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SOMMAIRE
LUMIERE SUR LE CHEMIN
- NUMERO 2 -
PRESENTATION...... 09-11
1
Le Révérend John Thayer: un converti au service de la
grâce divine.
Textes et Photographies
Didier NOËL
2 LES BIOGRAPHIES......12-27
Association française
Saint Benoît Labre d’Amettes
12 bis rue de l’église Une base de données biographiques de référence sur
62260 Amettes (France) l’histoire de l’Amérique et de l’Église Catholique.
Tél : 03 21 02 34 15
ass.benoit.labre@neuf.fr
Association canadienne
Les Amis de Saint Benoît Labre
http://www.amis-benoit-labre.net/ 3 INTRODUCTION...... 28-37
Auteur et webmestre : Par le Frère Samuel de la Fraternité Labrienne
Droits d’auteur Le rayonnement spirituel de saint Benoît-Joseph Labre.
LA CONVERSION DU PASTEUR
4 JOHN THAYER...... 38-109
2
1
2 4
3
Frères de St Benoît Labre
Prieuré Stella Maris 5 RETOUR A BOSTON....110-185
8, Chemin du Val du Puits
27120 CHAIGNES
Retour en Amérique, au service de Mgr Caroll.
Tél : 02 32 36 34 46
Site Internet LES MISSIONS...
http://www.fraterstbenoitlabre.com/ 6 LE KENTUCKY....186-209
Soeurs de St Benoît Labre Le combat contre l’esclavage.
Prieuré du Magnificat
1 / 3, rue Etoupée
LIMERICK.....210-243
27200 VERNON 7
Tél : 02.32.54.31.63
Courriel L’irlande: les dernières années du Père John Thayer.
fraternite.labre@libertysurf.fr
LE COUVENT DU MONT
8 BENOIT À BOSTON ....244-285
RENCONTRE AVEC LE
9 PÈRE DAVID THAYER....286-341
4
5 6
8 9
5
LE RÉVÉREND JOHN THAYER
6
“A Rome en 1783, après une longue prière, monsieur John Thayer s’écrie : Oui, mon
Dieu! Je me ferai catholique. Le même jour, il déclare sa résolution à ses hôtes, qui
furent au comble de la joie, se rend le soir au café, où se réunissaient ses amis, la plupart
protestants, pour leur faire la même déclaration, et voulant réparer le scandale de ses
plaisanteries sur la sainteté de Benoît-Joseph Labre, auquel il se reconnaissait redevable
en grande partie de son changement, il parle de ses miracles comme d’une vérité de fait de
premier ordre”.
7
1 P R E S E N TAT I O N
Chers Amis...
C
hers Amis de saint Benoît Labre, la vie
“Agissez comme si tout ne dépendait est souvent faite d’étapes importantes
où nous devons poser des choix qui
que de vous, priez comme si tout ne détermineront irrémédiablement le
cours de notre histoire. Mais comment
dépendait que de Dieu.” faire le bon choix ? Certaines personnes
éprouvent un besoin impérieux de cheminer à leur
( Saint Ignace de Loyola) guise, plus livrées à elles-mêmes, libres, par soif de
connaissance, de curiosité, ou tout simplement, parfois
pour satisfaire le besoin de répondre inconsciemment à
une sorte d’appel intérieur irrésistible. Avec ce numéro II
8
donnant sa vie et sa fortune pour
instruire, élever et consoler les plus
pauvres et les plus ignorants. Il
s’écarta de ce qui ressemble à une
existence rangée au sein d’une famille
de la Nouvelle-Angleterre afin d’y
gagner une victoire qui représentait
pour lui le début d’une vie nouvelle
comme si la Providence n’en avait pas
décidé autrement. Une histoire, où,
curieusement, se greffent de nombreux
mystères, qui suscitent encore certains
silences et des légendes illustrant le
parcours de cet homme dont le destin
et l’existence furent brusquement
interrompus et bouleversés par cette
Le Seigneur est mon berger : Il me mène vers rencontre inattendue, cette grâce reçue
de Dieu, au moment même où, en
les eaux tranquilles, je ne manque de rien et me 1783, des événements extraordinaires
fait revivre ; sur des prés d’herbe fraîche, il me signalent les nombreux miracles et
guérisons survenus à la suite du décès
conduit par le juste chemin, il me fait reposer. ” du mendiant Benoît-Joseph Labre à
Rome.
Psaume 22 Ce sont aussi les péripéties d’une
lutte courageuse, d’une prière sincère
et d’une victoire sur les passions
humaines, acquises par la volonté et la
foi, qui le hissèrent à un niveau élevé
de pensée, de sentiment et d’action et
le firent aboutir à une vie de sainteté.
Après de longues conversations avec
le Père Raymond Martel qui fut le
précurseur de cette recherche avant
moi, nous avions à coeur, depuis
longtemps déjà, de faire la lumière sur
cet événement. Cet ouvrage a pour
seule ambition, chers Amis de saint
Benoît Labre, de vous inviter à une
interrogation portant sur la diversité
des contextes relatifs au charisme
« Labrien » d’hier et d’aujourd’hui.
L’histoire de John Thayer en est
un exemple lumineux. Dans les
biographies anciennes, et jusqu’à celle
plus moderne écrite dernièrement,
de « Lumière sur le chemin », nous découvrirons consacrées au Saint Vagabond,
le courageux choix de vie de John Thayer, pasteur on ne manque pas de signaler les
protestant de Boston adhérant aux principes puritains nombreuses guérisons et les miracles
et issu d’une famille dont les origines remontent aux survenus lors de son décès. Jusqu’à
premiers colons du « Mayflower ». tout récemment, nous nous étonnions
de ne pas y trouver une allusion à
Il fut pour son temps le premier pasteur protestant sa conversion qui est pourtant bien
converti au catholicisme et ordonné prêtre le samedi documentée, particulièrement par le
2 juin 1787 au séminaire de Saint-Sulpice, la veille de récit détaillé relatant cet événement
la fête de la Sainte Trinité. que le PèreThayer écrivit à Paris en 1787
La grâce fera de lui un prêtre catholique passionné, au séminaire de Saint-Sulpice.
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1 P R E S E N TAT I O N
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L E P È R E J O H N T H AY E R
PREMIER PRÊTRE
LABRIEN
(Abbé Desnoyers)
11
BIOGRAPHIES
12
13
2 BIOGRAPHIES
RELATION DE LA CONVERSION
DE M. THAYER, MINISTRE PROTESTANT,
ECRITE PAR LUI-MÊME.
L
e Père Thayer est entré au “An account of the Conversion of the
séminaire de Saint-Sulpice de Reverend Mr. John Thayer” fut publié en
Paris, le lundi 18 octobre 1784. Il anglais dès 1787 à Londres, puis en français,
y écrivit le récit de sa conversion en italien, en portugais et en espagnol.
et le publia à Londres, l’année Cependant la version anglaise connut
où il fut ordonné prêtre le plusieurs éditions; elle fut réimprimée en
samedi 2 juin 1787, la veille de la fête de la 1788 à Baltimore (USA). On retrouve même
Sainte Trinité. Son livre a obtenu un succès une édition française pour le Canada autour
instantané à l’échelle internationale et a été de 1790.
traduit en six langues.
14
Parfois on gagne, parfois on perd. N’attendez pas que l’on vous rende quelque
chose, n’attendez pas que l’on comprenne votre amour. Vous devez clore des
cycles, non par fierté, par orgueil ou par incapacité, mais simplement parce que
ce qui précède n’a plus sa place dans votre vie. Cessez d’être ce que vous étiez
et devenez ce que vous êtes.” Paulo Coelho.
L
e Père John curieuse histoire que celle de
Thayer:quel cet homme, hors du commun
curieux destin devenu prêtre sous l’action de
que le sien, la la Providence. La rencontre
grâce divine avec saint Benoît-Joseph
le fit avancer Labre et la découverte du
dans les difficultés sans catholicisme le conduisirent
qu’il puisse en arrêter les à sa conversion, ses missions,
implications tant religieuses ses choix et ses controverses.
que politiques. Aux États-
Unis, il demeure encore Fidèle et docile à l’action
aujourd’hui à la fois objet de de la grâce reçue, le Père
vénération et de mépris... en John Thayer meurt en exil à
France, on préfère ne pas en Limerick en terre d’Irlande,
parler et passer sous silence lieu où il sera adulé et vénéré
l’origine de sa foi catholique. comme un saint...
Il demeure pour toujours
à l’image de Jésus-Christ: Le récit de sa conversion,
sujet de désordre, objet de voilà ce qui survivra toujours
dérision et de haine. Bien de lui à l’emprise du temps...
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2 BIOGRAPHIES
D
LES PRÊTRES DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS À BALTIMORE
17
2 BIOGRAPHIES
18
Né le 19 avril 1734 à Tours, François-Charles Nagot, a étudié
au Collège des Jésuites. Il vint à Paris comme boursier à « la
petite communauté » de Saint-Sulpice. Prêtre, le 31 mai 1760,
et admis parmi les Sulpiciens, il enseigna à Nantes la théologie
de 1760 à 1768. A Paris, il dirigea « la petite communauté »,
puis, à partir de 1780, il réforma avec succès le petit séminaire
de Saint-Sulpice. C’est pendant cette période que John Thayer
fit ses trois années d’études et accéda à la prêtrise en 1787. Le
Père Charles Nagot fut nommé en 1789, directeur du grand
séminaire de Saint-Sulpice, il négocia l’année suivante à
Londres l’envoi de Sulpiciens aux États-Unis. Aussi fut-il
chargé en 1791 de fonder à Baltimore le premier séminaire du
pays ; il en fut le Supérieur jusqu’en 1810, malgré ses désirs de
retraite et sa mauvaise santé ; il fonda aussi en 1806 un petit
séminaire. Jusqu’à sa mort (9 avril 1816 à Emmitsburg), il
exerça une grande influence sur le clergé des États-Unis, tant
par ses prédications que par la diffusion des auteurs catholiques
du 18e siècle.
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2 BIOGRAPHIES
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Jésus, marchant le long de la mer de Galilée, vit deux frères: Simon appelé Pierre,
et André son frère.... et il leur dit : suivez-moi... de là s’avançant il vit deux autres
frères : Jacques et Jean fils de Zébédée... et il les appela. En même temps ils quittèrent
tout et le suivirent...”
(Marc. 1.46,17,19, 20.)
LE CHEMIN DU CONVERTI
I
l me tomba entre les mains un a qu’une seule foi, une seule religion, un seul moyen
ouvrage qui a pour titre: Manifesto de salut, et que toutes les voies opposées à celle-ci ne
di un cavaliere cristiano convertito alla peuvent conduire qu’à l’enfer. C’est donc cette foi
religione cattolica. Ce livre qu’il serait que je recherche avec empressement, ô mon Dieu,
bon de traduire en plusieurs langues pour l’embrasser et me sauver! Je proteste devant
et de répandre partout. Dans ce récit votre divine Majesté, et je jure par tous vos divins
l’auteur rend compte historiquement de sa attributs, que je suivrai la religion que vous m’aurez
conversion et discute brièvement tous les fait connaître pour véritable, et que j’abandonnerai,
points controversés entre les catholiques et quoi qu’il m’en coûte, celle où je reconnaîtrai des
les protestants. Il place au commencement erreurs. Je ne mérite pas, il est vrai, cette grâce, ô mon
une prière qui lui fut communiquée par un Dieu! à cause de la grandeur de mes péchés, dont j’ai
catholique, pour implorer les lumières de un profond repentir, puisqu’ils vous offensent, vous
l’Esprit-Saint, une prière qui le bouleversa si bon, si grand, si saint, si digne d’être aimé, honoré
jusqu’au fond de l’âme. et servi! Mais ce que je ne mérite pas, je l’obtiendrai
de votre bonté suprême, et je vous conjure de me
La voici, traduite de l’italien: l’accorder par les mérites du sang précieux qui a été
répandu pour nous, pauvres pécheurs, par votre Fils
unique Jésus-Christ! — Ainsi soit-il.”
“Dieu de bonté, tout-puissant et éternel, père des
miséricordes, je vous supplie humblement d’éclairer
mon esprit, de toucher mon cœur et de me donner la JOHN THAYER
foi, l’espérance et la charité, pour que je puisse vivre (Extrait de son livre “Relation de la
et mourir dans la religion de Jésus-Christ! De même conversion d’un ministre protestant à la
qu’il n’y a qu’un seul Dieu, je suis certain qu’il n’y religion catholique”)
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2 BIOGRAPHIES
Voilà pourquoi on devient héritier par la foi : c’est une grâce, et la promesse demeure
ferme pour tous les descendants d’Abraham, non pour ceux qui se rattachent à la
Loi seulement, mais pour ceux qui se rattachent aussi à la foi d’Abraham, lui qui
est notre père à tous.” Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains - Ch.4-16
Auteur: Monseigneur Peter Keenan Guilday (March 25, 1884 - July 31, 1947)
Docteur ès sciences morales et historiques (Louvain)
Professor of Church History, The Catholic University of America
22
En 1783, le nombre des catholiques était assez considérable pour motiver
l’érection d’un évêché. Le clergé catholique des États-Unis en fit donc la
demande au Pape, et le congrès qu’on avait eu soin de prévenir, approuva
et appuya cette démarche. Le Pape Pie VI nomma un certain nombre de
cardinaux de la congrégation de la Propagande pour examiner cette affaire, et le
douze juillet 1789, il fut rendu un décret approuvé par le Pape, et portant que
tous les prêtres qui exerçaient le ministère dans les États-Unis se réuniraient
pour déterminer dans quelle ville serait placé le siège épiscopal ; et lequel d’entre
eux paraissait le plus propre à être élevé à l’épiscopat : privilège qu’on leur
accordait par faveur et pour cette fois seulement. Ils s’assemblèrent et convinrent
unanimement que l’évêché devait être à Baltimore. Quant au choix de l’évêque
sur vingt-six votants, vingt-quatre désignèrent le Père Caroll. Le Saint-Siège
accéda aux voeux des missionnaires et érigea, le six novembre 1789, un siège
épiscopal à Baltimore pour tout le territoire des États-Unis, John Caroll fut
sacré évêque en Angleterre, le quinze août 1790. En mémoire de cet événement,
le nouvel évêque établit la fête de l’Assomption comme fête patronale de son
vaste diocèse.”
John Carroll, premier évêque de l’Église la difficile période de reconstruction qui suivit
Catholique des États-Unis, est né au Maryland la guerre révolutionnaire. En 1789, ses amis
le 25 janvier 1735. À l’âge de 13 ans, après avoir prêtres l’élurent comme premier évêque de
terminé ses études élémentaires à l’Académie Baltimore, le plus ancien siège épiscopal de la
du manoir de Bohême, on l’envoya à l’étranger nation. Pendant 25 ans, il fut le berger en chef
chez son cousin, Charles Carroll de Carrollton, du troupeau catholique des États-Unis. En
au collège jésuite anglais de Saint-Omer (Pas- 1808, l’évêché de Baltimore fut élevé au rang
de-Calais, France). Il entra dans la province d’archevêché et on nomma quatre suffragants à
anglaise de la Société de Jésus en 1753 et on Boston, New York, Philadelphie et Bardstown.
l’ordonna prêtre en 1769. L’année qui suivit À l’occasion de leur consécration, il assista au
la suppression de la Société, il retourna au couronnement de ses 25 ans au sein de l’Église.
Maryland. En 1776, il accompagna Benjamin Il mourut dix mois après le Père John Thayer
Franklin, Samuel Chase et Charles Carroll de à Baltimore, le 3 décembre 1815. Monseigneur
Carrollton dans leur mission infructueuse au John Carroll fut l’évêque, l’ami et le défenseur
Canada. Désigné comme préfet apostolique de fidèle du Père John Thayer durant les 14 années
l’Eglise des 13 états originels en 1784, il guida le où il servit en tant que prêtre catholique aux
corps catholique, ecclésiastique et laïc à travers États-Unis d’Amérique.
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2 BIOGRAPHIES
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Ni la raison, ni la foi ne mourront jamais, car les hommes mourraient s’ils étaient
privés de l’une d’elles. Le mystique le plus sauvage utilise sa raison à certains
moments, ne serait-ce que pour raisonner contre la raison. Le sceptique le plus
incisif a des dogmes de son cru, bien qu’il soit un sceptique très mordant, il a
souvent oublié ce qu’ils étaient. La foi et la raison sont en ce sens co-éternels.”
Gilbert Keith Chesterton
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26
27
3 INTRODUCTION
INTRODUCTION
PAR LE FRERE SAMUEL MINISTRE
D
DE LA FRATERNITE DES FRERES ET SOEURS DE SAINT BENOÎT LABRE
Poésies d’Humilis,
Germain nouveau.
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Jules Zirnheld son premier président. travers une de nos sœurs et un de nos
Toujours parmi ces ‘Saint Labre’, deux frères, un lien se crée au début des années
prêtres nous ont connus, l’abbé Georges 1990, entre notre jeune communauté et
Guérin (1891-1972), fondateur de la les « Amis de St Labre », et un des prêtres
branche française de la JOC (Jeunesse de St Labre, le P. Claude Bataille ; les
Ouvrière Chrétienne), le 1er octobre Amis de St Labre et leur aumônier font
1927 et Mgr Fernand Maillet (1896- l’honneur de reconnaître les « frères et
1963), qui a dirigé la Manécanterie des sœurs de St Benoît Labre » comme leurs
Petits Chanteurs à la Croix de bois de successeurs. C’est ainsi qu’ensemble nous
1924 à 1963 ; n’oublions pas non plus fêterons en 1998 le 250ème anniversaire
l’abbé Charles Fichaux (1869-1944), de la naissance de St Benoît-Joseph
Directeur de St Labre de 1910 à 1944, à Amettes. Début des années 2000,
et Mgr Robert Frossart (1909-1988), des liens d’amitié se tissent avec le P.
Evêque auxiliaire de Paris et acteur Raymond Martel, prêtre canadien, et
important dans la Mission Ouvrière. A créateur du site Internet : « Les Amis
partir de 1952, l’Association change de de Saint Benoît Labre ». Des liens sont
nom et prend celui d’ « Equipes de Vie établis également dans le même temps
Spirituelle Saint Labre ». avec les « Schwestern und Brüder vom
La nuit de Noël 1981, fr. Benoît-Joseph heiligen Benedikt Labre », communauté
WEYTENS (1945-2009) reçoit «l’appel» fondée à Munich par Walter Lorenz en
de fonder en Eglise un Institut dont la 1985, qui accueille dans une communion
mission est d’accueillir et de proposer une de vie des personnes de la rue, ayant des
espérance à des personnes, ne trouvant problèmes psychologiques, et dont une
pas de place dans « la salle d’hôtes » à des activités consiste à remettre en état
la suite de St Benoît-Joseph Labre. A des objets destinés à la décharge, et à les
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revendre, à la façon des compagnons Michel Delannoy, le directeur des prêtres
d’Emmaüs. Au fil des neuvaines à Amettes de St Labre : le P. Claude Bataille, un
fin août, se tisse aussi une relation d’amitié membre du comité directeur de la CFTC:
discrète, ponctuelle et très profonde avec Dominique Langlet, un hospitalier de
Didier Noël, et avec les recteurs successifs Lourdes : Paolo Roda (St Benoît-Joseph est
d’Amettes, le P. Jules Colson, le P. Pierre un des patrons de l’Hospitalité de Lourdes),
Homery, le P. Michel Delannoy, le P. Fabien deux représentants d’une communauté
Langlet, sans oublier le P. Pierre-Marie religieuse de Calabre (Italie), la « piccola
Leroy, actuel curé de St Pol sur Ternoise. famiglia dell’Esodo », six représentants
La relation commencée en 1998 avec de la «Guild of St Benedict Joseph Labre »
Mgr Jean-Paul Jaeger, Evêque d’Arras, des USA, et les frères et sœurs de St Benoît
va s’approfondir les 6, 7 et 8 décembre Labre de France. Nous allons découvrir
2006, lors du 1er colloque international ensemble nos points communs à travers la
des communautés labriennes, qu’il figure de St Benoît-Joseph et les différents
préside à l’abbaye du Bec Hellouin pour aspects de son charisme, nos frères et
le 125ème anniversaire de la canonisation sœurs d’Italie vivant préférentiellement la
de Benoît-Joseph Labre. Cette rencontre dimension contemplative, ceux des USA
internationale réunit le Père Abbé du l’apostolat auprès des personnes souffrant
Bec : Dom Paul-Emmanuel Clenet, le de maladies psychiques. Le premier fruit
chancelier du diocèse d’Evreux : le P. Jean- de ce colloque sera la création d’une
Pierre Decraene, le recteur d’Amettes : le P. Charte de Charité (carta caritatis), écrite à
34
3 INTRODUCTION
la main sur parchemin d’agneau et signée en Québec en 2011 par le P. Michel Rodrigue
présence de Mgr Jaeger le 16 avril 2007, sur la est une œuvre d’évangélisation composée de
tombe de St Benoît-Joseph en l’église Ste Marie trois branches : la première est sacerdotale et
des Monts à Rome. Cette charte, dont l’original diaconale, la deuxième est pour les couples
est à l’Evêché d’Arras, regroupe l’expression mariés et la troisième est pour des laïcs
de la compréhension commune du charisme désirant consacrer leur vie en offrande au Père
labrien que nous avons pu appréhender lors pour l’avancement du Royaume. Des liens se
du colloque, autour de la « prière des trois sont tissés entre Amos et la France, via Didier
cœurs ». La « Fraternité Apostolique St Benoît- Noël, qui leur a fait parvenir en septembre
Joseph Labre », fondée au diocèse d’Amos au 2014 une copie du masque mortuaire de Saint
35
Benoît-Joseph. trouva la joie » (Agnès de la Gorce).
Au terme de ce bref survol de quelques
230 années de rayonnement spirituel de fr. Samuel, ministre fl
notre grand saint, j’ai conscience d’avoir
seulement effleuré le sujet. Je rêve qu’un À Chaignes, le 28 octobre 2014, en la fête
jour, quelqu’un pourra consacrer un des Apôtres Simon et Jude.
livre complet sur l’histoire mondiale de
la postérité spirituelle de ce « pauvre qui
36
Frère, ô doux mendiant qui chantes en plein vent,
Aime-toi, comme l’air du ciel aime le vent.
37
ANNO
1781-1782-1783
38
Par ce voyage je ne me doutais pas des desseins
secrets de la Providence qui me préparait par
là des avantages infiniment plus précieux.
- Joanne Thayer -
39
HISTOIRE DE LA CONVERSION
DE JOHN THAYER
UN MIRACLE DE SAINT BENOÎT-JOSEPH LABRE
40
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R
41
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R
J
ohn Thayer a été élevé dans la religion une remise en question de sa doctrine . Au
calviniste puritaine, la seule dominante cours de son séjour à Londres, le pasteur
et presque la seule connue à cette John Thayer est invité à prêcher dans une
époque, dans la Nouvelle-Angleterre. chapelle d’Oxford Street.
A
assez rapides.
Cependant, il sentait une inclination u printemps 1782, le pasteur John
secrète à voyager ; “je nourrissais ce désir , Thayer revint en France et se rendit
et je formai la résolution de passer en Europe en bateau de Marseille à Rome.
pour apprendre les langues européennes Toujours préoccupé par les mêmes soucis
le plus en usage , et me mettre au fait de d’études, mais bien prévenu, comme on
la constitution des Etats, des mœurs, des l’imagine aisément, contre la religion du
usages, des lois et du gouvernement des pays et contre la nation, que l’on lui avait
nations principales, afin d’acquérir par ces représentée sous les traits les plus odieux, il
connaissances politiques, plus de considération avait cependant déjà conçu, dans son séjour
dans ma patrie, et de lui être plus utile. Telles en France, une idée moins défavorable de
étaient mes vues humaines.” la religion catholique, et son commerce
E
avec les Italiens le fit revenir aussi de ses
n 1781, il préjugés contre eux. Dans le trajet de
e nt re p re n d Marseille à Rome, il fut obligé, faute de
donc un vent, de s’arrêter plusieurs jours dans un
voyage d’étude petit port que l’on nomme “Port Ercole.”
en Europe et A Port Ercole, le pasteur John Thayer
arrive en France rencontre le marquis d’El moro, vieillard
à la fin de cette respectable, et major de la place, qui se
année-là. Il se met montre d’une grande bonté à son égard :
immédiatement à
l’étude des meilleurs ouvrages littéraires de
France. Il s’y adonne avec une telle ardeur “ Sans que j’eusse aucune recommandation
qu’il néglige de manger et de dormir auprès de lui, il m’accueillit et me traita
suffisamment. Au cours de la maladie vraiment avec une bonté paternelle. Sa
grave qui s’ensuit, il s’assure qu’aucun maison, sa table, sa bibliothèque, tout
prêtre catholique ne soit conduit à son fut à mon service. J’ai eu le bonheur
chevet, tellement il tient à sa religion. Une de rencontrer partout des Italiens du
fois rétabli, il se rend en Angleterre où il même caractère, principalement dans
passera trois mois. Ce sera le début d’une la famille honnête et vertueuse qui
série d’événements qui le prépareront à m’ouvrit, à Rome, son seuil hospitalier.”
42
Tant de bienveillance et de cordialité curieux et les étrangers de toutes les parties
sympathique à l’égard d’un Américain, de l’univers, l’école de la vérité et le centre
d’un protestant, connu pour tel, le touchait commun d’union entre tous les fidèles qui
profondément et le frappait de surprise. croient en Jésus-Christ.
Les catholiques, se disait le pasteur Thayer,: Alors il ne manquerait rien à la gloire
“ne sont donc pas insociables, et l’étranger extérieure de sa religion et à la visibilité de
ne leur inspire ni intolérance ni mépris ?” son Eglise, qu’il a sans doute voulu mettre
(4).Il condamnait ainsi lui-même, de jour sous les yeux de tous les peuples ; alors elle
en jour, les injustes préjugés qu’on lui avait serait véritablement cette ville bâtie sur
suggérés et enseignés depuis l’enfance la montagne, exposée à la vue de toutes
contre cette église catholique. Mais Dieu les nations, de manière à ne pouvoir être
disposait les choses de loin pour le conduire cachée. Cette idée lui plaisait beaucoup ;
insensiblement à un terme heureux. Dès et comme il aimait l’éloquence de la chaire,
qu’il fut arrivé à Rome, il n’eut rien de il désirait qu’elle fût vraie pour pouvoir
plus pressé que d’aller voir ces fameux traiter d’un si beau sujet. Ce premier trait
chefs-d’œuvre et ces monuments antiques de lumière aurait dû le conduire plus loin,
qui attirent les étrangers, entre autres, la mais ce n’était encore à ses yeux qu’une belle
Rotonde ou le Panthéon, temple autrefois chimère, et il la laissa là pour s’occuper de
consacré au culte de toutes les fausses ce qui l’avait amené à Rome.
I
divinités du paganisme, et aujourd’hui
dédié à l’honneur de la Sainte Vierge et des l apprit l’italien beaucoup plus vite et
Saints. plus aisément que le français, et il fut
A
bientôt en état de lire les meilleurs
la vue de ce superbe édifice, il eut auteurs en cette langue. Il étudiait en même
une grande idée et se dit à lui- temps, selon ses projets, la constitution et
même: “Voilà un endroit propice l’état actuel de Rome. Cependant, l’idée
à fournir la matière d’un beau discours”. de la religion catholique lui revenait de
Si la religion catholique était “ vraie ” ; temps en temps à l’esprit : quoiqu’elle
voici en substance l’idée qui lui vint alors ne figurait pas dans le plan d’études
à l’esprit : ce temple, autrefois consacré qu’il s’était fixé, il désirait toutefois s’en
au culte des faux dieux, était devenu un instruire à fond pendant qu’il était dans
temple du vrai Dieu ; la croix de Jésus- cette ville. Une intention comme une
Christ élevée sur les débris de toutes les autre, comme il aurait voulu connaître la
idoles réunies, comme pour lui faire un religion musulmane, s’il s’était trouvé à
plus beau trophée, et de là, montrée à toute Constantinople ; du reste, comme il devait
la terre. Cette ville, autrefois maîtresse de l’apprendre plus tard, il était bien éloigné
tout l’univers et la capitale du monde païen, de soupçonner ou du moins de penser à en
devenue la capitale du monde chrétien ; embrasser une autre; seulement il voulait
voilà des monuments parlants et toujours apprendre la culture de l’église catholique
subsistants du triomphe de Jésus-Christ de la bouche même de ses fidèles, afin de
sur le fort armé, et de l’établissement de ne leur imputer que ce qu’ils disaient eux-
son empire sur les ruines de l’empire du mêmes.
paganisme. Il était convenable qu’il fit du
centre de l’idolâtrie, le centre de la vraie Il s’adressa pour cela à plusieurs
religion ; de la première ville du monde, ecclésiastiques, et, selon sa coutume de
la capitale de son royaume ; enfin, de cette faire parler chacun sur sa profession, il
école fameuse de tous les arts, de cette ville axa sa discussion sur la religion ; mais
célèbre qui fixe tous les regards et attire les ces vertueux hommes d’église avaient
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4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R
Dès que je fus arrivé à Rome, je n’eus rien de plus pressé que
d’aller voir ces fameux chefs-d’œuvre et ces monuments antiques
qui attirent les étrangers, entre autres la Rotonde ou le Panthéon,
temple autrefois consacré au culte de toutes les fausses divinités du
paganisme, et aujourd’hui dédié à l’honneur de la Sainte Vierge
et des Saints.” - John Thayer.-
A
en lui un protestant décidé, ils le vérité.
condamnèrent sans l’éclairer, et il les près avoir souvent cherché
quitta également très mécontents, eux l’occasion de s’entretenir avec
de son attachement à la communauté un homme instruit, capable
calviniste, et lui de leur zèle prosélyte. et désireux de le mettre au fait de la
Il voulait simplement connaître leurs culture catholique, il rencontra deux
opinions et non se détourner des ecclésiastiques dans un endroit où il avait
siennes. Le pasteur Thayer ne sentait pas coutume d’aller : “Je liai conversation
le besoin d’être éclairé, mais il désirait avec eux, et je leur déclarai ce que j’étais
ardemment satisfaire sa curiosité et sa et ce que je désirais. Je pensais alors, au
soif d’apprendre. C’était sans compter sujet des jésuites, ce qu’en pensent tous
sur l’admirable Providence qui avait les protestants ; cependant j’ajoutai que je
jusque-là conduit ses pas, avec cette serais bien aise de faire connaissance avec
volonté dans le coeur d’un irrésistible quelqu’un d’entre eux. Je n’ignore pas,
désir de voyager. Elle l’avait amené disais-je, qu’ils sont adroits et politiques,
au centre des lumières, sans qu’il mais ils passent pour être très éclairés.” Je
en soit vraiment conscient, avec ce saurai bien profiter de leurs lumières et
désir de s’instruire. Elle le dirigeait me tenir en garde contre leurs subtilités.
C’était justement à deux jésuites que je
parlais. Ma franchise ne leur déplut pas ;
ils m’avouèrent qu’ils étaient eux-mêmes
de la Société. Nous n’entreprendrons pas,
me dirent-ils, de vous donner par nous-
mêmes les instructions que vous désirez;
nous vous adresserons à un homme
fort habile qui est bien capable de vous
satisfaire. Ils m’introduisirent, en effet,
chez un de leurs confrères fort connu
dans Rome, et très considéré pour sa
science et pour sa vertu. Monsieur, lui
dis-je en l’abordant, il se peut que j’aie
quelques fausses idées sur votre religion,
ne la connaissant que sur les rapports
que m’en ont faits les membres de ma
communauté. Si cela est, mon dessein
est de me détromper, car je ne voudrais
pas avoir, de préjugés contre personne.
N’espérez pourtant pas me convertir:
C
à coup sûr vous n’y réussirez pas.”
e début un peu brusque n’empêcha
pas qu’il le reçût avec une douceur
et une affabilité qui ne pouvaient
être l’effet que d’une charité véritable : il
consentit à la demande qu’il lui fit d’avoir
avec lui des entretiens sur la religion.
D’abord, il lui exposa par ordre tous
les articles de la doctrine catholique :
cette discussion dura plusieurs jours.
John l’écoutai attentivement sans jamais
l’interrompre; mais, de retour chez lui,
45
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il ne manquait pas de mettre par écrit lesquels il me restait encore des nuages ; à
ses difficultés et ses raisonnements qui mesure que je lui parlais de mes difficultés
lui semblaient contredire chacun de ces sur chacun de ces points, il m’indiquait
dogmes et de ces articles. Quoiqu’il eût les endroits des meilleurs Théologiens et
à l’esprit bien des difficultés, il ne cessait Controversistes, où elles étaient traitées avec
de remarquer cet accord merveilleux qui étendue, et me procurait leurs ouvrages”.
se trouvait dans l’ensemble de la religion Il les étudia attentivement et leur étude
catholique, et d’y entrevoir une sagesse qui lui donna lieu d’examiner à fond chacun
lui paraissait divine. Quand il eut achevé des articles contestés entre les protestants
après plusieurs semaines cette discussion, et les catholiques, et de peser les raisons
le pasteur Thayer proposa, à son tour, de que ceux-ci apportent pour prouver leurs
faire part à l’ecclésiastique de ses difficultés sentiments.
I
et de ses doutes : ils passèrent plus de
trois mois ensemble à discuter de tous les l reçut également l’enseignement
articles théologiques de la foi catholique. d’un religieux augustin, à qui il
s’adressait dans le même temps : ce
“Je me vis plus d’une fois sans réponse, parce brave homme s’attacha à lui faire discerner
que j’apportais de la droiture dans cette ce qu’est la foi parmi les catholiques avec
discussion, et que je voulais sincèrement les simples valeurs que l’Eglise permet de
m’instruire et ne pas chicaner. Il me traiter dans les écoles.
restait néanmoins encore bien des nuages Sans les adopter ni les rejeter, cette
et des embarras que j’étais fort empressé distinction éclaira le pasteur Thayer et
d’éclaircir; et comme cet homme respectable contribua beaucoup à clarifier ses idées
ne pouvait me donner par intervalle, que car dit-il: “les Protestants ont coutume
quelques heures, pour remplir le vide qui se de confondre ces deux objets, et par là ils
trouvait entre nos conférences, j’eus recours embrouillent tout.”
à un autre jésuite qui n’avait pas moins de “Il y a une parfaite unité dans le dogme,
zèle ni moins de lumières ou d’attention sur la diversité n’est que dans les opinions :
moi. en mêlant ces deux choses, ils prennent
Celui-ci s’y prit, avec moi, d’une manière l’occasion d’attribuer à la foi ce qui
qui m’étonna d’abord : “Nous n’entrerons ne convient qu’aux opinions libres et
pas en matière aujourd’hui, me dit-il, allez, indifférentes.
récitez l’Oraison dominicale trois fois, et Le soin que j’eus de consulter ainsi plusieurs
revenez tel jour. Je ne pus m’empêcher de Docteurs, me fut doublement utile, je
sourire à ce début. Eh quoi ! Lui dis-je, je profitais de leurs lumières particulières, et
ne suis pas encore de votre Eglise, et déjà je fus à portée de remarquer qu’ils étaient
vous m’imposez une pénitence ; je le quittai parfaitement d’accord sur la foi, qui, en effet,
après ce propos.” doit être une, comme la vérité est une; cette
C
uniformité de sentiments, qui, dans tous les
ependant, en revenant chez lui, il siècles, a régné entre les Catholiques, me
se fit cette réflexion, “la prière, loin faisait une vive impression, parce que je ne
de m’égarer, ne pourrait que m’être l’avais jamais vue parmi nous….”
utile, et qu’une religion qui enseigne qu’il
faut commencer par la prière l’examen que “J’avais eu des liaisons avec les Chefs de
l’on en fait, était apparemment bien sûre nos Communautés ; je m’étais souvent
d’elle-même. J’exécutai donc ce qu’il m’avait entretenu avec eux ; je connaissais bien
prescrit, et j’allai le trouver au jour qu’il leurs sentiments ; il n’y en avait pas deux
m’avait indiqué, je savais déjà quelle était qui fussent d’accord sur les articles les plus
la Doctrine Catholique ; il ne s’agissait, avec essentiels : bien plus, il n’y en avait aucun
lui, que d’éclaircir les différents points sur qui n’eût varié dans sa Doctrine...”
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Vivre dans la droiture en présence et en communion avec Dieu, c’est vivre
en état d’action de grâce permanente. C’est de Lui que nous recevons tout ce
que nous avons - notre vie et notre existence même, toutes bonnes choses,
l’espérance de la rédemption, et la joie de la communion. L’offrande de
l’action de grâce, c’est la reconnaissance dans notre coeur que nous-mêmes
ne sommes pas les auteurs du moindre de ces bienfaits, mais en sommes les
bénéficiaires - ceux qui reçoivent les dons de Dieu.”
Père Alexander Schmemann
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ROMA
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49
50 Eglise de la Madonna Dei Monti
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LA MORT DU SAINT
“Le 16 avril, Mercredi Saint, Benoît-Joseph, revint à grand peine vers
l’église Sainte-Marie-des-Monts qu’il affectionnait tant. Il y entendit la
messe, suivant avec émotion le récit de la Passion selon saint Luc. Les
assistants dirent qu’il donnait l’impression de ressentir si vivement les
poignantes douleurs du Christ qu’ils avaient craint de le voir expirer
avant la fin du Saint Sacrifice”.
E
ntre-temps à Rome, la population se sa demeure toute voisine de la Via del
préparait à fêter la Pâque. Nous Grifone, située dans le quartier des gardes
étions le Mercredi Saint du 16 corses, près de Notre-Dame-des-Monts.
avril de l’année 1783, ce jour-là, Mais en y arrivant, un autre obstacle se
un mendiant du quartier des Monts, plus présente, l’escalier est trop étroit pour
connu sous le nom de Benoît-Joseph permettre le passage à trois hommes de
Labre, assiste à l’office avec beaucoup front; Paolo prend alors sur ses épaules
de ferveur mais l’instant d’après il est le pauvre malade et le dépose sur un
comme suffoqué, la respiration lui siège, dans la première chambre occupée
manque en sortant de l’édifice, il s’écroule alors par sa mère Anne Zaccarelli, alitée
sur les marches au milieu des passants. Un depuis un mois. “Mon pauvre Benoît,
groupe de fidèles se forme autour de lui; s’écrie-t-elle, comme vous êtes malade!”
chacun s’offre à le soulager, à le recevoir Placé ensuite dans la seconde pièce, on
dans sa maison; quelqu’un propose de voulut naturellement le faire mettre
le conduire à l’hôpital. Benoît-Joseph au lit. Après une certaine résistance, il
écoutait en silence. Parmi eux, un boucher y consentit, mais à condition qu’il ne
qui le connaissait, un certain Francesco soit pas déshabillé. Il fallut respecter ce
Zaccarelli, qui revenait de faire ses désir. Le bon Zaccarelli dut s’occuper de
Pâques à l’église paroissiale San Salvatore procurer à son hôte agonisant les soins
ai Monti, s’arrête, reconnaît son pauvre spirituels et corporels dont il avait besoin.
ami à la face cadavérique, et hasarde une En l’absence du confesseur Marconi que
demande. Touché de le voir ainsi, à demi Benoît-Joseph avait refusé de faire venir,
inconscient et pratiquement à la dernière pour ne pas le déranger de son ministère,
extrémité, il s’approche de lui et lui dit: le Père Piccilli fut appelé. Ce religieux,
«Benoît-Joseph mon ami, vous êtes mal, il admirateur de Benoît-Joseph dont la
faut vous soigner, voulez-vous venir chez visite, il y a quelques années, lui avait
moi ?» Il ouvrit les yeux et, reconnaissant été si précieuse, lui dit en entrant dans la
son ami, lui répondit: «Dans votre maison, demeure de Zaccarelli: “Mon cher Benoît-
je veux bien». Le charitable Zaccarelli se Joseph, voulez-vous quelque chose?”
hâta de soulever Benoît-Joseph, pour le
remettre sur pied ; mais c’est en vain, le “Rien, rien”, répondit le malade, sans
saint ne peut plus faire un pas. Alors, ouvrir les yeux. “Y a-t-il longtemps que
Francesco Zaccarelli appelle l’un de vous n’avez communié ?” “Peu, peu...” Ce
ses fils, le plus jeune, Paolo, celui-ci, fut sa dernière parole. Cet homme va
aidé d’un autre compagnon, le prirent mourir, ajouta le religieux; il n’a plus
dans leurs bras, et le ramenèrent dans besoin que de l’Extrême-Onction et de
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I
dernier soupir. (En 1783 à Rome, c’était
la coutume d’agir ainsi selon le désir de l avait 35 ans… à peine avait-il rendu
l’Église.) son âme à Dieu, que la population
C
du quartier des Monts propagea la
ependant, auprès du malade qui nouvelle; elle s’infiltra dans toutes
a perdu connaissance arrivent les petites rues, à travers les ruelles du
successivement le médecin et le quartier « des Monts », arriva dans les
pharmacien. Chacun affirmant buvettes, grimpa sur tous les balcons,
que tout remède devenait inutile, le pouls déborda d’une place à l’autre, jusqu’aux
était irrégulier, à peine sensible, la bouche confins de la périphérie de Rome. Puis,
fermée et les dents serrées, les yeux clos de la périphérie au centre, en un rien de
et immobiles ; la sueur transpirait au temps, ce fut un fourmillement de nobles,
visage, tandis que les parties inférieures de pauvres, d’artisans, de prêtres, de
se refroidissaient peu à peu. le vicaire soldats et de commerçants qui affluèrent
de San Salvatore ai Monti, l’abbé Pierre vers le quartier de Notre-Dame-des-
Giordani, ne put que lui administrer Monts pour rejoindre la foule accourue
l’Extrême-Onction. Il lui présenta le de partout, à travers la ville.
crucifix à baiser, et chaque fois, il virent
Benoît-Joseph entr’ouvrir ses paupières Dans la rue Dei Serpenti, on circula le
comme pour regarder avec ferveur Jésus jour et la nuit qui suivit, on n’entendait
crucifié. Il était deux heures de l’après- plus que ce cri dans Rome. Une foule
midi.Il se trouvait bientôt plus mal. Au immense s’assembla devant la demeure
bout de quelques heures, sa respiration du boucher où le Saint venait de mourir
devint très difficile. et en força l’entrée. A l’heure même
Francesco Zaccarelli et les prêtres de la mort, pendant les ténèbres de
l’assistèrent jusqu’à son dernier instant. la nuit, la nouvelle ne cessait de se
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53
Rome,
54 le Colisée à l’époque de Benoît-Joseph Labre
COLOSSEUM
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Benoît-Joseph Labre décéda dans la maison du boucher Francesco Zaccarelli
au soir du 16 avril 1783 vers 20 heures. La paillasse, sur laquelle il rendit
le dernier soupir, se trouve de nos jours à Amettes, son village natal.
répandre dans Rome “le Saint est mort! le quartier alors le plus populeux et le plus
Saint est mort!” et ce jusqu’au lendemain chez pauvre de la ville. Pas un homme, pas une
Zaccarelli, et, pour contenir la foule, il fallut femme, pas un enfant qui ne le connut aux
placer des sentinelles aux portes de la maison. Monts, pour l’avoir vu presque tous les
L
jours, encore jeune cependant, courbé sous
e mendiant Benoît-Joseph Labre était, la souffrance et par les privations, maigre
depuis longtemps, un personnage comme un ermite et vêtu de haillons, se
familier et apprécié des Romains, de traîner dans les venelles, se hâter vers
ceux surtout qui habitaient ce vieux cette église qui conserverait sa dépouille.
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L’immeuble où le boucher
Zaccarelli avait son logement. Ce
lieu, où décéda le saint Pèlerin,
fut acquis le 22 décembre 1883
par Mgr Virilli, le postulateur
de la cause du Saint. Elle fut
ensuite transformée en un petit
R
apidement, il avait voué sa vie à la sanctuaire avec son entrée au
pénitence et aux pèlerinages, sur les routes
interminables de France, de Belgique, de N°2 de la “Via Dei Serpenti”.
Suisse, d’Espagne et d’Allemagne. (Cappella di San Benedetto
Il s’y adonnait avec une ferveur défiant
l’entendement, et jusqu’à l’épuisement de ses Giuseppe Labre). De nos jours,
forces, se traînant les pieds. Il s’était orienté
vers l’Italie, avait parcouru les pays par bien des les Soeurs de Marie immaculée
chemins de Traverse et avait fini par atteindre en ont la garde.
57
Rome où, depuis lors, il avait passé ses Benoît-Joseph demanda pour la première
journées à prier dans l’une ou l’autre des fois depuis qu’il résidait à l’hospice la
nombreuses églises, dans celle de Sainte- permission d’aller se reposer. Sa demande
Marie-des-Monts qu’il affectionnait de lui fut accordée avec compassion mais lui,
façon particulière. Il avait passé ses nuits impitoyable pour lui-même, se contenta
en prière, sous les murs du Quirinal ou de s’asseoir sur le lit, la tête appuyée sur
un arc quelconque du Colisée. le mur jusqu’à ce que les lampes soient
Depuis l’année 1776, Benoît avait élu éteintes.
domicile dans le quartier des Monts, Le lendemain, Mercredi saint, 16 avril,
passant ses nuits dans les ruines de lorsque le réveil fut annoncé, Benoît-
l’amphithéâtre de Flavien et ses journées Joseph quitta la maison hospitalière de
à prier devant le Saint-Sacrement. C’est Saint-Martin-des-Monts. Ses jambes
cette conduite qui ferait de lui le “Saint fléchissantes, il ne peut descendre l’escalier
des quarante heures”. Mais à partir de qu’avec l’aide d’un compagnon auquel il
1779, à cause d’une santé déficiente, il est demanda la charité d’un verre d’eau.”
le pensionnaire de la pieuse fondation
D
pour les pauvres “l’Hospice Evangélique
Saint-Martin-aux-Monts”, oeuvre du ans l’intervalle, Francesco
Révérend Père Don Paolo Mancini; ce Zaccarelli et les nombreux
centre pour indigents sera témoin des prêtres et religieux s’affairaient
derniers jours terrestres de Benoît- à préparer le grand pèlerinage
Joseph. ils déposeront plus tard en ces qu’occasionnerait l’inhumation du
termes : pieux pèlerin, Benoît-Joseph Labre. L’un
d’eux demanda à ce que l’on procède à
“Au soir du 15 avril, en arrivant à l’hospice la toilette funéraire du Saint comme la
exténué, et d’une extrême faiblesse, piété l’exigeait en pareille circonstance.
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Pendant plus de quarante ans, Anne-Marie eut la vision d’un globe
lumineux, comme un petit soleil entouré d’épines. En le regardant, elle
pouvait y lire à la fois des événements futurs et l’état d’esprit des gens
qui venaient la visiter. Ce don de prophétie et de prescience lui amenait
beaucoup de monde qui venait lui demander conseil et, toute sa vie, elle
les reçut avec joie et patience.”
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O
n suggéra le nom de Mary l’uomo ! felice l’uomo !” Enfin la dévotion
Giannetti, une pauvre mais des assistants étant satisfaite, le cercueil
brave domestique, habituée fut entouré de bandelettes croisées et
à ce genre d’actes de charité. l’on y apposa le sceau du cardinal vicaire,
Elle habitait à quelques pas de là, dans Marc-Antoine Colonna ; puis il fut
la Via delle Vergini. Il s’agissait de la transporté vers la fosse préparée la veille
faire demander. Ils y allèrent et elle vint, à la demande de la piété populaire des
accompagnée d’une jeune fille admirable, paroissiens du quartier des Monts qui
sa fille Anne-Marie, âgée de quatorze voulaient garder la dépouille du Saint
ans. Anne-Marie se tenait à l’écart, et demandèrent à ce qu’il fût inhumé
pour permettre à sa mère d’accomplir dans l’église de la Madonne des Monts,
sa tâche. La maman enleva pieusement que le pauvre avait le plus aimée, sous
les haillons de ce corps consumé par les la dalle où il avait coutume de rester
maladies et les mortifications, le lava en prière chaque matin, depuis l’heure
avec l’aide de l’abbé Marchesi, lui mit de l’Ave Maria jusqu’au milieu du jour.
des vêtements propres et le revêtit de la Son corps fut porté en triomphe par le
bure de la compagnie de Notre-Dame- peuple de Rome, mêlé aux princes et
des-Neiges, avec lequel il fut ensuite aux bourgeois qui accompagnaient le
enseveli. Pendant cette opération, les cortège en pleurant. Pendant le trajet à
professeurs de théologie, Marconi et travers l’église qui ne désemplissait pas,
du Pino rédigeaient sur parchemin une un homme perclus de rhumatismes
notice latine du Bienheureux ; son genre toucha le cercueil et fut subitement
de vie, ses héroïques vertus et sa mort guéri. La foule inlassable se mit à crier :
précieuse devant Dieu, avec mention de “Miracolo ! miracolo !” Ce fut au bruit de
ses noms, de sa patrie et de son diocèse. ces nouvelles acclamations triomphales
Cette notice, enveloppée dans un tube que le corps, arrivé à destination, fut
L
de plomb, fut placée avec le corps dans enfin descendu dans le caveau.
un cercueil de bois. le bon Zaccarelli orsqu’il eut été déposé dans ce
avait pris soin quelques instants avant tombeau, il fallut fermer l’église
de prendre un moulage des contours du à la multitude des pèlerins qui
visage de Benoît-Joseph. Cette précieuse en assiégeaient les portes, et,
relique révèle la beauté et la finesse des pendant quelques jours, on vit une
lignes de son visage où plusieurs de nos foule innombrable, pleine d’amour et
contemporains et poètes virent resplendir de vénération, prosternée dans la rue,
les rayons de sa Sainteté. sur la place voisine et devant la porte de
Des cris s’élevèrent du dehors, de la part de l’église Sainte-Marie-des-Monts. L’abbé
quelques hommes suspendus aux grilles Fontaine, lazariste qui avait été professeur
et aux barreaux de fer des fenêtres de de théologie au séminaire de Boulogne-
l’église; c’était une réclamation bruyante sur-Mer, et qui se trouvait, pour les
de voir encore le Saint, avant qu’il fût affaires de sa congrégation, à Rome,
définitivement enfermé dans sa bière. fut témoin des funérailles du serviteur
On voulut bien accéder à cette demande, de Dieu. Il écrivit à Monseigneur de
en dégageant la tête du linceul, et aussitôt Partz-de-Pressy, évêque du diocèse de
retentirent de nouveaux cris de joie, des Boulogne-sur-Mer, dès le 23 avril 1783,
vivats en l’honneur du défunt: “Felice pour lui faire part de la mort précieuse
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O
admiré, acclamé sur toutes les lèvres; la
r, ce pauvre, qui remuait la ville de beauté de son âme attire, ses haillons ont
Rome et le monde, cet étranger, des attraits, on s’en dispute les lambeaux;
ce mendiant, marquait encore on le contemple, on le prie, on l’invoque;
de sa bienveillante intercession on veut le connaître, on en parle avec
cette population qui lui rendait honneur. éloges; les miracles, les guérisons se
Partout l’on entendait parler de miracles multiplient, évidentes, irrécusables; le
accomplis sur son tombeau. Le lundi peuple, le clergé, l’aristocratie, la Cour
de Pâques et les jours suivant, la piété romaine, tous publient ses louanges.
Q
des fidèles ne fit que croître avec une
effervescence toute nouvelle. De toutes uelques mois plus tard, en
parts, de nombreux infirmes se rendaient décembre, un prélat Mgr
au tombeau, où étaient transportés les Guidobagni, archevêque de
uns pieusement agenouillés et versant des Myre et chanoine de Saint-Pierre,
larmes, les autres s’étendant sur le tombeau fit couvrir à ses frais le caveau de Benoît-
attendant la grâce. L’église retentissait des Joseph d’une pierre sépulcrale de marbre,
gémissements et des supplications de ces et portant l’inscription suivante : Ici repose le
pauvres malades qui étaient tout à coup serviteur de Dieu, Benoît-Joseph LABRE du
guéris; des scènes indescriptibles avaient diocèse de Boulogne, en France, décédé le XVI
lieu et tout Rome en parlait. Voilà ce qui des calendes de Mai, à Rome, le quatrième
se répétait tous les jours, et dont toute jour de la semaine Sainte, l’an 1783, âgé de
la ville était témoin. Personne ici n’avait 35 ans, enseveli le jour de Pâques, au soir.”
jamais rien vu de pareil. On en voyait,
qui, sans penser à manger du matin au
soir, ne quittaient pas leur place de peur
de la perdre, dès que la porte de l’église N’ayons pas peur des engagements
s’ouvrait, pour être témoin des miracles définitifs, des engagements qui
qui s’opéraient à chaque instant... Parmi
ce défilé ininterrompu de pèlerins, les impliquent et concernent toute la
gardes corses avaient parfois à frayer le vie.” Le Pape François
passage à des femmes de la plus haute
distinction, accourant, pour donner au
tombeau du Saint, les symboles de leur
vénération. L’une d’elles eut la pensée
de quitter ses chaussures avant d’entrer
dans l’église ; elle s’avanca pieds-nus, et
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Église et hospice Saint-Martin-des-Monts”
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L
que l’on publiait alors; il en fit même un Labre que d’une grâce d’en haut.”
sujet de raillerie ; il se permit même, dans e Révérend Père Joseph Marconi
les cafés, des plaisanteries très indécentes prit argument de ces aveux en
sur le serviteur de Dieu, dont la pauvreté et faveur du catholicisme, et pressa
la malpropreté apparentes le révoltaient; son visiteur de reconnaître que
et sur ce point, il alla beaucoup plus loin la véritable Eglise était celle, où Dieu
que ses amis, protestants comme lui. manifestait ainsi son action toute
Cependant à Rome et partout le nombre et puissante par les miracles. « Mais nous
le poids des témoignages croissant chaque avons aussi les nôtres, objecta le pasteur
jour, il crut bon de devoir examiner la Thayer. » « Soit, mais sont-ils examinés
chose personnellement, imbu qu’il était par une Congrégation comme la nôtre?»
de lui-même et certain d’en découvrir la Alors Thayer se mit à rire; ce qui était
supercherie ; il rencontra celui dont le une confession tacite, que les miracles
nom était dans toutes les bouches comme prônés dans sa secte n’étaient rien moins
étant le confesseur du défunt, (Le Père que réels. John Thayer reprit ensuite son
Marconi) duquel il apprit une partie de sérieux, et lui qui, au commencement de
sa vie. Le pasteur John Thayer manifeste ses visites, avait dit que par rapport aux
alors au prêtre le désir de s’assurer par son croyances religieuses, il était tranquille
témoignage, de la véracité des faits pour dans sa foi protestante, avoua dès lors ses
les prétendus miracles attribués à son interrogations et ses doutes, et demanda
pénitent. “J’ai entendu, dit-il , beaucoup de au Père Marconi de bien vouloir le
choses sur cet homme : mais je crains que, recommander à Dieu et au Pèlerin
comme toujours, l’invention n’en soit due, Benoît-Joseph Labre; ce que ne manqua
pour la plus grande part, à la crédulité des pas de faire le bon ecclésiastique par
gens, Je ne suis pas catholique; néanmoins lui-même et par d’autres. Mais avant de
je vous croirai, si vous me dites sincèrement laisser sortir le pasteur John Thayer, il
la vérité que vous pouvez connaître, ayant le conjura de réfléchir sur l’obligation
été son directeur? Serait-il vrai surtout que qui résulterait de ses investigations, et
ce chrétien menait volontairement cette sur les choix qui en découleraient....
64
“C
’est vrai, répliqua Thayer ; elle se trouva guérie dans l’instant : le
aussi, viens-je vous prier jour même, elle descendit au chœur avec
de me fournir les moyens les autres religieuses ; elle mangea sans
de vérifier les faits.” Alors être incommodée, et fit avec facilité les
l’ecclésiastique lui indiqua le nom et la ouvrages les plus pénibles de la maison.
demeure de la veuve Angèle Zanchi, C’est ce que la supérieure et la sœur
miraculeusement guérie d’une paralysie. Marie du Crucifix elles-mêmes, ainsi que
Aussitôt le pasteur Thayer se rend auprès six religieuses de la même communauté
d’elle, entend son récit, visite séparément lui attestèrent unanimement.
le médecin et plusieurs témoins, et enfin
revient dire au Père Marconi qu’il est Le pasteur John Thayer rendit visite de
convaincu de la vérité de ce miracle, mais nombreuses fois à la religieuse qui avait
qu’il souhaiterait en vérifier encore un été guérie; il lui parla et la trouva pleine
autre. Pour le satisfaire, l’abbé lui donne au de santé et de force. Mais il ne s’en tint
lieu d’une, deux adresses, celle d’Octavie pas là dans son investigation ; il rendit
Vergari et celle de Clémentine Cicconetti; visite au médecin qui avait pris soin
toutes deux guéries, comme la première, de la soeur pendant tout le temps de
au tombeau du Bienheureux. L’infatigable son infirmité ; le docteur lui confirma
pasteur recommence la même enquête tout ce que la communauté avait dit à
auprès de ces deux miraculées et de leurs son sujet : et il ajouta qu’il était prêt à
assistants, et vient annoncer derechef au jurer sur l’Evangile, que la maladie était
prêtre, qu’à ses yeux, ce sont deux vrais naturellement incurable. Puis il reçut le
miracles, mais que peut-être le second témoignage d’une certaine Maria Poeti,
ne serait pas admis par la Congrégation qui lui révéla qu’en visitant sa tante,
des Rites, si elle procédait avec la rigueur religieuse du même couvent, le jour de
qu’on lui suppose. Après avoir vu trois la saint Jacques en 1782, elle avait vu de
des personnes que l’on disait avoir été ses yeux la sœur Marie du Crucifix dans
guéries miraculeusement, il avait recueilli cet état désespéré de maladie incurable.
méticuleusement les témoignages de ceux Mais elle affirma au pasteur Thayer que
qui les connaissaient, et d’après toutes ces neuf jours après la mort de Benoît-Joseph
informations faites avec le plus grand Labre et au retentissement de ses miracles,
soin, il restait pleinement convaincu de la Marie Brenna du Crucifix fut guérie.
L
réalité de chacun de ces miracles et qu’ils
étaient véridiques. e Révérend John Thayer continua
Enfin, le Père Joseph Marconi proposa au de rendre régulièrement visite à
pasteur Thayer l’examen d’une quatrième Soeur Marie Brenna du Crucifix au
guérison, à savoir celle de la Sœur couvent Sainte Apolline pendant
Marie Brenna du Crucifix, religieuse du tout le reste de son séjour à Rome, le temps
monastère de Sainte Apolline, à Rome. de s’assurer que la guérison miraculeuse
Âgée de quarante-sept ans, la religieuse était constante et définitive.
P
était atteinte d’une complication de
maux horribles qui duraient depuis ersuadé, comme il l’était, que les
1765. John Thayer accepta de rencontrer guérisons avaient quelque chose de
cette religieuse. Depuis dix-huit mois, la surnaturel, John Thayer ne pouvait
malade se trouvait dans une fatigue qui taire la voix de sa conscience de
augmentait chaque jour ; sa faiblesse était plus en plus certain qu’il n’était plus à sa
telle qu’elle ne pouvait supporter aucune place dans la confession protestante ; ces
nourriture. réflexions le mettaient dans d’étranges
Elle invoqua le vénérable Benoît-Joseph perplexités : il serait difficile d’exprimer
Labre ; elle prit avec foi une liqueur où la situation angoissante dans laquelle il se
l’on avait trempé une de ses reliques, et trouvait alors.
65
STATUE DU SACRÉ COEUR DE JÉSUS SUR LES QUAIS DE PORTO ERCOLE
La vérité lui apparut de tous côtés, mais fallait abjurer des erreurs dans lesquelles
retenu par les préjugés dont il était il avait été élevé et qu’il avait prêchées
imprégné depuis l’enfance, John sentait aux autres, en tant que pasteur protestant.
la force des arguments par lesquels sa Il lui fallait renoncer à son état et à sa
doctrine protestante était combattue; mais fortune. Tendrement attaché à sa famille,
il n’avait pas encore le courage d’y céder. Il il lui fallait encourir leur indignation.
voyait clairement que l’Eglise catholique
était établie sur des preuves nombreuses Des intérêts qui lui étaient chers le
et irréfutables, que les réponses de ses retenaient. En un mot, l’esprit de John
défenseurs aux objections du protestantisme était convaincu; mais son cœur n’était pas
étaient solides et satisfaisantes; mais il changé.
66
“Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes.
Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été
donné au ciel et sur la terre. Allez donc ! De toutes les nations faites des
disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ; et
apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés. Et
moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde.”
67
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R
C
Doctrine. en établissant la raison de chaque
et aveu ne lui avait pas fait grande particulier, arbitre suprême de sa croyance.
impression à l’époque de sa Cette réflexion, et mille autres qui lui
conversation avec le prédicateur, venaient à l’esprit, n’eurent pas alors tout
mais il avoua plus tard que cet entretien l’effet qu’elles devaient produire, mais elles
lui revint à l’esprit, et fit naître en lui, bien le disposèrent à ouvrir, les yeux à la vérité.
D
des réflexions nouvelles sur ce que l’on
dit ordinairement, au sujet de bons ou de éjà ses recherches, et ses
mauvais principes reçus dans la jeunesse interrogations l’avaient conduit
qui produisent tôt ou tard leur effet. beaucoup plus loin qu’il ne
Cette instabilité des chefs puritains, dans l’avait pensé; au départ, il voulait prendre
leur Doctrine, lui faisait de la peine. Il une connaissance exacte de la doctrine
voyait qu’elle était la suite inévitable du catholique, et insensiblement, John en
principe fondamental des protestants, était venu au point de n’y trouver rien de
selon lequel chacun est seul juge de sa foi ; raisonnable : il n’avait, en commençant
d’après ce principe, il n’y a aucune règle fixe cet examen, aucun doute sur sa foi
de croyance ; de là, l’éternelle contradiction calviniste et celle de sa communauté. Mais
des pasteurs entre eux ; de là, la fréquente maintenant, il en apercevait les endroits
variation de chacun d’eux dans la Doctrine. litigieux et avait des doutes; il fallait bien
Il avait bien essayé de les concilier entre cependant qu’il prenne la décision de
eux, mais John n’avait pas trouvé d’autre quitter le protestantisme. Les préjugés,
moyen que de prétendre qu’il suffisait de dans lesquels il avait été élevé, avaient
croire en Jésus-Christ et d’avoir intention encore trop d’emprise sur son esprit, et
d’honorer la Divinité: mais avec ce système, son cœur n’était pas encore disposé au
il aurait réuni toutes les communautés, sacrifice que ce changement exigeait de
même les plus opposées; voilà pourquoi il lui. Il décida parce qu’il le crut nécessaire
se mettait de jour en jour, plus au large et de prendre la résolution d’emporter avec
ne voulait plus fixer de bornes à sa liberté lui, en Amérique, les meilleurs ouvrages
de penser, à son libre arbitre. Le pasteur de controverses, composées par des
Thayer avait des amis chez les Quakers et catholiques, et de les lire à son retour
chez les Anabaptistes, les Arméniens et dans sa patrie. Déterminé qu’il était
bien d’autres confessions ; il aura peu à alors à changer de religion, après avoir
peu adopté la tolérance comme conduite bien réfléchi, John Thayer avait pris la
de vie dans sa plus grande universalité. Les décision de ne pas faire son abjuration à
protestants ont beau dire qu’ils admettent Rome, de peur, se disait-il à lui-même,
l’Ecriture pour règle de leur foi, du de faire une démarche précipitée. Mais
moment qu’ils ne reconnaissent aucune la grâce de la Providence, toujours
autorité vivante pour en fixer le sens. Dès attentive sur lui, ne lui permit pas d’user
68
de tous ces délais qui auraient pu lui être y avoir qu’une seule foi, une seule religion,
funestes : la grâce divine ménagea divers une seule voie de salut, et que toutes les voies
événements qui hâtèrent le moment de opposées à celle-ci ne peuvent conduire qu’à
sa conversion. Il lui tomba entre les l’égarement. C’est cette foi, ô mon Dieu !
mains un ouvrage du Père Ségnery sur Que je recherche avec empressement, pour
l’Ange gardien : cette pieuse croyance, que l’embrasser et me sauver. Je proteste donc
chacun de nous a un ange tutélaire pour devant votre divine majesté, et je jure par
témoin de toutes ses actions, n’était pas tous vos divins attributs, que je suivrai la
nouvelle pour John : on le lui avait inspiré religion que vous m’avez fait connaître pour
dès l’enfance, mais elle n’avait jusqu’alors vraie, et que j’abandonnerai, quoi qu’il
influé en rien sur sa vie ou sa conduite, doive m’en coûter, celle où je reconnaîtrai
ou du moins très peu. La lecture de cet des erreurs et de la fausseté. Je ne mérite
ouvrage réveilla les premières impressions pas, il est vrai, cette faveur, à cause de la
de piété que ses parents lui avait données grandeur de mes péchés, dont j’ai une
autrefois. Et en réfléchissant sur sa vie profonde douleur, puisqu’ils offensent un
passée, il se reprochait d’avoir si souvent Dieu si bon, si grand, si saint, si digne d’être
manqué au respect qu’il devait à son ange aimé ; mais ce que je ne mérite pas, j’espère
gardien, et il prit désormais la résolution l’obtenir de votre infinie miséricorde, et
de veiller sur ses actes pour éviter tout ce je vous conjure de me l’accorder par les
qui pourrait lui déplaire. Cette attention à mérites du sang précieux qui a été répandu
s’éloigner du péché contribua sans doute pour nous, pauvres pécheurs, par votre fils
à hâter sa conversion à la foi catholique ; unique Jésus-Christ. Amen.”
c’était un obstacle de moins que la grâce
C
de Dieu voulait lui accorder... “J’avais, en recevant ce livre, un pressentiment
e fut dans ces circonstances où qu’il allait à sa lecture me porter le dernier
il était indécis et irrésolu, qu’on coup : aussi ce ne fut qu’avec une extrême
lui mit entre les mains un petit difficulté que je pus me déterminer à le lire:
livre intitulé : “Manifesto d’un cavaliere mon âme était, pour ainsi dire, déchirée par
cristiano convertito alla religione deux mouvements contraires.”
cattolica”. Ce livre qu’il serait bon de “Quels combats, quels assauts n’eussè-
traduire en plusieurs langues et de je pas alors à soutenir ! Je parcourais
répandre partout où il y a des incroyants. surtout des yeux cette prière, sans pouvoir
Voici comment le pasteur John Thayer me résoudre à la dire. Je désirais être
témoigne de façon historique de sa éclairé, et je craignais de l’être trop. Mon
conversion. Après avoir énuméré intérêt temporel et mille autres motifs
brièvement tous les points controversés se présentaient en foule à mon esprit, et
entre les catholiques et les protestants, il balançaient les salutaires impressions de
place au commencement de son récit une la grâce. Enfin l’intérêt du salut éternel
prière qui lui fut communiquée par un l’emporta ; je me jetai à genoux, je m’excitai
catholique, afin d’implorer les lumières de à réciter cette prière avec le plus de sincérité
l’Esprit Saint: qu’il me fut possible; et la violente agitation
“Dieu de bonté, tout-puissant et éternel, de mon âme, ainsi que les combats qui
Père des miséricordes, sauveur du genre venaient de s’y livrer, produisirent une
humain, je vous supplie humblement, par abondance de larmes. Je me mis donc à lire
votre souveraine bonté, d’éclairer mon ce livre, qui est une exposition abrégée des
esprit et de toucher mon Cœur, afin que par principales preuves qui établissent la vérité
le moyen de la vraie foi, de l’espérance et de de la religion catholique. L’ensemble de
la charité, je vive et je meure dans la vraie ces différentes preuves, que je n’avais vues
religion de Jésus-Christ ; je suis certain que, jusqu’alors que séparément ; tant de traits
comme il n’y a qu’un seul Dieu, il ne peut de lumière réunis
69
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R
70
une réflexion bien naturelle : Dieu peut-il de peine à croire, sont celles qui me donnent
permettre qu'un homme se trompe dans aujourd'hui le plus de consolation.
le choix d'une religion, quand, après une Le mystère de l’Eucharistie, qui m'avait
vigilance exacte sur sa conduite, après paru si incroyable, est devenu pour moi une
des prières ferventes, après des recherches source intarissable de délices spirituels. La
longues et laborieuses, il s'est déterminé à confession, que j'avais regardée comme un
l'embrasser aux dépens de tout ce qu'il a de joug insurmontable, me semble infiniment
plus cher au monde, famille, état, fortune, douce par la tranquillité qu'elle produit
réputation. Si cette religion était fausse, dans mon âme. Ah ! Si les incroyants et les
ne pourrait-il pas dire à Dieu avec un incrédules pouvaient sentir les douceurs que
célèbre théologien : Seigneur, c'est vous qui l'on goûte au pied des autels, ils cesseraient
m'avez trompé ? Cette réflexion acquerra bientôt de l'être ! Que ne puis-je me faire
un nouveau degré de force, si j'ajoute le entendre à tous ! Je leur crierais : Goûtez
prodigieux changement qui s'est fait en moi et voyez par votre propre expérience,
depuis ma conversion : j'hésite à le publier; combien le Seigneur est doux, combien il
mais il me semble que je dois le faire pour est bon pour ceux qui le servent dans la
glorifier la divine miséricorde, et pour sainte société qu'il a formée lui-même et
rendre hommage à la religion catholique qu'il vivifie par son esprit. Voilà le désir
que j'ai maintenant le bonheur de professer. dominant, l'unique désir de mon cœur, celui
Que mon état est différent de celui où j’étais d'étendre, autant que je le pourrai, l'empire
auparavant ! Mes pensées, mes goûts, mes de la véritable foi qui fait maintenant mon
desseins, tout est changé ; je ne me reconnais bonheur. Je n'ambitionne rien de plus :
plus moi-même. Dès que j'eus pris mon c'est pour cela que je désire retourner dans
parti, je renonçai aux études profanes qui mon pays, espérant d'y être, malgré mon
m'avaient occupé jusque-là; je laissai mes indignité, l'instrument de la conversion de
livres à demi lus ; je me défis de ceux qui mes compatriotes ; et telle est la conviction
étaient à moi : depuis ce temps, les passions où je suis de la vérité de l'Eglise romaine,
n'ont eu que peu d'emprise sur moi ; mes et ma reconnaissance de la grâce signalée
projets d'ambition et d'établissement dans que Dieu m'a faite de m'appeler à la vraie
le monde m'ont quitté entièrement; je n'y foi, que je la scellerais de mon sang si Dieu
prétends plus rien : je n'ai plus de plaisir m'accordait cette grâce ; je ne doute pas
que dans les choses de Dieu ; je sens au fond qu'il ne m'en donnât la force. Vous tous qui
de mon cœur une paix que je n'avais jamais lirez cet écrit, je vous en conjure de prier
connue. Ce n'est plus, comme auparavant, avec ferveur le Père des lumières et le Dieu
la trompeuse sécurité d'une conscience des miséricordes, d'accomplir ses volontés
assoupie qui présume de la miséricorde de sur l’humble serviteur que je suis, et de
Dieu, et qui ne voit pas le danger auquel m’ouvrir un accès facile à la foi dans mon
elle est exposée ; c'est la douce confiance pays, de la faire germer et fructifier dans un
d'un fils qui se retrouve dans les bras de pays où elle n'a jamais été professée. Peut-
son père, et qui a lieu d'espérer que rien être (je m'arrête avec plaisir à cette pensée
ne pourra l'en arracher, malgré les périls consolante), peut-être celui qui établit les
qui l'environnent. Oui, cette religion est empires et les détruit à son gré, qui fait tout
faite pour le cœur ; aussi solides, aussi pour ses Élus et pour l'intérêt de son Église,
fortes que soient les preuves qui m'ont n'a-t-il permis et conduit à une fin glorieuse
convaincu qu'elle est la véritable religion de l'étonnante Révolution en Amérique dont
Jésus-Christ, le contentement, la joie pure nous venons d'être les témoins, que pour
qui l'accompagnent sont pour moi une accomplir quelque grand dessein et une
autre espèce de preuve qui n'est pas moins Révolution bien plus heureuse encore dans
persuasive. Les vérités que j'ai eues le plus l'ordre de sa grâce.” Ainsi soit-il.
71
72
Dix jours à peine après avoir fêté son vingt-cinquième
anniversaire, la grâce de Jésus-Christ toucha John Thayer.
Convaincu dès lors que Dieu l’attendait à Rome sous les
traits du mendiant Benoît-Joseph Labre, il se convertit à la
religion catholique”.
73
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L
de l’employer en expliquant qu’il pourrait
dire ses propres prières et faire l’économie e Père Charles Plowden (mort en
pour son pays de dépenses générées par 1820) ne transmet pas d’informations
l’emploi d’un chapelain. La nouvelle de sa de première main; de cette façon, la
conversion s’étendit dans toute l’Europe. précision de ces détails peut être faussée,
John Thayer s’était lié d’amitié avec de probablement parce qu’il est convaincu
nombreux personnages importants du que John Thayer est de mèche avec les
monde ecclésiastique français. Français mal-aimés et qu’en conséquence,
C
on ne peut lui faire confiance. (D’autres
ependant, “le diable se pare d’une lettres regorgent de preuves de ces
auréole quand il se présente aux préjugés). Le fait de mentionner le “ projet
hommes”: en effet, moins d’un de John Thayer d’amener des missionnaires
an après sa conversion au sein même de à Boston” constitue une acceptation
l’église, il apparaît évident que John Thayer importante car c’est la première trace de
n’y avait pas que des amis; sa popularité cette mention, à savoir, de ce qui resterait
et son ascension commencèrent à agacer la grande ambition de la vie de John Thayer
quelques membres du clergé catholique : amener des prêtres et des religieuses
anglais qui calomnièrent sa loyauté. L’un en Amérique afin de promouvoir la
d’eux, le Père Charles Plowden, un prêtre foi catholique parmi ses compatriotes.
74
Dieu, qui m’a appelé à la foi, m’a soutenu, et j’ai cette ferme
conviction qu’il me soutiendra jusqu’à la mort. Père John Thayer
75
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R
C
jamais traversé l’esprit. A présent qu’il en
’est peut-être le découragement faisait partie, il n’était pas concerné par de
qui l’a donc amené à considérer tels débats. En conséquence, on peut le
comme nul et non avenu le comprendre, lorsqu’il songea à son avenir
projet d’accession à la prêtrise pour en présumant, comme il était d’usage à
lui permettre de rentrer en Amérique Rome, que la mission américaine était
comme missionnaire. Plowden y fait encore dirigée par le vicaire apostolique
allusion dans un but partisan évident, Talbot.
D
mais nous pouvons en voir un aperçu
encore plus significatif dans une e tous les documents archivés sur
importante lettre que John Thayer écrivit la vie de John Thayer, je crois que
lui-même. Il adressa cette lettre à James cette lettre au vicaire apostolique
Talbot, vicaire apostolique de Londres, de Londres est la plus conséquente et la
peu après avoir rencontré Benjamin plus révélatrice :
Franklin et le nonce apostolique. C’est
la première lettre existante de la main La plupart des faits, que ce nouveau
de John Thayer, rédigée trois ans avant converti y relate, font référence à son
la publication du récit de sa conversion, avenir de la même façon que les luttes de
et donc le premier exemplaire recensé centaines d’ecclésiastiques convertis de
de la description de sa conversion et de nos jours. Quand il confesse dans sa lettre
ses rêves de retour en Amérique. Avant au vicaire apostolique qu’ “il embrassa
la Révolution Américaine, tous les cette foi de tout cœur et quoi qu’il lui
catholiques, se trouvant dans les colonies coûterait en ce bas-monde”, il exprime ce
britanniques, relevaient de l’autorité du que tout ecclésiastique converti a toujours
vicaire apostolique de Londres. Suite eu à subir lors d’une conversion du
à l’indépendance de l’Amérique, les pastorat protestant à l’église catholique,
catholiques se sentirent comme des à savoir l’appel à l’abandon et le rejet
orphelins, sans autre possibilité que de par la famille, les amis et les collègues.
demander à Rome de leur envoyer un John Thayer ne suivit pas de
dirigeant. Le même problème se posa modèle préexistant et bien que
aux membres américains de l’église la hiérarchie cléricale connût des
anglicane d’Angleterre. Toutefois, ils prêtres anglicans convertis, elle n’avait
résolurent leur dilemme en créant sur le jamais eu à faire face à la conversion
sol américain, leur propre église, alors d’un pasteur puritain américain.
76
Cependant, compte tenu de toutes les par Rome en tant que préfet apostolique
présomptions et préjugés de l’époque, on et, franchement, mentionner le nom
peut comprendre que Thayer supposait de Carroll dans les cercles de Thayer ne
E
que sa conversion entraînerait l’extinction faisait pas sens.
de ses projets et de ses rêves. n conséquence, il semble que
Quand il affirme qu’il a offert “ses services Thayer n’avait aucune raison de
au Souverain Pontife afin d’être envoyé retarder son retour pour étudier
en mission dans son pays”, nous avons ou être ordonné prêtre. Il pensait “rentrer
une description claire et précise de ce chez lui au printemps” pour être avant tout
que Dieu l’appelait à faire à ses yeux: un “missionnaire parmi les siens”. Être
accomplir des missions pour sensibiliser envoyé où le besoin s’en ferait sentir dans
ses compatriotes non-catholiques, des établissements catholiques, éparpillés
par le biais de l’Evangile. Il en fait état ça et là, dans le Sud et dans l’Ouest, c’est
en assurant au vicaire apostolique: ce qui arriva et prouva qu’il pourrait
“Puisque mon impossibilité de servir mes sortir de son domaine de compétences et
compatriotes, de la façon la plus efficace à de sa nature profonde.
I
mes yeux, n’amenuise pas mon désir de leur
être utile…” Depuis qu’il était au courant l n’y a pas de signes non plus
de la présence de catholiques indigents qui prouvent qu’il demandait ou
au sein de la communauté américaine, attendait un soutien matériel. Il
tout spécialement en Nouvelle- attendait seulement un don de livres
Angleterre, son but principal était de de théologie ou de piété qu’il pourrait
“devenir missionnaire parmi les siens”, utiliser et distribuer lors de ses travaux
leur apportant pour la première fois la missionnaires (ouvrages que le Révérend
vérité de la foi catholique. Il croyait que: Talbot a probablement envoyés pour
“l’ignorance … avait été la cause principale l’usage de Thayer).
de leur longue séparation de l’Eglise, et Ce sont là tous les points-clés dont il faut
non le manque de foi ou d’engagement se souvenir chaque fois que quelqu’un
car ils étaient candides et très sincères”. critique ce qui survint plus tard au Père
En conséquence de cela, il est anxieux Thayer dès son arrivée en Amérique,
mais n’a pas peur de débuter sa mission, en 1790, en tant que prêtre catholique
car “il s’attend à de grandes choses de leur ordonné. Ce qui importait vraiment à ce
part car ils ont tous les prédispositions stade, c’est ce à quoi il croyait être appelé
à recevoir la grâce divine.” Il n’était pas par Dieu alors que ce que l’évêque Carroll,
question alors de témoigner librement de fraîchement nommé, attendait de lui et
sa bonne volonté à un évêque américain, lui ordonnait de faire en tant que prêtre
de servir selon ses capacités, car il n’y en paroissial, serait tout le contraire, tout
avait pas encore. Le Père John Carroll particulièrement dans l’Amérique rurale
n’aurait pas été nommé une seconde fois ou désertique.
Merci Seigneur pour ce que tu permets sur cette terre, le pardon pour le
mal, Toi qui répands le bien et qui réponds par le bien au mal ! Essayons
de Te suivre sur ce chemin, et aucun mal ne sera fait au moindre des
tiens, de tes amis…
77
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R
L’auteur de cette lettre est originaire de Boston. Après avoir été prêcheur dans notre
secte hérétique pendant plus de deux ans, je suis venu en Europe pour assouvir
une grande soif de connaissances. Après avoir passé beaucoup de temps à Paris et à
Londres, je suis allé à Rome. Poussé par la curiosité de savoir tout ce qui se passait
dans cette ville, j’ai cherché des personnes capables de me brosser un portrait complet
de la foi catholique ; ce qui me plut tellement que, touché par la grâce du Tout-
puissant, j’ai embrassé cette foi de tout cœur et quoi qu’il m’en coûterait en ce bas-
monde. Embrasé par le désir ardent de partager ce bonheur avec d’autres, j’ai offert
mes services au Souverain Pontife afin d’être envoyé en mission dans mon pays. Le
Pape m’envoya chez son nonce à Paris qui pensait que mon cas causerait trop de
troubles alors que la plupart de mes amis, en France et à Rome, pensaient que ce
cas de figure ferait jurisprudence et ouvrirait la voie à cette mission. Quoiqu’il en
soit, ce n’est pas à moi de juger. Je me soumets donc au Pape comme au Christ.
Puisque mon impossibilité de servir mes compatriotes, de la façon la plus efficace à
mes yeux, n’amenuise pas mon désir de leur être utile, je pense rentrer chez moi au
printemps et être missionnaire parmi les miens. Cette lettre, que je vous adresse en
toute liberté chrétienne, a pour objet de vous prier ainsi que vos fidèles connaissances
de me procurer des controverses valables et d’autres livres qui dépeindraient
fidèlement notre doctrine, la vie des Saints, les meilleures traductions catholiques
de la Bible, avec tout autre livre exempt de préjugés et qui fasse avancer cette
grande tâche. Je suis certain que, vous aussi, vous désirez ardemment éclairer cette
région de l’Amérique (Nouvelle-Angleterre), qui fut, depuis sa création, l’un des
ennemis les plus fervents de la foi catholique. Je mets cela toutefois sur le compte de
l’ignorance car ils étaient candides et très sincères. Je m’attends à de grandes choses
de leur part car ils ont toutes les prédispositions à recevoir la grâce divine.
J’ai une grande confiance en Dieu bien qu’ils m’attendent peut-être avec des croix.
Mais la crucifixion précède toujours le couronnement. J’embarquerai au début du
printemps car je suis resté en Europe plus que de raison. Au regard du court délai
imparti, vous aurez la bonté de me répondre à cette lettre, à la première occasion,
par les mêmes voies d’où vous l’avez reçue.
John Thayer
78
Si les prêtres ne sont pas forcément des artistes, Dieu les utilise, par leur
esprit, par leurs mains, à mettre en évidence, sa parole. Le prêtre, le
véritable prêtre, celui qui a été appelé, celui qui a reconnu et accepté la
Croix, dans la peur et dans le doute, de ne pas être à la hauteur ; celui-là
sait intuitivement, qu’il va affiner ses sens et sa Foi, et qu’ainsi, il sera une
sorte de fil conducteur, un agent de liaison entre Dieu et les hommes. Et
plus il souffrira dans son âme et dans son corps, et plus il se rapprochera
du Christ, de Dieu, et par delà, des hommes”.
Extrait d’un article de Jean de Baulhoo, sociétaire des Ecrivains Catholiques.
A
créateur du séminaire catholique St. Mary
de Baltimore. Il rapporte en effet dans ses près sa conversion, une voix
lettres ce que John Thayer fit après son intérieure lui avait dit, comme à
départ de Rome, voici ce qu’il nous en celui que notre Seigneur venait de
dit: “Vous me demandez un détail de la tirer de la puissance du démon, selon ce
vie qu’a menée en France M. Thayer depuis qui est rapporté dans l’évangile de saint
son retour de Rome en 1783. Il m’est aisé de Marc 5, 19.
vous satisfaire, vous et beaucoup d’autres
personnes qui m’ont témoigné le même Et il conserva toujours ce sentiment dans
désir. Je vais le prendre au moment où finit son cœur; cette voix intérieure dirigea,
sa relation : ce sera l’histoire suivie de ce à chaque instant, toutes ses démarches
cher néophyte jusqu’au temps présent, en à partir du jour où il quitta l’Italie pour
attendant qu’il plaise à Dieu de nous faire retourner en France, où il avait déjà passé
connaître de plus en plus ses desseins sur quelques mois en tant que pasteur. A Paris,
lui, et d’ajouter aux merveilles de sa grâce, il chercha une maison où il put étudier la
que vous connaissez déjà, les nouveaux religion catholique en homme qui veut,
traits de prédilection qu’il lui réserve dans non seulement en faire profession, mais
ses trésors ; car s’il est permis d’augurer aussi l’enseigner aux autres.
79
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R
RETOUR EN FRANCE
LE COLLÈGE DE NAVARRE DE PARIS
80
Le Pape Pie VI
(Souverain Pontife
de 1775 à 1799)
81
U ne sorte de fièvre transparaissait
sur ses joues, l’émotion, l’autorité
de sa voix, l’amour de Dieu, faisait
resplendir en lui une lueur surnaturelle,
tout cela semblait miraculeusement réagir,
de plusieurs audiences et, qu’en plus de la
bénédiction qu’il lui avait accordée, le saint
Père lui avait fait présent de la nouvelle
médaille annuelle sur laquelle était gravé
son portrait. Le Père Nagot avait appris par
dans son ton, dans toute sa personne, ailleurs, par différentes lettres de Rome,
annonçant un profond recueillement de que plusieurs cardinaux lui avaient fait
l’esprit et du cœur, révélant ainsi à tous l’accueil le plus distingué. En revenant à sa
ceux qui l’approchaient que l’image de conduite au Collège de Navarre, il y avait
ce crucifix, qui dévorait son regard, était là-bas une confrérie de la sainte Vierge;
gravée dans son âme. Cette croix, il l’avait elle fut interrompue faute de fidèles. John
rapportée de Rome, elle lui était d’autant Thayer ne tarda pas à la faire revivre, au
plus chère et plus précieuse, qu’il l’avait grand contentement de tous ceux qui la
reçue de Sa Sainteté le Pape Pie VI ; sa fréquentèrent. Lors des assemblées, il
modestie lui a fait taire, dans ses échanges faisait une courte exhortation, tantôt sur
avec les étudiants, que le Pape l’avait honoré un sujet, tantôt sur un autre.
82
Le Collège de Navarre était l'établissement le plus
célèbre de l'Université de Paris, il a été fondé en
1304 par Jeanne de Navarre, le femme du Roi de
France Philippe IV le Bel. Le Collège de Tournai
a été rattaché au Collège de Navarre en 1636 et
celui de Boncourt en 1638. A la fin du XVIème
siècle, le Collège de Navarre a eu trois élèves
célèbres: Henri III, Henri IV et Henri de Guise,
au XVIIème; Richelieu et Bossuet et au XVIIIème;
Condorcet et André Chénier. Le Collège de Navarre
a été supprimé lors de la Révolution Française”.
O
beaucoup de difficulté, on l’écoutait et qui avaient mérité quelque punition.
toujours avec grand plaisir, tant sa rdinairement, il obtenait leur
simplicité pouvait toucher les cœurs grâce; plus d’une fois, les coupables
les plus tièdes. Le désir de gagner des en abusèrent. C’était surtout en
âmes à Dieu était sa grande passion. Son pareille circonstance qu’il brillait par sa
caractère naturellement liant, bien qu’il patience et sa charité. Il savait alors tirer le
semblât assez peu ouvert au premier bien du mal et changer les ingrats en amis
abord, gagna bientôt plusieurs étudiants devenus sensibles et reconnaissants. Ceux
du Collège. On le respectait autant qu’on qui avaient commencé par tromper son
l’aimait. Son regard “touchait le coeur” bon cœur et se jouer de lui, finissaient par
J
de sa simplicité, de son respect, de son rougir de leur supercherie.
authenticité et de son amour. John voulait amais on ne l’a vu donner les plus petits
les attirer vers Dieu, en leur offrant ses signes d’impatience. Tous, en un mot,
services, sollicitant particulièrement ceux les maîtres comme les étudiants
83
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R
L
lui portaient une estime jusqu’à la
vénération et le regardaient comme un e séminaire de Saint-Sulpice lui
modèle de toutes les vertus évangéliques. fut désigné en guise de nouvelle
A
demeure. Une fois les intentions de
u bout de quelques mois de Mgr. l’archevêque signifiées, il fut placé
patience, Monseigneur de Juigné, sous l’autorité du Père Charles Nagot qui
archevêque de Paris, lui accorda s’estima trop heureux de posséder pour
une bourse d’études, comme il était quelques années un sujet si précieux à
d’usage pour les nouveaux convertis. Il l’Église.
E
ne pouvait pas trouver plus de lumières
et d’excellents conseils que dans le t c’est ainsi que John Thayer
supérieur infiniment respectable qui entra au petit séminaire de Saint-
est à la tête de l’église de France. John Sulpice de la communauté des
Thayer ressentait l’appel ecclésiastique Robertins de l’impasse Féron, près de
et désirait se disposer aux saints ordres. l’église Saint-Sulpice, le 18 octobre 1784.
Monseigneur de Juigné lui fit observer, Le Père Charles Nagot était heureux à
et il fut le premier à l’admettre, qu’il ne l’idée de revoir M.Thayer dans sa maison
pouvait bien s’y préparer qu’en entrant mais craignait beaucoup que la vie de
au séminaire, pour y suivre pendant séminariste ne puisse convenir à son
quelques années les enseignements, et y tempérament accoutumé depuis tant
apprendre avec la science ecclésiastique, d’années à avoir beaucoup de liberté.
le langage de la piété sacerdotale et de la Cela en effet fut un peu difficile pour
théologie. John Thayer pendant quelque temps de
L
s’assujettir à la règle de la maison mais il
a divine providence, qui tenait lieu s’y conforma et donna ainsi un nouveau
à John Thayer, de père, de mère et mérite à sa vie de retraite. Il se l’imposa
de frère, seconda ses besoins tout lui-même, comme une pénitence qui lui
à propos. Elle lui avait déjà fait trouver servait à expier ses égarements et comme
tout cela au Collège de Navarre et à la une préparation nécessaire aux saints
communauté des Nouveaux Convertis. ordres. Si, pour des raisons particulières,
Combien de séminaires se seraient il était obligé d’y déroger quelquefois, ce
disputé l’avantage de devenir sa maison n’était jamais sans permission. Durant
paternelle ! Monseigneur Joseph Anne- tout le temps qu’il a été au séminaire,
Luc Ponte d’Abaret, évêque de Sarlat, personne n’a paru plus fidèle à en
se trouvait alors à Paris. Ce prélat, qui observer toutes les pratiques, ni plus
l’avait rencontré, le 14 septembre 1784, obéissant aux volontés de ses supérieurs;
au Calvaire pendant l’exaltation de la personne aussi ne s’y est montré plus
sainte Croix, fut d’avis qu’il ne fallait charitable envers ses frères. Se regardant
pas tarder à entrer au séminaire. Il en comme le dernier de tous, en reprenant
discuta avec Monseigneur de Juigné, l’expression de saint Paul: “comme un
l’archevêque de Paris et Monseigneur le avorton dans la communauté”, il aimait
Nonce apostolique, qui, connaissant John à servir les autres. Se levant tous les
Thayer, furent tous du même sentiment. jours à quatre heures et demie, il a
84
Monseigneur Joseph Anne-Luc PONTE D'ALBARET,
Évêque de Sarlat de 1778-1790”
85
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R
D
pas devoir le lui permettre. Lui faisant
urant la rigueur exceptionnelle remarquer que cette conduite qui, dans
de l’hiver épouvantable 1783- d’autres temps, aurait pu être fort louable,
1784, comme pour témoigner de ne le serait pas aujourd’hui, et aurait
sa reconnaissance même plus d’un
envers saint Benoît- danger. Il se rendit
Joseph Labre, John aux raisons du
étudiait sans feu. Il Père Nagot, et
n’est guère possible n’insista plus sur
de porter plus ce point ; mais
loin la vertu de la sans mendier, il
pauvreté : elle n’a n’en observa pas
jamais été jusqu’à la moins la pauvreté
malpropreté ; mais évangélique,et
tout au plus a-t- conserva de cette
il consenti à ne pas manquer du plus vertu tout ce qu’il pouvait en retenir,
rigoureux nécessaire. hormis l’état de mendicité.
D
Tous les vendredis de l’année ont été
pour lui jours de jeûne ; une soupe avec ans toutes ses courses, il marchait
du pain et de l’eau, constituait tout son toujours seul pour méditer et
repas, et il a toujours servi ces jours-là au prier en voyageant. Jamais il
réfectoire pendant le dîner et le souper. n’a manqué en route de communier.
Il n’a jamais interrompu la pratique de Plusieurs fois en traversant un quelconque
la communion quotidienne qu’il avait village, on lui a refusé la communion, le
rapportée de Rome. Des centaines de prenant pour un aventurier. Mais John se
fois, on eut lieu d’admirer combien il contentait alors de prolonger son oraison
était touché de la grâce que Dieu lui avait et sa marche, jusqu’à ce qu’il eût trouvé
faite en le rappelant à la foi de ses pères. un village où l’on voulut bien lui accorder
Je bénis le Seigneur, et le bénirai toute le pain sacré qui faisait son principal
ma vie, de ce qu’il a daigné choisir notre délassement ; car il a fait tous ses voyages
séminaire pour préparer au service de à pied. Passant en Normandie, il se
son Église cette lampe vraiment ardente présenta dans un couvent de la campagne
et luisante. Avant de porter au loin la normande, occupé par de saintes
lumière, il a brillé ici par ses œuvres. C’est religieuses ; il espérait une réception un
une sorte de mission domestique et cachée, peu différente de celle qu’on lui fit. Il leur
qui a produit beaucoup de fruits que Dieu demanda s’il pouvait y entendre la Messe
seul connaît ; car je ne puis vous dire tout. et communier.
86
Paris, Église Saint-Sulpice, vers 1700.
O
d’excuse et de regret pour avoir failli à la
n ne crut pas devoir se rendre plus élémentaire loi sur la charité.
à ses désirs. Ce fut une petite
L
épreuve qui n’altéra nullement la
tranquillité de son âme. Il fut obligé de e 1er mai 1787, John écrivit du
faire plusieurs lieues pour trouver enfin petit séminaire de Saint-Sulpice à
ce qu’il souhaitait. Il était fort tard quand son frère Nathaniel, à Boston, une
il eut le bonheur d’arriver à une paroisse longue lettre polémique, pour répondre
où il y avait encore une messe à dire. Il aux observations et objections que celui-
l’entendit et y communia. Cinq ou six ci lui avait adressées contre sa conversion.
87
Archevêque de Paris, Duc de Saint-Cloud et Pair de France.
88
Le Père jésuite, François-Charles Nagot, qui était en 1784 le
Supérieur du petit séminaire Saint-Sulpice de Paris, nous
rapporte dans ses lettres que, sur la recommandation auprès du
Nonce apostolique de Monseigneur Leclerc de Juigné, Archevêque
de Paris et de Monseigneur Ponte d’Albaret, évêque de Sarlat,
une bourse et son droit d’entrée au petit séminaire Saint-Sulpice
furent accordés, le 18 octobre 1784,à Monsieur John Thayer, après
discussion et en toute unanimité.
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90
91
92 Amettes la maison natale de saint Benoît-Joseph Labre
Ce que le texte du récit de sa conversion ne dit pas, c’est qu’après être devenu
catholique, John Thayer fit le pèlerinage d’Amettes. On le sait d’après une
note très courte que François Crépin a retrouvée dans les dernières pages
d’un registre intitulé « Seigneurie, terre, château et baillage de Lières ».
Elle fut rédigée par un certain Louis Tilloy, le greffier de l’époque (1786).
Pour mémoire, Lières est un village d’Artois tout proche d’Amettes (environ
4 km). Voici cette note du registre de la paroisse dont l’orthographe a été
respectée mot pour mot:
« Le 14 septembre 1786, Jean Tayer qui étoit un prédican de Boston en
Amérique, est venu à Lières. Il avoit fait abjuration de ses erreurs à Rome
peu de jours après la mort de Benoît-Joseph Labre. Il étudie à Paris pour
se faire ordonner prêtre catholique : il est âgé d’environ 25 ans. »
95
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S
quartiers, mais du fait de son amour de la ville.
pour les pauvres, de par la grâce reçue on premier soin fut d’y rassembler
du pèlerin Benoît-Joseph Labre, il choisit les enfants qu’il trouva dans un
de loger, non loin de Borough-road dans manque total d’instruction. Les
l’arrondissement de Saint Georges Fields, catholiques y étaient en assez grand
quartier de Londres, qui était habité par nombre et le Père John Thayer devint
ceux-là mêmes qui avaient le plus besoin en quelque sorte le curé du lieu.
96
Tous les dimanches et fêtes, il se rendait à Rome sur le tombeau de celui qui faisait
dans un endroit qui, par sa situation, vibrer son cœur et son âme de cet amour
sa simplicité et son obscurité rappelait qui était sa règle de conduite.
S
assez le souvenir des lieux souterrains
des catacombes où se réunissaient les on logement était l’image de la
chrétiens des tous débuts de l’Eglise. C’était pauvreté. Jamais il ne fit de feu durant
une ancienne manufacture de fabrication tout l’hiver, et cette année-là, l’hiver
d’épingles métalliques désaffectée, que les fut très rude. Sa nourriture ressemblait à
catholiques de l’endroit avaient réparée, à tout le reste. Du pain et de l’eau avec un peu
frais communs pour en faire leur église; et de légumes, tel était son repas ordinaire.
ce fut le lieu principal où le Père John Thayer Lorsqu’on lui témoignait de la surprise sur
exerça son premier ministère apostolique. la vie dure qu’il menait, ou qu’on lui faisait
L’assemblée dominicale était composée à cet égard quelques représentations, sa
ordinairement de deux cent cinquante réponse était : “Que voulez-vous, nous ne
fidèles. Le Père John y célébrait la Sainte sommes pas meilleurs que notre maître”.
L
Messe et les vêpres, prêchait et instruisait
deux fois le jour et quelquefois plus. Trois e Père John s’était fait un principe
jours de la semaine étaient destinés à la de vie, celui de n’accepter aucune
confession. Il lui est arrivé souvent d’être invitation à dîner ou à souper en
encore au confessionnal jusque très tard ville. Il n’y dérogea pas une seule fois.
dans la nuit. La douceur et l’amabilité Une des raisons qu’il alléguait, lorsque
dont il accompagnait son sacerdoce, sa de riches personnes l’invitaient, était
patience infatigable, son ardent amour la crainte de perdre du temps, qu’il
pour Dieu et sa tendre charité pour tous était désireux de consacrer à la gloire
lui gagnèrent rapidement l’estime des de Dieu et au service du prochain.
paroissiens. La plupart étaient de pauvres Jamais personne n’a été plus avare de ses
Irlandais catholiques. Le charisme du moments. Il partageait sa journée entre la
Père John se communiquait tellement à méditation, la prière, l’étude et les travaux
ses fidèles, que, chaque jour, arrivaient de du ministère. Il se levait régulièrement à
nouvelles personnes. “Allez, allez voir le quatre heures et demie; après son lever, il
Père John Thayer”, disaient les pécheurs ou faisait son oraison, récitait le saint office
les incroyants qu’il avait convertis. A tous et étudiait jusqu’à huit heures, temps où il
ceux qui espéraient un retour vers Dieu, avait coutume de célébrer la sainte messe.
certains disaient: “Vous ne l’aurez pas vu et Deux morceaux de pain et un verre d’eau
entendu une fois, que vous l’aimerez comme faisaient son déjeuner, après lequel il allait
votre père et le respecterez comme un ange ou exhorter les pécheurs, ou visiter les
venu du ciel”. malades, ou faire quelque autre œuvre
L
de bien. La frugalité de ses repas était
e changement que le Père John extrême; il les prenait pendant la lecture
Thayer opéra dans la croyance et sainte qu’il écoutait en silence. A peine
les mœurs d’un grand nombre, sorti de table, il reprenait ses œuvres
par ses exhortations, soit publiques, soit de charité, ou donnait parfois quelque
privées, tenait vraiment du prodige. Il instant pour converser avec quelques amis
eut la consolation de ramener trente- vertueux, parlant toujours d’un langage
six personnes non croyantes dans le sein inspiré de l’esprit de Dieu. Le Père John
de l’Eglise catholique. Et bien d’autres savait toutefois assaisonner de temps en
conversions encore... temps ses entretiens de traits d’humour,
Un vrai apôtre est toujours un modèle ou de bons mots que lui suggérait la gaîté
de pénitence. Le Père Thayer était trop de son caractère; c’était ce même caractère
convaincu de cette vérité qu’il avait reçue qu’on avait remarqué en lui à Paris.
97
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I
tomba l’aventure. L’Anglais, soupçonnant
l n’avait rien de plus à cœur que de qu’il était prêtre, lui adressa la parole avec
donner une existence stable aux deux véhémence, et joignant le geste à la parole
écoles qu’il avait formées l’année se mit à frapper le Père en lui criant “Fais
précédente. Durant son dernier séjour à pénitence de tes péchés et renonce à ta
Londres, il augmenta beaucoup le nombre magie”.
L
des élèves. Il lui fallait des secours; mais
la divine Providence lui faisait trouver e Père Thayer le regarda avec bonté,
des ressources nécessaires dans la charité puis lui demanda avec douceur,
des dons donnés par de riches personnes, les raisons qui l’avaient poussé à
auprès de qui il allait plaider la cause des agir ainsi. Le jeune homme, prenant un
pauvres enfants qu’il voyait abandonnés; ton plus calme, lui demanda de le suivre
et, pour rendre son œuvre durable, voici dans sa maison. Celui-ci l’accompagna.
une solution que lui suggéra son charisme. Arrivé chez lui, l’aventurier se disait
Quelques jours avant son départ, il invita disciple d’un prophète : son maître ne
un certain nombre de catholiques à se se trouvait pas alors dans son domicile.
rendre dans une maison de campagne Aucune importance, le Père Thayer lui dit
qui n’était pas éloignée de la ville, pour qu’il aimerait avoir une entrevue avec ce
y dîner tous ensemble. On n’eut pas de prophète et le quitta par ses mots : “Priez-
peine à trouver des convives. La petite le de venir me voir”. Quelques instants
société fut composée de tout milieu social, plus tard, le prophète parut, le Père
tout à fait au gré du Père John Thayer. Le Thayer ne lui révéla pas qu’il était prêtre
repas se fit avec la frugalité convenable catholique. Ils discutèrent de religion. Un
à des chrétiens que la charité réunit à la des premiers propos du prophète fut qu’il
même table. Comme l’innocent festin se disait touché par la grâce comme saint
n’était qu’une préparation à une œuvre Paul. Il ajouta que, lui seul, avait sur la
sainte, dès qu’il fut fini, M. Thayer fit, à la terre le pouvoir de pardonner les péchés,
compagnie, une exhortation familière sur que le Saint-Esprit agissait en lui d’une
l’importance et la nécessité de l’instruction manière toute particulière, en lui inspirant
des pauvres. Elle fut suivie d’un autre de saints gémissements qu’il ne faisait pas
discours prononcé par un enfant de éprouver à d’autres. Il en exprima plusieurs
l’une des écoles du Père John. Il proposa et conclut en demandant au Père Thayer
ensuite le plan d’un établissement durable s’il pouvait faire et dire les mêmes choses
et permanent et leur demanda pour cela que lui. « Je vous avouerai, lui répondit le
de mettre en place une souscription afin Père Thayer, que jamais je n’ai entendu de
d’en récolter les fonds nécessaires à sa pareils gémissements, mais je voudrais
98
Londres, le faubourg populaire de Borough-High-street, Southwark”.
99
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savoir quel est votre Credo et connaître les fit sa profession de foi catholique
dogmes dont vous faites profession. » entre les mains du Père Thayer, le 24
Pour toute réponse, le prophète s’excusa, octobre 1788. Ce fut une des dernières
ne pouvant lui répondre car prétextant que conversions dont le Père John a été
sa révélation n’était pas encore achevée. Ils l’instrument avant de quitter Londres.
se quittèrent donc en se promettant de Tout prêtre catholique qu’était John Thayer,
se revoir. Le Père John Thayer ne tarda plusieurs pasteurs protestants le voyaient
pas à le revoir. Après avoir conversé avec souvent; ils s’entretenaient toujours avec
lui quelque temps, lui laissant toujours lui sur des motifs de foi, dans un esprit de
ignorer sa religion, le Père décida de modération et de paix, parce qu’il savait
révéler qui il était et déclara enfin qu’il les gagner par sa douceur, et s’en faire des
était prêtre catholique; et qu’il ne voyait amis. Parmi ceux dont on lui parla, il y
pas de divine vérité dans ses propos de avait un dénommé Wincheiter, pasteur
prétendu prophète. Il tenta même de protestant, né comme lui en Amérique,
le ramener à d’autres visions cherchant et l’on disait de lui qu’il était un homme
à le persuader de la vérité de la foi en avec beaucoup d’esprit. Il avait été élevé
Dieu, le faux prophète demeura dans et instruit par un pasteur américain, dont
l’aveuglement sourd aux exhortations la doctrine disait : « Dieu, quelque temps
que lui adressait le Père Thayer. Le jeune après la fin du monde, sauvera les âmes
Anglais, disciple du soi-disant prophète, de l’enfer ». Wincheiter renchérissait sur
était présent. Il confessa son erreur, et son maître et prétendait que les démons
dès lors, le Père John fut maître du jeune eux-mêmes verraient aussi la fin de leurs
homme et il entreprit de l’instruire à tourments.
C
fond de la foi catholique. Le cœur étant
rendu, il lui fallait achever en lui l’œuvre omme le Père Thayer connaissait
de la grâce, et le rendre capable d’abjurer. en Amérique plusieurs parents
Quand le Père Thayer eut bien instruit de ce pasteur protestant, il
son néophyte, celui-ci retourna chez son rendit visite au pasteur Wincheiter en
premier maître, et après lui avoir exposé qualité de compatriote, sans lui révéler
les différents points de la foi catholique, qu’il était prêtre catholique. Après les
il lui demanda ce qu’il en pensait. Chose usages et compliments ordinaires, il lui
bien remarquable, le prophète, loin de demanda qu’il aimerait bien entendre
contester et de le contredire, le confirme son raisonnement sur ce qu’il enseignait
dans les sentiments dont il venait au sujet de ce qu’il disait des âmes
d’entendre l’exposé, jusqu’à lui fournir de condamnées au supplice de l’enfer.
solides arguments en faveur des dogmes Un des plus forts arguments du pasteur
de l’Eglise romaine. Il insista en particulier fut de l’entretenir sur l’autorité du grand
sur le pouvoir que le Seigneur avait laissé Origène (c’était son expression), qu’il avait
à son église, celui de remettre les péchés, soutenue dans le second siècle. « Cette
soutenant qu’après lui, c’était à elle qu’il doctrine, observa-t-il, a été longtemps
fallait s’adresser pour l’obtenir car il se obscurcie, et, depuis l’époque fatale de la
disait lui-même au-dessus de tout, et se nuit papistique, elle est demeurée comme
regardait comme revêtu de la puissance ensevelie dans les plus épaisses ténèbres;
principale. mais la nouvelle réforme a commencé
P
enfin à la remettre sous la lumière, et
our cette fois, ce nouveau Balaam peu à peu vous la verrez, dit-il, reprendre
prophétisa si bien, que son ancien son premier éclat.» le Père John Thayer,
disciple ne voulut plus l’être, et le laissant toujours ignorer qu’il était
s’attacha désormais uniquement aux catholique, après l’avoir laissé parler,
paroles de l’évangile que lui avait révélé sans témoigner ni mécontentement ni
le Père John Thayer. Ce jeune Anglais
10 0
L
surprise, parla à son tour, et discuta avec
beaucoup de tranquillité. Le ministre orsque le Père Thayer lui fit son
l’écouta avec intérêt et dans le plus grand adieu, il lui avoua que depuis qu’il
calme. Loin de marquer du mépris pour avait commencé ses lectures, il
les raisonnements qu’il venait d’entendre, croyait davantage aux miracles qui y
il parut estimer celui qui venait de sont rapportés, ajoutant qu’il ne pouvait
conférer avec lui. L’entretien se termina se défendre d’un grand sentiment de
donc par une promesse de se revoir. Les respect pour la religion catholique, et
visites furent fréquentes, et Wincheiter il en donna une preuve éclatante. Peu
témoignait toujours beaucoup d’amitié au de jours avant le départ pour les Etats-
Père, dont il ne paraissait pas soupçonner Unis du Père Thayer, Wincheiter voulut
la religion. Chaque fois, c’était de nouvelles assister à une confirmation. Il s’y rendit
déclamations contre les papistes. Le avec lui, accompagné de sa femme; et,
préjugé alla jusqu’à lui faire dire que après la cérémonie, il se jeta aux pieds de
jamais il n’aurait le courage, et ne pourrait l’évêque catholique en lui demandant sa
pas même dormir dans une maison bénédiction. Enfin, le Père John Thayer,
habitée par des catholiques. « Pour moi, ayant reçu d’Amérique des nouvelles
lui répartit le Père Thayer, toujours avec telles qu’il les attendait depuis longtemps,
la même douceur, je ne vous dissimulerai fit ses adieux à son cher troupeau de
pas que je n’en ai pas une opinion tout à Londres. Le lieu ordinaire de l’assemblée,
fait si désavantageuse. J’en ai fréquenté qui était toujours bien rempli lors de ses
beaucoup, j’ai lu beaucoup de leurs auteurs, prêches, ne put contenir que la moitié de
je m’attendais à trouver chez eux mille ceux qui vinrent l’entendre à son dernier
absurdités; leur doctrine, au contraire, m’a discours. Il avait autant d’auditeurs au
paru fort raisonnable. » Le pasteur allégua dehors qu’au dedans. Il eut à peine ouvert
tout ce qui put lui venir à l’esprit de plus la bouche pour leur annoncer la nécessité
favorable à la sienne, prit avec chaleur la où il était de prendre congé d’eux, et leur
défense de la réforme, et n’épargna pas les témoigner la douleur que lui causait
injures contre l’Eglise romaine. Après lui cette séparation, que tous fondirent en
avoir donné tout le temps de s’expliquer, larmes. Le Père leur rappela en peu de
le Père Thayer ne voulut pas garder plus mots les leçons les plus importantes qu’il
longtemps le silence sur lui, et lui dit en leur avait données pendant sa mission, et
souriant : « Eh bien ! C’est à un prêtre insista particulièrement sur les desseins
catholique que vous parlez, mon cher de la miséricorde divine dans l’œuvre
Pasteur ». Cette parole le frappa et le de sa propre conversion: “Qui sait, leur
déconcerta et il n’osa plus ouvrir la bouche. dit-il en substance, si ce n’est pas pour
Il repensa à ce torrent d’injures qui était votre salut que la bonté divine a daigné
sorti de sa bouche contre les papes et m’éclairer, et que la main du Seigneur m’a
les papistes, et à la douceur inaltérable conduit au milieu de vous ? Peut-être la
qu’avait montrée son adversaire toutes les Providence ne m’a-t-elle retiré de l’erreur
fois qu’ils avaient conféré ensemble. Cette que pour m’ordonner de venir porter ici le
réflexion l’ébranla davantage que tous les flambeau de la foi à plusieurs. Travailler
autres arguments et, il ne fut plus jamais le à vaincre l’endurcissement de quelques-
même homme à partir de ce jour. Le Père uns et ranimer la piété toute languissante
Thayer le laissa mais lui procura beaucoup des autres. Peut-être les instructions que
d’excellents livres où il pourrait étudier je vous ai faites sont-elles le dernier rayon
et reconnaître par ses propres yeux la foi de grâce que le ciel vous a réservé; et qu’il
dont les catholiques font profession. Entre sera terrible le compte que Jésus-Christ
ces différents ouvrages, celui qui l’a touché vous en demandera au dernier jour ! Car
le plus, c’est la lecture de la Vie des saints. nous paraîtrons, vous et moi, au tribunal
101
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R
de ce grand juge : moi, pour répondre de de délai pour se mettre entre ses mains
l’usage que j’ai l’ait de la grâce du saint et exécuter enfin le projet de conversion
ministère, en vous enseignant, en vous qu’ils formaient bien sincèrement. C’était
exhortant en son nom; et vous, pour un spectacle qui retraçait celui des fidèles
répondre sur les fruits que vous en aurez de Milet et d’Ephèse, se jetant au cou de
I
retirés”. saint Paul, et l’embrassant les larmes aux
l termina sa prédication en leur yeux, lorsqu’il les quitta pour se rendre à
recommandant, avec beaucoup Jérusalem. Mais Dieu appelait son prêtre
d’insistance, de ne pas oublier dans une autre terre; et, quoiqu’il lui en
d’invoquer les saints, de prier pour leurs coûtât infiniment pour s’arracher à ses
frères et sœurs défunts, une tendre piété amis et à tous ceux de son cher troupeau
pour les saints anges et une fervente qu’il chérissait comme une mère chérit
dévotion à la mère de Dieu. Ce dernier ses enfants, il leur dit le dernier adieu.
discours produisit beaucoup de fruits. Jamais séparation ne fut plus pénible de
On marquait le plus grand empressement part et d’autre, il ne s’en consola que dans
à le voir encore une fois, lui demander la confiance où il était en digne ouvrier au
sa bénédiction et se confesser à lui. service du Seigneur qui les abandonnait
Plusieurs auraient voulu le retenir encore et leur donnerait tous ses soins.
et venaient lui demander quelques jours
10 2
Photos de la vierge à l’entrée du Séminaire de Saint-Sulpice (Issy-les-Moulineaux) 103
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10 4
105
Le Père John Thayer arrive à Paris le 18 juin 1789, en pleine tourmente
révolutionnaire; dans la capitale, depuis la veille, 17 juin, les députés du Tiers
état se proclament Assemblée nationale constituante soutenue par le Jacobin
Mirabeau, surnommé l’orateur du peuple. Ils s’octroient le vote de l’impôt,
bravant ainsi l’autorité du Roi Louis XVI. Le 20 juin 1789, ce sera le Serment
du Jeu de Paume, symbole du combat pour la souveraineté populaire et, partout
dans la capitale, le peuple vocifère qu’un complot des nobles pour affamer le
peuple est en marche, le tout repris en coeur par le club jacobin. Dans les rues,
la rumeur circule que le Roi veut faire avorter les Etats Généraux. La tension
monte chaque semaine un peu plus car le Roi masse sans cesse des troupes et
dans la capitale et alentour (30 000 hommes de troupes); à partir du 22 juin
1789, il est décidé à intervenir. Il veut commencer par écraser militairement la
mobilisation du Tiers état à Paris et sa région vers le 13 juillet. De nombreux
régiments sont appelés des frontières et diverses garnisons pour réaliser ce coup
de force...
Dans ce récit de la vie du Père John Thayer, j’ai essayé de reconstituer ce qu’il
aurait pu entendre dire sur ces événements dans la capitale pendant son séjour,
sans en altérer bien entendu le contenu historique.
10 6
4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R
107
et ils me semble qu’ils sont déjà aux portes et d’y attendre le moment de son
de la capitale.” Le Père Emery et lui-même embarquement.”
devaient suivre de très près et avec lucidité Sans attendre, dès le lendemain, John Thayer
tous les événements qui se produisaient à écoutant les conseils du Père Nagot, prit la
Paris à cette époque. Dans les rues circulait décision de régler rapidement les formalités
une rumeur annoncant une révolte dans le pour embarquer à Nantes. C’est dans cette
Brabant et faisant état de troupes envoyées ville que l’on équipait plusieurs bâtiments, en
par l’empereur Joseph II; apparemment les partance pour Boston ou pour quelque autre
soldats occupaient Bruxelles. ville des Etats-Unis. C’est donc au séminaire
La misère est partout considérable et qu’il attendit le moment du départ.
n’épargne personne. Le peuple a faim et des L’Abbé John Thayer se mit en route le 8
émeutes éclatent un peu partout. L’hiver juillet 1789, faisant un adieu attristé au
1788-1789 fut particulièrement froid, la Père Charles Nagot, quittant Paris, où
France grelotte; nombreux sont ceux que s’étaient massées à la demande du roi,
l’on retrouve morts de faim et de froid un d’importantes troupes du régiment suisse.
peu partout, parfois même à deux pas de John prit le chemin d’Orléans et de Tours,
leur maison, quand ils en ont une... afin de visiter le tombeau de saint Martin
Le Père John décida de rester au séminaire
10 8
Il y a une pensée qui arrête la
pensée, et c’est à celle là qu’il
faut faire obstacle. C’est le mal
suprême contre lequel toute
autorité religieuse a lutté. Ce mal
n’apparaît qu’à la fin d’époques
décadentes comme la nôtre...
1789
RETOUR EN AMÉRIQUE
11 0
Mais Dieu appelait son prêtre dans une autre
terre, et quoiqu’il lui en coûtât infiniment
pour s’arracher à son cher troupeau, il leur dit
le dernier adieu... - John Thayer -
111
“Il faut se souvenir que d’aucuns critiquèrent ce qui
survint au Père John Thayer à son arrivée en Amérique
le 4 Janvier 1790 en tant que prêtre catholique ordonné.
Ce qui entrait vraiment en vigueur à ce stade, c’est ce à
quoi il croyait être appelé par Dieu alors que ce que Mgr
l’évêque John Carroll, fraîchement nommé, attendrait de
lui et lui ordonnerait de faire serait tout le contraire .”
Marcus Grodi
11 2
BOSTON
4 Janvier 1790
113
était protestant. Le capitaine n’est certes
pas décidé, comme le second, à embrasser
la religion catholique; mais il pense très
sérieusement au parti qu’il doit prendre.
Quant aux matelots, ils m’ont écouté mais
c’est tout ce que j’ai pu obtenir d’eux: ils sont
trop livrés à leur sens pour oser goûter aux
E
maximes de l’évangile.
n arrivant à Baltimore (ville du
nord-est des États-Unis située dans
l’État du Maryland), je vais partir
avec le Père John Caroll qui vient d’être élu
évêque des nouveaux États. De là, nous
nous rendrons à Philadelphie, et enfin, je
me rendrai à Boston. Je vous informerai
de ce qui pourra le plus vous intéresser une
fois arrivé.
Q
romaine a été assemblée en 1784, parmi
elques mois après son départ vers les quelques Français et Irlandais alors
Boston, le Père Charles Nagot en petit nombre et résidant dans la ville;
reçut enfin les nouvelles tant l’abbé Claude Florent Bouchard de la
attendues du Père John Thayer: elles Poterie, né en France, prêtre, docteur en
étaient datées du 12 février 1790, jour où théologie et missionnaire apostolique
il fait part de sa traversée: - “ Me voici, cher arriva à Boston l’été 1788 comme
Père, enfin arrivé à Baltimore, et ceci après aumônier de la marine française. En
onze semaines de navigation. Traversée l’an 1788, en remontant la rue des écoles
qui fût fort pénible. Nous avons eu des (School Street) au n° 18 vers Tremont, il
vents affreux et essuyé les plus terribles y avait une petite église des Huguenots
tempêtes. Au vingtième jour, nous étions français de Boston. C’était l’église des
encore dans la baie de Biscaye. Mis à part Sieurs Faneuil, Baudoin, Boutineau,
les trois premiers jours, je n’ai presque pas Sigourney et Johonnot ; leurs lignées
éprouvé le mal de mer et ceci malgré les ne sont pas tout à fait éteintes même si
mouvements violents du vaisseau”. l’orthographe des noms a changé pour
“D
certains. L’église avait été construite en
ieu m’a fait la grâce de pouvoir briques, aux alentours de 1704 ; elle
dire la messe chaque jour: ce qui était très petite et la ville s’était opposée
m’a consolé de la longueur et de pendant longtemps à sa construction.
la difficulté du voyage . Avant cela, les Français avaient occupé
Le capitaine et le lieutenant de bord furent l’un des bâtiments scolaires. Et la reine
très serviables avec moi; je n’ai pas entendu Anne avait offert une grande bible in-
une seule parole licencieuse de leur bouche folio à cette église qui devint plus tard
et j’ai pu m’entretenir très souvent avec la propriété du Rev. Mather Byles et
eux de religion bien que chacun d’eux
11 4
5 RETOUR À BOSTON
L
entrepôt dans la King Street. du comportement étrange du Père
e Rev. Pierre Daillé en fut le Claude de la Poterie. Alors, afin d’aider
premier pasteur, il décéda en 1715 à l’établissement de cette communauté,
et un certain Rev. Le Mercier lui des souscriptions ont été reçues en
succéda. Un incident singulier conduisit provenance du Canada, et l’archevêque de
à la découverte de la pierre tombale de Paris, en réponse à un appel de la petite
Daillé. Lors de travaux d’excavation dans colonie française à Boston, il envoya
l’immeuble Emmons sur la Pleasant des vêtements liturgiques et du mobilier
Street, des ouvriers découvrirent la pierre pour l’autel. Il a également averti Mgr
qui recélait l’inscription suivante … Carroll que l’Abbé de la Poterie était un
prêtre indigne de sa charge. Sa conduite à
Boston le prouva par la suite, et le préfet
Here Iyes ye body of ye apostolique, voyant qu’il avait été installé
Reverend Mr. Peter comme pasteur de la communauté, a
Daille minister of ye envoyé le révérend William O’Brien, OP,
de New York à Boston pour suspendre de
French church in la Poterie. S’ensuivit un violent pamphlet,
Boston died the imprimé à Philadelphie (1789), intitulé:
21 of May 1715 “ To the new Laurent Ricci in America,
In the 67 year the Rev. fr. John Carroll, Superior of the
Of his sage. Jesuits in the United States, also to the
Friar-Monk-Inquisitor, William O’Brien.”
L’Abbé de la Poterie s’y représente comme
Après la dissolution de la société, l’église victime de leurs ruses. Entre-temps,
française tomba aux mains de la 11ème il fut l’objet d’une enquête auprès de
« Congregational Society » qui surgit lors l’autorité religieuse du fait de ses propos
A
de la grande effervescence provoquée inacceptables.
par l’arrivée de Whitefield. Mr. Croswell yant grandement endetté l’église
en fut le pasteur; il mourut en 1785 et de Boston, il ne pouvait espérer
le bâtiment fut acheté et transmis aux l’indulgence de sa hiérarchie,
catholiques romains par l’Abbé Claude surtout après s’être aliéné le Père John
de la Poterie qui en obtint la concession. Carroll, supérieur de la mission des États-
Elle fut ouverte le jour de la Toussaint, Unis d’Amérique qui résidait à Baltimore
et l’Abbé de la Poterie y célébra le 22 avec son pamphlet que l’Abbé de la Poterie
novembre 1788 la première messe avait édité et vendu deux schillings l’édition,
catholique célébrée à Boston. Le rapport où il éclaboussait aussi le consul de France
de la célébration de la première messe à Boston. Sa situation s’aggrava lorsqu’on
à cette date peut être lu dans le “Boston apprit par le biais de Mgr de Juigné,
Chronicle Independent” du 6 novembre archevêque de Paris, et d’autres sources
1788. venant alourdir les chefs d’accusation, que
L
son ministère n’était pas digne de par sa
a chapelle fut placée sous le conduite inappropriée, et apparemment
patronage de la Sainte-Croix du immorale… On apprit également qu’il
fait que l’Abbé de la Poterie qui la avait déserté la marine française et qu’il
desservait y avait installé une relique utilisait un titre de noblesse (de la Poterie)
qu’il avait ramenée de France, celle de la qu’il n’avait pas le droit de porter. Il fut
Sainte Croix. reconnu comme personnage « déviant »
115
5 RETOUR À BOSTON
L
essayé sans succès de créer la division
et la zizanie dans la petite communauté e Père de la Poterie rentra à Boston,
catholique, quitta Boston le 8 juillet 1789 vers cette période de décembre
et partit, via New-York, en direction de 1789 et, en dépit de ses suspensions
la ville de Québec pour y reprendre son en France et aux Etats-Unis, il insista
ministère sacerdotal mais les instances pour participer activement aux services
religieuses du Canada le refusèrent. de la veille de Noël, instaurant ainsi une
A
confrontation des prêtres catholiques
Boston, afin de rétablir une avec l’autorité de l’église et du Père John
présence catholique, le Père Carroll Carroll, ce qui suscita l’étonnement de la
demanda de nouveau au Père Louis communauté catholique de la ville.
Dieu m’a fait la grâce de pouvoir dire la messe chaque jour: ce qui m’a consolé
de la longueur et de la difficulté du voyage. Le capitaine et le lieutenant de bord
furent très serviables avec moi; je n’ai pas entendu une seule parole licencieuse de
leur bouche et j’ai pu m’entretenir très souvent avec eux de religion bien que chacun
d’eux était protestant”. John Thayer
11 6
117
11 8
119
U ne seconde lettre du Père John
Thayer, datée de Boston, le 17
juillet 1790, est parvenue au Père
Charles Nagot fin septembre 1790. En
voici la transcription: “Je suis arrivé,
pasteur protestant de Salem :
L
foule pour m’entendre.” également à plusieurs de ces familles de
’arrivée du Père John Thayer se rassembler et ce, à plusieurs reprises,
comme prêtre de l’église catholique pour dire des prières selon leur culte
romaine dans la ville de Boston, sa catholique, mais ils n’étaient autorisés
présence et son indéniable zèle ont fait en aucun cas à y tenir des services
augmenter immédiatement la taille et religieux publics fréquentés par un
le niveau d’activité de la communauté prêtre catholique. En 1895, James s.
catholique de Boston. De plus en plus Sullivan, dans un livre « The Catholic
d’Irlandais fréquentèrent l’église et Church of New England Archidiocese of
firent baptiser leurs enfants et quelques Boston » nous révèle :
protestants furent captivés à cause de « Il n’y a aucun doute que si les Acadiens
l’histoire du Père Thayer en Nouvelle- avaient abandonné leur foi catholique
Angleterre. Dans ses sermons, il révéla pour devenir protestants, ils auraient reçu
son grand talent de polémiste persuasif, la bonne volonté de toute l’assistance du
mais sans un certain tact. Il imprima peuple de Salem », mais préférant rester
des tracts, des articles dans les journaux fidèle à leurs convictions, ils restèrent
consacrés à la défense de l’Église des citoyens « indésirables ».
catholique et à ses enseignements.
Il fit tellement sensation parmi le Ce sentiment à leur égard a finalement
peuple, que même au-delà des limites abouti à ce que la population protestante
de Boston, nous en retrouvons la trace de Salem attendît d’eux ; environ la moitié
comme on peut le voir dans la note des Acadiens partirent pour le Canada en
suivante du Rev. William Bentley, 1766. Cependant, quelques-uns sont restés
12 0
5 RETOUR À BOSTON
Mais le pauvre, assoiffé d’amour, celui qui espère, viendra vers toi les mains jointes,
le malade et le boiteux viendront vers toi. Le prêcheur, les parents dont les enfants
sont perdus et apeurés ; mon ami qui boit pour oublier ses soucis ; les gens qui
souffrent de l’injustice ; ils devraient venir vers toi. Ils vendent le monde pour de la
littérature et s’enrichissent grâce aux besoins d’autrui.”
Albert Helman
avec l’espoir de pouvoir, un jour, être doute aussi une réponse à ses aspirations
considérés comme les autres. L’histoire libérales. Et les catholiques de Salem
nous démontrera plus tard qu’ils furent sont redevables à ces deux personnages
les premiers fondateurs de la catholicité à charismatiques. Voici la transcription de la
Salem, grâce à leur persévérance. lettre du Père John Thayer, adressée au Rev.
Les 25 années suivantes ont apporté une William Bentley :
grande prospérité à Salem. Son port
commercial a permis un échange culturel Monsieur le Révérend,
important au sein d’une communauté
renfermée sur elle-même. L’activité C’est avec plaisir que je saisis l’occasion
commerciale fit grandir un esprit plus de me rappeler à votre souvenir du fait de
tolérant pour les catholiques. Et finalement ma longue absence pendant laquelle vous
en 1790, un quaker du nom de William m’avez peut-être oublié.
Northey donna aux catholiques de Salem Je vous informe que j’ai l’intention de
la permission de tenir leur culte en public bientôt visiter Salem, d’y dire la messe et
et d’y faire venir un prêtre, un privilège qui d’y prêcher. J’aimerais savoir le nombre de
leur avait été jusqu’ici refusé. catholiques sur place et si je pouvais trouver
À Salem à cette époque, la population un logement décent, calme et bon marché
était d’environ huit mille âmes et l’esprit de dans une famille protestante de votre
bienveillance envers les catholiques avait connaissance. Est-il possible de trouver un
grandi surtout parmi la branche libérale endroit convenable, adapté à l’exercice de
de l’Église protestante présidée à Salem mes fonctions de prêtrise ecclésiastiques.
par un pasteur éminent, le Rev. William Je prends la liberté de m’adresser à vous à
Bentley, doté d’une grande largeur d’esprit cet effet puisque je connais votre point de
tant intellectuelle qu’humaine. Il était vue au sujet des catholiques ainsi que la
intéressé par tout ce qui pouvait profiter au liberté de votre façon de pensée.
développement culturel et intellectuel des
gens de sa ville. Recevez, l’expression de mes sentiments
respectueux.
Un jour, il reçut la lettre suivante d’un ami,
le Père John Thayer, qu’il avait bien connu à Votre très humble ami et serviteur
Boston dans le passé lorsqu’il était un tout John Thayer, prêtre.
jeune pasteur protestant. Cette lettre suscita
en lui une merveilleuse opportunité, et sans Boston, le 15 avril 1790
121
Rev. William Bentley (June 22, 1759, Boston, Massachusetts – December 29, 1819, Salem,
Massachusetts) was an American Unitarian minister, scholar, columnist, and diarist. He
was a polymath who possessed the second best library in the United States (after that of
Thomas Jefferson), and was an indefatigable reader and collector of information at the
local national and international level.
12 2
5 RETOUR À BOSTON
La réponse du Rev. William Bentley ne alors très pauvre à Salem et qui n’avait pas
se fit pas attendre. Voici la transcription d’endroit convenable pour recevoir le Père
de sa lettre en réponse de la demande du Thayer et s’en occuper. Le bon révérend
Père John Thayer : Bentley l’invita cordialement à partager
ses appartements dans une pension de
Cher Révérend, Crowninshield, une maison tout en bois,
dans l’Essex Street, exactement située à
J’ai reçu votre lettre du 15 de ce mois. Je l’opposé du début de l’Union Street.
désire ardemment que chaque homme Le matin suivant, jeudi 6 mai 1790, le
aime sa religion, non par tolérance, mais petit groupe de catholiques rassemblés
selon le droit inaliénable de sa nature. afin d’assister pour la première fois à la
J’ai communiqué votre lettre à deux messe, présidé par un prêtre connu à
personnes de choix et je vous garantis l’époque pour sa conversion spectaculaire,
toute la protection que la police interne équivalente à celle de Saint-Pierre et
peut vous donner. Saint Paul grâce à la providence divine,
En ce qui concerne le logement, si vous me se rassemblèrent (environ une vingtaine
le demandez, je vous donnerai toutes les de personnes) différentes en langues,
informations qui sont en mon pouvoir et nationalités, caractères, goûts, habitudes,
nous consulterons ensuite l’emplacement habillement et ambitions, mais elles
d’une paroisse. Comme il y a plusieurs étaient toutes unies par le cœur et l’esprit
sociétés religieuses de dénominations et comprenant bien le sens du « Saint
différentes dans la ville et les catholiques Sacrifice », prêtes à écouter les paroles de
n’ayant pas d’endroit approprié, je ne l’apôtre de Rome (John Thayer).
peux mentionner qu’une petite part, à ma Le Révérend William Bentley, lui-
connaissance qui fait partie de la paroisse même, était présent, avec quelques
selon les rites et cérémonies de l’église amis. Ils représentaient la communauté
anglaise. protestante lors de cette première messe
- Mr. Franck, corse catholique célébrée à Salem par le Père
- Emmanuel Chisnell, portugais John Thayer. L’endroit choisi pour cette
- Mr. Peter Barrasi, italien rencontre demeure incertain puisque le
- Mr. Battoun, français seul journal local de Salem ne daigne même
- Madame Roux et ses fils, français pas mentionner cet événement historique,
- Mr. D. et J. Longevin, canadiens et le manuscrit, où furent consignés les
- Mr. Devine, déménagé à Beverly, détails, n’en parle pas. Cependant, il y a
irlandais une tradition à Salem qui dit se souvenir
du vieux bâtiment en briques au coin
Vous pourriez, en parlant avec eux, vous d’Essex et d’Union Street qui avait été le
renseigner sur leur nombre total sur place lieu de la première messe du Père Thayer
et aux alentours. dans cette même ville. Il ressort dans
l’étude de la correspondance de Bentley
Votre dévoué serviteur et de Thayer que les catholiques de Salem
ne s’étaient jamais rassemblés avant cette
William Bentley. date (6 mai 1790). Il existe un témoignage
décrivant que, quand l’heure de faire cette
Deux semaines plus tard, le mercredi 5 célébration arriva, le Père John Thayer
mai 1790, le Père John Thayer arriva à demanda dans l’assistance un volontaire
Salem. Il y fut gentiment accueilli par son pour l’aider à servir la messe et bien que
ami de longue date, le révérend William beaucoup eussent été heureux d’accepter,
Bentley. Ils allèrent chercher ensemble les un seul eut ce privilège, ce fut un « étranger
catholiques, une population par ailleurs irlandais », ce qui renforça la profession de
123
8 RETOUR À BOSTON
Photographie 1
Le salon
Photographie 2
Le bureau du Rev. William Bentley
voulait se servir de lui pour l’employer de ce prêtre tourné vers eux et qui se disait
à son œuvre, leur expliquant qu’Il avait prêt à les bénir selon les pensées de Dieu.
choisi celui qui, comme lui, est le plus Le Père John Thayer ne désirait qu’une
engagé dans l’épreuve. Je suis venu pour seule chose, ne poursuivant qu’un seul but,
vous au nom du Seigneur Jésus Christ, l’espoir de convertir chacune des personnes
j’ai prié pour vous tous, j’ai prié pour toi et présentes au message d’espoir de l’évangile.
pour toi aussi aurait-il pu dire en scrutant Le jour suivant, après la célébration de la
du regard l’émouvante clarté inondant les messe, le Rev. Bentley invita le Père Thayer
visages de ces hommes et de ces femmes à rendre visite au révérend Oliver, un ami
un peu abasourdis par la bonté et la grâce ecclésiastique à Beverly. Ce Rev. Oliver est
125
1
un esprit bigot, ignorant, et ses propos en religion.
présence de John Thayer n’étaient pas faits -49 copies Douay catechisms. (Le
pour le réjouir. faisait remarquer le Rev. catéchisme de Douai.)
Bentley dans ses écrits. -49 copies des prières de John Thayer.
Avant son départ, le Père Thayer souhaitait -2 copies Gother’s Prayers. (prières de
agir pendant son absence sur les habitants Gother, 3 volumes, chaque bande)
de Salem, sous la garde de son ami, le -4 copies The Poor Man’s Posey of
Rev. Bentley, et par l’intermédiaire de la Prayers. (la prière de l’homme pauvre
« première bibliothèque catholique » qui 1769)
honorerait et augmenterait la réputation -5 copies Manuel of Prayers. (manuel de
littéraire et éducatrice de la ville de prières)
Salem. -5 copies du jardin de l’âme
-1 copie des Variations de Bossuet (2
Voici la liste des ouvrages laissés par le volumes, 27 grains de chapelet)
Père John Thayer à la bibliothèque de
Salem : Un ornement complet en couleur, une
-49 copies de la conversion de John manipule, une chasuble, une étole, un voile,
Thayer. une ceinture, une bourse contenant un
-47 copies des fondements de la doctrine drap mortuaire, un corporal, un amict
catholique. purificatoire, un lavabo, une aube ainsi
-35 copies des représentants papistes. qu’une étole séparée. (D’après le livre : «
- 37 copies de l’histoire du protestantisme. The Diary of William Bentley, D. D., Pastor
-11 copies des chrétiens catholiques. of the East Church, Salem, Massachusetts
-15 copies des principes véritables des » Nous ne savons pas tout le bien que
catholiques. fit cette sélection de livres. Quelques-uns
-50 copies des Ordinaires de la messe. étaient des œuvres standards pour l’époque
-37 copies de la Cité de Dieu riche en controverses, d’autres décrivaient
-11 copies des Fondements de l’ancienne la paroisse catholique dans son entier, les
12 6
5 RETOUR À BOSTON
2 127
5 RETOUR À BOSTON
12 8
encore, Jérémie ou l’un des
prophètes. » Jésus leur dit
: « Et vous, que dites-vous
? Pour vous, qui suis-je ? »
Prenant la parole, Simon-
Pierre déclara : « Tu es
le Messie, le Fils du Dieu
vivant ! » Prenant la parole
à son tour, Jésus lui déclara
: « Heureux es-tu, Simon,
fils de Yonas : ce n’est pas
la chair et le sang qui t’ont
révélé cela, mais mon Père
qui est aux cieux. Et moi, je
te le déclare : tu es Pierre,
et sur cette pierre, je bâtirai
mon Église ; et la puissance
de la Mort ne l’emportera
pas sur elle.
Je te donnerai les clefs du
Royaume des cieux : tout
ce que tu auras lié sur la
terre sera lié dans les cieux,
et tout ce que tu auras
délié sur la terre sera délié
dans les cieux. » Alors, il
ordonna aux disciples de
ne dire à personne qu’il
était le Messie. À partir de
ce moment, Jésus le Christ
commença à montrer à
ses disciples qu’il lui fallait
partir pour Jérusalem,
souffrir beaucoup de la
part des anciens, des chefs
des prêtres et des scribes,
être tué, et le troisième jour
ressusciter. » (Matthieu,
chapitre 16, versets 13 à
23). Restant un instant sur
cette parole « et sur cette
pierre je bâtirai mon église. »
Et il mêla ces paroles de
l’évangile à celles de
l’antienne, « Le saint apôtre
Paul, prêcheur de vérité
et docteur des nations,
intercède pour nous
devant le trône de Dieu.
» Ces paroles résonnaient
encore dans ses oreilles et
remplissaient son âme avec
129
le zèle, la ferveur et le courage des deux que ses ennuis commencèrent). Il était
apôtres. cependant heureux d’avoir pu exposer
Le Père Thayer alla chez le Rev. William son enseignement et à l’instar de saint
Bentley et lui notifia son souhait de Paul, il voulait disperser les graines et les
s’adresser au public. Le Rev. Bentley, laissaient germer chaque jour que Dieu
accédant à sa demande, l’accompagna fait.
chez le président William Northey, qui lui Les journaux de la ville, indifférents
délivra la permission d’utiliser la salle du au sujet du Père Thayer, ne firent pas
tribunal pour son discours. mention de cet événement. Son ami le
Le soir suivant, ce jour-là a renforcé Rev. William Bentley fut obligé de s’élever
l’inspiration du Père. Il donne son office contre tous les préjugés présents dans les
en entier, le 30 juin dans le but de révéler esprits bornés de certains protestants en
aux catholiques présents, évoquant le raison de l’aide et de la protection qu’il
tout dans les mots mêmes de l'apôtre, la offrait au Père John Thayer. (Certains
vocation, les travaux, les jugements et la protestants voyaient en John Thayer un
foi sans bornes du grand saint Paul. La ennemi redoutable et dangereux pour
nouvelle se répandit très vite dans la ville leur doctrine)
de Salem et la salle fut bondée de presque
tous les gentilshommes accourus en Un mois plus tard, le Père Thayer revint à
masse vers cet endroit. Il y eut même des Salem le samedi 25 juillet 1790 et y resta
personnes de Marblehead et de Beverly, le 3 jours. Il prêcha la messe du samedi et
révérend Oliver inclus, pour assister à cet du dimanche, vraisemblablement dans
office. la maison d’une famille catholique de la
Le Père Thayer apparut, s’agenouilla cité, ne voulant plus prendre logement
et lança une courte prière et commença chez son ami Bentley afin de ne pas lui
ensuite un sermon dans lequel il mettait attirer de nouveaux ennuis. Il lui rendit
le point de divergence entre l’Église visite discrètement le lundi 27 juillet
catholique et l’Église réformée, et 1790 avant son départ et lui fit part de
naturellement, il choisit le thème de son projet d’ouvrir une église catholique
discussion qui posait problème « La à Salem. Mais autant que nous sachions,
confession », « La lecture des Écritures il ne put trouver les fonds nécessaires à sa
saintes et d’autres sujets divers. » Son construction.
élocution, le ton convaincant et la Il n’existe pas de trace officielle d’une visite
façon d’exprimer sa vérité lui attira du Père Thayer après cette date, mais il est
des ennemis silencieux, des opposants fort probable qu’il revint plusieurs fois à
dans Salem et ses environs. (Ce fut là Salem.
13 0
5 RETOUR À BOSTON
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13 2
Ce bâtiment est probablement le lieu de la première messe
catholique de Salem, célébrée par le Père John Thayer.
133
13 4
Pope Night à Boston (vers 1775). Sur le chariot, une effigie du pape et du diable.
Les jeunes étudiants défilent pour les brûler dans un feu de joie à la nuit tombée.
Cette fête commémore, tous les 5 novembre, l’échec d’un complot catholique datant
de 1605 au village de Wye dans le Kent (Gunpowder Treason), visant à assassiner
le roi protestant, James I”. Exportée par les premiers colons, elle devint le prétexte
d’une fête anti-papiste très célèbre en Nouvelle-Angleterre”.
“N
quelle est notre croyance. La tolérance
ous avons pour cela reçu l’argent entière accordée ici à toutes les confessions,
nécessaire d’une souscription m’a donné toute liberté de la faire connaître;
que nous avions organisée, mais je n’ai pu satisfaire longtemps la
argent avec lequel nous aménageâmes la curiosité et l’empressement du peuple de
salle de la sacristie en érigeant une chaire Boston. Il n’y avait pas quinze jours que
et un autel qui fut meublé, ainsi que des je demeurais dans cette ville, et il plut à
sièges et de quelques bancs achetés”. “Et Dieu de m’envoyer une maladie qui me
voila comment cet ancien petit temple, qui retint au lit pendant plus d’un mois. C’était
avait servi d’étable aux Britanniques en un rhumatisme dont les douleurs étaient
1775, était une fois de plus consacrée aux fort aiguës. Le mal me parut si grave un
besoins de la religion”. “Cette première jour, que je crus devoir demander le saint
messe publique à Boston a été célébrée au Viatique à un prêtre français avec qui je
milieu d’un grand concours de personnes travaille ici à l’œuvre du Seigneur et de son
de tous horizons”. “Et ce dans une ville où Eglise. Je ne tardai pas à me rétablir; et dès
il y a seulement treize ans, le Pape et le que j’en eus la force , j’usai de la permission
Diable étaient selon la coutume annuelle, qui m’avoit été accordée de dire la Messe
promenés dans les rues lors de la “ Pope- dans ma chambre.”
“D
Night.” Durant cette journée, les jeunes,
étudiants et apprentis défilaient dans un ès que ma santé me l’a permis,
spectacle ridicule et méprisant, avec des le 10 juin 1790, j’ai pris
effigies du pape et du diable pour les brûler officiellement mes fonctions à
dans un feu de joie à la nuit tombée. Cette Boston, prêchant, confessant et visitant
135
5 RETOUR À BOSTON
le peu de brebis qui composent mon exerça son ministère à partir du rectorat.
troupeau naissant. C’est toujours avec le Dans quelques cas, du moins, les partisans
même empressement que des protestants d’une faction n’utiliseraient pas les services
viennent m’entendre prêcher ; mais le spirituels des prêtres de l’autre faction.
grand nombre s’en tient là. L’indifférence Alors que ce conflit était à son paroxysme,
et la philosophie qui règnent ici, autant le Père Carroll reçut en Europe l’ordination
que partout ailleurs, sont un obstacle épiscopale en tant que premier évêque
au fruit de la prédication qu’il est bien de Baltimore, (élu par le clergé local en
difficile de détruire; obstacle toutefois qui 1789 et confirmé peu après par le pape
ne me décourage pas. J’ai eu la joie de Pie VI. Ordonné évêque le 15 août 1790,
recevoir quelques abjurations et nos chers il est chargé du diocèse de Baltimore,
néophytes me remplissent de consolation premier diocèse créé en Amérique du
par la sainteté de leur vie. Environ une Nord). Ce qui incluait toute la Nouvelle-
centaine de catholiques français, irlandais Angleterre. A son retour, il décida de
et américains, voilà de quoi est formée se rendre à Boston en personne pour
jusqu’à présent notre Eglise; j’en vois à peu résoudre la complexe situation ecclésiale
près une douzaine entendre la Messe tous si mouvementée. Avant son départ pour
les jours. J’instruis quelques protestants que la Nouvelle-Angleterre, il reçut le 9 mars
j’espère rendre à notre mère commune. Si 1791 des lettres en provenance de France
Dieu daigne multiplier ici le nombre de ses et une copie d’une lettre de l’évêque de
enfants, j’aurai le soin de vous en informer. Coutances qui contenait des informations
Je recommande instamment notre mission très préjudiciables à la personne du Père
à vos prières. Il faut des ouvriers pour Rousselet. Le jour suivant, il écrivit au
la culture du vaste champ qui se trouve Père Rousselet en l’informant qu’à la
abandonné depuis si longtemps dans les réception de cette lettre tous les pouvoirs
Etats-Unis. Exhortez, cher Père Nagot, vos et facultés, qui lui avaient été attribués,
séminaristes à venir y exercer leur zèle, étaient révoqués. Le jour même, il informa
et inspirez-leur la généreuse ambition de aussi le Père Thayer qu’il remplacerait le
conquérir à Notre-Seigneur les âmes qui Père Rousselet comme pasteur.
T
vivent éloignées de son royaume.”
Malheureusement la rivalité entre l’Abbé outes les informations relatives
de la Poterie et le Père Rousselet se aux catholiques dans cette période
répercuta au Père Rousselet et au Père bostonienne est difficile à obtenir,
Thayer, le Français se rangeant du côté du en raison de la négligence des premiers
premier et l’Irlandais avec le dernier. Après colons et des prêtres à rédiger par écrit
en avoir entendu parler par courrier, le les récits ordonnés des événements, des
Père Carroll convoqua le Père Rousselet souffrances, des privations et des travaux
le 1er juin 1790, seul pasteur à avoir été de ces pionniers de la foi catholique dans
invité à Boston du fait de son ancienne cette localité. Sans doute en est-il de même
résidence et de son âge, à la demande de dans presque toutes les villes de la Nouvelle-
sa congrégation. Le Père Thayer fut invité Angleterre de l’époque. Néanmoins dans
à s’installer dans un autre endroit de son divers journaux et notamment le « The
choix. Ce qu’il refusa de faire et resta à Sacred Heart Review » les numéros de
Boston. 1791 et 1792 contiennent plusieurs lettres
E
du Père Thayer, qui devaient être lues par
n conséquence, comme le Père tous les catholiques des nouveaux États-
Thayer célébrait la messe et tenait Unis d’Amérique. Ces documents peuvent
d’autres services religieux dans être consultés à l’Institut d’Essex. Dans la
l’église (School Street), le Père Rousselet Gazette de Salem, du mardi 21 juin 1791,
13 6
est parue une lettre datée du 20 juin en allant de l’un à l’autre, jusqu’à ce que l’une
provenance de Boston qui dit: “ Ce jeudi, ou l’autre des parties se retire. Il a en
l’évêque Carroll a quitté Boston lors de sa outre suggéré qu’elle porte d’abord sur le
visite ici, il a suspendu le Père Rousselet de dogme de l’infaillibilité, car il lui semblait
ses fonctions ministérielles et a confirmé que si cela pouvait être prouvé, le débat
le Père John Thayer en tant que pasteur de serait inutile. Le Père Thayer a accepté la
l’Eglise catholique dans cette ville.” Un des suggestion, et la Gazette du 26 juillet 1791
premiers actes du Père Thayer, après avoir contient sa première lettre, suivie par celles
pris son pastorat, fut de lancer un défi à des 2, 9, 16 et 23 août. D’autres lettres du
toute personne de le rencontrer dans une Père Thayer apparaissent le 30 août, les 13,
discussion (controverse) religieuse. Le 20 et 27 septembre. La dernière lettre du
Rev. George Lesslie, pasteur de l’église à Père Thayer apparaît le 11 octobre 1791.
Washington, New Hampshire, a accepté Il continua en donnant, chaque semaine
de relever ce défi et sa lettre apparaît à Boston, des conférences sur la véracité
dans la Gazette du 19 Juillet 1791. Il a été de la foi catholique ; et ses discours, aussi
convenu de poursuivre la discussion dans sérieux qu’éloquents, attiraient de grandes
les colonnes de la Gazette Essex. Le Père foules de concitoyens protestants. Il publia
Thayer a ouvert la discussion en donnant de nouveau le récit de sa conversion dans
un résumé de la doctrine catholique, un beau style bien détaillé où il décrivait
à laquelle son adversaire a répondu en les raisons précises et irréversibles qui
suggérant que la discussion devait se l’avaient guidé vers cette étape importante
diriger vers un point de doctrine unique, de sa vie.
137
I l s’engagea par la suite à transmettre ses
propres convictions à ses compatriotes
par le biais de la chaire et de la presse. Du
fait de son zèle et de son manque de tact, il
étaient deux choses bien distinctes ; et
quoiqu’il pût s’enorgueillir d’avoir changé
l’une, il n’était pas sûr d’avoir atteint l’autre.
S
se mit à dos quelques pasteurs protestants
; il était toujours prêt à témoigner de es publications et notamment son livre
“l’espoir qui l’animait.” Et il constatait encore “Controversy between the Rev. John Thayer,
avec mortification que les Américains, Catholic missionary, of Boston, and the Rev.
toujours si prompts à se fourvoyer dans George Lesslie, pastor of a church in Washington,
des nouveautés de toutes espèces, ne New-Hampshire”. publié en 1792 relatant ses
changeaient pas rapidement d’opinions vivaces discussions avec le Pasteur George
religieuses, tout particulièrement en Lesslie, ses habiles et charitables excuses dans
matière de vieilles et pénibles habitudes. la presse de Boston furent les premières de la
Il trouvait que conviction et conversion sorte dans l’Histoire de l’Amérique.
13 8
5 RETOUR À BOSTON
L
brèche existant entre le Père Thayer et le
Père Rousselet ainsi que leurs supporters e Père Thayer, troisième pasteur,
respectifs. En fait, la situation se détériora engagea un combat contre le Père
au point d’aboutir à un schisme chez les Rousselet pour le pastorat de
opposants du volontaire et autoritaire Père Boston, une compétition qui divisait les
Thayer. En résumé, à l’automne 1792, la paroissiens français et irlandais. L’une
communauté catholique de Boston s’est des conséquences désastreuses des
organisée autour d’un prêtre pendant escarmouches ecclésiastiques fut que
quatre ans. Les deux premiers pasteurs, de seulement une centaine de catholiques de
139
5 RETOUR À BOSTON
L
la Terreur instaurée par le sanguinaire
a fondation de l’église de Nouvelle- commissaire de la Convention Française,
Angleterre reposait maintenant sur un certain Victor Hugues, qu’il fut
de saines bases. Une fois à Boston, guillotiné lors de la chute de 1794 pendant
le Père Matignon assuma tout de suite le massacre de partisans royalistes. Une
la charge de la paroisse. Le Père John histoire de la Guadeloupe fait état d’un
Thayer qu’il remplaça, pressentant que “ régime impitoyable et radical, où règne
Nul n’était prophète en son pays “, quitta la guillotine. Cette histoire relate qu’il est
Boston et, après avoir visité le Canada, il mort bravement, donnant du courage et
A
offrit de nouveau ses services à l’évêque administrant ses copains prisonniers.
Carroll pour quelque mission dans près ses événements une mission
l’Union dont il pourrait être digne. Il en Virginie en octobre 1793
l’envoya dans le Sud comme missionnaire fut confié au Père John Thayer
au Norfolk et à Portsmouth en Virginie. par Mgr John Carroll. Le Père Thayer
Il n’y trouva cependant pas satisfaction. déménagea à Alexandrie, (Virginie). Il
14 0
servit John Fitzgerald, riche propriétaire esclaves.
d’esclaves et ancien aide de camp Il expliquait par là que même les plus
de George Washington. Il eut vite grands efforts ne font pas changer les
l’impression d’être «une sorte d’intrus» gens de la même façon que le zèle le
et ses critiques à l’égard du traitement plus ardent ne peut venir à bout de
des esclaves par Fitzgerald le brouillèrent toute l’impiété du monde, ainsi que le
définitivement avec lui. Un bienfaiteur, Père Thayer a pu le constater lors de son
vraisemblablement un certain Roger séjour à Boston. Mgr Carroll partageait
(le plus grand propriétaire d’esclaves la répugnance du Père Thayer au sujet de
de Virginie) avait déjà fait don d’un la maltraitance des esclaves, mais le pria
terrain pour construire une église, mais de rester sur place pour le bien des noirs
Fitzgerald refusa d’ériger quoi que ce soit et de cesser de faire de la propagande
qui profite au Père Thayer. Dans les mois antiesclavagiste.
qui suivirent, la construction de l’église Le Père Thayer refusa et eut ensuite le
continua à être un sujet de dispute, mais courage de défier Mgr Carroll parce
l’esclavage constitua le point de rupture qu’il ignorait ses requêtes. Mgr Carroll
principal. Mg Carroll répondit aux avait pourtant l’impression d’avoir des
plaintes répétées du Père Thayer en disant concessions à son égard et les reproches
qu’il était « désolé d’entendre dire que de celui-ci commencèrent à l’exaspérer.
les maîtres manquaient de respect aux En août 1794, Mgr Carroll accorda au
esclaves » et suggéra que c’était un signe Père Thayer le droit de trouver par lui-
pour qu’il dévoue sa vie aux esclaves. Il même une congrégation qui l’accepterait.
y avait eu un précédent ministère à cet
effet, ajouta Mg Carroll, car Roger avait
autrefois eu recours aux services d’un
prêtre pour administrer ses esclaves.
Le Père Thayer choisit une autre voix.
Après avoir passé moins de six mois en
Virginie, il demanda à quitter cet état,
à cause des maltraitances catholiques à
l’égard des esclaves. Mgr Carroll répondit
qu’au regard du grand besoin de prêtres
dans ce secteur, il ne pourrait garantir
son départ. Il n’interdit pas au Père
Thayer de déménager, mais il ajouta que
« les difficultés relatives aux nègres » ne
suffisaient pas à justifier son départ. Mgr
Carroll pressa le Père Thayer de travailler
dans le cadre de la doctrine catholique
pour corriger les abus commis sur les
Les enfants qui naîtront des mariages entre esclaves seront esclaves et appartiendront
aux maîtres des femmes esclaves et non à ceux de leurs maris, si le mari et la femme
ont des maîtres différents.”
Tel est le principe que le Code Noir entend définir et justifier tout au long de ses 60
articles, en prenant à témoin Le Roi de France, l’Eglise catholique et Dieu lui-même.
Ce principe est celui de toutes les sociétés esclavagistes, mais la France est la première
puissance des temps modernes à l’avoir codifié. Le statut social, juridique et économique
de l’esclave est celui d’un objet, d’un bien, et en tant que tel, une entité sans volonté ni
identité propre. La législation de l’esclavage considère les esclaves comme “articles de
propriété”, qui entrent dans l’ordre des biens, sans volonté ni personnalité juridique,
ayant comme seuls et uniques représentants leurs propres maîtres. ”
143
5 RETOUR À BOSTON
E
la paroisse, de payer les dettes de 1789,
de faire des réparations et des extensions n 1796, après son départ de Boston,
à l’église à l’intérieur et à l’extérieur et le Père Thayer fut envoyé à Longueuil
d’acheter de nouveaux meubles. Ce qui pour y récolter des fonds nécessaires
est de loin le plus important est le fait qu’il au projet de construction d’une église
attira d’anciens catholiques pratiquants dans la ville d’Albany, nous n’avons que
et amoindrit les préjugés anticatholiques peu d’informations sur son séjour dans
d’un certain nombre de Bostoniens. cette ville canadienne du Québec, située
Pour symboliser sa présence permanente sur la rive du fleuve Saint Laurent.
14 4
C ependant aux archives
Québec une série de notes très
intéressantes contenues dans la
correspondance de Mgr Pierre Denaut,
(10e évêque de Québec de 1797 à 1806.)
de à celle de la France; des attroupements
considérables d’habitants de presque tous
les endroits se sont faits tous les jours
depuis dimanche, ils refusent absolument
de se soumettre à la loi portée par le « bill
Ces notes nous donnent quelques des chemins. » Hier, ils se sont opposés à
précisions ce sur qu’a pu être sa mission la prise d’un nommé Berthelot déjà sous
à cette période. D’après ses notes qui la loi; ils ont saisi rudement le shérif
furent par ailleurs l’objet d’une édition Gray, bourrassé son neveu Ermintinger,
que l’on peut consulter dans le rapport et mis en fuite le bailli. Tous ont refusé
de l’archiviste de la province de Québec, de le cautionner; on dit qu’ils doivent
les archives nous révèlent que le Père encore s’attrouper demain en plus
John Thayer est arrivé à Longueuil, le grand nombre; sans doute ils seront
19 novembre 1796 et qu’il y a logé onze plusieurs milliers. Les magistrats sont
jours au presbytère de la paroisse de très embarrassés. Videbitur infra. La
Saint-Antoine de Longueuil. Son séjour révolution, dit l’histoire, a commencé par
ne fut pas très chaleureux à son arrivée ; un attroupement de femmes affamées,
à cette époque, un vent de révolte souffle que ne doit-on pas craindre d’hommes
sur le Canada. Des événements avaient entêtés.” (Cartable: Evêques de Québec,
conduit les autorités à l’arrestation d’un 11-114; Copies de lettres, v. V, f. 481.)
certain Berthelot et de ses compagnons » (Page 133, de l’ouvrage pour l’année
ayant agi contre les autorités. (Voir 1796, datée du 19 novembre 1796).
Histoire populaire du Québec: De 1791 Rapport de l’archiviste de la province
à 1841 - Page 52 de Jacques Lacoursière de Québec 1931-1932. Consultable
Tome 2) Le 11 octobre, « un très grand :http://collections.banq.qc.ca/
rassemblement eut lieu sur le Champ ark:/52327/2276288
de Mars à Montréal ; mais il n’y eut de L’agitation avait aussi gagné les paroisses
violences envers personne et, à la demande environnantes. Le 15 octobre, à Sainte-
des magistrats, la foule se dispersa ». Le 24 Rose, un certain Charles-François
octobre, le constable Marston (un agent Ferrière tient des discours séditieux
de la paix au Canada) se présente chez et diffamatoires contre l’honorable
un nommé Latour, l’un des meneurs. Il Chambre d’assemblée, ce qui lui vaut
trouva Latour enfermé dans sa maison une année de prison ; le 13 octobre, M.
avec plusieurs de ses amis, bien armés Amable Content organise à Saint-Roch
de mousquets, qu’ils dirigèrent vers lui de l’Assomption une assemblée pour
aussitôt qu’ils le virent s’approcher. Le protester contre l’acte des chemins (Acte
calme ne revient que le 30 octobre avec pour faire réparer et changer les chemins
l’envoi de deux régiments de soldats et ponts dans cette Province) ; il s’en tire
réguliers à Montréal. avec trois mois d’emprisonnement et
En voici le texte de l’archiviste relatant une amende de vingt livres. A Saint-
l’événement : Antoine de Longueuil, trois habitants
« Mgr Pierre Denaut à M. Joseph-Octave s’opposent à l’approvisionnement du
Plessis, curé de Québec (Longueuil, 18 marché de Montréal. A Lachine, Nicolas
octobre 1796). A propos de l’établissement Despelteau tente d’inciter la population
d’une caisse ecclésiastique.” Les nouvelles à « commettre des actes d’émeute ».
de Québec, d’une invasion des Français Monseigneur Pierre Denaut, curé de
dans cette province, ont porté la crainte Longueuil, dans une lettre du mardi 18
dans le cœur de plusieurs et la joie dans octobre 1796 à Joseph-Octave Plessis,
le plus grand nombre. Tous les habitants curé de Québec, cherche à établir
les désirent. Nous touchons, on dirait, les causes d’une telle agitation. Un
au moment d’une révolution pareille pamphlet distribué chez les habitants se
145
termine par cette phrase « On n’entendra récolter des fonds par Mgr John Carroll.
bientôt que le cri de vive la république! Voici en substance ce qu’en dit
Depuis le Canada jusqu’à Paris ». Ce l’archiviste :
qui fit réagir les autorités britanniques « Mgr Pierre Denaut à Mgr J.-F. Hubert,
et donna lieu à deux proclamations: à Québec (Longueuil, 19 novembre1796).
la première ordonne la chasse aux Le révérend M. Thayer, célèbre converti,
personnes qui tiennent des discours s’est rendu à Montréal, avec l’intention
séditieux ou qui tendent à inciter d’y passer quelque temps, dans le but de
un mécontentement dans la colonie se reposer de ses pénibles travaux dans
envers la couronne britannique et ses les missions. Il lui a demandé d’écrire à
représentants. La seconde proclamation Son Excellence, le général Prescott, afin
enjoint à toutes personnes étrangères de lui faire connaître sa présence dans la
et sujets de France, qui sont arrivées province. Mgr Hubert apprendra de M.
dans cette province depuis mai 1794, de Desjardins “ plus qu’il n’en faut pour vous
partir dans un délai de 20 jours à la date intéresser en sa faveur.” Il a distribué à
de cette présente proclamation. ses voisins la dernière circulaire de Mgr
Les autorités civiles font appel aux bons Hubert. (Cartable: Evêques de Québec,
services de l’évêque de Québec pour 11-115; Copies de lettres, v. V, f. 473.)
inciter la population à demeurer fidèle
à la couronne britannique. Au début Mgr Pierre Denaut à Mgr J.-F. Hubert, à
de son séjour, le Père John Thayer était Québec (Longueuil, 1er décembre1796). «
soupçonné d’être français donc un M. Thayer a passé onze jours au presbytère
possible agitateur, ce qui avait beaucoup de Longueuil. Il a parlé du gouvernement
ennuyé Mgr Pierre Denaut qui relate des États-Unis, comme nous parlons
l’incident dans une lettre datée du 12 du gouvernement d’Angleterre; il est
janvier 1797, envoyée à Mgr Joseph convaincu même, d’après le caractère
Octave Plessis: de nos colons, qu’ils sont plus heureux
Voici en résumé le texte de l’archiviste : sous le gouvernement sous lequel nous
vivons qu’ils ne seraient sous le sien ».
« Mgr Pierre Denaut à M. J.-O. Plessis, Je n’ai connu en lui qu’un homme pieux,
curé de Québec (Longueuil, 12 janvier fervent, attaché à son état et pénétré de
1797). L’affaire de M. Thayer l’a ennuyé. ses devoirs, de ses obligations. Il n’est
Heureusement que du côté de Québec pas muni de lettres de recommandation,
tout est tranquille. Il n’en est pas ainsi à mais l’évêque de Baltimore l’a revêtu
Montréal. Les prêtres du séminaire l’ont de très amples pouvoirs. Il travaille à
renvoyé de chez eux, sous prétexte que recueillir des fonds pour la construction
l’on murmurait en ville contre la présence d’une église à Albany, et c’est dans le but
d’un prêtre français. Le solliciteur général d’intéresser les habitants de la province à
s’est enquis de la chose et après avoir cette œuvre qu’il est venu en Canada. Il
appris que M. Thayer était américain, a été tout surpris, en lisant la lettre de M.
il s’est retiré sans en dire plus long. M. Desjardins, des objections que l’on faisait
Thayer est maintenant chez M. Conefroy à son séjour dans la province. (Cartable:
d’où il reviendra à Longueuil. (Cartable: Evêques de Québec, 11-116; Copies
Evêques de Québec, 11-117; Copies de de lettres, v. V, f. 473.) » (Page 134, de
lettres, v. V, f. 47) » l’ouvrage pour l’année 1796, datée du 19
novembre 1796).
Après avoir appris avec certitude que
le Père John Thayer était américain, les Rapport de l’archiviste de la province
soupçons cessèrent et il put mener à de Québec 1931-1932, Consultable
bien la mission pour laquelle il avait été :http://collections.banq.qc.ca/
envoyé comme missionnaire chargé de ark:/52327/2276288
14 6
5 RETOUR À BOSTON
P
serait achevée en 1807) fut ouverte au
endant la construction de l’église public.
St. Mary qui était à l’origine très C’était la deuxième église catholique
modeste, le bâtiment en briques construite dans l’état de New York et elle
formait un carré de 15 mètres de côté fit office d’église paroissiale intra muros de
environ. Le portail donnait sur Pine Street. New York. C’était la première église dédiée
Il n’y avait pas de clocher ; seulement une à la vierge Marie dans l’état de New York
croix sur le toit indiquait que c’était une après la Révolution.
église. Le sanctuaire intérieur représentait
un carré de 3 mètres avec des galeries le Construite sur la Pine Street, entre
long des murs est et ouest. Dans la galerie Barrack et Lodge Streets. Il y avait peu de
ouest se trouvait un petit orgue offert par catholiques à Albany et la plupart n’étaient
Madame Margaret Cassidy. Il était connu pas riches. En conséquence, les conseils
pour avoir été le premier orgue installé devaient chercher d’autres sources de
dans une église d’Albany. Au-dessus du dons auprès des protestants sur place et
portail principal, il y avait une plaque de des catholiques dans d’autres localités.
147
Gravure représentant la première église St.
Mary à Albany construite sur la Pine Street,
entre Barrack et Lodge Streets 1798-1807.
14 8
149
Archives de la ville de Montréal (Congrégation de Notre-Dame (Montréal) / James
Duncan - 1853) La Congrégation de Notre-Dame est une communauté religieuse
catholique de femmes de foi apostolique, fondée au 17e siècle par sainte Marguerite
Bourgeoys, pionnière de la Nouvelle-France.
15 0
V oici en intégralité le récit de par toute la Communauté, pour solliciter
Sœur Sainte–Marie-Médiatrice : perpétuellement la conversion des Etats
américains, et pour s’unir d’esprit et de
« Visite du Révérend John Thayer au cœur aux prières et aux travaux des
couvent de la congrégation de Notre- missions ; dans cette vue, elles offriront
Dame de Montréal. En 1797, notre au Seigneur toutes leurs souffrances et
communauté se trouva en rapport avec un leurs pratiques de dévotion.
célèbre converti, ex-ministre calviniste,
devenu fervent prêtre catholique, que 3° — Ces deux Sœurs en même temps
nous ferons un peu connaître ici, avant de chargées d’avertir la supérieure la veille
dire ce qui le porta à visiter notre maison. du jour fixé pour la communion du mois,
Le révérend John Thayer, originaire afin qu’elle rappelle l’intention ci-dessus
d’une des premières familles de Nouvelle- exprimée à toute la communauté.
Angleterre, possédait une instruction
peu ordinaire, et avait été choisi en tant 4° — Cet engagement sera perpétuel
que ministre des Congrégationalistes, dans les communautés qui l’agréeront;
(branche des Puritains). Dans le but et chaque députée, après son décès,
d’augmenter sa science, il visita divers sera remplacée, en sorte qu’il se trouve
pays de l’Europe et se rendit jusqu’à toujours deux Sœurs qui remplissent le
Rome . . . Là, touché par la grâce, il se dessein de l’Association.
fit catholique. Pressé de nouveau par un
mouvement de l’Esprit-Saint, il résolut 5° — Pour inciter plus efficacement
de passer à Saint-Sulpice pour y faire à entrer dans cette bonne œuvre, les
des études théologiques et fut ordonné personnes qui voudront être membres
prêtre. En 1790, il rejoignit Mgr Carroll de l’Association se rappelleront que,
pour travailler aux missions catholiques par leur union, offrandes de prières
de son pays natal, et c’est dans le but de et de bonnes œuvres, elles participent
procurer le bien de ces missions qu’il aux prières, bonnes œuvres et travaux
visita notre communauté, comme nous des missionnaires, et de toutes celles
pouvons le voir par cet extrait de nos que feront les personnes qu’elles auront
registres : « Monsieur Thayer, de ministre converties.
protestant qu’il était, avait eu le bonheur
de se convertir et de recevoir les saints Nous, Sœurs de la Congrégation de
Ordres, par la grâce de notre Saint Père Notre-Dame, sommes entrées dans cette
le Pape Pie VI, dans le but de travailler Association, le 1er mai 1797; et nous
aux missions d’Amérique. Pour attirer les destinons la communion générale du
bénédictions du ciel sur cette entreprise, il premier dimanche du mois à cette fin. »
invite les âmes pieuses à entrer dans une
association de prières déjà adoptée par
plusieurs communautés, en la manière À la demande du Père John Thayer,
qui suit: la communauté consent à prendre,
gratuitement, au pensionnat, pendant deux
1° — Chaque Communauté s’engagera, ans, deux jeunes filles, pour leur apprendre
sans toutefois que cet engagement impose à lire, écrire, compter, travailler; en un mot,
obligation de conscience, à faire la sainte leur faire connaître notre Institut. Veuille la
communion à un certain jour déterminé divine Providence les appeler à coopérer à
dans chaque mois, pour demander à l’instruction de la jeunesse dans leur pays !
Dieu le succès de la mission d’Amérique. L’Église et la communauté donnent vingt-
quatre livres au Père John Thayer pour
2° — Deux religieuses seront nommées contribuer aux Etats-Unis à la bâtisse
par la supérieure, comme responsables d’une église dans Albany. »
151
5 RETOUR À BOSTON
L
des Français. Les visites du Père Matignon
à Portsmouth en 1793 et 1794 étaient les orsque le Père John Thayer prit
premières visites missionnaires parmi des la parole le 9 mai, énumérant les
individus de souche européenne au New atrocités françaises pendant la
Hampshire. Terreur, le discours était révélateur du
E
climat de l’opinion de l’époque. Pendant
n 1798, nous le retrouvons à Boston cette période, l’aménagement de la marine
lors d’un sermon marquant, l’un des fut accéléré; le Directoire mit fin aux
plus beaux textes de John Thayer, relations diplomatiques entre la France et
prêché dans l’église catholique de cette les Etats-Unis. Des hostilités entre navires
même ville, le 9 mai 1798, désigné par isolés français et américains eurent lieu en
le Président John Adams comme un mer, lors de la “quasi-guerre”.
E
jour d’humiliation et de prière. Cette
célébration a été proclamée au milieu de n 1798, le Congrès des Etats-Unis
la fureur circulant dans le pays, suscitée déclara comme nulles et non avenues
par la rebuffade humiliante des émissaires l’alliance et les diverses ententes avec
américains à Paris; trois membres de la la France. La guerre navale s’ensuivit, et il
mission de paix américaine dépêchée à était question d’une guerre à grande échelle
Paris le mercredi 18 octobre 1797 avaient contre la France. L’influence des Jacobins
reçu de la République française l’une des suscitait de plus en plus de crainte, et
propositions les plus scandaleuses jamais George Washington lui-même insista sur
faites à des diplomates. le fait que les Républicains fussent exclus
Les trois Américains Elbridge Gerry, John de l’armée, du fait de leur éventuel manque
Marshall, et Charles C. Pinckney, avaient de loyauté.
Offrons nos ferventes prières au ciel, en ce jour, que sa vie inestimable puisse être
préservée, et que sa santé dure, que Dieu lui donne la sagesse de discerner quelles seront
les meilleures mesures à adopter pour le bien du pays. ” Père John Thayer 9 mai 1798
15 2
Cathédrale Holy Cross où le Père John Thayer a prêché le 9 mai 1798.
153
5 RETOUR À BOSTON
E
sont propres à faire pencher notre cœur
n voici le texte intégral: vers la prière et l’humiliation.
Pendant tout le cours de mon ministère
Discours prononcé à l’église parmi vous, mes frères, je n’avais encore
catholique romaine de Boston le 9 mai jamais abordé de détails concernant
1798, par le Révérend John Thayer, des sujets politiques, et je ne le ferais
missionnaire catholique. Pendant la pas maintenant si ce n’était pour vous
journée d’humiliation et de prière dans apprendre à dûment apprécier le
toute l’Amérique décrétée par le Président gouvernement sous lequel vous vivez et
des Etats-Unis d’Amérique. vous indiquer vos devoirs envers lui.
15 4
en remplaçant leurs représentants du morales.
moment et en nommant d’autres qui Lorsque ce guerrier reconnu et cet
auraient leur confiance – aussi longtemps homme d’état admiré s’est retiré de la tête
que la plus grande partie du peuple ne de l’Etat et a cherché le repos dû à son âge et
voie pas la nécessité d’un changement sa santé, nous avons eu grandement raison
d’hommes et de mesures, nous pouvons de remercier Dieu de n’avoir pas permis
demeurer certains que les abus ne sont que les intrigues d’une insidieuse nation
pas de nature alarmante, bien qu’ils soient étrangère réussissent à placer l’homme de
amplifiés par les scribouillards politiques et leur choix sur le siège présidentiel, mais
les détracteurs. Sous un tel gouvernement nous a insufflé le courage suffisant pour
comme le nôtre, toute insurrection contre mettre à notre tête un homme d’état et
les autorités en place ou toute opposition un patriote, dont l’habileté et l’intégrité,
constitue la révolte d’une partie contre prouvées dans les moments les plus
la volonté générale, grâce à laquelle difficiles, lui octroient absolument notre
ces autorités existent et il est fortement confiance et notre affection. Tel est l’illustre
criminel, Dieu soit loué, que cette heureuse John Adams, l’actuel Président de ces états.
constitution, dans laquelle les personnes Ce grand homme n’a pas rien d’autre en
de toutes confessions jouissent d’une vue que le bonheur et la prospérité de ses
entière sécurité pour leur vie, leurs biens concitoyens auxquels son destin et celui de
et leurs libertés spirituels ou politiques, sa famille sont évidemment liés de manière
soit encore intacte et opérationnelle et inséparable.
que toutes les tentatives de renversement
ou d’affaiblissement, en concentrant tous Il ne souhaite aucun pouvoir qui ne serait
ses pouvoirs dans une seule chambre de garanti par la constitution et aucun soutien
représentants, n’ont servi qu’à mettre en qui serait incompatible avec un esprit de
lumière ses principes et à la renforcer. liberté magnanime. Depuis la publication
de ses instructions à nos messagers de
2 paix, nous avons appris, mieux que jamais,
à apprécier sa valeur.
U
Maintenant nous sommes certains de son
ne autre raison de remercier Dieu, caractère modéré et conciliant de même
c’est que l’administration de cette que de sa fermeté décisive. Avec un tel chef,
très excellente constitution, depuis nous n’avons rien à craindre. Jamais il ne
le tout début de son établissement, a été sacrifiera l’honneur de la patrie, jamais il
confiée à des hommes éminents pour leur ne renoncera à cette part d’indépendance
sagesse, leur fermeté et leur service à la qui a longtemps été l’objet de ses peines et
patrie. Je n’ai qu’à mentionner Washington, labeurs et pour l’obtention desquelles de
ce gardien de génie, ce sauveur du si nombreux compatriotes courageux ont
pays, cet ornement de la race humaine, versé leur sang et perdu leur vie.
pour déclencher dans tous les cœurs Offrons nos ferventes prières au ciel, en
de chaleureux sentiments d’estime, de ce jour, que sa vie inestimable puisse être
gratitude et d’amour. Qu’il puisse profiter préservée, et que sa santé dure, que Dieu
longuement des charmes de la retraite lui donne la sagesse de discerner quelles
dans lesquels il a choisi de passer le soir de seront les meilleures mesures à adopter
sa vie. Que les bénédictions de ce pays et pour le bien du pays, et la force morale pour
de l’univers soient encore de nombreuses les exécuter en dépit de tout obstacle et
années sa récompense et, qu’enfin, il entre opposition ; et que tous ceux qui l’assistent
dans le royaume du bonheur éternel, et le conseillent soient des hommes habiles
enrichi par les vertus chrétiennes ainsi que et intègres ; afin que le public n’ait pas à pâtir
155
15 6
157
de l’incompétence et de la malhonnêteté. Je ne parle pas de la France gouvernée
Résolvons-nous à lui offrir un soutien par les descendants de saint Louis, c’était
cordial et généreux et déclarer ouvertement alors le gardien de la religion et de la
cette résolution en mettant nos noms bonne morale et le refuge des malheureux.
à l’appel chaleureux des Hommes en Heureux pays où je reçus la partie la plus
faveur de la signature de tous les citoyens. valable de mon éducation et où je passai
Disons-lui que nous ressentons, comme mes plus heureuses années parmi des
il se doit, la valeur de cette liberté que amis estimés et de chers associés ! Hélas
nous apprécions et que nous engageons ! ce temps est révolu. Ils ont tous été soit
notre fortune et notre honneur pour la cruellement massacrés, bannis ou réduits à
défendre avec loyauté et fidélité, sous vivre chez eux dans la misère. Si je t’oublie,
les bannières d’un gouvernement que oh ma si charmante demeure, alors que
nous avons choisi. Exprimons notre ma main droite s’oublie elle-même, que
indignation devant les insultes à répétition ma langue s’attache à mon palais. Mais
contre ce gouvernement qui a cherché maintenant, comme tout a changé ! Mon
la paix par tous les moyens compatibles cœur se serre à l’intérieur, mon esprit
avec la dignité et l’honneur d’une nation meurt à petit feu quand je me rappelle le
indépendante. Déclarons, avec la fermeté destin de quelques-uns de mes très chers
et l’amour-propre des hommes libres, hôtes.
notre bonne volonté à unir tous nos efforts Mais bientôt, le souvenir douloureux
possibles pour éviter d’être les victimes est englouti dans la considération de la
de conditions dégradantes qu’une nation complexe détresse de cet empire naguère
étrangère cherche à nous imposer, comme favorisé.
préliminaires à toute négociation de paix La France sous la Révolution est bien plus
et que nous considérons la guerre et un fléau de Dieu que ne le fut Attila ou
toutes ses calamités inhérentes, comme tout autre conquérant barbare gravé dans
le moindre de ces deux maux. Montrons l’Histoire. On peut dire littéralement que
que nous aimons le gouvernement qui ses tyrans dont le père est Satan, circulent
nous protège et que nous n’en sommes et cherchent qui ils vont dévorer. Si nous
séparés ni en intérêt ni en affection. Enfin, jetons un coup œil sur la carte du monde,
exprimons notre chaleureuse approbation nous trouverons, dans presque chaque
sans équivoque du système avisé et modéré partie, de terribles traces de leurs projets
qui a été mené jusqu’ici envers les nations destructeurs. Les souffrances, qu’ils ont
étrangères ainsi que notre confiance répandues à travers le globe, sont au-
croissante en celui qui nous préside avec delà de tout calcul potentiel, ce sont des
tant de sagesse et de prudence. souffrances si universelles qu’elles sont
N
ou méritent le nom d’êtres humains, des
otre troisième raison de souffrances qui ne seront jamais effacées
remercier sincèrement le ciel, de la mémoire de l’humanité et que des ères
c’est que, pendant qu’un esprit de entières de paix et de sérénité arriveront
désorganisation et de désordre a produit à peine à réparer. Combien de calamités
des effets si désastreux dans d’autres pays, sans précédent n’ont-ils pas infligées à
l’Amérique, en dépit de l’effervescence leur malheureux pays ! Combien d’atroces
produite dans nos rangs par les efforts cruautés et atrocités n’y ont-ils pas
extraordinaires des intrigants étrangers commises ! Leurs propres auteurs avouent,
et nationaux, demeure dans un bon état que par différents moyens de destruction,
de tranquillité. Dieu a élevé la France en guillotine, exécutions, noyades, et autres
raison des châtiments d’un monde impie. choses du même genre, plus de 30 000
15 8
5 RETOUR À BOSTON
personnes furent tuées à Lyon et la ville aujourd’hui, peut être tenu pour un crime
rasée et, à Nantes, selon les plus basses le lendemain et être puni de mort ou de
estimations, 27 000 personnes (certains confiscation.
parlent de 40 000) furent assassinées, Sous cette accumulation de calamités, les
surtout par noyade, si bien que l’eau pauvres esclaves pourraient trouver leur
de la Loire fut polluée, interdite à la joug moins humiliant, leur fardeau moins
consommation et qu’à Paris, 150 000, et insupportable, s’ils pouvaient profiter, en
en Vendée, 300 000 furent anéantis. cachette, des consolations de la religion,
Ils reconnaissent même que, depuis le dont ils ont faim et soif, mais non ; leurs
commencement de leur abominable tyrans ont pratiquement tari leur source
révolution, ils ont sacrifié deux millions de réconfort. Et c’est ici, mes amis, que
des leurs, dont 250 000 femmes et 30 000 d’horribles scènes surgissent dans notre
enfants sans compter, dans cet immense mémoire ! De nombreuses années avant
carnage, les soldats qui périrent dans les l’éclatement de la révolution, les prétendus
camps ou au combat, ou les enfants qui philosophes, tribus de déistes, d’athées et
moururent dans le ventre de leur mère. de matérialistes, ont, par le biais de leurs
Regardez ce pays et examinez son état clubs secrets, de publications obscènes
d’aujourd’hui. Que ce soit par le pillage, des et impies et bien d’autres moyens variés,
prêts forcés, des contributions, et d’autres suggérés par un esprit démoniaque,
moyens iniques, leurs nobles seigneurs essayé et réussi en partie à corrompre les
ont réussi à y concentrer une grande partie différentes classes de la société française.
de leurs richesses européennes ; et encore Mais leur système d’impiété n’a jamais
avec leur politique restreinte, la ruine de pu agir sur la majorité des citoyens qui
toutes les manufactures, du commerce, trouvèrent et trouveront toujours leur
et de toute source de richesse et de bonheur dans la foi en une religion. Ils
revenus régulière et l’entière subversion avaient longuement comploté l’éradication
de la confiance publique, ils ont réduit les totale de toute religion, ce qui constituait
malheureux habitants à un état proche de en premier lieu l’objet de leurs infâmes
la misère et de la famine. Aucun esclavage projets, en raison de son expansion
ne peut atteindre ce niveau. Leur condition grandissante et son attachement majeur à
est la plus dégradante qu’il soit capable l’ordre et au bon gouvernement.
de concevoir. Tout ce qu’ils possèdent, et Cette religion était la religion catholique
même leurs proches, sont constamment romaine. Son renversement avait été aussi
en état de réquisition, ils doivent être décidé à partir du moment où ils avaient
abandonnés à l’appel de leurs maîtres écrasé les anciennes autorités du royaume,
rapaces, sous peine de mort s’ils refusent. ils employèrent tout artifice et firent le plus
Là-bas, personne n’ose écrire, imprimer, d’efforts possibles pour atteindre leur but.
dire, ou même indiquer, par le plus petit Ils commencèrent leurs attaques impies
signe, toute désapprobation des mesures contre l’Eglise en humiliant ses pasteurs aux
qui risquent d’être dictées par les factions yeux du peuple, en les dépouillant de leurs
alors au pouvoir. Toute presse qui affiche vêtements sacerdotaux qui, des années
le moindre mot de désaccord avec les durant, les avaient rendus respectables aux
mandats des arrogants directeurs sera yeux des fidèles. Ils les privèrent ensuite
saisie et les éditeurs condamnés à mort, de leur gagne-pain et d’autres biens et en
emprisonnés ou bannis. Les gens n’ont pas firent les ennemis des véritables intérêts du
de lois stables ou fixes par lesquelles, pour pays, parce qu’ils ne prêtaient pas serment,
réguler leur conduite, un édit est rarement ce qui n’équivalait à rien de moins qu’un
rendu public avant d’être annulé par son renoncement à l’autorité du souverain
contraire ; si bien que ce qui est considéré pontife et des évêques, en un mot, de la
comme légal et même patriotique religion catholique qui leur avait transmise
159
Proclamation de John Adams
depuis plusieurs siècles d’affilée. Devant même séduites qu’elles respectaient les
leur refus noble et presque unanime à ordres de leurs tyrans. Enfin, quand tous
apostasier leur foi, commença la plus les moyens de perversion avaient échoué,
horrible période de persécutions (et peut- un édit barbare les dépouillait d’un seul
être la pire de toutes), qui n’aient jamais coup de tous leurs biens; leurs couvents
été infligées à des pasteurs de l’autel, et sont proclamés biens de la nation ; et,
elle continue, avec une fureur sans répit, en une seule journée, toutes ces victimes
à l’heure où je vous parle. Selon les tout impuissantes, au nombre de 30 000,
derniers rapports authentiques, les prêtres sont condamnées à souffrir, réduites à la
sont encore pourchassés et l’on offre de pauvreté et à la misère. Nombre d’entre
fortes récompenses pour leur capture. elles avaient vieilli dans les cloîtres,
Des milliers de saints hommes, généreux nombre d’entre elles étaient malades et
confesseurs de Jésus Christ, ont été mis infirmes, toutes avaient renoncé, selon
à mort, par noyade, exécution, guillotine les décrets de lois anciennes, à tout ce
ou ont péri dans la misère et à la suite de qu’elles possédaient en ce monde, et se
mauvais traitements. Des milliers et des retrouvèrent bien sûr dans une détresse
dizaines de milliers d’entre eux ont été extrême. Aucune considération de cet
bannis de leurs foyers, privés de tout moyen ordre n’était en mesure de toucher les
de subsistance, par le biais des sanglants cœurs durs de leurs ennemis qui, pour
édits de ces monstres français ou sont aggraver leur situation misérable et
partis en exil volontaire et sont en train désespérée, interdirent à quiconque d’en
d’errer dans des contrées étrangères où ils héberger plus de deux à la fois, sous peine
subissent soit les horreurs de l’indigence de sanctions sévères. Toute l’éloquence du
soit prolongent leur existence en acceptant monde ne suffirait complètement à décrire,
la charité des étrangers. Je n’ai pas besoin dans leurs véritables déroulements, le
de vous informer, mes frères, que les moindre de ces actes horribles qui eurent
deux excellents prêtres qui gouvernent ce lieu en France pendant ces quelques
troupeau, avec tant d’intérêt, et qui sont, années écoulées. Les nombreux faits de
à juste titre, si chers à vos yeux, ne sont sauvage barbarie relatés dans l’histoire
ici que par suite des terribles ennuis dans du monde, rassemblé et mis tous bout à
leur propre pays. bout, semblent de douces bénédictions
Mais la cruauté des persécuteurs ne en comparaison des cruautés raffinées
s’arrêtait pas aux différents ordres du commises par les factions sanguinaires
clergé ; elle s’étendait même aux pauvres de ce pays, des cruautés perpétrées non
religieuses, innocentes et sans défense, à pas par quelques individus illicites, au
qui l’on interdit presque totalement tout milieu du chaos révolutionnaire, mais
contact extérieur et tout temps consacré sur ordre des hommes au pouvoir, sous
aux calmes exercices de dévotion, elles leurs yeux. Si je commençais à entrer dans
étaient devenues presque plus timides que quelques détails, comme les mentionnent
les plus faibles d’entre elles qui vivaient les écrivains de leur camp, les cheveux
dans le monde. Des hordes de brutes se dresseraient sur votre tête, tous les
armées furent envoyées dans leurs refuges membres et articulations de votre corps
sacrés et utilisèrent toutes sortes de se mettraient à trembler, les époux
violence pour leur faire prêter le serment aimants ne supporteraient pas le choc ;
sacrilège de renoncer à leur foi. Nombre les tendres mamans s’évanouiraient en
d’entre ces vierges inoffensives expirèrent entendant le récit, et votre pudeur, mes
sous le fouet meurtrier pour garder innocents auditeurs, serait si grandement
intacte la fidélité à leurs vœux. Très peu heurtée. J’élude par conséquent ces scènes
d’entre elles étaient tellement terrifiées ou abominables. À tous ces actes inhumains,
16 2
ils ajoutèrent les plus horribles impiétés et les églises, volé les vies et les biens de tous
profanations. Ils dévalisèrent les églises de ceux qui ne participaient pas à leurs atrocités,
leurs objets sacrés, de leurs habits et autres privé le peuple de sa liberté de culte, les ont
choses dédiées à l’adoration de Dieu et les fait dévaliser par leurs armées, ont prélevé
convertirent à des usages publics. Ils ont sur eux les plus lourdes contributions, les
transformé ces vénérables lieux de culte ont forcés à abandonner leurs bastions, et à
en maisons de jeux, magasins, corderies, garder les conquérants parmi eux afin de les
étables et des choses dans le même genre, assujettir encore plus. La Hollande était une
et d’autres servirent aux hommes impies ruche d’abeilles, ses enfants volaient sur les
et aux prostituées à qui ils firent des ailes du vent vers chaque coin du globe ; et
honneurs extravagants. Ils ne respectaient rentraient chargés des douceurs de chaque
rien de ce qui était lié à la religion. Ils ont climat. La Belgique était un grand pré de
commandé toutes les bibles, les livres de verdure, les bœufs travaillaient dur, les
prières, les images sacrées et tout ce qui champs portaient l’épaisse couche de récoltes
allait être produit et les ont consumés abondantes. Les malheureux Hollandais
en une grande masse commune. À peinent encore, mais pas pour eux-mêmes, ils
cet égard, aucune religion n’a été plus récoltent encore du miel, mais pas pour eux-
favorisée qu’une autre, car les temples des mêmes. La France se sert dans la ruche aussi
opposants et même les synagogues juives souvent que le travail la remplit. Les Belges
furent aussi vidés et leur contenu livré malavisés ne mangeront plus longtemps
aux flammes. Ils n’épargnèrent aucune les fruits de leur propre terre, la France, la
des institutions sacrées du christianisme France avide de tout (qui ne cesse de crier:
et, afin de les effacer complètement de la « Donnez, donnez. ») trouve l’occasion ou
mémoire de l’humanité, ils ont interdit de crée l’occasion de participer largement aux
passer le premier jour de la semaine dans richesses, autant le dire d’eux plutôt que de
l’exercice d’adoration religieuse (pratique leurs bœufs, ils labourent leurs champs, mais
contemporaine dans le déroulement de pas pour leur propre intérêt.
la religion chrétienne) et ont introduit, Il faudrait beaucoup plus qu’un discours
à la place, la décade, jour entièrement ne le permet pour suivre leurs bandes de
consacré à des amusements profanes. criminels dans tous les endroits où, tels des
Mais les effets funestes de la Révolution anges destructeurs, elles ont semé la terreur
française ne se limitèrent pas à ce pays – et la désolation. Partout où ils ont rencontré
Elle a aussi déclenché des ravages dans la moindre résistance, surtout si un seul
ses colonies dans l’ouest de l’Inde. Elle a Français était tué pendant le conflit, des
apporté la ruine et la dévastation dans groupes de juges respectables payaient de
ces îles naguère prospères, sous prétexte leur vie la prétendue rébellion ; des villes
de répandre chez eux les bienfaits de la entières furent menacées d’extermination
liberté: les blancs ont été lynchés par les pour pareille offense et elles furent sauvées
esclaves, les villes les plus riches ont été d’une ruine imminente en échange de fortes
livrées au pillage et incendiées, et l’on sommes d’argent. Comme des torrents
déclara une guerre d’extermination qui déchaînés, dans la rapidité du courant, ils
sévit encore avec fureur. ont écrasé tout sur leur passage et, sans
Si nous examinons le monde européen et faire de distinction entre les amis et les
considérons les pays que les Français ont ennemis, ils ont rayé de la liste des nations
soit conquis soit poussé à fraterniser avec indépendantes, Genève, Gênes, Venise et le
eux (d’après leurs dires), nous verrons territoire du Vatican. Le Pape fut, des années
que, partout, malgré leurs promesses durant, grâce à la générosité des princes
presque solennelles de préserver la liberté chrétiens, un véritable souverain temporel.
de conscience, ils ont constamment pillé Son autorité lui avait été garantie par les
163
Les souffrances, qu’ils ont répandues ( Les Jacobins révolutionnaires français)
à travers le globe, sont au-delà de tout calcul potentiel, ce sont des souffrances si
universelles qu’elles sont capables de susciter l’horreur chez tous ceux qui ont des
sentiments humains ou méritent le nom d’êtres humains, des souffrances qui ne
seront jamais effacées de la mémoire de l’humanité.” Père John Thayer
16 4
165
5 RETOUR À BOSTON
mêmes traités solennels qui avaient lié pour leurs parents, l’église est liée à la prière
jusqu’à présent les royaumes aux états. comme l’étaient les premiers chrétiens à
En dépit de ces traités, l’Assemblée fut à saint Pierre, qui, grâce à leurs prières, fut
peine formée qu’elle s’empara de force libéré de prison par l’intervention d’un
d’une précieuse part de ses biens sous ange. Notre révérend évêque a ordonné à
prétexte que pour sanctionner tout vol, chaque prêtre de prier pour le souverain
cela représenterait un ajout conséquent à pontife, d’une façon particulière, pendant
l’empire français. Depuis leurs premières six mois consécutifs. C’est un devoir que
agressions, ils n’ont pas cessé un seul instant nous assumons avec joie. Nous espérons,
de détruire la souveraineté temporelle du que chacun d’entre vous, qui éprouve
pontife romain et, si possible, de mettre l’amour le plus infime pour la religion,
fin à sa suprématie spirituelle au sein de unira ses prières à toutes celles qui sont
l’Église. Et, bien que notre Saint-Père en train de surgir de toutes les parties de
se fût montré très longtemps des plus l’église catholique, dans ce même objectif
pacifiques, en vrai disciple de l’humble et majeur. Mais, pendant que nous vous
doux Jésus, bien qu’il fût bien disposé aux pressons instamment de prier, nous vous
yeux de toute l’Europe, comme Bonaparte exhortons, en même temps, à ne pas vous
est obligé de le reconnaître, bien que sa décourager devant le sombre horizon
piété sincère, sa fermeté et sa modération des affaires de l’Église. Bien que quelques
au cœur des plus grandes difficultés, son fanatiques, sous les masques jacobins de
esprit de sacrifice et de concession, tant la calomnie et de l’abus, se soient réjouis,
que ses fonctions et sa conscience n’étaient ces derniers temps, des malheurs du
pas compromises, lui ont attiré l’amour et Pape, comme si l’arrivée de l’Antéchrist
la vénération de tous les hommes de bien, était imminente, nous les catholiques,
l’admiration et l’estime de ses ennemis, et détestons de telles fanfaronnades,
ont créé une vive sollicitude au sein des sachant, avec la certitude de la foi divine,
plus sages opposants de notre foi, pour que toutes leurs sottes prémonitions se
préserver sa personne et sa temporalité, en révéleront vaines et que l’Eglise restera
dépit de tout cela, la terrible république- debout et triomphera, en dépit de tous
ogresse, à la fin, a trouvé une occasion les maux de la terre. Dieu a déclaré que
de lui voler tous ses états et pour assurer les portes de l’enfer ne prévaudront point
la coopération de ses propres sujets, au contre elle ; et sa parole sera accomplie.
travail inique, elle a bercé leurs oreilles au Elle a surmonté les plus dures épreuves,
son des sirènes de la liberté qui prendrait toutes les puissances mondiales étaient
bientôt fin sous la forme d’un sordide liguées contre elle depuis le tout début et
esclavage. trois siècles durant, la plus grande partie
Permettez-moi ici de porter votre de ses bergers ont versé leur sang pour
attention, pendant quelques instants, sur la défendre. Sa préservation passée est
le Père commun à tous les fidèles. Peut- un gage de protection future. Toutes ses
être qu’il est, pendant que je parle, en proie souffrances furent prédites par son Divin
aux plus ignobles traitements, insulté et créateur, qui a pris soin de la construire
vilipendé, comme le fut le Rédempteur du sur un roc si solide qu’elle résista à tous les
monde, qu’il représente sur terre, peut-être flots et tempêtes de la persécution et de
qu’il est détenu dans un horrible cachot, l’impiété qui pouvaient déferler sur elle.
enchaîné comme le fut saint Pierre, dont Le Pape Pie VI est le successeur de saint
il est le plus digne successeur ou peut-être Pierre, le prince des apôtres, il est le vicaire
qu’il a été victime de la fureur des ennemis de Jésus-Christ sur la terre, et la tête visible
de Dieu et des Hommes, et est ainsi de son Église et, par conséquent, quel
devenu un glorieux martyr de la sainte foi que soit son destin, aujourd’hui, soyons
catholique. On oblige les enfants à prier sûrs que Dieu existe, et qu’il aura aussi un
16 6
successeur, encore jusqu’à la fin des temps. vengeance divine. Que sera le destin de
De grandes révolutions peuvent avoir lieu l’Angleterre, contre laquelle leur haine et
sur tout le globe : des royaumes peuvent leur méchanceté semblent principalement
devenir des républiques et des républiques dirigées, ou plutôt, pour laquelle une
des royaumes, la civilisation succéder à période va bientôt commencer où ils
la barbarie et la barbarie à la civilisation. auront un appétit vorace pour ses richesses.
Au milieu de toutes ces vicissitudes, c’est
encore la barque de saint Pierre, avec Pendant ce temps, nous devons souhaiter
ses successeurs à la barre, qui réussira ardemment la sauvegarde de ce royaume
à naviguer sur le courant du temps ; et magnanime, seul rempart de fortune en
jamais pilote n’aura été plus vénérable que Europe contre la percée de la barbarie et
quand il aura guidé le vaisseau à travers prier avec ferveur pour elle. Considérons
les hurlements de la tempête et les flots maintenant ce qu’ont été la bassesse
déchaînés. Nous devons être vraiment et l’injustice de cette grande nation
mortifiés que l’iniquité parvienne à de (comme ils se nomment eux-mêmes à
telles extrémités contre la sainte Église tort) envers l’Amérique. Au tout début
de Dieu, nous devons, tout un chacun, de leur révolution, nous reconnûmes
tenir nos péchés en partie responsables leur existence en tant que république et
de cette terrible calamité, nous devons, en reçûmes officiellement leur ambassadeur,
conséquence, nous résoudre à réformer acte pour lequel nous risquâmes la
notre vie, tout particulièrement en ce disgrâce des principales puissances
moment, où la charité de beaucoup de européennes alors liguées contre eux ainsi
catholiques a disparu, quand les ennemis que la guerre avec les plus grands d’entre
de l’Église sont ses enfants préférés qu’elle eux. Nous leur envoyâmes notre pain
a élevés avec le soin et l’affection les plus quand leurs ports étaient bloqués et qu’ils
tendres et nourris avec les paroles de Dieu mouraient de faim. Nous en arrivâmes
et les sacrements. Mais, je le répète, ne même, bien avant qu’elle ne fût due, à leur
soyons pas consternés au point de croire remettre en mains propres la dette que
que tout est perdu. La promesse de Dieu nous avions contractée auprès de leur bon
fera effet dans la plénitude et la perfection. Il roi qu’ils avaient assassiné de la manière
est encore le Seigneur fort et tout-puissant, la plus inhumaine. Ils séduisirent nos
son bras n’est pas raccourci, il continuera à marchands et leur firent livrer les riches
protéger son Église, acquise avec son sang produits de leur terre, et, pour ajouter à
précieux. Ses ennemis seront tous vaincus l’éternelle infamie de cette république-
et confondus et elle sera purifiée, comme escroc, ils sont restés impayés jusqu’à
l’or dans le feu, de toutes les scories dans aujourd’hui ou ont été obligés de recevoir
le creuset des tribulations, et sera encore des billets dépréciés. Nos vaisseaux
plus lumineuse et glorieuse que jamais. subirent l’embargo dans leurs ports, au
Puissent ces images nous consoler. plus grand dam de leurs propriétaires,
Toutes les souffrances, que les Français nos marchands furent dévalisés de
ont occasionnées ou qui sont encore plusieurs millions, pendant des années ;
occasionnées, ne sont qu’un début. Il les clauses de notre traité solennel, conclu
apparaît clairement que leur but est de avec eux, ont été constamment violées et
dominer le monde et, sans une intervention nous fûmes injurieusement traités sous
miraculeuse de la divine providence, nous le frivole prétexte d’impérieuse nécessité,
avons raison de craindre qu’ils puissent on retrouve dans l’expression du bandit de
y parvenir, du moins sur le continent grand chemin le sens de cette phrase : « La
européen. L’Espagne, le Portugal et la bourse ou la vie ». Les despotes de France
Suisse sont sur le point de tomber dans ont interféré sans arrêt dans les affaires de
les bras fraternels de ces pasteurs de la notre gouvernement, qu’ils se sont efforcés
167
grâce à leurs espions, leurs pots-de-vin vous et à chaque fois, si nous l’acceptons,
et leurs intrigues infâmes et malignes, vous devez nous donner autant de millions
de séparer du reste de la population. Ils de dollars que nous aurons le plaisir de
ont traité nos magistrats en chef avec vous demander et notre demande ne
les plus grands mépris et indignité : sera pas réglementée par la justice de vos
ils ont persuadé les gens de détester et revendications que nous reconnaissons et
calomnier leurs dirigeants, de pousser les dont nous nous moquons, mais par notre
autorités constituées par eux-mêmes à pouvoir d’exigence et votre capacité de
agir en leur nom et à établir un système paiement – et si vous refusez ces conditions,
de désordre et une démocratie sauvage si vous ne nous le donnez pas, aussi
et sans principes au lieu de notre liberté longtemps que vous pouvez le faire, nous
actuelle et raisonnable. Tous ces torts ravagerons vos côtes, nous vous traiterons
aggravés, toute cette accumulation d’abus de la même façon que nous l’avons fait avec
et de blessures imméritées, nous nous la Hollande, Genève, Gênes et les autres
sommes abstenus d’en vouloir, espérant républiques et nous détruirons même
encore le retour de cette générosité et de votre nation et vous partagerons avec qui
cette justice naturelles du cœur humain. bon nous semble, comme nous l’avons fait
Nous avons essayé chaque moyen de avec Venise, la plus ancienne république
conciliation qui fût compatible avec la du monde, que nous avions déclarée peu
dignité et l’honneur d’un peuple souverain auparavant libre et indépendante”.
et indépendant. Notre gouvernement
leur a d’abord envoyé un gentilhomme de Voici, en substance, la réponse donnée à
très grande respectabilité, avec les pleins nos émissaires par les arrogants sultans de
pouvoirs pour régler toutes les divergences France – et y-a-t-il un seul homme libre en
existantes, mais ils l’ont repoussé et traité Amérique, natif ou étranger, dont le sang
avec des marques de mépris. Mais comme ne bout pas devant tant d’insolence, et qui
notre Président croyait comme il se doit n’y répondrait pas, dans la langue de nos
aux grandes vertus de la paix, il persévéra émissaires, en disant : “nous lutterons en
dans son comportement conciliant et hommes plutôt que de nous soumettre ?”
il joignit deux autres citoyens des plus Bien que beaucoup furent trompés,
distingués au gentilhomme qu’ils avaient dans le passé, par manque de véritables
refusé auparavant, se flattant gentiment informations et par l’idée que la France se
que cette marque de condescendance et battait pour la liberté, personne maintenant,
de déférence produirait son effet. Mais dès depuis que leur comportement inique et
leur arrivée, ils furent traités avec la plus tyrannique envers notre pays s’est avéré,
suprême indignité. Ils attendent encore à moins d’être un méchant patenté, ou
patiemment : ils supplient, ils supportent épris de confusion, de sang et de rapine,
chaque humiliation dans l’espoir d’un ne peut leur trouver la moindre excuse.
rapprochement ou même d’un entretien Le charme du mot liberté, par lequel ils
avec les arrogants usurpateurs du pouvoir ont fasciné si longtemps les ignorants et
despotique. Et quelle est la réponse les inconscients, est à présent dissous. Les
que leurs agents ajoutent à toutes ces honnêtes hommes peuvent maintenant
humiliations ? La voici, mes amis : exprimer ouvertement et librement leurs
sentiments sans aucune crainte de ces
“D’abord, vous devez nous remettre trente- rudes factions impudentes qui ont si
trois millions de dollars, comme cadeau et longtemps réduit au silence des peuples
dette, c’est plus d’argent que cent wagons, pacifiques et dans une certaine mesure,
chargés chacun d’une tonne et cette somme intimidé notre gouvernement. En passant
énorme admise en notre sublime présence, en revue ce qui a été dit, nous y voyons un
au terme de quoi, nous ferons la paix avec grand motif d’humiliation devant Dieu
16 8
5 RETOUR À BOSTON
169
5 RETOUR À BOSTON
vous gagnez votre pain et profitez de lesquels nos propres dirigeants, que vous
tous les heureux avantages qui découlent avez choisis, ainsi que leurs mesures,
de votre vie sociale. L’Angleterre que sont sans cesse vilipendés, calomniés
vous jugez comme votre ennemi et votre et dénaturés et dans lesquels tout ce qui
oppresseur, c’est vrai, est en train de est fait par les Français, quoiqu’absurde,
s’accrocher à la nation qui nous pille et inconsistant et infâme, est toujours loué
nous insulte. Nous ne sommes pas, pour et cité comme modèle de perfection, des
cette raison, appelés à défendre la cause journaux qui, fidèles et libres à leur devise,
de l’Angleterre. Je sais que, pour rallier sont toujours remplis de mensonge et
les ignorants et les inconscients aux côtés d’avis asservis.
S
de la France, les partisans ont dit qu’elle
défend la cause de tous les opprimés, à i vous voulez éviter les horreurs que
travers le monde, contre leurs tyrans et la le jacobinisme a produites en France,
cause républicaine contre la monarchie, et où que ses maximes pestilentielles
mais ce langage est trop vieux pour avoir aient gagné du terrain, vous devez vous
cours, à cette époque, même avec les plus efforcer de les détruire dans l’œuf, vous
incultes, en particulier depuis qu’elle a devez réprimer toute insubordination,
englouti toutes les républiques de l’Ancien désobéissance et même irrespect envers
Monde. La France est le grand oppresseur vos dirigeants civils de même qu’envers
de l’univers et, par conséquent, le combat vos supérieurs ecclésiastiques. Vous
commun à la race humaine revient donc avez beaucoup entendu parler des
à s’opposer à ses tyrans, à ses pilleurs droits de l’Homme, il est grand temps
et assassins, c’est le combat de chaque maintenant de vous occuper des devoirs
gouvernement normal et de toute société de l’Homme. Rappelez-vous que personne
civilisée contre le désordre, l’anarchie et la ne peut avoir le droit de faire le mal et
terreur, c’est le combat de toute religion et que l’obéissance et le respect dus aux
vertu contre le déisme, l’athéisme et toute dirigeants établis légalement font partie
espèce d’immoralité : c’est votre combat, des devoirs les plus stricts. La conduite
c’est mon combat, c’est le combat de tout inverse est une très grande erreur et un
honnête Homme ; c’est un combat qui péché. Un esprit de désobéissance et de
intéresse profondément notre vie, nos révolte est étrangement répandu parmi les
biens, notre liberté, notre conscience, enfants et les esclaves. C’est pour l’heure
tout ce qui nous est cher dans le temps et une plainte très répandue ; et c’est une
l’éternité. Portez alors la bannière de ce abondante source de jacobinisme dans
pays et opposez-vous, par tous les moyens l’état. Faites attention, par conséquent,
possibles, à toutes les attaques directes à la discipline familiale, maintenez vos
ou insidieuses de votre ennemi. Apposez subordonnés dans une exacte soumission
volontiers votre nom à l’appel de cette et ils s’habitueront à cette obéissance et
ville pour le président de l’Union à qui cette soumission qui en feront de bons
l’on offre vie et fortune pour la défense citoyens et qui contrecarrera efficacement
du pays. Ne soyons pas neutres, mes toutes les tentatives des fauteurs de trouble
frères : “Celui qui n’est pas avec moi, est d’introduire l’anarchie et la confusion dans
contre moi”, soyons respectueux du pays ce pays aujourd’hui paisible et heureux.
qui nous nourrit comme nous sommes
respectueux du Seigneur lui-même. Évitez AMEN
tous ces hommes qui cherchent à attiser
votre colère contre l’Angleterre pour vous BOSTON LE 9 MAI 1798
rallier aux côtés de la France. Ne lisez pas
ces séditieux journaux menteurs dans REVEREND JOHN THAYER.
17 0
Vous avez beaucoup entendu parler des droits de l’Homme, il est grand temps
maintenant de vous occuper des devoirs de l’Homme. Rappelez-vous que personne
ne peut avoir le droit de faire le mal et que l’obéissance et le respect dûs aux
dirigeants établis légalement font partie des devoirs les plus stricts.”
Père John Thayer
171
D u temps de l’Abbé Matignon
et de l’Abbé de Cheverus, la
congrégation catholique grandit
en nombre et en respectabilité grâce
non seulement à l’arrivée à Boston de
pour confondre l'erreur ou dissiper les
préventions de ses attaques.
17 2
5 RETOUR À BOSTON
17 4
catholiques de Boston.
175
5 RETOUR À BOSTON
17 6
177
La photographie qui illustre ce document est
la véritable relique de Boston “Vera Crux”.
Avant son départ définitif de Boston, l’Abbé
Claude de la Poterie l’offrit à Mgr Lefebvre
de Cheverus qui eut à cœur qu’elle ornât
désormais sa cathédrale de Boston.
17 8
Détail de la Croix reliquaire de Boston
179
18 0
5 RETOUR À BOSTON
181
5 RETOUR À BOSTON
À
journées, et partit bientôt pour la Grande-
Bretagne, sans connaître la langue la mort de l’Abbé François-Antoine
anglaise, et n’ayant pour toutes ressources Matignon, le 19 septembre 1818,
que 500 francs d’alors. Le gouvernement il fut mandé par l’église de France
britannique accordait alors des secours à revenir au pays et le 15 janvier 1825, il
aux prêtres français réfugiés; l’Abbé de fut nommé à l’évêché de Montauban, puis
Cheverus ne voulut pas en profiter et il ensuite nommé archevêque de Bordeaux
réussit à pourvoir lui-même à ses besoins, et reçu le pallium des mains de Mgr de la
en se plaçant comme professeur de français Myre, et repartit le lendemain pour sa ville
et de mathématiques chez un ministre épiscopale. Mgr le Cardinal de Cheverus
protestant qui tenait une pension. Au bout arriva à Bordeaux le 14 décembre 1826, il
d’un an, il sut assez l’anglais pour se charger y créa une caisse de retraite ecclésiastique,
du service d’une chapelle catholique. En établit les conférences diocésaines, publia
même temps, on lui proposa de se mettre à un nouveau rituel, fonda ou encouragea
la tête d’un collège à Cayenne. Mais en 1795, par ses aumônes l’œuvre de la Miséricorde,
l’abbé François-Antoine Matignon l’appela des orphelins de Lorette et des petits
en Amérique (Nouvelle-Angleterre), à son Savoyards de la Sainte Famille. Dans les
arrivée à Boston, le 3 octobre 1796, l’Abbé divers voyages qu’il était obligé de faire
de Cheverus trouva une communauté à Paris, comme Pair de France, il eut
divisée et qui n’était pas favorable au l’occasion de prêcher souvent à l’École
catholicisme, mais aidé du Père François- Polytechnique. Le jour de la Pentecôte
Antoine Matignon, il s’appliqua avec de 1836, il promulgua dans sa métropole
zèle aux travaux évangéliques. Mgr John de nouveaux statuts synodaux depuis
Carroll, évêque de Baltimore, informé de longtemps attendus. Ce fut le dernier acte
tant de vertus et de talents, lui proposa la administratif du cardinal de Cheverus; il
cure de Sainte-Marie à Philadelphie ; mais tomba malade en 1836 et quitta ce monde
il ne voulut pas quitter l’Abbé Matignon, le 19 juillet de cette même année, jour où
qui l’avait appelé de Grande-Bretagne. Le l’Église célèbre la fête de saint Vincent de
nombre des fidèles s’accrut bientôt à Boston: Paul, dont il avait, sous tant de rapports,
les protestants eux-mêmes désiraient reproduit les vertus.
18 2
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187
Une minorité, la classe dominante d’aujourd’hui, a les écoles et la
presse, et aussi habituellement l’Eglise, sous sa domination. Cela lui
permet d’organiser et d’influencer les émotions des masses, et d’en faire
son instrument. Albert Einstein
18 8
6 LES MISSIONS LE KENTUCKY
189
6 LES MISSIONS: LE KENTUCKY
191
Le Père John Thayer fut le premier prêtre américain à avoir exercé en tant que tel
sur le territoire du Kentucky. A son arrivée, le Père Thayer fut affecté dans le comté
de Scott, dans la communauté de White Sulphur entre Lexington et Frankfort :
paroisse « St Pius Church of White Sulphur St Francis de Sales”.
suites des blessures subies lors d’une chute providentielle d’une demande que lui
de cheval le 9 novembre 1799). avait faite le Père John Thayer et Mgr
Carroll lui proposa de rejoindre la
mission du Kentucky.
On comprend alors toute la peine de
Mgr John Carroll à pourvoir en prêtres L’évêque de Baltimore informa le Père
toutes les congrégations catholiques Stephen Badin de son intention ; il
disséminées sur l’immense territoire connaissait comme beaucoup à cette
américain. La faiblesse de ses moyens époque la réputation du Père John
et l’éloignement extrême avaient rendu Thayer et l’Abbé Badin avait été séduit par
l’entreprise vaine, et la poignée de prêtres la piété « pénitentielle » du Père Thayer
qui subsistait devait faire preuve d’une qu’il pratiquait lui-même, au grand dam
grande autonomie et accepter de ne pas des catholiques du Kentucky qui étaient
pouvoir exercer pleinement le contrôle plutôt inconstants et libertins. Le Père
social qui était à la base du catholicisme. John Thayer douta de prime abord
Le Père Stephen Badin n’arrêtait pas de d’avoir, à bientôt quarante ans, l’énergie
lui réclamer des « prêtres de qualité » suffisante pour assumer une mission sur
pour l’aider au Kentucky. C’est alors que la zone frontalière. Toutefois, sans autre
l’évêque de Baltimore eut l’opportunité alternative, il finit par accepter d’y aller.
193
6 LES MISSIONS LE KENTUCKY
Après avoir appris cette nouvelle, l’Abbé et Gollar place « l’esclavage » en avant
Stephen Badin, qui avait dix ans de du problème pour lequel l’Abbé Thayer
moins, suggéra au Père Thayer de lui n’était pas d’accord avec le point de vue
succéder. Le Père Thayer donna une catholique et protestant de son époque,
suite positive à l’offre et c’est ainsi qu’il et il l’avait déjà démontré quelques
parut dans le Kentucky en 1799. années auparavant dans ses différentes
Q
publications qui parurent dans la
uand Dieu voulut faire entrer rubrique « Monitor » du Boston Argus
dans le giron de son Église les de juillet à octobre 1792. Dans l’un de ses
peuples de l’Union américaine, il articles, le Père Thayer y comparait la vie
envoya, pour les diriger et les conduire, à une scène où deux personnes joueraient
des prêtres français émigrés, mais cette le rôle d’un roi et d’un mendiant. “On
fois-ci, il leur envoya un prêtre américain, n’applaudit pas plus celui qui fait le rôle du
le premier à avoir exercé en tant que roi que celui qui joue le mendiant “, écrivait
tel sur le territoire du Kentucky. A son Thayer, “ mais celui qui, peu importe qui il
arrivée, le Père Thayer fut affecté dans est, joue le rôle qui lui est alloué avec la
le comté de Scott, dans la communauté plus grande justesse.” Il montrait ainsi
de White Sulphur entre Lexington et du doigt l’ensemble des catholiques
Frankfort : paroisse « St Pius Church et des protestants qui s’appuyaient
of White Sulphur St Francis de Sales ». sur des arguments semblables pour
Les catholiques y étaient installés depuis justifier l’existence de l’esclavage par
1786 et y avaient érigé une petite église un « arrangement soi-disant divin. »
en bois dès 1794. À plusieurs reprises, ils Les catholiques avaient déjà placé la
avaient prié Mgr John Carroll et l’Abbé subordination des esclaves dans l’ordre
Stephen Badin de leur envoyer un prêtre mondial de leur hiérarchie. Le Pape
à résidence pour leur paroisse. (L’Abbé Grégoire XVI dans son encyclique de
Badin en fut le prêtre résident jusqu’en 1840, « In supremo Apostolatus », dénonça
1795 et l’abbé John Thayer de 1799 à les horreurs du commerce international
1804). C’est pendant le début des années de l’esclavage, mais notifia que les apôtres
1800, que commença la construction « apprenaient aux esclaves à obéir à leurs
de l’église actuelle. Son intérieur reflète maîtres temporels, comme ils le faisaient
encore l’atmosphère des temps anciens, envers le Christ lui-même, et à faire avec
les prie-Dieu s’étendent encore sur joie la volonté de Dieu. » Trois années
le devant de l’autel et les portes pour plus tard, l’évêque Francis Patrick Kenrick
les bancs restent comme les symboles de Philadelphie cita cette déclaration
marquants des traditions d’antan de papale en disant, d’après les espérances
l’église catholique des Etats-Unis. catholiques dominantes, que les maîtres
Les paroissiens du Kentucky ne se étaient bons avec leurs esclaves et que les
doutaient pas alors que le Père John esclaves acceptaient leur sort.
Thayer ne serait pas tout à fait le prêtre
complaisant et docile qu’ils attendaient Le Père John Thayer, quoi qu’il en soit,
et les événements qui allaient survenir n’était pas d’accord quand Mgr Carroll
seraient décisifs pour la suite des l’avait envoyé en 1793 dans le Sud comme
événements. missionnaire au Norfolk et à Portsmouth
Dans un article de C. Walker Gollar en Virginie : l’esclavage fut le point de
édité sous le titre « Catholic Slaves and rupture principal de cette mission.
Slaveholders in Kentucky » nous donne Le Père Thayer disait que le véritable
un début de piste sur les préoccupations développement d’une personne, peu
et les scrupules du Père John Thayer importe son statut, provenait des passions.
19 4
Il reconnaissait que nombre d’auteurs révolutionnaires Jacobins qui ruinèrent
suggéraient d’ôter les passions, mais la France. Et toujours d’après C. Walker
il croyait que ces « émotions fortes de Gollar qui affirme : ce fut d’autant plus
l’âme » faisaient partie du plan divin et évident quand il dévoila un autre de ses
devaient être, par conséquent, asservies grands projets : en juin 1799, l’Abbé
à toutes fins utiles. Dieu créa les passions, Stephen Badin expliqua à Mgr Carroll
insistait John Thayer, et donna ensuite que le Père Thayer avait l’intention de
les Écritures pour nous guider. « Quels s’approprier le terrain de l’église ainsi que
que soient notre rang et notre condition le presbytère et de prendre deux nègres
sur terre, que nous apparaissions vils et affranchis à son service pendant trois ans,
bas aux yeux des Hommes », expliquait-il, puis (projet gigantesque!) il poserait les
« Dieu s’adresse réellement et directement fondations d’un couvent d’ursulines et
à nous comme s’il n’y avait que nous sur libérerait les esclaves, ce qui était digne
terre ». d’un grand homme. Le Père Thayer avait
Il affirmait que tous, peu importe le rang, déjà stipulé dans ses dernières volontés que
devaient imiter Jésus, en se référant les biens conséquents, qu’il avait hérités de
aux temps où le Christ montrait ses sa famille quelques décennies auparavant,
émotions : quand il était frappé de pitié seraient employés à la fondation d’un
et de compassion ; quand il était joyeux, nouveau couvent américain et qu’il en
avait de la peine et pleurait ; se mettait avait déjà parlé à Mgr John Carroll.
en colère et était indigné. À travers Mais la provocation du Père Thayer au
l’exemple de Jésus, concluait Thayer, sujet de l’émancipation progressive était
Dieu guidait tout un chacun, « car, à ses nouvelle. Des discussions avec plusieurs
yeux, il n’y avait ni respect ni distinction de déistes du Kentucky, dont Simon Hickey
la personne, mais ce que chacun faisait en de Lexington, avaient influencé la
Q
écoutant sa voix .» progression intellectuelle du Père John
uand il retourna à Boston pour Thayer. De retour en Nouvelle-Angleterre,
demander de nouveau à Mgr l’Abbé Thayer, ainsi que beaucoup d’autres
Carroll à être affecté n’importe ministres catholiques, s’en était pris
où sur la Côte Est de préférence chez des régulièrement au déisme, mais maintenant
prêtres étrangers, le Père John Thayer ne il faisait preuve de discernement dans
s’attendait pas à la réponse catégorique son combat. Au commencement de
de Mgr Carroll qui fut la suivante : « Il la République, le déisme ressemblait
n’y a pas de place à l’Est! » et lui proposa essentiellement à une campagne contre
de songer à la frontière entre les états. l’orthodoxie chrétienne. L’Abbé Thayer
Soucieux de garder de bons rapports réfutait en argumentant que ce n’était
avec son évêque, le Père Thayer avant pas entièrement incompatible avec la
de quitter Boston, révéla qu’en dépit de religion révélée.
ses échecs en Virginie, il croyait encore En fait, Thayer affirmait qu’une
aux arrangements divins ainsi qu’à approche analytique du déisme prouvait
l’importance de l’ordre dans la société. Il en fin de compte l’existence d’un Dieu
avait été influencé par le Président John bienveillant et immanent de la même
Adams, tout particulièrement en ce qui façon que ses enquêtes rationnelles
concernait la défense d’un bon ordre avaient auparavant avéré les miracles
social. Voilà pourquoi il avait fait écho à attribués à Benoît-Joseph Labre. Au
ses points de vue dans son discours du lieu d’abandonner le déisme, Thayer
9 mai 1798. C’est là que le Père Thayer suggéra qu’on pouvait le concilier avec
loua le gouvernement américain, libre la théologie chrétienne. Pourtant au
et simple, et condamna les despotes Kentucky, le Père Thayer découvrit que
195
le déisme dépassait le domaine de la Les catholiques de la région frontalière
simple spéculation. On considérait, utilisaient des esclaves pour obliger les
tout particulièrement dans la région prêtres à s’établir dans ce secteur. Il est
frontalière le déisme comme une force probable que tous les prêtres de la région
révolutionnaire qui représentait une frontalière possédaient des esclaves.
menace contre l’ordre social établi. Les L’Abbé Stephen Badin en avait 10 à son
déistes du Kentucky, en particulier, service. Le Père Thayer avait racheté
défendaient souvent le suffrage universel pour 600 $ à Robert Holton, paroissien
et l’égalité des droits de la femme, en plus de Lexington, Jere et Henny, un couple
de l’abolition de l’esclavage. Au moins d’esclaves, et voulut les affranchir.
en termes d’opposition à ce dernier, le Depuis lors, on considéra partout dans
déisme frontalier confirmait le dégoût le Kentucky que le Père John Thayer
que ressentait le Père Thayer envers était un homme dur et intransigeant,
ce qui avait fait sans doute ressurgir car il disait qu’il libérerait les esclaves et
en lui les souvenirs des cruels maîtres dénigrait de ce fait ce précieux cadeau
de Virginie. Au Kentucky, le Père qu’était l’esclavage.
Thayer rejoint les rangs de plusieurs Mais le Père Thayer n’avait que faire
déistes, défenseurs de l’émancipation de l’opinion publique. Selon ce qu’en
des Noirs. Au Kentucky, de nombreux raconta par la suite l’Abbé Stephen
esclavagistes catholiques rejetaient toute Badin à Mgr John Carroll, le Père Thayer
forme d’émancipation. L’esclavage avait continua à titiller les grands propriétaires
fait grandement partie du catholicisme terriens et leur autorité de maître
frontalier aussi bien que de la région envers les esclaves : «Le Père John était,
frontalière du Kentucky. La plupart aveuglément et publiquement dévoué à
des premières familles catholiques qui leur cause, en disant toujours et encore
migrèrent après 1785, du Maryland vers qu’ils étaient tout aussi vertueux que
le Kentucky, amenèrent des esclaves les hommes blancs de sa congrégation.»
avec elles ou en acquirent à leur arrivée. En effet, John Thayer proclamait alors,
Que leurs maîtres fussent catholiques d’après les remarques de l’Abbé Badin,
ou pas, les esclaves fournissaient tout le que les esclaves étaient « les meilleures
travail physique nécessaire pour cultiver personnes de sa congrégation ». Comme
la région frontalière. L’ouverture de nous l’avons écrit plus haut, John Thayer
nouvelles terres, associée à la nécessité avait, étant jeune, le goût de défier les
pour les Blancs et les Noirs de coopérer institutions en place ainsi qu’un grand
dans cette région désertique, était désir de nouveauté. Bien qu’ayant grandi
l’occasion d‘entretenir les liens entre dans une famille puritaine calviniste de
maîtres, pionniers et esclaves. Les règles Boston, il n’avait cependant rien perdu
fondamentales de l’esclavage humain de ses convictions, au Kentucky. 16 ans
restaient pourtant en vigueur. Environ après cette rencontre particulière à Rome
la moitié des ménages catholiques, qui au tombeau du Saint Pèlerin d’Amettes
vivaient au cœur des communautés et sa conversion au catholicisme, le
catholiques du Kentucky de Washington Père John espérait toujours convertir
et des comtés de Nelson, possédaient des toute la Nouvelle-Angleterre et croyait
esclaves, à raison de 4 à 5 esclaves par fermement à l’idée d’abolir l’esclavage
maître. Ce qui représentait beaucoup dont il ne soutiendrait, en conséquence,
plus que leurs voisins non catholiques. aucune mesure condescendante contre
Dans le comté de Scott, presque 70 % des les prises de position sudistes de ses
chefs de familles catholiques détenaient paroissiens et amis ecclésiastiques du
des esclaves, six par maître en moyenne. Kentucky.(Prêtres, évêques et religieux.)
19 6
6 LES MISSIONS: LE KENTUCKY
“Le Rev. Ezra Stiles ( Calviniste), président de l’université de Yale de 1778 à 1795” .
197
6 LES MISSIONS LE KENTUCKY
DÉPART DU KENTUCKY
L
Monde qui défièrent l’institution de pratique.
l’esclavage, ainsi que Charles Carroll, a plupart du temps, les Jésuites
sénateur du Maryland. « Charles Carroll considéraient l’esclavage, de la même
de Carrollton et cousin de l’évêque John façon que leurs contemporains
Carroll », le seul catholique signataire catholiques, comme un mal à dompter
de la Déclaration d’Indépendance des mais nécessaire. Le premier étudiant
États-Unis, faisant figure d’exception, qui intégra l’université jésuite de
par son statut de plus riche esclavagiste Georgetown, était un catholique du
de l’Amérique coloniale, et qui appela nom de William Gaston, qui demeura
en 1774 à mettre fin au commerce jésuite et catholique pendant sa longue
international des esclaves. 23 ans plus carrière politique en Caroline du Nord.
tard, il proposa, sans succès, au sénat Il ne défendit pas seulement l’abolition
de l’état du Maryland, un projet de loi graduelle mais qualifia l’esclavage
pour une abolition graduelle. Charles d’obstacle à la société et à l’économie.
Carroll adopta par la suite une politique Quoiqu’il en soit, William Gaston avait
de manumission (affranchissement) sur vingt-trois ans de moins que Thayer.
En 1852 est publié “La case de l’oncle Tom” : C’est un roman qui montre
l’inhumanité de l’esclavage ainsi que le désespoir de beaucoup d’esclaves.
L’histoire se déroule dans l’état sudiste du Kentucky”.
19 8
E n 1799, dans la paroisse du Père
Thayer, la majorité des familles de
Bardstown et de Lexington étaient
de religion catholique; elles avaient toutes
en commun l’attachement à l’esclavage. Et
dans cet environnement, l’Eglise, qui n’a
pas à l’époque « vocation anti-esclavagiste»,
se positionne en étant complaisante avec
cette pratique ; les prêtres achètent des
esclaves, comme le font également les
ministres protestants; ce qui la placera plus
tard au cœur des débats qui animeront
les Etats-Unis à la fin de la Guerre de
Sécession.
Dans ce contexte conflictuel, le sacerdoce
du Père John Thayer était difficile :
heureusement qu’il était doté d’un
caractère fort pour résister aux attaques
incessantes, aux calomnies et aux rumeurs
mensongères. Il traversa la période de
1790 à 1803 dans ce climat houleux et
L
délétère.
es ecclésiastiques calvinistes américains
le traitaient de « Renégat. » Un
personnage de l’époque, le Rev. Ezra
Stiles, président de l’université de Yale de
1778 à 1795, fit ce commentaire acerbe
sur lui :
« Il commença sa vie dans l’impudence, dont plusieurs y sont toujours présentes
l’ingratitude, le mensonge et l’hypocrisie, de nos jours et les idées abolitionnistes
il prêcha de façon irrégulière chez les de John Thayer devaient le conduire
congrégationalistes, alla en France et en inévitablement à la rupture avec la
Italie, devint adepte de l’Église romaine communauté paroissiale. L’informateur de
et rentra convertir l’Amérique vers cette Mgr John Carroll écrivait ceci sur l’Abbé
église d’arrogance insolente et pleine Thayer: « Sa passion pour l’indépendance
de talents insidieux.» Compte tenu de à l’égal d’aucun autre apôtre dans l’Eglise
son caractère impétueux, ce qui devait de Dieu peut lui causer et à d’autres aussi
arriver arriva : le Père John Thayer tomba de grandes difficultés ». Cette prédiction
presque volontairement dans le piège qui se confirma, bien que le terme « grandes
lui fut tendu à l’époque et cela malgré difficultés » fût un euphémisme. Dans les
les nombreuses mises en garde de son premières années de l’Eglise catholique des
entourage de l’Abbé Badin et de Mgr Etats-Unis, quelques prêtres furent bien plus
Carroll. incisifs que John Thayer. Quoiqu’il en soit,
Lexington est une ville qui, au moment il fut l’un des seuls prêtres catholiques qui
des faits, était dominée par de riches s’opposa ouvertement à l’époque au système
familles coloniales favorables à l’esclavage inhumain que représentait l’esclavage.
199
Saint Francis Cemetery White Sulp
20 0
phur (Scott County) Kentucky, USA
201
La tombe (Point rouge sur la photo) d’Eleanor et de Jeremiah
Tarlton dans le cimetière St. Francis qui se situe de l’autre
côté de la route, face à l’église Saint François de Sales.
Jeremiah Tarlton - né le 11 février 1755, dans le comté de St.
Mary (Maryland).
Il était marié à Eleanor Medley, née le 27 février 1762,
également dans le comté de St. Mary (Maryland).
Jeremiah est décédé le 6 juillet 1826 et fut enterré au cimetière
de St. Francis, White Sulphur, Scott County, Kentucky.
Eleanor est décédée en 1845, la date exacte demeure inconnue.
Ils s’étaient mariés le 20 janvier 1782, union qui leur donna
11 enfants, les Tarlton furent parmi les premiers colons
catholiques du comté de Scott à White Sulpur.
Ils possédaient un immense domaine qui s’appelait à l’époque
“Woodford” ainsi que de nombreux esclaves.
La famille Tarlton était la plus riche du comté, et fondatrice
de la congrégation de Saint François de Sales à White Sulphur,
(huit miles à l’ouest de Georgetown).
20 2
.
203
Q uelques anecdotes de cette période
existent encore et perdurent,
relatant que l’Abbé Stephen
Badin et d’autres prêtres de la région
frontalière, dont Charles Nerinckx et
le Président Adams et témoignait
ouvertement, dans ses sermons, de son
admiration sans faille pour sa personne.
En critiquant les convictions politiques
de manière imprudente des républicains
l’Abbé Anthony Salmon, avant sa chute de démocrates dans une région acquise,
cheval mortelle, étaient, dit-on, dévoués depuis si longtemps, à Jefferson et à son
à leurs esclaves et leur apprenaient à parti, il apprit bien vite que le Président
lire. Mais aucun prêtre, à l’exception de Adams était méprisé dans la région
John Thayer, n’avait osé affirmer jusque- frontalière. Juste avant que Thayer ne
là, que les esclaves pourraient dépasser déménage dans le Kentucky, le corps
leurs maîtres d’une manière ou d’une législatif de l’état avait voté les résolutions
autre, et à Lexington, il était le seul à qui soutenaient la cause républicaine de
approuver ouvertement toute forme Thomas Jefferson et James Madison et
d’émancipation. Entre-temps, la plupart dénonçaient le programme fédéraliste
des catholiques blancs enseignaient que, d’Adams. En conséquence, la plupart des
bien que les esclaves dussent avoir la habitants du Kentucky n’appréciaient
même chance d’assister aux sacrements pas les points de vue fédéralistes du Père
L
et gagner une place au paradis, ils ne John Thayer.
pouvaient et ne pourraient partager le es problèmes de Thayer avec les
même pouvoir terrestre que les hommes paroissiens gagnèrent en intensité;
libres. Les catholiques blancs croyaient lorsque les catholiques du comté de
généralement que, dans ce monde, le Scott refusèrent de doter son projet de
système esclavagiste patriarcal était ce qui couvent et même d’assigner un bénéfice
convenait le mieux à la nature, soi-disant à ses terres, il s’opposa ouvertement à sa
servile, des personnes de descendance communauté.
africaine. La plupart des catholiques du «Toutes ses exigences ont lassé ses
Kentucky croyaient que Dieu avait décidé paroissiens », écrivait l’Abbé Stephen
que des maîtres dirigeraient d’humbles Badin à Mgr Carroll au début de l’année
esclaves. Le discours de Thayer, prononcé 1801. « On raconte que quelques dirigeants
à Boston en 1798, dans lequel il était s’opposèrent à ses projets et tinrent des
d’accord avec leur parfaite soumission, propos insultants envers lui. »
reflétait les points de vue catholiques Mais le Père John Thayer tomba aussi vite
prédominants. Mais l’hypothèse que sa révolte était grande dans le piège qui
L
supplémentaire du Père Thayer, qui vit commençait à se refermer sur lui.
le jour au Kentucky, relative au fait que es paroissiens commencèrent à se
les esclaves pourraient être égaux en liguer contre lui pour le déstabiliser et
vertu et même supérieurs à leurs maîtres, surtout pour le faire partir de White
était non seulement un affront envers Sulphur. Dans une seconde lettre adressée
la majorité des paroissiens mais sapait à Mgr Carroll, l’Abbé Badin décrivit les
aussi l’ordre temporel enseigné par les rumeurs colportées par les paroissiens et
catholiques du Kentucky. Par l’évocation les dires d’un certain Jeremiah Tarlton,
d’une éventuelle supériorité des esclaves, selon lesquelles il aurait commis des actes
Thayer menaçait de démanteler les de brutalité envers des esclaves et que des
arguments des catholiques adeptes de bruits couraient aussi qu’il avait brisé le
l’esclavage. secret de la confession en divulguant des
Les sujets fâcheux sur l’esclavage du Père propos entendus au confessionnal. La
John Thayer lui occasionnèrent d’autres rumeur disait aussi que l’Abbé Thayer
problèmes; en effet, John Thayer admirait avait dénudé les épaules de l’esclave Henny
20 4
6 LES MISSIONS: LE KENTUCKY
pour la fouetter, rumeurs qui renforcèrent tournés vers le plus grand esclavagiste de
les foudres de ses principaux détracteurs. sa congrégation, Jeremiah Tarlton, mais le
Le Père Badin déclara aussi dans sa lettre: Père Thayer ajoutait que « presque toute
« Le Père Thayer affaiblit l’autorité des sa paroisse » avait fait de même. Vendre
maîtres sur les esclaves dans ses discours des esclaves, pour assumer des obligations
contre l’esclavagisme. » Le Père Badin financières, était monnaie courante dans
affirmait aussi que le travail des esclaves le Kentucky à cette époque.
œuvrant sur les terres de la paroisse,
profitait aux espoirs du Père Thayer de Mgr John Carroll déclara au Père John
création d’un couvent au Kentucky et Thayer que : « Certainement la charité et
cela reposait sur le capital produit par les peut-être la justice exigeaient de ne pas les
esclaves de cette paroisse. vendre », ce à quoi Thayer ajouta: « Toute
l’Abbé Badin proclama toutefois que la difficulté réside dans le fait, Monseigneur,
John Thayer « dévoué aveuglément et que les maîtres sont soit juridiquement
publiquement à leur cause » et que les obligés de ne pas les vendre, soit forcés de
rumeurs provenaient de son manque quasi les libérer, si cela est possible ». Thayer
légendaire de diplomatie et de tact. Les expliquait que c’était à cela « qu’il cherchait
accusations toutes plus fantaisistes les une réponse explicite ». Apparemment, il ne
unes que les autres ne laissèrent aucun reçut jamais ni le conseil ni le soutien qu’il
répit au Père John Thayer: il était évident attendait de la part de Mgr John Carroll.
qu’il ne pouvait sortir vainqueur de ce Les problèmes de John Thayer avec les
conflit et, au lieu de calmer les tensions, protestants et les catholiques du lieu ainsi
il les accentua en réponse aux rumeurs qu’avec la famille Tarlton s’aggravèrent en
propagées à son encontre: « Il traita même temps que ses difficultés avec ses
d’hypocrites les propriétaires d’esclaves de paroissiens.
cet endroit. » Son mandat dans cet état en herbe
En février 1801, deux ans seulement après fut de courte durée. À peine avait-il
son arrivée au Kentucky, l’Abbé Badin eut exprimé ses points de vue fédéralistes,
la « pénible tâche » de transmettre à Mgr contre l’esclavage à contre-courant de ses
John Carroll que les habitants du comté de paroissiens et voisins et alors qu’il venait
Scott exprimaient de commun accord « le de tester la patience de Mgr Carroll et
regret de la venue de Thayer au Kentucky. » défier ainsi pour la seconde fois l’autorité
« L’Abbé Badin exprima lui-même qu’il de son évêque, ce qui devait arriver arriva:
regrettait son arrogance à l’égard de ceux avant même que l’évêque de Baltimore
qui osaient s’opposer à sa conduite radicale ne prenne une décision à son égard, un
ou ses points de vue ». il ajouta aussi que scandale éclata à White Sulphur, dont les
« les rumeurs accusaient le Père Thayer les rumeurs mirent fin à sa carrière de
de divers harcèlements, de propositions prêtre dans l’état du Kentucky.
C
malhonnêtes et de menaces envers des
paroissiennes et que tous souhaitaient son e furent d’abord de sombres
M
départ. » accusations que l’évêque Carroll
algré les rumeurs, l’Abbé John décrit comme des paroles
Thayer continua à soutenir les inconvenantes lors de la confession ou
esclaves et à protester lorsque après la confession. La victime la plus
des paroissiens achetaient des terres grâce conséquente fut une certaine Mary
à la vente de jeunes esclaves innocents. Jameston, une ancienne nonne du
Ses démêlés les plus incisifs étaient Maryland, qui avait quitté la vie religieuse.
205
6 LES MISSIONS: LE KENTUCKY
20 6
L’évêque John Carroll, afin de lever tout par l’intempérance de sa parole et son
les soupçons, demanda au Père Stephen manque d’obéissance. «Vous ne pouvez pas
Badin de mettre fin à ce scandale. Il vous accommoder au travail paroissial ni à
chargea Badin et le Père Fournier l’institution de l’esclavage de ce pays, et vos
d’enquêter sur les accusations, de faire méthodes excentriques ont fait le reste dans
subir un contre-interrogatoire à John ce qui vous arrive aujourd’hui.» Le Père
Thayer et à d’autres témoins, de noter John Thayer suivit à la lettre cette fois-ci
les témoignages et de « rendre ensuite la suggestion de Mgr Carroll. Il se retira
leur jugement. » Les prêtres devraient sur la côte Est et embarqua en novembre
déterminer si l’abbé John Thayer avait 1803 pour l’Angleterre. John passa
« dans le confessionnal, ou juste avant quelque temps à Londres, à la Trappe (en
ou après la confession » d’une personne France) et à Dublin. Et en février 1811, il
non nommée, « sollicité de tels actes en déménagea à Limerick, en Irlande, où il
V
paroles, faits ou écrits ou autres moyens mena une vie ascétique admirable....
quelconques … » ou si Thayer « avait rai ou faux, ce qu’on a dit du Père
eu des écrits, des gestes ou des paroles John Thayer tient souvent autant
déplacées. » de place dans sa vie et surtout dans
« Le Père John Thayer déclara sous son ministère que ce qu’il fit au service des
serment qu’il n’avait pas failli, qu’il n’avait hommes. Qu’y avait-il de vrai du reste dans
pas rompu ses voeux et, qu’en aucune les récits qu’on faisait sur lui ? Beaucoup
façon, il n’avait entaché l’honneur de la des accusations étaient mensongères,
prêtrise, ni la sainteté du confessionnal, diffamatoires et improbables. Personne à
ni ses relations de confesseur à pénitent.» White Sulphur ne savait vraiment ce qui
Le jugement du Père Badin et du animait son cœur et sa foi. John avait été
Père Fournier fut sans équivoque. l’instigateur de sa propre condamnation
Ils affirmaient qu’il n’existait aucune et fut jugé coupable de trouble à l’ordre
preuve réelle et que l’accusation reposait public et d’intempérance de parole dans
uniquement sur des propos verbaux ses exortations dominicales contre
douteux d’une personne pour laquelle l’esclavage. Dans une ville, dans une région
ils devaient manifester une extrême parfois, il y a bien souvent beaucoup de
réserve à l’égard de la véracité et de la bouches qui parlent et fort peu de têtes
teneur des faits reprochés. En vertu qui pensent. Il devait le subir, sous forme
de quoi ils décidèrent qu’il convenait d’injures disgracieuses telles que « John
de lever toutes les accusations et Turncoat » et « Renégat présomptueux »
déclarèrent que, devant les éléments pour ce qu’il était avant tout, mais surtout
qu’ils ont rassemblés, ils n’excluaient à cause de ses idées et son entêtement à
E
pas l’innocence du Père John Thayer. croire qu’il détenait, en tant que prêtre,
n 1803, Mgr John Carroll, afin de la vérité absolue. À cause de cela, les
calmer les esprits, l’envoya quelque accusations, auxquelles on mêlait alors son
temps à la Nouvelle-Orléans. En nom, mirent fin à la vie du « premier prêtre
juillet 1804, Mgr Carroll lui écrivit et le Yankee au Kentucky ». Les calomnies, qui
réabilita en levant les accusations portées n’étaient, après tout, que du bruit, des
contre lui. John était irréprochable, mais mots, des paroles, et même moins que
il lui suggéra de quitter discrètement les des paroles, des ragots sans fondement, le
T
États-Unis, étant donné les nombreuses conduisirent inexorablement à l’exil.
polémiques religieuses et politiques outes ces rumeurs se propagèrent
qu’il avait attisées durant son ministère. de porte en porte, de salon en
Cependant, il ne cacha pas au Père John salon. Elles étaient le résultat des
Thayer qu’il avait fini par l’exaspérer conversations de la part de paroissiens
207
et de villageois mécontents du Père John Père Badin. La solitude de sa vie commença
Thayer. La fin justifie les moyens: ils à peser fortement et le cri de son âme en
étaient maintenant heureux de s’en être détresse a été portée à la connaissance de
débarrassé. Cette sordide affaire occupa la Mgr John Carroll; ce qui ajouta un peu
paroisse et les esprits malins du Kentucky plus à la misère de cet évêque apostolique.
quelque temps encore après le départ du La Divine Providence intervint et amena
Père Thayer et elle sombra lentement dans le Père Charles Nerinckx, en 1805, au Père
l’oubli. Le Père Thayer a été le premier Stephen Badin et à la mission américaine
Américain à avoir exercé le ministère dans le Kentucky.
presbytéral au Kentucky. Au cours des Les restes du Père Fournier ont été enterrés
quatre années de son ministère, passées au cimetière Holy Cross, à côté de ceux du
à White Sulphur, deux seulement ont été Père Salmon. Un petit monument marque
consacrées à des missions actives, et les le dernier lieu de repos de ces pionniers
deux autres, à un travail de controverse zélés des premiers temps de l’église
politique; mais ni le ridicule, ni les catholique des Etats-Unis.
critiques ni les rumeurs colportées par Sur leurs tombes à Holy Cross cemetery,
ses adversaires esclavagistes ne le firent Marion County, Kentucky, on peut lire
C
chanceler et renoncer à ses idées. l’épitaphe suivante:
e fatal événement laissa une fois
de plus l’Abbé Stephen Badin, Hic jacet Antonius Salmon, virtute
seul en charge des catholiques du verendus, Presbyter e Gallis; prætulit
Kentucky. Et comme dit le dicton « un exilium Schismaticis opibus; frates, matrem
malheur n’arrive jamais seul »: en 1803, le arvaque linquens: Det Pietas fletus,
vaillant Père Michael Fournier qui avait la Religioque preces. He died on Nov. 10, 1799
charge de la paroisse Sainte-Anne devait
trouver la mort accidentellement, écrasé The Rev. Michael Fournier was born in
par la chute d’un arbre qu’il coupait. 1755, he came to Kentucky on February 26,
La mort du Père Fournier perça le cœur du 1799. He died on February 12, 1803.
Le Père John Thayer fut tellement harcelé, maltraité, qu’il fut obligé de quitter
l’état du Kentucky. On allait jusqu’à lancer des pierres à travers les portes et
les fenêtres de la chapelle, où il offrait le saint sacrifice de la messe. N’étant pas
reconnu coupable des faits colportés contre lui, il n’était pas obligé de quitter
le Kentucky. Mais il céda à la suggestion de son évêque Mgr Carroll et quitta
finalement le comté de White Sulpur en toute discrétion. Alors prêtre en exil,
il allait son chemin, “embrasé” qu’il était par le désir ardent de partager
l’expérience de sa conversion lors de la mort à Rome du pèlerin français, Benoît-
Joseph Labre. En exil loin de l’Amérique, son charisme éveillait toujours en
lui une espérance infinie.”
20 8
6 LES MISSIONS: LE KENTUCKY
Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient
les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : Aujourd’hui s’accomplit ce passage
de l’Écriture que vous venez d’entendre.
Tous lui rendaient témoignage et s’étonnaient des paroles de grâce qui sortaient de
sa bouche. Ils se disaient : « N’est-ce pas là le fils de Joseph ? » Mais il leur dit : «
Sûrement vous allez me citer le dicton : “Médecin, guéris-toi toi-même”, et me dire :
“Nous avons appris tout ce qui s’est passé à Capharnaüm ; fais donc de même ici
dans ton lieu d’origine !” » Puis il ajouta : « Amen, je vous le dis : aucun prophète
ne trouve un accueil favorable dans son pays. En vérité, je vous le dis : Au temps du
prophète Élie, lorsque pendant trois ans et demi le ciel retint la pluie, et qu’une grande
famine se produisit sur toute la terre, il y avait beaucoup de veuves en Israël ; pourtant
Élie ne fut envoyé vers aucune d’entre elles, mais bien dans la ville de Sarepta, au pays
de Sidon, chez une veuve étrangère.
Au temps du prophète Élisée, il y avait beaucoup de lépreux en Israël ; et aucun
d’eux n’a été purifié, mais bien Naaman le Syrien. » À ces mots, dans la synagogue,
tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent
jusqu’à un escarpement de la colline où leur ville est construite, pour le précipiter en bas.
Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin.
Le Comte d
21 0
L’abolition de l’esclavage, après la guerre de sécession: le 13e amendement de la
Constitution américaine du 1er janvier 1863 abolit définitivement l’esclavage
sur l’ensemble du territoire américain. Les amendements consécutifs, le 14e
et 15e, ne parviendront toutefois pas à empêcher l’instauration d’un système
ségrégationniste dans le Sud du pays”.
de Limerick
1811
211
Le Comte de Limerick
Les dernieres aventures du
rares, sauf à Pâques ; et lui, par ses sermons et fondèrent une confrérie de chrétiens si
ses conseils spirituels, réunit un grand nombre remarquables par leur piété et leur vie
d’entre eux qui revinrent assister à l’office et exemplaire qu’ils furent appelés “Thayerites”,
se confesser mensuellement et d’autres plus comme le Père Bridgett, rédemptoriste
fréquemment. irlandais de Limerick, écrivit plus tard sur
Le don si particulier du Père John Thayer eux : « Ils étaient appelés ainsi Thayerites par
d’enseigner fut considéré comme une grâce, ceux qui n’aimaient pas une piété supérieure
un charisme offert par Dieu le Père à travers à la leur.» Cette confrérie forte d’environ
l’action de l’Esprit Saint à la communauté trois cents membres ne manqua jamais à ses
de Limerick. Ses paroissiens les plus fidèles méditations quotidiennes et se mit au service
213
des pauvres ; le Père Thayer était considéré en enrôlant dans son association des
parmi eux comme un bienfaiteur et ouvriers, des commerçants et des prêtres.
un compagnon. Ils l’admiraient tous, La personnalité du Père John Thayer lui
connaissaient son histoire et ils savaient donna probablement l’opportunité qu’il
qu’il avait appris l’enseignement qu’il leur attendait. Les Irlandais voulaient que les
dispensait du Bienheureux Benoît-Joseph Britanniques leur rendent leurs droits
Labre, « The Ragged Saint ». Et chacun à civils. Lors de ses nombreuses visites à la
Limerick aimait à dire de lui : famille Ryan, le Père John Thayer parlait
« La présence du Père Thayer est un don qui fréquemment de ce désir incessant de
nous est offert, non pas parce qu’il est prêtre fonder une institution de religieuses
ou meilleur que nous mais parce qu’à travers Ursulines. Il tenait ce projet, disait-il, du
lui, Dieu exprime avec amour la gratuité fait que, ayant jadis visité Boulogne-sur-
de la grâce. Voilà pourquoi le Père Thayer, Mer en France, patrie du Saint Mendiant
avec la même gratuité et le même amour, Benoît-Joseph Labre, l’évêque du lieu (Mgr
partage la grâce divine de son charisme reçu de Partz de Pressy), avait rendu visite en
par l’intercession du pèlerin Benoît-Joseph sa compagnie au couvent des Ursulines et
Labre pour le service de la communauté des religieuses Annonciades de cette cité.
toute entière et pour le bien de chacun de Le Père Thayer parlait à la famille de ce
nous. » projet comme étant le but principal de son
attachement à la grâce qu’il avait recue,
une mission donnée par la Providence
L
dont il ne pouvait se détourner.
Émues par la description de sa mission
e voeu le plus cher du Père spirituelle qui l’animait, les deux filles de
John Thayer était de permettre M. Ryan, Mary et Catherine qui avaient
l’établissement d’un ordre été éduquées dans un couvent, d’Ursulines
enseignant de religieuses à Thurles (Irlande), proposèrent chacune
Ursulines en amérique. Pour au Père Thayer de rejoindre cette
cela le Père avait voyagé à travers l’Europe communauté dès que son projet de
de 1803 à 1811 rassemblant l’argent couvent aurait vu le jour.
nécessaire à la création du couvent. La famille Ryan était remarquable.
Nul ne sut ou apprit où et comment il Chacun de ses membres avait reçu une
vécut pendant ses huit années d’errance; vocation religieuse. En effet, les quatre
aujourd’hui encore cela demeure un filles de James Ryan devinrent par la
mystère. Comme nous l’avons dit plus haut, suite des Ursulines. La cadette toutefois
à partir de 1811, le Père John réapparaît avant d’être appelée en religion, avait été
en Irlande; il est accueilli charitablement mariée et eut trois filles et un fils. Tous
par beaucoup de familles catholiques dont devinrent religieux, le fils Jésuite et les
un certain James Ryan, personnage qui trois filles Ursulines. Le projet du Père
deviendra par la suite son meilleur ami. Thayer trouvait peu d’écho en Nouvelle-
Il rencontra très certainement par affinité Angleterre, parmi les catholiques et les
d’opinion l’avocat Daniel O’Connell, voisin ecclésiastiques. Nombreuses étaient
de M. Ryan (il habitait au 6, Patrick Street). les personnes qui trouvaient son idée
O’Connell voulait créer à Limerick un ridicule. Certains riaient et même les plus
mouvement favorable à l’émancipation des respectueux pensaient qu’il ne pourrait
catholiques en Irlande. A cet effet, il devait jamais réussir. Pourtant ces personnes ne
entraîner tout les Irlandais catholiques savaient pas que, par ses efforts personnels
vers un mouvement d’égalité religieuse et les dons récoltés en Europe, le Père
21 4
Thayer avait accumulé une somme (Dublin, 1938, p. 276-282) au sujet de John
équivalant à huit ou dix mille dollars or Thayer. Voici aussi sa nécrologie parue dans
de l’époque pour son projet de fondation. la Gazette de Limerick, en février 1815.
Pour répondre à votre demande, le Père John
A
Thayer a vécu à Limerick comme un invité de
M. James Ryan au 34 de la Patrick Street. Il a
Limerick, dès son arrivée, exercé son ministère dans l’église St Michael’s
le soir du 3 février 1811, (Saint Michel) à proximité de cette rue. Il fut
il fit un sermon contre les enterré dans le cimetière de l’église St John
méthodistes, prêché dans (Eglise d’Irlande de confession anglicane)
l’église Saint John. « Il est en face de la cathédrale catholique romaine.
vrai, dit-il, (après quelques réprimandes) Il a été enterré dans la même tombe que le
que les méthodistes ne maudissent ni ne Dr Michael McMahon, un ancien évêque
jurent, ils ne disent pas de mensonges, catholique de Killaloe. Voir Ignace Murphy,
ils ne sont pas ivrognes, ils observent « Le diocèse de Killaloe au XVIIIe siècle »
strictement le sabbat, et par-dessus tout, (Dublin, 1991) p. 263; l’auteur affirme qu’il
ils sont remarquables pour leur grande n’a pas réussi à retrouver la tombe, malgré
charité à l’égard de leurs semblables [ . . . ] une recherche approfondie.
En conséquence de son défi en public, il Si vous avez d’autres questions, s’il vous plaît,
fut interpellé par le Rev. Gideon Ouseley, n’hésitez pas à me contacter.
un protestant méthodiste. La discussion
était ouverte. Ses sermons controversés Le gach dea ghui. (« Avec tous mes vœux »)
concernant l’infaillibilité pontificale et
la discussion de la sola scriptura sont David Bracken
toujours à l’épreuve du temps. De nos Archiviste diocésain de Limerick
jours, les théologiens débattent encore sur
le sujet.
215
7 LIMERICK
21 6
Le Reverend John Thayer
Un lien entre l'Irlande
et Saint Benoit-Joseph Labre
217
Dieu est un Dieu vivant, pas une théorie, ou une cause première
abstraite, ou la loi et l’ordre, mais un Dieu qui a fait connaître sa
volonté. Sa volonté était la loi de la vie, et l’homme doit mortifier sa
volonté de faire la volonté de Dieu ”.
e
Père Thomas Edward Bridgett.
21 8
7 LIMERICK
219
7 LIMERICK
S
(de nos jours Arthur Quay Shopping Centre)
dans cette même rue (Patrick Street),
en face de la rue Ellen (Ellen Street). Il
éprouvait un très grand amour pour les
pauvres : cela lui venait de saint Benoît- i je peux faire une autre
Joseph. Il avait une très grande fortune réflexion d’ordre pratique,
dans sa jeunesse mais il l’a entièrement ce serait l’importance de
dépensée dans des bonnes œuvres et des la prière. Si le Père John
aumônes avant sa mort, à tel point que Dr. Thayer n’avait pas prié
Downes me raconta qu’il vendit sa montre comme il l’a fait lors de la crise antérieure
avant de mourir pour venir en aide aux à sa conversion, il l’aurait probablement
pauvres. M. Hartney dit qu’il ne laissa rien reportée à plus tard ; et s’il l’avait fait, il serait
pour acheter sa tombe : et le père de M. probablement mort en tant que protestant,
Hartney, par respect et charité, fit placer avec, en plus, la culpabilité d’avoir refusé
son corps dans le caveau de son oncle, Dr. de voir une lumière particulière. Vous
M. Mahon, évêque de Killaloe. Ce caveau avez déjà, chers frères, cette foi véritable;
se trouve dans le cimetière protestant de mais il faut aussi prier pour suivre cette
Saint-John-Square. Il logea en dernier lumière. Il y a des moments de tentation,
lieu, comme je l’ai dit, chez les Ryan et il où si vous ne priez pas ou ne priez pas
souffrait de goutte ; mais cela ne stoppait sérieusement, vous tomberez dans de
pas son ardeur au travail ; il continuait à graves péchés ; et ces péchés-là peuvent
entendre les confessions assis dans son lit vous conduire à la ruine éternelle. Par
et le fit encore, le jour même de sa mort, la prière, le Père Thayer a gagné une
qui devrait se situer officiellement le 17 bataille qui représentait pour lui le début
février 1815. d’une nouvelle vie ; c’est ainsi qu’une lutte
Vous voyez ainsi quelle est l’influence courageuse, une prière sincère et une
22 0
victoire sur les passions humaines, acquise sainteté et de salut éternel.
par la Grâce de Dieu, peuvent vous hisser
à un niveau élevé de pensée, de sentiment Révérend Père Thomas Edward Bridgett,
et d’action et aboutir ainsi à une vie de C.SS.R. (1829-1899)
221
Saint John.
22 2
Saint Michael.
L e Père John Thayer a exercé son ministère dans les églises St.
John’s et St Michael’s (Saint Michel), cette dernière étant à proximité
de la Patrick Street. ( LIMERICK )
223
Les derniers instants du Premier
Disciple Labrien
22 4
7 LIMERICK
qu’avait voulu « la Grâce » de sa conversion these, together with many other German
à Rome. Il resta fidèle jusqu’au bout à son religious suppressed, might by activity and
cher compagnon saint Benoît-Joseph exertion be obtained. You know that I am
Labre dont il fut le premier disciple, le not easily discouraged, and that no efforts
premier d’une longue lignée Labrienne, of mine will ever be wanting while life
qui, au fil de l’histoire, viendrait à sa suite remains, and all without fee or reward.
accomplir la volonté de Dieu sur terre, Exert yourself, my dear friend, and get
celle d’être des « orants pour les errants”. the good Cheverus to do the same. There
(Frère Noël-Marie Rath, o.s.m.) et des is a most glorious prospect before us; lands
frères pour tous les hommes. for establishment might surely be obtained
cheap, or for nothing, from General Knox,
Dans la paroisse de Limerick, l’abbé vécut from the holders of Waldo’s and other
entouré de ses souvenirs, une table, une patents in Maine, in New York from
chaise, quelques livres religieux dont une Cooper, etc., in Connecticut and Vermont
Bible et une biographie de la vie de saint from scattered Catholics. Mr. Salmon,
Benoît-Joseph Labre, écrite en français Mr. Cheverus’ friend, at Brompton, near
par l’avocat Jean-Baptiste Alegiani datant Chatham, might be obtained for the mission
de 1784. Dans la pièce principale, il n’y by a line from him.
avait aucun confort apparent, pas de poêle
pour se réchauffer, pas d’objet attirant le Ces derniers plans du Père Thayer
regard, rien d’autre dans l’ensemble du pour la fondation d’un établissement
décor sauf un crucifix devant lequel le missionnaire en Amérique ne furent
Père priait chaque jour et au pied duquel jamais mis à exécution; mais sa dernière
il entendait les confessions particulières volonté de couvent des Ursulines a été
de certains de ses paroissiens. réalisée, après son décès. Le 14 mai 1817,
Marie et Catherine Ryan, ces bonnes
L’autre but généreux du Père John filles et adeptes de son charisme Labrien,
était d’aider à la conversion de ses embarquèrent de Limerick à bord du
compatriotes américains adin d’amener navire “la Victoire” et parvinrent à Boston
à Boston de savants ecclésiastiques des en toute sécurité. Après l’accueil à bras
ordres religieux, dont les maisons avaient ouverts et la bénédiction paternelle de
été dévastées par le règne des Jacobins Mgr de Cheverus et du Père Matignon,
et de la Terreur en France sans compter ce dernier emmena les pieuses novices
les horribles catastrophes qu’elle avait au couvent des Ursulines de Trois-
causées à travers l’Europe au nom de la Rivières au Canada. En 1818, lorsque
Révolution. leur noviciat avait expiré, il alla à Trois
Le Père avait déjà envoyé en ce sens une -Rivières et amena les deux sœurs, dont
lettre au Père Matignon depuis Londres, les noms religieux étaient sœurs Mary-
le 3 juin 1805, dont nous citons le passage Joseph et Marie-Madeleine, et les installa
suivant: dans l’humble couvent confortable,
que Monseigneur de Cheverus avait
« The funds of the Scotch Benedictines of préparé pour elles près de sa cathédrale
St. James, Ratisbon, have been lately seized de Boston. Cette petite communauté
by the elector. In this house there are four naissante d’Ursulines fut officiellement
monks, viz., F. M. Graham (aged 38), an établie par Mgr Benoît-Joseph Fenwick
universal genius; F. B. Sharp (30), F. B. (Benedict-Joseph Fenwick) au Mont Benoît
Dessen (27) and F. Mclver (26), all learned à Charlestown, baptisé ainsi en l’honneur
and pious. There are also three or four other de l’évêque Fenwick. American Catholic
Scotch monks at St. James, Wirceburg. All Quarterly Review, de Richard H. Clarke.
225
Patrick Street; Limerick
22 6
7 LIMERICK
C’est dans cette rue que le Père John Thayer a vécu ses dernières années.”
227
7 LIMERICK
22 8
C ette maison était celle de Monsieur James Ryan qui y tenait
commerce comme marchand de tissus sous l’enseigne “ Golden
Eagle’s ” et qui hébergea le Père John Thayer, une bonne partie de
sa vie à Limerick, où il décéda le 17 février 1815 à l’âge de 57 ans.
229
7 LIMERICK
23 0
L e Père John Thayer fut enterré dans le cimetière de l’église St John’s (Eglise
d’Irlande de confession anglicane) face à la cathédrale catholique romaine du
même nom. Son corps fut placé dans la même tombe que Mgr Michael Mc
Mahon, un ancien évêque catholique de Killaloe.
L e temps a depuis lors effacé les noms des pierres tombales. En effet,
de nombreuses tombes du cimetière Saint John sont anonymes. Il est donc
impossible de localiser avec précision celle où repose le Père John Thayer.
Cependant dans un livre écrit par Maurice Lenihan, publié à Dublin en 1866
sous le titre: “Limerick; its History and antiquities, Ecclesiastical, civil, and
military”, nous retrouvons à la page 627 un fac similé de l’inscription figurant
sur la tombe de l’évêque Michael Peter Mc Mahon, dans laquelle fut placée la
dépouille mortelle du Père John Thayer.
231
7 LIMERICK
“ Qui sait, si ce n’est pas pour votre salut que la bonté divine a daigné
m’éclairer, et que la main du Seigneur m’a conduit au milieu de vous ? Peut-
être la Providence ne m’a-t-elle retiré de l’erreur que pour m’ordonner de
venir porter ici le flambeau de la foi à plusieurs.
Travailler à vaincre l’endurcissement de quelques-uns et ranimer la piété
toute languissante des autres.
Peut-être les instructions que je vous ai faites sont-elles le dernier rayon
de grâce que le ciel vous a réservé; et qu’il sera terrible le compte que
Jésus-Christ vous en demandera au dernier jour ! Car nous paraîtrons,
vous et moi, au tribunal de ce grand juge : moi, pour répondre de l’usage
que j’ai fait de la grâce du saint ministère, en vous enseignant, en vous
exhortant en son nom; et vous, pour répondre sur les fruits que vous en
aurez retirés ”.
Père John Thayer
23 2
233
23 4
7 LIMERICK
“ Vous tous qui lirez cet écrit, je vous en conjure de prier avec ferveur
le Père des lumières et le Dieu des miséricordes d'avoir accompli ses
volontés sur l’humble serviteur que je fus.
235
7 LIMERICK
23 6
Coupures de journaux de l’époque (extraits)
Source: diocèse de Limerick. Monsieur David Bracken, archiviste du diocèse.
237
23 8
Coupures de journaux de l’époque (extraits)
Source: diocèse de Limerick. Monsieur David Bracken, archiviste du diocèse.
239
Le Trefle est un
Symbole religieux et
national en irlande
L a légende raconte que le trèfle aurait été utilisé par saint Patrick
lors de sa mission d’évangélisation de l’Irlande.
Alors que celui-ci tentait de convertir le roi Aengus à la cause
chrétienne dans le centre religieux de Caiseal, saint Patrick eut
l’idée de se servir d’un trèfle à 3 feuilles pour illustrer la Sainte
Trinité.
D’après lui, chaque feuille représente une entité : le Père, le Fils,
et le Saint Esprit. Le trèfle dans son ensemble représente Dieu, ce
qui permet d’expliquer que Dieu est présent en 3 personnes (Triur
i n-Aon en gaélique : « trois personnes en une »). Cette illustration
se répandit dans toute l’Irlande, et l’on associa très rapidement le
trèfle à saint Patrick, puis à l’Irlande entière.
24 0
241
La Priere des Trois Coeurs
M on Dieu,
accordez-moi, pour Vous aimer,
trois cœurs en un seul.
24 2
7 LIMERICK
L e troisième, de bronze,
rigoureux pour moi-même,
me rendant vainqueur des pièges de la chair,
me gardera de tout amour-propre,
me délivrera de l’entêtement,
me poussera à l’abstinence
et m’incitera à me défier du péché.
Car je sais que
plus je maîtriserai les séductions de la nature,
plus grand sera le bonheur
dont Vous me comblerez dans l’éternité.
243
Le Testament du
Pere
John Thayer
24 4
Aquarelle représentant le Monastère des
Ursulines du Mont Benoît à Charlestown.
245
LE MONASTÈRE DES SOEURS
URSULINES DE TROIS-RIVIERES
24 6
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT
C’est le 1er août 1639 que les premières Augustines et les premières
Ursulines posaient le pied en Nouvelle-France, à Québec.
http://www.musee-ursulines.qc.ca/
247
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT
LE NOVICIAT
24 8
avec mille attraits. Pour devenir apôtres, Irlandaises et Américaines pour le grand
elles voulaient être martyres. La tâche douce projet de Boston. A l’instar de ses sœurs,
et facile de leurs guides spirituels consistait Margaret Ryan fit son noviciat à Trois-
donc à calmer ces pieux transports et à Rivières au Canada. Sans nul doute, du
initier ces jeunes Sœurs aux divers emplois haut du ciel, l’intercession du Père John
d’une maison religieuse. Ayant reçu une Thayer ne cessait de se répandre dans le
très belle éducation, possédant bien la cœur de ces jeunes demoiselles généreuses
connaissance de la langue française et qui, à son exemple de jadis, franchissaient
celle de la langue anglaise, elles ne furent les mers pour venir instruire la jeunesse
cependant pas employées dans nos classes. chrétienne de l’Amérique.
L
Le Père de Calonne s’y opposa fortement.
« Qu’on les laisse, disait-il, à cette vie e 4 octobre 1819, on récompensa
d’oraison, d’union à Dieu, dans laquelle une les vertus des premières arrivées
âme doit être bien entrée pour profiter aux (Sœur Marie de Saint-Joseph et de
autres. » Leur temps se partageait entre les Sœur Marie de Sainte-Madeleine) en les
exercices spirituels, le travail manuel et la admettant à la profession solennelle.
copie des règlements et constitutions de Heureuses qu’elles étaient de consacrer
A
l’ordre. tout leur être et de s’attacher à suivre le
u mois d’octobre 1818, elles Christ Jésus en prononçant tour à tour
reçurent l’habit religieux des mains leurs trois vœux de chasteté, de pauvreté et
du vicaire général, le Révérend d’obéissance ! Elles prononcèrent ensuite
François Noiseux, et prirent en religion le quatrième vœu qui est l’instruction des
les noms de «Sœur Marie de Saint-Joseph petites filles.
et de Sœur Marie de Sainte-Madeleine.» Ainsi enchaînées au Christ, comme l’apôtre
C’est à cette vie d’oraison, de pauvreté et Paul, les filles de James Ryan bénissaient
d’humilité que les jeunes sœurs Ryan vont Dieu de tout leur cœur. A partir de ce jour,
s’appliquer pendant les deux années que les chroniques du monastère ne nous ont
durera leur noviciat. Ces années bénies conservé que très peu de choses sur la vie
comptèrent toujours parmi leurs plus passée au noviciat des trois sœurs Ryan et
merveilleux souvenirs de vie religieuse, de leur cousine.
parce qu’elles furent le berceau et la base
de la promesse faite au Père John Thayer.
Le 19 septembre 1818 mourut le Père
Matignon; à l’exemple du Père John
Thayer, il fit son testament en faveur de
la fondation du couvent des Ursulines de Je ne voyais rien de plus grand
Boston et pria Monseigneur Cheverus de
devenir à son tour le protecteur sur la terre que d’annoncer la Parole de
des sœurs Ryan. À peine le Père Matignon
avait-il fermé les yeux, que la plus jeune Dieu. “
des sœurs Ryan, Margaret, accompagnée
d’une cousine, jeune veuve, mademoiselle (Paroles de la Vénérable Mère Marie de
Catherine O’Connell (veuve Molineaux)
arriva de Limerick pour se dévouer au l’Incarnation, fondatrice des Ursulines de la
service de Dieu et du futur monastère de Nouvelle-France).
Boston. Lors de cette réunion fraternelle de
décembre 1818, leur petite sœur Margaret
et sa cousine Catherine Molineaux prirent
le voile des postulantes ursulines.
L’année 1818 vit arriver d’autres jeunes
249
C’est dans ce monastère de Trois-Rivières que les jeunes sœurs Ryan
Mary et Catherine vont faire leurs deux années de noviciat.
25 0
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT
251
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT
A
victime de ses scrupules. » tout soi-même à Jésus, et que sanctionnent
u mois de juin 1820, un message les vœux?» Et chacun s’en retourna, ne
arriva au monastère disant sachant ce qu’il fallait admirer davantage:
que Monseigneur de Cheverus la générosité du Christ, celle des Epouses
attendrait à Montréal ses quatre jeunes du Christ ou la bonté paternelle de leur
Ursulines et il pria le Père de Calonne pasteur soucieux de procurer à son
de vouloir bien les lui conduire. Les troupeau tous les bienfaits dont l’Eglise
préparatifs du départ se firent aussitôt. de Jésus Christ a le secret. L’amitié que
L’abbé Desjardins, chapelain des religieuses l’on avait pour Mgr de Cheverus, le
de l’Hôtel-Dieu de Québec, fut aussi du respect qu’on lui portait, avaient empêché
voyage. On comprend facilement quelle le parti hostile aux catholiques d’écrire
consolation c’était pour ces dignes prêtres dans les journaux contre l’établissement
français de se revoir. Mgr de Cheverus d’un couvent à Boston. Les gazettes de
reçut les jeunes Sœurs avec une tendresse l’endroit se bornaient à annoncer l’arrivée
25 2
des religieuses ; mais ces quelques lignes une chaise, et quand ses filles la relèvent,
mêmes laissaient percer un certain dépit: elles s’aperçoivent qu’elle a vomi le sang en
«L’ adversaire du bien veillait en coulisse.» abondance.
Monseigneur les remarqua, et le jour
suivant, on lisait dans la gazette locale un Nos chères Sœurs écrivaient régulièrement
magnifique article écrit par l’évêque lui- à Trois-Rivières ; nos Mères partageaient
même, démontrant à son peuple qu’il n’y a les deuils de cette communauté naissante.
rien de moins dangereux dans un état, que La Mère Ryan de Mary-Joseph décéda en
douze personnes se réunissant ensemble décembre 1823 à l’âge de 38 ans. Sur son
pour faire le bien, et que si les autorités les lit de mort, elle avait dit à ses filles : « Vous
soupçonnent un seul instant, ce serait faire passerez par des épreuves bien sensibles, mais
outrage à une nation qui a hissé le drapeau ayez confiance. » Mère Mary-Joseph avait
de la liberté. vu auparavant deux de ses sœurs mourir de
la même maladie ; sa sœur Catherine, Mère
Depuis ce jour, les Ursulines poursuivirent Mary de Sainte-Madeleine était décédée en
tranquillement leur œuvre. Deux autres avril (1825) à 31 ans, et sa cousine, Sœur
jeunes filles étaient venues frapper à la Mary de Sainte Angèle, deux ans auparavant
porte du monastère, en qualité de novices. en 1823.
Dès lors, les classes furent organisées, et Mère Mary de Saint-Joseph eut certainement
dès les premiers jours, on compta deux avant sa mort, la satisfaction intérieure
cent quatre-vingts élèves. Les fonds d’avoir mené à bien l’œuvre testamentaire
laissés par les Pères Thayer et Matignon du Père John Thayer. Heureuse, 8 ans après
suffisaient largement à l’entretien des le décès de ce dernier, d’avoir honoré la
religieuses, de sorte que celles-ci pouvaient promesse qu’elle lui avait faite avec sa sœur
admettre gratuitement les nombreux Catherine dans leur maison de Limerick.
enfants des pauvres émigrés irlandais. Le L’air de la ville de Boston incommodait les
nombre d’élèves augmenta peu à peu; on Sœurs Ursulines et semblait les rendre
en compta jusqu’à trois cents, et la Mère malades et la maison qu’elles occupaient
supérieure (demoiselle Ryan, Sœur Mary devenait trop petite si bien qu’elles
de Saint-Joseph) qui s’était réservé l’office déménagèrent dans une autre maison à
d’économe du monastère pour mieux Charlestown près de Boston pendant que
prendre soin de ses filles, dirigeait, elle se poursuivait la construction du grand
aussi, une classe d’adultes dans la cuisine. monastère et de son école sur le Mont Benoît.
De pieuses Irlandaises, ayant faim de la Cette petite communauté naissante
parole de Dieu, se réunissaient là tous les d’Ursulines fut officiellement établie après
jours au nombre de trente. Monseigneur le départ de Mgr de Cheverus, par le nouvel
se rendait le vendredi, vers quatre heures, évêque de Boston, Mgr Benoît-Joseph
au couvent, pour entendre les confessions Fenwick (Benedict-Joseph Fenwick) au Mont
des religieuses. Les fondatrices écrivaient Benoît à Charlestown, (baptisé ainsi en
que c’était un paradis sur la terre que leur l’honneur de saint Benoît-Joseph Labre et de
cher petit monastère. L’onction de la grâce l’évêque Fenwick).
S
adoucissait tous leurs labeurs.
M
œur Mary Augustine, la troisième
ais voici venir l’heure de et dernière fille de James Ryan (la
l’épreuve. Louis XVIII rappelle plus jeune) mourut dans cette petite
en France Mgr de Cheverus, maison, le 11 août 1827.
qui est nommé au siège de Montauban. A Peu avant sa mort, on l’amena dans la partie
cette nouvelle, la Mère supérieure, Mary supérieure de la maison encore inhabitée
de Saint-Joseph, s’affaisse sur elle-même d’où elle avait pu voir la construction du
et demeure longtemps la tête appuyée sur monastère du Mont Benoît.
253
LIEU DE LA SÉPULTURE DE MARIE RYAN
ET DE SES SOEURS URSULINES DE BOSTON.
25 4
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT
255
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT
25 6
257
“À l'ombre de grands arbres, dans une atmosphère paisible, derrière les
murs de la chapelle Saint-Augustin au pied duquel gisent de vieilles tombes
aux inscriptions à demi effacées. Parmi elles se trouvent les sépultures de
Mère Mary-Joseph Ryan, de ses Soeurs Ursulines et du Père Francis Anthony
Matignon... Ils reposent ici dans l’attente de la résurrection. Il y a, dans ce
mystère de la foi, une immense beauté, une immense confiance dans cette
espérance qui les unit à Dieu dans l’éternité”.
25 8
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT
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26 0
261
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT
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LE RECIT DES SOEURS URSULINES
LES ÉPREUVES
26 4
Les Soeurs occupaient la petite maison locaux. Ce qui se fit l’année suivante, date
en bas de la colline du Mont Benoît, à laquelle les élèves affluèrent de tous côtés
avant d’emménager dans les futurs de Nouvelle-Angleterre, des Antilles, des
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT
états du Sud et des provinces britanniques - Interdire l’accès aux postes d’instituteurs
tant et si bien que deux ans plus tard, on dans les écoles publiques afin de les réserver
ajouta deux grandes ailes supplémentaires aux seuls protestants.
à l’établissement puisque le nombre des - Instaurer la lecture quotidienne de la Bible
nonnes était passé de quatre à dix et celui protestante dans les écoles publiques.)
des élèves de cinquante à soixante. Leur
séjour dans la ville n’était pas forcément La grande famine en Irlande au milieu du
apprécié. Malgré tout, l’école des Ursulines XIXe siècle provoque une immigration
du Mont Benoît prospéra, la dévotion des massive d’Irlandais, qui vont former le
professeurs était le secret de leur succès. noyau dur du catholicisme américain.
Ceci attisa malheureusement les jalousies L’Église catholique a longtemps été
de ceux qui voyaient les revenus de l’Eglise marginalisée dans la société américaine,
augmenter. voire persécutée par le courant nativiste,
D
puis le Ku Klux Klan, l’antipapisme
es rumeurs de mauvais traitements servant de ciment identitaire à la majorité
dispensés par la Mère supérieure protestante.
commencèrent à poindre. Et la
bonne volonté des jeunes Ursulines allait Dans une Amérique dominée par la
dès cet instant se heurter à ce débat de culture puritaine, les immigrants irlandais
rue nauséabond qui passe de bouche en représentent près de la moitié de tous les
bouche; la calomnie va lentement mais immigrés installés dans les années 1840, et
insidieusement être orchestrée par une le tiers dans les années 1850. Les nativistes
secte: les Nativistes ou « Know Nothing. » dénoncèrent leur comportement social,
leur incidence sur l’économie et leur
(À cette époque, le mouvement nativiste est religion catholique...
structuré sous la forme d’une société secrète;
les membres de cette dernière répondaient À Boston, capitale par excellence du
invariablement « Je ne sais rien » « I Know puritanisme américain, les années 1834
Nothing » quand ils étaient interrogés sur furent des périodes de troubles et de
l’existence de ce mouvement politique. violences. La secte protestante nativiste
Le nativiste est fondé sur l’opposition de très antipapiste, était encadrée par des
la bourgeoisie et des classes moyennes évangélisateurs populaires très sectaires,
protestantes à l’immigration massive dont le plus virulent était le Rev. Lyman
d’européens catholiques principalement Beecher, père de l’écrivaine américaine,
originaires d’Irlande et d’Allemagne; la Harriet Beecher Stowe, auteure du fameux
communauté catholique étant jugée soumise roman: « la Case de l’oncle Tom. »
à son clergé et perçue, par conséquent, comme
le cheval de Troie d’une politique pontificale. Durant près de quatre ans, les actes de
Outre cette xénophobie nationaliste, le violence contre les catholiques de Boston
mouvement représentait également une furent monnaie courante, de même que
forme d’intégrisme protestant favorable les incendies d’églises. D’abominables
à la prohibition de la vente d’alcool. Leur pamphlets calomniateurs étaient
plateforme politique était la suivante: largement répandus dans la population
- La limitation stricte de l’immigration toujours crédule pour les faits les plus
visant particulièrement les immigrants dénués de vraisemblance.
catholiques. C’est dans ces circonstances défavorables
- Réserver l’accès aux postes à responsabilité qu’une seule étincelle suffit à allumer le
du pays aux seuls américains natifs. feu: il couvait lentement et devait voir le
- Instaurer un délai de 21 ans aux immigrés jour au sein même de la communauté des
avant d’obtenir la citoyenneté américaine. Soeurs Ursulines de Boston.
265
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT
D
s’agiter bizarrement, exigea de nouveaux
ans l’après-midi du 28 juillet instruments, ouvrit grand les portes sous
1834, Mlle Elizabeth Harrison, prétexte d’atténuer sa fièvre. Lorsque
Soeur Mary John au sein de la la Supérieure Mère Mary Edmond St.
communauté, s’est échappée du couvent George lui dit qu’elle semblait trop malade
du Mont Benoît. pour donner ses cours, elle répondit par
Cette action sera au centre des événements un grand éclat de rire et son agitation
décisifs qui vont suivre. atteignit le délire au fil de la journée. Elle
fuit du couvent et se réfugia dans la maison
Il nous faut afin de bien comprendre le voisine, la résidence de M. Edward Cutter,
cheminement des événements revenir au un citoyen respectable, qui est membre
26 6
Of the “ Mysterious Lady” From the Ursuline convent of Mt. Benedict. Her nervous excitement
culminating in delirium, she slipped out of the convent.”
267
LE COUVENT DES URSULINES DE BOSTON
SUR LE MONT BENOÎT À CHARLESTOWN
de la Chambre des représentants du Mlle Harrison (Soeur Mary John) avait
Massachusetts. déclaré devant lui et M. Cutter, en présence
M
de la famille de ce dernier, qu’elle avait
alade, Soeur Mary John avait quitté le couvent avec une détermination
échappé à la vigilance de ses à ne pas y revenir, et désirait que M. John
Sœurs, qui n’auraient jamais Runey la conduise chez M. Cotting d’où elle
envisagé un tel acte dans la mesure pouvait trouver un asile, jusqu’à ce qu’elle
où elle était incapable de cacher ses pût subvenir à ses besoins.
sentiments, qu’elle n’avait jamais exprimé Toujours selon les dires de M. Runey,
d’insatisfaction auparavant, étant la plus Mlle Harrison a librement démontré son
joviale de toutes les Sœurs de l’Ordre hostilité envers la communauté en arrivant
des Ursulines. Un membre du conseil des chez M. Cotting et elle réitéra qu’elle était
«Selectman», M. John Runey, (celui qui avait malheureuse au couvent, et était résolue de
L
déjà auparavant menacé d’aller importuner ne jamais y revenir.
les Sœurs. Anticatholique convaincu, Runey e lendemain, le frère de Mlle
n’aimait pas la communauté) Il conduisit la Harrison rendit visite à sa sœur.
Soeur Mary John vers la maison, distante L’éloignement lui avait sans doute
de cinq ou six miles, d’un gentleman de été bénéfique puisqu’elle réclama la
West Cambridge, M. Cotting, et il mit la visite de Mgr Fenwick pour l’aider à se
Supérieure du couvent au courant de cette ressaisir. L’évêque de Boston constata son
intention en lui rapportant les dires de égarement, ses yeux hagards, ses phrases
Soeur Mary John, selon lui:
26 8
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT
incohérentes, ses larmes et ses rires couvent prit forme à Charlestown à partir
A
déplacés. Lorsqu’il proposa à Soeur Mary de cette première affaire.
John son retour au couvent, elle implora vec Mlle Harrison, ce fut le début
de rester où elle était. Il était clair, qu’avant d’une deuxième affaire et un
cela, elle n’avait plus eu la notion des article dans le journal intitulé « La
choses et avait perdu momentanément la femme mystérieuse » acheva de mettre le
raison puisqu’au début, elle ne cessait de feu aux poudres. Il y était question de la
répéter combien elle était heureuse d’être fuite de Mlle Harrison où l’on racontait
là. qu’elle aurait été ramenée de force, même
D
assassinée ou enfermée et mise au secret
ans le passé, une autre jeune dans des caves souterraines ou bannie
femme, Mlle Rebecca Theresa dans d’autres régions ; mais ce n’était
Reed avait quitté le Mont Benoît qu’une partie de l’iceberg en matière
en calomniant cette institution par la suite d’opinion publique négative. On tendit
dans un livre (Six months in a convent, or, une embuscade au jardinier du couvent
the narrative of Rebecca Theresa Reed : pour lui donner un avant-goût de ce qui
who was under the influence of the Roman pourrait arriver au couvent. Quelques
Catholics about two years, and an inmate jours après le retour de Mlle Harrison au
of the Ursuline convent on Mount Benedict, couvent, le Dr Thompson, un physicien
Charlestown. Éditions de 1835). de Charlestown qui, au début, ne tarissait
pas d’éloges sur la Supérieure, exigea d’elle
Ce livre est l’histoire de Rebecca Reed, qu’elle montre « La femme mystérieuse »,
cette jeune fille de Boston qui fut admise sinon le couvent serait détruit. Elle invita
à l’école des Soeurs Ursulines en 1831. De donc le conseil des « Selectmen » (The Board
famille modeste, elle y entra gratuitement of Selectmen of Somerville, Massachusetts)
le couvent ayant renoncé aux frais de à venir ainsi que deux voisins qui étaient à
sa scolarité. En 1832, elle a déclaré à la l’origine des rumeurs.
Mère supérieure qu’elle aimerait entrer Les visiteurs arrivèrent le lundi et
au noviciat des Ursulines. Mais au bout fouillèrent tous les recoins du couvent
de quelque temps, la communauté lui en compagnie de Mlle Harrison (Soeur
fit comprendre qu’elle n’en avait pas la Mary John) elle-même. Ils en conclurent,
vocation et elle dut quitter le couvent trois heures plus tard, qu’il n’y avait rien
après six mois de postulat. Mlle Reed en de répréhensible et repartirent satisfaits
garda un ressentiment enflammé contre en promettant de faire un article à ce
l’institution de Boston. sujet dans la Gazette de Boston du mardi
Quelque temps après son départ en matin (Le lendemain). La déclaration était
février 1832, elle a commencé à écrire un destinée à rassurer le public que la femme
livre intitulé six mois dans un couvent, était en bonne santé, qu’elle n’était pas
dans lequel elle déclare que les religieuses retenue contre son gré, et que le couvent
Ursulines et la Mère supérieure ont était respectable...
essayé de la forcer à adopter leur religion Bien que des rumeurs d’une perturbation
catholique. planifiée avaient atteint le couvent le mardi
Ce livre récupéré par les membres anti- 11 août, ni les religieuses, ni les étudiants,
catholiques de Boston devait nourrir ni mêmes les parents, ne semblaient croire
leur haine et l’idée de la suppression du que quelque chose de grave se produirait.
269
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT
LA PREMIERE EMEUTE AU
MONT BENOÎT, NUIT DU 11 AOÛT, 1834.
LES INCENDIAIRES NATIVISTES DETRUISENT
LE COUVENT DES SOEURS URSULINES.
Mais, au coucher du soleil, la Supérieure au lit. A neuf heures du soir, elle fut alarmée
commença à entendre du bruit. À environ par un grand vacarme du côté de Medford
08h00 le soir du 11 Août 1834, un groupe Road, provoqué par une foule qui criait : « A
de citoyens protestants en colère se sont bas le couvent ! A bas le couvent ! ».
rassemblés devant la porte du couvent. Ils
ont commencé à appeler à la libération de Puis la foule finit par se disperser, pour revenir
« La femme mystérieuse ». Un témoin de quelques heures plus tard. Vers 11h00, une
l’émeute a rapporté qu’une religieuse est foule de cinquante à soixante hommes ont
venue à la fenêtre et a demandé à la foule mis le feu à des barils de goudron sur les
de se disperser. Selon ce témoin, en voyant terrains du couvent; une foule d’environ 2000
la religieuse, la foule a offert sa protection à personnes était massée devand le monastère.
la religieuse. À ce stade, la Mère Supérieure, Peu de temps après, la foule a enfoncé les
Mary Edmond St. George, est apparue et a portes et les fenêtres pour entrer au couvent, et
déclaré que les religieuses n’ont pas besoin de a commencé à fouiller les bâtiments. La Mère
protection, et que toute la maisonnée était Supérieure rassembla la communauté des
27 0
Soeurs pour leur dire qu’elles étaient en lieux, ont refusé d’intervenir. Puis il y eut
danger. Elle demanda à ceux qui étaient une pause pendant laquelle la Supérieure,
rassemblés dehors ce qu’ils voulaient et les religieuses et les élèves ont commencé
dit qu’ils perturbaient le sommeil des à quitter le couvent par l’arrière, et se sont
élèves, dont certains étaient des enfants cachés dans le jardin. Au bout de quelque
de notables respectés dans cette ville. Ils temps attendant le moment propice, les
répondirent qu’ils ne voulaient pas faire religieuses en profitèrent pour guider
de mal aux enfants mais qu’ils désiraient tout le petit troupeau d’élèves vers une
voir la nonne qui avait fui. La Supérieure fuite salvatrice et atteindre finalement les
constata que la nonne en question s’était maisons du voisinage. Il fallait prendre
évanouie de terreur et qu’elle se trouvait en charge 60 élèves sachant qu’il y avait
sous la protection de quatre Sœurs. La une Sœur à l’agonie, une autre prise de
Supérieure revint dire à la foule ce qu’il en convulsion et Mlle Harrison (Soeur Mary
était ; elle affirma que des « Selectmen » John) en plein délire. Ceci accompli,
avaient déjà visité le couvent et en avaient la Supérieure s’attarda pour voir s’il ne
été satisfaits. S’ils voulaient, ils pourraient restait personne dans le bâtiment, sauver
revenir la voir le lendemain à une heure les objets de valeur et les 1000 dollars
convenable. Ils lui demandèrent si elle était faisant partie des revenus de l’institution.
sous protection et elle répondit que oui. A peine le dernier enfant avait quitté
Mais la foule augmenta de toutes parts, ils le couvent, que les vauriens y entrèrent
l’insultèrent et ils affirmèrent avoir amené et ils étaient à quelques mètres derrière
avec eux un « Selectman » pour leur ouvrir elle. La foule surgit, dans des hurlements,
les barrières. Le «Selectman» s’avança et pilla, vola tous les objets précieux, les
lui offrit sa protection mais elle la refusa bijoux des élèves, démolit les instruments
puisqu’il avait été à l’origine des troubles et de musique et détruisit tout sur son
lui dit que s’il voulait sa confiance, il fallait passage ainsi que les ornements de l’autel
d’abord qu’il disperse la foule. Il essaya offerts par l’archevêque de Bordeaux. Ils
de dissuader les émeutiers de mettre le allumèrent des feux dans plusieurs pièces
feu au bâtiment en leur disant qu’on les et ils y jetèrent tout ce qu’ils trouvaient:
reconnaîtrait et qu’on les retrouverait meubles, rideaux, vêtements, livres,
ensuite s’ils agissaient de la sorte. Après tableaux, la Bible, la croix et les documents
quoi, il rentra chez lui et alla dormir. et quittèrent les lieux qui étaient devenus
Ensuite, la foule tira un coup de canon la proie des flammes. Le bureau de l’évêque
sous les saules et attendit un moment et la ferme avoisinante connurent le même
les renforts. sort, tout fut ravagé.
271
—Je vois un homme, me dit notre révérende dans l’angle le plus reculé du jardin. Mon
mère Mary Edmond St. George. premier soin avait été de sauver le Saint-
—J’en vois cinq, Sacrement. Ma sœur Saint-Augustin était
—J’en vois dix, lui répondis-je. sacristine, mais comme elle se trouvait
—Qu’on éveille toutes les religieuses et qu’elles auprès des élèves, j’allais lui demander la
s’habillent sans lumière, ajouta-t-elle. clef du tabernacle. Ma sœur Sainte-Ursule
vint à mon secours et à nous deux, nous
L’alarme avait été donnée par notre chère emportâmes le tabernacle entier, car il
sœur Sainte-Ursule qui veillait auprès n’était pas encore fixé solidement sur
d’une jeune sœur malade (Sœur Mary l’autel. Pendant que nous travaillions à
St. Henry). Des cris A bas le Pape ! A bas sauver notre plus précieux trésor, les vitres
l’évêque ! A bas le couvent ! Se faisaient en éclats jonchaient le tapis du sanctuaire
entendre distinctement de la rue. En et nous eûmes à peine le temps de sortir de
même temps les émeutiers faisaient des la chapelle, qu’une troupe de va-nu-pieds
efforts pour enfoncer la porte de fer qui envahissait le saint lieu. Nous déposâmes
fermait l’avenue. A peine avions-nous eu le tabernacle dans une touffe d’asperges
le temps de revêtir nos habits religieux qui pouvait avoir trois pieds de haut,
qu’une populace furieuse, excitée par le espérant le dérober aux recherches des
docteur Lyman Beecher et les ministres fanatiques, ne croyant pas qu’ils eussent
protestants de Boston et de Charlestown, le mauvais génie de chercher des trésors
s’étaient frayé un chemin et envahissaient en ce lieu ; notre intention était de prier
les jardins. La mère supérieure jugea qu’il un prêtre d’enlever les saintes espèces
était prudent de faire lever les élèves. Ma lorsque la populace se serait retirée.
sœur Saint-Augustin fut chargée de ce Nous rejoignîmes aussitôt nos sœurs, je
soin. Elle entra paisiblement dans leur m’aperçus que ma sœur Saint-Augustin
dortoir, qui n’était éclairé que par une n’était pas avec nous. Accompagnée d’une
lumière placée dans le corridor. Et sans autre religieuse je courus à sa recherche,
leur en dire le motif, elle les éveilla, les fit je la trouvai au second étage gisant sur
habiller en silence et les conduisit dans le parquet, sans connaissance. Nous
une aile reculée qui donnait sur la cour, avions deux escaliers à descendre : notre
où elle espérait que les cris des émeutiers seul parti était de la traîner. Nous fîmes
ne parviendraient pas jusqu’à elles. pour le mieux ; rendues dans la cour, de
Qui dira les angoisses de cette bonne grandes élèves vinrent à notre rencontre
sœur de onze heures à minuit, heure de et nous la portâmes jusqu’au pavillon où se
pénible attente, où elle avait sous sa garde trouvaient religieuses et élèves ; elle reprit
l’espoir de tant de familles ? Aucune de bientôt ses sens. Mais cette retraite même
ses quatre-vingts élèves ne s’esquiva de n’était plus pour nous un lieu de sûreté.
cet endroit. Pendant ce temps, les braves Une demi-heure s’était à peine écoulée
puritains faisaient leur œuvre, en lançant depuis que nous étions blotties dans le
des pierres dans les fenêtres, et quoique berceau, que des personnes frappaient à la
l’émeute ne progressât que lentement, il barrière de la clôture qui séparait le jardin
était évident, vu qu’on n’opposait aucune du verger où nous étions. Aucune de nous
résistance, que les projets iniques de ne répondit, nous retenions même notre
cette cruelle populace allaient triompher respiration craignant d’être découvertes
et que dans quelques heures, notre cher par les émeutiers. Mais bientôt des voix
Mont Benoît serait devenu la proie des amies se font entendre. M. Cutter, notre
flammes. La supérieure ne songea plus plus proche voisin, et quelques personnes
qu’à mettre les élèves et les religieuses bien intentionnées, voyant l’inutilité de
en sûreté ; elle leur fit dire de se rendre leurs efforts pour s’opposer à la fureur de
dans un grand pavillon, qui se trouvait la populace qui voulait à tout prix brûler
27 2
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT
le couvent, s’étaient esquivés de la foule que nous étions sous le toit de M. Adams,
et venaient nous offrir leurs secours pour quand nous vîmes ce monsieur à la porte
nous conduire en lieu sûr. Pendant que du salon.
ces braves gens s’efforçaient de faire une —Mesdames, si quelques-unes d’entre vous
brèche à la clôture de bois qui bois était désirent jeter un dernier regard sur votre
haute et bien faite, quelques messieurs couvent, suivez-moi.
étaient montés dessus et prenaient nos La supérieure et toutes nos sœurs, à
élèves une à une et les remettaient de l’exception de la malade et de sœur Saint-
l’autre côté. En même temps, on avait Augustin, montèrent à l’étage supérieur.
réussi à abattre quelques planches et les Le monastère était déjà enveloppé d’un
religieuses purent ainsi rejoindre leurs tourbillon de flammes ; dix minutes plus
élèves. Notre lieu de refuge fut la maison de tard, nous étions de nouveau réunies au
M. Adams à Winter-Hill, il hésita quelque salon, où nous nous agenouillâmes pour
peu à nous recevoir craignant d’attirer sur réciter le psaume « Laudate Dominum
sa propriété la fureur de la multitude qui omnes gentes, » puis il se fit un morne
vociférait contre la religion et les couvents. silence ; les cœurs étaient tristes mais les
Mais ces gens n’en voulaient pas à nos âmes soumises et résignées.
vies car lorsque j’allai au secours de ma Les élèves nous quittaient peu à peu, à
sœur Saint-Augustin, j’entendis dire aux mesure que les parents étaient informés
incendiaires qui se parlaient entre eux : de ce qui avait eu lieu. Sept ou huit au plus
—Etes-vous bien certains qu’il n’y a plus se trouvaient avec nous lorsque l’évêque
personne ? députa des prêtres et plusieurs voitures
Seulement on avait tramé un complot pour nous conduire sous le toit hospitalier
contre la vie de l’évêque. Afin de mieux des bonnes sœurs de la Charité. Lorsque
s’assurer du succès, on eut recours au Monseigneur nous vit, il nous offrit une
stratagème suivant : maison de Boston qu’il avait achetée.
—Une voiture lui fut envoyée, le cocher Notre pauvre supérieure lui répondit :
était porteur d’un message au nom de la —Monseigneur, où irez-vous ainsi que
supérieure, informant Sa Grandeur de ce vos prêtres ? « Nous nous pensionnerons
qui se passait au Mont-Benoît et le priant chez Murphy. » (M. Murphy était un
de se rendre sur les lieux, afin d’empêcher gentilhomme très respectable qui demeurait
la destruction du couvent. Mais ce saint en face du palais épiscopal).
évêque inspiré de Dieu, ou soupçonnant Nous répondîmes toutes d’une seule voix :
leurs noirs projets, déclina l’invitation en —« Il vaut mieux, Monseigneur, que nous
disant : cherchions un asile plutôt que de vous
—Que peut faire un seul homme ? déranger ainsi que vos prêtres. »
A deux reprises différentes, ils s’efforçèrent Durant deux mois, ce digne évêque et les
durant la nuit suivante de mettre le feu à la chères sœurs de la Charité firent tout ce
cathédrale, ce fut grâce à la vigilance d’une qui était en leur pouvoir pour adoucir
garde de volontaires irlandais si ce temple notre triste position. Mais je reviens sur
fut préservé des flammes. quelques faits plus désolants encore que
Nos hôtes consentirent enfin à nous tout ce que je vous ai dit. On profana la
recevoir et nous fûmes très bien traitées. chapelle mortuaire et les tombeaux où nos
Madame Adams nous ouvrit la porte de sœurs défuntes dormaient de leur dernier
son salon, où se trouvaient un sofa et sommeil ; on jeta les restes des religieuses
quelques chaises, nos chères petites filles au vent, et on poussa l’aveugle fureur
s’assirent sur le tapis où elles ne tardèrent jusqu’à tirer les dents de quelques-uns des
pas à s’endormir, leur tête reposait sur les cadavres. Puis ce qui affligea davantage
genoux des plus grandes élèves qui avaient nos cœurs, ce qui est plus pénible encore à
des sièges. Il y avait à peu près une heure dire, les incendiaires avaient découvert le
273
tabernacle caché, ( dans la touffe d’asperges adressaient un service d’autel complet. Ces
du jardin). Les saintes espèces furent marques de générosité nous faisaient sentir
profanées. les bienfaits de notre sainte religion.
—Nos âmes encore tout émues au souvenir —Notre chère malade, la petite novice Mary
de cette scène désastreuse sont pleines Saint Henry mourut à Roxbury, dans un
de reconnaissance envers les généreux endroit appelé Brinley Place où nous nous
bienfaiteurs et bienfaitrices dont la charité étions retirées après notre séjour de deux
est venue à notre secours. mois chez les bonnes sœurs de la Charité.
—C’était à qui, au lendemain de cette scène Elle fut assistée sur son lit de mort par le
lugubre, parmi les dames de Boston et de Dr Thompson, habile médecin protestant
Charlestown, sans distinction de nationalité qui nous fut toujours très dévoué.
ni de croyance, nous offriraient vêtements, —Quelques moments avant sa mort, la
meubles, etc. Les MM. Chickering et I. jeune mourante demanda à être portée près
Mackey vinrent nous offrir des instruments de la fenêtre, pour voir une dernière fois «
de musique, à un crédit illimité. les ruines de Mont-Benoît. »
—Nos mères de Québec nous firent parvenir —Oh ! mes bien chères sœurs, ajouta
des valises remplies de divers effets, nous l’intéressante narratrice, je n’ai pu sans
offrant en même temps un asile sous leur émotion retracer ces pénibles scènes, mon
toit protecteur; celles de la Nouvelle-Orléans cœur est plein et je ne me sens plus de force
en firent autant, ajoutant à cette invitation que pour ajouter : « Mon Dieu, pardonnez-
une somme de $300.00. nous nos offenses comme nous pardonnons
—Les Sulpiciens de Montréal nous à ces infortunés fanatiques. »
27 4
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT
275
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT
27 6
“ Gravure d’époque: témoignage des exactions des Nativistes dans la petite
chapelle mortuaire au fond du jardin du couvent. Ils exhumèrent les restes des
religieuses défuntes de leurs tombeaux. . . les dents des mortes furent extraites,
les cercueils ouverts brûlés. Un acte indigne de la civilisation américaine.”
277
LA SECONDE EMEUTE NATIVISTE
DU 12 AOÛT, 1834.
E
la cathédrale, puis à l’hôtel de ville, et enfin
au couvent lui-même. Au couvent, ils ont t il était évident que les autres Sœurs
détruit les jardins et les vergers, mis des de la communauté étaient libres de
feux de joie, et tiré vers le bas les clôtures. faire de même si elles le souhaitaient.
La foule a quitté les lieux en se dispersant Les accusations de mauvais traitements
quelques heures plus tard. fondirent comme neige au soleil. Même
Les problèmes ne cessèrent toujours pas. l’élève, atteint de scarlatine, avait été
Des désapprobations se firent entendre renvoyé aussitôt pour éviter de contaminer
de toutes parts de l’état et un comité se les autres. Peter Murphy, le maçon du
constitua, composé de notables de Boston, couvent certifia qu’il n’existait pas de caves
tels que Robert C. Winthrop, William secrètes. Même si le comité ne partageait
Appleton, Horace Mann, Theophilus pas les convictions romaines catholiques, il
Parsons et Thomas Motley, pour enquêter publia quand même un rapport d’enquête.
sur l’affaire et assigner les mécréants Et au final, un homme du nom de John R.
en justice. Ils interrogèrent plus de 140 Buzzell fut conduit au tribunal en tant que
personnes et procédèrent à 13 arrestations. chef d’émeute. Il eut toutefois un drôle de
I
procès. L’un des jurés fut surpris en train de
ls rendirent visite à la jeune femme dormir ; et bien qu’il avait battu le jardinier
Mlle Rebecca Theresa Reed ( dont le du couvent, encouragé activement les
nom de religieuse avait été sœur Marie émeutiers, mis le feu à des barils, il fut
Agnès Thérèse) qui avait propagé des finalement reconnu innocent malgré sept
rumeurs dans son livre et elle nia tout voix contre cinq en sa défaveur lors de
en bloc sauf les affirmations au sujet de la première délibération. Un seul jeune
mauvais traitements infligés à la nonne homme fut puni et condamné à perpétuité;
malade (soeur Mary Madeleine) et à Mlle sa mère en mourut et il fut gracié plus tard.
Alden. Mais les propos, et les dires de Tout cela prit fin. On proposa aux nonnes
27 8
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT
« Solomon Hovey Junior, percepteur. » En 1838, une tentative a été faite pour
restaurer la communauté des Ursulines de
Le comité d’enquête formé par le maire Boston, mais il n’y eut pas d’adhésion à leurs
Lyman avait recommandé que la ville de rangs. Deux ans plus tard, leur ministère
Charlestown ou le comté de Middlesex à Boston fut dissous définitivement.
279
P endant environ deux ans, (Mère)
Sœur Mary Edmond St. George fut
Supérieure de la Communauté des
Ursulines de Mont Benoît à Charlestown,
(Massachusetts). Un portrait officiel de la
méprisaient. Mais certains plus élogieux,
en font une femme hors du commun pour
l’époque. Après l’incendie du couvent, elle
se réfugia sur ordre de Mgr Fenwick dans
son monastère d’origine au Québec. Ses
collection des Ursulines de Québec, qui la parents loyalistes britanniques protestants
représentait, a mystérieusement disparu, s’installèrent près de Montréal après la
comme beaucoup de pièces importantes Révolution américaine. Mary Anne Ursula
retraçant son histoire personnelle. Moffatt (son nom civil) est née en 1793 et
Beaucoup d’écrits parlent d’elle en termes a étudié dans les écoles catholiques. En
peu flatteurs et très critiques, beaucoup la 1810, à l’âge de 16 ans, elle se convertit au
28 0
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT
catholicisme et rejoignit les Ursulines de 1836, à cinq heures du soir, elle a quitté le
Québec. monastère de Québec pour entreprendre
L
un voyage vers la Nouvelle-Orléans. Elle
ors d’un soir de printemps de 1836, avait demandé et reçu l’autorisation d’y
Sœur Mary Edmond St. George être transférée au couvent des Ursulines.
franchissait les grilles en fer forgé
du couvent des Ursulines dans le Vieux- Mais elle n’y est jamais arrivée, sa
Québec et disparut mystérieusement, elle disparition est pour l’histoire un mystère
ne devait jamais réapparaître. Le 18 mai qui n’a jamais été élucidé.
281
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT
U
des Ursulines. membres comme une arme de rassemblement,
n coup d’œil sur la liste des livres utilisés un lobby contre l’élite de la finance de la ville.
au Mont Benoît était impressionnant. Voilà un réseau bien complexe de tensions à
C’était un programme ambitieux la fois ethniques, religieuses, économiques et
d’éducation, offert par les Ursulines et qui xénophobes qui ont contribué à la destruction
démontra tous les signes d’une grande du couvent de Mont-Benoît.
compétence. Il est clair que leurs élèves étaient Mais les dossiers de première instance et les comptes
destinées à un avenir de dirigeant et non de presse montrent que c’est la Mère supérieure
pour accomplir des corvées à la fin de leurs des Ursulines (soupçonnée de torturer
283
moralement ses frêles religieuses avec des
pénitences sévères). La Supérieure en bravant
par des réponses hautaines et maladroites
les ressentiments des hommes protestants
de la classe ouvrière de cette fameuse nuit
du 11 août 1834 a incité par ses propos à
attiser la violence, et d’après les nombreux
témoignages de cette fameuse nuit, elle
cria à la foule les paroles suivantes: «
Si vous ne quittez pas la propriété, Mgr
l’évêque veillera à ce qu’une armée de 20
000 Irlandais détruisent vos maisons ! » Un
véritable suicide étant donné la situation,
la prudence et la diplomatie auraient très
certainement évité cet acte de destruction.
Au lieu de cela, la foule déjà galvanisée
la veille par les sermons anticatholiques
du Révérend Lyman Beecher (pasteur
presbytérien) dont l’église était surnommée
« Brimstone Corner», (le coin du souffre)
devait conduire à l’émeute et à cette fameuse
E
nuit d’août 1834.
n fin de compte le grand rêve du Père
John Thayer venait de partir en fumée,
mais pas l’église catholique des États-
Unis, aujourd’hui 50 millions d’Américains
ont leurs racines issues de l’immigration
irlandaise et 70 millions de catholiques, soit
24% de la population vivent actuellement
sur le sol américain…. En cela, le Père
John Thayer et la grande majorité des
prêtres Jésuites qui furent les pionniers
de cette épopée de colonisation n’ont pas
failli à leurs missions. En ce qui concerne
l’enseignement, l’Église catholique gère
directement ou indirectement 5 600 écoles
élémentaires , 1200 écoles secondaires et 244
établissements d’enseignement supérieur,
soit 3,5 millions d’élèves et d’étudiants, évoquent pour la plupart l’une des périodes
et plus de 200 000 enseignants. Sans ces difficiles de Nouvelle-Angleterre avec les
prêtres pionniers, l’église catholique des débuts du Nativisme « Le Know Nothing»,
USA ne serait pas ce qu’elle est aujourdhui. organisation xénophobe, visait à réguler
En 1961, John Fitzgerald Kennedy sera le le problème de l’immigration afin de
35e président et premier d’origine irlandaise préserver selon eux les valeurs des
catholique des Etats-Unis. Cela démontre institutions américaines et de sa religion
aussi l’importance de l’immigration qui loin protestante.
d’être une menace peut aussi être source de L’immigration de nombreux colons
U
réussite. irlandais fut le ferment des débordements
ne très nombreuse littérature violents de cette nébuleuse extrémiste, et
témoigne de la religiosité américaine la destruction du couvent des Ursulines
de cette ère bostonienne. Ces livres en donne l’exemple.
28 4
8 LE COUVENT DE MONT BENOÎT
FIN
285
“Oh Benoît-Joseph, je viens encore vers toi avec une nouvelle prière. Regarde
ces villes et ces pays, tous construits sur le manque d’amour ; les routes sont
pavées et personne ne salira ses pieds pour autrui. Nous sommes tous seuls.
Guide-nous, nous les voyageurs, sur un chemin qui monte vers un immense
espace d’amour éternel. Que ton exemple nous accompagne, détache-nous de
la terre et remplis-nous d’amour.” Albert Helman
28 6
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287
RENCONTRE AVEC LE PERE DAVID THAYER P.S.S.
SEMINAIRE SAINT-SULPICE
ISSY-LES-MOULINEAUX (PARIS)
28 8
Le 4 juillet 2014
9 R E N C O N T R E AV E C L E P E R E D AV I D T H AY E R
289
9 R E N C O N T R E AV E C L E P E R E D AV I D T H AY E R
L
propre du terme, le premier d’une longue
lignée de disciples liés au Christ par la voie ors de notre entrevue à Saint-
du Saint Pauvre de Jésus Christ ; lignée que Sulpice le 4 juillet, jour de la fête de
nous a si bien développée, mon cher ami le l’Indépendance des Etats-Unis, nous
Frère Samuel, dans son introduction. avons pu évoquer avec beaucoup d’intérêt
A
certains passages de la vie de son illustre
u rythme des pages de ce numéro ancêtre le Père John Thayer.
2 de “Lumière sur le Chemin”, nous Chers Amis de saint Benoît Labre, avant
avons été comme guidés, tels des de mettre le mot « Fin » à ce numéro de
voyageurs, sur un chemin rocailleux qui « Lumière sur le Chemin », il m’a paru
monte et redescend dans d’interminables bon de vous rappeler que les Labriens du
rebondissements et de vérités douloureuses monde entier sont au cœur même de la vie
du récit de sa vie de prêtre. La Providence chrétienne et que la postérité que Dieu a
a voulu que ce récit coïncide avec un donnée à Benoît-Joseph Labre, le 16 avril
important événement que je souhaitais ici 1783, ainsi que la grâce reçue jadis par
souligner. Le Père John Thayer est décédé John Thayer, existent toujours. Elles sont
le 17 février 1815 à l’âge de 57 ans, et nous au cœur de nos vies; par sa famille les
fêterons dans quelques semaines en février pauvres, son histoire, ses fondations, il est
2015 le deuxième centenaire de sa mort de tous les pays et de notre temps. L’Esprit
à Limerick en Irlande et à cette occasion Saint les tient toujours prêts à répondre
j’invite chacun d’entre vous à prier à la aux exigences nouvelles d’une société en
mémoire de ce premier prêtre Labrien. pleine mutation. Leurs vocations appellent
Au hasard de mes recherches et au fil de à vivre dans le charisme de saint Benoît-
la conversation avec le Frère Samuel, il Joseph Labre en alliance avec Dieu et son
29 0
prochain. Il s’incarne en de simples actes qui Labre, à l’occasion de cette nouvelle année
créent dans les communautés labriennes 2015, je souhaite une bonne et sainte année
des Frères et Sœurs du monde entier, des 2015 dans le partage, la foi, la charité, la
liens d’amitié, d’entraide, de confidence, fraternité et la solidarité…
et d’enseignement partagés dans les joies
et dans les peines du quotidien. Une
évocation pour vous rappeler que c’est
par la foi que nous découvrons Dieu qui
s’exprime à l’humanité dans la bonté du Didier NOËL
cœur des autres…
À chacun, chers Amis de saint Benoît Le 4 janvier 2015
291
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29 4
295
SÉMINAIRE SAINT-SULPICE ISSY-LES-MOULINEAUX
Ma rencontre à Issy-les-Moulineaux au séminaire
Saint-Sulpice avec le Père David Thayer, le 4 juillet 2014.
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29 6
LES DOCUMENTS HISTORIQUES
297
“Catholic University of America”
29 8
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299
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30 8
Coupures de journaux de l’époque (extraits)
309
Coupures de journaux de l’époque (extraits)
31 0
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311
Coupures de journaux de l’époque (extraits)
31 2
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313
NOTES
John Thayer Catholic Encyclopedia. New York: Robert Appleton Company. 1913.
An Account of the Conversion of the Reverend John Thayer
31 4
This antebellum best-seller consists of a fictionalized account of the Charlestown Riot
and another narrative featuring stock characters and themes illustrating anti-Catholic
sentiment in New England.
Hazel, Harry. The Nun of St. Ursula: or the Burning of the Convent. A Romance of
Mount Benedict. Boston: F. Gleason, 1845. LOCAL HISTORY S271.9 HA (photocopy;
plastic-comb-bound).
Another fictionalized account of the Charlestown Convent with themes and characters
similar to those of Frothingham’s works.
Mahoney, Dorah. Six Months in a House of Correction. Boston: B. B. Mussey, 1835.
LOCAL HISTORY S271.9 MA.
Comb-tooth bound photocopy of a vicious 1835 parody of both Catholics and
Protestants.
Photocopies of Materials on the Ursuline Convent. LOCAL HISTORY S271.9 PH
Includes copies of many works mentioned elsewhere here, and others not listed, such
as the “Argument of James T. Austin before the Supreme Judicial Court in Middlesex,
on the case of John R. Buzzell, one of the 12 individuals charged with being concerned
in the destroying of the Ursuline Convent,” and George Ticknor Curtis’ The Rights
of Conscience and of Property; or the True Issue of the Convent Question.Ursuline
Convent, Charlestown, Massachusetts Collection
http://www.cua.edu/
Reed, Rebecca. Six Months in a Convent and Supplement. New York: Arno Press,
1977.LOCAL HISTORY S271.9 RE
A reprint of the lurid antebellum best-seller, as well as the “Letter to Irish Catholics,”
(exhorting them to become Christians) and the Supplement, which includes a
highly subjective account of the convent riot, a conspiracy theory view of Catholic
education, and a “refutation” of the Ursuline Mother Superior’s Answer toSix Months
in a Convent.
White, Lucy Thaxter. The Mount Benedict Ursuline Community and the Burning
of the House. A Letter from a Pupil. Saturday Evening Transcript. Feb 4, 1835?
A purported eye-witness account of the riot by one of its Protestant pupils.
Whitney, Louisa (Goddard). The Burning of the Convent: A Narrative of the
Destruction by a Mob of the Ursuline Convent on Mount Benedict, Charlestown,
As Remembered by One of the Pupils. Boston: James R. Osgood and Company,
1877. LOCAL HISTORY S271.9
A purported eye-witness account of the riot by one of its pupils.
Bisson, Wilfrid Joseph. Some Conditions For Collective Violence: The Charlestown
Convent Riot of 1834. Ann Arbor, MI: UMI, 1989. LOCAL HISTORY S271.9 BI
An examination of the convent riot as the culmination of a series conflicts among
households and families in the Charlestown area.
Evans, George Hill. Burning of the Mount Benedict Ursuline Community House.
Somerville, MA: Somerville Public Library, 1934. LOCAL HISTORY S93 EV
315
A Review of the Lady Superior’s Reply to “Six Months in a Convent,” Being a
Vindication of Miss Reed. Boston: William Pierce and Webster & Southard, and
Light & Horton, 1835.
A defense of Six Months in a Convent and its author.
“The Rise and Fall of the Ursuline Convent.” Charlestown Advertiser. Boston:
Saturday, June 10, 1876.
A brief history of the Charlestown convent cut from a local newspaper and pasted
into the blank pages of a book.
31 6
Duplicate of Answer to “Six Months in a Convent.” Life of Mother St. Augustine
O’Keefe, Superioress of Ursuline Convent, New Orleans. By an Ursuline Nun. 1888.
S271.9
•A biographical sketch of one of the nuns in the Charlestown Convent. Note: born
France O’Keefe. Sometimes referred to as Sister Mary Austin.
De Costa, Benjamin Franklin. In Memoriam: Sister Saint Claire, Order of St. Ursula.
Charlestown: Advertiser Press. 1876. 2 copies.
•A biographical sketch of one of the nuns in the Charlestown Convent.
Material about the Ursuline Convent, Mt. Benedict, Charlestown, Mass. Trans.
from Les Ursulines des Trois Rivieres. v.2 219-231.
https://openlibrary.org/
University of Ottawa
Les Ursulines des Trois-Rivières depuis leur établissement jusqu’à nos jours.
Published 1888 by Ayotte in Trois-Rivières [Québec]
https://openlibrary.org/
University of Ottawa
The Charlestown Convent; Its Destruction by a Mob, etc.. Boston: Patrick Dona-
hoe, 1870.
An account of the riot and subsequent trial. Includes brief sketches of individuals
with some connection to the convent or the riot.
The Nun of St. Ursula. 1845 printing bound in glue-in archival binder.
317
http : / / b o ok s . go o g l e. f r / b o ok s ? i d = H k g QA A A A IA AJ & p g = PA 1 & re d i r _
esc=y#v=onepage&q&f=false
Fire & Roses: The Burning of the Charlestown Convent, 1834; Par Nancy Lusignan
Schultz
https://books.google.fr/books?id=TlGW-kfYCpQC&printsec=frontcover&dq=bur
ning+convent+charlestown&hl=fr&sa=X&ei=lJumVMHADorV7QbByICIDw&ve
d=0CCAQ6AEwAA#v=onepage&q=burning%20convent%20charlestown&f=false
31 8
Burning Down the House: The Ursuline Convent Riot, Charlestown,
Massachusetts, 1834
Nancy Lusignan Schultz Éditeur Salem State College, 1993
https://books.google.fr/books?id=R-X5GwAACAAJ&dq=Ursuline+Convent+at+C
harlestown&hl=fr&sa=X&ei=p56mVJn1Huje7Ab3kYHoDg&ved=0CFoQ6AEwCA
1793-1802
Volume 2 de The Diary of William Bentley, Joseph Gilbert Waters
William Bentley, Joseph Gilbert Waters, Marguerite Dalrymple, Alice G. Waters
Essex institute, 1907
https://books.google.fr/books?id=R70-3R_M2SwC&q=Rev.+William+Bentley&dq
=Rev.+William+Bentley&hl=fr&sa=X&ei=taWmVIbQJIOu7gbEhIDYBw&ved=0C
CIQ6AEwAA
319
But this book is as much a social and political history of Salem in the early republic
as it is an intellectual biography; it not only delineates Bentley’s ideas, but perhaps
more important, it unravels their social and political consequences. Using Bentley’s
remarkable diary and a vast archive of newspaper accounts, tax records, and
electoral returns, Ruffin brings to life the sailors, widows, captains and merchants
who lived with Bentley in the eastern parish of Salem. A Paradise of Reason is a
study of the intellectual and tangible effects of rational religion in mercantile
Salem, of theology and philosophy but also of ideology: of the social politics of race
and class and gender, the ecclesiastical politics of establishment and dissent, the
ideological politics of republicanism and classical liberalism, and the party politics
of Federalism and Democratic-Republicanism. In bringing to light the fascinating
life and thought of one of early New England’s most interesting historical figures,
Ruffin offers a fresh perspective on the formative negotiations between Christianity
and the Enlightenment in the years of America’s founding.
Stevens Point J. Rixey Ruffin Assistant Professor of History University of Wisconsin
Oxford University Press, 23 oct. 2007
https://books.google.fr/books?id=HFp8nQHYgkcC&dq=Rev.+William+Bentley&h
l=fr&source=gbs_navlinks_s
The Life and Services of Rev. Lyman Beecher, as President and Professor of
Theology in Lane Seminary
Diarca Howe Allen Johnson, Stephens & Company, 1863
https://books.google.fr/books?id=RFFAAAAAYAAJ&dq=Rev.+Lyman+beecher&h
l=fr&source=gbs_navlinks_s
32 0
Memorial of the Thayer Name:
From the Massachusetts Colony of Weymouth and Braintree, Embracing Geneological
and Biographical Sketches of Richard & Thomas Thayer, and Their Descendants from
1636 to 1874
Bezaleel Thayer R.J. Oliphant, 1874
https://books.google.fr/books?id=kTJWAAAAMAAJ&q=John+Thayer&dq=John+
Thayer&hl=fr&sa=X&ei=0aymVPuqOOOC7gbt9IDYDg&ved=0CGUQ6AEwCT
ge
Sister Servants:
Catholic Women Religious in Antebellum Kentucky.
This dissertation analyzes the activities of three orders of Catholic women religious
in Kentucky---the Sisters of Loretto, the Sisters of Charity of Nazareth, and the
Dominican Sisters of St. Magdalen’s (later St. Catharine’s)---from 1812 to 1860,
focusing on the significant contributions they made to the institutional development
of Roman Catholicism and the shaping of Protestant-Catholic relations. It examines
the women who founded these orders, the work they did, and how they interacted
with the broader Catholic Church. Unlike most religious communities at this time,
these three orders were fundamentally American: their founding members were
born and raised in the United States, primarily in Kentucky. As local women, already
well known in their communities, they encountered greater acceptance of and
appreciation for their efforts than their foreign-born counterparts elsewhere in the
United States.
Margaret A. Hogan ProQuest, 2008
https://books.google.fr/books?id=Tk1aYaEwm_0C&dq=John+Thayer&hl=fr&sour
ce=gbs_navlinks_s
321
Frontiers of Faith:
Bringing Catholicism to the West in the Early Republic.
American religious histories have often focused on the poisoned relations between
Catholics and Protestants during the colonial period or on the virulent anti-
Catholicism and nativism of the mid- to late nineteenth century. Between these
periods, however, lies an important era of close, peaceable, and significant interaction
between these discordant factions. Frontiers of Faith: Bringing Catholicism to the
West in the Early Republic examines how Catholics in the early nineteenth-century
Ohio Valley expanded their church and strengthened their connections to Rome
alongside the rapid development of the Protestant Second Great Awakening. In
competition with clergy of evangelical Protestant denominations, priests and bishops
aggressively established congregations, constructed church buildings, ministered
to the faithful, and sought converts. Catholic clergy also displayed the distinctive
features of Catholicism that would inspire Catholics and, hopefully, impress others.
The clerics’ optimism grew from the opportunities presented by the western frontier
and the presence of non-Catholic neighbors. The fruit of these efforts was a European
church translated to the American West. In spite of the relative harmony with
Protestants and pressures to Americanize, Catholics relied on standard techniques
of establishing the authority, institutions, and activities of their faith. By the time
Protestant denominations began to resent the Catholic presence in the 1830s, they
also had reason to resent Catholic successes -- and the many manifestations of that
success -- in conveying the faith to others. Using extensive correspondence, reports,
diaries, court documents, apologetical works, and other records of the Catholic clergy,
John R. Dichtl shows how Catholic leadership successfully pursued strategies of
growth in frontier regions while continually weighing major decisions against what it
perceived to be Protestant opinion. Frontiers of Faith helps restore Catholicism to the
story of religious development in the early republic and emphasizes the importance
of clerical and lay efforts to make sacred the landscape of the New West.
John R. Dichtl University Press of Kentucky, 2 mai 2008.
https://books.google.fr/books?id=Ca4VglSOwaYC&dq=John+Thayer&hl=fr&sour
ce=gbs_navlinks_s
32 2
Couvent des Ursulines, Charlestown, Documents de MA
Un inventaire du couvent des Ursulines, Charlestown, MA communications à
l’université catholique américaine History Research Center et Archives.
Coordonnées:
Adresse postale: L’Université catholique d’Amérique, Washington, DC 20064
Téléphone: 202-319-5065
Courrier électronique: archives@mail.lib.cua.edu
URL: http://libraries.cua.edu/
________________________________________
Dépôt: Archives American Center catholique recherche sur l’histoire et à
l’Université
Créateur: Arthur T. Connelly
Titre: Le couvent des Ursulines, Charlestown, Documents de MA
Dates 1833 - 1903
La collection couvre 1832 ans - 1903 et comprend de la correspondance, une copie
manuscrite d’un témoin oculaire de la combustion du couvent, une histoire de
découpures, articles imprimés, y compris des journaux, des brochures et des coupures
de journaux, et une photo et le croquis du couvent. Il documents du ministère des
Ursulines de Québec à Boston durant les années 1800 et démontre le fort sentiment
anti-catholique qui existait en Nouvelle-Angleterre.
http://www.aladin0.wrlc.org/
________________________________________
Note historique
The Ursuline convent on Mount Benedict in Charlestown, Massachusetts, was
the realization of a dream of the Rev. John Thayer (1758 - 1815), a Protestant who
converted to Catholicism and served as a priest in Boston from 1788 until 1792. The
final years of his life were spent in Ireland, where he procured funds for establishing
a convent in Boston. The funds that Thayer collected were remitted to the care of the
Rev. Dr. Francis Anthony Matignon (1753 - 1818), who encouraged his parishioners
in Boston to contribute to the project. The convent, however, did not become a
reality until 1817, when the Rev. John Lefebvre de Cheverus (1768 - 1836), Bishop
of Boston, got behind the effort. The Ursulines soon outgrew their original quarters
and removed to a new edifice on Mount Benedict in July 1828.
The original members of the religious community were recruited by Thayer during
his fundraising campaign in Limerick, Ireland. There he inspired two of the original
founders, Mary and Catherine Ryan, to make their novitiate under the Ursulines
of Three Rivers, Canada, which was a branch of the Ursulines of Quebec. Soon the
convent consisted of ten sisters, the majority of them coming to Boston from Quebec
including the Superior, Mother Mary Edmond St. George.
The Ursuline community’s principal mission was to administer a boarding school
for girls aged six to fourteen. The number of students rose to 55, a few of whom
were French-Canadian, while the greater number were children of New England
Protestants. The education was comprehensive, covering religion, classics, music,
and social graces.
Public opinion soon was to rise against the Ursulines and their school. The revival
of evangelical Protestantism in the early 1800s, plus disdain for working-class Irish
immigrants, gave rise to militant anti-Catholicism and reemphasis on traditional
323
nativism. The convent was an obvious target, and rumors spread that the Ursulines
were mistreating their students. When the townspeople gathered at the gates of the
building on August 11, 1834, they proceeded to burn down the convent without
interference from authorities.
After the fire the Ursulines attempted to continue their work in Roxbury, Massachusetts.
Once again they were harrassed. As a result, some of the religious decided to return
to Quebec, and others joined the Ursulines of New Orleans. In 1838, an attempt was
made to restore the Ursuline community in Boston, but there were no accessions to
their ranks. Two years later, their Bostonian ministry was disbanded.
Restrictions
En raison de la fragilité des documents originaux, l’accès à certains documents peut
être restreint.
The collection spans the years 1832 - 1903 and includes correspondence, a hand-
written copy of an eyewitness report of the convent’s burning, a scrapbook history,
printed items including journals, pamphlets, and newspaper clippings, and a photo
and sketch of the convent. It documents the ministry of the Ursulines of Quebec in
Boston during the early 1800s and demonstrates the strong anti-Catholic sentiment
that existed in New England.
32 4
April 1834-December 17, 1834
1. Letter to Ursuline Convent from Milton Hill - 2 letters from Mrs. Russell which
speak of her difficulties and lack of influence on her children, April 1834.
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2452
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2453
2. Letter to Sister Superior from Mrs. Russell - regret at not being able to influence
children to return willingly to school, June 1834.
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2454
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2455
3. Letter to Mrs. Russell from Rich S. Fay - a letter asking the sentiments of the parents
and guardians of the children who were placed at the Ursuline school, September 1,
1834
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2456
5. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - she asks for an exemption from
appearing in court in Cambridge, Mass., November 15, 1834.
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2458
6. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - she suggests the manner of her
interrogation and notes some valuable losses to the looters of the Convent, November
30, 1834.
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2459
325
Lusignan Schultz Nancy. “Fire and Roses: L’incendie du couvent Charlestown,
1834.” NY: The Free Press, 2000.
Musée Somerville. “Lever le voile: Se souvenir de l’incendie du couvent des
Ursulines. Boston, MA, 1997.
________________
4. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - letter of gratitude for hospitality
shown on the occasion of a court appearance in Concord, Mass., September 12, 1834
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2457
5. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - she asks for an exemption from
appearing in court in Cambridge, Mass., November 15, 1834.
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2458
6. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - she suggests the manner of her
interrogation and notes some valuable losses to the looters of the Convent, November
30, 1834.
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2459
7. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - apology for a misunderstanding,
December 4, 1834.
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2460
8. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - this letter was accompanied by an
engraving of the ruins of the convent which she asks him to accept. She once again
asks to be exempt for a court appearance. December 17, 1834.
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2461
1. Letter to Sister Superior from Mrs. Russell - a letter giving the reasons for her
daughter Rosalind not returning to school hinging upon the mother’s fear that the
“organized mob of fanatics” would once again attack. March 12, 1835.
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2462
32 6
2. Letter to Hon. James T. Austin from The Superior - this letter speaks of the advice
of the Bishop that the Sisters should leave the area for a year or eighteen months and
the advice of others that it would be better to stay. She asks for the advice of Austin.
March 21, 1835.
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2463
3. Letter to Hon. James T. Austin from The Superior - The Bishop of Quebec urged
the Sisters to return to Canada and they would depart in two weeks time. April 15,
1835
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2464
4. Letter to The Right Reverend Bishop Fenwick from Lydia Smith Russell - This
letter entreats the Bishop not to allow the Ursuline Community to depart from
Boston. The letter is a long presentation of the value of the type of education offered
by the Ursulines. The refutation of charges brought by Protestants against the Sisters.
May 10, 1835
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2465
5. Letter to Mrs. Jonathan Russell from The Superior - Expresses regret that an
invitation cannot be accepted and telling of her return to Quebec where she had
lived for fourteen years and that she will never return to the United States. May 17,
1835
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2466
6. Letter to The Superior of the Ursuline Convent from Mrs. Jonathan Russell - This
letter praises the Sisters on many accounts, her sorrow at the departure of the Sisters
and her regret at not confiding her daughter to their care. June 11, 1835
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2467
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2521
327
1. Fragment - Account of Miss Reed and the circumstances surrounding her
acceptance as novice of the Ursuline Community, n.d.
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2469
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2470
3. Letter to Mrs. Lydia Smith Russell from Lucinda Smith Otis (?) - Request to attend
a funeral and at the same time sign a petition to the legislature, n.d.
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2471
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2472
5. Letter to Hon. James T. Austin from the Superior - An account of articles returned
and articles missing, n.d.
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2473
6. Fragment - list of articles belonging to Miss Russell destroyed at the burning, n.d.
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2474
The Ursulines of Boston, and kept in the Ursuline archives of Three Rivers, Quebec,
Canada, is an eyewitness account of the fire. It is titled, “Ursuline Report of the
Burning of the Convent, August 11, 1834.”
5 “Ursuline Report of the Burning of the Convent August 11, 1834” n.d. (CAHIER
28 PAGES)
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2476
Journals, pamphlets, and a short novel present discussion on the efforts to start
the convent, its burning, and the acquittal of the rioters, along with anti-Catholic
sentiment continuing in Boston throughout the 1800s.
6 “Attkinsons’ Casket”, March 1833
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2477
32 8
7 “The Gleaner”, August 16, 1834.
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2478
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2479
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2480
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2481
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2482
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2483
13 “An Answer to Six Months in a Convent Exposing its Falsehoods and Manifold
Absurdities” by the Lady Superior, Mary Anne Ursula Moffatt, 1835
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2484
14 “The Rights of Conscience and Property; or the True Issue of the Convent
Question” by George Ticknor Curtis, 1842
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2485
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2486
329
16 Pamphlet: “The Convent’s Doom: a Tale of Charlestown in 1834” by Charles W.
Frothingham, 1854
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2487
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2488
18 Pamphlet: “The Burning of the Ursurline Convent: a Paper Read before The
Worcester Society of Antiquity, March 5th, 1889” by Ephraim Tucker, 1890
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2489
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2490
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2492
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2493
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2494
4. Burial place of Mary Ryan : St. Augustine’s Church, South Boston, and its romantic
history (The Boston Globe), undated
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2496
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2497
33 0
6. A sketch of James Napper Tandy, Efqr., Captain of the Liberty Artillery, Vc., Vc.,
undated
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2498
7. T.F. Meagher and Bishop Hughes ; also, Fun after fighting, undated
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2499
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2500
9. Who was St. Patrick? : the facts about Ireland’s patron saint ; also, Nantucket ice-
bound (Boston Evening Transcript), undated
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2501
10. Execution of the Spanish pirates (Boston Morning Post), Thursday, June 11, 1835
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2502
11. Irish labor : the economic background of Sinn Fein : the Irish labor movement by
W.P. Ryan (published by B.W. Huebsch), undated
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2503
12. Dedicated to God : impressive services in St. Johnsbury’s new Catholic church
(St. Johnsbury, Vt.), January 6, no year
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2504
13. The Padre’s secret (a poem) by Lucius Harwood Foote; also, Suspected of stealing
draughtsman’s tools; also, The Ninth starts for Philippines, undated
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2506
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2507
331
15. The Manila of today : influence of climate on habits and business ; also, The
botanical calendar ; also, Narcissus (a poem) by Henry R. Kellogg, undated
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2508
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2509
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2510
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2511
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2512
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2513
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2514
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2495
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2516
24. The Catholic controversy by Alethia (for the Boston Recorder), undated
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2515
33 2
A photo of an engraving shows the Ursuline convent as it looked in 1832. The ruins
after the fire are drawn in a sketch attributed to Dr. B.F. De Costa, 1872.
1. Photograph, n.d.
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2517
2. Sketch, 1872
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2518
http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?img=1&url=http://dspace.wrlc.org/doc/
manifest/2041/2519
333
Church and its evangelical mission to the American nation while Father Thayer used
a more radical method, which caused public disorder. This became the reason for the
exile of the latter.
Subject: Priests -- Beliefs, Opinions And Attitudes ; Bishops -- Beliefs, Opinions And
Attitudes ; Clergy
Is Part Of: The Catholic Historical Review, July, 1998, Vol.84(3), p.455(22) [Peer
Reviewed Journal]
Identifier: ISSN: 0008-8080
Relaçaõ da conversaõ do R. Senhor Joaõ Thayer : ... Escrita por elle mesmo. ...
Account of the conversion of the Reverend Mr. John Thayer. Portuguese and
English
Author: Thayer, John, 1758-1815.
Subject: Catholic converts -- Early works to 1800.
Published: Lisboa : na Offic. Patr. de Francisco Luiz Ameno, 1788.
Language: Portuguese
Parallel Portuguese and English texts.
The English titlepage is on the verso of the half-title.
Place: Hierarchical: Portugal -- Lisbon.;
Other title: Eighteenth century collections online.;
HOLLIS Number: 012399037
Date: 1788
Controversy between the Rev. John Thayer, Catholic Missionary of Boston, and
the Rev. George Lesslie, Pastor of a church in Washington, New Hampshire.
de John Thayer; George Lesslie
Anglais 1795
Philadelphia : Printed by Richard Folwell, 1795.
33 4
An account of the conversion of the Rev. Mr. John Thayer, lately a Protestant
minister at Boston in North America : Who embraced the Roman Catholic
religion at Rome, on the 25th May, 1783; Written by himself. To which are annexed
several extracts from a letter written to his brother in answer to some-objections.
Also, a latter from a young lady lately received by him into the church, written
after making her first communion.
Auteur : John Thayer
Éditeur :Dublin : Printed by J. Boyce, 6, Inn’s-Quay, 1797.
An account of the conversion of the Reverend Mr. John Thayer lately a Protestant
minister, at Boston in North-America, who embraced the Roman Catholic
religion at Rome, on the 25th of May, 1783
Author: Thayer, John
Subject: Catholic converts -- United States -- Biography
Published: Baltimore : Reprinted (from the London edition) and sold by William
Goddard
Edition: 5th ed
Language: English
Creation Date: 1788
The Rev. John Thayer. A Link between Ireland and a Saint Just Canonised
Author: Bridgett, T. E.
Language: English
Is Part Of: The Irish Monthly, 1882, Vol.10(104), pp.74-82
Identifier: ISSN: 20092113
Les Servantes de Dieu en Canada. Essai sur l’histoire des communautés religieuses
de femmes de la province. Édition revue, corrigée, augmentée et spécialement
préparée pour le Canada.
Henri de Courcy 1855
https://books.google.fr/books?id=wzhfAAAAcAAJ&dq=le+couvent+des+ursulines
+de+Boston&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
https://books.google.fr/books?id=FLNaIdYD65kC&dq=francois+charles+Nagot&h
l=fr&source=gbs_navlinks_s
33 6
Recueil de conversions remarquables nouvellement opérées dans quelques
protestants
François-Charles Nagot Prevôt & Crapart, 1789
https://books.google.fr/books?id=yISFh8b9n5QC&dq=francois+charles+Nagot&hl
=fr&source=gbs_navlinks_s
https://books.google.fr/books?id=s-1-0rVTZOoC&dq=francois+charles+Nagot&hl
=fr&source=gbs_navlinks_s
https://books.google.fr/books?id=AE8naTBrsScC&dq=francois+charles+Nagot&hl
=fr&source=gbs_navlinks_s
Vie de Madame E.A. Seton fondatrice et première supérieure des Soeurs ou Filles
de la Charité aux Etats-Unis d’Amérique
White Lecoffre, 1857
https://books.google.fr/books?id=sD5hJ-hw9yEC&dq=francois+charles+Nagot&hl
=fr&source=gbs_navlinks_s
https://books.google.fr/books?id=PaMHAAAAQAAJ&dq=francois+charles+Nagot
&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
https://books.google.fr/books?id=Nhc2AQAAIAAJ&q=francois+charles+Nagot+et
+Thayer&dq=francois+charles+Nagot+et+Thayer&hl=fr&sa=X&ei=YPOmVO6IO
6HT7Qa664CoDg&ved=0CDUQ6AEwAw
https://books.google.fr/books?id=2bsMAAAAYAAJ&q=francois+charles+Nagot+
et+Thayer&dq=francois+charles+Nagot+et+Thayer&hl=fr&sa=X&ei=YPOmVO6I
O6HT7Qa664CoDg&ved=0CDsQ6AEwBA
337
Some Anglo-American Converts to Catholicism Prior to 1829
Sister Laurita Gibson Catholic University of America, 1943
https://books.google.fr/books?id=WGZCAAAAIAAJ&q=francois+charles+Nagot+
et+Thayer&dq=francois+charles+Nagot+et+Thayer&hl=fr&sa=X&ei=YPOmVO6I
O6HT7Qa664CoDg&ved=0CEEQ6AEwBQ
Pope-Night
Tous les 5 Novembre, les habitants de Wye fête la ‘Guy Fawkes Night’ en mémoire de
l’arrestation de Guy Fawkes et l’échec d’un complot catholique en 1605 (‘Gunpowder
Treason’) visant à assassiner le roi protestant James I ; les étudiants allument un feu
de joie (‘bonfire’) sur la colline. Cette fête anti-papiste s’est exportée en Nouvelle
Angleterre, où elle devient la ‘Pope-Night’, la nuit du pape, jusqu’à la révolution
américaine (et supplantée depuis par Halloween). Durant la Pope-Night, les jeunes,
étudiants, apprentis défilent avec des effigies du pape et du diable pour les brûler
dans un feu de joie à la nuit tombée.
Kinbote fête t-il à New Wye l’échec du complot régicide contre Charles le Bien-
Aimé autour d’un feu pâle ? Gradus est-il un nouveau Guy Fawkes ? Il est aussi
intéressant de souligner que d’après le site internet de la ville, Wye signifie ‘temple
païen’ (‘heathen temple’). New Wye est donc un nouveau temple païen. Comme l’a
remarqué, par exemple, Mary Mc Carthy dans son essai cité plus haut, les références
à la mythologie grecque abondent dans Pale Fire (Hermès-Mercure, entre autres) et
Kinbote appelle souvent Arcadie la région de New Wye.
Dans Feu-Pâle, Lochanhead est l’arrêt du bus où descend Hazel Shade avant de se
noyer dans le lac Omega. Il existe aussi un Lochanhead en Ecosse, à quatre miles de
Dumfries où a vécu et où est mort Robert Burns , poète paysan (1759-1796, l’auteur
du célèbre et long poème ‘Tam-O’Shanter’). Curieusement Robert Burns et le poème
Tam-O’Shanter sont très connus et étudiés en littérature en Russie.
http://proekt-poema.com/feu_pale_new_wye.php
33 8
Mémoire historique sur la vie de Bénoit J. Labre: depuis sa naissance jusqu'à l'âge
de 23 ans & environ 6 mois, mort à Rome en odeur de sainteté le 16 avril 1783
rédigé sur les enseignements puisés dans le sein de sa famille, & sur les recherches
les plus exactes faites dans tous les lieux qu’il a habités en France.
Published 1784 by Samuel Berthoud in Cambrai .
http://fr.wikipedia.org/wiki/Club_des_Jacobins
__________________________________________________________________
339
Mes remerciements pour l’aide précieuse
du Père Raymond Martel, Diocèse d’Amos, Québec
(Canada)
du Frère Samuel, Fraternité des Frères et des Soeurs de
Saint Benoît Labre
(France)
du Père David Thayer P.S.S.
(Etats-Unis).
de l’évêque de Limerick, Bishop Brendan Leahy
(Irlande)
de l’archiviste du diocèse de Limerick, Mr. David Bracken
(Irlande)
et de Mathilde.
Les Amis de saint Benoît Labre
© 2000 Tous droits réservés
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