles, ont opposé le gouvernement traditionnelles. En Asie, Alipay, la solution
2008, en particulier, a dressé le pouvoir banque de marché en Europe, au profit des aux banques, au plus fort de la mobilisation de paiement mobile créée par Alibaba, a con­
contre son allié naturel. Mais la crise sanitaire firmes de Wall Street. Au Trésor, on s’inquiète LEUR IMAGE des « gilets jaunes », en décembre 2018. quis la Chine, et Google Pay s’impose en Inde.
est l’occasion pour les banques, dont la de la capacité des établissements français à L’Union nationale des associations familia­ « Dans la décennie à venir, ces plates­formes
réputation s’est durablement abîmée dans être des concurrents crédibles des banques les (UNAF) et 60 millions de consommateurs pourraient devenir des opérateurs de paie­
l’opinion, de redorer leur image. américaines. « La part de marché des banques ont estimé que ces frais représentaient jus­ ment en Europe, éventuellement en partena­
« Les banques françaises ont bien traversé la américaines atteint 47 % sur les marchés de qu’à un tiers des revenus des grandes ban­ riat avec des banques, qui assureraient alors le
crise, elles ont continué à financer l’économie capitaux européens, contre 38 % pour les ban­ ques de détail (soit environ 6,5 milliards back­office. Le risque pour elles serait de per­
et ont été des partenaires loyaux dans la mise ques européennes, constate M. Moulin. L’écart d’euros), symptôme d’un modèle économi­ dre la relation client au profit des Big Tech »,
en œuvre des prêts garantis par l’Etat », salue s’est creusé durant les trois dernières années. » que bien peu vertueux. prévient le gouverneur de la Banque de
Emmanuel Moulin, le directeur général du La première banque européenne, BNP Avec d’autres associations de consomma­ France. Les groupes bancaires ont d’ailleurs
Trésor, cette administration rattachée à Paribas, n’est plus que la troisième banque teurs, ils demandent donc une loi pour commencé à investir dans la mise en place
Bercy, chargée notamment d’élaborer et de de financement et d’investissement sur la plafonner ces incidents de paiement. Bercy d’un nouveau système de paiement paneu­
mettre en œuvre la politique de régulation zone Europe, Moyen­Orient, Afrique, derrière s’empare du sujet, mais préfère s’en tenir à ropéen, un chantier à plusieurs milliards
d’euros. « Les banques auront l’appui des pou­
voirs publics, affirme M. Villeroy de Galhau.
« Cette fois, le secteur bancaire n’est pas la source du problème » C’est un enjeu de puissance économique. »
C’est aussi le cas pour l’épineuse question
de la réglementation, dont les banquiers se
andrea enria est le président du banques. Il est en effet de l’intérêt de membres. Les dirigeants des banques tiques bancaires. Il convient cepen­ plaignent depuis la crise de 2008. « Est­ce que
conseil de surveillance prudentielle tous qu’elles soient capables de résis­ étaient directement nommés par les dant de respecter certains délais et de vous investiriez dans un secteur dont la régle­
de la Banque centrale européenne ter aux tensions. autorités, souvent sur la base de leur tenir compte des nombreux conflits mentation change tous les ans depuis 2010 et
(BCE), qui supervise les principales Dans le cas précis de la pandémie affiliation politique plus qu’en fonc­ d’intérêts qui pourraient naître. nous étrangle de plus en plus ? » s’emporte un
banques de la zone euro. de Covid­19, nous pouvons dire que tion de leur expertise technique. Les dirigeant de banque française, pointant la
les banques étaient bien plus solides réformes réglementaires adoptées A quoi les banques très faible valorisation des titres bancaires à
Pourquoi les banques ne sont­elles au début de cette crise qu’elles ne ces dernières années, et notamment ressembleront­elles à l’ère du la Bourse de Paris.
pas des entreprises comme l’étaient au début de la crise financière la centralisation des responsabilités numérique et de l’euro digital ? Le 7 janvier 2020, la pandémie n’a pas en­
les autres ? mondiale de 2008. Cette fois, elles ne prudentielles au sein de l’union ban­ La pandémie actuelle nous a propul­ core atteint l’Europe, et les banques françai­
Les banques jouent un rôle central sont pas la source du problème, mais caire, ont permis de rétablir une dis­ sés dans le futur. Afin d’assurer la ses, solides et bien capitalisées, ont suggéré
dans notre économie. Elles acceptent elles ont un rôle crucial à jouer dans tance salutaire entre pouvoirs publics continuité de leurs activités, les ban­ au pouvoir qu’il fallait alléger la réglementa­
les dépôts des ménages et des entre­ sa résolution : leur capacité à absorber et secteur financier. ques ont ajusté leurs modes de fonc­ tion bancaire anti­crise. Une proposition de
prises, et accordent des prêts à les pertes et à continuer d’octroyer Les allers­retours entre autorités et tionnement. Cela s’est parfois traduit résolution, portée par le député Eric Woerth
d’autres ménages et entreprises à des des prêts à l’économie est capitale banques doivent faire l’objet d’une par des fermetures d’agences et par la (Les Républicains), invite le gouvernement à
fins de consommation ou d’investis­ pour assurer une reprise soutenue. attention particulière et de règles rationalisation des réseaux. assouplir les futures règles bancaires interna­
sement. Ce faisant, elles transfor­ internes strictes. En principe, la pré­ En ce qui concerne l’euro numéri­ tionales, réunies dans les accords de Bâle III.
ment des dépôts à vue très liquides Faudrait­il réglementer davantage sence d’anciens membres des autori­ que, la BCE mène actuellement une En séance, le secrétaire d’Etat Cédric O dé­
en prêts à plus long terme, soutenant les allers­retours entre les tés de réglementation dans les orga­ étude des avantages et défis qu’il clare que le gouvernement « soutient pleine­
ainsi l’activité économique. Afin de autorités financières, le ministère nes de direction des banques peut pourrait poser. Un euro numérique ment et globalement les orientations » de la
rester solides et de pouvoir protéger des finances et les organes de apporter une certaine culture de la permettrait aux particuliers d’utiliser résolution, finalement adoptée. Un an plus
les dépôts, elles doivent être en me­ direction des banques ? conformité et une conscience accrue de la monnaie électronique de ban­ tard, la France agit encore en coulisses, à
sure d’absorber des pertes tout en Lorsque j’ai commencé ma carrière des intérêts publics en jeu dans les que centrale directement dans leurs Bruxelles, pour limiter la portée de l’accord,
continuant à remplir leurs fonctions, dans la supervision bancaire, à la fin activités bancaires. Réciproquement, transactions quotidiennes. Les ban­ alors que la Commission européenne devrait
aussi bien en période favorable que des années 1980, le secteur public (au d’anciens banquiers pourraient faire ques centrales s’efforceront d’éviter faire une proposition de transposition du
défavorable. Et notre tâche, en tant niveau national comme local) déte­ bénéficier l’autorité réglementaire toute conséquence négative pour le texte à la fin du semestre.
qu’autorité prudentielle, consiste à nait une part très importante du ou prudentielle qu’ils rejoindraient secteur financier.  « A­t­on vraiment besoin d’augmenter les
surveiller la solidité financière des marché bancaire dans plusieurs Etats de leur connaissance cruciale des pra­ propos recueillis par vé. ch. exigences en capital des banques, alors que

Des dirigeants de banques souvent passés par l’Etat


Parcours des dirigeants des six plus grandes banques françaises Diplômé de l’ENA Ancien inspecteur des finances

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

Société Daniel Bouton Frédéric Oudéa


générale Chef de bureau puis directeur au budget, sous-directeur de l’administration centrale, directeur de cabinet (1977-1991)

Crédit Jean Laurent Georges Pouget


agricole

Crédit Michel Lucas


mutuel

BNP Michel Pébereau Baudouin Prot


Paribas Chargé de mission, conseiller, directeur de cabinet (1970-1982) Chargé de mission, directeur général adjoint à l’énergie et aux matières premières (1980-1983)

Patrick Werner
La Banque postale (créée en 2006) Caisse des dépôts (1980-1991)

François Pérol
BPCE (créé en 2009)
0123
MARDI 2 MARS 2021 économie & entreprise | 19

Une concentration progressive des banques françaises pour former des géants mondiaux...
Nomb e d étab ssements banca es en F ance et p nc pa es évo ut ons du système banca e C assement des p us g andes banques mond a es
en m a ds de do a s d act s
1966 : Fus
Fusion Comptoir
on du Comp o nanational
ona dd’escompte Pariss
escomp e de Pa
et de la
e a Banque na
nationale
ona e pou
pour le
e comme
commerce
ce e
et l’industrie
ndus e pou
pour c
créer
ée la
a BNP ndus a & Comme c a
Bank o Ch na Ch ne 1 4 324
Ch na Cons uc on
2 500 1988 : Mutualisation 1996 C éa on de Dex a Bank Ch ne 2 3 653
du Crédit agricole Ag cu u a Bank
o Ch na Ch ne 3 3 572
1993 P va sa on 1997 C éa on de Na ex s devenue Na x s en 2006 Bank o Ch na
4
de a BNP Pa bas cède e C éd du No d à Soc é é géné a e Ch ne 3 270
2 000 M sub sh UF
F nanc a G oup apon 5 2 892
1 963 1999 P va sa on du C éd yonna s HSBC
La BNP achè e Pa bas Royaume Un 6 2 715
1 500 PMo gan Chase
2006 C éa on de a Banque pos a e E a s Un s
7 2 687
Bank o Ame ca
2009 C éa on du g oupe BPCE E a s Un s
8 2 434
1987 : Privatisation de la Société générale, eg oupan es Banques popu a es BNP Pa bas
e es Ca sses d Epa gne F ance
9 2 429
1 000 du Crédit commercial de France,
de la Compagnie financière de Suez 823 C éd ag co e
10 2 256
et de Paribas F ance
1998 : Rachat du CIC par le Crédit
Crédit mutuel.
Rachat de Natexis par les Banques populaires Soc é é géné a e
F ance
17 1 522
500
1984 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2019 BPCE
F ance
19 1 501

... mais moins rentables que leurs rivaux américains


Rendement su act s en % Rendement des cap taux p op es* en % Rendement des cap taux p op es* Résu tats nets annue s 2020 des quat e g ands
Banques ança ses Banques eu opéennes ho s F ance Banques amé ca nes des banques ança ses en 2020 en % g oupes banca es ança s en m a ds d eu os

12 20
15
BNP Pa bas 67 BNP Pa bas 7 – 13 5 %
08
10 C éd t ag co e G oupe
04 5 SA 56 C éd t ag co e 4 7 – 34 9 %
0 0
Nat x s
–5 g oupe BPCE –0 1 BPCE 1 6 – 46 9 %
–04
– 10
–08 – 15
Soc été
–1 7 Soc été –0 2
géné a e géné a e – 106 %
2005 2008 2019 2005 2008 2019
* nd ca eu qu quan fie e mon an des bénéfices éa sés pou un eu o nves en cap a Sou ces ACPR S&P FBF Le Monde soc é és n og aph e Le Monde Ph ppe Da S va Max me Ma ngue

nous avons besoin d’elles pour financer la re­ présidence de la République sous François à combattre, paraît aujourd’hui bien loin. par une écriture, et ce prêt se retrouve instan­
lance et que nous avons déjà fait énormément Hollande. C’est lorsqu’il y a crise financière ou « L ÉTAT N A JAMAIS « L’Etat n’a jamais été l’ennemi de la finance. tanément sur un compte de dépôt, avant
d’efforts en matière de solidification du sys­ faillite bancaire que les pouvoirs politiques ÉTÉ L ENNEMI L’Etat ne peut pas vivre sans les banques, recti­ d’être dépensé. « Le point de départ de la ban­
tème bancaire ? » justifie le directeur du sont le plus en difficulté. Rappelons que la crise fie l’historien Hubert Bonin, spécialiste d’his­ que, c’est la souveraineté, et la part de souve­
Trésor. Une position que ne partage pas la financière a fait tomber la monarchie au DE LA FINANCE toire bancaire. L’enjeu pour la puissance publi­ raineté qu’on accorde à la monnaie », analyse
Banque de France. « Nous avons la chance, XVIIIe siècle. » Pour Jézabel Couppey­Soubey­ que a toujours été de combler son déficit bud­ Nicolas Théry.
depuis la dernière crise financière, d’avoir une ran, « l’Union bancaire européenne n’a pas L ÉTAT NE PEUT PAS gétaire, et elle dépend des banques, qui placent C’est pourquoi ces institutions sont super­
régulation bancaire internationale, rétorque réussi à défaire complètement le lien. sa dette auprès des marchés. » visées à l’échelon de la zone euro. Monnaie
M. Villeroy de Galhau. Elle a empêché cette Aujourd’hui, alors que de nombreuses ban­
VIVRE SANS Les institutions financières ont de plus la européenne, révolution numérique, compé­
fois­ci que la crise sanitaire, devenue crise éco­ ques européennes sont à bout de souffle, l’Etat LES BANQUES » main sur le robinet du crédit, indispensable tition mondiale… Désormais, lâche Hubert
nomique, se transforme en une crise bancaire vient au chevet de ses champions déclinants ». à la croissance de l’économie. Ce faisant, elles Bonin, « l’Etat ne peut pas être le psychana­
et financière ; ce n’est vraiment pas le moment La campagne présidentielle de François HUBERT BON N sont partie prenante dans le processus de lyste de ces banques en crise d’angoisse ». 
d’abandonner Bâle III. » Hollande, qui avait fait de la finance l’ennemi h s o en création monétaire : elles accordent un crédit véronique chocron

« CONVERGENCES D’INTÉRÊT S»
La sollicitude du gouvernement à l’égard de la
finance agace par ailleurs Jézabel Couppey­ En Italie, l’éternelle tentation politique
Soubeyran, économiste à l’université Paris­I,
auteure de Blablabanque (Michalon, 2015), l’affaire a secoué les milieux politi­ prochement entre sa banque et sa con­ tier et la mauvaise humeur manifes­ De la Banca Etruria à la Banca Popolare
qui pointe « la consanguinité et les convergen­ ques et économiques italiens durant currente Banca Monte dei Paschi di tée par plusieurs actionnaires impor­ di Vicenza en passant par la Banca Po­
ces d’intérêts entre les banques et l’Etat », l’automne, au point de faire vaciller la Siena (BMPS) provisoirement nationa­ tants du groupe (surtout des investis­ polare di Bari, plusieurs établisse­
nourries par les allers­retours de hauts fonc­ gouvernance du deuxième groupe lisée pour éviter une faillite en 2017. seurs institutionnels étrangers) ont ments locaux ayant dû être renfloués
tionnaires entre le public et le privé. bancaire italien. En annonçant sa déci­ contraint les partisans de la fusion à grands frais ont vu mise en cause
Un des grands corps de l’Etat incarne cette sion de ne pas se porter candidat à un Mélange des genres BMPS­Unicredit à avancer leurs pions leur gouvernance, très perméable aux
osmose : l’inspection générale des finances, deuxième mandat d’administrateur L’annonce de la prochaine nomina­ avec plus de prudence, et l’annonce de jeux d’influence locaux et au clienté­
dont sont issus le patron de Société générale, délégué de la banque Unicredit, le tion au poste de président du conseil la nomination prochaine d’Andrea Or­ lisme politique.
Frédéric Oudéa, le président de BNP Paribas, 30 novembre 2020, le Français Jean­ d’administration de l’ancien ministre cel, ancien dirigeant de Merrill Lynch Les difficultés à répétition de Monte
Jean Lemierre, et celui du Crédit mutuel, Pierre Mustier a publiquement re­ de l’économie (Parti démocrate) Pier puis d’UBS, pour succéder à Jean­ dei Paschi di Siena sont l’exemple le
Nicolas Théry, le numéro deux du Crédit agri­ connu qu’il n’était plus « en ligne avec Carlo Padoan, en octobre, ne faisait Pierre Mustier, a été présentée comme plus éclatant de ce phénomène, tant la
cole, Xavier Musca. Ou encore les patrons la position actuelle du conseil d’admi­ que rendre plus explicite encore le ca­ la garantie que la gestion future du banque était étroitement liée au Parti
des réseaux en France de BNP Paribas et de nistration » du groupe. ractère politique de l’opération : M. Pa­ groupe obéira à des impératifs plus fi­ démocrate siennois – jusqu’à 2013, la
Société générale, Marguerite Bérard et Sébas­ Pour l’ensemble des observateurs, doan n’a­t­il pas été, depuis son minis­ nanciers que politiques, et que la fu­ banque était détenue par une fonda­
tien Proto, tous sortis de la même promotion, l’allusion était limpide : arrivé à la tête tère, l’architecte de l’opération de sau­ sion ne se fera que si elle est à l’avan­ tion, elle­même contrôlée par la mai­
qui est aussi celle du chef de l’Etat, Emmanuel d’Unicredit à l’été 2016, alors que la vetage de BMPS, avant de se faire élire tage de toutes les parties. rie de Sienne. Aussi la volonté de « pi­
Macron, passé par la banque d’affaires. banque était en grande difficulté, le député, en 2018, dans la circonscrip­ Les liens de proximité entre la direc­ loter » la sortie de crise de BMPS, qui
« Pouvoir et finance ont toujours été liés, en Français a eu les coudées franches tion de Sienne, cœur historique de la tion des groupes bancaires et les res­ plus est à travers une figure politisée
France, au cours de l’histoire, résume Jean­ pour redresser l’établissement, et il a banque ? Le mélange des genres pou­ ponsables politiques ont été au cœur comme celle de M. Padoan, ne pouvait
Pierre Jouyet, lui­même inspecteur des finan­ sans conteste réussi sa mission. Mais il vait difficilement être plus évident. des scandales à répétition qui ont pas passer inaperçue. 
ces, ancien directeur général du Trésor, de la tolérait de moins en moins l’insis­ La très mauvaise réaction des mar­ ébranlé le monde des banques italien­ jérôme gautheret
Caisse des dépôts et secrétaire général de la tance de l’Etat italien à favoriser le rap­ chés à l’annonce du départ de M. Mus­ nes depuis le début des années 2010. (rome, correspondant)

Fonction dans les ministères économiques et financiers Fonction dans d’autres institutions publiques ou politiques

2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021

Conseiller technique (1993-1995)

Jean-Paul Chifflet Philippe Brassac

Nicolas Théry
Chef de bureau, directeur de cabinet (1993-2002)

Jean-Laurent Bonnafé
Conseiller technique (1990-1993)

Philippe Wahl Rémy Weber Philippe Heim


Conseiller d’État (1984-1989). Chargé de mission (1987-1990) Conseiller, directeur
Membre du cabinet de Michel Rocard (1989-1991) de cabinet (1997-2007)

Chef de bureau au Trésor, directeur de cabinet adjoint (1996-2004) Laurent Mignon


Secrétaire général de l’Elysée sous Nicolas Sarkozy (2007-2009)
0123
20 | économie & entreprise MARDI 2 MARS 2021

PERTES & PROFITS | BERKSHIRE HATHAWAY
La cauchemardesque réforme du par philip pe esc and e

régime social des artistes auteurs Buffett ne sait plus


Les dysfonctionnements du site de l’Urssaf, qui remplace l’Agessa
quoi faire de son argent
et la Maison des artistes, sont unanimement critiqués par les usagers Mais que fait donc Warren Buf­
fett. Au fait de sa gloire, le plus cé­
tion de plus de 5 % dans Apple, la
plus grosse ligne de son porte­
lèbre investisseur des Etats­Unis feuille. Il en a revendu une partie
avait coutume de dire qu’il atten­ pour 11 milliards, mais la pratique

E
n vigueur depuis le Charte des auteurs et illustrateurs « Les difficultés souligne également le problème dait avec gourmandise les crises. régulière de rachat d’actions par
1er janvier 2020, le ratta­ jeunesse auprès de 942 membres, de gouvernance du régime de sé­ « Je me sens alors comme un ob­ Apple a accru mécaniquement sa
chement au régime gé­ le constat est sans appel : 90 % ont
techniques curité sociale des artistes­auteurs, sédé sexuel dans un harem », di­ part dans la société californienne,
néral de l’Urssaf devait, rencontré « une ou plusieurs diffi­ entraînent non contrôlé par des représen­ sait­il en 1973. C’est pourquoi ses au­delà des 5 % d’origine. Et puis,
en théorie, faciliter les choses cultés » avec l’Urssaf. tants de ses bénéficiaires. millions de fidèles qui, dans tout cette pratique n’entame pas trop
pour 265 000 auteurs affiliés Pour la majorité, l’accès à l’es­
des bugs dans Jean­Yves Auffret ne cache pas le pays, cherchent ses conseils et sa trésorerie, qui atteint tout de
en 2019 à l’Association pour la ges­ pace personnel du site s’est avéré nos cotisations, « de grosses difficultés informati­ se précipitent sur ses livres, atten­ même 138 milliards de dollars, to­
tion de la sécurité sociale des compliqué, voire impossible. La ques » qui entraînent des « réac­ daient avec impatience la publica­ talement liquide, mobilisable ra­
auteurs (Agessa) et pour moitié se plaint de difficultés à
c’est très grave » tions de colère légitimes ». Selon tion de sa lettre annuelle aux ac­ pidement en cas de besoin.
62 000 plasticiens, illustrateurs, joindre l’Urssaf, presque autant SAMANTHA BAILLY lui, « 125 000 artistes­auteurs ont tionnaires pour s’abreuver de ses
vidéastes et autres photographes (46 %) se heurte à des problèmes présidente de la Ligue réussi à ouvrir leur compte », sur analyses percutantes et de ses Du gros, du lourd et du durable
adhérents de La Maison des artis­ d’enregistrement de la déclaration des auteurs professionnels les 250 000 qu’il a répertoriés, aphorismes­chocs alors que le Ainsi va la vie des marchés de
tes (MDA). Il n’en est rien, plus annuelle de revenus artistiques, sans être sûr d’avoir « récupéré monde traverse l’une des plus nos jours. Pour les actionnaires,
d’un an après cette transition quand celle­ci, préremplie, n’est tout le monde ». Il montre une graves crises économiques de ces les caisses sont pleines, les actifs
confuse et désordonnée. pas incomplète ou fausse. Les do­ Selon Jean­Yves Auffret, direc­ réelle « volonté d’amélioration », cent dernières années. très chers et les taux très bas.
La direction de la Sécurité so­ cuments qui doivent être trans­ teur régional de l’Urssaf Limou­ affirme avoir créé une boîte mail Ils seront déçus. Il faut croire Cela incite à prendre plus de ris­
ciale souhaitait, avec cette ré­ mis par les employeurs ne sont sin, les trente agents des centres destinée aux organisations pro­ qu’à 90 ans, l’« obsédé » et son ques, dans des sociétés plus
forme, « garantir le recouvrement pas disponibles (pour 48 %). « Ce de Guéret (Creuse) et Tulle (Cor­ fessionnelles pour faire remonter compère de toujours Charlie audacieuses ou en difficulté.
effectif de cotisations qui n’avaient passage à l’Urssaf s’effectue dans la rèze) qui répondent au téléphone les cas les plus urgents, comme Munger, 97 ans, ont perdu de leur D’où la folie qui entoure actuelle­
pas été collectées antérieure­ douleur », résume La Charte. sont des intérimaires qui ont reçu les délivrances d’attestation de libido. Aucun grand mouvement ment les introductions en
ment », l’Agessa ne l’ayant pas fait Une deuxième enquête du Con­ huit jours de formation. En in­ droits pour ceux qui souhaitent en perspective, une avalanche de Bourse. Mais l’aventure n’est pas
systématiquement pendant qua­ seil permanent des écrivains cluant l’encadrement, l’équipe répondre à des marchés publics. mots prudents, des regrets et la spécialité de Warren Buffett. Il
rante ans, jusqu’en 2016, en ar­ (CPE) conclut aussi à l’urgence compte 70 personnes, dit­il, Le patron de l’Urssaf Limousin beaucoup de souvenirs. Pas un déconseille le marché de la dette,
guant d’un manque d’investisse­ « d’améliorer la qualité de l’inter­ aucune n’ayant travaillé à l’Agessa compte aussi réactiver les réu­ mot sur la pandémie et ses turbu­ soit dangereuse, soit non renta­
ment dans un système informati­ face Urssaf­auteurs », seuls 19 % ou la MDA. Katerine Louineau, du nions trimestrielles de suivi du lences. A croire que l’investisseur ble. « Investir dans les prêts ris­
que fiable. Cet état de fait a lésé des sondés n’ayant pas eu de pro­ Comité pluridisciplinaire des ar­ dossier et rouvrir des bureaux le plus écouté d’Amérique, celui qués n’est pas la réponse à des
des dizaines de milliers d’auteurs blèmes pour déclarer leurs reve­ tistes­auteurs (CAAP), déplore d’accueil à Paris. que l’on appelle « l’oracle taux inadéquats », dit­il.
qui, non informés, ont perdu des nus. Pour sa part, la Société des l’incapacité de l’Urssaf à « faire d’Omaha », en référence à sa ville Sa grande fierté du jour, ce sont
droits à la retraite, comme le sou­ gens de lettres (SGDL) a envoyé à juste un site qui fonctionne ». « Ça ne me fait pas peur » du Nebraska, n’a plus d’idée. Ce ses actifs dans le train et l’électri­
lignait le rapport Racine en jan­ la double tutelle de l’Urssaf Li­ Samantha Bailly, présidente de Au ministère des solidarités et de monde de taux bas, de folie bour­ cité. Il a investi dans la première
vier 2020. Avec le nouveau sys­ mousin (les ministères de la santé la Ligue des auteurs profession­ la santé, on assure que « l’absence sière, de révolte de petits action­ compagnie ferroviaire améri­
tème, chaque euro cotisé ouvre et de la culture) la très longue liste nels, confirme : « C’est du brico­ d’ouverture du compte en ligne par naires ne lui convient plus. caine de fret, Burlington Nor­
enfin des droits à la retraite pour des dysfonctionnements. Ce qui lage, les difficultés techniques en­ certains artistes­auteurs qui exer­ Alors, comme tous les patrons thern and Santa Fe Railway, qui
tous les artistes­auteurs. Une inclut des erreurs d’attribution de traînent des bugs dans nos cotisa­ cent cette activité à titre accessoire à court d’idées, il rend l’argent transporte 15 % de toutes les mar­
avancée majeure puisque, aupa­ numéros de Siret, d’activation de tions, c’est très grave. » Mme Loui­ n’est nullement le signe d’un dys­ aux actionnaires. En 2020, sa so­ chandises déplacées dans le pays
ravant, seule une minorité pou­ comptes et génère des problèmes neau critique aussi le fait « qu’à fonctionnement. (…) Ils n’ont pas ciété, Berkshire Hathaway, a ra­ sur longue distance. Du gros, du
vait y prétendre. kafkaïens pour les auteurs en plu­ l’Urssaf Limousin les intérimaires besoin de le faire, puisque leurs re­ cheté pour 25 milliards de dollars lourd et du durable. Seule révolu­
Pourtant, ce passage à l’Urssaf Li­ riactivité. ne connaissent pas notre régime et venus ont été déclarés par les diffu­ (20,7 milliards d’euros) d’actions tion à l’horizon de Berkshire Ha­
mousin, spécifiquement chargée apportent des réponses contradic­ seurs [leurs employeurs] et ils de sa propre entreprise. Il fut thaway, le déménagement de l’as­
de leurs dossiers, s’avère cauche­ « Bras cassés » toires ». Elle déplore que « certains n’ont pas besoin de modifier ces pourtant un temps où Buffett semblée générale, qui se tiendra
mardesque pour les artistes­ Sans compter une litanie de diffi­ de ses confrères plasticiens n’arri­ montants ». Encore faut­il pou­ fustigeait ces PDG sans imagina­ cette année à Los Angeles au lieu
auteurs. « C’est un calvaire », assure cultés de déclaration en ligne des vent même pas avec le nouveau voir le vérifier en ligne… tion qui rachetaient leurs actions d’Omaha. Pour que le jeune Buf­
Marie­Anne Ferry­Fall, directrice revenus, de problèmes graves de site à obtenir un justificatif de Le ministère de la culture pro­ plutôt que d’investir. fett soit de nouveau à côté de son
générale de l’ADAGP, qui gère les calculs ou de paiements des coti­ paiement de droits ». Et ajoute : met, de son côté, que « l’accès aux Il s’est aperçu de l’intérêt de aîné Munger, qui a du mal à se
droits des artistes graphiques et sations, des lacunes de communi­ « C’est une réelle galère pour obte­ droits sociaux est une priorité que cette pratique avec sa participa­ déplacer. Par fidélité. 
des plasticiens. Dans une enquête cation de l’Urssaf… Et même des nir des indemnités d’arrêt maladie Roselyne Bachelot a évoquée avec
réalisée début février 2020 par La menaces d’amende fiscale de ou de congés maternité. On a inté­ son homologue Olivier Véran » et
150 euros, pouvant être portée à rêt à être en pleine forme… » affirme que « les administrations
1 500 euros, en l’absence de décla­ L’absence d’interlocuteur agace. y travaillent sérieusement ».
ration de cotisation foncière des Cédric Bastelica, nommé pour as­ Avant l’Urssaf Limousin, M. Auf­

− 20,95 %
Le ministère entreprises, alors que les auteurs surer pendant quelques mois la fret avait dirigé, en région, le ré­
en sont exonérés… Patrice Loc­ transition, n’est plus là. Et le co­ gime social des indépendants. Ce­
de la culture mant, directeur général de la mité de suivi qui réunissait les re­ lui­là même qui a connu quatorze
promet, SGDL, dénonce aussi « des milliers présentants des tutelles et les pro­ ans de dysfonctionnements tels
d’auteurs dans la nature » − non fessionnels ne s’est pas réuni de­ qu’il a été dissous en 2018. « Le ré­ C’est le recul des ventes de voitures neuves en France, en février, sur un
de son côté, inscrits − et critique sévèrement puis octobre 2020. Le ministère gime des artistes­auteurs, ça ne me an, a annoncé, lundi 1er mars, le Comité des constructeurs français
que « l’accès aux « les bras cassés qu’on leur a attri­ de la santé n’a pas désigné de nou­ fait pas peur ! » lance­t­il. Pas sûr d’automobiles (CCFA). Avec 132 637 immatriculations, contre une
bués comme interlocuteurs, vel interlocuteur dans ce dossier. que la réciproque soit vraie pour moyenne de 160 000 ces dernières années, « la baisse des commandes du
droits sociaux comme un signe évident de problè­ « Nous sommes les permanents de les créateurs…  second semestre 2020 se fait sentir, ainsi que le début de la pénurie des
est une priorité » mes de formation à l’Urssaf ». l’oubli », assure Mme Louineau, qui nicole vulser semi-conducteurs pour le secteur automobile », a indiqué le CCFA. Les hy-
brides représentent plus de 23 % du marché, soit presque autant que le
diesel, avec 30 198 immatriculations. Les ventes de véhicules électriques
reculent légèrement (– 11 %), avec 8 424 immatriculations en février.

Sous l’effet de la crise liée au Covid­19, INTE RN ET du Covid­19, qui ont pesé sur
Facebook déboursera
les artistes visuels voient fondre leurs revenus
la demande et les chaînes
650 millions de dollars d’approvisionnement. L’in­
pour clore un litige dice des directeurs d’achats
sur la vie privée (PMI) pour le secteur manu­
Le secteur a subi, en 2020, les conséquences de la fermeture des galeries, du report Un juge fédéral américain a facturier, publié lundi
donné, vendredi 26 février, 1er mars et calculé par le cabi­
des expositions et de la quasi­absence de foires en raison de la pandémie son approbation finale au net IHS Markit pour le
paiement par Facebook de groupe de médias Caixin,
650 millions de dollars s’est établi à 50,9 en février,

D epuis le début de la pan­


démie de Covid­19 en Eu­
rope, en février 2020, les
artistes visuels tentent vaille que
vaille de préserver leur activité.
une baisse de plus de 50 % de
leurs revenus par rapport à 2019.
Seuls 14 % des plasticiens ont vu
leur rétribution croître au cours
de cette période.
qui, eux, ont pâti des annulations
et des reports. »
Le moment choisi pour cette
enquête menée au pas de charge,
du 25 janvier au 5 février 2021, ne
riel », confie toutefois la jeune ar­
tiste Giulia Andreani. Un peu
plus de la moitié des sondés
n’ont d’ailleurs pas profité des fi­
lets de sécurité, en majorité parce
(538 millions d’euros) pour
mettre fin à un litige sur la
protection de la vie privée
opposant le groupe califor­
nien à 1,6 million d’utilisa­
contre 51,5 en janvier. Un
chiffre supérieur à 50 témoi­
gne d’une expansion de l’ac­
tivité. En deçà, il traduit une
contraction. – (AFP.)
Malgré l’absence de perspectives, « Certains font peu d’expositions, doit rien au hasard. « Des arbitra­ qu’ils n’y étaient pas éligibles. teurs. Un avocat de Chicago,
leur inspiration ne s’est pas tarie, mais vendent à quelques milliers ges sont prévus cette semaine Toutefois, 20 % des répondants Jay Edelson, avait poursuivi MATIÈ RE S PRE MIÈRES
mais leurs revenus ont fondu. d’euros sur Instagram ou auprès concernant les modalités de re­ invoquent aussi le manque d’in­ Facebook en 2015, alléguant Vers « une solution »
Pour « objectiver les ressentis, qui de collectionneurs fidèles, analyse conduction des mesures d’aide formation sur les dispositifs que le réseau social avait re­ pour la reprise de l’usine
n’étaient pas toujours cohérents », Mme Ferry­Fall. Après, il y a tous d’urgence pour soutenir le sec­ existants et, pour 12 %, des moda­ cueilli illégalement des don­ calédonienne de Vale
Marie­Anne Ferry­Fall, directrice ceux dits “institutionnels”, dont les teur », observe Marie­Anne lités d’accès trop complexes. Une nées biométriques pour La reprise de l’usine de nickel
de l’Adagp, société française de œuvres se composent d’installa­ Ferry­Fall. Au total, 48 % des ar­ grande majorité des artistes de­ identifier des visages, en vio­ du brésilien Vale, qui agite la
perception et de répartition des tions ou de performances, dont tistes ont bénéficié d’une aide mandent aujourd’hui un élargis­ lation d’une loi de son Etat Nouvelle­Calédonie depuis
droits d’auteur dans le domaine l’exercice du métier passe par des pour pallier leurs pertes. sement des critères d’accès aux de l’Illinois sur la protection plusieurs mois, pourrait
des arts visuels, a organisé une honoraires ou des droits d’auteur, aides. Plus encore, ils réclament à de la vie privée. Les plai­ trouver « une solution dans
enquête sur les effets de la crise Manque d’information cor et à cri la réouverture des gnants recevront une indem­ les jours qui viennent », a dé­
sanitaire sur les artistes. Pour 89 % d’entre eux, le fonds de lieux culturels. nité d’au moins 345 dollars claré, dimanche 28 février, le
Le résultat est sans surprise : solidarité national – conditionné Car derrière les chiffres se des­ chacun. – (AFP.) président du Congrés de l’ar­
86 % des répondants ont subi des Une grande à une chute de plus de 50 % des sine, chez les créateurs, le senti­ chipel. « Nous allons peut­
pertes de recettes en 2020. En majorité d’entre revenus par rapport à 2019 – ment amer d’être les outsiders INDUSTRIE être, dans les jours qui vien­
cause, la fermeture des galeries reste le principal recours, suivi d’un milieu dont ils sont pour­ En Chine, l’activité nent, sortir [des négociations]
pendant plusieurs mois, le report eux demandent de très loin (13 %) par le fonds tant les piliers. A la question : manufacturière de l’usine du Sud avec une so­
des expositions et la quasi­ab­ aujourd’hui d’urgence du Centre national des « Avez­vous des attentes spécifi­ s’est tassée en février lution acceptable par tous »,
sence de foires (78 % des artistes artistes. « Les aides m’ont bien ques pour mieux vous aider à re­ L’activité manufacturière en a déclaré Roch Wamytan,
ont connu au moins deux annu­ un élargissement soutenue en mai­juin 2020, mais prendre votre activité artisti­ Chine a connu, en février, qui figure au rang des ténors
lations d’événement). Le manque des critères le vrai filet de sécurité, in fine, c’est que ? », 3,6 % ont répondu : « Re­ son plus faible rythme de du Front de libération
à gagner est parfois colossal. ma galerie, Max Hetzler, qui m’a devenir “essentiel” ».  croissance en neuf mois, pé­ national kanak socialiste
Ainsi, 49 % d’entre eux accusent d’accès aux aides aidée à payer l’atelier et le maté­ roxana azimi nalisée par les conséquences (indépendantiste). – (AFP.)
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MARDI 2 MARS 2021 bonnes feuilles | 21

Cette figure de l’ombre de la Ve République a été pendant plus d’une


décennie la femme la plus puissante de France. Elle jettera son dévolu sur
Chirac, prenant en main sa vie publique comme privée, dans le but de le
conduire à l’Elysée. Journaliste au « Monde », Olivier Faye signe le premier
portrait consacré à « la Conseillère », publié chez Fayard le 3 mars. Extraits

« Marie-France Garaud
a créé un mythe : celui de
LA CONSEILLÈRE
d’Olivier Faye
Fayard, 256 pages,
19 euros

l’éminence grise à la française »

E
autres se souviennent de la candidate à la dont la porte d’entrée est encadrée par deux qu’elle évite d’habitude pour ne pas avoir à
présidentielle de 1981, qui effrayait les petits immenses défenses d’éléphant, cadeau de je subir sa morgue. En privé, l’épouse s’inter­
enfants devant leur poste de télévision en ne sais quel potentat africain. Alangui sur roge sur la nature de la relation qui unit
prédisant l’invasion des chars de l’Armée son canapé dans une robe de chambre en Garaud à son mari. Mais la conseillère re­
rouge. Mais vous avez été bien plus que ça. soie – il était pourtant près de midi –, le « bel présente pour l’heure sa meilleure alliée.
Une femme puissante, pour reprendre une Albin », comme il était surnommé, m’a ex­ Elle non plus ne veut pas voir Chirac divor­
expression en vogue. La conseillère de pliqué les ressorts de cette crainte, due au cer ; cela risquerait de compromettre ses
Georges Pompidou, omniprésente, au point profil de « manipulatrice » de la conseillère. chances de devenir un jour président de la
de gouverner la France à sa place, en tan­ « Avec Pierre Juillet, ils ont été responsables République (…).
dem avec Juillet, lorsque la maladie trans­ de beaucoup de carrières et de destins. Elle La pression dure plusieurs mois. Jacque­
perçait de douleur l’ancien président durant avait toujours l’œil gourmand au moment line Chabridon, qui a appris que la con­
les derniers mois de sa vie. de parler des gens qu’elle voulait assassiner », seillère s’est lancée à ses trousses, prend
Surtout, vous êtes celle qui a lancé la car­ sourit­il. Le terme étant employé au figuré, peur. Son adversaire, lui assure­t­on, ne con­
rière de Jacques Chirac, propulsant sur le de­ naturellement (…). naît aucune limite. Un dirigeant de l’UDR, le
vant de la scène ce séducteur inconstant, J’ai fait part une fois à Marie­France Ga­ puissant parti gaulliste auquel appartien­
que vous croyiez à tort pouvoir éduquer tel raud de la crainte qu’elle suscite chez ses nent Chirac et Garaud, vient secouer la jour­
un roi dévoué à votre cause (…). contemporains, alors qu’elle se tient éloi­ naliste sous prétexte de lui donner un con­
Le personnage en a impressionné plus gnée depuis longtemps du pouvoir. « Ils ont seil amical : « Attention, Marie­France est
d’un. La peur, m’a­t­on raconté, saisissait les raison », me lance­t­elle tout à trac, sans plus prête à tout. Même à te tuer ! » L’éminence
interlocuteurs qui venaient frapper à sa d’explications. Cette adepte de la chasse à grise est surtout prête à régler cette histoire
porte, tant ils craignaient de subir une de courre a coutume de dire que « l’habileté ne à la place de Chirac, qui, de guerre lasse,
ces formules cruelles qui ont marqué les es­ prévaut jamais contre la force ». Il en reste abandonne le combat et consent du bout
prits. La plus célèbre concerne Jacques Chi­ visiblement quelque chose. des lèvres à une rupture. Mais il ne trouve
rac : « Je croyais que Chirac était du marbre Une femme, en particulier, l’ancienne pas le courage de s’en charger lui­même.
lle m’a fait asseoir sur le canapé, trop bas dont on fait les statues. En réalité, il est de la maîtresse de Jacques Chirac, Jacqueline Cha­ « Ce sont toujours les femmes qui font les cor­
pour mes grandes jambes. J’ai l’impression faïence dont on fait les bidets. » (…). bridon, s’est montrée réticente à l’idée de vées, de toute façon… », souffle la conseillère.
d’avoir les fesses posées à même le sol. Mon Marie­France Garaud la joue modeste : me parler. Nous avons échangé quelques A la veille de l’été 1976, Garaud convoque
interlocutrice est juchée sur un fauteuil qui homme, femme, « ce qui compte, c’est de sa­ coups de téléphone et SMS. « Cette per­ Chabridon à déjeuner dans un restaurant de
la fait trôner une tête au­dessus de moi. Les voir si on a une capacité de décision ou pas. sonne », comme elle dit pour désigner Ma­ la rive droite, à Paris. Deux volontés s’oppo­
années lui ont pourtant ployé le dos. « Vous Sinon, on va se promener au jardin du rie­France Garaud, ne mérite pas mieux à sent ; l’une revendique son droit d’aimer,
voulez boire quelque chose ?, me demande­t­ Luxembourg », lâche­t­elle. Il lui arrive de se ses yeux. Leur histoire commune montre à l’autre d’échafauder des plans pour la
elle. Je vais appeler ma soubrette. » Un café, montrer plus sincère et de s’inscrire dans la quel point la conseillère ne s’est pas canton­ grandeur de la France. Le gaulliste Chirac a
merci madame. Première découverte : il se lignée des pharaonnes ou du matriarcat ro­ née à un simple rôle dans la vie publique de prévu de quitter Matignon avec fracas pour
trouve encore des gens pour qualifier de main. Marie­France Garaud a rejoué avec Chirac : elle est intervenue jusque dans les reprendre son dû au centriste Valéry Gis­
« soubrette » une aide ménagère. Jacques Chirac l’antique duo d’Agrippine et recoins de sa vie privée, parfois avec bruta­ card d’Estaing : le pouvoir. Il va se lancer
Le ciel d’hiver est blanc en ce jour de fé­ de Néron, ce ballet ambigu d’une mère cher­ lité. Un épisode crucial pour comprendre la dans la course à la présidentielle. Son
vrier 2013. Marie­France Garaud se tient as­ chant à installer son fils au pouvoir, et à ré­ face sombre du personnage. amourette le condamnerait. Marie­France
sise telle une cavalière, les jambes collées gner à travers lui. Une tragédie qui s’achève Garaud s’emporte devant la jeune femme :
l’une à l’autre, raide comme la justice. Son al­ d’un coup de glaive frappé au ventre. « Chi­ « Au nom de la France, renoncez ! » « Au nom de la France, renoncez ! » Les
lure n’a pas changé depuis qu’elle est appa­ rac avait du charme. Un charme adolescent… Jacqueline Chabridon a longtemps travaillé clients des tables alentour s’étonnent du
rue sur le devant de la scène, il y a un demi­ Celui d’un être inaccompli. Le genre de dans la communication pour de grands spectacle de ces deux femmes, qui se quit­
siècle : tailleur gris et talons hauts, chemise charme qui exerce une tentation sur les groupes. Avant cela, dans les années 1970, tent dans un climat de tension. Mais la
crème fermée par une lavallière. Elle porte autres », soupire­t­elle (…). cette pétulante trentenaire était journaliste conseillère finit par l’emporter.
toujours, à plus de 80 ans, les cheveux atta­ Marie­France Garaud a créé un mythe : ce­ à la rubrique « spectacles » du Figaro. Un Au cours de mon enquête, plusieurs té­
chés dans un chignon impeccable, coiffure lui de l’éminence grise à la française. A son matin de 1975, un de ses rédacteurs en chef moins de l’époque m’ont assuré qu’elle
devenue chez elle signature visuelle. Ce cas­ époque, les « spin doctors », ces conseillers vient lui commander un portrait du pre­ aurait formulé à la journaliste une proposi­
que de combat tire les traits de son visage au rompus à l’art de la communication et du mier ministre, Jacques Chirac. Il attend tion qui ne se refuse pas. La somme de
point de dessiner un masque sévère. Il va fal­ storytelling, prenaient le pouvoir de la poli­ d’elle un éclairage intime sur le personnage, 500 000 francs est évoquée pour l’achat de
loir s’y reprendre à tique américaine. Comme eux, l’enfant du qui casserait l’image d’agité de ce jeune chef son départ et de son silence. Un bon
deux fois avant de Poitou, montée à Paris dans les années 1950, de gouvernement de 42 ans, nommé par Va­ connaisseur des réseaux gaullistes me jure
lui décrocher un a presque toujours opéré dans l’ombre, au léry Giscard d’Estaing, un an plus tôt, en ré­ que la somme aurait été remise par l’inter­
sourire. Une photo côté de son ami et mentor Pierre Juillet. Elle compense de son soutien à la présidentielle. médiaire de Charles Pasqua, l’homme des
en noir et blanc du a creusé des tunnels sombres et tortueux Il avait alors trahi le candidat officiel des circuits occultes chiraquiens, et de son
« LE PERSONNAGE général de Gaulle que peu de personnes ont osé emprunter gaullistes, Jacques Chaban­Delmas (…). compère corse, Alexandre Sanguinetti, l’an­
EN A IMPRESSIONNÉ trône sur un guéri­
don derrière elle.
depuis. Marie­France Garaud a beaucoup
humilié et écrasé ceux qui se trouvaient sur
Marie­France Garaud, qui occupe un bu­
reau au rez­de­chaussée de l’hôtel de Mati­
cien patron de l’UDR. Jacqueline Chabridon,
pour sa part, réfute avoir jamais touché ou
PLUS D’UN. C’est une de ces ima­ son passage, Chirac compris. (…). gnon, cornaque l’agenda du premier minis­ s’être vu proposer le moindre centime. Quoi
ges célèbres du J’ai tenté à plusieurs reprises de joindre tre, et lui accorde de temps à autre un quart qu’il en soit, l’histoire qui la lie à Chirac
LA PEUR, M’A-T-ON grand homme mar­ l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing. d’heure de liberté. L’idée de ce portrait dans prend fin ; ils ne se reverront plus que de
chant canne à la En vain. Pas question, m’a­t­on fait com­ Le Figaro lui a plu à l’origine, jusqu’à ce que loin en loin (…).
RACONTÉ, main, mélancolique, prendre, qu’il perde son temps à évoquer le l’irruption de Jacqueline Chabridon con­ A l’hiver 1976, les amis de Jacqueline
SAISISSAIT LES sur une plage de sa souvenir de cette femme qui lui a mené la teste son pouvoir. La jeune femme de Chabridon se pressent à l’hôpital. La journa­
retraite irlandaise. guerre après l’avoir aidé à conquérir le pou­ 36 ans, jolie blonde aux allures candides, liste, éplorée par sa rupture avec Jacques
INTERLOCUTEURS Le café est servi. voir. Idem du côté d’Edouard Balladur, avec avec ses taches de rousseur, et Jacques Chi­ Chirac, a tenté de mettre fin à ses jours. En
« Que puis­je pour qui Garaud a travaillé à l’Elysée du temps de rac vont nouer une aventure passionnée vain. Perçoit­elle alors l’écho de son ancien
QUI VENAIENT vous, monsieur ? » Pompidou. « J’ai fait part de votre demande à pendant près d’un an et demi. Aucun por­ amant qui parcourt le pays ? Le 5 décembre,
FRAPPER J’aimerais écrire vo­ M. Balladur, qui ne souhaite pas vous ren­ trait ne sera jamais publié, mais une folle 50 000 personnes, six cents journalistes,
tre portrait, ma­ contrer, car il n’a que du mal à dire de cette idylle s’écrit en secret. dix­huit chaînes de télévision et seize sta­
À SA PORTE » dame. Pourquoi pas personne », m’a expliqué l’assistante de l’an­ L’histoire qui lie les deux amants n’est pas tions de radio assistent, porte de Versailles,
un livre, un jour, cien premier ministre, qui a pourtant la ré­ une simple récréation. La perspective du à Paris, au sacre du jeune loup comme prési­
mais ça, je vous l’an­ putation de se montrer peu avare en perfi­ mariage est susurrée, comme dans un dent du RPR, le Rassemblement pour la Ré­
noncerai une pro­ dies. D’autres, fort heureusement, plus songe. La journaliste y croit. Le premier mi­ publique. Un nouveau parti construit à sa
chaine fois, je ne le nombreux – qu’ils soient petites mains ou nistre évoque l’hypothèse du divorce de­ main avec l’aide, entre autres, de Marie­
sais pas encore moi­même. Je vous ai (re) grands acteurs de l’histoire –, ont accepté de vant ses proches. Il faut le comprendre, la li­ France Garaud et de son alter ego Pierre
découverte il y a un an, lors d’un stage à La me parler, mais ont parfois requis l’anony­ berté l’a toujours attiré, comme lorsqu’il rê­ Juillet, sur le cadavre fumant de l’UDR. La
Croix, au travers d’une recherche Wikipédia mat. Comme s’il restait encore, quarante vait de s’embarquer dans la marine page des vieux barons du gaullisme et des
– j’ai honte, mais c’est ainsi – pour préparer ans après, quelque chose à craindre du per­ marchande, avant de se résoudre à devenir héros de la Résistance est tournée. La droite
un article qui interrogeait d’anciens candi­ sonnage Garaud. Le secret continue d’enve­ énarque. « Jacqueline ? C’est l’antithèse de entre dans une nouvelle ère. « L’appel que je
dats à l’élection présidentielle. Intrigué, j’ai lopper son parcours. Les archives de son Bernadette Chirac », s’amuse le journaliste lance n’est que l’écho de l’éternel appel des
déniché votre numéro de téléphone sur In­ acolyte, Pierre Juillet, sont pour l’heure in­ Franz­Olivier Giesbert, alors au Nouvel Ob­ nations qui ne veulent pas mourir », déclame
ternet et me suis demandé, après avoir terdites d’accès. Celles de Marie­France servateur. Solaire, quand l’épouse du pre­ ce soir­là Jacques Chirac à la tribune, le nez
échangé avec vous, pourquoi votre histoire n’ont pas encore été transmises aux Archi­ mier ministre peut se révéler polaire. collé à son discours. Du Pierre Juillet dans le
n’a jamais été racontée autrement que par ves nationales. Cette dernière ne connaît rien de l’aven­ texte. Sombre et cocardier.
des détours de phrases dans quelques livres L’ancien ministre du général de Gaulle et ture de son mari, mais elle devine confusé­ « Le chiraquisme est né le 5 décembre »,
et articles, où votre nom est sans cesse ac­ ex­PDG d’Elf Aquitaine, Albin Chalandon, ment qu’il s’éloigne chaque jour davantage, écrira la presse le lendemain. Il compte déjà
colé à celui de Pierre Juillet, votre alter ego. mort en 2020 à l’âge de 100 ans, n’avait pas d’elle et de ses filles, Laurence et Claude. Elle sa part d’ombre. Marie­France Garaud en
Les moins de 50 ans, pour la plupart, ne ces préventions. Il m’a reçu un jour dans s’en ouvre à Marie­France Garaud. Il lui sera la fidèle stratège. 
vous connaissent pas, ou alors de loin. Les son appartement de la rue Vaneau, à Paris, coûte de demander de l’aide à cette femme, olivier faye
22 | horizons 0123
MARDI 2 MARS 2021

partie de leurs commandes à des unités instal­


lées dans les caves de Tanger. « Les caves ne
sont que le maillon faible d’un système tenu par
le lobby des patrons d’usines marocaines. Ce
sont eux qui encouragent les ouvriers à créer
des ateliers souterrains ! », dénonce Abdellah El
Fergui, président de la Confédération maro­
caine des très petites et des petites et moyen­
nes entreprises. D’un bout à l’autre du pays,
l’existence de tels lieux est un secret de Poli­
chinelle. « Chaque usine s’appuie sur trois ou
quatre petits sous­traitants qui, eux, violent les
normes de sécurité, d’où le drame de l’inonda­
tion », reconnaît M. Ben Abdelghafour.
Voilà comment, depuis 2010, Karima, une
couturière de 52 ans, s’est retrouvée à confec­
tionner des tee­shirts de marque dans une
cave de la ville. Un travail harassant :
neuf heures par jour, cinq jours sur sept, pour
200 euros mensuels. « Depuis que j’ai pris de
l’âge, j’ai mal au dos et je ne vois plus très bien.
Alors, mon salaire a diminué », témoigne cette
femme originaire d’un village du Haut­Atlas.
Comme des milliers de compatriotes issus du
monde rural, Karima est arrivée à Tanger avec
sa famille en 2005, en quête d’un emploi. Pen­
dant qu’elle travaille, son époux, victime d’un
AVC il y a quelques années, demeure alité. « Le
jour où il est tombé malade, j’ai réalisé que nous
n’avions aucune protection sociale. » Ce souve­
nir douloureux lui fait monter les larmes aux
yeux. « Je sais que nous sommes en danger : la
poussière, les maladies chroniques, les acci­
dents, parfois… Mon cousin a perdu sa main,
arrachée par une machine, parce qu’ils ne four­
nissent pas les gants de protection. Mais, au
MARINO NÉRI moins, on a un emploi. » En 2018, le pays avait
enregistré 50 000 accidents du travail provo­

Le Tanger souterrain
quant 756 décès, selon le Conseil économique,
social et environnemental du Maroc.

AMORTISSEUR SOCIAL
Reste à savoir comment ces caves parvien­
nent à échapper au radar des commandi­
taires, les marques de renommée interna­

du textile
tionale. Explication d’un directeur d’usine, à
Casablanca : « Ces marques font des audits per­
mettant de contrôler la responsabilité sociale
casablanca (maroc) ­ correspondance chaîne d’approvisionnement. Nous faisons des entreprises auxquelles elles s’adressent,
tout ce qui est en notre pouvoir pour que pareil mais pas la phase de production. Elle est là, la
drame n’arrive jamais. » faille ! Les marques se donnent bonne cons­

T
anger, un matin d’hiver. Alors La ville de Tanger, à 14 km des côtes espa­ cience en Europe, et ici, elles ferment les yeux. »
que le jour tarde à se lever, une gnoles, est l’épicentre de ce business très La plupart des patrons marocains de tex­
vingtaine de femmes, ombres La mort de 28 personnes, début particulier, ainsi qu’un pôle économique tile refusent de s’exprimer. « Les marques
dans la pénombre, se présentent majeur tourné vers l’Union européenne. exercent une pression tarifaire telle qu’il est
devant un immeuble résidentiel février, dans un atelier de textile Mais ce dynamisme cache une réalité sociale impossible d’être compétitif sans les caves,
encore endormi. Elles s’avan­ peu reluisante : une grande partie de la murmure tout de même un ancien acteur
cent en silence, tête baissée, et pénètrent dans tangérois a mis en lumière population (1,2 million d’habitants pour majeur du secteur. Elles nous donnent leur
un local sombre et humide. A l’intérieur, une l’ensemble de l’agglomération) vit toujours prix et si on refuse, elles vont ailleurs, en Tur­
poignée d’hommes sont occupés à mettre en ces caves plus ou moins dans la précarité. Le textile y alimente toute quie ou en Ethiopie. » Du côté de l’Associa­
route des machines de découpe de tissu. Leurs une économie souterraine, où chacun rêve tion marocaine des industries du textile et
regards ne croisent pas ceux des femmes, le clandestines, dans lesquelles de monter sa propre affaire. Ainsi, Adil de l’habillement (Amith), on pratique plutôt
visage caché par des masques blancs. L’une Boullaili, le patron de l’atelier inondé, a lui­ la langue de bois. « Nous n’avons jamais
après l’autre, elles descendent au sous­sol. Les des milliers d’employés même débuté au sein d’un groupe de confec­ entendu parler de ce type de sous­traitance »,
voici bientôt dans une cave d’une quarantaine tion. « Il a travaillé chez nous en tant s’est contenté de déclarer au Monde son
de mètres carrés réservée à la confection. fabriquent des vêtements qu’ouvrier, puis chef de chaîne, avant de mon­ président, Mohammed Boubouh. Depuis le
Pas de fenêtre, ni d’issue de secours. ter son affaire », affirme Meriem Larini, direc­ drame du 8 février, cette puissante associa­
Lamia – les prénoms ont été modifiés –, une trice générale du groupe textile Larinor. tion professionnelle est pointée du doigt.
couturière de 36 ans, enfile une blouse et Depuis une dizaine d’années, un écosys­ Rodolphe Pedro, patron à Casablanca d’une
commence à assembler divers vêtements. informelles en zone industrielle. Nous avons tème florissant permet à des ouvriers ambi­ usine de délavage et de teinture écologique
« Voici la collection d’été en avant­première ! », reçu 400 demandes. Ajoutez à cela les usines tieux de créer des mini­unités de confection. soucieuse de lutter contre les pratiques illé­
ironise­t­elle. Sur les tables encombrées, qui ne voulaient pas et celles qui sont arrivées Les fournisseurs de machines leur octroient gales, juge indispensable une évolution des
entre les machines à coudre déjà bourdon­ après. C’est énorme ! » La force de ces structu­ des crédits directs. Ils peuvent ainsi louer un mentalités : « Le Maroc a un véritable savoir­
nantes, s’empilent des tee­shirts, des shorts res ? Leur capacité à répondre aux fluctuations local et parvenir, en recourant à la corruption, faire et une proximité géographique avanta­
et des minijupes griffés Zara, Bershka ou de la mode en produisant rapidement des sé­ à échapper aux contrôles. « Ce n’est pas difficile geuse, mais c’est à nos politiques, y compris
Kiabi. « La plupart du temps, le chef de salle ries limitées. Les salariés perçoivent de 180 à de monter un atelier dans une cave, confirme l’Amith, de les mettre en valeur. Si nous avions
nous enferme à clé, souffle Lamia. Dieu merci, 230 euros par mois, soit moins que le salaire un industriel marocain. Il suffit d’avoir une une politique forte qui nous permettait de ven­
l’autre jour, nous avons été épargnées. » minimum marocain (250 euros), le tout sans installation électrique et de quoi soudoyer les dre les atouts du Maroc, les marques ne pour­
Cet « autre jour », c’était le 8 février, ce lundi couverture sociale ni normes de sécurité. « S’IL FALLAIT  autorités. Ensuite, les gens viennent toquer à raient plus imposer des prix aussi bas. »
où des pluies torrentielles se sont abattues sur DÉTRUIRE TOUS  votre porte pour demander du travail. » A Tanger, une militante féministe fait la
la ville et où 28 ouvriers, dont 19 femmes, sont DES OUVRIÈRES SANS PROTECTION Pour comprendre d’où viennent les clients guerre aux ateliers souterrains : Souad
morts dans un atelier installé en pleine zone Ni totalement clandestins ni vraiment légaux, LES LIEUX NON  de ces petites structures de confection, il faut Chentouf. Membre de l’association Agissons
inondable. Tous ont péri noyés, piégés dans le ces ateliers ont un statut hybride. « Les sociétés sortir du centre­ville de Tanger et rejoindre avec les femmes, elle cible les autorités locales,
sous­sol où ils travaillaient. « L’eau a eu l’effet existent, puisqu’elles sont immatriculées au RÉGLEMENTAIRES  la zone industrielle de Gzenaya. Loin des ca­ le ministère du travail, l’Etat, l’Amith, les mar­
d’un tsunami, ils ont été submergés en quelques registre du commerce, mais leurs patrons ne ves, les usines installées ici arborent toutes ques, les patrons d’usine… A l’entendre, tous
secondes, résume Ahmed Ettalhi, président de déclarent qu’une infime partie de leurs sala­
DE TANGER,  sortes de labels et de certifications écores­ doivent « répondre de leurs actes et de leur né­
la commission d’urbanisme à la commune de riés et opèrent dans des lieux non régle­ 60 % DE LA VILLE  ponsables qui en font des modèles d’éthique. gligence ». Une semaine après le drame, elle a
Tanger. Rien de tout cela n’était autorisé : ni la mentaires », indique Mustapha Ben « Nous avons investi beaucoup d’argent afin tenté d’organiser un sit­in de protestation, les
présence d’une cave ni celle d’une unité indus­ Abdelghafour, vice­président de la chambre SERAIT À TERRE » de répondre aux critères de responsabilité so­ autorités lui ont demandé de le reporter. « Ils
trielle. » Au moment de l’inondation, Lamia et de commerce et d’industrie de Tanger. Ainsi, AHMED ETTALHI ciale exigés par les clients », indique Mme La­ ont peur des répercussions », analyse­t­elle.
ses collègues sont sorties à temps de leur pro­ l’atelier inondé a d’abord été présenté président rini, dont le groupe fournit de grandes mar­ Si les pouvoirs publics tolèrent cette éco­
pre atelier, situé non loin de là. « On aurait pu y comme « clandestin » par les autorités, alors de la commission ques internationales. nomie souterraine depuis si longtemps, c’est
passer, chuchote­t­elle. Certaines des em­ qu’en réalité, il existe depuis 2017 sous le d’urbanisme de Tanger Après avoir été placées sous les feux des pro­ aussi parce qu’elle constitue un amortisseur
ployées de l’atelier touché étaient mes amies. » nom d’A & M Confection. Son propriétaire, jecteurs pour les mauvaises conditions de tra­ social important. Fermer les caves reviendrait
Comme des dizaines d’autres travailleuses Adil Boullaili, a été placé en détention provi­ vail chez leurs fournisseurs, notamment en à mettre des milliers de personnes au
contraintes d’évacuer les caves du quartier, La­ soire dans le cadre de l’enquête ouverte Asie, bien des marques ont changé de stratégie chômage. L’élu tangérois Ahmed Ettalhi
mia s’est retrouvée devant l’immeuble pour homicides et blessures involontaires. afin de préserver leur image. « Des audits et des soupire : « S’il fallait détruire tous les lieux non
sinistré. « On entendait des hurlements, Au Maroc, le secteur du textile représente contrôles sporadiques sont menés par une réglementaires de Tanger, 60 % de la ville
témoigne cette mère de trois enfants. Les plus du quart des emplois industriels. Inditex, équipe du groupe Inditex, qui tourne en perma­ serait à terre. Nous n’avons pas les moyens
ouvrières qui avaient pu s’échapper s’étaient ré­ maison mère de la marque de prêt­à­porter nence dans les usines de Tanger. C’est impossi­ de lutter contre ce phénomène structurel. »
fugiées sur le toit et criaient au secours. Les am­ espagnole Zara, en est le principal client. Selon ble d’y échapper. Des sanction sont prévues en Chaque semaine, des centaines d’ouvrières
bulances sont arrivées trop tard. » son directeur général pour la France, Jean­Jac­ cas de non respect des règles », assure Meriem continuent donc de se présenter à la porte des
A Tanger, des milliers d’ouvriers, en majorité ques Salaün, le système de contrôle d’Inditex Larini. Le groupe espagnol s’est même doté caves. Dès le lendemain de l’inondation meur­
des femmes, sont employés illégalement dans permet une « traçabilité absolue ». « Nous con­ d’un système d’audit interne pour mieux con­ trière du 8 février, Lamia est retournée tra­
de tels ateliers nommés hofra (« fosses », en trôlons tous nos fournisseurs, notamment au trôler les pratiques de ses sous­traitants. vailler dans la sienne. C’est dangereux, elle en
arabe), aménagés dans les sous­sols et les rez­ Maroc où nous nous sommes aperçus qu’il Mais la mise à niveau des installations coûte a conscience, mais elle n’avait pas le choix. 
de­chaussée pour confectionner les vête­ existait des contrefaçons de nos produits. Il me cher aux industriels locaux, surtout face à la ghalia kadiri
ments destinés à des marques étrangères. Tan­ paraît improbable que nos sous­traitants par­ concurrence des pays asiatiques et de la
ger en compte des centaines, peut­être plus, viennent à échapper à cette traçabilité. Et je Turquie. Alors, pour préserver leurs marges et
comme le déplore M. Ettalhi : « En 2016, nous peux vous dire qu’un atelier, s’il n’est pas réfé­ augmenter leur capacité de production, de
avons ouvert une liste pour déplacer les usines rencé et audité, ne peut pas faire partie de notre grandes usines marocaines sous­traitent une Retrouvez en ligne l’ensemble de nos contenus
CULTURE
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MARDI 2 MARS 2021 | 23

Le rêve californien d’Arman Méliès
Le chanteur referme, avec son album « Laurel Canyon », une fantasmatique trilogie américaine

PORTRAIT

C’
est un album qui
offre de l’évasion à
nos vies sous cou­
vre­feu, loin, très
loin de la tendance de la chanson
au repli dans l’autofiction. Auteur
discret mais à l’affût comme
l’oiseau de nuit qui en orne la po­
chette, Arman Méliès s’est trans­ Arman Méliès,
cendé avec Laurel Canyon, une en février 2020,
des tentatives les plus réussies en à Paris. YANN ORHAN
France d’appropriation de l’héri­
tage folk et rock américain. Un
disque que l’on inscrira dans la
lignée d’Osez Joséphine (1991),
d’Alain Bashung, et de Mustango
(1999), de Jean­Louis Murat, qui
parvinrent en leur temps à dépas­
ser l’hommage appliqué, sinon
complexé, pour imposer une
vision personnelle de ces grands
espaces hantés par d’intimidan­
tes figures tutélaires.
Bashung avait fait le pèlerinage
à Memphis (Tennessee) et Murat
avait traîné ses bottes dans la
poussière de l’Arizona. Quand le
voyage de Méliès est aussi féerique
que celui, dans la Lune, réalisé
en 1902 par le pionnier du cinéma
auquel Jean­Louis Fiévé a em­
prunté le patronyme, associé au
sculpteur Arman pour son nom
d’artiste. Le musicien francilien
n’a en effet jamais mis les pieds à
Laurel Canyon, ce quartier ver­
doyant de Los Angeles où il im­
plante d’imaginaires séquoias, un
paradis perdu associé entre le
milieu des années 1960 et celui
des années 1970 à une très créative
communauté musicale – dont un
excellent documentaire, récem­
ment diffusé sur Arte, a rappelé
l’histoire. En revanche, Arman
Méliès connaît San Francisco et
s’est autorisé, sans souci des dis­
tances, d’invoquer l’esprit du natif
Jack London au même titre que
celui de Jim Morrison. Rares
noms (avec celui de la poétesse
de la Nouvelle­Angleterre Emily
Dickinson) à apparaître dans cette
fabulation qui n’a pas cédé à la fa­
cilité du name dropping.
« L’idée n’était pas de faire un Son père, mécanicien, tient un Son deuxième long­format, Les Armanet) : « Pendant très long­ Pour Basquiat’s Black Kingdom, il
album de folk californien comme garage avant d’intégrer Renault, Tortures volontaires (2006), lui temps, je me suis interdit énormé­
« J’ai fait deux a traduit dans le langage du post­
les Américains savent très bien le où il deviendra dessinateur in­ donne enfin de la visibilité grâce ment de choses, par pudeur et peur duos dans rock – accumulation de couches
faire encore aujourd’hui avec quel­ dustriel. « J’ai connu dans mon en­ à Ivres, un duo grisant avec d’une certaine emphase. Mais si je de guitares et répétition – mêlé à
qu’un comme Jonathan Wilson, fance ces immenses dessins faits Bashung, qui n’hésitait pas à continuais à tout retenir, j’allais un
ma vie, l’un avec des citations cinématographi­
mais de m’inspirer de ce lieu et du au Rotring et j’étais très sensible à mêler sa voix à celles de quasi­in­ peu scléroser mes chansons. J’ai Alain Bashung, ques d’Ennio Morricone et de
souffle de cette scène, et de tra­ cette finesse », dit le fils, dont le connus. Le suivant, Casino (2008), pris un plaisir physique dans l’acte John Barry, son obsession pour le
duire ça à ma façon : des chansons premier grand émoi musical fut confirme sa singularité mélanco­ de chanter librement et me suis
l’autre avec peintre new­yorkais. « Un grand
actuelles d’un Français, à travers le Purple Rain (1984) : « Je l’ai écouté lique, mélodies soignées sur ac­ rendu compte que les limites que Hubert-Félix bruit blanc permanent » pour il­
prisme d’un fantasme qui permet en boucle et j’ai été fasciné d’ap­ cords en mode mineur, guitares subissait ma voix étaient pour la lustrer l’effervescence de la
de tordre la réalité », explique prendre dans une biographie de incisives et claviers vaporeux, plupart artificielles. Je me les étais
Thiéfaine, et Grosse Pomme. « J’ai laissé libre
Arman Méliès, qui n’a pas chômé Prince qu’il enregistrait tout dans production atmosphérique. Cette créées. Là, je me suis lâché. » j’en suis très fier » cours à cette pulsion adolescente
ces derniers temps, puisque Lau­ sa cave. J’ai voulu faire pareil avec même année, il s’illustre en A tel point qu’on lui a dit que qui continue à vibrer en moi dans
ARMAN MÉLIÈS
rel Canyon clôt en beauté une tri­ un magnétophone à cassettes et signant les musiques de Tant de cette libération faisait parfois ce disque presque régressif », cons­
logie américaine bouclée en neuf un vieil orgue pourri. » nuits et Vénus, les joyaux de Bleu songer aux élans d’un Johnny tate le futur quinquagénaire, qui
mois seulement, après deux dis­ Ensuite, l’ado se met à la guitare pétrole, l’ultime album de Hallyday. On l’entend même pous­ continue de suivre l’actualité des
ques essentiellement instrumen­ par opportunité, en récupérant Bashung. Tout en tenant la six­cor­ ser des cris de coyote sur La Soif, sixties. Ailleurs, des guitares cré­ métalleux suédois Cult of Luna.
taux, Roden Crater et Basquiat’s celle que son frère a achetée pour des sur Ersatz, de Julien Doré, et en derrière un banjo et une guitare pusculaires, des strates de piano L’électronique de Roden Crater
Black Kingdom. L’ensemble a ne pas l’utiliser. Il passe à l’électri­ rejoignant The Bash, le groupe du dramatique à la Ennio Morricone, et de claviers, des saxophones et découle, elle, de l’émerveillement
été conçu « à la campagne », près cité du hardcore, dont ses tatoua­ vainqueur de l’émission de télé­ soutenus par une batterie rocka­ des violons, un souffle épique – qu’a provoqué l’existence d’un
d’Etampes (Essonne), entre Paris ges et le mystérieux alphabet cou­ crochet « Nouvelle Star ». billy. Alors qu’il avait « tendance à springsteenien même pour Vise le projet de land art dans ce volcan
et Orléans. Avec les confine­ rant sur ses phalanges, façon Nuit A l’époque, il avait été signé par traîner sur les syllabes, de façon cœur. « La vie est trop courte pour éteint, acheté en Arizona par l’ar­
ments, le musicien s’est astreint du chasseur, pourraient être les la major Warner. Aujourd’hui, il lancinante », Arman Méliès chante qu’elle soit petite », devise­t­il dans tiste américain James Turrell.
dans son studio à « travailler tous stigmates : « Distorsion à tous les enregistre sur son propre label, aujourd’hui « “devant” le rythme la grandiose chanson­titre. La curiosité de Méliès s’est aussi
les jours pour ne pas devenir étages, j’apprenais à jouer les solos Royal Bourbon. Comme ce put pour tirer les chansons, ce qui Un duo, un seul, Météores, avec étendue au royaume des planches
complètement fou » : « Comme si de Slayer ou de Metallica, pas for­ être le cas pour Dominique A, sa permet de les rendre instrumenta­ Hubert­Félix Thiéfaine, compa­ ces trois dernières années, depuis
j’allais au bureau. » Une dizaine de cément ce qu’il y a de plus facile voix de complainte, presque souf­ lement moins nerveuses et d’allé­ gnon de route depuis que Méliès a que le dramaturge et metteur en
nouvelles chansons ont déjà pour des parents quand ils enten­ freteuse, a sans doute constitué ger la musique ». Sa voix, observe­ composé deux musiques sur les scène Emmanuel Demarcy­Mota,
émergé pour un prochain album. dent ça huit heures par jour… » un frein au succès. Il l’a specta­ t­il, est devenue « l’instrument Suppléments de mensonge (2011) patron du Théâtre de la Ville à Pa­
Une voie extrême qu’il délaisse culairement desserrée en 2015 principal alors qu’avant elle était du Jurassien. « Cela me paraissait ris, a fait appel à lui, notamment
Vocation tardive pour une autre, après la décou­ avec l’album Vertigone et surtout une guitare parmi les guitares ». logique, car il est l’enfant français pour Les Sorcières de Salem, d’Ar­
Jean­Louis Fiévé a grandi à 30 ki­ verte des Doors et de Neil Young, depuis Echappées belles (2018), de cette scène, influencé à la fois thur Miller. Le néophyte a encore
lomètres au nord d’Etampes, à ses deux premiers contacts avec un six­titres comportant quatre Un souffle épique par la musique des seventies et la travaillé sur Les Animaux dénatu­
Brétigny­sur­Orge, d’abord dans des habitants de Laurel Canyon. reprises de chansons écrites L’album débute à Avalon, cette île poésie noire de Rimbaud et rés, d’après Vercors, une interro­
une barre d’immeubles puis en « Des gens prêts à se consumer par de jeunes consœurs (Mais­ édénique qui est aussi pays Baudelaire, qui a elle­même beau­ gation sur le chaînon manquant
pavillon. « Il y avait un petit bois pour irradier », dit­il, en écho au siat, Blondino, Fishbach et Juliette des morts dans la légende ar­ coup compté pour Morrison. Je qui devait être présentée en no­
qui était pour nous la forêt de « It’s Better to Burn out Than to thurienne, pour se perdre plus considère qu’il est un des meilleurs vembre 2020 au Musée d’Orsay,
Fontainebleau, se souvient­il. Fade Away », du Loner canadien. loin dans l’Amor Drive, une « rue paroliers vivants en France, avec en lien avec l’exposition « Les Ori­
Mais ça n’a ni le charme de la cam­ La musique reste longtemps un qui n’existe pas » mais voisine Murat et Manset. Il y a un mystère gines du monde ». Si le virus a tout
pagne ni le dynamisme de la loisir chronophage pour celui qui
Sa voix est du Mulholland Drive d’Angelo dans leur écriture. J’ai fait deux empêché et prive le musicien de
ville. » Sa frénésie musicale ac­ se destine à devenir instituteur, devenue, selon Badalamenti, le compositeur féti­ duos dans ma vie, l’un avec Alain concerts, celui­ci « ne manque
tuelle contraste avec les années après une licence en géographie. che de David Lynch : « L’amour et Bashung, l’autre avec Hubert­Félix donc pas d’activités ». Convaincu
d’hésitations et de tâtonnements Quand elle finit par l’emporter
lui, « l’instrument la distorsion, ça raconte toute l’his­ Thiéfaine, et j’en suis très fier. » qu’« il y a des milliers de chansons
qui ont précédé son premier al­ sur tout le reste, elle ne nourrit principal toire de Laurel Canyon et la trans­ Les deux albums compagnons à écrire encore ». 
bum, Néons Blancs & Asphaltine pas son homme, qui multiplie les formation d’une utopie en cauche­ de Laurel Canyon témoignent bruno lesprit
(2004), livré alors qu’il avait dé­ petits boulots de manutention
alors qu’avant mar avec Altamont et Charles plus directement de la passion
passé la trentaine. La vocation de en intérim. Des piges pour le dé­ elle était une Manson. » Soient le concert mor­ d’Arman Méliès pour les arts plas­ Laurel Canyon ; Roden Crater
cet autodidacte a tardé à éclore, funt magazine Rock Mag lui per­ tifère des Rolling Stones et le hip­ tiques. Les Tortures volontaires (mai 2020) ; Basquiat’s Black
après des éveils successifs à la mettent d’agrandir à moindres
guitare parmi pie criminel qui symbolisent dès comme Casino se référaient déjà à Kingdom (septembre 2020).
création artistique. frais sa discothèque. les guitares » 1969 l’agonie de l’idéalisme des des œuvres d’Annette Messager. Royal Bourbon/Bellevue Music.
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24 | culture MARDI 2 MARS 2021

Au Reflet Médicis, les écrans attendent dans le noir


UN AN DE CULTURE CONFINÉE 7|12Avant la crise, le cinéma du Quartier latin était l’une des salles les plus actives du secteur

L
e Quartier latin, à Paris, en 1971, qui a débuté à la caisse,
est l’un des hauts lieux de puis animé et programmé les
« Le second
la cinéphilie, l’endroit de séances, avant de prendre les rê­ confinement
la capitale où l’on compte nes à la fin des années 2000,
au mètre carré la plus grande con­ maintient coûte que coûte une
a été beaucoup
centration de petites salles indé­ vie, même minimale, une conti­ plus violent, avec
pendantes, réputées entre autres nuité des choses. Avec le naturel
pour leur programmation de flegmatique de l’éternel étudiant,
le maintien de la
classiques, offrant au flâneur l’oc­ ce cinéphile de cœur, formé par la fermeture après
casion de voyager à sa guise dans seule fréquentation des films, se
l’histoire du cinéma. Mais au rend sur place deux fois par se­
le 15 décembre.
cœur de ce quadrillage, il existe, à maine, pour faire tourner les ma­ Tous nos efforts
l’ombre de l’hôtel de Cluny et de la chines, entretenir les projecteurs,
Sorbonne, un petit goulot les lampes et les serveurs infor­
ont été sabrés »
d’étranglement, la rue Champol­ matiques, abattre aussi quelques MARC ZEKRI
lion, 145 m de longueur, 8 m de tâches administratives qui, elles, directeur du Reflet Médicis
largeur, qui constitue un véritable ne connaissent pas la crise. « Je
repaire avec pas moins de trois reste travailler ici parce que le lieu
institutions en enfilade : Le me manque physiquement, préci­ sine die de la fermeture après le
Champo, classé monument his­ se­t­il. A chaque fois, j’appelle Jac­ 15 décembre. Tous nos efforts ont
torique, La Filmothèque du Quar­ quot, le patron du bar d’en face, été sabrés. On flotte depuis dans
tier latin en embuscade, et, au fermé lui aussi ; on prend un café une immense incertitude. »
centre, idéalement niché dans un entre proscrits, on discute de la Toute période de crise est aussi
renfoncement de façade, le Reflet suite. » Pendant qu’écrans et fau­ un laboratoire pour l’avenir, qui
Médicis. Avant qu’ils ne soient teuils attendent dans le noir, permet en l’occurrence de repen­
convertis en cinémas, la rue était comme les vestiges d’un temps ser la place de la salle de cinéma
connue au XIXe siècle pour ses ca­ pas si lointain. dans l’économie des images. « La
barets, dont le théâtre des Noc­ montée des plates­formes me pose
tambules, fondé en 1894 par le Laboratoire pour l’avenir question, reconnaît Zekri. On se
chansonnier Martial Boyer, où Avant la crise, le Reflet Médicis rend compte que la politique de
eut lieu la première représenta­ était identifié comme l’une des l’autruche ne suffit plus : elles font
tion, en 1950, de La Cantatrice salles les plus actives du secteur, partie du paysage et modifient les
chauve d’Eugène Ionesco, mise en avec sa programmation hybride habitudes. Mais hormis des excep­
scène par Nicolas Bataille, et dont mélangeant rééditions, films tions comme Tënk ou MUBI, les
l’actuel Reflet Médicis conserve d’auteur en exclusivité, rétrospec­ plates­formes représentent sou­
encore comme seule relique, tives au long cours, et des séances vent une idée contraire à celle de la
dans l’une de ses trois salles, un à la carte, souvent accompagnées. programmation : l’accumulation,
ancien vitrail Art nouveau. « Le Reflet était une salle à l’équili­ le culte du “tout disponible”, les lo­
bre, et même un peu excédentaire giques de flux… Toutes choses que
« Séances privées » au sein de la Maison Dulac, le certains penseurs ont théorisées
Après cent quinze jours de ferme­ groupe de cinq salles auquel elle sous le terme d’“économie de l’at­
ture des lieux de culture, la rue appartient, loin en tout cas de l’idée tention”. » Face à ces mastodon­
semble étrangement fantomati­ qu’on peut se faire d’une petite salle tes, la salle ne fait peut­être plus le
que, comme vidée des files d’at­ qui survit, raconte son gérant. Se­ poids, mais elle peut encore ras­
tente qui d’ordinaire l’animent, lon les années, on tournait entre sembler physiquement un public
coupée de tout l’écosystème qui 100 000 et 110 000 entrées. » A la autour d’une œuvre. « Fin sep­
constitue la vie de quartier, entre stupéfaction de la première fer­ tembre 2020, un petit miracle s’est
les cafés, les librairies et l’efferves­ meture, entre mars et juin 2020, produit avec la sortie du film de
cence étudiante des universités succède le coup de massue du David Dufresne, Un pays qui se
attenantes. Les façades des ciné­ 30 octobre et d’une seconde cessa­ tient sage », se souvient celui qui
mas sont fermées, les enseignes Jean­Marc Zekri, le directeur du lieu, au Reflet Médicis, le 24 février. JULIEN MIGNOT POUR « LE MONDE » tion d’activité, cette fois illimitée. se définit moins comme exploi­
éteintes, et sur les murs gisent en­ « En mars 2020, la filière mainte­ tant (« quel vilain mot ! ») que
core, figées dans le temps, les affi­ nait la liaison par le travail. On sen­ comme « passeur ». « L’engoue­
ches des films sortis en octo­ tait que tout allait rouvrir sous peu, ment soulevé par le film, les débats
bre 2020, comme le documen­ sateurs, éditeurs. Accueillie par le « On a commencé à organiser et malgré les reports successifs, un qu’il a suscités ont montré ce que
taire américain City Hall, de Fre­
Le directeur directeur de la salle Jean­Marc des séances privées, en comités horizon se dessinait. Pendant la pouvait être encore la salle : un es­
derick Wiseman, qui n’a connu se rend sur place Zekri, la petite dizaine de person­ très restreints, explique Jean­Marc courte parenthèse de reprise, de pace d’expression collective. Pas
qu’une semaine d’exploitation. nes se glisse dans la salle 2 où l’on Zekri, pour prendre de l’avance sur juin à octobre, le modèle du Reflet, besoin d’appartenir à telle ou telle
Pourtant, en ce lundi morose de
deux fois par projette Residue, le premier long­ le calendrier des sorties, et surtout petite salle de quartier à la pro­ chapelle pour prendre la parole, in­
février, vers 13 heures, un petit semaine, pour métrage du jeune réalisateur maintenir un lien entre les acteurs grammation ciselée, s’est révélé ré­ terpeller, intervenir dans le débat
groupe commence à se former, américain Merawi Gerima. L’his­ de la filière. Le distributeur fran­ sistant, avec une baisse de seule­ public. Aujourd’hui, c’est ce collec­
épars, devant le Reflet Médicis, où
faire tourner toire d’un jeune Afro­Américain çais de Residue voulait tâter le ment 20 % de la fréquentation, puis tif­là qui nous manque. » 
l’on reconnaît derrière leurs mas­ les machines, qui revient s’installer dans son pouls de la profession, recueillir les une vraie remontée à l’automne. mathieu macheret
ques des professionnels du sec­ quartier natal de Washington et le premières réactions sur le film. » Le second confinement, tombé
teur : distributeurs, directeurs de
entretenir retrouve changé, en phase avan­ Dans l’établissement où tout est comme un couperet, a été beau­ Prochain article Les étudiants
festivals, programmateurs, réali­ les projecteurs cée de gentrification. resté en place, le directeur, né coup plus violent, avec le maintien de la Femis face à la crise

Une enquête puissante, mais incomplète, sur l’affaire Allen­Farrow


Deux cinéastes reviennent sur les accusations d’agressions sexuelles portées par Dylan Farrow à l’encontre de son père adoptif, Woody Allen

DOCUMENTAIRE l’actrice s’inscrit dans le cadre


d’une séparation houleuse, après
frère, Dylan ne prenne la parole
publiquement, en 2014 pour re­
Dylan expliquant ce que son père
lui a fait sont recevables. De la
Dylan Farrow ments de langage, Dylan Farrow
agace autant qu’elle émeut. Elle

U n documentaire en qua­
tre volets produit par
HBO (diffusé en France
sur OCS) vient apporter des élé­
ments nouveaux au dossier qui
que Mia Farrow découvre, en jan­
vier 1992, la liaison qu’entretient
sa fille adoptive, Soon­Yi Previn,
avec le réalisateur, alors au faîte
de sa gloire. L’été suivant, Mia Far­
mettre sur la table un dossier que
tout Hollywood semble avoir relé­
gué aux oubliettes.
Pour imparfaite qu’elle soit, la
série documentaire de Kirby Dick
même façon, le fait que Dylan ait
été entendue à neuf reprises dans
le cadre de son examen psycholo­
gique, argument répété par les
soutiens d’Allen comme une
agace autant
qu’elle émeut.
Elle semble
semble surtout abriter en elle une
immense souffrance.
Le portrait brossé par petites
touches de Mia Farrow est peut­
être le plus intéressant, en ce qu’il
empoisonne les relations entre row accuse Woody Allen d’avoir et Amy Ziering ébranle un certain preuve de sérieux, est considéré
surtout abriter en réhabilite le combat sincère d’une
Woody Allen et Mia Farrow, sa agressé sexuellement Dylan, nombre de certitudes et s’avère trente ans après comme contraire elle une immense femme trop souvent présentée
compagne pendant trente ans. 7 ans, dans le grenier de la maison dévastatrice pour Woody Allen. aux principes qui régissent ce comme la femme trompée revan­
L’examen des faits tels qu’ils ont du Connecticut où la famille Allen v. Farrow s’appuie en effet type d’interrogatoire.
souffrance charde. Ces récits, intimes et déli­
été présentés à la justice à l’épo­ passe l’été. Si Allen est blanchi par sur une quantité importante de cats, éclipsent une dernière partie
que où l’actrice a accusé le réalisa­ l’examen psychologique de l’en­ documents et de témoignages ja­ « Une petite fille blonde » beaucoup moins réussie, dans la­
teur d’agression sexuelle sur leur fant, qui conclut à une manipula­ mais montrés. Outre les films de Efficace, la démonstration n’évite Allen a accepté qu’elle adopte quelle les réalisateurs, spécialistes
fille adoptive Dylan fait toute la tion maternelle, un tribunal new­ famille tournés au caméscope par pas les écueils, certains grossiers, un nouvel enfant (qui se révélera des violences institutionnelles,
force de cette enquête, menée yorkais lui refuse peu après la Mia Farrow et les témoignages de par exemple celui qui consiste à être Dylan) si c’est « une petite dézooment pour inscrire l’affaire
pendant trois ans par deux ci­ garde de ses trois enfants : Dylan, ses enfants et ses proches, Allen v. chercher dans la carrière d’Allen fille blonde » posent la question dans le contexte post­#metoo.
néastes fins connaisseurs du su­ Moses, et Satchel, futur Ronan Farrow présente des éléments di­ les ferments de sa pédocrimi­ des limites à s’imposer en l’ab­ Enquête puissante mais incom­
jet, Kirby Dick et Amy Ziering Farrow et tombeur d’Harvey rectement issus du dossier d’ins­ nalité présumée : évoquer son sence de contradictoire : le « no plète, Allen v. Farrow contient en
– auteurs en 2012 de The Invisible Weinstein. Fin de l’histoire, jus­ truction. Parmi les pièces dévoi­ « obsession » artistique pour les comment » peut­il servir de creux une forme d’examen de
War, documentaire remarqué sur qu’à ce que, encouragé par son lées, une vidéo de Dylan filmée jeunes filles n’est guère sérieux blanc­seing ? conscience. Alors que les dénon­
les violences sexuelles dans l’ar­ par sa mère, dans laquelle elle ra­ et ne résiste pas à un examen ap­ D’autant que la mise en scène, ciations pour violences sexuelles
mée. Sa faiblesse, et pas des moin­ conte avec ses mots d’enfant profondi de sa filmographie. discrètement racoleuse, ne lésine s’enchaînent à un rythme vertigi­
dres, est d’être menée intégrale­ l’agression qu’elle a subie quel­ Plus problématiques, certaines pas sur les effets de sens que peu­ neux, celui­ci n’a jamais semblé
ment à charge, Woody Allen et ses Le film présente ques jours plus tôt. accusations graves – Allen aurait vent provoquer les photos en noir aussi indispensable. 
soutiens ayant refusé de s’expri­ Le travail de Kirby Dick et Amy exercé des pressions pour et blanc du visage sombre de Dy­ audrey fournier
mer. Et pourtant, cette affaire ne
des éléments Ziering permet de mesurer le che­ que l’examen psychologique de lan enfant, ni sur les illustrations
s’est jamais résumée à une parole directement issus min parcouru en trente ans dans Dylan l’exonère – ne sont pas musicales larmoyantes qui entou­ Allen v. Farrow, de Kirby Dick
contre une autre. les affaires de pédocriminalité. étayées. D’autres scènes, comme rent chacune de ses interventions. et Amy Ziering (Etats­Unis, 2021,
Lourdement médiatisé à l’épo­
du dossier Pour les spécialistes interrogés celle, troublante, dans laquelle Porte­voix d’un discours qui sem­ 4 × 50­75 min). A la demande,
que, le conflit entre le cinéaste et d’instruction par les cinéastes, les images de Mia Farrow raconte que Woody ble parfois construit à partir d’élé­ sur OCS Go, à partir du 1er mars.
0123
MARDI 2 MARS 2021 télévision | 25
La galeriste naïve et le faussaire surdoué NOTRE
SÉLECTION
Un passionnant documentaire revient sur l’affaire des toiles d’expressionnisme abstrait, révélées fausses MAR DI 2 MARS

France 2
NETFLIX d’euros). Mais un acheteur poten­ Irradiés
À LA DEMANDE tiel, plus regardant que les autres 00.30
DOCUMENTAIRE sur la provenance d’un Pollock, Horaire de noctambule pour
fait passer la toile par des analyses ce documentaire du Cambodgien

P
arodies, pastiches, cita­ chimiques qui révèlent qu’un des Rithy Panh, qui explore la place
tions et autres emprunts pigments utilisés n’existait pas du génocide khmer dans l’histoire
stylistiques sont des du vivant du peintre : le diable est des massacres de masse. Disponible
usages admis, même si, décidément dans les détails. aussi à la demande sur France.tv.
parfois, lorsqu’ils touchent au Le documentaire narre l’histoire
plagiat, la loi des tribunaux peut de cette extraordinaire affaire, de TCM Cinéma - Netflix
s’exercer. Les faux, fraudes et ses origines aux conclusions Inception
autres contrefaçons ne se revendi­ de l’enquête du FBI, en passant par 20.50 - A la demande Une fois
quent plus comme un hommage le procès qui se terminera par un de plus, le réalisateur Christopher
plus ou moins limpide et appuyé arrangement. Au fil des témoigna­ Nolan défie le sens commun avec
à leurs sources. Au contraire : ils ges, on pourra prendre tel ou tel ce thriller, qui met en scène une
s’y substituent avec tous les sub­ parti : supputer que la galerie (qui équipe d’espions chargés d’infiltrer
terfuges possibles dans le but de a fermé ses portes en 2011 après le subconscient de leurs victimes.
gruger connaisseurs et acheteurs. avoir indemnisé ses clients) était
Et, bien souvent, les experts pa­ de mèche avec les faussaires ; France 2
tentés s’y trompent. On se sou­ ou penser que, aussi paradoxal Les Pouvoirs extraordinaires
vient comment des amateurs for­ que cela puisse paraître a poste­ du corps humain
tunés s’étaient laissé berner par riori, la galeriste avait quelques so­ 21.05 Présentée par Adriana
des ventes de vins frauduleux lides circonstances atténuantes. Karembeu et Michel Cymes, une
d’un certain Rudy Kurniawan. Mais ce qui frappe peut­être édition sur le cerveau, un « organe »
Mais l’art du faux touche avant le plus, finalement, est le senti­ que maîtrisent François Berléand,
tout – et de longue date – le do­ Ann Freedman, l’ancienne directrice de la galerie Knoedler, à New York, en 2016. SETH WENIG/AP ment plutôt troublant que des toi­ François Xavier-Demaison et le vice-
maine des arts plastiques, comme les de Mark Rothko, que tout champion du monde de la mémoire
dans l’affaire que relate le passion­ le monde, en les découvrant, (2018) Guillaume Petit-Jean.
nant documentaire Histoire de Rothko, Robert Motherwell, Jack­ mer, le père de l’acteur Armie auteurs, bientôt intégrées aux ca­ a considérées parmi les plus belles
faussaires : un chef­d’œuvre d’ar­ son Pollock, Franz Kline, etc. Hammer –, est abasourdie par la talogues, exposées par des mu­ qui soient (même si beaucoup se Salto
naque, de Barry Avrich. En 1994, Protégée par un accord de confi­ beauté des œuvres. sées, et unanimement considé­ rétracteront au moment du pro­ Small Axe
la vénérable galerie new­yorkaise dentialité, l’identité du vendeur Cette professionnelle reconnue rées comme des chefs­d’œuvre. cès), ne soient pas de Rothko. A la demande Steve McQueen
Knoedler, ouverte en 1848, s’est n’est pas révélée ; les papiers pou­ doute d’autant moins de la possi­ De quoi ruminer longuement consacre cinq films à la
vue contactée par une galeriste vant attester la provenance des bilité qu’elles soient des faux que Quarante contrefaçons la notion de « valeur » de l’art.  communauté antillaise de Londres,
inconnue qui se disait chargée de toiles sont déclarés perdus par les tous les spécialistes qu’elle Les collectionneurs saisissent renaud machart dont les membres, venus pour
la vente d’une série de tableaux héritiers du premier acquéreur. consulte, ainsi que le fils de l’aubaine, et ce sont ainsi quarante reconstruire la métropole ravagée
non répertoriés signés d’artistes Mais Ann Freedman, la directrice Rothko ou la veuve de Mother­ contrefaçons qui, de 1994 à 2009, Histoire de faussaires : un chef­ par les bombardements allemands,
majeurs de l’expressionnisme de la galerie Knoedler – dont well, lui confirment qu’il s’agit de seront vendues pour un total de d’œuvre d’arnaque, de Barry ont été ensuite abandonnés. Avec
abstrait américain – dont Mark le propriétaire est Michael Ham­ véritables œuvres de leurs 80 millions de dollars (66 millions Avrich (Can., 2020, 90 min). la volonté de raconter ce qui a été tu.

Le diabète, un fléau mondial qui rapporte gros


La maladie chronique, en expansion permanente, attise la convoitise des laboratoires, aux Etats­Unis comme en Europe

ARTE Ce documentaire instructif nous cence, raconte avec pudeur et En quelques décennies, le nom­ recettes annuelles générées par le peuvent plus se soigner. En 2007,
MARDI 2 - 20 H 50 emmène de Baltimore à Dakar, de clarté son quotidien dans un livre bre de diabétiques dans le monde diabète explosent. Trois grands la­ l’énorme scandale sanitaire de
DOCUMENTAIRE Düsseldorf à Indianapolis en (Diabétiquement vôtre, Calmann­ est passé de 50 millions à 430 mil­ boratoires dans le monde se parta­ l’Avandia, à l’époque le traitement
passant par Copenhague. Il y est Lévy, 2015) sur lequel les auteurs lions. Même l’Afrique, qui adopte gent près de 99 % du marché des antidiabétique le plus vendu au

L a crise sanitaire relègue


dans l’ombre une autre pro­
blématique de santé publi­
que à l’échelle mondiale. Avec le
diabète, maladie sournoise en
question de traitements lourds et
coûteux, de scandales touchant
l’industrie pharmaceutique, mais
aussi d’espoirs dans de nouveaux
modes de soins. Parmi les témoins
du documentaire se sont appuyés.
Si Burgalat est atteint du type 1
(défaillance du pancréas qui ne
produit plus d’insuline, hormone
permettant de réguler le taux de
un mode de vie « à l’occidentale »,
est touchée, avec 47 millions de dia­
bétiques prévus d’ici vingt ans.

Scandale sanitaire
médicaments antidiabétiques :
l’américain Lilly, le français Sanofi
et le danois Novo Nordisk. La mise
au point régulière d’antidiabéti­
ques oraux, traitements à vie oné­
monde et responsable d’environ
80 000 accidents cardiaques, avait
défrayé la chronique. Comment
ces terribles effets secondaires
ont­ils pu échapper aux systèmes
progression continue, les enjeux interrogés, entre chercheurs, mé­ sucre), 90 % des diabétiques dans Le diabète fait souffrir physique­ reux qui permettent éventuelle­ d’évaluation des médicaments ?
de santé cohabitent avec des en­ decins, patients, membres de la le monde souffrent du type 2. Ali­ ment et économiquement des ment de garder la maladie sous Réponses dans ce film. 
jeux économiques gigantesques. Food and Drug Administration ou mentation trop grasse, trop sucrée millions de patients, avec des trai­ contrôle mais pas de guérir, rap­ alain constant
Cette maladie coûte 760 milliards de la Haute Autorité de santé, on et sédentarité provoquent des tements lourds et coûteux. Mais portent des fortunes aux labos.
de dollars (626 milliards d’euros) trouve Bertrand Burgalat. Le musi­ dégâts considérables, avec un cette maladie de société à échelle Aux Etats­Unis, le prix de l’insu­ Diabète, une addition salée,
par an, somme colossale qui af­ cien et producteur, diagnostiqué pancréas qui secrète trop d’insu­ mondiale fait le bonheur de l’in­ line a été multiplié par dix en dix de Dorothée Frénot et Benoît
fecte la productivité des pays. diabétique de type 1 à l’adoles­ line et finit par s’user. dustrie pharmaceutique, dont les ans et des millions de patients ne Rossel (Fr.­Sui., 2020, 85 min).

0123 est édité par la Société éditrice


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PAR PHILIPPE DUPUIS
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N°21­051 Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).
Rédaction 67-69, avenue Pierre-Mendès-France,
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Morbihan. 12. Force et vigueur. Eutrophisation : PTot = 0.009 kg/tonne de papier
26 | styles 0123
MARDI 2 MARS 2021

La rivière
des Galets,
dans le cirque
de Mafate.
FRÉDÉRIC LANCELOT/
DIVERGENCE

Saint-Denis
Rivière
des Galets
Cirque
Maïdo de Mafate
Piton des Neiges
3 069 m
LA RÉUNION
Piton de
Océan la Fournaise
Indien 2 631 m
10 km

C A R N E T
D ’ A D R E S S E S

DÉJE U NER, DÎN ER


L’Atelier Béton Dans la
plaine des Cafres, au pied
du volcan le piton de la
Fournaise, la preuve écla­
tante que La Réunion est
une île de culture et de sa­
veurs. André Béton, le maî­
tre des lieux, est un artiste
peintre qui récite René Char
ou Lyonel Trouillot en
même temps qu’il prépare
avec Rose, son épouse, une
cuisine créole absolument
délicieuse. L’une des
meilleures tables péi de l’île
à un prix très accessible.

UN LIEU, UNE RENCONTRE Rue de la Fournaise, Bourg-


Murat, La Plaine des Cafres.
Tél. : +262 6 92 96 53 16.
Le Four à chaud Sur le front

VOYAGE Le cirque de Mafate devenu le guide le plus célèbre de


l’île, c’est parce qu’il sait en racon­
de mer, tout près de l’anti­
que four à chaux Meralikan
(monument historique

C’
est comme un im­ ter les pierres ou les plantes pour depuis 1996), ce restaurant

de Clovis Etchiandas
mense bol de ciel qu’elles parlent des hommes : tenu par Jean­Marie Payet
bleu. Le soleil de l’hi­ « J’ai épousé Estelle, une fille de propose une cuisine à la
ver austral aiguise Mafate, et j’ai toujours aimé faire plancha et des plats métis­
les angles d’un paysage en Ciné­ partager les savoirs de ces gens sés simples mais réjouis­
maScope, chaos de roches et de des Hauts », dit­il. sants, y compris les desserts
végétation. Autour du cirque de Loin, très loin de la carte postale des Qu’ils soient « kaf » ou « yab » (dont une tarte tatin à la
Mafate, les hautes falaises du (descendants des « Petits Blancs » papaye), le tout cuit dans
Maïdo sont du papier kraft qu’un rivages, les Hauts réunionnais dévoilent chassés des côtes par le manque le four à bois.
géant aurait froissé. La Réunion, de terre et la concurrence des « af­ 65, rue du lagon, 97434 Saint-
cette petite île, cache sa démesure leur démesure sauvage à qui se donne franchis » à l’abolition de l’escla­ Leu, Tél. : +262 6 93 00 34 07.
à l’intérieur. La lumière fait scin­ vage), ils ont longtemps été mé­
tiller les toits des cases à Malheur, la peine d’en arpenter les chemins. prisés. Mais ils savent le benjoin VIS ITER, VO IR
hameau solitaire, seulement ac­ endémique, utilisé contre l’état Le Musée Stella­Matutina
cessible à pied ou en hélicoptère. Suivez le guide le plus renommé de l’île grippal, le « bois jaune » qui Installé dans l’ancienne
Une poignée de maisons s’épar­ apaise les fièvres, le « bois joli usine sucrière du même
pillent derrière les bananiers, les cœur » qui calme les nerfs, et l’or­ nom, il raconte l’histoire
orangers ou les goyaviers sur leur chidée « faham » dont les feuilles de l’île, consacrée à la canne
parcelle de terre mauve. L’inti­ sont utilisées contre l’asthme et à sucre et à son industrie.
mité de ce bout de terre domesti­ parfument le rhum arrangé. L’es­ Miroir de l’identité réunion­
qué contraste avec l’ampleur des « îlets ») perdus dans le cirque rap­ cale à la table d’hôte, dans un îlet, naise, c’est aussi beaucoup
remparts autour. pellent, eux, la traque incessante : est « l’occasion de partager sans de celle de Clovis Etchian­
Depuis trente­trois ans, Clovis Ilet­à­Malheur quand Mafate voyeurisme », de « découvrir com­ das, puisque son aïeul
Etchiandas guide les voyageurs tomba sous les balles de Mussard ment on fait une case, un boucan fut amené de Madagascar
dans l’intérieur sauvage de l’île en 1752, Ilet­à­Bourse pour la [la cuisine séparée où les marmi­ comme « travailleur en­
et ne s’en lasse pas. Pourtant, sa prime accordée aux « chasseurs tes sont posées sur les braises], un gagé » sur la plantation et
première incursion – à l’âge de de Noirs ». « Il y a vingt ans, les chaume de vétiver, l’occasion aussi que son père y fut ouvrier
19 ans seulement – n’avait pas été voyagistes n’aimaient pas trop d’écouter les gramounes [les an­ jusqu’à la fermeture,
qu’une partie de plaisir : « Je ne que l’on parle de cette histoire, ciens] raconter le géranium et les en 1978…
connaissais que la savane et les ils préféraient que l’on s’en tienne huiles essentielles… Les Mafatais 6, allée des Flamboyants,
champs de canne, raconte ce fils aux petites fleurs et à la géologie », n’ont pas attendu la création du 97424 Piton-Saint-Leu.
d’un ouvrier agricole sur une sourit Clovis Etchiandas, qui évo­ parc national pour gérer leurs res­ Tél. : +262 34 59 60. Stella.
plantation sucrière. On était par­ que pourtant ces pages sombres : sources », dit Clovis Etchiandas, reservations@
tis avec un copain scout, chargés « Aujourd’hui, on bâtit des itiné­ qui apprécie moyennement cette museesreunion.re
comme des baudets entre les sacs, raires sur les traces des marrons, nature désormais balisée et les Musée des musiques
les cordes et les kilos de boucané j’ai une clientèle locale qui vient hameaux les plus accessibles par­ et instruments de l’océan
[viande fumée]. Ces forêts, ces chercher ce passé qu’on ne lui a fois surpeuplés. Indien Créé à Hell­Bourg,
montagnes, les effondrements, pas, ou mal, raconté. » Car le progrès est arrivé au plus dans la maison Morange,
c’était un paysage démentiel, pres­ Clovis Etchiandas. TRAVELS GALLERY/OFFICE DE TOURISME DE L’OUEST DE LA RÉUNION En créole, le mot « maron » qua­ profond du cirque : panneaux so­ par deux amis musiciens et
que effrayant… » lifie tout ce qui est un peu sau­ laires, antennes satellites, infor­ collectionneurs, il présente
Mais ce monde caché loin des ri­ vage, clandestin, voire pas très lé­ matique à haut débit… Les héli­ plus de 1 500 instruments
vages lui offrit aussi « le sentiment piégeage, tentaient l’agriculture, gal. « Maronèr » désigne le gamin coptères ravitaillent et transpor­ et un parcours musical au
de liberté ». Et le « kaf » (Noir d’ori­ descendaient parfois jusqu’aux
« En fin de qui fait l’école buissonnière ou tent les touristes fainéants, les gré des peuples qui ont fait
gine africaine ou malgache), qui plantations pour dérober fusils, journée, le soleil l’homme qui ne suit pas les sen­ coureurs de la « Diagonale des l’histoire de l’île, Europe,
avait été le moins bien loti parmi outils, semences et, éventuelle­ tiers battus, celui aussi qui bra­ fous » transforment le parc natio­ Indonésie, Afrique, Mada­
« les fils à papa du BTS de tourisme ment, quelques jeunes filles. En­
qui incendie conne ou cultive ses plants de za­ nal en terrain de jeu. Mais Clovis gascar, Inde, Chine… et ex­
à la fin des années 1980 », qui fut tre 1739 et 1765, la « chasse » aux les falaises mal (la marijuana locale), plan­ Etchiandas connaît un endroit, pliquent la richesse de la
« le plus bronzé » et moqué parmi marrons fut systématique par des qué quelque part dans le cirque… préservé parce qu’il faut crapahu­ musique réunionnaise.
les apprentis guides de monta­ « mercenaires » dûment rémuné­
du gros Morne, Dans l’imaginaire réunionnais, ter depuis la rivière des Galets et Tél. : +262 46 72 23.
gne, puis lors de sa formation de rés. A La Réunion, les communes c’est magique » ce pays reculé est aussi une terre que, faute de moyens pour l’en­ Maisonmorange.fr
chasseur alpin en Haute­Savoie, y du littoral portent toutes des rebelle. tretenir, le sentier est fermé : Le cap Jaune Tout au bout
CLOVIS ETCHIANDAS
trouva aussi « une certaine fierté ». noms de saints très catholiques, Désormais quinquagénaire, « Tu as bien galéré pour grimper à de l’île, à Vincendo, dans
guide à La Réunion
Car les chemins sur lesquels il mais les Hauts se souviennent de Clovis Etchiandas connaît le 1 800 mètres jusqu’au plateau du le Sud sauvage, une courte
déniche l’orchidée cachée dans le ces résistants. moindre chemin qui court à l’om­ Kelval, et là tu débouches sur une randonnée conduit entre
tronc d’un bois de nèfle, enseigne bre des tamarins dans le parfum plaine : quelques petites vaches lave grise, filaos et pins jus­
les feuilles arrondies du bois de Une terre rebelle de terre humide, chaque « mar­ sauvages qui s’abreuvent dans une qu’à un chemin acrobatique
cannelle ou le parfum de réglisse Clovis Etchiandas n’oublie jamais che » des sentiers qui dégringo­ mare, une cascade, et, en fin de qui dévale au pied des falai­
du millepertuis, furent d’abord de dire à ses clients que le cirque lent au fond des ravines, les tor­ journée, le soleil qui incendie les fa­ ses ocre, roches volcaniques
empruntés par les « marrons », les de Mafate s’appelle ainsi à cause rents qui roulent les pierres gri­ laises du gros Morne, c’est magi­ plongées dans l’océan qui
esclaves qui, au XVIIIe siècle, de Maa’faty (« celui qui donne la ses, les falaises d’où les cascades que. » Ici, on peut croire le slogan déferle en vagues puissan­
s’échappaient des plantations et mort » en malgache), un chef de font le grand saut, quand la roche de l’agence du tourisme réunion­ tes. Dans le ciel, les paille­
prenaient le maquis. Ils y vi­ bande qui multipliait les razzias, couleur de bronze pleure sous le nais : l’île intense.  en­queue planent et admi­
vaient de chasse au cabri ou du dont les noms des hameaux (les lichen et les fougères. Mais s’il est pierre sorgue rent le spectacle.
0123
MARDI 2 MARS 2021 carnet | 27
Allègre (Haute-Loire). Paris. Christiane Moulinier, Paris.

Claude Carrière Le Carnet


Sa famille
Et ses amis,
née Delafoy,
son épouse,
Laurence, Magali et Éric,
ses enfants,
Janine,
son épouse,
Marc-Henri, Paul-Eric, Laurent,

Journaliste et Vous pouvez nous faire


ont la tristesse de faire part du décès
de

Marie-Josèphe DIOUDONNAT,
Piero Brogi,
Simone Bertugno,
ses gendres,
Romeo et Andrea Brogi,
Manuelle et Florence,
ses enfants et leurs conjoints,
Natacha, Julia, Emmanuel, Jonathan,

producteur de radio parvenir vos textes


soit par e-mail :
professeur d’anglais (e.r.),

survenu le 22 février 2021, à Paris.


ses petits-fils,

ont la douleur d’annoncer le décès


Benjamin et Pierre,
ses petits-enfants,
Elise et Arthur,
carnet@mpublicite.fr de ses arrière-petits-enfants,
Elle sera inhumée dans le caveau
(en précisant impérativement familial à Allègre (Haute-Loire). l’ingénieur général ont l’immense tristesse de faire part
votre numéro de téléphone de l’armement
et votre éventuel numéro Une messe sera célébrée du décès de
Pierre MOULINIER,
ultérieurement en l’église Saint-
d’abonné ou de membre Eustache, sa paroisse.
ancien élève
de l’École polytechnique (1954), Jacques STERN,
de la SDL) X-52
Vous pouvez faire un don en sa ancien élève
soit sur le site : de l’École nationale supérieure fondateur de la SESA,
mémoire, à la Maison médicale
https://carnet.lemonde.fr Jeanne Garnier. du génie maritime, ancien président de Bull,
chevalier de la Légion d’honneur, chevalier de la Légion d’honneur,
L’équipe du Carnet reviendra Cet avis tient lieu de faire-part officier membre
et de remerciements. de l’ordre national du Mérite,
vers vous dans les meilleurs de l’Académie des sciences,
délais pour vous confirmer survenu à Paris, le 23 février 2021.
Brigitte, survenu le 26 février 2021,
la parution.
sa fille, La cérémonie religieuse aura lieu à l’âge de quatre-vingt-huit ans.
Hervé, le mardi 2 mars, à 10 heures, en
carnet@mpublicite.fr son fils, l’église Saint-Étienne-du-Mont, place Ignacio,
Nicolas, Fabien et Claire-Cécile,
https://carnet.lemonde.fr ses petits-enfants
Sainte-Geneviève, Paris 5e. son fils,
et leurs conjoints Michael, Fouad, Samir et Nabil,
AU CARNET DU «MONDE» Cet avis tient lieu de faire-part. ses frères
Ainsi que toute la famille,
et leurs familles,
89, avenue Denfert-Rochereau,
Décès ont la douleur de faire part du décès, 75014 Paris. Ses neveux et nièces,
survenu le 7 février 2021, à l’âge de Ses cousins et cousines
Chantal Vauclin, quatre-vingt-six ans, de Et toute la famille,
Vic-sur-Cère (Cantal).
son épouse,
Grégory, Séverine et Camille Vauclin, Philippe FUCHSMANN.
Nathalie et Yves Pierlot-Garcin, ont la tristesse de faire part du décès
Ses obsèques ont eu lieu le Sabine Pierlot, Laurent Pierlot, de
ont la tristesse de faire part du décès Jean-Mathieu Pierlot,
de 16 février, au cimetière de Ris-Orangis.
ses enfants,
Mme Claudette TABCHOURI,
Ils rappellent la mémoire de son Ses petits-enfants,
Michel VAUCLIN, M. et Mme Olivier et Christiane
directeur de recherche honoraire épouse, survenu à Pessac (Gironde), le
Bayard,
au CNRS, son frère et sa belle-sœur, 22 février 2021, à l’âge de soixante ans.
Nadine BOLOTINE,
fondateur du Laboratoire LTHE, M. et Mme Guy et Eliane Pierlot,
chevalier de la Légion d’honneur, son beau-frère et sa belle-sœur, La cérémonie religieuse sera célébrée
décédée le 19 février 2005.
CORINNE AMAR/RADIO FRANCE Ses neveux et nièces le mercredi 3 mars, à 10 h 30, en l’église
survenu le 24 février 2021. Ainsi que toute la famille,
9, résidence de la Theuillerie, Saint-Pierre-du-Gros-Caillou, à Paris 7e,
91130 Ris-Orangis. 92, rue Saint-Dominique, suivie
ont la tristesse de faire part du décès

Q
uelques jours après 14 MARS 1939 Naissance Mme Paule Custot, de l’inhumation au cimetière du
sa fille de
Jean­Claude Carrière, à Rodez (Aveyron) Laurent, Bruno, Marie, Anne Montparnasse, Paris 14e, 3, boulevard
Et ses petits-enfants, et Martin Coulais,
c’est un presque ho­ 1975 Entre à France Musique Mme Jacqueline PIERLOT, Edgar-Quinet.
ses enfants, née BAYARD,
monyme qui a dis­ 1982 Lancement de ont la douleur de faire part du décès Ses petits-enfants chevalier de la Légion d’honneur,
paru à son tour, le l’émission « Jazz Club » de Ainsi que toute sa famille, 168, rue de Grenelle,
agrégée de lettres classiques,
journaliste et homme de radio 20 FÉVRIER 2021 Mort 75007 Paris.
Claude Carrière, qui fut, de 1975 à à Paris M. François CUSTOT, ont la douleur de faire part du décès
ancien directeur arrière-petite-fille de
de
2008, sur France Musique, l’une du Laboratoire coopératif, Emile DUCLAUX, Souvenir
des voix du jazz parmi les plus officier de la Légion d’honneur. Mme Raymonde LAVERGNE, Une fidèle pensée en hommage à
respectées et écoutées. Un sei­ survenu à l’âge de quatre-vingt-neuf
née SCHAMASCH,
gneur, lui aussi : de la classe, de la temps instituteur, représentant Ses obsèques seront célébrées ans.
faconde, une culture inépuisable. en machines à écrire, puis a inté­ le mercredi 3 mars 2021, à 10 heures, survenu à Paris, Gérard LORIN,
au crématorium du Mont-Valérien, le 25 février 2021, La cérémonie a eu lieu ce lundi comédien.
Victime depuis quelques années gré les services d’architecture de la à Nanterre. à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. 1 er mars 2021, à 10 h 30, au
de problèmes cardiaques, il aura Ville de Paris », se souvient Jean crématorium de Saint-Cernin (Cantal).
fini par succomber à un nouveau Delmas. Grâce à l’agent et pro­ Un dernier hommage lui sera rendu « Ce qui est beau, c’est que
La cérémonie religieuse aura lieu
malaise, survenu à Paris, samedi ducteur Charles Delaunay, il en­ à 14 h 30, au cimetière de Levallois- le mercredi 3 mars, à 10 heures, La famille remercie toutes les tout cela (…) soit si inutile
20 février, à l’hôpital Tenon. tre à la revue Jazz Hot, dont il de­ Perret. en l’église Saint-François-Xavier, personnes qui s’associeront à sa et en même temps si nécessaire »
Il avait 81 ans. vient l’un des piliers. Ce qui, se­ Paris 7e. peine. Charles Juliet,
julien.morian1@gmail.com
Il fut, avec son confrère et ami lon son confrère Franck Bergerot, Rencontres avec Bram Van Velde.
L’inhumation aura lieu au Pompes funèbres Cassagne,
d’enfance Jean Delmas, l’anima­ lui vaut de présenter dès 1975
Hervé et Antoine Daridan, cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e. Tél. : 04 71 46 92 20.
teur d’une émission légendaire l’émission quotidienne de la mi­ ses fils, Communication diverse
de la chaîne, « Jazz Club » (1982­ journée, « Jazz Classique », sur Clotilde, Marie-Ange Leroux, Renée Richard,
2008). C’était le vendredi soir, en France Musique. sa belle-fille, son épouse, son épouse,
direct d’un club de jazz parisien, à « Avec ses amis Alain Tercinet et Claude de Broglie, Jean-Baptiste Leroux Aline et Jean Téménidès, Irène et
l’heure où tintent les glaçons et Jean Delmas, il tenait l’un des som­ sa sœur, et Brigitte Assathiany-Leroux, Thierry Dubus, Lucile et Jan Maarten
Pauline et Iris, Pierre et Lucie, Antoine Leroux, van den Hoek, Laurent Richard
où la fumée de cigarette, encore mets d’un triangle esthétique en
Amélie, Alia, Emmanuelle Leroux
autorisée, brouillait les yeux. Un équilibre entre modernité et tradi­ et Christophe Marion-Willemetz,
ses petits-enfants et leurs conjoints, et Alain Escudier,
ton de confidence, une voix tion », résume Bergerot à propos ses enfants,
Ses trois arrière-petits-enfants, ses enfants, Nicolas, Anne-Laure et Tor, Olivier
sensuelle, câline même, au sein de celui qui sera toujours davan­ Toute sa famille Héloïse, Adam, Élias, Victor, Malo et Camille, Gabriel, Aurélien, Eduard,
de ce duo complice. tage intéressé par les grands Et ses ami(e)s, et Yasmine, Envie d’être utile ? Rejoignez-nous !
Emma,
Jean Delmas nous a confié : « On « classiques » de l’histoire du jazz ses petits-enfants, ses petits-enfants,
ont la tristesse de faire part du décès Ses frères, sœur, beaux-frères et Les bénévoles de SOS Amitié
était très différents, mais, en ma­ que par les tendances les plus ex­ de
tière de musique, on réagissait périmentales du genre. belles-sœurs, ont la tristesse de faire part du décès écoutent
Les familles Leroux, de par téléphone et/ou par internet
identiquement aux mêmes choses. Au premier chef, il y eut Duke El­ Françoise de DALMAS, Vander Gucht, Méchin et Vennin,
artiste, ceux qui souffrent de solitude,
On n’écrivait rien, notre duo fonc­ lington : « Pour moi, Claude, c’était
Bernard RICHARD, de mal-être et peuvent avoir
tionnait naturellement. » Arnaud Duke Ellington, sa signature sur les ont la tristesse de faire part du décès
survenu le 22 février 2021. historien, agrégé de l’université, des pensées suicidaires.
Merlin, ami et collègue de Claude pochettes de disques dont j’appre­ de attaché culturel en Amérique Latine
Carrière à France Musique, se sou­ nais les textes presque par cœur », Les obsèques auront lieu dans et Egypte, Nous recherchons des écoutants
vient : « C’étaient les seuls à se tu­ se souvient Arnaud Merlin. Selon Jean-François LEROUX,
l’intimité familiale. croix de la Valeur militaire bénévoles
toyer à la radio et l’on sentait, der­ Bergerot, « Duke, l’orchestre du survenu le 24 février 2021, sur toute la France.
Algérie,
rière le poste, la proximité avec les Duke, c’était sa maison. Il en con­ « Si tu ne sais pas où tu vas, à l’âge de quatre-vingts ans. L’écoute peut sauver des vies
croix du Combattant
musiciens, le goût musical infailli­ naissait toutes les anecdotes emprunte les chemins commémorative Algérie, et enrichir la vôtre !
que tu ne connais pas. » chevalier de l’ordre La cérémonie religieuse aura lieu
ble, l’humour qui n’avait pas l’air comme s’il les avait vécues… et cer­ Saint Jean de la Croix. Choix des heures d’écoute,
des Palmes académiques, le 3 mars, à 10 h 30, en l’église
d’y toucher… » taines, il les avait vécues, au plus Saint-Léon, Paris 15 e, suivie de formation assurée.
chevalier de l’ordre
près des musiciens. » hd@hervedaridan.com des Arts et des Lettres, l’inhumation au cimetière de Précy-
L’un des piliers de « Jazz Hot » De janvier 1976 à décembre 1984, antoine.daridan@hotmail.fr médaille d’or sur-Vrin (Yonne), à 16 heures.
En IdF RDV sur
En 2008, Claude Carrière est re­ il signe « Tout Duke », une série qui de la Reconnaissance française, www.sosamitieidf.asso.fr
mercié de France Musique – ainsi fait entendre tout le patrimoine Prune Berge-Santelli, médaille d’honneur famillerichard75015@gmail.com
En région RDV sur
que Jean Delmas, Philippe Carles enregistré d’Ellington. En 1999, il Christine et Jean-Pierre de l’administration pénitentiaire
Armengaud, échelon argent, www.sos-amitie.com
et Alain Gerber. « Le directeur conçoit un coffret de 13 CD, chez Mme Paulette Sivac,
Luc et Yannick Delons, chevalier son épouse,
d’alors nous trouvait trop vieux », Musisoft, avec chacune des lettres ses enfants, de la Légion d’honneur, Kim, Philippe et Pierre,
glissera­t­il à son ami, le guitariste du prénom et du nom du grand Isabelle Godart-Delons, ses enfants,
Frédéric Loiseau, avec qui il a en­ musicien imprimées sur les tran­ sa belle-fille, survenu à Paris, le 22 février 2021, Sharleen, Lucas, Chloé, Franklin,
Société éditrice du « Monde » SA
Président du directoire, directeur de la publication
registré, en novembre 2019, un ches. Claude Carrière, qui avait le Ses petits-enfants, à l’âge de quatre-vingt-sept ans. William, Paul, Lauren et Nicolas, Louis Dreyfus
passionnant entretien filmé où goût pour les facéties verbales, se Ses arrière-petits-enfants, ses petits-enfants
Directeur du « Monde », directeur délégué de la
Sa sœur, Un dernier hommage lui a été publication, membre du directoire Jérôme Fenoglio
éclatent la mémoire, la connais­ réjouissait qu’en les classant diffé­ Et sa famille, Directrice de la rédaction Caroline Monnot
Sa belle-sœur, rendu le samedi 27 février, à Direction adjointe de la rédaction
sance et la finesse de celui qui, lui­ remment cela « donne des contre­ Les familles Laffargue, Delons, Stiers 14 heures, en l’abbaye de Clairvaux Grégoire Allix, Maryline Baumard, Hélène Bekmézian,
même pianiste, fut l’intime de pèteries insensées ». ont la douleur d’annoncer le décès Philippe Broussard, Nicolas Chapuis, Emmanuelle
et Royer, (Aube). Chevallereau, Emmanuel Davidenkoff (Evénements),
de Alexis Delcambre, Marie-Pierre Lannelongue, Harold
beaucoup de musiciens de jazz de Il concevra beaucoup d’autres
Thibault
première importance. Ce départ rééditions thématiques, dont cel­ ont le chagrin de faire part de la mort Une bénédiction par le père Directrice éditoriale Sylvie Kauffmann
de Emmanuel Leroux, son frère, aura Georges SIVAC, Directrice déléguée au développement des services
forcé avait accentué chez Carrière les pour la collection « Original chevalier abonnés Françoise Tovo
lieu au cimetière de Bar-sur-Aube, Directeur délégué aux relations avec les lecteurs
une mélancolie élégamment ca­ Sound Deluxe », publiée par le la­ Manou DELONS, dans l’intimité familiale. de l’ordre national du Mérite,
Gilles van Kote
chée derrière une façade débon­ bel Cristal Records. Des compila­ médecin-chercheur, Directeur du numérique Julien Laroche-Joubert
survenu le 19 février 2021, Rédaction en chef
naire, partageuse de bons mo­ tions soignées qui rendent hom­ La messe paroissiale du dimanche Laurent Borredon, Laetitia Clavreul, Michel Guerrin,
ments et de bonnes tables. mage aux plus grands chanteurs survenue dans sa cent deuxième 28 février, à 10 h 30, a été célébrée dans sa quatre-vingt-onzième année. Christian Massol, Franck Nouchi (Débats et Idées)
année. en l’église Saint-Pierre de Bar-sur- Chef d’édition Sabine Ledoux
Né à Rodez (Aveyron), le et musiciens de jazz du XXe siècle, Directrice du design Mélina Zerbib
Aube, par le père Emmanuel, à son La cérémonie de recueillement Direction artistique du quotidien Sylvain Peirani
14 mars 1939, « dans la même rue destinées « aussi bien à un public Elle sera inhumée auprès de son intention. se tiendra dans la stricte intimité Photographie Nicolas Jimenez
que Pierre Soulages », ainsi qu’il de néophytes qu’à un public mélo­ Infographie Delphine Papin
époux, familiale. Directrice des ressources humaines du groupe
aimait à le préciser, Claude mane désireux de (re) découvrir les 50, rue Rambuteau, Emilie Conte
Secrétaire général de la rédaction Sébastien Carganico
Carrière a exercé divers métiers chefs­d’œuvre du jazz ».  Pierre-Louis DELONS. 75003 Paris. Pour contacter la famille : Conseil de surveillance Jean-Louis Beffa, président,
non musicaux : « Il a été quelque renaud machart marieangeleroux@me.com georges19302021@gmail.com Sébastien Carganico, vice-président
IDÉES
0123
28 | MARDI 2 MARS 2021

Mireille Delmas-Marty Le rêve de perfection


transforme nos Etats de droit en Etats policiers
Enclenchée par la lutte contre le terrorisme, manente et généralisée digne d’un ré­
gime autoritaire. La pédagogie de la com­
leur « dangerosité », attestée par une
commission de composition hétérogène.
la généralisation de la surveillance s’est accélérée sous plexité n’est plus de mise dans cet univers
infantilisant, car fait de normes contra­
Puis, après les attentats de Paris et la
déclaration de l’état d’urgence, la France
le coup de l’urgence sanitaire et pourrait mener à une dictoires et incompréhensibles. Tocque­ réduira encore les libertés, systématisant
ville avait vu juste quand, imaginant le le transfert de pouvoirs à l’exécutif et
mutation de notre régime politique, alerte la juriste despotisme en démocratie, il avait pro­ l’affaiblissement de l’autorité judiciaire
phétisé un « despotisme doux », qui cou­ au profit des pouvoirs de police et des

A
vrirait la surface de la terre « d’un réseau services de renseignement (voir notam­
de petites règles compliquées, minutieuses ment la loi du 24 juillet 2015 relative au
près les discours musclés pas faire l’apologie du crime, mais se et uniformes, à travers lesquelles les esprits renseignement).
annonçant l’éradication du préparer à mieux le combattre. les plus originaux et les âmes les plus vi­ Comme la sécurité n’est jamais parfaite,
terrorisme, voici les discours sa­ Que dirait­il à l’heure actuelle, où le rêve goureuses ne sauraient se faire jour ». le rêve du risque zéro, qu’il s’agisse de ter­
vants sur le « zéro Covid ». Et de perfection s’accompagne d’une infla­ rorisme ou de pandémie, entraîne inévi­
toujours la même obsession tion de normes, véritable « goutte­à­ Double extension de la surveillance tablement une surenchère, voire une
sécuritaire, le même rêve d’un goutte normatif » (Catherine Thibierge, Peu importe que les dispositifs de fichage, sorte d’hystérie législative qui relève plus
monde sans risque, sans crime et sans 2018) qui, jour après jour, rend presque puçage et traçage ne soient pas totale­ de l’activisme que de l’action efficace.
maladie. On s’en réjouirait, si l’on ne sa­ invisibles les transformations en cours. ment fiables. Peu importe que les acteurs Encore plus dangereux que Ben Laden
vait avec quelle facilité le rêve d’un monde D’autant que de nouvelles technologies publics soient débordés et que grandes pour la démocratie, le coronavirus accé­
parfait peut tourner au cauchemar des ne cessent d’arriver sur le marché, offrant villes comme Etats fassent appel à des en­ lère le recul de l’Etat de droit. Et ce au nom
sociétés de la peur. aux décideurs des moyens de surveillance treprises privées, au mépris de l’article 12 d’une urgence sanitaire qui se prolonge
Il y a plus d’un siècle, Emile Durkheim encore inimaginables au temps de de la Déclaration des droits de l’homme au point qu’on se demande s’il ne s’agit
avait pourtant montré que le crime est Durkheim. La reconnaissance faciale, de 1789, instituant la force publique « pour pas cette fois d’une mutation durable du
« un fait de sociologie normale » (Les Rè­ développée par Apple pour le déver­ l’avantage de tous, et non pour l’utilité par­ régime politique.
gles de la méthode sociologique, 1895), rouillage de ses nouveaux téléphones, se ticulière de ceux auxquels elle est confiée ». La menace du virus conduit à une dou­
invoquant cette raison simple : « Pour combine à la surveillance par caméras, Peu importe, enfin, que l’Etat de droit soit ble extension de la surveillance : d’une
que la société puisse évoluer, il faut que voire par drones, à la géolocalisation des bafoué et que les garanties restent illusoi­ part, l’anticipation, une extension dans le
l’originalité humaine puisse se faire jour ; utilisateurs d’Internet ou encore aux res quand la sécurité, promue « premier temps (prévenir au lieu de guérir), qui
or pour que celle de l’idéaliste qui rêve de algorithmes de reconnaissance des des droits », devient le fait justificatif su­ peut sembler souhaitable, mais à condi­
dépasser son temps puisse se manifester, émotions. Insensiblement, tout cet prême, une sorte de légitime défense face tion de poser les limites et de garantir la
il faut que celle du criminel, qui est au­des­ arsenal transforme nos Etats de droit en à l’agression du virus. proportionnalité des mesures de défense
sous de son temps, soit possible. » D’où la Etats policiers et nos sociétés ouvertes en Car le langage guerrier n’est pas seule­ à la gravité de la menace ; d’autre part, la
formule provocatrice : « Le crime est donc sociétés de la peur où la suspicion ment une métaphore. Rappelons­nous le globalisation, une extension de la sur­
nécessaire ; il est lié aux conditions suspend la fraternité et fait de l’hospita­ tournant sécuritaire post­11 septem­ veillance dans l’espace (de l’espace natio­
fondamentales de toute vie sociale, mais lité un délit pénal. bre 2001. Les résolutions du Conseil de sé­ nal à l’espace mondial, réel ou virtuel) qui
par cela même il est utile, car les condi­ curité des Nations unies (13 et 18 septem­ appellerait des contrôles presque impos­
tions dont il est solidaire sont elles­mêmes Univers infantilisant bre) avaient considéré pour la première sibles à mettre en place à une telle échelle.
indispensables à l’évolution de la morale Comment s’en plaindre, alors que nous fois que des attentats terroristes soient Pour conclure malgré tout par une pe­
et du droit. » Le sociologue suscita de tel­ fournissons nous­mêmes les données, les qualifiés d’agression et que les repré­ tite lueur d’espoir, on suggérera qu’une ri­
les indignations qu’il dut préciser, dans réseaux sociaux ayant su exploiter le sailles relèvent de la légitime défense. Le poste plus démocratique et plus transpa­
la deuxième édition, qu’il n’entendait désir illimité d’avoir accès à tout, tout de Patriot Act américain permit alors le rente à la pandémie serait possible s’il re­
suite et en permanence ? Obéissant à des transfert des pleins pouvoirs au président venait au Parlement et à la société civile
« pulsions narcissiques plus puissantes George W. Bush ; par la suite, en d’expliciter, outre les critères de gravité
encore que le sexe ou la nourriture », nous mars 2003, des frappes aériennes furent médicale, les critères d’acceptabilité so­
passons d’une plate­forme à l’autre lancées contre l’Irak au nom d’une ciale des différents risques. Façon peut­
ENCORE PLUS « comme un rat de la boîte de Skinner qui, légitime défense élargie, dite « préven­ être de retrouver confiance dans cette
en appuyant sur des leviers, cherche déses­ tive », véritable négation de l’Etat de droit. communauté mondiale bien imparfaite
DANGEREUX QUE pérément à être toujours plus stimulé et sa­ Cette vision guerrière devait par la suite dont dépend notre destin. 
BEN LADEN tisfait » (Bernard Harcourt, « Postface », in atteindre la plupart des démocraties
La Société d’exposition. Désir et désobéis­ occidentales, « décomplexées » par
POUR LA DÉMOCRATIE, sance à l’ère numérique, Seuil, 2020). l’exemple américain.
Avec la lutte contre la pandémie, le mou­ Ainsi, en France, la loi du 25 février 2008
LE CORONAVIRUS vement s’accélère. Sommés de protéger ce sur la rétention de sûreté permet de
ACCÉLÈRE LE RECUL bien commun que constitue la santé, peu retenir en prison, pour une durée indéfi­ Mireille Delmas-Marty est juriste,
de dirigeants politiques résistent à la ten­ niment renouvelable, des condamnés professeure émérite au Collège de
DE L’ÉTAT DE DROIT tation d’instaurer une surveillance per­ ayant déjà purgé leur peine, au motif de France, membre de l’Institut de France

Jérôme Batout Emmanuel Macron a mis fin à l’impasse du


« quoi qu’il en coûte » pour renouer avec la politique au sens fort
En décidant de ne pas reconfiner, le président de la République, comme le chef du gouvernement italien Mario Draghi, accepte de
concilier impératifs de santé et impératifs économiques, sans donner la suprématie aux premiers, analyse le philosophe et économiste

A
près une effroyable année coûte » fait son retour au plus haut anglais pour Portugal, Italie, Grèce quier central en appuyant sur le sportives, arrêt de l’enseignement blement réfléchi à la situation et,
de crise liée à l’épidémie de niveau politique en Italie, il est et Espagne [Spain en anglais]). Ce bouton des moyens illimités. universitaire en présentiel, néga­ dès son arrivée au pouvoir, il a
Covid­19, couronnée, en temps de tirer un bilan. Face à la n’était pas son enjeu. Il laissait la Sur le coup, personne n’a vu le tion même de l’existence écono­ délaissé ses habits de banquier
Italie, par la chute du gou­ masse financière prête à parier politique aux gouvernements et problème. Un an plus tard, il est mique ou sociale de composantes central en faveur de l’habit poli­
vernement de Giuseppe Conte, sur la chute de l’euro, un banquier agissait purement et simplement devenu flagrant : le bazooka du entières de notre société, etc. La tique. En établissant une diffé­
c’est à Mario Draghi qu’il revient central dispose de capacités illimi­ au nom de la monnaie. « quoi qu’il en coûte », mis au ser­ politique se résumait à distribuer rence entre la bonne et la mau­
de présider le gouvernement ita­ tées, et donc ce qu’on nomme en Au début de la crise du Covid, vice d’un objectif unique – « la de plus en plus de milliards à un vaise dette, il a confirmé que
lien. Il fut en 2012 [alors qu’il prési­ politique monétaire moderne un l’énorme surprise fut de voir ce santé n’a pas de prix » –, est ap­ pays de plus en plus zombie. l’objet de la politique en démo­
dait la Banque centrale euro­ « bazooka ». C’était le sens du mantra du « quoi qu’il en coûte » paru pour ce qu’il est : une néga­ cratie n’est pas de choisir entre le
péenne], comme on sait, l’auteur « quoi qu’il en coûte » de 2012. repris non pas par Christine tion de la politique. La bonne et la mauvaise dette bien et le mal, mais entre le pré­
de la phrase­clé du sauvetage de D’ailleurs Mario Draghi, après Lagarde, présidente de la Banque La politique est l’art de concilier Cette suspension de la politique a férable et le détestable.
l’euro lors de la crise des dettes avoir proféré cette menace à centrale européenne (BCE), mais des choses a priori inconciliables, duré du 12 mars 2020 au 29 jan­ Ainsi, coup sur coup, dans deux
européennes : « We are ready to l’égard des marchés, a ajouté : par Emmanuel Macron. Le d’affronter les contradictions et vier 2021. En décidant alors de ne des principaux pays de la zone
do whatever it takes ». « Croyez­moi, cela sera suffisant ». 12 mars 2020, Christine Lagarde a de trouver des points de compro­ pas reconfiner le pays, Emmanuel euro, il a été mis fin à l’impasse
Chacun se souvient que c’est par commis, de l’avis général, une mis. Dès le démarrage, la doctrine Macron a renoué avec la politique du « quoi qu’il en coûte » pour
la traduction de cette phrase en Enorme surprise imprudence en renvoyant aux choisie par l’ancien banquier de­ au sens fort, en acceptant de renouer avec la pratique politi­
français qu’Emmanuel Macron a En mettant ainsi en garde les mar­ Etats l’essentiel de la réponse éco­ venu président a tué toute dyna­ concilier les impératifs de santé et que. C’est un retour encore très
établi et révélé sa doctrine de chés, Mario Draghi avait été dans nomique à la crise. Elle avait alors mique politique en France. Une les impératifs économiques, sans fragile, très incertain. Il faut es­
gestion de la crise du Covid : « La son rôle de banquier central. C’est­ agi en politique et non en ban­ fois qu’on a décrété que les donner automatiquement la su­ pérer qu’il tiendra. 
santé n’a pas de prix (…), le à­dire qu’il était précisément dans quier central : les marchés moyens seraient illimités, on n’a prématie aux premiers. C’était
gouvernement mobilisera tous les un rôle absolument apolitique. Il avaient continué de paniquer. plus de raison de se poser les une décision forte, dont le pays lui
moyens financiers nécessaires (…) ne se posait pas la question de sa­ Quelques heures plus tard, le vraies questions politiques, les est semble­t­il reconnaissant.
quoi qu’il en coûte » voir si la Grèce avait fauté, ou même 12 mars, Emmanuel Ma­ questions difficiles à résoudre. Mort du « quoi qu’il en coûte » ?
(12 mars 2020). C’était il y a pres­ même l’Italie, ou ces pays que les cron, pensant lui aussi bien faire, Tout devient automatique : fer­ De l’autre côté des Alpes, Mario
que un an et, puisque l’auteur ini­ Britanniques appelaient affec­ a commis l’erreur opposée : lui, meture des restaurants et des hô­ Draghi n’a, pour sa part, pas Jérôme Batout est
tial du mantra du « quoi qu’il en tueusement les PIGS (acronyme leader politique, a agi en ban­ tels, interdiction des pratiques perdu une seconde. Il avait visi­ économiste et philosophe
0123
MARDI 2 MARS 2021 idées | 29

Arthur Guichoux
La démocratie confinée par l’état d’exception
Avec la prolongation de l’état d’urgence et la primauté En pleine pandémie, il est désormais dire que le conseil de défense est devenu places publiques et dans bien d’autres
fréquent que ce conseil, fondé sur un sim­ un des principaux foyers des prises de dé­ lieux qui rappellent que le rôle des gou­
du conseil de défense sur le conseil des ministres ple décret, se réunisse plusieurs fois par cision depuis mars 2020. vernés n’est pas juste de donner l’onction
et le Parlement, la gestion de la crise sanitaire par semaine. Initialement cantonné aux opé­ Ce déplacement du centre de gravité de électorale et de (se) laisser faire. Or la con­
rations militaires et aux situations de la politique gouvernementale confirme joncture est peu propice à ce que s’exerce
le gouvernement accentue le processus de crise, son champ d’action s’est aussi le diagnostic posé par feu le politiste la démocratie par l’action collective du
« dé­démocratisation » de la société, relève le politiste considérablement étendu. En plus des tê­ Maurice Duverger selon lequel nous fait de l’interdiction de se rassembler.
tes de l’exécutif (premier ministre, minis­ vivons dans des « monarchies républicai­ La politique de la rue est de surcroît me­
tre des affaires étrangères, de l’économie, nes ». En ce sens, le conseil de défense ne nacée par des politiques du désordre de

L
du budget et de l’intérieur), sa composi­ procède pas à une mise sous tutelle du ci­ plus en plus brutales et répressives. Que
e 3 février, un rapport publié par The présentation prennent leur source dans tion varie au gré des convocations déci­ vil par le militaire mais il exacerbe une ce soit par sa face représentative ou son
Economist reléguait la France au la division entre le corps électoral et le dées par le président de la République. logique institutionnelle déjà à l’œuvre versant extra­institutionnel, la démocra­
rang des démocraties « défaillan­ champ des professionnels de la politi­ Compte tenu des circonstances, le minis­ dans la Constitution de 1958. Il porte au tie est mise à l’épreuve par cette politique
tes », relançant le débat sur les effets que, division caractéristique des gouver­ tre des solidarités et de la santé et le direc­ jour les failles d’un texte écrit à la hâte du fait accompli. Elle pâtit de l’absence de
politiques de la pandémie. Cette rétrogra­ nements représentatifs. La « dé­démocra­ teur de la santé y siègent désormais en dans une période où la frontière entre les mise en débat de mesures requises par
dation vient souligner les nombreuses at­ tisation » relève plutôt d’une dynamique permanence et sont tenus au secret­dé­ champs militaire et politique était parti­ une situation sans précédent. Sur quels
teintes aux libertés individuelles engen­ de longue durée ; elle rappelle combien fense au même titre que les autres mem­ culièrement poreuse. En plus de confir­ critères peut­on décider qu’une activité
drées par les mesures de confinement et l’état d’exception, qui dure depuis pres­ bres. Positionné en amont des conseils mer le présidentialisme du régime, le re­ est essentielle ? Pourquoi sacrifier cer­
de couvre­feu. Les résultats de cette étude que une année, est un puissant analgési­ des ministres, ce n’est pas forcer le trait de cours permanent au conseil restreint tains mondes sociaux sans imposer le té­
sont à manier avec d’autant plus de pré­ que, tant pour la démocratie des urnes amplifie la subordination du législatif létravail partout où il est possible ?
cautions qu’elle présuppose une concep­ que pour la politique de la rue. dans le cadre d’un parlementarisme do­ Comment justifier l’absence d’un « mini­
tion située et libérale de la démocratie. Or mestiqué par le fait majoritaire. mum jeunesse » ? La liste est longue.
la définition de la démocratie est loin de République monocéphale Une des vertus du classement établi
faire consensus. Dans les sciences sociales Instauré dans un premier temps de mars Ecart entre la pratique et les principes par le journal britannique est de donner
et politiques, on peut même dire qu’elle à juillet 2020, l’état d’urgence sanitaire a Bicamérale, la Ve République est surtout à voir l’écart croissant entre la pratique
ressemble à un vaste champ de bataille :
horizon indépassable mais perfectible
été réactivé le 17 octobre 2020 avant d’être
de nouveau prolongé mi­février (au
L’ÉTAT D’EXCEPTION, monocéphale depuis 2017. L’effacement
d’une Assemblée qui se comporte
et les principes politiques. Le virus ne
s’en prend pas seulement à la fragilité
pour les uns, illusion pour les autres, qui moins jusqu’en juin 2021). Certes, il ne QUI DURE DEPUIS comme une chambre d’enregistrement des corps : il accroît aussi le risque
déplorent sa dégénérescence oligarchi­ s’agit pas du même dispositif que l’état confirme que La République en marche d’entropie de nos modes de gouverne­
que. Cependant, rares sont les analyses à d’urgence de novembre 2015 ; il n’empê­ PRESQUE UNE ANNÉE, s’inscrit dans une tradition d’extrême ment. Il est plus qu’urgent de déconfi­
se féliciter de l’état de la démocratie. che que l’état d’exception s’ancre dans la centre qui fait son miel de la « fin des ner la démocratie. 
De ce point de vue, la gestion de la pan­ durée. Autre continuité significative :
EST UN PUISSANT idéologies ». C’est d’ailleurs au nom de
démie par le gouvernement français l’institutionnalisation du conseil de dé­ ANALGÉSIQUE, l’efficacité que sont court­circuitées les
s’inscrit dans la continuité d’un proces­ fense et de sécurité nationale (CDSN). instances de la délibération collective
sus de « dé­démocratisation », pour re­ Créée en 2009, cette formation restreinte TANT POUR LA qui suppose que toute décision est le
prendre l’expression de la politiste du conseil des ministres tend à éclipser ce fruit d’une discussion argumentée,
Wendy Brown. Celui­ci ne renvoie pas au dernier. Son activité s’est fortement accé­ DÉMOCRATIE DES contradictoire et publique. Arthur Guichoux est doctorant
poncif de la « crise » de la démocratie qui lérée depuis 2015 avec 10 réunions dans URNES QUE POUR LA Cette discussion ne peut se tenir dans en science politique à l’université
chercherait à combler son déficit de re­ l’année, 32 en 2016, 42 en 2017 (selon le les salons du Palais­Bourbon ou de l’Ely­ Paris-VII, attaché temporaire
présentativité. Les tensions liées à la re­ rapport de son secrétariat de 2018). POLITIQUE DE LA RUE sée : elle se joue aussi dans la rue, sur les de recherche à l’université Rennes-I

Marie-Françoise Bechtel La Constitution


n’est pas un programme de gouvernement
Alors qu’a été déposé un nouveau projet de loi visant à modifier la Constitution, pour y inscrire la défense de l’environnement,
l’ex­vice­présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale s’interroge sur le bien­fondé de ces multiples révisions

F
rénésie constituante. Le l’une, de défigurer les institu­ Parlement dans le processus lé­ En second lieu, figurent dans tout quant à la portée exacte à préservation de l’environnement
gouvernement vient de dé­ tions autour desquelles est bâtie gislatif. Rares ont été les autres les révisions constitutionnelles a leur donner. vient compléter ces principes. En
poser un troisième projet sa logique, l’autre d’affadir sa lan­ réformes portant directement priori légitimes les réformes por­ Aujourd’hui, de par ce choix du hissant ainsi la préoccupation en­
de révision de la Consti­ gue en lui faisant perdre sa con­ sur l’équilibre des pouvoirs : on tant sur des droits fondamen­ Conseil constitutionnel, le ver est vironnementale au rang de l’ho­
tution, faisant suite aux projets sistance et par là son autorité. ne comptera pour telle l’« organi­ taux : même s’il n’est pas dans la dans le fruit. D’une part, tout gou­ rizon nécessaire d’une action po­
avortés de mai 2018 et Si l’on met à part les « permis­ sation décentralisée de la Répu­ tradition française d’énumérer vernement voulant montrer qu’il litique menée pour le bien du
d’août 2019. Mal reçus au Sénat, sions » constitutionnelles accor­ blique » voulue par Jean­Pierre ceux­ci en tête de la Constitution agit en ce domaine, élec­ peuple français, on lui donnait
ces derniers n’étaient pas en tous dées pour l’intégration du droit Raffarin en 2003. On n’y inclura comme le font les Constitutions toralement très sensible, se con­ noblesse et reconnaissance. Cela
points déraisonnables, notam­ de l’Union européenne, quelles pas davantage l’irresponsabilité allemande, espagnole ou grecque damne au gré de la formulation aurait eu de l’allure…
ment en ce qu’ils prévoyaient sont les occasions dans lesquelles pénale du chef de l’Etat voulue entre autres. Notre texte consti­ choisie (préserver l’environne­ C’est en tout cas aux gouverne­
d’améliorer l’institution démo­ une révision est conforme à la vo­ par Jacques Chirac en 2007 et qui tutionnel contient un certain ment ? le garantir ? veiller à ? s’as­ ments procédant du suffrage de
cratique du référendum. Cela cation du texte fondamental ? El­ résultait déjà de la tradition. Plus nombre de principes fondamen­ surer que…) à un « toujours plus » voir ce qu’ils veulent faire de
trouvait en tout cas sa place dans les sont au nombre de deux. proche du fonctionnement des taux dont à l’origine – mais c’est qui ne sera jamais suffisant pour cette proclamation. Et c’est au
le texte fondamental. pouvoirs institués était la une longue histoire – les citoyens le regard sourcilleux d’un juge peuple français, non aux juges, de
Il est vrai que d’autres réformes Principes fondamentaux réforme décidant de la « session ne pouvaient en principe directe­ qui risque de mettre quelque em­ dire, par la voie électorale, com­
accrochées à ce train laissaient da­ D’abord, bien entendu, lorsque la unique » (1995) du Parlement qui ment se réclamer. La Constitu­ pressement à imposer ses diktats. ment ils approuvent ou désap­
vantage place à l’interrogation : la révision porte soit sur l’équilibre a d’ailleurs eu pour effet de tion a parfois été révisée depuis prouvent la mise en œuvre d’un
réforme du parquet, un serpent de des pouvoirs, soit sur les règles modifier profondément le statut 1958 pour en inclure de nou­ Distance nécessaire tel principe. Sans quoi le texte
mer, la « proximité territoriale » essentielles de fonctionnement réel du parlementaire. veaux, généralement sans portée D’autre part, la Constitution se constitutionnel ne gardera pas
qui confond centralisation et bu­ des institutions. Dans la pre­ directe : ainsi l’égalité hommes­ trouve défigurée dans ce qu’elle a cette distance nécessaire avec nos
reaucratie (le vrai mal). Quant à mière catégorie, outre la tempé­ femmes (1999). de plus identifiant. Elle n’est pas désirs, nos combats, parfois nos
l’engagement écologique, sa place tueuse révision de 1962 insti­ Cet appel à la loi pour donner faite pour des injonctions pro­ pressions qui en fait le garant
est­elle bien dans la Constitution, tuant l’élection du président de la forme et consistance au principe grammatiques. La Constitution d’une démocratie républicaine. 
du moins sous cette forme ? Cet République au suffrage universel, restait encore dans les clous du est une forme, le moule si l’on
ensemble hétérogène pointe sur­ figure l’adoption du quinquen­ rapport entre le constituant, le veut de l’action publique, mais sû­
tout une question fondamentale : nat. Quoi que l’on puisse penser législateur et l’exécutif. Une rement pas un programme de
lorsqu’une révision est envisagée, de cette dernière, il est indéniable IL FAUT PRENDRE forte distorsion est née lorsque gouvernement. Il faut prendre
ne faut­il pas d’abord s’assurer qu’elle a sa place légitime dans la le Conseil constitutionnel a dé­ garde à la responsabilité que l’on
qu’elle est bien au niveau du texte Constitution. Dans la deuxième
GARDE À LA cidé de donner une application endosse de dénaturer ainsi la vo­ Marie-Françoise Bechtel
constitutionnel ? Nous ne parlons catégorie, figure notamment le RESPONSABILITÉ directe à la Charte de l’environ­ cation normale de la Constitution. a été membre et rapporteuse
pas ici seulement de son niveau train de réformes de 2008 vou­ nement intégrée en 2005. Il en Une issue existait au demeu­ générale du comité Vedel pour
juridique mais aussi bien de sa lues par Nicolas Sarkozy, comme QUE L’ON ENDOSSE résulte que des principes procla­ rant : ajouter dans le Préambule la révision de la Constitution
capacité symbolique à surplom­ la question prioritaire de consti­ més dans le texte constitution­ de la Constitution, parmi les (1992-1993) ; ex-vice-présidente
ber le débat public, auquel il ne tutionnalité [QPC], qui porte sur À DÉNATURER nel seraient directement applica­ « principes particulièrement né­ de la commission des lois
peut se réduire. l’intangibilité de la loi promul­ AINSI LA VOCATION bles sans laisser au législateur cessaires à notre temps » inven­ de l’Assemblée nationale
Car il est deux façons de porter guée, ou bien le rééquilibrage des aucun choix quant aux moyens tés par le Conseil national de la (2012-2017) ; vice-présidente du
outrage au texte constitutionnel : pouvoirs du gouvernement et du DE CE TEXTE de les mettre en œuvre ni sur­ Résistance, l’affirmation que la club République moderne
0123
30 | idées MARDI 2 MARS 2021

Marie-Albane de Suremain
« Comprendre notre histoire, c’est
connaître celle de l’esclavage »
Vingt ans après la loi Taubira reconnaissant l’esclavage comme crime contre l’humanité,
l’historienne s’inquiète des reculs dans l’enseignement, « essentiel », de ces faits historiques

ENTRETIEN Le but de l’enseignement de l’his­

E
toire est de créer du commun, avec les
n 2001, la loi Taubira recon­ mêmes connaissances et des outils
naissait la traite et l’esclavage de réflexion identiques qui bâtissent
comme crimes contre l’huma­ une culture commune. C’est essentiel
nité. Pour l’historienne Marie­ pour le vivre­ensemble. Il ne s’agit
Albane de Suremain, il est fonda­ pas du tout d’avoir une approche de
mental d’enseigner l’histoire de ces repentance ou victimaire, mais scien­
événements, d’expliquer les ressorts tifique, critique, du passé pour qu’elle
« d’une domination exercée par une soit émancipatrice et libératrice.
minorité » dans une approche criti­ La spécificité de l’histoire, c’est d’ar­
que, libératrice du passé. ticuler différentes mémoires en un
discours commun, qui peut être par­
Qu’est­ce qui a changé depuis tagé et qui prend en compte la plura­
la promulgation de la loi Taubira ? lité des points de vue. Elle crée une
LE LIVRE Ce fut une étape majeure, arrivée à unité au cœur d’une communauté
Enseigner les traites, les un moment où il y avait des deman­ nationale et apaise les tensions en YANN LEGENDRE
esclaves, les abolitions des de reconnaissance mémorielle, procédant de la sorte. Enseigner l’his­
alors qu’un travail historique était en­ toire de la traite et de l’esclavage per­
et leurs héritages gagé. Mais l’enseignement de cette met de faire comprendre aux élèves
Il y a vingt ans, la loi Taubira reconnais- histoire restait superficiel en dehors comment ce qui est considéré
sait la traite négrière et l’esclavage des départements et régions d’outre­ aujourd’hui comme un crime contre
mer (DROM). Entre 2002 et 2008, les l’humanité a pu être possible, en re­
comme « crimes contre l’humanité »,
programmes ont été réformés, du venant sur les ressorts d’une domi­
stipulant que les programmes scolaires primaire au lycée. La question a été nation exercée par une minorité, et « ENSEIGNER QUE  traite et l’esclavage. Quant au lycée,
devront leur accorder « la place consé- clairement et nettement introduite en leur montrant aussi que, dans une depuis 2019, les 2des générales et tech­
quente qu’ils méritent ». La France est- en ouverture des programmes de 4e. situation de domination, même ex­ L’ABOLITION A ÉTÉ  nologiques découvrent la traite et
En 2de professionnelle a été prévu un trême, les catégories dominées ne l’esclavage du seul point de vue éco­
elle parvenue à intégrer, sans mani- chapitre important sur le développe­ sont pas passives. C’est ce qui permet POSSIBLE GRÂCE  nomique. L’esclavage est réduit au
chéisme ni faux-semblants, cette ment de l’économie de plantation et de sortir de l’approche victimaire, en développement de l’économie su­
du mercantilisme. En revanche, dans expliquant par exemple que l’aboli­
AUX ESCLAVES ET PAS  crière dans les îles portugaises et au
douloureuse page de son histoire à son
enseignement ? Comment concilier exi-
les lycées généraux et technologi­ tion a été rendue possible par les es­ SEULEMENT GRÂCE  Brésil. Comme si c’était un phéno­
ques, la question de la traite et de l’es­ claves et non uniquement par les mène extérieur à l’histoire de la
gences scientifiques et attentes sociales clavage n’est pas au programme. abolitionnistes. Il y a eu des progrès, AUX ABOLITIONNISTES  France. Ce qu’il manque, c’est une
Seule l’est l’abolition de 1848. Qui mais il y a encore beaucoup de travail possibilité de traiter des Caraïbes ou
dans un contexte où les demandes mé-
plus est, c’est le dernier item du der­ de ce point de vue.
PERMET DE SORTIR  des Antilles aux XVIIe et XVIIIe siècles.
morielles se font toujours plus enten-
dre ? Que retenir des autres expériences
nier chapitre de l’année. Donc il y a de DE L’APPROCHE 
forts risques qu’il ne soit pas traité. Cet enseignement permet­il La dissymétrie avec le lycée
européennes ou africaines ? Ce sont là également de mieux comprendre VICTIMAIRE » professionnel perdure­t­elle ?
quelques-unes des questions que s’est Comment expliquer cette nos sociétés contemporaines ? Elle s’est accentuée. En 2de profes­
différence ? Oui, on ne peut pas comprendre sionnelle, la question de la traite et de
posées la vingtaine de chercheurs et en- Cette dissymétrie interroge car elle l’histoire moderne et nos sociétés Les programmes ont été modifiés l’esclavage peut être abordée dans
seignants réunis par Marie-Albane de suppose que l’on n’enseigne pas la contemporaines – pourquoi la en 2015. Il y a eu des avancées au col­ deux des trois chapitres prévus. Il est
Suremain et Eric Mesnard dans Ensei- même histoire en fonction du public France a des DROM, pourquoi il y a lège, mais la déception est forte pour aussi question – une grande nou­
des établissements scolaires. Est­ce du racisme, des discriminations et le lycée et le primaire. Au premier veauté – de la révolution de Saint­Do­
gner les traites, les esclavages, les aboli-
que ça signifie qu’on doit aborder la des inégalités… – sans connaître l’his­ degré, dans le chapitre « Le temps des mingue en 1791, avec le soulèvement
tions & leurs héritages (Karthala, 340 p., traite et l’esclavage avec un public di­ toire de la traite et de l’esclavage. Ces rois », on aborde la formation du pre­ des esclaves, et de l’indépendance de
28 euros). La question est de savoir vers de lycée professionnel de ban­ phénomènes ont des racines dans mier empire colonial français dont le Haïti en 1804. Résultat : certains
lieue, pour qui on considère que cette histoire qui est connue des peuplement repose notamment sur auront entendu parler de manière ap­
« quel rôle l’école peut jouer dans une so-
cette question est intéressante ? Et spécialistes, mais qui reste en marge le « déplacement » – quel euphé­ profondie de la colonisation, de la
ciété démocratique qui n’a pas peur de que, a contrario, elle ne le serait pas du grand récit national. Tant que ce misme ! – d’Africains réduits en escla­ traite et de l’esclavage, et d’autres de
regarder son passé pour en avoir une pour des élèves de centre­ville sera le cas, on va entretenir des préju­ vage. Dans le passage du programme manière très superficielle. On peut se
approche critique afin de mieux lutter moins marqués par la diversité ? gés liés à la couleur de la peau. qui liste les violences caractérisant la demander si on n’est pas en train de
période du XIe au XVIIIe siècle, on cite semer des ferments de division. 
contre les inégalités », précise au Monde Comment aborder cette histoire Mais vous observez, depuis 2015, les croisades, les guerres de religion, propos recueillis par
l’historienne Marie-Albane de Suremain. hors des approches partisanes ? un recul de cet enseignement… le régicide, mais pas un mot sur la séverine kodjo­grandvaux

Le risque de concentration agite les médias français


ANALYSE français Reworld en 2019. Après avoir racheté
L’Express, Lire et L’Etudiant en 2006, le belge
mondial, soit au niveau local. Or, en France, il
n’y a pas de champions nationaux. Et si le
laisseront­ils attendrir par les supplications
d’acteurs qui réclament de pouvoir jouer dans

I
l ne restait qu’un groupe étranger aux Roularta s’en est séparé en 2015 au profit d’Al­ marché français ne se consolide pas à brève la cour des grands ? Autrement dit : accepte­
manettes à la fois de radios, chaînes de tice, le groupe de Patrick Drahi – qui a, ensuite, échéance, il sera bientôt laminé par les plates­ ront­ils d’inclure les géants américains des
télévision et titres de presse français, et ventilé ses titres de presse façon puzzle. Dans formes comme Netflix et Amazon. Je crois fer­ médias (Netflix, Amazon, Youtube et
le voilà en passe de quitter le territoire ce contexte, le tchèque CMI (propriété de mement à l’avenir de la télé, mais il y a vérita­ consorts) dans l’univers de concurrence à
national. Mi­décembre 2020, le groupe Vi­ Daniel Kretinsky, actionnaire indirect et mi­ blement urgence à consolider. » Quelques l’aune duquel devraient désormais s’évaluer
vendi entrait en négociations exclusives avec noritaire du Monde), l’américain Condé Nast, jours plus tôt, lors de la présentation des les forces en présence ?
Gruner und Jahr (G + J), filiale du groupe alle­ l’allemand Bauer, ou encore le belge Rossel résultats annuels de TF1, son PDG, Gilles
mand Bertelsmann, pour racheter Prisma font figure de téméraires. Pélisson, avait usé des mêmes mots pour esti­ Enjeux démocratiques
L’AVENIR DIRA  Media (Géo, Femme actuelle, Voici, Capital, mer ce processus « souhaitable ». La question mérite d’être examinée. Mais au
SI L’INQUIÉTUDE  etc.). Fin janvier, on apprenait que RTL Group, Sentiment d’urgence Des déclarations qui ne sont évidemment regard de la puissance de certains acteurs,
autre filiale du géant allemand, avait sondé le Après la presse écrite, en proie à des difficultés pas sans lien avec les récentes manœuvres de celle­ci ne doit pas éclipser la réflexion sur les
DES PATRONS DE TF1  marché à propos du groupe M6 (M6, W9, Paris structurelles, c’est au tour des médias audiovi­ Vincent Bolloré. Actionnaire majoritaire de enjeux démocratiques qui en dépendent. Le
Première, mais aussi les stations RTL, RTL2, et suels de connaître l’adversité. Projetés par la Vivendi, le propriétaire du groupe Canal+ visionnage de Murdoch, le grand manipula­
ET DE M6 POUR  Fun Radio). Rien n’est encore fait. Pour l’heure, crise sanitaire dans un avenir que chacun (Canal+, Canal+ Cinéma, Canal+ Sport, Pla­ teur des médias, un documentaire proposé
l’allemand s’est borné à reconnaître qu’il avait pensait voir arriver à une allure acceptable, les nète, C8, CNews et CStar), l’homme d’affaires par Arte.tv, vient à point nommé rappeler
LA SOLIDITÉ DE  « rappelé à plusieurs reprises l’intérêt qu’il y acteurs du secteur sont étreints par un senti­ convoite les biens d’Arnaud Lagardère : l’édi­ comment le magnat australien a pu, en deve­
LEURS ENTREPRISES  aurait à favoriser une consolidation du secteur ment d’urgence. Si le premier confinement a teur Hachette et les médias du groupe (Eu­ nant un acteur dominant des médias britan­
audiovisuel européen ». En d’autres termes : montré que la télévision demeure un espace rope 1, Le JDD, Paris Match, ensemble ou sépa­ niques, lourdement peser sur la vie politique
EST SUFFISAMMENT  circulez, il n’y a pas de raisons de s’émouvoir. privilégié où le public se retrouve en masse, il rément). Il a pris une part du groupe espagnol du pays, et in fine, sur la marche de l’Europe.
Pourtant, l’émoi est là. A quelques mois a aussi confirmé son adhésion massive aux Prisa, a acheté Prisma Media à Bertelsmann : Aux Etats­Unis, sa chaîne d’informations
FORTE POUR LES  d’une campagne pour l’élection présidentielle nouveaux modes de consommation du di­ en un mot, il agrandit son empire médiatique. Fox News a permis l’accession de Donald
DÉCIDER À S’UNIR de 2022, l’événement n’a rien d’anodin. Et il vertissement (plates­formes, jeux vidéo, VOD, Et si c’était lui, le fameux futur « champion Trump à la Maison Blanche. Des groupes de
est de bon ton de battre sa coulpe : la France, podcasts, etc.). Au même moment, le modèle français » ? Ou alors Bernard Arnault, patron médias français ou européens en mesure de
avec ses lois anti­concentration, ses grèves à de financement par la publicité accuse le de LVMH, société mère du groupe Les rivaliser avec les mastodontes américains,
répétition, l’interminable et coûteuse crise de coup : stoppé net au deuxième trimestre de Echos­Le Parisien, son concurrent dans le dos­ d’accord (si tant est qu’un rééquilibrage soit
la distribution de la presse, serait un territoire 2020, puis soumis à des fluctuations, le mar­ sier Lagardère ? L’avenir dira si l’inquiétude encore possible), mais jusqu’où ? Et pour quoi
ingrat pour les magnats des médias. Le cons­ ché de la pub a rappelé leur fragilité à tous des patrons de TF1 et de M6 pour la solidité de faire ? La perspective pas si improbable
tat et le reproche ne sont pas nouveaux. Le ceux qui en dépendent, français ou non. leurs entreprises est suffisamment forte qu’Europe 1 tombe dans le giron de Vivendi et
britannique Pearson a cédé les Echos à LVMH « L’analyse, que nous partageons avec notre pour les décider à s’unir, afin d’être en me­ devienne l’équivalent radiophonique de la
en 2007, Emap France (Télé Poche, Biba, Pleine actionnaire, déclarait Nicolas de Tavernost, le sure de couper court à ce scénario. très conservatrice CNews renforce le caractère
vie, Nous deux, etc.) s’est offert à l’italien Mon­ président du directoire de M6, au Figaro le En attendant, le législateur français et les hautement sensible de la réponse. 
dadori en 2006, qui s’est lui­même vendu au 16 février, est qu’il faut être fort soit au niveau autorités européennes de la concurrence se aude dassonville
0123
MARDI 2 MARS 2021 0123 | 31

ÉCONOMIE  |  CHRONIQUE EN BIRMANIE, 


par j ean­ m ic he l b e zat
L’ESPOIR BROYÉ  par les étudiants, puis celui de 2007, lancé nérale des Nations unies et a demandé à
par les moines bouddhistes. A la tête du ses pairs de ne pas reconnaître ses auteurs.
PAR L’ARMÉE 
La guerre des mouvement démocratique, Aung San Suu
Kyi est de nouveau enfermée, cette fois en
résidence surveillée à Naypyidaw, la capitale
Les pays démocratiques se retrouvent
donc eux aussi dans une situation triste­
ment familière à propos de la Birmanie :
terres rares aura-t-elle lieu ? administrative. Elle a brièvement comparu
lundi 1er mars devant un tribunal pour des
comment faire pression sur les dirigeants
de cette toute­puissante armée ? Quelles
chefs d’accusation fantaisistes ; tout laisse à sanctions choisir pour affaiblir la junte
penser que cette procédure va s’éterniser. sans que la population n’en paie le
La population et ses représentants démo­ prix, tout en évitant de laisser le champ li­

L’
endroit se nomme LES MENACES  cratiques, largement victorieux aux élec­ bre à la Chine ? L’administration Biden, qui
Mountain Pass, en Cali­ tions législatives de novembre, paraissent a fait des « valeurs » et des droits de
fornie. Cette mine de CHINOISES  cependant déterminés. A la différence des l’homme l’un des axes de sa diplomatie,
terres rares était très ac­ précédentes révoltes, ils continuent à com­ se trouve là mise à l’épreuve. L’Union eu­
tive, il y a quarante ans, quand les D’UN EMBARGO SUR  muniquer abondamment avec l’extérieur : ropéenne travaille sur des « mesures ci­
Etats­Unis régnaient encore sur la l’armée, qui a aussi besoin de l’Internet, blées » susceptibles de frapper les intérêts
LES MÉTAUX RARES 
production des dix­sept minerais
devenus vitaux pour les indus­
tries de l’automobile, des télé­
coms, du numérique, des énergies
renouvelables ou de l’armement.
SONT RÉCURRENTES 
DEPUIS QUINZE ANS
U n mois après le coup d’Etat mili­
taire qui a renversé le gouverne­
ment légitime mené par Aung San
Suu Kyi, la junte birmane semble décidée à
mettre fin par une répression brutale au
n’est pas parvenue à faire taire les réseaux
sociaux. L’Asie et le monde restent infor­
més, à l’aide d’images souvent drama­
tiques, sur la situation en Birmanie. Les
élus du parti d’Aung San Suu Kyi, la Ligne
des militaires, qui contrôlent des pans en­
tiers de l’économie birmane.
Il faut affiner ces dispositifs, et les coor­
donner, le cas échéant, avec les entreprises
privées occidentales engagées en Birmanie,
Trop coûteuse et très polluante, vaste mouvement de résistance populaire nationale pour la démocratie, du moins si elles sont partenaires d’entreprises
elle a fermé en 2002. Il était si na­ des pays « amis », un processus qui s’est emparé du pays. Dimanche 28 fé­ ceux qui n’ont pas été arrêtés, se sont orga­ militaires. Certaines sociétés, comme la
turel de délocaliser la production engagé en Australie, en Argentine vrier, les forces de l’ordre ont ouvert le feu nisés en « comités représentant le Parle­ compagnie d’énergie australienne Wood­
et la pollution vers la Chine, alors ou au Canada. Mais ces activités sur les manifestants, de manière coordon­ ment » afin de maintenir le lien avec la side, ont annoncé leur retrait du pays. La
jugée moins menaçante. Le site a sont gourmandes en capitaux et née, dans plusieurs villes du pays. Le bilan communauté internationale ; la junte les junte observe certainement avec inquié­
été relancé, mais il ne pèse pas soumises à des normes environ­ est lourd : au moins dix­huit morts, se­ juge suffisamment dangereux pour inter­ tude la chute de l’activité économique en
lourd face à la région de Baotou nementales drastiques. Dévelop­ lon l’ONU, plus d’une vingtaine selon dire aux ambassades étrangères tout con­ Birmanie en février, en raison du mou­
(Mongolie­Intérieure), baptisée la per le recyclage, qui ne concerne d’autres sources crédibles, des centaines de tact avec ces « entités illégales ». vement massif de protestation. Enfin, il in­
« Silicon Valley des terres rares ». que 1 % des métaux rares, qui im­ blessés et d’arrestations. Elle a par ailleurs accusé de « trahison » et combe aussi à l’Association des pays d’Asie
Ce bout de désert californien plique la création d’une filière in­ La Birmanie a ainsi renoué avec un cy­ démis de ses fonctions l’ambassadeur de du Sud­Est, l’Asean, dont la Birmanie est
symbolise l’imprudence des Amé­ dustrielle. Et, dans les deux cas, il cle morbide d’espérances démocratiques Birmanie à l’ONU, Kyaw Moe Tun, qui, la membre, de trouver le courage d’affronter
ricains. A quoi bon avoir réduit la faut prendre le risque d’investir broyées par l’armée, qui a déjà écrasé dans le voix serrée par l’émotion, a dénoncé sa­ cette situation déstabilisatrice dans son
dépendance au pétrole du Moyen­ sur un marché qui peut fluctuer sang le puissant mouvement de 1988, mené medi le coup d’Etat devant l’Assemblée gé­ propre environnement. 
Orient si c’est pour subir un em­ au gré des humeurs chinoises.
bargo sur des métaux aux extraor­ Enfin, les réserver aux équipe­
dinaires propriétés magnétiques, ments critiques, ce que font de
catalytiques et optiques – contrô­ plus en plus d’industriels.
lés à 80 % par l’empire du Milieu ? La Chine n’est pas le seul pays à
Donald Trump s’en était inquiété brandir la menace de représailles.
et avait proposé, sans rire, d’ache­ Pendant du nationalisme pétro­
ter le Groenland, riche de ces res­ lier, le nationalisme minier, qui a

UNE CRISE SANITAIRE


sources. Plus diplomate mais aussi suivi la décolonisation des pays
préoccupé, Joe Biden vient d’an­ d’Afrique et d’Asie dans les années
noncer un « examen complet » de 1950­1960, est en pleine renais­

INÉDITE QUI A CHANGÉ


l’origine de quatre produits criti­ sance. Mais les rapports de force
ques : semi­conducteurs, batteries n’ont rien à voir : l’empire du Mi­
automobiles, principes pharma­ lieu affiche une puissance écono­

LE MONDE ET NOUS INVITE


ceutiques actifs et terres rares, sec­ mique et militaire sans commune
teur où il faudra au moins dix ans mesure avec les nations postcolo­
pour atteindre l’autosuffisance. niales. Et, à ce jour, le seul exemple

À LE RECONSTRUIRE.
Les menaces chinoises sont ré­ de recours à l’arme des matières
currentes depuis quinze ans. premières qui a eu des retombées
En 2019, c’était en représailles au planétaires est l’embargo décrété
bannissement de l’équipementier en 1973 par les pays pétroliers ara­
télécoms Huawei du sol améri­ bes contre les « amis d’Israël ».
cain ; il y a quelques jours, pour
dissuader Washington de vendre Premier importateur aussi
à Taïwan des chasseurs furtifs F­35 Au fond, Pékin souhaite­t­il vrai­
bourrés de 417 kilos de terres ra­ ment déclarer la guerre du scan­
res, « au nom de la sauvegarde de dium ou du lanthane ? L’usage de
la sécurité de l’Etat ». Pékin va cette arme ultime est toujours
aussi interdire l’exportation vers possible, en cas de conflit armé
des pays jugés hostiles des tech­ autour de Taïwan par exemple.
nologies de raffinage des mine­
rais. Une ironie de l’histoire,
Elle est à double tranchant. Car la
Chine a intérêt à vendre ses pro­ 0123
H O R S - S É R I E
ÉDITION 2021

LE BILAN
quand on sait que Français et Ja­ duits transformés et à ne pas pré­
ponais lui ont fait la courte cipiter les Occidentaux vers des ▶ GÉOPOLITIQUE
échelle technologique il y a trente solutions alternatives. ▶ ENVIRONNEMENT
ans, raconte Guillaume Piton Après quelques récentes ten­ ▶ ÉCONOMIE

DU MONDE
dans La Guerre de métaux rares sions, les autorités ont calmé le
(Les Liens qui libèrent, 2018). jeu. D’abord en affirmant que tout Pour mieux en mesurer l’ampleur, le Bilan
Ce conflit s’est joué à bas bruit, à le monde serait perdant à un « dé­ du Monde dresse l’état des lieux des
coups de taxes, de quotas et d’inti­ couplage » du marché des mine­ 198 pays du globe après une année
midations par médias interposés, rais entre les deux puissances
+ AT LA S D E 1 9 8 PAYS d’épreuves et d’événements locaux et
en violant les règles de l’Organisa­ mondiales. Puis en annonçant mondiaux.
+ 1 5 PAG E S D E D É B AT S : F R A N ÇO I S D U B E T, D O M I N I Q U E E D D É ,
tion mondiale du commerce. Le une hausse de 27 % de son quota A S L I E R D O G A N , N AT H A L I E H E I N I C H , E M M A N U E L H I R S C H , M U H A M M A D Y U N U S . . .
risque s’est accru sur des compo­ de terres rares pour le premier des
sants aussi essentiels que les ai­ deux « lots » prévus en 2021. Le • International, planète, France : trois
mants permanents, utilisés dans premier consommateur mondial, grandes parties avec des entretiens (Ariel
les moteurs de voiture électrique, qui redoute surtout un épuise­ Colonomos sur l’état du monde, Anne
les réacteurs d’avions, les turbines ment de ses propres ressources, en Muxel sur l’état de la France et Sabrina
d’éolienne… Il faudra multiplier est aussi le premier importateur, Krief sur l’état de la planète), des portraits,
par deux, tous les quinze ans, la notamment de Birmanie. Terres et des décryptages et des analyses pour faire
production de cette trentaine de métaux rares jouent un rôle dans
métaux rares pour réussir la tran­ la stratégie du président Xi
le tour de cette année riche en actualités
sition énergétique. Le secteur nu­ Jinping : alimenter une industrie inédites.
mérique en absorbe toujours plus, de high­tech à la fois conquérante • Une sélection de tribunes marquantes
comme les industries de défense. à l’export et au service de sa transi­ publiées en 2020 dans Le Monde.
Si les 160 000 tonnes de terres ra­ tion écologique (énergies renou­ • Un portfolio de 16 pages pour revenir sur
res produites ne pèsent que 8 mil­ velables, voiture électrique…), im­ les images fortes de l’année.
liards d’euros, les entreprises qui pérative si la Chine veut dépolluer
• Une chronologie internationale, nationale
les intègrent dans leurs produits ses activités et atteindre son objec­
génèrent 6 000 milliards de chif­ tif zéro carbone en 2060. et environnementale de 10 pages, et des
fre d’affaires. C’est cette ambition qui fait « la infographies sur les grandes problématiques
La menace de pénurie vient véritable valeur de son patrimoine pour mieux saisir les enjeux contemporains.
autant de la Chine que de cette naturel », en conclut John Sea­
consommation effrénée et de man dans « La Chine et les terres
l’absence d’alternatives à grande rares » (Note de l’Institut français
Une publication indispensable pour
échelle, même si trois pistes se des relations internationales, comprendre le monde d’aujourd’hui
dessinent. Ouvrir des mines dans 2019). Attention, dit­il, à ne pas et se projeter dans l’année 2021.
« hystériser » la question en la ré­
duisant à sa seule dimension géo­
politique. Menacée dans son ap­
LE RISQUE DE PÉNURIE  provisionnement, la Chine pros­ Vient de paraître chez votre marchand de journaux.
VIENT AUTANT  pecte hors de ses frontières. A
l’image de Shenghe Resources,
DE PÉKIN QUE DE  qui a investi en Australie, à Mada­
gascar, au Groenland… Et, plus
LA CONSOMMATION  inattendu, dans le consortium
EFFRÉNÉE  américain exploitant Mountain
Pass, confirmant que la « souve­
DE CES MATÉRIAUX raineté minérale » est un leurre. 

Tirage du Monde daté dimanche 28 février­lundi 1er mars : 147 795 exemplaires

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