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SOMMAIRE
LUMIERE SUR LE CHEMIN
- NUMERO 2 -

PRESENTATION...... 09-11
1
Le Révérend John Thayer: un converti au service de la
grâce divine.

Textes et Photographies
Didier NOËL
2 LES BIOGRAPHIES......12-27
Association française
Saint Benoît Labre d’Amettes
12 bis rue de l’église Une base de données biographiques de référence sur
62260 Amettes (France) l’histoire de l’Amérique et de l’Église Catholique.
Tél : 03 21 02 34 15
ass.benoit.labre@neuf.fr

Association canadienne
Les Amis de Saint Benoît Labre
http://www.amis-benoit-labre.net/ 3 INTRODUCTION...... 28-37
Auteur et webmestre : Par le Frère Samuel de la Fraternité Labrienne
Droits d’auteur Le rayonnement spirituel de saint Benoît-Joseph Labre.

LA CONVERSION DU PASTEUR
4 JOHN THAYER...... 38-109

Un miracle de saint Benoît-Joseph Labre: Monsieur


John Thayer devint le premier converti des Etats-Unis
Raymond Martel, prêtre d’Amérique.
(Amos, Québec, Canada)
© Tous droits réservés.

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3
Frères de St Benoît Labre
Prieuré Stella Maris 5 RETOUR A BOSTON....110-185
8, Chemin du Val du Puits
27120 CHAIGNES
Retour en Amérique, au service de Mgr Caroll.
Tél : 02 32 36 34 46
Site Internet LES MISSIONS...
http://www.fraterstbenoitlabre.com/ 6 LE KENTUCKY....186-209
Soeurs de St Benoît Labre Le combat contre l’esclavage.
Prieuré du Magnificat
1 / 3, rue Etoupée
LIMERICK.....210-243
27200 VERNON 7
Tél : 02.32.54.31.63
Courriel L’irlande: les dernières années du Père John Thayer.
fraternite.labre@libertysurf.fr
LE COUVENT DU MONT
8 BENOIT À BOSTON ....244-285

Les dernières volontés du Père John Thayer.


L’édification du couvent des Ursulines.

RENCONTRE AVEC LE
9 PÈRE DAVID THAYER....286-341

Le Père David Thayer est responsable de formation


au département théologique de l’Université Catholique
Américaine de Washington, district de Columbia. Il est
titulaire d’un doctorat de philosophie de l’Université
d’Etat de Pennsylvanie. Le Père Thayer est aussi membre
de l’administration générale de la société saint-sulpicienne
et éditeur du bulletin de Saint-Sulpice. Il a tenu des
discours et publié à l’Ecole Française de Spiritualité.

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LE RÉVÉREND JOHN THAYER

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“A Rome en 1783, après une longue prière, monsieur John Thayer s’écrie : Oui, mon
Dieu! Je me ferai catholique. Le même jour, il déclare sa résolution à ses hôtes, qui
furent au comble de la joie, se rend le soir au café, où se réunissaient ses amis, la plupart
protestants, pour leur faire la même déclaration, et voulant réparer le scandale de ses
plaisanteries sur la sainteté de Benoît-Joseph Labre, auquel il se reconnaissait redevable
en grande partie de son changement, il parle de ses miracles comme d’une vérité de fait de
premier ordre”.
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1 P R E S E N TAT I O N

Chers Amis...

JOHN THAYER: UN CONVERTI AU SERVICE DE LA GRÂCE DIVINE

C
hers Amis de saint Benoît Labre, la vie
“Agissez comme si tout ne dépendait est souvent faite d’étapes importantes
où nous devons poser des choix qui
que de vous, priez comme si tout ne détermineront irrémédiablement le
cours de notre histoire. Mais comment
dépendait que de Dieu.” faire le bon choix ? Certaines personnes
éprouvent un besoin impérieux de cheminer à leur
( Saint Ignace de Loyola) guise, plus livrées à elles-mêmes, libres, par soif de
connaissance, de curiosité, ou tout simplement, parfois
pour satisfaire le besoin de répondre inconsciemment à
une sorte d’appel intérieur irrésistible. Avec ce numéro II
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donnant sa vie et sa fortune pour
instruire, élever et consoler les plus
pauvres et les plus ignorants. Il
s’écarta de ce qui ressemble à une
existence rangée au sein d’une famille
de la Nouvelle-Angleterre afin d’y
gagner une victoire qui représentait
pour lui le début d’une vie nouvelle
comme si la Providence n’en avait pas
décidé autrement. Une histoire, où,
curieusement, se greffent de nombreux
mystères, qui suscitent encore certains
silences et des légendes illustrant le
parcours de cet homme dont le destin
et l’existence furent brusquement
interrompus et bouleversés par cette
Le Seigneur est mon berger : Il me mène vers rencontre inattendue, cette grâce reçue
de Dieu, au moment même où, en
les eaux tranquilles, je ne manque de rien et me 1783, des événements extraordinaires
fait revivre ; sur des prés d’herbe fraîche, il me signalent les nombreux miracles et
guérisons survenus à la suite du décès
conduit par le juste chemin, il me fait reposer. ” du mendiant Benoît-Joseph Labre à
Rome.
Psaume 22 Ce sont aussi les péripéties d’une
lutte courageuse, d’une prière sincère
et d’une victoire sur les passions
humaines, acquises par la volonté et la
foi, qui le hissèrent à un niveau élevé
de pensée, de sentiment et d’action et
le firent aboutir à une vie de sainteté.
Après de longues conversations avec
le Père Raymond Martel qui fut le
précurseur de cette recherche avant
moi, nous avions à coeur, depuis
longtemps déjà, de faire la lumière sur
cet événement. Cet ouvrage a pour
seule ambition, chers Amis de saint
Benoît Labre, de vous inviter à une
interrogation portant sur la diversité
des contextes relatifs au charisme
« Labrien » d’hier et d’aujourd’hui.
L’histoire de John Thayer en est
un exemple lumineux. Dans les
biographies anciennes, et jusqu’à celle
plus moderne écrite dernièrement,
de « Lumière sur le chemin », nous découvrirons consacrées au Saint Vagabond,
le courageux choix de vie de John Thayer, pasteur on ne manque pas de signaler les
protestant de Boston adhérant aux principes puritains nombreuses guérisons et les miracles
et issu d’une famille dont les origines remontent aux survenus lors de son décès. Jusqu’à
premiers colons du « Mayflower ». tout récemment, nous nous étonnions
de ne pas y trouver une allusion à
Il fut pour son temps le premier pasteur protestant sa conversion qui est pourtant bien
converti au catholicisme et ordonné prêtre le samedi documentée, particulièrement par le
2 juin 1787 au séminaire de Saint-Sulpice, la veille de récit détaillé relatant cet événement
la fête de la Sainte Trinité. que le PèreThayer écrivit à Paris en 1787
La grâce fera de lui un prêtre catholique passionné, au séminaire de Saint-Sulpice.
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1 P R E S E N TAT I O N

“ L’Église ne doit pas avoir peur de semer la pagaille ou


de déranger : certains à Jérusalem auraient préféré que les
disciples, bloqués par la peur, restent enfermés chez eux
pour ne pas semer le trouble. Aujourd’hui aussi, beaucoup
veulent cela des chrétiens.”
(Le Pape François)
Les raisons de ce silence sont multiples; sa plus tard dans ses mémoires Mgr Caroll:
vie véhicule encore les craintes des vieilles « Nombre d’entre eux m’ont confié en
effigies et controverses entre protestants et personne qu’ils auraient préféré changer de
catholiques, ce qui est malheureusement la rue plutôt que de rencontrer ce catholique
cause de cette omission. romain. La sainte horreur à l’égard des
Dieu ne choisit pas toujours des êtres dociles papistes était incroyable ; et les fausses
et timides pour accomplir sa volonté, et déclarations scandaleuses faites par leurs
parfois, ce choix nous dépasse; on ne devient pasteurs puritains à l’encontre des catholiques
pas prêtre parce qu’on le veut, mais parce accrurent chaque dimanche cette horreur. »
que Dieu l’a voulu. Et sa volonté avait doté
le Père John Thayer d’un caractère militant C’est à cet endroit et dans cet état de choses
et forgé par lui aux combats difficiles. que le Père John a officié sous les auspices
Le peuple, lui, l’acceptait bien, et cela durant mystérieux de la divine providence et de la
les 14 années où il servit en tant que prêtre protection de saint Benoît-Joseph Labre. Il
catholique aux États-Unis d’Amérique. fut un ecclésiastique hors du commun et
Dans le Kentucky, il s’opposa a l’esclavage, certainement le plus controversé, celui dont
s’attirant la haine des propriétaires terriens. la popularité fut telle que ses disciples étaient
Il est vrai que les convictions audacieuses plus connus sous le nom de “Thayerites”.
et impétueuses du Père Thayer froissèrent
bien des esprits dans les rangs des pasteurs Il continua ce travail pendant sa retraite à
protestants puritains qui le traitaient de Limerick en Irlande à partir de 1811. Il y
« John Renégat ». Période conflictuelle conçut le projet de bâtir un couvent à Boston,
découlant d’une situation appelée et mais ne trouvant que peu de coopération
qualifiée plus tard de “paranoïa puritaine”: et pas de volontaires, il commença à
à cette époque dans le Kentucky même former ses propres postulants. Ils furent
les pasteurs possèdent des esclaves, et au commencement du célèbre couvent des
notamment certains prêtres catholiques. Ursulines de Charlestown (Boston), érigé
Les propos du Père John Thayer ne en 1819 après la mort du Père Thayer. Le
pouvaient que semer le trouble... Prêtre à la couvent fut incendié lors d’une émeute
fois réformateur, politique et idéaliste, il se patriotique en 1834. Cependant relater les
dressera en plein XVIIIe siècle contre l’aile événements de sa vie de prêtre aux États-
radicale des colons du Sud en pleine période Unis d’Amérique lié au charisme de saint
esclavagiste, s’exposant à eux ouvertement et Benoît-Joseph Labre fut pour moi un très
sans retenue, dans un discours s’incarnant grand moment et j’ai cru bon de vous faire
dans les réalités quotidiennes de l’époque, connaître cette conversion spectaculaire.
celle du “Maître et de l’Esclave”.
Cela changea après la guerre d’indépendance Sa vie s’inscrit dans le contexte difficile
quand les colonies se détachèrent de et houleux de l’histoire des États-Unis
l’Angleterre. Mais cependant longtemps d’Amérique. Sa mission et son sacerdoce
après, les puritains de ce pays firent en sorte n’étaient pas destinés à son bien-être. Touché
de garder le contrôle sur le déploiement par la grâce, il se fit catholique et prêtre
du catholicisme dans le tout nouvel état consacré pour les autres; sa vocation, une
des États-Unis d’Amérique. C’est dans cette volonté labrienne du don total à l’amour de
paroisse du Kentucky, qui avait la réputation Dieu…
d’être une paroisse à problèmes, qu’il fut
l’objet de fausses accusations, comme le dira Didier NOËL

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L E P È R E J O H N T H AY E R
PREMIER PRÊTRE
LABRIEN

“John Thayer est né à Boston, au


sein de la secte puritaine. À la fin
de ses études, il fut fait pasteur de
sa Congrégation, et il en exerça les
fonctions pendant deux ans.
Au bout de ce temps, il se sentit
une forte inclination à voyager
pour apprendre les langues les
plus répandues et pour étudier les
mœurs des nations les plus célèbres.

Son but était, en acquérant ces


connaissances, de se rendre plus
utile à son pays. Mais Dieu se
servit de ses vues humaines pour le
conduire à une autre fin.”

(Abbé Desnoyers)

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BIOGRAPHIES
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2 BIOGRAPHIES

RELATION DE LA CONVERSION
DE M. THAYER, MINISTRE PROTESTANT,
ECRITE PAR LUI-MÊME.

L
e Père Thayer est entré au “An account of the Conversion of the
séminaire de Saint-Sulpice de Reverend Mr. John Thayer” fut publié en
Paris, le lundi 18 octobre 1784. Il anglais dès 1787 à Londres, puis en français,
y écrivit le récit de sa conversion en italien, en portugais et en espagnol.
et le publia à Londres, l’année Cependant la version anglaise connut
où il fut ordonné prêtre le plusieurs éditions; elle fut réimprimée en
samedi 2 juin 1787, la veille de la fête de la 1788 à Baltimore (USA). On retrouve même
Sainte Trinité. Son livre a obtenu un succès une édition française pour le Canada autour
instantané à l’échelle internationale et a été de 1790.
traduit en six langues.

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Parfois on gagne, parfois on perd. N’attendez pas que l’on vous rende quelque
chose, n’attendez pas que l’on comprenne votre amour. Vous devez clore des
cycles, non par fierté, par orgueil ou par incapacité, mais simplement parce que
ce qui précède n’a plus sa place dans votre vie. Cessez d’être ce que vous étiez
et devenez ce que vous êtes.” Paulo Coelho.

LE PÈRE JOHN THAYER: MISSIONNAIRE ET PRÊTRE.

L
e Père John curieuse histoire que celle de
Thayer:quel cet homme, hors du commun
curieux destin devenu prêtre sous l’action de
que le sien, la la Providence. La rencontre
grâce divine avec saint Benoît-Joseph
le fit avancer Labre et la découverte du
dans les difficultés sans catholicisme le conduisirent
qu’il puisse en arrêter les à sa conversion, ses missions,
implications tant religieuses ses choix et ses controverses.
que politiques. Aux États-
Unis, il demeure encore Fidèle et docile à l’action
aujourd’hui à la fois objet de de la grâce reçue, le Père
vénération et de mépris... en John Thayer meurt en exil à
France, on préfère ne pas en Limerick en terre d’Irlande,
parler et passer sous silence lieu où il sera adulé et vénéré
l’origine de sa foi catholique. comme un saint...
Il demeure pour toujours
à l’image de Jésus-Christ: Le récit de sa conversion,
sujet de désordre, objet de voilà ce qui survivra toujours
dérision et de haine. Bien de lui à l’emprise du temps...

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2 BIOGRAPHIES

RECUEIL DE CONVERSIONS REMARQUABLES

D
LES PRÊTRES DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS À BALTIMORE

ans ce livre, Recueil de quatre Sulpiciens, trois au moins étaient


conversions remarquables en état d’enseigner la théologie: François-
nouvellement opérées dans Charles Nagot qui était avant la Révolution
quelques protestants, nous Supérieur des Robertins à Paris (au Petit
trouvons aussi la relation Séminaire de Saint-Sulpice, il fut le maître de
de la conversion de John formation de John Thayer); le Père Jean Tessier,
Thayer ainsi qu’une lettre très importante en né à la Chapelle-Blanche dans le diocèse
date du 28 septembre 1790 où le Supérieur d’Angers le 20 juin 1758, qui avait été
du séminaire de Saint-Sulpice rapporte ce professeur à Viviers dès 1783 ; et le Père
que le Père John Thayer a fait de plus Antoine Garnier, originaire de Villiers
remarquable depuis au diocèse de La
son départ de Rome Rochelle, où il naquit
pour Paris, jusqu’à le 28 avril 1762,
son embarquement qui avait occupé la
pour Boston, et chaire de théologie
depuis son arrivée au séminaire de
en Amérique. Saint-Irénée. C’est
L’auteur de cet le 10 juillet 1791
ouvrage est le Père que la colonie des
jésuite François- Sulpiciens débarqua
Charles Nagot, sur le rivage de
Supérieur et créateur Baltimore. Le
du séminaire Père Nagot acheta
catholique Saint aux enchères une
Mary de Baltimore. ancienne taverne
Au total, quatre inoccupée et quatre
membres de la acres de terrain hors
société de Saint-Sulpice de Paris, partis de de la ville où ils s’installèrent aussitôt.
Saint-Malo le 8 avril 1791, étaient arrivés C’est là que le séminaire fut établi dès
à Baltimore en juillet 1791. Ils étaient la fin de 1791. Cette taverne fut acquise
accompagnés de trois Anglais aspirants sous le nom de l’évêque Mgr Carroll.
au sacerdoce : MM. Floyd, John Cardwel La tombe de François-Charles Nagot vient
et Francis Tulloh. Ce dernier avait servi d’être redécouverte à l’occasion de récentes
dans l’artillerie ; il était peintre, musicien restaurations dans la chapelle Saint Mary.
et mathématicien ; il avait voulu suivre en Elle est située 600 N. Paca Street, à Baltimore
Amérique le Père François-Charles Nagot City Maryland, USA. ( Photo de la pierre
qui l’avait converti au catholicisme. Des tombale de Franciscus Carolus Nagot)
16
Va, lui dit Dieu, va dans cette capitale de l’univers; c’est là que j’ai bâti mon Eglise ;
et c’est là que tu formeras une compagnie dont je serai spécialement le chef. Ne mesure
point l’entreprise par tes forces : plus tu es faible, mieux elle réussira. Toutes les
puissances s’y opposeront, celles de l’enfer et celles de la terre, la sagesse des politiques,
la passion des intéressés, le zèle des uns, la malice des autres; on te rejettera comme un
misérable, on t’accusera comme un novateur, on te condamnera comme un ambitieux;
mais je te serai fidèle : Ego tibi Romae propitius ero.. ”
( Œuvres complètes de Bourdaloue Tome treizième. Édition de 1821) .

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2 BIOGRAPHIES

18
Né le 19 avril 1734 à Tours, François-Charles Nagot, a étudié
au Collège des Jésuites. Il vint à Paris comme boursier à « la
petite communauté » de Saint-Sulpice. Prêtre, le 31 mai 1760,
et admis parmi les Sulpiciens, il enseigna à Nantes la théologie
de 1760 à 1768. A Paris, il dirigea « la petite communauté »,
puis, à partir de 1780, il réforma avec succès le petit séminaire
de Saint-Sulpice. C’est pendant cette période que John Thayer
fit ses trois années d’études et accéda à la prêtrise en 1787. Le
Père Charles Nagot fut nommé en 1789, directeur du grand
séminaire de Saint-Sulpice, il négocia l’année suivante à
Londres l’envoi de Sulpiciens aux États-Unis. Aussi fut-il
chargé en 1791 de fonder à Baltimore le premier séminaire du
pays ; il en fut le Supérieur jusqu’en 1810, malgré ses désirs de
retraite et sa mauvaise santé ; il fonda aussi en 1806 un petit
séminaire. Jusqu’à sa mort (9 avril 1816 à Emmitsburg), il
exerça une grande influence sur le clergé des États-Unis, tant
par ses prédications que par la diffusion des auteurs catholiques
du 18e siècle.

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2 BIOGRAPHIES

Faites-moi bien comprendre, ô mon Dieu’, combien est


précieuse la grâce de ma vocation au christianisme, afin
que j’y réponde pleinement par reconnaissance et par
amour”.
(Père John Thayer)

Edité par Giovani Battista Recurti, Roma, Venezia, en 1720.

20
Jésus, marchant le long de la mer de Galilée, vit deux frères: Simon appelé Pierre,
et André son frère.... et il leur dit : suivez-moi... de là s’avançant il vit deux autres
frères : Jacques et Jean fils de Zébédée... et il les appela. En même temps ils quittèrent
tout et le suivirent...”
(Marc. 1.46,17,19, 20.)

LE CHEMIN DU CONVERTI

I
l me tomba entre les mains un a qu’une seule foi, une seule religion, un seul moyen
ouvrage qui a pour titre: Manifesto de salut, et que toutes les voies opposées à celle-ci ne
di un cavaliere cristiano convertito alla peuvent conduire qu’à l’enfer. C’est donc cette foi
religione cattolica. Ce livre qu’il serait que je recherche avec empressement, ô mon Dieu,
bon de traduire en plusieurs langues pour l’embrasser et me sauver! Je proteste devant
et de répandre partout. Dans ce récit votre divine Majesté, et je jure par tous vos divins
l’auteur rend compte historiquement de sa attributs, que je suivrai la religion que vous m’aurez
conversion et discute brièvement tous les fait connaître pour véritable, et que j’abandonnerai,
points controversés entre les catholiques et quoi qu’il m’en coûte, celle où je reconnaîtrai des
les protestants. Il place au commencement erreurs. Je ne mérite pas, il est vrai, cette grâce, ô mon
une prière qui lui fut communiquée par un Dieu! à cause de la grandeur de mes péchés, dont j’ai
catholique, pour implorer les lumières de un profond repentir, puisqu’ils vous offensent, vous
l’Esprit-Saint, une prière qui le bouleversa si bon, si grand, si saint, si digne d’être aimé, honoré
jusqu’au fond de l’âme. et servi! Mais ce que je ne mérite pas, je l’obtiendrai
de votre bonté suprême, et je vous conjure de me
La voici, traduite de l’italien: l’accorder par les mérites du sang précieux qui a été
répandu pour nous, pauvres pécheurs, par votre Fils
unique Jésus-Christ! — Ainsi soit-il.”
“Dieu de bonté, tout-puissant et éternel, père des
miséricordes, je vous supplie humblement d’éclairer
mon esprit, de toucher mon cœur et de me donner la JOHN THAYER
foi, l’espérance et la charité, pour que je puisse vivre (Extrait de son livre “Relation de la
et mourir dans la religion de Jésus-Christ! De même conversion d’un ministre protestant à la
qu’il n’y a qu’un seul Dieu, je suis certain qu’il n’y religion catholique”)

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2 BIOGRAPHIES

Voilà pourquoi on devient héritier par la foi : c’est une grâce, et la promesse demeure
ferme pour tous les descendants d’Abraham, non pour ceux qui se rattachent à la
Loi seulement, mais pour ceux qui se rattachent aussi à la foi d’Abraham, lui qui
est notre père à tous.” Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains - Ch.4-16

Auteur: Monseigneur Peter Keenan Guilday (March 25, 1884 - July 31, 1947)
Docteur ès sciences morales et historiques (Louvain)
Professor of Church History, The Catholic University of America
22
En 1783, le nombre des catholiques était assez considérable pour motiver
l’érection d’un évêché. Le clergé catholique des États-Unis en fit donc la
demande au Pape, et le congrès qu’on avait eu soin de prévenir, approuva
et appuya cette démarche. Le Pape Pie VI nomma un certain nombre de
cardinaux de la congrégation de la Propagande pour examiner cette affaire, et le
douze juillet 1789, il fut rendu un décret approuvé par le Pape, et portant que
tous les prêtres qui exerçaient le ministère dans les États-Unis se réuniraient
pour déterminer dans quelle ville serait placé le siège épiscopal ; et lequel d’entre
eux paraissait le plus propre à être élevé à l’épiscopat : privilège qu’on leur
accordait par faveur et pour cette fois seulement. Ils s’assemblèrent et convinrent
unanimement que l’évêché devait être à Baltimore. Quant au choix de l’évêque
sur vingt-six votants, vingt-quatre désignèrent le Père Caroll. Le Saint-Siège
accéda aux voeux des missionnaires et érigea, le six novembre 1789, un siège
épiscopal à Baltimore pour tout le territoire des États-Unis, John Caroll fut
sacré évêque en Angleterre, le quinze août 1790. En mémoire de cet événement,
le nouvel évêque établit la fête de l’Assomption comme fête patronale de son
vaste diocèse.”

HISTOIRE DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE AMÉRICAINE

John Carroll, premier évêque de l’Église la difficile période de reconstruction qui suivit
Catholique des États-Unis, est né au Maryland la guerre révolutionnaire. En 1789, ses amis
le 25 janvier 1735. À l’âge de 13 ans, après avoir prêtres l’élurent comme premier évêque de
terminé ses études élémentaires à l’Académie Baltimore, le plus ancien siège épiscopal de la
du manoir de Bohême, on l’envoya à l’étranger nation. Pendant 25 ans, il fut le berger en chef
chez son cousin, Charles Carroll de Carrollton, du troupeau catholique des États-Unis. En
au collège jésuite anglais de Saint-Omer (Pas- 1808, l’évêché de Baltimore fut élevé au rang
de-Calais, France). Il entra dans la province d’archevêché et on nomma quatre suffragants à
anglaise de la Société de Jésus en 1753 et on Boston, New York, Philadelphie et Bardstown.
l’ordonna prêtre en 1769. L’année qui suivit À l’occasion de leur consécration, il assista au
la suppression de la Société, il retourna au couronnement de ses 25 ans au sein de l’Église.
Maryland. En 1776, il accompagna Benjamin Il mourut dix mois après le Père John Thayer
Franklin, Samuel Chase et Charles Carroll de à Baltimore, le 3 décembre 1815. Monseigneur
Carrollton dans leur mission infructueuse au John Carroll fut l’évêque, l’ami et le défenseur
Canada. Désigné comme préfet apostolique de fidèle du Père John Thayer durant les 14 années
l’Eglise des 13 états originels en 1784, il guida le où il servit en tant que prêtre catholique aux
corps catholique, ecclésiastique et laïc à travers États-Unis d’Amérique.

23
2 BIOGRAPHIES

Il m’indiquait les endroits des meilleurs théologiens et controversistes, où elles étaient


traitées avec étendue, et me procurait leurs ouvrages. Je les étudiais attentivement. Cette
étude me donna lieu d’examiner à fond chacun des articles contestés entre les protestants
et les catholiques, et de peser les raisons que ceux-ci apportent pour prouver leurs
sentiments.” - Père John Thayer -

L’HISTOIRE DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE AMÉRICAINE AU XVIII SIÈCLE

Theodore Maynard (1890-1956):


glissais à l’âge de dix-neuf de la théologie
A Historian of American Catholicism calviniste dans laquelle j’avais été élevé dans
un scepticisme humanitaire vague. Quand
je lus le livre sur l’orthodoxie de Chesterton,
j’eus une révélation qui, par la grâce de
Theodore Maynard a eu une longue carrière Dieu, trois ans plus tard, me porta à me
en tant que poète, critique littéraire et convertir à la foi catholique.” Il y découvra
historien en Angleterre, où il a grandi, et que la foi pouvait être oeuvre de raison et
aux États-Unis, où il a vécu à partir de 1920. de révélation. Ces principes furent à la base
Bien qu’il se considérait avant tout comme de sa conversion en apprenant à penser
un poète, sa vie durant, Maynard fut mieux le catholicisme comme une religion de la
connu en tant qu’ historien du catholicisme raison et de la tolérance. Selon lui, une force
romain, en particulier du catholicisme aux pour la démocratie et l’égalité, en particulier
États-Unis. Maynard était à l’origine de dans sa désapprobation de la concentration
vingt-sept livres de l’histoire catholique et de la richesse, le catholicisme comme force
biographies en tout, ainsi que neuf recueils unificatrice de la culture européenne.
de ses propres poèmes et de nombreuses
autres œuvres littéraires. Il a été largement Habité par les lectures des livres de
lu par les catholiques et non-catholiques Chesterton, Maynard dans son livre,
des États-Unis et de la Grande-Bretagne “Histoire du Catholicisme en Amérique” où
dans les années 1930 et 1940. il cita le Père John Thayer à de nombreuses
Il est né en Inde, de parents qui étaient des reprises, corrigera l’idée fausse très répandue
missionnaires pour les Frères de “Plymouth que les racines de la civilisation américaine
Brethren”, une branche du protestantisme ... se trouvent dans le puritanisme et
évangélique. Ils l’ont envoyé à l’école en que l’américanisme est essentiellement
Angleterre et selon le désir de ses parents, il protestant et que seul le protestantisme est
dut les suivre dans le champ missionnaire. vraiment américain. Maynard a également
Cependant, Maynard a rompu avec les démontré que loin d’être une institution
Frères et est devenu “Baptiste”, une autre étrangère en Amérique, l’Eglise catholique
branche protestante. Après avoir quitté est, en fait, le défenseur naturel des
l’école, il a trouvé un emploi à Londres, où il a institutions américaines. Bien que l’Église
lu l’orthodoxie de Gilbert Keith Chesterton et le gouvernement des États-Unis soient
(1908). Il a affirmé que ce livre avait été séparés et distincts, ils partagent un idéal
décisif en lui révélant le catholicisme: “ Je commun, celui de l’égalité humaine.

24
Ni la raison, ni la foi ne mourront jamais, car les hommes mourraient s’ils étaient
privés de l’une d’elles. Le mystique le plus sauvage utilise sa raison à certains
moments, ne serait-ce que pour raisonner contre la raison. Le sceptique le plus
incisif a des dogmes de son cru, bien qu’il soit un sceptique très mordant, il a
souvent oublié ce qu’ils étaient. La foi et la raison sont en ce sens co-éternels.”
Gilbert Keith Chesterton

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26
27
3 INTRODUCTION

LE RAYONNEMENT SPIRITUEL DE SAINT BENOÎT-JOSEPH LABRE

INTRODUCTION
PAR LE FRERE SAMUEL MINISTRE

D
DE LA FRATERNITE DES FRERES ET SOEURS DE SAINT BENOÎT LABRE

Dieu, c’est la beauté, Dieu, idier Noël m’a demandé récemment de


préfacer son ouvrage consacré à la vie et à
beauté même, a parlé. l’œuvre de John Thayer. J’en ai été heureux
Dans le buisson de flamme tout d’abord, car Didier est un ami de
près de quinze ans, et aussi un frère, et
à son peuple assemblé, comment refuser la demande d’un frère,
Aux lèvres de Moïse, aux d’un ami ? Cet ouvrage représente des jours et des jours
de recherches patientes et obstinées, qui témoignent
lèvres des prophètes,.” d’une véritable passion. Accepter de répondre à une
requête et découvrir peu à peu l’ampleur de la tâche sont
Poésies d’Humilis, deux réalités quelque peu différentes ! En effet, parler
Germain nouveau. de John Thayer, c’est évoquer St Benoît-Joseph Labre,
et le rayonnement spirituel de cette figure de sainteté
28
Le prêtre luit, vêtu de
blanc, comme les marbres,
Dédoublement sans fin
du Christ mystérieux,
Berger, comme Abraham
qui campe sous les arbres;
Toute la vérité vieille au
fond de ses yeux.”
Poésies d’Humilis,
Germain nouveau.

très paradoxale. Comment quelqu’un qui de 168, comme l’indique le Chanoine


a passé une grande partie de son existence Gaquère dans la biographie du Saint
à « errer » sur les chemins d’Europe, en (1954). Et c’est à plusieurs de ces
vivant comme un pouilleux, en acceptant « miracles » que va s’intéresser John
d’être un miséreux, a-t-il pu être canonisé Thayer, un pasteur protestant de Boston,
par l’Eglise et avoir une telle postérité venu à Rome pour mieux s’instruire des
spirituelle? Et pourtant, à la mort de éléments de la doctrine catholique. Des
Benoît-Joseph à Rome le 16 avril 1783, le entretiens qu’il a effectués lui-même
jour du Mercredi Saint, les enfants de la auprès des personnes guéries et qu’il relate
Ville Eternelle se répandent dans les rues dans le récit de sa conversion (1786), le
en criant : « E morto il Santo, e morto il conduisent à abjurer sa foi protestante, en
Santo », en le canonisant 98 ans avant se convertissant au catholicisme, et à être
l’Eglise (‘Je te bénis, Père, Seigneur du ciel ordonné prêtre le 2 juin 1787, à Paris, après
et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et des études de théologie au Séminaire St
aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout- Sulpice.
petits’’ , Mt 11, 25). Cette « canonisation
populaire » des enfants a été accompagnée C’est John Thayer qui va propager le premier
de centaines de miracles, à telle enseigne, la dévotion à St Benoît-Joseph en Angleterre,
qu’en 1787, le premier volume des actes de aux Etats-Unis d’Amérique, et enfin en Irlande,
la Canonisation fait mention du nombre comme le démontre si bien Didier Noël.
29
3 INTRODUCTION

Le rayonnement spirituel de Benoît- dans le Jardin de Gethsémani : ‘mon âme


Joseph Labre se laisse découvrir peu à est triste à la mort’, le choix de la mesure
peu, à l’image de celui qui souhaitait à cinq temps, qui entretient une pulsation
passer inaperçu de ses contemporains. instable contribuant au caractère étrange
Nous pouvons citer parmi ceux et celles de cette composition, révèle la vénération
que sa figure a inspirés, Madame Louise que j’éprouve pour la figure tourmentée et
de France (1737-1787), la plus jeune des cependant rayonnante, du Bienheureux
filles de Louis XV et religieuse au Carmel Benoît Labre, auquel je l’ai dédiée.
de Saint Denis sous le nom de Mère Arrachement entre le besoin d’aimer avec les
Thérèse de St Augustin, qui avait une dons et la nature que Dieu nous a donnés,
grande vénération pour Benoît-Joseph et la certitude d’avoir à accomplir une œuvre
qui écrivait à l’abbé Bertin dans une lettre nécessaire, et l’angoisse de la mort, peut-
en 1783 : « Benoît Labre avait beaucoup être plus désirable que la vie » ; le peintre
d’esprit. C’est en avoir un bien grand que de Maurice Denis (1870-1943), fondateur
trouver le moyen de se sanctifier ». Parmi de l’Ecole des Nabis, écrit en 1933 dans
les artistes, écrivains, poètes, musiciens ou «Charmes et leçons de l’Italie » : « J’entends
peintres, citons : Honoré de Balzac (1799- dire que ce pauvre (Benoît Labre) avait posé
1850), qui cite saint Labre sept fois dans chez des peintres et que ceux-ci au moment
son roman « Les chouans », par exemple : du procès de béatification offrirent au
« Grâce à saint Labre à qui j’ai promis un Saint Père les dessins qu’ils avaient fait de
beau cierge, le gars a été sauvé… », Paul lui… Je voudrais qu’il fût désigné comme
Verlaine (1844-1896), dont la conversion patron des modèles d’artistes, car ils n’en
est due pour une grande part à St Benoît- ont point, et qu’on pût voir ces desseins.
Joseph, lui dédiera un poème pour le Plût au ciel qu’ils fussent aussi émouvants
jour de sa canonisation, le 8 décembre que la belle figure peinte par Cavalucci, ce
1881, qui se termine par ces vers : « Et visage pacifié, aux joues creuses, au teint
pour ainsi montrer au monde qu’il a tort livide, à qui je dois de mieux comprendre
-Et que les pieds crus d’or et d’argent sont et mieux aimer la sainteté de Benoît
d’argile, - Comme l’Eglise est bonne et Labre.» Si l’on s’intéresse au rayonnement
que Jésus est fort ! » , Germain Nouveau spirituel de Benoit-Joseph Labre, dans
(1851-1920) écrira un cycle de poèmes, les communautés, au sens très large du
La doctrine de l’amour, qui est une de ses terme, on peut citer successivement, sans
œuvres majeures, sous le pseudonyme de prétendre à être exhaustif : les « fratelli
Humilis, et son poème Humilité est un dell’a strada » fondés par Jean-Antoine
vibrant hommage à la figure de Benoît- Antoniani (1768-1850) à Rome en 1842,
Joseph, et il commence ainsi : « C’est ce dernier avait connu Benoît-Joseph
Dieu qui conduisait à Rome, - Mettant un à l’hospice St Martin des Monts et avait
bourdon dans sa main, - Ce saint qui ne bénéficié d’une guérison miraculeuse en
fut qu’un pauvre homme, - Hirondelle de mai 1783. Il écrit dans une lettre du 23
grand chemin, - Qui laissa tout, son coin avril 1845 à ses frères de communauté :
de terre, - Sa cellule solitaire, - Et la soupe « Ainsi, bien-aimés frères, de même que
du monastère, - Et son banc qui chauffe Notre Seigneur nous commande de n’être
au soleil, - Sourd à son siècle, à ses oracles qu’ “un, comme Lui-même n’est qu’Un avec
- Accueilli des seuls tabernacles, - Mais Son Père” (Jn, XVII,21), œuvrons à réunir
vêtu du don des miracles - Et coiffé du les peuples et les personnes. »
nimbe vermeil… » ; le compositeur belge Cheminons dans la joie et la gratitude avec
Guillaume Lekeu (1870-1894) dédiera lui les méprisés que condamnent ceux qui se
aussi une de ses œuvres au grand saint. croient justes, mais à qui le Seigneur Jésus
Dans une lettre à Gaston Vallin en 1889, il donne Sa préférence ; tous ceux qui, comme
lui écrira : « Pour mon adagio pour quatuor nous, ne sont peut-être que des larrons, mais
à cordes, inspiré par la Parole du Christ que le Fils de l’Homme élève à Son Côté. »
30
Photographie Frère Samuel. 31
3 INTRODUCTION

Enivre-toi du long plaisir de


voyager ;
Que ta faim soit paisible et
que ta soif soit pure,
Bois à tout cœur ouvert,
mange à toute âme mûre !.”

Poésies d’Humilis,
Germain nouveau.

En 1858, un rameau de cette première la protection du dernier des saints


fondation se développera pendant français canonisés : Saint Benoît-Joseph
quelques années en France, à partir de Labre, et cette Association prend le nom
l’acte de foi posé par un ancien soldat, frère d’Association (ou Société) de Saint-
Louis de Jésus (Jean-Louis Porcher), Benoît-Joseph Labre. Le but poursuivi
de St Germain-en-Laye: « La pauvreté par le Fr. Exupérien est de conduire ces
évangélique dont le bienheureux Benoît jeunes gens à une authenticité de vie
Joseph fut le témoin, est davantage chrétienne, à travers, entre autres, 16
celle du renoncement aux certitudes résolutions, appelées : « Résolutions de
égoïstes et aux jugements téméraires, Saint-Denis », servant de ‘Règle de vie’.
que celle de la vermine qu’il conserva Il faut signaler l’existence de différentes
comme silice. » (Frère Louis de Jésus). sections, qui répondent à des nécessités
Ces “frères de la Rue” étaient appelés différentes : section des MARIÉS, des
vulgairement “frères surinards”, à cause SOLDATS, des SEMINARISTES, puis
du couteau qu’ils portaient à la ceinture. société des AMIS DE SAINT LABRE,
La fondation italienne s’éteignit en 1860 union des PRETRES des SAINT LABRE.
et cette seconde fondation française ne Parmi les ‘Saint- Labre’, dix-sept d’entre
survécut que quelques années. eux fondent le 13 septembre 1887 le SECI
En juin 1882, le Frère Exupérien (1829- « Syndicat des Employés du Commerce
1905), assistant du Supérieur Général et de l’Industrie », premier syndicat
des Frères des Ecoles chrétiennes, assisté chrétien, et le 1er novembre1919, sept
de l’abbé Henri Chaumont, aumônier autres ‘Saint -Labre’ sont à l’origine de
de la Maison mère des Frères, crée une la CFTC, Confédération Française des
Association pour des jeunes gens des Travailleurs Chrétiens, dont Gaston
patronages parisiens, qu’il place sous Tessier son premier secrétaire général et

32
Jules Zirnheld son premier président. travers une de nos sœurs et un de nos
Toujours parmi ces ‘Saint Labre’, deux frères, un lien se crée au début des années
prêtres nous ont connus, l’abbé Georges 1990, entre notre jeune communauté et
Guérin (1891-1972), fondateur de la les « Amis de St Labre », et un des prêtres
branche française de la JOC (Jeunesse de St Labre, le P. Claude Bataille ; les
Ouvrière Chrétienne), le 1er octobre Amis de St Labre et leur aumônier font
1927 et Mgr Fernand Maillet (1896- l’honneur de reconnaître les « frères et
1963), qui a dirigé la Manécanterie des sœurs de St Benoît Labre » comme leurs
Petits Chanteurs à la Croix de bois de successeurs. C’est ainsi qu’ensemble nous
1924 à 1963 ; n’oublions pas non plus fêterons en 1998 le 250ème anniversaire
l’abbé Charles Fichaux (1869-1944), de la naissance de St Benoît-Joseph
Directeur de St Labre de 1910 à 1944, à Amettes. Début des années 2000,
et Mgr Robert Frossart (1909-1988), des liens d’amitié se tissent avec le P.
Evêque auxiliaire de Paris et acteur Raymond Martel, prêtre canadien, et
important dans la Mission Ouvrière. A créateur du site Internet : « Les Amis
partir de 1952, l’Association change de de Saint Benoît Labre ». Des liens sont
nom et prend celui d’ « Equipes de Vie établis également dans le même temps
Spirituelle Saint Labre ». avec les « Schwestern und Brüder vom
La nuit de Noël 1981, fr. Benoît-Joseph heiligen Benedikt Labre », communauté
WEYTENS (1945-2009) reçoit «l’appel» fondée à Munich par Walter Lorenz en
de fonder en Eglise un Institut dont la 1985, qui accueille dans une communion
mission est d’accueillir et de proposer une de vie des personnes de la rue, ayant des
espérance à des personnes, ne trouvant problèmes psychologiques, et dont une
pas de place dans « la salle d’hôtes » à des activités consiste à remettre en état
la suite de St Benoît-Joseph Labre. A des objets destinés à la décharge, et à les

33
revendre, à la façon des compagnons Michel Delannoy, le directeur des prêtres
d’Emmaüs. Au fil des neuvaines à Amettes de St Labre : le P. Claude Bataille, un
fin août, se tisse aussi une relation d’amitié membre du comité directeur de la CFTC:
discrète, ponctuelle et très profonde avec Dominique Langlet, un hospitalier de
Didier Noël, et avec les recteurs successifs Lourdes : Paolo Roda (St Benoît-Joseph est
d’Amettes, le P. Jules Colson, le P. Pierre un des patrons de l’Hospitalité de Lourdes),
Homery, le P. Michel Delannoy, le P. Fabien deux représentants d’une communauté
Langlet, sans oublier le P. Pierre-Marie religieuse de Calabre (Italie), la « piccola
Leroy, actuel curé de St Pol sur Ternoise. famiglia dell’Esodo », six représentants
La relation commencée en 1998 avec de la «Guild of St Benedict Joseph Labre »
Mgr Jean-Paul Jaeger, Evêque d’Arras, des USA, et les frères et sœurs de St Benoît
va s’approfondir les 6, 7 et 8 décembre Labre de France. Nous allons découvrir
2006, lors du 1er colloque international ensemble nos points communs à travers la
des communautés labriennes, qu’il figure de St Benoît-Joseph et les différents
préside à l’abbaye du Bec Hellouin pour aspects de son charisme, nos frères et
le 125ème anniversaire de la canonisation sœurs d’Italie vivant préférentiellement la
de Benoît-Joseph Labre. Cette rencontre dimension contemplative, ceux des USA
internationale réunit le Père Abbé du l’apostolat auprès des personnes souffrant
Bec : Dom Paul-Emmanuel Clenet, le de maladies psychiques. Le premier fruit
chancelier du diocèse d’Evreux : le P. Jean- de ce colloque sera la création d’une
Pierre Decraene, le recteur d’Amettes : le P. Charte de Charité (carta caritatis), écrite à

34
3 INTRODUCTION

PRIEURÉ STELLA MARIS FRÈRES DE SAINT BENOÎT


LABRE 27120 CHAIGNES
.
A la suite des familles labriennes qui les ont précédés depuis un siècle et demi, les
frères de St Benoît Labre et les soeurs de St Benoît Labre, en France comme dans
de nombreux pays du monde, continuent à suivre le Christ Jésus aux côtés des
marginaux et parmi les exclus.
L’institut, fondé en 1842 et relevé, en France, dans la nuit de Noël 1981 est appelé
à l’exemple de St Benoît Joseph Labre, disciple du “Fils de l’Homme qui ne sait
où reposer sa tête” (Luc 9,58), à vivre dans l’adoration et la louange. Les frères et
les soeurs accompagnent les joies et les déroutes de ceux et de celles qui leur sont
donnés de servir.
Saint Benoît-Joseph Labre (Amettes 1748 - Rome 1783)

la main sur parchemin d’agneau et signée en Québec en 2011 par le P. Michel Rodrigue
présence de Mgr Jaeger le 16 avril 2007, sur la est une œuvre d’évangélisation composée de
tombe de St Benoît-Joseph en l’église Ste Marie trois branches : la première est sacerdotale et
des Monts à Rome. Cette charte, dont l’original diaconale, la deuxième est pour les couples
est à l’Evêché d’Arras, regroupe l’expression mariés et la troisième est pour des laïcs
de la compréhension commune du charisme désirant consacrer leur vie en offrande au Père
labrien que nous avons pu appréhender lors pour l’avancement du Royaume. Des liens se
du colloque, autour de la « prière des trois sont tissés entre Amos et la France, via Didier
cœurs ». La « Fraternité Apostolique St Benoît- Noël, qui leur a fait parvenir en septembre
Joseph Labre », fondée au diocèse d’Amos au 2014 une copie du masque mortuaire de Saint

35
Benoît-Joseph. trouva la joie » (Agnès de la Gorce).
Au terme de ce bref survol de quelques
230 années de rayonnement spirituel de fr. Samuel, ministre fl
notre grand saint, j’ai conscience d’avoir
seulement effleuré le sujet. Je rêve qu’un À Chaignes, le 28 octobre 2014, en la fête
jour, quelqu’un pourra consacrer un des Apôtres Simon et Jude.
livre complet sur l’histoire mondiale de
la postérité spirituelle de ce « pauvre qui

36
Frère, ô doux mendiant qui chantes en plein vent,
Aime-toi, comme l’air du ciel aime le vent.

Frère, poussant les bœufs dans les mottes de terre,


Aime-toi, comme aux champs la glèbe aime la terre.

Frère, qui fais le vin du sang des raisins d’or,


Aime-toi, comme un cep aime ses grappes d’or.

Frère, qui fais le pain, croûte dorée et mie.


Aime-toi, comme au four la croûte aime la mie.

Frère, qui fais l’habit, joyeux tisseur de drap,


Aime-toi, comme en lui la laine aime le drap.

Frère, dont le bateau fend l’azur vert des vagues,


Aime-toi, comme en mer les flots aiment les vagues.

Frère, joueur de luth, gai marieur de sons,


Aime-toi, comme on sent la corde aimer les sons.

Mais en Dieu, Frère, sache aimer comme toi-même


Ton frère, et, quel qu’il soit, qu’il soit comme toi-même.”

(Poésies d’Humilis, Germain nouveau.)

37
ANNO
1781-1782-1783

38
Par ce voyage je ne me doutais pas des desseins
secrets de la Providence qui me préparait par
là des avantages infiniment plus précieux.
- Joanne Thayer -
39
HISTOIRE DE LA CONVERSION
DE JOHN THAYER
UN MIRACLE DE SAINT BENOÎT-JOSEPH LABRE

L e nom du Père John Thayer apparaît dans la plupart


des livres sur l’Église Catholique Américaine, comme
le premier pasteur protestant américain converti à
la religion catholique. Leur lecture ne nous apprend que
peu de détails sur sa vie et, souvent, avec des nuances à la
fois négatives et positives. Dans son ouvrage, “L’Histoire
du Catholicisme américain”, Théodore Maynard, grand
historien américain, décrivit le Père Thayer comme un
homme habile, d’une moralité impeccable, mais au caractère
austère et rigide comme les pasteurs puritains de son temps.
Dans son livre, “La vie et l’époque de John Carroll”, l’écrivain
Peter Guilday nous révèle que le Père Thayer était doué de
génie, érudit autant qu’homme d’esprit, mais paraphrasant
Théodore Maynard, il n’avait rien de l’esprit d’intransigeance
puritaine qu’on lui attribuait.

V oici dans sa plénitude et son authenticité, l’histoire


d’une vie errante et mouvementée. A Rome, en
1783, le destin le liera à celui d’un autre personnage
le mêlant ainsi de manière « providentielle » à la mort du
saint pèlerin, le pieux Benoît-Joseph Labre. Cette rencontre
sera pour lui sans équivoque le reflet de la grâce accordée
par Dieu au renouveau de sa vie. Converti par ce miracle de
la foi, il deviendra prêtre et dans son ministère sacerdotal,
le Père John Thayer sera un précurseur des innombrables
bénédictions qui profitèrent au catholicisme américain
dans l’Amérique postrévolutionnaire dont il célébrera les
premières messes dans beaucoup de villes de la Nouvelle-
Angleterre, à Boston, ainsi qu’à Salem, etc. Ses publications
d’habiles et charitables excuses dans la presse de Boston
furent les premières de la sorte dans l’Histoire de l’Amérique.
En livrant d’importantes batailles, il ouvrira des portes à la
réussite de ministères catholiques au Massachusetts, à New
York, en Virginie et au Kentucky. Un récit dans le décor vrai
et historique de l’époque, celle des États-Unis d’Amérique,
de l’Église catholique et de ce qui sera la grande Mission
du Père Thayer : amener des prêtres et des religieuses en
Amérique afin de promouvoir la foi catholique parmi ses
compatriotes.

40
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

Après une brève affectation en tant qu’aumônier militaire, le pasteur John


Thayer hérita d’une forte somme d’argent familial. Fin 1781, il s’embarque
pour un long tour d’Europe, où il espérait étudier les langues et les sciences
politiques”.

J ohn Thayer est né à Boston (Capitale du


Massachussetts et de la Nouvelle-Angleterre).
Ses parents, Cornelius Thayer et Sarah
Plaisted, se marièrent en 1751 et eurent huit
garçons.

L’aîné des fils de Cornelius et de Sarah Thayer, se


prénommant aussi Cornelius, est né le vendredi 24
Je vous donnerai un
novembre 1752, et décéda en 1769. Le second des fils, cœur neuf et je mettrai
Ebenezer (I), né le 25 mars 1754 décédera à l’âge de en vous un esprit neuf ;
deux ans en 1756. Le troisième, Ebenezer (II) est né
le vendredi 27 Février 1756. Soldat Révolutionnaire, j’enlèverai de votre corps
il mourut en mer en octobre 1781. Le quatrième le cœur de pierre et je
enfant, John, né le 15 mai 1758, décédera en Irlande
le 17 février 1815. Le cinquième enfant, Nathaniel, fit vous donnerai un cœur
ses études en tant que médecin, à New Haven, dans
le Connecticut, et épousa Ann FOWLER, de Durham, de chair. Je mettrai en
Connecticut le 6 Novembre 1791. Ils se sont installés vous mon propre Esprit,
à Westfield, Massachusetts. Médecin, il pratiquera la
médecine jusqu’à sa mort, le 26 juin 1824. William je vous ferai marcher
(I), le sixième enfant, naquit le lundi 9 novembre selon mes lois”.
1762 et mourut quelques jours plus tard. Le septième
enfant, Samuel, est né le lundi 3 septembre 1764.
Soldat Révolutionnaire, il épousera Rachel CARY (née
en 1769 et décédée en 1789). Le dernier des enfants, Ézéchiel 36, 26-27
William (II), naîtra le mercredi 30 décembre 1767, il
épousera en 1779 Surviah (Sophia) TORREY (née en
1728 et décédée en 1795).
(Leur mère, Sarah Plaisted Thayer, mourut à Boston
en Juin 1775 et leur père, Cornelius Thayer, mourut à
Boston le 29 Juillet 1790)

41
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

J
ohn Thayer a été élevé dans la religion une remise en question de sa doctrine . Au
calviniste puritaine, la seule dominante cours de son séjour à Londres, le pasteur
et presque la seule connue à cette John Thayer est invité à prêcher dans une
époque, dans la Nouvelle-Angleterre. chapelle d’Oxford Street.

Pour la première fois, il est confronté à une


Il avait d’abord refusé de faire des études; divergence doctrinale au sein de l’Église
mais à l’âge de seize ans, par réflexion et par à laquelle il appartient. “Je fus presque
désir intérieur d’apprendre, il le demanda interrompu par les rumeurs de l’auditoire,
de lui-même à ses parents. Avec le secours écrit-il, tant la doctrine des puritains
d’un bon maître, il entreprend des études de mon pays avait peu de rapports avec
au terme desquelles il devient pasteur celles des puritains anglais. (2) C’est que
presbytérien. Pendant deux ans, il en mes compatriotes protestants trouvent
exerce les fonctions à Boston, capitale du dans le même Evangile bien des doctrines
Massachusetts. S’appliquant à l’Ecriture- différentes. Une pareille singularité me
Sainte et à la prédication, il fit des progrès donna beaucoup à réfléchir.”(3)

A
assez rapides.
Cependant, il sentait une inclination u printemps 1782, le pasteur John
secrète à voyager ; “je nourrissais ce désir , Thayer revint en France et se rendit
et je formai la résolution de passer en Europe en bateau de Marseille à Rome.
pour apprendre les langues européennes Toujours préoccupé par les mêmes soucis
le plus en usage , et me mettre au fait de d’études, mais bien prévenu, comme on
la constitution des Etats, des mœurs, des l’imagine aisément, contre la religion du
usages, des lois et du gouvernement des pays et contre la nation, que l’on lui avait
nations principales, afin d’acquérir par ces représentée sous les traits les plus odieux, il
connaissances politiques, plus de considération avait cependant déjà conçu, dans son séjour
dans ma patrie, et de lui être plus utile. Telles en France, une idée moins défavorable de
étaient mes vues humaines.” la religion catholique, et son commerce

E
avec les Italiens le fit revenir aussi de ses
n 1781, il préjugés contre eux. Dans le trajet de
e nt re p re n d Marseille à Rome, il fut obligé, faute de
donc un vent, de s’arrêter plusieurs jours dans un
voyage d’étude petit port que l’on nomme “Port Ercole.”
en Europe et A Port Ercole, le pasteur John Thayer
arrive en France rencontre le marquis d’El moro, vieillard
à la fin de cette respectable, et major de la place, qui se
année-là. Il se met montre d’une grande bonté à son égard :
immédiatement à
l’étude des meilleurs ouvrages littéraires de
France. Il s’y adonne avec une telle ardeur “ Sans que j’eusse aucune recommandation
qu’il néglige de manger et de dormir auprès de lui, il m’accueillit et me traita
suffisamment. Au cours de la maladie vraiment avec une bonté paternelle. Sa
grave qui s’ensuit, il s’assure qu’aucun maison, sa table, sa bibliothèque, tout
prêtre catholique ne soit conduit à son fut à mon service. J’ai eu le bonheur
chevet, tellement il tient à sa religion. Une de rencontrer partout des Italiens du
fois rétabli, il se rend en Angleterre où il même caractère, principalement dans
passera trois mois. Ce sera le début d’une la famille honnête et vertueuse qui
série d’événements qui le prépareront à m’ouvrit, à Rome, son seuil hospitalier.”
42
Tant de bienveillance et de cordialité curieux et les étrangers de toutes les parties
sympathique à l’égard d’un Américain, de l’univers, l’école de la vérité et le centre
d’un protestant, connu pour tel, le touchait commun d’union entre tous les fidèles qui
profondément et le frappait de surprise. croient en Jésus-Christ.
Les catholiques, se disait le pasteur Thayer,: Alors il ne manquerait rien à la gloire
“ne sont donc pas insociables, et l’étranger extérieure de sa religion et à la visibilité de
ne leur inspire ni intolérance ni mépris ?” son Eglise, qu’il a sans doute voulu mettre
(4).Il condamnait ainsi lui-même, de jour sous les yeux de tous les peuples ; alors elle
en jour, les injustes préjugés qu’on lui avait serait véritablement cette ville bâtie sur
suggérés et enseignés depuis l’enfance la montagne, exposée à la vue de toutes
contre cette église catholique. Mais Dieu les nations, de manière à ne pouvoir être
disposait les choses de loin pour le conduire cachée. Cette idée lui plaisait beaucoup ;
insensiblement à un terme heureux. Dès et comme il aimait l’éloquence de la chaire,
qu’il fut arrivé à Rome, il n’eut rien de il désirait qu’elle fût vraie pour pouvoir
plus pressé que d’aller voir ces fameux traiter d’un si beau sujet. Ce premier trait
chefs-d’œuvre et ces monuments antiques de lumière aurait dû le conduire plus loin,
qui attirent les étrangers, entre autres, la mais ce n’était encore à ses yeux qu’une belle
Rotonde ou le Panthéon, temple autrefois chimère, et il la laissa là pour s’occuper de
consacré au culte de toutes les fausses ce qui l’avait amené à Rome.

I
divinités du paganisme, et aujourd’hui
dédié à l’honneur de la Sainte Vierge et des l apprit l’italien beaucoup plus vite et
Saints. plus aisément que le français, et il fut

A
bientôt en état de lire les meilleurs
la vue de ce superbe édifice, il eut auteurs en cette langue. Il étudiait en même
une grande idée et se dit à lui- temps, selon ses projets, la constitution et
même: “Voilà un endroit propice l’état actuel de Rome. Cependant, l’idée
à fournir la matière d’un beau discours”. de la religion catholique lui revenait de
Si la religion catholique était “ vraie ” ; temps en temps à l’esprit : quoiqu’elle
voici en substance l’idée qui lui vint alors ne figurait pas dans le plan d’études
à l’esprit : ce temple, autrefois consacré qu’il s’était fixé, il désirait toutefois s’en
au culte des faux dieux, était devenu un instruire à fond pendant qu’il était dans
temple du vrai Dieu ; la croix de Jésus- cette ville. Une intention comme une
Christ élevée sur les débris de toutes les autre, comme il aurait voulu connaître la
idoles réunies, comme pour lui faire un religion musulmane, s’il s’était trouvé à
plus beau trophée, et de là, montrée à toute Constantinople ; du reste, comme il devait
la terre. Cette ville, autrefois maîtresse de l’apprendre plus tard, il était bien éloigné
tout l’univers et la capitale du monde païen, de soupçonner ou du moins de penser à en
devenue la capitale du monde chrétien ; embrasser une autre; seulement il voulait
voilà des monuments parlants et toujours apprendre la culture de l’église catholique
subsistants du triomphe de Jésus-Christ de la bouche même de ses fidèles, afin de
sur le fort armé, et de l’établissement de ne leur imputer que ce qu’ils disaient eux-
son empire sur les ruines de l’empire du mêmes.
paganisme. Il était convenable qu’il fit du
centre de l’idolâtrie, le centre de la vraie Il s’adressa pour cela à plusieurs
religion ; de la première ville du monde, ecclésiastiques, et, selon sa coutume de
la capitale de son royaume ; enfin, de cette faire parler chacun sur sa profession, il
école fameuse de tous les arts, de cette ville axa sa discussion sur la religion ; mais
célèbre qui fixe tous les regards et attire les ces vertueux hommes d’église avaient
43
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

Dès que je fus arrivé à Rome, je n’eus rien de plus pressé que
d’aller voir ces fameux chefs-d’œuvre et ces monuments antiques
qui attirent les étrangers, entre autres la Rotonde ou le Panthéon,
temple autrefois consacré au culte de toutes les fausses divinités du
paganisme, et aujourd’hui dédié à l’honneur de la Sainte Vierge
et des Saints.” - John Thayer.-

Le Panthéon de Rome à l’époque du Père John Thayer


44
plus de piété que de lumières. Voyant lentement vers la connaissance de la

A
en lui un protestant décidé, ils le vérité.
condamnèrent sans l’éclairer, et il les près avoir souvent cherché
quitta également très mécontents, eux l’occasion de s’entretenir avec
de son attachement à la communauté un homme instruit, capable
calviniste, et lui de leur zèle prosélyte. et désireux de le mettre au fait de la
Il voulait simplement connaître leurs culture catholique, il rencontra deux
opinions et non se détourner des ecclésiastiques dans un endroit où il avait
siennes. Le pasteur Thayer ne sentait pas coutume d’aller : “Je liai conversation
le besoin d’être éclairé, mais il désirait avec eux, et je leur déclarai ce que j’étais
ardemment satisfaire sa curiosité et sa et ce que je désirais. Je pensais alors, au
soif d’apprendre. C’était sans compter sujet des jésuites, ce qu’en pensent tous
sur l’admirable Providence qui avait les protestants ; cependant j’ajoutai que je
jusque-là conduit ses pas, avec cette serais bien aise de faire connaissance avec
volonté dans le coeur d’un irrésistible quelqu’un d’entre eux. Je n’ignore pas,
désir de voyager. Elle l’avait amené disais-je, qu’ils sont adroits et politiques,
au centre des lumières, sans qu’il mais ils passent pour être très éclairés.” Je
en soit vraiment conscient, avec ce saurai bien profiter de leurs lumières et
désir de s’instruire. Elle le dirigeait me tenir en garde contre leurs subtilités.
C’était justement à deux jésuites que je
parlais. Ma franchise ne leur déplut pas ;
ils m’avouèrent qu’ils étaient eux-mêmes
de la Société. Nous n’entreprendrons pas,
me dirent-ils, de vous donner par nous-
mêmes les instructions que vous désirez;
nous vous adresserons à un homme
fort habile qui est bien capable de vous
satisfaire. Ils m’introduisirent, en effet,
chez un de leurs confrères fort connu
dans Rome, et très considéré pour sa
science et pour sa vertu. Monsieur, lui
dis-je en l’abordant, il se peut que j’aie
quelques fausses idées sur votre religion,
ne la connaissant que sur les rapports
que m’en ont faits les membres de ma
communauté. Si cela est, mon dessein
est de me détromper, car je ne voudrais
pas avoir, de préjugés contre personne.
N’espérez pourtant pas me convertir:

C
à coup sûr vous n’y réussirez pas.”
e début un peu brusque n’empêcha
pas qu’il le reçût avec une douceur
et une affabilité qui ne pouvaient
être l’effet que d’une charité véritable : il
consentit à la demande qu’il lui fit d’avoir
avec lui des entretiens sur la religion.
D’abord, il lui exposa par ordre tous
les articles de la doctrine catholique :
cette discussion dura plusieurs jours.
John l’écoutai attentivement sans jamais
l’interrompre; mais, de retour chez lui,
45
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

il ne manquait pas de mettre par écrit lesquels il me restait encore des nuages ; à
ses difficultés et ses raisonnements qui mesure que je lui parlais de mes difficultés
lui semblaient contredire chacun de ces sur chacun de ces points, il m’indiquait
dogmes et de ces articles. Quoiqu’il eût les endroits des meilleurs Théologiens et
à l’esprit bien des difficultés, il ne cessait Controversistes, où elles étaient traitées avec
de remarquer cet accord merveilleux qui étendue, et me procurait leurs ouvrages”.
se trouvait dans l’ensemble de la religion Il les étudia attentivement et leur étude
catholique, et d’y entrevoir une sagesse qui lui donna lieu d’examiner à fond chacun
lui paraissait divine. Quand il eut achevé des articles contestés entre les protestants
après plusieurs semaines cette discussion, et les catholiques, et de peser les raisons
le pasteur Thayer proposa, à son tour, de que ceux-ci apportent pour prouver leurs
faire part à l’ecclésiastique de ses difficultés sentiments.

I
et de ses doutes : ils passèrent plus de
trois mois ensemble à discuter de tous les l reçut également l’enseignement
articles théologiques de la foi catholique. d’un religieux augustin, à qui il
s’adressait dans le même temps : ce
“Je me vis plus d’une fois sans réponse, parce brave homme s’attacha à lui faire discerner
que j’apportais de la droiture dans cette ce qu’est la foi parmi les catholiques avec
discussion, et que je voulais sincèrement les simples valeurs que l’Eglise permet de
m’instruire et ne pas chicaner. Il me traiter dans les écoles.
restait néanmoins encore bien des nuages Sans les adopter ni les rejeter, cette
et des embarras que j’étais fort empressé distinction éclaira le pasteur Thayer et
d’éclaircir; et comme cet homme respectable contribua beaucoup à clarifier ses idées
ne pouvait me donner par intervalle, que car dit-il: “les Protestants ont coutume
quelques heures, pour remplir le vide qui se de confondre ces deux objets, et par là ils
trouvait entre nos conférences, j’eus recours embrouillent tout.”
à un autre jésuite qui n’avait pas moins de “Il y a une parfaite unité dans le dogme,
zèle ni moins de lumières ou d’attention sur la diversité n’est que dans les opinions :
moi. en mêlant ces deux choses, ils prennent
Celui-ci s’y prit, avec moi, d’une manière l’occasion d’attribuer à la foi ce qui
qui m’étonna d’abord : “Nous n’entrerons ne convient qu’aux opinions libres et
pas en matière aujourd’hui, me dit-il, allez, indifférentes.
récitez l’Oraison dominicale trois fois, et Le soin que j’eus de consulter ainsi plusieurs
revenez tel jour. Je ne pus m’empêcher de Docteurs, me fut doublement utile, je
sourire à ce début. Eh quoi ! Lui dis-je, je profitais de leurs lumières particulières, et
ne suis pas encore de votre Eglise, et déjà je fus à portée de remarquer qu’ils étaient
vous m’imposez une pénitence ; je le quittai parfaitement d’accord sur la foi, qui, en effet,
après ce propos.” doit être une, comme la vérité est une; cette

C
uniformité de sentiments, qui, dans tous les
ependant, en revenant chez lui, il siècles, a régné entre les Catholiques, me
se fit cette réflexion, “la prière, loin faisait une vive impression, parce que je ne
de m’égarer, ne pourrait que m’être l’avais jamais vue parmi nous….”
utile, et qu’une religion qui enseigne qu’il
faut commencer par la prière l’examen que “J’avais eu des liaisons avec les Chefs de
l’on en fait, était apparemment bien sûre nos Communautés ; je m’étais souvent
d’elle-même. J’exécutai donc ce qu’il m’avait entretenu avec eux ; je connaissais bien
prescrit, et j’allai le trouver au jour qu’il leurs sentiments ; il n’y en avait pas deux
m’avait indiqué, je savais déjà quelle était qui fussent d’accord sur les articles les plus
la Doctrine Catholique ; il ne s’agissait, avec essentiels : bien plus, il n’y en avait aucun
lui, que d’éclaircir les différents points sur qui n’eût varié dans sa Doctrine...”
46
Vivre dans la droiture en présence et en communion avec Dieu, c’est vivre
en état d’action de grâce permanente. C’est de Lui que nous recevons tout ce
que nous avons - notre vie et notre existence même, toutes bonnes choses,
l’espérance de la rédemption, et la joie de la communion. L’offrande de
l’action de grâce, c’est la reconnaissance dans notre coeur que nous-mêmes
ne sommes pas les auteurs du moindre de ces bienfaits, mais en sommes les
bénéficiaires - ceux qui reçoivent les dons de Dieu.”
Père Alexander Schmemann

47
ROMA

Il est mort le Saint! il est mort le Saint! ...


Des miracles à Rome pour démontrer le pouvoir de la foi sur la vie et la
mort, pour l’édification de ceux qui en sont les témoins et de ceux à qui
l’Évangile de Jésus-Christ est annoncé.”

48
49
50 Eglise de la Madonna Dei Monti
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

LA MORT DU SAINT
“Le 16 avril, Mercredi Saint, Benoît-Joseph, revint à grand peine vers
l’église Sainte-Marie-des-Monts qu’il affectionnait tant. Il y entendit la
messe, suivant avec émotion le récit de la Passion selon saint Luc. Les
assistants dirent qu’il donnait l’impression de ressentir si vivement les
poignantes douleurs du Christ qu’ils avaient craint de le voir expirer
avant la fin du Saint Sacrifice”.

E
ntre-temps à Rome, la population se sa demeure toute voisine de la Via del
préparait à fêter la Pâque. Nous Grifone, située dans le quartier des gardes
étions le Mercredi Saint du 16 corses, près de Notre-Dame-des-Monts.
avril de l’année 1783, ce jour-là, Mais en y arrivant, un autre obstacle se
un mendiant du quartier des Monts, plus présente, l’escalier est trop étroit pour
connu sous le nom de Benoît-Joseph permettre le passage à trois hommes de
Labre, assiste à l’office avec beaucoup front; Paolo prend alors sur ses épaules
de ferveur mais l’instant d’après il est le pauvre malade et le dépose sur un
comme suffoqué, la respiration lui siège, dans la première chambre occupée
manque en sortant de l’édifice, il s’écroule alors par sa mère Anne Zaccarelli, alitée
sur les marches au milieu des passants. Un depuis un mois. “Mon pauvre Benoît,
groupe de fidèles se forme autour de lui; s’écrie-t-elle, comme vous êtes malade!”
chacun s’offre à le soulager, à le recevoir Placé ensuite dans la seconde pièce, on
dans sa maison; quelqu’un propose de voulut naturellement le faire mettre
le conduire à l’hôpital. Benoît-Joseph au lit. Après une certaine résistance, il
écoutait en silence. Parmi eux, un boucher y consentit, mais à condition qu’il ne
qui le connaissait, un certain Francesco soit pas déshabillé. Il fallut respecter ce
Zaccarelli, qui revenait de faire ses désir. Le bon Zaccarelli dut s’occuper de
Pâques à l’église paroissiale San Salvatore procurer à son hôte agonisant les soins
ai Monti, s’arrête, reconnaît son pauvre spirituels et corporels dont il avait besoin.
ami à la face cadavérique, et hasarde une En l’absence du confesseur Marconi que
demande. Touché de le voir ainsi, à demi Benoît-Joseph avait refusé de faire venir,
inconscient et pratiquement à la dernière pour ne pas le déranger de son ministère,
extrémité, il s’approche de lui et lui dit: le Père Piccilli fut appelé. Ce religieux,
«Benoît-Joseph mon ami, vous êtes mal, il admirateur de Benoît-Joseph dont la
faut vous soigner, voulez-vous venir chez visite, il y a quelques années, lui avait
moi ?» Il ouvrit les yeux et, reconnaissant été si précieuse, lui dit en entrant dans la
son ami, lui répondit: «Dans votre maison, demeure de Zaccarelli: “Mon cher Benoît-
je veux bien». Le charitable Zaccarelli se Joseph, voulez-vous quelque chose?”
hâta de soulever Benoît-Joseph, pour le
remettre sur pied ; mais c’est en vain, le “Rien, rien”, répondit le malade, sans
saint ne peut plus faire un pas. Alors, ouvrir les yeux. “Y a-t-il longtemps que
Francesco Zaccarelli appelle l’un de vous n’avez communié ?” “Peu, peu...” Ce
ses fils, le plus jeune, Paolo, celui-ci, fut sa dernière parole. Cet homme va
aidé d’un autre compagnon, le prirent mourir, ajouta le religieux; il n’a plus
dans leurs bras, et le ramenèrent dans besoin que de l’Extrême-Onction et de

51
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

Aquarelle d’Achille Pinelli: la Chiesa San Salvatore ai Monti, via


della Madonna ai Monti.” (Musée de Rome)
l’assistance due aux mourants. Déjà Le Saint agonisait en silence et il mourut
Francesco Zaccarelli était allé prévenir le à 8 heures du soir au moment où le prêtre
curé de l’église Salvatore ai Monti située accompagnant prononçait ces mots :
dans la via della Madonna ai Monti. “ Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour
L’abbé Rovira Bonnet occupe ce poste nous ! ”Après les derniers instants du
depuis vingt-sept ans après avoir été saint pèlerin, la nouvelle se répandit dans
chapelain à Saint-Louis-des-Français. la rue et les bambins cessèrent alors leur
Français lui-même, tout heureux vacarme habituel du soir, pour porter la
d’exercer son ministère en faveur d’un nouvelle qui s’est vite répandue dans les
pauvre qu’il connaît à peine, mais dont quartiers, dans presque toute la ville :
il est le compatriote, il fit venir les Pères « E morto il santo !... » « Le Saint est mort
déchaussés de la Pénitence et leur confia !... ».
la mission d’assister le malade jusqu’à son

I
dernier soupir. (En 1783 à Rome, c’était
la coutume d’agir ainsi selon le désir de l avait 35 ans… à peine avait-il rendu
l’Église.) son âme à Dieu, que la population

C
du quartier des Monts propagea la
ependant, auprès du malade qui nouvelle; elle s’infiltra dans toutes
a perdu connaissance arrivent les petites rues, à travers les ruelles du
successivement le médecin et le quartier « des Monts », arriva dans les
pharmacien. Chacun affirmant buvettes, grimpa sur tous les balcons,
que tout remède devenait inutile, le pouls déborda d’une place à l’autre, jusqu’aux
était irrégulier, à peine sensible, la bouche confins de la périphérie de Rome. Puis,
fermée et les dents serrées, les yeux clos de la périphérie au centre, en un rien de
et immobiles ; la sueur transpirait au temps, ce fut un fourmillement de nobles,
visage, tandis que les parties inférieures de pauvres, d’artisans, de prêtres, de
se refroidissaient peu à peu. le vicaire soldats et de commerçants qui affluèrent
de San Salvatore ai Monti, l’abbé Pierre vers le quartier de Notre-Dame-des-
Giordani, ne put que lui administrer Monts pour rejoindre la foule accourue
l’Extrême-Onction. Il lui présenta le de partout, à travers la ville.
crucifix à baiser, et chaque fois, il virent
Benoît-Joseph entr’ouvrir ses paupières Dans la rue Dei Serpenti, on circula le
comme pour regarder avec ferveur Jésus jour et la nuit qui suivit, on n’entendait
crucifié. Il était deux heures de l’après- plus que ce cri dans Rome. Une foule
midi.Il se trouvait bientôt plus mal. Au immense s’assembla devant la demeure
bout de quelques heures, sa respiration du boucher où le Saint venait de mourir
devint très difficile. et en força l’entrée. A l’heure même
Francesco Zaccarelli et les prêtres de la mort, pendant les ténèbres de
l’assistèrent jusqu’à son dernier instant. la nuit, la nouvelle ne cessait de se

52
53
Rome,
54 le Colisée à l’époque de Benoît-Joseph Labre
COLOSSEUM

En 1776, Benoît-Joseph avait élu domicile à Rome dans le quartier des


Monts, passant ses nuits en prière dans les ruines de l’amphithéâtre de
Flavien.”

55
Benoît-Joseph Labre décéda dans la maison du boucher Francesco Zaccarelli
au soir du 16 avril 1783 vers 20 heures. La paillasse, sur laquelle il rendit
le dernier soupir, se trouve de nos jours à Amettes, son village natal.

répandre dans Rome “le Saint est mort! le quartier alors le plus populeux et le plus
Saint est mort!” et ce jusqu’au lendemain chez pauvre de la ville. Pas un homme, pas une
Zaccarelli, et, pour contenir la foule, il fallut femme, pas un enfant qui ne le connut aux
placer des sentinelles aux portes de la maison. Monts, pour l’avoir vu presque tous les

L
jours, encore jeune cependant, courbé sous
e mendiant Benoît-Joseph Labre était, la souffrance et par les privations, maigre
depuis longtemps, un personnage comme un ermite et vêtu de haillons, se
familier et apprécié des Romains, de traîner dans les venelles, se hâter vers
ceux surtout qui habitaient ce vieux cette église qui conserverait sa dépouille.

56
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

Le 16 avril 1783, le boucher


Francesco Zaccarelli, aidé
de son fils Paolo et d’un ami
transportèrent Benoît-Joseph
Labre par la “Via Del Grifone”
où se trouvait à l’époque la
porte d’entrée principale de la
maison des Zaccarelli, juste
de l’autre côté de la Via Dei
Serpenti, située derrière l’église
de la Madonna Dei Monti.

L’immeuble où le boucher
Zaccarelli avait son logement. Ce
lieu, où décéda le saint Pèlerin,
fut acquis le 22 décembre 1883
par Mgr Virilli, le postulateur
de la cause du Saint. Elle fut
ensuite transformée en un petit

R
apidement, il avait voué sa vie à la sanctuaire avec son entrée au
pénitence et aux pèlerinages, sur les routes
interminables de France, de Belgique, de N°2 de la “Via Dei Serpenti”.
Suisse, d’Espagne et d’Allemagne. (Cappella di San Benedetto
Il s’y adonnait avec une ferveur défiant
l’entendement, et jusqu’à l’épuisement de ses Giuseppe Labre). De nos jours,
forces, se traînant les pieds. Il s’était orienté
vers l’Italie, avait parcouru les pays par bien des les Soeurs de Marie immaculée
chemins de Traverse et avait fini par atteindre en ont la garde.

57
Rome où, depuis lors, il avait passé ses Benoît-Joseph demanda pour la première
journées à prier dans l’une ou l’autre des fois depuis qu’il résidait à l’hospice la
nombreuses églises, dans celle de Sainte- permission d’aller se reposer. Sa demande
Marie-des-Monts qu’il affectionnait de lui fut accordée avec compassion mais lui,
façon particulière. Il avait passé ses nuits impitoyable pour lui-même, se contenta
en prière, sous les murs du Quirinal ou de s’asseoir sur le lit, la tête appuyée sur
un arc quelconque du Colisée. le mur jusqu’à ce que les lampes soient
Depuis l’année 1776, Benoît avait élu éteintes.
domicile dans le quartier des Monts, Le lendemain, Mercredi saint, 16 avril,
passant ses nuits dans les ruines de lorsque le réveil fut annoncé, Benoît-
l’amphithéâtre de Flavien et ses journées Joseph quitta la maison hospitalière de
à prier devant le Saint-Sacrement. C’est Saint-Martin-des-Monts. Ses jambes
cette conduite qui ferait de lui le “Saint fléchissantes, il ne peut descendre l’escalier
des quarante heures”. Mais à partir de qu’avec l’aide d’un compagnon auquel il
1779, à cause d’une santé déficiente, il est demanda la charité d’un verre d’eau.”
le pensionnaire de la pieuse fondation

D
pour les pauvres “l’Hospice Evangélique
Saint-Martin-aux-Monts”, oeuvre du ans l’intervalle, Francesco
Révérend Père Don Paolo Mancini; ce Zaccarelli et les nombreux
centre pour indigents sera témoin des prêtres et religieux s’affairaient
derniers jours terrestres de Benoît- à préparer le grand pèlerinage
Joseph. ils déposeront plus tard en ces qu’occasionnerait l’inhumation du
termes : pieux pèlerin, Benoît-Joseph Labre. L’un
d’eux demanda à ce que l’on procède à
“Au soir du 15 avril, en arrivant à l’hospice la toilette funéraire du Saint comme la
exténué, et d’une extrême faiblesse, piété l’exigeait en pareille circonstance.
58
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

En 1783, la paroisse San Salvatore ai Monti est sous la responsabilité


de l’Abbé Rovira Bonnet qui occupe ce poste avec son vicaire l’abbé
Pierre Giordani depuis vingt-sept ans, après avoir été chapelain
à Saint-Louis-des-Français. Cette paroisse était celle qui avait la
préférence du boucher Francesco Zaccarelli. De nos jours, une statue
du Saint Pèlerin orne l’intérieur de l’église; elle commémore la grande
amitié de la famille Zaccarelli envers Saint Benoît-Joseph Labre.”

Si vous adorez le Christ


et marchez derrière Lui,
votre Église diocésaine et vos
paroisses grandiront dans
la foi et dans la charité,
dans la joie d’évangéliser.
Vous serez une Église dans
laquelle les pères, les mères,
les prêtres, les religieux, les
catéchistes, les enfants, les
personnes âgées, les jeunes
marchent les uns à côté
des autres, se soutiennent,
s’aident, s’aiment comme des
frères, spécialement dans les
moments de difficulté.”
Le Pape François

59
Pendant plus de quarante ans, Anne-Marie eut la vision d’un globe
lumineux, comme un petit soleil entouré d’épines. En le regardant, elle
pouvait y lire à la fois des événements futurs et l’état d’esprit des gens
qui venaient la visiter. Ce don de prophétie et de prescience lui amenait
beaucoup de monde qui venait lui demander conseil et, toute sa vie, elle
les reçut avec joie et patience.”
60
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

Anne-Marie Taigi (Anna Maria Gesualda Antonia Giannetti épouse


Taigi), 1769-1837. En 1783 à Rome, Anne-Marie accompagna sa mère
Mary Giannetti lors de la toilette mortuaire de Benoît-Joseph Labre.

O
n suggéra le nom de Mary l’uomo ! felice l’uomo !” Enfin la dévotion
Giannetti, une pauvre mais des assistants étant satisfaite, le cercueil
brave domestique, habituée fut entouré de bandelettes croisées et
à ce genre d’actes de charité. l’on y apposa le sceau du cardinal vicaire,
Elle habitait à quelques pas de là, dans Marc-Antoine Colonna ; puis il fut
la Via delle Vergini. Il s’agissait de la transporté vers la fosse préparée la veille
faire demander. Ils y allèrent et elle vint, à la demande de la piété populaire des
accompagnée d’une jeune fille admirable, paroissiens du quartier des Monts qui
sa fille Anne-Marie, âgée de quatorze voulaient garder la dépouille du Saint
ans. Anne-Marie se tenait à l’écart, et demandèrent à ce qu’il fût inhumé
pour permettre à sa mère d’accomplir dans l’église de la Madonne des Monts,
sa tâche. La maman enleva pieusement que le pauvre avait le plus aimée, sous
les haillons de ce corps consumé par les la dalle où il avait coutume de rester
maladies et les mortifications, le lava en prière chaque matin, depuis l’heure
avec l’aide de l’abbé Marchesi, lui mit de l’Ave Maria jusqu’au milieu du jour.
des vêtements propres et le revêtit de la Son corps fut porté en triomphe par le
bure de la compagnie de Notre-Dame- peuple de Rome, mêlé aux princes et
des-Neiges, avec lequel il fut ensuite aux bourgeois qui accompagnaient le
enseveli. Pendant cette opération, les cortège en pleurant. Pendant le trajet à
professeurs de théologie, Marconi et travers l’église qui ne désemplissait pas,
du Pino rédigeaient sur parchemin une un homme perclus de rhumatismes
notice latine du Bienheureux ; son genre toucha le cercueil et fut subitement
de vie, ses héroïques vertus et sa mort guéri. La foule inlassable se mit à crier :
précieuse devant Dieu, avec mention de “Miracolo ! miracolo !” Ce fut au bruit de
ses noms, de sa patrie et de son diocèse. ces nouvelles acclamations triomphales
Cette notice, enveloppée dans un tube que le corps, arrivé à destination, fut

L
de plomb, fut placée avec le corps dans enfin descendu dans le caveau.
un cercueil de bois. le bon Zaccarelli orsqu’il eut été déposé dans ce
avait pris soin quelques instants avant tombeau, il fallut fermer l’église
de prendre un moulage des contours du à la multitude des pèlerins qui
visage de Benoît-Joseph. Cette précieuse en assiégeaient les portes, et,
relique révèle la beauté et la finesse des pendant quelques jours, on vit une
lignes de son visage où plusieurs de nos foule innombrable, pleine d’amour et
contemporains et poètes virent resplendir de vénération, prosternée dans la rue,
les rayons de sa Sainteté. sur la place voisine et devant la porte de
Des cris s’élevèrent du dehors, de la part de l’église Sainte-Marie-des-Monts. L’abbé
quelques hommes suspendus aux grilles Fontaine, lazariste qui avait été professeur
et aux barreaux de fer des fenêtres de de théologie au séminaire de Boulogne-
l’église; c’était une réclamation bruyante sur-Mer, et qui se trouvait, pour les
de voir encore le Saint, avant qu’il fût affaires de sa congrégation, à Rome,
définitivement enfermé dans sa bière. fut témoin des funérailles du serviteur
On voulut bien accéder à cette demande, de Dieu. Il écrivit à Monseigneur de
en dégageant la tête du linceul, et aussitôt Partz-de-Pressy, évêque du diocèse de
retentirent de nouveaux cris de joie, des Boulogne-sur-Mer, dès le 23 avril 1783,
vivats en l’honneur du défunt: “Felice pour lui faire part de la mort précieuse
61
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

d’un de ses diocésains. Le 4 juin suivant, il resta longtemps agenouillée en prière


lui écrivit de nouveau : “Votre diocésain, en retournant au dehors, à la grande
Monseigneur, continue toujours ici de édification de l’assemblée. Le bon
faire beaucoup de bruit... On parle d’une exemple est contagieux ; une autre dame,
multitude innombrable de miracles opérés la princesse Pallavicini, s’empressa de
sur son tombeau et par l’application de ses l’imiter; tandis qu’une troisième voulut
images... L’empressement et l’unanimité faire à genoux tout le trajet de la porte de
avec laquelle on concourt à honorer cet l’église au tombeau miraculeux. Ainsi, à
homme qui, la veille de sa mort, était peine Benoît-Joseph Labre avait-il rendu
regardé comme un pauvre mendiant, le dernier soupir, que le monde qu’il
présente certainement quelque chose fuyait et qui l’évitait, comme on évite
d’extraordinaire”... un lépreux, court à lui; son nom passe

O
admiré, acclamé sur toutes les lèvres; la
r, ce pauvre, qui remuait la ville de beauté de son âme attire, ses haillons ont
Rome et le monde, cet étranger, des attraits, on s’en dispute les lambeaux;
ce mendiant, marquait encore on le contemple, on le prie, on l’invoque;
de sa bienveillante intercession on veut le connaître, on en parle avec
cette population qui lui rendait honneur. éloges; les miracles, les guérisons se
Partout l’on entendait parler de miracles multiplient, évidentes, irrécusables; le
accomplis sur son tombeau. Le lundi peuple, le clergé, l’aristocratie, la Cour
de Pâques et les jours suivant, la piété romaine, tous publient ses louanges.

Q
des fidèles ne fit que croître avec une
effervescence toute nouvelle. De toutes uelques mois plus tard, en
parts, de nombreux infirmes se rendaient décembre, un prélat Mgr
au tombeau, où étaient transportés les Guidobagni, archevêque de
uns pieusement agenouillés et versant des Myre et chanoine de Saint-Pierre,
larmes, les autres s’étendant sur le tombeau fit couvrir à ses frais le caveau de Benoît-
attendant la grâce. L’église retentissait des Joseph d’une pierre sépulcrale de marbre,
gémissements et des supplications de ces et portant l’inscription suivante : Ici repose le
pauvres malades qui étaient tout à coup serviteur de Dieu, Benoît-Joseph LABRE du
guéris; des scènes indescriptibles avaient diocèse de Boulogne, en France, décédé le XVI
lieu et tout Rome en parlait. Voilà ce qui des calendes de Mai, à Rome, le quatrième
se répétait tous les jours, et dont toute jour de la semaine Sainte, l’an 1783, âgé de
la ville était témoin. Personne ici n’avait 35 ans, enseveli le jour de Pâques, au soir.”
jamais rien vu de pareil. On en voyait,
qui, sans penser à man­ger du matin au
soir, ne quittaient pas leur place de peur
de la perdre, dès que la porte de l’église N’ayons pas peur des engagements
s’ouvrait, pour être témoin des mi­racles définitifs, des engagements qui
qui s’opéraient à chaque instant... Parmi
ce défilé ininterrompu de pèlerins, les impliquent et concernent toute la
gardes corses avaient parfois à frayer le vie.” Le Pape François
passage à des femmes de la plus haute
distinction, accourant, pour donner au
tombeau du Saint, les symboles de leur
vénération. L’une d’elles eut la pensée
de quitter ses chaussures avant d’entrer
dans l’église ; elle s’avanca pieds-nus, et

62
Église et hospice Saint-Martin-des-Monts”

63
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

Entre-temps à Rome, le Révérend John vie abjecte et misérable, et qu’il se plaisait


Thayer trouvait que l’effervescence autour cordialement dans les souffrances et les
de la mort de Benoît-Joseph Labre, et opprobres?” Le Père Marconi lui ayant non
des miracles que l’on disait obtenus par seulement affirmé, mais encore prouvé
son intercession, commençaient à faire par le récit de certains actes, que cet
beaucoup de bruit dans les rues de la amour de la pauvreté était réel, le pasteur
capitale italienne, et à devenir le sujet de Thayer répliqua en homme du monde
presque toutes les conversations. qui a peine à concevoir la possibilité d’un
Malgré les enseignements qu’il avait reçus tel sentiment.
des Pères jésuites et les explications qu’ils
lui avaient procuré, il n’était nullement “Mais d’où pouvait provenir cette
disposé à croire tout ce que l’on en disposition , si vraiment elle existait dans le
racontait. De tous ses préjugés contre les cœur, et n’était pas simplement apparente?”
catholiques, le plus enraciné était une “D’un sincère mépris de lui-même,”
incrédulité formelle à l’égard des faits répondit Marconi, et il le démontra
miraculeux qu’ils disaient être arrivés au pasteur Thayer par des indices non
chez eux. Ayant été élevé dans cette équivoques.
persuasion comme tous les protestants
qui, bien loin d’admettre le don des “Cela suffit, conclut John Thayer ; je vois
miracles, le dédaignent, et prennent le la déduction qu’il faut tirer de cela. Cette
parti de nier qu’ils fussent véritables, il ne vertu n’est point naturelle à l’homme; elle
se contenta pas de nier absolument ceux ne pouvait donc venir à Benoît-Joseph

L
que l’on publiait alors; il en fit même un Labre que d’une grâce d’en haut.”
sujet de raillerie ; il se permit même, dans e Révérend Père Joseph Marconi
les cafés, des plaisanteries très indécentes prit argument de ces aveux en
sur le serviteur de Dieu, dont la pauvreté et faveur du catholicisme, et pressa
la malpropreté apparentes le révoltaient; son visiteur de reconnaître que
et sur ce point, il alla beaucoup plus loin la véritable Eglise était celle, où Dieu
que ses amis, protestants comme lui. manifestait ainsi son action toute
Cependant à Rome et partout le nombre et puissante par les miracles. « Mais nous
le poids des témoignages croissant chaque avons aussi les nôtres, objecta le pasteur
jour, il crut bon de devoir examiner la Thayer. » « Soit, mais sont-ils examinés
chose personnellement, imbu qu’il était par une Congrégation comme la nôtre?»
de lui-même et certain d’en découvrir la Alors Thayer se mit à rire; ce qui était
supercherie ; il rencontra celui dont le une confession tacite, que les miracles
nom était dans toutes les bouches comme prônés dans sa secte n’étaient rien moins
étant le confesseur du défunt, (Le Père que réels. John Thayer reprit ensuite son
Marconi) duquel il apprit une partie de sérieux, et lui qui, au commencement de
sa vie. Le pasteur John Thayer manifeste ses visites, avait dit que par rapport aux
alors au prêtre le désir de s’assurer par son croyances religieuses, il était tranquille
témoignage, de la véracité des faits pour dans sa foi protestante, avoua dès lors ses
les prétendus miracles attribués à son interrogations et ses doutes, et demanda
pénitent. “J’ai entendu, dit-il , beaucoup de au Père Marconi de bien vouloir le
choses sur cet homme : mais je crains que, recommander à Dieu et au Pèlerin
comme toujours, l’invention n’en soit due, Benoît-Joseph Labre; ce que ne manqua
pour la plus grande part, à la crédulité des pas de faire le bon ecclésiastique par
gens, Je ne suis pas catholique; néanmoins lui-même et par d’autres. Mais avant de
je vous croirai, si vous me dites sincèrement laisser sortir le pasteur John Thayer, il
la vérité que vous pouvez connaître, ayant le conjura de réfléchir sur l’obligation
été son directeur? Serait-il vrai surtout que qui résulterait de ses investigations, et
ce chrétien menait volontairement cette sur les choix qui en découleraient....
64
“C
’est vrai, répliqua Thayer ; elle se trouva guérie dans l’instant : le
aussi, viens-je vous prier jour même, elle descendit au chœur avec
de me fournir les moyens les autres religieuses ; elle mangea sans
de vérifier les faits.” Alors être incommodée, et fit avec facilité les
l’ecclésiastique lui indiqua le nom et la ouvrages les plus pénibles de la maison.
demeure de la veuve Angèle Zanchi, C’est ce que la supérieure et la sœur
miraculeusement guérie d’une paralysie. Marie du Crucifix elles-mêmes, ainsi que
Aussitôt le pasteur Thayer se rend auprès six religieuses de la même communauté
d’elle, entend son récit, visite séparément lui attestèrent unanimement.
le médecin et plusieurs témoins, et enfin
revient dire au Père Marconi qu’il est Le pasteur John Thayer rendit visite de
convaincu de la vérité de ce miracle, mais nombreuses fois à la religieuse qui avait
qu’il souhaiterait en vérifier encore un été guérie; il lui parla et la trouva pleine
autre. Pour le satisfaire, l’abbé lui donne au de santé et de force. Mais il ne s’en tint
lieu d’une, deux adresses, celle d’Octavie pas là dans son investigation ; il rendit
Vergari et celle de Clémentine Cicconetti; visite au médecin qui avait pris soin
toutes deux guéries, comme la première, de la soeur pendant tout le temps de
au tombeau du Bienheureux. L’infatigable son infirmité ; le docteur lui confirma
pasteur recommence la même enquête tout ce que la communauté avait dit à
auprès de ces deux miraculées et de leurs son sujet : et il ajouta qu’il était prêt à
assistants, et vient annoncer derechef au jurer sur l’Evangile, que la maladie était
prêtre, qu’à ses yeux, ce sont deux vrais naturellement incurable. Puis il reçut le
miracles, mais que peut-être le second témoignage d’une certaine Maria Poeti,
ne serait pas admis par la Congrégation qui lui révéla qu’en visitant sa tante,
des Rites, si elle procédait avec la rigueur religieuse du même couvent, le jour de
qu’on lui suppose. Après avoir vu trois la saint Jacques en 1782, elle avait vu de
des personnes que l’on disait avoir été ses yeux la sœur Marie du Crucifix dans
guéries miraculeusement, il avait recueilli cet état désespéré de maladie incurable.
méticuleusement les témoignages de ceux Mais elle affirma au pasteur Thayer que
qui les connaissaient, et d’après toutes ces neuf jours après la mort de Benoît-Joseph
informations faites avec le plus grand Labre et au retentissement de ses miracles,
soin, il restait pleinement convaincu de la Marie Brenna du Crucifix fut guérie.

L
réalité de chacun de ces miracles et qu’ils
étaient véridiques. e Révérend John Thayer continua
Enfin, le Père Joseph Marconi proposa au de rendre régulièrement visite à
pasteur Thayer l’examen d’une quatrième Soeur Marie Brenna du Crucifix au
guérison, à savoir celle de la Sœur couvent Sainte Apolline pendant
Marie Brenna du Crucifix, religieuse du tout le reste de son séjour à Rome, le temps
monastère de Sainte Apolline, à Rome. de s’assurer que la guérison miraculeuse
Âgée de quarante-sept ans, la religieuse était constante et définitive.

P
était atteinte d’une complication de
maux horribles qui duraient depuis ersuadé, comme il l’était, que les
1765. John Thayer accepta de rencontrer guérisons avaient quelque chose de
cette religieuse. Depuis dix-huit mois, la surnaturel, John Thayer ne pouvait
malade se trouvait dans une fatigue qui taire la voix de sa conscience de
augmentait chaque jour ; sa faiblesse était plus en plus certain qu’il n’était plus à sa
telle qu’elle ne pouvait supporter aucune place dans la confession protestante ; ces
nourriture. réflexions le mettaient dans d’étranges
Elle invoqua le vénérable Benoît-Joseph perplexités : il serait difficile d’exprimer
Labre ; elle prit avec foi une liqueur où la situation angoissante dans laquelle il se
l’on avait trempé une de ses reliques, et trouvait alors.
65
STATUE DU SACRÉ COEUR DE JÉSUS SUR LES QUAIS DE PORTO ERCOLE

La vérité lui apparut de tous côtés, mais fallait abjurer des erreurs dans lesquelles
retenu par les préjugés dont il était il avait été élevé et qu’il avait prêchées
imprégné depuis l’enfance, John sentait aux autres, en tant que pasteur protestant.
la force des arguments par lesquels sa Il lui fallait renoncer à son état et à sa
doctrine protestante était combattue; mais fortune. Tendrement attaché à sa famille,
il n’avait pas encore le courage d’y céder. Il il lui fallait encourir leur indignation.
voyait clairement que l’Eglise catholique
était établie sur des preuves nombreuses Des intérêts qui lui étaient chers le
et irréfutables, que les réponses de ses retenaient. En un mot, l’esprit de John
défenseurs aux objections du protestantisme était convaincu; mais son cœur n’était pas
étaient solides et satisfaisantes; mais il changé.

66
“Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes.
Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été
donné au ciel et sur la terre. Allez donc ! De toutes les nations faites des
disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ; et
apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés. Et
moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde.”

67
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

Il se souvint de l’aveu que lui avait fait un qu’ils en abandonnent l’interprétation


jour l’un des plus célèbres prédicateurs à chaque particulier, il n’y a plus moyen
puritains de Boston : de les convaincre d’erreur, et s’il plaît au
« Quand je prêchai dans un tel endroit, me Socinien, par exemple, de dire qu’il ne
dit-il, je passai pour hétérodoxe ; je l’étais trouve, dans l’Ecriture, rien qui démontre
effectivement alors, j’avais des sentiments la Divinité de Jésus-Christ, personne n’a
très erronés; mais j’ai changé depuis ce droit d’exiger de lui qu’il croie ce dogme,
temps-là, et si je prêchais aujourd’hui, ma ni de le condamner, parce qu’il le rejette.
Doctrine serait jugée pure et exacte ; au reste, Ce principe mène encore plus loin ; il
ajoutait-il, cela m’est commun avec tous nos conduit un homme qui raisonne juste à
Prédicateurs; je n’en connais aucun qui n’ait l’indifférence de toutes les religions, et il
varié comme moi dans ses sentiments sur la renverse les fondements du christianisme,

C
Doctrine. en établissant la raison de chaque
et aveu ne lui avait pas fait grande particulier, arbitre suprême de sa croyance.
impression à l’époque de sa Cette réflexion, et mille autres qui lui
conversation avec le prédicateur, venaient à l’esprit, n’eurent pas alors tout
mais il avoua plus tard que cet entretien l’effet qu’elles devaient produire, mais elles
lui revint à l’esprit, et fit naître en lui, bien le disposèrent à ouvrir, les yeux à la vérité.

D
des réflexions nouvelles sur ce que l’on
dit ordinairement, au sujet de bons ou de éjà ses recherches, et ses
mauvais principes reçus dans la jeunesse interrogations l’avaient conduit
qui produisent tôt ou tard leur effet. beaucoup plus loin qu’il ne
Cette instabilité des chefs puritains, dans l’avait pensé; au départ, il voulait prendre
leur Doctrine, lui faisait de la peine. Il une connaissance exacte de la doctrine
voyait qu’elle était la suite inévitable du catholique, et insensiblement, John en
principe fondamental des protestants, était venu au point de n’y trouver rien de
selon lequel chacun est seul juge de sa foi ; raisonnable : il n’avait, en commençant
d’après ce principe, il n’y a aucune règle fixe cet examen, aucun doute sur sa foi
de croyance ; de là, l’éternelle contradiction calviniste et celle de sa communauté. Mais
des pasteurs entre eux ; de là, la fréquente maintenant, il en apercevait les endroits
variation de chacun d’eux dans la Doctrine. litigieux et avait des doutes; il fallait bien
Il avait bien essayé de les concilier entre cependant qu’il prenne la décision de
eux, mais John n’avait pas trouvé d’autre quitter le protestantisme. Les préjugés,
moyen que de prétendre qu’il suffisait de dans lesquels il avait été élevé, avaient
croire en Jésus-Christ et d’avoir intention encore trop d’emprise sur son esprit, et
d’honorer la Divinité: mais avec ce système, son cœur n’était pas encore disposé au
il aurait réuni toutes les communautés, sacrifice que ce changement exigeait de
même les plus opposées; voilà pourquoi il lui. Il décida parce qu’il le crut nécessaire
se mettait de jour en jour, plus au large et de prendre la résolution d’emporter avec
ne voulait plus fixer de bornes à sa liberté lui, en Amérique, les meilleurs ouvrages
de penser, à son libre arbitre. Le pasteur de controverses, composées par des
Thayer avait des amis chez les Quakers et catholiques, et de les lire à son retour
chez les Anabaptistes, les Arméniens et dans sa patrie. Déterminé qu’il était
bien d’autres confessions ; il aura peu à alors à changer de religion, après avoir
peu adopté la tolérance comme conduite bien réfléchi, John Thayer avait pris la
de vie dans sa plus grande universalité. Les décision de ne pas faire son abjuration à
protestants ont beau dire qu’ils admettent Rome, de peur, se disait-il à lui-même,
l’Ecriture pour règle de leur foi, du de faire une démarche précipitée. Mais
moment qu’ils ne reconnaissent aucune la grâce de la Providence, toujours
autorité vivante pour en fixer le sens. Dès attentive sur lui, ne lui permit pas d’user

68
de tous ces délais qui auraient pu lui être y avoir qu’une seule foi, une seule religion,
funestes : la grâce divine ménagea divers une seule voie de salut, et que toutes les voies
événements qui hâtèrent le moment de opposées à celle-ci ne peuvent conduire qu’à
sa conversion. Il lui tomba entre les l’égarement. C’est cette foi, ô mon Dieu !
mains un ouvrage du Père Ségnery sur Que je recherche avec empressement, pour
l’Ange gardien : cette pieuse croyance, que l’embrasser et me sauver. Je proteste donc
chacun de nous a un ange tutélaire pour devant votre divine majesté, et je jure par
témoin de toutes ses actions, n’était pas tous vos divins attributs, que je suivrai la
nouvelle pour John : on le lui avait inspiré religion que vous m’avez fait connaître pour
dès l’enfance, mais elle n’avait jusqu’alors vraie, et que j’abandonnerai, quoi qu’il
influé en rien sur sa vie ou sa conduite, doive m’en coûter, celle où je reconnaîtrai
ou du moins très peu. La lecture de cet des erreurs et de la fausseté. Je ne mérite
ouvrage réveilla les premières impressions pas, il est vrai, cette faveur, à cause de la
de piété que ses parents lui avait données grandeur de mes péchés, dont j’ai une
autrefois. Et en réfléchissant sur sa vie profonde douleur, puisqu’ils offensent un
passée, il se reprochait d’avoir si souvent Dieu si bon, si grand, si saint, si digne d’être
manqué au respect qu’il devait à son ange aimé ; mais ce que je ne mérite pas, j’espère
gardien, et il prit désormais la résolution l’obtenir de votre infinie miséricorde, et
de veiller sur ses actes pour éviter tout ce je vous conjure de me l’accorder par les
qui pourrait lui déplaire. Cette attention à mérites du sang précieux qui a été répandu
s’éloigner du péché contribua sans doute pour nous, pauvres pécheurs, par votre fils
à hâter sa conversion à la foi catholique ; unique Jésus-Christ. Amen.”
c’était un obstacle de moins que la grâce

C
de Dieu voulait lui accorder... “J’avais, en recevant ce livre, un pressentiment
e fut dans ces circonstances où qu’il allait à sa lecture me porter le dernier
il était indécis et irrésolu, qu’on coup : aussi ce ne fut qu’avec une extrême
lui mit entre les mains un petit difficulté que je pus me déterminer à le lire:
livre intitulé : “Manifesto d’un cavaliere mon âme était, pour ainsi dire, déchirée par
cristiano convertito alla religione deux mouvements contraires.”
cattolica”. Ce livre qu’il serait bon de “Quels combats, quels assauts n’eussè-
traduire en plusieurs langues et de je pas alors à soutenir ! Je parcourais
répandre partout où il y a des incroyants. surtout des yeux cette prière, sans pouvoir
Voici comment le pasteur John Thayer me résoudre à la dire. Je désirais être
témoigne de façon historique de sa éclairé, et je craignais de l’être trop. Mon
conversion. Après avoir énuméré intérêt temporel et mille autres motifs
brièvement tous les points controversés se présentaient en foule à mon esprit, et
entre les catholiques et les protestants, il balançaient les salutaires impressions de
place au commencement de son récit une la grâce. Enfin l’intérêt du salut éternel
prière qui lui fut communiquée par un l’emporta ; je me jetai à genoux, je m’excitai
catholique, afin d’implorer les lumières de à réciter cette prière avec le plus de sincérité
l’Esprit Saint: qu’il me fut possible; et la violente agitation
“Dieu de bonté, tout-puissant et éternel, de mon âme, ainsi que les combats qui
Père des miséricordes, sauveur du genre venaient de s’y livrer, produisirent une
humain, je vous supplie humblement, par abondance de larmes. Je me mis donc à lire
votre souveraine bonté, d’éclairer mon ce livre, qui est une exposition abrégée des
esprit et de toucher mon Cœur, afin que par principales preuves qui établissent la vérité
le moyen de la vraie foi, de l’espérance et de de la religion catholique. L’ensemble de
la charité, je vive et je meure dans la vraie ces différentes preuves, que je n’avais vues
religion de Jésus-Christ ; je suis certain que, jusqu’alors que séparément ; tant de traits
comme il n’y a qu’un seul Dieu, il ne peut de lumière réunis

69
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

dans un foyer, me frappèrent vivement : frappée des contes ridicules de revenants, ne


d’ailleurs, je n’opposais plus à la grâce les peuvent, même dans l’âge mûr, se défendre
mêmes résistances; Dieu parlait à mon d’un frémissement involontaire lorsque ces
cœur en même temps qu’il éclairait mon idées reviennent à leur esprit, en dépit de
esprit, et me donnait la force de surmonter la raison qui en rougit: il fallut me faire
les obstacles qui m’avaient arrêté jusque-là. violence ; et quand je commençai à invoquer
la Sainte Vierge, je ne le fis qu’en tremblant.
“Je n’avais pas achevé la lecture du Je m’adressai d’abord à Jésus-Christ, lui
livre, que je m’écriai : déclarant que je n’avais d’autre dessein que
de l’honorer, et que je désirais le faire plus
Mon Dieu, je vous promets de me parfaitement, par l’entremise de sa sainte
faire catholique”. Mère, le priant de ne pas m’imputer des
intentions idolâtriques que je désavouais
Le même jour, j’annonçai ma résolution de toute mon âme. Ensuite m’adressant à
à la famille chez laquelle je demeurais ; la Sainte Vierge elle-même : « Mère tendre,
elle en eut beaucoup de joie, parce qu’elle lui dis-je, s’il est permis d’implorer votre
avait une piété sincère. J’allai le soir au secours, aidez-moi dans l’état misérable
café, où je fis part de mon changement à où je suis. C’est par vous que le Sauveur
tous mes amis, la plupart protestants ; et est venu à nous, c’est par vous que je désire
pour réparer, autant que je le pouvais, le aller à lui. Les Ecritures m’apprennent
scandale que j’avais donné, je défendis la que c’est par votre moyen que s’est opéré le
sainteté du vénérable Benoît-Joseph Labre, premier miracle de la foi évangélique, dans
et je déclarai que j’avais plus de preuves de l’ordre de la grâce (la sanctification de saint
la vérité de ses miracles que je n’en exigerais Jean-Baptiste, et le premier dans l’ordre de
pour quelque fait que ce fût. De plus, pour la nature, le changement de l’eau en vin) :
ne pas rougir de Jésus-Christ, j’invitai un en voici un autre à faire. Ne me refusez pas
grand nombre d’amis à être témoins de votre bienveillance ; je ne le mérite pas, il y
mon abjuration: plusieurs plaignirent ma a trop longtemps que je vous méconnais ;
faiblesse, quelques-uns s’en moquèrent; mais je commence, quoique en tremblant,
mais Dieu, qui m’a appelé à la foi, m’a à m’adresser à vous : intercédez pour moi
soutenu, et j’ai cette ferme conviction qu’il auprès de votre divin Fils. »
me soutiendra jusqu’à la mort. Puis revenant à Dieu : « Seigneur, ajoutai-
Je dois avouer ici qu’avant mon abjuration je, je vous demande vos lumières : vous
j’eus encore quelque temps à combattre mon avez promis d’exaucer ceux qui vous
imagination sur le culte de la Sainte Vierge invoquent; c’est de tout mon cœur que je le
et des Saints : j’étais cependant éclairé sur fais ; je cherche la vérité, à quelque prix que
cet article. Je ne doutais pas qu’il fût utile ce soit; vous en êtes témoin, ô mon Dieu !
d’employer auprès du Fils l’intercession de Je ne saurais me tromper en m’adressant à
sa sainte Mère, et que, loin de lui faire injure votre sainte Mère ; vous seriez vous même
en aimant et honorant celle qu’il a aimée la cause de mon erreur. » La confiance et
lui-même si tendrement, c’était l’honorer la tranquillité furent le fruit de cette prière:
davantage: cependant mes anciennes depuis ce temps j’ai toujours recouru à la
convictions me revenaient toujours à l’esprit Sainte Vierge, et je suis sûr d’avoir obtenu
et me troublaient malgré moi. Le reproche et reçu des grâces par son intercession ; la
d’idolâtrie que j’avais entendu faire aux reconnaissance m’oblige de faire cet aveu :
catholiques, à ce sujet, m’effrayait encore, je cherche à entrer dans toutes les intentions
quoique je la croie très mal fondée. qui tendent à l’honorer ; je me suis engagé,
Je ressemblais à ces personnes qui, ayant eu et je travaille à étendre son culte en tout ce
dans leur enfance l’imagination fortement qui peut dépendre de moi. Il se présente ici

70
une réflexion bien naturelle : Dieu peut-il de peine à croire, sont celles qui me donnent
permettre qu'un homme se trompe dans aujourd'hui le plus de consolation.
le choix d'une religion, quand, après une Le mystère de l’Eucharistie, qui m'avait
vigilance exacte sur sa conduite, après paru si incroyable, est devenu pour moi une
des prières ferventes, après des recherches source intarissable de délices spirituels. La
longues et laborieuses, il s'est déterminé à confession, que j'avais regardée comme un
l'embrasser aux dépens de tout ce qu'il a de joug insurmontable, me semble infiniment
plus cher au monde, famille, état, fortune, douce par la tranquillité qu'elle produit
réputation. Si cette religion était fausse, dans mon âme. Ah ! Si les incroyants et les
ne pourrait-il pas dire à Dieu avec un incrédules pouvaient sentir les douceurs que
célèbre théologien : Seigneur, c'est vous qui l'on goûte au pied des autels, ils cesseraient
m'avez trompé ? Cette réflexion acquerra bientôt de l'être ! Que ne puis-je me faire
un nouveau degré de force, si j'ajoute le entendre à tous ! Je leur crierais : Goûtez
prodigieux changement qui s'est fait en moi et voyez par votre propre expérience,
depuis ma conversion : j'hésite à le publier; combien le Seigneur est doux, combien il
mais il me semble que je dois le faire pour est bon pour ceux qui le servent dans la
glorifier la divine miséricorde, et pour sainte société qu'il a formée lui-même et
rendre hommage à la religion catholique qu'il vivifie par son esprit. Voilà le désir
que j'ai maintenant le bonheur de professer. dominant, l'unique désir de mon cœur, celui
Que mon état est différent de celui où j’étais d'étendre, autant que je le pourrai, l'empire
auparavant ! Mes pensées, mes goûts, mes de la véritable foi qui fait maintenant mon
desseins, tout est changé ; je ne me reconnais bonheur. Je n'ambitionne rien de plus :
plus moi-même. Dès que j'eus pris mon c'est pour cela que je désire retourner dans
parti, je renonçai aux études profanes qui mon pays, espérant d'y être, malgré mon
m'avaient occupé jusque-là; je laissai mes indignité, l'instrument de la conversion de
livres à demi lus ; je me défis de ceux qui mes compatriotes ; et telle est la conviction
étaient à moi : depuis ce temps, les passions où je suis de la vérité de l'Eglise romaine,
n'ont eu que peu d'emprise sur moi ; mes et ma reconnaissance de la grâce signalée
projets d'ambition et d'établissement dans que Dieu m'a faite de m'appeler à la vraie
le monde m'ont quitté entièrement; je n'y foi, que je la scellerais de mon sang si Dieu
prétends plus rien : je n'ai plus de plaisir m'accordait cette grâce ; je ne doute pas
que dans les choses de Dieu ; je sens au fond qu'il ne m'en donnât la force. Vous tous qui
de mon cœur une paix que je n'avais jamais lirez cet écrit, je vous en conjure de prier
connue. Ce n'est plus, comme auparavant, avec ferveur le Père des lumières et le Dieu
la trompeuse sécurité d'une conscience des miséricordes, d'accomplir ses volontés
assoupie qui présume de la miséricorde de sur l’humble serviteur que je suis, et de
Dieu, et qui ne voit pas le danger auquel m’ouvrir un accès facile à la foi dans mon
elle est exposée ; c'est la douce confiance pays, de la faire germer et fructifier dans un
d'un fils qui se retrouve dans les bras de pays où elle n'a jamais été professée. Peut-
son père, et qui a lieu d'espérer que rien être (je m'arrête avec plaisir à cette pensée
ne pourra l'en arracher, malgré les périls consolante), peut-être celui qui établit les
qui l'environnent. Oui, cette religion est empires et les détruit à son gré, qui fait tout
faite pour le cœur ; aussi solides, aussi pour ses Élus et pour l'intérêt de son Église,
fortes que soient les preuves qui m'ont n'a-t-il permis et conduit à une fin glorieuse
convaincu qu'elle est la véritable religion de l'étonnante Révolution en Amérique dont
Jésus-Christ, le contentement, la joie pure nous venons d'être les témoins, que pour
qui l'accompagnent sont pour moi une accomplir quelque grand dessein et une
autre espèce de preuve qui n'est pas moins Révolution bien plus heureuse encore dans
persuasive. Les vérités que j'ai eues le plus l'ordre de sa grâce.” Ainsi soit-il.

71
72
Dix jours à peine après avoir fêté son vingt-cinquième
anniversaire, la grâce de Jésus-Christ toucha John Thayer.
Convaincu dès lors que Dieu l’attendait à Rome sous les
traits du mendiant Benoît-Joseph Labre, il se convertit à la
religion catholique”.

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4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

L e vendredi 23 mai 1783, John Thayer


se convertit à la religion catholique.
Aussitôt l’extraordinaire nouvelle
fut annoncée dans tous les journaux avec
le titre qui suit:
jésuite, vivant à Weald Castle dans le Sud
de l’Angleterre, écrivit à John Carroll,
quelques nouvelles au sujet de son ami
américain :
“Je suis informé que Monsieur Thayer,
“La conversion d’un pasteur protestant, Bostonien converti mentionné dans mes
opérée à Rome à l’occasion des miracles du derniers écrits, jouit de la recommandation
vénérable Benoît-Joseph Labre”. de l’archevêque français de Paris, en
John fit alors une adjuration solennelle à particulier le Père Mat, qui portait le nom
Rome le dimance 25 mai 1783. “J’y ai été d’abbé Lebon à Bologne. On prétend que
conduit par une Providence spéciale que je Monsieur Thayer n’éprouve pas d’inclination
ne puis méconnaître. Comme l’aveugle de pour l’état ecclésiastique et a abandonné le
l’Evangile miraculeusement éclairé, je me projet d’amener des missionnaires à Boston”.
fais un plaisir et un devoir de montrer les Ce premier revers n’était que le début
miséricordes du Dieu de bonté, à qui je dois d’un processus, d’un combat obscur dont
la lumière et la vie de la grâce.” Accueilli dans John Thayer n’était pas encore conscient,
l’Eglise catholique romaine, il rencontra le mais il devrait susciter dans les années
Pape Pie VI ainsi que beaucoup de prêtres et à venir bien des passions, des jalousies
de cardinaux qui le reçurent à bras ouverts mais aussi puissantes qu’elles furent, ces
et avec enthousiasme. C’est avec leurs passions humaines ne le détournèrent
encouragements qu’il retourna à Paris. En jamais de sa volonté et de sa foi jusqu’à
janvier 1784, il contacta, grâce à la lettre de la mort. John Thayer savait de par sa
recommandation du Pape Pie VI, le nonce formation que témoigner de l’Évangile
apostolique et d’autres membres de l’Eglise est un but premier, mais les actions et les
de Paris ainsi que l’ambassadeur américain manières d’agir sont extrêmement variées
Benjamin Franklin. John Thayer offrit ses parce que les personnes qui agissent le
services à Franklin qui était à l’époque sont aussi. L’action et le service pour Dieu
en train de négocier le traité de paix qui sont malheureusement parfois sources de
mettrait fin à la Révolution Américaine. mésentente, voire de rupture, car parfois
Franklin refusa gentiment à John Thayer “Le Diable porte Pierre”.

L
de l’employer en expliquant qu’il pourrait
dire ses propres prières et faire l’économie e Père Charles Plowden (mort en
pour son pays de dépenses générées par 1820) ne transmet pas d’informations
l’emploi d’un chapelain. La nouvelle de sa de première main; de cette façon, la
conversion s’étendit dans toute l’Europe. précision de ces détails peut être faussée,
John Thayer s’était lié d’amitié avec de probablement parce qu’il est convaincu
nombreux personnages importants du que John Thayer est de mèche avec les
monde ecclésiastique français. Français mal-aimés et qu’en conséquence,

C
on ne peut lui faire confiance. (D’autres
ependant, “le diable se pare d’une lettres regorgent de preuves de ces
auréole quand il se présente aux préjugés). Le fait de mentionner le “ projet
hommes”: en effet, moins d’un de John Thayer d’amener des missionnaires
an après sa conversion au sein même de à Boston” constitue une acceptation
l’église, il apparaît évident que John Thayer importante car c’est la première trace de
n’y avait pas que des amis; sa popularité cette mention, à savoir, de ce qui resterait
et son ascension commencèrent à agacer la grande ambition de la vie de John Thayer
quelques membres du clergé catholique : amener des prêtres et des religieuses
anglais qui calomnièrent sa loyauté. L’un en Amérique afin de promouvoir la
d’eux, le Père Charles Plowden, un prêtre foi catholique parmi ses compatriotes.

74
Dieu, qui m’a appelé à la foi, m’a soutenu, et j’ai cette ferme
conviction qu’il me soutiendra jusqu’à la mort. Père John Thayer

75
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

M arcus Grodi, un célèbre converti


du XXe siècle, développe une
hypothèse intéressante dans son
livre: “La sagesse du recul”.
Il écrit entre autres qu’il se peut que John
indépendante, nommée église épiscopale
d’Amérique, sous l’égide de l’archevêque
de Canterbury. Evidemment, de fidèles
catholiques américains ne purent ni
ne voulurent l’accepter. Ceci devint
Thayer, après avoir rencontré Benjamin un sujet de vive controverse en leur
Franklin et le nonce papal en janvier sein et impliqua jusqu’à Benjamin
1784, ressentit du découragement et de Franklin et le Congrès américain.
l’impatience. Cela ne faisait que quelques Pour John Thayer, fraîchement converti,
mois qu’il commençait à comprendre c’était un sujet qu’il aurait pu probablement
les missions catholiques alors qu’il oublier. Avant de devenir catholique, il
n’avait, jusqu’alors, eu à faire qu’à des faisait partie de la Nouvelle-Angleterre,
missionnaires indépendants, ordonnés, n’ayant jamais rencontré de catholique ni
envoyés sur-le-champ et soutenus par accordé d’intérêt au statut de catholique
l’autorité de congrégations locales. américain. De ce fait, le sujet ne lui avait

C
jamais traversé l’esprit. A présent qu’il en
’est peut-être le découragement faisait partie, il n’était pas concerné par de
qui l’a donc amené à considérer tels débats. En conséquence, on peut le
comme nul et non avenu le comprendre, lorsqu’il songea à son avenir
projet d’accession à la prêtrise pour en présumant, comme il était d’usage à
lui permettre de rentrer en Amérique Rome, que la mission américaine était
comme missionnaire. Plowden y fait encore dirigée par le vicaire apostolique
allusion dans un but partisan évident, Talbot.

D
mais nous pouvons en voir un aperçu
encore plus significatif dans une e tous les documents archivés sur
importante lettre que John Thayer écrivit la vie de John Thayer, je crois que
lui-même. Il adressa cette lettre à James cette lettre au vicaire apostolique
Talbot, vicaire apostolique de Londres, de Londres est la plus conséquente et la
peu après avoir rencontré Benjamin plus révélatrice :
Franklin et le nonce apostolique. C’est
la première lettre existante de la main La plupart des faits, que ce nouveau
de John Thayer, rédigée trois ans avant converti y relate, font référence à son
la publication du récit de sa conversion, avenir de la même façon que les luttes de
et donc le premier exemplaire recensé centaines d’ecclésiastiques convertis de
de la description de sa conversion et de nos jours. Quand il confesse dans sa lettre
ses rêves de retour en Amérique. Avant au vicaire apostolique qu’ “il embrassa
la Révolution Américaine, tous les cette foi de tout cœur et quoi qu’il lui
catholiques, se trouvant dans les colonies coûterait en ce bas-monde”, il exprime ce
britanniques, relevaient de l’autorité du que tout ecclésiastique converti a toujours
vicaire apostolique de Londres. Suite eu à subir lors d’une conversion du
à l’indépendance de l’Amérique, les pastorat protestant à l’église catholique,
catholiques se sentirent comme des à savoir l’appel à l’abandon et le rejet
orphelins, sans autre possibilité que de par la famille, les amis et les collègues.
demander à Rome de leur envoyer un John Thayer ne suivit pas de
dirigeant. Le même problème se posa modèle préexistant et bien que
aux membres américains de l’église la hiérarchie cléricale connût des
anglicane d’Angleterre. Toutefois, ils prêtres anglicans convertis, elle n’avait
résolurent leur dilemme en créant sur le jamais eu à faire face à la conversion
sol américain, leur propre église, alors d’un pasteur puritain américain.

76
Cependant, compte tenu de toutes les par Rome en tant que préfet apostolique
présomptions et préjugés de l’époque, on et, franchement, mentionner le nom
peut comprendre que Thayer supposait de Carroll dans les cercles de Thayer ne

E
que sa conversion entraînerait l’extinction faisait pas sens.
de ses projets et de ses rêves. n conséquence, il semble que
Quand il affirme qu’il a offert “ses services Thayer n’avait aucune raison de
au Souverain Pontife afin d’être envoyé retarder son retour pour étudier
en mission dans son pays”, nous avons ou être ordonné prêtre. Il pensait “rentrer
une description claire et précise de ce chez lui au printemps” pour être avant tout
que Dieu l’appelait à faire à ses yeux: un “missionnaire parmi les siens”. Être
accomplir des missions pour sensibiliser envoyé où le besoin s’en ferait sentir dans
ses compatriotes non-catholiques, des établissements catholiques, éparpillés
par le biais de l’Evangile. Il en fait état ça et là, dans le Sud et dans l’Ouest, c’est
en assurant au vicaire apostolique: ce qui arriva et prouva qu’il pourrait
“Puisque mon impossibilité de servir mes sortir de son domaine de compétences et
compatriotes, de la façon la plus efficace à de sa nature profonde.

I
mes yeux, n’amenuise pas mon désir de leur
être utile…” Depuis qu’il était au courant l n’y a pas de signes non plus
de la présence de catholiques indigents qui prouvent qu’il demandait ou
au sein de la communauté américaine, attendait un soutien matériel. Il
tout spécialement en Nouvelle- attendait seulement un don de livres
Angleterre, son but principal était de de théologie ou de piété qu’il pourrait
“devenir missionnaire parmi les siens”, utiliser et distribuer lors de ses travaux
leur apportant pour la première fois la missionnaires (ouvrages que le Révérend
vérité de la foi catholique. Il croyait que: Talbot a probablement envoyés pour
“l’ignorance … avait été la cause principale l’usage de Thayer).
de leur longue séparation de l’Eglise, et Ce sont là tous les points-clés dont il faut
non le manque de foi ou d’engagement se souvenir chaque fois que quelqu’un
car ils étaient candides et très sincères”. critique ce qui survint plus tard au Père
En conséquence de cela, il est anxieux Thayer dès son arrivée en Amérique,
mais n’a pas peur de débuter sa mission, en 1790, en tant que prêtre catholique
car “il s’attend à de grandes choses de leur ordonné. Ce qui importait vraiment à ce
part car ils ont tous les prédispositions stade, c’est ce à quoi il croyait être appelé
à recevoir la grâce divine.” Il n’était pas par Dieu alors que ce que l’évêque Carroll,
question alors de témoigner librement de fraîchement nommé, attendait de lui et
sa bonne volonté à un évêque américain, lui ordonnait de faire en tant que prêtre
de servir selon ses capacités, car il n’y en paroissial, serait tout le contraire, tout
avait pas encore. Le Père John Carroll particulièrement dans l’Amérique rurale
n’aurait pas été nommé une seconde fois ou désertique.

Merci Seigneur pour ce que tu permets sur cette terre, le pardon pour le
mal, Toi qui répands le bien et qui réponds par le bien au mal ! Essayons
de Te suivre sur ce chemin, et aucun mal ne sera fait au moindre des
tiens, de tes amis…

77
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

Copie de la lettre envoyée par John Thayer au Révérend Talbot:

Très cher Révérend,

L’auteur de cette lettre est originaire de Boston. Après avoir été prêcheur dans notre
secte hérétique pendant plus de deux ans, je suis venu en Europe pour assouvir
une grande soif de connaissances. Après avoir passé beaucoup de temps à Paris et à
Londres, je suis allé à Rome. Poussé par la curiosité de savoir tout ce qui se passait
dans cette ville, j’ai cherché des personnes capables de me brosser un portrait complet
de la foi catholique ; ce qui me plut tellement que, touché par la grâce du Tout-
puissant, j’ai embrassé cette foi de tout cœur et quoi qu’il m’en coûterait en ce bas-
monde. Embrasé par le désir ardent de partager ce bonheur avec d’autres, j’ai offert
mes services au Souverain Pontife afin d’être envoyé en mission dans mon pays. Le
Pape m’envoya chez son nonce à Paris qui pensait que mon cas causerait trop de
troubles alors que la plupart de mes amis, en France et à Rome, pensaient que ce
cas de figure ferait jurisprudence et ouvrirait la voie à cette mission. Quoiqu’il en
soit, ce n’est pas à moi de juger. Je me soumets donc au Pape comme au Christ.
Puisque mon impossibilité de servir mes compatriotes, de la façon la plus efficace à
mes yeux, n’amenuise pas mon désir de leur être utile, je pense rentrer chez moi au
printemps et être missionnaire parmi les miens. Cette lettre, que je vous adresse en
toute liberté chrétienne, a pour objet de vous prier ainsi que vos fidèles connaissances
de me procurer des controverses valables et d’autres livres qui dépeindraient
fidèlement notre doctrine, la vie des Saints, les meilleures traductions catholiques
de la Bible, avec tout autre livre exempt de préjugés et qui fasse avancer cette
grande tâche. Je suis certain que, vous aussi, vous désirez ardemment éclairer cette
région de l’Amérique (Nouvelle-Angleterre), qui fut, depuis sa création, l’un des
ennemis les plus fervents de la foi catholique. Je mets cela toutefois sur le compte de
l’ignorance car ils étaient candides et très sincères. Je m’attends à de grandes choses
de leur part car ils ont toutes les prédispositions à recevoir la grâce divine.
J’ai une grande confiance en Dieu bien qu’ils m’attendent peut-être avec des croix.
Mais la crucifixion précède toujours le couronnement. J’embarquerai au début du
printemps car je suis resté en Europe plus que de raison. Au regard du court délai
imparti, vous aurez la bonté de me répondre à cette lettre, à la première occasion,
par les mêmes voies d’où vous l’avez reçue.

Je me recommande humblement à vos prières et à celle de votre communion. Pensez


à moi, en particulier, dans le souvenir du saint sacrifice. Quoi que votre zèle vous
pousse à faire pour la bonne cause, je dois vous prier de prendre en charge à vos
frais les livres et le fret, étant dans l’impossibilité de subvenir à la moindre dépense.
Si vous êtes disposé à satisfaire ma demande, daignez avoir la bonté d’en choisir
les moyens puisque je n’ai pas d’adresse où les recevoir et que j’ignore encore quand
j’embarquerai.
Je suis votre humble serviteur avec tout le respect dû à votre sainte personne,

John Thayer

Paris, le 18 janvier 1784.

78
Si les prêtres ne sont pas forcément des artistes, Dieu les utilise, par leur
esprit, par leurs mains, à mettre en évidence, sa parole. Le prêtre, le
véritable prêtre, celui qui a été appelé, celui qui a reconnu et accepté la
Croix, dans la peur et dans le doute, de ne pas être à la hauteur ; celui-là
sait intuitivement, qu’il va affiner ses sens et sa Foi, et qu’ainsi, il sera une
sorte de fil conducteur, un agent de liaison entre Dieu et les hommes. Et
plus il souffrira dans son âme et dans son corps, et plus il se rapprochera
du Christ, de Dieu, et par delà, des hommes”.
Extrait d’un article de Jean de Baulhoo, sociétaire des Ecrivains Catholiques.

L a phase de découragement de John


Thayer fut de courte durée; nous
en avons une preuve irréfutable
dans la correspondance du Père jésuite
François-Charles Nagot, Supérieur et
pour l’avenir, d’après ce que le doigt de Dieu
a pris plaisir à opérer sur lui depuis cinq
ans, nous avons tout lieu de présumer qu’il
veut faire par lui de grandes choses.”

A
créateur du séminaire catholique St. Mary
de Baltimore. Il rapporte en effet dans ses près sa conversion, une voix
lettres ce que John Thayer fit après son intérieure lui avait dit, comme à
départ de Rome, voici ce qu’il nous en celui que notre Seigneur venait de
dit: “Vous me demandez un détail de la tirer de la puissance du démon, selon ce
vie qu’a menée en France M. Thayer depuis qui est rapporté dans l’évangile de saint
son retour de Rome en 1783. Il m’est aisé de Marc 5, 19.
vous satisfaire, vous et beaucoup d’autres
personnes qui m’ont témoigné le même Et il conserva toujours ce sentiment dans
désir. Je vais le prendre au moment où finit son cœur; cette voix intérieure dirigea,
sa relation : ce sera l’histoire suivie de ce à chaque instant, toutes ses démarches
cher néophyte jusqu’au temps présent, en à partir du jour où il quitta l’Italie pour
attendant qu’il plaise à Dieu de nous faire retourner en France, où il avait déjà passé
connaître de plus en plus ses desseins sur quelques mois en tant que pasteur. A Paris,
lui, et d’ajouter aux merveilles de sa grâce, il chercha une maison où il put étudier la
que vous connaissez déjà, les nouveaux religion catholique en homme qui veut,
traits de prédilection qu’il lui réserve dans non seulement en faire profession, mais
ses trésors ; car s’il est permis d’augurer aussi l’enseigner aux autres.

79
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

RETOUR EN FRANCE
LE COLLÈGE DE NAVARRE DE PARIS

I l entra d’abord au collège de Navarre à Paris.


Son extérieur était celui de la simplicité,
pour ne pas dire de la pauvreté depuis
qu’il avait reçu la grâce sur le tombeau du
grand serviteur de Dieu, Benoît-Joseph
Labre. Cette vertu , qu’il estimait et qu’il
chérissait autant qu’il la dédaignait
auparavant, était au centre de sa vie. Il
avait déjà tant fait parler de lui, qu’il fut
difficile de cacher qui il était lors de son
entrée, et tout le monde eut les regards
tournés vers lui. Comme la piété est
en honneur dans cette maison, l’une
des meilleures écoles de Paris, on fut
bientôt édifié de la foi et de la modestie
avec laquelle on le vit assister à tous les
exercices. La surprise augmenta et alla jusqu’à
l’admiration, lorsqu’après l’avoir vu très sobre
au réfectoire, on s’aperçut qu’il approchait tous
les jours de la Sainte table, et qu’il avait autant faim
du pain de vie qu’il montrait d’indifférence pour la
nourriture du corps. Sa douceur, son affabilité, les
petits traits d’histoire et l’humeur enjouée dont
il savait assaisonner les entretiens dans les
récréations communes, gagnèrent bientôt
tous les cœurs et il se fit plusieurs amis. Il
obtint permission de se retirer avec eux
dans un jardin voisin du collège, pour y
passer l’après-dîner et s’y entretenir de
Dieu : pendant les heures du soir, il les
rassemblait dans sa chambre, une des
plus petites et des moins commodes de
la maison. C’était l’image de la cellule
du prophète Élisée: un lit, une table,
une chaise et une malle y laissaient à
peine assez d’espace pour réunir cinq ou
six jeunes gens: la petite troupe s’installait
comme comme elle le pouvait ; il était
convenu avec John Thayer que chacun s’y
trouverait tour à tour afin de se présenter.

80
Le Pape Pie VI
(Souverain Pontife
de 1775 à 1799)

VATICAN - PAPE PIE VI - MÉDAILLE ANNUELLE DE 1783


Dès que les étudiants étaient entrés, avant
d’entamer la conversation, John nous
faisait mettre à genoux pour dire un Pater
et un Ave. C’était toujours au profit de la
piété qu’on s’entretenait, comme il arrive
L a gaîté ne fut jamais bannie de
ce cercle, formé par la véritable
amitié, celle des âmes pures et
innocentes. Il n’était pas permis d’y être
constamment sérieux, encore moins
dans toute société dont Dieu est l’âme et le triste et rêveur. John Thayer avait
centre. Chacun parlait de son histoire; elle toujours auprès de lui un crucifix qu’il
circulait lentement pour mettre en lumière aimait à contempler de son regard.
les traits d’édification propres à chacun.

81
U ne sorte de fièvre transparaissait
sur ses joues, l’émotion, l’autorité
de sa voix, l’amour de Dieu, faisait
resplendir en lui une lueur surnaturelle,
tout cela semblait miraculeusement réagir,
de plusieurs audiences et, qu’en plus de la
bénédiction qu’il lui avait accordée, le saint
Père lui avait fait présent de la nouvelle
médaille annuelle sur laquelle était gravé
son portrait. Le Père Nagot avait appris par
dans son ton, dans toute sa personne, ailleurs, par différentes lettres de Rome,
annonçant un profond recueillement de que plusieurs cardinaux lui avaient fait
l’esprit et du cœur, révélant ainsi à tous l’accueil le plus distingué. En revenant à sa
ceux qui l’approchaient que l’image de conduite au Collège de Navarre, il y avait
ce crucifix, qui dévorait son regard, était là-bas une confrérie de la sainte Vierge;
gravée dans son âme. Cette croix, il l’avait elle fut interrompue faute de fidèles. John
rapportée de Rome, elle lui était d’autant Thayer ne tarda pas à la faire revivre, au
plus chère et plus précieuse, qu’il l’avait grand contentement de tous ceux qui la
reçue de Sa Sainteté le Pape Pie VI ; sa fréquentèrent. Lors des assemblées, il
modestie lui a fait taire, dans ses échanges faisait une courte exhortation, tantôt sur
avec les étudiants, que le Pape l’avait honoré un sujet, tantôt sur un autre.
82
Le Collège de Navarre était l'établissement le plus
célèbre de l'Université de Paris, il a été fondé en
1304 par Jeanne de Navarre, le femme du Roi de
France Philippe IV le Bel. Le Collège de Tournai
a été rattaché au Collège de Navarre en 1636 et
celui de Boncourt en 1638. A la fin du XVIème
siècle, le Collège de Navarre a eu trois élèves
célèbres: Henri III, Henri IV et Henri de Guise,
au XVIIème; Richelieu et Bossuet et au XVIIIème;
Condorcet et André Chénier. Le Collège de Navarre
a été supprimé lors de la Révolution Française”.

Aquarelle représentant le Collège de Navarre, Paris.


Artiste: John Claude NATTES

Quoiqu’il s’exprimât en français avec qui avaient indisposé leur professeur,

O
beaucoup de difficulté, on l’écoutait et qui avaient mérité quelque punition.
toujours avec grand plaisir, tant sa rdinairement, il obtenait leur
simplicité pouvait toucher les cœurs grâce; plus d’une fois, les coupables
les plus tièdes. Le désir de gagner des en abusèrent. C’était surtout en
âmes à Dieu était sa grande passion. Son pareille circonstance qu’il brillait par sa
caractère naturellement liant, bien qu’il patience et sa charité. Il savait alors tirer le
semblât assez peu ouvert au premier bien du mal et changer les ingrats en amis
abord, gagna bientôt plusieurs étudiants devenus sensibles et reconnaissants. Ceux
du Collège. On le respectait autant qu’on qui avaient commencé par tromper son
l’aimait. Son regard “touchait le coeur” bon cœur et se jouer de lui, finissaient par

J
de sa simplicité, de son respect, de son rougir de leur supercherie.
authenticité et de son amour. John voulait amais on ne l’a vu donner les plus petits
les attirer vers Dieu, en leur offrant ses signes d’impatience. Tous, en un mot,
services, sollicitant particulièrement ceux les maîtres comme les étudiants

83
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

À Paris, en septembre 1784, Monsieur John Thayer fit une rencontre


qui détermina la suite de son destin, en la personne de Mgr Ponte
d’Albaret, évêque de Sarlat.

L
lui portaient une estime jusqu’à la
vénération et le regardaient comme un e séminaire de Saint-Sulpice lui
modèle de toutes les vertus évangéliques. fut désigné en guise de nouvelle

A
demeure. Une fois les intentions de
u bout de quelques mois de Mgr. l’archevêque signifiées, il fut placé
patience, Monseigneur de Juigné, sous l’autorité du Père Charles Nagot qui
archevêque de Paris, lui accorda s’estima trop heureux de posséder pour
une bourse d’études, comme il était quelques années un sujet si précieux à
d’usage pour les nouveaux convertis. Il l’Église.

E
ne pouvait pas trouver plus de lumières
et d’excellents conseils que dans le t c’est ainsi que John Thayer
supérieur infiniment respectable qui entra au petit séminaire de Saint-
est à la tête de l’église de France. John Sulpice de la communauté des
Thayer ressentait l’appel ecclésiastique Robertins de l’impasse Féron, près de
et désirait se disposer aux saints ordres. l’église Saint-Sulpice, le 18 octobre 1784.
Monseigneur de Juigné lui fit observer, Le Père Charles Nagot était heureux à
et il fut le premier à l’admettre, qu’il ne l’idée de revoir M.Thayer dans sa maison
pouvait bien s’y préparer qu’en entrant mais craignait beaucoup que la vie de
au séminaire, pour y suivre pendant séminariste ne puisse convenir à son
quelques années les enseignements, et y tempérament accoutumé depuis tant
apprendre avec la science ecclésiastique, d’années à avoir beaucoup de liberté.
le langage de la piété sacerdotale et de la Cela en effet fut un peu difficile pour
théologie. John Thayer pendant quelque temps de

L
s’assujettir à la règle de la maison mais il
a divine providence, qui tenait lieu s’y conforma et donna ainsi un nouveau
à John Thayer, de père, de mère et mérite à sa vie de retraite. Il se l’imposa
de frère, seconda ses besoins tout lui-même, comme une pénitence qui lui
à propos. Elle lui avait déjà fait trouver servait à expier ses égarements et comme
tout cela au Collège de Navarre et à la une préparation nécessaire aux saints
communauté des Nouveaux Convertis. ordres. Si, pour des raisons particulières,
Combien de séminaires se seraient il était obligé d’y déroger quelquefois, ce
disputé l’avantage de devenir sa maison n’était jamais sans permission. Durant
paternelle ! Monseigneur Joseph Anne- tout le temps qu’il a été au séminaire,
Luc Ponte d’Abaret, évêque de Sarlat, personne n’a paru plus fidèle à en
se trouvait alors à Paris. Ce prélat, qui observer toutes les pratiques, ni plus
l’avait rencontré, le 14 septembre 1784, obéissant aux volontés de ses supérieurs;
au Calvaire pendant l’exaltation de la personne aussi ne s’y est montré plus
sainte Croix, fut d’avis qu’il ne fallait charitable envers ses frères. Se regardant
pas tarder à entrer au séminaire. Il en comme le dernier de tous, en reprenant
discuta avec Monseigneur de Juigné, l’expression de saint Paul: “comme un
l’archevêque de Paris et Monseigneur le avorton dans la communauté”, il aimait
Nonce apostolique, qui, connaissant John à servir les autres. Se levant tous les
Thayer, furent tous du même sentiment. jours à quatre heures et demie, il a
84
Monseigneur Joseph Anne-Luc PONTE D'ALBARET,
Évêque de Sarlat de 1778-1790”

85
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

toujours voulu s’acquitter de la charge


de “réveilleur”, c’est-à-dire de porter
de la lumière au moment du lever dans
les chambres ; fonction qui fut d’autant
plus pénible pour lui, que jamais il ne
L e temps des vacances, il l’a employé
à faire trois sortes de voyages ou
pèlerinages. À la fin de la première
année, il alla passer cinq ou six semaines
à la Trappe, y vivant comme les religieux.
consentit à y mettre en hiver le plus petit Il voulait faire le voyage comme Benoît-
adoucissement, ayant catégoriquement Joseph Labre, en mendiant. Il demanda
refusé une chambre avec cheminée, lors par souci d’obéissance la permission
de son entrée au séminaire. au Père Charles Nagot ; mais il ne crut

D
pas devoir le lui permettre. Lui faisant
urant la rigueur exceptionnelle remarquer que cette conduite qui, dans
de l’hiver épouvantable 1783- d’autres temps, aurait pu être fort louable,
1784, comme pour témoigner de ne le serait pas aujourd’hui, et aurait
sa reconnaissance même plus d’un
envers saint Benoît- danger. Il se rendit
Joseph Labre, John aux raisons du
étudiait sans feu. Il Père Nagot, et
n’est guère possible n’insista plus sur
de porter plus ce point ; mais
loin la vertu de la sans mendier, il
pauvreté : elle n’a n’en observa pas
jamais été jusqu’à la moins la pauvreté
malpropreté ; mais évangélique,et
tout au plus a-t- conserva de cette
il consenti à ne pas manquer du plus vertu tout ce qu’il pouvait en retenir,
rigoureux nécessaire. hormis l’état de mendicité.

D
Tous les vendredis de l’année ont été
pour lui jours de jeûne ; une soupe avec ans toutes ses courses, il marchait
du pain et de l’eau, constituait tout son toujours seul pour méditer et
repas, et il a toujours servi ces jours-là au prier en voyageant. Jamais il
réfectoire pendant le dîner et le souper. n’a manqué en route de communier.
Il n’a jamais interrompu la pratique de Plusieurs fois en traversant un quelconque
la communion quotidienne qu’il avait village, on lui a refusé la communion, le
rapportée de Rome. Des centaines de prenant pour un aventurier. Mais John se
fois, on eut lieu d’admirer combien il contentait alors de prolonger son oraison
était touché de la grâce que Dieu lui avait et sa marche, jusqu’à ce qu’il eût trouvé
faite en le rappelant à la foi de ses pères. un village où l’on voulut bien lui accorder
Je bénis le Seigneur, et le bénirai toute le pain sacré qui faisait son principal
ma vie, de ce qu’il a daigné choisir notre délassement ; car il a fait tous ses voyages
séminaire pour préparer au service de à pied. Passant en Normandie, il se
son Église cette lampe vraiment ardente présenta dans un couvent de la campagne
et luisante. Avant de porter au loin la normande, occupé par de saintes
lumière, il a brillé ici par ses œuvres. C’est religieuses ; il espérait une réception un
une sorte de mission domestique et cachée, peu différente de celle qu’on lui fit. Il leur
qui a produit beaucoup de fruits que Dieu demanda s’il pouvait y entendre la Messe
seul connaît ; car je ne puis vous dire tout. et communier.

86
Paris, Église Saint-Sulpice, vers 1700.

L a crainte des religieuses devant cet


étranger les détermina à le refuser
avec toute l’honnêteté qu’inspire
la vertu, mais aussi avec toute la fermeté
qu’exige la prudence. Il supplia plusieurs
mois après, les religieuses qui l’avaient
refusé, ayant appris qui était celui à qui
elles avaient fait cet accueil, en furent
très affligées ; et, après s’être informées
de sa demeure au petit séminaire de
fois avec sa douceur et sa patience Saint-Sulpice de Paris, rue Férou, elles
ordinaires. décidèrent de lui écrire une lettre

O
d’excuse et de regret pour avoir failli à la
n ne crut pas devoir se rendre plus élémentaire loi sur la charité.
à ses désirs. Ce fut une petite

L
épreuve qui n’altéra nullement la
tranquillité de son âme. Il fut obligé de e 1er mai 1787, John écrivit du
faire plusieurs lieues pour trouver enfin petit séminaire de Saint-Sulpice à
ce qu’il souhaitait. Il était fort tard quand son frère Nathaniel, à Boston, une
il eut le bonheur d’arriver à une paroisse longue lettre polémique, pour répondre
où il y avait encore une messe à dire. Il aux observations et objections que celui-
l’entendit et y communia. Cinq ou six ci lui avait adressées contre sa conversion.

Le mystère de l’Eucharistie, qui m'avait paru si incroyable, est devenu


pour moi une source intarissable de délices spirituels. La confession, que
j'avais regardée comme un joug insurmontable, me semble infiniment
douce par la tranquillité qu'elle produit dans mon âme. John Thayer.

87
Archevêque de Paris, Duc de Saint-Cloud et Pair de France.

88
Le Père jésuite, François-Charles Nagot, qui était en 1784 le
Supérieur du petit séminaire Saint-Sulpice de Paris, nous
rapporte dans ses lettres que, sur la recommandation auprès du
Nonce apostolique de Monseigneur Leclerc de Juigné, Archevêque
de Paris et de Monseigneur Ponte d’Albaret, évêque de Sarlat,
une bourse et son droit d’entrée au petit séminaire Saint-Sulpice
furent accordés, le 18 octobre 1784,à Monsieur John Thayer, après
discussion et en toute unanimité.

Monseigneur Antoine-Éléonor-Léon Leclerc de Juigné de


Neuchelles est né à Paris, le 2 novembre 1728. Il descendait d’une
ancienne famille du Maine. Frère du Marquis de Juigné, il était
à peine âgé de six ans, lorsqu’il perdit son père, colonel du régiment
d’Orléans, tué en 1734, à la bataille de Guastalla. Nommé
agent général du clergé en 1760, il géra les intérêts des affaires
ecclésiastiques pendant cinq ans. Il refusa le 16 novembre 1763
l’évêché de Comminges mais fut nommé, le 28 décembre 1763, à
l’évêché comté-pairie de Châlons. On ne lui permit pas de second
refus. Mais le 22 décembre 1781, de la propre autorité du bon Roi
Louis XVI, il fut désigné comme Archevêque de Paris.

89
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

E n 1786 pendant les vacances de sa


seconde année d’études au petit
séminaire de Saint-Sulpice, John
Thayer fit, entre autres, le pèlerinage
d’Amettes, patrie du vénérable Labre, en
réponse à la lettre adressée par un soldat
américain, qui, n’ayant d’abord aucune
religion, avait été converti et instruit à
Cambrai, et où il le priait, en qualité de
compatriote, de lui servir de parrain. Il
honora bien volontiers cette demande et
parcourut la route à pied jusqu’à Cambrai,
pour imiter son bienfaiteur, Benoît-Joseph
Labre.

L ors de sa première visite à Amettes,


il rencontra les parents Labre
et les oncles, à savoir le doyen
de Walincourt, l’Abbé François-Henri
Vincent et l’Abbé Bonaventure-Joseph
Vincent, alors curé d’Oeuf. Cette entrevue
avec la famille Labre a laissé peu de traces
écrites.

Je défendis la sainteté du vénérable Benoît-Joseph Labre et je déclarai


que j'avais plus de preuves de la vérité de ses miracles que je n'en
exigerais pour quelque fait que ce fût. De plus, pour ne pas rougir
de Jésus-Christ, j'invitai un grand nombre d'amis à être témoins de
mon abjuration : plusieurs plaignirent ma faiblesse, quelques-uns s'en
moquèrent ; mais Dieu, qui m'a appelé à la foi, m'a soutenu, et j'ai
cette ferme conviction qu'il me soutiendra jusqu'à la mort.

90
91
92 Amettes la maison natale de saint Benoît-Joseph Labre
Ce que le texte du récit de sa conversion ne dit pas, c’est qu’après être devenu
catholique, John Thayer fit le pèlerinage d’Amettes. On le sait d’après une
note très courte que François Crépin a retrouvée dans les dernières pages
d’un registre intitulé « Seigneurie, terre, château et baillage de Lières ».
Elle fut rédigée par un certain Louis Tilloy, le greffier de l’époque (1786).
Pour mémoire, Lières est un village d’Artois tout proche d’Amettes (environ
4 km). Voici cette note du registre de la paroisse dont l’orthographe a été
respectée mot pour mot:
« Le 14 septembre 1786, Jean Tayer qui étoit un prédican de Boston en
Amérique, est venu à Lières. Il avoit fait abjuration de ses erreurs à Rome
peu de jours après la mort de Benoît-Joseph Labre. Il étudie à Paris pour
se faire ordonner prêtre catholique : il est âgé d’environ 25 ans. »

Mais pourquoi le trouve-t-on à Lières à cette date ? François Crépin en


a découvert la raison en feuilletant les registres de catholicité de cette
paroisse. L’année précédente, lors d’un baptême célébré le 22 mars 1785,
le parrain de l’enfant n’est autre que Louis Vincent Labre, natif d’Amettes
et demeurant dans cette paroisse depuis 5 mois. Or Louis-Vincent est
le douzième enfant de la famille Labre dont Benoît-Joseph est l’aîné ; il
commence ses études au séminaire de Laon à Paris en 1785, alors que
John Thayer est déjà à celui de Saint-Sulpice, à Paris également. Il est
donc pratiquement certain que l’ancien pasteur fut l’hôte de Louis-Vincent
Labre à Lières et ils se rendirent ensemble à la maison natale d’Amettes.
(Nous sommes en 1786 : Jean-Baptiste Labre, le Père de Benoît-Joseph ne
mourra qu’en 1791 et son épouse Anne-Barbe Grandsir en 1804)

Voilà qui corrobore l’information selon laquelle il aurait rencontré les


parents de Benoît-Joseph, authentifiant les notes des cahiers de l’oratoire
Saint-Joseph… la joie et la fierté des parents de Benoît-Joseph lors de
cette rencontre dut être grande. ( Cette anecdote se retrouve dans l’ouvrage
suivant de François Crépin, Lières en Artois : « Entre Lillers et Amettes »
Broché - 1er janvier 1981 - 217 pages).
93
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

C ’est en vertu des lettres dimissoriales


(Ecrit officiel par lequel un évêque
autorise un autre évêque à conférer
les ordres sacrés à l’un de ses diocésains)
venues de Rome, qui donnaient
pouvoir à Mgr de Juigné, Archevêque
de Paris, de l’ordonner prêtre, sous
le titre: “Mission de l’Amérique
septentrionale, ou des nouveaux
États-Unis”, que la cérémonie
d’ordination put avoir lieu.

A près avoir effectué sa


troisième année d’études de
théologie au petit séminaire
de Saint-Sulpice sous la direction
de son Supérieur, le Père François
Charles Nagot, John Thayer fut
finalement ordonné prêtre catholique,
le samedi 2 juin 1787, des mains de
Monseigneur l’Archevêque de Paris,
Antoine-Éléonor-Léon Leclerc de Juigné,
la veille de la fête de la Sainte Trinité.
Le lendemain, il chanta solennellement
la grand’ messe dans la paroisse de
l’église Saint-Sulpice. Ce fut un spectacle
singulièrement attendrissant pour les
fidèles qui y assistèrent, et qu’une pieuse
curiosité avait attirés en grand nombre. Souvenez-vous de l’excellence de

P eu de temps après son ordination le votre dignité de prêtre, souvenez-


Père John Thayer fit, depuis Paris, un vous toujours de votre consécration.
deuxième voyage à Amettes et quatre
voyages à Londres. Prenez garde de dégrader cet
Lors de son voyage à Amettes, le Père
John Thayer s’arrêta à Boulogne-sur-Mer auguste caractère, respectez vos
pour y célébrer la messe en compagnie mains sanctifiées par l’onction
de Monseigneur de Partz de Pressy, dans
l’église des Ursulines. Il s’y appliqua même divine, soyez, par la pureté de vos
à instruire beaucoup de demoiselles moeurs, les modèles des Peuples
anglaises protestantes, pensionnaires dans
les couvents des religieuses annonciades et que vous accompagnez, et tracez-
ursulines. Ses conseils y furent couronnés
d’heureux succès, par les fortes impressions leur par vos exemples, la route qui
qu’il fit sur plusieurs d’entre elles. Il réussit mène au royaume céleste”.
même à convaincre deux religieuses
anglaises à partir en Amérique, en sacrifiant Monseigneur Antoine-Eléonor-
ainsi tout ce qui pouvait les attacher au Léon Leclerc de Juigné, Archevêque
sol natal, pour aider à la conversion des
peuples du Nouveau-Monde. de Paris (Lettre Pastorale de 1782).
94
Monseigneur de Partz de Pressy
organisa une nouvelle rencontre avec
la famille Labre qui reçut le Père John
Thayer en hote de marque. Cette fois-ci,
il logea dans la maison quelques jours
et dormit dans la chambre de Benoît- Amettes, la maison natale du
Joseph. Monseigneur de Partz de Pressy
parle du Père John dans ses ouvrages; il Saint Vagabond”.
l’appelle “un homme d’une grande piété,
jointe à un grand désintéressement,un
homme très instruit et fort éclairé.”

95
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

I l demeura lors de son dernier voyage


à Londres toute une année, logeant
d’abord dans un des meilleurs
de secours temporels et spirituels. Dans
ce faubourg se retiraient les mendiants et
les enfants des familles les plus pauvres

S
quartiers, mais du fait de son amour de la ville.
pour les pauvres, de par la grâce reçue on premier soin fut d’y rassembler
du pèlerin Benoît-Joseph Labre, il choisit les enfants qu’il trouva dans un
de loger, non loin de Borough-road dans manque total d’instruction. Les
l’arrondissement de Saint Georges Fields, catholiques y étaient en assez grand
quartier de Londres, qui était habité par nombre et le Père John Thayer devint
ceux-là mêmes qui avaient le plus besoin en quelque sorte le curé du lieu.

Amettes, de nos jours.

96
Tous les dimanches et fêtes, il se rendait à Rome sur le tombeau de celui qui faisait
dans un endroit qui, par sa situation, vibrer son cœur et son âme de cet amour
sa simplicité et son obscurité rappelait qui était sa règle de conduite.

S
assez le souvenir des lieux souterrains
des catacombes où se réunissaient les on logement était l’image de la
chrétiens des tous débuts de l’Eglise. C’était pauvreté. Jamais il ne fit de feu durant
une ancienne manufacture de fabrication tout l’hiver, et cette année-là, l’hiver
d’épingles métalliques désaffectée, que les fut très rude. Sa nourriture ressemblait à
catholiques de l’endroit avaient réparée, à tout le reste. Du pain et de l’eau avec un peu
frais communs pour en faire leur église; et de légumes, tel était son repas ordinaire.
ce fut le lieu principal où le Père John Thayer Lorsqu’on lui témoignait de la surprise sur
exerça son premier ministère apostolique. la vie dure qu’il menait, ou qu’on lui faisait
L’assemblée dominicale était composée à cet égard quelques représentations, sa
ordinairement de deux cent cinquante réponse était : “Que voulez-vous, nous ne
fidèles. Le Père John y célébrait la Sainte sommes pas meilleurs que notre maître”.

L
Messe et les vêpres, prêchait et instruisait
deux fois le jour et quelquefois plus. Trois e Père John s’était fait un principe
jours de la semaine étaient destinés à la de vie, celui de n’accepter aucune
confession. Il lui est arrivé souvent d’être invitation à dîner ou à souper en
encore au confessionnal jusque très tard ville. Il n’y dérogea pas une seule fois.
dans la nuit. La douceur et l’amabilité Une des raisons qu’il alléguait, lorsque
dont il accompagnait son sacerdoce, sa de riches personnes l’invitaient, était
patience infatigable, son ardent amour la crainte de perdre du temps, qu’il
pour Dieu et sa tendre charité pour tous était désireux de consacrer à la gloire
lui gagnèrent rapidement l’estime des de Dieu et au service du prochain.
paroissiens. La plupart étaient de pauvres Jamais personne n’a été plus avare de ses
Irlandais catholiques. Le charisme du moments. Il partageait sa journée entre la
Père John se communiquait tellement à méditation, la prière, l’étude et les travaux
ses fidèles, que, chaque jour, arrivaient de du ministère. Il se levait régulièrement à
nouvelles personnes. “Allez, allez voir le quatre heures et demie; après son lever, il
Père John Thayer”, disaient les pécheurs ou faisait son oraison, récitait le saint office
les incroyants qu’il avait convertis. A tous et étudiait jusqu’à huit heures, temps où il
ceux qui espéraient un retour vers Dieu, avait coutume de célébrer la sainte messe.
certains disaient: “Vous ne l’aurez pas vu et Deux morceaux de pain et un verre d’eau
entendu une fois, que vous l’aimerez comme faisaient son déjeuner, après lequel il allait
votre père et le respecterez comme un ange ou exhorter les pécheurs, ou visiter les
venu du ciel”. malades, ou faire quelque autre œuvre

L
de bien. La frugalité de ses repas était
e changement que le Père John extrême; il les prenait pendant la lecture
Thayer opéra dans la croyance et sainte qu’il écoutait en silence. A peine
les mœurs d’un grand nombre, sorti de table, il reprenait ses œuvres
par ses exhortations, soit publiques, soit de charité, ou donnait parfois quelque
privées, tenait vraiment du prodige. Il instant pour converser avec quelques amis
eut la consolation de ramener trente- vertueux, parlant toujours d’un langage
six personnes non croyantes dans le sein inspiré de l’esprit de Dieu. Le Père John
de l’Eglise catholique. Et bien d’autres savait toutefois assaisonner de temps en
conversions encore... temps ses entretiens de traits d’humour,
Un vrai apôtre est toujours un modèle ou de bons mots que lui suggérait la gaîté
de pénitence. Le Père Thayer était trop de son caractère; c’était ce même caractère
convaincu de cette vérité qu’il avait reçue qu’on avait remarqué en lui à Paris.

97
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

U ne grande partie de ses soirées,


pour ne pas dire de ses nuits
était employée à distribuer les
aumônes qu’il avait recueillies dans les
maisons des riches; elles étaient toujours
réalisation. L’espérance du Père John ne
fut pas trompée et la semence de la parole,
qu’il venait de répandre dans l’assemblée,
lui rapporta non seulement de quoi faire
subsister ses deux écoles, composées
accompagnées de quelques paroles de chacune de cinquante élèves, mais encore
consolation. Ordinairement il disait aux de quoi les perfectionner et les étendre.
pauvres, qu’il soulageait, qu’il était un Un jour, alors que le Père John était en
indigne instrument de la bonté divine: chemin pour ses œuvres de charité, il fit la
c’était par là qu’il donnait ouverture aux rencontre d’un jeune homme. Or ce jeune
sages et pieuses prières et exhortations homme s’était dit qu’il allait insulter la
qu’il leur adressait. De temps en temps, il première personne qu’il rencontrerait en
allait souvent visiter les prisonniers et leur son chemin. Eh bien, la Providence voulut
administrait les sacrements. que ce soit sur le Père John Thayer que

I
tomba l’aventure. L’Anglais, soupçonnant
l n’avait rien de plus à cœur que de qu’il était prêtre, lui adressa la parole avec
donner une existence stable aux deux véhémence, et joignant le geste à la parole
écoles qu’il avait formées l’année se mit à frapper le Père en lui criant “Fais
précédente. Durant son dernier séjour à pénitence de tes péchés et renonce à ta
Londres, il augmenta beaucoup le nombre magie”.

L
des élèves. Il lui fallait des secours; mais
la divine Providence lui faisait trouver e Père Thayer le regarda avec bonté,
des ressources nécessaires dans la charité puis lui demanda avec douceur,
des dons donnés par de riches personnes, les raisons qui l’avaient poussé à
auprès de qui il allait plaider la cause des agir ainsi. Le jeune homme, prenant un
pauvres enfants qu’il voyait abandonnés; ton plus calme, lui demanda de le suivre
et, pour rendre son œuvre durable, voici dans sa maison. Celui-ci l’accompagna.
une solution que lui suggéra son charisme. Arrivé chez lui, l’aventurier se disait
Quelques jours avant son départ, il invita disciple d’un prophète : son maître ne
un certain nombre de catholiques à se se trouvait pas alors dans son domicile.
rendre dans une maison de campagne Aucune importance, le Père Thayer lui dit
qui n’était pas éloignée de la ville, pour qu’il aimerait avoir une entrevue avec ce
y dîner tous ensemble. On n’eut pas de prophète et le quitta par ses mots : “Priez-
peine à trouver des convives. La petite le de venir me voir”. Quelques instants
société fut composée de tout milieu social, plus tard, le prophète parut, le Père
tout à fait au gré du Père John Thayer. Le Thayer ne lui révéla pas qu’il était prêtre
repas se fit avec la frugalité convenable catholique. Ils discutèrent de religion. Un
à des chrétiens que la charité réunit à la des premiers propos du prophète fut qu’il
même table. Comme l’innocent festin se disait touché par la grâce comme saint
n’était qu’une préparation à une œuvre Paul. Il ajouta que, lui seul, avait sur la
sainte, dès qu’il fut fini, M. Thayer fit, à la terre le pouvoir de pardonner les péchés,
compagnie, une exhortation familière sur que le Saint-Esprit agissait en lui d’une
l’importance et la nécessité de l’instruction manière toute particulière, en lui inspirant
des pauvres. Elle fut suivie d’un autre de saints gémissements qu’il ne faisait pas
discours prononcé par un enfant de éprouver à d’autres. Il en exprima plusieurs
l’une des écoles du Père John. Il proposa et conclut en demandant au Père Thayer
ensuite le plan d’un établissement durable s’il pouvait faire et dire les mêmes choses
et permanent et leur demanda pour cela que lui. « Je vous avouerai, lui répondit le
de mettre en place une souscription afin Père Thayer, que jamais je n’ai entendu de
d’en récolter les fonds nécessaires à sa pareils gémissements, mais je voudrais

98
Londres, le faubourg populaire de Borough-High-street, Southwark”.

99
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

savoir quel est votre Credo et connaître les fit sa profession de foi catholique
dogmes dont vous faites profession. » entre les mains du Père Thayer, le 24
Pour toute réponse, le prophète s’excusa, octobre 1788. Ce fut une des dernières
ne pouvant lui répondre car prétextant que conversions dont le Père John a été
sa révélation n’était pas encore achevée. Ils l’instrument avant de quitter Londres.
se quittèrent donc en se promettant de Tout prêtre catholique qu’était John Thayer,
se revoir. Le Père John Thayer ne tarda plusieurs pasteurs protestants le voyaient
pas à le revoir. Après avoir conversé avec souvent; ils s’entretenaient toujours avec
lui quelque temps, lui laissant toujours lui sur des motifs de foi, dans un esprit de
ignorer sa religion, le Père décida de modération et de paix, parce qu’il savait
révéler qui il était et déclara enfin qu’il les gagner par sa douceur, et s’en faire des
était prêtre catholique; et qu’il ne voyait amis. Parmi ceux dont on lui parla, il y
pas de divine vérité dans ses propos de avait un dénommé Wincheiter, pasteur
prétendu prophète. Il tenta même de protestant, né comme lui en Amérique,
le ramener à d’autres visions cherchant et l’on disait de lui qu’il était un homme
à le persuader de la vérité de la foi en avec beaucoup d’esprit. Il avait été élevé
Dieu, le faux prophète demeura dans et instruit par un pasteur américain, dont
l’aveuglement sourd aux exhortations la doctrine disait : « Dieu, quelque temps
que lui adressait le Père Thayer. Le jeune après la fin du monde, sauvera les âmes
Anglais, disciple du soi-disant prophète, de l’enfer ». Wincheiter renchérissait sur
était présent. Il confessa son erreur, et son maître et prétendait que les démons
dès lors, le Père John fut maître du jeune eux-mêmes verraient aussi la fin de leurs
homme et il entreprit de l’instruire à tourments.

C
fond de la foi catholique. Le cœur étant
rendu, il lui fallait achever en lui l’œuvre omme le Père Thayer connaissait
de la grâce, et le rendre capable d’abjurer. en Amérique plusieurs parents
Quand le Père Thayer eut bien instruit de ce pasteur protestant, il
son néophyte, celui-ci retourna chez son rendit visite au pasteur Wincheiter en
premier maître, et après lui avoir exposé qualité de compatriote, sans lui révéler
les différents points de la foi catholique, qu’il était prêtre catholique. Après les
il lui demanda ce qu’il en pensait. Chose usages et compliments ordinaires, il lui
bien remarquable, le prophète, loin de demanda qu’il aimerait bien entendre
contester et de le contredire, le confirme son raisonnement sur ce qu’il enseignait
dans les sentiments dont il venait au sujet de ce qu’il disait des âmes
d’entendre l’exposé, jusqu’à lui fournir de condamnées au supplice de l’enfer.
solides arguments en faveur des dogmes Un des plus forts arguments du pasteur
de l’Eglise romaine. Il insista en particulier fut de l’entretenir sur l’autorité du grand
sur le pouvoir que le Seigneur avait laissé Origène (c’était son expression), qu’il avait
à son église, celui de remettre les péchés, soutenue dans le second siècle. « Cette
soutenant qu’après lui, c’était à elle qu’il doctrine, observa-t-il, a été longtemps
fallait s’adresser pour l’obtenir car il se obscurcie, et, depuis l’époque fatale de la
disait lui-même au-dessus de tout, et se nuit papistique, elle est demeurée comme
regardait comme revêtu de la puissance ensevelie dans les plus épaisses ténèbres;
principale. mais la nouvelle réforme a commencé

P
enfin à la remettre sous la lumière, et
our cette fois, ce nouveau Balaam peu à peu vous la verrez, dit-il, reprendre
prophétisa si bien, que son ancien son premier éclat.» le Père John Thayer,
disciple ne voulut plus l’être, et le laissant toujours ignorer qu’il était
s’attacha désormais uniquement aux catholique, après l’avoir laissé parler,
paroles de l’évangile que lui avait révélé sans témoigner ni mécontentement ni
le Père John Thayer. Ce jeune Anglais
10 0
L
surprise, parla à son tour, et discuta avec
beaucoup de tranquillité. Le ministre orsque le Père Thayer lui fit son
l’écouta avec intérêt et dans le plus grand adieu, il lui avoua que depuis qu’il
calme. Loin de marquer du mépris pour avait commencé ses lectures, il
les raisonnements qu’il venait d’entendre, croyait davantage aux miracles qui y
il parut estimer celui qui venait de sont rapportés, ajoutant qu’il ne pouvait
conférer avec lui. L’entretien se termina se défendre d’un grand sentiment de
donc par une promesse de se revoir. Les respect pour la religion catholique, et
visites furent fréquentes, et Wincheiter il en donna une preuve éclatante. Peu
témoignait toujours beaucoup d’amitié au de jours avant le départ pour les Etats-
Père, dont il ne paraissait pas soupçonner Unis du Père Thayer, Wincheiter voulut
la religion. Chaque fois, c’était de nouvelles assister à une confirmation. Il s’y rendit
déclamations contre les papistes. Le avec lui, accompagné de sa femme; et,
préjugé alla jusqu’à lui faire dire que après la cérémonie, il se jeta aux pieds de
jamais il n’aurait le courage, et ne pourrait l’évêque catholique en lui demandant sa
pas même dormir dans une maison bénédiction. Enfin, le Père John Thayer,
habitée par des catholiques. « Pour moi, ayant reçu d’Amérique des nouvelles
lui répartit le Père Thayer, toujours avec telles qu’il les attendait depuis longtemps,
la même douceur, je ne vous dissimulerai fit ses adieux à son cher troupeau de
pas que je n’en ai pas une opinion tout à Londres. Le lieu ordinaire de l’assemblée,
fait si désavantageuse. J’en ai fréquenté qui était toujours bien rempli lors de ses
beaucoup, j’ai lu beaucoup de leurs auteurs, prêches, ne put contenir que la moitié de
je m’attendais à trouver chez eux mille ceux qui vinrent l’entendre à son dernier
absurdités; leur doctrine, au contraire, m’a discours. Il avait autant d’auditeurs au
paru fort raisonnable. » Le pasteur allégua dehors qu’au dedans. Il eut à peine ouvert
tout ce qui put lui venir à l’esprit de plus la bouche pour leur annoncer la nécessité
favorable à la sienne, prit avec chaleur la où il était de prendre congé d’eux, et leur
défense de la réforme, et n’épargna pas les témoigner la douleur que lui causait
injures contre l’Eglise romaine. Après lui cette séparation, que tous fondirent en
avoir donné tout le temps de s’expliquer, larmes. Le Père leur rappela en peu de
le Père Thayer ne voulut pas garder plus mots les leçons les plus importantes qu’il
longtemps le silence sur lui, et lui dit en leur avait données pendant sa mission, et
souriant : « Eh bien ! C’est à un prêtre insista particulièrement sur les desseins
catholique que vous parlez, mon cher de la miséricorde divine dans l’œuvre
Pasteur ». Cette parole le frappa et le de sa propre conversion: “Qui sait, leur
déconcerta et il n’osa plus ouvrir la bouche. dit-il en substance, si ce n’est pas pour
Il repensa à ce torrent d’injures qui était votre salut que la bonté divine a daigné
sorti de sa bouche contre les papes et m’éclairer, et que la main du Seigneur m’a
les papistes, et à la douceur inaltérable conduit au milieu de vous ? Peut-être la
qu’avait montrée son adversaire toutes les Providence ne m’a-t-elle retiré de l’erreur
fois qu’ils avaient conféré ensemble. Cette que pour m’ordonner de venir porter ici le
réflexion l’ébranla davantage que tous les flambeau de la foi à plusieurs. Travailler
autres arguments et, il ne fut plus jamais le à vaincre l’endurcissement de quelques-
même homme à partir de ce jour. Le Père uns et ranimer la piété toute languissante
Thayer le laissa mais lui procura beaucoup des autres. Peut-être les instructions que
d’excellents livres où il pourrait étudier je vous ai faites sont-elles le dernier rayon
et reconnaître par ses propres yeux la foi de grâce que le ciel vous a réservé; et qu’il
dont les catholiques font profession. Entre sera terrible le compte que Jésus-Christ
ces différents ouvrages, celui qui l’a touché vous en demandera au dernier jour ! Car
le plus, c’est la lecture de la Vie des saints. nous paraîtrons, vous et moi, au tribunal

101
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

de ce grand juge : moi, pour répondre de de délai pour se mettre entre ses mains
l’usage que j’ai l’ait de la grâce du saint et exécuter enfin le projet de conversion
ministère, en vous enseignant, en vous qu’ils formaient bien sincèrement. C’était
exhortant en son nom; et vous, pour un spectacle qui retraçait celui des fidèles
répondre sur les fruits que vous en aurez de Milet et d’Ephèse, se jetant au cou de

I
retirés”. saint Paul, et l’embrassant les larmes aux
l termina sa prédication en leur yeux, lorsqu’il les quitta pour se rendre à
recommandant, avec beaucoup Jérusalem. Mais Dieu appelait son prêtre
d’insistance, de ne pas oublier dans une autre terre; et, quoiqu’il lui en
d’invoquer les saints, de prier pour leurs coûtât infiniment pour s’arracher à ses
frères et sœurs défunts, une tendre piété amis et à tous ceux de son cher troupeau
pour les saints anges et une fervente qu’il chérissait comme une mère chérit
dévotion à la mère de Dieu. Ce dernier ses enfants, il leur dit le dernier adieu.
discours produisit beaucoup de fruits. Jamais séparation ne fut plus pénible de
On marquait le plus grand empressement part et d’autre, il ne s’en consola que dans
à le voir encore une fois, lui demander la confiance où il était en digne ouvrier au
sa bénédiction et se confesser à lui. service du Seigneur qui les abandonnait
Plusieurs auraient voulu le retenir encore et leur donnerait tous ses soins.
et venaient lui demander quelques jours

Ensuite m'adressant à la Sainte Vierge elle-même : « Mère tendre, lui


dis-je, s'il est permis d'implorer votre secours, aidez-moi dans l'état
misérable où je suis. C'est par vous que le Sauveur est venu à nous, c'est
par vous que je désire aller à lui. Les Ecritures m'apprennent que c'est
par votre moyen que s'est opéré le premier miracle de la foi évangélique,
dans l'ordre de la grâce. Ne me refusez pas votre bienveillance ; je ne
le mérite pas, il y a trop longtemps que je vous méconnais ; mais je
commence, en tremblant, à m'adresser à vous : intercédez pour moi
auprès de votre divin Fils.” John Thayer

10 2
Photos de la vierge à l’entrée du Séminaire de Saint-Sulpice (Issy-les-Moulineaux) 103
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L ’ P a r is
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r e t u i n
1 8 J
le

10 4
105
Le Père John Thayer arrive à Paris le 18 juin 1789, en pleine tourmente
révolutionnaire; dans la capitale, depuis la veille, 17 juin, les députés du Tiers
état se proclament Assemblée nationale constituante soutenue par le Jacobin
Mirabeau, surnommé l’orateur du peuple. Ils s’octroient le vote de l’impôt,
bravant ainsi l’autorité du Roi Louis XVI. Le 20 juin 1789, ce sera le Serment
du Jeu de Paume, symbole du combat pour la souveraineté populaire et, partout
dans la capitale, le peuple vocifère qu’un complot des nobles pour affamer le
peuple est en marche, le tout repris en coeur par le club jacobin. Dans les rues,
la rumeur circule que le Roi veut faire avorter les Etats Généraux. La tension
monte chaque semaine un peu plus car le Roi masse sans cesse des troupes et
dans la capitale et alentour (30 000 hommes de troupes); à partir du 22 juin
1789, il est décidé à intervenir. Il veut commencer par écraser militairement la
mobilisation du Tiers état à Paris et sa région vers le 13 juillet. De nombreux
régiments sont appelés des frontières et diverses garnisons pour réaliser ce coup
de force...

Dans ce récit de la vie du Père John Thayer, j’ai essayé de reconstituer ce qu’il
aurait pu entendre dire sur ces événements dans la capitale pendant son séjour,
sans en altérer bien entendu le contenu historique.

Contrairement aux usages de l’époque, il va rendre visite à son ancien supérieur


sans se faire annoncer. Le Père Thayer va directement au séminaire Saint-
Sulpice et annonce au Père François-Charles Nagot que Mgr Carroll lui a
ordonné de rentrer en Amérique. Dans sa correspondance, le Père Nagot reste
très évasif au sujet de la visite de Thayer et en livre peu de détails. Nous ne
saurons probablement jamais les raisons profondes qui l’ont conduit à Paris en
cette période trouble et dangereuse... le doute subsiste. Avait-il mission avant son
départ auprès des Sulpiciens ??...”

10 6
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

L a confiance du Père John Thayer en la


Divine Providence était inébranlable.
Avec empressement, il se prépara
pour cette nouvelle mission. Il quitta
Londres et prit le bateau pour la France.
sombrer dans l’anarchie …”
Un peu abasourdi, le Père Thayer pressa le
pas et s’éloigna loin des bruits de la foule. Il
arrive bientôt en vue de la rue Férou et de
celle du Pot-de-Fer à la porte du séminaire
Une fois en France, contrairement à son de Saint-Sulpice. Son ancien supérieur, le
habitude de flâner d’un endroit de dévotion Père Charles Nagot, l’accueille fort surpris
à un autre, le Père Thayer décida cette fois- de le voir ainsi à Paris avant même qu’il
ci de ne pas s’arrêter en route. Rien ne le eût pu lui donner avis de son retour…
retarda et ce fut le 18 juin 1789 qu’il arriva Heureux d’être à nouveau en sa présence,
à Paris. Là-bas, il constate les prémices de John annonce au Père Nagot la bonne
la Révolution en marche vers son destin nouvelle reçue d’Amérique :
funeste. Chemin faisant, John Thayer
découvre une ville où l’effervescence bat - “Je vais aider et servir mes compatriotes
son plein. Il lui suffit de tendre l’oreille qui ne connaissent pas l’église catholique.
le long des venelles ombreuses et des Mon souhait prédominant, le seul désir qui
passages étroits pour entendre le peuple me tienne à cœur est d’accroître, autant
parisien parler partout des déclarations que faire se peut, la prédominance de la foi
du Tiers état et de son projet d’assemblée véritable qui me réjouit et me réconforte
nationale constituante. à présent. Je n’ai pas d’autre ambition
en dehors de cela ; C’est dans ce but que
- “Une décision suscitée par la bourgeoisie je rentre dans mon pays, avec l’espoir,
du club des Jacobins qui ne rêve que d’une malgré mon indignité, d’être l’instrument
chose : accéder au pouvoir ! ” disent les uns. de la conversion de mes compatriotes ; ma
conviction de la vérité de l’Eglise catholique
- “Oui et elle est soutenue par Mirabeau, de Rome et ma gratitude envers cet appel de
l’orateur du peuple” vocifèrent les autres. la grâce vers la foi véritable sont telles que
je les scellerais volontiers avec mon sang, si
Les nouvelles déambulent dans les petites Dieu m’accordait cette faveur, et je ne doute
rues jusque sur les places où grouille pas qu’il me permette de le faire.”
une population à l’écoute de ces petits
comptoirs à palabres de la vie quotidienne. - “ Voilà bien un signe du ciel, mon cher
Les rumeurs investissent ainsi tous les enfant, tu repars en Amérique au moment
lieux publics où certains orateurs, plus où l’église de France est menacée dans sa
concernés que d’autres, haranguent les liberté, et dans son existence même. Les
personnes qui s’élèvent contre leurs événements ici montrent combien l’heure
discours. est grave. Le roi Louis XVI a tenu une séance
royale et résiste à l’épreuve de force du Tiers
- “Mirabeau ! Mirabeau veut vous donner état, je pressens une menace grandissante et
une constitution afin d’éviter à la France de de sombres jours pour la France,

107
et ils me semble qu’ils sont déjà aux portes et d’y attendre le moment de son
de la capitale.” Le Père Emery et lui-même embarquement.”
devaient suivre de très près et avec lucidité Sans attendre, dès le lendemain, John Thayer
tous les événements qui se produisaient à écoutant les conseils du Père Nagot, prit la
Paris à cette époque. Dans les rues circulait décision de régler rapidement les formalités
une rumeur annoncant une révolte dans le pour embarquer à Nantes. C’est dans cette
Brabant et faisant état de troupes envoyées ville que l’on équipait plusieurs bâtiments, en
par l’empereur Joseph II; apparemment les partance pour Boston ou pour quelque autre
soldats occupaient Bruxelles. ville des Etats-Unis. C’est donc au séminaire
La misère est partout considérable et qu’il attendit le moment du départ.
n’épargne personne. Le peuple a faim et des L’Abbé John Thayer se mit en route le 8
émeutes éclatent un peu partout. L’hiver juillet 1789, faisant un adieu attristé au
1788-1789 fut particulièrement froid, la Père Charles Nagot, quittant Paris, où
France grelotte; nombreux sont ceux que s’étaient massées à la demande du roi,
l’on retrouve morts de faim et de froid un d’importantes troupes du régiment suisse.
peu partout, parfois même à deux pas de John prit le chemin d’Orléans et de Tours,
leur maison, quand ils en ont une... afin de visiter le tombeau de saint Martin
Le Père John décida de rester au séminaire
10 8
Il y a une pensée qui arrête la
pensée, et c’est à celle là qu’il
faut faire obstacle. C’est le mal
suprême contre lequel toute
autorité religieuse a lutté. Ce mal
n’apparaît qu’à la fin d’époques
décadentes comme la nôtre...

Gilbert Keith Chesterton


(Photo: vue du port de Nantes.)

gements que la grâce divine avait opérés en lui.


Chacun de ceux qui le rencontrèrent purent
et de recommander sa mission à ce constater avec quelle confiance et abandon à
Thaumaturge des Gaules. Les personnes la Providence, il se préparait au départ pour
pieuses de ces deux villes qui avaient l’Amérique, un pays qui, disait-on, n’était
entendu parler de lui et de sa conversion peuplé que de protestants hostiles à l’Eglise
se sont empressées de le rencontrer et de catholique. Le Père John Thayer était joyeux,
s’entretenir avec lui. Plusieurs ont même plus joyeux encore qu’un héritier voulant
contribué généreusement aux frais de sa prendre possession d’un riche héritage. Il
mission, en lui fournissant des ornements, leur répondait d’un air heureux que sa tâche
des vases sacrés et des livres. Il arriva à était d’annoncer l’évangile de Jésus-Christ,
Nantes peu après … et pour cela: - “J’ai besoin de vos prières”...
Il y trouva le même zèle, et personne Lorsqu’enfin l’heure de l’embarquement
n’en a plus témoigné que l’évêque de cette arriva, il quitta chacun avec l’espoir secret de
ville, Monseigneur Charles Eutrope de les revoir tous un jour...
la Laurencie. En effet, partout où passait En guise de clôture, le Père Charles Nagot
le Père Thayer, des attroupements se ajoute dans sa lettre cette parole de l’apôtre
formaient autour de lui pour l’écouter. Paul aux Galates: « Celui qui nous persécutait
Sa renommée était si grande que les gens naguère annonce aujourd’hui la foi qu’il
venaient le consulter afin de voir les chan- cherchait alors à détruire. »
109
ANNO DOMINI

1789
RETOUR EN AMÉRIQUE

11 0
Mais Dieu appelait son prêtre dans une autre
terre, et quoiqu’il lui en coûtât infiniment
pour s’arracher à son cher troupeau, il leur dit
le dernier adieu... - John Thayer -

111
“Il faut se souvenir que d’aucuns critiquèrent ce qui
survint au Père John Thayer à son arrivée en Amérique
le 4 Janvier 1790 en tant que prêtre catholique ordonné.
Ce qui entrait vraiment en vigueur à ce stade, c’est ce à
quoi il croyait être appelé par Dieu alors que ce que Mgr
l’évêque John Carroll, fraîchement nommé, attendrait de
lui et lui ordonnerait de faire serait tout le contraire .”

Marcus Grodi

11 2
BOSTON
4 Janvier 1790

113
était protestant. Le capitaine n’est certes
pas décidé, comme le second, à embrasser
la religion catholique; mais il pense très
sérieusement au parti qu’il doit prendre.
Quant aux matelots, ils m’ont écouté mais
c’est tout ce que j’ai pu obtenir d’eux: ils sont
trop livrés à leur sens pour oser goûter aux

E
maximes de l’évangile.
n arrivant à Baltimore (ville du
nord-est des États-Unis située dans
l’État du Maryland), je vais partir
avec le Père John Caroll qui vient d’être élu
évêque des nouveaux États. De là, nous
nous rendrons à Philadelphie, et enfin, je
me rendrai à Boston. Je vous informerai
de ce qui pourra le plus vous intéresser une
fois arrivé.

À Boston, lorsque la Constitution


du Massachusetts a pris effet en
1780, il est devenu légal pour les
catholiques de pratiquer publiquement
leur culte. Avant cette date, la ville
était violemment anticatholique. La
première congrégation catholique

Q
romaine a été assemblée en 1784, parmi
elques mois après son départ vers les quelques Français et Irlandais alors
Boston, le Père Charles Nagot en petit nombre et résidant dans la ville;
reçut enfin les nouvelles tant l’abbé Claude Florent Bouchard de la
attendues du Père John Thayer: elles Poterie, né en France, prêtre, docteur en
étaient datées du 12 février 1790, jour où théologie et missionnaire apostolique
il fait part de sa traversée: - “ Me voici, cher arriva à Boston l’été 1788 comme
Père, enfin arrivé à Baltimore, et ceci après aumônier de la marine française. En
onze semaines de navigation. Traversée l’an 1788, en remontant la rue des écoles
qui fût fort pénible. Nous avons eu des (School Street) au n° 18 vers Tremont, il
vents affreux et essuyé les plus terribles y avait une petite église des Huguenots
tempêtes. Au vingtième jour, nous étions français de Boston. C’était l’église des
encore dans la baie de Biscaye. Mis à part Sieurs Faneuil, Baudoin, Boutineau,
les trois premiers jours, je n’ai presque pas Sigourney et Johonnot ; leurs lignées
éprouvé le mal de mer et ceci malgré les ne sont pas tout à fait éteintes même si
mouvements violents du vaisseau”. l’orthographe des noms a changé pour

“D
certains. L’église avait été construite en
ieu m’a fait la grâce de pouvoir briques, aux alentours de 1704 ; elle
dire la messe chaque jour: ce qui était très petite et la ville s’était opposée
m’a consolé de la longueur et de pendant longtemps à sa construction.
la difficulté du voyage . Avant cela, les Français avaient occupé
Le capitaine et le lieutenant de bord furent l’un des bâtiments scolaires. Et la reine
très serviables avec moi; je n’ai pas entendu Anne avait offert une grande bible in-
une seule parole licencieuse de leur bouche folio à cette église qui devint plus tard
et j’ai pu m’entretenir très souvent avec la propriété du Rev. Mather Byles et
eux de religion bien que chacun d’eux
11 4
5 RETOUR À BOSTON

Andrew Faneuil y céda dans ses


dernières volontés trois assiettes pour la
communion et le baptême ainsi que son M ais au bout de quelque temps
de ministère, la paroisse fut
fortement endettée à la suite

L
entrepôt dans la King Street. du comportement étrange du Père
e Rev. Pierre Daillé en fut le Claude de la Poterie. Alors, afin d’aider
premier pasteur, il décéda en 1715 à l’établissement de cette communauté,
et un certain Rev. Le Mercier lui des souscriptions ont été reçues en
succéda. Un incident singulier conduisit provenance du Canada, et l’archevêque de
à la découverte de la pierre tombale de Paris, en réponse à un appel de la petite
Daillé. Lors de travaux d’excavation dans colonie française à Boston, il envoya
l’immeuble Emmons sur la Pleasant des vêtements liturgiques et du mobilier
Street, des ouvriers découvrirent la pierre pour l’autel. Il a également averti Mgr
qui recélait l’inscription suivante … Carroll que l’Abbé de la Poterie était un
prêtre indigne de sa charge. Sa conduite à
Boston le prouva par la suite, et le préfet
Here Iyes ye body of ye apostolique, voyant qu’il avait été installé
Reverend Mr. Peter comme pasteur de la communauté, a
Daille minister of ye envoyé le révérend William O’Brien, OP,
de New York à Boston pour suspendre de
French church in la Poterie. S’ensuivit un violent pamphlet,
Boston died the imprimé à Philadelphie (1789), intitulé:
21 of May 1715 “ To the new Laurent Ricci in America,
In the 67 year the Rev. fr. John Carroll, Superior of the
Of his sage. Jesuits in the United States, also to the
Friar-Monk-Inquisitor, William O’Brien.”
L’Abbé de la Poterie s’y représente comme
Après la dissolution de la société, l’église victime de leurs ruses. Entre-temps,
française tomba aux mains de la 11ème il fut l’objet d’une enquête auprès de
« Congregational Society » qui surgit lors l’autorité religieuse du fait de ses propos

A
de la grande effervescence provoquée inacceptables.
par l’arrivée de Whitefield. Mr. Croswell yant grandement endetté l’église
en fut le pasteur; il mourut en 1785 et de Boston, il ne pouvait espérer
le bâtiment fut acheté et transmis aux l’indulgence de sa hiérarchie,
catholiques romains par l’Abbé Claude surtout après s’être aliéné le Père John
de la Poterie qui en obtint la concession. Carroll, supérieur de la mission des États-
Elle fut ouverte le jour de la Toussaint, Unis d’Amérique qui résidait à Baltimore
et l’Abbé de la Poterie y célébra le 22 avec son pamphlet que l’Abbé de la Poterie
novembre 1788 la première messe avait édité et vendu deux schillings l’édition,
catholique célébrée à Boston. Le rapport où il éclaboussait aussi le consul de France
de la célébration de la première messe à Boston. Sa situation s’aggrava lorsqu’on
à cette date peut être lu dans le “Boston apprit par le biais de Mgr de Juigné,
Chronicle Independent” du 6 novembre archevêque de Paris, et d’autres sources
1788. venant alourdir les chefs d’accusation, que

L
son ministère n’était pas digne de par sa
a chapelle fut placée sous le conduite inappropriée, et apparemment
patronage de la Sainte-Croix du immorale… On apprit également qu’il
fait que l’Abbé de la Poterie qui la avait déserté la marine française et qu’il
desservait y avait installé une relique utilisait un titre de noblesse (de la Poterie)
qu’il avait ramenée de France, celle de la qu’il n’avait pas le droit de porter. Il fut
Sainte Croix. reconnu comme personnage « déviant »
115
5 RETOUR À BOSTON

qui avait le talent de se rendre ridicule. À Rousselet s’il acceptait la charge de la


la suite de cette information, ainsi que ce paroisse de la rue des écoles (School Street).
qu’il apprit par la suite sur la conduite de L’Abbé Rousselet qui résidait avant cette
l’Abbé de la Poterie à Boston, Mgr John date à Philadelphie répondit positivement
Carroll le suspendit de ses fonctions dans à sa demande et arriva à Boston pour y
une lettre datant du 20 mai 1789. prendre ses fonctions début septembre
L’Abbé Claude de la Poterie, après avoir 1789.

L
essayé sans succès de créer la division
et la zizanie dans la petite communauté e Père de la Poterie rentra à Boston,
catholique, quitta Boston le 8 juillet 1789 vers cette période de décembre
et partit, via New-York, en direction de 1789 et, en dépit de ses suspensions
la ville de Québec pour y reprendre son en France et aux Etats-Unis, il insista
ministère sacerdotal mais les instances pour participer activement aux services
religieuses du Canada le refusèrent. de la veille de Noël, instaurant ainsi une

A
confrontation des prêtres catholiques
Boston, afin de rétablir une avec l’autorité de l’église et du Père John
présence catholique, le Père Carroll Carroll, ce qui suscita l’étonnement de la
demanda de nouveau au Père Louis communauté catholique de la ville.

Dieu m’a fait la grâce de pouvoir dire la messe chaque jour: ce qui m’a consolé
de la longueur et de la difficulté du voyage. Le capitaine et le lieutenant de bord
furent très serviables avec moi; je n’ai pas entendu une seule parole licencieuse de
leur bouche et j’ai pu m’entretenir très souvent avec eux de religion bien que chacun
d’eux était protestant”. John Thayer

11 6
117
11 8
119
U ne seconde lettre du Père John
Thayer, datée de Boston, le 17
juillet 1790, est parvenue au Père
Charles Nagot fin septembre 1790. En
voici la transcription: “Je suis arrivé,
pasteur protestant de Salem :

Salem : note du 7 janvier 1790.


Samedi dernier, Monsieur John Thayer
fraîchement converti, arriva à Boston.
m’écrit-il, à Boston, le 4 janvier 1790. J’y Son apparence suscita beaucoup de
ai été reçu partout de la manière la plus curiosité.
flatteuse. Ma famille m’a témoigné la plus
grande joie à mon retour. Et le gouverneur L’église de Salem a été fondée par des
de la ville, monsieur John Hancock, dont nations variées. La France, le Portugal,
j’ai été autrefois l’aumônier, m’a promis de l’Italie, la Corse, l’Irlande, l’Angleterre
faire tout ce qui dépendrait de lui pour et l’Espagne y étaient présents, ainsi que
seconder mes vues et favoriser l’œuvre qui le Canada et surtout des exilés acadiens
m’avait appelé à Boston. Je n’ai reçu que des (Nova Scotia).
honnêtetés de tous les ministres de la ville: Lorsqu’en 1755, environ 2000 Acadiens
plusieurs m’ont visité, et ils l’ont fait avec catholiques de lignée française furent
un ton de cordialité auquel je ne devais bannis de Nouvelle-Écosse, ils se
pas m’attendre. Les officiers de la douane dispersèrent dans différents endroits
ont porté la politesse à mon égard jusqu’à le long de l’Atlantique. Ils reçurent peu
ne vouloir rien prendre pour les caisses, d’encouragement de la part des colons
quoique grandes et en assez grand nombre, anglais en raison de la haine de la
que j’ai fait venir de France et d’Angleterre; religion catholique et de leur antipathie
parce qu’ils ont considéré tout ce qu’elles pour ces exilés, sans abri, sans amis, et
renfermaient comme des choses nécessaires misérables ; mais au cours des dix ans qui
destinées à des usages sacrés.” “ Dès le suivirent, 150 d’entre eux s’installèrent
premier dimanche après mon arrivée, j’ai dans et autour de Salem. Le magnanime
prêché la parole de Dieu. On est venu en gouverneur du Massachusetts permit

L
foule pour m’entendre.” également à plusieurs de ces familles de
’arrivée du Père John Thayer se rassembler et ce, à plusieurs reprises,
comme prêtre de l’église catholique pour dire des prières selon leur culte
romaine dans la ville de Boston, sa catholique, mais ils n’étaient autorisés
présence et son indéniable zèle ont fait en aucun cas à y tenir des services
augmenter immédiatement la taille et religieux publics fréquentés par un
le niveau d’activité de la communauté prêtre catholique. En 1895, James s.
catholique de Boston. De plus en plus Sullivan, dans un livre « The Catholic
d’Irlandais fréquentèrent l’église et Church of New England Archidiocese of
firent baptiser leurs enfants et quelques Boston » nous révèle :
protestants furent captivés à cause de « Il n’y a aucun doute que si les Acadiens
l’histoire du Père Thayer en Nouvelle- avaient abandonné leur foi catholique
Angleterre. Dans ses sermons, il révéla pour devenir protestants, ils auraient reçu
son grand talent de polémiste persuasif, la bonne volonté de toute l’assistance du
mais sans un certain tact. Il imprima peuple de Salem », mais préférant rester
des tracts, des articles dans les journaux fidèle à leurs convictions, ils restèrent
consacrés à la défense de l’Église des citoyens « indésirables ».
catholique et à ses enseignements.
Il fit tellement sensation parmi le Ce sentiment à leur égard a finalement
peuple, que même au-delà des limites abouti à ce que la population protestante
de Boston, nous en retrouvons la trace de Salem attendît d’eux ; environ la moitié
comme on peut le voir dans la note des Acadiens partirent pour le Canada en
suivante du Rev. William Bentley, 1766. Cependant, quelques-uns sont restés

12 0
5 RETOUR À BOSTON

Mais le pauvre, assoiffé d’amour, celui qui espère, viendra vers toi les mains jointes,
le malade et le boiteux viendront vers toi. Le prêcheur, les parents dont les enfants
sont perdus et apeurés ; mon ami qui boit pour oublier ses soucis ; les gens qui
souffrent de l’injustice ; ils devraient venir vers toi. Ils vendent le monde pour de la
littérature et s’enrichissent grâce aux besoins d’autrui.”
Albert Helman

avec l’espoir de pouvoir, un jour, être doute aussi une réponse à ses aspirations
considérés comme les autres. L’histoire libérales. Et les catholiques de Salem
nous démontrera plus tard qu’ils furent sont redevables à ces deux personnages
les premiers fondateurs de la catholicité à charismatiques. Voici la transcription de la
Salem, grâce à leur persévérance. lettre du Père John Thayer, adressée au Rev.
Les 25 années suivantes ont apporté une William Bentley :
grande prospérité à Salem. Son port
commercial a permis un échange culturel Monsieur le Révérend,
important au sein d’une communauté
renfermée sur elle-même. L’activité C’est avec plaisir que je saisis l’occasion
commerciale fit grandir un esprit plus de me rappeler à votre souvenir du fait de
tolérant pour les catholiques. Et finalement ma longue absence pendant laquelle vous
en 1790, un quaker du nom de William m’avez peut-être oublié.
Northey donna aux catholiques de Salem Je vous informe que j’ai l’intention de
la permission de tenir leur culte en public bientôt visiter Salem, d’y dire la messe et
et d’y faire venir un prêtre, un privilège qui d’y prêcher. J’aimerais savoir le nombre de
leur avait été jusqu’ici refusé. catholiques sur place et si je pouvais trouver
À Salem à cette époque, la population un logement décent, calme et bon marché
était d’environ huit mille âmes et l’esprit de dans une famille protestante de votre
bienveillance envers les catholiques avait connaissance. Est-il possible de trouver un
grandi surtout parmi la branche libérale endroit convenable, adapté à l’exercice de
de l’Église protestante présidée à Salem mes fonctions de prêtrise ecclésiastiques.
par un pasteur éminent, le Rev. William Je prends la liberté de m’adresser à vous à
Bentley, doté d’une grande largeur d’esprit cet effet puisque je connais votre point de
tant intellectuelle qu’humaine. Il était vue au sujet des catholiques ainsi que la
intéressé par tout ce qui pouvait profiter au liberté de votre façon de pensée.
développement culturel et intellectuel des
gens de sa ville. Recevez, l’expression de mes sentiments
respectueux.
Un jour, il reçut la lettre suivante d’un ami,
le Père John Thayer, qu’il avait bien connu à Votre très humble ami et serviteur
Boston dans le passé lorsqu’il était un tout John Thayer, prêtre.
jeune pasteur protestant. Cette lettre suscita
en lui une merveilleuse opportunité, et sans Boston, le 15 avril 1790

121
Rev. William Bentley (June 22, 1759, Boston, Massachusetts – December 29, 1819, Salem,
Massachusetts) was an American Unitarian minister, scholar, columnist, and diarist. He
was a polymath who possessed the second best library in the United States (after that of
Thomas Jefferson), and was an indefatigable reader and collector of information at the
local national and international level.
12 2
5 RETOUR À BOSTON

La réponse du Rev. William Bentley ne alors très pauvre à Salem et qui n’avait pas
se fit pas attendre. Voici la transcription d’endroit convenable pour recevoir le Père
de sa lettre en réponse de la demande du Thayer et s’en occuper. Le bon révérend
Père John Thayer : Bentley l’invita cordialement à partager
ses appartements dans une pension de
Cher Révérend, Crowninshield, une maison tout en bois,
dans l’Essex Street, exactement située à
J’ai reçu votre lettre du 15 de ce mois. Je l’opposé du début de l’Union Street.
désire ardemment que chaque homme Le matin suivant, jeudi 6 mai 1790, le
aime sa religion, non par tolérance, mais petit groupe de catholiques rassemblés
selon le droit inaliénable de sa nature. afin d’assister pour la première fois à la
J’ai communiqué votre lettre à deux messe, présidé par un prêtre connu à
personnes de choix et je vous garantis l’époque pour sa conversion spectaculaire,
toute la protection que la police interne équivalente à celle de Saint-Pierre et
peut vous donner. Saint Paul grâce à la providence divine,
En ce qui concerne le logement, si vous me se rassemblèrent (environ une vingtaine
le demandez, je vous donnerai toutes les de personnes) différentes en langues,
informations qui sont en mon pouvoir et nationalités, caractères, goûts, habitudes,
nous consulterons ensuite l’emplacement habillement et ambitions, mais elles
d’une paroisse. Comme il y a plusieurs étaient toutes unies par le cœur et l’esprit
sociétés religieuses de dénominations et comprenant bien le sens du « Saint
différentes dans la ville et les catholiques Sacrifice », prêtes à écouter les paroles de
n’ayant pas d’endroit approprié, je ne l’apôtre de Rome (John Thayer).
peux mentionner qu’une petite part, à ma Le Révérend William Bentley, lui-
connaissance qui fait partie de la paroisse même, était présent, avec quelques
selon les rites et cérémonies de l’église amis. Ils représentaient la communauté
anglaise. protestante lors de cette première messe
- Mr. Franck, corse catholique célébrée à Salem par le Père
- Emmanuel Chisnell, portugais John Thayer. L’endroit choisi pour cette
- Mr. Peter Barrasi, italien rencontre demeure incertain puisque le
- Mr. Battoun, français seul journal local de Salem ne daigne même
- Madame Roux et ses fils, français pas mentionner cet événement historique,
- Mr. D. et J. Longevin, canadiens et le manuscrit, où furent consignés les
- Mr. Devine, déménagé à Beverly, détails, n’en parle pas. Cependant, il y a
irlandais une tradition à Salem qui dit se souvenir
du vieux bâtiment en briques au coin
Vous pourriez, en parlant avec eux, vous d’Essex et d’Union Street qui avait été le
renseigner sur leur nombre total sur place lieu de la première messe du Père Thayer
et aux alentours. dans cette même ville. Il ressort dans
l’étude de la correspondance de Bentley
Votre dévoué serviteur et de Thayer que les catholiques de Salem
ne s’étaient jamais rassemblés avant cette
William Bentley. date (6 mai 1790). Il existe un témoignage
décrivant que, quand l’heure de faire cette
Deux semaines plus tard, le mercredi 5 célébration arriva, le Père John Thayer
mai 1790, le Père John Thayer arriva à demanda dans l’assistance un volontaire
Salem. Il y fut gentiment accueilli par son pour l’aider à servir la messe et bien que
ami de longue date, le révérend William beaucoup eussent été heureux d’accepter,
Bentley. Ils allèrent chercher ensemble les un seul eut ce privilège, ce fut un « étranger
catholiques, une population par ailleurs irlandais », ce qui renforça la profession de

123
8 RETOUR À BOSTON

foi de ce dernier. Faute de témoignage, je ne à Salem, les paroles de la liturgie catholique.


peux qu’imaginer le caractère merveilleux Ce qu’ont pu ressentir alors les esprits et les
de ce premier office. Les paroissiens furent cœurs est certainement aussi puissant que
sans doute impressionnés par le visage la promesse qu’ils leur apportaient au nom
rayonnant de ce premier prêtre catholique du Christ, leur confiant par le biais de son
et ancien pasteur calviniste, issu de ceux-là sermon qu’il était ici en tant que porteur
mêmes qui leur avaient interdit l’exercice de de la grâce et pour cela, il se devait d’obéir
leur religion. Ce soir-là, le Père John Thayer, à la Providence Divine. Il leur décrivit très
après avoir passé la chasuble et l’étole, certainement les détails de sa conversion à
prononça pour la première fois devant eux Rome, et comme pour l’apôtre Paul, Dieu
12 4
Le Peabody-Essex Museum est un musée,
situé dans la ville de Salem, dans l'État
du Massachusetts. Le musée contient de
très nombreuses collections et notamment
des livres, et manuscrits rares, une collection
comportant plus d’un demi million d’images.
Le Peabody-Essex Museum possède
également vingt-quatre structures historiques
et jardins, dont la maison “ Crowninshield”
du Rev. William Bentley.

Page suivante: photos de l’intérieur de la


maison.

Photographie 1
Le salon

Photographie 2
Le bureau du Rev. William Bentley

voulait se servir de lui pour l’employer de ce prêtre tourné vers eux et qui se disait
à son œuvre, leur expliquant qu’Il avait prêt à les bénir selon les pensées de Dieu.
choisi celui qui, comme lui, est le plus Le Père John Thayer ne désirait qu’une
engagé dans l’épreuve. Je suis venu pour seule chose, ne poursuivant qu’un seul but,
vous au nom du Seigneur Jésus Christ, l’espoir de convertir chacune des personnes
j’ai prié pour vous tous, j’ai prié pour toi et présentes au message d’espoir de l’évangile.
pour toi aussi aurait-il pu dire en scrutant Le jour suivant, après la célébration de la
du regard l’émouvante clarté inondant les messe, le Rev. Bentley invita le Père Thayer
visages de ces hommes et de ces femmes à rendre visite au révérend Oliver, un ami
un peu abasourdis par la bonté et la grâce ecclésiastique à Beverly. Ce Rev. Oliver est
125
1
un esprit bigot, ignorant, et ses propos en religion.
présence de John Thayer n’étaient pas faits -49 copies Douay catechisms. (Le
pour le réjouir. faisait remarquer le Rev. catéchisme de Douai.)
Bentley dans ses écrits. -49 copies des prières de John Thayer.
Avant son départ, le Père Thayer souhaitait -2 copies Gother’s Prayers. (prières de
agir pendant son absence sur les habitants Gother, 3 volumes, chaque bande)
de Salem, sous la garde de son ami, le -4 copies The Poor Man’s Posey of
Rev. Bentley, et par l’intermédiaire de la Prayers. (la prière de l’homme pauvre
« première bibliothèque catholique » qui 1769)
honorerait et augmenterait la réputation -5 copies Manuel of Prayers. (manuel de
littéraire et éducatrice de la ville de prières)
Salem. -5 copies du jardin de l’âme
-1 copie des Variations de Bossuet (2
Voici la liste des ouvrages laissés par le volumes, 27 grains de chapelet)
Père John Thayer à la bibliothèque de
Salem : Un ornement complet en couleur, une
-49 copies de la conversion de John manipule, une chasuble, une étole, un voile,
Thayer. une ceinture, une bourse contenant un
-47 copies des fondements de la doctrine drap mortuaire, un corporal, un amict
catholique. purificatoire, un lavabo, une aube ainsi
-35 copies des représentants papistes. qu’une étole séparée. (D’après le livre : «
- 37 copies de l’histoire du protestantisme. The Diary of William Bentley, D. D., Pastor
-11 copies des chrétiens catholiques. of the East Church, Salem, Massachusetts
-15 copies des principes véritables des » Nous ne savons pas tout le bien que
catholiques. fit cette sélection de livres. Quelques-uns
-50 copies des Ordinaires de la messe. étaient des œuvres standards pour l’époque
-37 copies de la Cité de Dieu riche en controverses, d’autres décrivaient
-11 copies des Fondements de l’ancienne la paroisse catholique dans son entier, les
12 6
5 RETOUR À BOSTON

les rites et les cérémonies mineures. : il y avait environ cent catholiques à


D’autres étaient dédiées à la dévotion. Boston. Salem fut le premier endroit
D’autres expliquaient le processus de en dehors de Boston à être visité par le
la conversion. D’autres décrivaient premier prêtre catholique américain de
entièrement la doctrine et les pratiques Boston, le Père John Thayer.
catholiques. Ces volumes ont fait leur La visite suivante du Père Thayer n’en
œuvre en silence et perdurent encore fut pas moins remarquable. Elle eut lieu
certainement dans la cité. Ces anciens le mardi 29 juin 1790 ; il arriva à Salem
volumes missionnaires évoquent toujours encore plus déterminé à diffuser la foi
le pieux souvenir de cette mémorable catholique. C’était la fête du martyre
visite. de saint Pierre et saint Paul à Rome.
Le Père John Thayer quitta Salem l’après- Très inspiré par la vie de ces premiers
midi du vendredi 14 mai 1790 à 14 apôtres, il avait lu devant l’assistance, la
heures et rentra à Boston. voix remplie d’une grande émotion, cette
Après quoi l’église fut fondée, les premières parole du Christ, évoquée dans l’évangile
graines furent semées sur un sol difficile selon Saint Mathieu :
par le Père John Thayer et bien que les « Jésus était venu dans la région de
détails nous manquent, nous pouvons Césarée-de-Philippe, et il demandait à
contempler, à travers le temps et les ses disciples : Le Fils de l’homme, qui est-
circonstances, les premiers efforts avec il, d’après ce que disent les hommes ? Ils
fierté. En fait, il n’y avait pas qu’une seule répondirent : « Pour les uns, il est Jean
église catholique en Nouvelle-Angleterre Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres

2 127
5 RETOUR À BOSTON

Early scene along the Salem waterfront, Salem, Massachusetts

12 8
encore, Jérémie ou l’un des
prophètes. » Jésus leur dit
: « Et vous, que dites-vous
? Pour vous, qui suis-je ? »
Prenant la parole, Simon-
Pierre déclara : « Tu es
le Messie, le Fils du Dieu
vivant ! » Prenant la parole
à son tour, Jésus lui déclara
: « Heureux es-tu, Simon,
fils de Yonas : ce n’est pas
la chair et le sang qui t’ont
révélé cela, mais mon Père
qui est aux cieux. Et moi, je
te le déclare : tu es Pierre,
et sur cette pierre, je bâtirai
mon Église ; et la puissance
de la Mort ne l’emportera
pas sur elle.
Je te donnerai les clefs du
Royaume des cieux : tout
ce que tu auras lié sur la
terre sera lié dans les cieux,
et tout ce que tu auras
délié sur la terre sera délié
dans les cieux. » Alors, il
ordonna aux disciples de
ne dire à personne qu’il
était le Messie. À partir de
ce moment, Jésus le Christ
commença à montrer à
ses disciples qu’il lui fallait
partir pour Jérusalem,
souffrir beaucoup de la
part des anciens, des chefs
des prêtres et des scribes,
être tué, et le troisième jour
ressusciter. » (Matthieu,
chapitre 16, versets 13 à
23). Restant un instant sur
cette parole « et sur cette
pierre je bâtirai mon église. »
Et il mêla ces paroles de
l’évangile à celles de
l’antienne, « Le saint apôtre
Paul, prêcheur de vérité
et docteur des nations,
intercède pour nous
devant le trône de Dieu.
» Ces paroles résonnaient
encore dans ses oreilles et
remplissaient son âme avec
129
le zèle, la ferveur et le courage des deux que ses ennuis commencèrent). Il était
apôtres. cependant heureux d’avoir pu exposer
Le Père Thayer alla chez le Rev. William son enseignement et à l’instar de saint
Bentley et lui notifia son souhait de Paul, il voulait disperser les graines et les
s’adresser au public. Le Rev. Bentley, laissaient germer chaque jour que Dieu
accédant à sa demande, l’accompagna fait.
chez le président William Northey, qui lui Les journaux de la ville, indifférents
délivra la permission d’utiliser la salle du au sujet du Père Thayer, ne firent pas
tribunal pour son discours. mention de cet événement. Son ami le
Le soir suivant, ce jour-là a renforcé Rev. William Bentley fut obligé de s’élever
l’inspiration du Père. Il donne son office contre tous les préjugés présents dans les
en entier, le 30 juin dans le but de révéler esprits bornés de certains protestants en
aux catholiques présents, évoquant le raison de l’aide et de la protection qu’il
tout dans les mots mêmes de l'apôtre, la offrait au Père John Thayer. (Certains
vocation, les travaux, les jugements et la protestants voyaient en John Thayer un
foi sans bornes du grand saint Paul. La ennemi redoutable et dangereux pour
nouvelle se répandit très vite dans la ville leur doctrine)
de Salem et la salle fut bondée de presque
tous les gentilshommes accourus en Un mois plus tard, le Père Thayer revint à
masse vers cet endroit. Il y eut même des Salem le samedi 25 juillet 1790 et y resta
personnes de Marblehead et de Beverly, le 3 jours. Il prêcha la messe du samedi et
révérend Oliver inclus, pour assister à cet du dimanche, vraisemblablement dans
office. la maison d’une famille catholique de la
Le Père Thayer apparut, s’agenouilla cité, ne voulant plus prendre logement
et lança une courte prière et commença chez son ami Bentley afin de ne pas lui
ensuite un sermon dans lequel il mettait attirer de nouveaux ennuis. Il lui rendit
le point de divergence entre l’Église visite discrètement le lundi 27 juillet
catholique et l’Église réformée, et 1790 avant son départ et lui fit part de
naturellement, il choisit le thème de son projet d’ouvrir une église catholique
discussion qui posait problème « La à Salem. Mais autant que nous sachions,
confession », « La lecture des Écritures il ne put trouver les fonds nécessaires à sa
saintes et d’autres sujets divers. » Son construction.
élocution, le ton convaincant et la Il n’existe pas de trace officielle d’une visite
façon d’exprimer sa vérité lui attira du Père Thayer après cette date, mais il est
des ennemis silencieux, des opposants fort probable qu’il revint plusieurs fois à
dans Salem et ses environs. (Ce fut là Salem.

Eglise protestante de Salem où officia le Rev. William Bentley.

13 0
5 RETOUR À BOSTON

131
13 2
Ce bâtiment est probablement le lieu de la première messe
catholique de Salem, célébrée par le Père John Thayer.

133
13 4
Pope Night à Boston (vers 1775). Sur le chariot, une effigie du pape et du diable.
Les jeunes étudiants défilent pour les brûler dans un feu de joie à la nuit tombée.
Cette fête commémore, tous les 5 novembre, l’échec d’un complot catholique datant
de 1605 au village de Wye dans le Kent (Gunpowder Treason), visant à assassiner
le roi protestant, James I”. Exportée par les premiers colons, elle devint le prétexte
d’une fête anti-papiste très célèbre en Nouvelle-Angleterre”.

U n récit intéressant de La première


messe à Boston est donné par un
des amis, du Père John Thayer
M. Samuel Breck, qui avait fait la
connaissance de John Thayer à Paris, et,
fête anti-papiste avait été exportée par les
premiers colons en Nouvelle-Angleterre, elle
avait lieu tous les 5 novembre en mémoire
de l’échec d’un complot catholique datant
de 1605 au village de Wye dans le Kent
dans l’accomplissement d’une promesse (Gunpowder Treason) visant à assassiner le
qu’il lui avait faite, l’a aidé à équiper dans roi protestant James I”. J’ai assisté à la messe
la rue des écoles la chapelle de la Sainte et participé à la quête de l’assemblée.
Croix de Boston qui avait été laissée en
l’état par le Père de la Poterie. (Cette lettre de M. Breck a été publiée
“Nous avons équipé une salle de réunion dans “les recherches historiques catholiques
dans cette maison de la School street, qui américains” de janvier 1889.)
a été construite en 1716, par des français Dans la suite de son récit au Père Nagot,
huguenots, convertie en une chapelle papiste John Thayer relate:
par le Père de la Poterie et baptisée par lui
chapelle de la Sainte Croix.” “ Les Bostoniens sont fort curieux de savoir

“N
quelle est notre croyance. La tolérance
ous avons pour cela reçu l’argent entière accordée ici à toutes les confessions,
nécessaire d’une souscription m’a donné toute liberté de la faire connaître;
que nous avions organisée, mais je n’ai pu satisfaire longtemps la
argent avec lequel nous aménageâmes la curiosité et l’empressement du peuple de
salle de la sacristie en érigeant une chaire Boston. Il n’y avait pas quinze jours que
et un autel qui fut meublé, ainsi que des je demeurais dans cette ville, et il plut à
sièges et de quelques bancs achetés”. “Et Dieu de m’envoyer une maladie qui me
voila comment cet ancien petit temple, qui retint au lit pendant plus d’un mois. C’était
avait servi d’étable aux Britanniques en un rhumatisme dont les douleurs étaient
1775, était une fois de plus consacrée aux fort aiguës. Le mal me parut si grave un
besoins de la religion”. “Cette première jour, que je crus devoir demander le saint
messe publique à Boston a été célébrée au Viatique à un prêtre français avec qui je
milieu d’un grand concours de personnes travaille ici à l’œuvre du Seigneur et de son
de tous horizons”. “Et ce dans une ville où Eglise. Je ne tardai pas à me rétablir; et dès
il y a seulement treize ans, le Pape et le que j’en eus la force , j’usai de la permission
Diable étaient selon la coutume annuelle, qui m’avoit été accordée de dire la Messe
promenés dans les rues lors de la “ Pope- dans ma chambre.”

“D
Night.” Durant cette journée, les jeunes,
étudiants et apprentis défilaient dans un ès que ma santé me l’a permis,
spectacle ridicule et méprisant, avec des le 10 juin 1790, j’ai pris
effigies du pape et du diable pour les brûler officiellement mes fonctions à
dans un feu de joie à la nuit tombée. Cette Boston, prêchant, confessant et visitant
135
5 RETOUR À BOSTON

le peu de brebis qui composent mon exerça son ministère à partir du rectorat.
troupeau naissant. C’est toujours avec le Dans quelques cas, du moins, les partisans
même empressement que des protestants d’une faction n’utiliseraient pas les services
viennent m’entendre prêcher ; mais le spirituels des prêtres de l’autre faction.
grand nombre s’en tient là. L’indifférence Alors que ce conflit était à son paroxysme,
et la philosophie qui règnent ici, autant le Père Carroll reçut en Europe l’ordination
que partout ailleurs, sont un obstacle épiscopale en tant que premier évêque
au fruit de la prédication qu’il est bien de Baltimore, (élu par le clergé local en
difficile de détruire; obstacle toutefois qui 1789 et confirmé peu après par le pape
ne me décourage pas. J’ai eu la joie de Pie VI. Ordonné évêque le 15 août 1790,
recevoir quelques abjurations et nos chers il est chargé du diocèse de Baltimore,
néophytes me remplissent de consolation premier diocèse créé en Amérique du
par la sainteté de leur vie. Environ une Nord). Ce qui incluait toute la Nouvelle-
centaine de catholiques français, irlandais Angleterre. A son retour, il décida de
et américains, voilà de quoi est formée se rendre à Boston en personne pour
jusqu’à présent notre Eglise; j’en vois à peu résoudre la complexe situation ecclésiale
près une douzaine entendre la Messe tous si mouvementée. Avant son départ pour
les jours. J’instruis quelques protestants que la Nouvelle-Angleterre, il reçut le 9 mars
j’espère rendre à notre mère commune. Si 1791 des lettres en provenance de France
Dieu daigne multiplier ici le nombre de ses et une copie d’une lettre de l’évêque de
enfants, j’aurai le soin de vous en informer. Coutances qui contenait des informations
Je recommande instamment notre mission très préjudiciables à la personne du Père
à vos prières. Il faut des ouvriers pour Rousselet. Le jour suivant, il écrivit au
la culture du vaste champ qui se trouve Père Rousselet en l’informant qu’à la
abandonné depuis si longtemps dans les réception de cette lettre tous les pouvoirs
Etats-Unis. Exhortez, cher Père Nagot, vos et facultés, qui lui avaient été attribués,
séminaristes à venir y exercer leur zèle, étaient révoqués. Le jour même, il informa
et inspirez-leur la généreuse ambition de aussi le Père Thayer qu’il remplacerait le
conquérir à Notre-Seigneur les âmes qui Père Rousselet comme pasteur.

T
vivent éloignées de son royaume.”
Malheureusement la rivalité entre l’Abbé outes les informations relatives
de la Poterie et le Père Rousselet se aux catholiques dans cette période
répercuta au Père Rousselet et au Père bostonienne est difficile à obtenir,
Thayer, le Français se rangeant du côté du en raison de la négligence des premiers
premier et l’Irlandais avec le dernier. Après colons et des prêtres à rédiger par écrit
en avoir entendu parler par courrier, le les récits ordonnés des événements, des
Père Carroll convoqua le Père Rousselet souffrances, des privations et des travaux
le 1er juin 1790, seul pasteur à avoir été de ces pionniers de la foi catholique dans
invité à Boston du fait de son ancienne cette localité. Sans doute en est-il de même
résidence et de son âge, à la demande de dans presque toutes les villes de la Nouvelle-
sa congrégation. Le Père Thayer fut invité Angleterre de l’époque. Néanmoins dans
à s’installer dans un autre endroit de son divers journaux et notamment le « The
choix. Ce qu’il refusa de faire et resta à Sacred Heart Review » les numéros de
Boston. 1791 et 1792 contiennent plusieurs lettres

E
du Père Thayer, qui devaient être lues par
n conséquence, comme le Père tous les catholiques des nouveaux États-
Thayer célébrait la messe et tenait Unis d’Amérique. Ces documents peuvent
d’autres services religieux dans être consultés à l’Institut d’Essex. Dans la
l’église (School Street), le Père Rousselet Gazette de Salem, du mardi 21 juin 1791,

13 6
est parue une lettre datée du 20 juin en allant de l’un à l’autre, jusqu’à ce que l’une
provenance de Boston qui dit: “ Ce jeudi, ou l’autre des parties se retire. Il a en
l’évêque Carroll a quitté Boston lors de sa outre suggéré qu’elle porte d’abord sur le
visite ici, il a suspendu le Père Rousselet de dogme de l’infaillibilité, car il lui semblait
ses fonctions ministérielles et a confirmé que si cela pouvait être prouvé, le débat
le Père John Thayer en tant que pasteur de serait inutile. Le Père Thayer a accepté la
l’Eglise catholique dans cette ville.” Un des suggestion, et la Gazette du 26 juillet 1791
premiers actes du Père Thayer, après avoir contient sa première lettre, suivie par celles
pris son pastorat, fut de lancer un défi à des 2, 9, 16 et 23 août. D’autres lettres du
toute personne de le rencontrer dans une Père Thayer apparaissent le 30 août, les 13,
discussion (controverse) religieuse. Le 20 et 27 septembre. La dernière lettre du
Rev. George Lesslie, pasteur de l’église à Père Thayer apparaît le 11 octobre 1791.
Washington, New Hampshire, a accepté Il continua en donnant, chaque semaine
de relever ce défi et sa lettre apparaît à Boston, des conférences sur la véracité
dans la Gazette du 19 Juillet 1791. Il a été de la foi catholique ; et ses discours, aussi
convenu de poursuivre la discussion dans sérieux qu’éloquents, attiraient de grandes
les colonnes de la Gazette Essex. Le Père foules de concitoyens protestants. Il publia
Thayer a ouvert la discussion en donnant de nouveau le récit de sa conversion dans
un résumé de la doctrine catholique, un beau style bien détaillé où il décrivait
à laquelle son adversaire a répondu en les raisons précises et irréversibles qui
suggérant que la discussion devait se l’avaient guidé vers cette étape importante
diriger vers un point de doctrine unique, de sa vie.

Suffolk Street Chapel, Boston

137
I l s’engagea par la suite à transmettre ses
propres convictions à ses compatriotes
par le biais de la chaire et de la presse. Du
fait de son zèle et de son manque de tact, il
étaient deux choses bien distinctes ; et
quoiqu’il pût s’enorgueillir d’avoir changé
l’une, il n’était pas sûr d’avoir atteint l’autre.

S
se mit à dos quelques pasteurs protestants
; il était toujours prêt à témoigner de es publications et notamment son livre
“l’espoir qui l’animait.” Et il constatait encore “Controversy between the Rev. John Thayer,
avec mortification que les Américains, Catholic missionary, of Boston, and the Rev.
toujours si prompts à se fourvoyer dans George Lesslie, pastor of a church in Washington,
des nouveautés de toutes espèces, ne New-Hampshire”. publié en 1792 relatant ses
changeaient pas rapidement d’opinions vivaces discussions avec le Pasteur George
religieuses, tout particulièrement en Lesslie, ses habiles et charitables excuses dans
matière de vieilles et pénibles habitudes. la presse de Boston furent les premières de la
Il trouvait que conviction et conversion sorte dans l’Histoire de l’Amérique.
13 8
5 RETOUR À BOSTON

Vrai ou faux, ce qu’on dit des


hommes tient souvent autant de
place dans leur vie et souvent
dans leur destinée que ce qu’ils
font.
( Les Misérables,Victor Hugo)

M gr Carroll arriva à Boston aux


alentours du 25 mai 1791 et y
demeura environ trois semaines.
Contre toute attente, il fut bien reçu par
la population mais ne put pas colmater la
la Poterie et Rousselet, étaient des prêtres
qui avaient été jadis suspendus en France
et subiraient éventuellement une nouvelle
suspension aux Etats-Unis par l’évêque
Carroll.

L
brèche existant entre le Père Thayer et le
Père Rousselet ainsi que leurs supporters e Père Thayer, troisième pasteur,
respectifs. En fait, la situation se détériora engagea un combat contre le Père
au point d’aboutir à un schisme chez les Rousselet pour le pastorat de
opposants du volontaire et autoritaire Père Boston, une compétition qui divisait les
Thayer. En résumé, à l’automne 1792, la paroissiens français et irlandais. L’une
communauté catholique de Boston s’est des conséquences désastreuses des
organisée autour d’un prêtre pendant escarmouches ecclésiastiques fut que
quatre ans. Les deux premiers pasteurs, de seulement une centaine de catholiques de
139
5 RETOUR À BOSTON

Boston fréquentèrent la paroisse de cette À Boston, le Père Louis Rousselet après


église. L’arrivée à Boston du quatrième avoir été destitué par l’évêque Carroll
pasteur, le révérend Francis Anthony dans sa lettre du 10 mars 1791, alla dans
Matignon, le 20 août 1792, remédia à cette le Maine pour administrer les natifs
triste situation. Le Père Francis Matignon américains. Il fit ceci en dépit du fait que
resterait à Boston jusqu’à sa mort, 26 ans l’évêque Carroll lui avait ôté ses pouvoirs
plus tard. Le Père Matignon est considéré et facultés ecclésiales. Le Père Rousselet
aujourd’hui comme le véritable fondateur est aussi connu pour avoir exercé le
de l’église catholique de Nouvelle- ministère parmi les Français de Boston.
Angleterre. Le Père Matignon est né à Il rentra de ce voyage dans le Maine début
Paris le 10 novembre 1753. Il a obtenu décembre de cette année-là et revint
un diplôme en théologie à la Sorbonne ensuite administrer les natifs américains
et fut ordonné prêtre le 19 septembre en été 1792. Début septembre de l’année
1778. Après son ordination, il retourna suivante, il était de retour à Boston où
à l’université et obtint son doctorat en il rencontra le nouveau pasteur, le Père
théologie en 1785. Ce prêtre érudit fut Matignon, qui était arrivé dans cette ville
bientôt assigné à l’enseignement au très le 20 août. L’abbé Rousselet fut tout de suite
célèbre Collège de Navarre à Paris. Parmi engagé par les Français aux convictions
ses pénitents se trouvait Jean-Louis royalistes et ce, contre les idéaux de la
Cheverus qui était, à cette époque, Révolution Française, comme éditeur du
étudiant au collège Louis le Grand. deuxième journal français de Boston qui
Refusant de prendre part au soutien a commencé à publier le 10 décembre
de la constitution civile du clergé 1792. Au lieu d’une confrontation à
demandé à tous les ecclésiastiques par le laquelle on s’attendait entre l’ancien et le
gouvernement révolutionnaire de France, nouveau pasteur, le Père Matignon, grâce
le Père Matignon fuit d’abord en Angleterre à sa gentillesse et à son tact, fut capable
et après une brève visite secrète à son d’amener le Père Rousselet à régulariser
retour en France, il partit pour les Etats- son statut avec l’évêque Carroll. Ce fut
Unis, arriva à Baltimore le 24 juin 1792, accompli à la mi-janvier 1793 dans
avec trois autres prêtres français, tous des conditions définies par l’évêque de
Sulpiciens. L’évêque Carroll lui assigna un Baltimore. Peu de temps après, le 19
pasteur de Boston à son arrivée le 20 août janvier 1793, le Père Rousselet annonça
1792. Le Père François Ciquart, Sulpicien, officiellement qu’il arrêtait la publication
l’un de ses compagnons à bord du bateau, de son journal et quittait Boston pour
accepta de travailler parmi les Américains répondre à une offre de prêtrise sur l’île
originaires du Maine. de la Guadeloupe. C’est là-bas livré à

L
la Terreur instaurée par le sanguinaire
a fondation de l’église de Nouvelle- commissaire de la Convention Française,
Angleterre reposait maintenant sur un certain Victor Hugues, qu’il fut
de saines bases. Une fois à Boston, guillotiné lors de la chute de 1794 pendant
le Père Matignon assuma tout de suite le massacre de partisans royalistes. Une
la charge de la paroisse. Le Père John histoire de la Guadeloupe fait état d’un
Thayer qu’il remplaça, pressentant que “ régime impitoyable et radical, où règne
Nul n’était prophète en son pays “, quitta la guillotine. Cette histoire relate qu’il est
Boston et, après avoir visité le Canada, il mort bravement, donnant du courage et

A
offrit de nouveau ses services à l’évêque administrant ses copains prisonniers.
Carroll pour quelque mission dans près ses événements une mission
l’Union dont il pourrait être digne. Il en Virginie en octobre 1793
l’envoya dans le Sud comme missionnaire fut confié au Père John Thayer
au Norfolk et à Portsmouth en Virginie. par Mgr John Carroll. Le Père Thayer
Il n’y trouva cependant pas satisfaction. déménagea à Alexandrie, (Virginie). Il
14 0
servit John Fitzgerald, riche propriétaire esclaves.
d’esclaves et ancien aide de camp Il expliquait par là que même les plus
de George Washington. Il eut vite grands efforts ne font pas changer les
l’impression d’être «une sorte d’intrus» gens de la même façon que le zèle le
et ses critiques à l’égard du traitement plus ardent ne peut venir à bout de
des esclaves par Fitzgerald le brouillèrent toute l’impiété du monde, ainsi que le
définitivement avec lui. Un bienfaiteur, Père Thayer a pu le constater lors de son
vraisemblablement un certain Roger séjour à Boston. Mgr Carroll partageait
(le plus grand propriétaire d’esclaves la répugnance du Père Thayer au sujet de
de Virginie) avait déjà fait don d’un la maltraitance des esclaves, mais le pria
terrain pour construire une église, mais de rester sur place pour le bien des noirs
Fitzgerald refusa d’ériger quoi que ce soit et de cesser de faire de la propagande
qui profite au Père Thayer. Dans les mois antiesclavagiste.
qui suivirent, la construction de l’église Le Père Thayer refusa et eut ensuite le
continua à être un sujet de dispute, mais courage de défier Mgr Carroll parce
l’esclavage constitua le point de rupture qu’il ignorait ses requêtes. Mgr Carroll
principal. Mg Carroll répondit aux avait pourtant l’impression d’avoir des
plaintes répétées du Père Thayer en disant concessions à son égard et les reproches
qu’il était « désolé d’entendre dire que de celui-ci commencèrent à l’exaspérer.
les maîtres manquaient de respect aux En août 1794, Mgr Carroll accorda au
esclaves » et suggéra que c’était un signe Père Thayer le droit de trouver par lui-
pour qu’il dévoue sa vie aux esclaves. Il même une congrégation qui l’accepterait.
y avait eu un précédent ministère à cet
effet, ajouta Mg Carroll, car Roger avait
autrefois eu recours aux services d’un
prêtre pour administrer ses esclaves.
Le Père Thayer choisit une autre voix.
Après avoir passé moins de six mois en
Virginie, il demanda à quitter cet état,
à cause des maltraitances catholiques à
l’égard des esclaves. Mgr Carroll répondit
qu’au regard du grand besoin de prêtres
dans ce secteur, il ne pourrait garantir
son départ. Il n’interdit pas au Père
Thayer de déménager, mais il ajouta que
« les difficultés relatives aux nègres » ne
suffisaient pas à justifier son départ. Mgr
Carroll pressa le Père Thayer de travailler
dans le cadre de la doctrine catholique
pour corriger les abus commis sur les

Les enfants qui naîtront des mariages entre esclaves seront esclaves et appartiendront
aux maîtres des femmes esclaves et non à ceux de leurs maris, si le mari et la femme
ont des maîtres différents.”

Art. 12. du Code Noir pour les esclaves nègres de l’Amérique.


141
Défendons très expressément aux curés de procéder aux mariages des esclaves, s’ils ne
font apparoir du consentement de leurs maîtres. Défendons aussi aux maîtres d’user
d’aucunes contraintes sur leurs esclaves pour les marier contre leur gré.
Art. 11. du Code Noir pour les esclaves nègres de l’Amérique.”
14 2
5 RETOUR À BOSTON

Déclarons les esclaves être des meubles !


(Art. 44. du Code Noir pour les esclaves nègres de l’Amérique. ),

Tel est le principe que le Code Noir entend définir et justifier tout au long de ses 60
articles, en prenant à témoin Le Roi de France, l’Eglise catholique et Dieu lui-même.
Ce principe est celui de toutes les sociétés esclavagistes, mais la France est la première
puissance des temps modernes à l’avoir codifié. Le statut social, juridique et économique
de l’esclave est celui d’un objet, d’un bien, et en tant que tel, une entité sans volonté ni
identité propre. La législation de l’esclavage considère les esclaves comme “articles de
propriété”, qui entrent dans l’ordre des biens, sans volonté ni personnalité juridique,
ayant comme seuls et uniques représentants leurs propres maîtres. ”

143
5 RETOUR À BOSTON

“ Le Père Pierre Denaut est nommé curé de la paroisse de Saint-Antoine de Longueuil


en 1789; en 1797, il est nommé évêque de Québec, mais il décide de rester curé de
Longueuil et d’y résider jusqu’à sa mort, en 1806.
Première église Saint-Antoine à Longueuil,(aujourd’hui détruite) où fut reçu le Père
John Thayer lors de son séjour au Canada en 1797”.

L e 3 octobre 1796 arriva à Boston


le Père Jean-Louis-Lefebvre de
Cheverus, sa vie exemplaire, sa piété,
son intelligence et sa courtoisie infaillible
envers les gens étaient remarquables. Il fut
parmi la population, il devint citoyen
américain en été 1796.
Parmi les missions du Père John Thayer
à cette époque, nous en retrouvons une à
Longueuil au Canada en novembre 1796,
même capable d’augmenter les revenus de puis une autre à Monréal en mai 1797.

E
la paroisse, de payer les dettes de 1789,
de faire des réparations et des extensions n 1796, après son départ de Boston,
à l’église à l’intérieur et à l’extérieur et le Père Thayer fut envoyé à Longueuil
d’acheter de nouveaux meubles. Ce qui pour y récolter des fonds nécessaires
est de loin le plus important est le fait qu’il au projet de construction d’une église
attira d’anciens catholiques pratiquants dans la ville d’Albany, nous n’avons que
et amoindrit les préjugés anticatholiques peu d’informations sur son séjour dans
d’un certain nombre de Bostoniens. cette ville canadienne du Québec, située
Pour symboliser sa présence permanente sur la rive du fleuve Saint Laurent.
14 4
C ependant aux archives
Québec une série de notes très
intéressantes contenues dans la
correspondance de Mgr Pierre Denaut,
(10e évêque de Québec de 1797 à 1806.)
de à celle de la France; des attroupements
considérables d’habitants de presque tous
les endroits se sont faits tous les jours
depuis dimanche, ils refusent absolument
de se soumettre à la loi portée par le « bill
Ces notes nous donnent quelques des chemins. » Hier, ils se sont opposés à
précisions ce sur qu’a pu être sa mission la prise d’un nommé Berthelot déjà sous
à cette période. D’après ses notes qui la loi; ils ont saisi rudement le shérif
furent par ailleurs l’objet d’une édition Gray, bourrassé son neveu Ermintinger,
que l’on peut consulter dans le rapport et mis en fuite le bailli. Tous ont refusé
de l’archiviste de la province de Québec, de le cautionner; on dit qu’ils doivent
les archives nous révèlent que le Père encore s’attrouper demain en plus
John Thayer est arrivé à Longueuil, le grand nombre; sans doute ils seront
19 novembre 1796 et qu’il y a logé onze plusieurs milliers. Les magistrats sont
jours au presbytère de la paroisse de très embarrassés. Videbitur infra. La
Saint-Antoine de Longueuil. Son séjour révolution, dit l’histoire, a commencé par
ne fut pas très chaleureux à son arrivée ; un attroupement de femmes affamées,
à cette époque, un vent de révolte souffle que ne doit-on pas craindre d’hommes
sur le Canada. Des événements avaient entêtés.” (Cartable: Evêques de Québec,
conduit les autorités à l’arrestation d’un 11-114; Copies de lettres, v. V, f. 481.)
certain Berthelot et de ses compagnons » (Page 133, de l’ouvrage pour l’année
ayant agi contre les autorités. (Voir 1796, datée du 19 novembre 1796).
Histoire populaire du Québec: De 1791 Rapport de l’archiviste de la province
à 1841 - Page 52 de Jacques Lacoursière de Québec 1931-1932. Consultable
Tome 2) Le 11 octobre, « un très grand :http://collections.banq.qc.ca/
rassemblement eut lieu sur le Champ ark:/52327/2276288
de Mars à Montréal ; mais il n’y eut de L’agitation avait aussi gagné les paroisses
violences envers personne et, à la demande environnantes. Le 15 octobre, à Sainte-
des magistrats, la foule se dispersa ». Le 24 Rose, un certain Charles-François
octobre, le constable Marston (un agent Ferrière tient des discours séditieux
de la paix au Canada) se présente chez et diffamatoires contre l’honorable
un nommé Latour, l’un des meneurs. Il Chambre d’assemblée, ce qui lui vaut
trouva Latour enfermé dans sa maison une année de prison ; le 13 octobre, M.
avec plusieurs de ses amis, bien armés Amable Content organise à Saint-Roch
de mousquets, qu’ils dirigèrent vers lui de l’Assomption une assemblée pour
aussitôt qu’ils le virent s’approcher. Le protester contre l’acte des chemins (Acte
calme ne revient que le 30 octobre avec pour faire réparer et changer les chemins
l’envoi de deux régiments de soldats et ponts dans cette Province) ; il s’en tire
réguliers à Montréal. avec trois mois d’emprisonnement et
En voici le texte de l’archiviste relatant une amende de vingt livres. A Saint-
l’événement : Antoine de Longueuil, trois habitants
« Mgr Pierre Denaut à M. Joseph-Octave s’opposent à l’approvisionnement du
Plessis, curé de Québec (Longueuil, 18 marché de Montréal. A Lachine, Nicolas
octobre 1796). A propos de l’établissement Despelteau tente d’inciter la population
d’une caisse ecclésiastique.” Les nouvelles à « commettre des actes d’émeute ».
de Québec, d’une invasion des Français Monseigneur Pierre Denaut, curé de
dans cette province, ont porté la crainte Longueuil, dans une lettre du mardi 18
dans le cœur de plusieurs et la joie dans octobre 1796 à Joseph-Octave Plessis,
le plus grand nombre. Tous les habitants curé de Québec, cherche à établir
les désirent. Nous touchons, on dirait, les causes d’une telle agitation. Un
au moment d’une révolution pareille pamphlet distribué chez les habitants se
145
termine par cette phrase « On n’entendra récolter des fonds par Mgr John Carroll.
bientôt que le cri de vive la république! Voici en substance ce qu’en dit
Depuis le Canada jusqu’à Paris ». Ce l’archiviste :
qui fit réagir les autorités britanniques « Mgr Pierre Denaut à Mgr J.-F. Hubert,
et donna lieu à deux proclamations: à Québec (Longueuil, 19 novembre1796).
la première ordonne la chasse aux Le révérend M. Thayer, célèbre converti,
personnes qui tiennent des discours s’est rendu à Montréal, avec l’intention
séditieux ou qui tendent à inciter d’y passer quelque temps, dans le but de
un mécontentement dans la colonie se reposer de ses pénibles travaux dans
envers la couronne britannique et ses les missions. Il lui a demandé d’écrire à
représentants. La seconde proclamation Son Excellence, le général Prescott, afin
enjoint à toutes personnes étrangères de lui faire connaître sa présence dans la
et sujets de France, qui sont arrivées province. Mgr Hubert apprendra de M.
dans cette province depuis mai 1794, de Desjardins “ plus qu’il n’en faut pour vous
partir dans un délai de 20 jours à la date intéresser en sa faveur.” Il a distribué à
de cette présente proclamation. ses voisins la dernière circulaire de Mgr
Les autorités civiles font appel aux bons Hubert. (Cartable: Evêques de Québec,
services de l’évêque de Québec pour 11-115; Copies de lettres, v. V, f. 473.)
inciter la population à demeurer fidèle
à la couronne britannique. Au début Mgr Pierre Denaut à Mgr J.-F. Hubert, à
de son séjour, le Père John Thayer était Québec (Longueuil, 1er décembre1796). «
soupçonné d’être français donc un M. Thayer a passé onze jours au presbytère
possible agitateur, ce qui avait beaucoup de Longueuil. Il a parlé du gouvernement
ennuyé Mgr Pierre Denaut qui relate des États-Unis, comme nous parlons
l’incident dans une lettre datée du 12 du gouvernement d’Angleterre; il est
janvier 1797, envoyée à Mgr Joseph convaincu même, d’après le caractère
Octave Plessis: de nos colons, qu’ils sont plus heureux
Voici en résumé le texte de l’archiviste : sous le gouvernement sous lequel nous
vivons qu’ils ne seraient sous le sien ».
« Mgr Pierre Denaut à M. J.-O. Plessis, Je n’ai connu en lui qu’un homme pieux,
curé de Québec (Longueuil, 12 janvier fervent, attaché à son état et pénétré de
1797). L’affaire de M. Thayer l’a ennuyé. ses devoirs, de ses obligations. Il n’est
Heureusement que du côté de Québec pas muni de lettres de recommandation,
tout est tranquille. Il n’en est pas ainsi à mais l’évêque de Baltimore l’a revêtu
Montréal. Les prêtres du séminaire l’ont de très amples pouvoirs. Il travaille à
renvoyé de chez eux, sous prétexte que recueillir des fonds pour la construction
l’on murmurait en ville contre la présence d’une église à Albany, et c’est dans le but
d’un prêtre français. Le solliciteur général d’intéresser les habitants de la province à
s’est enquis de la chose et après avoir cette œuvre qu’il est venu en Canada. Il
appris que M. Thayer était américain, a été tout surpris, en lisant la lettre de M.
il s’est retiré sans en dire plus long. M. Desjardins, des objections que l’on faisait
Thayer est maintenant chez M. Conefroy à son séjour dans la province. (Cartable:
d’où il reviendra à Longueuil. (Cartable: Evêques de Québec, 11-116; Copies
Evêques de Québec, 11-117; Copies de de lettres, v. V, f. 473.) » (Page 134, de
lettres, v. V, f. 47) » l’ouvrage pour l’année 1796, datée du 19
novembre 1796).
Après avoir appris avec certitude que
le Père John Thayer était américain, les Rapport de l’archiviste de la province
soupçons cessèrent et il put mener à de Québec 1931-1932, Consultable
bien la mission pour laquelle il avait été :http://collections.banq.qc.ca/
envoyé comme missionnaire chargé de ark:/52327/2276288
14 6
5 RETOUR À BOSTON

En 1798 le recteur missionnaire de la marbre représentant un crâne et des os


paroisse St. Mary était le Père John Thayer; sur laquelle était inscrit : « I.H.S. Thomas
il ne resta que peu de temps à St. Mary Barry, Louis La Couteulx, fondateurs.
avant d’être envoyé ailleurs par Mgr John E.C. Quinn, maître d’œuvre. A.D. 1798.
Carroll. Il contribua cependant à lever des Le gouvernement de l’état de New York
fonds pour l’édification de la paroisse de désigna officiellement Albany comme
1796 à 1797. capital d’état. A cet effet, St. Mary (qui

P
serait achevée en 1807) fut ouverte au
endant la construction de l’église public.
St. Mary qui était à l’origine très C’était la deuxième église catholique
modeste, le bâtiment en briques construite dans l’état de New York et elle
formait un carré de 15 mètres de côté fit office d’église paroissiale intra muros de
environ. Le portail donnait sur Pine Street. New York. C’était la première église dédiée
Il n’y avait pas de clocher ; seulement une à la vierge Marie dans l’état de New York
croix sur le toit indiquait que c’était une après la Révolution.
église. Le sanctuaire intérieur représentait
un carré de 3 mètres avec des galeries le Construite sur la Pine Street, entre
long des murs est et ouest. Dans la galerie Barrack et Lodge Streets. Il y avait peu de
ouest se trouvait un petit orgue offert par catholiques à Albany et la plupart n’étaient
Madame Margaret Cassidy. Il était connu pas riches. En conséquence, les conseils
pour avoir été le premier orgue installé devaient chercher d’autres sources de
dans une église d’Albany. Au-dessus du dons auprès des protestants sur place et
portail principal, il y avait une plaque de des catholiques dans d’autres localités.

147
Gravure représentant la première église St.
Mary à Albany construite sur la Pine Street,
entre Barrack et Lodge Streets 1798-1807.

14 8
149
Archives de la ville de Montréal (Congrégation de Notre-Dame (Montréal) / James
Duncan - 1853) La Congrégation de Notre-Dame est une communauté religieuse
ca­tho­li­que de femmes de foi apostolique, fondée au 17e siècle par sainte Mar­gue­ri­te
Bourgeoys, pionnière de la Nouvelle-France.

E n 1797, le Père Thayer fit un nouveau


séjour au Canada, afin de rendre
visite aux religieuse du couvent
de la Congrégation de Notre-Dame de
Montréal:
Thayer rapporté dans: « Histoire de la
Congrégation de Notre-Dame de Montréal
troisième partie XIX siècle Volume VI,
1790-1822. Page 53 ». (Le fonds d’archives
de la Congrégation de Notre-Dame est un
Voici grâce aux écrits de Sœur Sainte- fonds privé conservé à la Maison mère de
Henriette(de son nom civil, Marie- la Congrégation à Montréal.)
Darie-Aurélie Lemire-Marsolais. 1839- consultable ici:
1917) le récit détaillé du séjour du Père http://www.cnd-m.org/100/fr/archives.php

15 0
V oici en intégralité le récit de par toute la Communauté, pour solliciter
Sœur Sainte–Marie-Médiatrice : perpétuellement la conversion des Etats
américains, et pour s’unir d’esprit et de
« Visite du Révérend John Thayer au cœur aux prières et aux travaux des
couvent de la congrégation de Notre- missions ; dans cette vue, elles offriront
Dame de Montréal. En 1797, notre au Seigneur toutes leurs souffrances et
communauté se trouva en rapport avec un leurs pratiques de dévotion.
célèbre converti, ex-ministre calviniste,
devenu fervent prêtre catholique, que 3° — Ces deux Sœurs en même temps
nous ferons un peu connaître ici, avant de chargées d’avertir la supérieure la veille
dire ce qui le porta à visiter notre maison. du jour fixé pour la communion du mois,
Le révérend John Thayer, originaire afin qu’elle rappelle l’intention ci-dessus
d’une des premières familles de Nouvelle- exprimée à toute la communauté.
Angleterre, possédait une instruction
peu ordinaire, et avait été choisi en tant 4° — Cet engagement sera perpétuel
que ministre des Congrégationalistes, dans les communautés qui l’agréeront;
(branche des Puritains). Dans le but et chaque députée, après son décès,
d’augmenter sa science, il visita divers sera remplacée, en sorte qu’il se trouve
pays de l’Europe et se rendit jusqu’à toujours deux Sœurs qui remplissent le
Rome . . . Là, touché par la grâce, il se dessein de l’Association.
fit catholique. Pressé de nouveau par un
mouvement de l’Esprit-Saint, il résolut 5° — Pour inciter plus efficacement
de passer à Saint-Sulpice pour y faire à entrer dans cette bonne œuvre, les
des études théologiques et fut ordonné personnes qui voudront être membres
prêtre. En 1790, il rejoignit Mgr Carroll de l’Association se rappelleront que,
pour travailler aux missions catholiques par leur union, offrandes de prières
de son pays natal, et c’est dans le but de et de bonnes œuvres, elles participent
procurer le bien de ces missions qu’il aux prières, bonnes œuvres et travaux
visita notre communauté, comme nous des missionnaires, et de toutes celles
pouvons le voir par cet extrait de nos que feront les personnes qu’elles auront
registres : « Monsieur Thayer, de ministre converties.
protestant qu’il était, avait eu le bonheur
de se convertir et de recevoir les saints Nous, Sœurs de la Congrégation de
Ordres, par la grâce de notre Saint Père Notre-Dame, sommes entrées dans cette
le Pape Pie VI, dans le but de travailler Association, le 1er mai 1797; et nous
aux missions d’Amérique. Pour attirer les destinons la communion générale du
bénédictions du ciel sur cette entreprise, il premier dimanche du mois à cette fin. »
invite les âmes pieuses à entrer dans une
association de prières déjà adoptée par
plusieurs communautés, en la manière À la demande du Père John Thayer,
qui suit: la communauté consent à prendre,
gratuitement, au pensionnat, pendant deux
1° — Chaque Communauté s’engagera, ans, deux jeunes filles, pour leur apprendre
sans toutefois que cet engagement impose à lire, écrire, compter, travailler; en un mot,
obligation de conscience, à faire la sainte leur faire connaître notre Institut. Veuille la
communion à un certain jour déterminé divine Providence les appeler à coopérer à
dans chaque mois, pour demander à l’instruction de la jeunesse dans leur pays !
Dieu le succès de la mission d’Amérique. L’Église et la communauté donnent vingt-
quatre livres au Père John Thayer pour
2° — Deux religieuses seront nommées contribuer aux Etats-Unis à la bâtisse
par la supérieure, comme responsables d’une église dans Albany. »
151
5 RETOUR À BOSTON

À plusieurs reprises, jusqu’en 1799,


le Père John Thayer vint à Boston
rendre visite au Père Matignon qu’il
assista de nombreuses fois. Pendant ses
quatre premières années à Boston (1792-
dû patienter quinze jours avant d’être reçus
par le ministre des Affaires étrangères sous
la coupe désormais d’un gouvernement
radical du Directoire qui avait réclamé
un emprunt de dix millions de dollars
1796), le Père Matignon ne fit que deux comme préalable à toute discussion de
voyages missionnaires. Le premier eut lieu fond sur les problèmes qui amenèrent
au début de l’automne 1793 pendant le les États-Unis et la France au bord de la
séjour du Père Thayer à Boston qui assista guerre. Pis encore, ils ont exigé la somme
le Père Cheverus pendant son absence. En de 250 000 dollars comme “pot-de-vin”
octobre, le Père Matignon fit un voyage pour Charles-Maurice de Talleyrand. Ce
missionnaire à Newburyport et monta diplomate était connu pour sa vénalité.
en bateau vers le Nord à Portsmouth, La réponse des émissaires américains, le
New Hampshire, pour rencontrer et fameux “X, Y, Z” fut rapide et incisif: “Des
administrer les catholiques de cette région. millions pour la défense, Monsieur, mais
Il renouvela ses visites en février 1794. Lors pas un sou de tribut, non, pas un sou!”.
de ces occasions, les catholiques étaient

L
des Français. Les visites du Père Matignon
à Portsmouth en 1793 et 1794 étaient les orsque le Père John Thayer prit
premières visites missionnaires parmi des la parole le 9 mai, énumérant les
individus de souche européenne au New atrocités françaises pendant la
Hampshire. Terreur, le discours était révélateur du

E
climat de l’opinion de l’époque. Pendant
n 1798, nous le retrouvons à Boston cette période, l’aménagement de la marine
lors d’un sermon marquant, l’un des fut accéléré; le Directoire mit fin aux
plus beaux textes de John Thayer, relations diplomatiques entre la France et
prêché dans l’église catholique de cette les Etats-Unis. Des hostilités entre navires
même ville, le 9 mai 1798, désigné par isolés français et américains eurent lieu en
le Président John Adams comme un mer, lors de la “quasi-guerre”.

E
jour d’humiliation et de prière. Cette
célébration a été proclamée au milieu de n 1798, le Congrès des Etats-Unis
la fureur circulant dans le pays, suscitée déclara comme nulles et non avenues
par la rebuffade humiliante des émissaires l’alliance et les diverses ententes avec
américains à Paris; trois membres de la la France. La guerre navale s’ensuivit, et il
mission de paix américaine dépêchée à était question d’une guerre à grande échelle
Paris le mercredi 18 octobre 1797 avaient contre la France. L’influence des Jacobins
reçu de la République française l’une des suscitait de plus en plus de crainte, et
propositions les plus scandaleuses jamais George Washington lui-même insista sur
faites à des diplomates. le fait que les Républicains fussent exclus
Les trois Américains Elbridge Gerry, John de l’armée, du fait de leur éventuel manque
Marshall, et Charles C. Pinckney, avaient de loyauté.

Offrons nos ferventes prières au ciel, en ce jour, que sa vie inestimable puisse être
préservée, et que sa santé dure, que Dieu lui donne la sagesse de discerner quelles seront
les meilleures mesures à adopter pour le bien du pays. ” Père John Thayer 9 mai 1798

15 2
Cathédrale Holy Cross où le Père John Thayer a prêché le 9 mai 1798.

153
5 RETOUR À BOSTON

La promulgation de la répression des magistrat suprême, notre évêque révérend


étrangers, texte de loi, selon lequel de droit a eu le plaisir d’ajouter cette forte
l’opposition politique est devenue un recommandation, dans laquelle, en plus
crime, eut lieu dans le courant des mois des objets d’humiliation et de prière
de juin et juillet; ce climat était donc dans communs à tous nos concitoyens, il nous
les semaines précédant le sermon du Père presse d’implorer le Seigneur d’arrêter les
John Thayer, un indicateur de l’ambiance horribles persécutions qui sont en train
fébrile de l’époque à Boston. de ravager sa propre Église et de revigorer
Ce texte merveilleux de 31 pages a été et renforcer son influence. Mais, bien
miraculeusement préservé et consigné que le devoir d’humiliation et de prière
dans un livre écrit par John Thayer et édité nous incombe en tout temps, et d’autant
par Samuel Hall à Boston en 1798 sous le plus spécifiquement en ce temps présent,
titre suivant: voyant encore le changement surprenant
“A Discourse, Delivered, at the Roman qui vient de s’instaurer dans les esprits,
Catholic Church in Boston, on the 9th of je considère le devoir d’action de grâce
May, 1798: A Day Recommended by the beaucoup plus urgent – je ferai par
President, for Humiliation and Prayer conséquent mention de quelques raisons
Throughout the United States. By the qui devraient nous inciter à la gratitude et
Reverend John Thayer, Catholic Missioner. à l’action de grâce envers le grand donateur
Printed at the Pressing Solicitation of de tout bien et comme je poursuis, je ferai,
Those who Heard it” de temps en temps, de telles réflexions qui

E
sont propres à faire pencher notre cœur
n voici le texte intégral: vers la prière et l’humiliation.
Pendant tout le cours de mon ministère
Discours prononcé à l’église parmi vous, mes frères, je n’avais encore
catholique romaine de Boston le 9 mai jamais abordé de détails concernant
1798, par le Révérend John Thayer, des sujets politiques, et je ne le ferais
missionnaire catholique. Pendant la pas maintenant si ce n’était pour vous
journée d’humiliation et de prière dans apprendre à dûment apprécier le
toute l’Amérique décrétée par le Président gouvernement sous lequel vous vivez et
des Etats-Unis d’Amérique. vous indiquer vos devoirs envers lui.

Priez sans relâche - rendez grâce en toutes


circonstances. 1
L
Thessaloniciens, v. 17,18
a première bénédiction qui exige de
Dans cette parole ci-dessus, l’apôtre vifs remerciements à Dieu, c’est que
inspiré nous inculque les deux missions nous vivons sous le gouvernement
importantes de la prière et de l’action le plus libre et le plus facile du monde. La
de grâce que le Président des États-Unis constitution des États- Unis contient une
nous exhorte à accomplir en ce jour. Nous grande force d’énergie où chaque personne
avons besoin de prier pour nos péchés, en raisonnable trouve toute la liberté qu’elle
tant que nation et en tant qu’individus, et souhaite. C’est équilibré, nos autorités
de faire grandement amende honorable exécutives, législatives et juridiques étant
devant Dieu pour cette raison : et nous indépendantes les unes des autres et
avons besoin de prier pour les Grâces contrôlées mutuellement. Elles émanent
continuelles, à la fois spirituelles et toutes de la majorité des gens qui ont
temporelles, que nous avons reçues jusqu’à toujours le pouvoir de mettre un terme
présent. À la proclamation de notre à tout abus réel qui pourrait survenir, en

15 4
en remplaçant leurs représentants du morales.
moment et en nommant d’autres qui Lorsque ce guerrier reconnu et cet
auraient leur confiance – aussi longtemps homme d’état admiré s’est retiré de la tête
que la plus grande partie du peuple ne de l’Etat et a cherché le repos dû à son âge et
voie pas la nécessité d’un changement sa santé, nous avons eu grandement raison
d’hommes et de mesures, nous pouvons de remercier Dieu de n’avoir pas permis
demeurer certains que les abus ne sont que les intrigues d’une insidieuse nation
pas de nature alarmante, bien qu’ils soient étrangère réussissent à placer l’homme de
amplifiés par les scribouillards politiques et leur choix sur le siège présidentiel, mais
les détracteurs. Sous un tel gouvernement nous a insufflé le courage suffisant pour
comme le nôtre, toute insurrection contre mettre à notre tête un homme d’état et
les autorités en place ou toute opposition un patriote, dont l’habileté et l’intégrité,
constitue la révolte d’une partie contre prouvées dans les moments les plus
la volonté générale, grâce à laquelle difficiles, lui octroient absolument notre
ces autorités existent et il est fortement confiance et notre affection. Tel est l’illustre
criminel, Dieu soit loué, que cette heureuse John Adams, l’actuel Président de ces états.
constitution, dans laquelle les personnes Ce grand homme n’a pas rien d’autre en
de toutes confessions jouissent d’une vue que le bonheur et la prospérité de ses
entière sécurité pour leur vie, leurs biens concitoyens auxquels son destin et celui de
et leurs libertés spirituels ou politiques, sa famille sont évidemment liés de manière
soit encore intacte et opérationnelle et inséparable.
que toutes les tentatives de renversement
ou d’affaiblissement, en concentrant tous Il ne souhaite aucun pouvoir qui ne serait
ses pouvoirs dans une seule chambre de garanti par la constitution et aucun soutien
représentants, n’ont servi qu’à mettre en qui serait incompatible avec un esprit de
lumière ses principes et à la renforcer. liberté magnanime. Depuis la publication
de ses instructions à nos messagers de
2 paix, nous avons appris, mieux que jamais,
à apprécier sa valeur.

U
Maintenant nous sommes certains de son
ne autre raison de remercier Dieu, caractère modéré et conciliant de même
c’est que l’administration de cette que de sa fermeté décisive. Avec un tel chef,
très excellente constitution, depuis nous n’avons rien à craindre. Jamais il ne
le tout début de son établissement, a été sacrifiera l’honneur de la patrie, jamais il
confiée à des hommes éminents pour leur ne renoncera à cette part d’indépendance
sagesse, leur fermeté et leur service à la qui a longtemps été l’objet de ses peines et
patrie. Je n’ai qu’à mentionner Washington, labeurs et pour l’obtention desquelles de
ce gardien de génie, ce sauveur du si nombreux compatriotes courageux ont
pays, cet ornement de la race humaine, versé leur sang et perdu leur vie.
pour déclencher dans tous les cœurs Offrons nos ferventes prières au ciel, en
de chaleureux sentiments d’estime, de ce jour, que sa vie inestimable puisse être
gratitude et d’amour. Qu’il puisse profiter préservée, et que sa santé dure, que Dieu
longuement des charmes de la retraite lui donne la sagesse de discerner quelles
dans lesquels il a choisi de passer le soir de seront les meilleures mesures à adopter
sa vie. Que les bénédictions de ce pays et pour le bien du pays, et la force morale pour
de l’univers soient encore de nombreuses les exécuter en dépit de tout obstacle et
années sa récompense et, qu’enfin, il entre opposition ; et que tous ceux qui l’assistent
dans le royaume du bonheur éternel, et le conseillent soient des hommes habiles
enrichi par les vertus chrétiennes ainsi que et intègres ; afin que le public n’ait pas à pâtir

155
15 6
157
de l’incompétence et de la malhonnêteté. Je ne parle pas de la France gouvernée
Résolvons-nous à lui offrir un soutien par les descendants de saint Louis, c’était
cordial et généreux et déclarer ouvertement alors le gardien de la religion et de la
cette résolution en mettant nos noms bonne morale et le refuge des malheureux.
à l’appel chaleureux des Hommes en Heureux pays où je reçus la partie la plus
faveur de la signature de tous les citoyens. valable de mon éducation et où je passai
Disons-lui que nous ressentons, comme mes plus heureuses années parmi des
il se doit, la valeur de cette liberté que amis estimés et de chers associés ! Hélas
nous apprécions et que nous engageons ! ce temps est révolu. Ils ont tous été soit
notre fortune et notre honneur pour la cruellement massacrés, bannis ou réduits à
défendre avec loyauté et fidélité, sous vivre chez eux dans la misère. Si je t’oublie,
les bannières d’un gouvernement que oh ma si charmante demeure, alors que
nous avons choisi. Exprimons notre ma main droite s’oublie elle-même, que
indignation devant les insultes à répétition ma langue s’attache à mon palais. Mais
contre ce gouvernement qui a cherché maintenant, comme tout a changé ! Mon
la paix par tous les moyens compatibles cœur se serre à l’intérieur, mon esprit
avec la dignité et l’honneur d’une nation meurt à petit feu quand je me rappelle le
indépendante. Déclarons, avec la fermeté destin de quelques-uns de mes très chers
et l’amour-propre des hommes libres, hôtes.
notre bonne volonté à unir tous nos efforts Mais bientôt, le souvenir douloureux
possibles pour éviter d’être les victimes est englouti dans la considération de la
de conditions dégradantes qu’une nation complexe détresse de cet empire naguère
étrangère cherche à nous imposer, comme favorisé.
préliminaires à toute négociation de paix La France sous la Révolution est bien plus
et que nous considérons la guerre et un fléau de Dieu que ne le fut Attila ou
toutes ses calamités inhérentes, comme tout autre conquérant barbare gravé dans
le moindre de ces deux maux. Montrons l’Histoire. On peut dire littéralement que
que nous aimons le gouvernement qui ses tyrans dont le père est Satan, circulent
nous protège et que nous n’en sommes et cherchent qui ils vont dévorer. Si nous
séparés ni en intérêt ni en affection. Enfin, jetons un coup œil sur la carte du monde,
exprimons notre chaleureuse approbation nous trouverons, dans presque chaque
sans équivoque du système avisé et modéré partie, de terribles traces de leurs projets
qui a été mené jusqu’ici envers les nations destructeurs. Les souffrances, qu’ils ont
étrangères ainsi que notre confiance répandues à travers le globe, sont au-
croissante en celui qui nous préside avec delà de tout calcul potentiel, ce sont des
tant de sagesse et de prudence. souffrances si universelles qu’elles sont

3 capables de susciter l’horreur chez tous


ceux qui ont des sentiments humains

N
ou méritent le nom d’êtres humains, des
otre troisième raison de souffrances qui ne seront jamais effacées
remercier sincèrement le ciel, de la mémoire de l’humanité et que des ères
c’est que, pendant qu’un esprit de entières de paix et de sérénité arriveront
désorganisation et de désordre a produit à peine à réparer. Combien de calamités
des effets si désastreux dans d’autres pays, sans précédent n’ont-ils pas infligées à
l’Amérique, en dépit de l’effervescence leur malheureux pays ! Combien d’atroces
produite dans nos rangs par les efforts cruautés et atrocités n’y ont-ils pas
extraordinaires des intrigants étrangers commises ! Leurs propres auteurs avouent,
et nationaux, demeure dans un bon état que par différents moyens de destruction,
de tranquillité. Dieu a élevé la France en guillotine, exécutions, noyades, et autres
raison des châtiments d’un monde impie. choses du même genre, plus de 30 000
15 8
5 RETOUR À BOSTON

personnes furent tuées à Lyon et la ville aujourd’hui, peut être tenu pour un crime
rasée et, à Nantes, selon les plus basses le lendemain et être puni de mort ou de
estimations, 27 000 personnes (certains confiscation.
parlent de 40 000) furent assassinées, Sous cette accumulation de calamités, les
surtout par noyade, si bien que l’eau pauvres esclaves pourraient trouver leur
de la Loire fut polluée, interdite à la joug moins humiliant, leur fardeau moins
consommation et qu’à Paris, 150 000, et insupportable, s’ils pouvaient profiter, en
en Vendée, 300 000 furent anéantis. cachette, des consolations de la religion,
Ils reconnaissent même que, depuis le dont ils ont faim et soif, mais non ; leurs
commencement de leur abominable tyrans ont pratiquement tari leur source
révolution, ils ont sacrifié deux millions de réconfort. Et c’est ici, mes amis, que
des leurs, dont 250 000 femmes et 30 000 d’horribles scènes surgissent dans notre
enfants sans compter, dans cet immense mémoire ! De nombreuses années avant
carnage, les soldats qui périrent dans les l’éclatement de la révolution, les prétendus
camps ou au combat, ou les enfants qui philosophes, tribus de déistes, d’athées et
moururent dans le ventre de leur mère. de matérialistes, ont, par le biais de leurs
Regardez ce pays et examinez son état clubs secrets, de publications obscènes
d’aujourd’hui. Que ce soit par le pillage, des et impies et bien d’autres moyens variés,
prêts forcés, des contributions, et d’autres suggérés par un esprit démoniaque,
moyens iniques, leurs nobles seigneurs essayé et réussi en partie à corrompre les
ont réussi à y concentrer une grande partie différentes classes de la société française.
de leurs richesses européennes ; et encore Mais leur système d’impiété n’a jamais
avec leur politique restreinte, la ruine de pu agir sur la majorité des citoyens qui
toutes les manufactures, du commerce, trouvèrent et trouveront toujours leur
et de toute source de richesse et de bonheur dans la foi en une religion. Ils
revenus régulière et l’entière subversion avaient longuement comploté l’éradication
de la confiance publique, ils ont réduit les totale de toute religion, ce qui constituait
malheureux habitants à un état proche de en premier lieu l’objet de leurs infâmes
la misère et de la famine. Aucun esclavage projets, en raison de son expansion
ne peut atteindre ce niveau. Leur condition grandissante et son attachement majeur à
est la plus dégradante qu’il soit capable l’ordre et au bon gouvernement.
de concevoir. Tout ce qu’ils possèdent, et Cette religion était la religion catholique
même leurs proches, sont constamment romaine. Son renversement avait été aussi
en état de réquisition, ils doivent être décidé à partir du moment où ils avaient
abandonnés à l’appel de leurs maîtres écrasé les anciennes autorités du royaume,
rapaces, sous peine de mort s’ils refusent. ils employèrent tout artifice et firent le plus
Là-bas, personne n’ose écrire, imprimer, d’efforts possibles pour atteindre leur but.
dire, ou même indiquer, par le plus petit Ils commencèrent leurs attaques impies
signe, toute désapprobation des mesures contre l’Eglise en humiliant ses pasteurs aux
qui risquent d’être dictées par les factions yeux du peuple, en les dépouillant de leurs
alors au pouvoir. Toute presse qui affiche vêtements sacerdotaux qui, des années
le moindre mot de désaccord avec les durant, les avaient rendus respectables aux
mandats des arrogants directeurs sera yeux des fidèles. Ils les privèrent ensuite
saisie et les éditeurs condamnés à mort, de leur gagne-pain et d’autres biens et en
emprisonnés ou bannis. Les gens n’ont pas firent les ennemis des véritables intérêts du
de lois stables ou fixes par lesquelles, pour pays, parce qu’ils ne prêtaient pas serment,
réguler leur conduite, un édit est rarement ce qui n’équivalait à rien de moins qu’un
rendu public avant d’être annulé par son renoncement à l’autorité du souverain
contraire ; si bien que ce qui est considéré pontife et des évêques, en un mot, de la
comme légal et même patriotique religion catholique qui leur avait transmise
159
Proclamation de John Adams

John Adams a continué la pratique, commencée


en 1775 et adoptée dans le cadre du nouveau
gouvernement fédéral de Washington, de
proclamer un jour de jeûne et d’action de
grâces. Dans cette proclamation, publiée à un
moment où la nation semblait être sur le bord
d’une guerre avec la France, Adams a exhorté les
citoyens à “reconnaître devant Dieu les péchés
et les transgressions multiples avec lesquelles
nous sommes justement coupables en tant
qu’individus et en tant que nation; le priant en
même temps, de sa grâce infinie, à travers le
Rédempteur du monde, de remettre librement
tous nos péchés et de nous incliner, par son
Saint-Esprit, en nous repentant sincèrement et
en nous réformant ce qui peut nous permettre
d’espérer sa faveur inestimable et bénédiction
céleste “.
16 0
161
5 RETOUR À BOSTON

depuis plusieurs siècles d’affilée. Devant même séduites qu’elles respectaient les
leur refus noble et presque unanime à ordres de leurs tyrans. Enfin, quand tous
apostasier leur foi, commença la plus les moyens de perversion avaient échoué,
horrible période de persécutions (et peut- un édit barbare les dépouillait d’un seul
être la pire de toutes), qui n’aient jamais coup de tous leurs biens; leurs couvents
été infligées à des pasteurs de l’autel, et sont proclamés biens de la nation ; et,
elle continue, avec une fureur sans répit, en une seule journée, toutes ces victimes
à l’heure où je vous parle. Selon les tout impuissantes, au nombre de 30 000,
derniers rapports authentiques, les prêtres sont condamnées à souffrir, réduites à la
sont encore pourchassés et l’on offre de pauvreté et à la misère. Nombre d’entre
fortes récompenses pour leur capture. elles avaient vieilli dans les cloîtres,
Des milliers de saints hommes, généreux nombre d’entre elles étaient malades et
confesseurs de Jésus Christ, ont été mis infirmes, toutes avaient renoncé, selon
à mort, par noyade, exécution, guillotine les décrets de lois anciennes, à tout ce
ou ont péri dans la misère et à la suite de qu’elles possédaient en ce monde, et se
mauvais traitements. Des milliers et des retrouvèrent bien sûr dans une détresse
dizaines de milliers d’entre eux ont été extrême. Aucune considération de cet
bannis de leurs foyers, privés de tout moyen ordre n’était en mesure de toucher les
de subsistance, par le biais des sanglants cœurs durs de leurs ennemis qui, pour
édits de ces monstres français ou sont aggraver leur situation misérable et
partis en exil volontaire et sont en train désespérée, interdirent à quiconque d’en
d’errer dans des contrées étrangères où ils héberger plus de deux à la fois, sous peine
subissent soit les horreurs de l’indigence de sanctions sévères. Toute l’éloquence du
soit prolongent leur existence en acceptant monde ne suffirait complètement à décrire,
la charité des étrangers. Je n’ai pas besoin dans leurs véritables déroulements, le
de vous informer, mes frères, que les moindre de ces actes horribles qui eurent
deux excellents prêtres qui gouvernent ce lieu en France pendant ces quelques
troupeau, avec tant d’intérêt, et qui sont, années écoulées. Les nombreux faits de
à juste titre, si chers à vos yeux, ne sont sauvage barbarie relatés dans l’histoire
ici que par suite des terribles ennuis dans du monde, rassemblé et mis tous bout à
leur propre pays. bout, semblent de douces bénédictions
Mais la cruauté des persécuteurs ne en comparaison des cruautés raffinées
s’arrêtait pas aux différents ordres du commises par les factions sanguinaires
clergé ; elle s’étendait même aux pauvres de ce pays, des cruautés perpétrées non
religieuses, innocentes et sans défense, à pas par quelques individus illicites, au
qui l’on interdit presque totalement tout milieu du chaos révolutionnaire, mais
contact extérieur et tout temps consacré sur ordre des hommes au pouvoir, sous
aux calmes exercices de dévotion, elles leurs yeux. Si je commençais à entrer dans
étaient devenues presque plus timides que quelques détails, comme les mentionnent
les plus faibles d’entre elles qui vivaient les écrivains de leur camp, les cheveux
dans le monde. Des hordes de brutes se dresseraient sur votre tête, tous les
armées furent envoyées dans leurs refuges membres et articulations de votre corps
sacrés et utilisèrent toutes sortes de se mettraient à trembler, les époux
violence pour leur faire prêter le serment aimants ne supporteraient pas le choc ;
sacrilège de renoncer à leur foi. Nombre les tendres mamans s’évanouiraient en
d’entre ces vierges inoffensives expirèrent entendant le récit, et votre pudeur, mes
sous le fouet meurtrier pour garder innocents auditeurs, serait si grandement
intacte la fidélité à leurs vœux. Très peu heurtée. J’élude par conséquent ces scènes
d’entre elles étaient tellement terrifiées ou abominables. À tous ces actes inhumains,

16 2
ils ajoutèrent les plus horribles impiétés et les églises, volé les vies et les biens de tous
profanations. Ils dévalisèrent les églises de ceux qui ne participaient pas à leurs atrocités,
leurs objets sacrés, de leurs habits et autres privé le peuple de sa liberté de culte, les ont
choses dédiées à l’adoration de Dieu et les fait dévaliser par leurs armées, ont prélevé
convertirent à des usages publics. Ils ont sur eux les plus lourdes contributions, les
transformé ces vénérables lieux de culte ont forcés à abandonner leurs bastions, et à
en maisons de jeux, magasins, corderies, garder les conquérants parmi eux afin de les
étables et des choses dans le même genre, assujettir encore plus. La Hollande était une
et d’autres servirent aux hommes impies ruche d’abeilles, ses enfants volaient sur les
et aux prostituées à qui ils firent des ailes du vent vers chaque coin du globe ; et
honneurs extravagants. Ils ne respectaient rentraient chargés des douceurs de chaque
rien de ce qui était lié à la religion. Ils ont climat. La Belgique était un grand pré de
commandé toutes les bibles, les livres de verdure, les bœufs travaillaient dur, les
prières, les images sacrées et tout ce qui champs portaient l’épaisse couche de récoltes
allait être produit et les ont consumés abondantes. Les malheureux Hollandais
en une grande masse commune. À peinent encore, mais pas pour eux-mêmes, ils
cet égard, aucune religion n’a été plus récoltent encore du miel, mais pas pour eux-
favorisée qu’une autre, car les temples des mêmes. La France se sert dans la ruche aussi
opposants et même les synagogues juives souvent que le travail la remplit. Les Belges
furent aussi vidés et leur contenu livré malavisés ne mangeront plus longtemps
aux flammes. Ils n’épargnèrent aucune les fruits de leur propre terre, la France, la
des institutions sacrées du christianisme France avide de tout (qui ne cesse de crier:
et, afin de les effacer complètement de la « Donnez, donnez. ») trouve l’occasion ou
mémoire de l’humanité, ils ont interdit de crée l’occasion de participer largement aux
passer le premier jour de la semaine dans richesses, autant le dire d’eux plutôt que de
l’exercice d’adoration religieuse (pratique leurs bœufs, ils labourent leurs champs, mais
contemporaine dans le déroulement de pas pour leur propre intérêt.
la religion chrétienne) et ont introduit, Il faudrait beaucoup plus qu’un discours
à la place, la décade, jour entièrement ne le permet pour suivre leurs bandes de
consacré à des amusements profanes. criminels dans tous les endroits où, tels des
Mais les effets funestes de la Révolution anges destructeurs, elles ont semé la terreur
française ne se limitèrent pas à ce pays – et la désolation. Partout où ils ont rencontré
Elle a aussi déclenché des ravages dans la moindre résistance, surtout si un seul
ses colonies dans l’ouest de l’Inde. Elle a Français était tué pendant le conflit, des
apporté la ruine et la dévastation dans groupes de juges respectables payaient de
ces îles naguère prospères, sous prétexte leur vie la prétendue rébellion ; des villes
de répandre chez eux les bienfaits de la entières furent menacées d’extermination
liberté: les blancs ont été lynchés par les pour pareille offense et elles furent sauvées
esclaves, les villes les plus riches ont été d’une ruine imminente en échange de fortes
livrées au pillage et incendiées, et l’on sommes d’argent. Comme des torrents
déclara une guerre d’extermination qui déchaînés, dans la rapidité du courant, ils
sévit encore avec fureur. ont écrasé tout sur leur passage et, sans
Si nous examinons le monde européen et faire de distinction entre les amis et les
considérons les pays que les Français ont ennemis, ils ont rayé de la liste des nations
soit conquis soit poussé à fraterniser avec indépendantes, Genève, Gênes, Venise et le
eux (d’après leurs dires), nous verrons territoire du Vatican. Le Pape fut, des années
que, partout, malgré leurs promesses durant, grâce à la générosité des princes
presque solennelles de préserver la liberté chrétiens, un véritable souverain temporel.
de conscience, ils ont constamment pillé Son autorité lui avait été garantie par les

163
Les souffrances, qu’ils ont répandues ( Les Jacobins révolutionnaires français)
à travers le globe, sont au-delà de tout calcul potentiel, ce sont des souffrances si
universelles qu’elles sont capables de susciter l’horreur chez tous ceux qui ont des
sentiments humains ou méritent le nom d’êtres humains, des souffrances qui ne
seront jamais effacées de la mémoire de l’humanité.” Père John Thayer

16 4
165
5 RETOUR À BOSTON

mêmes traités solennels qui avaient lié pour leurs parents, l’église est liée à la prière
jusqu’à présent les royaumes aux états. comme l’étaient les premiers chrétiens à
En dépit de ces traités, l’Assemblée fut à saint Pierre, qui, grâce à leurs prières, fut
peine formée qu’elle s’empara de force libéré de prison par l’intervention d’un
d’une précieuse part de ses biens sous ange. Notre révérend évêque a ordonné à
prétexte que pour sanctionner tout vol, chaque prêtre de prier pour le souverain
cela représenterait un ajout conséquent à pontife, d’une façon particulière, pendant
l’empire français. Depuis leurs premières six mois consécutifs. C’est un devoir que
agressions, ils n’ont pas cessé un seul instant nous assumons avec joie. Nous espérons,
de détruire la souveraineté temporelle du que chacun d’entre vous, qui éprouve
pontife romain et, si possible, de mettre l’amour le plus infime pour la religion,
fin à sa suprématie spirituelle au sein de unira ses prières à toutes celles qui sont
l’Église. Et, bien que notre Saint-Père en train de surgir de toutes les parties de
se fût montré très longtemps des plus l’église catholique, dans ce même objectif
pacifiques, en vrai disciple de l’humble et majeur. Mais, pendant que nous vous
doux Jésus, bien qu’il fût bien disposé aux pressons instamment de prier, nous vous
yeux de toute l’Europe, comme Bonaparte exhortons, en même temps, à ne pas vous
est obligé de le reconnaître, bien que sa décourager devant le sombre horizon
piété sincère, sa fermeté et sa modération des affaires de l’Église. Bien que quelques
au cœur des plus grandes difficultés, son fanatiques, sous les masques jacobins de
esprit de sacrifice et de concession, tant la calomnie et de l’abus, se soient réjouis,
que ses fonctions et sa conscience n’étaient ces derniers temps, des malheurs du
pas compromises, lui ont attiré l’amour et Pape, comme si l’arrivée de l’Antéchrist
la vénération de tous les hommes de bien, était imminente, nous les catholiques,
l’admiration et l’estime de ses ennemis, et détestons de telles fanfaronnades,
ont créé une vive sollicitude au sein des sachant, avec la certitude de la foi divine,
plus sages opposants de notre foi, pour que toutes leurs sottes prémonitions se
préserver sa personne et sa temporalité, en révéleront vaines et que l’Eglise restera
dépit de tout cela, la terrible république- debout et triomphera, en dépit de tous
ogresse, à la fin, a trouvé une occasion les maux de la terre. Dieu a déclaré que
de lui voler tous ses états et pour assurer les portes de l’enfer ne prévaudront point
la coopération de ses propres sujets, au contre elle ; et sa parole sera accomplie.
travail inique, elle a bercé leurs oreilles au Elle a surmonté les plus dures épreuves,
son des sirènes de la liberté qui prendrait toutes les puissances mondiales étaient
bientôt fin sous la forme d’un sordide liguées contre elle depuis le tout début et
esclavage. trois siècles durant, la plus grande partie
Permettez-moi ici de porter votre de ses bergers ont versé leur sang pour
attention, pendant quelques instants, sur la défendre. Sa préservation passée est
le Père commun à tous les fidèles. Peut- un gage de protection future. Toutes ses
être qu’il est, pendant que je parle, en proie souffrances furent prédites par son Divin
aux plus ignobles traitements, insulté et créateur, qui a pris soin de la construire
vilipendé, comme le fut le Rédempteur du sur un roc si solide qu’elle résista à tous les
monde, qu’il représente sur terre, peut-être flots et tempêtes de la persécution et de
qu’il est détenu dans un horrible cachot, l’impiété qui pouvaient déferler sur elle.
enchaîné comme le fut saint Pierre, dont Le Pape Pie VI est le successeur de saint
il est le plus digne successeur ou peut-être Pierre, le prince des apôtres, il est le vicaire
qu’il a été victime de la fureur des ennemis de Jésus-Christ sur la terre, et la tête visible
de Dieu et des Hommes, et est ainsi de son Église et, par conséquent, quel
devenu un glorieux martyr de la sainte foi que soit son destin, aujourd’hui, soyons
catholique. On oblige les enfants à prier sûrs que Dieu existe, et qu’il aura aussi un

16 6
successeur, encore jusqu’à la fin des temps. vengeance divine. Que sera le destin de
De grandes révolutions peuvent avoir lieu l’Angleterre, contre laquelle leur haine et
sur tout le globe : des royaumes peuvent leur méchanceté semblent principalement
devenir des républiques et des républiques dirigées, ou plutôt, pour laquelle une
des royaumes, la civilisation succéder à période va bientôt commencer où ils
la barbarie et la barbarie à la civilisation. auront un appétit vorace pour ses richesses.
Au milieu de toutes ces vicissitudes, c’est
encore la barque de saint Pierre, avec Pendant ce temps, nous devons souhaiter
ses successeurs à la barre, qui réussira ardemment la sauvegarde de ce royaume
à naviguer sur le courant du temps ; et magnanime, seul rempart de fortune en
jamais pilote n’aura été plus vénérable que Europe contre la percée de la barbarie et
quand il aura guidé le vaisseau à travers prier avec ferveur pour elle. Considérons
les hurlements de la tempête et les flots maintenant ce qu’ont été la bassesse
déchaînés. Nous devons être vraiment et l’injustice de cette grande nation
mortifiés que l’iniquité parvienne à de (comme ils se nomment eux-mêmes à
telles extrémités contre la sainte Église tort) envers l’Amérique. Au tout début
de Dieu, nous devons, tout un chacun, de leur révolution, nous reconnûmes
tenir nos péchés en partie responsables leur existence en tant que république et
de cette terrible calamité, nous devons, en reçûmes officiellement leur ambassadeur,
conséquence, nous résoudre à réformer acte pour lequel nous risquâmes la
notre vie, tout particulièrement en ce disgrâce des principales puissances
moment, où la charité de beaucoup de européennes alors liguées contre eux ainsi
catholiques a disparu, quand les ennemis que la guerre avec les plus grands d’entre
de l’Église sont ses enfants préférés qu’elle eux. Nous leur envoyâmes notre pain
a élevés avec le soin et l’affection les plus quand leurs ports étaient bloqués et qu’ils
tendres et nourris avec les paroles de Dieu mouraient de faim. Nous en arrivâmes
et les sacrements. Mais, je le répète, ne même, bien avant qu’elle ne fût due, à leur
soyons pas consternés au point de croire remettre en mains propres la dette que
que tout est perdu. La promesse de Dieu nous avions contractée auprès de leur bon
fera effet dans la plénitude et la perfection. Il roi qu’ils avaient assassiné de la manière
est encore le Seigneur fort et tout-puissant, la plus inhumaine. Ils séduisirent nos
son bras n’est pas raccourci, il continuera à marchands et leur firent livrer les riches
protéger son Église, acquise avec son sang produits de leur terre, et, pour ajouter à
précieux. Ses ennemis seront tous vaincus l’éternelle infamie de cette république-
et confondus et elle sera purifiée, comme escroc, ils sont restés impayés jusqu’à
l’or dans le feu, de toutes les scories dans aujourd’hui ou ont été obligés de recevoir
le creuset des tribulations, et sera encore des billets dépréciés. Nos vaisseaux
plus lumineuse et glorieuse que jamais. subirent l’embargo dans leurs ports, au
Puissent ces images nous consoler. plus grand dam de leurs propriétaires,
Toutes les souffrances, que les Français nos marchands furent dévalisés de
ont occasionnées ou qui sont encore plusieurs millions, pendant des années ;
occasionnées, ne sont qu’un début. Il les clauses de notre traité solennel, conclu
apparaît clairement que leur but est de avec eux, ont été constamment violées et
dominer le monde et, sans une intervention nous fûmes injurieusement traités sous
miraculeuse de la divine providence, nous le frivole prétexte d’impérieuse nécessité,
avons raison de craindre qu’ils puissent on retrouve dans l’expression du bandit de
y parvenir, du moins sur le continent grand chemin le sens de cette phrase : « La
européen. L’Espagne, le Portugal et la bourse ou la vie ». Les despotes de France
Suisse sont sur le point de tomber dans ont interféré sans arrêt dans les affaires de
les bras fraternels de ces pasteurs de la notre gouvernement, qu’ils se sont efforcés

167
grâce à leurs espions, leurs pots-de-vin vous et à chaque fois, si nous l’acceptons,
et leurs intrigues infâmes et malignes, vous devez nous donner autant de millions
de séparer du reste de la population. Ils de dollars que nous aurons le plaisir de
ont traité nos magistrats en chef avec vous demander et notre demande ne
les plus grands mépris et indignité : sera pas réglementée par la justice de vos
ils ont persuadé les gens de détester et revendications que nous reconnaissons et
calomnier leurs dirigeants, de pousser les dont nous nous moquons, mais par notre
autorités constituées par eux-mêmes à pouvoir d’exigence et votre capacité de
agir en leur nom et à établir un système paiement – et si vous refusez ces conditions,
de désordre et une démocratie sauvage si vous ne nous le donnez pas, aussi
et sans principes au lieu de notre liberté longtemps que vous pouvez le faire, nous
actuelle et raisonnable. Tous ces torts ravagerons vos côtes, nous vous traiterons
aggravés, toute cette accumulation d’abus de la même façon que nous l’avons fait avec
et de blessures imméritées, nous nous la Hollande, Genève, Gênes et les autres
sommes abstenus d’en vouloir, espérant républiques et nous détruirons même
encore le retour de cette générosité et de votre nation et vous partagerons avec qui
cette justice naturelles du cœur humain. bon nous semble, comme nous l’avons fait
Nous avons essayé chaque moyen de avec Venise, la plus ancienne république
conciliation qui fût compatible avec la du monde, que nous avions déclarée peu
dignité et l’honneur d’un peuple souverain auparavant libre et indépendante”.
et indépendant. Notre gouvernement
leur a d’abord envoyé un gentilhomme de Voici, en substance, la réponse donnée à
très grande respectabilité, avec les pleins nos émissaires par les arrogants sultans de
pouvoirs pour régler toutes les divergences France – et y-a-t-il un seul homme libre en
existantes, mais ils l’ont repoussé et traité Amérique, natif ou étranger, dont le sang
avec des marques de mépris. Mais comme ne bout pas devant tant d’insolence, et qui
notre Président croyait comme il se doit n’y répondrait pas, dans la langue de nos
aux grandes vertus de la paix, il persévéra émissaires, en disant : “nous lutterons en
dans son comportement conciliant et hommes plutôt que de nous soumettre ?”
il joignit deux autres citoyens des plus Bien que beaucoup furent trompés,
distingués au gentilhomme qu’ils avaient dans le passé, par manque de véritables
refusé auparavant, se flattant gentiment informations et par l’idée que la France se
que cette marque de condescendance et battait pour la liberté, personne maintenant,
de déférence produirait son effet. Mais dès depuis que leur comportement inique et
leur arrivée, ils furent traités avec la plus tyrannique envers notre pays s’est avéré,
suprême indignité. Ils attendent encore à moins d’être un méchant patenté, ou
patiemment : ils supplient, ils supportent épris de confusion, de sang et de rapine,
chaque humiliation dans l’espoir d’un ne peut leur trouver la moindre excuse.
rapprochement ou même d’un entretien Le charme du mot liberté, par lequel ils
avec les arrogants usurpateurs du pouvoir ont fasciné si longtemps les ignorants et
despotique. Et quelle est la réponse les inconscients, est à présent dissous. Les
que leurs agents ajoutent à toutes ces honnêtes hommes peuvent maintenant
humiliations ? La voici, mes amis : exprimer ouvertement et librement leurs
sentiments sans aucune crainte de ces
“D’abord, vous devez nous remettre trente- rudes factions impudentes qui ont si
trois millions de dollars, comme cadeau et longtemps réduit au silence des peuples
dette, c’est plus d’argent que cent wagons, pacifiques et dans une certaine mesure,
chargés chacun d’une tonne et cette somme intimidé notre gouvernement. En passant
énorme admise en notre sublime présence, en revue ce qui a été dit, nous y voyons un
au terme de quoi, nous ferons la paix avec grand motif d’humiliation devant Dieu

16 8
5 RETOUR À BOSTON

en raison de cette extrême perversion du et séditieuses qui peuvent justifier une


cœur humain. Dans le comportement telle tristesse.
des usurpateurs et du peuple français, J’espère, mes frères, que chacun parmi
nous découvrons ce dont les Hommes vous ressent le même enthousiasme
sont capables, quand ils renoncent à leur patriotique que celui qui anime le cœur
Dieu et à leur religion et se livrent à leurs des citoyens natifs de ce pays. Hormis
passions. Nous devrions être humbles, les raisons de s’indigner qu’éprouvent
devant la présence divine, à l’idée que la plupart d’entre eux contre ces vils
nous sommes, au moins, la raison injuste mécréants français qui souhaitent en
de ces terribles jugements qui circulent imposer au monde entier, vous, en tant
dans le monde et nous n’avons pas à nous que catholiques, avez une raison encore
enorgueillir d’être moins coupables que plus forte, qui consiste dans le fait qu’ils
d’autres parce que nous sommes moins ont profané et détruit vos églises, opprimé
sévèrement châtiés. Notre situation, en toute barbarie, banni et assassiné vos
jusqu’à présent, a été vraiment enviable. évêques, prêtres, moines et religieuses et
Bien que nous nous lamentions des ont poussé l’audace jusqu’à porter leurs
crimes qui nous ont fait mériter la colère mains sacrilèges et profanes sur l’Oint du
de Dieu et désapprouvions son courroux, Seigneur, le chef visible de l’Église, le Père
nous devrions le remercier sincèrement commun à tous les fidèles. Puissions-nous
pour toutes ses grâces. Tandis qu’une alors ne plus jamais entendre de la bouche
grande partie du monde chrétien civilisé d’un catholique irlandais qu’il se réjouisse
n’a entendu, pendant des années durant, de chaque victoire et approuve chaque
que le fracas des armes et le trouble de la action des Français parce qu’ils sont
guerre, nous avons bénéficié des heureux les ennemis de ses oppresseurs anglais.
effets de la paix et de la tranquillité. Tandis Admettant la réalité de l’oppression dont
que le jacobinisme, qui signifie anarchie, vous vous plaignez et dont vous avez
désordre, pillage et assassinats, a propagé souffert simplement en raison de votre
son influence maléfique dans les plus attachement à la religion catholique qui
honnêtes parties de l’univers, il n’a fait a fait la gloire de votre nation de la saint
évidemment qu’une faible avancée en Patrick jusqu’à nos jours, qu’est-ce que
Amérique, en dépit des efforts infatigables cela a en commun avec la défense de la
produits pour la propager. On le voit constitution, du gouvernement et des
bien à la détermination unanime qui a lois de l’Amérique unie ? Ce pays vous a
éclaté, d’un bout à l’autre de l’Union, pour accueilli en son sein avec la plus grande
soutenir notre heureux gouvernement et affection, elle vous fait partager les
pour tout sacrifier plutôt que de se résigner mêmes privilèges et immunités que ceux
à l’humiliation nationale, une unanimité, qui y sont nés, elle protège votre vie, vos
selon moi, plus grande que celle qui régnait biens et votre religion. La plupart d’entre
lors de notre guerre révolutionnaire. Lors vous y sont probablement installés pour
de cette guerre, nombre de nos citoyens toujours, beaucoup d’entre vous ont
les plus vertueux et respectables étaient des épouses et des enfants à qui ils sont
du côté de la Grande-Bretagne, réellement tendrement attachés et dont le bien-être,
motivés par leur loyauté et leur conscience, autant que le vôtre, est intimement lié à
mais aucun Américain ne peut plaider la celui du pays. Vous avez donc intérêt à ce
loyauté, la religion, la conscience, ou tout que l’Amérique reste libre et indépendante
autre motif honorable, car ils s’opposent afin que les bienfaits de la liberté et du bon
à la majorité de leurs compatriotes, en gouvernement puissent être transmis à la
se positionnant contre la nation la plus postérité. Ce serait le comble de la bassesse
injuste, autoritaire, injurieuse et impie de et de l’ingratitude que de ne pas mettre du
notre planète. Il n’y a que des raisons viles cœur à l’ouvrage pour défendre le pays où

169
5 RETOUR À BOSTON

vous gagnez votre pain et profitez de lesquels nos propres dirigeants, que vous
tous les heureux avantages qui découlent avez choisis, ainsi que leurs mesures,
de votre vie sociale. L’Angleterre que sont sans cesse vilipendés, calomniés
vous jugez comme votre ennemi et votre et dénaturés et dans lesquels tout ce qui
oppresseur, c’est vrai, est en train de est fait par les Français, quoiqu’absurde,
s’accrocher à la nation qui nous pille et inconsistant et infâme, est toujours loué
nous insulte. Nous ne sommes pas, pour et cité comme modèle de perfection, des
cette raison, appelés à défendre la cause journaux qui, fidèles et libres à leur devise,
de l’Angleterre. Je sais que, pour rallier sont toujours remplis de mensonge et
les ignorants et les inconscients aux côtés d’avis asservis.

S
de la France, les partisans ont dit qu’elle
défend la cause de tous les opprimés, à i vous voulez éviter les horreurs que
travers le monde, contre leurs tyrans et la le jacobinisme a produites en France,
cause républicaine contre la monarchie, et où que ses maximes pestilentielles
mais ce langage est trop vieux pour avoir aient gagné du terrain, vous devez vous
cours, à cette époque, même avec les plus efforcer de les détruire dans l’œuf, vous
incultes, en particulier depuis qu’elle a devez réprimer toute insubordination,
englouti toutes les républiques de l’Ancien désobéissance et même irrespect envers
Monde. La France est le grand oppresseur vos dirigeants civils de même qu’envers
de l’univers et, par conséquent, le combat vos supérieurs ecclésiastiques. Vous
commun à la race humaine revient donc avez beaucoup entendu parler des
à s’opposer à ses tyrans, à ses pilleurs droits de l’Homme, il est grand temps
et assassins, c’est le combat de chaque maintenant de vous occuper des devoirs
gouvernement normal et de toute société de l’Homme. Rappelez-vous que personne
civilisée contre le désordre, l’anarchie et la ne peut avoir le droit de faire le mal et
terreur, c’est le combat de toute religion et que l’obéissance et le respect dus aux
vertu contre le déisme, l’athéisme et toute dirigeants établis légalement font partie
espèce d’immoralité : c’est votre combat, des devoirs les plus stricts. La conduite
c’est mon combat, c’est le combat de tout inverse est une très grande erreur et un
honnête Homme ; c’est un combat qui péché. Un esprit de désobéissance et de
intéresse profondément notre vie, nos révolte est étrangement répandu parmi les
biens, notre liberté, notre conscience, enfants et les esclaves. C’est pour l’heure
tout ce qui nous est cher dans le temps et une plainte très répandue ; et c’est une
l’éternité. Portez alors la bannière de ce abondante source de jacobinisme dans
pays et opposez-vous, par tous les moyens l’état. Faites attention, par conséquent,
possibles, à toutes les attaques directes à la discipline familiale, maintenez vos
ou insidieuses de votre ennemi. Apposez subordonnés dans une exacte soumission
volontiers votre nom à l’appel de cette et ils s’habitueront à cette obéissance et
ville pour le président de l’Union à qui cette soumission qui en feront de bons
l’on offre vie et fortune pour la défense citoyens et qui contrecarrera efficacement
du pays. Ne soyons pas neutres, mes toutes les tentatives des fauteurs de trouble
frères : “Celui qui n’est pas avec moi, est d’introduire l’anarchie et la confusion dans
contre moi”, soyons respectueux du pays ce pays aujourd’hui paisible et heureux.
qui nous nourrit comme nous sommes
respectueux du Seigneur lui-même. Évitez AMEN
tous ces hommes qui cherchent à attiser
votre colère contre l’Angleterre pour vous BOSTON LE 9 MAI 1798
rallier aux côtés de la France. Ne lisez pas
ces séditieux journaux menteurs dans REVEREND JOHN THAYER.

17 0
Vous avez beaucoup entendu parler des droits de l’Homme, il est grand temps
maintenant de vous occuper des devoirs de l’Homme. Rappelez-vous que personne
ne peut avoir le droit de faire le mal et que l’obéissance et le respect dûs aux
dirigeants établis légalement font partie des devoirs les plus stricts.”
Père John Thayer

171
D u temps de l’Abbé Matignon
et de l’Abbé de Cheverus, la
congrégation catholique grandit
en nombre et en respectabilité grâce
non seulement à l’arrivée à Boston de
pour confondre l'erreur ou dissiper les
préventions de ses attaques.

Bien avant la mort de l’Abbé Matignon


et de l’Abbé de Cheverus, et moins d’un
populations étrangères et notamment des an après avoir délivré son plus célèbre
Irlandais, mais aussi par les citoyens qui sermon à Boston le 9 mai 1798, l’Abbé John
en étaient originaires. Au milieu de ses Thayer, fervent missionnaire, fut envoyé
actes de charité, l’Abbé de Cheverus savait dans une contrée lointaine du Kentucky
repousser les attaques des protestants par Mgr John Carroll, qui s’intéressait tout
contre la foi catholique, faisant en quelque particulièrement aux missions dans ce
sorte concurrence à l’Abbé John Thayer territoire particulièrement réputé comme
qu’il connaissait bien pour l’avoir côtoyé difficile et réfractaire au catholicisme. Il
de nombreuse fois à Boston; comme lui il en fut cependant le premier Américain à y
avait parfois recours aux journaux locaux exercer le saint ministère romain.

17 2
5 RETOUR À BOSTON

Il se roidissait contre l’action angélique et contre les douces paroles du vieillard.


“Vous m’avez promis de devenir honnête homme. Je vous achète votre âme. Je la
retire à l’esprit de perversité et je la donne au bon Dieu.” Cela lui revenait sans cesse.
Il opposait à cette indulgence céleste l’orgueil, qui est en nous comme la forteresse du
mal. Il sentait indistinctement que le pardon de ce prêtre était le plus grand assaut
et la plus formidable attaque dont il eût encore été ébranlé; que son endurcissement
serait définitif s’il résistait à cette clémence; que, s’il cédait, il faudrait renoncer à
cette haine dont les actions des autres hommes avaient rempli son âme pendant tant
d’années, et qui lui plaisait; que cette fois il fallait vaincre ou être vaincu, et que la
lutte, une lutte colossale et définitive, était engagée entre sa méchanceté à lui et la
bonté de cet homme”. ( Les Misérables, Victor Hugo )
173
Les premières églises

17 4
catholiques de Boston.

175
5 RETOUR À BOSTON

Première cathédrale de la Sainte


Croix à Boston
de
1803 à 1875

À partir de 1797, La chapelle Sainte


Croix de la School Street devenant
trop petite pour les besoins du
culte, le Père Francis Matignon et le
Père Jean-Louis-Lefebvre de Cheverus,
fut transférée et le bâtiment inauguré le
29 septembre 1803 par Mgr John Carroll
sous le vocable de Holy Cross. En 1808,
le pape Pie VII fait de Boston un diocèse,
ce qui entraîne de fait la transformation
organisèrent d’un commun accord une de la nouvelle église Holy Cross en
souscription et firent appel à la générosité cathédrale. L’Abbé Jean-Louis-Lefebvre
des paroissiens catholiques de la ville afin de Cheverus en devient le premier
d’y lever les fonds nécessaires à l’érection évêque titulaire. La première cathédrale
d’une nouvelle église. Ils demandèrent catholique de Boston était née, agrandie
même de l’aide aux protestants de la ville en 1825 pour répondre à l’arrivée
de Boston. Les fonds ainsi récoltés la de nombreux catholiques irlandais.
communauté religieuse acheta un terrain Cependant dès 1860, l’évêque d’alors,
et fit exécuter par l’architecte Monsieur Mgr John Bernard Fitzpatrick envisage
Charles Bulfinch les plans de construction l’édification d’un nouveau bâtiment. Le
de l’édifice. Mais les travaux avancèrent projet est interrompu quelques mois plus
lentement par manque de fonds, tard suite au déclenchement de la guerre
l’achèvement fut toutefois rendu possible de Sécession. Lorsque le conflit s’achève
en grande partie par l’aide fraternelle et son successeur à la tête du diocèse est
financière des protestants de la ville. Il est Mgr John Joseph Williams qui reprend
même intéressant de noter que l’un des en priorité le projet de construction;
premiers souscripteurs ayant répondu à les travaux du nouveau sanctuaire sont
leur appel fut le Président des États-Unis, confiés à l’architecte Patrick Keely et
Monsieur John Adams. Avec leur aide, la commencent le 26 avril 1866. Les travaux
nouvelle église fut achevée trois ans plus achevés en 1875, la première cathédrale
tard en 1802 à Franklin Street. Avant son de la Franklin Street est détruite dans la
départ, l’Abbé de la Poterie avait fait don même année et sera remplacée par de
de sa relique à l’église de Boston; elle y simples bureaux.

17 6
177
La photographie qui illustre ce document est
la véritable relique de Boston “Vera Crux”.
Avant son départ définitif de Boston, l’Abbé
Claude de la Poterie l’offrit à Mgr Lefebvre
de Cheverus qui eut à cœur qu’elle ornât
désormais sa cathédrale de Boston.

17 8
Détail de la Croix reliquaire de Boston

179
18 0
5 RETOUR À BOSTON

Deuxième cathédrale de la Sainte Croix


à Boston
de 1875 à nos jours

L a deuxième et actuelle cathédrale


de la Sainte Croix fut inaugurée
et officiellement consacrée à
Washington Street, le 8 décembre 1875,
toujours sous le vocable de Holy Cross.
catholiques des États-Unis; elle témoigne
de l’engagement catholique de ces hommes
et femmes de la Nouvelle-Angleterre de
cette époque de colonisation, rappelant
aux hommes d’aujourd’hui la tâche
Cette même année, Boston devient siège difficile de ses premiers prêtres bostoniens,
de l’archidiocèse; la précieuse relique de la l’Abbé Claude de la Poterie, l’Abbé Louis
Sainte Croix offerte par l’Abbé Claude de Rousselet, l’Abbé John Thayer, l’Abbé
la Poterie y a été conservée avec dévotion François-Antoine Matignon, Mgr Jean-
et l’on peut encore aujourd’hui l’honorer Louis-Lefebvre de Cheverus et de tant
de nos prières dans cette belle cathédrale d’autres après eux qui portèrent avec foi
de Boston. Cette relique retrace l’histoire l’annonce de l’évangile du Christ ressuscité.
de l’installation des premiers colons

Arriving in Boston, October 3rd, 1796, he wrote Bishop Carroll: “Send me


where you think I am most needed, without making yourself anxious about the
means of my support. I am willing to work with my hands, if need be”.

( Mgr Jean-Louis-Lefebvre de Cheverus, First Bishop of Boston ).

181
5 RETOUR À BOSTON

L a Providence avait conduit l’Abbé


Jean-Louis-Lefebvre de Cheverus au
printemps de 1792 sur cette terre de
Boston à cause de la Révolution française,
obligé de quitter la Mayenne (France) ainsi
entendre les prédications et assister aux
cérémonies si touchantes de l’Église
romaine. Parmi les conquêtes qu’il fit alors
au catholicisme, il faut citer Elizabeth Ann
Seton, fondatrice, par la suite de la première
que tous les ecclésiastiques insermentés communauté de femmes des États-Unis.
du département. Il fut forcé de se rendre à L’Abbé de Cheverus fut sacré à Baltimore
Laval, où il dut être placé sous surveillance le 1er novembre 1810, et l’Abbé Matignon,
avec ordre de se présenter chaque jour son maître et son guide, s’honora d’être
aux autorités. Le décret du 26 août 1792 le son aide et son second. Évêque comme
condamna à la déportation avec les autres missionnaire, il continuait les plus pénibles
prêtres insermentés. On donna à ceux de fonctions de son ministère, confessant,
Laval des passeports pour se rendre en catéchisant, visitant les pauvres et les
pays étrangers ; Cheverus en prit un pour malades, ne craignant pas d’aller, en toutes
la Grande-Bretagne et passa par Paris, saisons, à toutes les heures du jour et de la
où il arriva au moment des massacres nuit, porter à plusieurs milles de distance
de septembre. Il se cacha pendant ces ses aumônes.

À
journées, et partit bientôt pour la Grande-
Bretagne, sans connaître la langue la mort de l’Abbé François-Antoine
anglaise, et n’ayant pour toutes ressources Matignon, le 19 septembre 1818,
que 500 francs d’alors. Le gouvernement il fut mandé par l’église de France
britannique accordait alors des secours à revenir au pays et le 15 janvier 1825, il
aux prêtres français réfugiés; l’Abbé de fut nommé à l’évêché de Montauban, puis
Cheverus ne voulut pas en profiter et il ensuite nommé archevêque de Bordeaux
réussit à pourvoir lui-même à ses besoins, et reçu le pallium des mains de Mgr de la
en se plaçant comme professeur de français Myre, et repartit le lendemain pour sa ville
et de mathématiques chez un ministre épiscopale. Mgr le Cardinal de Cheverus
protestant qui tenait une pension. Au bout arriva à Bordeaux le 14 décembre 1826, il
d’un an, il sut assez l’anglais pour se charger y créa une caisse de retraite ecclésiastique,
du service d’une chapelle catholique. En établit les conférences diocésaines, publia
même temps, on lui proposa de se mettre à un nouveau rituel, fonda ou encouragea
la tête d’un collège à Cayenne. Mais en 1795, par ses aumônes l’œuvre de la Miséricorde,
l’abbé François-Antoine Matignon l’appela des orphelins de Lorette et des petits
en Amérique (Nouvelle-Angleterre), à son Savoyards de la Sainte Famille. Dans les
arrivée à Boston, le 3 octobre 1796, l’Abbé divers voyages qu’il était obligé de faire
de Cheverus trouva une communauté à Paris, comme Pair de France, il eut
divisée et qui n’était pas favorable au l’occasion de prêcher souvent à l’École
catholicisme, mais aidé du Père François- Polytechnique. Le jour de la Pentecôte
Antoine Matignon, il s’appliqua avec de 1836, il promulgua dans sa métropole
zèle aux travaux évangéliques. Mgr John de nouveaux statuts synodaux depuis
Carroll, évêque de Baltimore, informé de longtemps attendus. Ce fut le dernier acte
tant de vertus et de talents, lui proposa la administratif du cardinal de Cheverus; il
cure de Sainte-Marie à Philadelphie ; mais tomba malade en 1836 et quitta ce monde
il ne voulut pas quitter l’Abbé Matignon, le 19 juillet de cette même année, jour où
qui l’avait appelé de Grande-Bretagne. Le l’Église célèbre la fête de saint Vincent de
nombre des fidèles s’accrut bientôt à Boston: Paul, dont il avait, sous tant de rapports,
les protestants eux-mêmes désiraient reproduit les vertus.

18 2
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18 6
187
Une minorité, la classe dominante d’aujourd’hui, a les écoles et la
presse, et aussi habituellement l’Eglise, sous sa domination. Cela lui
permet d’organiser et d’influencer les émotions des masses, et d’en faire
son instrument. Albert Einstein

18 8
6 LES MISSIONS LE KENTUCKY

L e 23 mai 1793, à Baltimore, Monseigneur John


Carroll avait ordonné Stephen Théodore Badin,
premier prêtre catholique sur le sol américain. Né le
17 juillet 1768 à Orléans, Stephen Badin était séminariste
et avait émigré aux États-Unis pendant la Révolution
Française. L’Eglise américaine avait tant besoin de
missionnaires que Mgr John Carroll voulut l’envoyer
dans l’état du Kentucky où s’étaient rassemblées plusieurs
familles catholiques, émigrées du Maryland. Au début,
l’Abbé Badin avait opposé quelque résistance à cette
proposition, disant que sa jeunesse, son inexpérience
et son manque de connaissance de la langue anglaise La paroisse
pouvaient faire obstacle à son ministère. Organiser et St. Francis
diriger des chrétiens catholiques qui n’avaient pas eu de
contact avec un prêtre romain depuis plusieurs années autrefois paroisse
était un lourd fardeau, ainsi supplia-t-il Mgr Carroll de
ne pas l’envoyer dans cette difficile mission. St. Pius fut l’église
du Père John

M ais après avoir écouté les supplications du jeune Thayer


missionnaire avec douceur, Mgr John Carroll pendant les
proposa au Père Badin de ne prendre une
décision définitive qu’après une réflexion de neuf jours. quatre années de
Le jeune prêtre accepta la proposition et la neuvaine fut
commencée le soir même. Dans les jours qui suivirent, son ministère au
le prêtre et l’évêque unis spirituellement par une très Kentucky.
puissante prière, attendaient avec ferveur une réponse
de la Divine Providence. Quand enfin le neuvième jour
arriva, l’Abbé Badin se rendit auprès de Mgr John Carroll
et la conversation suivante s’établit entre eux :

189
6 LES MISSIONS: LE KENTUCKY

- Mgr John Carroll : « Eh bien, Père se mirent en route ; nous étions le 6


Badin, j’ai prié et je persiste dans ma septembre 1793. C’est à pied, le bâton à la
pensée. » main, le bagage à l’épaule, qu’ils voyagèrent
- L’Abbé Badin : « Souriant, j’ai prié comme de simples pèlerins. Traversant
aussi, Monseigneur et je garde mon l’état de Pennsylvanie, de Baltimore à
sentiment. A quoi donc ont servi nos Pittsburg, leurs pas, comme revêtus d’une
prières de neuf jours ? » force audacieuse, ouvraient la route vers
Carroll sourit à son tour, et après un cet état jugé difficile et rebelle. À Pittsburg,
moment de silence, il reprit avec ce ton ils prirent place à bord d’un bateau qui
de dignité affectueuse et douceur qui lui transportait une troupe d’émigrants vers
était familier : le Kentucky et descendirent jusqu’à la
- « Je ne veux pas vous l’ordonner, colonie française de Gallipolis (Gallipolis
mais je pense que c’est la volonté de Dieu est une ville située dans l’État de l’Ohio,
que vous partiez. » aux États-Unis).
- L’Abbé Badin : « Je veux partir alors, En arrivant à Gallipolis, la population,
répondit joyeusement, le Père Stephen après avoir été bien longtemps privée
Badin. » de tous secours spirituels, recevait ces
Âgé de 25 ans à peine, l’Abbé Badin se prêtres compatriotes avec la joie d’un
prépara au long et difficile voyage. Mgr véritable jour de fête. Les Abbés Barrière
Carroll lui donna pour compagnon un et Badin eurent, ce jour-là, le bonheur
certain Abbé Barrière qui avait le titre de d’administrer à une quarantaine d’enfants
vicaire général. L’heure du départ arriva le sacrement du baptême. Le lendemain
enfin et nos deux jeunes missionnaires poursuivant leur chemin, ils suivirent le
19 0
Montrant ainsi du
doigt les catholiques
ainsi que les protestants
qui s’appuient sur des
arguments semblables
pour justifier l’existence
de l’esclavage par un
arrangement divin”.

191
Le Père John Thayer fut le premier prêtre américain à avoir exercé en tant que tel
sur le territoire du Kentucky. A son arrivée, le Père Thayer fut affecté dans le comté
de Scott, dans la communauté de White Sulphur entre Lexington et Frankfort :
paroisse « St Pius Church of White Sulphur St Francis de Sales”.

Abbé Stephen badin


cours de la rivière Ohio et atteignirent fut plus prononcé parmi ceux des Pères
l’état du Kentucky et le territoire de la fondateurs de l’Église américaine. Il est
mission à Maysville (La ville de Maysville mort à Bordeaux en 1814).
est le siège du comté de Mason, dans l’État
du Kentucky, aux États-Unis). De là, ils L’Abbé Badin devint alors le seul prêtre
gagnèrent à pied Lexington puis allèrent de cet immense territoire et y fixa sa
s’établir à Bardstown. (Bardstown est le résidence. Ayant pour chapelle une
siège du comté de Nelson, dans l’État du simple et misérable cabane, où une
Kentucky, aux États-Unis) bille de bois taillée servait d’autel pour
Dans son ministère, l’Abbé Barrière prit l’office, petit édifice aux fenêtres sans
soin des familles catholiques dispersées vitres, donnant à ce lieu à la merci
dans le voisinage mais au bout de des intempéries, l’allure d’une infinie
quatre mois d’exercice, découragé par pauvreté évangélique. L’Abbé Badin y
les difficultés, les obstacles et le peu resta presque seul chargé des fonctions
d’intérêt qu’il rencontrait dans l’exercice ecclésiastiques ; Mgr Carroll lui avait
de son saint ministère, il décida envoyé de 1797 à 1799 l’Abbé Anthony
d’abandonner la contrée et se retira un Salmon, mais ce prêtre trop fragile et de
temps à la Nouvelle-Orléans puis rentra faible constitution décéda presqu’aussitôt
en France. (Depuis lors, son nom ne à son arrivée (L’abbé Salmon est mort des
19 2
6 LES MISSIONS: LE KENTUCKY

Reconstitution de la cabane chapelle du Père Stephen Badin (Kentucky)

suites des blessures subies lors d’une chute providentielle d’une demande que lui
de cheval le 9 novembre 1799). avait faite le Père John Thayer et Mgr
Carroll lui proposa de rejoindre la
mission du Kentucky.
On comprend alors toute la peine de
Mgr John Carroll à pourvoir en prêtres L’évêque de Baltimore informa le Père
toutes les congrégations catholiques Stephen Badin de son intention ; il
disséminées sur l’immense territoire connaissait comme beaucoup à cette
américain. La faiblesse de ses moyens époque la réputation du Père John
et l’éloignement extrême avaient rendu Thayer et l’Abbé Badin avait été séduit par
l’entreprise vaine, et la poignée de prêtres la piété « pénitentielle » du Père Thayer
qui subsistait devait faire preuve d’une qu’il pratiquait lui-même, au grand dam
grande autonomie et accepter de ne pas des catholiques du Kentucky qui étaient
pouvoir exercer pleinement le contrôle plutôt inconstants et libertins. Le Père
social qui était à la base du catholicisme. John Thayer douta de prime abord
Le Père Stephen Badin n’arrêtait pas de d’avoir, à bientôt quarante ans, l’énergie
lui réclamer des « prêtres de qualité » suffisante pour assumer une mission sur
pour l’aider au Kentucky. C’est alors que la zone frontalière. Toutefois, sans autre
l’évêque de Baltimore eut l’opportunité alternative, il finit par accepter d’y aller.
193
6 LES MISSIONS LE KENTUCKY

Après avoir appris cette nouvelle, l’Abbé et Gollar place « l’esclavage » en avant
Stephen Badin, qui avait dix ans de du problème pour lequel l’Abbé Thayer
moins, suggéra au Père Thayer de lui n’était pas d’accord avec le point de vue
succéder. Le Père Thayer donna une catholique et protestant de son époque,
suite positive à l’offre et c’est ainsi qu’il et il l’avait déjà démontré quelques
parut dans le Kentucky en 1799. années auparavant dans ses différentes

Q
publications qui parurent dans la
uand Dieu voulut faire entrer rubrique « Monitor » du Boston Argus
dans le giron de son Église les de juillet à octobre 1792. Dans l’un de ses
peuples de l’Union américaine, il articles, le Père Thayer y comparait la vie
envoya, pour les diriger et les conduire, à une scène où deux personnes joueraient
des prêtres français émigrés, mais cette le rôle d’un roi et d’un mendiant. “On
fois-ci, il leur envoya un prêtre américain, n’applaudit pas plus celui qui fait le rôle du
le premier à avoir exercé en tant que roi que celui qui joue le mendiant “, écrivait
tel sur le territoire du Kentucky. A son Thayer, “ mais celui qui, peu importe qui il
arrivée, le Père Thayer fut affecté dans est, joue le rôle qui lui est alloué avec la
le comté de Scott, dans la communauté plus grande justesse.” Il montrait ainsi
de White Sulphur entre Lexington et du doigt l’ensemble des catholiques
Frankfort : paroisse « St Pius Church et des protestants qui s’appuyaient
of White Sulphur St Francis de Sales ». sur des arguments semblables pour
Les catholiques y étaient installés depuis justifier l’existence de l’esclavage par
1786 et y avaient érigé une petite église un « arrangement soi-disant divin. »
en bois dès 1794. À plusieurs reprises, ils Les catholiques avaient déjà placé la
avaient prié Mgr John Carroll et l’Abbé subordination des esclaves dans l’ordre
Stephen Badin de leur envoyer un prêtre mondial de leur hiérarchie. Le Pape
à résidence pour leur paroisse. (L’Abbé Grégoire XVI dans son encyclique de
Badin en fut le prêtre résident jusqu’en 1840, « In supremo Apostolatus », dénonça
1795 et l’abbé John Thayer de 1799 à les horreurs du commerce international
1804). C’est pendant le début des années de l’esclavage, mais notifia que les apôtres
1800, que commença la construction « apprenaient aux esclaves à obéir à leurs
de l’église actuelle. Son intérieur reflète maîtres temporels, comme ils le faisaient
encore l’atmosphère des temps anciens, envers le Christ lui-même, et à faire avec
les prie-Dieu s’étendent encore sur joie la volonté de Dieu. » Trois années
le devant de l’autel et les portes pour plus tard, l’évêque Francis Patrick Kenrick
les bancs restent comme les symboles de Philadelphie cita cette déclaration
marquants des traditions d’antan de papale en disant, d’après les espérances
l’église catholique des Etats-Unis. catholiques dominantes, que les maîtres
Les paroissiens du Kentucky ne se étaient bons avec leurs esclaves et que les
doutaient pas alors que le Père John esclaves acceptaient leur sort.
Thayer ne serait pas tout à fait le prêtre
complaisant et docile qu’ils attendaient Le Père John Thayer, quoi qu’il en soit,
et les événements qui allaient survenir n’était pas d’accord quand Mgr Carroll
seraient décisifs pour la suite des l’avait envoyé en 1793 dans le Sud comme
événements. missionnaire au Norfolk et à Portsmouth
Dans un article de C. Walker Gollar en Virginie : l’esclavage fut le point de
édité sous le titre « Catholic Slaves and rupture principal de cette mission.
Slaveholders in Kentucky » nous donne Le Père Thayer disait que le véritable
un début de piste sur les préoccupations développement d’une personne, peu
et les scrupules du Père John Thayer importe son statut, provenait des passions.

19 4
Il reconnaissait que nombre d’auteurs révolutionnaires Jacobins qui ruinèrent
suggéraient d’ôter les passions, mais la France. Et toujours d’après C. Walker
il croyait que ces « émotions fortes de Gollar qui affirme : ce fut d’autant plus
l’âme » faisaient partie du plan divin et évident quand il dévoila un autre de ses
devaient être, par conséquent, asservies grands projets : en juin 1799, l’Abbé
à toutes fins utiles. Dieu créa les passions, Stephen Badin expliqua à Mgr Carroll
insistait John Thayer, et donna ensuite que le Père Thayer avait l’intention de
les Écritures pour nous guider. « Quels s’approprier le terrain de l’église ainsi que
que soient notre rang et notre condition le presbytère et de prendre deux nègres
sur terre, que nous apparaissions vils et affranchis à son service pendant trois ans,
bas aux yeux des Hommes », expliquait-il, puis (projet gigantesque!) il poserait les
« Dieu s’adresse réellement et directement fondations d’un couvent d’ursulines et
à nous comme s’il n’y avait que nous sur libérerait les esclaves, ce qui était digne
terre ». d’un grand homme. Le Père Thayer avait
Il affirmait que tous, peu importe le rang, déjà stipulé dans ses dernières volontés que
devaient imiter Jésus, en se référant les biens conséquents, qu’il avait hérités de
aux temps où le Christ montrait ses sa famille quelques décennies auparavant,
émotions : quand il était frappé de pitié seraient employés à la fondation d’un
et de compassion ; quand il était joyeux, nouveau couvent américain et qu’il en
avait de la peine et pleurait ; se mettait avait déjà parlé à Mgr John Carroll.
en colère et était indigné. À travers Mais la provocation du Père Thayer au
l’exemple de Jésus, concluait Thayer, sujet de l’émancipation progressive était
Dieu guidait tout un chacun, « car, à ses nouvelle. Des discussions avec plusieurs
yeux, il n’y avait ni respect ni distinction de déistes du Kentucky, dont Simon Hickey
la personne, mais ce que chacun faisait en de Lexington, avaient influencé la

Q
écoutant sa voix .» progression intellectuelle du Père John
uand il retourna à Boston pour Thayer. De retour en Nouvelle-Angleterre,
demander de nouveau à Mgr l’Abbé Thayer, ainsi que beaucoup d’autres
Carroll à être affecté n’importe ministres catholiques, s’en était pris
où sur la Côte Est de préférence chez des régulièrement au déisme, mais maintenant
prêtres étrangers, le Père John Thayer ne il faisait preuve de discernement dans
s’attendait pas à la réponse catégorique son combat. Au commencement de
de Mgr Carroll qui fut la suivante : « Il la République, le déisme ressemblait
n’y a pas de place à l’Est! » et lui proposa essentiellement à une campagne contre
de songer à la frontière entre les états. l’orthodoxie chrétienne. L’Abbé Thayer
Soucieux de garder de bons rapports réfutait en argumentant que ce n’était
avec son évêque, le Père Thayer avant pas entièrement incompatible avec la
de quitter Boston, révéla qu’en dépit de religion révélée.
ses échecs en Virginie, il croyait encore En fait, Thayer affirmait qu’une
aux arrangements divins ainsi qu’à approche analytique du déisme prouvait
l’importance de l’ordre dans la société. Il en fin de compte l’existence d’un Dieu
avait été influencé par le Président John bienveillant et immanent de la même
Adams, tout particulièrement en ce qui façon que ses enquêtes rationnelles
concernait la défense d’un bon ordre avaient auparavant avéré les miracles
social. Voilà pourquoi il avait fait écho à attribués à Benoît-Joseph Labre. Au
ses points de vue dans son discours du lieu d’abandonner le déisme, Thayer
9 mai 1798. C’est là que le Père Thayer suggéra qu’on pouvait le concilier avec
loua le gouvernement américain, libre la théologie chrétienne. Pourtant au
et simple, et condamna les despotes Kentucky, le Père Thayer découvrit que

195
le déisme dépassait le domaine de la Les catholiques de la région frontalière
simple spéculation. On considérait, utilisaient des esclaves pour obliger les
tout particulièrement dans la région prêtres à s’établir dans ce secteur. Il est
frontalière le déisme comme une force probable que tous les prêtres de la région
révolutionnaire qui représentait une frontalière possédaient des esclaves.
menace contre l’ordre social établi. Les L’Abbé Stephen Badin en avait 10 à son
déistes du Kentucky, en particulier, service. Le Père Thayer avait racheté
défendaient souvent le suffrage universel pour 600 $ à Robert Holton, paroissien
et l’égalité des droits de la femme, en plus de Lexington, Jere et Henny, un couple
de l’abolition de l’esclavage. Au moins d’esclaves, et voulut les affranchir.
en termes d’opposition à ce dernier, le Depuis lors, on considéra partout dans
déisme frontalier confirmait le dégoût le Kentucky que le Père John Thayer
que ressentait le Père Thayer envers était un homme dur et intransigeant,
ce qui avait fait sans doute ressurgir car il disait qu’il libérerait les esclaves et
en lui les souvenirs des cruels maîtres dénigrait de ce fait ce précieux cadeau
de Virginie. Au Kentucky, le Père qu’était l’esclavage.
Thayer rejoint les rangs de plusieurs Mais le Père Thayer n’avait que faire
déistes, défenseurs de l’émancipation de l’opinion publique. Selon ce qu’en
des Noirs. Au Kentucky, de nombreux raconta par la suite l’Abbé Stephen
esclavagistes catholiques rejetaient toute Badin à Mgr John Carroll, le Père Thayer
forme d’émancipation. L’esclavage avait continua à titiller les grands propriétaires
fait grandement partie du catholicisme terriens et leur autorité de maître
frontalier aussi bien que de la région envers les esclaves : «Le Père John était,
frontalière du Kentucky. La plupart aveuglément et publiquement dévoué à
des premières familles catholiques qui leur cause, en disant toujours et encore
migrèrent après 1785, du Maryland vers qu’ils étaient tout aussi vertueux que
le Kentucky, amenèrent des esclaves les hommes blancs de sa congrégation.»
avec elles ou en acquirent à leur arrivée. En effet, John Thayer proclamait alors,
Que leurs maîtres fussent catholiques d’après les remarques de l’Abbé Badin,
ou pas, les esclaves fournissaient tout le que les esclaves étaient « les meilleures
travail physique nécessaire pour cultiver personnes de sa congrégation ». Comme
la région frontalière. L’ouverture de nous l’avons écrit plus haut, John Thayer
nouvelles terres, associée à la nécessité avait, étant jeune, le goût de défier les
pour les Blancs et les Noirs de coopérer institutions en place ainsi qu’un grand
dans cette région désertique, était désir de nouveauté. Bien qu’ayant grandi
l’occasion d‘entretenir les liens entre dans une famille puritaine calviniste de
maîtres, pionniers et esclaves. Les règles Boston, il n’avait cependant rien perdu
fondamentales de l’esclavage humain de ses convictions, au Kentucky. 16 ans
restaient pourtant en vigueur. Environ après cette rencontre particulière à Rome
la moitié des ménages catholiques, qui au tombeau du Saint Pèlerin d’Amettes
vivaient au cœur des communautés et sa conversion au catholicisme, le
catholiques du Kentucky de Washington Père John espérait toujours convertir
et des comtés de Nelson, possédaient des toute la Nouvelle-Angleterre et croyait
esclaves, à raison de 4 à 5 esclaves par fermement à l’idée d’abolir l’esclavage
maître. Ce qui représentait beaucoup dont il ne soutiendrait, en conséquence,
plus que leurs voisins non catholiques. aucune mesure condescendante contre
Dans le comté de Scott, presque 70 % des les prises de position sudistes de ses
chefs de familles catholiques détenaient paroissiens et amis ecclésiastiques du
des esclaves, six par maître en moyenne. Kentucky.(Prêtres, évêques et religieux.)

19 6
6 LES MISSIONS: LE KENTUCKY

“Le Rev. Ezra Stiles ( Calviniste), président de l’université de Yale de 1778 à 1795” .

197
6 LES MISSIONS LE KENTUCKY

DÉPART DU KENTUCKY

P endant les années passées au


Kentucky (en 1793, 1799 et 1803), le
Père John Thayer défendit les idéaux
les plus nobles tout en s’engageant aussi en
actes. Du vivant de Thayer (1758-1815),
ses propres terres, situées dans le comté
de Frederick, en libérant 30 esclaves
à la fois. Comme Carroll, les Jésuites
du Maryland adoptèrent en 1814 une
politique d’émancipation différée, qui
il y eut quelques catholiques du Nouveau fut, malheureusement, rarement mise en

L
Monde qui défièrent l’institution de pratique.
l’esclavage, ainsi que Charles Carroll, a plupart du temps, les Jésuites
sénateur du Maryland. « Charles Carroll considéraient l’esclavage, de la même
de Carrollton et cousin de l’évêque John façon que leurs contemporains
Carroll », le seul catholique signataire catholiques, comme un mal à dompter
de la Déclaration d’Indépendance des mais nécessaire. Le premier étudiant
États-Unis, faisant figure d’exception, qui intégra l’université jésuite de
par son statut de plus riche esclavagiste Georgetown, était un catholique du
de l’Amérique coloniale, et qui appela nom de William Gaston, qui demeura
en 1774 à mettre fin au commerce jésuite et catholique pendant sa longue
international des esclaves. 23 ans plus carrière politique en Caroline du Nord.
tard, il proposa, sans succès, au sénat Il ne défendit pas seulement l’abolition
de l’état du Maryland, un projet de loi graduelle mais qualifia l’esclavage
pour une abolition graduelle. Charles d’obstacle à la société et à l’économie.
Carroll adopta par la suite une politique Quoiqu’il en soit, William Gaston avait
de manumission (affranchissement) sur vingt-trois ans de moins que Thayer.

En 1852 est publié “La case de l’oncle Tom” : C’est un roman qui montre
l’inhumanité de l’esclavage ainsi que le désespoir de beaucoup d’esclaves.
L’histoire se déroule dans l’état sudiste du Kentucky”.

19 8
E n 1799, dans la paroisse du Père
Thayer, la majorité des familles de
Bardstown et de Lexington étaient
de religion catholique; elles avaient toutes
en commun l’attachement à l’esclavage. Et
dans cet environnement, l’Eglise, qui n’a
pas à l’époque « vocation anti-esclavagiste»,
se positionne en étant complaisante avec
cette pratique ; les prêtres achètent des
esclaves, comme le font également les
ministres protestants; ce qui la placera plus
tard au cœur des débats qui animeront
les Etats-Unis à la fin de la Guerre de
Sécession.
Dans ce contexte conflictuel, le sacerdoce
du Père John Thayer était difficile :
heureusement qu’il était doté d’un
caractère fort pour résister aux attaques
incessantes, aux calomnies et aux rumeurs
mensongères. Il traversa la période de
1790 à 1803 dans ce climat houleux et

L
délétère.
es ecclésiastiques calvinistes américains
le traitaient de « Renégat. » Un
personnage de l’époque, le Rev. Ezra
Stiles, président de l’université de Yale de
1778 à 1795, fit ce commentaire acerbe
sur lui :
« Il commença sa vie dans l’impudence, dont plusieurs y sont toujours présentes
l’ingratitude, le mensonge et l’hypocrisie, de nos jours et les idées abolitionnistes
il prêcha de façon irrégulière chez les de John Thayer devaient le conduire
congrégationalistes, alla en France et en inévitablement à la rupture avec la
Italie, devint adepte de l’Église romaine communauté paroissiale. L’informateur de
et rentra convertir l’Amérique vers cette Mgr John Carroll écrivait ceci sur l’Abbé
église d’arrogance insolente et pleine Thayer: « Sa passion pour l’indépendance
de talents insidieux.» Compte tenu de à l’égal d’aucun autre apôtre dans l’Eglise
son caractère impétueux, ce qui devait de Dieu peut lui causer et à d’autres aussi
arriver arriva : le Père John Thayer tomba de grandes difficultés ». Cette prédiction
presque volontairement dans le piège qui se confirma, bien que le terme « grandes
lui fut tendu à l’époque et cela malgré difficultés » fût un euphémisme. Dans les
les nombreuses mises en garde de son premières années de l’Eglise catholique des
entourage de l’Abbé Badin et de Mgr Etats-Unis, quelques prêtres furent bien plus
Carroll. incisifs que John Thayer. Quoiqu’il en soit,
Lexington est une ville qui, au moment il fut l’un des seuls prêtres catholiques qui
des faits, était dominée par de riches s’opposa ouvertement à l’époque au système
familles coloniales favorables à l’esclavage inhumain que représentait l’esclavage.

199
Saint Francis Cemetery White Sulp

La tombe d’ Eleanor et de Jeremiah Tarlton


Jeremiah Tarlton a également acquis le site de la première église catholique
dans la région, qui avait été construite en 1794 en tant que deuxième église
catholique de Kentucky. Cette paroisse St. Pius (Francis) est devenue avec
celle de St. John, l’église mère du présent diocèse de Covington.
Jeremiah Tarlton était très impliqué dans la vie politique locale; c’est
lui qui, dans cette paroisse du Kentucky, donna au Père John Thayer les
moments les plus difficles de son sacerdoce.
le Père Thayer, en lutte contre l’esclavage, trouva en Jeremiah Tarlton, son
principal adversaire, au sein de la communauté de White Sulpur.

20 0
phur (Scott County) Kentucky, USA

201
La tombe (Point rouge sur la photo) d’Eleanor et de Jeremiah
Tarlton dans le cimetière St. Francis qui se situe de l’autre
côté de la route, face à l’église Saint François de Sales.
Jeremiah Tarlton - né le 11 février 1755, dans le comté de St.
Mary (Maryland).
Il était marié à Eleanor Medley, née le 27 février 1762,
également dans le comté de St. Mary (Maryland).
Jeremiah est décédé le 6 juillet 1826 et fut enterré au cimetière
de St. Francis, White Sulphur, Scott County, Kentucky.
Eleanor est décédée en 1845, la date exacte demeure inconnue.
Ils s’étaient mariés le 20 janvier 1782, union qui leur donna
11 enfants, les Tarlton furent parmi les premiers colons
catholiques du comté de Scott à White Sulpur.
Ils possédaient un immense domaine qui s’appelait à l’époque
“Woodford” ainsi que de nombreux esclaves.
La famille Tarlton était la plus riche du comté, et fondatrice
de la congrégation de Saint François de Sales à White Sulphur,
(huit miles à l’ouest de Georgetown).

20 2
.
203
Q uelques anecdotes de cette période
existent encore et perdurent,
relatant que l’Abbé Stephen
Badin et d’autres prêtres de la région
frontalière, dont Charles Nerinckx et
le Président Adams et témoignait
ouvertement, dans ses sermons, de son
admiration sans faille pour sa personne.
En critiquant les convictions politiques
de manière imprudente des républicains
l’Abbé Anthony Salmon, avant sa chute de démocrates dans une région acquise,
cheval mortelle, étaient, dit-on, dévoués depuis si longtemps, à Jefferson et à son
à leurs esclaves et leur apprenaient à parti, il apprit bien vite que le Président
lire. Mais aucun prêtre, à l’exception de Adams était méprisé dans la région
John Thayer, n’avait osé affirmer jusque- frontalière. Juste avant que Thayer ne
là, que les esclaves pourraient dépasser déménage dans le Kentucky, le corps
leurs maîtres d’une manière ou d’une législatif de l’état avait voté les résolutions
autre, et à Lexington, il était le seul à qui soutenaient la cause républicaine de
approuver ouvertement toute forme Thomas Jefferson et James Madison et
d’émancipation. Entre-temps, la plupart dénonçaient le programme fédéraliste
des catholiques blancs enseignaient que, d’Adams. En conséquence, la plupart des
bien que les esclaves dussent avoir la habitants du Kentucky n’appréciaient
même chance d’assister aux sacrements pas les points de vue fédéralistes du Père

L
et gagner une place au paradis, ils ne John Thayer.
pouvaient et ne pourraient partager le es problèmes de Thayer avec les
même pouvoir terrestre que les hommes paroissiens gagnèrent en intensité;
libres. Les catholiques blancs croyaient lorsque les catholiques du comté de
généralement que, dans ce monde, le Scott refusèrent de doter son projet de
système esclavagiste patriarcal était ce qui couvent et même d’assigner un bénéfice
convenait le mieux à la nature, soi-disant à ses terres, il s’opposa ouvertement à sa
servile, des personnes de descendance communauté.
africaine. La plupart des catholiques du «Toutes ses exigences ont lassé ses
Kentucky croyaient que Dieu avait décidé paroissiens », écrivait l’Abbé Stephen
que des maîtres dirigeraient d’humbles Badin à Mgr Carroll au début de l’année
esclaves. Le discours de Thayer, prononcé 1801. « On raconte que quelques dirigeants
à Boston en 1798, dans lequel il était s’opposèrent à ses projets et tinrent des
d’accord avec leur parfaite soumission, propos insultants envers lui. »
reflétait les points de vue catholiques Mais le Père John Thayer tomba aussi vite
prédominants. Mais l’hypothèse que sa révolte était grande dans le piège qui

L
supplémentaire du Père Thayer, qui vit commençait à se refermer sur lui.
le jour au Kentucky, relative au fait que es paroissiens commencèrent à se
les esclaves pourraient être égaux en liguer contre lui pour le déstabiliser et
vertu et même supérieurs à leurs maîtres, surtout pour le faire partir de White
était non seulement un affront envers Sulphur. Dans une seconde lettre adressée
la majorité des paroissiens mais sapait à Mgr Carroll, l’Abbé Badin décrivit les
aussi l’ordre temporel enseigné par les rumeurs colportées par les paroissiens et
catholiques du Kentucky. Par l’évocation les dires d’un certain Jeremiah Tarlton,
d’une éventuelle supériorité des esclaves, selon lesquelles il aurait commis des actes
Thayer menaçait de démanteler les de brutalité envers des esclaves et que des
arguments des catholiques adeptes de bruits couraient aussi qu’il avait brisé le
l’esclavage. secret de la confession en divulguant des
Les sujets fâcheux sur l’esclavage du Père propos entendus au confessionnal. La
John Thayer lui occasionnèrent d’autres rumeur disait aussi que l’Abbé Thayer
problèmes; en effet, John Thayer admirait avait dénudé les épaules de l’esclave Henny

20 4
6 LES MISSIONS: LE KENTUCKY

pour la fouetter, rumeurs qui renforcèrent tournés vers le plus grand esclavagiste de
les foudres de ses principaux détracteurs. sa congrégation, Jeremiah Tarlton, mais le
Le Père Badin déclara aussi dans sa lettre: Père Thayer ajoutait que « presque toute
« Le Père Thayer affaiblit l’autorité des sa paroisse » avait fait de même. Vendre
maîtres sur les esclaves dans ses discours des esclaves, pour assumer des obligations
contre l’esclavagisme. » Le Père Badin financières, était monnaie courante dans
affirmait aussi que le travail des esclaves le Kentucky à cette époque.
œuvrant sur les terres de la paroisse,
profitait aux espoirs du Père Thayer de Mgr John Carroll déclara au Père John
création d’un couvent au Kentucky et Thayer que : « Certainement la charité et
cela reposait sur le capital produit par les peut-être la justice exigeaient de ne pas les
esclaves de cette paroisse. vendre », ce à quoi Thayer ajouta: « Toute
l’Abbé Badin proclama toutefois que la difficulté réside dans le fait, Monseigneur,
John Thayer « dévoué aveuglément et que les maîtres sont soit juridiquement
publiquement à leur cause » et que les obligés de ne pas les vendre, soit forcés de
rumeurs provenaient de son manque quasi les libérer, si cela est possible ». Thayer
légendaire de diplomatie et de tact. Les expliquait que c’était à cela « qu’il cherchait
accusations toutes plus fantaisistes les une réponse explicite ». Apparemment, il ne
unes que les autres ne laissèrent aucun reçut jamais ni le conseil ni le soutien qu’il
répit au Père John Thayer: il était évident attendait de la part de Mgr John Carroll.
qu’il ne pouvait sortir vainqueur de ce Les problèmes de John Thayer avec les
conflit et, au lieu de calmer les tensions, protestants et les catholiques du lieu ainsi
il les accentua en réponse aux rumeurs qu’avec la famille Tarlton s’aggravèrent en
propagées à son encontre: « Il traita même temps que ses difficultés avec ses
d’hypocrites les propriétaires d’esclaves de paroissiens.
cet endroit. » Son mandat dans cet état en herbe
En février 1801, deux ans seulement après fut de courte durée. À peine avait-il
son arrivée au Kentucky, l’Abbé Badin eut exprimé ses points de vue fédéralistes,
la « pénible tâche » de transmettre à Mgr contre l’esclavage à contre-courant de ses
John Carroll que les habitants du comté de paroissiens et voisins et alors qu’il venait
Scott exprimaient de commun accord « le de tester la patience de Mgr Carroll et
regret de la venue de Thayer au Kentucky. » défier ainsi pour la seconde fois l’autorité
« L’Abbé Badin exprima lui-même qu’il de son évêque, ce qui devait arriver arriva:
regrettait son arrogance à l’égard de ceux avant même que l’évêque de Baltimore
qui osaient s’opposer à sa conduite radicale ne prenne une décision à son égard, un
ou ses points de vue ». il ajouta aussi que scandale éclata à White Sulphur, dont les
« les rumeurs accusaient le Père Thayer les rumeurs mirent fin à sa carrière de
de divers harcèlements, de propositions prêtre dans l’état du Kentucky.

C
malhonnêtes et de menaces envers des
paroissiennes et que tous souhaitaient son e furent d’abord de sombres

M
départ. » accusations que l’évêque Carroll
algré les rumeurs, l’Abbé John décrit comme des paroles
Thayer continua à soutenir les inconvenantes lors de la confession ou
esclaves et à protester lorsque après la confession. La victime la plus
des paroissiens achetaient des terres grâce conséquente fut une certaine Mary
à la vente de jeunes esclaves innocents. Jameston, une ancienne nonne du
Ses démêlés les plus incisifs étaient Maryland, qui avait quitté la vie religieuse.

205
6 LES MISSIONS: LE KENTUCKY

S elon l’Abbé Badin, cette femme a


juré devant un juge de paix que
le Père Thayer avait fait «plusieurs
tentatives infâmes à la tribune (pendant
la confession).» L’Abbé Badin transmit à
catholique, faire pénitence et recevoir
l’absolution avec dignité ; la quatrième,
que les paroissiens pourraient se confesser
auprès du Père Stephen Badin ou si
nécessaire se souvenir qu’« ils pourraient
Mgr John Carroll la déclaration écrite recevoir l’absolution de quelque autre
sous serment du juge de paix Twyman prêtre que ce soit » ; la cinquième, que
qui écrivit que «Madame Jameston avait les paroissiens du comté de Scott étaient
attesté lors de son interrogatoire que, conviés à assister aux sermons du Père John
pendant la confession, le Père Thayer lui Thayer, « tant qu’il ne prêcherait pas contre
avait demandé avec insistance qu’elle enlève la foi et la moralité »; et la sixième, afin
ses vêtements. » d’éviter toutes plaintes ultérieures, de créer
Cependant des mois plus tard, bien des espaces ouverts pour la confession,
après le départ du Père Thayer, l’Abbé des boxes ou de laisser toujours ouvertes
Stephen Badin raconta dans un long les portes des confessionnaux.La dernière
récit que la piété de longue date de Mary requête faite à la paroisse et aux membres
Jameston était bien connue, mais que de la communauté du comté de Scott fut
la paroissienne souffrait d’angoisses que les personnes qui divulgueraient des
continues bien connues et de désordres détails salaces sans fondement devaient
divers, (psychiques). Et dans cette même s’arrêter et demander pardon pour leurs
lettre à Carroll, quelques pages plus loin, péchés, car la culpabilité du Père John
l’Abbé Badin mentionna ses propres Thayer n’était pas prouvée, et que seul
efforts lors de son arrivée dans le comté, persiste l’accusation de trouble à l’ordre
afin d’éviter ce type de soupçon envers public pour ses propos et ses prises de
les prêtres côtoyant des paroissiennes position politiques liés à l’esclavage. Au
du comté de Scott. Il gardait lui-même sein de la région, des troubles rongeaient
«les portes du confessionnal grandes le cœur de la congrégation. Le Père Badin
ouvertes lors des confessions», mais il avait s’inquiétait au sujet de l’opinion des
également conseillé au Père Fournier protestants, que le Père John Thayer avait
de ne pas engager de jeune bonne à son aussi provoqués sur l’esclavage pendant
service. Ce qui n’empêcha pas cependant ses fonctions à la paroisse. En plus, le Père
le Père Badin d’être attaqué à ce sujet par Badin savait que le scandale parviendrait
les protestants du comté de Scott, et le à Washington et dans le comté de Nelson
Père Fournier par un membre de l’une et que l’affaire « rendait la position des
de ses propres congrégations. Placé sous prêtres de cet état encore plus désagréable.»
contrôle et surveillance par le juge de De telles accusations renforçaient les
paix, le Père John Thayer fut arrêté lors courants anticatholiques contre les curés,
de l’étude des plaintes puis relâché. Sa vie selon les dires des uns et des autres, que «
était éminemment irréprochable, mais les prêtres utilisaient le confessionnal pour
il lui imputa le trouble à l’ordre public et séduire de jeunes femmes ».
l’intempérance de sa parole. Apparemment pour leurs propres intérêts
Le Père Stephen Badin délivra six ou ceux de leurs sœurs du comté de Scott,
directives aux paroissiens du comté de les femmes catholiques de Pottinger’s
Scott : la première stipulait que le Père Creek et Bardstown firent une collecte
Thayer demeurait prêtre jusqu’à ce que et parvinrent à une somme substantielle
l’évêque en décide autrement ; la seconde, pour payer les dépenses de voyage d’un
que le Père Thayer pouvait continuer à nouveau prêtre, avec l’intention de se
donner les sacrements ; la troisième, que débarrasser du Père John Thayer.
le Père Thayer pourrait, comme tout autre

20 6
L’évêque John Carroll, afin de lever tout par l’intempérance de sa parole et son
les soupçons, demanda au Père Stephen manque d’obéissance. «Vous ne pouvez pas
Badin de mettre fin à ce scandale. Il vous accommoder au travail paroissial ni à
chargea Badin et le Père Fournier l’institution de l’esclavage de ce pays, et vos
d’enquêter sur les accusations, de faire méthodes excentriques ont fait le reste dans
subir un contre-interrogatoire à John ce qui vous arrive aujourd’hui.» Le Père
Thayer et à d’autres témoins, de noter John Thayer suivit à la lettre cette fois-ci
les témoignages et de « rendre ensuite la suggestion de Mgr Carroll. Il se retira
leur jugement. » Les prêtres devraient sur la côte Est et embarqua en novembre
déterminer si l’abbé John Thayer avait 1803 pour l’Angleterre. John passa
« dans le confessionnal, ou juste avant quelque temps à Londres, à la Trappe (en
ou après la confession » d’une personne France) et à Dublin. Et en février 1811, il
non nommée, « sollicité de tels actes en déménagea à Limerick, en Irlande, où il

V
paroles, faits ou écrits ou autres moyens mena une vie ascétique admirable....
quelconques … » ou si Thayer « avait rai ou faux, ce qu’on a dit du Père
eu des écrits, des gestes ou des paroles John Thayer tient souvent autant
déplacées. » de place dans sa vie et surtout dans
« Le Père John Thayer déclara sous son ministère que ce qu’il fit au service des
serment qu’il n’avait pas failli, qu’il n’avait hommes. Qu’y avait-il de vrai du reste dans
pas rompu ses voeux et, qu’en aucune les récits qu’on faisait sur lui ? Beaucoup
façon, il n’avait entaché l’honneur de la des accusations étaient mensongères,
prêtrise, ni la sainteté du confessionnal, diffamatoires et improbables. Personne à
ni ses relations de confesseur à pénitent.» White Sulphur ne savait vraiment ce qui
Le jugement du Père Badin et du animait son cœur et sa foi. John avait été
Père Fournier fut sans équivoque. l’instigateur de sa propre condamnation
Ils affirmaient qu’il n’existait aucune et fut jugé coupable de trouble à l’ordre
preuve réelle et que l’accusation reposait public et d’intempérance de parole dans
uniquement sur des propos verbaux ses exortations dominicales contre
douteux d’une personne pour laquelle l’esclavage. Dans une ville, dans une région
ils devaient manifester une extrême parfois, il y a bien souvent beaucoup de
réserve à l’égard de la véracité et de la bouches qui parlent et fort peu de têtes
teneur des faits reprochés. En vertu qui pensent. Il devait le subir, sous forme
de quoi ils décidèrent qu’il convenait d’injures disgracieuses telles que « John
de lever toutes les accusations et Turncoat » et « Renégat présomptueux »
déclarèrent que, devant les éléments pour ce qu’il était avant tout, mais surtout
qu’ils ont rassemblés, ils n’excluaient à cause de ses idées et son entêtement à

E
pas l’innocence du Père John Thayer. croire qu’il détenait, en tant que prêtre,
n 1803, Mgr John Carroll, afin de la vérité absolue. À cause de cela, les
calmer les esprits, l’envoya quelque accusations, auxquelles on mêlait alors son
temps à la Nouvelle-Orléans. En nom, mirent fin à la vie du « premier prêtre
juillet 1804, Mgr Carroll lui écrivit et le Yankee au Kentucky ». Les calomnies, qui
réabilita en levant les accusations portées n’étaient, après tout, que du bruit, des
contre lui. John était irréprochable, mais mots, des paroles, et même moins que
il lui suggéra de quitter discrètement les des paroles, des ragots sans fondement, le

T
États-Unis, étant donné les nombreuses conduisirent inexorablement à l’exil.
polémiques religieuses et politiques outes ces rumeurs se propagèrent
qu’il avait attisées durant son ministère. de porte en porte, de salon en
Cependant, il ne cacha pas au Père John salon. Elles étaient le résultat des
Thayer qu’il avait fini par l’exaspérer conversations de la part de paroissiens

207
et de villageois mécontents du Père John Père Badin. La solitude de sa vie commença
Thayer. La fin justifie les moyens: ils à peser fortement et le cri de son âme en
étaient maintenant heureux de s’en être détresse a été portée à la connaissance de
débarrassé. Cette sordide affaire occupa la Mgr John Carroll; ce qui ajouta un peu
paroisse et les esprits malins du Kentucky plus à la misère de cet évêque apostolique.
quelque temps encore après le départ du La Divine Providence intervint et amena
Père Thayer et elle sombra lentement dans le Père Charles Nerinckx, en 1805, au Père
l’oubli. Le Père Thayer a été le premier Stephen Badin et à la mission américaine
Américain à avoir exercé le ministère dans le Kentucky.
presbytéral au Kentucky. Au cours des Les restes du Père Fournier ont été enterrés
quatre années de son ministère, passées au cimetière Holy Cross, à côté de ceux du
à White Sulphur, deux seulement ont été Père Salmon. Un petit monument marque
consacrées à des missions actives, et les le dernier lieu de repos de ces pionniers
deux autres, à un travail de controverse zélés des premiers temps de l’église
politique; mais ni le ridicule, ni les catholique des Etats-Unis.
critiques ni les rumeurs colportées par Sur leurs tombes à Holy Cross cemetery,
ses adversaires esclavagistes ne le firent Marion County, Kentucky, on peut lire

C
chanceler et renoncer à ses idées. l’épitaphe suivante:
e fatal événement laissa une fois
de plus l’Abbé Stephen Badin, Hic jacet Antonius Salmon, virtute
seul en charge des catholiques du verendus, Presbyter e Gallis; prætulit
Kentucky. Et comme dit le dicton « un exilium Schismaticis opibus; frates, matrem
malheur n’arrive jamais seul »: en 1803, le arvaque linquens: Det Pietas fletus,
vaillant Père Michael Fournier qui avait la Religioque preces. He died on Nov. 10, 1799
charge de la paroisse Sainte-Anne devait
trouver la mort accidentellement, écrasé The Rev. Michael Fournier was born in
par la chute d’un arbre qu’il coupait. 1755, he came to Kentucky on February 26,
La mort du Père Fournier perça le cœur du 1799. He died on February 12, 1803.

Le Père John Thayer fut tellement harcelé, maltraité, qu’il fut obligé de quitter
l’état du Kentucky. On allait jusqu’à lancer des pierres à travers les portes et
les fenêtres de la chapelle, où il offrait le saint sacrifice de la messe. N’étant pas
reconnu coupable des faits colportés contre lui, il n’était pas obligé de quitter
le Kentucky. Mais il céda à la suggestion de son évêque Mgr Carroll et quitta
finalement le comté de White Sulpur en toute discrétion. Alors prêtre en exil,
il allait son chemin, “embrasé” qu’il était par le désir ardent de partager
l’expérience de sa conversion lors de la mort à Rome du pèlerin français, Benoît-
Joseph Labre. En exil loin de l’Amérique, son charisme éveillait toujours en
lui une espérance infinie.”

20 8
6 LES MISSIONS: LE KENTUCKY

Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient
les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : Aujourd’hui s’accomplit ce passage
de l’Écriture que vous venez d’entendre.
Tous lui rendaient témoignage et s’étonnaient des paroles de grâce qui sortaient de
sa bouche. Ils se disaient : « N’est-ce pas là le fils de Joseph ? » Mais il leur dit : «
Sûrement vous allez me citer le dicton : “Médecin, guéris-toi toi-même”, et me dire :
“Nous avons appris tout ce qui s’est passé à Capharnaüm ; fais donc de même ici
dans ton lieu d’origine !” » Puis il ajouta : « Amen, je vous le dis : aucun prophète
ne trouve un accueil favorable dans son pays. En vérité, je vous le dis : Au temps du
prophète Élie, lorsque pendant trois ans et demi le ciel retint la pluie, et qu’une grande
famine se produisit sur toute la terre, il y avait beaucoup de veuves en Israël ; pourtant
Élie ne fut envoyé vers aucune d’entre elles, mais bien dans la ville de Sarepta, au pays
de Sidon, chez une veuve étrangère.
Au temps du prophète Élisée, il y avait beaucoup de lépreux en Israël ; et aucun
d’eux n’a été purifié, mais bien Naaman le Syrien. » À ces mots, dans la synagogue,
tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent
jusqu’à un escarpement de la colline où leur ville est construite, pour le précipiter en bas.
Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin.

Evangile selon Saint Luc, chapitre 4, verset 20-30.


209
L’ IRLANDE

Le Comte d

21 0
L’abolition de l’esclavage, après la guerre de sécession: le 13e amendement de la
Constitution américaine du 1er janvier 1863 abolit définitivement l’esclavage
sur l’ensemble du territoire américain. Les amendements consécutifs, le 14e
et 15e, ne parviendront toutefois pas à empêcher l’instauration d’un système
ségrégationniste dans le Sud du pays”.

de Limerick
1811
211
Le Comte de Limerick
Les dernieres aventures du

L e Père John Thayer, avec le


consentement de Mgr John
Carroll, avait quitté le Kentucky,
en direction de l’Europe dans
sa longue errance et partout
où il se présenta, il fut reçu comme un «
apôtre ». Avant de quitter l’Amérique, il avait
annoncé son intention de ne pas renoncer
pas à son projet d’entreprendre la création
d’une communauté de religieuses Ursulines
La communauté catholique irlandaise avait
besoin d’un prêtre comme le Père John
Thayer, confessant chaque jour à l’église Saint
Michael de sept à onze heures ; il y confessait
presque tous les jours, et quand les églises
étaient fermées, il continuait à entendre les
confessions chez les particuliers et surtout
dans son propre logement. On dit encore de lui
que, lorsqu’il arriva à Limerick, non seulement
la foi faiblissait, mais les paroissiens étaient
aux États-Unis. Pour cela, il passa les années
1803-1811 à prêcher de longs sermons à
Londres, ensuite à Dublin, en Irlande, ne
ménageant pas ses efforts pour récolter les
fonds importants nécessaires à l’édification
de cette institution religieuse en Amérique.
Sa santé mise à mal par des années d’ascèse et
par des voyages incessants, il décida en 1811 de
fixer définitivement sa résidence à Limerick,
ville irlandaise où il passa le reste de sa vie.
Là-bas, il n’était en charge d’aucune paroisse
et l’on suppose, d’après les témoignages, qu’il
se plaça sous l’autorité de Mgr John Youg,
évêque de Limerick. Dès lors, il consacra
le reste de sa vie à prêcher, comme dans le
temps, des sermons « controversés ». John
enseigna le catéchisme aux enfants, confessa
et visita les malades. Il y eut même parmi
les nombreux enfants dont il eut la charge
de l’enseignement religieux des vocations
sacerdotales et quelques-uns devinrent par
la suite des prêtres très précieux pour l’église
d’Irlande.
Le Père Thayer enseignait principalement à
Saint John et à Saint Michael, et ses sermons
si particuliers firent dans cette dernière
beaucoup de bien après des années de
troubles et de persécutions anticatholiques.
De très nombreuses personnes lassées avaient
abandonné leur foi ou ne la pratiquaient plus.
21 2
7 LIMERICK

Pere John Thayer.

rares, sauf à Pâques ; et lui, par ses sermons et fondèrent une confrérie de chrétiens si
ses conseils spirituels, réunit un grand nombre remarquables par leur piété et leur vie
d’entre eux qui revinrent assister à l’office et exemplaire qu’ils furent appelés “Thayerites”,
se confesser mensuellement et d’autres plus comme le Père Bridgett, rédemptoriste
fréquemment. irlandais de Limerick, écrivit plus tard sur
Le don si particulier du Père John Thayer eux : « Ils étaient appelés ainsi Thayerites par
d’enseigner fut considéré comme une grâce, ceux qui n’aimaient pas une piété supérieure
un charisme offert par Dieu le Père à travers à la leur.» Cette confrérie forte d’environ
l’action de l’Esprit Saint à la communauté trois cents membres ne manqua jamais à ses
de Limerick. Ses paroissiens les plus fidèles méditations quotidiennes et se mit au service

213
des pauvres ; le Père Thayer était considéré en enrôlant dans son association des
parmi eux comme un bienfaiteur et ouvriers, des commerçants et des prêtres.
un compagnon. Ils l’admiraient tous, La personnalité du Père John Thayer lui
connaissaient son histoire et ils savaient donna probablement l’opportunité qu’il
qu’il avait appris l’enseignement qu’il leur attendait. Les Irlandais voulaient que les
dispensait du Bienheureux Benoît-Joseph Britanniques leur rendent leurs droits
Labre, « The Ragged Saint ». Et chacun à civils. Lors de ses nombreuses visites à la
Limerick aimait à dire de lui : famille Ryan, le Père John Thayer parlait
« La présence du Père Thayer est un don qui fréquemment de ce désir incessant de
nous est offert, non pas parce qu’il est prêtre fonder une institution de religieuses
ou meilleur que nous mais parce qu’à travers Ursulines. Il tenait ce projet, disait-il, du
lui, Dieu exprime avec amour la gratuité fait que, ayant jadis visité Boulogne-sur-
de la grâce. Voilà pourquoi le Père Thayer, Mer en France, patrie du Saint Mendiant
avec la même gratuité et le même amour, Benoît-Joseph Labre, l’évêque du lieu (Mgr
partage la grâce divine de son charisme reçu de Partz de Pressy), avait rendu visite en
par l’intercession du pèlerin Benoît-Joseph sa compagnie au couvent des Ursulines et
Labre pour le service de la communauté des religieuses Annonciades de cette cité.
toute entière et pour le bien de chacun de Le Père Thayer parlait à la famille de ce
nous. » projet comme étant le but principal de son
attachement à la grâce qu’il avait recue,
une mission donnée par la Providence

L
dont il ne pouvait se détourner.
Émues par la description de sa mission
e voeu le plus cher du Père spirituelle qui l’animait, les deux filles de
John Thayer était de permettre M. Ryan, Mary et Catherine qui avaient
l’établissement d’un ordre été éduquées dans un couvent, d’Ursulines
enseignant de religieuses à Thurles (Irlande), proposèrent chacune
Ursulines en amérique. Pour au Père Thayer de rejoindre cette
cela le Père avait voyagé à travers l’Europe communauté dès que son projet de
de 1803 à 1811 rassemblant l’argent couvent aurait vu le jour.
nécessaire à la création du couvent. La famille Ryan était remarquable.
Nul ne sut ou apprit où et comment il Chacun de ses membres avait reçu une
vécut pendant ses huit années d’errance; vocation religieuse. En effet, les quatre
aujourd’hui encore cela demeure un filles de James Ryan devinrent par la
mystère. Comme nous l’avons dit plus haut, suite des Ursulines. La cadette toutefois
à partir de 1811, le Père John réapparaît avant d’être appelée en religion, avait été
en Irlande; il est accueilli charitablement mariée et eut trois filles et un fils. Tous
par beaucoup de familles catholiques dont devinrent religieux, le fils Jésuite et les
un certain James Ryan, personnage qui trois filles Ursulines. Le projet du Père
deviendra par la suite son meilleur ami. Thayer trouvait peu d’écho en Nouvelle-
Il rencontra très certainement par affinité Angleterre, parmi les catholiques et les
d’opinion l’avocat Daniel O’Connell, voisin ecclésiastiques. Nombreuses étaient
de M. Ryan (il habitait au 6, Patrick Street). les personnes qui trouvaient son idée
O’Connell voulait créer à Limerick un ridicule. Certains riaient et même les plus
mouvement favorable à l’émancipation des respectueux pensaient qu’il ne pourrait
catholiques en Irlande. A cet effet, il devait jamais réussir. Pourtant ces personnes ne
entraîner tout les Irlandais catholiques savaient pas que, par ses efforts personnels
vers un mouvement d’égalité religieuse et les dons récoltés en Europe, le Père

21 4
Thayer avait accumulé une somme (Dublin, 1938, p. 276-282) au sujet de John
équivalant à huit ou dix mille dollars or Thayer. Voici aussi sa nécrologie parue dans
de l’époque pour son projet de fondation. la Gazette de Limerick, en février 1815.
Pour répondre à votre demande, le Père John

A
Thayer a vécu à Limerick comme un invité de
M. James Ryan au 34 de la Patrick Street. Il a
Limerick, dès son arrivée, exercé son ministère dans l’église St Michael’s
le soir du 3 février 1811, (Saint Michel) à proximité de cette rue. Il fut
il fit un sermon contre les enterré dans le cimetière de l’église St John
méthodistes, prêché dans (Eglise d’Irlande de confession anglicane)
l’église Saint John. « Il est en face de la cathédrale catholique romaine.
vrai, dit-il, (après quelques réprimandes) Il a été enterré dans la même tombe que le
que les méthodistes ne maudissent ni ne Dr Michael McMahon, un ancien évêque
jurent, ils ne disent pas de mensonges, catholique de Killaloe. Voir Ignace Murphy,
ils ne sont pas ivrognes, ils observent « Le diocèse de Killaloe au XVIIIe siècle »
strictement le sabbat, et par-dessus tout, (Dublin, 1991) p. 263; l’auteur affirme qu’il
ils sont remarquables pour leur grande n’a pas réussi à retrouver la tombe, malgré
charité à l’égard de leurs semblables [ . . . ] une recherche approfondie.
En conséquence de son défi en public, il Si vous avez d’autres questions, s’il vous plaît,
fut interpellé par le Rev. Gideon Ouseley, n’hésitez pas à me contacter.
un protestant méthodiste. La discussion
était ouverte. Ses sermons controversés Le gach dea ghui. (« Avec tous mes vœux »)
concernant l’infaillibilité pontificale et
la discussion de la sola scriptura sont David Bracken
toujours à l’épreuve du temps. De nos Archiviste diocésain de Limerick
jours, les théologiens débattent encore sur
le sujet.

Malgré ces détails importants, nous ne


savons que très peu de choses des quatre
dernières années de sa vie, passées au
service des paroissiens irlandais (1811- Parmi les documents transmis par
1815). Désireux d’en savoir davantage l’archiviste de Limerick, Monsieur David
sur sa vie quotidienne à Limerick, j’ai Bracken, une indication m’a permis de
concentré ma recherche vers son service trouver une information importante
des archives: Monsieur David Bracken, éditée dans une revue Jésuite de 1882:
archiviste, m’avait écrit cette lettre donnant “The Irish Monthly, Volume 10, Page 74.”
suite à celle que j’avais envoyée à Mgr Un article très intéressant du révérend
Brendan Leahy, évêque de Limerick. Je Thomas Edward Bridgett de la Congregatio
vous livre ici la traduction de sa réponse : Sanctissimi Redemptoris intitulé:
« of the Rev. John Thayer, A Link between
Cher Monsieur Noël, Ireland and a Saint just Canonized.” Mr.
Monseigneur Brendan Leahy m’a transmis Thayer was converted to the Catholic faith
votre lettre concernant le Père John Thayer. in Rome on the occasion of the death of St.
J’espère que les quelques documents que je Benedict Joseph Labre. »
vous joins vous seront d’une certaine utilité.
Voici un article de John Begley, sur Le diocèse Voici un extrait de cet article au sujet de
de Limerick de 1691 à l’heure actuelle sa vie quotidienne à Limerick :

215
7 LIMERICK

Né le 20 janvier 1829, dans une maison mitoyenne à l’usine de soie de


son père à Derby, le Père Bridgett se convertit au catholicisme et sera
baptisé, le 12 juin 1850, il est alors âgé de 21 ans et décide de se joindre
à la Congrégation du Très Saint Rédempteur et devient Rédemptoriste.
Ordonné prêtre le 4 août 1856, il passera plus de 40 ans en Angleterre et
en Irlande. A Limerick, il fondera “the men’s Confraternity”, la confrérie
des hommes en 1868 forte de près de 5 000 hommes. Il décède à Limerick
le 17 février 1899.”

21 6
Le Reverend John Thayer
Un lien entre l'Irlande
et Saint Benoit-Joseph Labre

L e 8 décembre, lors de la fête de


l’Immaculée Conception de
la Vierge Marie, le souverain
pontife canonisa et inscrivit
dans le catalogue des saints de
l’Eglise, Benoît-Joseph Labre, qui mourut
à Rome en l’an 1783. Je n’ai pas l’intention
de parler ce soir de ce grand serviteur de
Dieu mais je vais vous parler d’un lien qui
Il fut amené à écrire l’histoire de sa
conversion, ce qu’il fit en français et en
anglais et le livret fut traduit en beaucoup
de langues. Il fut édité en anglais en
plusieurs éditions, à la fois en Angleterre et
en Irlande. La copie de ce que je vous ai lu a
été publiée en 1809 à Dublin et appartient
au Révérend Dr. Downes of Kilmallock,
dont la sœur a fait sa première confession
le relie à la belle ville de Limerick et par auprès du Père Thayer à Limerick. Dans le
là-même, avec vous. Vous connaissez tous livret écrit avant ou après son ordination,
Frère James Patrick Welsh (Walsh) qui a le Père John Thayer dit : « C’est le seul
été, de nombreuses années, supérieur des désir de mon cœur que d’étendre, autant
Frères des écoles chrétiennes dans Sexton que je puisse, la domination de la foi
Street à Limerick. Beaucoup d’entre vous véritable qui fait maintenant ma joie et ma
lui doivent directement ou indirectement consolation. Je n’ai plus d’autre ambition ;
leur éducation chrétienne. Eh bien, M. à cet effet, je désire retourner dans mon
Walsh m’a dit, l’autre jour, qu’il avait été pays, dans l’espoir, malgré mon indignité,
baptisé par le Révérend John Thayer et le d’être l’instrument de la conversion de mes
Révérend John Thayer s’est converti à la compatriotes ; et telle est ma conviction de
foi catholique à Rome, à l’occasion de la l’authenticité de l’Eglise catholique romaine
mort de Benoît-Joseph Labre et en raison et ma gratitude pour l’insigne Grâce d’être
des miracles qui y eurent lieu. En outre, le appelé vers la véritable foi que je scellerai
Révérend John Thayer a officié plusieurs volontiers avec mon sang si Dieu le voulait
années à Limerick et y est enterré. Je vais et je ne doute pas qu’il me permette de le
vous parler ensuite du Révérend John faire. »
Thayer et vous verrez, en fonction de ce Quand le Père Thayer écrivit ceci, il n‘y
cela, l’influence exercée par la sainteté avait dans tous les Etats-Unis qu’environ
de Benoît-Joseph Labre jusqu’aux rives 25000 catholiques et 24 prêtres et ils
du Shannon et l’ampleur qu’elle prend n’avaient pas d’évêque mais étaient dirigés
désormais d’un pôle à l’autre. par un préfet apostolique. Il est probable
Je ne peux pas vous narrer la vie du Père que M. Thayer attendait la nomination
John Thayer car je ne sais s’il en existe d’un évêque, ce qui arriva en 1790, car c’est
déjà des écrits. Cependant, je possède un cette année-là qu’il revint en Amérique.
petit livret dans lequel M. Thayer relate Entre-temps, il avait travaillé dans les
sa conversion ; et j’ai rassemblé quelques quartiers les plus pauvres de Londres,
faits concernant ses dernières années à dans une vieille usine faisant office de
Limerick, qui, je crois, n’ont jamais été chapelle et il y avait converti plusieurs
écrits et imprimés. [ . . . ] protestants. [ . . . ]

217
Dieu est un Dieu vivant, pas une théorie, ou une cause première
abstraite, ou la loi et l’ordre, mais un Dieu qui a fait connaître sa
volonté. Sa volonté était la loi de la vie, et l’homme doit mortifier sa
volonté de faire la volonté de Dieu ”.

e
Père Thomas Edward Bridgett.

n Amérique, il participa au et combien j’étais pressé d’entendre les


premier synode national confessions du pauvre homme. Je regrette
de Baltimore en 1791; il de ne pas m’être plus renseigné à l’époque
travailla dur, construisit où les personnes âgées encore vivantes
des églises et des écoles auraient pu me confier bien des détails.
en plusieurs endroits et s’engagea dans Mes principaux informateurs sont le
des débats très réussis avec les ministres Révérend Dr. Downes et M. Hartley of
protestants de Boston dont il avait fait Tralee, dont le père était l’ami intime du
longtemps partie. Père John Thayer. Il aurait été amené à
Je ne sais ni pourquoi ni quand il quitta Limerick par le très révérend Dr. Young
l’Amérique, ni quand ou comment il revint qui était évêque à Limerick à l’époque et
en Irlande. Il était certainement à Dublin l’ami du célèbre Père Pat Hogan, prêtre
début 1809 et on m’a dit qu’il revint à de l’église Saint-Michael’s. (John Thayer
Limerick en 1811. Cela faisait 25 ans qu’il avait très certainement rencontré Mgr John
était prêtre et il n’avait certainement rien Young à Dublin en 1809).
perdu de sa ferveur première. Environ
15 ans auparavant, un prêtre très âgé, Le Père Thayer n’était pas chargé d’une
le révérend, Patrick Benson of Feenagh paroisse, en tant que prêtre ou curé, mais
m’avait confié qu’il se rappelait avoir il disait la messe, recevait en confession à
appris le catéchisme auprès du Père Thayer l’église Saint Michael’s ou Saint John’s

21 8
7 LIMERICK

et prêchait souvent. Ses sermons étaientinstitution vouée à honorer la Vierge


principalement controversés et en ce Marie et travailler autant qu’il fût
en mon pouvoir à l’extension de la
temps-là, on avait besoin de tels sermons
car bon nombre de gens renonçaient à dévotion à la chère Mère de Dieu ». « Le
mystère de la sainte Eucharistie, qui me
leur foi, étant harassés par la persécution
paraissait si incroyable, est devenu une
et l’obscurité ; car il ne faut pas oublier que
source inépuisable de joie spirituelle. La
cela se passait bien avant l’Emancipation
catholique. confession, que j’avais considérée comme
un joug insupportable, me semblait
Même aux premiers jours de sa conversion,
il éprouva une grande joie dans les infiniment douce, du fait de l’apaisement
infimes détails qui avaient représenté qu’elle produisait sur mon âme.» Son style
ses difficultés majeures. Il avait penséde vie à Limerick, dans ses dernières
qu’honorer et invoquer la Vierge Marie années, témoignait de la véracité de ses
était de l’idolâtrie; et quand bien mêmedéclarations. Il avait l’habitude de dire
son esprit acceptait que ce fût une grave
la messe à Saint-Michael’s chaque jour
erreur, son imagination était hantée par ce
à 11 heures, après avoir entendu les
qu’il nomme les fantômes de ses anciens confessions depuis 7 heures du matin.
préjugés. Mais cela se dissipa et il écrivit :
Ensuite, il prenait son seul repas qui était
à la fois le petit-déjeuner et le dîner. Il
« Je me suis efforcé de rejoindre toute jeûnait constamment et ne mangeait ni

219
7 LIMERICK

viande ni œufs. Lors du petit-déjeuner, des saints. Un journal protestant a dit


l’un de ses étudiants du Park College l’autre jour que la vie menée par saint
avait l’habitude de lui faire la lecture, Benoît-Joseph Labre n’avait été d’aucune
avec la permission de l’évêque, pour utilité pour les autres êtres vivants. Avec
ne pas perdre de temps. Il ne s’asseyait l’histoire du Père John Thayer, vous
jamais près d’un feu et n’en aurait pas pouvez voir au moins une preuve de son
autorisé dans cette pièce. La nuit, il avait utilité : il a transformé un touriste vaniteux
l’habitude de manger un petit bout de en prêtre catholique passionné qui
pain sec et prendre un verre de vin ; il donna sa vie et sa fortune pour instruire,
entendait les confessions presque toute élever et consoler les plus pauvres et les
la journée et quand les églises étaient plus ignorants, que les philosophes et
fermées, il continuait à le faire dans son les hommes de science auraient laissé
propre logement en particulier, qui, cela périr dans la pauvreté et l’ignorance.
vous intéressera, se situait au-dessus de Demandons à saint Benoît-Joseph Labre
la boutique de M. Rourke, le gantier, rue son intercession pour trouver beaucoup
Patrick, (Patrick Street) et plus tard chez plus de prêtres passionnés comme John
Messieurs Ryan frères, marchands de Thayer et protéger tout particulièrement
vêtements, à l’enseigne de l’Aigle d’or, Limerick qui est déjà son débiteur.

S
(de nos jours Arthur Quay Shopping Centre)
dans cette même rue (Patrick Street),
en face de la rue Ellen (Ellen Street). Il
éprouvait un très grand amour pour les
pauvres : cela lui venait de saint Benoît- i je peux faire une autre
Joseph. Il avait une très grande fortune réflexion d’ordre pratique,
dans sa jeunesse mais il l’a entièrement ce serait l’importance de
dépensée dans des bonnes œuvres et des la prière. Si le Père John
aumônes avant sa mort, à tel point que Dr. Thayer n’avait pas prié
Downes me raconta qu’il vendit sa montre comme il l’a fait lors de la crise antérieure
avant de mourir pour venir en aide aux à sa conversion, il l’aurait probablement
pauvres. M. Hartney dit qu’il ne laissa rien reportée à plus tard ; et s’il l’avait fait, il serait
pour acheter sa tombe : et le père de M. probablement mort en tant que protestant,
Hartney, par respect et charité, fit placer avec, en plus, la culpabilité d’avoir refusé
son corps dans le caveau de son oncle, Dr. de voir une lumière particulière. Vous
M. Mahon, évêque de Killaloe. Ce caveau avez déjà, chers frères, cette foi véritable;
se trouve dans le cimetière protestant de mais il faut aussi prier pour suivre cette
Saint-John-Square. Il logea en dernier lumière. Il y a des moments de tentation,
lieu, comme je l’ai dit, chez les Ryan et il où si vous ne priez pas ou ne priez pas
souffrait de goutte ; mais cela ne stoppait sérieusement, vous tomberez dans de
pas son ardeur au travail ; il continuait à graves péchés ; et ces péchés-là peuvent
entendre les confessions assis dans son lit vous conduire à la ruine éternelle. Par
et le fit encore, le jour même de sa mort, la prière, le Père Thayer a gagné une
qui devrait se situer officiellement le 17 bataille qui représentait pour lui le début
février 1815. d’une nouvelle vie ; c’est ainsi qu’une lutte
Vous voyez ainsi quelle est l’influence courageuse, une prière sincère et une

22 0
victoire sur les passions humaines, acquise sainteté et de salut éternel.
par la Grâce de Dieu, peuvent vous hisser
à un niveau élevé de pensée, de sentiment Révérend Père Thomas Edward Bridgett,
et d’action et aboutir ainsi à une vie de C.SS.R. (1829-1899)

221
Saint John.

22 2
Saint Michael.

L e Père John Thayer a exercé son ministère dans les églises St.
John’s et St Michael’s (Saint Michel), cette dernière étant à proximité
de la Patrick Street. ( LIMERICK )

223
Les derniers instants du Premier
Disciple Labrien

L es forces du Père John Thayer


commençaient à décliner et
il se demandait s’il pourrait
mener à bien sa “Mission”. Il
s’était adressé au couvent de
Cork ( ville d’Irlande du comté de Cork)
et avait demandé aux Ursulines si elles
acceptaient d’entreprendre le projet de
nouvelle fondation de leur ordre à Boston.
acceptèrent avec joie les propositions des
deux soeurs Ryan, Marie et Catherine
et leur demandèrent de venir à Boston,
promettant que des arrangements
seraient pris pour qu’elles puissent faire
leur noviciat au couvent des Ursulines,
situé dans la colonie française de Trois-
Rivières au Canada. Chacune reçut la
bonne nouvelle avec joie et enthousiasme.
(Le couvent des Ursulines de Cork fut créé Le Père Thayer était encore plus heureux
en 1771 par Honora Nagle.) que les filles Ryan.
Mais les religieuses avaient décliné l’offre Il voulut s’occuper lui-même de faire les
du Père. préparatifs pour leur voyage en Amérique.
Le bon Père se déplaçait lentement, ses Mais il était à cette époque très faible: la
jambes gonflées par la goutte, lui causaient maladie insidieuse, qui minait sa santé,
de très grandes souffrances. Malgré cela, il retarda son noble objectif. Le jour même,
persévérait et confiait chaque jour dans sa il devait s’aliter à la suite d’un malaise
prière son voeu le plus cher à son coeur. plus important que les autres. Bien que
Après la messe, ses fréquents malaises supportant d’atroces souffrances, il désirait
redoublèrent d’intensité. Les deux sœurs, continuer à entendre les confessions de ses
Marie et Catherine Ryan, profondément chers pénitents et c’est depuis son lit qu’il
touchées par le charisme du Père Thayer administra une dernière fois le sacrement
dont la santé défaillait, administrèrent du pardon.
ses affaires pour alléger son fardeau.
Tous étaient édifiés par les comptes bien La vie du Père John Thayer fut ascétique
tenus des dons qu’il avait récoltés et des et pénitentielle; par ailleurs, bien qu’il ne
documents qu’il laissait de son ancienne l’était point, elle était très jésuite, et surtout
vie, sa conversion, ses voyages en France fidèle au charisme du Saint Mendiant
et ses travaux en Amérique. Benoît-Joseph Labre. Paroissiens, amis,
Ils lui demandèrent donc s’il voulait membres religieux et confrères entouraient
bien leur confier ce projet d’édification le Père John Thayer, fidèlement soigné par
de communauté à Boston. Heureux de les futures Ursulines, Marie et Catherine
cette proposition, le Père Thayer écrivit Ryan. C’est devant toutes les personnes
à Mgr de Cheverus, premier évêque de présentes qu’il prononça, dans son petit
Boston, pour lui transmettre les lettres de logement au-dessus du « Golden Eagle’s »,
motivation particulières des deux sœurs ses dernières volontés.
si pieuses. Donnant mission à Marie et Catherine
de remettre à Mgr de Cheverus les
Richard Walsh, révérend de Limerick, fonds amassés depuis tant d’années pour
écrivit également et joignit sa lettre en accomplir l’oeuvre auquel il avait donné
assurant l’évêque qu’elles furent choisies sa vie. Peu après, il remit avec confiance
de façon providentielle pour commencer son âme à Dieu; nous étions le vendredi
le projet de fondation à Boston. 17 février 1815, le Père John Thayer
La réponse de Mgr de Cheverus ne venait de mourir dans sa 57e année et
se fit pas attendre: le Père Matignon, l’accomplissement de son ministère de
son ami et assistant zélé, et lui-même prêtre, avec la dignité et la simplicité

22 4
7 LIMERICK

qu’avait voulu « la Grâce » de sa conversion these, together with many other German
à Rome. Il resta fidèle jusqu’au bout à son religious suppressed, might by activity and
cher compagnon saint Benoît-Joseph exertion be obtained. You know that I am
Labre dont il fut le premier disciple, le not easily discouraged, and that no efforts
premier d’une longue lignée Labrienne, of mine will ever be wanting while life
qui, au fil de l’histoire, viendrait à sa suite remains, and all without fee or reward.
accomplir la volonté de Dieu sur terre, Exert yourself, my dear friend, and get
celle d’être des « orants pour les errants”. the good Cheverus to do the same. There
(Frère Noël-Marie Rath, o.s.m.) et des is a most glorious prospect before us; lands
frères pour tous les hommes. for establishment might surely be obtained
cheap, or for nothing, from General Knox,
Dans la paroisse de Limerick, l’abbé vécut from the holders of Waldo’s and other
entouré de ses souvenirs, une table, une patents in Maine, in New York from
chaise, quelques livres religieux dont une Cooper, etc., in Connecticut and Vermont
Bible et une biographie de la vie de saint from scattered Catholics. Mr. Salmon,
Benoît-Joseph Labre, écrite en français Mr. Cheverus’ friend, at Brompton, near
par l’avocat Jean-Baptiste Alegiani datant Chatham, might be obtained for the mission
de 1784. Dans la pièce principale, il n’y by a line from him.
avait aucun confort apparent, pas de poêle
pour se réchauffer, pas d’objet attirant le Ces derniers plans du Père Thayer
regard, rien d’autre dans l’ensemble du pour la fondation d’un établissement
décor sauf un crucifix devant lequel le missionnaire en Amérique ne furent
Père priait chaque jour et au pied duquel jamais mis à exécution; mais sa dernière
il entendait les confessions particulières volonté de couvent des Ursulines a été
de certains de ses paroissiens. réalisée, après son décès. Le 14 mai 1817,
Marie et Catherine Ryan, ces bonnes
L’autre but généreux du Père John filles et adeptes de son charisme Labrien,
était d’aider à la conversion de ses embarquèrent de Limerick à bord du
compatriotes américains adin d’amener navire “la Victoire” et parvinrent à Boston
à Boston de savants ecclésiastiques des en toute sécurité. Après l’accueil à bras
ordres religieux, dont les maisons avaient ouverts et la bénédiction paternelle de
été dévastées par le règne des Jacobins Mgr de Cheverus et du Père Matignon,
et de la Terreur en France sans compter ce dernier emmena les pieuses novices
les horribles catastrophes qu’elle avait au couvent des Ursulines de Trois-
causées à travers l’Europe au nom de la Rivières au Canada. En 1818, lorsque
Révolution. leur noviciat avait expiré, il alla à Trois
Le Père avait déjà envoyé en ce sens une -Rivières et amena les deux sœurs, dont
lettre au Père Matignon depuis Londres, les noms religieux étaient sœurs Mary-
le 3 juin 1805, dont nous citons le passage Joseph et Marie-Madeleine, et les installa
suivant: dans l’humble couvent confortable,
que Monseigneur de Cheverus avait
« The funds of the Scotch Benedictines of préparé pour elles près de sa cathédrale
St. James, Ratisbon, have been lately seized de Boston. Cette petite communauté
by the elector. In this house there are four naissante d’Ursulines fut officiellement
monks, viz., F. M. Graham (aged 38), an établie par Mgr Benoît-Joseph Fenwick
universal genius; F. B. Sharp (30), F. B. (Benedict-Joseph Fenwick) au Mont Benoît
Dessen (27) and F. Mclver (26), all learned à Charlestown, baptisé ainsi en l’honneur
and pious. There are also three or four other de l’évêque Fenwick. American Catholic
Scotch monks at St. James, Wirceburg. All Quarterly Review, de Richard H. Clarke.

225
Patrick Street; Limerick

22 6
7 LIMERICK

C’est dans cette rue que le Père John Thayer a vécu ses dernières années.”

227
7 LIMERICK

C ’était autrefois dans cette habitation, transformée de nos jours


en commerce du nom d’Arthur Quay, que demeurait le Père John
Thayer à Limerick au N° 34 Patrick Street.

22 8
C ette maison était celle de Monsieur James Ryan qui y tenait
commerce comme marchand de tissus sous l’enseigne “ Golden
Eagle’s ” et qui hébergea le Père John Thayer, une bonne partie de
sa vie à Limerick, où il décéda le 17 février 1815 à l’âge de 57 ans.
229
7 LIMERICK

HIC JACET CORPUS


JOHN THAYER
cimetiere Saint John

Tableau représentant Mgr Michael Peter Mc Mahon, évêque catholique de Killaloe.

23 0
L e Père John Thayer fut enterré dans le cimetière de l’église St John’s (Eglise
d’Irlande de confession anglicane) face à la cathédrale catholique romaine du
même nom. Son corps fut placé dans la même tombe que Mgr Michael Mc
Mahon, un ancien évêque catholique de Killaloe.

L e temps a depuis lors effacé les noms des pierres tombales. En effet,
de nombreuses tombes du cimetière Saint John sont anonymes. Il est donc
impossible de localiser avec précision celle où repose le Père John Thayer.
Cependant dans un livre écrit par Maurice Lenihan, publié à Dublin en 1866
sous le titre: “Limerick; its History and antiquities, Ecclesiastical, civil, and
military”, nous retrouvons à la page 627 un fac similé de l’inscription figurant
sur la tombe de l’évêque Michael Peter Mc Mahon, dans laquelle fut placée la
dépouille mortelle du Père John Thayer.

231
7 LIMERICK

cimetiere Saint John

“ Qui sait, si ce n’est pas pour votre salut que la bonté divine a daigné
m’éclairer, et que la main du Seigneur m’a conduit au milieu de vous ? Peut-
être la Providence ne m’a-t-elle retiré de l’erreur que pour m’ordonner de
venir porter ici le flambeau de la foi à plusieurs.
Travailler à vaincre l’endurcissement de quelques-uns et ranimer la piété
toute languissante des autres.
Peut-être les instructions que je vous ai faites sont-elles le dernier rayon
de grâce que le ciel vous a réservé; et qu’il sera terrible le compte que
Jésus-Christ vous en demandera au dernier jour ! Car nous paraîtrons,
vous et moi, au tribunal de ce grand juge : moi, pour répondre de l’usage
que j’ai fait de la grâce du saint ministère, en vous enseignant, en vous
exhortant en son nom; et vous, pour répondre sur les fruits que vous en
aurez retirés ”.
Père John Thayer

23 2
233
23 4
7 LIMERICK

“ Vous tous qui lirez cet écrit, je vous en conjure de prier avec ferveur
le Père des lumières et le Dieu des miséricordes d'avoir accompli ses
volontés sur l’humble serviteur que je fus.

D’après les paroles mêmes du Père John Thayer.

235
7 LIMERICK

23 6
Coupures de journaux de l’époque (extraits)
Source: diocèse de Limerick. Monsieur David Bracken, archiviste du diocèse.

237
23 8
Coupures de journaux de l’époque (extraits)
Source: diocèse de Limerick. Monsieur David Bracken, archiviste du diocèse.

239
Le Trefle est un
Symbole religieux et
national en irlande
L a légende raconte que le trèfle aurait été utilisé par saint Patrick
lors de sa mission d’évangélisation de l’Irlande.
Alors que celui-ci tentait de convertir le roi Aengus à la cause
chrétienne dans le centre religieux de Caiseal, saint Patrick eut
l’idée de se servir d’un trèfle à 3 feuilles pour illustrer la Sainte
Trinité.
D’après lui, chaque feuille représente une entité : le Père, le Fils,
et le Saint Esprit. Le trèfle dans son ensemble représente Dieu, ce
qui permet d’expliquer que Dieu est présent en 3 personnes (Triur
i n-Aon en gaélique : « trois personnes en une »). Cette illustration
se répandit dans toute l’Irlande, et l’on associa très rapidement le
trèfle à saint Patrick, puis à l’Irlande entière.

M ais ce symbolisme du trèfle ne s’arrête pas là et il peut


également être perçu par les Labriens comme étant l’image des
trois coeurs en un seul, selon la prière de saint Benoît-Joseph Labre.

24 0
241
La Priere des Trois Coeurs
M on Dieu,
accordez-moi, pour Vous aimer,
trois cœurs en un seul.

L e premier, pour Vous,


pur et ardent comme une flamme,
me tenant continuellement en Votre Présence
et me faisant désirer parler de Vous,
agir pour Vous,
et, surtout, accueillir avec patience
les épreuves qu’il me sera donné
de devoir surmonter au cours de ma vie.

Le second, tendre et fraternel envers le


prochain,
me portant à étancher sa soif spirituelle
en lui confiant Votre Parole,
en étant Votre témoin
comme en priant pour lui.
Que ce cœur soit bon
pour ceux qui s’éloignent de Vous,
et plus particulièrement encore s’ils me rejettent;
qu’il s’élève vers Vous,
Vous implorant de les éclairer
afin qu’ils parviennent à se libérer des filets du
chasseur.
qu’il soit, enfin, plein de compassion
pour celles et ceux qui ont quitté ce monde
dans l’espérance de Vous voir face à face …

24 2
7 LIMERICK

L e troisième, de bronze,
rigoureux pour moi-même,
me rendant vainqueur des pièges de la chair,
me gardera de tout amour-propre,
me délivrera de l’entêtement,
me poussera à l’abstinence
et m’incitera à me défier du péché.
Car je sais que
plus je maîtriserai les séductions de la nature,
plus grand sera le bonheur
dont Vous me comblerez dans l’éternité.

D’après les paroles mêmes de St Benoît-Joseph


-1771-

243
Le Testament du
Pere
John Thayer

24 4
Aquarelle représentant le Monastère des
Ursulines du Mont Benoît à Charlestown.
245
LE MONASTÈRE DES SOEURS
URSULINES DE TROIS-RIVIERES

24 6
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT

C’est le 1er août 1639 que les premières Augustines et les premières
Ursulines posaient le pied en Nouvelle-France, à Québec.

Jean-Baptiste de la Croix de la Chevrières à l’île du Prince-Édouard jusqu’en 1803.


de Saint-Vallier, second évêque de Québec, Après un séjour en Angleterre, il revient
fonda le monastère des Ursulines de Trois- au Canada et débarque à Québec en 1807.
Rivières le 10 octobre 1697. À la fin du Il est immédiatement investi par l’Evêque
XVIIe siècle, la ville de Trois-Rivières ne de Québec, Joseph-Octave Plessis, de
possédait ni communauté enseignante, ni la charge d’aumônier du monastère des
communauté hospitalière. À la demande Ursulines de Trois-Rivières. De 1808 à
des citoyens de Trois-Rivières, l’évêque de 1822, il entretient une correspondance
Québec pourvut la plus ancienne ville de la volumineuse avec les Ursulines de Québec,
colonie après Québec d’un couvent où les et particulièrement avec Sœur Sainte-
religieuses rempliraient la double fonction Anne [Coutant] dont il assure la direction
d’éducatrices et d’hospitalières. spirituelle. Ses lettres, empreintes d’une
grande rigueur religieuse, sont à l’image
La présentation des Ursulines de Trois- de l’ascète qu’il était devenu pendant les
Rivières ne serait pas complète sans parler quinze dernières années de sa vie à Trois-
d’un de leurs plus célèbres aumôniers Rivières.
l’Abbé de Calonne. Prêtre français exilé,
il émigre au Canada en 1799 et s’installe Source: archives des Ursulines de Québec

http://www.musee-ursulines.qc.ca/
247
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT

LE RECIT DES SOEURS URSULINES

LE NOVICIAT

L ’accueil, que reçurent Mary et


Catherine Ryan au monastère des
Ursulines de Trois-Rivières, fut à la
mesure de leur dévoué et regretté protecteur,
le Père John Thayer, qui avait rédigé son
«Votre séjour ici attirera sur notre
communauté les bénédictions du Bon
Dieu» et, sans plus tarder, elle les confia à
la maîtresse des novices, qui était alors la
Mère Campeau de Saint-Etienne. Avec cette
testament en faveur des deux filles de James conviction sincère que les fondatrices d’une
Ryan et pour lequel elles avaient la plus maison religieuse doivent être des saintes,
grande admiration. les nouvelles postulantes débutèrent leur vie
Anciennes élèves des Ursulines de Thurles religieuse et un guide aussi profondément
(Irlande), Mary et Catherine avaient vu, ascétique que notre vénéré Père de Calonne
dans le geste généreux du Père Thayer, n’eut besoin que de modérer leur zèle et
l’expression de la volonté divine. Elles ralentir leur ardeur. Leur âme était inondée
offraient avec joie leur désir de vie religieuse de consolation à la seule pensée que le
consacrée dans le but d’honorer les desseins Seigneur, dans sa miséricorde, avait jeté
testamentaires du Père John Thayer. les yeux sur elles, pour leur faire goûter les
C’est la Mère Paquet de Saint-Olivier qui délices de la solitude et les bienfaits de la vie
leur ouvrit les portes du couvent, en disant : religieuse. La mortification se révélait à elles

24 8
avec mille attraits. Pour devenir apôtres, Irlandaises et Américaines pour le grand
elles voulaient être martyres. La tâche douce projet de Boston. A l’instar de ses sœurs,
et facile de leurs guides spirituels consistait Margaret Ryan fit son noviciat à Trois-
donc à calmer ces pieux transports et à Rivières au Canada. Sans nul doute, du
initier ces jeunes Sœurs aux divers emplois haut du ciel, l’intercession du Père John
d’une maison religieuse. Ayant reçu une Thayer ne cessait de se répandre dans le
très belle éducation, possédant bien la cœur de ces jeunes demoiselles généreuses
connaissance de la langue française et qui, à son exemple de jadis, franchissaient
celle de la langue anglaise, elles ne furent les mers pour venir instruire la jeunesse
cependant pas employées dans nos classes. chrétienne de l’Amérique.

L
Le Père de Calonne s’y opposa fortement.
« Qu’on les laisse, disait-il, à cette vie e 4 octobre 1819, on récompensa
d’oraison, d’union à Dieu, dans laquelle une les vertus des premières arrivées
âme doit être bien entrée pour profiter aux (Sœur Marie de Saint-Joseph et de
autres. » Leur temps se partageait entre les Sœur Marie de Sainte-Madeleine) en les
exercices spirituels, le travail manuel et la admettant à la profession solennelle.
copie des règlements et constitutions de Heureuses qu’elles étaient de consacrer

A
l’ordre. tout leur être et de s’attacher à suivre le
u mois d’octobre 1818, elles Christ Jésus en prononçant tour à tour
reçurent l’habit religieux des mains leurs trois vœux de chasteté, de pauvreté et
du vicaire général, le Révérend d’obéissance ! Elles prononcèrent ensuite
François Noiseux, et prirent en religion le quatrième vœu qui est l’instruction des
les noms de «Sœur Marie de Saint-Joseph petites filles.
et de Sœur Marie de Sainte-Madeleine.» Ainsi enchaînées au Christ, comme l’apôtre
C’est à cette vie d’oraison, de pauvreté et Paul, les filles de James Ryan bénissaient
d’humilité que les jeunes sœurs Ryan vont Dieu de tout leur cœur. A partir de ce jour,
s’appliquer pendant les deux années que les chroniques du monastère ne nous ont
durera leur noviciat. Ces années bénies conservé que très peu de choses sur la vie
comptèrent toujours parmi leurs plus passée au noviciat des trois sœurs Ryan et
merveilleux souvenirs de vie religieuse, de leur cousine.
parce qu’elles furent le berceau et la base
de la promesse faite au Père John Thayer.
Le 19 septembre 1818 mourut le Père
Matignon; à l’exemple du Père John
Thayer, il fit son testament en faveur de
la fondation du couvent des Ursulines de Je ne voyais rien de plus grand
Boston et pria Monseigneur Cheverus de
devenir à son tour le protecteur sur la terre que d’annoncer la Parole de
des sœurs Ryan. À peine le Père Matignon
avait-il fermé les yeux, que la plus jeune Dieu. “
des sœurs Ryan, Margaret, accompagnée
d’une cousine, jeune veuve, mademoiselle (Paroles de la Vénérable Mère Marie de
Catherine O’Connell (veuve Molineaux)
arriva de Limerick pour se dévouer au l’Incarnation, fondatrice des Ursulines de la
service de Dieu et du futur monastère de Nouvelle-France).
Boston. Lors de cette réunion fraternelle de
décembre 1818, leur petite sœur Margaret
et sa cousine Catherine Molineaux prirent
le voile des postulantes ursulines.
L’année 1818 vit arriver d’autres jeunes

249
C’est dans ce monastère de Trois-Rivières que les jeunes sœurs Ryan
Mary et Catherine vont faire leurs deux années de noviciat.

25 0
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT

251
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT

L es dons particuliers des quatre sœurs


s’épanouirent très rapidement dans le
couvent de Trois-Rivières, monastère
qui servit de vestibule à leur vie religieuse.
Cependant, Monseigneur de Cheverus
toute paternelle.
Monseigneur de Cheverus avait préparé
pour elles à Boston à côté de sa résidence
une petite maison dont le cœur rejoignait
par une grille la cathédrale Holy Cross.
n’oubliait pas ses futures fondatrices. De Arrivées à Boston, elles s’installèrent dans
temps à autre, il les visitait leur confiant les la maison presbytérale qu’il leur cédait. Une
besoins du peuple catholique de Boston jeune fille de dix-sept ans avait devancé,
et leur rappelait qu’il avait besoin de leur de quinze jours, les religieuses dans le
entière coopération. Il finissait toujours monastère ; avant de prendre congé de ses
néanmoins par s’en remettre à l’abbé filles, Mgr de Cheverus voulut donner le
Jacques-Ladislas-Joseph de Calonne, voile de postulante à cette humble enfant qui
chapelain des Ursulines de Trois-Rivières désirait se consacrer à Dieu, en qualité de
(Mgr Joseph-Octave Plessis l’avait nommé Sœur converse. De plus, désirant donner à
directeur spirituel et aumônier des Ursulines la population de Boston l’occasion d’assister
de Trois-Rivières, ainsi que desservant de la à la cérémonie d’une profession religieuse
paroisse de La Visitation, à Pointe-du-Lac de solennelle, Monseigneur reçut les vœux
1807 à 1822). De son côté, ce père spirituel des deux novices Margaret et Catherine
s’était dévoué avec générosité, à former Molineaux dans l’église de la sainte Croix,
pour la vigne du Seigneur, ces jeunes Sœurs quelques jours après son arrivée dans cette
qui seraient bientôt transplantées à Boston. ville. Jamais semblable cérémonie n’avait
Les chroniques du monastère signalent eu lieu à Boston, aussi, vit-on accourir
néanmoins, je cite : « Que l’adversaire protestants et catholiques qui ne suivirent
était venu s’efforçant de semer l’ivraie, en pas sans émotion le cérémonial touchant
tourmentant la chère Sœur Sainte-Angèle que l’Eglise avait déployé pour ce sacrifice
par de continuels scrupules. » total. Désormais, la petite Sœur Margaret
Sa vie, pendant un certain temps, ne fut Ryan répond au nom d’un des Pères de
que crainte et tremblement. Mais le père l’église Saint-Augustin, « Sœur Mary
de Calonne veillait : Augustine » et Sœur Molineaux à celui de
« Venez à moi, lui disait le saint Père la vénérée fondatrice sainte Angèle Merici,
de Calonne, chaque fois que vous êtes (Fondatrice de la Compagnie de Sainte
tourmentée. A toutes les heures du jour, je Ursule) « Sœur Mary Angèle. »
suis à votre disposition »... « Cette charité de
la part du directeur spirituel, secondée par En cette circonstance, l’éloquence du
l’obéissance de la pénitente, toucha le cœur digne évêque de Cheverus fut à la hauteur
de Dieu, et guérit entièrement cette jeune de son sujet: « Que fait la jeune vierge de

A
victime de ses scrupules. » tout soi-même à Jésus, et que sanctionnent
u mois de juin 1820, un message les vœux?» Et chacun s’en retourna, ne
arriva au monastère disant sachant ce qu’il fallait admirer davantage:
que Monseigneur de Cheverus la générosité du Christ, celle des Epouses
attendrait à Montréal ses quatre jeunes du Christ ou la bonté paternelle de leur
Ursulines et il pria le Père de Calonne pasteur soucieux de procurer à son
de vouloir bien les lui conduire. Les troupeau tous les bienfaits dont l’Eglise
préparatifs du départ se firent aussitôt. de Jésus Christ a le secret. L’amitié que
L’abbé Desjardins, chapelain des religieuses l’on avait pour Mgr de Cheverus, le
de l’Hôtel-Dieu de Québec, fut aussi du respect qu’on lui portait, avaient empêché
voyage. On comprend facilement quelle le parti hostile aux catholiques d’écrire
consolation c’était pour ces dignes prêtres dans les journaux contre l’établissement
français de se revoir. Mgr de Cheverus d’un couvent à Boston. Les gazettes de
reçut les jeunes Sœurs avec une tendresse l’endroit se bornaient à annoncer l’arrivée

25 2
des religieuses ; mais ces quelques lignes une chaise, et quand ses filles la relèvent,
mêmes laissaient percer un certain dépit: elles s’aperçoivent qu’elle a vomi le sang en
«L’ adversaire du bien veillait en coulisse.» abondance.
Monseigneur les remarqua, et le jour
suivant, on lisait dans la gazette locale un Nos chères Sœurs écrivaient régulièrement
magnifique article écrit par l’évêque lui- à Trois-Rivières ; nos Mères partageaient
même, démontrant à son peuple qu’il n’y a les deuils de cette communauté naissante.
rien de moins dangereux dans un état, que La Mère Ryan de Mary-Joseph décéda en
douze personnes se réunissant ensemble décembre 1823 à l’âge de 38 ans. Sur son
pour faire le bien, et que si les autorités les lit de mort, elle avait dit à ses filles : « Vous
soupçonnent un seul instant, ce serait faire passerez par des épreuves bien sensibles, mais
outrage à une nation qui a hissé le drapeau ayez confiance. » Mère Mary-Joseph avait
de la liberté. vu auparavant deux de ses sœurs mourir de
la même maladie ; sa sœur Catherine, Mère
Depuis ce jour, les Ursulines poursuivirent Mary de Sainte-Madeleine était décédée en
tranquillement leur œuvre. Deux autres avril (1825) à 31 ans, et sa cousine, Sœur
jeunes filles étaient venues frapper à la Mary de Sainte Angèle, deux ans auparavant
porte du monastère, en qualité de novices. en 1823.
Dès lors, les classes furent organisées, et Mère Mary de Saint-Joseph eut certainement
dès les premiers jours, on compta deux avant sa mort, la satisfaction intérieure
cent quatre-vingts élèves. Les fonds d’avoir mené à bien l’œuvre testamentaire
laissés par les Pères Thayer et Matignon du Père John Thayer. Heureuse, 8 ans après
suffisaient largement à l’entretien des le décès de ce dernier, d’avoir honoré la
religieuses, de sorte que celles-ci pouvaient promesse qu’elle lui avait faite avec sa sœur
admettre gratuitement les nombreux Catherine dans leur maison de Limerick.
enfants des pauvres émigrés irlandais. Le L’air de la ville de Boston incommodait les
nombre d’élèves augmenta peu à peu; on Sœurs Ursulines et semblait les rendre
en compta jusqu’à trois cents, et la Mère malades et la maison qu’elles occupaient
supérieure (demoiselle Ryan, Sœur Mary devenait trop petite si bien qu’elles
de Saint-Joseph) qui s’était réservé l’office déménagèrent dans une autre maison à
d’économe du monastère pour mieux Charlestown près de Boston pendant que
prendre soin de ses filles, dirigeait, elle se poursuivait la construction du grand
aussi, une classe d’adultes dans la cuisine. monastère et de son école sur le Mont Benoît.
De pieuses Irlandaises, ayant faim de la Cette petite communauté naissante
parole de Dieu, se réunissaient là tous les d’Ursulines fut officiellement établie après
jours au nombre de trente. Monseigneur le départ de Mgr de Cheverus, par le nouvel
se rendait le vendredi, vers quatre heures, évêque de Boston, Mgr Benoît-Joseph
au couvent, pour entendre les confessions Fenwick (Benedict-Joseph Fenwick) au Mont
des religieuses. Les fondatrices écrivaient Benoît à Charlestown, (baptisé ainsi en
que c’était un paradis sur la terre que leur l’honneur de saint Benoît-Joseph Labre et de
cher petit monastère. L’onction de la grâce l’évêque Fenwick).

S
adoucissait tous leurs labeurs.

M
œur Mary Augustine, la troisième
ais voici venir l’heure de et dernière fille de James Ryan (la
l’épreuve. Louis XVIII rappelle plus jeune) mourut dans cette petite
en France Mgr de Cheverus, maison, le 11 août 1827.
qui est nommé au siège de Montauban. A Peu avant sa mort, on l’amena dans la partie
cette nouvelle, la Mère supérieure, Mary supérieure de la maison encore inhabitée
de Saint-Joseph, s’affaisse sur elle-même d’où elle avait pu voir la construction du
et demeure longtemps la tête appuyée sur monastère du Mont Benoît.

253
LIEU DE LA SÉPULTURE DE MARIE RYAN
ET DE SES SOEURS URSULINES DE BOSTON.

ST. AUGUSTINE’S CEMETERY CHAPEL

181 DORCHESTER STREET, SOUTH BOSTON,


MASSACHUSETTS

25 4
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT

255
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT

LA SÉPULTURE DE MARIE RYAN


ET DE SES SOEURS URSULINES DE BOSTON
Eglise Saint-Augustin, South Boston, et son histoire romantique
(Coupure du journal “The Boston Globe”, non datée )
La chapelle Saint-Augustin est le plus Massachusetts. Les plus anciennes tombes
ancien bâtiment de l’église catholique dans remontent aux premières décennies du
l’archidiocèse de Boston. Son cimetière 19ème siècle, et comprennent des vétérans
catholique est aussi le plus ancien en de la Révolution américaine et de la guerre
Nouvelle-Angleterre. civile. Dans la chapelle sont enterrés
quelques-uns des premiers membres du
Après sa mort, la première Supérieure des clergé de l’église, y compris les restes des
Ursulines de Boston, Marie-Joseph Ryan Ursulines du couvent incendié dans la nuit
(Marie Ryan) fut inhumée à l’ombre des du 11 août 1834.
grands arbres du cimetière de “St. Augustine’s Les centaines de tombes racontent l’histoire
Cemetery Chapel, located at 181 Dorchester des immigrants et de leurs familles.
Street”. Cette chapelle a été construite en Une rubrique nécrologique écrite par un
1818, sous la direction du premier évêque protestant de Boston dit ceci:
de Boston, Mgr de Cheverus. Le cimetière “Far from the sepulcher of his fathers repose
était destiné à être le lieu du repos final du the ashes of the good and great Dr. Matignon;
Père Francis Anthony Matignon, son ami et but his grave is not as among strangers, for it
compagnon, réfugié comme lui de la France is watered by the tears of an affectionate flock
révolutionnaire. and his memory is cherished by all who value
C’est le plus vieux bâtiment néo-gothique du learning, honor and genius, or love devotion.”

25 6
257
“À l'ombre de grands arbres, dans une atmosphère paisible, derrière les
murs de la chapelle Saint-Augustin au pied duquel gisent de vieilles tombes
aux inscriptions à demi effacées. Parmi elles se trouvent les sépultures de
Mère Mary-Joseph Ryan, de ses Soeurs Ursulines et du Père Francis Anthony
Matignon... Ils reposent ici dans l’attente de la résurrection. Il y a, dans ce
mystère de la foi, une immense beauté, une immense confiance dans cette
espérance qui les unit à Dieu dans l’éternité”.

25 8
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT

259
26 0
261
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT

D ans une lettre datée de septembre


1827, la Sœur Marie-Jean, relate
les détails de la mort de Mère Mary
de Sainte-Madeleine (Catherine Ryan).
qui sembla la soulager. Nous espérions que
cette chère sœur se rétablirait ; mais le ciel
en avait ordonné autrement. Le jour de la
fête de notre Mère sainte Angèle, elle eut une
rechute qui fut mortelle. Depuis ce jour, elle
Monastère des Ursulines, déclina sensiblement, et le médecin déclara
la maladie incurable. Cette chère sœur reçut
Mont Benoît, Charlestown. alors, avec une admirable piété les derniers
sacrements, et répondit avec ferveur à
Ma Révérende et bien chère Mère, toutes les prières de l’Eglise. Nous avons fait
deux neuvaines, en union avec le prince
Je suis chargée par notre chère Mère Hohenlohe, mais nos vœux ne furent point
supérieure de vous annoncer la profonde complètement exaucés, et la maladie se
affliction dans laquelle nous sommes prolongea. Rendues au mois d’août, et voyant
plongées par la mort de notre chère et notre bonne sœur à peu près dans le même
regrettée Mère Saint-Augustin. Notre Mère état de santé, nous commençâmes une autre
vous écrirait elle-même si ses occupations neuvaine; toutes nos sœurs priaient avec une
le lui permettaient ; elle vous adressera ferme confiance, espérant que le dixième
cependant quelques mots. Les croix que jour auquel le prince Hohenlohe devait
nous envoie la divine Providence sont célébrer pour notre chère malade le saint-
d’autant plus difficiles à porter qu’elles sacrifice de l’autel, elle serait parfaitement
semblent priver notre monastère de celles guérie. Ce jour-là, la sainte messe fut dite
qui en étaient le soutien. Mais les décrets à trois heures ; aussitôt après, le prêtre lui
de Dieu sont impénétrables et dépassent de apporta la sainte communion. Le miracle
beaucoup les faibles lumières de l’humaine espéré n’ayant pas eu lieu, il ne nous restait
raison. Ces épreuves successives sont autant plus qu’à nous soumettre à la sainte volonté
de traits qui nous montrent la puissance de Dieu. Dès ce moment, notre chère sœur
de Dieu, et nous engagent à nous confier se prépara à la mort avec toute la sérénité et
amoureusement, en sa Divine Providence. la paix d’une bonne conscience. Néanmoins
Je me trouve maintenant la plus ancienne une autre neuvaine fut commencée ce jour-
religieuse du chœur de la communauté, ce là même, en l’honneur de saint Joseph. Elle
qui m’engage à me dévouer sans épargne répondit aux prières d’une voix distincte;
pour la maison du Seigneur, et excite en mon ensuite elle composa quelques poésies
âme, un désir sincère de faire revivre dans adressées à notre chère Mère supérieure,
notre jeune communauté les vertus de nos aux religieuses et à notre digne évêque, alors
chères sœurs défuntes. Je vais vous donner en mission chez les sauvages. La veille, le
quelques détails sur la dernière maladie de médecin l’avait trouvée tellement bien, qu’il
notre bien-aimée sœur. Notre communauté nous a dit qu’elle pouvait encore vivre deux
a quitté Boston où nous souffrions ou trois mois ; mais son heure était venue.
beaucoup du manque d’air. Nous sommes
maintenant établies à la campagne, près Elle était mûre pour le ciel, et Notre Seigneur
de Charlestown. Notre chère Mère Saint- ne voulant pas prolonger son exil, se hâtait
Augustin jouissait d’une excellente santé de l’appeler en ces régions immortelles, où
depuis notre départ de la ville ; cependant, il lui avait préparé une récompense égale à
nous sommes portées à croire que cette ses mérites. Le même jour, vers huit heures,
brusque transition d’un milieu concentré, à nous nous aperçûmes que sa gorge était
l’endroit si plein d’air et de soleil que nous embarrassée, le mal alla toujours empirant
habitons aujourd’hui lui a été fatale. Vers jusque vers dix heures. Elle put alors avaler
le 8 mai, elle vomit le sang ; deux jours une cuillerée « d’arrow-root », mais ce fut
après, elle eut une nouvelle hémorragie. Le tout ce qu’elle put prendre jusque vers
médecin fut appelé; il ordonna une saignée minuit.
26 2
Lui ayant dit que c’était l’intention de notre beaucoup de progrès dans les Etats-Unis.
révérende Mère supérieure qu’elle prît Les fidèles, en général, sont bien fervents :
quelque breuvage, la sainte obéissance lui quelques-uns mènent une vie si exemplaire
donna, il me semble, un surcroît de force, car, qu’ils nous rappellent les premiers chrétiens.
quoique extrêmement faible et sous les coups Beaucoup de conversions se sont opérées
de la mort, elle prit le verre dans ses mains dans la paroisse de Boston ; les nouveaux
et en but le contenu. Ensuite elle m’adressa convertis répandent autour d’eux la bonne
quelques paroles, puis garda un profond odeur de Jésus Christ. Le successeur de
silence. A minuit et trois quarts, je lui fis Mgr de Cheverus est Mgr Fenwick. C’est un
une question qui demeura sans réponse; évêque rempli de l’esprit de Dieu ; son zèle
quelques instants après je renouvelai mes pour tout ce qui regarde le saint ministère
instances, même silence. Je lui pressai alors et la prospérité de notre communauté est
la main et je m’aperçus quelle était couverte admirable. Il a agrandi sa cathédrale ; elle
d’une sueur froide et que le sang s’était retiré est maintenant peut-être la plus belle église
des mains et des pieds, lesquels étaient sans de cet état. Je regrette beaucoup de n’avoir
mouvement. Voyant les symptômes d’une fin pas pu écrire en français ; mais on me
prochaine, j’appelai notre révérende Mère dit qu’il y a dans votre communauté des
supérieure qui s’aperçut immédiatement religieuses qui comprennent l’anglais. J’ai
que notre chère sœur était mourante. Elle omis de vous parler des profonds sentiments
lui répéta les saints noms de Jésus, Marie, de reconnaissance que notre chère sœur
Joseph, lui disant que si elle l’entendait de lui Saint-Augustin a toujours conservés pour
presser la main, ce qu’elle fit aussitôt et répéta vous et pour toutes vos religieuses. Chaque
après notre Mère les saintes invocations fois qu’elle a eu occasion de parler de la
qu’elle venait de lui faire. Quand elle ne fut communauté des Trois-Rivières, elle l’a
plus en état de parler, elle nous fit un signe, fait avec un accent de bonheur qui nous
nous faisant comprendre qu’elle les dirait de impressionnait. Toutes mes sœurs s’unissent
cœur. Cinq minutes plus tard, elle expirait à moi pour vous présenter leurs plus profonds
tranquillement, le sourire sur les lèvres. respects et offrir un cordial souvenir à votre
Cette chère sœur était un modèle vivant de communauté.
toutes les vertus religieuses, et la consolation
de notre chère Mère supérieure, qui ressent Je demeure,
sensiblement la perte que nous venons de
faire. Nous formons les vœux les plus sincères Ma chère et révérende mère,
pour la prospérité de votre communauté ; par
conséquent, c’a été un bonheur pour nous Votre très humble et obéissante fille,
d’apprendre par la dernière lettre adressée
à notre chère sœur Saint-Augustin, que le Sœur Marie-Jean.
nombre de vos religieuses augmente. Notre
nouveau couvent est presque entièrement
terminé, et nous y entrerons probablement
le premier novembre. Nous comptons sur
un bon nombre de pensionnaires. Nous Je n’avais que vingt ans,... Mon
n’avons qu’une novice qui est très fervente;
elle est maintenant dans sa seconde année esprit parlait sans cesse à Dieu. “
de noviciat. Nous sommes six en tout. Soyez
assez bonne, ma révérende Mère, pour (Paroles de la Vénérable Mère Marie de
prier l’auteur de tout bien, qu’il nous envoie l’Incarnation, fondatrice des Ursulines de la
des sujets selon son cœur, pour être les
instruments de sa gloire dans cette nouvelle Nouvelle-France).
communauté. La religion catholique fait

263
LE RECIT DES SOEURS URSULINES

LES ÉPREUVES

26 4
Les Soeurs occupaient la petite maison locaux. Ce qui se fit l’année suivante, date
en bas de la colline du Mont Benoît, à laquelle les élèves affluèrent de tous côtés
avant d’emménager dans les futurs de Nouvelle-Angleterre, des Antilles, des
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT

états du Sud et des provinces britanniques - Interdire l’accès aux postes d’instituteurs
tant et si bien que deux ans plus tard, on dans les écoles publiques afin de les réserver
ajouta deux grandes ailes supplémentaires aux seuls protestants.
à l’établissement puisque le nombre des - Instaurer la lecture quotidienne de la Bible
nonnes était passé de quatre à dix et celui protestante dans les écoles publiques.)
des élèves de cinquante à soixante. Leur
séjour dans la ville n’était pas forcément La grande famine en Irlande au milieu du
apprécié. Malgré tout, l’école des Ursulines XIXe siècle provoque une immigration
du Mont Benoît prospéra, la dévotion des massive d’Irlandais, qui vont former le
professeurs était le secret de leur succès. noyau dur du catholicisme américain.
Ceci attisa malheureusement les jalousies L’Église catholique a longtemps été
de ceux qui voyaient les revenus de l’Eglise marginalisée dans la société américaine,
augmenter. voire persécutée par le courant nativiste,

D
puis le Ku Klux Klan, l’antipapisme
es rumeurs de mauvais traitements servant de ciment identitaire à la majorité
dispensés par la Mère supérieure protestante.
commencèrent à poindre. Et la
bonne volonté des jeunes Ursulines allait Dans une Amérique dominée par la
dès cet instant se heurter à ce débat de culture puritaine, les immigrants irlandais
rue nauséabond qui passe de bouche en représentent près de la moitié de tous les
bouche; la calomnie va lentement mais immigrés installés dans les années 1840, et
insidieusement être orchestrée par une le tiers dans les années 1850. Les nativistes
secte: les Nativistes ou « Know Nothing. » dénoncèrent leur comportement social,
leur incidence sur l’économie et leur
(À cette époque, le mouvement nativiste est religion catholique...
structuré sous la forme d’une société secrète;
les membres de cette dernière répondaient À Boston, capitale par excellence du
invariablement « Je ne sais rien » « I Know puritanisme américain, les années 1834
Nothing » quand ils étaient interrogés sur furent des périodes de troubles et de
l’existence de ce mouvement politique. violences. La secte protestante nativiste
Le nativiste est fondé sur l’opposition de très antipapiste, était encadrée par des
la bourgeoisie et des classes moyennes évangélisateurs populaires très sectaires,
protestantes à l’immigration massive dont le plus virulent était le Rev. Lyman
d’européens catholiques principalement Beecher, père de l’écrivaine américaine,
originaires d’Irlande et d’Allemagne; la Harriet Beecher Stowe, auteure du fameux
communauté catholique étant jugée soumise roman: « la Case de l’oncle Tom. »
à son clergé et perçue, par conséquent, comme
le cheval de Troie d’une politique pontificale. Durant près de quatre ans, les actes de
Outre cette xénophobie nationaliste, le violence contre les catholiques de Boston
mouvement représentait également une furent monnaie courante, de même que
forme d’intégrisme protestant favorable les incendies d’églises. D’abominables
à la prohibition de la vente d’alcool. Leur pamphlets calomniateurs étaient
plateforme politique était la suivante: largement répandus dans la population
- La limitation stricte de l’immigration toujours crédule pour les faits les plus
visant particulièrement les immigrants dénués de vraisemblance.
catholiques. C’est dans ces circonstances défavorables
- Réserver l’accès aux postes à responsabilité qu’une seule étincelle suffit à allumer le
du pays aux seuls américains natifs. feu: il couvait lentement et devait voir le
- Instaurer un délai de 21 ans aux immigrés jour au sein même de la communauté des
avant d’obtenir la citoyenneté américaine. Soeurs Ursulines de Boston.

265
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT

U ne simple affaire anodine allait


suffire à donner un prétexte aux
causes des opposants nativistes
et les Soeurs Ursulines du mont Benoît
allaient en faire la triste expérience,
notamment la Supérieure du couvent,
Mère Mary Edmond St. George ( Mary
Anne Ursula Moffat) qui serait placée
au centre des rumeurs soigneusement
orchestrées par les nativistes, les
premières d’une longue série. Elle était la
fille d’un officier de l’armée britannique
au Canada. Adolescente, elle se convertit
au catholicisme et entra chez les Ursulines
du Québec. Lorsque la communauté de
Boston perdit à cause de plusieurs décès, Le Rev. Lyman Beecher
ses fondatrices et plusieurs autres Soeurs,
(la tuberculose ayant décimé les rangs de
la communauté naissante de Boston) le début de l’affaire qui commença en cette
Révérend William Taylor, vicaire général fin de juillet 1834.
de Boston, avait demandé de l’aide auprès Mademoiselle Elizabeth Harrison était
de Mgr Joseph-Octave Plessis, Archevêque native de Philadelphie. Elle avait réussi
de Québec (1763-1825) qui l’avait détaché son noviciat qui avait duré deux ans.
du monastère des Ursulines de Québec Elle avait l’habitude de donner 14 heures
afin de remplacer après le décès de celle- de leçons de musique par jour d’une
ci la première Supérieure, Mère Marie- durée de 45 minutes chacune. Cela la
Joseph (Ryan). Elle fut choisie en raison fatiguait, l’affaiblissait et son esprit en était
de ses capacités. Etant anglophone, elle grandement perturbé. Plusieurs personnes
pouvait guider la jeune communauté. de sa famille avaient déjà été sujettes à
Elle était une femme capable et digne, des troubles psychiques et mentaux. Si
apparemment très respectée mais peu les Sœurs avaient été au courant de cela,
aimée... Supérieure rigide et hautaine, elles auraient allégé ses responsabilités.
elle avait une manière impérieuse d’agir; Le docteur Warren, médecin de la
mais ses Soeurs sont formelles, ils ne l’ont communauté, avait déjà constaté la santé
jamais entendue dire, ou vue faire toutes délicate de Soeur Marie John. Elle souffrait
les choses indignes que les rumeurs par grand froid et grande chaleur de maux
colportèrent contre elle. Il est clair qu’elle de tête et, fin juillet, alors qu’elle se sentait
n’était pas une femme docile parce qu’elle très mal, elle absorba par erreur quelque
avait été formée à la retenue qui s’imposait vomitif qui eut de drôles de conséquences
au XIXe siècle. sur son comportement ; elle commença à

D
s’agiter bizarrement, exigea de nouveaux
ans l’après-midi du 28 juillet instruments, ouvrit grand les portes sous
1834, Mlle Elizabeth Harrison, prétexte d’atténuer sa fièvre. Lorsque
Soeur Mary John au sein de la la Supérieure Mère Mary Edmond St.
communauté, s’est échappée du couvent George lui dit qu’elle semblait trop malade
du Mont Benoît. pour donner ses cours, elle répondit par
Cette action sera au centre des événements un grand éclat de rire et son agitation
décisifs qui vont suivre. atteignit le délire au fil de la journée. Elle
fuit du couvent et se réfugia dans la maison
Il nous faut afin de bien comprendre le voisine, la résidence de M. Edward Cutter,
cheminement des événements revenir au un citoyen respectable, qui est membre

26 6
Of the “ Mysterious Lady” From the Ursuline convent of Mt. Benedict. Her nervous excitement
culminating in delirium, she slipped out of the convent.”
267
LE COUVENT DES URSULINES DE BOSTON
SUR LE MONT BENOÎT À CHARLESTOWN
de la Chambre des représentants du Mlle Harrison (Soeur Mary John) avait
Massachusetts. déclaré devant lui et M. Cutter, en présence

M
de la famille de ce dernier, qu’elle avait
alade, Soeur Mary John avait quitté le couvent avec une détermination
échappé à la vigilance de ses à ne pas y revenir, et désirait que M. John
Sœurs, qui n’auraient jamais Runey la conduise chez M. Cotting d’où elle
envisagé un tel acte dans la mesure pouvait trouver un asile, jusqu’à ce qu’elle
où elle était incapable de cacher ses pût subvenir à ses besoins.
sentiments, qu’elle n’avait jamais exprimé Toujours selon les dires de M. Runey,
d’insatisfaction auparavant, étant la plus Mlle Harrison a librement démontré son
joviale de toutes les Sœurs de l’Ordre hostilité envers la communauté en arrivant
des Ursulines. Un membre du conseil des chez M. Cotting et elle réitéra qu’elle était
«Selectman», M. John Runey, (celui qui avait malheureuse au couvent, et était résolue de

L
déjà auparavant menacé d’aller importuner ne jamais y revenir.
les Sœurs. Anticatholique convaincu, Runey e lendemain, le frère de Mlle
n’aimait pas la communauté) Il conduisit la Harrison rendit visite à sa sœur.
Soeur Mary John vers la maison, distante L’éloignement lui avait sans doute
de cinq ou six miles, d’un gentleman de été bénéfique puisqu’elle réclama la
West Cambridge, M. Cotting, et il mit la visite de Mgr Fenwick pour l’aider à se
Supérieure du couvent au courant de cette ressaisir. L’évêque de Boston constata son
intention en lui rapportant les dires de égarement, ses yeux hagards, ses phrases
Soeur Mary John, selon lui:
26 8
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT
incohérentes, ses larmes et ses rires couvent prit forme à Charlestown à partir

A
déplacés. Lorsqu’il proposa à Soeur Mary de cette première affaire.
John son retour au couvent, elle implora vec Mlle Harrison, ce fut le début
de rester où elle était. Il était clair, qu’avant d’une deuxième affaire et un
cela, elle n’avait plus eu la notion des article dans le journal intitulé « La
choses et avait perdu momentanément la femme mystérieuse » acheva de mettre le
raison puisqu’au début, elle ne cessait de feu aux poudres. Il y était question de la
répéter combien elle était heureuse d’être fuite de Mlle Harrison où l’on racontait
là. qu’elle aurait été ramenée de force, même

D
assassinée ou enfermée et mise au secret
ans le passé, une autre jeune dans des caves souterraines ou bannie
femme, Mlle Rebecca Theresa dans d’autres régions ; mais ce n’était
Reed avait quitté le Mont Benoît qu’une partie de l’iceberg en matière
en calomniant cette institution par la suite d’opinion publique négative. On tendit
dans un livre (Six months in a convent, or, une embuscade au jardinier du couvent
the narrative of Rebecca Theresa Reed : pour lui donner un avant-goût de ce qui
who was under the influence of the Roman pourrait arriver au couvent. Quelques
Catholics about two years, and an inmate jours après le retour de Mlle Harrison au
of the Ursuline convent on Mount Benedict, couvent, le Dr Thompson, un physicien
Charlestown. Éditions de 1835). de Charlestown qui, au début, ne tarissait
pas d’éloges sur la Supérieure, exigea d’elle
Ce livre est l’histoire de Rebecca Reed, qu’elle montre « La femme mystérieuse »,
cette jeune fille de Boston qui fut admise sinon le couvent serait détruit. Elle invita
à l’école des Soeurs Ursulines en 1831. De donc le conseil des « Selectmen » (The Board
famille modeste, elle y entra gratuitement of Selectmen of Somerville, Massachusetts)
le couvent ayant renoncé aux frais de à venir ainsi que deux voisins qui étaient à
sa scolarité. En 1832, elle a déclaré à la l’origine des rumeurs.
Mère supérieure qu’elle aimerait entrer Les visiteurs arrivèrent le lundi et
au noviciat des Ursulines. Mais au bout fouillèrent tous les recoins du couvent
de quelque temps, la communauté lui en compagnie de Mlle Harrison (Soeur
fit comprendre qu’elle n’en avait pas la Mary John) elle-même. Ils en conclurent,
vocation et elle dut quitter le couvent trois heures plus tard, qu’il n’y avait rien
après six mois de postulat. Mlle Reed en de répréhensible et repartirent satisfaits
garda un ressentiment enflammé contre en promettant de faire un article à ce
l’institution de Boston. sujet dans la Gazette de Boston du mardi
Quelque temps après son départ en matin (Le lendemain). La déclaration était
février 1832, elle a commencé à écrire un destinée à rassurer le public que la femme
livre intitulé six mois dans un couvent, était en bonne santé, qu’elle n’était pas
dans lequel elle déclare que les religieuses retenue contre son gré, et que le couvent
Ursulines et la Mère supérieure ont était respectable...
essayé de la forcer à adopter leur religion Bien que des rumeurs d’une perturbation
catholique. planifiée avaient atteint le couvent le mardi
Ce livre récupéré par les membres anti- 11 août, ni les religieuses, ni les étudiants,
catholiques de Boston devait nourrir ni mêmes les parents, ne semblaient croire
leur haine et l’idée de la suppression du que quelque chose de grave se produirait.

Je ne suis rien dans le monde, fardeau inutile sur la terre“


(Paroles de saint Benoît-Joseph Labre)

269
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT

LA PREMIERE EMEUTE AU
MONT BENOÎT, NUIT DU 11 AOÛT, 1834.
LES INCENDIAIRES NATIVISTES DETRUISENT
LE COUVENT DES SOEURS URSULINES.

Mais, au coucher du soleil, la Supérieure au lit. A neuf heures du soir, elle fut alarmée
commença à entendre du bruit. À environ par un grand vacarme du côté de Medford
08h00 le soir du 11 Août 1834, un groupe Road, provoqué par une foule qui criait : « A
de citoyens protestants en colère se sont bas le couvent ! A bas le couvent ! ».
rassemblés devant la porte du couvent. Ils
ont commencé à appeler à la libération de Puis la foule finit par se disperser, pour revenir
« La femme mystérieuse ». Un témoin de quelques heures plus tard. Vers 11h00, une
l’émeute a rapporté qu’une religieuse est foule de cinquante à soixante hommes ont
venue à la fenêtre et a demandé à la foule mis le feu à des barils de goudron sur les
de se disperser. Selon ce témoin, en voyant terrains du couvent; une foule d’environ 2000
la religieuse, la foule a offert sa protection à personnes était massée devand le monastère.
la religieuse. À ce stade, la Mère Supérieure, Peu de temps après, la foule a enfoncé les
Mary Edmond St. George, est apparue et a portes et les fenêtres pour entrer au couvent, et
déclaré que les religieuses n’ont pas besoin de a commencé à fouiller les bâtiments. La Mère
protection, et que toute la maisonnée était Supérieure rassembla la communauté des
27 0
Soeurs pour leur dire qu’elles étaient en lieux, ont refusé d’intervenir. Puis il y eut
danger. Elle demanda à ceux qui étaient une pause pendant laquelle la Supérieure,
rassemblés dehors ce qu’ils voulaient et les religieuses et les élèves ont commencé
dit qu’ils perturbaient le sommeil des à quitter le couvent par l’arrière, et se sont
élèves, dont certains étaient des enfants cachés dans le jardin. Au bout de quelque
de notables respectés dans cette ville. Ils temps attendant le moment propice, les
répondirent qu’ils ne voulaient pas faire religieuses en profitèrent pour guider
de mal aux enfants mais qu’ils désiraient tout le petit troupeau d’élèves vers une
voir la nonne qui avait fui. La Supérieure fuite salvatrice et atteindre finalement les
constata que la nonne en question s’était maisons du voisinage. Il fallait prendre
évanouie de terreur et qu’elle se trouvait en charge 60 élèves sachant qu’il y avait
sous la protection de quatre Sœurs. La une Sœur à l’agonie, une autre prise de
Supérieure revint dire à la foule ce qu’il en convulsion et Mlle Harrison (Soeur Mary
était ; elle affirma que des « Selectmen » John) en plein délire. Ceci accompli,
avaient déjà visité le couvent et en avaient la Supérieure s’attarda pour voir s’il ne
été satisfaits. S’ils voulaient, ils pourraient restait personne dans le bâtiment, sauver
revenir la voir le lendemain à une heure les objets de valeur et les 1000 dollars
convenable. Ils lui demandèrent si elle était faisant partie des revenus de l’institution.
sous protection et elle répondit que oui. A peine le dernier enfant avait quitté
Mais la foule augmenta de toutes parts, ils le couvent, que les vauriens y entrèrent
l’insultèrent et ils affirmèrent avoir amené et ils étaient à quelques mètres derrière
avec eux un « Selectman » pour leur ouvrir elle. La foule surgit, dans des hurlements,
les barrières. Le «Selectman» s’avança et pilla, vola tous les objets précieux, les
lui offrit sa protection mais elle la refusa bijoux des élèves, démolit les instruments
puisqu’il avait été à l’origine des troubles et de musique et détruisit tout sur son
lui dit que s’il voulait sa confiance, il fallait passage ainsi que les ornements de l’autel
d’abord qu’il disperse la foule. Il essaya offerts par l’archevêque de Bordeaux. Ils
de dissuader les émeutiers de mettre le allumèrent des feux dans plusieurs pièces
feu au bâtiment en leur disant qu’on les et ils y jetèrent tout ce qu’ils trouvaient:
reconnaîtrait et qu’on les retrouverait meubles, rideaux, vêtements, livres,
ensuite s’ils agissaient de la sorte. Après tableaux, la Bible, la croix et les documents
quoi, il rentra chez lui et alla dormir. et quittèrent les lieux qui étaient devenus
Ensuite, la foule tira un coup de canon la proie des flammes. Le bureau de l’évêque
sous les saules et attendit un moment et la ferme avoisinante connurent le même
les renforts. sort, tout fut ravagé.

I ls allumèrent un feu de joie, signal


pour tous les conspirateurs nativistes
et les cloches retentirent, comme
pour un incendie, à Charlestown et à
Boston. Des foules surgirent de tous côtés.
L e témoignage émouvant d’une des
religieuses Sœur Mary de Saint
Joseph O’Keffe (Mlle Hélène O’Keffe)
décrit avec beaucoup de précision les
événements de cette nuit du 11 août 1834:
Plusieurs pompes à incendie arrivèrent ;
celle de Charlestown fut placée de l’autre La lune dans son premier quartier donnait
côté du feu de joie et l’autre en provenance ce soir-là peu de lumière, par moment elle se
de Boston, devant le couvent que la foule dérobait même entièrement derrière d’épais
avait envahi et paralysait. L’arrivée de la nuages, et ce fut à la faveur d’une demi-
pompe à incendie de Boston déclencha la obscurité que, vers dix heures, éveillée par
prise d’assaut du couvent sous forme de ma supérieure, je pus entrevoir quelques
jets de briques. Plusieurs compagnies de figures sinistres se cachant ça et là derrière
pompiers qui avaient été appelées sur les les arbres de l’avenue.

271
—Je vois un homme, me dit notre révérende dans l’angle le plus reculé du jardin. Mon
mère Mary Edmond St. George. premier soin avait été de sauver le Saint-
—J’en vois cinq, Sacrement. Ma sœur Saint-Augustin était
—J’en vois dix, lui répondis-je. sacristine, mais comme elle se trouvait
—Qu’on éveille toutes les religieuses et qu’elles auprès des élèves, j’allais lui demander la
s’habillent sans lumière, ajouta-t-elle. clef du tabernacle. Ma sœur Sainte-Ursule
vint à mon secours et à nous deux, nous
L’alarme avait été donnée par notre chère emportâmes le tabernacle entier, car il
sœur Sainte-Ursule qui veillait auprès n’était pas encore fixé solidement sur
d’une jeune sœur malade (Sœur Mary l’autel. Pendant que nous travaillions à
St. Henry). Des cris A bas le Pape ! A bas sauver notre plus précieux trésor, les vitres
l’évêque ! A bas le couvent ! Se faisaient en éclats jonchaient le tapis du sanctuaire
entendre distinctement de la rue. En et nous eûmes à peine le temps de sortir de
même temps les émeutiers faisaient des la chapelle, qu’une troupe de va-nu-pieds
efforts pour enfoncer la porte de fer qui envahissait le saint lieu. Nous déposâmes
fermait l’avenue. A peine avions-nous eu le tabernacle dans une touffe d’asperges
le temps de revêtir nos habits religieux qui pouvait avoir trois pieds de haut,
qu’une populace furieuse, excitée par le espérant le dérober aux recherches des
docteur Lyman Beecher et les ministres fanatiques, ne croyant pas qu’ils eussent
protestants de Boston et de Charlestown, le mauvais génie de chercher des trésors
s’étaient frayé un chemin et envahissaient en ce lieu ; notre intention était de prier
les jardins. La mère supérieure jugea qu’il un prêtre d’enlever les saintes espèces
était prudent de faire lever les élèves. Ma lorsque la populace se serait retirée.
sœur Saint-Augustin fut chargée de ce Nous rejoignîmes aussitôt nos sœurs, je
soin. Elle entra paisiblement dans leur m’aperçus que ma sœur Saint-Augustin
dortoir, qui n’était éclairé que par une n’était pas avec nous. Accompagnée d’une
lumière placée dans le corridor. Et sans autre religieuse je courus à sa recherche,
leur en dire le motif, elle les éveilla, les fit je la trouvai au second étage gisant sur
habiller en silence et les conduisit dans le parquet, sans connaissance. Nous
une aile reculée qui donnait sur la cour, avions deux escaliers à descendre : notre
où elle espérait que les cris des émeutiers seul parti était de la traîner. Nous fîmes
ne parviendraient pas jusqu’à elles. pour le mieux ; rendues dans la cour, de
Qui dira les angoisses de cette bonne grandes élèves vinrent à notre rencontre
sœur de onze heures à minuit, heure de et nous la portâmes jusqu’au pavillon où se
pénible attente, où elle avait sous sa garde trouvaient religieuses et élèves ; elle reprit
l’espoir de tant de familles ? Aucune de bientôt ses sens. Mais cette retraite même
ses quatre-vingts élèves ne s’esquiva de n’était plus pour nous un lieu de sûreté.
cet endroit. Pendant ce temps, les braves Une demi-heure s’était à peine écoulée
puritains faisaient leur œuvre, en lançant depuis que nous étions blotties dans le
des pierres dans les fenêtres, et quoique berceau, que des personnes frappaient à la
l’émeute ne progressât que lentement, il barrière de la clôture qui séparait le jardin
était évident, vu qu’on n’opposait aucune du verger où nous étions. Aucune de nous
résistance, que les projets iniques de ne répondit, nous retenions même notre
cette cruelle populace allaient triompher respiration craignant d’être découvertes
et que dans quelques heures, notre cher par les émeutiers. Mais bientôt des voix
Mont Benoît serait devenu la proie des amies se font entendre. M. Cutter, notre
flammes. La supérieure ne songea plus plus proche voisin, et quelques personnes
qu’à mettre les élèves et les religieuses bien intentionnées, voyant l’inutilité de
en sûreté ; elle leur fit dire de se rendre leurs efforts pour s’opposer à la fureur de
dans un grand pavillon, qui se trouvait la populace qui voulait à tout prix brûler

27 2
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT

le couvent, s’étaient esquivés de la foule que nous étions sous le toit de M. Adams,
et venaient nous offrir leurs secours pour quand nous vîmes ce monsieur à la porte
nous conduire en lieu sûr. Pendant que du salon.
ces braves gens s’efforçaient de faire une —Mesdames, si quelques-unes d’entre vous
brèche à la clôture de bois qui bois était désirent jeter un dernier regard sur votre
haute et bien faite, quelques messieurs couvent, suivez-moi.
étaient montés dessus et prenaient nos La supérieure et toutes nos sœurs, à
élèves une à une et les remettaient de l’exception de la malade et de sœur Saint-
l’autre côté. En même temps, on avait Augustin, montèrent à l’étage supérieur.
réussi à abattre quelques planches et les Le monastère était déjà enveloppé d’un
religieuses purent ainsi rejoindre leurs tourbillon de flammes ; dix minutes plus
élèves. Notre lieu de refuge fut la maison de tard, nous étions de nouveau réunies au
M. Adams à Winter-Hill, il hésita quelque salon, où nous nous agenouillâmes pour
peu à nous recevoir craignant d’attirer sur réciter le psaume « Laudate Dominum
sa propriété la fureur de la multitude qui omnes gentes, » puis il se fit un morne
vociférait contre la religion et les couvents. silence ; les cœurs étaient tristes mais les
Mais ces gens n’en voulaient pas à nos âmes soumises et résignées.
vies car lorsque j’allai au secours de ma Les élèves nous quittaient peu à peu, à
sœur Saint-Augustin, j’entendis dire aux mesure que les parents étaient informés
incendiaires qui se parlaient entre eux : de ce qui avait eu lieu. Sept ou huit au plus
—Etes-vous bien certains qu’il n’y a plus se trouvaient avec nous lorsque l’évêque
personne ? députa des prêtres et plusieurs voitures
Seulement on avait tramé un complot pour nous conduire sous le toit hospitalier
contre la vie de l’évêque. Afin de mieux des bonnes sœurs de la Charité. Lorsque
s’assurer du succès, on eut recours au Monseigneur nous vit, il nous offrit une
stratagème suivant : maison de Boston qu’il avait achetée.
—Une voiture lui fut envoyée, le cocher Notre pauvre supérieure lui répondit :
était porteur d’un message au nom de la —Monseigneur, où irez-vous ainsi que
supérieure, informant Sa Grandeur de ce vos prêtres ? « Nous nous pensionnerons
qui se passait au Mont-Benoît et le priant chez Murphy. » (M. Murphy était un
de se rendre sur les lieux, afin d’empêcher gentilhomme très respectable qui demeurait
la destruction du couvent. Mais ce saint en face du palais épiscopal).
évêque inspiré de Dieu, ou soupçonnant Nous répondîmes toutes d’une seule voix :
leurs noirs projets, déclina l’invitation en —« Il vaut mieux, Monseigneur, que nous
disant : cherchions un asile plutôt que de vous
—Que peut faire un seul homme ? déranger ainsi que vos prêtres. »
A deux reprises différentes, ils s’efforçèrent Durant deux mois, ce digne évêque et les
durant la nuit suivante de mettre le feu à la chères sœurs de la Charité firent tout ce
cathédrale, ce fut grâce à la vigilance d’une qui était en leur pouvoir pour adoucir
garde de volontaires irlandais si ce temple notre triste position. Mais je reviens sur
fut préservé des flammes. quelques faits plus désolants encore que
Nos hôtes consentirent enfin à nous tout ce que je vous ai dit. On profana la
recevoir et nous fûmes très bien traitées. chapelle mortuaire et les tombeaux où nos
Madame Adams nous ouvrit la porte de sœurs défuntes dormaient de leur dernier
son salon, où se trouvaient un sofa et sommeil ; on jeta les restes des religieuses
quelques chaises, nos chères petites filles au vent, et on poussa l’aveugle fureur
s’assirent sur le tapis où elles ne tardèrent jusqu’à tirer les dents de quelques-uns des
pas à s’endormir, leur tête reposait sur les cadavres. Puis ce qui affligea davantage
genoux des plus grandes élèves qui avaient nos cœurs, ce qui est plus pénible encore à
des sièges. Il y avait à peu près une heure dire, les incendiaires avaient découvert le

273
tabernacle caché, ( dans la touffe d’asperges adressaient un service d’autel complet. Ces
du jardin). Les saintes espèces furent marques de générosité nous faisaient sentir
profanées. les bienfaits de notre sainte religion.
—Nos âmes encore tout émues au souvenir —Notre chère malade, la petite novice Mary
de cette scène désastreuse sont pleines Saint Henry mourut à Roxbury, dans un
de reconnaissance envers les généreux endroit appelé Brinley Place où nous nous
bienfaiteurs et bienfaitrices dont la charité étions retirées après notre séjour de deux
est venue à notre secours. mois chez les bonnes sœurs de la Charité.
—C’était à qui, au lendemain de cette scène Elle fut assistée sur son lit de mort par le
lugubre, parmi les dames de Boston et de Dr Thompson, habile médecin protestant
Charlestown, sans distinction de nationalité qui nous fut toujours très dévoué.
ni de croyance, nous offriraient vêtements, —Quelques moments avant sa mort, la
meubles, etc. Les MM. Chickering et I. jeune mourante demanda à être portée près
Mackey vinrent nous offrir des instruments de la fenêtre, pour voir une dernière fois «
de musique, à un crédit illimité. les ruines de Mont-Benoît. »
—Nos mères de Québec nous firent parvenir —Oh ! mes bien chères sœurs, ajouta
des valises remplies de divers effets, nous l’intéressante narratrice, je n’ai pu sans
offrant en même temps un asile sous leur émotion retracer ces pénibles scènes, mon
toit protecteur; celles de la Nouvelle-Orléans cœur est plein et je ne me sens plus de force
en firent autant, ajoutant à cette invitation que pour ajouter : « Mon Dieu, pardonnez-
une somme de $300.00. nous nos offenses comme nous pardonnons
—Les Sulpiciens de Montréal nous à ces infortunés fanatiques. »

27 4
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT

—La peine la plus sensible de la jeune la Soeur Saint-Joseph O’Keffe se retira au


missionnaire était que la majorité des monastère des Ursulines de Trois-Rivières
élèves du Mont-Benoît appartenait à la au Québec où elle sut mériter la confiance
classe aisée et aristocratique protestante de des parents et des élèves ; elle conserva
Boston et des alentours. toujours un bon souvenir des jours passés
—Où étaient les enfants délaissés que son zèle dans ce monastère.
lui avait fait entrevoir sur les rives d’outre-
mer? Elle s’en plaignait à sa supérieure qui
Lors des émeutes de 1834, personne à
la consolait, en lui rapportant les paroles de
Boston et à Charlestown ne prêta main
leur digne évêque : « Vous êtes des apôtres
forte pour empêcher cela. Pas même
silencieuses, vous faites le bien en secret ;
les pompiers dont on pouvait mettre en
les jeunes filles que vous instruisez rediront
doute leurs intentions puisqu’on avait vu
dans leurs familles que les préjugés que
un de leur engin rentrer à Boston, décoré
l’on a contre les catholiques sont faux, et
des fleurs de l’autel du couvent.
nombreuses seront les conversions. » Pour
Les magistrats ne firent pas de
mieux la consoler, elle ajoutait : « Nous
réprobations, ni ne demandèrent l’aide
ouvrirons des classes gratuites et vous en
des villes voisines, on n’eut pas recours
serez uniquement chargée. » aux services de la Marine et on n’arrêta
personne pendant les sept jours que dura
Après l’incendie du couvent de Boston, l’émeute.

275
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT

Aucun protestant qui assista au spectacle


n’eut le courage de s’interposer alors que
s’ils avaient uni leurs forces, un seul jet de
la pompe à incendie aurait suffi à disperser
la foule. Pendant ce temps, les nonnes
s’enfuirent, aidant la Sœur Mary St. Henry
à l’agonie à franchir les barrières du jardin,
pour trouver refuge et furent invitées peu
après à loger chez le général Dearborn à
Roxbury, dans un endroit appelé Brinley
Place, où la Sœur Mary St. Henry mourut
peu après, à l’âge de 20 ans. Elle avait
survécu encore onze jours après l’incendie
du couvent et elle eut des funérailles en
grandes pompes.
À 11h00 le lendemain matin, Theodore
Lyman, le maire de Boston, invita le public à
une réunion à Faneuil Hall pour discuter de
mesures relatives à l’émeute à Charlestown.
La réunion eut lieu à 01h00 de l’après-midi
et conduisit à l’adoption d’une résolution qui,
entre autres choses, nomma un comité pour
enquêter sur les émeutes et les événements.
La résolution exprimait l’indignation de la
communauté sur les actes et fournissait une
récompense à toute personne qui livrerait
des informations sur les dirigeants de futurs
événements similaires, ainsi que la volonté
de diriger le comité d’enquête pour discuter
de la possibilité d’indemniser le diocèse de
Boston pour la perte des biens, qui n’étaient
pas couverts par l’assurance.
Le Selectman de Charlestown a également
appelé à une réunion publique le 12 Août,
afin d’adopter des résolutions similaires
condamnant la violence. La résolution
a également mis en place un «Comité de
vigilance», avec pouvoir d’enquêter sur
l’incident et d’offrir une récompense pour
toute information menant à l’arrestation
des auteurs. Le même jour, Mgr Fenwick
a convoqué une réunion des citoyens
catholiques de la région de Boston. Il demanda
aux paroissiens catholiques à renoncer à
la vengeance: « Elle est incompatible avec
la religion de Jésus-Christ » leur dit-il. Il a
également remercié les autorités publiques
pour leur position contre la violence, et a
exprimé avec confiance qu’ils empêcheraient
de nouvelles flambées de se produire. . . .

27 6
“ Gravure d’époque: témoignage des exactions des Nativistes dans la petite
chapelle mortuaire au fond du jardin du couvent. Ils exhumèrent les restes des
religieuses défuntes de leurs tombeaux. . . les dents des mortes furent extraites,
les cercueils ouverts brûlés. Un acte indigne de la civilisation américaine.”

277
LA SECONDE EMEUTE NATIVISTE
DU 12 AOÛT, 1834.

E n accord avec les résolutions, le


maire de Boston Theodore Lyman a
ordonné aux troupes et à la police
de stationner non seulement autour de
Faneuil Hall, mais à l’arsenal de la ville,
Mlle Reed furent discrédités par les soeurs
Ursulines qui avaient assisté aux débuts de
Mlle Caroline Frances Alden. Celle-ci avait
pris le voile des postulantes au couvent
du Mont Benoît et l’avait quitté deux
la cathédrale de la Sainte-Croix, l’église ans plus tard. Nous, la communauté, lui
catholique de Charlestown, et la maison avions déclaré qu’elle n’était pas faite pour
d’Edward Cutter. Mais aucune troupe ne cette vie d’ascèse; Mlle Alden en fit part à
fut mise en place autour des vestiges du la Supérieure qui lui conseilla de partir si
couvent du Mont Benoît. elle n’y trouvait pas son bonheur. « Elle me
confia ( la Supérieure), dit Miss Alden, que
À environ 10h00 le soir du mercredi 12 j’étais libre de partir et qu’on me donnerait
août, une foule de Nativistes s’est rassemblée ce dont j’avais besoin pour le départ, qui eut
à l’extérieur de l’arsenal. Estimant qu’il était lieu deux ans plus tard, malgré un grand
surveillé, ils se sont déplacés en premier à attachement envers la Mère Supérieure. »

E
la cathédrale, puis à l’hôtel de ville, et enfin
au couvent lui-même. Au couvent, ils ont t il était évident que les autres Sœurs
détruit les jardins et les vergers, mis des de la communauté étaient libres de
feux de joie, et tiré vers le bas les clôtures. faire de même si elles le souhaitaient.
La foule a quitté les lieux en se dispersant Les accusations de mauvais traitements
quelques heures plus tard. fondirent comme neige au soleil. Même
Les problèmes ne cessèrent toujours pas. l’élève, atteint de scarlatine, avait été
Des désapprobations se firent entendre renvoyé aussitôt pour éviter de contaminer
de toutes parts de l’état et un comité se les autres. Peter Murphy, le maçon du
constitua, composé de notables de Boston, couvent certifia qu’il n’existait pas de caves
tels que Robert C. Winthrop, William secrètes. Même si le comité ne partageait
Appleton, Horace Mann, Theophilus pas les convictions romaines catholiques, il
Parsons et Thomas Motley, pour enquêter publia quand même un rapport d’enquête.
sur l’affaire et assigner les mécréants Et au final, un homme du nom de John R.
en justice. Ils interrogèrent plus de 140 Buzzell fut conduit au tribunal en tant que
personnes et procédèrent à 13 arrestations. chef d’émeute. Il eut toutefois un drôle de

I
procès. L’un des jurés fut surpris en train de
ls rendirent visite à la jeune femme dormir ; et bien qu’il avait battu le jardinier
Mlle Rebecca Theresa Reed ( dont le du couvent, encouragé activement les
nom de religieuse avait été sœur Marie émeutiers, mis le feu à des barils, il fut
Agnès Thérèse) qui avait propagé des finalement reconnu innocent malgré sept
rumeurs dans son livre et elle nia tout voix contre cinq en sa défaveur lors de
en bloc sauf les affirmations au sujet de la première délibération. Un seul jeune
mauvais traitements infligés à la nonne homme fut puni et condamné à perpétuité;
malade (soeur Mary Madeleine) et à Mlle sa mère en mourut et il fut gracié plus tard.
Alden. Mais les propos, et les dires de Tout cela prit fin. On proposa aux nonnes

27 8
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT

de se reloger à Newport, dans la région indemnise le diocèse de Boston pour la


où Roger Williams prônait la tolérance perte de la propriété du couvent. Suite à
religieuse mais elles refusèrent cette offre cette recommandation, l’évêque Fenwick
parce que cette attaque avait montré où a demandé à la législature en janvier 1835
on avait besoin d’elles et croyant que le une indemnisation pour reconstruire
Massachusetts rendrait un jour justice le couvent et l’école, en faisant valoir
puisque l’état était responsable des dégâts. que l’Etat avait manqué à son devoir de
La responsabilité ne fut jamais reconnue. protection de la propriété privée.
On demanda sans cesse des dommages et Le comité qui a entendu l’argument du
intérêts ; Théodore Parker devint célèbre à diocèse résolut que le législateur autorise
ce sujet. Le dédommagement n’eut jamais le gouverneur à indemniser les fiduciaires
lieu car aucune législation ne fut instaurée du couvent. La résolution a été rejetée par
pour rembourser les pertes du couvent et une écrasante majorité sur le plancher de
le refus de remboursement par l’Etat ne fit la Chambre.
qu’accentuer, au fil des ans, l’outrage subi. Des propositions similaires de restitution
On peut en lire un commentaire explicite ont été portées devant l’Assemblée en
dans la copie de cet article de la Gazette 1841, 1842, 1843 et 1844. Chaque fois, la
de Boston : motion visant à indemniser le diocèse a
échoué. En 1846, l’Assemblée a voté pour
26 novembre 1834 fournir au diocèse la somme de $ 10,000.
Le diocèse a rejeté l’offre, l’estimation de
« Avons reçu à ce jour de l’évêque Fenwick, la la perte réelle était d’environ $ 100,000.
somme de 79, 20 $, contribution estimée par La demande a été présentée à nouveau à
les assesseurs sur les terres et les bâtiments l’Assemblée en 1853 et 1854, et de nouveau
de l’ancien couvent de Mont Benoît, pour à chaque fois rejetée.
l’année 1834, exigée par le percepteur, Les Ursulines ont tenté de poursuivre leurs
Solomon Hovey Junior, en fonction des travaux à Roxbury, Massachusetts. Mais
instructions données par les assesseurs bien elles furent harcelées. Par conséquent,
que les locaux furent détruits lors d’une les religieuses ont décidé de retourner
émeute en août dernier. » au Québec, et d’autres ont rejoint les
$ 79,20. » Ursulines de la Nouvelle-Orléans.

« Solomon Hovey Junior, percepteur. » En 1838, une tentative a été faite pour
restaurer la communauté des Ursulines de
Le comité d’enquête formé par le maire Boston, mais il n’y eut pas d’adhésion à leurs
Lyman avait recommandé que la ville de rangs. Deux ans plus tard, leur ministère
Charlestown ou le comté de Middlesex à Boston fut dissous définitivement.

On pourrait ajouter que Mère Mary Edmond St. George se considérait


clairement de la classe privilégiée de la société, ce qui causa une certaine
inquiétude dans l’esprit de Sœur Marie Joseph O’Keeffe, qui était venue
avec l’espoir d’éduquer les immigrants irlandais pauvres. “

279
P endant environ deux ans, (Mère)
Sœur Mary Edmond St. George fut
Supérieure de la Communauté des
Ursulines de Mont Benoît à Charlestown,
(Massachusetts). Un portrait officiel de la
méprisaient. Mais certains plus élogieux,
en font une femme hors du commun pour
l’époque. Après l’incendie du couvent, elle
se réfugia sur ordre de Mgr Fenwick dans
son monastère d’origine au Québec. Ses
collection des Ursulines de Québec, qui la parents loyalistes britanniques protestants
représentait, a mystérieusement disparu, s’installèrent près de Montréal après la
comme beaucoup de pièces importantes Révolution américaine. Mary Anne Ursula
retraçant son histoire personnelle. Moffatt (son nom civil) est née en 1793 et
Beaucoup d’écrits parlent d’elle en termes a étudié dans les écoles catholiques. En
peu flatteurs et très critiques, beaucoup la 1810, à l’âge de 16 ans, elle se convertit au

28 0
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT

La Supérieure du couvent de Boston, Mère


Mary Edmond St. George, a écrit un livre pour
la défense du couvent, mais surtout pour faire
réponse au livre de Rebecca Theresa Reed.
l’ouvrage de la Supérieure fut rapidement vendu
en de nombreux exemplaires sous le titre “ An
Answer To Six Months in a convent exposing its
falsehoods ands manifold absurdities”
A la suite de la publication de ce livre, le
sentiment anti-catholique augmenta encore, et
des menaces de mort furent proférées contre
elle. Dans une tentative évidente de calmer les
tensions à Boston, Mgr Fenwick a rapidement
transféré pour un temps Mère Mary Edmond St.
George dans son couvent d’origine au Québec.”

catholicisme et rejoignit les Ursulines de 1836, à cinq heures du soir, elle a quitté le
Québec. monastère de Québec pour entreprendre

L
un voyage vers la Nouvelle-Orléans. Elle
ors d’un soir de printemps de 1836, avait demandé et reçu l’autorisation d’y
Sœur Mary Edmond St. George être transférée au couvent des Ursulines.
franchissait les grilles en fer forgé
du couvent des Ursulines dans le Vieux- Mais elle n’y est jamais arrivée, sa
Québec et disparut mystérieusement, elle disparition est pour l’histoire un mystère
ne devait jamais réapparaître. Le 18 mai qui n’a jamais été élucidé.

281
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT

L es religieuses de Boston continuèrent


leur travail à Trois-Rivières, au
Québec; pour certaines, quelques-unes
partirent pour la Nouvelle-Orléans et elles
contribuèrent à l’éducation de nombre de
générations de femmes... peut-être qu’après
tout, le rêve du Père John Thayer s’est accompli
de cette façon et servit à quelque chose de
plus important.
Pour comprendre les raisons de l’émeute,
il faut connaître la situation en 1834 en
Nouvelle-Angleterre qui conduisit à cette
fameuse nuit du 11 août. Il y avait de
nombreux exemples d’anticatholicisme dans
l’opinion publique américaine, dans les écrits
et les prêches de l’époque. On craignait que
la présence d’un couvent qui éduque 60
jeunes filles protestantes mette en danger
le protestantisme de toute la Nouvelle-
Angleterre et même du pays tout en entier.
Le couvent devait ses origines à l’inspiration
et à la base financière fournies par le Père
John Thayer converti au catholicisme, et issu
d’une famille calviniste puritaine qui ont été
parmi les colons fondateurs de la Nouvelle-
Angleterre.
En 1812, le projet d’union des presbytériens
et des congrégationalistes échoua. Les
derniers perdirent l’allégeance de beaucoup
de membres mieux éduqués et plus riches, le
ressentiment contre les riches et les puritains
qui laissaient « faire » le catholicisme au
Massachusetts s’accentua. Et l’âme profonde
de la Nouvelle-Angleterre fut divisée: d’un
côté, l’élite protestante de la finance qui confia
l’éducation de leurs enfants aux Ursulines, et
de l’autre, les travaillistes qui contrôlaient
la politique de la ville. Les habitants de par l’éducation de jeunes filles issues des plus
Charleston étaient largement composés riches familles protestantes de la ville, les
d’ouvriers et avaient souffert de la dépression religieuses ursulines distinguées pourraient
économique de 1833; c’est parmi ces ouvriers donner une image positive du catholicisme
« Scots-Presbytériens » employés dans la tout en contribuant à la dépense du diocèse.
briqueterie qui dominait l’économie de cette
ville que furent employées les personnes qui L’institution est donc devenue un pensionnat
bâtirent le monastère des Ursulines de Mont pour l’élite protestante qui pouvait se
Benoît et certains parmi eux furent les futurs permettre des frais de scolarité de 160 $
incendiaires de 1834, et détruisirent les jardins par année. Ce changement d’orientation ne
et les bâtiments du couvent qui dominait par sembla pas convenir à l’une des religieuses
sa richesse la classe ouvrière environnante… Sœur Mary de Saint-Joseph O’Keffe qui, après
Mère Mary Edmond St George et Mgr Benoît- la destruction du couvent de Charleston s’est
Joseph Fenwick avaient un plan ingénieux: retirée au monastère des Ursulines de Trois-
28 2
Rivières, elle le confia plus tard dans son récit études. L’éducation de ces jeunes filles était
des événements et de l’incendie du couvent objet de suspicion et de haine, de la part des
qu’elle s’inquiétait de cette transformation. Il classes ouvrières et des congrégationalistes
est vrai qu’il fallait au couvent une source de qui composait le mouvement travailliste de la
revenus pour assurer la pérennité de l’école ville et l’anticatholicisme était utilisé par leurs

U
des Ursulines. membres comme une arme de rassemblement,
n coup d’œil sur la liste des livres utilisés un lobby contre l’élite de la finance de la ville.
au Mont Benoît était impressionnant. Voilà un réseau bien complexe de tensions à
C’était un programme ambitieux la fois ethniques, religieuses, économiques et
d’éducation, offert par les Ursulines et qui xénophobes qui ont contribué à la destruction
démontra tous les signes d’une grande du couvent de Mont-Benoît.
compétence. Il est clair que leurs élèves étaient Mais les dossiers de première instance et les comptes
destinées à un avenir de dirigeant et non de presse montrent que c’est la Mère supérieure
pour accomplir des corvées à la fin de leurs des Ursulines (soupçonnée de torturer
283
moralement ses frêles religieuses avec des
pénitences sévères). La Supérieure en bravant
par des réponses hautaines et maladroites
les ressentiments des hommes protestants
de la classe ouvrière de cette fameuse nuit
du 11 août 1834 a incité par ses propos à
attiser la violence, et d’après les nombreux
témoignages de cette fameuse nuit, elle
cria à la foule les paroles suivantes: «
Si vous ne quittez pas la propriété, Mgr
l’évêque veillera à ce qu’une armée de 20
000 Irlandais détruisent vos maisons ! » Un
véritable suicide étant donné la situation,
la prudence et la diplomatie auraient très
certainement évité cet acte de destruction.
Au lieu de cela, la foule déjà galvanisée
la veille par les sermons anticatholiques
du Révérend Lyman Beecher (pasteur
presbytérien) dont l’église était surnommée
« Brimstone Corner», (le coin du souffre)
devait conduire à l’émeute et à cette fameuse

E
nuit d’août 1834.
n fin de compte le grand rêve du Père
John Thayer venait de partir en fumée,
mais pas l’église catholique des États-
Unis, aujourd’hui 50 millions d’Américains
ont leurs racines issues de l’immigration
irlandaise et 70 millions de catholiques, soit
24% de la population vivent actuellement
sur le sol américain…. En cela, le Père
John Thayer et la grande majorité des
prêtres Jésuites qui furent les pionniers
de cette épopée de colonisation n’ont pas
failli à leurs missions. En ce qui concerne
l’enseignement, l’Église catholique gère
directement ou indirectement 5 600 écoles
élémentaires , 1200 écoles secondaires et 244
établissements d’enseignement supérieur,
soit 3,5 millions d’élèves et d’étudiants, évoquent pour la plupart l’une des périodes
et plus de 200 000 enseignants. Sans ces difficiles de Nouvelle-Angleterre avec les
prêtres pionniers, l’église catholique des débuts du Nativisme « Le Know Nothing»,
USA ne serait pas ce qu’elle est aujourdhui. organisation xénophobe, visait à réguler
En 1961, John Fitzgerald Kennedy sera le le problème de l’immigration afin de
35e président et premier d’origine irlandaise préserver selon eux les valeurs des
catholique des Etats-Unis. Cela démontre institutions américaines et de sa religion
aussi l’importance de l’immigration qui loin protestante.
d’être une menace peut aussi être source de L’immigration de nombreux colons

U
réussite. irlandais fut le ferment des débordements
ne très nombreuse littérature violents de cette nébuleuse extrémiste, et
témoigne de la religiosité américaine la destruction du couvent des Ursulines
de cette ère bostonienne. Ces livres en donne l’exemple.
28 4
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT

Pour nous-mêmes de nos jours, la lecture sur la concordance des temps... et je


attentive de certaines de ces publications vous laisse ici seuls juges, chers amis de
soulève en faveur de l’immigration de saint Benoît Labre, de répondre à cette
nombreuses interrogations et réflexions question;

« L’humanité finira-t-elle un jour par apprendre de ses erreurs ? »

FIN

285
“Oh Benoît-Joseph, je viens encore vers toi avec une nouvelle prière. Regarde
ces villes et ces pays, tous construits sur le manque d’amour ; les routes sont
pavées et personne ne salira ses pieds pour autrui. Nous sommes tous seuls.
Guide-nous, nous les voyageurs, sur un chemin qui monte vers un immense
espace d’amour éternel. Que ton exemple nous accompagne, détache-nous de
la terre et remplis-nous d’amour.” Albert Helman
28 6
9 R E N C O N T R E AV E C L E P E R E D AV I D T H AY E R

SÉMINAIRE SAINT-SULPICE ISSY-LES-MOULINEAUX

287
RENCONTRE AVEC LE PERE DAVID THAYER P.S.S.
SEMINAIRE SAINT-SULPICE
ISSY-LES-MOULINEAUX (PARIS)
28 8
Le 4 juillet 2014
9 R E N C O N T R E AV E C L E P E R E D AV I D T H AY E R

SÉMINAIRE SAINT-SULPICE ISSY-LES-MOULINEAUX

289
9 R E N C O N T R E AV E C L E P E R E D AV I D T H AY E R

C hers Amis de saint Benoît Labre,


afin de conclure ce merveilleux
récit où nous avons pu suivre
les nombreuses aventures du Père John
Thayer, en Europe comme aux États-Unis.
me fit part d’une opportunité intéressante,
celle de pouvoir rencontrer à Paris l’un des
descendants en ligne directe du Père John
Thayer.
En effet, lors d’une assemblée générale de
S’il est anachronique de comparer sa vie la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice,
avec celle de saint Benoît Labre, vous qui s’est déroulée à Issy-les-Moulineaux
avez sans doute remarqué qu’elle est bien du 7 au 11 juillet 2014, j’ai eu l’immense
différente de l’image que nous avions du honneur de faire la connaissance du Père
personnage du Père John Thayer, qui était David Thayer P.S.S., membre du conseil
jusqu’à présent certainement plus connu général des prêtres de Saint-Sulpice. Le
par ses échecs que par ses réussites, et rares Père David Thayer de l’archidiocèse de
sont les biographes du Saint Vagabond qui Hartford (Connecticut) est docteur en
parlèrent de lui avec éloge. Comme me le philosophie, il est aussi membre de la faculté
faisait remarquer mon bon ami, le Père de formation au Theological College à
Raymond Martel, cela va bien plus loin Washington, où il enseigne la philosophie et
que la simple histoire de sa conversion au le latin à l’université catholique d’Amérique
catholicisme. (Catholic University of America). Il a servi
Ce récit est né d’une idée commune: nous pendant les 27 dernières années au sein
avions souhaité, le Père Martel et moi- du comité de la publication du bulletin de
même, inscrire son histoire parmi les Saint-Sulpice, une revue annuelle pour la
personnages centraux du Charisme lié formation sacerdotale et de l’école française
au Saint Pèlerin; en effet il fut le premier de spiritualité, pour laquelle il a officié en
«appelé». Comme vous avez pu le lire, John tant que rédacteur en chef. Le Père David
se trouvait à Rome pendant les événements Thayer est l’auteur de nombreux articles
entourant la mort de Benoît-Joseph et les et notamment des publications sur le
anecdotes spectaculaires de sa conversion fondateur de Saint-Sulpice, Jean-Jacques
en font le premier « Labrien » au sens Olier.

L
propre du terme, le premier d’une longue
lignée de disciples liés au Christ par la voie ors de notre entrevue à Saint-
du Saint Pauvre de Jésus Christ ; lignée que Sulpice le 4 juillet, jour de la fête de
nous a si bien développée, mon cher ami le l’Indépendance des Etats-Unis, nous
Frère Samuel, dans son introduction. avons pu évoquer avec beaucoup d’intérêt

A
certains passages de la vie de son illustre
u rythme des pages de ce numéro ancêtre le Père John Thayer.
2 de “Lumière sur le Chemin”, nous Chers Amis de saint Benoît Labre, avant
avons été comme guidés, tels des de mettre le mot « Fin » à ce numéro de
voyageurs, sur un chemin rocailleux qui « Lumière sur le Chemin », il m’a paru
monte et redescend dans d’interminables bon de vous rappeler que les Labriens du
rebondissements et de vérités douloureuses monde entier sont au cœur même de la vie
du récit de sa vie de prêtre. La Providence chrétienne et que la postérité que Dieu a
a voulu que ce récit coïncide avec un donnée à Benoît-Joseph Labre, le 16 avril
important événement que je souhaitais ici 1783, ainsi que la grâce reçue jadis par
souligner. Le Père John Thayer est décédé John Thayer, existent toujours. Elles sont
le 17 février 1815 à l’âge de 57 ans, et nous au cœur de nos vies; par sa famille les
fêterons dans quelques semaines en février pauvres, son histoire, ses fondations, il est
2015 le deuxième centenaire de sa mort de tous les pays et de notre temps. L’Esprit
à Limerick en Irlande et à cette occasion Saint les tient toujours prêts à répondre
j’invite chacun d’entre vous à prier à la aux exigences nouvelles d’une société en
mémoire de ce premier prêtre Labrien. pleine mutation. Leurs vocations appellent
Au hasard de mes recherches et au fil de à vivre dans le charisme de saint Benoît-
la conversation avec le Frère Samuel, il Joseph Labre en alliance avec Dieu et son
29 0
prochain. Il s’incarne en de simples actes qui Labre, à l’occasion de cette nouvelle année
créent dans les communautés labriennes 2015, je souhaite une bonne et sainte année
des Frères et Sœurs du monde entier, des 2015 dans le partage, la foi, la charité, la
liens d’amitié, d’entraide, de confidence, fraternité et la solidarité…
et d’enseignement partagés dans les joies
et dans les peines du quotidien. Une
évocation pour vous rappeler que c’est
par la foi que nous découvrons Dieu qui
s’exprime à l’humanité dans la bonté du Didier NOËL
cœur des autres…
À chacun, chers Amis de saint Benoît Le 4 janvier 2015

Saint benoît-Joseph Labre par CAVALLUCCI


Musée des Beaux-Arts. BOSTON

291
9 R E N C O N T R E AV E C L E P E R E D AV I D T H AY E R

Ma rencontre à Issy-les-Moulineaux au séminaire


Saint-Sulpice avec le Père David Thayer, le 4 juillet 2014.
29 2
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SÉMINAIRE SAINT-SULPICE ISSY-LES-MOULINEAUX
Ma rencontre à Issy-les-Moulineaux au séminaire
Saint-Sulpice avec le Père David Thayer, le 4 juillet 2014.
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SÉMINAIRE SAINT-SULPICE ISSY-LES-MOULINEAUX
Ma rencontre à Issy-les-Moulineaux au séminaire
Saint-Sulpice avec le Père David Thayer, le 4 juillet 2014.
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29 6
LES DOCUMENTS HISTORIQUES
297
“Catholic University of America”

Sources des Archives


ARCHIVES DE L'UNIVERSITÉ
CATHOLIQUE D’AMÉRIQUE,
WASHINGTON, DC 20064
http://www.cua.edu/

Coupure d’un journal de Boston non datée:


La controverse catholique par Alethia

29 8
9 R E N C O N T R E AV E C L E P E R E D AV I D T H AY E R

Avant les événements de 1834, un journal religieux avait rédigé un article


relatant la situation de l’église catholique de Boston; en voici un extrait,
sa lecture intéressante nous démontre avec détails la vie quotidienne des
acteurs ecclésiastiques moins d’un an avant l’incendie du couvent.
Lorsque Mgr Benoît-Joseph Fenwick arriva à Boston, en décembre 1825, pour prendre
possession de son siège, il ne trouva que trois prêtres, un à Boston, un dans l’État du
Maine et un dans le New Hampshire. Il y avait neuf églises. Ces églises de Boston, de
Salem, et des alentours, Whitefield, Newcastle, Claremont, New-Bedford, ainsi que deux
petites églises dans les réserves indiennes. De ces églises, quatre étaient en briques et
cinq en bois. Mgr l’évêque réunit quelques jeunes gens, forma une école, reçut quelques
prêtres étrangers. Parcourut son diocèse, bâtit une église à Charlestown, près de Boston,
et acheta à Hartford une église qui avait appartenu aux anglicans. Il plaça deux prêtres
dans cette ville, et chargea l’un d’eux de rédiger une feuille hebdomadaire pour faire
connaître et défendre la religion. Le prélat bâtit des églises à Dover, à Portland, à Eastport,
à Pawtucket, à Lowell, à Sandwick. Il en acheta une à Newport, dans le Rhode Island,
et s’occupa d’en bâtir à Saco, à Providence, à Taunton, à Waltheim. En tout, il y avait en
1831, dans le diocèse, dix-neuf églises et quinze prêtres, dont huit ordonnés par le prélat,
deux qui l’avaient été précédemment, et cinq venus d’Irlande. Sur ces quinze prêtres,
onze étaient Irlandais, les quatre autres Américains. Ils étaient tous prêtres séculiers,
à l’exception d’un dominicain. Mgr Fenwick en avait quatre avec lui à Boston, le Père
O’Flaherty, son grand-vicaire, homme habile et savant, qui le secondait dans la rédaction
d’un journal catholique local.
A Boston, il n’y avait qu’une église (Holy Cross) : c’était trop peu pour la population
catholique; mais la dépense qu’exigerait une nouvelle église était trop élevée pour le revenu
du diocèse. Un emplacement convenable coûterait 14 000 dollars, et la construction
beaucoup plus. Le dimanche matin, il fallait célébrer trois offices afin que chacun puisse
assister à la messe dominicale, et chaque fois l’assistance est aussi nombreuse. Dans
l’urgence, Mgr l’évêque fit pratiquer sous l’église une chapelle souterraine afin d’y célébrer
la messe pour les enfants, et y faire des cours d’instructions religieuses pour eux. En
semaine, cette chapelle était convertie en école pour les enfants qui voulaient apprendre
le latin. Ce fut le commencement du collège qui fut confié aux soins de quatre jeunes
théologiens du diocèse. Un local fut acheté à Boston par Mgr Fenwick pour édifier un
séminaire. Quant à l’instruction des jeunes filles, il y avait deux établissements pour
elles, le couvent des Ursulines de Mont Benoît, à deux milles et demi de Boston, avec
vingt-quatre acres de terre. Les religieuses sont au nombre de dix, et élèvent environ
soixante jeunes personnes, presque toutes protestantes et de classe élevée. Et les Sœurs de
la Charité pour la classe ouvrière pauvre. (Bâtis tous deux des fonds transmis par le Père
John Thayer) Cette dernière école, récemment établie, est gratuite, et réunit de 250 à 300
petites filles souvent issues de l’immigration des familles irlandaises. [....]

Extrait du journal ecclésiastique « l’Ami de la religion »


samedi 12 octobre 1833.

299
9 R E N C O N T R E AV E C L E P E R E D AV I D T H AY E R

Prospectus sur le couvent et l’école de Charleston: page 1


30 0
Prospectus sur le couvent et l’école de Charleston: page 2
301
9 R E N C O N T R E AV E C L E P E R E D AV I D T H AY E R

Prospectus sur le couvent et l’école de Charleston: page 3


30 2
L’ éducation des catholiques, coupures de journaux non datées.
303
Un cahier de 28 pages manuscrites, Les Ursulines de Boston, et conservés
dans les archives des Ursulines de Trois-Rivières, Québec, Canada.
Ce cahier a été rédigé par un témoin oculaire de l'incendie. Il est intitulé
«Rapport des Ursulines sur l'incendie du couvent, le 11 août 1834.

30 4
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Page 3 du cahier: nous pouvons y lire les noms de Father Calonne,


Miss Ryan de Limerick, Father Matignon et l’Abbé J. Thayer.

305
9 R E N C O N T R E AV E C L E P E R E D AV I D T H AY E R

Page 4 du cahier: nous pouvons y lire les noms de Benoît Labre et


des Ursulines de Boulogne-sur-Mer.

30 6
307
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30 8
Coupures de journaux de l’époque (extraits)
309
Coupures de journaux de l’époque (extraits)
31 0
9 R E N C O N T R E AV E C L E P E R E D AV I D T H AY E R

311
Coupures de journaux de l’époque (extraits)
31 2
9 R E N C O N T R E AV E C L E P E R E D AV I D T H AY E R

Stèle commémorant l’emplacement du couvent de Charlestown

313
NOTES
John Thayer Catholic Encyclopedia. New York: Robert Appleton Company. 1913.
An Account of the Conversion of the Reverend John Thayer

Ursuline Convent, Charlestown, Massachusetts Collection


http://www.cua.edu/
Archives de l’Université catholique d’Amérique, Washington, DC 20064
The Ursuline Convent, Charlestown, Massachusetts Collection is a collection of pa-
pers documenting the history of the Québécois Ursuline nuns in the Boston area and
the burning of the Ursuline convent on Mount Benedict during riots in 1834.
The collection spans the period 1833 - 1903 and includes correspondence and con-
temporary newspaper clippings about the burning of the convent and its attached
boarding school, as well as an eyewitness account, a photograph of an engraving of
the convent in 1832, and a sketch showing the ruins after the fire. The collection also
provides an illustration of resentment towards, and prejudice against, Roman Catho-
lics in 19th century New England.
Ursuline Convent
“The Burning of the Charlestown Convent”
On the night of August 11, 1834, a mob burned down the Urusline convent and
boarding school that occupied land in what is now East Somerville, including the
site of the East Branch of the Somerville Public Library. The pretext for the attack
was a rumor that a Protestant girl was being held in the convent against her will
and had been forced to convert to Catholicism, but the underlying causes included
working-class resentment of the convent’s wealth and anti-Catholic (and anti-Irish)
prejudice.
http://www.somervillepubliclibrary.org/
Sources des ouvrages:
Caldecott, Thomas Ford. Hannah Corcoran: an authentic narrative of her conver-
sion from Romanism, her abduction from Charlestown, etc. Boston: Guild and Lin-
coln, 1853.
A supposedly true account of a young novice’s liberation from the Charlestown con-
vent.

Frothingham, Charles W. The Convent’s Doom: A Tale of Charlestown in 1834.


Also, The Haunted Convent. Boston: Graves and Weston, 1854. LOCAL HISTORY
S271.9
This antebellum best-seller consists of a fictionalized account of the Charlestown
Riot and another narrative featuring stock characters and themes illustrating anti-
Catholic sentiment in New England.

31 4
This antebellum best-seller consists of a fictionalized account of the Charlestown Riot
and another narrative featuring stock characters and themes illustrating anti-Catholic
sentiment in New England.
Hazel, Harry. The Nun of St. Ursula: or the Burning of the Convent. A Romance of
Mount Benedict. Boston: F. Gleason, 1845. LOCAL HISTORY S271.9 HA (photocopy;
plastic-comb-bound).
Another fictionalized account of the Charlestown Convent with themes and characters
similar to those of Frothingham’s works.
Mahoney, Dorah. Six Months in a House of Correction. Boston: B. B. Mussey, 1835.
LOCAL HISTORY S271.9 MA.
Comb-tooth bound photocopy of a vicious 1835 parody of both Catholics and
Protestants.
Photocopies of Materials on the Ursuline Convent. LOCAL HISTORY S271.9 PH
Includes copies of many works mentioned elsewhere here, and others not listed, such
as the “Argument of James T. Austin before the Supreme Judicial Court in Middlesex,
on the case of John R. Buzzell, one of the 12 individuals charged with being concerned
in the destroying of the Ursuline Convent,” and George Ticknor Curtis’ The Rights
of Conscience and of Property; or the True Issue of the Convent Question.Ursuline
Convent, Charlestown, Massachusetts Collection
http://www.cua.edu/

Reed, Rebecca. Six Months in a Convent and Supplement. New York: Arno Press,
1977.LOCAL HISTORY S271.9 RE
A reprint of the lurid antebellum best-seller, as well as the “Letter to Irish Catholics,”
(exhorting them to become Christians) and the Supplement, which includes a
highly subjective account of the convent riot, a conspiracy theory view of Catholic
education, and a “refutation” of the Ursuline Mother Superior’s Answer toSix Months
in a Convent.

White, Lucy Thaxter. The Mount Benedict Ursuline Community and the Burning
of the House. A Letter from a Pupil. Saturday Evening Transcript. Feb 4, 1835?
A purported eye-witness account of the riot by one of its Protestant pupils.
Whitney, Louisa (Goddard). The Burning of the Convent: A Narrative of the
Destruction by a Mob of the Ursuline Convent on Mount Benedict, Charlestown,
As Remembered by One of the Pupils. Boston: James R. Osgood and Company,
1877. LOCAL HISTORY S271.9
A purported eye-witness account of the riot by one of its pupils.
Bisson, Wilfrid Joseph. Some Conditions For Collective Violence: The Charlestown
Convent Riot of 1834. Ann Arbor, MI: UMI, 1989. LOCAL HISTORY S271.9 BI
An examination of the convent riot as the culmination of a series conflicts among
households and families in the Charlestown area.
Evans, George Hill. Burning of the Mount Benedict Ursuline Community House.
Somerville, MA: Somerville Public Library, 1934. LOCAL HISTORY S93 EV

Mary Edmond St. George. Answer to “Six Months in a Convent,” Exposing


its Falsehoods and Manifold Absurdities. By the Lady Superior. With some
Preliminary Remarks. Boston: Printed and Published by J. H. Eastburn, 1835.
A rebuttal to Six Months in a Convent by the Lady Superior of the Charlestown
Convent.

315
A Review of the Lady Superior’s Reply to “Six Months in a Convent,” Being a
Vindication of Miss Reed. Boston: William Pierce and Webster & Southard, and
Light & Horton, 1835.
A defense of Six Months in a Convent and its author.

Report of the Committee, Relating to the Destruction of the Ursuline Convent,


August 11, 1834. Boston, J. H. Eastburn, 1834.
The report of the committee appointed by the mayor of Boston in August 1834
to investigate the destruction of the convent and to identify and prosecute the
perpetrators. 2 copies.

Documents Relating to the Ursuline Convent in Charlestown. Boston: Samuel N.


Dickinson, 1842.
A reprint of the report made by the committee appointed by the mayor of Boston.
The second document is a report to the Massachusetts House of Representatives on
the convent riot during the winter session of 1842. 3 copies.

Pay, Richard S. An Argument before the Committee of the House of


Representatives, upon the petition of Benedict Fenwick and Others, with a
Portion of the Documentary Testimony. Boston: J. H. Eastburn, 1835.
An appeal for material compensation for the convent’s destruction. Includes
reprinted documents (including letters from parents of former pupils) in support of
the convent.

“The Rise and Fall of the Ursuline Convent.” Charlestown Advertiser. Boston:
Saturday, June 10, 1876.
A brief history of the Charlestown convent cut from a local newspaper and pasted
into the blank pages of a book.

Hale, Charles. A Review of the Proceedings of the Nunnery Committee of the


Massachusetts Legislature; and Especially Their Conduct and that of Their
Associates on Occasion of the Visit to the Catholic School in Roxbury, March 26,
1855. With an Appendix Containing Several Documents Relating to the Subject.
Boston, Charles Hale at the Office of the Boston Daily Advertiser, 1855
Allegations of improper conduct by the House Committee appointed to examine
Catholic schools.

Stetson, Caleb. A Discourse on the Duty of Sustaining the Laws, Occasioned by


the Burning of the Ursuline Convent. Delivered at the First Church in Medford,
Sunday, August 24, 1834. Boston: Hilliard, Gray and Company, 1834.
A sermon delivered shortly after the destruction of the convent riot.

Histoire de la Congrégation de Notre-Dame de Montréal ; Sainte-Henriette, soeur;


Lambert, Thérèse.
https://openlibrary.org/
University of Ottawa

31 6
Duplicate of Answer to “Six Months in a Convent.” Life of Mother St. Augustine
O’Keefe, Superioress of Ursuline Convent, New Orleans. By an Ursuline Nun. 1888.
S271.9
•A biographical sketch of one of the nuns in the Charlestown Convent. Note: born
France O’Keefe. Sometimes referred to as Sister Mary Austin.

De Costa, Benjamin Franklin. In Memoriam: Sister Saint Claire, Order of St. Ursula.
Charlestown: Advertiser Press. 1876. 2 copies.
•A biographical sketch of one of the nuns in the Charlestown Convent.

Munroe, James Phinney. “The Destruction of the Convent at Charlestown, Massa-


chusetts, 1834.” New England Magazine. Feb. 1901. pp. 637-649.
•A brief description of life at the convent and an account of the riot. Includes a par-
tial list of pupils.

Material about the Ursuline Convent, Mt. Benedict, Charlestown, Mass. Trans.
from Les Ursulines des Trois Rivieres. v.2 219-231.
https://openlibrary.org/
University of Ottawa

Les Ursulines des Trois-Rivières depuis leur établissement jusqu’à nos jours.
Published 1888 by Ayotte in Trois-Rivières [Québec]
https://openlibrary.org/
University of Ottawa

Anonymous typescript translation that includes an account of the 1827 death of


Mary Saint-Augustin, and a purported eyewitness account by one of the Ursuline
nuns of the destruction of the convent.

O’Malley T. F. New England’s First Convent School. 1901.


A privately printed history of the Charlestown Convent.

The Charlestown Convent; Its Destruction by a Mob, etc.. Boston: Patrick Dona-
hoe, 1870.
An account of the riot and subsequent trial. Includes brief sketches of individuals
with some connection to the convent or the riot.

Kissling, Thomas E. “Burned a Hundred Years Ago.” Somerville Journal. August


17, 1934
A centennial account of the riot.

Duplicate of The Burning of the Mount Benedict Ursuline Community House.


Comb tooth-bound photocopy of Life of Mother Saint Augustine O’Keefe and In
Memoriam: Sister Saint Claire.

The Nun of St. Ursula. 1845 printing bound in glue-in archival binder.

Six Hours in a Convent. 1855 printing placed in library binding.B

317
http : / / b o ok s . go o g l e. f r / b o ok s ? i d = H k g QA A A A IA AJ & p g = PA 1 & re d i r _
esc=y#v=onepage&q&f=false

Fire & Roses: The Burning of the Charlestown Convent, 1834; Par Nancy Lusignan
Schultz
https://books.google.fr/books?id=TlGW-kfYCpQC&printsec=frontcover&dq=bur
ning+convent+charlestown&hl=fr&sa=X&ei=lJumVMHADorV7QbByICIDw&ve
d=0CCAQ6AEwAA#v=onepage&q=burning%20convent%20charlestown&f=false

The Charlestown Convent; Its Destruction by a Mob, on the Night of August 11


, 1834
Ursuline Convent at Charlestown (BOSTON, Massachusetts) Patrick Donahoe, 1870
https://books.google.fr/books?id=UjpfAAAAcAAJ&dq=burning+convent+charlest
own&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

Documents Relating to the Ursuline Convent in Charlestown


S. N. Dickinson, 1842
https://books.google.fr/books?id=fQgXAAAAYAAJ&dq=Ursuline+Convent+at+C
harlestown&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

An Account of the Conflagration of the Ursuline Convent; At the Request of


Several Gentlemen, the Author was Induced to Publish the Following Statement of
Facts, in Relation to the Ursuline Convent, which was Destroyed by Fire, on the
Night of August 11th, 1834 (publisher not identified, 1834)
https://books.google.fr/books?id=P98c79_FpCoC&dq=Ursuline+Convent+at+Cha
rlestown&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

Material about the Ursuline Convent, Mount Benedict, Charlestown, Mass;


Description of the events surrounding the destruction of the Ursuline Convent in
Charlestown. Includes a description of the burning of the convent, the death of
Mother St. Augustine, and the neighbors who helped by donating food and clothing.
(publisher not identified, 1827)
https://books.google.fr/books?id=YsdlNQEACAAJ&dq=Ursuline+Convent+at+Ch
arlestown&hl=fr&sa=X&ei=p56mVJn1Huje7Ab3kYHoDg&ved=0CEUQ6AEwBQ

Disasters, Accidents, and Crises in American History;


Ballard C. Campbell Infobase Publishing, 2008
https://books.google.fr/books?id=VitlO1mWxzAC&dq=Ursuline+Convent+at+Ch
arlestown&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

Fear Itself: Enemies Real & Imagined in American Culture


There Are No Ranks among Us;
The Ursuline Convent Riot and the Attack on Sister Mary Ursula Moffat.
John Regan
Nancy Lusignan Schultz Purdue University Press, 1999
https://books.google.fr/books?id=dkYyuNvfqY8C&dq=Ursuline+Convent+at+Cha
rlestown&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

31 8
Burning Down the House: The Ursuline Convent Riot, Charlestown,
Massachusetts, 1834
Nancy Lusignan Schultz Éditeur Salem State College, 1993
https://books.google.fr/books?id=R-X5GwAACAAJ&dq=Ursuline+Convent+at+C
harlestown&hl=fr&sa=X&ei=p56mVJn1Huje7Ab3kYHoDg&ved=0CFoQ6AEwCA

The Diary of William Bentley: Biographical sketch, by J. G. Waters. Address on


Dr. Bentley, by Marguerite Dalrymple. Bibliography by Alice G. Waters. Account
of the East meeting-house, by J. G. Waters. Diary of Dr. William Bentley, 1784-
1792
William Bentley, Joseph Gilbert Waters, Marguerite Dalrymple, Alice G. Waters,
Essex Institute The Essex Institute, 1905
https://books.google.fr/books?id=8LlZmfxz5DgC&pg=PR43&dq=Rev.+William+B
entley&hl=fr&sa=X&ei=taWmVIbQJIOu7gbEhIDYBw&ved=0CGQQ6AEwCQ

Collections of the Massachusetts Historical Society;


The Society, 1835
https://books.google.fr/books?id=cI1IAAAAYAAJ&dq=Rev.+William+Bentley&hl
=fr&source=gbs_navlinks_s

Letter, Boston, to the Rev. William Bentley;


Jeremy Belknap, William Bentley 1798
https://books.google.fr/books?id=CFIjcgAACAAJ&dq=Rev.+William+Bentley&hl
=fr&sa=X&ei=taWmVIbQJIOu7gbEhIDYBw&ved=0CEMQ6AEwBA

1793-1802
Volume 2 de The Diary of William Bentley, Joseph Gilbert Waters
William Bentley, Joseph Gilbert Waters, Marguerite Dalrymple, Alice G. Waters
Essex institute, 1907
https://books.google.fr/books?id=R70-3R_M2SwC&q=Rev.+William+Bentley&dq
=Rev.+William+Bentley&hl=fr&sa=X&ei=taWmVIbQJIOu7gbEhIDYBw&ved=0C
CIQ6AEwAA

A Paradise of Reason : William Bentley and Enlightenment Christianity in the


Early Republic;
William Bentley and Enlightenment Christianity in the Early Republic
William Bentley, pastor in Salem, Massachusetts from 1783 to his death in 1819,
was unlike anyone else in America’s founding generation, for he had come to unique
conclusions about how best to maintain a traditional understanding of Christianity
in a world ever changing by the forces of the Enlightenment. Like some of his
contemporaries, Bentley preached a liberal Christianity, with its benevolent God and
salvation through moral living, but he-and in New England he alone-also preached a
rational Christianity, one that offered new and radical claims about the power of God
and the attributes of Jesus. Drawing on over a thousand of Bentley’s sermons, J. Rixey
Ruffin traces the evolution of Bentley’s theology. Neither liberal nor deist, Bentley was
instead what Ruffin calls a “Christian naturalist,” a believer in the biblical God and in
the essential Christian narrative but also in God’s unwillingness to interfere in nature
after the Resurrection. In adopting such a position, Bentley had pushed his faith as
far as he could toward rationalism while still, he thought, calling it Christianity.

319
But this book is as much a social and political history of Salem in the early republic
as it is an intellectual biography; it not only delineates Bentley’s ideas, but perhaps
more important, it unravels their social and political consequences. Using Bentley’s
remarkable diary and a vast archive of newspaper accounts, tax records, and
electoral returns, Ruffin brings to life the sailors, widows, captains and merchants
who lived with Bentley in the eastern parish of Salem. A Paradise of Reason is a
study of the intellectual and tangible effects of rational religion in mercantile
Salem, of theology and philosophy but also of ideology: of the social politics of race
and class and gender, the ecclesiastical politics of establishment and dissent, the
ideological politics of republicanism and classical liberalism, and the party politics
of Federalism and Democratic-Republicanism. In bringing to light the fascinating
life and thought of one of early New England’s most interesting historical figures,
Ruffin offers a fresh perspective on the formative negotiations between Christianity
and the Enlightenment in the years of America’s founding.
Stevens Point J. Rixey Ruffin Assistant Professor of History University of Wisconsin
Oxford University Press, 23 oct. 2007
https://books.google.fr/books?id=HFp8nQHYgkcC&dq=Rev.+William+Bentley&h
l=fr&source=gbs_navlinks_s

Autobiography, Correspondence, Etc., of Lyman Beecher, D. D. Ed. by Charles


Beecher;
Lyman Beecher Harper & brothers, 1864
https://books.google.fr/books?id=saoDAAAAYAAJ&dq=Rev.+Lyman+beecher&hl
=fr&source=gbs_navlinks_s

The Life and Services of Rev. Lyman Beecher, as President and Professor of
Theology in Lane Seminary
Diarca Howe Allen Johnson, Stephens & Company, 1863
https://books.google.fr/books?id=RFFAAAAAYAAJ&dq=Rev.+Lyman+beecher&h
l=fr&source=gbs_navlinks_s

Conversations de mr. Thayer et mlle. Pitt


John Thayer, Pitt. Van Linthout et Vanden Zande, 1822
https://books.google.fr/books?id=1WY-AAAAcAAJ&dq=Thayer&hl=fr&source=g
bs_navlinks_s

An Account of the Conversion of the Reverend John Thayer:


Formerly a Protestant Minister of Boston
John Thayer 1832
https://books.google.fr/books?id=ERUCAAAAYAAJ&dq=John+Thayer&hl=fr&so
urce=gbs_navlinks_s
Relation de la conversion de Monsieur Jean Thayer:
autrefois ministre protestant à Boston, en l’Amérique Septentrionale, & converti à la
religion catholique, à Rome, le 25 de mai 1783
John Thayer Chez F.J. Desoer, Imprimeur-Libraire, à la Croix d’or, sur le Pont-d’Isle,
1789
https://books.google.fr/books?id=x1tkHAAACAAJ&dq=John+Thayer&hl=fr&sa=
X&ei=K6ymVOiJHOeE7gb_wYDYDg&ved=0CGgQ6AEwCQ

32 0
Memorial of the Thayer Name:
From the Massachusetts Colony of Weymouth and Braintree, Embracing Geneological
and Biographical Sketches of Richard & Thomas Thayer, and Their Descendants from
1636 to 1874
Bezaleel Thayer R.J. Oliphant, 1874
https://books.google.fr/books?id=kTJWAAAAMAAJ&q=John+Thayer&dq=John+
Thayer&hl=fr&sa=X&ei=0aymVPuqOOOC7gbt9IDYDg&ved=0CGUQ6AEwCT
ge

Sister Servants:
Catholic Women Religious in Antebellum Kentucky.
This dissertation analyzes the activities of three orders of Catholic women religious
in Kentucky---the Sisters of Loretto, the Sisters of Charity of Nazareth, and the
Dominican Sisters of St. Magdalen’s (later St. Catharine’s)---from 1812 to 1860,
focusing on the significant contributions they made to the institutional development
of Roman Catholicism and the shaping of Protestant-Catholic relations. It examines
the women who founded these orders, the work they did, and how they interacted
with the broader Catholic Church. Unlike most religious communities at this time,
these three orders were fundamentally American: their founding members were
born and raised in the United States, primarily in Kentucky. As local women, already
well known in their communities, they encountered greater acceptance of and
appreciation for their efforts than their foreign-born counterparts elsewhere in the
United States.
Margaret A. Hogan ProQuest, 2008
https://books.google.fr/books?id=Tk1aYaEwm_0C&dq=John+Thayer&hl=fr&sour
ce=gbs_navlinks_s

The Catholic Controversy:


Maintained in the Periodical Publications of Boston, New Salem, and Other Towns
of the United States of America, Against the Calumnious Objections and False
Imputations of George Lesslie, J. Gardner, and Other Writers ... To which are Added
a Full Refutation of the Charges Addressed Against Catholicity by Mr. Belknap, with
an Answer to Dr. Lathrop’s Lecturs on the Errors of Popery.
John Thayer, George Lesslie R. Coyne, 1809
https://books.google.fr/books?id=yCMQAAAAIAAJ&dq=John+Thayer&hl=fr&so
urce=gbs_navlinks_s

Niles’ Weekly Register


Volume 6
Hezekiah Niles, William Ogden Niles H. Niles, 1814
https://books.google.fr/books?id=fvEaAAAAYAAJ&dq=John+Thayer&hl=fr&sour
ce=gbs_navlinks_s

American Catholics : A History of the Roman Catholic Community in the United


States:
A History of the Roman Catholic Community in the United States
James J. Hennesey Canisius College Oxford University Press, 10 déc. 1981
https://books.google.fr/books?id=tAjuDMetOYcC&dq=John+Thayer&hl=fr&sourc
e=gbs_navlinks_s

321
Frontiers of Faith:
Bringing Catholicism to the West in the Early Republic.
American religious histories have often focused on the poisoned relations between
Catholics and Protestants during the colonial period or on the virulent anti-
Catholicism and nativism of the mid- to late nineteenth century. Between these
periods, however, lies an important era of close, peaceable, and significant interaction
between these discordant factions. Frontiers of Faith: Bringing Catholicism to the
West in the Early Republic examines how Catholics in the early nineteenth-century
Ohio Valley expanded their church and strengthened their connections to Rome
alongside the rapid development of the Protestant Second Great Awakening. In
competition with clergy of evangelical Protestant denominations, priests and bishops
aggressively established congregations, constructed church buildings, ministered
to the faithful, and sought converts. Catholic clergy also displayed the distinctive
features of Catholicism that would inspire Catholics and, hopefully, impress others.
The clerics’ optimism grew from the opportunities presented by the western frontier
and the presence of non-Catholic neighbors. The fruit of these efforts was a European
church translated to the American West. In spite of the relative harmony with
Protestants and pressures to Americanize, Catholics relied on standard techniques
of establishing the authority, institutions, and activities of their faith. By the time
Protestant denominations began to resent the Catholic presence in the 1830s, they
also had reason to resent Catholic successes -- and the many manifestations of that
success -- in conveying the faith to others. Using extensive correspondence, reports,
diaries, court documents, apologetical works, and other records of the Catholic clergy,
John R. Dichtl shows how Catholic leadership successfully pursued strategies of
growth in frontier regions while continually weighing major decisions against what it
perceived to be Protestant opinion. Frontiers of Faith helps restore Catholicism to the
story of religious development in the early republic and emphasizes the importance
of clerical and lay efforts to make sacred the landscape of the New West.
John R. Dichtl University Press of Kentucky, 2 mai 2008.
https://books.google.fr/books?id=Ca4VglSOwaYC&dq=John+Thayer&hl=fr&sour
ce=gbs_navlinks_s

Dialogue on the Frontier


Catholic and Protestant Relations, 1793-1883.
Dialogue on the Frontier is a remarkable departure from previous scholarship, which
emphasised the negative aspects of the relationship between Protestants and Catholics
in the early American Republic. Author Margaret C. DePalma argues that Catholic-
Protestant relations took on a different tone and character in the late eighteenth and
early nineteenth centuries. She focuses on the western frontier territory and explores
the positive interaction od the two religions and the internal dynamics of Catholicism.
When Father Stephen T. Badin arrived in the Kentucky frontier i 1793, intent on
expanding Catholicism among the pioneers, he brought only his faith and courage, a
capacity to work long hard hours, and an understanding of the need for meaningful
interaction with his Protestant neighbours. He established the groundwork for the
late arrivals of Edward D. Fenwick, the first bishop of Cincinnati, and Archbishop
John B Purcell.
Margaret C. DePalma Kent State University Press, 2004
https://books.google.fr/books?id=4jPfbCh_qYUC&dq=John+Thayer&hl=fr&sourc
e=gbs_navlinks_s

32 2
Couvent des Ursulines, Charlestown, Documents de MA
Un inventaire du couvent des Ursulines, Charlestown, MA communications à
l’université catholique américaine History Research Center et Archives.

Coordonnées:
Adresse postale: L’Université catholique d’Amérique, Washington, DC 20064
Téléphone: 202-319-5065
Courrier électronique: archives@mail.lib.cua.edu
URL: http://libraries.cua.edu/
________________________________________

Dépôt: Archives American Center catholique recherche sur l’histoire et à
l’Université
Créateur: Arthur T. Connelly
Titre: Le couvent des Ursulines, Charlestown, Documents de MA
Dates 1833 - 1903
La collection couvre 1832 ans - 1903 et comprend de la correspondance, une copie
manuscrite d’un témoin oculaire de la combustion du couvent, une histoire de
découpures, articles imprimés, y compris des journaux, des brochures et des coupures
de journaux, et une photo et le croquis du couvent. Il documents du ministère des
Ursulines de Québec à Boston durant les années 1800 et démontre le fort sentiment
anti-catholique qui existait en Nouvelle-Angleterre.
http://www.aladin0.wrlc.org/
________________________________________
Note historique
The Ursuline convent on Mount Benedict in Charlestown, Massachusetts, was
the realization of a dream of the Rev. John Thayer (1758 - 1815), a Protestant who
converted to Catholicism and served as a priest in Boston from 1788 until 1792. The
final years of his life were spent in Ireland, where he procured funds for establishing
a convent in Boston. The funds that Thayer collected were remitted to the care of the
Rev. Dr. Francis Anthony Matignon (1753 - 1818), who encouraged his parishioners
in Boston to contribute to the project. The convent, however, did not become a
reality until 1817, when the Rev. John Lefebvre de Cheverus (1768 - 1836), Bishop
of Boston, got behind the effort. The Ursulines soon outgrew their original quarters
and removed to a new edifice on Mount Benedict in July 1828.
The original members of the religious community were recruited by Thayer during
his fundraising campaign in Limerick, Ireland. There he inspired two of the original
founders, Mary and Catherine Ryan, to make their novitiate under the Ursulines
of Three Rivers, Canada, which was a branch of the Ursulines of Quebec. Soon the
convent consisted of ten sisters, the majority of them coming to Boston from Quebec
including the Superior, Mother Mary Edmond St. George.
The Ursuline community’s principal mission was to administer a boarding school
for girls aged six to fourteen. The number of students rose to 55, a few of whom
were French-Canadian, while the greater number were children of New England
Protestants. The education was comprehensive, covering religion, classics, music,
and social graces.
Public opinion soon was to rise against the Ursulines and their school. The revival
of evangelical Protestantism in the early 1800s, plus disdain for working-class Irish
immigrants, gave rise to militant anti-Catholicism and reemphasis on traditional

323
nativism. The convent was an obvious target, and rumors spread that the Ursulines
were mistreating their students. When the townspeople gathered at the gates of the
building on August 11, 1834, they proceeded to burn down the convent without
interference from authorities.

After the fire the Ursulines attempted to continue their work in Roxbury, Massachusetts.
Once again they were harrassed. As a result, some of the religious decided to return
to Quebec, and others joined the Ursulines of New Orleans. In 1838, an attempt was
made to restore the Ursuline community in Boston, but there were no accessions to
their ranks. Two years later, their Bostonian ministry was disbanded.

Restrictions
En raison de la fragilité des documents originaux, l’accès à certains documents peut
être restreint.
The collection spans the years 1832 - 1903 and includes correspondence, a hand-
written copy of an eyewitness report of the convent’s burning, a scrapbook history,
printed items including journals, pamphlets, and newspaper clippings, and a photo
and sketch of the convent. It documents the ministry of the Ursulines of Quebec in
Boston during the early 1800s and demonstrates the strong anti-Catholic sentiment
that existed in New England.

The scattered correspondence (1834 - 1836) consists of communications to and from


the Superior of the convent, Mary Edmond St. George. Topics of concern are the
recruitment of children to attend the convent school, attendance at court proceedings
after the fire, plans for the Ursulines to return to Quebec, and the safety of children
attending the school after the attack by the mob.

The eyewitness report of the burning of the convent, recorded in a notebook, is an


excerpt from a larger work on the Ursulines of Boston and comes from the Ursuline
archives in Three Rivers, Quebec, Canada.
A scrapbook of newspaper clippings (1834 - 1894) documents the burning of
the convent by mob action on August 11, 1834, and the continuing anti-Catholic
sentiment in Boston. Included is a detailed history of the Ursuline community,
before and after the burning, written by Dr. B.F. De Costa, an Episcopalian minister
and nephew of one of the Ursulines, Sister Mary St. Claire De Costa, the first novice
received into the convent.
Assorted publications and clippings, dated immediately before and running to 50
years after the fire, describe the founding of the convent, its destruction, the legal
proceedings afterwards, and subsequent acts of violence against Roman Catholics
in Boston. Found here is a novella, The Nun of St. Ursula, by Harry Hazel. Giving a
fictional account of the burning of the convent, its view of religious life is distorted,
and it could be considered an anti-Catholic tract.
Two loose pictures round out the collection. One is a photograph of an engraving of
the convent as it looked in 1832. The other is a sketch of the ruins after the fire and is
attributed to Dr. B.F. De Costa.
Note: See Oversize Collection for a cartoon lampooning the convent investigating
committee.

32 4
April 1834-December 17, 1834

1. Letter to Ursuline Convent from Milton Hill - 2 letters from Mrs. Russell which
speak of her difficulties and lack of influence on her children, April 1834.

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2452

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2453

2. Letter to Sister Superior from Mrs. Russell - regret at not being able to influence
children to return willingly to school, June 1834.

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2454

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2455

3. Letter to Mrs. Russell from Rich S. Fay - a letter asking the sentiments of the parents
and guardians of the children who were placed at the Ursuline school, September 1,
1834

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2456

Lusignan Schultz Nancy. “Fire and Roses: L’incendie du couvent Charlestown,


1834.” NY: The Free Press, 2000.
Musée Somerville. “Lever le voile: Se souvenir de l’incendie du couvent des
Ursulines. Boston, MA, 1997.
________________
4. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - letter of gratitude for hospitality
shown on the occasion of a court appearance in Concord, Mass., September 12, 1834
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2457

5. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - she asks for an exemption from
appearing in court in Cambridge, Mass., November 15, 1834.

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2458

6. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - she suggests the manner of her
interrogation and notes some valuable losses to the looters of the Convent, November
30, 1834.

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2459

325
Lusignan Schultz Nancy. “Fire and Roses: L’incendie du couvent Charlestown,
1834.” NY: The Free Press, 2000.
Musée Somerville. “Lever le voile: Se souvenir de l’incendie du couvent des
Ursulines. Boston, MA, 1997.
________________
4. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - letter of gratitude for hospitality
shown on the occasion of a court appearance in Concord, Mass., September 12, 1834
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2457

5. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - she asks for an exemption from
appearing in court in Cambridge, Mass., November 15, 1834.

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2458

6. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - she suggests the manner of her
interrogation and notes some valuable losses to the looters of the Convent, November
30, 1834.

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2459

7. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - apology for a misunderstanding,
December 4, 1834.

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2460

8. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - this letter was accompanied by an
engraving of the ruins of the convent which she asks him to accept. She once again
asks to be exempt for a court appearance. December 17, 1834.

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2461

1 2 March 12, 1835-June 11, 1835

1. Letter to Sister Superior from Mrs. Russell - a letter giving the reasons for her
daughter Rosalind not returning to school hinging upon the mother’s fear that the
“organized mob of fanatics” would once again attack. March 12, 1835.

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2462

32 6
2. Letter to Hon. James T. Austin from The Superior - this letter speaks of the advice
of the Bishop that the Sisters should leave the area for a year or eighteen months and
the advice of others that it would be better to stay. She asks for the advice of Austin.
March 21, 1835.

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2463

3. Letter to Hon. James T. Austin from The Superior - The Bishop of Quebec urged
the Sisters to return to Canada and they would depart in two weeks time. April 15,
1835

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2464

4. Letter to The Right Reverend Bishop Fenwick from Lydia Smith Russell - This
letter entreats the Bishop not to allow the Ursuline Community to depart from
Boston. The letter is a long presentation of the value of the type of education offered
by the Ursulines. The refutation of charges brought by Protestants against the Sisters.
May 10, 1835

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2465

5. Letter to Mrs. Jonathan Russell from The Superior - Expresses regret that an
invitation cannot be accepted and telling of her return to Quebec where she had
lived for fourteen years and that she will never return to the United States. May 17,
1835

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2466

6. Letter to The Superior of the Ursuline Convent from Mrs. Jonathan Russell - This
letter praises the Sisters on many accounts, her sorrow at the departure of the Sisters
and her regret at not confiding her daughter to their care. June 11, 1835

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2467

January 22, 1836

1. Letter to Mrs. J. Russell from The Superior - Ursuline Convent, Quebec - An


account of the order of exercises in the school. The letter speaks of a visit to the
school by members of Parliament and a description of the program of entertainment
for the event as published in the newspapers. January 22, 1836

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2521

327
1. Fragment - Account of Miss Reed and the circumstances surrounding her
acceptance as novice of the Ursuline Community, n.d.

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2469

2. The Coadjuteur (in French), n.d.

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2470

3. Letter to Mrs. Lydia Smith Russell from Lucinda Smith Otis (?) - Request to attend
a funeral and at the same time sign a petition to the legislature, n.d.

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2471

4. Letter to Sr. Superior from Mrs. Russell - Providence Spring, n.d.

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2472

5. Letter to Hon. James T. Austin from the Superior - An account of articles returned
and articles missing, n.d.

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2473

6. Fragment - list of articles belonging to Miss Russell destroyed at the burning, n.d.

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2474

The Ursulines of Boston, and kept in the Ursuline archives of Three Rivers, Quebec,
Canada, is an eyewitness account of the fire. It is titled, “Ursuline Report of the
Burning of the Convent, August 11, 1834.”

5 “Ursuline Report of the Burning of the Convent August 11, 1834” n.d. (CAHIER
28 PAGES)

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2476

Journals, pamphlets, and a short novel present discussion on the efforts to start
the convent, its burning, and the acquittal of the rioters, along with anti-Catholic
sentiment continuing in Boston throughout the 1800s.
6 “Attkinsons’ Casket”, March 1833

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2477
32 8
7 “The Gleaner”, August 16, 1834.

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2478

8 “The Boston Observer”, January 15, 1835

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2479

9 “The Nun of St. Ursula”, 1845

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2480

10 “An Account of the Conflagration of the Ursurline Convent” by a Friend of


Religious Toleration, 1834

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2481

11 “Six Hours in a Convent: or The Stolen Nuns. A Tale of Charlestown in 1834” by


Charles W. Frothingham, 1855

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2482

12 “An Argument before the Committee of the House of Representatives, upon


the Petition of Benedict Fenwick and others, with a Portion of the Documentary
Testimony” by Richard Sullivan Fay, 1835

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2483

13 “An Answer to Six Months in a Convent Exposing its Falsehoods and Manifold
Absurdities” by the Lady Superior, Mary Anne Ursula Moffatt, 1835

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2484

14 “The Rights of Conscience and Property; or the True Issue of the Convent
Question” by George Ticknor Curtis, 1842

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2485

15 “Documents Relating to the Ursurline Convent in Charlestown”, 1842

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2486
329
16 Pamphlet: “The Convent’s Doom: a Tale of Charlestown in 1834” by Charles W.
Frothingham, 1854

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2487

17 Pamphlet: “The Charlestown Convent; Its Destruction by a Mob, on the Night of


August 11, 1834...........also, The Trial of the Rioters.........”, 1870

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2488

18 Pamphlet: “The Burning of the Ursurline Convent: a Paper Read before The
Worcester Society of Antiquity, March 5th, 1889” by Ephraim Tucker, 1890

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2489

19 Broadside - “To The Public of Newburyport”, November 25, 1875

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2490

20 Newspaper clippings, ca. 1837-1903

1. Education of Roman Catholics, undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2492

2. Another missing girl, undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2493

3. The Sunday rioters, undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2494

4. Burial place of Mary Ryan : St. Augustine’s Church, South Boston, and its romantic
history (The Boston Globe), undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2496

5. Boston mirror, C.W. Moore, editor, undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2497
33 0
6. A sketch of James Napper Tandy, Efqr., Captain of the Liberty Artillery, Vc., Vc.,
undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2498

7. T.F. Meagher and Bishop Hughes ; also, Fun after fighting, undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2499

8. Education of Roman Catholics, undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2500

9. Who was St. Patrick? : the facts about Ireland’s patron saint ; also, Nantucket ice-
bound (Boston Evening Transcript), undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2501

10. Execution of the Spanish pirates (Boston Morning Post), Thursday, June 11, 1835

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2502

11. Irish labor : the economic background of Sinn Fein : the Irish labor movement by
W.P. Ryan (published by B.W. Huebsch), undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2503

12. Dedicated to God : impressive services in St. Johnsbury’s new Catholic church
(St. Johnsbury, Vt.), January 6, no year

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2504

13. The Padre’s secret (a poem) by Lucius Harwood Foote; also, Suspected of stealing
draughtsman’s tools; also, The Ninth starts for Philippines, undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2506

14. The Spanish pirates (Boston Evening Transcript?), undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2507

331
15. The Manila of today : influence of climate on habits and business ; also, The
botanical calendar ; also, Narcissus (a poem) by Henry R. Kellogg, undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2508

16. The Sunday rioters, undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2509

17. Broad Street rioters, undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2510

18. The Sunday riot, undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2511

19. Hannah Corcoran, undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2512

20. Communication, undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2513

21. Education of Roman Catholics, undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2514

22. Education of Roman Catholics, undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2495

23. The rioters, undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2516

24. The Catholic controversy by Alethia (for the Boston Recorder), undated

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2515
33 2
A photo of an engraving shows the Ursuline convent as it looked in 1832. The ruins
after the fire are drawn in a sketch attributed to Dr. B.F. De Costa, 1872.

Photograph and Sketch, 1872, n.d.

1. Photograph, n.d.

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2517

2. Sketch, 1872

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2518

The scrapbook is composed of newspaper clippings giving accounts of the history


of the Ursuline community in Boston, the causes leading to the riot of 1834, the
outcome of subsequent legal proceedings, and derogatory sentiment against the
Superior, Mary Edmond St. George. Included is “The Story of Mount Benedict and
What Followed” by Dr. B.F. De Costa and a note by the donor, Arthur T. Connolly,
recounting where the sisters ended their lives.

Scrapbook (Acid Free Copies), 1834-1894


Some difficult to read due to glue damage.

3 Scrapbook (Original), 1834-1894

http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?img=1&url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2519

Glue has been very detrimental to contents. ( Document important de 56 pages)

Les livres, revues consultés:

Father John Thayer: Catholic Antislavery Voice in the Kentucky Wilderness


Author: Gollar, C. Walker
Language: English
Is Part Of: The Register of the Kentucky Historical Society, 2003, Vol.101(3), pp.275-
296
Identifier: ISSN: 00230243 ; E-ISSN: 21610355
Title:
American Catholic apologetical dissonance in the early republic? Father John Thayer
and Bishop John Carroll

Author: Jodziewicz, Thomas W.


Summary: Father John Thayer and his religious superior, Bishop John Carroll, both
had the American commitment to religious freedom and to the liberal values of
the new republic. However, they totally expressed these beliefs differently. Bishop
Carroll took a prudent approach, which was appropriate to the circumstances of the

333
Church and its evangelical mission to the American nation while Father Thayer used
a more radical method, which caused public disorder. This became the reason for the
exile of the latter.
Subject: Priests -- Beliefs, Opinions And Attitudes ; Bishops -- Beliefs, Opinions And
Attitudes ; Clergy
Is Part Of: The Catholic Historical Review, July, 1998, Vol.84(3), p.455(22) [Peer
Reviewed Journal]
Identifier: ISSN: 0008-8080

Relaçaõ da conversaõ do R. Senhor Joaõ Thayer : ... Escrita por elle mesmo. ...
Account of the conversion of the Reverend Mr. John Thayer. Portuguese and
English
Author: Thayer, John, 1758-1815.
Subject: Catholic converts -- Early works to 1800.
Published: Lisboa : na Offic. Patr. de Francisco Luiz Ameno, 1788.
Language: Portuguese
Parallel Portuguese and English texts.
The English titlepage is on the verso of the half-title.
Place: Hierarchical: Portugal -- Lisbon.;
Other title: Eighteenth century collections online.;
HOLLIS Number: 012399037
Date: 1788

A discourse, delivered at the Roman Catholic Church, in Boston, on the 9th of


May, 1798: : a day recommended by the president, for humiliation and prayer.
Throughout the United States.
Attribution: By the Reverend John Thayer, Minister of the Catholic Church.
Author: Thayer, John, 1758-1815.
Subject: France -- Foreign relations -- United States.;
Politics and government -- 1789-1815.
Fast day sermons 1798 May 9.;
Published: Baltimore: : Printed by A. Hanna, near the centre-market, Harrison
Street., 1798
Language: English
title: Rev. Mr. Thayer’s discourse on the federal fast. May 9th, 1798.
Parsons, W. Catholic Americana, 197
1798

Controversy between the Rev. John Thayer, Catholic Missionary of Boston, and
the Rev. George Lesslie, Pastor of a church in Washington, New Hampshire.
de John Thayer; George Lesslie
Anglais 1795
Philadelphia : Printed by Richard Folwell, 1795.

33 4
An account of the conversion of the Rev. Mr. John Thayer, lately a Protestant
minister at Boston in North America : Who embraced the Roman Catholic
religion at Rome, on the 25th May, 1783; Written by himself. To which are annexed
several extracts from a letter written to his brother in answer to some-objections.
Also, a latter from a young lady lately received by him into the church, written
after making her first communion.
Auteur : John Thayer
Éditeur :Dublin : Printed by J. Boyce, 6, Inn’s-Quay, 1797.

Relations intéressantes de la conversion de M. Thayer, de M. Alegre, de M. de


Martineau
Author: Lasausse, Jean Baptiste, 1740-1826.
Thayer, [John], -- 1758-1815.
Published: Paris, chez Pichard, etc., 1796.
Language: French
HOLLIS Number: 003436351
Creation Date: 1796

An account of the conversion of the Reverend Mr. John Thayer lately a Protestant
minister, at Boston in North-America, who embraced the Roman Catholic
religion at Rome, on the 25th of May, 1783
Author: Thayer, John
Subject: Catholic converts -- United States -- Biography
Published: Baltimore : Reprinted (from the London edition) and sold by William
Goddard
Edition: 5th ed
Language: English
Creation Date: 1788

The Rev. John Thayer. A Link between Ireland and a Saint Just Canonised
Author: Bridgett, T. E.
Language: English
Is Part Of: The Irish Monthly, 1882, Vol.10(104), pp.74-82
Identifier: ISSN: 20092113

Sketches of the the three earliest Roman Catholic priests in Boston,


Attribution: by Percival Merritt.
Author: Merritt, Percival, 1860-1932.
Bouchard de la Poterie, Claude Florent.;
Rousselet, Louis de, -- -1794?;
Thayer, John, -- 1758-1815.;
Catholic Church -- Massachusetts -- Boston.
Published: Cambridge [Mass.] J. Wilson and son, 1923.
Language: English
Notes: “Reprinted from the Publications of the Colonial society of Massachusetts.
vol. XXV.”
Bibliographical foot-notes.
HOLLIS Number: 003780785
Creation Date: 1923
335
The French Protestant Church in Boston
A Memoir of the French Protestants .
Par le Rev. Abiel Holmes, d.d. Pastor of the first church in Cambridge. édition
Cambridge printed by hilliard and Metcalf. 1826
The Rev. John Thayer. A Link between Ireland and a Saint Just Canonised
Author: Bridgett, T. E.
Language: English
Is Part Of: The Irish Monthly, 1882, Vol.10(104), pp.74-82
Identifier: ISSN: 20092113

Father John Thayer of New England and Ireland


Author: Purcell, Richard J.
Language: English
Is Part Of: Studies: An Irish Quarterly Review, 1942, Vol.31(122), pp.171-184 [Peer
Reviewed Journal]
Identifier: ISSN: 00393495

Entre Lillers et Amettes


Auteur François Crépin Lières en Artois :
Entre Lillers et Amettes Broché – 1er janvier 1981; 217 pages .

St. Mary’s Church Albany


Historic St. Mary’s Church on Capitol Hill 10 Lodge Street Albany, NY 12207.
http://www.hist-stmarys.org/

Les Servantes de Dieu en Canada. Essai sur l’histoire des communautés religieuses
de femmes de la province. Édition revue, corrigée, augmentée et spécialement
préparée pour le Canada.
Henri de Courcy 1855

https://books.google.fr/books?id=wzhfAAAAcAAJ&dq=le+couvent+des+ursulines
+de+Boston&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

History of the Boston Massacre, March 5, 1770: Consisting of the Narrative of


the Town, the Trial of the Soldiers: and a Historical Introduction, Containing
Unpublished Documents of John Adams, and Explanatory Notes.
Frederic Kidder, John Adams J. Munsell, 1870
https://books.google.fr/books?id=r3MBAAAAMAAJ&dq=Boston&hl=fr&source=
gbs_navlinks_s

Recueil de conversions remarquables nouvellement opérées dans quelques


protestants
François-Charles Nagot Rusand, 1829

https://books.google.fr/books?id=FLNaIdYD65kC&dq=francois+charles+Nagot&h
l=fr&source=gbs_navlinks_s

33 6
Recueil de conversions remarquables nouvellement opérées dans quelques
protestants
François-Charles Nagot Prevôt & Crapart, 1789

https://books.google.fr/books?id=yISFh8b9n5QC&dq=francois+charles+Nagot&hl
=fr&source=gbs_navlinks_s

Vie de M. Olier, curé de Saint-Sulpice à Paris, fondateur... du séminaire du même


nom
François-Charles Nagot de J.-A. Lebel, 1818

https://books.google.fr/books?id=s-1-0rVTZOoC&dq=francois+charles+Nagot&hl
=fr&source=gbs_navlinks_s

Les Prêtres français émigrés aux Etats-Unis


Celestin Moreau CH. Douniol, 1856

https://books.google.fr/books?id=AE8naTBrsScC&dq=francois+charles+Nagot&hl
=fr&source=gbs_navlinks_s

Vie de Madame E.A. Seton fondatrice et première supérieure des Soeurs ou Filles
de la Charité aux Etats-Unis d’Amérique
White Lecoffre, 1857
https://books.google.fr/books?id=sD5hJ-hw9yEC&dq=francois+charles+Nagot&hl
=fr&source=gbs_navlinks_s

Elizabeth Seton et les commencements de l’Église catholique aux États-Unis


Hélène de Barberey, Elizabeth Ann B. Seton Librairie Poussielgue Freres, 1869

https://books.google.fr/books?id=PaMHAAAAQAAJ&dq=francois+charles+Nagot
&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

Bibliographical notes on An account of the conversion of the Rev. John Thayer


Edward Percival Merritt J. Wilson and son, 1923

https://books.google.fr/books?id=Nhc2AQAAIAAJ&q=francois+charles+Nagot+et
+Thayer&dq=francois+charles+Nagot+et+Thayer&hl=fr&sa=X&ei=YPOmVO6IO
6HT7Qa664CoDg&ved=0CDUQ6AEwAw

Publications of the Colonial Society of Massachusetts, Volume 25


The Society, 1924

https://books.google.fr/books?id=2bsMAAAAYAAJ&q=francois+charles+Nagot+
et+Thayer&dq=francois+charles+Nagot+et+Thayer&hl=fr&sa=X&ei=YPOmVO6I
O6HT7Qa664CoDg&ved=0CDsQ6AEwBA

337
Some Anglo-American Converts to Catholicism Prior to 1829
Sister Laurita Gibson Catholic University of America, 1943
https://books.google.fr/books?id=WGZCAAAAIAAJ&q=francois+charles+Nagot+
et+Thayer&dq=francois+charles+Nagot+et+Thayer&hl=fr&sa=X&ei=YPOmVO6I
O6HT7Qa664CoDg&ved=0CEEQ6AEwBQ

ABBE CALONNE, JACQUES-LADISLAS-JOSEPH DE, prêtre catholique, né le 9


avril 1743 à Douai, France, fils de Louis-Joseph-Dominique de Calonne et d’Anne-
Henriette de Franqueville ; décédé le 16 octobre 1822 à Trois-Rivières, Bas-Canada.

Vie du card. de Cheverus


par J. Huen-Dubourg
André Jean M. Hamon, Jean Louis A.M. Lefebvre de Cheverus (card, abp. of
Bordeaux.) 1837
https://books.google.fr/books?id=Y1MEAAAAQAAJ&dq=Jean+Lefebvre+de+Che
verus&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

Histoire sociale des idées au Québec: 1760-1896


Yvan Lamonde. Les Editions Fides, 2000
https://books.google.fr/books?id=ZzGlziJz6nkC&dq=ABBE+CALONNE&hl=fr&s
ource=gbs_navlinks_s

Benoît-Joseph Labre saint patron des pèlerins et des itinérants


Cahier N° 7 de l’Oratoire Saint-Joseph
Recherche et spiritualité

Pope-Night
Tous les 5 Novembre, les habitants de Wye fête la ‘Guy Fawkes Night’ en mémoire de
l’arrestation de Guy Fawkes et l’échec d’un complot catholique en 1605 (‘Gunpowder
Treason’) visant à assassiner le roi protestant James I ; les étudiants allument un feu
de joie (‘bonfire’) sur la colline. Cette fête anti-papiste s’est exportée en Nouvelle
Angleterre, où elle devient la ‘Pope-Night’, la nuit du pape, jusqu’à la révolution
américaine (et supplantée depuis par Halloween). Durant la Pope-Night, les jeunes,
étudiants, apprentis défilent avec des effigies du pape et du diable pour les brûler
dans un feu de joie à la nuit tombée.
Kinbote fête t-il à New Wye l’échec du complot régicide contre Charles le Bien-
Aimé autour d’un feu pâle ? Gradus est-il un nouveau Guy Fawkes ? Il est aussi
intéressant de souligner que d’après le site internet de la ville, Wye signifie ‘temple
païen’ (‘heathen temple’). New Wye est donc un nouveau temple païen. Comme l’a
remarqué, par exemple, Mary Mc Carthy dans son essai cité plus haut, les références
à la mythologie grecque abondent dans Pale Fire (Hermès-Mercure, entre autres) et
Kinbote appelle souvent Arcadie la région de New Wye.
Dans Feu-Pâle, Lochanhead est l’arrêt du bus où descend Hazel Shade avant de se
noyer dans le lac Omega. Il existe aussi un Lochanhead en Ecosse, à quatre miles de
Dumfries où a vécu et où est mort Robert Burns , poète paysan (1759-1796, l’auteur
du célèbre et long poème ‘Tam-O’Shanter’). Curieusement Robert Burns et le poème
Tam-O’Shanter sont très connus et étudiés en littérature en Russie.

http://proekt-poema.com/feu_pale_new_wye.php
33 8
Mémoire historique sur la vie de Bénoit J. Labre: depuis sa naissance jusqu'à l'âge
de 23 ans & environ 6 mois, mort à Rome en odeur de sainteté le 16 avril 1783
rédigé sur les enseignements puisés dans le sein de sa famille, & sur les recherches
les plus exactes faites dans tous les lieux qu’il a habités en France.
Published 1784 by Samuel Berthoud in Cambrai .

les jacobins et la révolution


La société des amis de la Constitution, plus connue sous le nom de club des Jacobins,
est le plus célèbre des clubs de la Révolution française. « C’est ici que s’est préparée
la Révolution, dit Georges Couthon en 1793, c’est ici qu’elle s’est faite, c’est ici que se
sont préparés tous les grands événements »
Période actuelle
Les dirigeants du Club, majoritairement francs-maçons (règle constante mais non
écrite) se transmettent “en silence” les “patentes” du Club.
Ceux-ci tenteront par la suite de lui reconstituer une visibilité publique, ainsi sous le
Directoire, avec le club du Panthéon en 1795 et le club du Manège en 1799.
En fait, depuis, le club n’a jamais cessé d’exister même s’il est passé par des phases de
sommeil public. Il reste un lieu de transmission.
Le réveil suivant le plus marquant fut celui initié par le mouvement jeune turc des
années 1930. Ce regroupement s’effectue autour de Mendès-France, Cot, Kaiser,
Jouvenel, Mistler ou Zay décident de reprendre le club faute de pouvoir tirer le parti
radical de son immobilisme. À l’époque, le président en est Lucien Le Foyer.
Pendant la guerre les patentes appartiennent à Jacques Mitterrand.
Le départ de la plupart des Jacobins pour le parti socialiste où ils rejoindront François
Mitterrand a privé le club d’une partie de sa substance. Il a cependant régulièrement
continué à se réunir et à travailler sous la présidence de Guy Penne, sénateur des
Français de l’étranger et conseiller de François Mitterrand.
Il est aujourd’hui présidé par Frédéric Naud, avocat et secrétaire national aux études
du parti radical de gauche. Le club des Jacobins a pour vice-présidents, Maurice
Braud (secrétaire général du PS), Jacques Soppelsa (vice-président du PRG) et Marie-
Françoise Bechtel (vice-présidente du MRC). Guy Penne en est président d’honneur.
Olivier Stirn (ancien ministre) et Bruno Moschetto (banquier), sont conseillers du
président.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Club_des_Jacobins
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Histoire d’un Dynamisme apostolique.


La compagnie des prêtres de Saint-Sulpice.
Par Le Père Philippe Molac P.S.S
Edition du Cerf - ISBN 978-2-204-08713-1

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Mes remerciements pour l’aide précieuse
du Père Raymond Martel, Diocèse d’Amos, Québec
(Canada)
du Frère Samuel, Fraternité des Frères et des Soeurs de
Saint Benoît Labre
(France)
du Père David Thayer P.S.S.
(Etats-Unis).
de l’évêque de Limerick, Bishop Brendan Leahy
(Irlande)
de l’archiviste du diocèse de Limerick, Mr. David Bracken
(Irlande)

et de Mathilde.
Les Amis de saint Benoît Labre
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