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1587 Fertilite Des Sols
1587 Fertilite Des Sols
Les principes de la
fertilité des sols
Construire sa relation avec le sol
SOMMAIRE
1 LES PRINCIPES DE LA FERTILITÉ DU SOL 3 3.2 Les rotations culturales qui conservent l’humus 15
1.1 Le sol des pionniers 3 3.3 Les engrais organiques 17
1.2 La fertilité du sol – une notion en constante évolution 4 3.4 Les engrais verts 20
1.3 Qu’est-ce que l'agriculture biologique entend par fertilité 3.5 Favoriser les adventices au lieu de lutter contre
du sol ? 5 les mauvaises herbes ? 22
1.4 L’inestimable contribution des organismes du sol 7 3.6 Le tassement du sol et les moyens de l’éviter et
1.5 Tirer profit du potentiel du travail réduit du sol 9 d’y remédier 24
3.7 L’érosion du sol et les moyens de l’éviter 26
2 SAVOIR ÉVALUER LA FERTILITÉ DU SOL 11
2.1 Observations directes 11 4 L’AVENIR DE LA CULTURE DU SOL 28
2.2 Quelques outils pour affiner les observations 12 4.1 Tenir compte du climat 28
4.2 Améliorer la stabilité de l’écosystème agricole 29
3 MAINTENIR ET AMÉLIORER LA FERTILITÉ DU SOL 14 4.3 Idées pour l’agronomie biologique du futur 30
3.1 La gestion de l’humus 14
L’analyse scientifique de la fertilité du sol Les diagnostics et mesures présentés dans cette
Par opposition à l’approche purement chimique brochure se réfèrent aux possibilités d’observer le
des éléments nutritifs, on a longtemps cherché à sol et de le décrire à l’aide de ses différentes carac-
distinguer la fertilité du sol à l’aide de la chimie téristiques :
de l’humus en essayant de définir et de classifier › Les caractéristiques physiques peuvent être
›�
l’humus en passant directement par ses différentes identifiées par exemple à l’aide du test à la
structures chimiques. Cela n’a pas apporté grand bêche. Les sols en bon état physique offrent
chose, et aujourd’hui on examine d’autres carac- aux racines des plantes et à toute la pédofaune
téristiques comme la disponibilité des éléments un espace de vie et de travail et suffisamment
nutritifs, le rapport C/N de la matière organique d’air à respirer. La tâche de l’agriculteur est de
ainsi que les processus de métamorphose qui sont stabiliser la structure du sol avec les racines des
à l'œuvre dans le sol et la qualité de l’humus qu’il plantes, à le rendre portant et à éviter les tas-
contient, qui servent de mesure pour : sements en n’utilisant les différentes machines
› les quantités d’éléments nutritifs directement dis-
›� qu’en prenant de grandes précautions.
ponibles pour les plantes – Quels éléments se › Les propriétés chimiques sont identifiables
›�
trouvent dans un extrait à l’eau chaude du sol ? par la mesure des différents éléments nutritifs
› les éléments nutritifs facilement accessibles qui
›� et aussi éventuellement de certains polluants et
se trouvent dans le cycle de la vie – Quelle est par exemple du pH (mesure de l’acidité). L’orga-
la quantité de biomasse microbienne et quel nisme sol-plante chimiquement bien doté dis-
est son rapport C/N ? pose de tous les éléments chimiques et molé-
› la stabilité de l’humus : L’humus stable est plus
›� cules organiques pour son alimentation. Les
lourd que l’humus jeune – Quelle est la com- produits métaboliques complexes des différents
plexité de ses molécules ? Quelle est sa densité ? organismes favorisent les réactions immuni-
Paul Mäder, FiBL taires des plantes. En lui redonnant les éléments
prélevés, nous essayons de soutenir le bon
équilibre de ces propriétés. Les sols surexploités
1.3 Qu’est-ce que l'agriculture biolo- doivent tout d’abord être rééquilibrés.
gique entend par fertilité du sol ?
Par « fertilité du sol », l'agriculture biologique dé- Notre société actuelle est malheureusement très éloignée de la
signe en premier lieu une propriété du sol vivant. nature et seule une minorité est consciente de l’importance d’un sol
Vu que la fertilité du sol est un trait de caractère intact. Les grandes quantités de produits chimiques utilisées dans l’agricul-
du sol en tant qu’organisme qui n’est jamais tota- ture conventionnelle d’aujourd’hui seront considérées par l’histoire comme
lement visible, nous ne pouvons ni la saisir intel- un feu de paille car elles ne permettent ni d’améliorer les sols ni de favori-
lectuellement dans son intégralité ni la définir inté- ser la vie. Seule une véritable fertilité des sols peut permettre d’assurer
gralement par des mesures analytiques – comme durablement l’alimentation suffisante de l’humanité.
pour l’homme lui-même. Voilà pourquoi la fertilité
du sol dont nous parlons représente une percep- Jean-Louis Colling-von Roesgen, paysan bio au domaine du Karelshaff (Luxembourg)
tion complète du sol, de ses influences sur les
plantes et de l’analyse et de la mesure de certaines
de ses caractéristiques.
Hyphe
Influences des différentes intensités de travail du sol sur les vers de terre
A
cm
0
B Destruction moyenne
5 de l’habitat
10
Printemps / Machines traînées
15 Automne : Les
Machines rotatives Destruction importante anéciques sont
20 de l’habitat vers la surface
du sol
25 Semelle de labour (zone tassée)
C
30
A Épigés (habitants des litières)
B Endogés (galeries superficielles)
C Anéciques (galeries verticales)
Été / Hiver : Les anéciques sont dans le sous-sol
La mortalité des vers de terre est d’autant plus élevée que le travail du sol est intensif. C’est au printemps et en automne que les pertes sont les plus importantes.
Le test à la bêche
Le test à la bêche est une méthode artisanale qui
a fait ses preuves pour évaluer la structure du sol.
Le test à la bêche permet de voir avant le travail du
sol quelle est la profondeur de la couche arable. Si
les plantes poussent moins vite les années sèches,
on dit tout de suite que le coupable est la météo.
Se pourrait-il cependant aussi que les racines ne
puissent pas descendre assez profondément à
cause d’une couche perturbée ?
Est-ce qu’on trouve à la surface du sol les agrégats ronds et les
Pendant les mois d’été, l’obervation des plantes
trous de vers de terre qu’on recherche ?
cultivées permet aussi de constater l'état du sol
après le semis et les influences du travail du sol.
Le prélèvement s’effectue en quatre étapes et
nécessite une bêche plate et une petite griffe (pour
dégager les racines).
pH-mètre
Le pH (l’« état acido-basique » du sol) a des réper-
cussions sur la disponibilité des éléments nutritifs
pour les plantes et influence fortement la vie du sol.
Le pH-mètre Hellige effectue des mesures fiables
du pH. Les mesures ne doivent pas être faites seule- Pour mesurer le pH avec un
pH-mètre Hellige, on ajoute à
ment à la surface du sol. Il est conseillé de connaître
la terre une solution indicatrice
le pH qui règne aussi à 10 et à 20 cm de profon- puis on compare la couleur de
deur, car il peut varier fortement d’une couche de la solution à une échelle colo-
sol à l’autre. Les apports d’engrais, les poudres de rimétrique.
roches et les chaulages influencent le pH.
Stefan Weller
➊ ➋ ➌ ➍ ➎ ➏ Année
Lisier Fumier (+ 1,0) Pellets de farine Fumier
(+ 0,6) Lisier (+ 0,6) de poils (+ 0) (+ 1,0)
Rotation
humivore
Solde :
- 1,3 Prairie Blé d’automne Maïs Légumineuses à PDT Épeautre
unité (+ 1,8) (- 1,0) (- 2,1) battre (+ 0,4) (- 2,8) (- 1,0)
d’humus 1 Engrais vert gélif (+ 0,2)
Rotation culturale humivore : Cette rotation ne comporte qu’une seule année de prairie de graminées et de légumineuses. Vu que le
fumier est utilisé pour le maïs et l’épeautre, l’agriculteur doit acheter des engrais organiques pour les pommes de terre. Cette rotation
consomme de l’humus car les sarclées ne sont combinées qu’à un seul engrais vert par ailleurs gélif (p. ex. moutarde).
➊ ➋ ➌ ➍ ➎ ➏ Année
Lisier Fumier décomposé (+ 1,4) Fumier com-
(+ 0,6) Lisier (+ 0,6) posté (+ 2,0)
Rotation
humifiante
Solde :
+ 2,8 Prairie Prairie Blé d’automne Maïs Légumineuses PDT
(+ 1,8) (+ 1,4) (- 1,0) (- 2,1) à battre (+ 0,4) (- 2,8)
unité
d’humus 1 Engrais vert hivernant (+ 0,3) Engrais vert gélif (+ 0,2)
Rotation culturale humifiante : Cette rotation comprend une prairie bisannuelle de graminées et de légumineuses qui contribue de
manière décisive à l’humification. Un apport de fumier décomposé et un de fumier composté apportent au sol une grande quantité de
matière organique stable, et les deux engrais verts (par ex. mélange de graminées et de légumineuses, avoine) apportent une grande
quantité de matière organique fraîche. Le bilan humique de cette rotation est positif malgré deux cultures fortement humivores.
1) Base de calcul : Unités d’humus simplifiées selon Leithold et Hülsbergen, Revue Ökologie & Landbau, numéro 105, 1/1998, pages
Compost
À cause de sa transformation, le compost contient de
la matière organique stabilisée utile pour la forma-
tion de l’humus et apporte à la terre un mélange
d’éléments nutritifs riche en phosphore. Toujours plus
d’études montrent que le compost fait davantage
La grande quantité de paille produite par les variétés à longues progresser la vie du sol et sa fertilité que ce qui est
tiges contribue aussi à l’humification des sols. possible avec d’autres engrais organiques : le com-
post améliore le sol. Alors que le compost de fumier
La fatigue du sol est un vrai défi assure une bonne fumure azotée, le compost de
Si une espèce ou un groupe d’espèces de plantes déchets verts ne contient pas beaucoup d’azote.
ne peut plus être cultivé normalement sur une par- Dans la pratique, composter ensemble des
celle après un intervalle de culture de trois à quatre déchets végétaux de la commune et son propre
ans, le phénomène est appelé fatigue du sol. Les fumier a fait ses preuves, aussi économiquement ;
exemples les plus connus concernent les pom- les taxes de compostage des déchets végétaux
miers, les rosiers et les légumineuses. La fatigue peuvent payer les frais d’une retourneuse de com-
du sol peut être causée par l’accumulation d’agents post et du travail. Chaque pays a ses propres bases
pathogènes, par un appauvrissement déséquilibré légales qu’il faut respecter.
des sols en certains éléments essentiels, par des Lorsque des composts jeunes et riches en
toxines sécrétées par les plantes (allélopathie), par lignine sont épandus pour des cultures à crois-
une mauvaise structure du sol ou encore par une sance rapide, cela peut provoquer – surtout au
combinaison de certains ou de tous ces facteurs. printemps – des blocages temporaires de l’azote
La fatigue du sol peut devenir un vrai problème dans le sol. Dans ce genre de cas, les composts
en bio quand elle concerne les légumineuses. Elle plus mûrs, qui contiennent déjà un peu de nitrate, La fabrication d’un compost de
se manifeste par une baisse de vigueur des prairies haute valeur biologique qui ne
sont plus adéquats. Une fumure complémentaire
pollue pas l’environnement et
de graminées et de légumineuses et des cultures avec une source d’azote organique facilement dis- renforce les plantes demande
de légumineuses à battre qui s’aggrave d’année en ponible comme du lisier peut empêcher ce risque. de bonnes connaissances et de
année et qui est causée par un déséquilibre dans l’expérience.
le sol (développement d’agents pathogènes). De
nombreuses interactions encore inconnues font
actuellement l’objet de recherches scientifiques.
Les thérapies sont le plus souvent individuelles et
nécessitent un conseil compétent.
En agriculture biologique, l’utilisation des digestats Dans les fermes sans apports d’éléments nutritifs extérieurs, le phosphore
comme engrais n’est autorisée que sous certaines peut devenir un facteur limitant dans les fourrages ou les engrais. Les apports
conditions (tenir compte des cahiers des charges de fumier ou de compost de provenance extérieure seraient une possibilité
des différentes fédérations !). pour éviter les carences en phosphore sans devoir compléter la fumure avec
Alfred Berner et Jacques Fuchs des phosphates bruts du commerce. Cultiver des légumineuses et favoriser
l’activité des microorganismes du sol pourrait aussi mobiliser de grandes quan-
Les digestats liquides apportés de tités de phosphore bloqué dans le sol. Les fermes qui ont des problèmes de
manière correcte peuvent booster les carences en phosphore dans les cultures ou les élevages malgré un bilan du
cultures, surtout au printemps. Aportés en phosphore équilibré ont souvent des sols avec des pH élevés. En effet, les pH
trop grande quantité, ils peuvent toutefois élevés perturbent l’absorption du phosphore par les plantes.
dégradér les sols.
soigneux et bonnes conditions de démarrage et de rôle important des grandes cultures biolo-
croissance pour les plantes cultivées contribuent giques pour la protection de la flore agreste
souvent de manière décisive à reléguer les plantes menacée. Le nombre d’espèces de plantes sau-
sauvages au rang de flore adventice pouvant dans vages est deux à trois fois plus élevé dans les
l’ensemble avoir des effets positifs sur la fertilité du champs bio que dans les champs traités avec
sol et les récoltes. des herbicides. Même en agriculture biolo-
gique, les cultures intensives, les sous-semis,
Le travail du sol stimule les adventices ! les cultures fourragères pluriannuelles, les sys-
Même léger et superficiel, tout travail du sol sti- tèmes perfectionnés de « régulation des adven-
mule la germination des plantes sauvages. En cas tices » et le déchaumage immédiat influencent
de forte levée d’adventices, il est possible de les négativement la diversité de la flore.
réguler en pratiquant des déchaumages superfi-
ciels répétés ou plusieurs phases de faux-semis. Ce Lukas Pfiffner, FiBL
B
En réalité, le but premier de notre pra-
tique agricole devrait être que le sol soit
couvert en permanence. Or même en agricul-
ture biologique on n’en a pas encore assez
tenu compte. Il faudrait par exemple repenser
les semis tardifs de céréales en automne : le
sol reste très longtemps nu et les céréales
n’utilisent pas les éléments nutritifs dispo-
nibles avant l’hiver. Nous devrions aussi rem-
placer de plus en plus les cultures pures par
des cultures associées.
C
L'ensemencement de trois couches de sol (0–20 cm [A], 20–30 cm [B] et 30–60 cm [C]) sous une
prairie de 700 ans simule bien l'effet de l'érosion: Tandis que la structure du sol et la levée de la
culture dans la couche supérieure sont bonnes, la levée et la structure des couches inférieures sont
pauvres sous l'effet de l'eau et du croûtage. On peut donc bien s'imaginer la perte en fertilité du sol
après que la couche supérieure du sol ait été perdue par l'érosion.
Gt = gigatonnes, C = carbone
CO2 dans l’atmosphère
780 Gt C
Émissions Libération
6,5 Gt C/an 90 Gt C/an
Respiration
Photosynthèse 60 Gt C/an
120 Gt C/an Végétation
n
600 Gt C Décomposition, act.
an
> 60 Gt C/an
Litière
La formation et la dégradation
60 Gt C/an Absorption
de l’humus jouent un rôle im- 92 Gt C/an
portant dans les flux de carbone
importants pour le climat. La
teneur en CO2 de l’atmosphère
augmente actuellement de 3,3
Gt C par an. L’échange de C avec Carbone fossile Humus du sol 1’600 Gt C Océans
le calcaire, qui est de loin le plus 4’000 Gt C 39’000 Gt C
gros réservoir de carbone, est
beaucoup plus lent et n’est donc Source : Heinz Flessa, modifié par Gattinger et la rédaction
pas représenté ici.
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