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CONSEIL D'ADMINISTRATION
DE LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE DU SAGUENAY
COMITÉ D'HISTOIRE
M. l'abbé Raoul Lapointe
M. Sabin Caron
M. Roland Bélanger
ILLUSTRATION DE LA COUVERTURE
Aucune reproduction n'est autorisée sans le consentement écrit de l'auteur d'un arti
cle signé ou celui de la Société Historique du Saguenay pour les textes non signés.
SAGUENAYENSIA Editorinl
On a remarqué que les mariages de la région ont été absents de quelques numé
ADRESSE: ros de notre revue. Nous tenons à signaler que ce n'est pas un abandon de cette catégo
rie de nos articles mais simplement une question de retard dans la marche de la prépa
C.P. 456 ration des listes, laquelle réclame un travail énorme, et les loisirs que l'auteur consacre
Chicoutimi, G7H 5C8 à cette tâche n'étant pas suffisants, occupé qu'il est par des devoirs professionnels
Téléphone: 549-2805 stricts et par des engagements dans nombre de fonctions et d'oeuvres exigeantes.
Imprimeur: On ne soupçonne peut-être pas ce qu'il en coûte de travail pour faire le relevé
Le Progrès du Saguenay, Ltée. exact des mariages et surtout pour établir la filiation des conjoints et le point de ratta
316, avenue Labrecque, Chii:outimi
che du père et de la mère de chacun d'eux avec leur lignée accessible.
Abonnement par année: $5.00 Il en coûte ordinairement environ cent dollars pour faire résoudre ce quadruple
Abonnement de soutien: $10.00 problème par les instituts spécialisés en généalogie. Cela représente donc, pour les 85
mariages recensés dans un numéro de la revue, une valeur de $850 mise gratuitement
Courrier de la deuxième classe à la disposition des familles de notre région, et tous les descendants de chacun des
Enregistrement No 0849. couples mentionnés - lesquels sont entre trente et trois cents pour chaque couple,
Dépôt légal le trimestre 1972
Bibliothèque nationale du Québec selon l'ancienneté - peuvent bénéficier de cette clé pour faire eux-mêmes le relevé de
leur lignée ancestrale. En fait plusieurs en profitent; les demandes d'informations sup
plémentaires qui nous arrivent en sont une preuve. On comprend que les mariages
soient, avec les mémoires d'anciens, un des appoints les plus réclamés parmi les divers
SOMMAIRE sujets présentés dans Saguenayensia.
Pages
On a dû remarquer aussi que les feuilles qui contiennent les listes des mariages
Éditorial ....................... 73 sont placées au milieu de la revue, pour permettre aux généalogistes de les retirer, s'ils
Les Soeurs Antoniennes de Marie-
veulent les grouper ensemble pour former un volume plus commode à consulter que
Mgr O.-D.Simard ........... 74
les numéros eux-mêmes, et cela sans déranger les articles ou en amputer des parties.
Superstitions des Montagnais-
Mgr Victor Tremblay ....... 78
La classe d'Affaires au Séminaire- Maintenant que les mariages des plus anciennes familles ont été recensés jus
Mgr Albert Tremblay ....... 81 qu'à l'année 1911 - date limite du dépôt des registres du Lac Saint-Jean au greffe de
Le Père-Thomas- Chicoutimi, où l'auteur peut les consulter - celui-ci va reprendre le relevé des maria
Mtre W.-Hidola Girard ...... . 84 ges des localités du Bas-Saguenay, interrompu précédemment à l'année 1870 pour
Le Lt-col. B.-A. Scott- éviter de retarder trop longtemps la publication de ceux du Haut. Il commencera par
Léonidas Bélanger ......... 88 ceux de Chicoutimi de 1871 à 1911, et ceux des autres localités suivront dans le même
Mémoires d'un ancien- ordre que précédemment.
Johnny Tremblay "Boise" .. 93
Côte-Nord: culture, bois, pêche- On nous permettra de lui accorder encore le temps de "respirer" entre deux tran
Comte Henri de Puyjalon ... 95 ches de ses séries quand la nécessité l'y obligera et nous profitons de la présente occa
Nombre d'élèves au Séminaire ... 100 sion pour lui exprimer, au nom de la revue et de ses lecteurs, l'appréciation de son mé
Mgr N.-A. Labrie- rite et les plus chaleureux remerciements.
Robert Parisé ............... 101
Un document inédit de 1541- De plus nous invitons ceux et celles qui constateraient des erreurs ou des lacu
Mgr Victor Tremblay ........ 105 nes à nous communiquer les renseignements qu'ils pourraient nous fournir; nous te
. La Cabane de la Grande Salle- nons à donner à cette revue une solide valeur documentaire et à y insérer les correc
Abbé Arthur Daniel .......... 107 tions opportunes quand elles ont une importance suffisante.
La direction.
74 SAGUENA YENS/A Mai-juin 1973
Elles ont été fondées en 1904, par le Séminaire et l'entretien de deux chapelles, 520 repas à servir tous
pour le Séminaire. C'est pourquoi la formule de pro les jours et à desservir, 194 lits à faire. Et puis évidem
fession, après le prononcé des voeux, comporte: "Je ment l'entretien du couvent.
promets de me consacrer entièrement à !'oeuvre des
Séminaires, selon les Constitutions de l'Institut des Si on ajoute à cela que dans le vieux Séminaire,
Soeurs Antoniennes de Marie''. celui qui a été incendié en 1912, l'organisation était
très rudimentaire, on devine un peu à quel rythme
Ces pages ne sont pas une vue d'ensemble, encore il a fallu trimer.
moins une histoire de la Communauté. Elles se pro
posent simplement de mettre un peu en relief les ser _ Les années 1912-1913 et 1913-1914 ont été plus
vices que les Antoniennes ont rendus au Séminaire. dures encore. Ce fut l'installation de fortune dans
l'Académie des Frères, où rien n'était aménagé pour
Officiellement elles sont nées le 15 août 1904 et, un pensionnat, où tout dut se faire en vitesse et avec
du coup, elles ont été associées à !'oeuvre du Sémi le maximum d'économie. Parler d'années héroïques
naire. Nous n'hésitons pas à dire que ce fut un des n'est sûrement pas exagéré.
grands jours du siècle qu'a vécu le Séminaire diocé
sain. En 1914, le Séminaire neuf ouvrait ses portes.
Pour le temps, c'était une maison très moderne. Mais
Rappelons-nous les pensionnats de ce temps-là, qu'on était loin des facilités et commodités dont on
ou, si nous sommes jeunes, essayons de les imaginer. jouit aujourd'hui! Que de place il restait pour des pas
Pour les pensionnaires, c'était leur nouveau foyer à faire, des efforts des main� et des bras à fournir, des
familial. Ils y passaient 300 jours par année, et 24 coups d'oeil à jeter pour voir où l'on est! Aujourd'hui
heures par jour. Les parloirs étaient les apparte on regarde les choses se faire et c'est l'électricité qui
ments les moins employés. Pour ma part, en sept an assure à peu près tout ce qui demande un déploie
nées d'études, j'y suis allé deux fois. Par la force des ment de force.
choses, nous devenions les enfants de la maison. Les
liens qui se sont créés nous ont marqués pour la vie. Entrons un peu dans la cuisine et les réfectoires;
Revoir un confrère, même après bien des années, car il y en avait deux: celui des prêtres et ecclésiasti-
c'est chaleureux comme rencontrer un frère. De mê
me revoir un ancien maître de salle, un ancien pro
fesseur, directeur ...
ques et celui des élèves. Il faudrait même dire trois, que bien en chair et à point pour une belle bouche
les serviteurs ayant leur coin à eux. Et pourquoi ne rie. Le beurre, lui, somnolait assez longtemps dans
pas dire quatre? Les Soeurs mangeaient, elles aussi. les tinettes et il lui arrivait de profiter de ce loisir
Et il ne fallut pas bien des années pour qu'elles soient pour tourner au rance.
20,30,40,50,60.
Les Soeurs savaient tout cela mieux que n'impor
Sans entrer dans les détails, on devine de ce côté te qui. Elles faisaient des prodiges d'ingéniosité pour
une somme énorme de travail. Mais le pire, c'est que remédier, pour corriger: des prodiges tout de même
les pauvres Soeurs devaient s'en tirer avec ce qu'on qui n'allaient pas jusqu'au miracle. Et leur situation,
leur mettait dans les mains. Et on était loin de l'ère "au carreau", face à une clientèle de jeunes esto
des beaux produits soigneusement classés, artisti macs toujours bien en forme, n'apportait pas que des
quement empaquetés et respectant scrupuleusement consolations.
les exigences de l'hygiène et les normes qui regar
dent les calories et les vitamines. Il ne faut cependant pas croire que nous étions
au régime des camps de concentration. Si les capri
Ce qu'on leur mettait dans les mains! D'abord le cieux n'y trouvaient pas leur compte, les raisonna
Séminaire était pauvre comme du sel. Il mettait ce bles s'en tiraient fort convenablement. Je connais
qu'il pouvait, plutôt moins que plus, et ce qui coûtait des élèves qui ont refait leur santé au Séminaire; je
le moins cher. n'en connais pas qui soient morts de faim. Faut-il
ajouter que certains mets ont connu la gloire et sont
Et puis la plupart des pensionnaires étaient des passés à la postérité: telles les fèves au lard, tel le ha
fils de cultivateurs. Ce qui amenait totalement des chis ...
paiements en nature. Quand c'était des poches de
patates ou de légumes qui entraient dans les caves, Maintenant allons faire un petit tour à la buan
il n'y avait pas de quoi s'alarmer. Quand c'était de derie. Même au Séminaire neuf, il nous faut pénétrer
l'agneau, on avait bien des chances de manger ... du dans un sous-sol pas du tout invitant. C'est le lundi
mouton. Quant au boeuf, généralement c'était de la matin. Dès les premières années, c'est presque deux
vache et il n'avait pas toujours mérité la mort parce cents sacs de linge qui se donnent rendez-vous, sans
/
les a voulues là parce qu'il attendait d'elles une con recteur, il est un peu gene, mais avec la grande
tribution précieuse et nécessaire à l'efficacité de Soeur, ça parle tout seul. Et il pose ses petits problè
l'oeuvre. Et Dieu n'a sûrement pas été déçu; car elles mes et il raconte ses petites peines. Et la grande
ont donné sans compter. soeur fait comme maman. Et le petit bonhomme
part tout ragaillardi et plein d'élan pour reprendre
On peut penser que ces réflexions ont voulu être la tâche.
aimables pour les Soeurs. Mais les bons sentiments
colorent facilement les choses. Si elles reposaient sur Des riens, avons-nous envie de dire! Des riens . . .
des faits, elles seraient plus convaincantes. qui sont des grâces du Bon Dieu. Des riens qui, en se
répétant, finissent par faire des miracles. Des riens
Il y a une constatation qui me frappe et que je qui sont justement les causes secondes dont Dieu se
trouve éloquente. Presque chaque Soeur a déclenché sert.
autour d'elle comme un mouvement de vocations.
C'est un frère plus jeune, c'est un neveu, c'est un Et la grande soeur prie de son mieux pour le petit
cousin, ou quelqu'un qui est dans le sillage de la pa frère, la tante pour son neveu, et la cousine pour son
renté. Parfois c'est toute une paroisse qui semble in cousin. Et à la fin, il y a un prêtre de plus. Combien
fluencée et qui donne des soeurs et des prêtres. Dans y en a-t-il eu de plus parce que les Antoniennes ont
certaines familles, il y a eu une sorte de concours de été là?
vocations entre les filles et les garçons.
Voilà des pages modestes, qu'il nous fait plaisir
Dans ce phénomène, il y a l'action de Dieu, bien d'écrire. Nous les avons commencées surtout avec la
sûr. Mais Dieu se sert des causes secondes. Dans les tête, nous les achevons surtout avec le coeur. Il le
cas, les causes secondes, ce sont les Soeurs. Je ne puis fallait puisque la reconnaissance est un sentiment.
voir les choses autrement. Il nous a fait plaisir de rendre ce témoignage aux An
toniennes de Marie. Nous sommes seul à le signer,
Si le parloir du couvent pouvait parler, il nous mais nous croyons ferme que toute une génération de
rapporterait bien des petites scènes intéressantes. Le prêtres du Séminaire le signeraient.
petit frère vient voir sa grande soeur. Avec M. le Di- 0.-D. Simard, ptre.
Histoire du Saguenay
petites pierres ou petits cailloux pour faire du bruit. vente tous les jours de nouvelles pour tenir son mon
Le diamètre des plus grands tambours est de deux de en haleine et pour se rendre recommandable...
palmes (2) ou environ. Ils le nomment chichigouan . ..
Ils ne le battent pas comme font nos Européens, mais ''Ces pauvres ignorants chantent aussi dans
ils le tournent et remuent pour faire bruire les cail leurs peines, dans leurs difficultés, dans leurs pé
loux qui sont dedans, ils en frappent la terre, tan rils et dangers; pendant le temps de notre famine
tôt du bord tantôt quasi du plat, pendant que le sor je n'entendais par les cabanes, notamment la nuit,
cier fait mille singeries avec cet instrument. Sou que chants, que cris, battements de tambours et au
vent les assistants ont des bâtons en main, frappant tres bruits... "
tous ensemble sur des bois ou manches de hache
qu'ils ont devant eux ou sur leurs ouragans, c'est Le chroniqueur raconte ici longuement des scè
à-dire sur leurs plats d'écorce renversés. nes de superstition soi-disant pour se défaire d'un
sorcier malfaisant qui demeurait au loin, vers la Gas
''Avec ce tintamarre ils joignent leurs chants et pésie. Et il continue, toujours un sujet des Monta
leurs cris, je dirais volontiers leurs hurlements, tant gnais.
ils s'efforcent parfois; je vous laisse à penser la belle
musique. Ce misérable sorcier avec lequel mon hôte "Leur religion ou plutôt superstition consiste
et le renégat m'ont fait hiverner (3) a failli me faire encore à prier; mais quelles oraisons font-ils? Le
perdre la tête avec ses tintamarres... matin les petits enfants sortant de la cabane s'é
crient à pleine tête: Cacouakhi Pakhais A mscoua
"Ils se servent de ces chants, de ce tambour et khi, Pakhais Mousouakhi, Pakhais (venez Porcs-é
de ces bruits ou tintamarres dans leurs maladies... pics, venez Castors, venez Elans). Voilà toutes leurs
Je me lasserais d'écrire et vous ennuierais fort si je prières.
voulais vous faire lire la dixième partie de ce qui m'a
souvent lassé quasi jusqu'au dernier point. Parfois "Les Sauvages, s'ils éternuent et quelquefois mê
cet homme entrait en furie, chantant, criant, hur me en autre temps, disent pendant l'hiver, criant
lant, faisant bruire son tambour de toutes ses for tout haut: Etouctaian miraouinam an Mirouscami
ces; pendant cela les autres hurlaient comme lui et khi (je serais bien aise de voir le Printemps).
faisaient un tintamarre horrible avec leurs bâtons,
frappant sur ce qui était devant eux; ils faisaient "D'autres fois je les ai oui demander le Prin
danser des jeunes enfants, puis des filles, puis des temps ou la délivrance du mauvais et autres choses
femmes; il baissait la tête, soufflait sur son tambour, semblables; tout cela se fait par désirs qu'ils expri
puis vers le feu, il sifflait comme un serpent, il rame ment; criant tant qu'ils peuvent: Je serais bien aise
nait son tambour sous son menton, l'agitant et le que ce jour continuât, que le vent se changeât, etc.
tournoyant, il en frappait la terre de toutes ses for De dire à qui ces souhaits s'adressent, je ne saurais,
ces, puis le tournoyait sur son estomac; il se fermait car eux-mêmes ne le savent pas, du moins ceux à
la bouche avec une main renversée et de l'autre vous qui j'ai demandé de me le dire.
eussiez dit qu'il voulait mettre en pièces ce tambour
tant il en frappait rudement la terre; il s'agitait, il "J'ai remarqué qu'ils prient le Manitou de ne
se tournait de part et d'autre, faisait quelques tours point jeter les yeux sur leurs ennemis, afin qu'ils
à l'entour du feu, sortait hors de la cabane, toujours puissent les tuer. - Voilà toutes les prières que j'ai
hurlant et bruyant; il se mettait en mille postures; oui faire aux Sauvages, je ne crois pas qu'ils en aient
et tout cela pour me guérir. d'autres.
"Voilà comment ils traitent les malades. J'ai "J'oubliais de dire ici qu'ils ont une espèce de sa
croyance qu'ils veulent conjurer la maladie ou épou crifice, car ils jettent au feu de la graisse qu'ils re
vanter la femme du Manitou, qu'ils tiennent pour cueillent sur la chaudière où cuit la viande, disant:
le principe et la cause de tous les maux. Papeouekou, Papeouekou (Faites-nous trouver à
manger)...
''Ils chantent encore et font ces bruits en leurs
sueries; ils croiraient que cette médecine est la meil "Les Sauvages sont encore fort religieux envers
leure de toutes, celles qu'ils ont ne leur feraient rien leurs morts. Mon hôte et le vieillard dont j'ai sou
s'ils ne chantaient pas en suant... S'ils font suerie vent fait mention m'ont confirmé que le corps mort
pour se guérir ou pour avoir bonne chasse ou pour du défunt ne sort point par la porte ordinaire de la
avoir beau temps, rien ne se ferait s'ils ne chan cabane, mais on lève l'écorce à l'endroit où l'homme
taient... est mort pour faire passer son cadavre. De plus, di
sent-ils, l'âme sort par la cheminée ou ouverture
''Ils chantent et battent le tambour aussi en qu'ils font au haut de leurs taudis; ils frappent à
leurs festins... Je les ai vus faire de même en leurs coups de bâton sur leurs cabanes afin que cette âme
conseils... Pour moi, je me doute que le sorcier en in- ne tarde point et qu'elle ne s'accoste de quelque en
fant, car elle le ferait mourir. Ils enterrent les ro
bes, les chaudières et autres meubles avec le trépas
sé, parce qu'ils l'aiment et aussi afin qu'il se serve de
(2) Mesure italienne, équivalant à la largeur de la main é l'âme de toutes ces choses en l'autre vie. Ils jettent
tendue. au feu la meilleure viande qu'ils aient, pour en don
(3) Nous raconterons dans un prochain chapitre cet hiver ner à manger à l'âme du défunt, qui mange l'âme de
nement. cette viande. Ils n'étendent point les corps de leur
80 SAGUENAYENSIA Mai-juin 1973
long comme nous faisons en les ensevelissant; mais point. Il neigeait et faisait un temps fort fâcheux, il
ils les accroupissent comme une personne qui est as était quasi nuit, les femmes et les filles sortirent et
sise sur ses talons. Ils coupent un petit toupet de che s'en allèrent cabaner ailleurs le mieux qu'elles pu
veux du défunt pour le présenter à son plus proche rent non sans pâtir beaucoup...
parent.
"En troisième lieu, il faut bien éloigner les
"Les façons d'agir que je viens de rapporter con chiens, de peur qu'ils ne lèchent le sang ou ne man
cernent en quelque façon leur religion; les suivantes gent les os, voire les excréments de cette bête. On en
se peuvent proprement appeler superstitions. terre ceux-ci sous le foyer et on jette ceux-là au feu...
Le lendemain, sur la nuit, l'ours étant entièrement
''Les Sauvages (Montagnais) ne jettent point aux mangé, les jeunes femmes et les filles revinrent.
chiens les os des castors et des porcs-épics femelles,
du moins certains os déterminés; ils prennent garde "Si l'oiseau qu'ils nomment Ouichcatchan, qui
très soigneusement que les chiens ne mangent aucun est quasi de la grosseur d'une pie et qui lui ressem
os des oiseaux et des autres animaux qui se prennent ble, ... se présente pour entrer dans leur cabane, ils
au lacs (noeud coulant, collet), autrement ils n'en le chassent fort soigneusement, parce que, disent
prendront plus qu'avec des difficultés incompara ils, ils auraient mal à la tête... Je les ai vus prendre
bles, tandis qu'il leur importe peu que les vertèbres le gésier de cet animal, le fendre et regarder dedans
ou le croupion de ces animaux soient donnés aux fort attentivement; mon hôte me dit: "Si je trouve
chiens; pour le reste il faut le jeter au feu. Toutefois "dedans un petit os d'ours je tuerai un ours, et ainsi
pour le castor pris à la rets le meilleur est de jeter "des autres animaux".
ses os dans un fleuve... '' Devant que le castor soit
"mort tout à fait, me dirent-ils, son âme vient faire Dans la famine que nous avons endurée nos Sau
"un tour à la cabane de celui qui le tue et remarque vages ne voulurent point manger leurs chiens, parce
"fort bien ce que l'on fait de ses os; si on les donnait que si on tuait un chien pour le manger, disaient
''aux chiens les autres castors en seraient avertis...'' ils, un homme serait tué à coups de hache.
"Ils croient que la grêle a de l'esprit et de la con
naissance. Comme mon hôte faisait festin pendant "Mon hôte jetant quelques branches de pin dans
cet hiver, il dit à un jeune homme: "Va-t-en avertir le feu, prêtait l'oreille au bruit qu'elles faisaient en
"les Sauvages de l'autre cabane qu'ils viennent brûlant, prononçant quelques paroles; je lui deman
"quand ils voudront, que tout est prêt, mais ne por dai pourquoi il faisant cette cérémonie: "Pour pren
"te point de flambeau". Il était nuit et il grêlait fort "dre des porcs-épics", me répondit-il.
et ferme. J'entends les Sauvages sortant de leurs ca
banes crier à leurs gens: "Ne vous éclairez point, car
"il grêle". Je leur demandai par après la raison de ''Ils ne mangent pas la moelle des vertèbres ou
cela; on me répondit que la grêle avait de l'esprit et de l'épine du dos de quelque animal que ce soit, car
qu'elle haîssait la lumière..., que si on portait des ils auraient mal au dos, et s'ils fourraient un bâton
flambeaux dehors elle cesserait, ce dont ils seraient dans ces vertèbres ils sentiraient une douleur com
bien marris, car elle sert à prendre l'orignal. me si on le fichait dans les leurs.
"Mon hôte coupait par superstition le bout de la "Ils ne mangent point les petits embrions d'ori
queue de tous les castors qu'il prenait et les enfilait gnal, qu'ils tirent du ventre de leurs mères, sinon à
ensemble; le vieillard me dit: "C'est une résolution la fin de la chasse de cet animal; la raison est que
"ou une promesse qu'il a faite afin de prendre beau leurs mères les aiment et qu'elles s'en rendraient fâ
"coup de castors". cheuses et difficiles à prendre si on mangeait leur
fruit si jeune.
"Ils mettent au feu un certain os plat de porc
épic; puis ils regardent à sa couleur pour savoir s'ils
feront bonne chasse de ces animaux. ''Le sorcier les assemble souvent en plein minuit,
à deux heures, à trois heures du matin, dans un froid
"Quand quelqu'un d'eux a pris un ours il y a bien qui gèle tout; jour et nuit il les tient en haleine, em
des cérémonies avant qu'il soit mangé. Un de nos ployant non une ou deux heures, mais trois ou qua
gens en prit un; voici ce qu'on observa. tre de suite à faire leurs dévotions ridicules; on fait
sortir les pauvres femmes de leurs cabanes, se levant
"Premièrement, l'ours étant tué, celui qui l'a mis en pleine nuit, emportant leurs petits enfants parmi
à mort ne l'apporte point, mais s'en revient à la ca les neiges chez leurs voisins; les hommes, harassés
bane en donner la nouvelle, afin que quelqu'un aille du travail du jour, ayant peu mangé et couru fort
voir la prise comme chose précieuse; car les Sauva longtemps, au moindre cri quittent leur sommeil et
ges préfèrent la chair d'ours à toute autre viande... s'en viennent promptement au lieu où se fait le sab
bat; et, ce qui semblera au-delà de toute créance; je
Secondement, l'ours apporté, toutes les filles n'ai jamais vu former aucune plainte parmi eux, ni
nubiles et les jeunes femmes mariées qui n'ont point aux femmes ni aux hommes ni même aux enfants,
encore eu d'enfant, tant celles de la cabane où l'ours chacun se montrant prompt et allègre à la voix du
doit être mangé que celles des autres voisines, s'en sorcier ou du jongleur.''
vont dehors et ne rentrent point tant qu'il y reste
aucun morceau de cet animal, dont elles ne goûtent V.T.
Mai-juin 1973 SAGUENAY ENS/A 81
La Classe d'Affaires vers 1898-1899. - On peut identifier, Lacombe; debout, à gauche: Gustave Warren et l'abbé Jean
assis, en arrière des 3 têtes baissées (de gauche à droite): Bergeron; au bureau, de face: Joseph Duguay et Joseph For
1. Léon Pelletier, 2. Joseph Lapointe, 3. (?), 4. Eugène Trem tin, entre eux: Edgar Maltais; le grand de côté: Tancrède
blay "Romaine", 5. Hector Warren, 6. Éméric Boily, 7. (à Villeneuve.
demi caché) Alphonse Bonenfant, 8. (très penché) Armand
ces caissiers et de ces comptables qui sont devenus Eugène Tremblay de Bagotv.ille,
gérants. Les caisses populaires, les magasins, plus Adjutor Lamarre et Edmond-Louis Maltais de
tard l'Alcan se faisaient un devoir de prendre en hau Chicoutimi.
te considération les demandes de positions que nos
jeunes présentaient. Bref ce que le Séminaire avait Le successeur de M. Jean Bergeron à la direc
désiré et espéré allait se réaliser de 1898 à 1942. Il se tion de la classe fut M. l'abbé Joseph Tremblay, futur
rait curieux de faire une enquête complète sur la pla procureur du Séminaire. En 1915 il se mit à l'oeuvre
ce qu'ont prise ces jeunes dans le commerce et l'in et pendant 4 ans il continua le travail ardu de son
dustrie, au Saguenay et ailleurs. Bilan qui nous ré prédécesseur. En 1918 M. l'abbé Joseph Lévesque,
jouirait grandement. futur curé-fondateur de Sainte-Thérèse d'Arvida, le
remplaça et tout allait comme dans le meilleur des
Voici à titre de souvenir les premiers certificats mondes. Nommé économe du Séminaire en 1918, à la
ou diplômes décernés en 1898-1899-1900. fin de l'année scolaire, il fut remplacé par moi-mê
me, l'abbé Albert Tremblay. J'étais au grand Sémi
1899: Louis-Joseph Lévesque de Bagotville, naire et je préparais des études théologiques sérieu
Serge Villeneuve de Chicoutimi, ses avec mon confrère M. Omer Carrier lorsque M.
Joseph Duguay et Simon Laforêt de Chicou Morel, préfet des études, vint me voir et me décida
mi, d'orienter mon avenir dans la classe d'affaires. J'a
vais fait la classe commerciale à l'Académie des Frè
1900: Thomas (Tom) Topping des Escoumins, res Maristes à Chicoutimi et, me disait-il, ''Vous a
Edgar Gauthier, Germain Asselin et Edgar vez tout ce qu'il faut pour prendre la relève de votre
Maltais de Chicoutimi, prédécesseur". Et me voilà en 1919 orienté vers le
Mai-juin 1973 SAGUENA YENS/A 83
La Classe d'Affaires, année 1925-1926. - (de 9auche à droi Fortin; 3e rangée: 1. Philippe Rochette, 2. Robert Hoving
te) en avant: 1. (?), 2. Elzéar Dallaire, 3. Roland Angers, ton, 3. Thomas-Louis Fortin, 4. Rodrigue Plamondon, 5.
4. Edmond-Louis Vaillancourt, 5. Patrice Gauthier, 6. Eu Pierre-Eugène Riverin, 6. Stanislas Kérouac, 7. Jean-Jac
clide Lagacé, 7. Willie Coudé, 8 Paul-Émile Simard, 9. René ques Girard; en arrière: 1. abbé Eugène Fortin, 2. Maurice
Côté; 2e rangée: 1. Thomas-Eugène Grenon, 2. (?), 3. Jo Gauthier, 3. (?), 4. abbé Eugène Tremblay, 5. Georges-Émi
seph-Edmond Gagnon, 4. Raphaël Guay, 5. (?), 6. Gabriel le Vézina, 6. abbé Philibert Morel, 7. Robert Harvey, 8. abbé
Cloutier, 7. Charles-Alphonse Bouchard, 8. Thomas-Louis Albert Tremblay.
84 SAGUENAYENSIA Mai-juin 1973
Je crois pouvoir affirmer que la formation que me par les sciences, les mathématiques et autres ma
l'on donnait aux élèves était sérieuse et solide. Le tières commerciales; il y avait la formation culturel
professeur principal, responsable de la classe, était le, sociale, religieuse. Nos futurs hommes d'affaires
généralement bien appuyé par les professeurs des ont eu l'avantage de la recevoir, solide et complète,
matières secondaires. Il y avait de l'entente entre les où les notions d'honnêteté, de dignité personnelle,
différents cours que l'on y donnait et le résultat était les convictions et l'entraînement étaient largement
merveilleux. C'est ainsi qu'à l'enseignement du droit mises à contribution. Je crois que le Séminaire en ce
commercial, qui comprenait l'étude des contrats, des domaine n'a pas failli.
achats et ventes appuyée sur les références du Code
Civil, était précieux pour les futurs commerçants. S'y Après 20 ans de classe, j'ai laissé la succession à
ajoutaient des chapitres développés sur les effets de M. l'abbé Paul-Émile Côté, qui sut maintenir. Mais
commerce, les lettres de change, les faillites, et de en 1940, vu l'augmentation trop grande des élèves du
temps en temps un avocat de la ville venait donner de Séminaire et vu l'existence de nombreuses écoles de
plus amples détails ou des informations pratiques qui commerce ouvertes un peu partout dans la région, le
éclairaient les problèmes proposés. Je prenais de Séminaire décida de fermer cette classe et de se con
Montréal des cours par correspondance aux Hautes sacrer uniquement au classique. Les deux années du
Études commerciales lorsque cette école de haut-sa dernier groupe écoulées ce fut la fin de la classe d'af
voir fut créée. Nous avions aussi recours à l'étude faires, qui avait duré 42 ans et préparé au-delà de 700
détaillée des rapports financiers de municipalités hommes d'affaires, qu'il serait souhaitable de suivre
scolaires et civiles, qui prenaient beaucoup d'am dans la carrière pour constater le rôle important
pleur dès 1925. Je puis affirmer que notre classe d'af qu'ils ont joué dans la société. Cette réalisation est
faires était à la page. Et la langue anglaise recevait u au crédit du Petit Séminaire de Chicoutimi. Nous lui
ne attention particulière. en rendons hommage.
Mais on ne forme pas seulement un jeune hom- Albert Tremblay, p.d.
Au Séminaire
Le Père- Thomas
À mesure que nous grimpions les échelons du Le climat était favorable au foisonnement de ces
cours classique, nous entendions de plus en plus par récits inédits, inoliis, incroyables. Pensionnaires,
ler du Père-Thomas. Ce n'était pas un nom ordinaire nous vivions en vase clos. Et tout ce qui pouvait inté
et qui devait se prononcer d'une façon banale. Il fal resser étudiants et professeurs, classes et salles de
lait pour rendre les nuances du nom, comme dans la récréation, science, religion, discipline étaient le
langue arabe, accentuer la première syllabe, adoucir thème favori et unique des conversations. Aussi, tous
et laisser tomber la dernière comme ces finales gré nos confrères, avec le temps, se mirent à souhaiter
goriennes qui autrefois dans les cathédrales mou le jour heureux où nous toucherions les rives enchan
raient en un doux murmure. teresses du cours fameux, donné par le plus presti
gieux et le plus mirifique des professeurs. Lui seul,
Son vrai nom était: Monsieur l'abbé Thomas disait la renommée, était capable d'animer, de ren
Tremblay. Ce n'était ni un pensionnaire ordinaire dre vivante et intéressante une matière aussi aride,
ni un anonyme professeur. C'était un être unique aussi froide, aussi glaciale que l'algèbre, les théorè
comme les petits séminaires d'alors savaient en pro mes, la géométrie et ses calculs.
duire à peu près tous les siècles. Son originalité était
déroutante, déconcertante, doublée d'un sens péda Tous les étudiants, en cette période des études
gogique avant-gardiste. Il était, dans la deuxième et ardues, avaient une hâte fébrile de faire le grand
troisième décennie du XXe siècle, professeur de ma saut des classes de lettres à celles de philosophie et
thématiques en philosophie. On dirait aujourd'- des sciences. Pour les autorités du séminaire nous de
hui "philo l". Son nom, chanté par les nombreuses venions adultes lorsque nous devenions philosophes.
générations d'étudiants, avait pris une ampleur, une Qui ne souhaite devenir majeur, homme, de comp
résonnance telles, qu'il estompait et ombrageait ce ter dans la société, même étudiante? Enfin arriva
lui des plus prestigieux sous-préfets, préfets, direc pour nous, l'année scolaire 1923-24. Une idée trans
teurs et supérieurs du séminaire depuis sa création cendait toutes les autres: nous devenions élèves du
jusqu'à nous. Pour tous ceux qui aspiraient aux cours PÈRE-THOMAS.
de philosophie et de mathématiques et en particulier
pour nous de la promotion 1925 il avait pris dans le Je me souviens, nous étions ce jour-là, tous assi�,
temps figure de légende. De bouche en bouche, d'o face au phénomène, à la créature légendaire, atten
reilles à oreilles les anecdotes les plus savoureuses, dant les premiers mots de sa bouche, les syllabes qui
les historiettes les plus farfelues, circulaient sur le devaient sortir de cette dentition aurifiée sur blanc
compte du fabuleux professeur, enjolivées, embellies, ivoire. La tête était couronnée d'une barrette noire,
enrubannées comme les contes des mille et une nuits. surplombant un corps long, dynamique et souple
Mai-juin 1973 SAGUENA YENS/A 85
droit comme une perche, rigide comme le devoir, i - "Monsieur Bouchard, expliquez-nous le théorè
naccessible aux influences indues mais secrètement me. - Quel théorème? dit Toussaint. - Ah! Ah! dit
dévoué aux intérêts de la classe. Aux yeux de tous, triomphalement notre maître, vous n'avez rien com
c'était l'incorruptible qui jamais ne prêtait sa clé de pris. Mais qu'est-ce que vous faisiez de si intéres
doyen. Plus tard, lors d'un examen théologique, au sant?"
grand séminaire, l'ineffable Mgr Joseph Dufour, de Nous étions tous suffoqués par l'anxiété; si le Pè
vénérée mémoire, lui avait demandé subitement, re-Thomas allait venir voir? . . . Toussaint surveillait
d'une tonitruante voix: Où EST DIEU? Harmel, é du coin de l'oeil cage et souris qui, comble d'impru
nervé, était resté figé comme huître en sa coquille. dence, criait, criait, mais de tout petits cris étouffés.
Mgr Dufour avait renchéri avec fougue: "Tu ne ré Loin de soupçonner la vérité, notre vénérable Mon
ponds pas; très bien, mais dis-moi si Dieu est dans le sieur, se laissa entraîner vers les lieux communs des·
tapis que tu foules aux pieds." Scandalisé par l'ir indisciplines écolières et des étourderies de jeunesse.
révérence de la question, le ton cavalier de l'exami "Savez-vous, dit-il à l'ami Toussaint, ce que vous
nateur, sa mine grognarde et son rire boulevardier, faites actuellement? - Non, dit ce dernier avec une
Harmel resta muet. L'examen s'est terminé par cette impression de surprise profonde. - Eh bien! vous fu
note: Matière à reprendre. mez, vous fumez. - Je ne fume pas, répliqua hardi
ment ce dernier, je chique" (ce qui était vrai). L'ori
Dans notre classe il y avait Toussaint, l'inven ginalité du professeur apparut alors dans toute sa
teur, l'orfèvre, le mystificateur à l'ingéniosité inef splendeur: "Non, dit-il. Monsieur Bouchard on ne
fable, capable de berner Lucifer et tous ses petits. dit pas chiquer, mais mâcher du tabac. Et allez vous
Toussaint, de Charlevoix, avait des anachorètes des asseoir avec votre chique.''
solitudes de la Thébaïde hérité de leur amour ctes
bêtes. Son passe-temps favori était la capture des Émery Dubé, qui faisait partie de la tribu des
souris, surtout des petites rongeuses soyeuses, gras pygmées, fut ensuite appelé au tableau pour nous
ses, souples, mignonnes et dont les cris étaient prati expliquer les beautés du "PONT-AUX-ÂNES". Com
quement inauditifs. Il nourrissait ses captures de me il bafouillait, n'ayant pas écouté les explications,
pain et de fromage puisé au réfectoire communautai qu'il barbouillait des hiéroglyphes trop bas pour être
re, aux heures des repas. Il les encageait dans des ca visibles, notre vénérable professeur se ravisa: "Lais
ges de carton et de bois d'allumettes "home made". sez, dit-il, le pont-aux-ânes et dites-nous ce que c'est
C'était de l'artisanat champêtre. Transportant en le micron." Émery à cause de sa petite taille se mé
suite son zoo ambulant, il les faisait voir à qui en é prit: il confondit micron avec microbe; il se crut in
tait digne. Un jour, distrait, il emmena son zoo por sulté par un docte professeur devant toute la classe.
tatif au cours du révérend Père-Thomas. Il était as Lui, le neveu du supérieur, en fut tellement humilié,
sis en plein centre des pupitres et donnait toute son qu'il s'emporta pour la première fois et quitta le ta
attention à sa protégée, une belle petite souris grise, bleau pour venir s'asseoir. Le Père-Thomas resta
aux poils doux et parfumés, aux petits cris lar songeur; il ne comprenait pas l'emportement d'un si
moyants. Ce matin-là, le docte professeur s'était bon élève, si haut quoté dans la hiérarchie ecclésias
inconsidéremment lancé dans une dissertation ani tique.
mée, expliquant à une classe indocile, distraite, pré
occupée de souris, les secrètes beautés du "PONT Pour faire diversion, il convoqua le grand Lionel.
AUX-ÂNES". La classe était troublée par les acroba Ce dernier vint en avant avec un large sourire et un
ties fantaisistes et fantastiques de l'ingrate petite air détendu comme s'il allait chercher une récom
rongeuse, qui, voulant fuir son bienfaiteur, avait pense. "Vous qui êtes grand, écrivez pour que tous
réussi à ronger toute une partie de la muraille de voient," dit notre révérend Thomas. Lionel s'exécu
carton. Elle avait passé la tête mais était restée prise ta durant que le maître s'occupait des agissements
par le milieu du corps à une aspérité de son ambulan incompréhensibles de Toussaint. Durant ce temps,
te prison. Elle criait son désespoir au milieu de l'hila Lionel, qui avait de l'esprit, se mit à écrire sur le ca,.
rité générale et notre ami Toussaint s'évertuait à cal dre supérieur du tableau des lettres cyriaques, ara
mer les énervements de la petite bête. Le révérend bes ou latines mais qui étaient toutes illisibles. S'é
Père-Thomas, tout à son théorème et aux écritures tant retourné vers le tableau et ayant vu la farce, le
qu'il barbouillait à la craie, n'avait rien vu, rien en Père-Thomas dit: "Espèce de grand innocent, allez
tendu. Soudain il se tourna, soupçonnant quelque faire rire vos confrères à votre place." Il rappela
chose d'insolite. Avec l'assurance et l'aplomb que Toussaint au noir tableau; celui-ci s'exécuta avec son
donne l'autorité et la science il dit: "Monsieur Tous air insoucient, son sourire niais. "Parlez-nous du
saint Bouchard, grand drôle, qui amusez si bien la "PONT-AUX-ÂNES", dit-il. Toussaint, complète
classe, venez au tableau afficher votre science géo ment étranger à la classe, se ravisant, dit: "Monsieur
métrique." Déposant cage et souris sur sa chaise, l'abbé Thomas, pourquoi appelez-vous ce théorème
abritée par son pupitre, il s'exécuta, inquiet: si la le pont-aux-ânes? - C'est parce qu'il est si beau, si
petite indisciplinée allait s'enfuir?... si elle allait se facile, qu'il n'y a que les ânes qui ne peuvent le com
mettre à trottiner sur le plancher? si, comble de mal prendre. Il sert à distinguer les élèves-ânes des au
heur, elle allait faire la belle devant le professeur?... tres." Puis, voyant que le confrère Toussaint riait
Il était si distrait par sa protégée qu'il n'avait abso toujours, il ajouta: "Mon pauvre monsieur Bouchard,
lument rien saisi des paroles prononcées. Debout au vous riez, vous riez,, mais vous n'avez pas l'air de vous
tableau sous les regards perçants du révérend Père douter que c'est de vous et de vos âneries que tout le
Thomas, devant l'hilarité de tous, il se mit à rire et monde rit." Il l'envoya incontinent à sa place. Ce
sourire d'une façon niaise et bouffonne. Ce que n'est que bien des années plus tard, alors qu'il était
voyant, le professeur se mit à rire aussi, puis il dit: principal à l'école normale de Roberval, que nous lui
Mai-juin 1973 SAGUENA YENS/A 87
racontâmes la farce et la mystification dont il avait Nous décidâmes ce soir-là d'être sages le lende
été la victime. Il n'en pouvait croire ses oreilles. A la main comme des petits pains de Saint-Antoine ou de
suite des ans, Lionel devint grand vicaire de l'église bons enfants de choeur. Effectivement la classe sui
Notre-Dame de Roberval, sous le canonicat de M. vante débuta dans un grand silence, un calme iné
J.-Arthur Bourgoing. Lors d'une veillée au presby dit, une quiétude anormale. Le Père-Thomas tenta
tère, nous rappelâmes au Père-Thomas les qualifi à plusieurs reprises de soulever la chape de plomb
catifs péjoratifs dont il avait enguirlandé monsieur de notre inertie; en vain. Nous étions muets com
l'abbé Lionel Simard. Il protesta de toutes ses forces, me carpes, immobiles comme menhirs sous la lune. A
jurant ses grands dieux que jamais au grand jamais la fin, n'y tenant plus il s'écria: "Mais qu'est-ce que
il n'avait pu commettre une telle aberration, dire de vous avez? Hier vous étiez pleins de vie, agités, babil
telles abominations, dénuées de tout fondement. Vu lards, émoustillés et joyeux comme gais lurons. Au
que nous n'avions pas de "hansard" dans le temps, jourd'hui vous êtes morts, amorphes, vous ressem
nous avons dü laisser tomber l'accusation. blez à des momies de sarcophages; parlez, riez, criez,
X X X changez, mais faites quelque chose. Je ne puis faire
Un jour, devant l'hilarité générale, il ajusta sa la classe à des cadavres, à des fossiles de l'époque
barrette, prit ses livres et dignement descendit les ternaire." Nous n'en pouvions plus. Ce fut un rire
degrés de la tribune. Rendu sur le plancher, il dit: général et la classe reprit joyeuse, gaie comme à l'ac
"Je m'en vais... je vais de ce pas donner ma démis coutumée. Augustin, qui voulait faire le fin, dit: -
sion au directeur et au supérieur... Vous vous trouve "Monsieur Thomas, voulez-vous nous expliquer ce
rez un autre professeur." Nous le savions avant-gar que c'est que la trigonométrie? - Pourquoi m'appel
diste, non contestataire. Nous étions stupéfiés par la lez-vous tous Monsieur Thomas, et ce qui est pire,
nouveauté du problème. Durant que nous pesions les le Père-Thomas?" Nous répondîmes en choeur:
avantages et désavantages de la perte du Père-Tho "C'est parce qu'il y a trop de Tremblay prêtres et
mas, il se promenait dans le grand corridor à marche professeurs au séminaire. "Monsieur Tremblay" est
forcée comme un troupier en campagne ou un pom devenu nom trop généralisé, quasi anonyme, tandis
pier qui va au feu. A la fin, n'y tenant plus, il nous que "Monsieur Thomas", tout le monde sait que c'est
revint digne et droit comme une colonne de portique, vous. Le Père-Thomas est un enchérissement dans
prit son siège et dit lentement, posément: "Je vou la fraternité, le mot Père comportant un sens de spi
lais voir votre réaction. J'ai vu, je suis revenu. Vous ritualité, de paternité surnaturelle que le S\lbstan
savez quel intérêt je vous porte à tous. J'ai depuis tif abbé ne peut avoir." Il consentit donc à se laisser
longtemps passé mes baccalauréats. Je pourrais appeler Père-Thomas pour sortir de l'anonymat des
m'asseoir sur mon fauteuil, drapé dans mon indiffé Tremblay, de la foule, de la multitude des abbés
rence et contempler votre ignorance d'un oeil atone Tremblay, et rester l'unique, le seul Père-Thomas
et morne. Mais je vous aime et veux votre bien. C'est du séminaire de Chicoutimi.
pourquoi je suis revenu." W.-Hidola Girard, Avocat.
Gagnon, Bergeron,
La Roche & Tremblay
COMPTABLES AGREES
lessard
EN BAS DE LA CÔTE Angle Morin et Racine
Chicoutimi
88 SAGUENA YENS/A Mai-juin 1973
En 1888 Ross, Beemer et Cie commencèrent la Le brave curé, soucieux du bien de ses ouailles et
construction d'une scierie qui, située à la Pointe fortement ébranlé par la foi vive de son interlocu
Scott, s'organisa si bien que bientôt un véritable vil teur, confiant aussi en la divine Providence, dispen
lage s'éleva tout autour pour l'hébergement des gens satrice de tout bien, passa entre le feu et ce qui restait
qui y travaillaient. Cette scierie donna un essor consi intact de l'établissement, et à la grande surprise gé
dérable aux exploitations forestières, si bien que dès nérale le feu respecta la limite tracée par le prêtre et
1889 plus de 11,000,000 de pieds de bois en planches l'établissement fut ainsi sauvé du désastre. Enfin,
et madriers s'en allaient vers l'Angleterre. En 1890, grâce aux secours arrivés en toute hâte de Chicouti
on y trouvait 150 employés. En 1891, un agrandisse mi et de Québec, on circonscrit l'incendie et sauva
ment à la scierie permit d'y ajouter une manufacture l'essentiel de l'établissement. Les pertes subies é
de portes et châssis. taient énormes, mais Scott, en homme courageux et
tenace, se remit à la besogne et bientôt tout fut re
En 1892, en société avec Beemer, il construisit un construit et les opérations continuèrent pour le plus
nouveau bateau marchand, le Colon, et il devint alors grand bien de tous.
le véritable batelier du lac Saint-Jean, gardant pen
dant plus de 20 ans la tête de la navigation sur le lac Si le curé Lizotte vivait encore, il pourrait en dire
et le contrôle de l'industrie forestière. beaucoup sur la générosité de Scott particulièrement
envers le clergé. Le délégué apostolique, l'évêque et
Bien que protestant, B.-A. Scott avait un grand tous les prêtres voyageaient gratuitement sur les
respect envers le clergé catholique ainsi qu'une gran bateaux de M. Scott "gracieusement mis à la dispo
de confiance en eux. À preuve, un petit fait arrivé le sition de leurs Excellences.''
28 juillet 1898 lorsqu'un violent incendie menaça de
destruction complète les établissements de la Pointe
Scott. L'organisation Beemer-Scott contrôla aussi
l'industrie touristique du Lac Saint-Jean pendant
Parti à la pêche au moment du sinistre, on en cette période, car ces deux hommes eurent vite com
voya le bateau Mistassini chercher M. Scott à la Peti pris toute l'importance d'une parfaite organisation
te Décharge. Le bateau fit le trajet aller et retour en ce sens et tout le profit qu'on pouvait en tirer avec
en trois heures, ce qui fut dans le temps considéré une bonne et solide organisation. C'est pourquoi en
comme un record. À son arrivée sur le lieu du sinis 1887 ils décidèrent de construire à Roberval un vaste
tre, M. Scott en mesura vite l'étendue et sans perdre hôtel de 100 chambres où nombre de touristes de
de temps il se dirigea vers le curé Lizotte, qui était marque ne manquèrent pas de venir, d'abord pour y
aussi sur les lieux, et le supplia d'intervenir pour é découvrir une merveilleuse région riche en perspec
viter le pire et sauver ce qui restait alors de l'établis tives de toutes sortes et surtout de pouvoir y prati
semet. quer la pêche à la fameuse ouananiche, cet élégant
90 SAGUENA YENS/A Mai-juin 1973
poisson particulier au lac Saint-Jean et dont la cap Scott vivait à Québec tout autant qu'il demeu
ture procurait tant d'émotions aux sportifs qui s'y rait à Roberval; il eut une vie intense et bien rem
adonnaient. plie. C'est assez difficile de penser qu'un homme de
cette trempe ne fut pas mêlé à la vie politique des
En plus de la pêche, il y avait les excursions, et siens. Aussi en 1893 on le trouve maire de la Paroisse
c'était un événement mémorable que celui de des de Roberval, poste qu'il occupe jusqu'en 1906, alors
cendre par la Grande Décharge depuis le lac Saint qu'il se fait élire maire de la Ville de Roberval.
Jean jusqu'à Chicoutimi en sautant rapides et por
tages avec des guides sürs et dévoués qui connais Le 8 mars 1899 il est nommé Préfet du Comté; il
saient le pays et faisaient l'admiration des adeptes restera à ce poste jusqu'au 12 mars 1902 et pour
de ce sport dangereux. un second terme du 10 juin 1903 au 13 décembre 1905.
A ces postes il laissa le souvenir d'un homme aux vues
Il y avait aussi les excursions sur le grand lac, pratiques et entreprenantes. C'est comme maire de la
moins dangereuses que le saut des rapides mais bien ville de Roberval qu'il donna sa pleine mesure; fai
intéressantes aussi par le pittoresque qu'elles of sant profiter les siens de sa grande expérience dans le
fraient à ces visiteurs. domaine des affaires. En arrivant à l'hôtel de ville, il
fonda plusieurs comités: voirie, aqueduc, finance,
Grâce à une publicité bien orchestrée, les régions santé, police et autres qui durent travailler ferme et
du Lac Saint-Jean et de Chicoutimi étaient alors le qu'il suivait constamment pour leur faire donner leur
"summum" en fait de tourisme et toute la classe ai pleine mesure. Il donna alors à la ville de Roberval
sée s'y donnait rendez-vous, tant pour la pêche et la un essor considérable, améliorant sans cesse, aque
chasse que pour les simples excursions sur le lac. duc, égout, rues et trottoirs, sans oublier l'ouverture
de nombreux quartiers pour le plus grand bien de la
B.-A. Scott toucha aussi d'autres domaines. population.
C'est ainsi par exemple qu'on le retrouve en 1896
comme actionnaire dans la Compagnie de l'Électrici Durant son règne le public suit avec un intérêt
té et en 1898 comme président de la Compagnie du Té- croissant les activités et les séances municipales, dé
léphone de Roberval, poste qu'il occupera jusqu'au mon�rant toujours un grand enthousiasme et un
13 novembre 1900. grand désir de progrès.
En 1902, il fonde avec d'autres associés le grand Gai causeur, habile philantrope, il régna deux
Lac-Saint-Jean, deuxième journal de ce nom et ans seulement comme maire de la ville de Rober
sixième dans l'ordre des feuilles robervaloises. Scott val, mais il eut le temps d'y accomplir une oeuvre qui
en deviendra plus tard le seul et unique propriétaire. durera et fera de Roberval dans le temps l'une des
Ce journal publiera durant 15 ans; son premier nu villes où il faisait bon vivre et où les impôts n'étaient
méro parut le 11 décembre 1902. Bien fait, riche d'i pas considérables malgré les nombreux développe
dées et d'articles intéressants, d'une ordonnance ments et les innombrables réalisations qu'il opéra.
parfaite, ce journal, durant son existence, fut le
meilleur agent de liaison et de publicité pour toute la Fortuné, il était assez généreux et savait si bien
région; de plus il avait la qualité rare d'être objectif camoufler ses munificences que souvent personne ne
et vraiment authentique, ce qui pour un journal est s'en doutait et que seuls ceux qui en bénéficiaient en
une excellente chose. C'est l'incendie de l'atelier connaissaient la provenance.
d'imprimerie, en janvier 1917, qui lui donna la mort.
Patriote et plein d'initiatives, homme aux larges
Voilà autant de postes divers qui nous prouvent visions et de beaucoup avant son temps, M. Scott eut
le dynamisme et l'esprit d'envergure de notre hom tôt fait de comprendre tout le potentiel en puissan
me. Confiant qu'il était en ses qualités d'administra ce qui se trouvait ici ou là au Lac Saint-Jean. Aussi,
teur, il se lançait résolument et presque toujours, s'intéressant à tout ce qui pouvait mousser le déve
dans toutes ces aventures, il avait vu_juste. Parfois il loppement de sa patrie d'adoption, il seconda de
prit des risques que personne d'autre n'osait et ra toutes ses forces, en 1897, la création de la Société
rement il fut déçu. de Colonisation et de Repatriement du Lac Saint
Jean.
Sportif à ses heures, M. Scott fonda en 1899 le
Club de Roberval et en 1903 le Club de Course de che Cette société, la cinquième du genre dans la pro
vaux qui avait sa piste sur la glace du lac en hiver et vince, eut une existence éphémère; elle dura 10 ans,
qui durant la belle saison évoluait sur un terrain de mais durant ces quelques années elle apporta à la ré
course situé dans l'Anse. gion un développement considérable et contribua à
l'organisation de nouvelles paroisses. Elle aida gran
dement la colonisation et fit tant et si bien que bien
Scott, qui avait des propriétés à Péribonka et à tôt le Lac Saint-Jean devint le "Grenier de la Pro
Mistassini, possédait aussi à ce dernier endroit une vince", du fait que son agriculture en plein essor et
ferme modèle qui couvrait 1,500 acres environ et qu'il son industrie laitière en constant progrès en firent
exploita à partir de 1895. C'était une ferme fameu l'un des grands fournisseurs de fromage au pays.
se pour son rendement et par le magnifique troupeau
qu'on y élevait. C'était un endroit à voir pour les Son esprit civique constamment en éveil, son en
nombreux visiteurs qu'y amenait en observateurs la tregent, ses multiples relations l'amèneront à fon
Société de Colonisation. der, avec un groupe d'hommes d'affaires de Chicou-
Mai-juin 1973 SAGUENAYENSIA 91
timi et de Roberval, la Chambre de Commerce du Sa Il avait bien ses supporters et son groupe d'amis
guenay dont il sera le premier président. à Roberval et même ailleurs, mais son ascendance
écossaise, sa foi protestante étaient des atouts que ses
Ce groupement, fondé en 1907, tiendra sa pre adversaires politiques faisaient valoir auprès des é
mière réunion à Roberval le 12 novembre de cette lecteurs en plus des autres arguments, et il perdait
année et il jouera un rôle important dans le dévelop la bataille.
pement commercial et industriel de la région. Le suc
cesseur de Scott à la tête de ce mouvement régio Ce fut là cependant un des rares domaines où il
nal sera M. J.-E.-A. Dubuc, industriel bien connu de ne brilla pas d'un lustre étincelant.
Chicoutimi et de toute la région. Cet organisme ré
gional existera jusqu'en 1921, alors qu'il se divisera L'une de ses grandes visions fut le harnachement
en deux, laissant aux Robervalois la Chambre de de la Grande Décharge, qu'il voulut entreprendre sur
Commerce du Lac Saint-Jean, et conservera pour sa la fin de sa vie avec la Québec Development . En
part le district de Chicoutimi ou du Bas-Saguenay. treprise hardie à cette période et qui demandait beau
Composée de personnalités dynamiques et averties,la coup de capitaux et d'ingéniosité. Ce projet avorta
Chambre de Commerce du Saguenay a fait sa marque d'abord; il fut réalisé par le grand syndicat financier
dans le temps et elle a quelques belles réalisations Duke-Price, qui fournit les fonds, et l'ingénieur F.-H.
à son crédit. Cothram, qui en dirigea les travaux avec l'ingénieur
conseil William-S. Lee. Commencé en 1923, ce barra
En 1908, B.-A. Scott fut l'un des organisateurs ge fut terminé sur la petite et la grande Décharge en
au Comité de Réception aux fêtes du 3ième centenai 1926. Les plans de développements de l'exploitation
re de Québec. de nos ressources naturelles que Scott avait conçus
se trouvèrent ainsi réalisés et tout cela prouve encore
C'est en 1910 que Scott ferma son moulin à scie combien cet homme était entreprenant et voyait loin.
de Roberval et en 1915, il vendait sa maison de Ro
berval et se tournait vers d'autres réalisations.
Ses dernières années il les passa à Montréal dans
Cet homme à qui tout réussissait, qui manquait un repos bien mérité; après une vie remplie de durs
rarement une occasion de produire quelque chose, qui labeurs il s'éteignit à Montréal le 15 décembre 1928,
avait réussi dans tant de domaines, trouva pourtant laissant derrière lui d'immenses regrets et le souve
son "Waterloo" et dut baisser pavillon devant la po nir d'un homme gai, charitable, d'une grande cour
litique. toisie envers tous et d'une activité débordante en tous
les domaines.
Sollicité à diverses reprises, alors qu'il était au
faîte d'une vie bien remplie et avait des oeuvres de Incinéré peu après sa mort, ses cendres furent
toutes sortes à son crédit, il tenta le suffrage popu selon sa volonté, jetées dans le lac Saint-Jean le 18
laire à trois reprises, en 1911, 1916 et 1918, et chaque juillet 1929 par M. Th.-X. Cimon en présence de ses
fois il fut battu. fils Shehyn et Charlie et du père de M. Cimon.
Voilà, rapidement brossée, la carrière civile de deux dernières guerres on le vida pratiquement de
cet homme d'affaires averti, au jugement sür et qui me du feu, mais il n'en reste pas moins que lors- des
s'est donné tout entier aux siens et à ses compatrio ses effectifs en mobilisant la majorité de ses membres
tes du Lac Saint-Jean, qu'il aimait bien. Généreux, qui pour la plupart servirent outre-mer et participè
aimable et serviable, il a contribué largement au rent, sous le drapeau de l'une ou l'autre des unités
développement industriel de la région. canadiennes-françaises, à plusieurs hauts faits d'ar
mes. Si notre unité saguenéenne ne fut pas à la gloi
Je ne connais pas sa carrière militaire, n'ayant re comme plusieurs autres le furent, au moins ses ef
pas eu le loisir de fouiller suffisamment cette par fectifs isolément furent mobilisés et connurent la
tie de sa vie. Je sais cependant qu'en 1899 on le trouve gloire des champs de bataille. C'est tout à l'honneur
Capitaine et Major bréveté à la Compagnie no 6 du du Régiment.
61ième bataillon, et que c'est lui qui forma la premiè Léonidas Bélanger
re unité permanente de milice au Saguenay, le 18iè 1er avril 1973.
me Bataillon d'infanterie du Saguenay, qui prit nais
sance le 1er février 1900 par suite de l'Ordre Général
12 des Quartiers Généraux de la Milice à Ottawa; dans Hommages de
le même document on apprend la nomination du
Lieutenant-Colonel B.-A. Scott comme premier com
mandant de ce nouveau régiment.
Lo maison
Le 8 mai 1900 le 18ième Bataillon devenait le
"18th Saguenay Regiment" et le 1er avril 1920 le
"18th Regiment Francs-Tireurs du Saguenay". Le THIFF.AULT & SAINTONGE
15 mai 1937, sous la direction du Lieutenant-Colonel LIMITEE
Jules Landry, il deviendra, après sa réorganisation,
le "Régiment du Saguenay", le 1er septembre 1954 Nouveautés
le "Régiment du Saguenay Mitrailleuses" et enfin le
11 avril 1958 le "Régiment du Saguenay" à nouveau.
On a souvent dit que le Régiment n'avait pas 122 est, rue Racine Chicoutimi
d'histoire puisqu'il n'avait jamais connu le baptê-
��
IMPRESSION DE QUALITÉ
Nous avons les notes de deux consultations de poléon Dumont, nous avait bâti une maison en ma
monsieur Johnny Tremblay "Boise", une par moi driers sur le plat; elle était habitable pis c'est toute.
même le 19 de mai 1935, l'autre par le jeune René
Gauthier au cours de l'été qui suivit. J'avais avec moi Quand mon père est venu rester ici (à Rivière
un de ses concitoyens, M. Edmond Bouchard, ce qui du-Moulin) 11 y avait seulement quelques maisons:
m'a permis de faire corroborer nombre de détails près de la rivière, les bâtisses de M. Price; une mai
dont je voulais être particulièrement sûr. Nous fon son longue où restait Alexandre Gagnon, qui tenait
dons ensemble ici les deux textes pour éviter des répé maison de pension; ensuite le bonhomme St-Onge,
titions. - M. Johnny Tremblay (qu'il ne faut pas père d'Adolphe, qui restait avec lui; ensuite la mai
confondre avec un autre du même nom dont les sou son de mon père. Du côté de Rocher de la Vieille 11 y
venirs ont été publiés en 1961) est décédé le 24 avril avait rien qu'Etienne et Alexis Dallaire.
1937, à 86 ans, ce qui concorde avec l'tlge qu'il nous a
donné. Son épouse, Adèle Gagné, était morte avant Avant de déménager à la Rivière-du-Moulin j'al
lui. lais à l'école au Vieux Séminaire, comme on l'appe
V.T. lait plus tard. C'était une maison à deux étages en
face de chez Bébé Jean (rue Morin).
Je suis né à Sainte-Anne dans la maison de Mi
cho ( 1 ), vis-à-vis de la vieille traverse. J'ai été bap C'était les demoiselles O'Neil qui faisaient la
tisé à Chicoutimi. Quand j'ai été pas mal vieux je di classe. Une a marié Cloutier (Thomas-Zozime), l'au
sais à mes amis: "Je vous dis que j'ai eu peur quand tre a marié Gosselin (Régis), père du protonotaire,
ils sont venus me faire baptiser. - Pourquoi? - un grand bonhomme blanc. Je n'ai pas été à l'école
Pourquoi? parce qu'ils m'ont traversé en canot dans de Cloutier. J'ai été ensuite à la classe des frères La
l'automne; la glace commençait à prendre, je croyais roche, les trois frères Laroche; on les appelait seule
qu'ils me baptisaient sur la glace. - Mais tu ne t'en ment comme ça. Ils étaient malins comme le diable.
es pas aperçu, maudit fou! - Non, mais j'ai eu peur Ils faisaient la classe là aussi. Une fois un petit gar
pareil.'' çon du nom de Frème (Ephrem) Tremblay - son pè
re restait dans la maison du docteur Savard (rue Ra
Mon parrain c'était Johnny Blackburn, qui res cine) - avait fait du mal à un des frères Laroche. La
tait dans la côte de la prison; ma marraine, Adèle roche prit une amarre et attacha Frème après un
Joncas. (2). tuyau. A quatre heures ont fit la prière et on s'en al
la. On n'était pas rendu dans la cour que Frème a
Mon père, Ambroise Tremblay, que tout le mon r'soud. En nous voyant partir - Laroche était parti
de appelait "Boise", était fils de Victor Tremblay aussi -, resté tout seul dans la classe, 11 a sacré un
du Cap-à-1'Aigle. Mon grand-père n'est pas venu au coup sur l'amarre, qui a résisté. Alors Frème avait
Saguenay. Ma mère était une fille de Pitre Black démanché un bout du tuyau et s'en était venu nous
burn, Julie; la mère de Pitre était une sauvagesse. (3) trouver en tra1nant le tuyau comme un forçat tra1ne
son boulet.
Mon père a resté d'abord à Sainte-Anne. Quand
11 est venu rester à Chicoutimi j'avais un an et demi. En arrivant à la Rivière-du-Moulin j'ai été à
(4) On restait au pied de la côte chez le juge Gagné l'école sur la côte, quatre ans; j'ai fait le fou pas mal.
(rue Racine). En arrivant à Chicoutimi mon père a Plus tard maman voulait encore m'envoyer à l'école
obtenu de Monsieur Price une place. Le matin, le mais je lui ai dit: "Non, j'y vas pas... - Qu'est-ce
dlner sous le bras, 11 partait en canot et 11 revenait le que tu vas faire si tu ne vas pas à l'école? - Je veux
soir pour souper. C'est lui qui tenait la boutique à aller trouver mon frère Joseph (5) à (la rivière) Pi
bois au Bassin. Quand on a déménagé à la Rivière kauba. - Tu n'iras pas dans le bois me dit papa."
du-Moulin j'avais 7 ans. Le beau-frère de papa, Na- Sans les avertir, je pars, je vas aux étables, où se
trouvait M. Price, et je lui demande la permission
d'aller trouver mon frère Joseph à la Pikauba. Il me
regarde dans les yeux et me dit: "Es-tu bien sincè
( 1) Michel Tremblay surnommé "le gros Micho". re? - Oui, monsieur, je suis sincère - Et bien, vas
Y. Tu iras trouver Euloge Lemieux au Bassin et tu
(2) Adèle Marcheterre d'après le registre. partiras avec demain matin. - Merci beaucoup,
monsieur". J'étais tellement content que je sautais
(3) Détail mal compris: c'est l'arrière-grand-mère de Pi
tre Blackburn qui était indienne.
(4) Comme il était né le 21 novembre 1851, cela reporte (5) Ses souvenirs ont été publiés dans Saguenayensia, jan
au printemps de 1853. vier-février 1963.
94 SAGUENA YENS/A Mai-juin 1973
haut de même, tiens. En rentrant chez nous je dis ça gouvernement. La drave finie, on a plié bagage et
à papa et à maman. "Tu n'iras pas dans le bois, tu remonté dans la rivière du Poste pO\�r préparer ce
vas rester ici", qu'ils me disent. - "Monsieur Price qu'il fallait pour l'hiver d'ensuite. Après ça on s'est
m'envoie, j'y vas". A la fin, quand ils ont vu que j'al en-revenu à Chicoutimi. J'ai été onze mois dans cet
lais trouver Joseph à la Pikauba, ils m'ont laissé par te suite de voyages.
tir. J'avais 12 ans.
Le lendemain je me suis rendu au Bassin pour Ensuite, j'ai remonté au Lac, dans le bout de la
voir Euloge et pour monter à la Pikauba. Mon oncle rivière à l'Ours. Notre foreman était Georges Martin.
Pascal Tremblay était là avec mon oncle François C'est le plus dur hiver que j'ai jamais passé. On a
Labbé comme foreman. Mon oncle Labbé me mit travaillé tout l'hiver comme des chiens. On commen
chau-boy (6) avec le couke (7) Louis Jean-Guy de çait le matin au lever du soleil et on finissait le soir
Kamouraska. C'était un picoté; 11 avait eu la picote à la noirceur complète. On portageait dans la neige
et 11 avait le visage tout marqué. pourrie. Le frette nous gelait sur place. Un soir on
est arrivés gelés comme des bordeaux. On couchait
Une fois, c'était au printemps, j'étais malade dans une tente en toile. En arrivant dans la tente,
pour aller voir les jetées (8). C'était le bonhomme une fois on se fit un gros feu et on s'endormit; le ma
Cadenas - on l'appelait comme ça parce que son ju tin on était couchés sur la neige, au frette, aussi ge
ron était "cadenas" - qui les visitait, et chaque fois lés que la veille; notre tente avait brülé pendant la
que je lui demandais pour aller avec lui il disait non. nuit sans qu'on s'en aperçoive. Il fallut, le matin,
Ca fait qu'une bonne fois 11 m'envoie avec le ma1tre portager plusieurs milles pour avoir un morceau de
charr�tier, qui me donne les cordeaux. Onavait une toile pour se faire une autre tente. Dans le printemps
bonne petite jument, Maggie; ça allait bien avec. On on drava la rivière à l'Ours et on descendit à Chicou
arrive tout d'un coup sur le dessus d'une grosse cô timi.
te. Je dis à Cadenas: "Je descends pas cette côte-là,
j'ai peur." Il dit: "Bien, on va débarquer de la voitu L'automne d'après j'ai remonté explorer la ri
re; attache les cordeaux sur le dos du cheval et lais vière à l'Ours en passant par (la rivière des Aulnais),
se-le descendre tout seul. - C'est ben". Dans le mi avec Emile Simard. Là encore j'ai passé des dures
lieu de la côte il y avait un gros tronc de bouleau de 5 escousses. Vü que j'étais plus gros et plus grand que
à 6 pieds de pris dans le chemin. Maggie part à la les autres, c'était toujours moi qui tirais la tra1ne.
course dans la côte. Arrivée au bouleau, elle a eu Dans la première escousse j'ai été trois semaines,
peur, je suppose, elle a piqué ses menoires dans le puis on est descendus ici. Dans la deuxième escous
sable et elle est restée prise. Quand j'ai vu ça j'ai dit se j'ai été quatre semaines. C'était Monsieur Dubuc
au charretier: "Vite, prends ta scie; on va aller scier qui nous avait dit de monter, pour la Pulpe. Notre
les menoires, la jument est prise". On a scié les me temps fini on est redescendu.
noires et on a eu la jument. Après ça, je te dis que je
n'ai plus demandé d'aller voir les jetées. Pas long
temps après, le bonhomme Cadenas a su l'histoire; Ensuite j'ai passé trois hivers avec mon frère
je te dis qu'il était en beau diable. "Bébé" sur la rivière Cyriac à faire la coukerie. Dans
le quatrième hiver, M. Dubuc nous dit de remonter
Après le chantier cassé on est descendu toute la à Cyriac pour faire une écluse.
gagne au lac Kénogami. Là on a dravé le lac. Moi
j'ai passé le temps à la couquerie avec Louis Jean
Guy. Ensuite ils ont dravé la rivière du Bassin (ri Après ça j'ai monté au lac de Moncouche avec
vière Chicoutimi) et ont monté draver la Grande Dé Joseph Gilbert; on a passé huit jours à répa
charge. Moi j'étais le cook. La drave finie on descen rer une écluse. Dans l'automne j'ai monté avec Bebé
dit tous ici. dans la Cyriac. C'était lui qui était foreman. Au
printemps on a dravé la Cyriac et le lac Kénogami.
Dans l'automne d'ensuite j'ai monté au lac Dans l'automne je suis reparti avec Bébé. Il avait
Saint-Jean, sur la rivière du Poste (rivière Métabet monté sa femme et moi je l'aidais à faire la coukerie.
chouan). Notre foreman était William Fraser. C'est Vers le m111eu de l'hiver Pierre Girard descendait à
le premier hiver que j'ai travaillé comme bücheur; Chicoutimi, ça fait que je suis descendu avec lui.
j'ai passé l'hiver à faire des billots. Au printemps on
a nettoyé les jetées et on a fabriqué de l'outillage pour Eugène Tremblay me demanda si j'étais bon
la drave. Le temps arrivé, on a dravé la rivière du pour bâtir une écluse au lac des Savanes; je lui dis
Poste, la Grande Décharge et la petite slaille (9) du que oui. Alors j'ai monté avec Bébé. Les castors a
vaient éclusé eux-autres aussi et 11 fallut défaire ça.
Ca a pris du temps; on a pris quatre semaines à tout
(6) Corruption de l'anglais shore, dans le sens de'étai '; sou
tien; shore boy, garçon-aide.
faire.
Côte-Nord
Quelques essais de culture ont été tentés par les mergés maintenant par les mares et les lacs. Ces
pêcheurs de la Rivière Pentecôte et le succès est venu fonds où s'accumulent depuis des siècles des matiè
justifier leur hardiesse. Ils ont obtenu, parait-il, res organiques et des boues épaisses se transforme
les plus heureux résultats des semis d'orge, d'avoi raient très vite en terres alluviales sèches, de haute
ne et de blé qu'ils avaient préparés. valeur et des plus propres à la culture des herbes co
mestibles et des plantes légumineuses. Nulle terre
ne semblerait alors mieux disposée pour l'élevage des
De la Rivière Pentecôte aux Sept-Iles, les val animaux de boucherie, malgré la stabulation hiver
lées fertiles, séparées entre elles par d'étroites ban nale qui deviendrait alors un des principaux agents
des rocheuses qui s'échappent de la cha1ne princi de l'engraissement du bétail. Il n'est pas sans intérêt
pale se succèdent sans interruption. de faire remarquer que cette région est géographique
ment beaucoup plus rapprochée des marchés con
sommateurs que ne le sont les contrées restées jus
qu'ici seules productrices, et que les hâvres de cette
partie de la côte sont sürs et d'un facile accès.
De la Pointe de Monts aux Sept-Iles, le climat
n'a rien de trop rigoureux. La température y est sen
siblement celle du fleuve, plus élevée peut-être, car
le rivage fait face aux vents chauds et humides qui
dépendent du Sud, tout en restant abrité des vents
froids du Nord par les chaînes assez élevées et qui
courent parallèlement au littoral. La neige semble y
tomber avec moins d'abondance qu'aux environs de
Québec.
de vous entretenir laissent une entière liberté à la les) ou Monsieur James Richardson de la Commis
culture proprement dite, tout en lui permettant sion géologique l'a vue en 1870, ensuite à la Baie des
d'employer avec fruit les époques où tous les travaux Homards (R. Pentecôte) où il n'a découvert qu'une
de la terre sont immobilisés par les conditions clima bande étroite de dolomie Laurentienne, où gît un
tologiques du pays. "lambeau" du calcaire silurien, dont le développe
ment, visible à marée basse, se mesure par environ
trente verges sur cent cinquante, sur une profondeur
verticale indéterminée.
Je viens d'avoir l'honneur de vous exprimer plus
haut que je considérais la pêche et la chasse comme
nuisibles à toute bonne colonisation. Mais, si la pê
che est un danger pour le colon il ne peut en être de
même pour l'Etat, dont elle accroîtra les revenus, et
pour l'industriel qui s'en occupe d'une manière tout
exclusive.
Les lacs sont très nombreux. Les poissons qu'ils
peuvent fournir à la consommation n'ont point été
assez étudiés. Cela tient, sans doute, à l'idée que l'on
se fait de l'éloignement de ces lacs et à l'absence de
voies praticables, qui en compliquant les transports
les rendraient trop onéreux. Ce sont là des imprédi
ments sérieux et qui peuvent s'appliquer à bien des
lacs, mais il en est quelques-uns qui échappent à
Pêcheur dans une "doris". Photo Huard. ces difficultés et qui se trouvent dans des conditions
exceptionnellement favorables d'étendue, d'accès
Je pourrai vous citer encore comme auxiliaire du et d'exploitation. Je citerai comme exemple les lacs
colon les varechs, dont l'incinération sur place pro de Dix Lieues et de Quatre lieues.
duit la matière première d'où s'extraient les potas
ses, les oudures, les iodures et les bromures. Les va
rechs, qu'il peut utilement répandre sur le sol com
me engrais, soit seuls, soit mélangés aux détritus
animaux. Je néglige à dessein les ressources qu'il
pourrait tirer de la pêche et de la chasse, considérant
que ces dernières sont plus nuisibles qu'utiles à cause
de l'attrait qu'elles représentent, attrait tellement
puissant que l'homme qui s'est livré à ces deux at
tachantes occupations devient presque toujours in
différent à tout autre trnvail suivi, quelque rémuné
rateur qu'il puisse être.
Pour le cultivateur, la pêche et la chasse ne doi
vent être que des moyens d'augmenter ou de varier
son alimentation. Cependant rien ne l'empêcherait
de profiter de sa position exceptionnelle sur certains
points de la côte pour élever le canard Eider, très
susceptible de domestication. Ce serait-là un des
moyens les plus pratiques, peut-être, pour conserver
ce palmypède précieux dont les oeufs sont mis sans
vergogne au pillage au printemps de chaque année.
La pêche de mer qui restera probablement tou
jours l'industrie dominante du golfe permettrait au Phare de la Pointe-des-Monts. Photo Album Gregory
cultivateur l'écoulement de la plupart de ses pro
duits tout en libérant dans une certaine mesure le Ces lacs, dont le nom exprime l'étendue, sont
pêcheur de l'espèce d'ilotisme dans lequel le tiennent situés quelque part dans le Nord - Nord-Ouest en ar
croupissant les grandes maisons productrices et les rière du point que j'occupe sur le littoral. ( 1) L'un
fournisseurs. de ces lacs, celui de Dix Lieues, alimente la rivière dé
signée par les appellations multiples de rivière à Val
Les minéraux utiles à l'agriculture, soit pour la lée, de rivière du Portage des Mousses et de rivière
construction, soit pour l'amendement des terres, ne des Rochers. Vingt à trente milles le séparent de la
lui feraient point défaut. Entre la pointe de Monts côte. Un portage assez long (3 ou 4 milles) conduit de
et les Sept-Iles, seul parcours qui nous occupe au
jourd'hui, les argiles marnées ne sont pas rares et la
chaux, sans être en abondance, s'y rencontre en
quantité appréciable, d'abord à Manawin (Sept-1- (1) Puyjalon demeurait, solitaire, dans l'île à la Chasse.
Mai-juin 1973 SAGUENA YENS/A 99
la mer au-dessus des chutes. A partir de ce point, Veuillez agréer, Monsieur le Ministre,
sauf deux ou trois petits portages insignifiants, le l'assurance de ma très haute Considération,
trajet se fait en canot. Dans de semblables condi
tions, il me paraît facile de transporter sans frais H. de Puyjalon
considérables tous les objets nécessaires à la pêche.
Il ne serait pas plus compliqué de redescendre à la L'Honorable Commissaire
mer les produits de la pêche. des
Le lac de Dix Lieues comme celui de Quatre Terres de la Couronne.
Lieues contient sans doute plusieurs espèces de Le 22/5/1886
poissons, mais je n'ai pu obtenir que des renseigne
ments très vagues sur les variétés diverses qui peu
plent les eaux de ces lacs. Ce qui me paraît acquis
c'est l'abondance extrême de la grosse truite et de
l'anguille. En prenant certaines précautions protec
trices, rien n'empêcherait d'affermer ces lacs et tous
ceux qui se trouvent dans des conditions analogues à
des pêcheurs ou des compagnies de pêche ainsi que
cela se fait, je crois, dans le Nord-Ouest et dans la
province d'Ontario pour les lacs peu éloignés de la
ligne du Pacifique. Ces fermages seraient recher
chés par le sport ou par l'industrie et donneraient
JORON ET CIE LTEE
lieu avec le temps à la construction de routes se di HUILE COMBUSTIBLE
rigeant vers l'intérieur tout en créant des débouchés
pour l'écoulement des produits du sol.
Gaby Gravel, gérant
Hommages de
Années Années
1873-1874 65 1911-1912 319 1909-1910 226 1948-1949 580
1874-1875 68 1912-1913 338 1910-1911 271 1949-1950 582
1875-1876 76 1913-1914 364
1876-1877 84 1914-1915 346 Aux sections
1877-1878 56 1915-1916 344 Années classiques Total
1878-1879 96 1916-1917 335 1950-1951 620 213 833
1879-1880 89 1917-1918 340 1951-1952 682 289 971
1880-1881 94 1918-1919 396 1952-1953 669 203 872
1881-1882 104 1919-1920 510 1953-1954 633 202 835
1882-1883 100 1920-1921 600 1954-1955 632 244 876
1883-1884 103 1921-1922 599 1955-1956 651 199 850
1884-1885 91 1922-1923 571 1956-1957 665 240 905
1885-1886 90 1923-1924 549 1957-1958 591 352 943
1886-1887 97 1924-1925 567 1958-1959 626 291 917
1887-1888 103 1925-1926 593 1959-1960 636 371 1007
1888-1889 106 1926-1927 610 1960-1961 656 290 946
1889-1890 126 1927-1928 560 669 473 1142
1928-1929 1961-1962
1890-1891 147 534 1962-1963 684 591 1275
1891-1892 126 1929-1930 489 1963-1964 735 691 1426
1892-1893 140 1930-1931 449
1893-1894 160 1931-1932 442 Années Avec CEGEP
1894-1895 148 1932-1933 388
1895-1896 142 1933-1934 377 1964-1965 798
1896-1897 142 1934-1935 408 1965-1966 915
1897-1898 1935-1936 422 1966-1967 569
163 1967-1968
1898-1899 193 1936-1937 448 508
1937-1938 531 1968-1969 509
1899-1900 231 1938-1939 467 1969-1970 527
1939-1940 473 1970-1971 526
1900-1901 225
1940-1941 486 1971-1972 529
1901-1902 163
1902-1903 172 1941-1942 497 1972-1973 619
1903-1904 218 1942-1943 561
1904-1905 236 1943-1944 617 Dans la maison 38,779
1905-1906 237 1944-1945 647 Dans les sections classiques 4,649
1906-1907. 210 1945-1946 670
1907-1908 200 1946-1947 623 Au total 43,428
1908-1909 236 1947-1948 583
Mai-juin 1973 SAGUENAYENSIA 101
le fil
de vie et
de santé
Vent du Nord un message qu'elle souffla de par les maire partout et complémentaire au plus grand
steppes du Labrador jusqu'à Baie-Rouge: Père La nombre d'endroits possibles. Aux élèves qui passaient
Brie, le Saint-Siège vous appelle à la dignité de Vi de façon brillante à travers ces degrés, il trouva des
caire Apostolique. places dans des collèges de l'extérieur puis, à coup de
sacrifices inotiis, les amena aux portes de l'universi
En dépit de la pauvreté des communications, la té, avec mission d'en sortir pour constituer une élite
nouvelle vola de clocher en clocher et combla d'allé à la région.
gresse un peuple qui, pour la première fois, voyait
l'un de ses enfants appelé à si haute charge. On s'a Lui-même publia une lettre pastorale sur !'Édu
donna à des transports de joie. cation et, au Conseil de !'Instruction Publique, ses
interventions devinrent si remarquées qu'un jour,
Pendant ce temps, le Père attelle ses chiens tout le bouillant archevêque de Rimouski, Mgr Courches
simplement et s'embarque dans une course de deux ne, lui dit: "Vous, au Conseil, je vous défends de vous
cents milles qui va le mener à Natashquan, d'où un taire".
avion le conduira à Hâvre St-Pierre. C'est là qu'il ré
sidera jusqu'en 1946, une fois de retour de son sacre à En dépit de toutes ces activités, il entretint une
l'église Saint-Coeur-de-Marie de Québec. correspondance monumentale dont l'objet était in
différemment les humbles ou les grands de ce mon
Deux traits, qui ne s'atténueront jamais, vont de. Mais nous, les jeunes qu'il avait protégés, il nous
marquer cette nouvelle carrière: zèle pastoral et sou vouait une prédilection particulière. Encore en 1967,
ci de l'éducation. il m'écrivit: "Faites donc ce que j'ai désiré que vous
soyez, chers jeunes, et je garderai confiance dans l'a
Zèle pastoral. Monseigneur ne ménage pas les vi venir de notre petite patrie commune".
sites à ses ouailles, cherchant non seulement leur
bien spirituel mais encore leur bien-être matériel
par des projets tels les coopératives de pêche, d'é ÉVEQUE
lectricité, d'économie. Il est aussi tout à ses prêtres. Après huit ans de cette impulsion, le vicariat du
Deux faits en demeurent révélateurs. Un jour de 1943
il remplaça à brûle-pourpoint l'un de ses missionnai Golfe Saint-Laurent accéda au rang de diocèse et
res pour une tournée aux missions lointaines de Ma Monseigneur LaBrie en fixa le siège à Baie-Corneau.
nitou. Prenant place sur un cométique, il lança cette
phrase: "Cela me fait plaisir et me tire d'une inaction C'est de là que, le 30 avril 1948, il publia sa fa
physique pénible". En 1944, il arriva de façon im meuse Lettre sur la Forêt dont le retentissement dé
promptue auprès du Père Gallant, dont la Paroisse passa largement les cadres du diocèse et de la provin
de Sainte-Thérèse des Colombiens se trouvait aux ce.
prises avec un feu de forêt. Le pauvre Père, à bout de
forces, ne put contenir son émotion et, comme un en L'évêque, en plus d'études personnelles et de
fant, se jeta dans ses bras. Monseigneur le réconfor nombreuses consultations auprès d'experts, s'était
ta et, lui promettant de veiller sur la paroisse, il l'in rendu aux pays scandinaves pour y observer certai
cita à prendre du sommeil. nes expériences forestières plutôt avant-gardistes.
Souci de l'éducation. Le nouveau vicaire aposto
lique se consacra corps et âme à l'éducation de son La lettre, comme son titre l'indique, exposait un
peuple. A force de ténacité, il fit d'abord du couvent plan complet d'aménagement et de conservation de
de Hâvre Saint-Pierre une École Normale pour for la forêt. Prévoyant qu'on lui reprocherait de s'im
mer des institutrices. Puis, grâce à elles, il entreprit miscer dans le profane, il donna à son texte dès les
ensuite d'instaurer sur la Côte l'enseignement pri- premières lignes matière à refuter l'objection: "Au
cours de Notre carrière sacerdotale, déjà longue d'un
quart de siècle, et surtout depuis notre élévation à
l'épiscopat, nous nous sommes chaque jour arrêté à
méditer sur l'avenir de cette région qui Nous a vu naî
tre et qui est maintenant confiée à nos soins de pas
teur, Nous l'avons aimée d'un grand amour. Person
ne plus que Nous n'a voulu la voir belle et prospère.
Certes notre premier souci a toujours consisté à cher
cher son bien spirituel puisque c'est la très haute
fin de Notre charge, mais, comme pour servir Dieu a
vec liberté et amour filial il faut toujours une certai
ne somme de bien-être, Nous ne Nous sommes jamais
désintéressé de son bonheur temporel." Et, vers la
fin de son texte, il rappelait: " ... le ministère du
prêtre n'est pas profond tant qu'il n'engendre pas
des courants d'idées capables de remuer les masses".
"Soyez béni, Mon Dieu, pour ce pays du Sague • Mon deuxième est le nom populaire et joli
nay que vous nous avez donné. Soyez béni pour le D'un meuble que jadis presque tous ont rempli.
Golfe si riche et si beau dont vous l'avez bordé. Soyez
béni pour toutes ces puissantes rivières que vous y Mon troisième est ouvert entre monts ou collines;
avez fait couler. Soyez béni pour nos lacs, nos plaines Il est souvent peuplé, s'y pla1t qui y chemine.
et nos montagnes.
Mon tout nomme un tel qui fut un viceroi,
Soyez béni de nous avoir associés à vous pour ac Une ville, un canton... au Saguenay, je crois.
complir la perfection de votre création."
Robert Parisé
L'autorisation en question vient après le début ..........le dit seigneur de Roberval en a baillé a.
solennel que voici. sesdicts commis, dessus nommés, le vidimus faict
sous le scel de la prevosté de Paris. Et ne faict reque
"Saichent tous presens et advenir que, aujour rir et demander aux officiers desdicts bailiages senes
dui dacte de ces presentes, pardevant moy notaire chaussées et pays de Poictou et autres dessus dictz
Arnault de Beleval, notaire royal, du nombre des tous les prisoniers, criminels qui sont et auront
quarante establys en la ville et cité de Bourdeaulx et en leurs prisons et conciergeries, pour d'iceulx en es
Sennes chaussee de Guyenne, presens les tesmoings tre par ses dicts commis et depputés et chescungs
soulz escriptz et nommes, a esté personnellement d'eulx prins ceulx qui seront choysis et esleus, pour
estably messire Guyschard de Rossignac, chevalier, veu que ce soyt du voloir et consentement desdicts
seigneur de Gournilh, lequel comme procureur de prisoniers, scellon et en tout ce qui dict est. Et que est
messire Jehan-Francoys de La Roque, chevalier, mande seullement faire au dict seigneur de Roberval,
seigneur de Roberval, lieutenant general pour le Roy, par les dictes lectres patentes du Roy, cy dessus dac
nostre Sire, en certaine armee ordonnee par le Roy, tées, et que avant que pouvoir par ses dicts commis
en vertu de sa procuration a luy baillee pour ledict
seigneur de Roberval, a faict et substitue procureurs
dudict seigneur de Roberval: Jacques de Camiac, sei
gneur de Pliault, Loys de Rostaing aussy escuyer, (1) Il ne faut pas coniondre ce document avec l'or
seigneur de Latour, Henry Esteve aussy excuyer, sei- dre émanant du roi le 7 février 1541 sur le même sujet.
106 SAGUENA YENS/A Mai-juin 1973
et depputés, ou l'ung d'eulx, tirer hors desdicts pri pence, vouillage, conduicte que autre chouse, qui leur
sons lesdicts prisonniers, ils ayent achemyner et com seront neccessaires, pour les deux premieres années
pouser avec lesdicts prisoniers de telles sommes de dudict voyage transmarins et maritime, scellon la
deniers qu'ilz verront, pour estre tant pour leur des- capassité puyssance et garantie desdicts prisoniers.
La suite couvre deux pages et demie et se termine Nous avons cru opportun d'ajouter à l'histoire
par la formule d'identification: cette pièce documentaire d'importance assez minime
mais non sans intérêt.
''Faict en la ville et cité de Bourdeaulx le tiers Victor Tremblay
jour d'apvril l'an mil cinq cens quarante ung, es pre
sences de Pey Pranson, faure, Bertrand Lamoreulx,
Jehan Menault, hostellier et Raymond Grytif de
meurans en la parroysse de Sainct Remy dudict Cette pièce documentaire vient des "Archives départe
Bourdeaulx, tesmoings a ce appelés et requis. De mentales de la Gironde, 3E 1066. Minutes de Debeleval
Rossignac, Debeleval notaire royal.'' notaire royal".
,.
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Joueurs de guitare, au Chemin Sydenham, 1937: Jules Thibeault, Albert Tremblay, Arthur Daniel. - Photo Daniel.
peu confortable surtout en hiver, manque de temps verin, le dimanche matin dans certaines classes,
ou peu de temps disponible entrecoupé par les séan mais sans auditeurs, parce que en dehors du règle
ces d'étude, de classe, ou par le règlement rappelé au ment. Et aux beaux jours du printemps, quelquefois
son de la cloche. Et cette guitare fabriquée avec pei à la dérobée, on allait jouer à l'ombre des cyprès dans
ne et misère, mais aussi avec minutie et suivant les le chemin Sydenham. C'est ainsi que la "Cabane"
lois de la résonnance du son, avait toutes les qualités savait nous procurer des choses utiles et agréables et
d'une guitare neuve achetée. Aussi son auteur avec qu'elle méritait sa renommée.
d'autres guitaristes, donnaient souvent de vrais pe
tits concerts accompagnés au piano par Benoit Ri- Arthur Daniel, ptre
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