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§aguenayensia

REVUE DE LA SOCIETE HISTORIQUE DU SAGUENAY

Volume 15 - Numéro 3 Mai - juin 1973


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1

CONSEIL D'ADMINISTRATION
DE LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE DU SAGUENAY

M. Léonidas Bélanger, président et responsable de la section de généalogie,


M. l'abbé Raoul Lapointe, vice-président,
M. Raoul Fortin, secrétaire,
M. Gérard Maltais, trésorier,
_Mgr Victor Tremblay, archiviste,
M. Roland Bélanger, archiviste adjoint,
M. Sabin Caron, conservateur du musée,
M. Jean-Claude Drolet, responsable de la revue,
MM. le chanoine François Plourde,
l'abbé Raymond Desgagné,
Laurent Beaulieu,
Jean-Claude Larouche,
Charles Cooke,
Edmond Pilote,
J.-R. Ben Vandal,
Clément Lapointe, directeurs.

COMITÉ D'HISTOIRE
M. l'abbé Raoul Lapointe
M. Sabin Caron
M. Roland Bélanger

COMITÉ D'ADMINISTRATION DE SAGUENAYENS/A

M. Léonidas Bélanger, président


M. Sabin Caron, secrétaire-trésorier
Mgr Victor Tremblay, directeur
M. Clément Lapointe, directeur

COMITÉ DE RÉDACTION DE SAGUENAYENSIA

Directeur: Mgr Victor Tremblay


Publicitaire: M. Armand Demers
Responsable: M. Jean-Claude Drolet
Expédition: M. Raoul Fortin

ILLUSTRATION DE LA COUVERTURE

La rivière Métabetchouan à la Chute du pouvoir électrique. -


Le trou de la Fée au sommet de l'éboulis, à droite, n'est pas
visible. - Photo vers 1900.

Aucune reproduction n'est autorisée sans le consentement écrit de l'auteur d'un arti­
cle signé ou celui de la Société Historique du Saguenay pour les textes non signés.

LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE DU SAGUENAY, 1972.


Saguenayensia
Revue de la Société Historique du Saguenay

Volume 15 - Numéro 3 Mai - juin 1973

SAGUENAYENSIA Editorinl

Directeur: Mgr Victor Tremblay


Président: M. Léonidas Bélanger LES MARIAGES DE LA REGION
Secrétaire-trésorier: M. Sabin Caron

On a remarqué que les mariages de la région ont été absents de quelques numé­
ADRESSE: ros de notre revue. Nous tenons à signaler que ce n'est pas un abandon de cette catégo­
rie de nos articles mais simplement une question de retard dans la marche de la prépa­
C.P. 456 ration des listes, laquelle réclame un travail énorme, et les loisirs que l'auteur consacre
Chicoutimi, G7H 5C8 à cette tâche n'étant pas suffisants, occupé qu'il est par des devoirs professionnels
Téléphone: 549-2805 stricts et par des engagements dans nombre de fonctions et d'oeuvres exigeantes.

Imprimeur: On ne soupçonne peut-être pas ce qu'il en coûte de travail pour faire le relevé
Le Progrès du Saguenay, Ltée. exact des mariages et surtout pour établir la filiation des conjoints et le point de ratta­
316, avenue Labrecque, Chii:outimi
che du père et de la mère de chacun d'eux avec leur lignée accessible.

Abonnement par année: $5.00 Il en coûte ordinairement environ cent dollars pour faire résoudre ce quadruple
Abonnement de soutien: $10.00 problème par les instituts spécialisés en généalogie. Cela représente donc, pour les 85
mariages recensés dans un numéro de la revue, une valeur de $850 mise gratuitement
Courrier de la deuxième classe à la disposition des familles de notre région, et tous les descendants de chacun des
Enregistrement No 0849. couples mentionnés - lesquels sont entre trente et trois cents pour chaque couple,
Dépôt légal le trimestre 1972
Bibliothèque nationale du Québec selon l'ancienneté - peuvent bénéficier de cette clé pour faire eux-mêmes le relevé de
leur lignée ancestrale. En fait plusieurs en profitent; les demandes d'informations sup­
plémentaires qui nous arrivent en sont une preuve. On comprend que les mariages
soient, avec les mémoires d'anciens, un des appoints les plus réclamés parmi les divers
SOMMAIRE sujets présentés dans Saguenayensia.
Pages
On a dû remarquer aussi que les feuilles qui contiennent les listes des mariages
Éditorial ....................... 73 sont placées au milieu de la revue, pour permettre aux généalogistes de les retirer, s'ils
Les Soeurs Antoniennes de Marie-
veulent les grouper ensemble pour former un volume plus commode à consulter que
Mgr O.-D.Simard ........... 74
les numéros eux-mêmes, et cela sans déranger les articles ou en amputer des parties.
Superstitions des Montagnais-
Mgr Victor Tremblay ....... 78
La classe d'Affaires au Séminaire- Maintenant que les mariages des plus anciennes familles ont été recensés jus­
Mgr Albert Tremblay ....... 81 qu'à l'année 1911 - date limite du dépôt des registres du Lac Saint-Jean au greffe de
Le Père-Thomas- Chicoutimi, où l'auteur peut les consulter - celui-ci va reprendre le relevé des maria­
Mtre W.-Hidola Girard ...... . 84 ges des localités du Bas-Saguenay, interrompu précédemment à l'année 1870 pour
Le Lt-col. B.-A. Scott- éviter de retarder trop longtemps la publication de ceux du Haut. Il commencera par
Léonidas Bélanger ......... 88 ceux de Chicoutimi de 1871 à 1911, et ceux des autres localités suivront dans le même
Mémoires d'un ancien- ordre que précédemment.
Johnny Tremblay "Boise" .. 93
Côte-Nord: culture, bois, pêche- On nous permettra de lui accorder encore le temps de "respirer" entre deux tran­
Comte Henri de Puyjalon ... 95 ches de ses séries quand la nécessité l'y obligera et nous profitons de la présente occa­
Nombre d'élèves au Séminaire ... 100 sion pour lui exprimer, au nom de la revue et de ses lecteurs, l'appréciation de son mé­
Mgr N.-A. Labrie- rite et les plus chaleureux remerciements.
Robert Parisé ............... 101
Un document inédit de 1541- De plus nous invitons ceux et celles qui constateraient des erreurs ou des lacu­
Mgr Victor Tremblay ........ 105 nes à nous communiquer les renseignements qu'ils pourraient nous fournir; nous te­
. La Cabane de la Grande Salle- nons à donner à cette revue une solide valeur documentaire et à y insérer les correc­
Abbé Arthur Daniel .......... 107 tions opportunes quand elles ont une importance suffisante.

La direction.
74 SAGUENA YENS/A Mai-juin 1973

Les Soeurs Ànto.niennes de Marie au Séminaire

Elles ont été fondées en 1904, par le Séminaire et l'entretien de deux chapelles, 520 repas à servir tous
pour le Séminaire. C'est pourquoi la formule de pro­ les jours et à desservir, 194 lits à faire. Et puis évidem­
fession, après le prononcé des voeux, comporte: "Je ment l'entretien du couvent.
promets de me consacrer entièrement à !'oeuvre des
Séminaires, selon les Constitutions de l'Institut des Si on ajoute à cela que dans le vieux Séminaire,
Soeurs Antoniennes de Marie''. celui qui a été incendié en 1912, l'organisation était
très rudimentaire, on devine un peu à quel rythme
Ces pages ne sont pas une vue d'ensemble, encore il a fallu trimer.
moins une histoire de la Communauté. Elles se pro­
posent simplement de mettre un peu en relief les ser­ _ Les années 1912-1913 et 1913-1914 ont été plus
vices que les Antoniennes ont rendus au Séminaire. dures encore. Ce fut l'installation de fortune dans
l'Académie des Frères, où rien n'était aménagé pour
Officiellement elles sont nées le 15 août 1904 et, un pensionnat, où tout dut se faire en vitesse et avec
du coup, elles ont été associées à !'oeuvre du Sémi­ le maximum d'économie. Parler d'années héroïques
naire. Nous n'hésitons pas à dire que ce fut un des n'est sûrement pas exagéré.
grands jours du siècle qu'a vécu le Séminaire diocé­
sain. En 1914, le Séminaire neuf ouvrait ses portes.
Pour le temps, c'était une maison très moderne. Mais
Rappelons-nous les pensionnats de ce temps-là, qu'on était loin des facilités et commodités dont on
ou, si nous sommes jeunes, essayons de les imaginer. jouit aujourd'hui! Que de place il restait pour des pas
Pour les pensionnaires, c'était leur nouveau foyer à faire, des efforts des main� et des bras à fournir, des
familial. Ils y passaient 300 jours par année, et 24 coups d'oeil à jeter pour voir où l'on est! Aujourd'hui
heures par jour. Les parloirs étaient les apparte­ on regarde les choses se faire et c'est l'électricité qui
ments les moins employés. Pour ma part, en sept an­ assure à peu près tout ce qui demande un déploie­
nées d'études, j'y suis allé deux fois. Par la force des ment de force.
choses, nous devenions les enfants de la maison. Les
liens qui se sont créés nous ont marqués pour la vie. Entrons un peu dans la cuisine et les réfectoires;
Revoir un confrère, même après bien des années, car il y en avait deux: celui des prêtres et ecclésiasti-
c'est chaleureux comme rencontrer un frère. De mê­
me revoir un ancien maître de salle, un ancien pro­
fesseur, directeur ...

Par ailleurs, l'expérience prouve que les maisons


où il n'y a que des hommes sont plutôt froides. Elles
peuvent être pourvues de tout et n'être guère habita­
bles. Il y manque des nuances, des délicatesses, et
comme une touche qui rend les choses invitantes, at­
trayantes.

Il y avait déjà un service féminin au Séminaire


qui existait depuis 31 ans. En particulier, à partir de
1896, la Communauté du Bon-Conseil consentit à
prêter quelques sujets. Mais il était bien entendu que
ce n'était que pour un temps et par pur esprit de ser­
vice. Tout de même cela dura huit bonnes années et
fut le salut en attendant que la Providence fasse con­
naître son dessein et donne le moyen de le réaliser.

Voici donc qu'en l'été de 1904 se présente toute u­


ne équipe de personnes jeunes, intelligentes, géné­
reuses, pleines d'idéal et de savoir-faire, décidées de
se consacrer uniquement aux soins domestiques du
Séminaire. L'événement était de taille et, de la part
du ciel, c'était une grâce de la plus grande portée.
La tâche qui les attendait aurait eu de quoi ef­
frayer bien des courages. En 1904, il y avait au Sémi­
naire 14 prêtres, 20 ecclésiastiques et 236 élèves, dont
119 pensionnaires, 61 quart-pensionnaires et 56 ex­
ternes. En gros, c'était le ménage de 14 chambres, Premter couvent des A ntontennes.
Mai-juin 1973 SAGUENA YENS/A 75

ques et celui des élèves. Il faudrait même dire trois, que bien en chair et à point pour une belle bouche­
les serviteurs ayant leur coin à eux. Et pourquoi ne rie. Le beurre, lui, somnolait assez longtemps dans
pas dire quatre? Les Soeurs mangeaient, elles aussi. les tinettes et il lui arrivait de profiter de ce loisir
Et il ne fallut pas bien des années pour qu'elles soient pour tourner au rance.
20,30,40,50,60.
Les Soeurs savaient tout cela mieux que n'impor­
Sans entrer dans les détails, on devine de ce côté te qui. Elles faisaient des prodiges d'ingéniosité pour
une somme énorme de travail. Mais le pire, c'est que remédier, pour corriger: des prodiges tout de même
les pauvres Soeurs devaient s'en tirer avec ce qu'on qui n'allaient pas jusqu'au miracle. Et leur situation,
leur mettait dans les mains. Et on était loin de l'ère "au carreau", face à une clientèle de jeunes esto­
des beaux produits soigneusement classés, artisti­ macs toujours bien en forme, n'apportait pas que des
quement empaquetés et respectant scrupuleusement consolations.
les exigences de l'hygiène et les normes qui regar­
dent les calories et les vitamines. Il ne faut cependant pas croire que nous étions
au régime des camps de concentration. Si les capri­
Ce qu'on leur mettait dans les mains! D'abord le cieux n'y trouvaient pas leur compte, les raisonna­
Séminaire était pauvre comme du sel. Il mettait ce bles s'en tiraient fort convenablement. Je connais
qu'il pouvait, plutôt moins que plus, et ce qui coûtait des élèves qui ont refait leur santé au Séminaire; je
le moins cher. n'en connais pas qui soient morts de faim. Faut-il
ajouter que certains mets ont connu la gloire et sont
Et puis la plupart des pensionnaires étaient des passés à la postérité: telles les fèves au lard, tel le ha­
fils de cultivateurs. Ce qui amenait totalement des chis ...
paiements en nature. Quand c'était des poches de
patates ou de légumes qui entraient dans les caves, Maintenant allons faire un petit tour à la buan­
il n'y avait pas de quoi s'alarmer. Quand c'était de derie. Même au Séminaire neuf, il nous faut pénétrer
l'agneau, on avait bien des chances de manger ... du dans un sous-sol pas du tout invitant. C'est le lundi
mouton. Quant au boeuf, généralement c'était de la matin. Dès les premières années, c'est presque deux
vache et il n'avait pas toujours mérité la mort parce cents sacs de linge qui se donnent rendez-vous, sans
/

Couvent près du Séminaire. - Photo 1927.


76 SAGUENAYENSIA Mai-juin 1973

compter la literie, les nappes, et le linge des Soeurs,


qui en portaient plutôt plus que moins. Vite il faut
faire le tri, car le blanc et le linge fin ont droit à la
préséance. Il y a tout un ordre à suivre, que je con­
nais plus ou moins, mais qu'il faut respecter et qui, je
crois, renvoie les bas et chaussons à la toute fin.
Et les barates se mettent à tourner, la vapeur
jaillit de vingt sources différentes, l'air se fait de plus
en plus tiède et lourd d'humidité.
C'est dans cette atmosphère qu'on oeuvre du­
rant des heures et des heures. Il faut vider les cuves,
les remplir tout une série de fois. C'est le séchage du
linge, le pliage, le repassage de centaines de chemi­
ses. E le raccommodage donc du linge de garçons qui
ont la main rude, le pied lourd, et ...parfois la tête
légère. Et pour finir la remise en sac.
S'il s'en est versé des sueurs! S'il s'en est fait des
exercices de patience! Il y a des Soeurs qui ont pres­
que passé leur vie dans la buanderie. Il est difficile
de trouver un meilleur endroit pour "s'immoler dans
l'ombre", comme le veut la devise de l'Institut.
Sur le terrain matériel, il n'est pas exagéré de di­ Abbé Elzéar Delamarre.
re que les Antoniennes ont rendu au Séminaire des
services qui n'ont pas de prix. Et qui dira l'argent pas et il disait ce qu'il savait avec des mots, des ges­
qu'elles ont épargné? C'est un fait reconnu, les plus tes, des physionomies qui ne s'oubliaient pas.Durant
grands miracles économiques au Québec ont été opé­ sept ans, il fut au poste et a marqué définitivement
rés par les communautés religieuses de femmes. Du­ toute une génération de Soeurs.
rant de longues années, les Antoniennes l'ont fait
au profit du Séminaire, ne recevant en retour que Si de la tribune on passe au confessionnal, des
leur subsistance d'abord, puis que des allocations noms viennent tout de suite à la pensée: M. l'abbé
dérisoires. Alfred Tremblay, Mgr L.-D. Lemieux, M. l'abbé Jo­
seph-Eugène Tremblay. Il y en a d'autres, mais ceux­
Elles ont donc droit à un fameux merci. Ce qui là viennent en tête pour leur totale disponibilité, leur
précède n'est qu'un premier chapitre. Il reste l'aide sagesse surnaturelle, leur bienveillante compréhen­
spirituelle. Ce que les Antoniennes ont fait pour sion. Le fait qu'ils ont toujours été en demande est la
l'oeuvre du Séminaire. pour les vocations sacerdota­ preuve la plus éloquente que leurs services étaient ap­
les, a eu vraisemblablement plus de portée que leur préciés.
contribution matérielle.
Il faut partir du fait que la Communauté, dès
les débuts, a été très fervente. Deux raisons, à notre
humble avis, en donnent l'explication.
Première raison.Si le Séminaire ne lui a pas don­
né grand argent, il lui a assuré un service religieux
de très bonne qualité.
M. l'abbé Elzéar Delamarre, considéré à bon
droit comme le fondateur, était un homme du Bon
Dieu. Il n'était pas du tout spectaculaire. Il avait par
contre, un grand sens pratique. Ajoutez un profond
esprit surnaturel et une piété à la fois chaude et soli­
de. C'était l'homme pour mettre la jeune Commu­
nauté sur les bonnes pistes. Il ne disait pas beaucoup
de paroles, mais il disait les bonnes: celles qui orien­
tent, qui dissipent les illusions, qui freinent les fan­
taisies. Avec lui, c'est très certain, les Antoniennes
partaient sur le bon pied et savaient où aller.
Parmi les conférenciers qui ont contribué à culti­
ver, à développer chez les Soeurs l'esprit religieux,
je pense qu'il faut donner la palme à M. l'abbé Simon
Bluteau (plus tard Mgr). La science ne lui manquait Abbé Simon Bluteau.
Mai-juin 1973 SAGUENAYENSIA 77

Le Séminaire donc n'a pas mesquiné sur le servi­


ce religieux à donner à la Communauté. D'autre
part, la réponse a été magnifique.
Toutes ces jeunes filles venaient de familles ex­
cellentes. Non seulement elles n'étaient pas gâtées,
mais déjà elles avaient de fortes habitudes de vie sé­
rieuse, laborieuse, ordonnée, où les moindres écarts
n'avaient pas de place, où la pensée de Dieu était tou­
jours présente. Un fol idéal pour donner du cent pour
un.

Voici donc chaque jour toute l'équipe à l'ambi­


tion pour accomplir la tâche à la perfection, pour ob­
server la Règle avec scrupule, pour assurer une belle
prière liturgique et communautaire. Les occasions
de vertus sont guettées et mises à profit jalousement.
Les ennuis, les épreuves sont recherchés plus avide­
ment que les consolations. Les inévitables fautes de
fragilité provoquent des élans nouveaux et vigoureux
vers des sommets plus élevés.
Les journées se succèdent ainsi, toutes pleines
à craquer d'intentions surnaturelles, de volonté gé­
néreuse de mieux servir, de mieux aider la cause des
vocations, !'oeuvre du Séminaire.
On sait qu'une âme très fervente fait plus à elle
seule pour glorifier Dieu et obtenir ses faveurs que des
milliers d'âmes ordinaires. Évidemment cela ne nous
permet pas de dire: dans le bien qui s'est fait au Sé­
minaire, telle part revient aux prêtres qui ont tra­
vaillé à !'oeuvre et telle part revient aux Soeurs An­
Soeur A ntonienne en premier costume. toniennes. Mais on peut certainement dire que Dieu

Maison-mère actuelle et École Apostolique.


78 SAGUENA YENS/A Mai-juin 1973

les a voulues là parce qu'il attendait d'elles une con­ recteur, il est un peu gene, mais avec la grande
tribution précieuse et nécessaire à l'efficacité de Soeur, ça parle tout seul. Et il pose ses petits problè­
l'oeuvre. Et Dieu n'a sûrement pas été déçu; car elles mes et il raconte ses petites peines. Et la grande
ont donné sans compter. soeur fait comme maman. Et le petit bonhomme
part tout ragaillardi et plein d'élan pour reprendre
On peut penser que ces réflexions ont voulu être la tâche.
aimables pour les Soeurs. Mais les bons sentiments
colorent facilement les choses. Si elles reposaient sur Des riens, avons-nous envie de dire! Des riens . . .
des faits, elles seraient plus convaincantes. qui sont des grâces du Bon Dieu. Des riens qui, en se
répétant, finissent par faire des miracles. Des riens
Il y a une constatation qui me frappe et que je qui sont justement les causes secondes dont Dieu se
trouve éloquente. Presque chaque Soeur a déclenché sert.
autour d'elle comme un mouvement de vocations.
C'est un frère plus jeune, c'est un neveu, c'est un Et la grande soeur prie de son mieux pour le petit
cousin, ou quelqu'un qui est dans le sillage de la pa­ frère, la tante pour son neveu, et la cousine pour son
renté. Parfois c'est toute une paroisse qui semble in­ cousin. Et à la fin, il y a un prêtre de plus. Combien
fluencée et qui donne des soeurs et des prêtres. Dans y en a-t-il eu de plus parce que les Antoniennes ont
certaines familles, il y a eu une sorte de concours de été là?
vocations entre les filles et les garçons.
Voilà des pages modestes, qu'il nous fait plaisir
Dans ce phénomène, il y a l'action de Dieu, bien d'écrire. Nous les avons commencées surtout avec la
sûr. Mais Dieu se sert des causes secondes. Dans les tête, nous les achevons surtout avec le coeur. Il le
cas, les causes secondes, ce sont les Soeurs. Je ne puis fallait puisque la reconnaissance est un sentiment.
voir les choses autrement. Il nous a fait plaisir de rendre ce témoignage aux An­
toniennes de Marie. Nous sommes seul à le signer,
Si le parloir du couvent pouvait parler, il nous mais nous croyons ferme que toute une génération de
rapporterait bien des petites scènes intéressantes. Le prêtres du Séminaire le signeraient.
petit frère vient voir sa grande soeur. Avec M. le Di- 0.-D. Simard, ptre.

Histoire du Saguenay

Superstitions des Montagnais


Pour faire suite à !'article concernant les croy­ "car ayant chanté ils trouvèrent à manger". - De­
ances des Montagnais, paru dans la livraison précé­ puis ce temps-là toute leur religion consiste quasi
dente, j'emprunte encore au Père Paul LeJeune, jé­ à chanter, se servant des mots les plus barbares qu'ils
suite, ce qu'il en dit dans la Relation de 1633-1634. (1) peuvent rencontrer. Après en avoir entendu une qui
avait duré plus de quatre heures, je demandai que
"Les Sauvages sont grands chanteurs; ils chan­ voulaient dire les quelques paroles prononcées (exac­
tent, comme la plupart des nations de la terre, par tement 16), pas un ne put m'en donner l'interpréta­
récréation et par dévotion, c'est-à-dire, en eux, par tion, car il est vrai que pas un d'eux ne comprend ce,
superstition. qu'il chante.
"Les airs qu'ils chantent par plaisir sont ordinai­ ''Ils joignent leur tambour à leur chant. Je de­
rement graves et pesants. Il me semble qu'ils ont mandai l'origine de ce tambour; le vieillard me dit
parfois quelque chose de gai, notamment les filles, que peut-être quelqu'un avait su en songe qu'il était
mais pour la plupart leurs chansons sont massives, bon de s'en servir et que de là l'usage s'en était en­
pour ainsi dire, sombres et malplaisantes; ils ne sa­ suivi. Je croirais plutôt qu'ils auraient tiré cette su­
vent (pas) assembler des accords pour composer une perstition des peuples voisins, car on me dit qu'ils i­
douce harmonie. Ils profèrent peu de paroles en mitent fort les (Sauvages) Canadiens qui habitent
chantant, variant les tons et non la lettre; j'ai sou­ vers Gaspé, peuple encore plus superstitieux que
vent otii mon Sauvage faire une longue chanson de celui-ci.
ces trois mots: Kaie, nir, khigatoutaouim (et tu fe­
ras aussi quelque chose pour moi)... "Ce tambour est composé d'un cercle large de
deux ou quatre doigts et de deux peaux raidement é­
"Pour leurs chants superstitieux, ils s'en ser­ tendues de part et d'autre. Ils mettent dedans des
vent en mille actions; le sorcier et le vieillard dont
j'ai parlé m'en donnèrent la raison. "Deux Sauva­
"ges, dirent-ils, étant fort désolés, se voyant à deux
"doigts de la mort faute de vivres, furent avertis de ( 1) Relations des Jésuites, édition Thwaites, tome 6, page
''chanter et qu'ils seraient secourus, ce qui arriva, 182.
Mai-juin 1973 SAGUENAYENSIA 79

petites pierres ou petits cailloux pour faire du bruit. vente tous les jours de nouvelles pour tenir son mon­
Le diamètre des plus grands tambours est de deux de en haleine et pour se rendre recommandable...
palmes (2) ou environ. Ils le nomment chichigouan . ..
Ils ne le battent pas comme font nos Européens, mais ''Ces pauvres ignorants chantent aussi dans
ils le tournent et remuent pour faire bruire les cail­ leurs peines, dans leurs difficultés, dans leurs pé­
loux qui sont dedans, ils en frappent la terre, tan­ rils et dangers; pendant le temps de notre famine
tôt du bord tantôt quasi du plat, pendant que le sor­ je n'entendais par les cabanes, notamment la nuit,
cier fait mille singeries avec cet instrument. Sou­ que chants, que cris, battements de tambours et au­
vent les assistants ont des bâtons en main, frappant tres bruits... "
tous ensemble sur des bois ou manches de hache
qu'ils ont devant eux ou sur leurs ouragans, c'est­ Le chroniqueur raconte ici longuement des scè­
à-dire sur leurs plats d'écorce renversés. nes de superstition soi-disant pour se défaire d'un
sorcier malfaisant qui demeurait au loin, vers la Gas­
''Avec ce tintamarre ils joignent leurs chants et pésie. Et il continue, toujours un sujet des Monta­
leurs cris, je dirais volontiers leurs hurlements, tant gnais.
ils s'efforcent parfois; je vous laisse à penser la belle
musique. Ce misérable sorcier avec lequel mon hôte "Leur religion ou plutôt superstition consiste
et le renégat m'ont fait hiverner (3) a failli me faire encore à prier; mais quelles oraisons font-ils? Le
perdre la tête avec ses tintamarres... matin les petits enfants sortant de la cabane s'é­
crient à pleine tête: Cacouakhi Pakhais A mscoua­
"Ils se servent de ces chants, de ce tambour et khi, Pakhais Mousouakhi, Pakhais (venez Porcs-é­
de ces bruits ou tintamarres dans leurs maladies... pics, venez Castors, venez Elans). Voilà toutes leurs
Je me lasserais d'écrire et vous ennuierais fort si je prières.
voulais vous faire lire la dixième partie de ce qui m'a
souvent lassé quasi jusqu'au dernier point. Parfois "Les Sauvages, s'ils éternuent et quelquefois mê­
cet homme entrait en furie, chantant, criant, hur­ me en autre temps, disent pendant l'hiver, criant
lant, faisant bruire son tambour de toutes ses for­ tout haut: Etouctaian miraouinam an Mirouscami­
ces; pendant cela les autres hurlaient comme lui et khi (je serais bien aise de voir le Printemps).
faisaient un tintamarre horrible avec leurs bâtons,
frappant sur ce qui était devant eux; ils faisaient "D'autres fois je les ai oui demander le Prin­
danser des jeunes enfants, puis des filles, puis des temps ou la délivrance du mauvais et autres choses
femmes; il baissait la tête, soufflait sur son tambour, semblables; tout cela se fait par désirs qu'ils expri­
puis vers le feu, il sifflait comme un serpent, il rame­ ment; criant tant qu'ils peuvent: Je serais bien aise
nait son tambour sous son menton, l'agitant et le que ce jour continuât, que le vent se changeât, etc.
tournoyant, il en frappait la terre de toutes ses for­ De dire à qui ces souhaits s'adressent, je ne saurais,
ces, puis le tournoyait sur son estomac; il se fermait car eux-mêmes ne le savent pas, du moins ceux à
la bouche avec une main renversée et de l'autre vous qui j'ai demandé de me le dire.
eussiez dit qu'il voulait mettre en pièces ce tambour
tant il en frappait rudement la terre; il s'agitait, il "J'ai remarqué qu'ils prient le Manitou de ne
se tournait de part et d'autre, faisait quelques tours point jeter les yeux sur leurs ennemis, afin qu'ils
à l'entour du feu, sortait hors de la cabane, toujours puissent les tuer. - Voilà toutes les prières que j'ai
hurlant et bruyant; il se mettait en mille postures; oui faire aux Sauvages, je ne crois pas qu'ils en aient
et tout cela pour me guérir. d'autres.
"Voilà comment ils traitent les malades. J'ai "J'oubliais de dire ici qu'ils ont une espèce de sa­
croyance qu'ils veulent conjurer la maladie ou épou­ crifice, car ils jettent au feu de la graisse qu'ils re­
vanter la femme du Manitou, qu'ils tiennent pour cueillent sur la chaudière où cuit la viande, disant:
le principe et la cause de tous les maux. Papeouekou, Papeouekou (Faites-nous trouver à
manger)...
''Ils chantent encore et font ces bruits en leurs
sueries; ils croiraient que cette médecine est la meil­ "Les Sauvages sont encore fort religieux envers
leure de toutes, celles qu'ils ont ne leur feraient rien leurs morts. Mon hôte et le vieillard dont j'ai sou­
s'ils ne chantaient pas en suant... S'ils font suerie vent fait mention m'ont confirmé que le corps mort
pour se guérir ou pour avoir bonne chasse ou pour du défunt ne sort point par la porte ordinaire de la
avoir beau temps, rien ne se ferait s'ils ne chan­ cabane, mais on lève l'écorce à l'endroit où l'homme
taient... est mort pour faire passer son cadavre. De plus, di­
sent-ils, l'âme sort par la cheminée ou ouverture
''Ils chantent et battent le tambour aussi en qu'ils font au haut de leurs taudis; ils frappent à
leurs festins... Je les ai vus faire de même en leurs coups de bâton sur leurs cabanes afin que cette âme
conseils... Pour moi, je me doute que le sorcier en in- ne tarde point et qu'elle ne s'accoste de quelque en­
fant, car elle le ferait mourir. Ils enterrent les ro­
bes, les chaudières et autres meubles avec le trépas­
sé, parce qu'ils l'aiment et aussi afin qu'il se serve de
(2) Mesure italienne, équivalant à la largeur de la main é­ l'âme de toutes ces choses en l'autre vie. Ils jettent
tendue. au feu la meilleure viande qu'ils aient, pour en don­
(3) Nous raconterons dans un prochain chapitre cet hiver­ ner à manger à l'âme du défunt, qui mange l'âme de
nement. cette viande. Ils n'étendent point les corps de leur
80 SAGUENAYENSIA Mai-juin 1973

long comme nous faisons en les ensevelissant; mais point. Il neigeait et faisait un temps fort fâcheux, il
ils les accroupissent comme une personne qui est as­ était quasi nuit, les femmes et les filles sortirent et
sise sur ses talons. Ils coupent un petit toupet de che­ s'en allèrent cabaner ailleurs le mieux qu'elles pu­
veux du défunt pour le présenter à son plus proche rent non sans pâtir beaucoup...
parent.
"En troisième lieu, il faut bien éloigner les
"Les façons d'agir que je viens de rapporter con­ chiens, de peur qu'ils ne lèchent le sang ou ne man­
cernent en quelque façon leur religion; les suivantes gent les os, voire les excréments de cette bête. On en­
se peuvent proprement appeler superstitions. terre ceux-ci sous le foyer et on jette ceux-là au feu...
Le lendemain, sur la nuit, l'ours étant entièrement
''Les Sauvages (Montagnais) ne jettent point aux mangé, les jeunes femmes et les filles revinrent.
chiens les os des castors et des porcs-épics femelles,
du moins certains os déterminés; ils prennent garde "Si l'oiseau qu'ils nomment Ouichcatchan, qui
très soigneusement que les chiens ne mangent aucun est quasi de la grosseur d'une pie et qui lui ressem­
os des oiseaux et des autres animaux qui se prennent ble, ... se présente pour entrer dans leur cabane, ils
au lacs (noeud coulant, collet), autrement ils n'en le chassent fort soigneusement, parce que, disent­
prendront plus qu'avec des difficultés incompara­ ils, ils auraient mal à la tête... Je les ai vus prendre
bles, tandis qu'il leur importe peu que les vertèbres le gésier de cet animal, le fendre et regarder dedans
ou le croupion de ces animaux soient donnés aux fort attentivement; mon hôte me dit: "Si je trouve
chiens; pour le reste il faut le jeter au feu. Toutefois "dedans un petit os d'ours je tuerai un ours, et ainsi
pour le castor pris à la rets le meilleur est de jeter "des autres animaux".
ses os dans un fleuve... '' Devant que le castor soit
"mort tout à fait, me dirent-ils, son âme vient faire Dans la famine que nous avons endurée nos Sau­
"un tour à la cabane de celui qui le tue et remarque vages ne voulurent point manger leurs chiens, parce
"fort bien ce que l'on fait de ses os; si on les donnait que si on tuait un chien pour le manger, disaient­
''aux chiens les autres castors en seraient avertis...'' ils, un homme serait tué à coups de hache.
"Ils croient que la grêle a de l'esprit et de la con­
naissance. Comme mon hôte faisait festin pendant "Mon hôte jetant quelques branches de pin dans
cet hiver, il dit à un jeune homme: "Va-t-en avertir le feu, prêtait l'oreille au bruit qu'elles faisaient en
"les Sauvages de l'autre cabane qu'ils viennent brûlant, prononçant quelques paroles; je lui deman­
"quand ils voudront, que tout est prêt, mais ne por­ dai pourquoi il faisant cette cérémonie: "Pour pren­
"te point de flambeau". Il était nuit et il grêlait fort "dre des porcs-épics", me répondit-il.
et ferme. J'entends les Sauvages sortant de leurs ca­
banes crier à leurs gens: "Ne vous éclairez point, car
"il grêle". Je leur demandai par après la raison de ''Ils ne mangent pas la moelle des vertèbres ou
cela; on me répondit que la grêle avait de l'esprit et de l'épine du dos de quelque animal que ce soit, car
qu'elle haîssait la lumière..., que si on portait des ils auraient mal au dos, et s'ils fourraient un bâton
flambeaux dehors elle cesserait, ce dont ils seraient dans ces vertèbres ils sentiraient une douleur com­
bien marris, car elle sert à prendre l'orignal. me si on le fichait dans les leurs.

"Mon hôte coupait par superstition le bout de la "Ils ne mangent point les petits embrions d'ori­
queue de tous les castors qu'il prenait et les enfilait gnal, qu'ils tirent du ventre de leurs mères, sinon à
ensemble; le vieillard me dit: "C'est une résolution la fin de la chasse de cet animal; la raison est que
"ou une promesse qu'il a faite afin de prendre beau­ leurs mères les aiment et qu'elles s'en rendraient fâ­
"coup de castors". cheuses et difficiles à prendre si on mangeait leur
fruit si jeune.
"Ils mettent au feu un certain os plat de porc­
épic; puis ils regardent à sa couleur pour savoir s'ils
feront bonne chasse de ces animaux. ''Le sorcier les assemble souvent en plein minuit,
à deux heures, à trois heures du matin, dans un froid
"Quand quelqu'un d'eux a pris un ours il y a bien qui gèle tout; jour et nuit il les tient en haleine, em­
des cérémonies avant qu'il soit mangé. Un de nos ployant non une ou deux heures, mais trois ou qua­
gens en prit un; voici ce qu'on observa. tre de suite à faire leurs dévotions ridicules; on fait
sortir les pauvres femmes de leurs cabanes, se levant
"Premièrement, l'ours étant tué, celui qui l'a mis en pleine nuit, emportant leurs petits enfants parmi
à mort ne l'apporte point, mais s'en revient à la ca­ les neiges chez leurs voisins; les hommes, harassés
bane en donner la nouvelle, afin que quelqu'un aille du travail du jour, ayant peu mangé et couru fort
voir la prise comme chose précieuse; car les Sauva­ longtemps, au moindre cri quittent leur sommeil et
ges préfèrent la chair d'ours à toute autre viande... s'en viennent promptement au lieu où se fait le sab­
bat; et, ce qui semblera au-delà de toute créance; je
Secondement, l'ours apporté, toutes les filles n'ai jamais vu former aucune plainte parmi eux, ni
nubiles et les jeunes femmes mariées qui n'ont point aux femmes ni aux hommes ni même aux enfants,
encore eu d'enfant, tant celles de la cabane où l'ours chacun se montrant prompt et allègre à la voix du
doit être mangé que celles des autres voisines, s'en sorcier ou du jongleur.''
vont dehors et ne rentrent point tant qu'il y reste
aucun morceau de cet animal, dont elles ne goûtent V.T.
Mai-juin 1973 SAGUENAY ENS/A 81

La classe d'a_ffaires ,lu Sémjinaire 1898 - 1942


Les fêtes du Centenaire du Séminaire diocésain Comptable des chèques: Jean-Baptiste Simard
sont pour les anciens une occasion de faire un re­ d'Hébertville.
tour vers le passé et de dresser un bilan des activités
dans le domaine de l'éducation. Pour la plupart des 2e semestre, 1911
anciens le point de vue des professions libérales et re­
ligieuses attire l'attention du public: médecins, avo­ Caissier: Paul Simard de Baie Saint-Paul.
cats, notaires, religieux, prêtres du Séminaire et du Premier comptable: Eudore Beaulieu de Chicou­
diocèse peuvent revendiquer une large part dans l'é­ timi
dification de notre Royaume du Saguenay, et c'est Teneur des livres: Joseph Drolet de Chicoutimi.
à bon droit. Il y a une catégorie d'anciens élèves qui Comptable des chèques: Arthur Morin de La Mal­
sont souvent négligés et qui cependant méritent de baie.
la considération: ce sont ceux qui sont venus faire
leurs études commerciales au Séminaire de Chicouti­
mi de 1898 à 1942. On les appelait les élèves de Cin­
quième, classe commerciale spécialisée qui, après la
Quatrième du cours primaire, permettait un déve­
loppement supérieur en vue de l'orientation commer­
ciale de ces jeunes. C'est dans ce but que les autorités
du collège, pour répondre aux besoins du temps, a­
vaient fondé cette classe d'affaires. Les écoles com­
merciales en ce temps-là étaient très rares et le Sé­
minaire se devait de rendre service à la population
saguenéenne.

Donc en 1898, lors de l'accès au sacerdoce de M.


l'abbé Jean Bergeron, de Chicoutimi, ce jeune prê­
tre fut chargé d'organiser une classe modelée sur la
classe d'affaires du Séminaire de Sherbrooke. L'abbé
se rendit dans ce collège, prépara le programme, a­
dopta les coutumes de cette institution, et la classe
fut ouverte le 1er septembre 1898. Le prospectus d'a­
lors en donne le programme, qui est semblable à celui
de Sherbrooke: étude en grand du français dans la
correspondance, pratique de l'anglais dans la classe
autant que possible, comptabilité anglaise avec la
préparation des bilans, mathématiques supérieures
et algèbre, sténographie et dactylographie bilingues,
etc. Bref rien de nouveau, par rapport à Sherbrooke.
La classe fut une réussite. On y venait de toutes les
paroisses du diocèse et le Séminaire répondait au dé­
sir de tous.

M. Bergeron y fut en fonction de 1898 à 1915. La


banque du Séminaire fut formée sous sa direction a­
vec les élèves aux diverses fonctions. Cette banque
émettait des billets de 1, 2 et 5 dollars pour la récom­
pense des travaux en classe; les élèves pouvaient les L'abbé Jean Bergeron vers 1898-1899. - Photo LeMay.
déposer à la Banque comme dans une caisse populai­
re et l'intérêt leur était payé. À la fin de l'année, il y
avait un encan des différents articles que l'on pou­ Comme dans toute institution, le Séminaire dé­
vait acheter. Cette banque fut en activité jusqu'en cernait des certificats d'études commerciales et des
1940 et les élèves de la classe informaient le bureau diplômes aux finissants de chaque année. Ces par­
de direction. Voici le bureau de direction de 1910 an­ chemins étaient très appréciés des autorités civiles,
née où j'entrai au Séminaire. des banques et des commerçants. Au début du siècle,
vers 1900, la Compagnie de Pulpe, qui fonctionnait
1er semestre, 1910 alors, se faisait un devoir de prendre dans ses bu­
reaux des élèves du Séminaire. M. J.-E.-A. Dubuc les
Caissier: Yves Gagné d'Alma. accueillait et achevait par la pratique leur forma­
Comtable: Armand Tremblay de St-Fulgence. tion en secrétariat et en comptabilité. La Banque Ca­
Teneur des livres: René Turcotte de St-Fulgence. nadienne, toujours, a accepté avec joie plusieurs de
82 SAGUENAY ENS/A Mai-juin 1973

La Classe d'Affaires vers 1898-1899. - On peut identifier, Lacombe; debout, à gauche: Gustave Warren et l'abbé Jean
assis, en arrière des 3 têtes baissées (de gauche à droite): Bergeron; au bureau, de face: Joseph Duguay et Joseph For­
1. Léon Pelletier, 2. Joseph Lapointe, 3. (?), 4. Eugène Trem­ tin, entre eux: Edgar Maltais; le grand de côté: Tancrède
blay "Romaine", 5. Hector Warren, 6. Éméric Boily, 7. (à Villeneuve.
demi caché) Alphonse Bonenfant, 8. (très penché) Armand

ces caissiers et de ces comptables qui sont devenus Eugène Tremblay de Bagotv.ille,
gérants. Les caisses populaires, les magasins, plus Adjutor Lamarre et Edmond-Louis Maltais de
tard l'Alcan se faisaient un devoir de prendre en hau­ Chicoutimi.
te considération les demandes de positions que nos
jeunes présentaient. Bref ce que le Séminaire avait Le successeur de M. Jean Bergeron à la direc­
désiré et espéré allait se réaliser de 1898 à 1942. Il se­ tion de la classe fut M. l'abbé Joseph Tremblay, futur
rait curieux de faire une enquête complète sur la pla­ procureur du Séminaire. En 1915 il se mit à l'oeuvre
ce qu'ont prise ces jeunes dans le commerce et l'in­ et pendant 4 ans il continua le travail ardu de son
dustrie, au Saguenay et ailleurs. Bilan qui nous ré­ prédécesseur. En 1918 M. l'abbé Joseph Lévesque,
jouirait grandement. futur curé-fondateur de Sainte-Thérèse d'Arvida, le
remplaça et tout allait comme dans le meilleur des
Voici à titre de souvenir les premiers certificats mondes. Nommé économe du Séminaire en 1918, à la
ou diplômes décernés en 1898-1899-1900. fin de l'année scolaire, il fut remplacé par moi-mê­
me, l'abbé Albert Tremblay. J'étais au grand Sémi­
1899: Louis-Joseph Lévesque de Bagotville, naire et je préparais des études théologiques sérieu­
Serge Villeneuve de Chicoutimi, ses avec mon confrère M. Omer Carrier lorsque M.
Joseph Duguay et Simon Laforêt de Chicou­ Morel, préfet des études, vint me voir et me décida
mi, d'orienter mon avenir dans la classe d'affaires. J'a­
vais fait la classe commerciale à l'Académie des Frè­
1900: Thomas (Tom) Topping des Escoumins, res Maristes à Chicoutimi et, me disait-il, ''Vous a­
Edgar Gauthier, Germain Asselin et Edgar vez tout ce qu'il faut pour prendre la relève de votre
Maltais de Chicoutimi, prédécesseur". Et me voilà en 1919 orienté vers le
Mai-juin 1973 SAGUENA YENS/A 83

commerce par ma nouvelle vocation de professeur de


classe d'affaires.
Je me plais à donner la liste de mes premiers é­
lèves, en 1918-1919.

Léon Aubin d'Héberville,


Joseph Bouchard de Chicoutimi,
Raymond Côté de Tadoussac,
F.-X. Fradette d'Alma,
Armand Gagné de Chicoutimi,
Alphée Girard de Saint-Cyriac,
Antoine Larouche de La Malbaie,
Robert Maltais de Tadoussac,
Charles-Antoine Potvin de Saint-Gédéon,
Léonard Simard des Bergeronnes,
Ernest Tremblay de Chicoutimi,
Eugène Tremblay de Saint-Jérôme,
Roland Tremblay de Chicoutimi,
Patrice Tremblay de Chambord.

J'ai gardé un excellent souvenir des centaines


d'étudiants qui, pendant les 20 ans que j'ai oeuvré
dans cette charge, ont pris au sérieux leur profes­
sion future. J'ai varié_plusieurs fois les cours qui for­
maient leur programme et je crois qu'avec mes pro­
fesseurs secondaires nous avons fait de l'excellente
besogne de formation. Mgr Albert Tremblay "Evague". - Photo LeMay.

La Classe d'Affaires, année 1925-1926. - (de 9auche à droi­ Fortin; 3e rangée: 1. Philippe Rochette, 2. Robert Hoving­
te) en avant: 1. (?), 2. Elzéar Dallaire, 3. Roland Angers, ton, 3. Thomas-Louis Fortin, 4. Rodrigue Plamondon, 5.
4. Edmond-Louis Vaillancourt, 5. Patrice Gauthier, 6. Eu­ Pierre-Eugène Riverin, 6. Stanislas Kérouac, 7. Jean-Jac­
clide Lagacé, 7. Willie Coudé, 8 Paul-Émile Simard, 9. René ques Girard; en arrière: 1. abbé Eugène Fortin, 2. Maurice
Côté; 2e rangée: 1. Thomas-Eugène Grenon, 2. (?), 3. Jo­ Gauthier, 3. (?), 4. abbé Eugène Tremblay, 5. Georges-Émi­
seph-Edmond Gagnon, 4. Raphaël Guay, 5. (?), 6. Gabriel le Vézina, 6. abbé Philibert Morel, 7. Robert Harvey, 8. abbé
Cloutier, 7. Charles-Alphonse Bouchard, 8. Thomas-Louis Albert Tremblay.
84 SAGUENAYENSIA Mai-juin 1973

Je crois pouvoir affirmer que la formation que me par les sciences, les mathématiques et autres ma­
l'on donnait aux élèves était sérieuse et solide. Le tières commerciales; il y avait la formation culturel­
professeur principal, responsable de la classe, était le, sociale, religieuse. Nos futurs hommes d'affaires
généralement bien appuyé par les professeurs des ont eu l'avantage de la recevoir, solide et complète,
matières secondaires. Il y avait de l'entente entre les où les notions d'honnêteté, de dignité personnelle,
différents cours que l'on y donnait et le résultat était les convictions et l'entraînement étaient largement
merveilleux. C'est ainsi qu'à l'enseignement du droit mises à contribution. Je crois que le Séminaire en ce
commercial, qui comprenait l'étude des contrats, des domaine n'a pas failli.
achats et ventes appuyée sur les références du Code
Civil, était précieux pour les futurs commerçants. S'y Après 20 ans de classe, j'ai laissé la succession à
ajoutaient des chapitres développés sur les effets de M. l'abbé Paul-Émile Côté, qui sut maintenir. Mais
commerce, les lettres de change, les faillites, et de en 1940, vu l'augmentation trop grande des élèves du
temps en temps un avocat de la ville venait donner de Séminaire et vu l'existence de nombreuses écoles de
plus amples détails ou des informations pratiques qui commerce ouvertes un peu partout dans la région, le
éclairaient les problèmes proposés. Je prenais de Séminaire décida de fermer cette classe et de se con­
Montréal des cours par correspondance aux Hautes sacrer uniquement au classique. Les deux années du
Études commerciales lorsque cette école de haut-sa­ dernier groupe écoulées ce fut la fin de la classe d'af­
voir fut créée. Nous avions aussi recours à l'étude faires, qui avait duré 42 ans et préparé au-delà de 700
détaillée des rapports financiers de municipalités hommes d'affaires, qu'il serait souhaitable de suivre
scolaires et civiles, qui prenaient beaucoup d'am­ dans la carrière pour constater le rôle important
pleur dès 1925. Je puis affirmer que notre classe d'af­ qu'ils ont joué dans la société. Cette réalisation est
faires était à la page. Et la langue anglaise recevait u­ au crédit du Petit Séminaire de Chicoutimi. Nous lui
ne attention particulière. en rendons hommage.
Mais on ne forme pas seulement un jeune hom- Albert Tremblay, p.d.

Au Séminaire

Le Père- Thomas
À mesure que nous grimpions les échelons du Le climat était favorable au foisonnement de ces
cours classique, nous entendions de plus en plus par­ récits inédits, inoliis, incroyables. Pensionnaires,
ler du Père-Thomas. Ce n'était pas un nom ordinaire nous vivions en vase clos. Et tout ce qui pouvait inté­
et qui devait se prononcer d'une façon banale. Il fal­ resser étudiants et professeurs, classes et salles de
lait pour rendre les nuances du nom, comme dans la récréation, science, religion, discipline étaient le
langue arabe, accentuer la première syllabe, adoucir thème favori et unique des conversations. Aussi, tous
et laisser tomber la dernière comme ces finales gré­ nos confrères, avec le temps, se mirent à souhaiter
goriennes qui autrefois dans les cathédrales mou­ le jour heureux où nous toucherions les rives enchan­
raient en un doux murmure. teresses du cours fameux, donné par le plus presti­
gieux et le plus mirifique des professeurs. Lui seul,
Son vrai nom était: Monsieur l'abbé Thomas disait la renommée, était capable d'animer, de ren­
Tremblay. Ce n'était ni un pensionnaire ordinaire dre vivante et intéressante une matière aussi aride,
ni un anonyme professeur. C'était un être unique aussi froide, aussi glaciale que l'algèbre, les théorè­
comme les petits séminaires d'alors savaient en pro­ mes, la géométrie et ses calculs.
duire à peu près tous les siècles. Son originalité était
déroutante, déconcertante, doublée d'un sens péda­ Tous les étudiants, en cette période des études
gogique avant-gardiste. Il était, dans la deuxième et ardues, avaient une hâte fébrile de faire le grand
troisième décennie du XXe siècle, professeur de ma­ saut des classes de lettres à celles de philosophie et
thématiques en philosophie. On dirait aujourd'- des sciences. Pour les autorités du séminaire nous de­
hui "philo l". Son nom, chanté par les nombreuses venions adultes lorsque nous devenions philosophes.
générations d'étudiants, avait pris une ampleur, une Qui ne souhaite devenir majeur, homme, de comp­
résonnance telles, qu'il estompait et ombrageait ce­ ter dans la société, même étudiante? Enfin arriva
lui des plus prestigieux sous-préfets, préfets, direc­ pour nous, l'année scolaire 1923-24. Une idée trans­
teurs et supérieurs du séminaire depuis sa création cendait toutes les autres: nous devenions élèves du
jusqu'à nous. Pour tous ceux qui aspiraient aux cours PÈRE-THOMAS.
de philosophie et de mathématiques et en particulier
pour nous de la promotion 1925 il avait pris dans le Je me souviens, nous étions ce jour-là, tous assi�,
temps figure de légende. De bouche en bouche, d'o­ face au phénomène, à la créature légendaire, atten­
reilles à oreilles les anecdotes les plus savoureuses, dant les premiers mots de sa bouche, les syllabes qui
les historiettes les plus farfelues, circulaient sur le devaient sortir de cette dentition aurifiée sur blanc­
compte du fabuleux professeur, enjolivées, embellies, ivoire. La tête était couronnée d'une barrette noire,
enrubannées comme les contes des mille et une nuits. surplombant un corps long, dynamique et souple
Mai-juin 1973 SAGUENA YENS/A 85

effarantes. Il connaissait sur le bout de ses doigts les


mathématiques, l'algèbre, la géométrie, la trigono­
métrie, dont il savait mettre en relief la beauté, les
grandeurs, la philosophie cachées sous des symboles
anodins pour les uns, cabalistiques pour les autres.
Assuré de l'oreille de tous, il éleva la voix, enfla son
débit: ''Les mathématiques, dit-il, les yeux dans le
vague, ce n'est ni la soeur cadette ni une parente
pauvre de la philosophie. Elle la coudoie, lui emprun­
te ses ailes et, comme elle, vogue dans les infinités
qui égarent les esprits par leurs profondeurs. Quelle
est la cervelle assez puissante pour aller au tréfond
du zéro négatif et du zéro positif, pour de là s'envoler
jusqu'à l'infini des nombres, des additions, du chif­
fre, qui toujours peuvent être dépassés par un plus
grand? Quelle est la boîte crânienne assez spacieu-
se, assez vaste pour s'accaparer -toutes les mathéma­
tiques dans leurs complexités, leurs multiplicités et
l'effarante infinité de leurs théorèmes, de leurs pro­
blèmes, de leurs combinaisons? La vitesse des nébu­
leuses, l'expansibilité de la matière, la gravitation
des astres, les espaces sidéraux, la longueur du
temps, son commencement et sa fin, sont mystères
que les mathématiques joignent, approchent, cou­
doient, mesurent ou pourraient mesurer n'étant la
fragilité de l'esprit humain. Je pourrais vous initier
Abbé Thomas Tremblay. aux calculs différentiels, aux nébulosités des incon­
nues de l'algèbre qui apportent des solutions magi­
comme un roseau. La canonique barrette était là uni­ ques, à l'incalculable potentiel de la géométrie capa­
quement pour masquer une malencontreuse et en­ ble de cadastrer le monde avec ses fleuves, ses riviè­
nuyeuse calvitie. Les ans semblaient n'avoir eu au­ res, ses montagnes et ses forêts, mais à quoi bon? Je
cune prise sur cet être extraordinaire, débordant voulais simplement vous faire deviner, pressentir
d'esprit, pétillant d'une malice tempérée par une na­ l'importance de cette science que certains rêveurs
tive débonnaireté. Cérémonieusement, pompeuse­ aux étoiles assimilent aux vulgaires matérialités,
ment il traversa la classe, gravit les échelons de la parce qu'ils n'y comprennent rien." Nous applau­
tribune comme un préteur romain et alla finalement dîmes à outrance cet exposé surprenant par sa hau­
s'asseoir à son pupitre, où il nous regarda avec la di­ teur et sa profondeur. Il encaissa ces applaudisse­
gnité d'un supérieur et le mutisme d'un sphinx des ments sciemment prolongés avec un sourire aérien,
solitudes sans limite. mystérieux comme l'illumination d'une âme quj se
sent comprise: "Vous êtes à la hauteur, dit-il tran­
quillement; vous allez posséder cette science qui n'a
Oh! il n'était pas pressé. Conscient de son impor­ de limite que celles de l'esprit humain."
tance, en bon comédien, il savourait son succès. Il
continuait à nous regarder comme un oracle avare C'est ainsi que se déroula le premier jour de la
de ses présages. Enfin, il prit un gros livre de trigo­ première classe des mathématiques de l'an du Sei­
nométrie à couverture verte et nous le montra en un gneur 1923.
geste sibyllin. Nous ne comprîmes rien, mais il conti­
nuait à se taire et à nous regarder avec un énigma­ X X X
tique sourire sur un visage de poupon grassouillet et
rose. Il nous éprouvait. Pour l'embarrasser nous a­ Au physique, à l'intellectuel, au moral, notre
doptâmes la plus stupide des attitudes: celle de l'iner­ classe était extrêmement bigarrée. Elle avait ses
tie des corps. Nous étions muets, silencieux, immo­ chefs, ses lieutenants, ses scribes et ses suiveux. Elle
biles d'une immobilité minéralogique. Nous avons comptait également un tout petit contingent d'indé­
toujours été une classe unie par une fraternité vivan­ cis qui penchaient tantôt vers un rigorisme discipli­
te et vivifiante. Ce que notre rusé professeur ignorait, naire rigide, tantôt vers les accommodements de la
c'est que nous nous étions concertés et avions adopté solidarité fraternelle. Ils devenaient alors suiveux
des attitudes collectives théoriques, capables d'af­ par ordre et devoir de solidarité. Lionel, le grand (six
fronter les plus contradictoires situations. Les chefs pieds quatre pouces), l'avait dit: - "Notre groupe se
à imiter étaient le grand Lionel et son adjudant, distingue par l'unité dans la diversité. Honni soit qui
Charles-Patrice Tremblay. mal y pense". Nous avions tous applaudi cet exposé
de principes qui faisaient de nous une unité sans ré­
Perspicace, expérimenté, ayant connu d'innom­ serve ni distinction. Après avoir mesuré Lionel, nous
brables générations d'élèves, il avait sans doute réa­ avions remarqué que sa hauteur, sa longueur étaient
lisé qu'il devait jouer serré pour s'emparer du con­ quelque peu ombragées par Joseph de Maillard qui
trôle de cette classe rébarbative et d'une manoeuvre avait six pieds et un pouce. Lors des décisions capi­
quelque peu difficile. Il décida donc d'impressionner tales, tous les regards se tournaient vers le doyen,
ces nouveaux venus, ces étudiants aux prétentions Harmel, un Mathias clérical, thaumaturge véritable,
86 SAGUENA YENS/A Mai-juin 1973

droit comme une perche, rigide comme le devoir, i­ - "Monsieur Bouchard, expliquez-nous le théorè­
naccessible aux influences indues mais secrètement me. - Quel théorème? dit Toussaint. - Ah! Ah! dit
dévoué aux intérêts de la classe. Aux yeux de tous, triomphalement notre maître, vous n'avez rien com­
c'était l'incorruptible qui jamais ne prêtait sa clé de pris. Mais qu'est-ce que vous faisiez de si intéres­
doyen. Plus tard, lors d'un examen théologique, au sant?"
grand séminaire, l'ineffable Mgr Joseph Dufour, de Nous étions tous suffoqués par l'anxiété; si le Pè­
vénérée mémoire, lui avait demandé subitement, re-Thomas allait venir voir? . . . Toussaint surveillait
d'une tonitruante voix: Où EST DIEU? Harmel, é­ du coin de l'oeil cage et souris qui, comble d'impru­
nervé, était resté figé comme huître en sa coquille. dence, criait, criait, mais de tout petits cris étouffés.
Mgr Dufour avait renchéri avec fougue: "Tu ne ré­ Loin de soupçonner la vérité, notre vénérable Mon­
ponds pas; très bien, mais dis-moi si Dieu est dans le sieur, se laissa entraîner vers les lieux communs des·
tapis que tu foules aux pieds." Scandalisé par l'ir­ indisciplines écolières et des étourderies de jeunesse.
révérence de la question, le ton cavalier de l'exami­ "Savez-vous, dit-il à l'ami Toussaint, ce que vous
nateur, sa mine grognarde et son rire boulevardier, faites actuellement? - Non, dit ce dernier avec une
Harmel resta muet. L'examen s'est terminé par cette impression de surprise profonde. - Eh bien! vous fu­
note: Matière à reprendre. mez, vous fumez. - Je ne fume pas, répliqua hardi­
ment ce dernier, je chique" (ce qui était vrai). L'ori­
Dans notre classe il y avait Toussaint, l'inven­ ginalité du professeur apparut alors dans toute sa
teur, l'orfèvre, le mystificateur à l'ingéniosité inef­ splendeur: "Non, dit-il. Monsieur Bouchard on ne
fable, capable de berner Lucifer et tous ses petits. dit pas chiquer, mais mâcher du tabac. Et allez vous
Toussaint, de Charlevoix, avait des anachorètes des asseoir avec votre chique.''
solitudes de la Thébaïde hérité de leur amour ctes
bêtes. Son passe-temps favori était la capture des Émery Dubé, qui faisait partie de la tribu des
souris, surtout des petites rongeuses soyeuses, gras­ pygmées, fut ensuite appelé au tableau pour nous
ses, souples, mignonnes et dont les cris étaient prati­ expliquer les beautés du "PONT-AUX-ÂNES". Com­
quement inauditifs. Il nourrissait ses captures de me il bafouillait, n'ayant pas écouté les explications,
pain et de fromage puisé au réfectoire communautai­ qu'il barbouillait des hiéroglyphes trop bas pour être
re, aux heures des repas. Il les encageait dans des ca­ visibles, notre vénérable professeur se ravisa: "Lais­
ges de carton et de bois d'allumettes "home made". sez, dit-il, le pont-aux-ânes et dites-nous ce que c'est
C'était de l'artisanat champêtre. Transportant en­ le micron." Émery à cause de sa petite taille se mé­
suite son zoo ambulant, il les faisait voir à qui en é­ prit: il confondit micron avec microbe; il se crut in­
tait digne. Un jour, distrait, il emmena son zoo por­ sulté par un docte professeur devant toute la classe.
tatif au cours du révérend Père-Thomas. Il était as­ Lui, le neveu du supérieur, en fut tellement humilié,
sis en plein centre des pupitres et donnait toute son qu'il s'emporta pour la première fois et quitta le ta­
attention à sa protégée, une belle petite souris grise, bleau pour venir s'asseoir. Le Père-Thomas resta
aux poils doux et parfumés, aux petits cris lar­ songeur; il ne comprenait pas l'emportement d'un si
moyants. Ce matin-là, le docte professeur s'était bon élève, si haut quoté dans la hiérarchie ecclésias­
inconsidéremment lancé dans une dissertation ani­ tique.
mée, expliquant à une classe indocile, distraite, pré­
occupée de souris, les secrètes beautés du "PONT­ Pour faire diversion, il convoqua le grand Lionel.
AUX-ÂNES". La classe était troublée par les acroba­ Ce dernier vint en avant avec un large sourire et un
ties fantaisistes et fantastiques de l'ingrate petite air détendu comme s'il allait chercher une récom­
rongeuse, qui, voulant fuir son bienfaiteur, avait pense. "Vous qui êtes grand, écrivez pour que tous
réussi à ronger toute une partie de la muraille de voient," dit notre révérend Thomas. Lionel s'exécu­
carton. Elle avait passé la tête mais était restée prise ta durant que le maître s'occupait des agissements
par le milieu du corps à une aspérité de son ambulan­ incompréhensibles de Toussaint. Durant ce temps,
te prison. Elle criait son désespoir au milieu de l'hila­ Lionel, qui avait de l'esprit, se mit à écrire sur le ca,.
rité générale et notre ami Toussaint s'évertuait à cal­ dre supérieur du tableau des lettres cyriaques, ara­
mer les énervements de la petite bête. Le révérend bes ou latines mais qui étaient toutes illisibles. S'é­
Père-Thomas, tout à son théorème et aux écritures tant retourné vers le tableau et ayant vu la farce, le
qu'il barbouillait à la craie, n'avait rien vu, rien en­ Père-Thomas dit: "Espèce de grand innocent, allez
tendu. Soudain il se tourna, soupçonnant quelque faire rire vos confrères à votre place." Il rappela
chose d'insolite. Avec l'assurance et l'aplomb que Toussaint au noir tableau; celui-ci s'exécuta avec son
donne l'autorité et la science il dit: "Monsieur Tous­ air insoucient, son sourire niais. "Parlez-nous du
saint Bouchard, grand drôle, qui amusez si bien la "PONT-AUX-ÂNES", dit-il. Toussaint, complète­
classe, venez au tableau afficher votre science géo­ ment étranger à la classe, se ravisant, dit: "Monsieur
métrique." Déposant cage et souris sur sa chaise, l'abbé Thomas, pourquoi appelez-vous ce théorème
abritée par son pupitre, il s'exécuta, inquiet: si la le pont-aux-ânes? - C'est parce qu'il est si beau, si
petite indisciplinée allait s'enfuir?... si elle allait se facile, qu'il n'y a que les ânes qui ne peuvent le com­
mettre à trottiner sur le plancher? si, comble de mal­ prendre. Il sert à distinguer les élèves-ânes des au­
heur, elle allait faire la belle devant le professeur?... tres." Puis, voyant que le confrère Toussaint riait
Il était si distrait par sa protégée qu'il n'avait abso­ toujours, il ajouta: "Mon pauvre monsieur Bouchard,
lument rien saisi des paroles prononcées. Debout au vous riez, vous riez,, mais vous n'avez pas l'air de vous
tableau sous les regards perçants du révérend Père­ douter que c'est de vous et de vos âneries que tout le
Thomas, devant l'hilarité de tous, il se mit à rire et monde rit." Il l'envoya incontinent à sa place. Ce
sourire d'une façon niaise et bouffonne. Ce que n'est que bien des années plus tard, alors qu'il était
voyant, le professeur se mit à rire aussi, puis il dit: principal à l'école normale de Roberval, que nous lui
Mai-juin 1973 SAGUENA YENS/A 87

racontâmes la farce et la mystification dont il avait Nous décidâmes ce soir-là d'être sages le lende­
été la victime. Il n'en pouvait croire ses oreilles. A la main comme des petits pains de Saint-Antoine ou de
suite des ans, Lionel devint grand vicaire de l'église bons enfants de choeur. Effectivement la classe sui­
Notre-Dame de Roberval, sous le canonicat de M. vante débuta dans un grand silence, un calme iné­
J.-Arthur Bourgoing. Lors d'une veillée au presby­ dit, une quiétude anormale. Le Père-Thomas tenta
tère, nous rappelâmes au Père-Thomas les qualifi­ à plusieurs reprises de soulever la chape de plomb
catifs péjoratifs dont il avait enguirlandé monsieur de notre inertie; en vain. Nous étions muets com­
l'abbé Lionel Simard. Il protesta de toutes ses forces, me carpes, immobiles comme menhirs sous la lune. A
jurant ses grands dieux que jamais au grand jamais la fin, n'y tenant plus il s'écria: "Mais qu'est-ce que
il n'avait pu commettre une telle aberration, dire de vous avez? Hier vous étiez pleins de vie, agités, babil­
telles abominations, dénuées de tout fondement. Vu lards, émoustillés et joyeux comme gais lurons. Au­
que nous n'avions pas de "hansard" dans le temps, jourd'hui vous êtes morts, amorphes, vous ressem­
nous avons dü laisser tomber l'accusation. blez à des momies de sarcophages; parlez, riez, criez,
X X X changez, mais faites quelque chose. Je ne puis faire
Un jour, devant l'hilarité générale, il ajusta sa la classe à des cadavres, à des fossiles de l'époque
barrette, prit ses livres et dignement descendit les ternaire." Nous n'en pouvions plus. Ce fut un rire
degrés de la tribune. Rendu sur le plancher, il dit: général et la classe reprit joyeuse, gaie comme à l'ac­
"Je m'en vais... je vais de ce pas donner ma démis­ coutumée. Augustin, qui voulait faire le fin, dit: -
sion au directeur et au supérieur... Vous vous trouve­ "Monsieur Thomas, voulez-vous nous expliquer ce
rez un autre professeur." Nous le savions avant-gar­ que c'est que la trigonométrie? - Pourquoi m'appel­
diste, non contestataire. Nous étions stupéfiés par la lez-vous tous Monsieur Thomas, et ce qui est pire,
nouveauté du problème. Durant que nous pesions les le Père-Thomas?" Nous répondîmes en choeur:
avantages et désavantages de la perte du Père-Tho­ "C'est parce qu'il y a trop de Tremblay prêtres et
mas, il se promenait dans le grand corridor à marche professeurs au séminaire. "Monsieur Tremblay" est
forcée comme un troupier en campagne ou un pom­ devenu nom trop généralisé, quasi anonyme, tandis
pier qui va au feu. A la fin, n'y tenant plus, il nous que "Monsieur Thomas", tout le monde sait que c'est
revint digne et droit comme une colonne de portique, vous. Le Père-Thomas est un enchérissement dans
prit son siège et dit lentement, posément: "Je vou­ la fraternité, le mot Père comportant un sens de spi­
lais voir votre réaction. J'ai vu, je suis revenu. Vous ritualité, de paternité surnaturelle que le S\lbstan­
savez quel intérêt je vous porte à tous. J'ai depuis tif abbé ne peut avoir." Il consentit donc à se laisser
longtemps passé mes baccalauréats. Je pourrais appeler Père-Thomas pour sortir de l'anonymat des
m'asseoir sur mon fauteuil, drapé dans mon indiffé­ Tremblay, de la foule, de la multitude des abbés
rence et contempler votre ignorance d'un oeil atone Tremblay, et rester l'unique, le seul Père-Thomas
et morne. Mais je vous aime et veux votre bien. C'est du séminaire de Chicoutimi.
pourquoi je suis revenu." W.-Hidola Girard, Avocat.

Gagnon, Bergeron,
La Roche & Tremblay
COMPTABLES AGREES

72, JACQUES-CARTIER O. CHICOUTIMI

lessard
EN BAS DE LA CÔTE Angle Morin et Racine
Chicoutimi
88 SAGUENA YENS/A Mai-juin 1973

Le Lieutenant-colonel B.A. Scott


Ses études terminées, Benjamin-Alexander
s'embaucha pour Price Brothers, mais il n'y resta que
quelques années. Il passa ensuite au service de Bee­
mer, un des grands industriels de la région sague­
néenne.
A son arrivée à Chicoutimi, M. Scott demeura
dans la maison de M. Duberger, arpenteur. Il était
employé des Price comme commis d'office. Dans ce
temps-là le bureau des Price était situé sur la côte
de la rue Price et en face de la résidence de M. Kane.
Vers 1888 il passe à Roberval où se déroulera la plus
grande partie de sa vie.
Alexander était un gentleman parfait, habile et
poli, complaisant et tolérant, qui sut s'attacher tout
le monde en quelque milieu que ce fût.
C'était un homme aux multiples qualités de l'es­
prit et du coeur; mêlé à tour de rôle à toutes les sauces
de la vie de Roberval, il travailla durement pour son
avancement et son constant progrès.
Industriel de talent, il eut tôt fait de comprendre
les immenses possibilités du Lac Saint-Jean en ce do­
maine; aussi, très tôt il acquit de vastes concessions
B. -A. Scott. forestières, l'industrie du bois à l'époque étant la plus
intéressante, et dès l'hiver de 1888, il dirigeait d'im­
Benjamin-Alexander Scott est né à Québec le 30 portants chantiers sur la rivière Péribonka. (Péri­
septembre 1859. Il fut baptisé à la Saint-Andrew bonka est un nom indien montagnais qui veut dire:
Church le 24 novembre suivant. Il était le fils de Ja­ "qui fait son chemin dans le sable"). Plus de 300
mes-George Scott et de Mary-Ann Green. Ses pa­ hommes travaillaient à ses chantiers.
rents s'étaient maries à Québec (Saint John Chal­
med) le 17 juin 1856. En 1890, il passe un contrat avec Beemer, pro­
priétaire d'un vaste moulin à scie, et s'engage à sortir
Alexander Scott fit ses études à Québec au High 120,000 billots sur la Mistassini ( "Grosse roche") et la
School avant de passer sur le marché du travail. Péribonka. En 1895, il sortira encore 100,000 billots et
60,000 dormants de ses chantiers.
Le 1er juin 1886 il épousait à Québec (La Basili­
que) Joséphine Shehyn fille de Joseph Shehyn et de C'est à cette même période qu'il se lança dans la
Zoé-Virginie Verret (mariés à Québec le 16-8-1858). construction maritime et que, en association avec
Beemer, il fit construire le Péribonka, qui servira au
Son beau-père fut député de Québec du 7 juillet transport du bois et à celui des voyageurs arrivant
1875 au 5 février 1900. Sous Mercier, il fut trésorier de par le train de Québec. Le Péribonka avait 90 pieds de
la Province de 1887 à 1891 et membre du Conseil Exé­ long et était actionné par deux roues latérales qui lui
_cutif sans porte-feuille de 1897 à 1900, pendant le rè­ permettaient une vitesse de 12 milles à l'heure. Il é­
gne de Marchand. Il fut également sénateur du 5 fé­ tait organisé pour accommoder 300 passagers en ou­
vrier 1900 à sa mort, survenue le 14 juillet 1918. tre de faire le touage du bois et à peu près toutes sor­
tes de transport.
Il était aussi le beau-frère de Napoléon-Antoine
Belcourt, éminent juriste et député de la Chambre Déjà, pour desservir la population du Bas Sague­
des Communes de 1896 à 1907, alors qu'il fut nommé nay ou de Chicoutimi, il avait organisé un service
sénateur. d'omnibus entre Chicoutimi et Chambord, qui ser­
vait au transport des voyageurs passant par le che­
De son mariage avec Joséphine Shehyn, Scott min de fer Québec-Lac-Saint-Jean et qui voulaient
eut 5 enfants,tous des garçons. se rendre dans la vieille capitale par ce nouveau servi­
ce.
D'extraction écossaise et protestante, B.-A.
Scott avait cependant épousé une jeune canadien­
ne catholique et toute sa vie se passa en milieu cana­ Avec Beemer, il avait le monopole du bois dans
dien-français. tout l'hémicycle nord du lac.
Mai-juin 1973 SAGUENAY ENS/A 89

Partie de la scierie de Scott à Roberval.

En 1888 Ross, Beemer et Cie commencèrent la Le brave curé, soucieux du bien de ses ouailles et
construction d'une scierie qui, située à la Pointe fortement ébranlé par la foi vive de son interlocu­
Scott, s'organisa si bien que bientôt un véritable vil­ teur, confiant aussi en la divine Providence, dispen­
lage s'éleva tout autour pour l'hébergement des gens satrice de tout bien, passa entre le feu et ce qui restait
qui y travaillaient. Cette scierie donna un essor consi­ intact de l'établissement, et à la grande surprise gé­
dérable aux exploitations forestières, si bien que dès nérale le feu respecta la limite tracée par le prêtre et
1889 plus de 11,000,000 de pieds de bois en planches l'établissement fut ainsi sauvé du désastre. Enfin,
et madriers s'en allaient vers l'Angleterre. En 1890, grâce aux secours arrivés en toute hâte de Chicouti­
on y trouvait 150 employés. En 1891, un agrandisse­ mi et de Québec, on circonscrit l'incendie et sauva
ment à la scierie permit d'y ajouter une manufacture l'essentiel de l'établissement. Les pertes subies é­
de portes et châssis. taient énormes, mais Scott, en homme courageux et
tenace, se remit à la besogne et bientôt tout fut re­
En 1892, en société avec Beemer, il construisit un construit et les opérations continuèrent pour le plus
nouveau bateau marchand, le Colon, et il devint alors grand bien de tous.
le véritable batelier du lac Saint-Jean, gardant pen­
dant plus de 20 ans la tête de la navigation sur le lac Si le curé Lizotte vivait encore, il pourrait en dire
et le contrôle de l'industrie forestière. beaucoup sur la générosité de Scott particulièrement
envers le clergé. Le délégué apostolique, l'évêque et
Bien que protestant, B.-A. Scott avait un grand tous les prêtres voyageaient gratuitement sur les
respect envers le clergé catholique ainsi qu'une gran­ bateaux de M. Scott "gracieusement mis à la dispo­
de confiance en eux. À preuve, un petit fait arrivé le sition de leurs Excellences.''
28 juillet 1898 lorsqu'un violent incendie menaça de
destruction complète les établissements de la Pointe
Scott. L'organisation Beemer-Scott contrôla aussi
l'industrie touristique du Lac Saint-Jean pendant
Parti à la pêche au moment du sinistre, on en­ cette période, car ces deux hommes eurent vite com­
voya le bateau Mistassini chercher M. Scott à la Peti­ pris toute l'importance d'une parfaite organisation
te Décharge. Le bateau fit le trajet aller et retour en ce sens et tout le profit qu'on pouvait en tirer avec
en trois heures, ce qui fut dans le temps considéré une bonne et solide organisation. C'est pourquoi en
comme un record. À son arrivée sur le lieu du sinis­ 1887 ils décidèrent de construire à Roberval un vaste
tre, M. Scott en mesura vite l'étendue et sans perdre hôtel de 100 chambres où nombre de touristes de
de temps il se dirigea vers le curé Lizotte, qui était marque ne manquèrent pas de venir, d'abord pour y
aussi sur les lieux, et le supplia d'intervenir pour é­ découvrir une merveilleuse région riche en perspec­
viter le pire et sauver ce qui restait alors de l'établis­ tives de toutes sortes et surtout de pouvoir y prati­
semet. quer la pêche à la fameuse ouananiche, cet élégant
90 SAGUENA YENS/A Mai-juin 1973

poisson particulier au lac Saint-Jean et dont la cap­ Scott vivait à Québec tout autant qu'il demeu­
ture procurait tant d'émotions aux sportifs qui s'y rait à Roberval; il eut une vie intense et bien rem­
adonnaient. plie. C'est assez difficile de penser qu'un homme de
cette trempe ne fut pas mêlé à la vie politique des
En plus de la pêche, il y avait les excursions, et siens. Aussi en 1893 on le trouve maire de la Paroisse
c'était un événement mémorable que celui de des­ de Roberval, poste qu'il occupe jusqu'en 1906, alors
cendre par la Grande Décharge depuis le lac Saint­ qu'il se fait élire maire de la Ville de Roberval.
Jean jusqu'à Chicoutimi en sautant rapides et por­
tages avec des guides sürs et dévoués qui connais­ Le 8 mars 1899 il est nommé Préfet du Comté; il
saient le pays et faisaient l'admiration des adeptes restera à ce poste jusqu'au 12 mars 1902 et pour
de ce sport dangereux. un second terme du 10 juin 1903 au 13 décembre 1905.
A ces postes il laissa le souvenir d'un homme aux vues
Il y avait aussi les excursions sur le grand lac, pratiques et entreprenantes. C'est comme maire de la
moins dangereuses que le saut des rapides mais bien ville de Roberval qu'il donna sa pleine mesure; fai­
intéressantes aussi par le pittoresque qu'elles of­ sant profiter les siens de sa grande expérience dans le
fraient à ces visiteurs. domaine des affaires. En arrivant à l'hôtel de ville, il
fonda plusieurs comités: voirie, aqueduc, finance,
Grâce à une publicité bien orchestrée, les régions santé, police et autres qui durent travailler ferme et
du Lac Saint-Jean et de Chicoutimi étaient alors le qu'il suivait constamment pour leur faire donner leur
"summum" en fait de tourisme et toute la classe ai­ pleine mesure. Il donna alors à la ville de Roberval
sée s'y donnait rendez-vous, tant pour la pêche et la un essor considérable, améliorant sans cesse, aque­
chasse que pour les simples excursions sur le lac. duc, égout, rues et trottoirs, sans oublier l'ouverture
de nombreux quartiers pour le plus grand bien de la
B.-A. Scott toucha aussi d'autres domaines. population.
C'est ainsi par exemple qu'on le retrouve en 1896
comme actionnaire dans la Compagnie de l'Électrici­ Durant son règne le public suit avec un intérêt
té et en 1898 comme président de la Compagnie du Té- croissant les activités et les séances municipales, dé­
léphone de Roberval, poste qu'il occupera jusqu'au mon�rant toujours un grand enthousiasme et un
13 novembre 1900. grand désir de progrès.
En 1902, il fonde avec d'autres associés le grand Gai causeur, habile philantrope, il régna deux
Lac-Saint-Jean, deuxième journal de ce nom et ans seulement comme maire de la ville de Rober­
sixième dans l'ordre des feuilles robervaloises. Scott val, mais il eut le temps d'y accomplir une oeuvre qui
en deviendra plus tard le seul et unique propriétaire. durera et fera de Roberval dans le temps l'une des
Ce journal publiera durant 15 ans; son premier nu­ villes où il faisait bon vivre et où les impôts n'étaient
méro parut le 11 décembre 1902. Bien fait, riche d'i­ pas considérables malgré les nombreux développe­
dées et d'articles intéressants, d'une ordonnance ments et les innombrables réalisations qu'il opéra.
parfaite, ce journal, durant son existence, fut le
meilleur agent de liaison et de publicité pour toute la Fortuné, il était assez généreux et savait si bien
région; de plus il avait la qualité rare d'être objectif camoufler ses munificences que souvent personne ne
et vraiment authentique, ce qui pour un journal est s'en doutait et que seuls ceux qui en bénéficiaient en
une excellente chose. C'est l'incendie de l'atelier connaissaient la provenance.
d'imprimerie, en janvier 1917, qui lui donna la mort.
Patriote et plein d'initiatives, homme aux larges
Voilà autant de postes divers qui nous prouvent visions et de beaucoup avant son temps, M. Scott eut
le dynamisme et l'esprit d'envergure de notre hom­ tôt fait de comprendre tout le potentiel en puissan­
me. Confiant qu'il était en ses qualités d'administra­ ce qui se trouvait ici ou là au Lac Saint-Jean. Aussi,
teur, il se lançait résolument et presque toujours, s'intéressant à tout ce qui pouvait mousser le déve­
dans toutes ces aventures, il avait vu_juste. Parfois il loppement de sa patrie d'adoption, il seconda de
prit des risques que personne d'autre n'osait et ra­ toutes ses forces, en 1897, la création de la Société
rement il fut déçu. de Colonisation et de Repatriement du Lac Saint­
Jean.
Sportif à ses heures, M. Scott fonda en 1899 le
Club de Roberval et en 1903 le Club de Course de che­ Cette société, la cinquième du genre dans la pro­
vaux qui avait sa piste sur la glace du lac en hiver et vince, eut une existence éphémère; elle dura 10 ans,
qui durant la belle saison évoluait sur un terrain de mais durant ces quelques années elle apporta à la ré­
course situé dans l'Anse. gion un développement considérable et contribua à
l'organisation de nouvelles paroisses. Elle aida gran­
dement la colonisation et fit tant et si bien que bien­
Scott, qui avait des propriétés à Péribonka et à tôt le Lac Saint-Jean devint le "Grenier de la Pro­
Mistassini, possédait aussi à ce dernier endroit une vince", du fait que son agriculture en plein essor et
ferme modèle qui couvrait 1,500 acres environ et qu'il son industrie laitière en constant progrès en firent
exploita à partir de 1895. C'était une ferme fameu­ l'un des grands fournisseurs de fromage au pays.
se pour son rendement et par le magnifique troupeau
qu'on y élevait. C'était un endroit à voir pour les Son esprit civique constamment en éveil, son en­
nombreux visiteurs qu'y amenait en observateurs la tregent, ses multiples relations l'amèneront à fon­
Société de Colonisation. der, avec un groupe d'hommes d'affaires de Chicou-
Mai-juin 1973 SAGUENAYENSIA 91

timi et de Roberval, la Chambre de Commerce du Sa­ Il avait bien ses supporters et son groupe d'amis
guenay dont il sera le premier président. à Roberval et même ailleurs, mais son ascendance
écossaise, sa foi protestante étaient des atouts que ses
Ce groupement, fondé en 1907, tiendra sa pre­ adversaires politiques faisaient valoir auprès des é­
mière réunion à Roberval le 12 novembre de cette lecteurs en plus des autres arguments, et il perdait
année et il jouera un rôle important dans le dévelop­ la bataille.
pement commercial et industriel de la région. Le suc­
cesseur de Scott à la tête de ce mouvement régio­ Ce fut là cependant un des rares domaines où il
nal sera M. J.-E.-A. Dubuc, industriel bien connu de ne brilla pas d'un lustre étincelant.
Chicoutimi et de toute la région. Cet organisme ré­
gional existera jusqu'en 1921, alors qu'il se divisera L'une de ses grandes visions fut le harnachement
en deux, laissant aux Robervalois la Chambre de de la Grande Décharge, qu'il voulut entreprendre sur
Commerce du Lac Saint-Jean, et conservera pour sa la fin de sa vie avec la Québec Development . En­
part le district de Chicoutimi ou du Bas-Saguenay. treprise hardie à cette période et qui demandait beau­
Composée de personnalités dynamiques et averties,la coup de capitaux et d'ingéniosité. Ce projet avorta
Chambre de Commerce du Saguenay a fait sa marque d'abord; il fut réalisé par le grand syndicat financier
dans le temps et elle a quelques belles réalisations Duke-Price, qui fournit les fonds, et l'ingénieur F.-H.
à son crédit. Cothram, qui en dirigea les travaux avec l'ingénieur­
conseil William-S. Lee. Commencé en 1923, ce barra­
En 1908, B.-A. Scott fut l'un des organisateurs ge fut terminé sur la petite et la grande Décharge en
au Comité de Réception aux fêtes du 3ième centenai­ 1926. Les plans de développements de l'exploitation
re de Québec. de nos ressources naturelles que Scott avait conçus
se trouvèrent ainsi réalisés et tout cela prouve encore
C'est en 1910 que Scott ferma son moulin à scie combien cet homme était entreprenant et voyait loin.
de Roberval et en 1915, il vendait sa maison de Ro­
berval et se tournait vers d'autres réalisations.
Ses dernières années il les passa à Montréal dans
Cet homme à qui tout réussissait, qui manquait un repos bien mérité; après une vie remplie de durs
rarement une occasion de produire quelque chose, qui labeurs il s'éteignit à Montréal le 15 décembre 1928,
avait réussi dans tant de domaines, trouva pourtant laissant derrière lui d'immenses regrets et le souve­
son "Waterloo" et dut baisser pavillon devant la po­ nir d'un homme gai, charitable, d'une grande cour­
litique. toisie envers tous et d'une activité débordante en tous
les domaines.
Sollicité à diverses reprises, alors qu'il était au
faîte d'une vie bien remplie et avait des oeuvres de Incinéré peu après sa mort, ses cendres furent
toutes sortes à son crédit, il tenta le suffrage popu­ selon sa volonté, jetées dans le lac Saint-Jean le 18
laire à trois reprises, en 1911, 1916 et 1918, et chaque juillet 1929 par M. Th.-X. Cimon en présence de ses
fois il fut battu. fils Shehyn et Charlie et du père de M. Cimon.

La maison de B. -A. Scott à Roberval.


92 SAGUENAYENSIA Mai-juin 1973

Voilà, rapidement brossée, la carrière civile de deux dernières guerres on le vida pratiquement de
cet homme d'affaires averti, au jugement sür et qui me du feu, mais il n'en reste pas moins que lors- des
s'est donné tout entier aux siens et à ses compatrio­ ses effectifs en mobilisant la majorité de ses membres
tes du Lac Saint-Jean, qu'il aimait bien. Généreux, qui pour la plupart servirent outre-mer et participè­
aimable et serviable, il a contribué largement au rent, sous le drapeau de l'une ou l'autre des unités
développement industriel de la région. canadiennes-françaises, à plusieurs hauts faits d'ar­
mes. Si notre unité saguenéenne ne fut pas à la gloi­
Je ne connais pas sa carrière militaire, n'ayant re comme plusieurs autres le furent, au moins ses ef­
pas eu le loisir de fouiller suffisamment cette par­ fectifs isolément furent mobilisés et connurent la
tie de sa vie. Je sais cependant qu'en 1899 on le trouve gloire des champs de bataille. C'est tout à l'honneur
Capitaine et Major bréveté à la Compagnie no 6 du du Régiment.
61ième bataillon, et que c'est lui qui forma la premiè­ Léonidas Bélanger
re unité permanente de milice au Saguenay, le 18iè­ 1er avril 1973.
me Bataillon d'infanterie du Saguenay, qui prit nais­
sance le 1er février 1900 par suite de l'Ordre Général
12 des Quartiers Généraux de la Milice à Ottawa; dans Hommages de
le même document on apprend la nomination du
Lieutenant-Colonel B.-A. Scott comme premier com­
mandant de ce nouveau régiment.
Lo maison
Le 8 mai 1900 le 18ième Bataillon devenait le
"18th Saguenay Regiment" et le 1er avril 1920 le
"18th Regiment Francs-Tireurs du Saguenay". Le THIFF.AULT & SAINTONGE
15 mai 1937, sous la direction du Lieutenant-Colonel LIMITEE
Jules Landry, il deviendra, après sa réorganisation,
le "Régiment du Saguenay", le 1er septembre 1954 Nouveautés
le "Régiment du Saguenay Mitrailleuses" et enfin le
11 avril 1958 le "Régiment du Saguenay" à nouveau.
On a souvent dit que le Régiment n'avait pas 122 est, rue Racine Chicoutimi
d'histoire puisqu'il n'avait jamais connu le baptê-

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Mai-juin 1973 SAGUENA YENS/A 93

Mémoires d'un ancien


Monsieur Johnny Tremblay "Boise"

Nous avons les notes de deux consultations de poléon Dumont, nous avait bâti une maison en ma­
monsieur Johnny Tremblay "Boise", une par moi­ driers sur le plat; elle était habitable pis c'est toute.
même le 19 de mai 1935, l'autre par le jeune René
Gauthier au cours de l'été qui suivit. J'avais avec moi Quand mon père est venu rester ici (à Rivière­
un de ses concitoyens, M. Edmond Bouchard, ce qui du-Moulin) 11 y avait seulement quelques maisons:
m'a permis de faire corroborer nombre de détails près de la rivière, les bâtisses de M. Price; une mai­
dont je voulais être particulièrement sûr. Nous fon­ son longue où restait Alexandre Gagnon, qui tenait
dons ensemble ici les deux textes pour éviter des répé­ maison de pension; ensuite le bonhomme St-Onge,
titions. - M. Johnny Tremblay (qu'il ne faut pas père d'Adolphe, qui restait avec lui; ensuite la mai­
confondre avec un autre du même nom dont les sou­ son de mon père. Du côté de Rocher de la Vieille 11 y
venirs ont été publiés en 1961) est décédé le 24 avril avait rien qu'Etienne et Alexis Dallaire.
1937, à 86 ans, ce qui concorde avec l'tlge qu'il nous a
donné. Son épouse, Adèle Gagné, était morte avant Avant de déménager à la Rivière-du-Moulin j'al­
lui. lais à l'école au Vieux Séminaire, comme on l'appe­
V.T. lait plus tard. C'était une maison à deux étages en
face de chez Bébé Jean (rue Morin).
Je suis né à Sainte-Anne dans la maison de Mi­
cho ( 1 ), vis-à-vis de la vieille traverse. J'ai été bap­ C'était les demoiselles O'Neil qui faisaient la
tisé à Chicoutimi. Quand j'ai été pas mal vieux je di­ classe. Une a marié Cloutier (Thomas-Zozime), l'au­
sais à mes amis: "Je vous dis que j'ai eu peur quand tre a marié Gosselin (Régis), père du protonotaire,
ils sont venus me faire baptiser. - Pourquoi? - un grand bonhomme blanc. Je n'ai pas été à l'école
Pourquoi? parce qu'ils m'ont traversé en canot dans de Cloutier. J'ai été ensuite à la classe des frères La­
l'automne; la glace commençait à prendre, je croyais roche, les trois frères Laroche; on les appelait seule­
qu'ils me baptisaient sur la glace. - Mais tu ne t'en ment comme ça. Ils étaient malins comme le diable.
es pas aperçu, maudit fou! - Non, mais j'ai eu peur Ils faisaient la classe là aussi. Une fois un petit gar­
pareil.'' çon du nom de Frème (Ephrem) Tremblay - son pè­
re restait dans la maison du docteur Savard (rue Ra­
Mon parrain c'était Johnny Blackburn, qui res­ cine) - avait fait du mal à un des frères Laroche. La­
tait dans la côte de la prison; ma marraine, Adèle roche prit une amarre et attacha Frème après un
Joncas. (2). tuyau. A quatre heures ont fit la prière et on s'en al­
la. On n'était pas rendu dans la cour que Frème a
Mon père, Ambroise Tremblay, que tout le mon­ r'soud. En nous voyant partir - Laroche était parti
de appelait "Boise", était fils de Victor Tremblay aussi -, resté tout seul dans la classe, 11 a sacré un
du Cap-à-1'Aigle. Mon grand-père n'est pas venu au coup sur l'amarre, qui a résisté. Alors Frème avait
Saguenay. Ma mère était une fille de Pitre Black­ démanché un bout du tuyau et s'en était venu nous
burn, Julie; la mère de Pitre était une sauvagesse. (3) trouver en tra1nant le tuyau comme un forçat tra1ne
son boulet.
Mon père a resté d'abord à Sainte-Anne. Quand
11 est venu rester à Chicoutimi j'avais un an et demi. En arrivant à la Rivière-du-Moulin j'ai été à
(4) On restait au pied de la côte chez le juge Gagné l'école sur la côte, quatre ans; j'ai fait le fou pas mal.
(rue Racine). En arrivant à Chicoutimi mon père a Plus tard maman voulait encore m'envoyer à l'école
obtenu de Monsieur Price une place. Le matin, le mais je lui ai dit: "Non, j'y vas pas... - Qu'est-ce
dlner sous le bras, 11 partait en canot et 11 revenait le que tu vas faire si tu ne vas pas à l'école? - Je veux
soir pour souper. C'est lui qui tenait la boutique à aller trouver mon frère Joseph (5) à (la rivière) Pi­
bois au Bassin. Quand on a déménagé à la Rivière­ kauba. - Tu n'iras pas dans le bois me dit papa."
du-Moulin j'avais 7 ans. Le beau-frère de papa, Na- Sans les avertir, je pars, je vas aux étables, où se
trouvait M. Price, et je lui demande la permission
d'aller trouver mon frère Joseph à la Pikauba. Il me
regarde dans les yeux et me dit: "Es-tu bien sincè­
( 1) Michel Tremblay surnommé "le gros Micho". re? - Oui, monsieur, je suis sincère - Et bien, vas­
Y. Tu iras trouver Euloge Lemieux au Bassin et tu
(2) Adèle Marcheterre d'après le registre. partiras avec demain matin. - Merci beaucoup,
monsieur". J'étais tellement content que je sautais
(3) Détail mal compris: c'est l'arrière-grand-mère de Pi­
tre Blackburn qui était indienne.
(4) Comme il était né le 21 novembre 1851, cela reporte (5) Ses souvenirs ont été publiés dans Saguenayensia, jan­
au printemps de 1853. vier-février 1963.
94 SAGUENA YENS/A Mai-juin 1973

haut de même, tiens. En rentrant chez nous je dis ça gouvernement. La drave finie, on a plié bagage et
à papa et à maman. "Tu n'iras pas dans le bois, tu remonté dans la rivière du Poste pO\�r préparer ce
vas rester ici", qu'ils me disent. - "Monsieur Price qu'il fallait pour l'hiver d'ensuite. Après ça on s'est
m'envoie, j'y vas". A la fin, quand ils ont vu que j'al­ en-revenu à Chicoutimi. J'ai été onze mois dans cet­
lais trouver Joseph à la Pikauba, ils m'ont laissé par­ te suite de voyages.
tir. J'avais 12 ans.
Le lendemain je me suis rendu au Bassin pour Ensuite, j'ai remonté au Lac, dans le bout de la
voir Euloge et pour monter à la Pikauba. Mon oncle rivière à l'Ours. Notre foreman était Georges Martin.
Pascal Tremblay était là avec mon oncle François C'est le plus dur hiver que j'ai jamais passé. On a
Labbé comme foreman. Mon oncle Labbé me mit travaillé tout l'hiver comme des chiens. On commen­
chau-boy (6) avec le couke (7) Louis Jean-Guy de çait le matin au lever du soleil et on finissait le soir
Kamouraska. C'était un picoté; 11 avait eu la picote à la noirceur complète. On portageait dans la neige
et 11 avait le visage tout marqué. pourrie. Le frette nous gelait sur place. Un soir on
est arrivés gelés comme des bordeaux. On couchait
Une fois, c'était au printemps, j'étais malade dans une tente en toile. En arrivant dans la tente,
pour aller voir les jetées (8). C'était le bonhomme une fois on se fit un gros feu et on s'endormit; le ma­
Cadenas - on l'appelait comme ça parce que son ju­ tin on était couchés sur la neige, au frette, aussi ge­
ron était "cadenas" - qui les visitait, et chaque fois lés que la veille; notre tente avait brülé pendant la
que je lui demandais pour aller avec lui il disait non. nuit sans qu'on s'en aperçoive. Il fallut, le matin,
Ca fait qu'une bonne fois 11 m'envoie avec le ma1tre­ portager plusieurs milles pour avoir un morceau de
charr�tier, qui me donne les cordeaux. Onavait une toile pour se faire une autre tente. Dans le printemps
bonne petite jument, Maggie; ça allait bien avec. On on drava la rivière à l'Ours et on descendit à Chicou­
arrive tout d'un coup sur le dessus d'une grosse cô­ timi.
te. Je dis à Cadenas: "Je descends pas cette côte-là,
j'ai peur." Il dit: "Bien, on va débarquer de la voitu­ L'automne d'après j'ai remonté explorer la ri­
re; attache les cordeaux sur le dos du cheval et lais­ vière à l'Ours en passant par (la rivière des Aulnais),
se-le descendre tout seul. - C'est ben". Dans le mi­ avec Emile Simard. Là encore j'ai passé des dures
lieu de la côte il y avait un gros tronc de bouleau de 5 escousses. Vü que j'étais plus gros et plus grand que
à 6 pieds de pris dans le chemin. Maggie part à la les autres, c'était toujours moi qui tirais la tra1ne.
course dans la côte. Arrivée au bouleau, elle a eu Dans la première escousse j'ai été trois semaines,
peur, je suppose, elle a piqué ses menoires dans le puis on est descendus ici. Dans la deuxième escous­
sable et elle est restée prise. Quand j'ai vu ça j'ai dit se j'ai été quatre semaines. C'était Monsieur Dubuc
au charretier: "Vite, prends ta scie; on va aller scier qui nous avait dit de monter, pour la Pulpe. Notre
les menoires, la jument est prise". On a scié les me­ temps fini on est redescendu.
noires et on a eu la jument. Après ça, je te dis que je
n'ai plus demandé d'aller voir les jetées. Pas long­
temps après, le bonhomme Cadenas a su l'histoire; Ensuite j'ai passé trois hivers avec mon frère
je te dis qu'il était en beau diable. "Bébé" sur la rivière Cyriac à faire la coukerie. Dans
le quatrième hiver, M. Dubuc nous dit de remonter
Après le chantier cassé on est descendu toute la à Cyriac pour faire une écluse.
gagne au lac Kénogami. Là on a dravé le lac. Moi
j'ai passé le temps à la couquerie avec Louis Jean­
Guy. Ensuite ils ont dravé la rivière du Bassin (ri­ Après ça j'ai monté au lac de Moncouche avec
vière Chicoutimi) et ont monté draver la Grande Dé­ Joseph Gilbert; on a passé huit jours à répa­
charge. Moi j'étais le cook. La drave finie on descen­ rer une écluse. Dans l'automne j'ai monté avec Bebé
dit tous ici. dans la Cyriac. C'était lui qui était foreman. Au
printemps on a dravé la Cyriac et le lac Kénogami.
Dans l'automne d'ensuite j'ai monté au lac Dans l'automne je suis reparti avec Bébé. Il avait
Saint-Jean, sur la rivière du Poste (rivière Métabet­ monté sa femme et moi je l'aidais à faire la coukerie.
chouan). Notre foreman était William Fraser. C'est Vers le m111eu de l'hiver Pierre Girard descendait à
le premier hiver que j'ai travaillé comme bücheur; Chicoutimi, ça fait que je suis descendu avec lui.
j'ai passé l'hiver à faire des billots. Au printemps on
a nettoyé les jetées et on a fabriqué de l'outillage pour Eugène Tremblay me demanda si j'étais bon
la drave. Le temps arrivé, on a dravé la rivière du pour bâtir une écluse au lac des Savanes; je lui dis
Poste, la Grande Décharge et la petite slaille (9) du que oui. Alors j'ai monté avec Bébé. Les castors a­
vaient éclusé eux-autres aussi et 11 fallut défaire ça.
Ca a pris du temps; on a pris quatre semaines à tout
(6) Corruption de l'anglais shore, dans le sens de'étai '; sou­
tien; shore boy, garçon-aide.
faire.

( 7) De l'anglais coo k, cuisinier.


Pendant la construction je me suis fait arra­
(8) Empilements de billots sur l'écore de la rivière prêts à cher une cuisse. J'ai passé un an sous un palan. Cet­
être jetés à l'eau. te année-là m'a coüté cher de sacrifices, car j'ai souf­
fert horriblement. Je m'en sens encore aujourd'hui;
(9) La Petite Décharge et sa glissoire, que les gens appe­ je suis obligé de marcher avec deux cannes. Après cet
laient "slaille" ( corruption de l'anglais slide). accident, je n'ai plus travaillé le reste de ma vie.
Mai-juin 1973 SAGUENA YENS/A 95

Côte-Nord

La culture - Les bois - La pêch,e


Voici le texte d'un rapport que le comte Henri de
Puyjalon adressait au commissaire des Terres de la
Couronne à Québec en 1886. Cette description de la
moyenne Côte-Nord à cette époque donne des détails
qu'on trouve difficilement ailleurs, et elle a valeur
de document.
Monsieur le Ministre,
La colonisation est en raison directe de la valeur
culturale de la région à coloniser. Ce principe écono­
mique, très juste en lui-même, est trop exclusif et de­
vient inexact lorsqu'il est compris avec étroitesse et
appliqué avec trop de rigueur. La colonisation mixte,
celle qui s'appuie simultanément dès son origine, et
sur la culture et sur l'industrie offre autant de gages
de succès et de durée que celle qui n'a pour base que
l'agriculture.
La première de ces colonisations pourrait s'éta­
blir dans des conditions de vitalité acceptable sur cer­
taines parties de la côte du fleuve et du golfe compri­
ses entre Betsiamis et les Sept-Iles, mais ce serait au
prix de travaux de longue haleine, travaux trop oné­
Baie
reux et trop lents pour la moyenne ordinaire des co­ ... "Trinité
lons, qui ne disposent que de capitaux restreints.
Pointe des Monts
La seconde, au contraire, celle qui s'adresse au­
tant à l'industrie qu'à la culture, trouverait, selon
moi, sur ce même parcours, toutes les ressources na­ La Côte de la Pointe-des-Monts-Pelés à Sept-Iles.
turelles nécessaires pour assurer son établissement
facile, sa prospérité et sa durée. sol immédiatement cristallin. Ces plaines sont le
plus souvent couvertes à leur sommet de petits pois
J'entends par ressources naturelles celles qui sauvages et de hautes tiges d'herbes d'une sorte d'al­
ressortent spontanément de la constitution physi­ fa dont les vestiges semblent s'accommoder parfai­
que de la contrée, celles qui n'exigent aucune étude tement.
scientifique spéciale, aucune mise de fonds considé­
rable et que tout homme actif et persévérant peut ex­ Le rivage des baies est garni de foin d'excellente
ploiter avec fruit. qualité et de la plus belle venue.
Les ressources naturelles de la côte peuvent se De la Pointe des Monts aux Sept-Iles, les hautes
rattacher à quatre ordres d'opérations distinctes: chaînes s'éloignent de la côte, laissant entre elles et
le littoral une succession de plateaux très bien arro­
La culture, sés, à peine mamelonnés, et couverts de bois de bon­
L'exploitation des bois, ne essence vigoureusement poussé dans un sol argi­
L'exploitation des minéraux, lo-silicieux, d'une richesse suffisante.
La pêche.
Les plaines où s'écoulent la rivière Pentecôte
Les deux premières opérations intéressent sur­ et la rivière Ste-Marguerite sont les types les plus
tout notre sujet. complets du genre de formation que je viens de dé­
crire. Sur une étendue de 5 à 6 milles et sur une pro­
LA CULTURE fondeur moyenne de 3 ou 4 en partant du rivage pour
venir abuter aux pieds des contreforts Laurentiens
Comme je l'ai déjà dit dans un rapport précé­ qui enserrent les premiers Lacs des hautes terres se
dent, sur la Côte Nord du golfe toutes les parties du développe un plateau légèrement accidenté couvert
rivage appelées "plaines" se composent d'un sous­ de bois de bouleau et de tremble, d'épicéas et de pins,
sol argileux, surmonté de sable quelquefois mélangé d'aulnes et de peupliers plongeant dans un mélange
de matières organiques propres à la culture de toutes d'argile marno-silicieuse et de substances organi­
les graminées du Nord. La plupart des plantes légu­ ques, reposant sur le sous-sol des argiles quaternai­
mineuses réussissent même dans les terrains à sous- res.
96 SAGUENA YENS/A Mai-juin 1973

Quelques essais de culture ont été tentés par les mergés maintenant par les mares et les lacs. Ces
pêcheurs de la Rivière Pentecôte et le succès est venu fonds où s'accumulent depuis des siècles des matiè­
justifier leur hardiesse. Ils ont obtenu, parait-il, res organiques et des boues épaisses se transforme­
les plus heureux résultats des semis d'orge, d'avoi­ raient très vite en terres alluviales sèches, de haute
ne et de blé qu'ils avaient préparés. valeur et des plus propres à la culture des herbes co­
mestibles et des plantes légumineuses. Nulle terre
ne semblerait alors mieux disposée pour l'élevage des
De la Rivière Pentecôte aux Sept-Iles, les val­ animaux de boucherie, malgré la stabulation hiver­
lées fertiles, séparées entre elles par d'étroites ban­ nale qui deviendrait alors un des principaux agents
des rocheuses qui s'échappent de la cha1ne princi­ de l'engraissement du bétail. Il n'est pas sans intérêt
pale se succèdent sans interruption. de faire remarquer que cette région est géographique­
ment beaucoup plus rapprochée des marchés con­
sommateurs que ne le sont les contrées restées jus­
qu'ici seules productrices, et que les hâvres de cette
partie de la côte sont sürs et d'un facile accès.
De la Pointe de Monts aux Sept-Iles, le climat
n'a rien de trop rigoureux. La température y est sen­
siblement celle du fleuve, plus élevée peut-être, car
le rivage fait face aux vents chauds et humides qui
dépendent du Sud, tout en restant abrité des vents
froids du Nord par les chaînes assez élevées et qui
courent parallèlement au littoral. La neige semble y
tomber avec moins d'abondance qu'aux environs de
Québec.

Il résulte de l'exposé qui précède que c'est à tort


que l'on a cru jusqu'ici pouvoir considérer la cultu­
re dans cette région comme une quantité négligea­
ble. Intensive et exclusive elle ne saurait y réussir
sans de coüteux efforts. Bornée aux récoltes d'avoi­
ne, d'orge, de légumes et de foin dans un but d'éle­
vage et d'engraissement, elle peut au contraire don­
Estuaire de la rivière Pentecôte. Photo Huard. ner d'excellents résultats. Mais l'exploitation agrico .:
le proprement dite n'est point la seule ressource of­
ferte aux colons. Les bois et les produits qui en déri­
Si l'on gravit les contreforts Laurentiens qui li­ vent peuvent aussi largement contribuer à sa prospé­
mitent parallèlement à la côte les sablées fertiles, rité.
dont je viens d'indiquer les caractères physiques, l'on
se trouve en présence d'une formation presqu'entiè­ Je laisse de côté la coupe du bois de commerce.
rement modifiée. Sur une étendue qu'il est impossi­ Cette industrie exige des capitaux élevés et ne sau­
ble d'apprécier sans des travaux spéciaux le sol chan­ rait directement lui venir en aide, mais si cette bran­
ge de nature et se rapproche comme composition che d'industrie est inaccessible aux cultivateurs nou­
des terrains situés entre les Sept-Iles et Natashquan. vellement établis, il n'en est pas de même des pro­
La proportion des matières organiques végétales aug­ duits très abondants et facilement exploitables qui
mente. Une multitude de lacs et de mares bordés de résultent de la nature même des bois de la côte.
bois garnissent les plateaux. Les plaines sont parse­
mées de tourbières. La couche de terre forte est moins
épaisse, quelquefois le sable s'appuie directement La plupart des essences qui composent les fo­
sur le sous-sol argileux; le plus souvent les alluvions rêts du golfe appartiennent aux conifères. Toutes ces
formées du mélange intime de particules minéra­ essences exsudent des résines et des gommes com­
les, de détritus végétaux et animalisés, reposent im­ merciales très appréciées. Le gommage de ces arbres
médiatement sur les roches de la formation. n'offre aucune difficulté, il suffit de les entailler à
peu près comme les érables, de placer un récipient
au-dessous de l'incision et d'enlever tous les mois
Ces conditions nouvelles modifient nécessaire­ pendant la plus grande partie de l'été les sucs qui
ment les applications du faire valoir. Le champ des s'agglomèrent dans les vases récepteurs. Cette récol­
céréales est limité, le drainage et les canaux d'écou­ te si peu compliquée est déjà vendable sans autre
lement deviennent les gages nécessaires du succès préparation. Elle devient plus marchande encore au
de toute culture. Les amendements minéraux tels moyen d'une opération très simple qu'on lui fait su­
que la chaux, les cendres et le plâtre s'imposent im­ bir à temps perdu pendant l'hiver. Cette opération
périeusement à cause de la proportion élevée des ma­ consiste à distiller les résines à feu nu en se servant
tières organiques contenues par le sol arable. Ce sont de la vapeur d'eau surchauffée. Ce procédé opère
là des travaux d'apparence onéreuse. Mais ces désa­ la séparation de l'essence de térébenthine et du brai
vantages, plus apparents que réels, seraient large­ sec, que tout le monde achète, dont tout le monde se
ment compensés par la conquête facile des fonds im- sert.
Mai-juin 1973 SAGUENAYENSIA 97

en Polhynie cette opération se fait par la méthode


des meules. On prend pour les carboniser des troncs
d'arbres résineux ou les souches des arbres morts et
pourris. On prétend en effet que dans les bois en dé­
composition la résine rentre à l'intérieur du tronc
et redescend de là dans les racines. On forme avec
ces bois des bûches de 10 à 12 centimètres de gros­
seur et l'on construit des meules de la façon suivan­
te. - On établit d'abord, à une certaine hauteur au­
dessus du sol, un plancher dont la surface présente
une inclinaison uniforme vers le centre. L'aire du
plancher est recouverte d'une couche épaisse et ré­
gulière d'argile sur laquelle on dispose des morceaux
de bois comme pour une charpente de toit. C'est sur
cette surface inclinée dans tous les sens et dans les vi­
des du bois que coulent les matières goudronneuses
liquides. Au milieu elles trouvent un tuyau en bois
de 15 centimètres de diamètre, par lequel elles des­
cendent dans une cavité inférieure. Le bois est dis­
posé dans ces meules verticalement sur six couches
en moins. La construction de la meule achevée, ce
qui prend de huit à dix jours, on la revêt d'une che­
mise formée de paille, de fourrage et de sable. Ces
meules ont de 20 à 30 mètres de diamètre et contien­
nent de 1,000 à 2,000 mètres cubes de bois. Ce sont
Aux Islets-Caribou. - Un jeune qui apprend le métier. donc les plus grandes meules que l'on connaisse; on
les allume à la fois par quarante ou cinquante évents
ménagés vers l"" pied et que l'on bouche dès que le
Un arbre de vingt-cinq ans fournit une moyenne feu a atteint la partie supérieure. Au bout de six
4 livres de résine brute par saison, le rendement s'ac­ jours, pendant lesquels on s'occupe activement de
croît avec les années. A soixante ans, il peut donner garnir les creux, on étouffe la flamme produite par
jusqu'à 12 et 16 livres de substance de résineuse. le gaz et l'essence de térébenthine et l'on continue à
entretenir la chemise en bon état. Après une pério­
Les gommes le plus appréciées sont produites de de dix ou douze jours, on peut commencer à laisser
par les sapins et par les tamaracs, qui abondent dans couler le goudron, dont 15 ou 20 barriques se seront
nos pays; les résines brutes les plus communes pro­ déjà rassemblées au pied de la meule, et l'on conti­
viennent des pins, devenus rares, et des épinettes va­ nue ensuite à la recueillir chaque matin. Le travail
riées qui font la base de presque tous nos bois du gol­ dure de trois à quatre semaines, et l'on compte une
fe. barrique de goudron par 23 mètres cubes de bois.
L'exploitation des résines et des gommes offri­ Comme on le voit, cette production du goudron dans
rait au colon cela d'avantageux que le gommage, la les meules n'est autre chose qu'une combustion len­
surveillance des arbres et la récolte des résines mol­ te de l'extérieur vers l'intérieur, en vertu de laquelle
les, des galipots, etc., pourrait être faite par les en­ il se produit une distillation sèche et une séparation
fants et par les femmes. du goudron; jusqu'à ce que le centre de la meule soit
atteint les couches extérieures restent exposées à
La distillation de ces matières si l'on jugeait à l'action de l'air. Il en résulte que le charbon brûle
propos d'y avoir recours pourrait s'exécuter pendant en grande partie et qu'on n'en recueille quand on l'é­
l'hiver. teint ensuite par immersion que des quantités insi­
Goudron. Cette industrie facile n'est point la fnifiantes.
seule qui dérive des bois. La fabrication des gou­
drons pourrait devenir également l'un des puissants Partout ailleurs qu'en Russie et au Canada, la
auxiliaires du nouvel arrivé. production du goudron dans de semblables condi­
tions serait impossible, mais dans ces contrées où le
Les arbres résineux abandonnés morts ou pour­ bois ne coûte que la main-d'oeuvre pour l'abattre,
ris qui encombrent les bois et les plaines trouveraient c'est une source de revenu importante. En Russie, la
ici leur utilisation. Colons et bois y gagneraient: le barrique de goudron se vend vingt-quatre roubles
colon qui vendrait un bon prix une substance très (le rouble équivaut à peu près à 80 centimes). Le co­
demandée, le bois qui serait débarrassé des troncs lon de la côte pourrait exploiter dans de moins gran­
morts et pourris gisant à ses pieds en si grand nombre des proportions. Quelques cordes de bois sec ou une
que la virginité de certaines forêts de notre littoral décomposition préparée à la fin de l'automne et
devient presque impénétrable ou tout au moins très brûlée au printemps lui donnerait sans grands ef­
dangereuse pour les jambes de l'explorateur, qui forts vingt à vingt-cinq barriques de goudron repré­
s'enfonce à chaque pas dans des mélanges sans nom. sentant une valeur de cent cinquante à deux cent
dollars.
Dans l'intérieur de la Russie on carbonise de
grandes quantités de bois uniquement au point de Je ne saurais trop vous faire remarquer, Mon­
vue de la production du goudron. En Wolhynie et sieur le Ministre, que les deux industries dont je viens
98 SAGUENA YENS/A Mai-juin 1973

de vous entretenir laissent une entière liberté à la les) ou Monsieur James Richardson de la Commis­
culture proprement dite, tout en lui permettant sion géologique l'a vue en 1870, ensuite à la Baie des
d'employer avec fruit les époques où tous les travaux Homards (R. Pentecôte) où il n'a découvert qu'une
de la terre sont immobilisés par les conditions clima­ bande étroite de dolomie Laurentienne, où gît un
tologiques du pays. "lambeau" du calcaire silurien, dont le développe­
ment, visible à marée basse, se mesure par environ
trente verges sur cent cinquante, sur une profondeur
verticale indéterminée.
Je viens d'avoir l'honneur de vous exprimer plus
haut que je considérais la pêche et la chasse comme
nuisibles à toute bonne colonisation. Mais, si la pê­
che est un danger pour le colon il ne peut en être de
même pour l'Etat, dont elle accroîtra les revenus, et
pour l'industriel qui s'en occupe d'une manière tout
exclusive.
Les lacs sont très nombreux. Les poissons qu'ils
peuvent fournir à la consommation n'ont point été
assez étudiés. Cela tient, sans doute, à l'idée que l'on
se fait de l'éloignement de ces lacs et à l'absence de
voies praticables, qui en compliquant les transports
les rendraient trop onéreux. Ce sont là des imprédi­
ments sérieux et qui peuvent s'appliquer à bien des
lacs, mais il en est quelques-uns qui échappent à
Pêcheur dans une "doris". Photo Huard. ces difficultés et qui se trouvent dans des conditions
exceptionnellement favorables d'étendue, d'accès
Je pourrai vous citer encore comme auxiliaire du et d'exploitation. Je citerai comme exemple les lacs
colon les varechs, dont l'incinération sur place pro­ de Dix Lieues et de Quatre lieues.
duit la matière première d'où s'extraient les potas­
ses, les oudures, les iodures et les bromures. Les va­
rechs, qu'il peut utilement répandre sur le sol com­
me engrais, soit seuls, soit mélangés aux détritus
animaux. Je néglige à dessein les ressources qu'il
pourrait tirer de la pêche et de la chasse, considérant
que ces dernières sont plus nuisibles qu'utiles à cause
de l'attrait qu'elles représentent, attrait tellement
puissant que l'homme qui s'est livré à ces deux at­
tachantes occupations devient presque toujours in­
différent à tout autre trnvail suivi, quelque rémuné­
rateur qu'il puisse être.
Pour le cultivateur, la pêche et la chasse ne doi­
vent être que des moyens d'augmenter ou de varier
son alimentation. Cependant rien ne l'empêcherait
de profiter de sa position exceptionnelle sur certains
points de la côte pour élever le canard Eider, très
susceptible de domestication. Ce serait-là un des
moyens les plus pratiques, peut-être, pour conserver
ce palmypède précieux dont les oeufs sont mis sans
vergogne au pillage au printemps de chaque année.
La pêche de mer qui restera probablement tou­
jours l'industrie dominante du golfe permettrait au Phare de la Pointe-des-Monts. Photo Album Gregory
cultivateur l'écoulement de la plupart de ses pro­
duits tout en libérant dans une certaine mesure le Ces lacs, dont le nom exprime l'étendue, sont
pêcheur de l'espèce d'ilotisme dans lequel le tiennent situés quelque part dans le Nord - Nord-Ouest en ar­
croupissant les grandes maisons productrices et les rière du point que j'occupe sur le littoral. ( 1) L'un
fournisseurs. de ces lacs, celui de Dix Lieues, alimente la rivière dé­
signée par les appellations multiples de rivière à Val­
Les minéraux utiles à l'agriculture, soit pour la lée, de rivière du Portage des Mousses et de rivière
construction, soit pour l'amendement des terres, ne des Rochers. Vingt à trente milles le séparent de la
lui feraient point défaut. Entre la pointe de Monts côte. Un portage assez long (3 ou 4 milles) conduit de
et les Sept-Iles, seul parcours qui nous occupe au­
jourd'hui, les argiles marnées ne sont pas rares et la
chaux, sans être en abondance, s'y rencontre en
quantité appréciable, d'abord à Manawin (Sept-1- (1) Puyjalon demeurait, solitaire, dans l'île à la Chasse.
Mai-juin 1973 SAGUENA YENS/A 99

la mer au-dessus des chutes. A partir de ce point, Veuillez agréer, Monsieur le Ministre,
sauf deux ou trois petits portages insignifiants, le l'assurance de ma très haute Considération,
trajet se fait en canot. Dans de semblables condi­
tions, il me paraît facile de transporter sans frais H. de Puyjalon
considérables tous les objets nécessaires à la pêche.
Il ne serait pas plus compliqué de redescendre à la L'Honorable Commissaire
mer les produits de la pêche. des
Le lac de Dix Lieues comme celui de Quatre Terres de la Couronne.
Lieues contient sans doute plusieurs espèces de Le 22/5/1886
poissons, mais je n'ai pu obtenir que des renseigne­
ments très vagues sur les variétés diverses qui peu­
plent les eaux de ces lacs. Ce qui me paraît acquis
c'est l'abondance extrême de la grosse truite et de
l'anguille. En prenant certaines précautions protec­
trices, rien n'empêcherait d'affermer ces lacs et tous
ceux qui se trouvent dans des conditions analogues à
des pêcheurs ou des compagnies de pêche ainsi que
cela se fait, je crois, dans le Nord-Ouest et dans la
province d'Ontario pour les lacs peu éloignés de la
ligne du Pacifique. Ces fermages seraient recher­
chés par le sport ou par l'industrie et donneraient
JORON ET CIE LTEE
lieu avec le temps à la construction de routes se di­ HUILE COMBUSTIBLE
rigeant vers l'intérieur tout en créant des débouchés
pour l'écoulement des produits du sol.
Gaby Gravel, gérant

Tél.: 543-4466 CHICOUTIMI

Hommages de

l!!. librairie !lJ1.g/onole./�


Retour d'unechasse auxlièvres.Photo N.-A. Corneau 1923.
Life and Sport on the North Shore by Nap. - 461 Est, rue Racine "'""'-- Chicoutimi

Dans mes précédents rapports j'ai eu l'honneur


rte vous entretenir de la valeur sylviculturale et mi­
nérale de la partie de la province comprise entre la
Pointe de Monts et les Sept-Iles. Je n'y reviendrai
pas, l'étude que je vous soumets aujourd'hui n'a Ameublements, machines et
qu'un but, celui de faire ressortir les avantages, jus­ accessoires de bureaux
qu'ici niés ou ignorés, qu'offre à la colonisation la ré­
gion comprise entre la Pointe de Monts et les Sept­ 357 Est, rue Racine Chicoutimi
Iles.
Puissé-je avoir réussi à vous convaincre et va­
loir au pays que j'étudie et que j'habite votre sym­
pathie et votre puissant concours.
100 SAGUENA YENS/A Mai-juin 1973

Nombre d'élèves au Séminaire


D'après les annuaires

Années Années
1873-1874 65 1911-1912 319 1909-1910 226 1948-1949 580
1874-1875 68 1912-1913 338 1910-1911 271 1949-1950 582
1875-1876 76 1913-1914 364
1876-1877 84 1914-1915 346 Aux sections
1877-1878 56 1915-1916 344 Années classiques Total
1878-1879 96 1916-1917 335 1950-1951 620 213 833
1879-1880 89 1917-1918 340 1951-1952 682 289 971
1880-1881 94 1918-1919 396 1952-1953 669 203 872
1881-1882 104 1919-1920 510 1953-1954 633 202 835
1882-1883 100 1920-1921 600 1954-1955 632 244 876
1883-1884 103 1921-1922 599 1955-1956 651 199 850
1884-1885 91 1922-1923 571 1956-1957 665 240 905
1885-1886 90 1923-1924 549 1957-1958 591 352 943
1886-1887 97 1924-1925 567 1958-1959 626 291 917
1887-1888 103 1925-1926 593 1959-1960 636 371 1007
1888-1889 106 1926-1927 610 1960-1961 656 290 946
1889-1890 126 1927-1928 560 669 473 1142
1928-1929 1961-1962
1890-1891 147 534 1962-1963 684 591 1275
1891-1892 126 1929-1930 489 1963-1964 735 691 1426
1892-1893 140 1930-1931 449
1893-1894 160 1931-1932 442 Années Avec CEGEP
1894-1895 148 1932-1933 388
1895-1896 142 1933-1934 377 1964-1965 798
1896-1897 142 1934-1935 408 1965-1966 915
1897-1898 1935-1936 422 1966-1967 569
163 1967-1968
1898-1899 193 1936-1937 448 508
1937-1938 531 1968-1969 509
1899-1900 231 1938-1939 467 1969-1970 527
1939-1940 473 1970-1971 526
1900-1901 225
1940-1941 486 1971-1972 529
1901-1902 163
1902-1903 172 1941-1942 497 1972-1973 619
1903-1904 218 1942-1943 561
1904-1905 236 1943-1944 617 Dans la maison 38,779
1905-1906 237 1944-1945 647 Dans les sections classiques 4,649
1906-1907. 210 1945-1946 670
1907-1908 200 1946-1947 623 Au total 43,428
1908-1909 236 1947-1948 583
Mai-juin 1973 SAGUENAYENSIA 101

le fil
de vie et
de santé

Que ce soit au volant, au travail ou


à la maison, les statistiques démon­
trent qu'au-delà de 80 pour cent
des accidents sont imputables à
l'inattention, la négligence ou à la
nervosité.
La vie et la santé ne tiennent souvent
qu'à un fil. Assurons-nous qu'une
témérité excessive sur la route, que
la négligence d'observer les règle­
ments de sécurité ou qu'un moment
de distraction ne viennent rompre
notre fil de vie et de santé.

Aluminium du Canada, Ltée


102 SAGUENA YENS/A Mai-juin 1973

Mgr Napoléon-Alexandre LaBrie


C'est pour cet enfant que la Côte-Nord est en
liesse, au retour d'une longue absence. Il y a long­
temps en effet que, se promenant sur les plages de
Godbout, il entendit avec le vent du large un appel
de beaucoup plus loin. Les missionnaires de la région,
après des cours privés, le confièrent aux Eudistes du
Collège de Church Point. Puis, ce furent quatre an­
nées à l'Université Grégorienne, à Rome, où on l'or­
donna prêtre le 15 avril 1922. C'est donc de très loin
que Godbout voyait revenir le Père LaBrie en ce 12
août.
La croix qui brille aujourd'hui sur les hauteurs
de ce village rappelle ce grand retour.
MISSIONNAIRE
Après avoir effleuré l'enseignement pendant à
peine un an au Collège Ste-Anne, le Père LaBrie voit
s'ouvrir devant lui un champ d'apostolat aux dimen­
sions de son esprit missionnaire.

Ses supérieurs l'affectent d'abord au poste de


Betsiamites jusqu'en 1930, puis, les deux années sui­
vantes, à Pointe-aux-Outardes. À cet endroit, il vé­
cut une aventure dont on peut s'amuser maintenant
Mgr N. -A. LaBrie que le temps en a cicatrisé les plaies. Pour parler bref,
disons qu'arrivant en milieu de colonisation, le Père
crut devoir en assurer l'expansion par la venue de
nouveaux colons, tout un plan étant conçu pour la
Monseigneur LaBrie vient de décéder à l'Hôtel­ construction d'habitations, d'écoles, de routes, etc.
Dieu de Québec à l'âge de 79 ans et 9 mois. Il était né Durant l'été de 1930, il parvint à convaincre de son
à Godbout, sur la Côte-Nord,le 5 août 1893. Entré au projet le député Edgar Rochette qui, à peine le Père
collège des Eudistes en 1909,. à l'Université Grégorien­ avait-il le dos tourné, sollicita l'avis du missionnaire
ne en 1918, dans la congrégation des Eudistes le 8 fé­ colonisateur du comté. Ce dernier, sans doute pour
vrier 1919, il fut ordonné prêtre au Séminaire du La­ faire du zèle plus que pour jouer le vilain tour que
tran le 15 avril 1922. La suite de sa carrière est rappor­ des malins ont soupçonné, précipita les étapes au
tée dans l'article ci-dessous. point qu'un matin de septembre quatre-vingt-six co­
lons échouaient sur le rivage de la Pointe-aux-Outar­
Homme de valeur supérieure, il est un des nô­ des. L'action graduelle que le Père LaBrie avait ima­
tres: saguenéen de naissance et de carrière. Ces deux ginée se trouvant contrée, il dut faire face sur-le­
titres lui donnent droit à sa place dans notre histoire champ à une situation épouvantable: ruée de ces in­
régionale. Nous voulons sans tarder lui rendre hom­ trus vers les lots disponibles ou pas, amoncellement
mage en publiant cette page inédite que lui a consa­ de paperasses à remplir, litiges à arbitrer entre voi­
crée notre collaborateur M. Robert Parisé dans ses é­ sins, etc., etc.
vocations des "géants de la Côte-Nord", en 1969.
V.T. Deux ans plus tard, le jeune Père se trouvait as­
sez loin de cette malencontreuse équipée: on venait
I- Sur la Côte-Nord 1893 à 1956 de lui confier la mission de Baie-Rouge, en plein La­
brador. Là, il put donner libre cours à son zèle mis­
12 août 1922. Ce jour-là, à quelque quarante mil­ sionnaire auprès de ses ouailles réparties sur plus de
les à l'est de l'actuelle Baie-Corneau, un petit bourg cent cinquante milles de littoral. Il s'éprit de ces gens
du nom de Godbout se ressentait d'une agitation et de ces lieux au point que, dans ses lettres à Soeur
inaccoutumée. Sainte-Martine, sa soeur religieuse, il les évoqua dans
des termes si vivants qu'elle put en tirer une peinture
Le long du rivage, perchés sur le pont de leurs voi­ surprenante de réalisme.
liers pavoisés de riantes couleurs, des capitaines, la
main en visière, scrutent le large. Soudain, branle­ VICAIRE APOSTOLIQUE
bas de départ pour toute l'escadrille; un yacht vient
de poindre à l'horizon, c'est celui de Monsieur Alfred Au printemps de 1938, la brise de la Méditerra­
LaBrie ayant à son bord son fils devenu prêtre. née, suivant un curieux parcours, vint confier au
Mai-juin 1973 SAGUENA YENS/A 103

Vent du Nord un message qu'elle souffla de par les maire partout et complémentaire au plus grand
steppes du Labrador jusqu'à Baie-Rouge: Père La­ nombre d'endroits possibles. Aux élèves qui passaient
Brie, le Saint-Siège vous appelle à la dignité de Vi­ de façon brillante à travers ces degrés, il trouva des
caire Apostolique. places dans des collèges de l'extérieur puis, à coup de
sacrifices inotiis, les amena aux portes de l'universi­
En dépit de la pauvreté des communications, la té, avec mission d'en sortir pour constituer une élite
nouvelle vola de clocher en clocher et combla d'allé­ à la région.
gresse un peuple qui, pour la première fois, voyait
l'un de ses enfants appelé à si haute charge. On s'a­ Lui-même publia une lettre pastorale sur !'Édu­
donna à des transports de joie. cation et, au Conseil de !'Instruction Publique, ses
interventions devinrent si remarquées qu'un jour,
Pendant ce temps, le Père attelle ses chiens tout le bouillant archevêque de Rimouski, Mgr Courches­
simplement et s'embarque dans une course de deux ne, lui dit: "Vous, au Conseil, je vous défends de vous
cents milles qui va le mener à Natashquan, d'où un taire".
avion le conduira à Hâvre St-Pierre. C'est là qu'il ré­
sidera jusqu'en 1946, une fois de retour de son sacre à En dépit de toutes ces activités, il entretint une
l'église Saint-Coeur-de-Marie de Québec. correspondance monumentale dont l'objet était in­
différemment les humbles ou les grands de ce mon­
Deux traits, qui ne s'atténueront jamais, vont de. Mais nous, les jeunes qu'il avait protégés, il nous
marquer cette nouvelle carrière: zèle pastoral et sou­ vouait une prédilection particulière. Encore en 1967,
ci de l'éducation. il m'écrivit: "Faites donc ce que j'ai désiré que vous
soyez, chers jeunes, et je garderai confiance dans l'a­
Zèle pastoral. Monseigneur ne ménage pas les vi­ venir de notre petite patrie commune".
sites à ses ouailles, cherchant non seulement leur
bien spirituel mais encore leur bien-être matériel
par des projets tels les coopératives de pêche, d'é­ ÉVEQUE
lectricité, d'économie. Il est aussi tout à ses prêtres. Après huit ans de cette impulsion, le vicariat du
Deux faits en demeurent révélateurs. Un jour de 1943
il remplaça à brûle-pourpoint l'un de ses missionnai­ Golfe Saint-Laurent accéda au rang de diocèse et
res pour une tournée aux missions lointaines de Ma­ Monseigneur LaBrie en fixa le siège à Baie-Corneau.
nitou. Prenant place sur un cométique, il lança cette
phrase: "Cela me fait plaisir et me tire d'une inaction C'est de là que, le 30 avril 1948, il publia sa fa­
physique pénible". En 1944, il arriva de façon im­ meuse Lettre sur la Forêt dont le retentissement dé­
promptue auprès du Père Gallant, dont la Paroisse passa largement les cadres du diocèse et de la provin­
de Sainte-Thérèse des Colombiens se trouvait aux ce.
prises avec un feu de forêt. Le pauvre Père, à bout de
forces, ne put contenir son émotion et, comme un en­ L'évêque, en plus d'études personnelles et de
fant, se jeta dans ses bras. Monseigneur le réconfor­ nombreuses consultations auprès d'experts, s'était
ta et, lui promettant de veiller sur la paroisse, il l'in­ rendu aux pays scandinaves pour y observer certai­
cita à prendre du sommeil. nes expériences forestières plutôt avant-gardistes.
Souci de l'éducation. Le nouveau vicaire aposto­
lique se consacra corps et âme à l'éducation de son La lettre, comme son titre l'indique, exposait un
peuple. A force de ténacité, il fit d'abord du couvent plan complet d'aménagement et de conservation de
de Hâvre Saint-Pierre une École Normale pour for­ la forêt. Prévoyant qu'on lui reprocherait de s'im­
mer des institutrices. Puis, grâce à elles, il entreprit miscer dans le profane, il donna à son texte dès les
ensuite d'instaurer sur la Côte l'enseignement pri- premières lignes matière à refuter l'objection: "Au
cours de Notre carrière sacerdotale, déjà longue d'un
quart de siècle, et surtout depuis notre élévation à
l'épiscopat, nous nous sommes chaque jour arrêté à
méditer sur l'avenir de cette région qui Nous a vu naî­
tre et qui est maintenant confiée à nos soins de pas­
teur, Nous l'avons aimée d'un grand amour. Person­
ne plus que Nous n'a voulu la voir belle et prospère.
Certes notre premier souci a toujours consisté à cher­
cher son bien spirituel puisque c'est la très haute
fin de Notre charge, mais, comme pour servir Dieu a­
vec liberté et amour filial il faut toujours une certai­
ne somme de bien-être, Nous ne Nous sommes jamais
désintéressé de son bonheur temporel." Et, vers la
fin de son texte, il rappelait: " ... le ministère du
prêtre n'est pas profond tant qu'il n'engendre pas
des courants d'idées capables de remuer les masses".

Mais au-delà de l'aspect technique, la pensée du


document peut se cristalliser autour de deux grands
Un cométique principes:
104 SAGUENA YENS/A Mai-juin 1973

UN CRI À LA LIBERTÉ nistère des Terres et Forêts et monsieur Jean-Jac­


ques Bertrand, qui venait d'en être nommé titulaire,
En pleine ville fermée, il demanda qu'on libérât en fit part à Mgr LaBrie, lors d'une rencontre fortui­
son peuple des servitudes inhérentes à tel système, te. Celui-ci, selon sa devise, lui rétorqua charitable­
qu'on lui accordât "ce qui constitue le bien suprême ment mais non moins fermement: "C'est la première
de toute existence, la liberté, l'expression sans con­ fois sans doute qu'on en fait une lecture sérieuse au
trainte de son esprit d'initiative et de sa personnali­ Ministère''.
té".Et s'adressant aux ouvriers, il écrivait: "Oui, vo­
tre relèvement à vous, chère humanité travaillante. Sur le plan régional, la Lettre, qui traduisait
Nous sommes profondément sensible à votre sort. dans sa plénitude la personnalité de l'Évêque et sa
Si cette lettre constitue un grand effort pour sauver vision de l'avenir, marque le début d'une puissante
la forêt de la destruction, elle a surtout pour derniè­ poussée novatrice.
re fin de vous sauver, vous, d'une misère que vous a­
vez déjà connue et d'une déchéance dont vous auriez HAUTERIVE
à souffrir et dont Nous porterions l'ignominie com­
me une flétrissure à notre ministère. Dans ce but de A peine un an après la publication, Monseigneur,
relèvement, l'an dernier Nous avons inauguré la for­ se rendit à une dizaine de milles à l'ouest de Baie­
mation des Syndicats des Ouvriers en forêt ...Pour Corneau et là, en pleine terre inculte, il jeta les fonda­
Nous, chers ouvriers, vous ne serez jamais trop libres tions d'un évêché qui devait donner naissance à la
dans l'ordre, jamais trop heureux dans l'estime de Ville de Hauterive.Le site, sur un promontoire domi­
vos concitoyens". nant le Saint-Laurent et la Manicouagan, arracha
au Colonel McCormik cette parole: ''C'est ici que
UN APPEL À LA REVALORISATION D'UN PEUPLE j'aurais dü bâtir Baie-Corneau". Puis, ce furent l'é­
rection d'un Hôpital et l'inauguration d'un Collège
"Dans notre comté de Saguenay, écrivit-il, notre classique qu'on peut considérer comme le couronne­
peuple forestier est en train de devenir un peuple er­ ment de cette poussée sociale d'alors.
rant, un peuple de déclassés, un peuple incapable de
se fixer un mois au même endroit, ne trouvant que le
triste courage de gaspiller son grain et rarement celui
de fonder un foyer.On voit aller et venir par vagues,
en flux et reflux, pendant huit ou neuf mois de l'an­
née, cette migration de dix ou douze mille hommes.
Dans nos localités forestières, ils n'ont plus de fierté,
parce qu'ils portent sur eux la déchéance d'une clas­
se''.
Le remède: des villages forestiers faits de foyers
stables.
"Le meilleur moyen d'atteindre l'intelligence,
c'est de passer par le coeur. Le coeur de l'homme de­
mande l'amour et on ne l'arrache pas impunément à
son amour. S'il y a des coeurs d'hommes qui, par vo­
cation spéciale, à cause d'un amour surnaturel, sacri­
fient l'amour humain, dans la généralité des cas, il
faut à l'homme l'amour d'une femme qui soit la com­
pagne quotidienne de sa vie, son inspiratrice, d'une Év�ché et cathédrale de Hauterive
femme qui partage ses joies et ses misères, d'une Pendant ce temps, petit à petit, des demandes
femme qui prie avec lui et pour lui, d'une femme de municipalisation était introduites à Québec et
qui lui donne des enfants, qui soit avec eux sa rai­ acceptées. Des conseils scolaires se formaient. Du
son de travailler, le stimulant de son travail, son re­ coup, sans trop de soubresaut malgré tout, le sys­
pos chaque soir, ou tout au moins chaque dimanche. tème des villes fermées éclata et la respiration se fit
Là où vous trouverez le coeur de l'homme vous trou­ au moins un peu plus libre.
verez aussi son intelligence".
II- À la retraite
La Lettre souleva les réactions les plus diverses
et les plus vives.Pendant qu'en certaines universités . . . Comme si l'homme devait partir pour que
d'Europe on la commentait, ici on alla jusqu'à la si­ croisse le grain jeté en terre, un jour de 1956 Mon­
tuer au centre de querelles stériles. En Chambre, seigneur laissa la Côte-Nord. Aspirant à la médita­
Monsieur Duplessis, harcelé et ahuri par les ques­ tion et à la solitude, on lui demanda pourtant un der­
tions de !'Opposition sur le côté technique du docu­ nier acte d'obéissance en assumant sur le plan natio­
ment, lança: "Monseigneur LaBrie est comme moi, nal la présidence de l'Oeuvre de la Propagation de la
il ne connaît rien là-dedans". Les paroles avaient Foi. Rayonnant à nouveau de son sens de l'anima­
dépassé la pensée de l'ardent Premier Ministre, qui tion et de l'organisation, il dota l'Oeuvre des structu­
admirait l'évêque dont il avait dit un jour: "Celui­ res permanentes qu'on lui connaît aujourd'hui puis,
là, il sait se tenir debout". en 1968, il retourna chez les Eudistes, au calme de la
Communauté qu'il avait illustrée comme se doit un
Subséquemment, la Lettre fut regardée au Mi- fils bien né envers sa famille.
Mai-juin 1973 SAGUENA YENS/A 105

Monseigneur ne revint jamais sur la Côte-Nord.


Pourtant, il y vit toujours. Les neiges du Labrador
portent encore l'empreinte bénie des pieds du mis­ Cl,arade
sionnaire; la brise des forêts parle toujours des se­
cours spirituels que, même évêque, il apportait aux
travailleurs isolés; et il me semble que nos puissan­
tes rivières murmurent le dernier hymne qu'il com­ Tandis que mon premier se trouve dans la rose,
posa ici à la gloire du Très-Haut: Hérode le possède en son coeur, crois la chose.

"Soyez béni, Mon Dieu, pour ce pays du Sague­ • Mon deuxième est le nom populaire et joli
nay que vous nous avez donné. Soyez béni pour le D'un meuble que jadis presque tous ont rempli.
Golfe si riche et si beau dont vous l'avez bordé. Soyez
béni pour toutes ces puissantes rivières que vous y Mon troisième est ouvert entre monts ou collines;
avez fait couler. Soyez béni pour nos lacs, nos plaines Il est souvent peuplé, s'y pla1t qui y chemine.
et nos montagnes.
Mon tout nomme un tel qui fut un viceroi,
Soyez béni de nous avoir associés à vous pour ac­ Une ville, un canton... au Saguenay, je crois.
complir la perfection de votre création."
Robert Parisé

Un document inédit de 1541 < 1)


Nous recevons de Monsieur Roland Auger, des gneur de la maison noble de Lengon et ..............(sic
Archives du Québec, la photocopie d'un document en blanc) ausquels et a chacun d'eulx a donne et don­
qui appartient à l'époque primitive de l'histoire du ne par ces presentes tel et semblable pouvoir que a
Saguenay. dudict seigneur de Roberval par ladicte procuration
de laquelle la teneur s'ensuit.
Il s'agit d'une autorisation donnée au Sieur de
Roberval, à la date du 3 avril 1541, de puiser dans les A tous ceulx que ces presentes lectres verront Je­
prisons de France des sujets aptes à combler les effec­ han Doli, procureur et conseiller au bailiage de Sen­
tifs de colons qu'il doit amener commencer des éta­ lis, et Nicolas Lourdel notaire du roy nostre sire
blissements dans les pays de Canada, Ochelaga et Sa­ audict bailiage et Chastellenie dudict Senlis, gardes
guenay. des seaulx de la bailie, establys de par le Roy nostre
dict seigneur en ladicte chastellenie, Salut.''
Les excellents notaires De Rossignac et Debeleval
ont trouvé moyen de couvrir cinq pages de formules On aimera peut-être en lire la suite dans le texte
à répétitions pour indiquer au viceroi qu'il pouvait se même.
procurer un choix (!) de repris de justice (qui n'é­
taient pas tous des mécréants) pour fonder une Après ce préambule, qui se prolonge encore d'une
"Nouvelle France" outre-atlantique. demi-page, vient ce qui concerne les prisonniers.

L'autorisation en question vient après le début ..........le dit seigneur de Roberval en a baillé a.
solennel que voici. sesdicts commis, dessus nommés, le vidimus faict
sous le scel de la prevosté de Paris. Et ne faict reque­
"Saichent tous presens et advenir que, aujour­ rir et demander aux officiers desdicts bailiages senes­
dui dacte de ces presentes, pardevant moy notaire chaussées et pays de Poictou et autres dessus dictz
Arnault de Beleval, notaire royal, du nombre des tous les prisoniers, criminels qui sont et auront
quarante establys en la ville et cité de Bourdeaulx et en leurs prisons et conciergeries, pour d'iceulx en es­
Sennes chaussee de Guyenne, presens les tesmoings tre par ses dicts commis et depputés et chescungs
soulz escriptz et nommes, a esté personnellement d'eulx prins ceulx qui seront choysis et esleus, pour­
estably messire Guyschard de Rossignac, chevalier, veu que ce soyt du voloir et consentement desdicts
seigneur de Gournilh, lequel comme procureur de prisoniers, scellon et en tout ce qui dict est. Et que est
messire Jehan-Francoys de La Roque, chevalier, mande seullement faire au dict seigneur de Roberval,
seigneur de Roberval, lieutenant general pour le Roy, par les dictes lectres patentes du Roy, cy dessus dac­
nostre Sire, en certaine armee ordonnee par le Roy, tées, et que avant que pouvoir par ses dicts commis
en vertu de sa procuration a luy baillee pour ledict
seigneur de Roberval, a faict et substitue procureurs
dudict seigneur de Roberval: Jacques de Camiac, sei­
gneur de Pliault, Loys de Rostaing aussy escuyer, (1) Il ne faut pas coniondre ce document avec l'or­
seigneur de Latour, Henry Esteve aussy excuyer, sei- dre émanant du roi le 7 février 1541 sur le même sujet.
106 SAGUENA YENS/A Mai-juin 1973

et depputés, ou l'ung d'eulx, tirer hors desdicts pri­ pence, vouillage, conduicte que autre chouse, qui leur
sons lesdicts prisonniers, ils ayent achemyner et com­ seront neccessaires, pour les deux premieres années
pouser avec lesdicts prisoniers de telles sommes de dudict voyage transmarins et maritime, scellon la
deniers qu'ilz verront, pour estre tant pour leur des- capassité puyssance et garantie desdicts prisoniers.

La suite couvre deux pages et demie et se termine Nous avons cru opportun d'ajouter à l'histoire
par la formule d'identification: cette pièce documentaire d'importance assez minime
mais non sans intérêt.
''Faict en la ville et cité de Bourdeaulx le tiers Victor Tremblay
jour d'apvril l'an mil cinq cens quarante ung, es pre­
sences de Pey Pranson, faure, Bertrand Lamoreulx,
Jehan Menault, hostellier et Raymond Grytif de­
meurans en la parroysse de Sainct Remy dudict Cette pièce documentaire vient des "Archives départe­
Bourdeaulx, tesmoings a ce appelés et requis. De mentales de la Gironde, 3E 1066. Minutes de Debeleval
Rossignac, Debeleval notaire royal.'' notaire royal".

,.

Simard Limitée
Hôtel Frontenac (Delson) Lt·ée

The Hibiscus States Co. Ltd. (St-Lucia, W.I)


PHILIPPE SIMARD
PRESIDENT
Mai-juin 1973 SAGUENA YENS/A 107

La Cabane de la Grande Salle


au Séminaire d_e Chicoutimi
On l'appelait "Cabane" et c'était bien attribué,
car elle ressemblait vraiment à une cabane par son
allure rustique et par sa dimension restreinte. Elle
était située entre les deux talus de la cour des grands
élèves, en ligne avec la frontière nord-ouest et à l'om­
bre des gigantesques saules.
A l'intérieur, elle avait l'air d'une vraie boutique
et elle l'était aussi; car c'est là qu'on réparait diffé­
rentes choses: pelles, barouches, chaises, hockey,
palettes pour le jeu de balle au mur, raquettes de ten­
nis, etc., etc... .
A chaque année, trois responsables étaient nom­
més par le premier maître de la "grande salle" (sal­
le des grands), pris dans la classe des finissants. En
1936, au début de septembre, cette responsabilité
tomba sur trois finissants bien distinctifs et des plus
variés en dimensions et poids: le premier un tout
petit élève, d'environ quatre pieds et demi, mais im­
posant par sa langue et son autorité; le deuxième
un élève moyennement grand mais joufflu et bedon­
nant et surtout plein de sagesse; le troisième un·
grand élève d'environ six pieds, svelte, peu loquace
et assez fort à ses heures. On lui attribua même -
du moins le bruit couru à la grande salle - d'avoir,
à la tombée de la nuit et dans un moment de mécon­
tentement renversé toutes les bandes de la patinoi­
re, le 4 novembre. Mais les choses furent rectifiées un
peu plus tard: c'était un grand vent fou qui avait ren­
versé ces bandes de bois pas assez solides, tenant à
des petits piquets pas assez enfoncés dans la terre.
Or, ces responsables étaient: Paul Boily, Benoît Rive­
rin et Arthur Daniel.

A la Cabane, 1937: Clément Lavoie bricole, Arthur Daniel


finit sa guitare. - Photo A. Daniel.

temps de froid rigoureux, etc. Mais elle avait aussi


ses bons moments de petites douceurs: aller tirer
une touche permise à l'usine ou ailleurs, se sentir
parfois au-dessus des autres par sa fonction de res­
ponsable et surtout se coucher quelques fois auprès
des autres élèves.
C'est indéniable, la cabane avait sa grande utilité
pour répondre à différents besoins ou services pour
les élèves en général; mais elle avait aussi son utilité
Bon moment à la Cabane: Arthur Daniel, Gabriel Plamon­ pour développer les talents de certains élèves abon­
don, Joseph Coulombe et Paul Boily. - Photo A. Daniel. nés à la pyrogravure, la menuiserie, le bricolage, le
découpage sur bois, etc. Il y eut même fabrication
d'instruments de musique. C'est ainsi que moi-mê­
Cette fonction de maîtres de la cabane, comme me, Arthur Daniel, réussis à fabriquer une guitare
on les appelait, comportait parfois de rudes beso­ dans des conditions assez pénibles: peu de choix dans
gnes, telles par exemple organiser les jeux d'hiver, la qualité du bois, outils rudimentaires et limités, é­
faire la patinoire et surtout faire la glace par des clairage à la lampe à l'huile de charbon, température
108 SAGUENA YENS/A Mai-juin 1973

Joueurs de guitare, au Chemin Sydenham, 1937: Jules Thibeault, Albert Tremblay, Arthur Daniel. - Photo Daniel.

peu confortable surtout en hiver, manque de temps verin, le dimanche matin dans certaines classes,
ou peu de temps disponible entrecoupé par les séan­ mais sans auditeurs, parce que en dehors du règle­
ces d'étude, de classe, ou par le règlement rappelé au ment. Et aux beaux jours du printemps, quelquefois
son de la cloche. Et cette guitare fabriquée avec pei­ à la dérobée, on allait jouer à l'ombre des cyprès dans
ne et misère, mais aussi avec minutie et suivant les le chemin Sydenham. C'est ainsi que la "Cabane"
lois de la résonnance du son, avait toutes les qualités savait nous procurer des choses utiles et agréables et
d'une guitare neuve achetée. Aussi son auteur avec qu'elle méritait sa renommée.
d'autres guitaristes, donnaient souvent de vrais pe­
tits concerts accompagnés au piano par Benoit Ri- Arthur Daniel, ptre

La Cabane en toilette d'hiver - vers 1920.


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