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ISBN : 978-2-10-078217-8
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Introduction
C HAPITRE 1
La psychologie de la petite enfance
1. L’expérimentation
2. L’observation
IV Perception et intelligence
1. La perception du langage
2. La production du langage
1. La famille
C HAPITRE 2
L’enfant, le langage et le développement cognitif
I Le développement du langage
2. Le dessin
3. L’image mentale
1. La résignation apprise
V Conclusion
C HAPITRE 3
L’enfant et les relations à autrui
II Le développement de l’attachement
1. La construction de liens spécifiques
6. L’évaluation de l’attachement
2. Au-delà de la famille
3. L’univers numérique
C HAPITRE 4
L’adolescence
2. Le langage
3. La construction de l’identité
2. L’intégration sociale
V Conclusion
Conclusion
Bibliographie
1. L’expérimentation
L’idée d’expérimenter avec des bébés peut surprendre, voire inquiéter.
Rappelons tout d’abord que les psychologues fondent leur action sur un
Code de déontologie professionnelle (il existe des codes nationaux et une
charte européenne des psychologues) et le respect de la personne humaine
dans sa dimension psychique. De plus, les bébés ne sont pas
particulièrement disposés à coopérer avec les chercheurs et refusent toute
contrainte : ils peuvent s’endormir ou s’intéresser à autre chose qu’à ce
qu’on leur présente. En ce sens, une expérimentation n’est possible que si le
matériel et la tâche proposés intéressent les bébés, ce qui fonde sa validité
écologique, comme le soulignent Lécuyer, Pêcheux et Stréri (1994).
■ Le conditionnement
Le bébé doit accomplir une certaine action (par exemple un pédalage) pour
obtenir une récompense (la mise en mouvement d’un mobile ou l’apparition
d’un petit personnage), ou pour éviter une sensation désagréable (un jet
d’air sur la cornée de l’œil). Cette possibilité de conditionnement chez les
bébés de quelques mois, voire chez les nouveau-nés, atteste les capacités
précoces d’apprentissage et de repérage des relations temporelles et
causales entre deux événements.
2. L’observation
L’observation, directe ou par vidéo, suppose l’utilisation de grilles de
lecture ou d’échelles de notation pour sélectionner les éléments à observer
en fonction des hypothèses de recherche. On ne peut présenter ici les
différents outils d’observation des bébés et de leurs relations avec
l’environnement. On se limitera à trois d’entre eux, largement utilisés en
examen clinique tout autant qu’à des fins de recherche :
3. L’enfant de 1 à 3 ans
Au début de la 2 e année, l’enfant commence à marcher seul, et explore par
lui-même son environnement, va (ou pas) vers les personnes de son choix.
C’est une étape essentielle dans le développement de l’autonomie. Vers
2 ans, il a une marche assurée, il court, monte des escaliers, lance une balle
et commence à s’habiller tout seul. Le contrôle des sphincters (pipi-caca)
apparaît progressivement vers 2 ans ou un peu après, d’abord le jour, puis la
nuit, mais des « oublis » sont encore fréquents pendant plusieurs mois. La
motricité manuelle s’affine : il gribouille sur une feuille, enfile des perles,
tourne les pages d’un livre, construit une tour de quelques cubes.
Vers 3 ans, il court tout droit et saute à pieds joints, il descend les escaliers
un pied après l’autre et se déplace sur un tricycle, il a une bonne
coordination des mains et des doigts, il trace des cercles et dessine une
forme quelconque (pas forcément reconnaissable par l’adulte !) , qu’il
dénomme.
■ La discrimination
Des bébés de quelques semaines discriminent des damiers plus ou moins
complexes, selon leur nombre de carreaux. Il existe un optimum de
complexité, qui augmente avec l’âge et les capacités de traitement de
l’information ; en revanche, les réactions à la nouveauté varient selon les
bébés, et dans une certaine mesure indépendamment de l’âge : certains
manifestent à 2 mois une préférence pour la nouveauté alors que d’autres,
plus âgés, semblent préférer le familier. Les bébés ont les mêmes capacités
perceptives avec les êtres humains : ils font la différence entre plusieurs
personnes, et discriminent la voix de leur mère de celle d’une autre femme.
À quelques semaines de vie, ils peuvent distinguer leur mère d’une autre
femme sur des photographies. Vers 5 ou 6 mois, ils différencient des visages
ou des timbres de voix exprimant diverses émotions.
■ La catégorisation
Les bébés manifestent également des capacités de catégorisation : trouver
ce qu’il y a d’identique entre plusieurs stimuli, malgré leurs différences. À
4 mois, des bébés familiarisés à des images de fruits réagissent à la
nouveauté devant une image d’une autre catégorie. À 7 mois, ils
différencient des images de visages selon le sexe. Bien sûr, cela ne signifie
pas qu’ils catégorisent comme le font des enfants plus âgés, qui maîtrisent
des concepts relativement abstraits.
■ La coordination entre modalités sensorielles
Les capacités précoces de coordination entre modalités sensorielles, et
notamment entre vision et préhension, font que des nouveau-nés peuvent
atteindre un objet passant à proximité de leur main : leurs gestes sont deux
fois plus nombreux lorsque l’objet est effectivement accessible que lorsqu’il
est hors d’atteinte. Ils anticipent une collision avec un objet virtuel en
détournant la tête si celui-ci a une trajectoire menaçante, alors qu’ils ne se
défendent pas si sa trajectoire est décalée par rapport à leur visage.
■ La permanence de l’objet
On a longtemps considéré qu’avant 9 mois, un bébé n’avait pas la notion de
permanence des objets : ceux-ci cesseraient d’exister pour lui dès qu’ils ne
seraient plus visibles. En fait, une certaine conception de l’objet est bien
plus précoce : ayant vu un objet disparaître derrière un écran, des bébés de
8 semaines anticipent du regard sa sortie de l’autre côté de l’écran, en
fonction de sa trajectoire ; mais ils ne semblent pas surpris si l’objet qui sort
n’est pas celui qui est entré, comme si l’important était la trajectoire de
l’objet mobile, davantage que sa forme ou sa couleur. Grâce à de
nombreuses expériences, à la suite de celles de Renée Baillargeon
(University of Illinois) fondées sur le regard des bébés face à des
événements possibles ou impossibles de disparition/réapparition d’objets, il
est désormais établi que, dès 4-5 mois, les bébés ont parfaitement compris
que les objets continuent d’exister lorsqu’ils ne les voient plus.
■ La conscience de soi
Si l’enfant ne se reconnaît dans un miroir que vers la fin de la seconde
année, il est capable dès sa naissance, et même pendant la fin de sa vie
fœtale, de détecter les informations perceptives de son propre corps et de les
distinguer de celles en provenance de son environnement. Il fait très vite par
exemple l’expérience du « toucher double » : l’expérience unique de sa
main touchant son visage et de son visage sentant sa main, et ne se trouve
pas dans un état de confusion entre soi et le monde, comme on l’a
longtemps affirmé. Selon Rochat (2006), et sur la base des travaux
scientifiques conduits depuis les années quatre-vingt-dix, il manifeste très
tôt « un soi écologique » (0-6 semaines) : le sens implicite du corps comme
entité distincte du monde extérieur, situé dans ce monde (en ayant une place
donnée par rapport aux autres objets) et capable d’action sur ce monde.
Dans les étapes ultérieures du développement de la conscience de soi et des
autres, il sourit à autrui et interagit avec son entourage (vers 2 mois), il
développe des attentes sociales par rapport à autrui (2-9 mois), puis une
conscience de soi liée à celle des autres (9-18 mois), puis il se reconnaît
dans un miroir et s’inquiète du regard d’autrui (18 mois et au-delà).
Psychologue américain
Il a enseigné la psychologie à Harvard, Oxford et New York et fut un des pionniers des
sciences cognitives. Ses travaux traitent de la perception, du développement cognitif
de l’enfant, de la culture et de l’éducation.
Il commence par construire une théorie de la perception, qui, selon lui, ne peut pas être
déterminée entièrement par le contenu du message sensoriel, et montre l’influence de
plusieurs variables : les expériences antérieures, les émotions, les besoins sociaux, les
valeurs, etc. Il se consacre ensuite au développement cognitif de l’enfant, puis du
bébé. Pour lui, le développement du bébé est d’abord celui de ses habiletés motrices,
avant la construction des représentations imagées et des représentations symboliques
que permet le langage. Il accorde une grande importance à la catégorisation : selon lui
l’homme construit son interprétation du monde en termes de ressemblances et de
différences. À l’inverse de Piaget, Bruner voit dans le développement du langage la
cause du développement cognitif. Son intérêt pour l’éducation s’est manifesté tout au
long de sa carrière ; il a étudié le développement des savoirs et des savoir-faire de
l’enfant dans les interactions de tutelle et la collaboration avec l’adulte, médiateur de la
culture. Ses travaux se situent dans la continuité de ceux du psychologue et
pédagogue russe Lev Vygostski (1896-1934) et de son approche historique et culturelle
du développement.
Parmi les traductions en français de ses publications, citons le recueil d’articles Le
Développement de l’enfant : savoir faire, savoir dire (1983), Paris, PUF… car la culture
donne forme à l’esprit. De la révolution cognitive à la psychologie culturelle (1991),
Paris, Eshel ; ainsi que trois ouvrages publiés chez Retz : Comment les enfants
apprennent à parler (1987), L’Éducation, entrée dans la culture – les problèmes de
l’école à la lumière de la psychologie culturelle (1997), Pourquoi racontons-nous des
histoires ? (2002).
VI Perception et production
du langage
Bien avant l’apparition des premiers mots vers 12 mois, les bébés
distinguent les sons du langage et ils en produisent eux-mêmes. Les
acquisitions dans ce domaine sont nombreuses et renvoient à des capacités
de traitement de l’information très sophistiquées ( Florin, 2016).
1. La perception du langage
Au cours du premier mois , les bébés distinguent des sons proches comme
ba et pa. Ils marquent une préférence pour la voix de leur mère par rapport
à celle d’une autre femme, ainsi que pour leur langue maternelle par rapport
à une autre langue. Ils sont sensibles à des variations de la prosodie
(musique de la parole : rythme, tempo, accent, intonation). À 5 mois , ils
catégorisent certains sons malgré des variations d’intonation, reconnaissent
une syllabe dans des énoncés différents, repèrent des changements dans des
schémas d’intonation. Vers 6-8 mois , ils peuvent distinguer les sons de
n’importe quelle langue, y compris ceux qu’ils n’entendent pas dans la ou
les langue(s) qu’on leur parle. Par exemple, l’anglais n’a pas le son u qui
existe en français ; le japonais ne distingue pas l et r. Des bébés de quelques
mois distinguent de tels sons, alors qu’après 12 mois, comme les adultes de
même langue, ils n’en sont plus capables. Les bébés finissent par ne retenir
et discriminer que les sons employés dans leur langue de socialisation. On
pense que les connexions neuronales correspondantes disparaissent
lorsqu’elles ne sont plus sollicitées. À 8-10 mois , ils distinguent les
frontières entre groupes de mots (le gros chat/mange la souris) ; les bébés
repèrent une frontière anormalement située. Ils reconnaissent aussi des mots
à l’intérieur de phrases : c’est le début de la compréhension des mots en
contexte. Vers la fin de la première année , ils distinguent les frontières
entre les mots, comprennent environ 30 mots en contexte et reconnaissent
quelques termes familiers hors contexte.
De 12 à 16 mois , la compréhension des mots s’élargit (entre 100 et 150) et
les enfants commencent à comprendre l’idée de phrase. De 16 à 20 mois ,
ils comprennent en moyenne 200 mots et distinguent les catégories de mots
(actions, objets animés ou inanimés, etc.). Vers 2 ans , ils comprennent des
relations entre les mots et leur ordre syntaxique, lorsque le contexte et la
sémantique sont cohérents (on passe à la pharmacie avant d’aller à la
boulangerie).
2. La production du langage
Le premier mois est celui des cris, des pleurs et des sons végétatifs, en
réaction aux sensations de malaise ou de confort. De 1 à 5 mois , le
répertoire sonore se diversifie : rires, vocalisations, premiers arrheu, et
début du contrôle des sons émis. Entre 5 et 7 mois , les bébés commencent à
maîtriser leurs vocalisations, imitent des intonations entendues et babillent
(vers 7 mois), c’est-à-dire émettent des productions sonores répétitives avec
alternance rythmique de consonnes et de voyelles (bababa, dédédé). De 8 à
10 mois , les bébés de différents pays ne babillent pas de la même manière
et sont influencés par les caractéristiques de leur langue maternelle : une
oreille exercée peut distinguer les babillages correspondant à différentes
langues. Des bébés sourds vocalisent, comme les bébés entendants, jusqu’à
5 ou 6 mois mais, ensuite, ils ne babillent pas et leurs vocalisations
diminuent. Si leurs parents parlent la langue des signes, cette exposition
précoce à une autre forme de langage, qui passe par d’autres modalités
sensorielles, leur permet de babiller manuellement vers 8 mois, en
produisant des gestes sans signification, des mouvements rythmiques
d’ouverture et de fermeture avec des configurations particulières de la main.
Vers 10-12 mois , certaines productions sonores apparaissent en relation
stable avec les situations ; par exemple, un enfant dit mamama chaque fois
que son repas se prépare. Vers la fin de la 1 re année, les adultes
reconnaissent des mots dans ces productions, c’est-à-dire des séquences
sonores proches des mots et identifiées comme telles : la charge affective de
productions comme papa ou mama en fait les premiers mots les plus
fréquemment repérés, et dont la production est évidemment très
encouragée…
De 12 à 16-18 mois , persistent des formes de babillage avec des
intonations qui peuvent faire croire que l’enfant produit des phrases. La
production lexicale augmente lentement : on compte environ 5 ou 6 mois
pour qu’il produise ses 50 premiers mots. Des variations dans la taille des
répertoires d’un enfant à l’autre peuvent être considérables, ainsi que les
mots produits. Katherine Nelson a identifié des styles d’acquisition de ce
premier lexique, en relation avec le langage auquel les enfants sont
exposés : certains enfants, qualifiés de référentiels, ont une proportion
élevée de noms, alors que d’autres, qualifiés d’ expressifs, ont un
vocabulaire plus diversifié, avec des pronoms, des formules sociales (va-
t’en, viens ici, veux ça). Les premiers apprennent à parler surtout des choses
et donneraient priorité au lexique, alors que les seconds sont plus intéressés
par des aspects relationnels et donneraient priorité à la syntaxe. Quelques
mois plus tard, les référentiels et les expressifs se rejoignent dans le
vocabulaire qu’ils utilisent. Ce premier vocabulaire est également sensible
aux influences culturelles. Si tous les bébés de différents pays ont parmi
leurs premiers mots ceux qui désignent les adultes proches, les objets
quotidiens pour boire et manger, certains vêtements et les cris d’animaux
familiers, des formules de salutations, ils diffèrent sur d’autres items.
De 18 à 24 mois , les catégories formelles de mots se diversifient, avec une
proportion plus importante de verbes et d’expressions diverses. Le
vocabulaire augmente rapidement (entre 200 et 300 mots), la prononciation
des mots s’améliore et les premières phrases de 2 ou 3 mots apparaissent.
Vers 18-20 mois, les enfants commencent à produire deux mots à la suite,
qui ont un rapport de sens, avec une baisse de l’intonation après chaque mot
et une courte pause entre les deux (auto… garage) ; puis la pause disparaît
et l’intonation baisse seulement après le deuxième. Il arrive aussi que les
enfants fassent précéder leurs premiers mots d’un élément neutre (a, é),
préfiguration des formes article + nom ou démonstratif + nom (é chat, a
poupée). Dans les premières phrases de deux mots, certains, en petit
nombre, apparaissent souvent et à une place définie, soit en premier, soit en
second : on les appelle des mots pivots. Les autres forment une classe
ouverte, n’ont pas de position fixe et peuvent apparaître seuls, ce qui n’est
pas le cas des mots pivots. L’ensemble donne des combinaisons comme :
apu dodo, apu gâteau ou donne ça, veux ça, fais ça. Cette étape correspond
aux débuts du développement syntaxique ; l’enfant utilise encore peu
d’articles dans ce discours télégraphique, mais il commence à employer des
formes d’expression du genre et du nombre. À 2 ans, les enfants ont déjà
une connaissance de la syntaxe de leur langue maternelle ; des études par
imagerie cérébrale ont montré des activations différentes des aires
cérébrales traitant le langage selon qu’on leur fait écouter des phrases
grammaticales (syntaxe correcte) ou agrammaticales (syntaxe incorrecte) :
en entendant le début d’une phrase, ils construisent des attentes sur la
catégorie grammaticale du mot qui vient ensuite et repèrent les cas
d’incohérence entre le type de mot attendu et celui qu’ils entendent. Cette
compétence syntaxique est donc bien plus précoce qu’on pourrait le penser
en se fondant seulement sur ce que disent les jeunes enfants.
I Le développement du langage
Nous avons vu ( premier chapitre) l’importance des premiers mois pour la
perception de la parole, les productions vocales et l’établissement des
premiers dialogues avec l’entourage, et celle de la deuxième année pour la
compréhension du langage et la production des premiers mots, d’abord
isolés puis combinés dans un style télégraphique. Le langage articulé, en
contexte monolingue ou plurilingue, se développe au cours des années
suivantes, dans ses différentes dimensions : lexicale, syntaxique,
pragmatique. Avec l’entrée à l’école élémentaire, vers 6-7 ans, l’enfant
aborde les apprentissages formels de l’écrit, et quelques années seront
nécessaires pour qu’il devienne un lecteur « expert ». La maîtrise du
langage oral et écrit se développe jusqu’à l’âge adulte (pour une
présentation plus détaillée, voir Florin, 2016).
2. La syntaxe
Le développement syntaxique a été particulièrement étudié à travers les
comparaisons interlangues. Certaines langues, comme l’anglais, l’italien, le
serbo-croate, sont des langues de type SVO, dont l’ordre des mots dans la
phrase est en général : Sujet, Verbe, Objet. Mais cet ordre varie selon les
langues et il est donc plus ou moins fiable pour repérer la fonction
grammaticale des mots. On observe des variations dans l’acquisition de la
syntaxe chez des enfants de 2 à 4 ans, selon la langue apprise : la
compréhension de la relation agent-patient (la fille pousse le garçon) évolue
de manière similaire en anglais et en italien, alors qu’elle est plus tardive
pour le serbo-croate. Ainsi, le développement syntaxique est facilité par la
régularité de certaines caractéristiques formelles des langues, qui
fournissent aux enfants des indices fiables pour comprendre les relations
entre formes et fonctions. La capacité de contrôler consciemment l’usage
des règles de grammaire, ou compétence métasyntaxique ( Kail, 2015), se
développe avec les apprentissages formels de l’école élémentaire, à partir
de 6 ou 7 ans.
2. Le dessin
Avant 2 ans, un enfant a plaisir à gribouiller sur une feuille lorsqu’on lui en
donne l’occasion, comme prolongement d’une action motrice et sans
intention figurative repérable. Vers 2 ans, il prend conscience d’une relation
entre son geste et son tracé, exerce un contrôle visuel sur ce dernier et
commence à donner une interprétation figurative à son gribouillage, qui
semble relever d’abord d’un « réalisme fortuit » ( Wallon, 2012) : il
découvre après-coup une ressemblance accidentelle et lui donne un nom.
Mais l’intention de représentation se fait jour. Entre 3 et 9 ans, l’enfant
manifeste son intention de représenter quelque chose de précis, mais le
dessin est encore très schématique (bonhomme-têtard : une tête d’où partent
des bras et des jambes filiformes) ; il représente aussi des points de vue
inconciliables, en dessinant ce qu’il sait et non ce qu’il voit (dessins en
transparence du bébé dans le ventre de la maman, alignement des 4 roues de
la voiture). Vers 8 ou 9 ans, les dessins sont plus réalistes, avec un souci des
détails, des proportions et de la perspective, ce qui correspond au « réalisme
visuel » (Wallon, op. cit. ) . L’adolescence s’accompagne de la diminution
des dessins spontanés, sauf vocation artistique.
3. L’image mentale
Les jeux symboliques et les dessins font appel à une représentation mentale,
une image évoquant un objet ou un événement absents. Les images
mentales ne sont pas observables, elles ne peuvent qu’être inférées à partir
des activités de l’enfant. D’abord statiques (l’image d’une table), elles
deviennent vers 7 ou 8 ans (avec le développement des opérations logico-
mathématiques) des images cinétiques représentant un mouvement et des
images de transformations représentant par exemple l’action de diviser un
gâteau en 4 parts égales.
Jean Piaget (1896-1980)
– Dans une étape intermédiaire (vers 5-6 ans), l’enfant établit une
correspondance terme à terme : il aligne 5 jetons blancs en face des jetons
noirs. Mais si l’expérimentateur éloigne le dernier jeton de sa rangée,
l’enfant renonce à l’équivalence et ajoute un ou plusieurs jetons à la sienne.
Le schème reste irréversible, puisque le changement de correspondance
visuelle fait que l’enfant ne peut plus se représenter l’ordre initial.
– Vers 7-8 ans, l’enfant accepte l’équivalence des deux collections, quelle
que soit la transformation opérée sur la première. Il peut dire « c’est pareil,
tu peux le remettre comme avant, tu n’as rien ajouté ni rien enlevé ». Il a
atteint l’étape des opérations concrètes, avec la réversibilité des actions
intériorisées. La transformation est intellectuellement reliée à la
transformation inverse (c’est la réversibilité : le retour à l’état initial annule
la transformation antérieure) et l’enfant devient capable de considérer ce
qui reste inchangé (invariant) au cours de la transformation : ici, la quantité
discontinue.
IV Difficultés et troubles
d’apprentissage
La plupart des enfants rencontrent des difficultés, au moins ponctuelles,
dans un domaine d’apprentissage ou un autre, et ceci fait partie du
développement normal : difficulté à intégrer des notions ou des savoir-faire
nouveaux qui remettent en question des savoirs ou des procédures
antérieurs ; compétences demandées supérieures à ce que l’enfant peut
traiter cognitivement à un moment donné ; désintérêt pour des
apprentissages scolaires en relation avec des difficultés rencontrées par
ailleurs ; etc.
La notion de troubles renvoie à des difficultés d’acquisition importantes,
durables, voire à une déstructuration des compétences, mais leur prise en
charge permet d’améliorer les fonctions touchées ou de compenser les
déficiences. Les troubles dans un domaine (par exemple en lecture) peuvent
être isolés ou associés à d’autres problèmes généralement repérés à partir du
CP : dans près de 40 % des cas, les enfants présentent plusieurs types de
troubles associés et près de 50 % des troubles du langage oral sont associés
à des troubles ultérieurs du langage écrit. Il n’est pas possible ici
d’examiner l’ensemble de ces difficultés et des pathologies du
développement (voir par exemple Dumas, 2013, ou des dossiers comme
ceux de l’Inserm en 2014, ou de la MAIF et de l’APPEA en 2015 destinés
aux parents et aux enseignants). On se limitera à une présentation d’une
certaine forme de découragement scolaire, la résignation apprise, et à une
définition des troubles des apprentissages.
1. La résignation apprise
La résignation apprise (ou amotivation) a été découverte chez l’animal : si
le fait d’appuyer sur un bouton ne permet pas d’échapper à des chocs
électriques, l’animal arrête d’agir. Les recherches chez l’homme, initiées
par l’Américain Martin Seligman dans les années quatre-vingt, ont montré
la complexité du phénomène. Comme l’indiquent Lieury et Fenouillet
(2013), la résignation arrive lorsque l’organisme (animal ou homme) ne
perçoit plus de relation entre ce qu’il fait et les résultats de son action. Une
demande excessive provoque un découragement qui peut entraîner une
baisse de performances en dessous de ce que les élèves sont capables de
faire, alors qu’avec des ajustements individuels, afin que la demande ne
dépasse que faiblement les capacités de chacun, on observe une
augmentation des performances d’une séance à l’autre ( Ehrlich et Florin,
1989). Sur le plan neurobiologique, il semble que la résignation apprise soit
un stress qui stimule les systèmes antidouleur du cerveau, avec comme effet
la perte d’appétit, la passivité, la perte de motivation.
V Conclusion
Au terme de ce chapitre, il faut souligner l’importance du développement
intellectuel de l’enfant dans les multiples dimensions du langage et de la
cognition, pour sa compréhension du monde, le développement de sa
personnalité et de ses moyens d’expression. Pour les besoins de l’exposé,
nous n’avons pas abordé dans ce chapitre les relations à autrui, que l’enfant
développe également à travers le langage et sa fonction de communication,
ni la dimension sociale de la cognition : compréhension des émotions, des
désirs et des pensées d’autrui. Ce sera l’objet du prochain chapitre.
C HAPITRE 3
L’enfant et les relations
à autrui
II Le développement de l’attachement
1. La construction de liens spécifiques
Au début, le bébé réagit aux caractéristiques les plus importantes des
personnes qui l’entourent, quelles qu’elles soient. Vers 3 mois, il manifeste
des réponses différentes selon les personnes et, de ce fait, il entraîne chez
elles des comportements différents. Ces réactions révèlent l’établissement
de liens affectifs spécifiques avec les personnes qui ont le plus d’échanges
avec lui, souvent la mère dans notre culture : c’est le début de
l’attachement, dimension fondamentale de la petite enfance, dont les
manifestations sont nettement visibles vers 6 mois et s’accentuent jusqu’à
14 ou 18 mois. La qualité de ce lien contribue fortement au développement
des compétences sociales et cognitives ultérieures de l’enfant, et
conditionne son sentiment de sécurité pour explorer l’environnement. Il se
manifeste physiquement, par la recherche et le maintien de la proximité, et
l’utilisation d’un congénère comme base de sécurité.
6. L’évaluation de l’attachement
De nombreuses études actuelles sur l’attachement n’utilisent pas la
« situation étrange » d’Ainsworth, mais lui ont préféré des questionnaires
ou des techniques narratives.
Le Q-Sort d’attachement parental (adaptation française de Pierrehumbert,
1995a et b) est un questionnaire d’évaluation de la qualité de l’attachement
mère-enfant, qui a été adapté ensuite pour évaluer l’attachement père-
enfant. Les concepteurs de cet outil considèrent les parents comme des
observateurs privilégiés des comportements d’attachement de leur enfant, et
leur demandent de remplir eux-mêmes ce questionnaire. Il est aussi utilisé
par des professionnels de la petite enfance. On attribue une note de
vraisemblance aux 79 items de ce questionnaire, présentés sur des cartes, au
cours de deux passations à une semaine d’intervalle, pour permettre aux
adultes interrogés d’observer l’enfant. Il s’agit finalement de répartir les
cartes (items) en 9 piles allant du plus vrai au plus faux, en respectant un
certain nombre d’items par pile. On peut ensuite calculer la corrélation
entre la liste des scores attribués (de 9 pour « très vrai » à 1 pour les items
les moins « vrais ») et le prototype d’un enfant sécurisé défini par un
groupe d’experts.
Les histoires à compléter. Des techniques narratives de type projectif sont
également utilisées, en demandant aux enfants de compléter des petites
histoires ( Miljkovitch, Pierrehumbert, Karmaniola et Halfon, 2003) ; le
codage des réponses permet de calculer des indices de sécurité et de
désorganisation de l’attachement.
2. Au-delà de la famille
Très tôt, les enfants tissent des liens, dont certains peuvent durer longtemps,
avec des personnes extérieures au cercle familial. Plus ils grandissent, plus
ils développent un réseau relationnel indépendant de celui des parents : avec
les parents de leurs camarades, sans que les parents respectifs entretiennent
des relations entre eux ; avec d’autres adultes en fonction de leurs activités,
notamment à l’adolescence (animateurs, enseignants, commerçants, etc.).
Dans l’enfance, les relations avec les pairs sont privilégiées. À 2 ou 3 ans,
l’enfant construit des relations d’alternance et de réciprocité avec eux et
tient compte du point de vue d’autrui. La fréquence et la diversité des
interactions augmentent avec l’âge, et le réseau d’amitiés s’agrandit, celui
des garçons étant souvent plus large que celui des filles, qui privilégient les
relations deux à deux. Les jeux des garçons et des filles sont différents, en
partie en lien avec l’environnement physique créé par les parents dès la
naissance et des attitudes éducatives différenciées. L’écart augmente avec
l’âge, comme les jugements stéréotypés sur l’autre sexe et cela contribue à
renforcer le sentiment d’identité personnelle et la ségrégation sexuée, les
enfants et les jeunes modulant plus ou moins leurs comportements en
fonction de leur adéquation et de leur adhésion à des cultures différenciées (
Rouyer, 2010). À l’âge préscolaire, les filles préfèrent les jouets typés de
leur sexe (poupée, dînette) et rarement un jouet typé de garçon (voiture,
garage), alors que les garçons jouent avec les deux, peut-être parce que la
conscience de leur identité sexuée est un peu plus tardive.
Si l’on naît fille ou garçon (à de rares anomalies génétiques près), on le
devient psychologiquement par un lent processus de différenciation. Le
Maner-Idrissi (1997) distingue trois identités : sexuelle, de genre et sexuée.
La première résulte de la conviction d’être garçon ou fille, de l’adoption des
comportements culturels propres aux garçons et aux filles et du choix du
partenaire sexuel, masculin ou féminin. La seconde fait référence aux
composantes sociales et psychologiques perçues comme appropriées aux
personnes de sexe masculin ou féminin. La troisième articule les
dimensions biologique (il existe deux sexes) et psychologique
(l’appartenance à un sexe implique l’adhésion à ses caractéristiques définies
culturellement). On voit qu’il existe des chevauchements entre ces trois
aspects : se construire comme fille ou garçon comporte de nombreuses
interactions entre les dimensions biologiques (caractéristiques
physiologiques), sociales (représentations collectives et pratiques
éducatives selon les sexes) et personnelles (représentation de soi et
comportements). Vers 2 ou 3 ans, les enfants connaissent leur identité de
genre et peuvent se mettre en colère si on les identifie à un sexe différent du
leur (dire à un garçon qu’il est une fille, ou l’inverse). Il faut attendre 6 ou
7 ans pour que l’enfant ait la certitude du caractère définitif de
l’appartenance à l’un ou à l’autre sexe : à 3 ou 4 ans, certains pensent qu’ils
deviendront une maman alors qu’ils se savent garçons, et inversement pour
les filles ; à 5 ou 6 ans, ils pensent qu’un personnage nettement identifié
comme fille ou garçon peut changer de genre si son apparence change
(coiffure, habillement) ou s’il le souhaite. L’adolescence constituera une
nouvelle étape importante, en relation avec l’accès à la sexualité génitale et
l’évolution de la construction de l’identité en général ( chapitre 4).
3. L’univers numérique
Les enfants et les adolescents, pour la majorité d’entre eux, passent
plusieurs heures par jour devant des écrans, sur Internet et les réseaux
sociaux et sont devenus des digital natives : ordinateurs, smartphones,
tablettes, consoles de jeux, télévision font partie de leur environnement
quotidien. Certains philosophes, comme Michel Serres ( Petite Poucette,
Paris, éditions Le Pommier, 2012), considèrent que la révolution numérique
est la 3 e révolution majeure, plus importante que celles de l’écriture et de
l’imprimerie. En 2013, l’Académie des sciences a publié un avis sur
« L’enfant et les écrans », suivi d’une campagne d’affiches initiée par l’un
des rédacteurs et intitulée « Apprivoiser les écrans et grandir. 3-6-9-12 » (
www.sergetisseron.com/3-6-9-12) dont les conseils sont résumés par la
formule : « pas de TV avant 3 ans, pas de console de jeux personnelle avant
6 ans, Internet après 9 ans, les réseaux sociaux après 12 ans »). Mais l’usage
des écrans commence très tôt comme le montrent plusieurs études : selon
l’une d’entre elles, conduite en Angleterre avec la participation d’Annette
Karmiloff-Smith, spécialiste du développement du langage, auprès de
715 enfants de 6 mois à 3 ans ( Cheung, Bedford, de Urabain, Karmiloff-
Smith & Smith, 2017), à un âge où le sommeil est essentiel au
développement cognitif, 75 % des enfants utilisent un écran tactile
25 minutes par jour en moyenne ; la durée d’exposition varie avec l’âge de
8 minutes quotidiennes pour la moitié des moins de 11 mois à 45 minutes
pour la quasi-totalité des 26-36 mois. Pour chaque heure passée devant un
écran dans la journée, c’est une durée d’endormissement allongée, jusqu’à
26 minutes de sommeil nocturne en moins et 11 minutes de sommeil diurne.
Et plus le temps quotidien d’écran augmente, plus on observe de retard dans
le langage expressif des enfants, comme le montre un suivi d’enfants de
l’âge de 6 mois à 2 ans.
On commence en effet à disposer d’études sur l’impact de ces
comportements sur le développement. Plus les enfants restent assis devant
les écrans, moins ils bougent et plus l’obésité se développe, et plus ils
regardent les écrans, moins ils jouent à autre chose… L’exposition des
enfants et des adolescents aux écrans peut également devenir une addiction,
dans certains cas de forte consommation, et relever alors d’une prise en
charge spécifique ( Romo et al., 2012). Cependant, les jeux vidéo peuvent
avoir des effets bénéfiques en permettant aux enfants de mieux se
représenter des idées abstraites comme celles du temps ou de la position
spatiale. Ils peuvent stimuler l’attention et la concentration, aider à
surmonter l’échec et renforcer ainsi l’estime de soi. Il existe aussi de
nombreux serious games, jeux vidéo destinés aux apprentissages, incitant à
résoudre des problèmes ludiques dans un environnement virtuel, par essais-
erreurs ou imitation d’un modèle. En revanche, l’exposition régulière à la
violence à la télévision ou dans les jeux vidéo engendre chez les enfants et
les adolescents plus d’agressivité, d’anxiété et de troubles du
comportement, une moindre capacité à maîtriser leurs émotions, tout en
diminuant l’empathie et la compassion pour autrui. Les enfants souffrant de
troubles émotionnels et comportementaux sont des téléspectateurs plus
assidus, qui préfèrent les personnages agressifs et confondent plus souvent
réalité et fiction.
Lieury et al. (2014) ont analysé la fréquence des loisirs chez
27 000 collégiens français et leurs liens avec les performances scolaires et
cognitives. Les activités réalisées « tous les jours ou presque » sont
principalement numériques : écoute de musique, téléphone (ou SMS),
Internet, télévision. Les garçons préfèrent les activités d’action, sports, jeux
vidéo et films d’action, tandis que les filles préfèrent la téléréalité, les films
et séries romantiques. La fréquence des loisirs numériques, notamment les
jeux vidéo, n’a pas de lien avec les tests cognitifs/scolaires (compréhension,
maths, mémoire des connaissances, raisonnement). Mais la lecture est
associée à des meilleures performances scolaires (+ 20 %), tandis que
regarder des émissions de téléréalité est associé à de moins bonnes
performances (– 15 %).
L’effet des écrans sur le développement psychologique des enfants est loin
d’être simple à étudier, car de multiples facteurs interviennent : temps
passé, type et durée des activités, discussion ou absence de discussion avec
la famille, place des écrans dans l’ensemble des loisirs familiaux et des
activités partagées entre enfants et adultes, etc. Beaucoup de familles vivent
avec tablettes et smartphones à portée de mains à la maison, sur la table du
salon, dans la cuisine ou ailleurs (en moyenne 6,4 écrans par foyer en
France, selon une enquête de Médiamétrie en 2016). Plusieurs études
indiquent que les parents reconnaissent interrompre plusieurs fois par jour
leurs échanges avec leur enfant pour porter attention à leur smartphone (
McDaniel & Radesky, 2017). Ces interruptions des échanges avec une
autre personne ont désormais un nom : les technoférences. Quel est l’impact
de ces technoférences sur le développement des enfants ? Sont-elles la
cause de problèmes de comportement des enfants que des études
commencent à rapporter, ou sont-elles la traduction de difficultés dans la
relation parents-enfants ? Quand le regard de l’adulte se porte davantage sur
l’écran du smartphone ou reflète régulièrement une attention flottante allant
de l’enfant à l’écran, quelle interprétation peut faire un jeune enfant de
l’intérêt qui lui est porté ?
Les loisirs numériques, lorsqu’ils ne se confondent pas avec isolement, ou
avec harcèlement via les réseaux sociaux, peuvent favoriser les échanges
entre enfants et leurs relations sociales. Trop souvent, les adultes s’en
méfient ou laissent faire, pour s’étonner ensuite des problèmes que leur
utilisation intensive peut générer. C’est oublier que les enfants se
construisent, pour une large part, dans les interactions et la communication
avec les autres, à travers des activités partagées et commentées. Laisser
l’enfant devenir de plus en plus autonome lorsqu’il grandit ne signifie pas
l’abandonner à des activités solitaires en dehors de la vie réelle, même s’il a
besoin de se construire un univers personnel, indépendant des aspirations et
des activités de ses parents.
C HAPITRE 4
L’adolescence
I L’adolescence physiologique,
psychologique et sociale
Selon qu’elle est précoce ou tardive (entre 10 et 17 ans), la puberté n’a pas
les mêmes implications du point de vue de l’image de soi ou du statut
social. Mais définitions physiologiques et psychologiques de l’adolescence
ne se recouvrent pas : les transformations physiologiques et les
modifications dans le développement cognitif ou social ne sont pas
forcément simultanées (avoir ses premières règles ne garantit pas l’accès à
la pensée formelle ou un détachement de l’influence familiale !) .
Par ailleurs, le développement de l’adolescent est aussi tributaire de
conceptions psychosociales et culturelles. Il existe des sociétés qui
marquent cette étape par des rites initiatiques importants, souvent à
connotation religieuse (circoncision, épreuves diverses plus ou moins
violentes), ou par la séparation sociale (séparation des sexes ou isolement
de la famille, les adolescents dormant chez un oncle ou une tante) : ils
marquent la sortie de l’enfance et l’entrée dans l’âge adulte. Dans nos
sociétés occidentales, les rites de passage socialement organisés se sont
estompés avec le temps, en relation avec une pratique religieuse moins
fréquente (communion solennelle, bar-mitsva, etc.), l’abandon du service
militaire obligatoire dans plusieurs pays, des conditions économiques
nouvelles depuis le XIX e siècle (école obligatoire, allongement de la
scolarisation et entrée plus tardive dans la vie professionnelle). Mais les
adolescents leur ont souvent substitué d’autres rites, avec des choix
vestimentaires ou musicaux spécifiques, voire des marquages corporels
(tatouages, piercing), la participation à certains réseaux sociaux. On peut
aussi considérer que l’allongement de la scolarité est une forme d’isolement
des adolescents et que la semaine scolaire qu’on leur impose (largement au-
dessus des 35 heures en France, et d’autant plus lourde que la formation est
élitiste) s’est substituée à la violence initiatique… S’ajoute à cela le
fantasme de l’adolescence interminable avec, pour certains, la difficulté de
quitter le domicile familial, faute de pouvoir trouver du travail et se payer
un logement.
L’adolescence est un thème récurrent dans la littérature, mais elle n’a pas
bonne presse dans notre société : souvent associée aux notions de violence
avec des termes différents selon l’époque (blousons noirs, jeunes des
banlieues, etc.), de conflit au sein de la famille ou dans l’institution scolaire,
ou à la pathologie ( crise adolescente, passage à l’acte, conduites déviantes,
anorexie, dépression, etc.). La crise adolescente est une notion remise en
cause par les psychologues qui fondent leurs analyses sur les adolescents
tout-venant, par enquête dans les collèges et les lycées, contrairement aux
thérapeutes qui travaillent sur des études de cas de patients venus consulter,
donc non représentatifs de la population d’ensemble. L’adolescence est une
étape riche en changements et en acquisitions, qui se succèdent ou se
chevauchent, dans tous les domaines : cognitif, social et affectif. Le début
de l’adolescence (entre 11 et 17 ans) correspond à des changements
importants et à de nouvelles expériences physiques, intellectuelles et
sociales. On peut établir un parallèle entre cette période et celle de la fin de
la petite enfance, vers 2 ans : besoin d’indépendance, opposition et
égocentrisme, mais nouvelles habiletés sociales et cognitives ; besoin
d’autonomie, mais recherche des parents comme base de sécurité à partir de
laquelle on explore le monde. Comme les tout-petits, les adolescents qui ont
le plus confiance en eux et réussissent le mieux sont ceux dont les parents
arrivent à maintenir l’équilibre difficile entre une présence sécurisante et le
respect du besoin d’indépendance. La fin de l’adolescence apparaît comme
une étape de consolidation, de nouvel équilibre après les changements de la
première période, d’engagement dans de nouveaux rôles et de nouvelles
relations.
II Le développement cognitif
L’adolescence marque un nouveau degré de raisonnement sans besoin,
comme dans l’étape précédente, de support concret pour s’exercer.
L’adolescent s’attache à la forme de son raisonnement, indépendamment du
contenu sur lequel il s’exerce. Examinons les évolutions dans trois
domaines : les opérations formelles, le langage, le développement moral.
3. La construction de l’identité
L’image corporelle se construit dès la petite enfance ( Zazzo, 1993).
Reconnaître dans la glace le visage d’autrui est très précoce : le bébé sourit
au reflet de sa mère dans le miroir et arrête de sourire lorsqu’il disparaît.
Voir un jour son image dans le miroir, qui réunit tous les aspects du corps
habituellement visibles ou non visibles (le visage), y compris dans la
succession des gestes qu’il accomplit, provoque chez l’enfant une réaction
de surprise au cours de la deuxième année, voire un évitement du regard.
Mais voir son reflet dans le miroir n’est pas se reconnaître : la
reconnaissance de soi, attestée expérimentalement lorsque l’enfant, se
voyant, efface la tache rouge qu’on lui a faite en cachette sur le nez, au lieu
de toucher son reflet, n’est effective que vers 2 ans, quelques mois avant
l’identification verbale (c’est moi !) et avant que l’enfant ne se retourne
vers la personne ou l’objet dont il voit le reflet dans le miroir. Les réactions
de contournement du miroir (aller voir ce qu’il y a derrière) perdurent
quelques mois ou quelques années, illusion d’un espace réel avant la prise
de conscience de l’espace virtuel.
Les évolutions somatiques conduisent l’adolescent à modifier l’image qu’il
a de son corps et de ses caractéristiques sexuelles. La crainte d’avoir un
corps peu harmonieux est fréquente, avec des fixations sur certaines parties,
en raison des décalages dans le développement physique (les bras et les
jambes poussent plus vite que le tronc et la tête, d’où une allure
dégingandée), ou pour des défauts imaginaires (mes oreilles ou mes genoux
sont moches, je les cache !) . L’image corporelle est aussi celle que nous
renvoie autrui ; elle se construit en fonction des modèles véhiculés par la
société. Les photos retouchées des magazines ou les images vidéo
contribuent à forger des critères, quelquefois aberrants, de beauté, de taille,
de minceur, qui peuvent provoquer des ravages chez les adolescents en
pleine construction de leur identité et fascinés par des modèles idéalisés de
la masculinité ou de la féminité. Des filles plongent dans l’anorexie, à la
recherche d’une minceur inaccessible, même si cette pathologie ne se limite
pas au refus de s’alimenter et implique aussi une déformation délirante de
l’image du corps et une difficulté à assumer une identité sexuelle.
René Zazzo (1910-1995)
Psychologue français
Après des études de philosophie à la Sorbonne, puis aux États-Unis sous la direction
d’Arnold Gesell, il collabore avec Henri Wallon, et lui succède en 1950 comme
directeur du Laboratoire de psychologie de l’enfant. Il soutient sa thèse en 1958 sur
« Les jumeaux, le couple et la personne » sous la direction de Jean Piaget. À la fois
chercheur, clinicien et professeur d’université en psychologie de l’enfant (à Paris
Ouest-Nanterre de 1967 à 1985), il reste le spécialiste mondial de l’étude des jumeaux
et a également réalisé de nombreux travaux sur l’examen psychologique de l’enfant.
Précurseur de la psychologie scolaire, il aimait à souligner que « la tâche prioritaire du
psychologue à l’école, ce ne sont pas les enfants-problèmes, ce sont les problèmes
des enfants, problèmes normaux et quotidiens » (1983, p. 130). Souvent novateur, par
ses observations dans les années quarante de l’imitation néonatale, par sa lecture de
travaux alors peu considérés en France (la théorie de l’attachement de Bowlby,
notamment), il défendit avec vigueur une conception de la psychologie de l’enfant pris
dans sa globalité.
Il est l’auteur de nombreux articles, films et ouvrages, outre sa thèse, parmi lesquels :
Conduites et Conscience (1962 et 1968), Le Paradoxe des jumeaux (1984), Reflets de
miroir et autres doubles (1993). Il a écrit plusieurs ouvrages en collaboration, dont :
Manuel pour l’examen psychologique de l’enfant (1958), Nouvelle échelle métrique de
l’intelligence (1966), Des garçons de 6 à 12 ans (1969).
Dans Une mémoire pour deux (2000), Bianka Zazzo, son épouse psychologue et
auteur elle-même de plusieurs ouvrages sur la psychologie de l’enfant et de
l’adolescent, a retracé leur parcours commun.
IV L’intégration sociale
des adolescents
L’intégration sociale des adolescents se fait à travers la scolarisation, les
groupes de camarades et l’entrée sur le marché du travail.
2. L’intégration sociale
Avant d’être majeur (à 18 ans en France), l’adolescent dépend de son
représentant légal pour de nombreuses décisions. Mariage, adoption,
interruption volontaire de grossesse, prélèvement d’organe nécessitent
l’accord des parents et du mineur : cependant les premiers ne peuvent
imposer leur décision. Le changement de nationalité, l’adhésion à un
syndicat peuvent être demandés par le mineur, avec un consentement de son
représentant légal. Mais pour une demande de contraception, la
reconnaissance d’un enfant naturel ou certaines actions en justice, le mineur
peut agir seul. Il a également une responsabilité pénale à partir de 13 ans, et
les parents peuvent, en cas d’infraction, être dégagés de leur responsabilité
éducative, sous certaines conditions.
Dans de nombreux pays aujourd’hui, comme autrefois dans notre société,
les enfants sont au travail, dans les mines, les champs, les fermes ou les
ateliers. Dans les pays industrialisés, les lois sur le travail des enfants ont
modifié considérablement la situation. Toutefois, les adolescents sont
nombreux à travailler, au moins à temps partiel, par nécessité économique
(aider sa famille, payer ses études), ou seulement pour financer des loisirs
ou s’acheter certains produits. Il s’agit souvent de travaux peu qualifiés,
répétitifs et mal rémunérés, qui ne développent pas de compétences
particulières pour un futur emploi, hormis dans des domaines spécialisés
(technologies de pointe, santé, éducation, etc.). Certaines études montrent
qu’avoir exercé un emploi à temps partiel pendant ses études facilite l’accès
ultérieur à un emploi à temps complet. Mais l’insertion professionnelle est
largement dépendante du niveau de diplôme : plus il est élevé, plus il
remplit un rôle protecteur vis-à-vis du chômage.
V Conclusion
Tout comme l’enfant de 2 ans manifeste ses nouvelles compétences
sociales, cognitives et motrices et son besoin d’indépendance vis-à-vis de la
personne qui s’occupe de lui, l’adolescent doit assumer des changements
physiques importants, se détacher de l’influence de sa famille et construire
son identité d’adulte. Une telle évolution peut s’accompagner de
manifestations d’égocentrisme et de conflits avec l’entourage, sans pour
autant déboucher sur une crise. L’instauration d’un nouvel équilibre est une
construction complexe dans laquelle interviennent le tempérament du jeune,
ses modèles d’interaction construits dans l’enfance, tout autant que les
expériences vécues pendant l’adolescence. Accompagner l’adolescent dans
cette transition est une tâche difficile, voire stressante, pour les parents :
manifester un attachement sécurisant tout en acceptant la séparation,
continuer à fixer des limites et des règles de conduites tout en respectant les
choix indépendants, passer de l’autorité à la coopération, dans le respect
mutuel.
Conclusion
Sensoriel Social et
Âge Cognitif Langage/Expression Langage/Réception
et moteur affectif
9- Montre un Réactions Construit une tour Premier mot (10-11 Comprend 30 mots
12 mois objet du différenciées Anticipe les mois) en contexte
doigt aux personnes évènements Essaie de nommer Comprend des mots
Premiers pas proches / les objets désignés hors contexte
inconnues Suit la ligne du
Coordonne regard par l’adulte Détecte les
plusieurs S’ajuste à des frontières de mots
actions demandes
Sensoriel Social et
Âge Cognitif Langage/Expression Langage/Réception
et moteur affectif
13- Marche seul Répète les Construit une tour Discours Comprend les mots
24 mois Descend à actions qui de 5 cubes télégraphique familiers
reculons font rire Expérimentation 18 mois : 20 mots ; Comprend 100-
(18 mois) Comprend les active 24 mois : 200 mots 150 ; = mots à
Préférence expressions Identifie des 16 mois, 200 mots à
pour une faciales parties du corps 20 mois
main d’autrui
3-4 ans Marche sur Identifie 7 Concepts Extension du 800 mots à 3 ans,
une ligne parties du d’espace, de vocabulaire 1 500 à 4 ans
Tape du pied corps Attend temps, de quantité Phrases courtes (3 ou Suit de longues
dans un son tour Ecrit en gros 4 mots) conversations
ballon Aime aider les quelques lettres Produit pour rire des Comprend des
Court adultes Principe du incongruités (chat à promesses
facilement Critique les comptage 2 têtes,…) Rit des
Pédale sur autres déformations de
un tricycle mots
5-6 ans Court tout en Sait se Début de la 2 500 mots Comprend 2 500 à
jouant contrôler conservation Phrases de 5-6 mots 3 000 mots
Fait du Choisit ses Collections non Comprend les
figurales Répond au téléphone
skateboard amis sarcasmes avec
ou du roller Dessine un Lecture contexte
Négocie avec logographique
Lace ses l’adulte bonhomme contradictoire
chaussures Ecrit son prénom adjacent
Début de la
Fait de la théorie de Identifie une rime
bicyclette l’esprit (syllabe)
(2 roues)
A
accommodation 1
actes de langage 1
activité sexuelle 1
adaptation 1, 2
addiction 1
agressivité 1
alcool 1
amour 1
anorexie 1
approche écologique 1
argumentation 1
assimilation 1
attachement 1, 2
attention 1
autisme 1
autonomie 1
autorité 1
B
babillage 1
bien-être 1
C
carences affectives 1
catégorisation 1
classification 1
communications 1
compétences 1
comportements délinquants 1
concept de soi 1
conditionnement 1
connaissances
déclaratives 1
procédurales 1
conscience de soi 1
conservation 1
continuité transnatale 1
contrôle parental 1
coordination 1
crise adolescente 1
cultures 1
D
délinquance 1
dépression 1
dessin 1
difficultés scolaires 1, 2
discrimination 1, 2
drogues 1
dyscalculie 1
dyslexie 1
dysorthographie 1
dysphasie 1
dyspraxie 1
E
écran 1, 2
émotions 1
équilibration 1
estime de soi 1
étayage 1
expressifs 1
F
fille 1
fonction sémiotique 1
G
garçon 1
genre 1
groupe INRC 1
H
habituation 1
handicap 1
hospitalisme 1
I
identité
ethnique 1
sexuelle 1
image
corporelle 1
mentale 1
imagerie cérébrale 1
imitation 1
différée 1
inhibition 1
intégration sociale 1
intelligence 1
sensorimotrice 1
interactions sociales 1
J
jeu symbolique 1
jugement moral 1
L
langage écrit 1
lexique 1
logique des propositions 1
loisirs 1
M
maltraitance 1
mémoire 1, 2
à long terme 1
de travail 1
épisodique 1
sémantique 1
métacognition 1
milieux 1
N
neuropsychologie 1
niche développementale 1
nombre 1, 2
N
opérations concrètes 1
P
pensée hypothético-déductive 1
pensées 1
perception 1
du langage 1
permanence de l’objet 1
physique des objets 1
PIRLS 1
PISA 1
précarité 1
procédure
alphabétique 1
logographique 1
orthographique 1
production du langage 1
prototype 1, 2
psychologie positive 1
Q
Q-Sort 1
qualité de vie à l’école 1
R
raisonnement moral 1
rapport à l’écrit 1
réaction à la nouveauté 1
reconnaissance de soi 1
référentiels 1
réflexes 1
régulation des émotions 1
relations
à autrui 1
entre pairs 1
réseaux sociaux 1
résignation apprise 1
réversibilité 1
rites 1
S
savoir 1
savoir-faire 1
schémas 1, 2
schème 1, 2
scripts 1
sériation 1, 2
serious games 1
sexualité 1
SMS 1
sous-stades 1
stades de développement 1
stratégies
cognitives 1
de compensation 1
styles éducatifs 1
succion non nutritive 1
suicide 1
syntaxe 1, 2
T
technoférences 1
technologies numériques 1
temps de fixation relatif 1
théorie de l’esprit 1
traitement de l’information 1
troubles
d’apprentissage 1
de l’attention 1
V
violence en milieu scolaire 1
vocalisations 1
Z
Zaouche Gaudron, C. 1, 2, 3
Zazzo, R. 1, 2, 3, 4, 5
Index des auteurs
A
Ainsworth, M. 1
Amadieu, F. 1
Aris, C. 1
B
Baillargeon, R. 1, 2
Bandura, A. 1
Baron-Cohen, S. 1
Barrouillet, P. 1
Bedford, R. 1
Bergonnier-Dupuy, G. 1
Bernard, P. Y. 1
Bernicot, J. 1, 2
Bert-Erboul, A. 1, 2
Billard, C. 1
Bowlby, J. 1
Bradley, R. H. 1
Brazelton, T. G. 1
Bronfenbrenner, U. 1
Bruner, J. S. 1
Brunet, O. 1
Buelga, S. 1
C
Caldwell, B. M. 1
Cameron Ponitz, C. E. 1
Camos, V. 1, 2
Cheung, C. H. M. 1
Claes, M. 1, 2
Corbin, L. 1
D
de Urabain, I. R. S. 1
Dumas, J. E. 1
Durand, K. 1
E
Ecalle, J. 1, 2
Ehrlich, S. 1
F
Favart, M. 1
Fayol, M. 1
Fenouillet, F. 1
Florin, A. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Frith, U. 1
G
Gauthier, R. F. 1
Gesell, A. 1
Gillet, P. 1
Golder, C. 1
Gopnik, A. 1
Gueguen, C. 1
Guimard, P. 1
H
Halfon, O. 1
Hommet, C. 1
Houdé, O. 1, 2, 3, 4
Hubert, B. 1
I
Inhelder, B. 1
Izard, C. E. 1
K
Kail, M. 1
Karmaniola, A. 1
Karmiloff-Smith, A. 1
Kohlberg, L. 1, 2
L
Lécuyer, R. 1, 2
Lehalle, H. 1
Le Maner-Idrissi, G. 1
Leslie, A. M. 1
Lézine, I. 1
Lieury, A. 1, 2, 3, 4
Liu, D. 1
M
Magnan, A. 1, 2
Mainterot, S. 1
Malatesta, C. Z. 1
McClelland, M. M. 1
McDaniel, B. T. 1
Miljkovitch, R. 1
Moissenet, A. 1
Musitu, G. 1
O
Onishi, K. H. 1
P
Pêcheux, M. G. 1
Pelphrey, K. A. 1
Perlman, S. B. 1
Perner, J. 1, 2
Piaget, J. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Pierrehumbert, B. 1, 2
R
Radesky, J. S. 1
Rochat, P. 1
Romo, L. 1
Rouyer, V. 1
S
Scott, R. M. 1
Seligman, M. 1
Setoh, P. 1
Shankland, R. 1
Smith, T. J. 1
Spelke, E. 1
Spitz, R. 1
Stréri, A. 1
T
Thommen, E. 1, 2
Tracy, A. 1
Tremblay, C. 1
Tricot, A. 1
V
Vilette, B. 1
Volckaert-Légrier, O. 1
W
Wallon, H. 1, 2, 3, 4
Wellman, H. M. 1
Wimmer, H. 1, 2
Z
Zaouche Gaudron, C. 1, 2, 3
Zazzo, R. 1, 2, 3, 4, 5