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Les lobbies productivistes sapent
l’ambition européenne d’une agriculture
plus écologique
PAR AMÉLIE POINSSOT
ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 19 OCTOBRE 2021
Mardi 19 octobre est votée au Parlement européen la
stratégie «De la ferme à la fourchette», qui veut réduire
drastiquement les intrants chimiques en agriculture.
Depuis plusieurs semaines, elle est sous le feu d’une
attaque organisée du camp productiviste. Une enquête
avec nos partenaires de Lighthouse Reports.
Épandage de glyphosate sur un champ de maïs dans la Sarthe, avril
2021. La stratégie “De la ferme à la fourchette” vise à réduire de moitié
l'usage des pesticides d'ici à 2030. © Jean-François Monier / AFP
Réduire de moitié l’usage des pesticides, réduire de
20% celui des fertilisants chimiques, faire passer un
quart de la surface agricole européenne en agriculture
biologique (contre environ 8,5 % actuellement)… Tels
sont les principaux objectifs fixés pour 2030 par la
Commission européenne.
Ce mardi 19octobre après-midi, le Parlement européen
doit voter sur cette stratégie baptisée «De la ferme
à la fourchette» (Farm to Fork) censée mettre
l’agriculture européenne sur la voie d’une transition
écologique. C’est l’un des grands chapitres du Pacte
vert (Green Deal) lancé par la présidente Ursula
von der Leyen depuis son arrivée aux manettes de
l’exécutif européen, fin 2019.
Pour la production alimentaire du continent, dominée
jusqu’ici par le recours à la chimie de synthèse,
une telle perspective serait une petite révolution.
Mais c’est compter sans l’intense travail de lobbying
effectué par les défenseurs du modèle existant: lobbies
de la viande, de l’agrochimie et des céréales… et
Copa-Cogeca, dont fait partie la puissante fédération
syndicale française FNSEA.
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Le Copa-Cogeca est l’union, au niveau européen, du
Comité des organisations professionnelles agricoles
(c’est-à-dire les syndicats d’exploitants agricoles) et
du Comité général de la coopération agricole (c’est-
à-dire les coopératives). Et c’est la présidente de la
FNSEA, Christiane Lambert, qui officie à la tête du
Copa.
Mediapart, en collaboration avec le consortium de
journalistes européens Lighthouse Reports, explique
aujourd'hui comment, depuis plusieurs semaines, cette
organisation ainsi que d’autres lobbies européens
font tout pour couler l’ambition de la Commission
européenne et en atténuer les objectifs. Avec
pour principal outil une manipulation des savoirs
scientifiques autour de cette feuille de route dont le
but est de faire baisser les émissions de gaz à effet de
serre (GES) de l’agriculture européenne et d’enrayer
l’effondrement de la biodiversité.
Même le ministre français de l’agriculture, Julien
Denormandie, a repris à son compte les arguments
avancés par les lobbies qui défendent à Bruxelles les
intérêts de l’agro-industrie.
Épandage de glyphosate sur un champ de maïs dans la Sarthe. La
stratégie “De la ferme à la fourchette” vise à réduire de moitié
l'usage des pesticides d'ici à 2030. © Jean-François Monier / AFP
Or, ce qui se cache derrière ce lobbying, c’est une
certaine vision de la production animale : un modèle
reposant sur l’élevage industriel, ultra-dépendant des
importations de maïs et de soja en provenance du
continent américain, s’opposant à toute évolution
du régime alimentaire européen, et ne cherchant
aucunement à favoriser, in fine, les éleveurs sur le
terrain.
Une communication biaisée
C’est le 9 septembre dernier que commence
l’offensive. Ce jour-là, une étude financée par le
Grain Club, organisation de l’agrobusiness allemand
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dans le secteur des céréales et de l’alimentation
animale, et réalisée par une équipe de chercheurs de
l’université de Kiel, en Allemagne, est publiée.
Elle montre que la mise en œuvre des objectifs de
la stratégie «De la ferme à la fourchette» conduirait
à une baisse de la production agricole européenne,
à une hausse des prix, et l’alimentation du continent
deviendrait en outre plus dépendante des importations.
Problème, la communication faite par le Copa-
Cogeca autour de cette étude passe sous silence
un autre résultat important: le revenu et le bien-
être des éleveurs pourraient s’en trouver grandement
améliorés.
Interrogé par Lighthouse Reports, le scientifique
Christian Henning, auteur de cette étude, en convient
lui-même. «La mise en place du Pacte vert
en agriculture coïncide avec une augmentation
significative des services écosystémiques et peut
augmenter simultanément les revenus des fermes.»
Non seulement les services environnementaux rendus
par les agricultrices et agriculteurs sont rémunérés
par certaines aides de la PAC (politique agricole
commune), mais, de plus, les produits biologiques sont
mieux valorisés sur le marché.
D’après les travaux du chercheur, le profit réalisé
par une ferme qui passerait du conventionnel à
l’agroécologie pourrait être multiplié par plus de
2,5. «Le Pacte vert est potentiellement une situation
gagnant-gagnant pour l’ensemble de la société car ses
bénéfices font plus que compenser les pertes dues à la
réduction de la production agricole conventionnelle»,
poursuit-il. Mais ce n’est pas ce qui aura été retenu.
Quelques semaines plus tard, une autre publication
met l’accent sur la baisse de la production, émanant
cette fois de l’université de Wageningen, aux Pays-
Bas. Commandée par CropLife Europe (lobby des
fabricants de pesticides), le Copa-Cogeca ainsi que
par d’autres organisations de l’agro-alimentaire, celle-
ci est rendue publique une semaine avant le vote au
Parlement européen.
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Elle conclut, en cas de mise en place de la stratégie «De
la ferme à la fourchette» sur le continent européen, à
une hausse des prix, ainsi qu’une baisse de 10 à 15%
de la production animale et à une diminution de 10 à
20% de la production issue des cultures.
En 48heures d’intervalle, le rapport est présenté coup
sur coup par une conférence financée par CropLife sur
le média européen Euractiv – qui a accueilli, depuis
février 2020, sept débats sur le thème «De la ferme à la
fourchette», dont six sponsorisés par des organisations
du secteur agroalimentaire (voir leurs réponses en
annexe de cet article) –, puis lors d’un événement
spécial organisé par Livestock Voice, association
défendant les intérêts du secteur de l’élevage.
À cette seconde conférence participent l’un des
coauteurs de l’étude de Wageningen, le chercheur de
Kiel… mais aussi l’eurodéputée conservatrice Anne
Sander, membre des Républicains et sœur du patron de
l’organisme défendant les betteraviers français – autre
acteur de premier plan qui avait obtenu, l’an passé, la
réintroduction des néonicotinoïdes dans la culture
de betteraves.
Problème, là aussi: de l’aveu de l'un des chercheurs de
l'université de Wageningen intervenant sur Euractiv,
Johan Bremmer, son travail n’a pas abordé «l’impact
positif sur le changement climatique de la stratégie
“De la ferme à la fourchette”». Ce qui est pourtant le
principal objectif de cette feuille de route…
L'un des objectifs de la stratégie “De la ferme à la fourchette” : atteindre 25 %
de surface agricole européenne en bio. © Infographie Simon Toupet / Mediapart
D’autres études, réalisées antérieurement, sont
également mises en avant par le Copa-Cogeca et
d’autres relais de l’agriculture productiviste pendant
cette semaine où la bulle bruxelloise s’agite à
l’approche du vote de la feuille de route. L’une d’entre
elles est réalisée par les services scientifiques de
la Commission elle-même, le JRC (Centre commun
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de recherche), rendue publique fin juillet, et indique
que la mise en œuvre de la stratégie conduirait à une
diminution de la production européenne de 10 à 15%
suivant les secteurs, à une baisse d’environ 20% des
GES émis par l’agriculture du continent d’ici à 2030,
mais également, a contrario, à une augmentation des
émissions dans le reste du monde du fait d’une hausse
des importations.
L’autre rapport qui ressort des placards, c’est celui du
Département de l’agriculture états-unien (USDA),
première analyse de la stratégie «De la ferme à la
fourchette», réalisée il y a près d’un an. Forcément
biaisée par une lecture géopolitique aux intérêts
divergents des Européens, cette étude venue d’outre-
Atlantique conclut, entre autres, à une baisse de 12%
de la production agricole européenne et à une hausse
des prix de 17%.
Un changement systémique
En réalité, tous ces rapports se ressemblent car
ils se basent sur le même genre de modèle:
celui de l’équilibre de marché à partir d’un
paramètre – la réduction des intrants chimiques.
La plupart des calculs de rendement se basent en
outre sur l’agriculture conventionnelle – et non
sur l’agriculture biologique pourtant appelée à se
développer rapidement. C’est ainsi que Célia Nyssens,
chargée de l’agriculture au sein du Bureau européen
de l’environnement, fédération d’ONG à Bruxelles, a
dénoncé«une campagne de désinformation massive»,
où «le lobby de l’agro-alimentaire industriel» a
picoré, dans les études, les résultats collant à son
agenda.
De son côté le Copa-Cogeca, interrogé par Mediapart,
se défend. «Le Copa-Cogeca n’a procédé à aucune
sélection d’information, explique par courriel son
secrétaire général, Pekka Pesonen. Et, contrairement
à la caricature faite par certaines ONG, nous
n’avons pas parlé d’“étude d'impact” en commentant
les communiqués des différentes études et nous
avons toujours rappelé que toutes ces études ne
remplaceraient pas le travail que la Commission
pourrait/devrait conduire sur ce sujet.»
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La stratégie «De la ferme à la fourchette» va bien au-
delà du changement d’un seul paramètre. Ce qu’elle
propose, c’est un changement systémique, englobant
non seulement une réduction massive des déchets
alimentaires, mais aussi favorisant des pratiques
agronomiques plus vertueuses dans les exploitations
agricoles et une évolution de notre alimentation vers
des régimes moins carnés.
Dès lors, la baisse de la production de viande qui
en découlerait pourrait n’avoir pas d’effet négatif
sur le marché européen. Mais l’évaluation de ces
conséquences s’avère particulièrement complexe.
L’étude de JRC exprime d’ailleurs clairement ces
limites méthodologiques, notant que sa modélisation
ne permet pas de prendre en compte «les synergies
positives» qu’«un meilleur environnement» pourrait
apporter.
« Les outils traditionnels, bien adaptés à l’étude
des changements marginaux, se trouvent inadaptés
à l’évaluation de cette stratégie systémique»,
écrivent de leur côté les agronomes Xavier Poux
et Pierre-Marie Aubert, dans une note de l’Iddri
(Institut du développement durable et des relations
internationales) publiée la semaine dernière, en
réaction à la salve d’études brandies à Bruxelles par
les lobbies productivistes.
Pour les deux chercheurs français, qui ont
modélisé depuis 2018 la transition agroécologique
du continent européen – le scénario «Tyfa» –
et récemment repris ce travail dans un ouvrage
intitulé Demain, une Europe agroécologique (éditions
Actes Sud), «une végétalisation des régimes
alimentaires, en cohérence avec les recommandations
de l’Organisation mondiale de la santé, pourrait
compenser intégralement l’effet sur les volumes d’une
réduction de l’usage d’intrants chimiques en Europe».
Plutôt que de s’inscrire dans cette perspective
systémique, le ministre de l’agriculture Julien
Denormandie ne retient que l’analyse mono-paramètre
de JRC. À la question de Mediapart sur la stratégie «De
la ferme à la fourchette», une semaine avant le vote au
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Parlement européen, le ministre français n’affirme pas
un franc soutien à cette politique européenne. Tout au
contraire.
«L’étude JRC, qui indique que l’agriculture
européenne sera réduite de près de 15%, devrait
interpeller chacun d’entre nous, nous répond-il au
cours d’une conférence de presse. De plus, deux tiers
de la baisse attendue des émissions de gaz à effet
de serre de l’agriculture seront compensés par une
hausse équivalente dans le reste du monde avec les
importations hors UE.»
Le ministre se montre d’ailleurs particulièrement
critique vis-à-vis d’une agriculture qui serait plus
respectueuse des écosystèmes. «L’agroécologie, ce
n’est pas un projet politique, dit-il encore. Ce n’est pas
une vision nouvelle dans le milieu agricole. Cela se
fait trop au détriment des agriculteurs, des objectifs de
production, de notre souveraineté agricole.»
Le positionnement de l’État français colle à celui
de l’agrobusiness européen. Or Julien Denormandie
fait partie des négociateurs de la stratégie «De la
ferme à la fourchette»: après le vote des eurodéputés,
c’est au niveau du Conseil des États membres, et
en particulier entre ministres de l’agriculture, que la
discussion se poursuivra. Ce long processus est ce
que l’on appelle au niveau européen le «trilogue»: les
textes sont élaborés conjointement par la Commission,
le Parlement et le Conseil pour devenir réglementation
et, éventuellement, réglementation contraignante.
En attendant, le premier jet du Parlement, ce mardi,
est déterminant pour cibler les objectifs des réformes
à engager dans le secteur agricole. Plus ils seront
ambitieux, plus la copie finale aura des chances de
l’être. Plus ils seront réduits, plus la copie finale sera
petit bras. Or, là aussi, le lobby agricole a tout fait,
dès le départ, pour infléchir le texte en faveur de ses
intérêts et du maintien d’une agriculture à dominante
productiviste, avec le moins d’obligations possible
pour le secteur de l’élevage.
Le 27 septembre, le Copa-Cegeca organisait une
grande réunion avec ses représentants nationaux.
Mediapart a pu mettre la main sur les supports de
communication diffusés à cette occasion. S’y déroule
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toute la manœuvre de la confédération syndicale pour
faire tomber la stratégie «De la ferme à la fourchette».
On y lit, entre autres, que certains amendements
dépassent la «ligne rouge» du Copa-Cogeca et qu’il y
a «besoin de lobby afin de modifier les amendements
[...]».
Des vaches laitières dans une ferme assistée par des robots, en
Bretagne. Les lobbies qui s'attaquent à la stratégie “De la ferme à la
fourchette” défendent l'élevage industriel. © Damien Meyer / AFP
Les axes déclinés pour aller dans ce sens font écho à
ce que nous racontions plus haut: «besoin de pousser
au niveau national» (cf.le positionnement de Julien
Denormandie), «organisation de conférences sur les
études » (cf.les événements d’Euractiv et de Livestock
Voice)… mais aussi «besoin de contacter autant
d’eurodéputés que possible».
L’organisation incite ses membres – parmi lesquels,
en France, la FNSEA – à contacter ses eurodéputés
nationaux pour demander le report du vote et de
nouveaux amendements, avec un «focus» sur les
élus de Renew (groupe parlementaire où siègent les
Macronistes français) et ceux des rangs sociaux-
démocrates.
Une dizaine de jours avant le vote de l’hémicycle,
de nombreux élus de la majorité (droite, sociaux-
démocrates, libéraux), mais aussi des députés
d’extrême droite ou du groupe des conservateurs, ont
ainsi reçu des recommandations de vote du Copa-
Cogeca.
Enlever des mots
Dans ces documents auxquels Mediapart et
Lighthouse Reports – ainsi que quelques autres
médias européens – ont eu accès, la confédération
européenne propose aux parlementaires de modifier
six amendements, en indiquant précisément les bouts
de phrase qu’elle voudrait voir supprimer.
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Chacune des courtes modifications demandées est
lourde de sens. Ainsi du mot «contraignant» dans l’un
des premiers amendements, qui détaille les objectifs
de la stratégie «De la ferme à la fourchette»: son
apparition est systématiquement biffée dans le texte ;
tout comme la mention que «ces objectifs sont très
raisonnables», qu’ils doivent être quantifiés au niveau
de chaque État membre, et qu’ils devraient être
«déclinés dans la législation», «y compris à travers
la révision de la Directive sur un usage durable des
pesticides».
Réviser cette directive européenne qui date de 2009
est précisément un enjeu de premier plan pour
toutes celles et ceux qui tentent de lutter contre le
recours à ces produits chimiques dévastateurs pour les
écosystèmes et la santé humaine…
La confédération syndicale manifeste également son
hostilité aux propositions d’étiquetage, de traçage,
de labellisation: entre autres modifications, elle raye
la demande d’information, pour tous les produits
d’origine animale, sur «la méthode de production, les
indicateurs de bien-être animal, le lieu de naissance,
d’élevage et d’abattage».
Enfin, le diable se niche dans les détails: on trouve
dans l’un des amendements une proposition en faveur
d’une TVA zéro pour les produits sains et «durables»
comme les fruits et légumes, et d’une TVA plus
élevée pour les produits malsains ou à «forte empreinte
environnementale», comme la viande. Si l’on suit
les recommandations du Copa-Cogeca, ces quelques
lignes devraient être supprimées.
En dépit de cette incursion méthodique dans le travail
parlementaire, il est peu probable que le Copa-Cogeca
obtienne gain de cause ce coup-ci. Ces amendements,
qui doivent être votés ce mardi après-midi, sont le
résultat d’un compromis trouvé le 10septembre au sein
des deux commissions parlementaires agriculture et
environnement entre les différents partis politiques qui
les composent.
Il serait pour le moins étonnant de voir reculer les
rapporteurs du texte, l’Italien Herbert Dorfmann (PPE,
droite) et la Néerlandaise Anja Hazekamp (GUE,
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gauche), d’autant que le premier fait partie de la
majorité au Parlement: dans le camp conservateur, les
concessions sur le texte ont déjà été faites.
Pourquoi alors avoir envoyé ces demandes
de modification? «Parce que depuis que ces
amendements de compromis ont été approuvés dans
les commissions agriculture et environnement, la
situation a changé à différents égards, à la fois au
niveau européen et international, répond à Mediapart
Pekka Pesonen, le secrétaire général du Copa-Cogeca.
Plusieurs études, même avec leurs limites, ont évalué
l’impact potentiel des objectifs de “De la ferme à la
fourchette” et montrent clairement que ces objectifs
auront un effet significatif. » C’est pourquoi, estime-t-
il, le positionnement des députés sur les amendements
«peut changer à la lumière des résultats des études».
De fait, Herbert Dorfmann n’a pas été sourd aux
sirènes du Copa-Cogeca : avec 140autres élus du PPE
et de Renew, il a ajouté in extremis la semaine dernière
une proposition d’amendement, appelant à «une
étude d’impact ex ante robuste et scientifique» sur la
stratégie «De la ferme à la fourchette» – soit l’une
des demandes répétées de la confédération syndicale
depuis le début de son offensive.
Cette tactique d’approche, réitérée à chaque vote
important en matière agricole – le Copa-Cogeca avait
également envoyé ses consignes lors du premier
vote sur la nouvelle PAC, l’an dernier, comme nous
l’avions raconté dans Mediapart –, est un moyen
d’exercer une pression continue. «Comme nous le
faisons sur tout sujet lié à l’agriculture, nous avons
envoyé nos présentations et positionnement, et nous
discutons avec autant d’eurodéputés que possible»,
indique ainsi Pekka Pesonen. Le principal lobby
agricole européen a lancé une petite musique autour
de la stratégie «De la ferme à la fourchette» pour la
disloquer; il n’est pas près de s’arrêter.
Boite noire
Cet article est le résultat d’une enquête menée
conjointement avec le site européen d’investigation
Lighthouse Reports, le média néerlandais Follow the
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Money, la radio allemande Deutsche Welle, et les
médias italiens Investigative Reporting Project Italy
(IRPI)etDomani.
Mediapart a déjà travaillé avec Lighthouse Reports
par le passé, en particulier sur une série d’enquêtes
publiées en juillet 2020 autour de l’exploitation des
migrants en agriculture. On peut les retrouver ici :
Exploitation de la main-d’œuvre immigrée: un
système cautionné par la PAC ; Terra Fecundis:
l’exploitation de travailleurs en «bande organisée»
visée par la justice; Dans les Landes, des saisonniers
révèlent des abus chez le champion des carottes bio.
En annexe, retrouvez les éléments de réponse
d'Euractiv contacté au cours de cette enquête.
Prolonger
En complément de notre article, voici les éléments
de réponse d’Euractiv fournis par son directeur de la
communication, Chris Powers:
« EURACTIV prône une totale transparence sur
les différentes sources de revenus des médias.
Par exemple, les sponsors qui nous permettent de
financer l’organisation d’un débat sont clairement
identifiés comme tel (comme pour le débat Farm
to Fork, en effet). Ils sont animés par des
journalistes d'EURACTIV ou par des modérateurs
professionnels indépendants (comme Jennifer Baker)
afin d’assurer une conversation impartiale et
constructive. L’indépendance de nos débats est la
clé de leur crédibilité et la raison de leur succès
grandissant, que ce soit en ligne ou hybride.
Les débats EURACTIV à Bruxelles, Paris et Berlin,
sont inclusifs et représentatifs. Ils incarnent bien
le journalisme impartial et constructif qui est le
nôtre. Nous invitons entre 4 et 6 intervenants
représentant les différentes perspectives : politique,
industrielle, associative, universitaire, société civile...
Cette diversité apporte aux spectateurs les clés du
débat politique existant et un aperçu des arguments
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de chacun. D’ailleurs, les spectateurs participent
également de façon interactive avec des sondages et la
possibilité de poser leurs questions aux intervenants.
PS : l’information selon laquelle Copa-cogeca aurait
commandé une série d’articles auprès d’EURACTIV
a déjà été démentie dans Le Monde du 12 octobre.
EURACTIV est un média indépendant. Nous ne
vendons pas nos articles. Nos articles sont écrits
par nos journalistes avec une totale indépendance
éditoriale et ils sont disponibles gratuitement sur les
plateformes EURACTIV en anglais, en français et en
allemand. »
Ci-dessous les questions que nous avions adressées à
Euractiv :
• La conférence organisée le 12 octobre par Euractiv,
« Farm to Fork : What the analysis and data tell
us », était-elle financée par Croplife? J’ai pu lire
«supported by Croplife» dans la présentation.
• La modératrice de cette conférence, Jennifer Baker,
est-elle une journaliste d’Euractiv?
• Savez-vous quels sont les intérêts défendus par
Croplife dans la discussion autour de F2F (stratégie
« De la ferme à la fourchette ») - Croplife étant un
lobby de l’industrie des pesticides, comptant parmi
ses membres des entreprises comme BASF, Bayer
Monsanto, Dow AgroSciences ou encore Syngenta
–?
• Comment expliquez-vous qu’un média comme le
vôtre accepte ce type de sponsor?
• Considérez-vous qu’en organisant cette conférence
Euractiv fait un travail journalistique ou un travail
de communication?
• J’ai eu comme information que le COPA-COGECA
avait commandé auprès d’Euractiv une série
d’articles qui paraît à partir de ce lundi 18 octobre
autour des études produites au sujet de F2F. Est-ce
que vous confirmez?
• Cette série d’articles a-t-elle fait l’objet d’un
financement extérieur et si oui, quel est le
financeur?
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