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Sur les traces des

Black Panthers
à Alger
Kareem El Hidjaazi
 La saga des Black Panthers à Alger

ur le tarmac de l’aéroport de Miami, la porte

S
moment-là, était le mouvement de pouvoir noir le
d’un avion de ligne s’ouvre lentement. Une plus puissant des États-Unis.
corde est lancée au sol à laquelle des
hommes en caleçon attachent une valise contenant L’ALGERIE OUVRE SES PORTES
un million de dollars. Il s’agit d’officiers
américains du FBI auxquels les pirates de l’air ont À l’époque, l’Algérie a payé un prix lourd
exigé de ne pas se vêtir pour s’assurer qu’ils ne pour sa liberté après une guerre meurtrière contre
soient pas armés. un ennemi barbare sans âme ni pitié dans laquelle
près de 1,5 million d’Algériens sont tués. Plusieurs
Durant les négociations préalables, les millions d’autres sont incarcérés dans des camps de
négociateurs du FBI avaient dit qu’ils n’avaient pu concentration et d’innombrables personnes sont
trouver qu’un demi-million de dollars. Les pirates violées et torturées par l’armée française.
de l’air avaient alors rétorqué qu’ils repartiraient
dans ce cas avec la Au moment de
moitié des otages. Le l’indépendance, le pays
FBI finit par céder et compte près de 10
fournit la somme millions d’habitants,
complète demandée. 2,5 millions enfants
souffrent de
Une fois la rançon tuberculose ou de
montée à bord et rachitisme, l’économie
comptée, les 86 est en ruine et 90 % de
passagers du vol 841 de la population est
Delta Air Lines sont analphabète. C’était le
libérés. L’avion repart résultat de plus d’un
aussitôt en direction de siècle de colonisation
l’Algérie. À son bord se brutale ayant pour
trouvent trois hommes, mission de civiliser les
deux femmes et trois indigènes et
enfants en bas âge — Le 31 juillet 1972, un officier américain du FBI en caleçon remet une valise
moderniser le pays1.
tous afro-américains — contenant un million de dollars à des pirates de l’air afro-américains qui
souhaitent rejoindre le siège algérien du Black Panther Party.
qui ont décidé de Étant parvenus à
traverser l’Atlantique pour s’y établir et ne plus chasser l’occupant colonial, les Algériens estiment
jamais revenir aux États-Unis. qu’il est maintenant de leur devoir de soutenir les
autres mouvements de libération à travers le
Lorsqu’ils atterrissent à Alger, l’avion est encerclé monde. Ils souhaitent également récompenser ceux
par des soldats. Un fonctionnaire algérien gravit les qui les ont soutenus durant la guerre. Boumediene
marches de l’escalier d’embarquement de l’avion envoie ainsi des médecins à Cuba, en Chine et au
et déclare solennellement : « Soyez les bienvenues Liban. Il va jusqu’à offrir un soutien militaire et un
chez vous ! ». Les pirates de l’air sont bien salaire mensuel aux membres de groupes armés qui
accueillis et l’asile politique leur est accordé. souhaitent renverser leurs maîtres coloniaux.

Nous sommes le 31 juillet 1972 et c’est la
deuxième fois en un peu plus d’un mois que des
pirates de l’air afro-américains tentent de rejoindre
le siège algérien du Black Panther Party qui, à ce
1
Alexis de Tocqueville finira par avouer que les Français «
avaient rendu la société musulmane beaucoup plus misérable,
plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare qu’elle
Il s’agit d’une certaine manière de montrer au
monde que l’Algérie est toujours à l’avant-garde de
la résistance et du mouvement de libération
anticolonial. Le peuple algérien avait suffisamment
d’expérience, de vécu et de compétences pour
n’était avant de les connaitre ». (Alexis de Tocqueville, «
Rapport sur l’Algérie. »)

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 La saga des Black Panthers à Alger

transmettre au reste du continent africain et au-delà à être accueilli à Alger est l’ANC de Nelson
comment expulser les puissances coloniales. De Mandela qui bénéficie de bureaux en plein centre-
nombreux combattants arabes, africains et sud- ville. En 1962, Mandela a été formé militairement
américains sont ainsi entrainés en Algérie et au à Oujda par des combattants algériens du FLN et
Maroc par le FLN. n’a, depuis, jamais oublié le soutien de l’Algérie
dans sa lutte contre l’apartheid. Il disait que c’était
À partir de 1962, le pays reconnaît officiellement l’armée algérienne qui avait fait de lui un homme.
tous les mouvements de libération luttant contre un
État impérialiste et ouvre ses portes aux damnés de En mai 1990, trois mois après sa libération des
la terre. prisons sud-africaines, l’Algérie est le premier
pays dans lequel il se rend après 27 longues années
UNE CHAKCHOUKA CULTURELLE DE d’incarcération. Devant une foule immense, il
REVOLUTIONNAIRES remercie le peuple algérien pour son aide et
proclame à voix haute « l’Algérie est mon pays ! ».
Entre 1962 et 1974, Alger constitue un
carrefour pour les mouvements anticolonialistes et Un grand nombre de mouvements anti-
antifascistes. De l’Amérique latine au fin fond de impérialistes suivent les traces de l’ANC. Tout est
l’Asie en passant par l’Afrique et le monde arabe, facilité par le gouvernement en place qui prend en
les opprimés, les exilés charge tous les frais
ainsi que les membres (billets d’avion,
de mouvements de logement, visas,
libération sont invités à dépenses, etc.).
s’installer et à
s’organiser dans la Alger est alors un haut
capitale algérienne. lieu du
Des profils très divers multiculturalisme. On
viennent y trouver y trouve par exemple :
refuge : chefs d’États, des Afro-Américains
dirigeants recherchés par le FBI,
révolutionnaires, plusieurs milliers de
déserteurs, Palestiniens du Fatah,
kidnappeurs et pirates des dirigeants de
de l’air. Tous sont mouvements de
reçus à bras ouverts par Eldridge Cleaver, ici dans les rues d’Alger en 1970, était l’un des premiers libération africains, des
le nouveau dirigeants du Black Panther Party. Après une tentative de meurtre par guérilleros, des
la CIA, il obtient l’asile politique en Algérie.
gouvernement en officiers cubains, des
place. militants vietnamiens, des déserteurs de l’armée
portugaise et des exilés politiques d’Amérique
À travers une mobilisation internationale et son latine. La capitale héberge même un mouvement
soutien aux luttes anticoloniales, l’Algérie espère, des îles Canaries qui souhaite mettre fin à la
une fois pour toutes mettre fin à l’idéologie domination espagnole.
coloniale. Dans un discours de 1963, Ben Bella
appelle tous les peuples africains à former un front C’est dans cette « chakchouka » culturelle que les
populaire contre le colonialisme. Le 21 juillet révolutionnaires des quatre coins du monde se
1969, son gouvernement organise le premier rencontrent et plaident leur cause devant les
festival culturel panafricain auquel participent plus dirigeants du tiers monde. C’est aussi ici que
de 4000 personnes venues de 22 pays. décide de s’établir une poignée de révolutionnaires
afro-américains qui ne passeront pas inaperçus.
L’Algérie invite aussi des organisations politiques
et militaires. Le premier mouvement de libération

3
 La saga des Black Panthers à Alger
FANON FAIT DECOUVRIR L’ALGERIE AUX
BLACK PANTHERS
Le Black Panthers Party (BBP) était l’un
des groupes contestataires les plus redoutés par le
gouvernement américain, car il avait réussi à
consolider des liens de coopération entre la lutte
nationale pour la libération des Noirs aux États-
Unis et le mouvement mondial anti-impérialiste.
En juillet 1969, le directeur du FBI, John Edgar
Hoover, décrit le BBP comme « la plus grande
menace pour la sécurité
intérieure des États-
Unis ».
Eldridge Cleaver était
l’un des premiers
dirigeants du Black
Panther Party. En 1958,
il a été reconnu
coupable de viol et a dû
purger une peine de huit
ans de prison où il
devient un disciple de
Malcolm X. C’est aussi Le président de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat avec Eldridge
Cleaver et d’autres membres du Black Panther Party.
là qu’il écrit ses
mémoires Soul on Ice
qui est nommé comme l’un des 10 meilleurs livres
de 1968 par le New York Times.
En tant que rédacteur en chef du journal officiel du
BBP, il gagne de l’influence et la CIA est à ses
trousses. C’est l’époque où les membres des Black
Panthers sont l’objet d’assassinats ciblés par les
services gouvernementaux américains.
En 1969, lors d’une embuscade organisée par la
police d’Oakland, Cleaver est blessé, mais réussit
à prendre la fuite. Il part en exil à Cuba, puis en
Algérie avec son épouse Kathleen Cleaver. Le
couple est parmi les premiers membres des Black
Panthers à s’installer à Alger. Très tôt, une cohorte
d’autres membres les suivront. Presque tous sont
activement recherchés par les autorités
américaines.
2
Michaël Prazan, « Une histoire du terrorisme ».
Un mois après son arrivée à Alger, Cleaver tient
une conférence de presse. « Nous faisons partie
intégrante de l’histoire de l’Afrique », déclare-t-il.
« L’Amérique blanche nous a appris que notre
histoire commence sur les plantations et que nous
n’avons pas d’autre passé. Nous devons nous
réapproprier notre culture. »
Avant leur arrivée en Algérie, les Black Panthers
avaient appris à connaitre le pays à travers Les
damnés de la terre de Frantz Fanon qui, selon
l’ancien chef d’état-
major du parti David
Hilliard, était une
référence absolue pour
le mouvement :
Frantz Fanon c’était la
Bible, son livre nous
l’appelions la Bible
noire. Grâce à lui nous
avons appris la
révolution algérienne,
nous nous sommes
familiarisés avec
d’autres peuples qui se
battaient pour le
contrôle de leur destinée. Nous nous sommes en
quelque sorte mis à imiter ce qui se passait dans
son livre et en Algérie. Notre communauté
ressemble à celle décrite par Fanon. L’oppression
subie par les Afro-Américains ressemble à
l’oppression des Algériens par les Français, et cela
bien avant l’exemple vietnamien.2
L’auteur, poète et ancien membre des Black
Panthers Jamal Joseph explique qu’en regardant le
film « La Bataille d’Alger », il reconnaissait chez
les Algériens les « Nègres des champs » de chez
eux. Les Algériens utilisaient peut-être d’autres
termes, mais le langage qui exprimait leur état
d’oppression était universel. Ce qui s’était produit
en Algérie était pour lui un présage de ce qui allait
advenir des Afro-Américains : « Ce qui s’est passé
dans la Casbah algérienne avec les Français est
similaire à ce que les Noirs subissent dans les
ghettos avec leur gouvernement raciste »3.
3
Malek Bensmail, “From the battle of Algiers, a film within
history 2017”
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 La saga des Black Panthers à Alger
Au procès des 21 Panthers soupçonnés d’avoir
conspiré à commettre des attentats à la bombe à
New York, le film « La Bataille d’Alger » fut
présenté comme une pièce à conviction par le
procureur. Le film aurait servi à organiser une
guérilla.
DES PANTHERS LIBRES DANS LES RUES D’ALGER
À Alger, les Black Panthers sont accueillis
comme la délégation d’un État indépendant. Le
gouvernement algérien leur
accorde des privilèges
diplomatiques, une allocation
mensuelle et la liberté de voyager
à l’intérieur comme à l’extérieur
du pays, tout en fermant les yeux
sur certaines de leurs activités
douteuses. En effet, Cleaver et sa
bande sèment souvent le trouble
dans un pays qui bascule entre
traditions musulmanes et
austérité révolutionnaire.
Les Panthers s’installent dans
l’ancien pâté de maisons d’un
pied noir qui a fui le pays.
Certains d’entre eux préfèrent
s’installer à Bab el-Oued, un
quartier balnéaire au nord du
La Une du journal officiel des Black Panthers
centre-ville, où de nombreux en 1969 était consacrée à l’exil de Leroy travers le combat des Noirs
révolutionnaires résident pour Eldridge Cleaver en Algérie.
profiter des plages à proximité.
Les Panthers ont aussi été aperçus en train de faire
du surf à Pointe Pescade, une plage très appréciée
par l’élite coloniale française.
Pour organiser leurs activités, les Panthers ont
même reçu une villa de deux étages à El Biar, un
quartier aisé de la capitale. La propriété leur a été
offerte par le Vietcong, également présent à Alger,
qui venait de déménager. Cleaver était proche du
groupe et avait visité le nord du Vietnam pour une
mission de bons offices. En échange de la villa,
Cleaver a accepté de faire plusieurs émissions sur
la radio nord-vietnamienne dans lesquelles il
4
L’Algérie avait rompu ses relations diplomatiques avec les
États-Unis après la guerre de six jours en 1967.
exhorte les soldats afro-américains à tuer leurs
commandants.
La villa devient le siège de la Section internationale
des Black Panthers et une base étrangère de lutte
contre la ségrégation américaine. Avec son épouse,
Cleaver y accorde des interviews à des journalistes
occidentaux, qu’il facture1 500 $.
Les Panthers profitent de leur stabilité pour
coopérer avec d’autres mouvements de libération.
Leur siège devient l’ambassade
des Noirs américains à une
époque où les États-Unis n’ont
même pas d’ambassade en
Algérie4. Ils tissent des liens
étroits avec les membres des
autres luttes révolutionnaires,
qu’ils soient noirs ou arabes. Ils
ont, entre autres, eu des entretiens
diplomatiques avec la délégation
palestinienne ou encore avec Wei
Pao Chang, conseiller à
l’ambassade de Chine.
Dans une rue principale au centre
d’Alger, les Panthers ont installé
un centre culturel afro-américain.
C’est là que de jeunes Algériens
découvrent les États-Unis à
américains.
Les Black Panthers sont accueillis comme des stars
de l’anti-impérialisme à Alger qui est alors la
« capitale du tiers monde ».
DES AFRO-AMERICAINS PRETS A MOURIR POUR
LA PALESTINE
En 1968, un autre Panther du nom de
Stokely Carmichael trouve également refuge en
Algérie. Il souhaite développer une conscience
révolutionnaire auprès de tous les Africains pour
contrer l’impérialisme américain. Il n’y a d’ailleurs
selon lui « pas beaucoup de différences entre les
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 La saga des Black Panthers à Alger

Algériens et les Afro-Américains », les deux étant En juillet 1969, Stokely Carmichael et Eldridge
« des peuples colonisés »5. Cleaver se rencontrent à Alger et se disputent sur
des questions politiques et culturelles. Cette
Il affirme que le peuple algérien a été « déchu de division interne annonce la fin de la présence des
son langage et contraint de parler la langue de son Black Panthers en Algérie.
oppresseur ». Tant qu’il parlerait et étudierait en
français, la décolonisation ne pourrait être réalisée. LES BLACK PANTHERS SOUS RESIDENCE
SURVEILLEE
Stokely souhaitait promouvoir la langue et la
culture arabes dans les universités américaines La saga des Black Panthers dans la capitale
pour que son peuple comprenne davantage ce que algérienne ne dure que quelques années. Eldridge
les Arabes ont subi de la part des impérialistes. Il Cleaver et sa femme, déjà en conflit avec la
se sentait très proche des commandos en Palestine. branche officielle du parti aux États-Unis,
« Nous sentons que c’est le groupe qui est le plus n’avaient en réalité pas plus de pouvoir que des rois
en droit de notre soutien », disait-il lors du congrès en exil.
The Black American and Palestinian Revolutions.
Le 10 aout 1972, tout bascule. La police algérienne
Selon lui, beaucoup de Noirs américains étaient entoure le siège des Black Panther et place tous ses
prêts à défendre la membres sous résidence surveillée. Ceci a lieu
Palestine et l’Égypte, après que Cleaver ait
« la mère patrie de publiquement
l’homme noire », de demandé à
leur vie : Boumediene de rendre
le million de dollars
Nous sommes du côté qui avait été ramené
du tiers monde. Peu par le groupe de pirates
importe ce que dit le de l’air dix jours
Département d’État auparavant. Les
américain, la CIA ou autorités avaient
le président Johnson. confisqué l’argent
Tant que nous aurons alors que la somme
des jambes, personne était destinée à
ne nous empêchera En juillet 1969, les Black Panthers reçoivent une délégation de l’Autorité financer le Black
palestinienne dans leur ambassade à Alger.
d’aller en Algérie ou Panther Party.
en Syrie. Tant qu’on
nous y invite nous partirons. Nous sommes des Le schisme entre les Black Panthers américains et
hommes. Nous irons là où nous voulons, nous la Section internationale n’a fait qu’aggraver la
apprendrons ce que nous voulons, nous verrons qui situation des Panthers à Alger qui deviennent alors
nous voulons, nous parlerons avec qui nous presque apatrides. À leur tour, les branches du parti
voulons et nous nous battrons avec qui nous aux États-Unis se fragilisent et se divisent.
voulons. Vous nous invitez, nous viendrons !6
Aujourd’hui, nous savons que le traitement barbare
Stokely avait deux rêves dans sa vie : prendre un du gouvernement américain a poussé les Panthers
café avec sa femme en Afrique du Sud et boire un dans une situation de retranchement les
thé à la menthe en Palestine. encourageant à prendre les armes. Ce faisant, bien
que leurs revendications étaient légitimes, ils ont

5 6
Voir aussi Kareem El Hidjaazi, « Nègres & islamistes, les Stokely Carmichael, « The Black American and Palestinian
convergences d’une lutte culturelle. » Revolutions », Organization of Arab Students (O.A.S.),
August 25-31, 1968.

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 La saga des Black Panthers à Alger

donné aux autorités une bonne raison de les New York, il publie en 2006 son premier livre Soul
éliminer tout en perdant le soutien de l’opinion on Islam, qu’il présente ainsi :
publique afro-américaine.
Mon père était un soldat, un combattant et un
Le groupe avait aussi d’autres problèmes. De écrivain. Durant les turbulentes années 1960, il
nombreux membres étaient connus pour être des courrait avec les troupes paramilitaires du Black
personnes narcissiques, extrêmement Panther Party sur les lignes de front des ghettos
intransigeantes et corrompues dans leur vie américains. C’est à cette époque que de jeunes
personnelle où viols, drogues dures et meurtres Noirs, autrefois chassés par la police, étaient
étaient souvent au rendez-vous. devenus eux-mêmes des chasseurs de policiers
racistes qui aimaient
Le FBI profite voir couler le sang
largement de tout cela afro-américain. Mon
pour affaiblir le père et ma mère
mouvement. Le faisaient partie de la
programme de contre- direction du « Parti des
espionnage Black Panthers pour la
COINTELPRO permet légitime défense ». Ils
à l’agence de s’appelaient Eldridge
surveiller, infiltrer et et Kathleen Cleaver.
même assassiner les La voix de mon père a
membres des Black été entendue par
Panthers. Ayant beaucoup dans « Soul
recours au harcèlement on Ice », la mienne
policier et aux faux dans « Soul on
Rencontre entre Stokely Carmichael, le premier ministre honoraire des 7
témoignages devant Islam ».
plusieurs juges, le FBI Black Panthers, et Eldridge Cleaver à l’Hôtel Saint George à Alger, le 23
juillet 1969.
réussit à saper le Comme beaucoup de
leadership du mouvement qui, suite à des tensions Black Panthers et leurs enfants, Ahmad s’est
internes préexistantes, finit par s’effondrer en converti à l’islam et fait partie d’une nouvelle
1982. Dans le reste du monde, les autres génération de personnes racisées, très cultivées et
mouvements anti-impérialistes suivront un par un. fières d’être ce qu’ils sont aujourd’hui.

LES TRACES D’UN PASSE OUBLIE A ALGER
Après 7 ans d’exil, Cleaver retourne
en 1975 aux États-Unis où il devient accro à la
cocaïne. Il se fait encore arrêter à plusieurs reprises
et meurt en 1998. Néanmoins, il laisse derrière lui
un fils exemplaire qui, à sa manière, continuera la
lutte de son père.
Né en 1969 à Tissemsilt en Algérie, Ahmad
Maceo Eldridge Cleaver a bénéficié d’un double
héritage. Il a beaucoup été influencé par le combat
que menait son père contre l’impérialisme
américain. Diplômé de la Cornell University de
Ahmad est né dans une Algérie qui était alors
l’épicentre de la mouvance anti-impérialiste.
Entre-temps beaucoup de choses ont changé, mais
tout n’a pas été oublié.
Aujourd’hui à Alger, il y a toujours un grand
boulevard « Che Guevara », des boulevards et
hôpitaux « Frantz Fanon », une place « Patrice
Lumumba », des places « al-Quds », des rues
« Nelson Mandela », « Arafat », etc. Ce sont là des
traces d’une époque révolue qui aujourd’hui
inspirent de nouvelles générations8…
Kareem El Hidjaazi

7
Ahmad Maceo Eldridge Cleaver, « Soul on Islam ». 8
Article écrit pour la Revue Antipodes (ITECO)