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*COLO DERAS PIRENÉOS

(COUMÉNGES, QUATE-BATS, NEBOUZAN, COUSERANS, HAUTO GAROUNO)

ERA BOUTS
DERA

MOUNTANHO ILLUSTRADO

SEN-GAUDÉNS
EMPÍÍÍMARIO E LIBRARIO ABADIE
1909
S OUMARI

A LOMBEZ ET A SAMATAÍ
Les 5 et 6 Septembre 1909 "'

A). PREMIÈRE PARTIE: A LOMBEZ


I. — ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
1. Arrivée des Félibres 145
2. Nouveaux Confrères 146
3. Renouvellement du Bureau. Motions diverses (Membres perpé-

tuels, Diplômes, Jeux Floraux de 1910, Almanach) 148


II. — RÉCEPTION DE LA REINE ET BANQUET
1. Réception de « la Reine », Mme la Marquise douairière de Pins. 151
2. La Table et le Menu 154
3. Toasts ou Brindes :

de M. de Bardies, Président, A la Reine et à la Gascogne 156


de Mme la Marquise de Pins, Aux Félibres 156
de M. Henri Bécanne, Maire de Lombez 157
de M. l'abbé Daubian, Vice-Président, Aux Confrères du , %
Causerons et du Haut-Comminges 157
de M. l'abbé Dufor, Vice-Président, Aux généreux dona-
teurs de prix spéciaux 158
de M. R. Lizop, A la Patrie Occitanienne ^ 159
de M. F. Artigue (offre à l'Escolo un édelweiss d'or p. 19K^IBô-^(
de M. l'abbé Sarran, A tous ceux qui parlent gascon. 161 *
de M. B. Sarrieu, Secrétaire-Trésorier, A l'unite^de la
patrie commingeoise 162
4. Fin du Banquet :
Chant de la « Coupo Santo », par M. R. Lizop /... 162
Oumatje à la Rèino, par M. F. Escaich '... 163
Départ pour la Séance publique 164
III. — SÉANCE PUBLIQUE ou « COUR D'AMOUR »
■ 1. Discours félibréens :
de M. de Bardies, Président de l'Escolo, sur les Gas-
cons et la langue gasconne. 165
de M. l'abbé Dufor, Vice-Président de l'Escolo pour
le Haut Comminges, sur Les progrès de l'Escolo
deras Pirenéos et l'enseignement de la langue
d'oc fft....167
de M. l'abbé Daubian, Vice-président de l'Esçjjlo"
pour le Bas-Comminges : « Que eau aima nòsto
tèrro, huge 'ra bilo. » 172
de M. R. Lizop, Délégué de la Fédération Régions-
liste Française, sur L'expansion du Fílïbiigc^
en Gascogne 175
2. Jeux Floraux de l'Escolo deras Pirenéos :
Rapport sur le Concours de 1909, par M. B .SARRIEV, Secré-
taire général / 178

/
Ci P.O.
BÈZiERS

ERA BOUTS DERA MOUNTANHO


5m0 ANNADO : 1909 NOS 10 ê 11 0TT0BRE-N0UBÉMBRE « Toustém Gascons! »
. - * a —= r»-...

Hèsto è Jocs-Flouraus
dera « 'SCOLO DERAS PIRENÉOS »
A LOUMBÈS È Â SAMATAN

ES 5 È 6 DE ^ETÉME \ÇOg

Notre Escolo deras Pirenéos, fidèle à son principe de parcourir


successivement toutes les régions de son domaine, vient de tenir les
ij et, G septembreidernier, dans le Bas-Comminges gersois, à Lombez et à
Samatan, ses assises annuelles (5me Assemblée générale et 4mes Jeux
Floraux). Celte fôte félibréenne — véritable fête nationale du Comminges
et du Couserans — a eu le plus grand succès, grâce à l'aimable accueil des
municipalités locales et au dévouement des Membres de l'Escolo originai-
res de ces régions. Qu'il nous soit permis d'exprimer, ici, tout particuliè-
rement, notre gratitude à MM. Bécanne et Lacome, maires des deux
villes-sœurs de Lombez et de Samatan ; à notre aimable Reine de celte
année, Mme la marquise douairière de Pins ; à M. l'abbé Daubian, vice-
président de l'Escolo pour le Bas-Comminges, à M. l'abbé Dambielle,
l'excellent félibre, pro-curé de Samatan, et à M. Troyes, de Samatan,
juge au tribunal de Lombez.
Beaucoup d'autres, (M. Pli. Bécânne, M. Aristide Lacome, M. l'abbé
Sarran, les Sociétés musicaies des deux villes, etc.) nous ont prêté sans
"C6Tïr[)ie?4eùr coneouis et ont payé largement de leur personne ; qu'ils en
soient remerciés du fond du cœur.
La fêté s'est déroulée conformément au programme donné dans notre
circulaire : à Lombez, le dimanche o septembre; à Samatan, la soirée du
même jour et le matin du lundi 6. Nous allons donner ici le compte-
rendu de ces deux journées, réservant pour les premiers Nos de 1910 la
publication des principales œuvres couronnées à nos Jeux-Floraux.
• c-JCsSî^TyTT^—a •

A) PREMIÈRE PARTIE

A Lombez, notre fête a compris, successivement :


I) L'Assemblée générale de l'Escolo.
II) La Réception de la Reine, suivie d'un Banquet féllbréen.
III) La « Cour d'Amour » : Discours en français et en gascon et
Distribution des Récompenses de nos Jeux-Floraux.
146
I. - ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
L'Assemblée générale de cette année (la 5me depuis la fondation de
l'Escolo) présentait une importance particulière à cause du renouvellement
du Bureau général. Diverses notions d'intérêt essentiel pour notre Escolo
y ont été d'ailleurs adoptées.

1. Arrivée des Eelibres. Distribution des pervenches


Malgré la difficulté des communications qui, encore aujourd'hui, laisse
la vallée de la Save vraiment trop isolée à l'égard du Haut-Comminges, des
coteaux d'Auch et même des plaines toulousaines, un assez grand nom
bre de Félibres étaient arrivés dès le 4 au soir à Lombez ou à Samatan
et avaient pu faire déjà plus ample connaissance avec leurs Confrères de
la région. Le Bureau général, notamment (à l'exception de M. A. Teulié,
vice-président par le Couserans, retenu à Pamiers par des affaires de
famille) était au complet. Mlle de Terssac et ses deux frères avaient
accepté l'aimable hospitalité du château de La Busquière D'autres Mem-
bres ou adhérents arrivent à Lombez par le train de Toulouse, à 8 h. 40
du matin. Les mains se serrent amicalement, et les boutonnières se
parent bientôt des bleues corolles des pervenches symboliques.
Mais il est encore assez de bonne heur,1. Le Bureau général décide
donc de tenir une Réunion préparatoire, dans la grande salle de la Mairie
de Lombez, aimablement prêtée. L'Assemblée générale se tient un peu
plus tard, à 10 h. 1/2, dans la même salle. Etaient présents MM. Abadie,
F. Artigue, de Bardies, Daubian, Dufor, F. Escaich, E. Levrat, R. Lizop,
B. Sarrieu, J. Sens, F. Troyes, S. Verdier, etc., soit une vingtaine
environ.
2 Nouveaux Confrères
M. de Bardies explique tout d'abord l'absence de quelques Mën^esTTïï
Bureau. Il montre les progrès de l'Escolo. On se réjouit de l'augmenta-
tion du nombre des Membres et Adhérents depuis le début de ,l'année
1909, soit, depuis le N° de Janvier, une trentaine d'adhésions nouvelles
(de 330 à 364). Malgré tout, ce n'est point assez. Nous avons bien fait
appel, plus d'une fois, au dévouement de nos Confrères, en les priant
de nous amener chacun ne fût-ce qu'un nouvel adhérent, mais tous ne
nous ont point écoutés. Quelques-uns nous en ont amené plusieurs,
mais d'autres pas un seul. Il est pourtant facile de prêter nos numéros,
de les faire lire, et de gagner ainsi de nouveaux concours pour notre causg.v ,
« Il appartient à chacun d'entre nous », dit M. l'abbé Daubian, « de bâter, Í
par une propagande active, la prospérité de l'Ecole ».
Consolons-nous cependant en songeant que l'année n'est point encore
finie, que quelques adhésions nous viendront encore et que 25 déjà nous
sont venues depuis notre N° d'Aoùt-Septembre. Voici ces dernières, dues f
pour la plupart à notre fête de Lombez et de Samatan [M. signifie Mem-
bre Actif.]

\
147
358. Abbé (Pierre-Dominique) MENVIELLE, curé de Cadéac, v. d'Aure
(H.-P.), (présenté par M. l'abbé Marsan).
359. LAZERGES (Louis), étudiant à Labastide de Sérou (A.) [M, —
Présenté par M. F. Escaich].
360. RENAUD (Ernest), rentier, à Esténos (H.-G.), par Saléchan
(H.-P.) (Présenté par M. L. Croste).
361. LAFAGETTE (Raoul), lauréat de l'Escolo, publiciste à Foix [M.].
362. BOUQUIER (Louis), lauréat de l'Escolo, de Puysserguier (Hérault),
57, r. Victor-Hugo, Levallois-Perret (Seine).
363. Abbé BENTURE, lauréat de l'Escolo, de Navarrens (B. P.), curé
d'Aydius, par Bedous, v. d'Aspe (B.-P.).
364. LABORIE (G.), de l'Isle en Dodon (H.-G.), membre de l'Escolo
Moundino, 33, r. Raymond IV, Toulouse [M.].
365. BOIRE (Ferdinand), prop. à Léran (Ariège), fondateur et Prési-
dent général de l'Avenir du Prolétariat. 8, r. Pernelle, Paris
(ive). (Présenté par M. E. Ribet).
366. MAS (Emile), lauréat de l'Escolo, 63, avenue de Bédarieux,
Béziers (Hérault).
367. BÉCANNE (Philippe), docteur en droit, Lombez (Gers) [M]. (Pré-
senté par M. l'abbé Daubian).
368. LACOME, docteur médécin, conseiller général, Maire de Samatan
(Gers) [M.] (Id.).
369. PRIVAT (Jean), à Simorre (Gers), [M], (Id.)
370. DUPLANTÉ MARCEILLAC (Bertrand), à Cologne (Gers), [M.],
(présenté par MM. Lavergne et l'abbé Daubian).
371. BRUNET (Firmin), directeur de l'Ccole libre à Samatan (présenté
par M. l'abbé Dambielle).
372. TROYES (Ludovic), avocat, à Samatan (présenté par MM. F.
Troyes, l'abbé Dambielle et B. Sarrieu).
"373. F.u .iE {Justin), ancien député du Gers, à La Bastide-Savès, par
Samatan (présenté par M. l'abbé Dambielle).
374. DE ROBINEAU, notaire à Samatan (présenté par MM. l'abbé
Dambielle et de Bardies).
375. LACAZE, pharmacien à Samatan (pr. par M. l'abbé Dambielle).
376. Abbé BAYLAC (Albert), curé de Noilhan, par Samatan (Id.).
377. AbbéFOUBCADE (Marc), curé de Sarraguzan, par Miélan (Id.).
378. REY (Henri), électricien, à Lombez (présenté par MM. l'abbé
379. REYNE (Gustave), lauréat de PEscolo, 1, Quai de la Joliette, hôtel
des Services Publics, Marseille (R. du Rhône).
Dambielle et B. Sarrieu).
380. BORDES-PAGÈS (Auguste), médecin-major, à Bayonne (B.-P.)
(Fils du savant docteur ariégeois. — Présentépar M. V. Bardou).
381. Abbé SALIES (Auguste), vicaire à Boulogne-sur Gesse (H.-G.)
(présenté par M. l'abbé Dufor).
382. CASTEX (Emile) Félibre lauréat, au château du Mailh, par Gondrin
(Gers), (présenté par M. B. Sarrieu).
148
C'est par erreur que Mlle J. de Chasteigner et M. l'abbé Servat ont
pu être considérés comme démissionnaires. — M. A. Lavergne, vice-pré-
sident de la Société Archéologique du Gers, désire compter désormais
comme Membre actif ; nous l'en remercions vivement.
Espérons que le N° présent augmentera encore notre nombre. — Nous
avons malheureusement à déplorer le décès de quelques-uns de nos bons
Confrères, notamment de M. Albert TOURNIËR, député de l'Ariège,
Félibre Majorai (voir ci-après).

3. Renouvellement du Bureau. Motions diverses


Voici d'autre part les principales motions qui ont été présentées.

1) Composition du Bureau.
La première concernait le Renouvellement du Bureau, nommé en 190G
pour 3 ans, et soumis par conséquent à réélection. Mais, avant de décla-
rer le scrutin ouvert, M. de Bardies, président de l'Escolo, propose au
nom du Bureau à l'Assemblée générale, compétente à cet égard (Art. 9 des
Statuts), de modifier légèrement l'Article 10 concernant la composition
du Bureau lui-même. L'expérience a montré qu'il y a avantage à réunir
dans les mêmes mains les fonctions de Secrétaire et celles de Trésorior.
En revanche, il peut se faire que le Secrétaire-Trésorier se trouve empêché
ou ne puisse à un moment donné faire face à toutes les charges qui lui
incombent; il est donc bon de nommer un Secrétaire Adjoint. Le Bureau
propose, en conséquence, de modifier comme suit l'Article 10 des Statuts :
Art. 10. Le Bureau général est élu au scrutin secret, pour 3 ans, par
l'Assemblée générale. Il est composé d'un Président, de trois Vice-
Présidents représentant chacun l'une des trois sections de l'Ecole, d'un
Secrétaire-Trésorier et d'un Secrétaire-Adjoint. — Le vote par ojrres-
pondance est admis pour cette élection. ^
— L'Assemblée générale adopte à l'unanimité cette légère modification,
2) Renouvellement du Bureau.
Ce vote étant acquis, le Bureau sortant croit pouvoir faire remarquer à
l'Assemblée que, à la suite de la mort du savant et regretté abbé D. Cau-
Durban, deux autres Membres du Bureau, MM. A. Teulié et B. Sarrieu,
ont bien voulu se charger, pour 1909, le premier des fonctions de Vice-
Président pour le Couserans, le second de celles de Secrétaire-Trésorier ;
ils les accepteraient encore pour les années suivantes. D'autre part,
M. J.-M. Servat, de Massât, plusieurs fois lauréat de l'Escolo, accepterait
les fonctions de Secrétaire-Adjoint.
L'Assemblée, consultée, nomme à l'unanimité la liste ainsi proposée
par le Bureau sortant. M. le Président la remercie de cette marque de
confiance. Le Bureau de l'Escolo est donc ainsi composé, pour les trois
années 1910, 1911 et 1912:
Président: M, L. de Bardies, Maire de Soulan, par Aleu (Ariège),
149

Docteur en Droit, (Président également de la Société des Eludes du


Couserans).-

Vice-Présidents :
1. Pour le Haut-Comminges : M. l'abbé Y.D. Dufor, ancien professeur,
ancien aumônier militaire, curé de Labarthe de-Rivière (H.-G.).
2. Pour le Bas-Comminges: M. l'abbé B. Daubian, (de Boulogne),
H.-G.), Curé de Villefranche-d'Astarac, par Simorre (Gers).
3. Pour le Couserans: M. A. Teulié, Officier d'Académie, Directeur
des Écoles de Lédar, à Saint-Girons (Ariège).
Secrétaire-Trésorier : M. B. Sarrieu, Ancien Élève de l'École Normale
Supérieure, Professeur agrégé de philosophie au Lycée, 8, Place
Du-Bartas, Auch (Gers).
Secrétaire-Adjoint: M. J. M. Servat, Officier d'Académie, Pharmacien
lauréat, à Massât (Ariège).
— Le Représentant de l'École à Paris est M. L. Barbet, d'Aventignan
(H.-P.), 7, rue de Ponthieu, Paris (VIIIe), ou 23, rue de Saint-Cloud,
à Ville-d'Avray (Seine).

3) Situation financière de VEscolo. — Membres perpétuels.


La situation financière de l'Escolo, comme il ressort des comptes de
MM. A. Teulié pour la fin de 1908 et B. Sarrieu pour 1909, s'est encore
améliorée. Malgré la périodicité mensuelle d'Era Bouts dera Mountanho,
le tirage élevé de chaque N°, l'impression de 5000 Armanacs dera Moun
tanho (2e année), et des frais assez élevés de gravure, de musique et de
propagande, on constate avec plaisir que l'augmentation du nombre des
Membres et des Adhérents et une gestion prudente ont permis de
diminuer un certain arriéré, tout en faisant face aisément aux dépenses
o''dipai':ec C'est i'un bon augure pour l'avenir.
M. B. Sarrieu, d'accord avec les autres Membres du Bureau, propose :
1° Qu'à l'avenir l'année financière de l'Escolo finisse le jour de la
fête annuelle : c'est à ce jour-là que le Trésorier arrêtera ses comptes
pour les communiquer à l'Assemblée générale. — Adopté.
2° Que cette mesure soit applicable dès cette année, de façon à dégager
complètement l'exercice 1909. — Adopté.
3° Que notre Escolo, à l'exemple d'autres Sociétés similaires, admette
des Membres perpétuels, qni paieraient 20 cotisations d'un coup (soit
120 francs) et seraient ainsi Membres à vie de l'Escolo, sans avoir jamais
'.pLhs rien à verser, tout en ayant droit, bien entendu (comme tous les
Membres Actifs) à toutes ses publications. —■ Adopté. Les personnes qui
voudraient bien être Membres Perpétuels sont priées de se faire connaître
au Secrétaire Trésorier. Leurs noms seront accompagnés des lettres
M. P. sur la liste de nos Membres et Adhérents, et inscrits à perpétuité
sur cette liste.
— Une fois de plus, il est fait appel au dévouement de nos Confrères
pour nous amener des adhérents nouveaux.
150
4) Diplômes, de Membres de l'Escolo.
M. l'abbé Daubian, se faisant l'interprète de plusieurs de nos Confrères,
rappelle qu'il avait été question, il y a deux ou trois ans, de donner aux
Membres de PEscolo, des Diplômes constatant qu'ils font partie de
notre Société félibréenne. Moyennant l'envoi d'une petite somme (2 fr.
par exemple) destinée à couvrir les frais de tirage et d'expédition, ce
Diplôme pourrait être adressé à tous ceux qui en feraient la demande. —
Adopté. On y songera dès le début de l'an prochain.
5) Jeux floraux de l'Escolo.
M. B. Sarrieu propose d'avancer la date de clôture de nos concours, par
exemple au 30 Mai, ou même au 1er Mai, le programme en étant publié
en Février ou en Mars. Ainsi le Bureau aurait plus de temps pour exami-
ner les pièces présentées et attribuer les récompenses. — Adopté.
Plusieurs Membres (MM. de Bardies, Daubian) demandent même que le
Programme soit publié plus tôt, car c'est surtout en hiver que se font les
travaux soignés et de longue haleine, Il est donc probable que nous
publierons le programme de nos Jeux-Floraux de 1910 dans notre N° de
Décembre 1909 ou de Janvier 1910.
M. B. Sarrieu fait encore remarquer qu'il serait de bonne propagande
félibréenne de donner à nos lauréats plutôt des livres félibréens que des
Diplômes ou des Médailles : on remplacerait ces derniers par des ouvrages
de valeur équivalente, dûs aux meilleurs poètes et prosateurs de langue
d'Oc, anciens et modernes, sur lesquels du reste serait apposé un certifi-
cat de diplôme ou de médaille (de bronze, d'argent ou de vermeil). 11 est
probable que ceux de nos lauréats qui auraient obtenu plusieurs récom-
penses semblables dans un même concours ou dans des concours succes-
sifs aimeraient voir les dernières ainsi remplacées par des livres. Il y a là,
remarquons-le, une raison de plus pour avancer la date de clôture de
nos Concours, afin que nos lauréats, avertis assez tôt ùe !für7~ríeoíii-~
penses, puissent faire connaître à temps leurs préférences. Pour les
Mentions on donnerait toujours des livres. — Adopté.
6) Armanac dera Mountanho.
M. l'abbé Dufor demande que notre Almanach paraisse plus tôt (en
novembre au plus tard) ; qu'on lui donne le format d'Era Bouts, s'il doit
tenir la place d'un numéro ; qu'il contienne des articles courts et variés en
gascon et en français, la liste des adhérents et leurs adresses, enfin des
illustrations. — On applaudit à la plupart de ces remarques, notamment
h celles qui concernent la date d'apparition (M. Abadie la voudrait mèmjgi
plus avancée), la brièvetéMes articles et les gravures. Ce n'est qu'acciden
tellement que l'Almanach a pu suppléer à l'un des Nos de la Bévue ; mais
il parait bon en effet qu'il ait un format un peu plus grand que les années
précédentes. On pourra y indiquer l'adresse des Membres du Bureau, tout
au moins. Enfin, il donne en français les foires de cinq ou six départe-
ments ; on pourra peut-être y ajouter en français une page ou deux en vue
de la propagande.
151
7) Fête de l'an prochain.
M. l'abbé Dufor propose que notre Félibrée de 1910 ait lieu à Montré-
jeau et dans la région (à Gargas, à Saint-Bertrand de Comminges, où
nous n'avons pu aller en 1908). Des sympathies nous y sont déjà
acquises. Le site est admirable. — Bien que la chose ne puisse encore
être arrêtée définitivement, il est probable en effet que c'est là que se
tiendra notre prochaine Felibrée.

Il- — RÉCEPTION DE LA REINE ET BANQUET


1. Réception de la Reine
Madame la marquise douairière de Pins

On comprend que le temps ait passé vite, au milieu de toutes ces


questions intéressantes. Voilà déjà venu le moment d'aller au devant de
la Reine, cette année Madame la marquise douairière de Pins (au
château de La Busquière, à Montadet, près Lombez). Il était difficile de
mieux trouver sans doute pour l'amabilité, la distinction et l'attache-
ment au sol natal.
Précédés de leur belle bannière écarlate, aux franges d'argent et d'or,
les Félibres de l'Escolo deras Pirenéos vont la recevoir devant le palais
de Justice de Lombez. L'allée principale de la petite place, devant le
palais, a déjà été ornée de guirlandes ; plus en avant, des torsades de buis
se suspendent à quatre mâts gracieusement pavoisés, et portant deux
écussons où l'on lit :

A A
LA REINO L'ESGOLO
DELAS
- , r- . DERAS

DE LOIWBEZ PIRENEOS

On remarque aussi la belle bannière, chargée de médailles, de la


Société philharmonique de Lombez.
Déjà la foule accourt et se masse autour du dais de verdure. Bientôt,
elle s'ouvre pour faire place au bureau de l'Escolo qui arrive de l'hôtel
Idrac, précédé de sa bannière (don de Melle de Terssac, Reine de 1907)
fièrement portée par le félibre Escaich. Tout aussitôt apparaît du côté
opposé le brillant cortège de la Marquise douairière de Pins, au vrai port
de reine, et sous l'arc de triomphe, M. de Bardies, président de PEscolo,
lui adresse l'allocution suivante :

Allocution de M. de Bardies
Président de l'Escolo

Madamo, et Counsélh dera Scôlo deras Pirenéos que bous a causido


152

per. Rèino des Jòcs Flouraus de Loumbez. Nostro prumèro Rèino que
houe Madamo 'ra Countésso d'Antras, à Luchoun ; era segoundo Made-
maisèlo de Terssac, h Sént-Girouns ; era troisièmo, Madamo Filadèlfo
de Gèrdo, à Barbaza 1 ; de toutos que counserbam un agréable e fidèle
soubenir. Que counserbaram certènomént un parélh soubenir de bous,
Madamo, e que bous remerciam pla d'abé counsentitch à quita bòste bèt
caslètch det bosc de Labusquièro enda béngue présida nòstros hèstos.
Que bous saludi atnoumdes Félibres det Couménges e det Couserans dam
bòstros bèros Damos d'aunou ! (Applaudissements).

En terminant, M. De Bardies fait présent à la Reine d'un beau


bouquet.
M. le Maire de Lombez s'adresse alors à la Reine, en ces termes :

Allocution de M. Bécanne
Maire do Lombez
Madame,
Après le sympathique et distingué Président de l'Escolo deras Pirenéos
je suis heureux d'être le premier à vous souhaiter la bienvenue, et je
vous remercie de l'honneur que vous nous faites en venant présider cette
fête des fleurs. Nulle, mieux que vous, ne méritait ce titre de reine de
Lombez, et ne saurait le porter avec plus de grâce et plus de charme.
Aucun autre choix n'aurait su toucher aussi profondément l'âme des
Gascons. N'avez vous pas droit de cité chez-nous, Madame, de par vos
traditions de famille et le bien que vous et les vôtres avez fait sans
compter? Chacun sait que votre cœur et votre intelligence s'associent à
toutes les nobles causes. En vous choisissant comme leur Reine, les Féli-
bres ont mis à leur tête une Muse nouvelle, qui saura inspirer aux
Troubadours gascons leurs chants les plus beaux, et donner à leur poésie
un nouvel essor.
Monsieur le Président, je sais avec quelle intelligence et ([iî?.dévoue-
ment vous vous intéressez aux travaux et à la prospérité de l'Escolo deras
Pirénéos. L'œuvre que vous poursuivez n'est pas seulement une œuvre
littéraire. J'y vois une pensée plus généreuse et moralisatrice. En faisant
revivre notre vieil idiome, en encourageant par vos concours nos popula-
tions rurales, vous les rattachez plus étroitement au sol natal et vous
resserrez les liens de la petite patrie en fortifiant l'amour de celle qui
nous est chère à tous : la France...
Laissez-moi vous remercier de l'honneur que vous nous faites, en
tenant à Lombez votre réunion félibréenne de 1909.
Votre présence parmi nous évoque les glorieux souvenirs de notre
histoire locale, le Lohnbez des Evèques et de Pétrarque.
Des siècles ont passé depuis le jour où le grand poète italien, las de
vivre et d'aimer,vint, dans notre petit coin de Gascogne, chercher en vain

1. Seule, M,u" de Terssac se trouvait là, à la droite do la Reine, M»"» d'Antras et Phi-
ladelphe étant en deuil.
183
le repos du cœur. Il parcourut la France des Alpes aux Pyrénées,
et débarqua à Toulouse, un premier Mai, pour assister à la Fête des Fleurs
au « Collège de la Gaie-Science », qui devint trois siècles plus tard
l'Académie des Jeux Floraux. L'histoire ajoute qu'il arriva à Lombez en
juin et y passa l'été.
Votre visite serait-elle un heureux présage? et notre petite ville
va-t-elle voir revivre les jours heureux d'antan ? Je le désire pour faire
mentir le malin proverbe :

« Beati qui habitant urbes,


Prœter St-Papoul et Lombez... »
Grâce à vous, Messieurs, ne dira-t-on pas aujourd'hui :
« Miseri qui habitant urbes,
Prœter Lombez ?... »

Excusez-moi de vous avoir retenus si longtemps.


Entrez dans notre vieille cité, Madame, je suis fier de vous en ouvrir
les portes. En mon nom et au nom de la population que j'ai l'honneur de
représenter, je redis mes souhaits de bienvenue à la Reine des Félibres,
au Président, à tous les Félibres de l'Escolo deras Pirenéos.
(Applaudissents).
o terminant, M. Bécanne offre lui aussi un bouquet à la Reine, et lui
baila main.

La Reine, derrière laquelle brillait notre bannière, répond en ces termes :

Réponse de la Reine
MADAME LA MARQUISE DE PINS

Monsieur le Maire,
Je me-Fëjoïïîs que mon titre de reine me donne l'occasion d'être reçue
par un ami, dans cette chère et bonne ville de Lombez berceau de ma
famille.
Tout ce que vous dites va à mon cœur, j'en connais la sincérité,
les liens de l'amitié ayant toujours existé entre nous.

Monsieur le Président,

Lombez, aujourd'hui en fête, vous réserve le plus sympathique accueil ;


déjà vous y a précédé le renom qui s'attache à vos savants ouvrages sur
l'histoire du Couserans.
Le souvenir de Pétrarque, une des gloires de Lombez, vous a fait
choisir cette contrée, pour faire revivre, dans cette vallée respectueuse
des traditions, la langue et la poésie gasconn;s. Merci, mille fois,
Monsieur, de votre amabilité, et des paroles si flatteuses, que vous avez
bien voulu m'adresser. (Applaudissements.)

Entre temps, comme pour bercer chaque nouveau discours, la


154
musique massée devant le Tribunal, joue plusieurs morceaux entraînants,
sous l'habile direction de son chef, M. Rey.
M. de Bardies, notre Président, offre alors galamment le bras à la
Reine et le cortège se forme sous les applaudissements répétés de la foule
compacte. La musique joue, la bannière flotte au vent ; la Reine la suit,
suivie elle même de Mademoiselle de Terssac, du Maire de Lombez, etc., et
l'on se rend immédiatement à l'hôtel Idrac, à la façade ornée de fleurs,
où commence aussitôt le banquet.

2. — La Table et le Menu

Dans la grande salle de l'hôtel, trois tables sont dressées. Sont


présents ;
A la table centrale : Mme la marquise de Pins, Reine de la Fête ; puis,
à sa droite, M. Henri Récanne, maire de Lombez: Mme Privat; M.
l'abbé Daubian, curé de Villefranche d'Astarac, vice-président de l'Escolo
pour le Bas-Comminges ; Mlle Levrat ; Mlle de Gesta ; M. de Scorbiac ;
le comte M. J. de Terssac ; Mme Levrat ; M. E. de Bon ; Mme la vicom-
tesse d'Aure ; Mme Clauzel de Puymirol ; M. B. Sarrieu, professeur au
Lycée d'Auch, secrétaire-trésorier de l'Escolo ; Mlle Urbainie de Terssac,
notre aimable et généreuse reine de 1907, qui a bien voulu venir assister
avec ses deux frères à notre Félibrée ; M. L. de Bardies, docteur en droit
Président de l'Escolo ; Mme Henri Bécanne ; M. R. Lizop, professeur
d'histoire, délégué de la Fédération Régionaliste Française ; Mme la
marquise de Ron ; M. F. Artigue, notre Mécène ; Mme M. de Porquier ;
Mme la Marquise de Panebœuf de Meynard ; M. Adrien Lavergne,
vice-président de la Société Archéologique du Gers ; Mme La Verteville
Marquise de Pins ; M. l'abbé Dufor, curé de Labarthe-de-Rivière, vice-
président de l'Escolo pour le Haut-Comminges.
Aux deux autres tables : M. le docteur E. Levrat, lauréat-JiPTEsîolo ;
M. Philippe Bécanne (fils du maire de Lombez), docteur en droit ; M. de
Roquemaurel de Soueix (d'Oust) ; Mme de Bon ; M. le docteur Bouniol ;
M. J. Bécanne ; Mme Souville ; Mlle Charlotte Bécanne ; Mme Marie de
Scorbiac ; M. le Baron de Gauléjac ; Mlle Marguerite Bécanne ; M. le
Vicomte de Terssac; M. Georges Lizop, et M. Vi:tor Lizop ; — M. l'abbé
F. Sarran, secrétaire de l'Escolo Gastou Fébus pour l'Armagnac,
directeur à Auch de la pension Salinis ; M. l'abbé Sylvain Verdier, curé
de Hèches (v. d'Aure) ; M. l'abbé Bernadet, curé de Molas ; M. B.
Duplanté-Marceillac (de Cologne du Gers) ; M. Jules Lavergne (fils de
M. Adrien Lavergne) ; M. l'abbé Jean Barrieu, vicaire à Samatan ;
M. J. Soulan ; M. J. Sens, lauréat de l'Escolo, instituteur à Saint-
Paul d'Oueil ; M. L. Lazerges, élève du Lycée de Foix ; M. F. Escaich,
notre aimable porte bannière, et M. Noël Abadie, notre dévoué imprimeur.
La meilleure cordialité règne bientôt entre tous les convives. On
admire le menu, rédigé par M. Ph. Bécanne, et spirituellement illustré
par M, N., professeur à l'Ecole de Samatan, Le voici.
1S5

En ta ciùtat cl© Loumfrez


TAULADO FELIBRÉNCO

dou 5 dou més de Setémbre 1909


serbido pel mestre d'Otel lou IDRAG

Detalh dou Repètch


— o—
Per mous bouta en apetit :

Saucissot, burre, raffles, etc.


— o—
Pelitos embucados,
dab hidge de bedèt diguéns.
—o—
Loup, sauço pimentado,
pescat à l'Esquinsouv .
—o—
Cibét de lèbe,
des tupès d'Empaliras

Petites pfots gascous


Salado-russo gascouno
Galantino de pouralhos... gascounos

£K—^— .^ ' —o—


Cocos e desserts bigarrats
—o—
Bin de charnpanho de... las biélhos binhos de Mourléns
—o—
Cafè — èArmanhac biélh (è dou bouw !)
aufèrt per l'amie Bedout
—o—

Toasts e brindes per mous regala l'esprit après mous aué regalat le cors
E aro, aprestas-bous à pla nhaca,
que sera bouri, bousprouméti...

Le menu tient en effet parole. Bientôt arrive le moment des toasts, qui
se succèdent comme on va le trouver ici, et que nous avons avons essayé
de rendre aussi exactement que possible.
1S6

3. — Toasts ou « Brindes »

Toast de M. de Bardies
Président de l'Escolo deras Pirenéos

Bèros Damos, brabis Gascous,


Que pôrti 'ra santatch de Madamo 'ra marquiso de Pins, era nòsto
'rrèino, è dét soi? courtèdje ; de Mademaisèlo de Terssac, era nòsto 'rrèino
de Sen Girouns ; de Mu Bécanne, et mès ancièn è 't mes brabe mèro de
Gascounho e belèu de Franco; è 'ra santatch dera Gascounho è de ço
qu'era Gascounho a de mès bètch.
Era Gascounho qu'a un souléi d'òr; mès a quaucarré de mès bètch.
Era Gascounho qu'a de bèros mountanhos ; mès a quaucarré de mès
bètch. Qu'a de fréscos sourços ; mès a quaucarré de mès bètch. Qu'a bèris
bôsques ; mès a quaucarré de mès bètch. Qu'a blats daurats ; mès a quau-
carré de mès poulitch. Que a de bèros binhos ; mès que a quaucarré de
mès bètch. Era Gascounho a prats berdejénts, mès a quaucarré de mès
bètch. A sas goujatos, atch ùélh de houe, ara pètch de sédo, at rise d'or !
Pôrti 'ra santatch deras goujatos de Gascounho ; lebi mouu béire ara
Gascounho è ara bilo de Loumbès !
Parla de Sén-Girouns (A ). (Applaudissements).

Toast de MMK la Marquise de Pins


Arrèino dera nosto Hèsto

Quelle guirlande de fleurs tresserai-je pour vous, Messieurs les Félibres,


en reconnaissance de la couronne, même éphémère, que m'ont décernée
vos bienveillants suffrages ?
Le seul titre au grand honneur qui m'est fait — titre que je revendiqne
hautement aujourd'hui — est mon profond attachement au soi" natai
aux coutumes des ancêtres.
Fidèle à notre verdoyante vallée où la Save déroule ses capricieux
contours, c'est sur ses rives sablonneuses, dans le calme reposant du soir,
que j'ai souventes fois répété cette consolante pensée :

Quand tout change pour toi. la nature est la même


El le même soleil se lève sur tes jours...

Quant à vous, Messieurs les Félibres, en resssuscitant ces Cours


d'Amour, gracieux vestiges du passé, vous êtes certains qu'au milieu de
vous, encouragé par vos paroles et vos exemples, inspiré par une Mireille
gasconne, surgira un nouveau Mistral, chantre de beauté et de pure
poésie.
C'est à ce troubadour, vrai cadet de Gascogne, qui peut-être est ici,
c'est à une Magali au regard plus brillant que les astres qui sûrement
m'écoute, c'est en leur honneur que je vous demande de lever notre
coupe. [Applaudissements),
157

Toast de M. Henri Bécanne


Maire de Lombez

A la Reine des. Félibres, A leur Président, A tous les Félibres :


Il me fut conté que jadis, au temps ou Pétrarque vint sur les rives de
la Save isoler un cœur amoureux, Lombez était une petite ville fort gaie.
On y jouait, on y dansait, on y donnait même des repas succulents.
Réunis aujourd'hui en de fraternelles agapes, ne vous semble-t-il pas que
c'est tout le passé joyeux et littéraire de notre vieille cité que nous faisons
revivre? Je m'en voudrais de ne pas vous dire, en son nom, nos remercî-
ments et nos souhaits.
Je bois d'abord à vous, Madame, la Reine des fleurs et des Félibres,
qui resterez toujours, et avant tout, la reine de Lombez.
Je bois aussi à vous, les Reines d'hier, à vous toutes, Mesdames, qui
êtes le charme et l'attrait de nos réunions. J'envoie un salut ému à votre
première Reine qu'un deuil cruel retient loin de nous. Je lève enfin mon
verre à vous, Monsieur le Président, en vous remerciant des paroles
flatteuses que vous venez de nous adresser ; en mon nom et au nom de
la population que je suis fier de représenter, je fais des vœux pour la
prospérité de VEscolo déras Pirenéos.
Adaro, en frai}c gascouv que bréndi à toutis les Félibres de Coumén-
ges, de Nebouzai}, de Couserans, de toutos las Pirenéos dinquos ena
Garo ino que nou pouyra jamès abala la Sauo. Hasén nòsto bòsto
debiso, toutis abrigats dins les plegs dou mémo drapèu, cridaram dam
bous :
Tousténs Gascous!
Tousténs Francésis !
( Applaudissements)

Toast de M. l'abbé Daubian


Vice-Président de l'Escolo pour le Bas-Comminges

Arrèino, Daunos, Moussus,


A jou, que caso mlo serbis prèsque de chibau entremiéi es tupès è es
planés, qu'en hè gran gòi, aué, de jita, de-drét, un salut de bouno
bengudo as brabes amiguéts que mous són arribades dera Mountanho,
è qu'arrepresénton, ací, et Couserans è et Couménges-de-Haut.
Qu'en brémbi, bedèts-bous, d'aquéro aigo claréto è fresquéto dera
amistat que, qùate ans de tiro, a coulât dera suio amo entá arrousa
era amo nòsto. Que mous diguèuon « frais » catsus acfu : qu'en plats,
emproumou qu'ei juste, de mou-n arredigue acl è pertout. A mou n demoun-
ta eras machèros, à pléi) gousiè, toustén, entout mous téngue pera man,
que canteran era causo sacrado que s'apèro era petito patrío ena Franço
grano. Amiguéts, Gascous, hardit toustém ! Ribo caso nòsto ! Bibo era
Franço ! (Applaudissements)
(Parla de Pegulnan, canloun de Boulounho, Hauto Garouno.)
158

Toast de M. l'abbé Dufor


Vice-Président de l'Escolo pour le Haut Comminges

Mesdames, Messieurs,
Permettez à un vétéran de notre chère « Escolo » de porter la santé
des trois membres qui l'ont généreusement gratifiée de trois prix spéciaux.
Et, d'abord, notre sympathique et distingué Président a offert, vous le
savez, une pervenche d'argent à l'auteur du meilleur sonnet gascon en
l'honneur de ['Arbre, ce géant de la nature, dont l'ombre est si douce et
le bois si nécessaire à l'homme, lyre des vents et berceau des chantres
ailés, qui a inspiré à nos aèdes idylliques des pensées gracieuses et
présentées avec délicatesse.
Honneur et reconnaissance à notre éloquent confrère, M. Lizop, pour
avoir mis en avant l'idée de glorifier l'arbre ; à M. le baron de Bardies,
l'àme toujours en éveil de plusieurs Sociétés régionales, pour y avoir
attaché, comme une croix d'honnenr sur une poitrine de brave, une
pervenche d'argent, enjeu de ce tournoi poétique ; aux concurrents, pour
avoir brillamment combattu autour de ce radieux emblème de notre
fraternité félibréenne, tels autrefois les lutteurs des jeux olympiques
autour des couronnes d'olivier. Honneur, enfin, à l'heureux vainqueur qui
a su de haute lutte remporter la victoire !

Mme la Comtesse d'Antras, elle, a porté sa générosité sur le récit le


plus méritant en prose gasconne, et le récompense d'une violette d'argent.
En accordant ce prix, la noble châtelaine de Frouzins s'est sûrement
rappelée que VEscole fut fière, en 1906, de la désigner pour reine de sa
fête annuelle, à Bagnères-de-Luchon. Elle a voulu aussi, sans doute,
encourager l'étude si savoureuse, si patriotique, si idéale de la langue d'oc
et du passé si intéressant de notre vaste domaine félibréen : œuvre excel-
lente, ajoutée à toutes celles qui remplissaient déjà la vie5e cette grande
chrétienne et de son digne époux.
Je crois être l'interprète de tous en l'en remerciant publiquement, et en
lui disant : « Madame, veuillez agréer les condoléances les plus émues de
1' « Escolo » tout entière pour la perte cruelle que vous avez faite dans la
personne de votre gendre, homme de cœur et officier d'élite dans la plus
vaillante armée du monde, l'armée française ; Dieu vous aide à supporter
cette dure épreuve ! »
**#
Déjà donateur, l'an dernier, de quatre médailles, deux d'argent et deux
de vermeil, M. Fabien Artigue, ingénieur, voulant cette année faire plus
grand encore et plus beau, avait dit aux participants de notre concours :
« Voilà une médaille d'or pour le poète qui aura le mieux réussi une
ode gasconne à la gloire des hommes illustres du Comminges. Poètes ! en
haut vos âmes ! à chanter nos grands ancêtres, apportez tous vos enthou-
síasmes, toutes vos envolées, toute votre passion lyrique. L'ode convient
aux tempéraments imaginatifs, exubérants, des Pyrénéens :
Son style impétueux souvent marche au hasard;
Chez elle, un beau détordre est un effet de l'art *.

« Elevez-vous à la hauteur des mérites guerriers, scientifiques, littéraires,


des hommes qui ont le mieux servi et illustré notre pays commingeois ! »
Si les écrivains gascons, s'exagérant, peut-être, les difficultés du genre
et de la lutte, ne se sont guère laissé tenter, cette fois, par la beauté du
sujet et de la récompense, M. Fabien Artigue, j'en suis sûr, va leur crier
plus fort : « A la médaille d'or, réservée pour l'an prochain, en l'honneur
» de la plus belle ode à la gloire des hommes et des femmes les plus
» illustres du Comminges, j'ajoute une autre récompense félibréenne. »
Eh bien donc, M. Artigue, au nom de tous, je vous remercie et je vous
félicite de chercher ainsi à élever la mentalité, l'idéal intellectuel de la
jeunesse pyrénéenne.
Et, vous, poètes du pays, prenez vos lyres, prenez vos chalumeaux, et
chantez!... (Applaudissements)

Toast de M. R. Iiizop
Délégué de la Fédération Régionaliste Française

Rèino, Do-nos, Felibres,


Escusat3-me, se véngui mescla à las pervéncos de las prados pirenéfl-
cos, à las flourétos del mouriscou que cado Nostro-Damo de Setémbre
blanquéjo coumo nèu dins la piano de Valentino, uno espigo dels blats
Toulouséncs amé qualque menut lambrusquét de las vinhos de Lengodoc.
Un journ, anavi pietadousomén visita nòstro basilico de Sen-Bertrand de
Couméngcs. Ei vist, dins lou tresor d'aquélo glèiso espectaclouso, un
reliquari trabalhat per la ma d'un mèstre incounegut d'autres cops. N'i
avió 'scrincelat un cabalhè que flssabo amé sa lanço aquélo grando sèrp
miradouoü que nostres paires apelabon la guivra. Dejoutz n'èro escriut
en biélho léngo d'oc: « PER L'AMOR DE MA DONA ME COMBAT
AB AQUESTA VIBRA2 ». Auèi la sèrp mès verinouso, mès giganto
encaro de la centralisaciu è del mesprès del passat subrebèl de la raço
replégo sous milo anèls per estoufa dincos à la darrièro paraulo de nostro
léngo, per escana dincos à la darrièro libertat de la nostro tèrro- Per
aquélo dôno de paratge e de beutat que s'apèlo l'Ouccitanio, les Felibres
de í'EscòIo deras Pirenéos luchon e lucharan darrè l'ufanouso bandièro
al prumiè rénc dels valénts troubaires, aimadous e cabalhès de Santo-
Estélo, que s'afrairéjon, la ma dens la ma, del Rose Prouvençal à la mar
de Biscayo, per mena la bouno batalho countro aquélo bèstio de malur.
Es pr'aco que iéu, fllh de Toulouso, brindi moun véire coumoul de l'em-
briaganto liquour del réi Henric, per Petèrno amistat de moun Lengodoc et

1. A lire les vers admirables de Boileau (Art poétique, II, v. 58-7-2). — 2. Autre forme
du mot guivra (de ' vipera) % guivre, dragon fabuleux ».
160
de vostro Gascounho, per nostro génto e noblo Rèino d'auèi e per las
nôstros rèinos de Barbazan e de Sen Girouns na Filadèlfo de Gèrdo è na
Urbanlo de Terssac, per las dònos e les troubaires de Couménges e de
Couserans, per las vilos bessounos de Samatan e de Loumbez. e pel gran
soulélh de la Patrio que nous assadoulo de gaietat, de pouesio e de
valénço ! (App'audissements).

Allocution de M. F- Artigue

Mesdames, Messieurs,
Je ne veux pas vous faire un discours, après tous ceux que vous venez
d'entendre, mais puisque M. l'abbé Dufor a eu la trop grande amabilité de
me mettre en cause, permettez-moi de vous dire que je suis très sensible
au toast qu'il m'a porté, et aux remerciements qu'il m'a adressés pour les
récompenses que j'ai offertes à l'Escolo deras Pirenéos.
Je m'intéresse vivement à la régénération de la langue d'oc, parce que
c'est la première que j'ai apprise, et je lui dois, en conséquence, des
encouragements.
Cette année, j'aurais été particulièrement heureux de voir décerner la
Médaille d'or à la plus belle ode qui nous aurait été présentée, et il semble
que la fête de ce jour y eût gagné en éclat et en importance. Mais deux
compositions seulement nous été envoyées, dont l'une, en français, s'exclu-
ait d'elle-même, et dont l'autre, comme la première d'ailleurs, était mani-
festement insuffisante. Nous avons donc dû réserver le prix qui, je l'espère,
sera mérité l'an prochain.
En outre, j'ai pensé à attribuer, en 1910, une récompense en faveur du
meilleur poème sur la Montagne.
La montagne, vous le savez, a donné son nom à notre Revue, elle en
illustre la couverture, et, à titre de Membre du Club Alpin, je lui devais
de ne pas l'oublier au milieu de nous.
Je lui suis redevable de joies très vives, et beaucoup lui reconnaissent
le don de leur faire oublier les vicissitudes de la vie, cor la passion des
hautes cimes est la grande guérisseuse des blessures de Pâme.
A ce sujet, permettez-moi-une digression :
J'étais naguère délégué par la Section des Pyrénées Centrales du Club
alpin français, pour la représenter, le 25 juillet dernier, à l'inauguration
du Chalet-Refuge d'UU-de-Ter, situé à 2325 mètres d'altitude, dans les
Pyrénées catalanes.
Dès le 24, les plus zélés, M. le Comte de Saint-Saud et moi, nous nous
rendîmes à Camprodon, lieu de rassemblement des Catalans, où nous
fûmes reçus chaleureusement, comme il convenait dans ce pays d'enthou-
siasme, d'originalité, de pittoresque, de respect des traditions, et surtout
de bonne hospitalité.
Sur la place publique, un grand bal fut organisé ; deux ou trois cents
exécutants ou exécutantes dansèrent toute la soirée la Sardane, aux sons
d'une musique entraînante, et à la Mairie, richement pavoisée, une récep-
161

tion eut lieu, où nous entendîmes, outre des chants catalans, les paroles
de bienvenue de M. le Maire de Camprodon, du représentant du Maire de
Barcelone, et de M. Torras, Président du « Centre excursionista de Cata-
lunya », la plus importante des Sociétés pyrénéistes.
Le lendemain, 75 alpinistes, venus de Paris, de Bordeaux, de Barce-
lone et d'ailleurs, dont plusieurs dames et jeunes filles, étaient présents
au banquet d'Ull-de Ter, et ce chiffre paraîtra d'autant plus imposant
qu'il ne faut pas moins de 10 heures, à pied ou à dos de mulet, par la
route praticable la plus voisine, pour y arriver.
En outre, deux ou trois cents personnes étaient accourues des deux
versants des Pyrénées, pour ajouter à la manifestation.
Enfin un lâcher de cent pigeons eut lieu au stmmet, et la nouvelle de
l'ouverture du Chalet-Refuge fut ainsi portée dans toutes les directions.
Vous voyez que les Espagnols font bien les choses, et c'est peut être en
vain que nous chercherions en France un pendant a cette cérémonie, une
inauguration de Chalet de haute cime aussi imposante, sans compter que
l'achèvement de cette construction, la plus confortable de celles qui exis-
tent dans les Pyrénées, à pareille altitude, fuit grand honneur au
" Centre excursionnista de Catalunya", et a valu à son président le titre
de membre honoraire du Club Alpin français, qui lui a été décerné par la
Direction centrale de Paris.
Eh bien! j'ai pensé qu'à PEscolo daras Pirenéos, nous devions aussi
glorifier la Montagne, non pas en élevant des monuments sur. les cimes,
mais en ciselant des vers en leur honneur.
Voilà pourquoi, Pan prochain, en outre de la Médaille d'or qui sera
décernée à l'ode la plus méritante, un Edelweiss en or sera attribué a la
plus belle poésie sur la Montngne.— J'espère que les concurrents seront
nombreux, qu'ils nous présenteront deux chefs d'oeuvre, et que nous pourrons
ainsi leur attribuer les deux récompenses. ( Vifs applaudissement-)

Toast de M., l'abbé Sarrart


Secrolaire de l'Ëscolo Gastou-Fébus pour l'Armagnac

Voici bientôt qu'à la demande générale se lève « Lou Cascarot »' et sa


charmante improvisation a le plus grand succès :
Praci, que m'apèron Lou Cascarot. E toutáro qu'entenèui : « A tu,
Cascarot ! »' — « Aném ! da-u, Cascarot !» — « Allons, Monsieur
Cascarot ! » ça-m disen las demaisèlos. « Haut ! Cascarot ! » ça m hèm
lous moussus. Saquela ! nou disi pas que m'an pas coupât lou hiu, mès
en aquéste moumént, pòdi pas oaire tèche. Que tse bòi pracô counta un
petit fôt que m'arribèc, que i-a d'aco cauques ans, quan m'en angoui estudia
lou gascoun... à Paris.
Lous prumès oèit jours, à pas enténe parla gascoun, mès sulomént
franchimant, qu'en auèui lou cap tout entounerrat. Un maitin, qu'èri
setut prou triste ser un bane, déns un jardin, à sauneja à la Gascounho
nosto e à PArmanhac mèr... I auèuo, praquiu, un pijoun que bouletejauo
s'ous aubres, e dus moussus que parlauon francès. Forço ana e tourna,
162

aquét pijounas te dècho caije s'ou capèt de l'un dous moussus... coumo
que dise acò ?... caucoumét que n'èro ni coeit ni cru, ni mémo boun à
cose! (Rires) « Canalho de pijoun ! ça dits Tome, n'as pas dejunat à
l'espitau ! » D'èro mémo, à-n-aquét malur, la léngo doufranchimant s'èro
tournado bira decap au gascoun. Aquét pijoun, de sigu, qu'èro un pijoun
felibre ; e se lou sentimént lou partichèuo pas dou cor, que hazèuo praco,
à sa faiçoun, ôbro felibrénco, e que eau pourta sa santat ! (Rires).
Mès que la porti, per dessus tout, à-n-aquéts Gascous que soun esper-
recats un pauc pertout, en Franço e à l'Estranjè ; que ne soun pas de
VEscòlo deras Pirenéos ni de VEscolo Gastou-Fébus, mès que s'an pas
desbrembat la léngo mairano. E, s'ac eau tout dise, que hèi lou souhèt
que troben, slon doun slon, cauqueauzerot de praci, pijoun ou Bouts dera
Mountanho ou Reclams, que lous hasco bremba que soun Gascous de
Gascounho, e que nat parlà, enta-u plasé coumo enta la péno, nou bau lou
parlà gascoun ! ( Vifs applaudissements)

Toast de M. B. Sarrieu
Secrétaire-Trésorier de l'Escolo deras Pirenéos

Dans un toast également improvisé, M. B. Sarrieu boit à l'union


durable des pays de Comminges et de Couserans.
« Qu'èm erousi », dit-il à peu prés, « de béi ce quin mous arrecében
aimabbloméns es nòsti counfrais des bòrts dera Sauo. Acró qu'ei 'ra
prôbo qu'era unitat des palsi de Couménges è de Couserans que dure
toustém. O-plan : es dus biélhi pôbbles des Convencé è des Consoranni
que biéuen encaro, at dió de gùé, è ne 's gùèrres, ne 's successious, n'es
dibisious artificiales en proubinces o 'n departoménts nou les poudéren
bric hè destaca s o brisa-s. Era naturo madécho que les tén toustém
units: acitau, en Bach-Couménges, que beuét es aiguës des nòstes
nèstes è garounes, o 's qui destant era nòsto grano planhèro dera
Lamézo les seguéchen frairaloméns. E, pera léngo coumo pet cor, ja-s bé
prou, nou i-a toustém, des Pirenès dinquio acitau, soun que iou soulo
patrió : Couménges è Couserans. Que lhèui 't béire ara unitat de tout et
Couménges è det Couserans ! (Applaudissements)
Parla de Sent-Mamét-de-Luchoun (Hauto-Garouno)

4. — fin du Banquet
Chant de la « Coupo-Santo »
par M. R. Lizop

La série des toasts est terminée. M. R. Lizop se lève alors et entonne


la « Coupo-Santo », le chant de ralliement de tous les Félibres. L'assis-
tance, entraînée, reprend en chœur le refrain.
Puis, M. F. Escaich, notre porte-bannière, s'avance à son tour, pour
lire son hommage à la Reine. L'artiste calligraphe et dessinateur qu'est
M. F. Escaich s'est surpassé cette fois. Plusieurs belles majuscules,
délicates miniatures, ornent son poétique hommage ; à la fin, c'est un
163

chevalier bardé de fer et gardant les armes de la maison de Pins ; le tout


a été remis dans une enveloppe où un timbre français était imité à s'y
méprendre. Voici la poésie.

OUMATJE
à Maetes»® la Marquis© d© Pîns
Reino des Jocs-flourals
par M. F. Escaich, porU-bannière do l'Escolo

Marquiso, se sabots quin ma plumo es gaujouso


D'escriure tout ço que moun cor
Sentís, quan a sabut que, Rèino merbelhouso,
Ets de l'Escolo le tresor.

Les Felibres bous fèn ùelhicado miitouso,


Car ets sor de las autos sors
Que canton le boun Diu d'uno amo pietadouso
E del païs las flous des orts.

La léngo des Gascous en parladís pla richo


Dount bosle cor es pla countént
Nou ba pas mendica mots anglés ou d'Otricho
Coumo 1' francès fè ta soubént.

Mais soun pai le Patùès, que 1' téns jamais nou 'squicho,
Des franchimants buto 1' rebént;
Dins lour parla Jasmin, Mistral fen emistichos
Coumo Sarrieu, noste sabént.

Coumo les parpalhols lours berses an las alos


E soun fresquets coumo le ros
Qne debaro del cèl per bernl las petalos
De las flous qu'òrnon boste cos.

O Marquiso ! o de Gèrdo, o flous que las Cigalos


Aimon à canta toutos diôs,
Bous pòrton duntio 1' cèl sus las petitos aios
Ambé 1' Presidént de bardiòs.

O Countesso d'Antras, de Terssac, per bous, Marquiso


Me soun caussat des escarpins
164

Anda rounda sus bords fùelhuts de moun Arizo


Dount les bords aro coulon prims.

Y-e fèit aquéstis bèrs à l'énto que la briso


Embaumo toutis les autins,
Per bous les da d'un cor que de plasé se griso,
O noblo Marquiso de Pins !

I
Ma muso debans bous, bèro damo, s'etsalto
Quan pénsi qu'es bostis aujols,
Jagants bardats de fer, pregabon Diu à Malto
Tout batalhan la crouts en col.

N'ausissèn pas le brut que fajòn sus Pasfalto


Des chibaliès que courriôn fols
Sus enemics casuts, que despueich fen uno alto
Dins les cabots boutats en dol...

Bous que del malurous soulajats la misèro,


Que founeiòts le cor d'un roc,
Ets la flou que 1' boun Diu a boutât sus la tèrro
Per èste aimado d'un bèt floc.

Tabès, de bous abé nòsto Escolo es pla flèro,


Filho d'aujols pounchan d'estoc ;
Pregan Dlu que pourtéts lounténs, à la Busquièro,
Las pinhos d'or sus camp de foc

( Vifs applaudissements !)
Parla de La Baslido de Serou (A)

Ce charmant hommage est plusieurs fois interrompu par de vifs applau-


dissements. —
Départ pour la Séance publique
C'est ainsi que, peu à peu, le moment est venu de se rendre à la S/an*»
publique. Mais M. Henri Bécanne se lève encore une fois : « Jo prie »,
dit-il, « Messieurs les Félibres, au nom de la Municipalité, de vouloir
bien se rendre, après la Cour d'Amour, dans la salle de la Mairie, pour
un dernier serrement de mains». — «Nos meilleurs remerciements,
Monsieur le Maire», répond M. de Bardies ; « nous serons fidèles à
votre aimable invitation ». — Puis l'on se rend solennellement à la Halle,
où la musique de la ville et un nombreux public attendent déjà les
Félibres.

1. Allusion au blason de la maison de Pins.


165

III. — « COUR D'AMOUR »


Discours f élibréens et Distribution des Récompenses
de nos Jeux floraux

Sur l'estrade qui leur a été préparée, la Reine, ses dames d'honneur,
M. le Maire, le Bureau del'Escolo et plusieurs notabilités delà ville pren-
nent place. On ne retrouve point ici le charmant et original coup d'oeil
que nous offrirent, à Saint-Girons, les costumes rougeàtres ou d'un blanc
éclatant des Bethmalaises et des Massatoises : le Bas-Comminges a laissé
perdre son costume local, i l'exception pour les hommes, du béret gascon,
mêlé au large chapeau de feutre toulousain, et de la vieille blouse gauloise,
et pour les femmes d'un foulard posé gracieusement sur la tête et imitant
quelque peu le haut d'un capulet. Il n'est pas dit que quelque jour nous
ne pourrons point restaurer et remettre en vigueur à cet égard les vieux
usages commingeois, mais il y aura sans doute assez à faire.
En revanche, à Lombez plus que partout ailleurs (sauf peut-être encore
à Saint-Girons), nous avons eu vraiment affaire à un auditoire populaire.
Plus de 700 personnes, bourgeois, paysans et travailleurs, assistent (assis
ou debout) à la séance, — sans compter les enfants, très nombreux, et
même trop bruyants : excusons la vivacité du sang gascon. Malgré un
vent parfois un peu violent, le temps est assez favorable. Beaucoup de
nos compatriotes, qui ignoraient ce que c'est que les Félibres, auront
assez bien entendu les discours félibréens et régionalistes du début, puis
le rapport sur le Concours et le palmarès de nos Jeux Floraux, enfin la
lecture de quelques pièces récompensées, et seront certainement repartis
instruits du programme félibréen et de l'œuvre de l'Escolo deras Pirenéos.

1. Discours félibréens

La musique delà Société Philharmonique se fait d'abord entendre ; puis


la Séance commence par quatre discours, prononcés par le Président et
les Vice-Présidents de notre Escolo et par M. R. Lizop, délégué de la
Fédération Régionaliste Française. Les voici dans l'ordre où ils ont été %
prononcés.
Discours de M. d« Bardies
Président de l'Escole

Reine aes Félibres,


Mesdames,
Messieurs,
Nous fêtons aujourd'hui deux sœurs trop longtemps méconnues, la
patrie gasconne et la langue gasconne. Qui eût osé se dire Gascon il y a
vingt ans et ofiri eût osé parler gascon en public? Et, cependant, Mireille
avait lui sur le monde latin et, depuis 1854,1e Félibrige était fondé. Mais,
longtemps après que l'idée de la petite patrie, l'entité de la patrie méridio-
nale, la noblesse de la langue romane eurent été reconnues sous l'irrésis-
tible poussée des rénovateurs, on se disait méridional et on avouait qu'on
166

parlait le patois, le méridional, la langue d'oc, mais on aurait rougi de se


dire Gascon et d'avouer qu'on parlait le gascon. Et cependant, Messieurs,
que nous le voulions ou non, nous sommes de purs Gascons, dont l'enfance
a été bercée par la langue chantante de nos ancêtres.
Mais pourquoi ne voudrions-nous pas l'avouer? Est-ce que la Gasco-
gne n'est pas, dans sa variété, la plus belle province de France? Est-ce
qu'elle n'a pas tous les sites? Où sont les monts plus majestueux? Où
sont les sources plus pures, les cascades plus mugissantes, les ruisseaux
plus impétueux, les rivières plus limpides que les nôtres? Où sont les
prairies plus vertes, les forêts plus touffues? Où sont les vallées plus
douces, les collines plus caressantes, les plaines plus fertiles? La
Gascogne n'a-t-elle pas tous les produits du sol et ne pourrait-elle pas se
suffire à elle-même ?
Ses filles à l'œil brillant, ses garçons aux bras nerveux ne pourraient-
ils pas se contenter de leur pain appétissant, de leur vin guilleret, de leurs
vimdes exquises, et vivre la douce vie des champs sous leur ciel d'azur?
Certes oui ; mais l'essence du Gascon est dans le mouvement, et c'est ce
qui l'a tant fait connaître dans le monde. Nos populations étaient très
nombreuses ; il y a encore dans les montagnes commingeoises beaucoup
de familles de sept enfants. Celui qui doit continuer la maison, l'aîné des
garçons en général, quelquefois le préféré du père ou le moins aventu-
reux des fils, souvent un gendre, car le bien de famille gascon se transmet
indifféremment par les filles, celui qui reste enfin, représente la tradition;
il est l'image de nos rochers immuables ; sa seule ambition est d'agrandir
un peu le le domaine terrien de ses pères. Les autres imitent les cours
d'eau qui se précipitent de nos montagnes ; ils vont, ils viennent, ils font
leur trouée.
Madame Juliette Adam disait ces jours-ci que le Midi domine trop ;
mais quel talisman possède le Méridional dans la lutte pour la vie, en
dehors de son intelligence, de son sens pratique, de sa prodigieuse facilité |
d'assimilation et de la persévérance de sa volonté, qui fait vrille à ;
travers tous les obstacles ?
On se moque ordinairement des Gascons, le plus souvent par déVLou
par jalousie, mais on les admire. Le fait indénié, c'est qu'on les trouve
partout et jamais en arrière, aussi bien dans l'histoire que dans la vie
contemporaine. Les Bourbons, la plus belle famiire- -que l'Lurope ait
jamais vue, selon la forte expression de Challemel Lacwir, ne descendent-
ils pas tous d'un Gascon ? Aussi les rois de Suède. Le Président actuel de
la République, les ministres de la Guerre et de la Marine.As ministres de
l'Agriculture et du Commerce ne sont-ils pas des Gascomjp.N'y a-t-il pas
eu toujours et partout des Gascons?
Mais, que dire d'une race qui renierait son langage? Srrious réhabili-
tons la Gascogne dans l'opinion, nous devons réhabiliter aussi la langue
gasconne, ce dialecte clair, expressif, puissant et imagé qui reflète les
qualités de son terroir, ce dialecte qui s'est perpétué à Iravers les siècles,
à travers les progrès, qui fait la douce intimité du foyer aquitain et qui
167

relie entr'eux tous les Gascons de l'univers dans le charme des souvenirs
communs du pays d'origine et dans la fraternité des sentiments.
Oh ! la tache est aisée maintenant ; cette année a vu l'apothéose de
Mistral ; on lui a rendu des honneurs inouïs ; l'Académie Française, dont
il a refusé de faire partie, a envoyé des délégués assister de son vivant à
l'inauguration de sa statue. Paris a enfin reconnu la langue méridionale,
et un Institut des langues romanes s'est créé à Berlin.
Notre vice-président du Couserans, M. Teulié, avait pu, en 1905, faire
son discours à la distribution des prix des écoles communales de Saint-
Girons sur l'attachement que nous devons à notre langue provinciale ;
notre éminent secrétaire général, M. Sarrieu, a pu, ces jours-ci faire son
discours à la distribution des prix du lycée d'Auch sur l'enseignement
officiel du gascon.
Donc, aujourd'hui, le gascon est définitivement reconnu comme un des
six 1 grands dialectes de la langue d'oc. Nos efforts tendront à lui conser-
ver sa pureté dans ses divers idiomes et à le maintenir hardiment comme
langue parlée et comme langue écrite. Notre devise restera : Tout pour
la France par la Gascogne ! Toustém Gascous !
(Vifs applaudissements)

Discours de M. l'abbé Y.-D. Dufor


Vice-Président de l'Escolo par la Haut Comminges

Mesdames, Messieurs,
Veni, vidi, vici !
« Je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu ! »
Tels furent les simples mots dont se servit Pompée pour annoncer au
Sénat romain sa victoire définitive sur Mithridate-Ie-Grand : formule
brève, énergique, suggestive comme un télégramme de guerre, à une époque
où fton était bien loin de soupçonner les merveilles électriques de nos
jours. A celui qui demanderait à << 'Ra Scòlo deras Pirenéos » quels ont
été ses origines, ses débuts, n'aurait-elle pas le droit de répondre, elle
aussi :
« J'ai paru, j'ai vu, j'ai vaincu ! »
En effet, la voilà à peine âgée de 5 ans, et déjà près de quatre cents
niteîiecvuels, appartenant à toutes les classes de la société, à l'appel
de sa voix claironnante ont répondu : Présents ! Elle peut être fière de son
bilan. Elle compte : vingt dames, dont cinq ont été reines de ses Jeux-
Floraux ; quatre parlementaires, sénateurs et députés ; huit officiers,
dont deux généraux et deux colonels ; trente-deux magistrats, avocats,
avoués, notHySbs ; cinquante-cinq membres de l'enseignement, public ou
libre ; cinquante ecclésiastiques : grands vicaires, chanoines, curés,

1. Cinq, sion réunit au limousin l'auvergnat, proprement dit, peu cultivé encore ; sept,
si on le compte et si l'on rattache à la langue d'Oc le franco-provençal (Dauphiné du
Nord, Savoie, Lyonnais, Ain, Jura, Suisse romande).
168

professeurs ; vingt docteurs-médecins et pharmaciens ; seize publicistes,


sans compter les lauréats de nos Concours dont les œuvres saillantes sont
publiées dans « Era Bouts dera Mountanho »; enfin, cent quarante-
trois fonctionnaires de diverses administrations, et autres félibres,
depuis le noble châtelain jusqu'au simple paysan. Je suis heureux de
constater que dans ce nombre de près de 400 adhérents à VEscolo le
Gers figure en un rang des plus honorables. Eh bien, Messieurs, en vérité,
en vérité j ; vous le dis, je doute qu'aucune « école » similaire ait conquis
plus d'amis, plus de partisans dans si peu d'années. Et ce succès
inespéré, toujours grandissant, n'est il pas la meilleure preuve de l'utilité
et de l'opportunité de notre œuvre? Nous les aurons, les 600 membres,
nécessaires pour pouvoir faire aussi grand que nous le désirons ; oui
nous les aurons!... Je vous en prends à témoins! (Applaudissements).

#
# #

Victorieuse par le nombre de ses adhérents, venus à elle de toute la


France et même de l'étranger, elle l'est encore par d'autres côtés fort
intéressants.
Dernièrement, il me tombait entre les mains une brochure très clweuse
de 264 pages. Elle a pour titre « Origine des Aquitains ». L'auteur,
M. l'abbé Espagnolle, du clergé de Paris et membre de la « Société des
Études historiques » (ancien Institut), fait remonter ce peuple et ses
divers patois à une colonie grecque qui serait allée s'établir dans cette
province, il y a plus de trois mille ans. Il donne, à l'appui de son opinion,
des preuves qui paraissent sur quelques points, assez plausibles ; retenons-
en du moins que notre langue possède une dignité indéniable et peut se
comparer à toute autre pour la noblesse de ses origines.
Je ne vous apprendrai point non plus que M. l'abbé Aurouze a publié
dernièrement une grande étude en trois parties sur la Renaissance Méridio-
nale au XIXe siècle. L'une d'elles a pour titre « Lou Prouvençau à l'EsccHo»;
l'auteur y montre comment le provençal (no'us en dirons autant du gascon)
peut être utilisé dans l'enseignement, notamment à l'école primaire.
Renseignement très précieux, très significatif pour des Félibres : W ÈI

que cette thèse aurait été triomphalement soutenue, si je ne me trompe,


en provençal, devant l'Université d'Aix, en vue de l'obYcntion du jitre d*
docteur.
Mais, voici mieux que cela. Un jeune professeur, agrégéjde philosophie,
a osé prononcer, le 31 juillet dernier, avec l'autorisaUp'de ses chefs
hiérarchiques, en pleine distribution des prix, dans uf lycée de l'Etat,
un grand discours de feize pages seus ce titre piquant : « Une langue
vivante méconnue : la Langue (Fâjta,C'est là un événement linguistique
qui n'a rien de banal et qui peut afWr pour nos parlers méridionaux des
conséquences considérables, décisives.
Ah ! il faut que cet ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure, que ce
Commingeois de race soit un apôtre bien convainca»de l'idée félibréenne

{S
169
pour n'avoir point reculé devant l'entreprise si nouvelle — et, disons-le, si
périlleuse — de faire l'éloge officiel de ces malheureux patois qu'on s'achar-
nait à vouloir faire disparaître. Mais vous ne vous étonnerez plus de ce
courage, quand je vous aurai dit que cet audacieux orateur n'est autre que
notre vaillant ami, le secrétaire général d'Era 'Scòlo deras Pirenéos !
Avee quel amour, si vous saviez, avec quelle éloquence, avec quelle
habileté, notre confrère défend « era lévgo mayralo » ! Elle existe,
dit il, elle est une, et, si les circonstances n'en ont pas fait une langue
officielle, « elle rachète l'infériorité relative où la met sa diversité par des
» beautés internes à certains égards supérieures. Le français, l'espagnol,
» l'italien n'ont à leur service, pour ainsi dire, qu'un instrument et ne
» peuvent donc changer de timbre ; l'occitan, au contraire, représente à
)) lui seul tout un concert. Le béarnais, fluide et caressant ; le gascon
f ». proprement dit, fier, énergique, héroïque, surtout dans les montagnes;
)) le limousin, plein de finesse et de distinction ; le montalbanais mignard,
)) l'agenais coulant et le toulousain musical ; l'accent plus rude et plus
» sombre du Haut Quercy, du Rouergue et de l'Auvergne ; le savoyard
)) pittoresque et narquois ; le provençal aux amples sonorités ; le bas-
» jfcguedocien, éclatant et bruyant ; le valencien à la molle douceur, et
» Jncatalia nerveux, aux voyelles indécises, aux finales heurtées, mais
» affx consonnes généralement voisées, y font, chacun à leur poste, leur
» partie et produisent une impression d'ensemble d'une richesse extraor-
» dinaire. Du reste, tel ou tel de ces exécutants, pris isolément, a dans
» sa lyre, plus chantante que celle du français, plus de cordes et de notes
)) que l'espagnol ou l'italien même. Une langue semblable, non seulement
» existe, mais mérite d'être étudiée, ne serait-ce que pour cette variété
» phonique véritablement merveilleuse »...
« Au reste », ajoute l'ardent avocat de la langue d'oc, « si, pourmériter
» Je nom de langue, il ne suffit point de posséder unité, richesse et
D puissance expressive, s'il faut encore avoir fait ses preuves, avoir donné

» naissance à toute une littérature, notre idiome maternel ne baissera


» point les yeux. » Et alors, M. Sarrieu fait passer devant ses auditeuts,
devant ses lecteurs émerveillés la longue, la brillante théorie des écrivains,
des poètes de langue d'oc, depuis les Troubadours qui charmèrent le
moyen âge jusqu'aux Félibres contemporains qui, à la suite de Mistral,
ont enrichi notr» littérature de délicieux chefs-d'œuvre.
Oh ! que n'ai-je été à la distribution des prix du Lycée d'Auch, le
31 juillet fermer, lorsque son distingué professeur de philosophie y
développait Ijbs conceptions félibréennes avec la conviction tranquille,
mais profonde, émue, de l'apôtre des nobles causes! Combien je l'eusse
applaudi, surtout lorsque, conclusion naturelle et logique, il n'hésite point
à proposer « qu'on inscrive IqdÉknue d'oc au programme officiel ; et
» l'on verra. ))., afïirme-t-il, « ap|jpiitre comme par enchantement et les
» professeujfifet les livres. Rien de moins utopique : les maîtres de
)) français et fie langues vivantes, originaires du Midi, seront à la hau-
» teur en un instant, et un seul recueil de morceaux choisis, faisant une
170

» part à peu près égale à chacun des cinq grands dialectes, suffira pour
» tout le cours de l'enseignement. »
Si je voulais m'écouter, je citerais le discours tout entier ; mais il faut
savoir se borner. Seulement, avant de descendre de cette tribune,
laissez-moi vous faire une confidence.
Je soupçonne M. le Secrétaire général û'Era 'Scòlo deras Pirenéos
d'avoir eu, en composant son courageux discours, une vision, qui doit lui
avoir laissé un bien doux souvenir. Le Midi, je le crois, lui a apparu et
confié son dépit de se voir si inférieur au Nord par rapport à sa langue.
Notre ami, dont vous connaissez la bonté saus limites et le patriotisme
ardent, lui a fait uu accueil compatissant et l'a vivement engagé à porter
lui-même ses justes réclamations à l'aima mater. Qui sait, même? (si je
fais un jugement téméraire, que Dieu me pardonne !) Etant de la maison,
il s'est offert à l'accompagner, quoique, affirme-t-on, les recommanda--
tions soient défendues... Fier de cet appui, notre Midi se dirige d'un pas
alerte vers le palais universitaire, et de sa main vaillante frappe à la porte.
Aussitôt, la maîtresse du logis apparaît, escortée de la Science, de la
Littérature, des Beaux-Arts. Son aspect sévère, majestueux, lui donne
l'allure d'une reine :
Et vera incessu patuit dea... (Virgile).
Et ici s'engage un dialogue dont je ne garantis pas l'historicité
textuelle :
— « Qui es-tu? » lui demande-t-elle.
— Je suis le Midi de la France.
— « Que me veux-tu ? o
— Est-il juste que tu ignores ma langue d'oc ?
— « Quels sont ses titres ? »
— Comme sa sœur du Nord, elle est fille des deux plus belles lan-
gues du monde : le latin et le grec. C'est à peine si '.lie conserve ,eti%te
quelques rares expressions des divers peuples qui ont occupé temporaire-
ment mes provinces. Elle est parlée, d'ailleurs, par plusieurs millions de
braves Français, qui n'en valent pas moins pour cela.
— « Ses œuvres, ses écrivains, quels sont-ils? »
■— Eh quoi ! s'obstinerait on à vous ignorer, ô magnifique pléïade
d'esprits charmants, qui, du xie au xiv- siècle, m'avez éclairé d'un sillon.;
si lumineux, ~
Poètes enchanteurs, ingénus troubadours
1
J0,
Oui sûtes, les premiers, intéressa' les Grâces,
Et, chantres des plaisirs, chasser l'ennui des cours?
(Béránger).
Faut-il que je rappelle vos noms glorieux, Guillaume de Poitiers, Ber-
nard de Ventadour, Arnaud de Mareuil, Bertrand de Born,•Giraut de
Borneil, Arnaud Daniel, Hugues Brun, Pierre Cardinal, et tant
d'autres, qui, depuis l'épopée jusqu'aux fabliaux, avez eultivé tous les
genres avec tant d'éclat? Peut-on vous méconnaître ainsi, de Garros, Ader,
171

d'Astros, gloire de la Gascogne? Plus tard, et presque de nos jours,


vous apparûtes, astres de diverses grandeurs, Goudelin et Vestrepain, à
Toulouse ; Jasmin, à Agen ; Lafargue, Cassaignau, Noulens, dans l'Arma-
gnac et la Lomagne ; Isidore Salles, dans les Landes ; Navarrot, dans le
Béarn, et le plus grand de tous, Mistral, soleil radieux qui de la Provence
a rayonné dans le monde entier !.. Est-il possible, est-il légitime que
l'on vous ignore toujours ? —
A ces mots, l'Université sourit et interroge d'unè voix bienveillante :
— « Eh bien, encore une fois, ô cher Midi de la France, que veux tu
de moi? » — «Vous, qu'on a nommée justement l'A Ima Mater, serait-ce
trop de vous demander que la langue d'oc soit traitée, dans l'enseigne-
ment officiel, sur le même pied que ses vosines étrangères, d'autant
qu'elle a « plus de liberté, de naturel et de puissance expressive ? L'espa-
g gnol, l'italien, le français surtout, un peu gênés par des scrupules aca-
» démiques ont perdu « ce je ne sais quoi de court, de naïf, de hardi, de
» vif et de passionné», comme dit Fénelon, qu'ils possédaient mieux jadis
» lorsqu'ils n'étaient que des dialectes, en contact direct et presque
» exclusif avec le terroir et la race qui les avaient fait éclore...» Certes,
jé"ne prétends pas que ma langue d'oc dispute la première place à sa sœur
la langue d'oïl. Celle-ci l'a conquise par d'innombrables œuvres géniales,
sous le titre, universellement admiré, de « langue française ». Sol tamen
Ivcet.ormibus, mais le soleil brille pour tous. En réclamant pour ma
langue une place officielle dans tes programmes, ce n'est point une
faveur, c'est un droit que je sollicite. Est-ce que je n'apporte pas à la
Patrie française mes produits pour la nourrir et mes bras pour la défen-
dre ? AussLJfcn, « la France est assez grande », suivant le mot de
Villemain, pour faire fleurir deux littératures, « pour porter deux cou-
ronnes » et, j'ajoute, l'Université sera assez généreuse pour les lui poser
toiU.es deux sur la tête.
- . Ta défense en faveur de ta chère langue d'oc, conclut enfin
liversité, m'est allée droit au cœur. Mais, il est un autre titre que
mes aspirations démocratiques me font hautement apprécier dans ta
langue maternelle, et qui pèsera d'un grand poids dans mes déterminations
ultérieures : c'est que%si la langue française a plutôt l'allure aristocra-
tique, la langue d'oc est l'expression vivante du génie populaire. »
*^_Ét l'Université avait parlé et, fiers de leur succès, les enfants du Midi
él^ít^ceípn rêve ? — entonnaient, chœur enthousiaste, ces strophes
du chant triomphal d'« lïr4 Coumcngéso » :
172

« Qu'ei admirabbl' è rich' era countrado


)) Qu'auét per brès : debadj es mounts gelats
» Per cent arriéus en plén qu'ei adaigùado ;
» D' èrb' è de flous qu' oundéjon es sous prats ;
» Et caut soulélh qu'au balho brénh' arrousso,
» Heruto douço
» E jaunis blats...

« Qu'auét, sabét, iou léngo merbelhouso ;


» S'ac bo, que sap brilha d'esprit flnous ;
» Siat-ne fiers, coum' Abinhouri o Toulouso
» N'éi dera siou ! Mountanharts, tenguet-bous
)> Toustém à-mass', aimât bòstos mountanhos,
» Bòstos campanhos,
» Bostis balous.

« Siat fièrs tabén dera 'Scòlo nauèro,


» Que bous an hèt iou troupo de sabénts
)) Ta bous apréngu' era curious' istùèro . *
» De Mourejau, Sen-Bertran, Sen-Gaudéns,
» De Sén Girouns è des coustèts que lauo
» 'Ra claro Sauo
» Tranquilloméns.

« Es bostis pais, ajat-ne soubenanço,


» Dab es Croudzats, de cap as Sarrazis,
» Dab Jùano d'Arc, ta delieura 'ra Franco,
» Qu'an coumbatut, ùè, coumo paladis'Ç;
» Qu'an afrountat, dab era Republico,
» Mort erouïco
» Ta lou païs. »
( Yijs applaudit sements).

Discours de M. l'abbé Daubian


Vice-Président He l'Escolo pour le Itas^vomminges

Qu'aimi VagTé/To.
(jti i- 'íuni áfemoura .'

Arrèino, Daunos, Moussus,


Er' arrèglomént dera nùsto ''Scòlo que mous ac predico, que mous
proupousan, Felibres de Gascounho, de defénde pertout -o'ùn sòn — ò
Diu sap s'ei bèro era nòsto maisonn — ço que i-a de boun ena bito
passado d'aquéste parsant dera FrffrïçQs benasido. Que 'feous sémblo,
en efèt, qu'ei arréde lèt d'escoupí sus et bin biélb, è que s'e^i)au era péno
d'au counserba enta quant on ei malair... Ja, ac counegfiièts tout acó...
E bé ! qu'ei emproumou qu'un poudoun de manancoigilo, de houllo
meslèu, que mous arrouganho entout mous bé Ituge de ço de noste è
173

mous acassa decap era gran bilo nèro* tilairo d'ômes, que boui, aué, jou,
surgentot testut de bèt-tens-a, ensenhá-bous un arremèdi san-parelh.
Qu'i trouberats, belèu, et goust dets arroumèts pliés d'amouros ou dera
tòro, coulou de soujo. Brembát-bous, alabéts, qu'uio purgo qu'ei toustém
quaucarrén d'en'hastiable ; tabén, quant on ei deliùrat, et tint que
cambio, er' estoumac que s'aleujerls, et particuliè qu'ei bien pourtant.
Escoutats dounc era counsulto ! Emprumè :

I. Que mous eau aima 'ra nosto Tèrro !

Forço d'autes qu'ac an dit, è toutes miélhou que nou n'ac


saberèi hè. Tièts ! Enta dechá de coustat et pépin aimât det Felibritje, et
gran Mistral, que ta justoméns hestejáuon dus meses-a-s en Proubénço,
emproumou que, damme sèt beròis adjudáns, auèuo toutoureját as qùate
cùèns det mounde era léijgo mairano ; enta nou publicà que quauques
nòms%ecaso : Delbousquet, Daugé deras Lanos, Vermenouzo der' Aubèr-
nho, Perbosc, qu'er' Academio de Touiouso ei anado cercà en Carcin,
Palay, et poulit arrouchinó det Biarn, Sarran, et famus « Cascaròt )) de
(ïascounho (que cari es d'ací, emproumou, belèu, que traupiríoi era suio
îiiuudjglijfc ^ Que 'es heríoi crida : ai!) toutes qu'an emprountat aras
■ JTadós ensourcelairos et soun esprit è et soun co enta canta eras qualitats
imajaartalos dera nòsto 'rraço, dera nòsto Tèrro. At despéns de passa
per Un parrouquét, qu'ac bau arrepeta-c, à ma faiçouii :
w^^B'l'èrro, es mes amies, qu'ei, enta nous-aus, paisans — è qu'enténi
pr' aquiu aquéres que, at sourtft det brès, an chucat, aimât, espousat es
tupès ou es planés det Meidío — era Tèrro qu'ei uio bit» h'èto det
trabalh que tuio pas, è dera libertat qu'arrefrésco aras ouros dera
tristésso brunlénto. (Appl.) Pensats, si-bou-plèt, asbouèsgalharsèbaléns,
qian pousson <tf arnéch hardit enas arrégos plegountos ; ou, quan, debat
. et- dalh bien picát deras nauèros machinos, cáijen es blats daurats è
maduts !..-— Entenèts, pr' aclu en-là, at trauès dera campanho souléto,
entenètsfrdet majtín at sé, à boula, decap et cèu blu, esmeridos è leujèros
coumo parpalhòs'.d'estiu, aquéros cansous amisladousos, que serbissen
d'agulhoun aras Bèstios, de passo-téns ats oubriès. « Poupoulo ,)> è
quauques autes nurdwps « fin de siècle » que mapeon en prougramo : ac
arregreteran pas, que pivl'.'ivran aplaudí ara fé, ar' amour d'un passat
que jùenéjo toustén ! — Beiiguèts, beijguèts, et trabalh acabat, benguèts
; ara bordo! 'Cardats se, dessus era tauló, nou aliumo pas uio brabo
cousiflo, è~*se, at coustalÂdera bèro soupièro, nou s'estanlo pas un plat de
fricoutét què sentís arréde boun, e dio grassoutéto mari-jano de bin
clarét è gettœ|ûs... (Applaudissements).
A ! couiné, det houns der' amo, maladissi es brigans que bénguen
paná es laaraires ara tèrro enj^i tatamia, auta lèu, enes cementèris deras
bilos ! QueïJes planhen, se digueh, de demoura trop cap-abachades, de
nou pas sangla et prougrès qwmountû, et mouyèn de ganha-s et pan
sensé arrén hè. L'n sinhau niés, aquéres bourgéses mau blanquits, que
mous proubarion, sampa, qu'en ço de soun eras dénts que n'an pas besoun
174

de crouchí, è qu'es passéjon, proupétos è blanquétos, en quauque armari


aoun hourmiguéjon es louidor's è éts bilhéts debaiico... Coumedièns de
malur ! Permetét-me de les arrrigà et máscou qu'amago era suio
flgurasso ! Credèts-oc, que crèbon de bergounhasso, ères qu'an pas que
quauques hiuses à modo de dits è duios Autos à modo de camos, deuant
eras bòstos quilhos d'erculos, deuant eras bostos nias trabalhadissos, mas
bèros, crebassados er' iùèr, néros de soulelh er' estiu, mes que poden,
quan bòn, bouta arroundoméns un embarras de coustat, hè boula un òme
à dets passes.
E aro, estudian et praube pòple dera bilo.

II. Que mous cau huge era bilo !


Presque touslém, qu'au trouban loutjat debat eras Iatos des téules,
coumo que diguerlo a-n-un mâchant galatras piri qu'ets estarious d'uio
presoun mau teiîgudo. Se màiico d'aire frésc, en arrebéncho^ debat,
dessus, per constat, es besis qu'afùesouuon, è que calera pi'éiigueC'jfardo
de nou pas desarrenjá-les. Ara pòrto, un bouldùgou de courteièrge qu'au
peserá ric-e-rac eras ouros de sourti è de tourna. Dehòro, nhaute mèstre
grounhoun qu'au teiiguera en trabalh coumo uio simplo macj^no à
ressòrs. Que bouhe, que suite, que soufrisque, qu'es planhe^ieïra pas
jamès uio figuro pietadouso. E quant et sé, eslamat de fatigo à J&·a un
pan de léngo, es boutera à taulo enta s'arrehè, qu'aura uio ncurituro
tout à fèt fartambicado. « Oun ei donne », ç'au crido er' estoumàc qu'au
péto de mau, (( oun ei et praube panét, et praube binét de easo nòsto ?
Oun ei ço qu'aimaui tant, pròche, at miéi lôc, mes lèu, dera mio faihilho?
Oun éi ? Que mourissi de malo mòrt !.. Qu' èri, aciu, autant coumo un
arréi, damme et becát ou éra toucadéro; acl, damm' et bestoun esblasit
è's souliès esculats de moussuròt, que m'an passât era camisòlo d-es
galerièns ! Que soi pas ent' ací ! » — Qu'en trigui ! Pracó, que mous bren-
beran d'aquéste darrè mot : pas mès qu'era flou, et blat que j)eng pas
sus es calhaus !
Enta acaba, Daunos, Moussus, pusque deuèn proumète amour è
fidelitat ara Tèrro, dechat-me arrecoumanda-bous uio ^tùèro que diguera
es mouyèns d'arrecounégue era Tèrro de Gascounfeiw~
L'an passat, un Parisièn de Paris —" que s'ap'erauo coumo acó, ét —
que debarauo det camin. de hèr, aiir-garo' de Ma^Kòu, à Toulauso :
— Oùs qu'il est — ça digaéc le pays detGaseogne ? Phr oùs que
l'on y aborde? '-
— Moussu ! ça-u cridèc un campanhart dets embirous jïè Bouloui ho,
eguissétme, que bous i-amierèi, jou!.. Era Glascounho, qu' afenis
gdamm' et mounde, ací, è, là-haut, damme eras estélos !..
Enseguido" Ü'aquet' pechic de saor que barreran era., porto damm'
aquésto clau :
• Caso nòsto, que l'aimeran toustén,
■ Aué mes que jé, è pas tant que douman !
(Vifs applaudissements).
Parla de Pegulhaij, cantoui! de Boulounho (Hauto-Garouno).

/
175

Discours de M. R. Liizop
Professeur d'Histoire, Délégué de la Fédération Régionalisé Française

Mesdames, Messieurs,
Le geste par lequel le Midi tout entier vient, en ce printemps de 1909,
de faire en sa cité d'Arles une inoubliable apothéose à l'empereur du
Soleil, a mis l'œuvre félibréenne, notre œuvie à tous, au premier plan de
l'actualité. De tous les points du monde civilisé, les acclamations ont pris
leur vol vers celui qui, dans un siècle de nivellement et de matérialisme,
a voulu, par un miracle prestigieux, rendre la vie à une langue, à une
littérature, à une race. Et cependant, nous tous Félibres méridionaux, à
qui cr^oucert unanime arracherait volontiers le cri de Pascal : « Joie, joie,
pleuré de joie », nous sentons se mêler à cette joie une secrète tristesse.
Au ^ii'toenjLoù l'étranger étudie avec passion, dans ses universités,
nos iitteratltes méridionales d'autrefois et d'aujourd'hui, combien de
nos compatriores même méridionaux méconnaissent complètement la
mission du Félibrige, ou se font à son sujet les conceptions les plus
étrangement prônées ? Et peur combien d'autres, même mieux rensei-
gnés. mèÉp*admirateurs de Roumanille, de Mistral et d'Aubanel, le
Félibrrgë'vjk'est il pas resté une (ouvre entièrement provençale dont
l'action" sefaestreint à quelques cantons de Vaucluse ou des Bouches-
du-Rhône ?| Rassurons-nous cependant quelque peu; leur nombre
diminue chantfe jour, depuis que tant de vaillantes « écoles » se sont
organisée.- lu Limousin aux Pyrénées, des plages landaises aux pro-
montoires des Albères.
Ce puissant développement du Félibrige Languedocien et Gascon n'est
que ,la floraison spontanée de l'œuvre et de la doctrine mistraliennes.
D'autres FéHfires et des plus grands furent plus exclusivement proven-
çaux; Mirêio, Calendau, les Iles d'Or, le Poème du Hltône contiennent
en germe la renaissance de toutes les provinces du Midi et même de toutes
les provinces de France. Mieux que les théoriciens perdus dans les nua-
ges de l'abstrait, Mistral, pareil à Orphée animant les roches inertes aux
accords de ia lyre, a su construire, par ses poèmes, par ses paroles, par
l'exemple de ka vie entière, l'harmonieux édifice d'une doctrine de beauté,
de lumière et <|e paix.
Les vestiges* éclatants ^et oubliés de tir civilisation des troubadours,
pareils aux trésoe&iahuleux que garde la chèvre d'or dans les grottes des
Alpilles, dormaierif dáns les solitudes embaumées des garrigues céveno-
les et dans les profondeurs dos forêts limousines, s'ous.les sables empour-
prés des'plages de lïwrffr latine ou parmi les pierres croutentés et dorées
des villes mortes, âfns les combes^atysijirieuses de nos Pyrénées'ou dans
ceè plaines garonnaises qu'a roiigies Je- sang des guerriers du roi don
Peire. A la voix dMlaltre, les onStMjjgTdes héros d'autrefois se lèvent et
prennent place, coœne des statues de dieux tutéláir'es, dans-les strophes
les plus Aères de Mirỳio et de Calendau. Les appels héroïques de Bertrand
176

de Born et de Guilhem Figueira vibrent de nouveau dans ces sirventc's


des Iles d'Or qui revendiquent si hautement les libertés d'autrefois :
e Ah, se me sabién entendre ! Ah, se me voulién segui ! »
En révélant aux générations oublieuses la splendeur de leur passé,
Mistral n'entendait pas leur ouvrir une source de romantiques et stériles
mélancolies. Il reliait, par une chaîne d'or, ces souvenirs d'indépendance,
de chevalerie et de beauté aux réalités prochaines qui entourent l'homme
du terroir, aux lignes pures du paysage natal, à la chevelure gracile et
bruissante des oliviers de la colline, à l'arôme des lourds raisins noirs, à
l'or pâli des guérets d'oò l'alouette fuse vers l'azur au matin clair. Il
ennoblissait les moindres actes, les moindres rites de la vie quotidienne
de nos provinces, en les rendant évocateurs de cette âme collective de la
petite patrie que le désastre et l'oubli ont pu obscurcir sans la détruire
jamais. Trop souvent, notre littérature française contemporaine a été la
littérature du désordre et de la mort. Devant ces pessimistes^ ces révoltés,
ces désespérés, Mistral se dresse comme la statue de l'ordre et de la'vie.
Il nous prêche l'acceptation joyeuse et sereine des minières d'être, do
penser et de vivre qui sont l'imprescriptible héritage djesla grande geste
des aïeux. Par là, Mistral n'a pas voulu nous enclore daBS'ïine morne et
stérilisante immobilité. Les cieux et les terroirs du MidrsnBt divers et
variés, mais que ce soit l'immuable azur de la Provence oiFd'azur plus
changeant de la Gascogne, le littoral embaumé de l'Esterel otf- les vallons
capricieux de l'Armagnac, tous sont conseillers de libre .activité. Mistral
est le poète de la joie, de la force harmonieuse et sa^rlfe: Au pessimisme
de certains rêveurs d'outre-Rhin, il oppose un optimisme superbe et vrai-
ment royal. Cet optimisme qui proclame que la vi#.peut être belle et'
vaut la peine d'être vécue s'oppose aussi aux satisfactions décevantes de
certain paganisme matérialiste. Le monde sensible rejoint le monde idéal
par l'ascension d'une courbe lumineuse et continue. Mireille meurt
sereine et consolée devant les Saintes tutélaires.
Le développement harmonieux de toutes les énergies de l'individu, de
la province, de la patrie par la continuité de l'action des forces occultes
de la race et de la terre, le progrès par la tradition sont peut-être le der-
nier mot de ce « Secret » dont parle le patriarche de Maillane dan son
ode du cinquantenaire de Fontségugne :
• t
-J!ous 'au&e', li gent jouine
Quç-sabjès lou Secret

Et par là-le.'^W^erifant -rejoindre les conclusions des philosophes de


,
i!ordre',- a^^'^fnlàVd^ê& Auguste Comte, des LeJPlay.
Depuis,-cinqîîát'nite'^in*, le,* Maître a semé à ©HS les vents de la terre
jnéíidioni'^lLerfl^g^aí·n du renouveau. Quelle province du Midi pouvait
• le* .reeueilKr^risi-JiJft sol. plus iénéreux que celuiÜe notre Gascogme ?
Quels di'scípiésVÌÍi'ifánd.ÌBÌtia^r furent plus enàousiastes, pbis con-
fiants, plus-dê*eûé|;à l/âpostolat-populaire que les Mets et fondateurs-de
l'Escolo deras Pirenéos, lés Dufor, les de Bardies jfès Sarrieu, les Dau-

l
ES FELIBRES A SAMA
m ;
M. A. Lacome. M. Lizop. M. F. Artigue. M. L. de Bardies. M ° de Pins, M °L. de Tersac. M. l'abbô Da
M. l'abat S
iii. B. Sarrieu M. Duplanté-Marceilhac M. l'abat Sarran M. G. Lizop M. J.
M. V. Lizop. M. L. Lazerges M. l'abat S. Verdier. M. J. Sens. M. F.

L.
177

bian, les Teulié ? Quelles manifestations furent plus ardentes et plus fra
ternelles que les siennes ? Les années précédentes, nous tenions nos assises
au cœur de la patrie commingeoise et couserannaise, près des montagnes
qui reçurent l'adoration des antiques tribus ibériques et des cités patria-
les de Saint Lizier et de Saint-Bertrand. Cette année, l'étoile tutélaire
du Félibrige nous a guidés au pays où la Save serpente mollement entre
ses collines aux contours harmonieusement adoucis, vers la cité épisco-
pale de Lombez, antique capitale du Bas Comminges. Cette région, aussi
distincte de l'Armagnac tout proche que du Comminges montagnard,
peut hautement revendiquer sa place dans le mouvement de la renais-
sance méridionale. Sans doute ce pays de teintes atténuées ne procure pas
à notre sensibilité les excitations qu'elle éprouve devant certains sites, ou
certains monuments insignes ; mais peu de pays de France versent dans
l'âme des hSrmonies plus suaves. Pays où la verdure des collines
boisées reposées yeux de l'éclat du soleil méridional ; pays où des oasis
inattendues de fraîcheur s'ouvrent dans le creux de minuscules vallons,
au milieu de l'étendue ensoleillée des guérets ; pays où les gloires du
passé gallo-romain tendent la main aux souvenirs plus proches de la
Gascogne hérowie ; pays de mœurs simples, traditionnelles et frugales,
où les individualités s'effacent et s'absorbent dans un labeur séculaire qui
fixe les générations au sol ; pays de tradition qni vit inconsciemment la
bulle disciplina mistralienne que nous évoquions, où les syllabes sonores
de la langue Maçonne résonnent plus fières qu'ailleurs ; terre mystique
où l'appel des'«fcb.es est plus prochain et plus clair, où chaque vallée,
chaque colline dresse vers le ciel la flèche de son sanctuaire ! Ici la
rudesse de la race gasconne, plus violente et plus crue en pays d'Arma-
gnac, s'humanise et s'adoucit au voisinage de Toulouse la Palladienne.
Mais, hélas ! sur ces collines et sur ces vallées s'ouvrent ausi les blessures
béantes que la centralisation et le nivellement contemporain ont faites
partout. Que de places vides sous les toits croulants de nos hameaux !
que d'influenceg étrangères déracinent les générations laborieuses et
dispersent au loin les forces profondes de la terre !
Heureusement, la lutte pour la réorganisation et pour la vie peut
s'exercer ici sur des positions meilleures, puisque les forces vives de la
tradition y résistent mieux qu'ailleurs, puisque nulle part la langue d'Oc
n'est mieux honorée, mieux cultivée qu'en cette terre de Gascogne où
notre Escolo et l'Escòlo de Gastou Fébus font revivre les temps héroï-
ques du Félibrige primitif en unissant intimément les revendications
"Mgionalistes aux revendications purement linguistiques et littéraires.
Ne l'oublions pas : il dépend peut-être de nous de préparer l'avène-
ment d'un ordre nouveau dont les lignes s'ébauchent confusément, à
travers les luttes, les-angoisses de notrte époque, un ordre nouveau où
les fri«cipes d'autorité et de liberté s'hprmoniseront dans une marche
continue vers la coneorde et la paix sojjfale ; cet ordre nouveau qui sera
le corollaire suprêmesde la doctrine mrstralienne. Que les fils, les amis,
les défenseurs de la terre d'Oc répudient à tout jamais les luttes déce-
178

vantes des partis, les conflits mesquins des intérêts et des passions ;
qu'ils puisent dans l'œuvre des maîtres du Félibrige une conception de
la vie plus belle et plus eurythmique ; qu'ils unissent fraternellement
leurs efforts pour la lutte en faveur des libertés régionales et de la beauté
du sol des aïeux, et nous aurons donné à nos compatriotes le plus beau
des exemples, et nous serons bien près d'avoir rétabli l'ordre dans la
cité.
L'ordre ne nous est-il pas suggéré obscurément par la clarté de nos
horizons que frangent les Pyrénées d'azur, par les lignes austères et
graves de nos vieux monuments, par le large rythme de nos chansons
d'autrefois? Et si, dans la pénombre de certains soirs troublés, des
forces étrangères semblent barrer notre chemin et briser notre élan
libérateur, levons les yeux au ciel, et armons-nous d'un espoir indéfecti-
ble, puisque le Félibrige a allumé dans l'azur de la Gascogni?*ies sept
rayons d'une nouvelle étoile ! ( Vifs applaudisssyïenls).

Le succès de ces quatre beaux discours a été très grand. La musique


joue de nouveau, puis M. le Président donne la parole au Secrétaire
Général pour lire son rapport sur le Concours de 1U10 : La seconde par-
tie de la Séance publique va commencer.

\ '
2. JEUX-FLORAUX DE L'ESCOLO DERAS PIRENÉOS

iâf f Uf
SUR LES QUATRIÈMES JEUX-FLORAUX DE L' « ESCOLO MAS PIRENÉOS »
par M. B. SARRIEU, Secrétaire-Généft

Mesdames, Messieurs,
Plusieurs d'entre vous connaissent sans doute la,: çathédrall d'Auch, la
vieille métropole de nos régions gasconnes. Celui' qui, actuellement, en
considérerait la façade avec une attention suffisante y constaterait bientôt
un fait surprenant. A gauche, tout contre le chapiteau de 4a seconde
colonne et sous l'abri de la travée, des abeilles sauvages ont suspendu
leurs rayons de miel. Il y a bien là sept tranches parallèles, verticale-
ment séparées et protégées par des plaques de cire ferme et fine, dont les
contours arrondis imitent et accompagnent les volutes de pierre avec
lesquelles elles se confondent presque pour les yeux. Voilà l'asile que les
ouvrières aériennes se sont ménagé contre les troubles du monde, non
pour y couler une vie paresseuse* mais pour y exercer en paix leurs
industrieux travaux. Là-haut, bief aiplessus du tumulte et de la pous-
sière, elles poursuivent, sans que rnyï naisse les en détourner, leur œuvre
sacrée ; là-haut, près de l'azur, paciSques d'instinct, m&is décidées, s'il le
fallait, à se sacrifier pour défendre tout ce qui est à elles, elles façonnent
179
de délicates et originales merveilles et alimentent leur nation sans cesse
renaissante avec le nectar qu'elles puisent dans les fleurs du sol natal.
N'y a-t-il point là, Mesdames et Messieurs, quelque image des Féli-
bres ? de leur désintéressement, de leur idéalisme, de leur attachement à
la íèíTO mairalo (leur amour et leur inspiratrice), et de l'ardeur avec
laquelle ils s'efforcent, au-dessus de tous malentendus et de toutes querel-
les, de maintenir et de relever leurs usages traditionnels, leur langue
locale et tout ce qui fait la vie et l'originalité de leur petite patrie ' ?
La comparaison pourrait même être poussée plus loin, et si, chez les
ingénieux hyménoptères, on trouve organisée une certaine division du
travail, de même, chez les fervents de l'idiome et de la terre d'Oc, bien
qu'une seule flamme les anime, les uns s'occupent plutôt d'étudier l'his-
toire, et les traditions du terroir et de faire l'inventaire de sa langue,
tandis que d'autres s'attachent de préférence à la production littéraire et
que d'autrta enfin essaient d'inculquer aux générations nouvelles le culte
des gloires M^estrales et s'efforcent de leur donner la hardiesse néces-
saire pour dé.fendre contre l'inconscience, le mépris ou l'envie le patri-
moine moral que nos pères nous ont légué.
Les Concours ou Jeux-Floraux des Ecoles félibréennes fournissent à
ces trois genres de vocations patriotiques l'occasion de se manifester ;
tel est le cas notamment de ceux de notre Escolo deras Pirenéos. Et leur
succès — nous pouvons le dire avec joie — a été croissant : cette année
plus de iiO concurrents (dont 30 pour le Grand Concours) y ont pris
part, et, bien que nous eussions promis, l'an dernier, d'être désormais
plus sévères dans l'attribution des récompenses, nous avons à distribuer
cette année — sans compter 2 Fleurs (prix spéciaux) — 4 Mentions
honorables, 14 Diplômes, 6 Médailles de bronze, 8 Médailles d'argent et
2 Médailles de vermeil.
I. — Le^tcavail savant (quoiqu'un peu hâtif) de M. l'abbé Marsan,
intitulé « "Us è Couslumcs dero Bat d'Auro », a dû lui coûter de lon-
gues recherches ; ce n'était pas trop d'une médaille d'argent pour récom-
penser cette étude patiente et très complète des anciens usages aurois,
tant de ceux qui furent-fin vigueur au moyen-âge que de ceux qui sont en
danger de disparaître ou qui sont toujours bien vivants dans nos monta-
gnes. Il y a une véritable-piété filiale à essayer de connaître ainsi la vie
de nos ancêtres, pour en conserver tout ce qui peut paraître pouvoir en
être gardé encore, pour puiser dans l'étude de leur passé des leçons pour
notre avenir.
Au point de rue linguistique, nous devons cette année à M. Armand
Lamothe, de Lagraulet (près Eauze), sous le titre de « Tratalhs de las
Tèrros », un lexique très soigné et précis de près de 300 termes relatifs
à l'agriculture, et à MM. J. Sens etfE. Lecrat des ouvrages encore plus
importants : le premier nous a donné, en dialecte de la vallée d'Oueil

1. La florissante Ecole lelibréenne du Péfigord s'appelle elle-même Lou Boarnat, (• La


Rucho »), et a pris pour devise : Per lou miau e lou fissou (« Tar le miel et l'aiguillon »).

o
180
(Haute-Garonne), plus de mille expressions locales, pleines de pittores-
que et de saveur, avec bon nombre de proverbes, de dictons et de
curieuses ritournelles ; le second, sous le titre de « Vocabulaire des
sciences naturelles dans l'Astarac », nous présente près de mille mots,
bien classés, et accompagnés de remarques étymologiques en général
exactes. Ces auteurs nous ont déjà adressé tous deux, les années précé-
dentes, des travaux analogues, fort remarquables ; c'est à eux qu'en
toute justice nos médailles de vermeil sont allées aujourd'hui. Hon-
neur à ceux qui aiment assez leur pays pour en étudier avec tant de
patience et de soin la langue maternelle ! Aux yeux de la science impar-
tiale, ils ont démontré d'une manière victorieuse son intérêt, sa dignité
et sa valeur. (Applaudissements).

II. — Il serait à désirer que d'autres, qui aiment mieux cultiver, en


francs Gascons, le jardin des Muses, se fussent ainsi préparé^ par de
fortes études préalables de tout le matériel de nos idiomes : on aurait à
leur reprocher moins de gallicismes. Peut-être aussi que, %'ils avaient
pratiqué davantage les belles productions littéraires de tous les temps et ijp
tous les pays, leurs œuvres présenteraient moins d'insuffisance, et que
qu'ils nous donneraient vaudrait davantage.

A). Ainsi, pour la Prose, « Era creaciou dera hénno », dans le parler
de Balaguères (Ariège), est un conte assez amusant, mais le conteur est
encore trop brouillé avec l'orthographe félibréenne ; « L'Agnèro », dans
le dialecte d'EndouflelIe, est plutôt du folklore que de la littérature ; « il
couquii} couquiri è miéi » (parler de Miradoux, près Lectoure) est cou-
lant et naturel, mais son auteur peut bien mieux que cela, témoin son
succès au concours de l'Escolo Gastoun-Febus : enfin^PWKenllÉrie
Nòslro-üamo de Cahuzac-Gimom? » (comme du reste, en pw^sie, le
« Soubenir d'Armanhac » du même auteur) témoigne de beaucoup de
facilité, mais de trop peu de soin encore de la pureté de la Iangue;et de la
perfection du détail.
Toutefois, n'exagérons pas. Ces reproches n'atteignent guère « Mas
amous oun soun », charmante épttre, en pur bâpnais, de M| l'abbé
Benture, sur tout ce qui nous attache au pays natal. De même, si la
dernière main n'a pas été mise à la légende de « Sen-Missoli.â'Auro »,
de M. l'abbé Marsari, on y sent quelqu'un qui connaît parfaitement les
ressources de sa langue. L'histoire d'« Adias de Barbazaij » (dans le
parler de Colomiers, près Léguevin,-1I.-G.) est fort "bien narrée par
M. Louis Rivière. Les Contes de M. Bouquier (de Puysserguier, dans
l'Hérault) sont pleins de verve gauloise. Et, d'autre part, rien de plus
charmant que les Contes de la ValléejáUìueU, par M. J.%'ens, accompa-
gnés de traductions (excellentes, qucaMui peu larges) o*e Lafontaine,
Lamennais, Victor Hugo, et auxquels^ajoute, dans le parler d'Arbas
(Haute-Garonne également) une nouvelle attendrissante.
Enfin, c'était au meilleur « Récit en prose gasconne (conte, légende ou

O
181

nouvelle) » que devait aller le prix spécial de prose, la Violette d'argent


due à la générosité de Mme la comtesse d'Antras, notre Reine de 1905.
Elle a été gagnée par M. Léon Arrix, d'Arudy (vallée d'Ossau, B.-P.) :
sa nouvelle, intitulée « Et Sacrifici », n'est peut-être pas très neuve
d'idée et présente quelques longueurs ; mais il y a aussi du pittoresque,
de l'émotion ; l'impression générale est douce et touchante. Avec un peu
plus de concision et de soin du détail, M. Arrix sera bientôt un maître.

B). Pour la Poésie, il y avait cette année des sujets libres et des sujets
imposés. H en faut toujours des premiers : la poésie s'enrégimente diffici-
lement, elle aime à avoir ses coudées franches. Les sujets libres se sont
trouvés assez satisfaisants. Le théâtre nous donne une assez jolie comédie
en vers, en parler d'Eauze, « La Soumnambulo ». Yan de lliùmayou
avec « Mourts Ayrnats » et un autre encore restent au-dessous de la
moyenne ; — il y a de la facilité dans « Camiv de Plous » — trop peut-
être ; — mais il y a de la tendresse dans «ïïargalido », de M. Tarride ; de
l'hïrmonie dans « Lous Troubadous de la Bigorro », de M. Arrix, déjà
nommé, et un charme pénétrant dans Et Petit Lourréy, de Jean Soulé-
Venture, de Ferrère (Barousse). Parmi les recueils, s'il y a quelques
faiblesses (à côté d'une aisance de bon augure) dans les trois pièces en
languedocien de Béziers qui avaient pour devise « Toujour aima »,
« Lous qùate arcledous » (c'est-à-dire « les quatre périodes de la vie »)
de M. Emile Castex, à Gondrin, près Eauze, ne sont pas mal troussés ;
« Primadello », de M. Gustave Beyne (de Marseille), malgré quelques
répétitions et parfois quelque chose d'un peu pénible, est une jolie série de
sept sonnets provençaux ; et, surtout, « Pouesios toulousanos » de M.
Rivière, et « Rasimaduros », de M. Rouquier, tous deux déjà mention-
nés, se distinguent par beaucoup de coulant et de naturel et une forme à
peu près impeccable.
Le pttx spécial fondé par M. Fabien Artigue n'a pas été très couru.
Pourtant il méritait de l'être : c'était une Médaille d'or, pour la plus
belle « ode en gascon à la gloire des grands hommes du Comminges ».
Notre Éèole avait accepté avec la plus vive reconnaissance l'offre géné-
reuse de'M. Artigue : 'n'est-il pas juste en effet que notre Comminges,
comme les autres provinces de France, connaisse ses glorieux enfants et
les chante sur sa lyre? On l'a dit bien des fois, et nous le redirons
encore : lesUils du Midi manquent de fierté. Eux que l'en accuse — les
Gascons surtout — d'être un peu trop suffisants et vaniteux, voire même
vantards — ne pècnent-ils pas, au contraire, par une trop grande défiance
à l'égard d'eux-mêmes ? ne sont-ils pas trop enclins à se dénigrer eux-
mêmes, ou, du moins, n'ignorent-ils pas trop de qui ils tiennent et ne
font-ils pas tri|p vite table rase djjfcput ce que furent leurs ancêtres et de
tout ce qui leur est propre aujourd'hui ?.. Malgré tout, la médaille d'or
a dû être réservée. M. Salzet^W Lombez, s'est essayé à une ode qui,
malgré quelques obscurités ou quelques termes mal choisis, ne manque
pas de verve ; mais, étant en français, elle ne rentrait pas dans les con-

o
%
1*
182

ditions du prix spécial et n'a donc été accepté qu'à titre traditionniste.
Seul M. Henri Morère, de Balaguères, avec beaucoup de bonne volonté,
a tenté l'ode gasconne. Le peu de succès de ce sujet tient sans doute,
comme le reconnaît le généreux donateur lui-même, à ce qu'il exigeait
des concurrents des qualités qui rarement se trouvent unies : une érudi-
tion étendue, et une inspiration originale. Peut-être seront-ils plus
heureux l'an prochain, avec un sujet un peu modifié.
Reste en dernier lieu le prix spécial fondé par notre président, M. de
Bardies : une Pervenche d'argent pour « le meilleur sonnet gascon *
en l'honneur de VArbre ». On sait tout le danger que fait courir à nos
vallées pyrénéennes le déboisemenl des montagnes ; l'un des nôtres,
M. Lizop, membre également de la Fédération Régionaliste Française,
émit l'an dernier le vœu que notre Escolo fît quelque chose elle aussi pour
éclairer l'opinion à cet égard. Notre Président, M. de Bardies, en vrai
Félibre, aussi soucieux de la prospérité matérielle de nos régions comrnip-.
geoises et couserannaises que de la gloire de notre langue gasconne, saisit
la balle au bond. B fallait donc, pour nos poètes, faire entrer dans le?"
14 vers du sonnet classique tout ce qu'on pouvait avoir à direNi'essentiel
sur l'Arbre, tout ce que nous en dit M. Sens, en tête de ses contes en
prose. Dix concurrents ont tenté l'aventure. Et Casse (parler de BaJa»v
guères) et «'Ras Abedòlos » (parler de la vallée d'Aure?) sont*.«|Rs
restés au dessous de la moyenne ; les huit autres pièces ont obtenu ne
récompense. A l'une, sans doute (de M. Arrix) on peut reprocher dë®
termes peu corrects ; à l'autre (de Mmo Gélade, à Carbonne), une fin p|u
heureuse; à un troisième (de M. Emile Castex, à Gondrin, près EauJf)
un tercet faible et une rime négligée ; à celui de M. Sécheyron, le
Sarrant, trop d'idées entassées et quelque désordre dans le^ dernier
tercet; mais ces travaux méritent déjà mentions'ou diplômes d'honneur.
Le sonnet de M. Rivière, d'Artigat, serait excellent, sans le dernier vers,
un peu forcé; il y a une rime discutable et une inversion un peu dure,
mais de jolies images dans celui de .M. Escaich, de Labastide dtf-Sérou ;
quelque affectation, mais de la majesté dans celui de M. LaWette, à
Foix; ees trois derniers gagnent des médailles. Le plus parfait et celui
de M. J. M. Servat, de Massât (Ariège) ; c'est lui qui remporte la
pervenche d'argent. (ApplaudisserfÉnts).

Applaudissons, Mesdames et Messieurs, ^^efforts Jk tous nos


Félibres pour traiter ainsi dans notre langue d'oc, trop méconnue et
dédaignée, les sujets les plus beaux et les plus élevés; pour rendre
à notre idiome gascon, victime d'un mépris inique, un peu^e la splendeur
qu'il eut jadis. Il faudra bien, lorsqu'on aura vu notre parler maternel,
non pas patois, mais langue véritable, soutenir tous les genres, s'élever
aux plus hauts sommets de l'éloquence^ et de la poésie, qtfe l'on change
d'opinion à son égard ; il faudra bien, nasqué sa littératureínoderne sera

/
1. te jury a bien voulu prendre le mot « gascon ■ au sens large..J?
183
arrivée à renouer la tradition des troubadours et à égaler leur gloire, qu'on
se décide à l'étudier et à lui reconnaître le rang qui lui reviendra de droit.
III. — Mais ce n'est point seulement à nos érudits ou littérateurs
gascons que sont ouverts les concours de notre Escolo deras Pirenéos ;
c'est encore aux enfants de nos régions de Comminges et de Couserans.
Et ce n'est pas seulement aux poètes et aux prosateurs gascons que notre
Escolo doit exprimer sa gratitude ; c'est encore à tous ceux qui ont bien
voulu lui adresser de jeunes concurrents, les engager à lire et à écrire
leur langue maternelle et à briguer eux aussi quelques jolies récompenses.
Ceux qui portent au cœur de profondes amours ne veulent pas en effet les
garder pour eux seuls, mais ils brûlent de les faire partager aux autres,
ils veulent leur faire admirer et chérir ce qu'ils admirent et chérissent eux-
mêmes. Oui, ce sont aussi de vrais Félibres, ces instituteurs qui au lieu
de renier l'idiome de leurs pères et de lui faire à l'école une guerre ouverte
ou sournoise — ce n'est d'ailleurs pas l'esprit des règlements officiels —
ont comprbjwue l'étude peut en être utile à celle du français et présente
en elle-mêrnii un intérêt patriotique et moral.
IIsjBéritent donc nos meilleures félicitations, comme toutes les person-
nes quj foiit comme eux; mais aussi leur pupilles. Nous avions donné,
vette année encore, pour les petits, une version et un thème ; pour les
enfants de plus de 11 ans, une version et une narration. Le sujet du
thème était une fable de Lafontaine; ceux des versions, chose assez
naturelle celte année, étaient dans les parlers de Boulogne et de Lombez ; la
narration, enfin, devait consister à décrire une scène de labourage: ne
fallait-il pas, en*effet, par le choix même des textes, essayer d'augmenter
chez les enfants l'attachement à la terre natale, à la vie agricole, à la paix
laborieuse des champs? Eh bien, les jeunes concurrents se sont fort bien
tiré* de ces épreuves. Toutes les copies (40) se sont trouvées, sauf quatre,
au-dessus de la moyenne, et les premières atteignent des notes de 15 ou
16 sur 20, ce qui est excellent.
— Vol|s le voyez, Mesdames et Messieurs, notre Concours de cette
année a Àé très satisfaisant. Mais un concours écrit n'est point tout;
mais il ni suffit pas, si nous voulons sauver notre langue, de l'étudier, de
la lire, dàl'écrire et déjà faire écrire, et de récompenser ceux qui le font :
il faut prêcher d'exemple, il faut la parler. Que eau que parlém gascown,
nousrauli ûbéii ; è que àau que sâpien es qui mou-n enténen parla que
nu 'i pas prunou que nou sabém pas parla francès (ei bcrtat ?) o 'nt' a-
rnusá-mous souloméns que parlant et gascoui], mis premou qu'éi 'ra
léygo nòsto, era nòsto léngo mairalo. Es paraules è 's escriéuts que
nou balen pas ess hèts. £s edzêmples. Que mous eau balha 'dj edzémple.
Alabets, adaquéro coundiciouv, era Uijgo nòsto ja sera saubado;
alabéts ja'seram ganhats. (Applaudissements).
Complinttërit à la Reine
par M. de Bardies, Président de l'Escolo

On va passer à la lecture du palmarès, et les lauréats vont venir à

3*
184

l'estrade recevoir leur récompense des mains de la Reine, Mme la Mar-


quise de Pins. Mais, auparavant, notre Président se tourne vers elle et>
faisant délicatement allusion et à la pervenche d'argent qu'il a offerte
lui-même cette année, comme on vient de le voir, au meilleur sonnet en
l'honneur de l'arbre, et aux armes de la maison de Pins, qui sont
parlantes (elles portent des pommes de pin), et à la vieille renommée de
cette maison qui a toujours été honorablement connue en Languedoc et
en Gascogne, depuis les Croisades jusqu'à nos jours, il lui adresse le
charmant compliment qui suit :

Es troubadous gascous, perganha 'ra perbéncho,


Rèino, canta que ban es bosques det païs.
Escouto : déns toun cor que haras 'ra rebéncho
Des autis arbes dam tous pis.

II

Edj u qu'a milo hlous, edj aute milo hrutos ;


Aquétch que pujo drét, aquéste qu'é tourçutch ;
Toutis ja soun plaisénts e ja hèn bèros tutos ;
Mès es pis que t'an mès plasutch 1

III

Es pibouls alinhats, coumo 'r 'oumo giganto, Ê>


Et generous tilhul, coumo 't nouguè balént,
Quetroumpon mès d'un còp dins lur pètch estounanto ;
Es pis n'an cap ré de doulént !

IV

En tant d'arbes frutès que pòrto ra n


Castanhès, cesirès, priiès, perès, poi
Quant arribo 'dj ibèr, era bito s'atur
Es pis nou s'aturon jamès

Et bèr, et sahuquè, tant aimatch den


Es poulidis rousès, es maichantis esr.
Et casse glourïous, toutis pèrden sas
Mès toustém berdéjon es p..
(Applaudisserhen ts. )
[Traduction.

1. Les troubadours gascons, pour gagner la pervenche, Reine, vont


chanter les bois du pays. Ecoute : dans ton cœur tu fepfis la compa-
raison des autres arbres avec tes pins.
183

II. 'un a mille fleurs, l'autre mille fruits ; celui-ci file droit, celui-là
L

est tordu ; tous sont agréables et offrent de beaux abris ; mais les
pins t'ont plu davantage.
III. Les peupliers qui s'alignent, de même que l'ormeau géant, le géné-
reux tilleul, de même que le vaillant noyer, trompent souvent sous
leur écorce admirable. Les pins n'ont rien de trompeur.
IV. En tant d'arbres fruitiers que porte la terre, châtaigniers, cerisiers,
pruniers, poiriers, pommiers, quand arrive l'hiver la sève s'arrête ;
les pins ne s'arrêtent jamais.
\. L'aune, le sureau, si aimé des brebis, les jolis rosiers, les mauvaises
épines, le chêne glorieux, tous perdent leurs feuilles ; mais les pins
verdoient toujours.]
La Musique joue de nouveau, puis la parole est donnée à notre bon
confrère M. R. Lizop, qui veut bien se charger de lire le Palmarès. Un trop
grand nombre de lauréats sont absents (v. p. loin), mais plusieurs cependant
s, -jont Jjjnus chercher leurs récompenses. Le public les applaudit de bon
cœur, lorsqu'ils reçoivent sur l'estrade des mains de la Reine — telle est
rla tradition — les diplômes ou les médailles qui leur sont destinés et qui,
depuis le début de la séance, ornaient la table de leurs rouleaux et de
leurs reAjs^ à côté des fleurs d'argent et des livres de prix multicolores
destinéMBx enfants. Voici donc le Palmarès de notre Concours :

M PALMARÈS DES JEUX FLORAUX


^fc de l'Escolo deras Pirenéos en 1909
(et PsiJC spéciaux annoncés pouc l'an prochain)

T. — PETIT CONCOURS
A) Entais au-dessous de 11 ans.
Version gasconne [Sujet: « 500 ! »).
Pierre, d'Endouflelle (Ecole d'Endouflelle, G.).
ÎDÈRE

Marius, de Villefranche-d'Astarac (G.).


E

E Georges, de Villefranche-d'Astarac (G.).

Marcel, de Villefranche-d'Astarac (G.).



D Ismaël, de Gensac (École de Samatan, G.).

(i6 LAMOTIIF. Gaston, de Samatan (id.)


1° D^NFLVS Séraphin, de Pelleftgue (id.) , , . .
pag dg
8" M|imEL%Iarius, de Samatan (id.) )
%° Tfome gascon [Sujet : LE L ION ET LE RAT).
er
1 BJLRTHE Georges, de Villefranche d'Astarac (G.).
9 ;\i 1 ÀBADiE Marius, de Villefranche-d'Astarac (G.).
ES

W ÍÉLABORDÈIÌE Pierre, d'Endouflelle (Ec. d'Endouflelle G.).

4e BACON Martjel, de Villefranche-d'Astarac (G.).

y5e DANFLOU| Séraphin, de l'elleflgue (Ecole de Samatan, G.).

6° MAUiiE^lfirius, de Samatan (id.)


7e GIRAHD remarI, de Gensac ' (id.)
8e LAMOTHE Gaston, de Samatan (id.)

4*1
186

B) Enfánts de H à 15 ans.

1° Version gasconne (Sujet: « BENTO-TÈRRO È PÉU-A-LA-MAI( »)

1er FORTASSIN Roger, de Villefranche-d'Àstarae (G.).


2e FOURCADE Édouard, d'Endouflelle (École d'Endoufielle, G.).
3e ABADIE Léon-Maurice, d'Endouflelle (id.)
4e CARDONNE François, de Samatan (Ecole de Samatan, G.).
5e ARNAUDUC François (Ecole de Gouaux-de-Larboust, canton de Bagrië
res-de-Luchon, H.-G.).
6e VERDALLES Antoinette-Bertrande (id.)
Ie OUSTALET Aventin (id.)
8e REY Gérard, de Lombez (Ecole de Samatan, G.).
9e CARRÈRE Marius (Ecole de Gouaux-de-Larboust, H.-G.).
10e BOURDETTE Félix-Joseph (id.)
11e BICARD François, de Samatan (Ecole de Samatan, G.)

2° Narration gasconne (Sujet: DÉCRIRE UNE SCÈNE


NE DE ILA/H,

RAGE). 11|
er
1 CARDONNE François, de Samatan (École de Samatan, G.j^B
2e FORTASSIN Roger, de Villefranche-d'Astarae (G.).
3e ARNAUDUC François (École de Gouaux-de-Larboust, H.-GX

4e OUSTALET Aventin (id.)


5e FOURCADE Édouard, d'Endouflelle (École d'Endouflelle,

6e PASCAL Laurentine (École de Saint-Paul-d'Oueil, canttagnè-

res-de-Luchon, H.-G.).
7e SENS Georges (id.)
e
8 ABADIE Léon-Maurice, d'Endoufielle (École d'Endouflelle, G.).

9e BOURDETTE Félix-Joseph (École de Gouaux-de-Larboust, H.-G.).

10e VERDALLES Antoinette-Bertrande (id )


11e CARRÈRE Marius (id.)
12" RICARD François, de Samatan (École, de Samatan, G.), l, ^fe. /
13« REY Gérard, de Lombez (id.) ( ;is ■ pnx
Un abonnement d'un an est en outre accordé aux Élèves Labordèn
Pierre,-Bar'the Georges, Abadie Marius, Fortassin Roger et Cànionm
François.

Cl Félicitations aux Maîtres.


L'Escolo deras Pirenéos adresse ses plus vives féIieitationsrà MM. F,
BRUNET (École libre de Samatan). LA PORTE Paul (Ecole tffindDiiìi'alIe)

SARRIEU François (École de Gouaux-de-Larboust) et SEjÉKJean (E'falt

de Saint-Paul-d'Oueil) pour le succès de leurs élèves au PjpiJ■&>:;■ ours.

IL GRAND CONCOURS
A) Œuvres littéraires.
I. Poésie
lo — 1er prjx spécial : Médaille d'or, offerte ] ibien Artigue

Ci
187
« pour la plus belle Ode en gascon à la gloire des Grands Hommes du
Comminges ».

Réservé. — Ont obtenu toutefois :


MORÈRE Henri, avocat-notaire à Balaguères, par
Engomer (A.). Mention
SALZET Guillaume, commis principal des Contribu-

ions indirectes à Lombez (Gers), autitreoi tradition-


i%me >), pour une ode en français Diplôme d'honneur
E
- 2 Prix spécial: Pervenche d'argent, offerte par M. de Bar-

\ pou?* le meilleur Sonnet gascon en l'honneur de l'Arbre ». Dix


pjrents ont traité ce sujet, et les huit premiers ont obtenu une
om;>ense :
L > r "Ar Jean-Marie, pharmacien lauréat, à Mas-
sât (A.) PERVENCHE D'ARGENT
2. LAKAGETTE Raoul, homme de lettres à Foix (A.). Médaille d'argent
3. ESCAIGH François, à Labastide-de-Sérou (A.)... Médaille de bronze
4. BIVIÎ.&ELouis (parler de Colomiers) à Toulouse . Médaille de bronze
5 S)^"!íájpoN, de Sarrant, à Solomiac (G.) Diplôme d'honneur
C C.\STiï|fEmile, chat, du Mailh, près Gondrin (G.) Diplôme d'honneur
7. Mme GÉLADE, à Carbonne (H.-G.) Diplôme d'honneur
5. ARUIX Li'-oïi, d'Arudy (B.-P.) à Aureilhan (H.-P.) Mention

o° — Poésïf-s libres détachées.


lre Section : GASCON DE LA MONTAGNE.

SOÛLÉ Jean-Venture, à Ferrère (Barousse) (H.-P.). Médaille de bronze


ÏARRIDE, étameur-poète, à Saint-Girons (A.) Diplôme d'honneur

2,NE Section : GASCON DE LA PLAINE.

Ar ux I^on, d'Arudy (B.-P.), à Aureilhan (H.-P.).. Diplôme d'honneur


Anonyme Mention

4° -« Recueils.

RocQLUÉR. Louis, de Puysserguier (Hérault) [Bas-


Languéjwcien ] Médaille d'argent
BIVIÈRE L^s, à Toulouse (H.-G) [Toulousain]. ... Médaille d'argent
REY.N'E GustÇye, à Marseille (B.-du-R.) [Provençal].. Médaille d'argent
CASTEx ETdrae, chat, du Mailh, près Condrin (G.)

[Gascon de%Plaine] Diplôme d'honneur


MAS&aile, ~à|&pers (Hérault) [Pas-Languedocien]. Diplôme d'honneur

IL Prose.

j.. — Prixjjiécial : Violette d'argent, offerte par Mme d'Antras


« yvur le memeur Récit en prose gasconne (conte, légende ou nou-
velle) » : mt
ARRIX Léon,1r%udy (B.-P.), à Aureilhan (H.-P.)
188

Les pièces détachées de prose gasconne se classent ainsi :

lre Section : GASCON DE LA MONTAGNE.

ARRIX Léon, d'Arudy (B.-P.), à Aureilhan (H.-P.). VIOLETTE D'ARGENT


Abbé MARSAN, curé de Saint-Lary, par Vielle-Aure
(H.-P.) Médaille de bronze
ME
M Pulchérie SENS (parler d'Arbas), à Saint-Paul-
d'Oueil (H.-G.) Diplôme d'honneur
MORÈRE Henri,, à Balaguères, par Engomer (A.).... Diplôme d'honneur

2
ME
Section : GASCON DE LA PLAINE. JL W

RIVIÈRELouis (parler de Colomiers) à Toulouse.. .. Médaille de bronze


Abbé LASSERRE, curé de Castillon-de-Batz (G.).... Diplôme d'hêgÊÊur
SÉMEILHON André, à Miradoux, près Lectoure (G.). Diplôme d'hfffeur
Abbé BENTURE,curé d'Aydius, par Bedous (B.-P.).. Diplôme d'honneur
LAPORTE Paul, instituteur à Endouflelle, c. de Lom-

bez (G.) Mention

2° — Becueils.

BOUQUIER Louis, de Puysserguier (Hérault) [Bas-


Languedocien] Médaille d'argent
SENS Jean, instituteur à Saint-Paul-d'Oueil (H.-G.). Médaille d'argent^

III. Théâtre

Anonyme Diplôme d'honneur

IV. Traductions en gascon

SENS Jean, instituteur à Saint-Paul-d'Oueil (H.-G.) Médaille d'argent

B) Etudes grammaticales, historiques ou sociales.

I. Traditionnisme

Abbé MARSAN, curé de Saint-Lary, par Vielle-Aure


(Hautes-Pyrénées) Médaille d'argent

IL Linguistique

LEVRAT Etienne, de Villefranche-d'Astarac (G.) doc-


teur-médecin à Toulouse MÉDA^E DE VtRMEIL
SENS Jean, instituteur à Saint-Paul d'Oueil (H.-P.). MÉDA$.i DE VERMEIL
LAMOTHE Armand, au Bernés, par Lagraulet (Gers). Médc^e d'argent

Profitons de l'occasion pour annoncer dès à présent aux;^|élil)res gas-


cons que notre Escùlo disposera l'an prochain, grâce à l'itìassable géné-
rosité de notre Confrère M. Fabien Artigue, des deuxSjîrix spéciaux
suivants :
1° De la Médaille d'or réservée cette année : ellagsera attribuée

(sujet légèrement modifié) à la plus belle « Ode en gascon en l'honneur


189

du Comminges » (pays, géographie, histoire, grands hommes, monu-


ments, avenir) ;
2° D'un Edelweiss d'or qui sera attribué à la plus belle pièce de
poésie gasconne consacrée à « La Montagne ».
Maximum de l'une et de l'autre pièce : 200 vers. — Avis d'ores et déjà
aux Concurrents. ' (Applaudissements).

M. de Bardies, Président, se lève pour ajouter que Mme la marquise de


Pins vient d'offrir elle aussi, pour l'année prochaine, un magnifique
Œillet d'argent (que l'on peut déjà admirer sur la table qui porte les
autreí^ récompenses).' (Applaudissements).
■ g/ 3. Lecture de Poésies récompensées
ffasjniisique joue de nouveau, puis on lit plusieurs pièces récompensées.
1*^- M. l'abbé Daubian veut bien lire le beau sonnet de M. J.-M.
Servat (L'ARBRE) qui a remporté la Pervenche d'argent.
2. — M. Louis Rivière nous lit PUNT DE VISTO, l'un des plus jolis
morceaux de son recueil intitulé « Pouesios Toulousanos ».
HjCL — Enfin M. Jean Sens nous lit Es HILHUQUES DE CLARAC, récit
iiantastique à la fois et charmant, extrait de ses « Coundes dera Vat de
Gùélh ».
; De vifs applaudissements saluent les auteurs et leurs œuvres.' Puis le
"Pré/sident.Remercie les auditeurs et délare la séance levée.
4. Punch d'honneur à la Mairie
La Musique joue encore un instant, tandis que les enfants qui n'avaient
pu fendre la foule auparavant (il y avait là plus de 700 personnes)
viennent chercher leurs prix. C'étaient, soit des Numéros d'Era Bouts
dera Mountanho, notamment le N° consacré aux Jeux Floraux de
Saint-Girons en 1907 et le « N° deSen-Jùan»,soit des oeuvres félibréennes,
telles que Era Garlando ou Era 'Rrenechénço de M. B. Sarrieu,soit des
pièce* en français (Ode à la vallée de Lis, Ode au Dieu Burbe, Fantasia
des Guides luchonnais) du même auteur, soit des exemplaires de notre
« Armanac dera Mountanho » de 1908 (lre année). Les jeunes lauréats
s'en retournent joyeux, tandis que les Félibres se rendent à la Mairie, au
Punch d'honneur auquel la Municipalité a bien voulu les inviter.
Là, une dernière fois, ils ont le plaisir d'exprimer à M. Bécanne, Maire
de la Ville, aux Membres du conseil municipal de Lombez et à toute la
population lombézienne leur vive gratitude pour le charmant accueil qui
leur a été faitjt qu'ils n'oublieront jamais.
— Mais la Eilibrée n'est point terminée ; elle va se continuer, le soir
même et;le leltemain matin, à Samatan.

1. Le Ko de lléc«Bl>re d'Era Bouls donnera in-e.xtenso le programme des Jeux-Floraux


de 1910 ; les Nos de Janvier et de Février pnblieront les principales œuvres récompensées
en 1909, constituant ainsi le Libe d'Or du concours de I9J9 {Pouesio et PròsoJ.
190

B) SECONDE PARTIE

A Samatan notre fête a compris :


Le 5, au soir :
I) Une Réception officielle des Félibres;
II) Une Soirée littéraire gasconne.
Le 6, au matin :
III) Une Excursion au Château de Caumont;
IV) Un Banquet d'adieu, entre Félibres.

I. - RÉCEPTION DES FÉLIBRES


La plupart des Félibres présents à Lombez s'étaient rendus, déduite
après le Punch d'honneur, à Samatan où plusieurs eurent le plaisir de
souper ensemble en causant des intérêts de leur chère Escolo. C'est à
8 heures 1/2 du soir que devait commencer la fête félibréenne. Dès
8 heures, les Félibres se rendent à l'école communale, pavoisée et illuminée
en leur honneur. La Musique de Samatan (a Les Amis Béunis ») joTjê
une belle marche militaire, et 1' « Orphéon Samatanais » chante l'air
montagnard bien connu : « Chasseurs, voici l'aurore.... Guerre à mort à
l'isard...»; on les applaudit longuement. Bientôt enfin arrive la Reine,
au bras de notre Président.

1. Allocution de M. Lacome
Maire de Samatan, Conseiller général

M. Lacome, maire de Samatan (et conseiller général du canton), lui


adresse aussitôt ses souhaits de bienvenue :
« Au nom de la population de Samatan que je m'honore de représen-
ter )), dit-il à peu près, « je suis heureux, Madame et Messieurs les
)) Félibres, de vous recevoir pour quelques heures au milieu de nous.
)) Nous avons la certitude que vous ne regretterez pas ici l'acceueil en-
» thousiaste de Lombez.
» Votre œuvre est une œuvre méritoire, à encourager. Nous vous en
». remercions du fond du cœur. Elle est faite pour rapprocher les grands
» des petits, les riches et les puissants des deshérités de la fortune, dans
» un commun amour pour le sol natal. Vous avez compris qu'il fallait
» s'intéresser au peuple, au paysan, à leur langue qui est la nôtre; qu'il
» fallait se dévouer pour eux.
» Vous retrouverez à Samatan des vestiges glorieux de l'histoire du
» Comminges. Nous avons ici aussi nos vieux murs, et^nos hommes
» célèbres.
» Madame, encore une fois je me réjouis vivement de vous recevoir
» parmi nous et je fais des vœux pour la prospérité de votre règne ».
(Applaudissements).
191

Réponse de la Reine. — Retraite aux flambeaux

La Reine remercie en quelques mots M. le Maire de Samatan de son


accueil tellement cordial. M. Lacome lui offre son bras, et M. de Bardies
offre le sien à Mlle de Terssac, notre Reine de 1907. Puis on part, en une
retraite aux flambeaux, pour la Soirée littéraire. La musique joue une
marche entraînante, la foule suit, et l'on arrive rapidement au sommet
de la côte, à la Salle de l'Ecole libre de Samatan, aimablement prêtée, et
ornée par les soins de la Municipalité elle-même, la très grande foire qui
doit avoir lieu le lendemain rendant les halles indisponibles. C'est égale-
ment là qu'aura lieu, pour la même raison, le banquet du lendemain.
■ Y

II. - SÉANCE LITTÉRAIRE


La salle est très vaste ; on l'a aisément transformée en salle de théâtre.
Elle est ornée de pavillons tricolores et de guirlandes. D'un côté, la
bannière de l'Orphéon Samatanais, de l'autre un drapeau français. Bientôt
toutes les places sont prises : Il y a bien là 500 personnes. On a aimable-
ment réservé le premier rang au Bureau et aux Membres de l'Escolo ;
à droite un véritable trône, avec dais, a été ménagé pour la Reine, aux
côtés de laquelle prennent place Mme de Porquier et Mlle de Terssac.
D'abord la Musique se fait entendre, puis le rideau se lève : M. l'abbé
Dámbielle, en vrai félibre, va nous faire en gascon un discours sur la
langue gasconne.

I. Discours de M. l'abbé Dambielle


Pro-curé de Samatan

—i h& LÉNGO GASCOÜHO -H*-

i Damos, Messius,
ijp fèt: èn pas fièrs de parla ço qu'aperan " le patouès " e que diurén
tous ért nouma " le gascour} ". Cau dise le môt : auén bergounho de la
léng ) de cha nôste.
P irqué ? —
Pirqué? At sai pas au soulide ; mès, d'abitudo, on se serbich pas d'uo
caus i empramo :
A
a — Que la mòdo i passado ;
b) — Que l'on gaujo pas dise d'oun béng ;
c) j— Qu'ei pas qu'un mâchant utis, mau dégauchit ou esquissât ;
d) — Que se n'ei pas jamès serbit que mounde d'arrén.

De ' la mòdo, en parlén pas. I prumè ahès de hénnos que d'ômes :


d'allffrs la mòdo Í coumo uo ròdo que tourno. Aquéro ròdo, les qu 'an
interès à hè cambia la mòdo la biron uo brico, après nhauto brico, e à fòrço
de pou^sados le hèn hè le tour. La mòdo i la gulho dou relòtge que marco
192

adès mietjour, tantòs mièjo-nèit e douman la mémo, causo : la gulho de


la mòdo aro marco blanc, nhauto còp marcarà gris, e, atendèts prou,
tournara marca toustén parelh.
Se dounc la mòdo i passado de parla le gascoun, aquéro mòdo tournera,
ac espérai) au méns. Deja me sémblo bése punteja l'aubo dou jour o|n
les sabéns se haran un aunou de la sabé parla.
Perquè dounc aurén pòu de parla le gascoun ?
— Gaujan pas dise d'oun béng? — Tout aro bous bau hè bése quebcçg-
de bouno familho, mous cau dounc èste fièrs d'ou poudé e d'ou sabé p
Perquè dounc encùèro ?
— Empramo que se pôt acoumpara à un mâchant utis, mau degaucnit
e esquissât de biélh? —Prerfguèts paciénço tant-che-pu, e beirats q'uj'éi
autant agit, auta gracious, auta riche, auta souple que les autes parlas.
Perquè dounc enfin ?
— Empramo que l'a pas jamès parlat que mounde d'arrén ? — Mès mas
eau brumba que le gascoun, èron les nòstes ancièns qu'au parlauou :
èro mémo un plasé de les ac enténe desteca ; — le gascoun, les nòstes
praubes défunts s'en serbichèuon enta hè le debis au cournè, enta prega
le Boun Diu à la Glèiso...

I "/
Bous bau dise en prumèro que le gascoun i sourtit de bouno familho.
La suo parentat i renoumado de biélho, de ciénço e de glòrio.
Sabéts pas toutis, per sigu, ço qu'ei que le gascoun ?
Les que abitauon aquéste païs, i-aura lèu dus mil'ans, — i-a quauque
jours d'acò, e, coumo disén praci, en aquéres brabes ancièns les ahumo
pas le nas e se dòlen pas des cachaus, — les que abitauon aquéste païs,
auèuon un parla ;
Cad' auserouîj
Sa can som? ;
Cado maisouv
Sa faiçoun-
E aquét parla cambiauo à cad'endrét. I-auèuo pas en aquét téns bia-
turos ou camis de hèr, i-auèuo pas coumo aro oustaus trimaires su l'aïj o,
barcos que se passéjon en l'aire, e le houlét poussauo pas aquéros mai-
sous bénte-bachos que courren coumo la broumo.
En aquét téns, l'òme hasèuo coumo le cassé dou bòsc : d'oun nechèùo,
aqui s'assietèuo, aquíu biuèuo, aquiu mourichèuo.
Le mounde, dounc, courrèuon pas coum'aro e les òmes s'abarrejîBn
pas. Cado countrado, cado parsan auèuo soun sabe-hè, e, coumo lits
l'arreprouès : \
Cado bilatge \
Soun lengatge.
Les ancièns biuèuon d'uo bito esquèrro; tabé estèn coumo esbaranits,
%
193
coumo estabournits, quand de cop surpréso, les Roumèns arribèn à talh
coumo uo Garouno desbourdado que ba siula la piano e les coustous.
Tout s'acatèc dauant le mès fort ; tout cambièc en un birat de mai?.
De bouri grat ou per forço, se calouc souméte.
Les Roumèns bouloun hè la loué. De las mòdos dou país counserbèn ço
qu<! les plasouc ; tout ço d'aute ac estrounhèn, ac escabessèn.D'aquét punt
en la, parlèn pas mès la léngo ancièno, hounoun diguéns le mémo 'smònle
la léngo latino, la léngo des Roumèns, dambe la léngo dou mounde de
pracl, e d'aquét abarrejadls en sourtiscouc le gascoun.
Aièls bist coumo jou, trabalha le techenè (Parli en aquéres qu'an lèu
quarant' ans ou mès, bous-aus les jùénes bous demandats belèu ço
qu'ejj que le techenè). Auèts bist que préng coutoun rouje e coutoun blu,
coûter..- blanc e coutoun nére, e la telado i pas ni roujo, ni bluo, ni blanco,
ni néro . l'entrecamatge des hluses a hèt uo 'stòfo touto mirgalhado de
coulottf' touto pipatado de flous.
'Uats !• quiu ço qu'ei que le gascoun : uo léngo techudo dambe le latin
e la léngo des afèt-dauanciès, uo léngo poulido coum' un mántou de réi
oun Iusls sus un founs soulide e bièn tramat pèrlos amassados un pauc
pertout.
E le nòste parla, en prumo d'acó, a mòts de ressemblénço dambe le
biélh latin, dambe le grèc mes biélh ep-'èro.
D'aquéres mòts en troubarén, se bouléuon, à fùesoun.
Dou grèc en prumè, ourdenariomén en passa pou latin :
(3ps(io> brama «pleurer»1 i urca-p; patac «coup»2
« moment le plus
7.XJU.7.
r
caumas j . . . . „ v.Xr^cç, clédo « claie »a
chaud du jour » 3
«p8ï]y.Y) boutigo « boutique » | lúfAÍGç
^ioq toumbo « tombe » *.
Tes i surtout mòts latis que trouban diguéns le gascoun ;
tante, auant ; — abundaré, abounda ; — adjutare, ajuda; —
are, estiùa ; — beneficium, benefici ; — bèstia, bèstio ; — calor,
; — camisia, camiso ; — campana, campano ; — campus, camp, etc.
ique se hasouc enta nous-aus, se hasouc en Ralío, en Espanho, en
tugal, diguéns touto la Franço.
)rumo d'acó que le gascoun i nescut en mémo ténis e de la mémo
in que l'italièn, l'espanhòl, le pourtugués e les autes parlas de

íparla de cado païs, de cado countrado, hounut dambe le latin,


rka mielho dise, le latin parlat à la mòdo de cado païs e un bricalhot
jpous parlas mès biéls, balhèc uo coulou diferénto à cado parla ; acó
if le proubençau, le limousin, le catalan, le gascoun e bièn d'autes.
»uéns l'estenudo de tèrro oun parlon le gascoun, i auée, pe la
jfrasoun, le bigourdan, le bearnés, le lanés, l'armanhac e enfin le
parla : le ceumengés.

eléu simplo reiicounlro. — 2. Idem. — 3. Belèu dou lalin calor. — 4. A cita encùéio :
creslian, ange, paraulo, glèiso, abésque, mounje, crambo, tourna, boulélho, plat,
bras, canó, esquiròu, Nèsto, cado « chaque >, etc..
194

At besèts dounc, lanòsto léngo merïto le respect : i biélho, arre-biélho,


pusque remounto à dus mil' ans ; i sourlido de bouno familho, de familho
sabénto e glouriouso, pusque debaro en dréto linho dou grèc e dou latin.
Malerousomént aouc pas la chanço de las suos sòs : de la léngo fran-
céso, de la léngo italièno, de la léngo espanhôlo e de las autos.
Eros bengoun mès lusénios, mès desbertidos, mès agidos parço que
troubèn aboucats que plaidejèn enta éros, riches que las légitimé;], amou-
rouses que las poutounejèn, sabéns que las flouquèn ; en pramo d'acó se
poudoun hè draubi las pôrtos des castèts e s'eslissa mémo dinco la court
dou réi ; — tandis que la léngo gascouno, coum' uo mainado flaco e
parmounisto, arrouganhado pe la misèro, caperado de retals, abandounado
dei sous — un téns pourtant au serbichi des troubadous, plusiurs còp^
mémo recaddado per quauque riche pietadous — s'arrousseguèc dÇ
siècle en siècle, e touto bergounhouso demandée pas qu' à debisa au/
cournè dou praube, à droumf su la palho des estables e à se bout' a l'échut
debat le teule dou pagés.
Auré acabat de mouri dambe les soubenis de bèt-tens-a, èro deja mès
de miéj' endroumido diguéns la toumbo de l'ancièn téns ; mès les Félibres
en aquéstos darrèros annados l'an bouludo rebiscoula enta u balha le
lustre e le réng que se merito : car, s'ei filho praubo, i pas fllho desou-
nourado ; a counserbat deguéns soun malur l'aunou de sa raço, la balou
de soun sang ; merito d'èste counsiderado autant que sas sòs, parço qu'ei
auta generouso, auta coumplasénto, auta graciouso.
I d'alhurs ço que bous bau dise tout de suito.

II
Nha mounde — pas ací per sigu — qu'an un aire de dus aires quan on
les parlo dou gascoun, e un pau de mès se trufarén d'aquéres que s'en
serbichen. Pourtant i capable le gascoun, autant que nado léngo, de dise /
— e fort bièn — toutos las pensados de l'esprit, toutos las merbélhos de /
la naturo, toutes les sentiments dou nòstecò.
I pas doun per fantesío, ni, coumo disen en francès, « par snobisme j
ou par esprit de réaction » que boulén counserba le gascoun. Le boulén I
counserba, noun pas souloméns en pramo de sa parentat glouriouso, f
le boulén counserba parço que mous rendén counte de sa richesso e de sa i
balou.
Sans doute, quauque cop, de machantos coumpanhos, de besinatges
dangereuses l'an hèt pèrde soun esclat ; sabèts coumo jou que l'aigo dou
riu, per tant sclarido que sio, sabets bièn que béng tréblo e pastousifc
quan trauèsso un barèit ou un hangas ; mès tournat-la decha droumi
tranquillo diguéns soun leit escurat, benguera frésco couín' un grun. de\
ploujo que goutéjo dou roc. , \
Atau le gascoun : groussit coumo l'aigo de la ribèro pés patùèses de
pertout, 1 poudut béngue quauque còp perit coum 'un past, mès dech'at-le
19a
ataisa, l'escourriùalh s'en anguera au houns e per dessus briuara « le
gascoun blous e naturau ».
En coumbéngui, le gascoun quauque cop pot èste péu-herit e reboulhut ;
sai bièn que diguén « lehaudiat de hauos dou haua » nha un plén
môs ; sai tabé qu'enta èste un boun gascoun eau poude dise bisti, parich :
" higo, kago e hagour? " ; mès la léngo gascouno 1 pas touto diguéns
aquéres mòts...
Se boulets hè bisti le pourtrèt de quauqu'un, le gascoun, coumo qui
balliò un còp de 'spincèu, en dus ou très mots que caijen coumo uo
palado de mourtiè franc, bous hè bése les countours dou pourtrèt,
coumo se l'auèuon clauerat su la muralho ou en'houchinat au cap d'un
hourqu^t :
L'òmfe magre : Ei uo ròdo de cércles ; uo bfgo de palhèro ; Í estarit
coum'u'fl clésc de nòse ; i séc coum 'un aglan ; dirén un cént de claus ;
un repôupét de mano ; harderè coumo ribans de garlòpo.
Le chapons, chapoulejaire « bavard », en francès : A le hissoun poun-
chut ; a la léngo ahilado de frésc ; alargo bien le bacant ; i pas barlèc ;
a pas le hiu à la léngo; la léngo le s'entrecamo pas; hè truca les pòts
coum'un jòc de bargadéros. (Hires.)
L'òme neraut : I nére coumo le metau ; I bhnc coum'un estoufét de
prüos ; Í blanc coum 'uo poupo de grilhoun ; èro dehòro quand pintrèn les
mèrlis. (Rires.)
L'òme abare : Da pas le lard as cas ; descambiaré un ardit ; ei un plouro-
miáos ; ei un sarrobrouquét ; estaco pas le can dambe saucisso. (Rires.)
L'òme fenianl: Counéch la barro de lèuge; a un péu à la man ; se
crouchls pas les ósses; tiro còps de pés à las mouscos; apinchùo juns
pou petit cap.
L'òme patut : I dégourdit coum'un hárri pe las estoupos ; coum'un
nabtri per un barèit ; coumo le clouquè pou bilatge.
Les que bon mau au gascoun disen mémo qu'ei pas qu'uo léngo enta
hè riìe, capablo de dise countes amaroucats de trop de pébe e de trop
de sau:

Pourtant, se le gascoun i capable de hè rise, 1 capable tabén de hè


ploura.
Un jour, à Agén, Lamartino benguèuo bése pou prumè cop Jasmin.
Jasiiin n'èro pas grandous, e sabèts coumo jou que boulouc demoura
tousténi diguéns la suo boutigo de flatèr.
— Onn demòro M. Jasmin? » ça dits M. Lamartino à un dròlle que
troubèc\en debara de bùaturo.
— « M. Jasmin ? Counégui pas. »
— « Counégues pas Jasmin, le grand pouèto ? »
— «^Joulèts dise belèu le que hè rise e le que hè ploura?...»
LegiSsets la « Gran Mai » e me saberats dise se les malurs de la
praubo biélho, se la létro de soun rehilh e la noubèlo de sa mort hèn pas bén-
gue lèrmos prèstos à s'alarga.
w

ô
196

Le gascoun i capable de madura le co le mès hort, de ramouji un tem-


peromént de courau, d'engourga les ùélhs Ls mès cchuts.
Le gascoun, arrén. nous l'embarrasso ; i soufle coum'un bimou, lusént
coum'un lambre, frésc coum'aigo de ròc, trénde coum'uo flou.
Mous bai) passeja pe la campanho, un maitii? de prinléns ; las sègos e
les acacias dèchon escapa un parfum delicat carrejat pe l'aire autanliut
dou maitii). En tout camina, haséi) leua un bol de parpalhots :

« Poulit parpalhoutét ■> — diram en gascoun — « que diguéns la garéno


Baranéjos cado maitii?
Pcndént que le sourélh dambe sa caud'aléno
Séco tas alos de satin? ;
Tu que poumpos le tchuc de la ròso flourido,
Tu qu'aimos a leca les plous
Dou briulè, de l'ulbét e de la margarida !
Parpalhoutét, be ses urous ! » (Cassagneau)

Tout d'un cop la lauzéto partich coum'un limbrét; bous ba dise en


gascoun un salut esmèrit ;
Jeu desplegui moun alo
E mounti sens acalo
Dan le f'réd c la nèu
Dccats au Diu dou cèu;

Jou soui la Lauzéto


Que canti tiro-liréio
E piu-piu, tiro-lira,
Tiro-liro larira !
L'aire biu
tQu'enabriu
Se biro
Me tiro
L'estiu
D'aciu :
Tiro
Liro,
Píu !
Piuli (Cassagneau)

Le gascoun a mòts escarrabelhats, — partichen coumo còps de fusilsi


caijen coumo còps de pèiros, — mòts petits e courts que disen bièn de
causos ; enta les remplaça en francès, en cau plusiurs, e touts ensémbfe
n'an pas la mmèo bigou, la mémo fòrço ; lèuo nas, clèsco-peLat; bénte-prift»,
camo-fin, truco-taulos, sarro-brouquét, plouro-micos^jgòrjo-birat, cal
pounchut, bénte flac,camo-lèste, camin de birot-sùén^e/de mounto debarofe^
gauto-'stirat, pèt-frouncit, cap-de-pòrc, gòrjo-fin, etc.
Le gascoun i riche d'arreprouès : se les amassajjon toutes en garbos, *
r
197

nhauré un grand brassât. Toutes aquér^s arreprouès, remplits d'ensenho.


ménts e de leçous, arribon diguéns le debis coum'un lambrét e jiton
diguéns la coumbersaciouij uo esclairou aboundouso coum'uo rajado de
sourélh.
Qui hè mau soun léyt
Coutcho à malauèro.

Le que at bouto tout en un toupir?


At pot perde en un maitiy.

Le praube de l'espitau
Quand a le ùèu le manco la sau.

Uo petito mousco
He raina un gros ase.

De biri e de hév
Qui mès n'a mès ne despèn.

A forço de triwca
Le bii} que s'en ba.

Plouro,
Se bos poupa.

A gat que miaulo


Petito casso.

Qui se gtato oun le pruts


Hè pas tort à diguv.

E las istùèros, nado léngo nou las racounto miélhou que le gascoun.
Dambe les autos léiïgos eau bérjgue à tour ; dambe le gascoun, bats drèt
au bolhou, e tout le mounde se crèbo d'arrises auants qu'aujòts acabat :
Bats bése :
Duos sourdos au marcat: uo bén fruto, l'auto s'arrèsto dauant le taulè.
— « Adiu, migo.
— Prilos.
— Coumo bas ?
& — Binto-cinq sòs.
i — Coumpliménts as bòstes !
— Se las bos pas, dècho-los. » (Rires.)
JE aquésto dounc :
Un òme graeious e un dròlle dégourdit :
»- « Coumo t'apèros ? ça dits le Moussu.
f-Coumo le pépin, ça dits le dròlle.
M— E le pépin, coumo s'apèro ?
F — Coumo jou.
Í — Mès quand cauminjala soupo, coumo t'apèron ?
u •— M'apèron pas jamès, i soui toustén. » (Rires.)
cfiïn bouléts nhauto ? Sera la darrèro :
198

Un mainatge porto un pitchè de bii? su l'estoumac Tròboun moussu.


— « Aimos le bip, praubòt ?
— Oui.
— E toun pai ?
— Oh! oui.
— E ta mai ?
— Bou Diu ! » {Rires.)
Boulèts iio pregário enta fini ?
« Moun Diu ! béi bèro la naturo
Pendént que tout fiourich, afin de t'ounoura ;
Jou que soui de tas mas uo umblo creaturo
M'aginoulhi sur la berduro
Per t'adoura. »
(Cassagneau)*
»**

III

At besèts dounc, le gascoun a le mémo parentatge, dambe la legitimo


en méns, que le francès, le pourtugués, l'italièn, l'espanhòl.
At besèts tabé, autant que las autos léngos, se noun pas miélhou, le ,
gascoun pot dise n'impòrto qué : jòios, chagrls, pensoménts.
Tout acó le mous diu hè aima; mès ço que tabé mous dlu hè téngue
au gascoun, qu'ei de mous brumba qu'estèc le parla des nòstes ancièns.
Qui soun les ancièns ?
E oun le parlauon, le gascoun, aquéres ancièns ?
Dechat-me dise tout acó en dus mots. Bau aué lèu hèit, autroméns, at
coumpréngui, coumençariòi de bous en'hastia,
Les ancièns soun lés que aimauon à badina quand s'amassauon à la*
belhado, ou dauant la maisoun coumuno, ou debat l'empòrge de la glèiso.
E aqulu, tirauon pas, ères, nat espelat à digun, boumichèuon pas
nado saloupario, esbourlauon pas jamès nado reputacioun- S'aimauon
coumo frais, s'aidauon de boun có, se trufauon les us des autes sénse
machancetat, e quand le qu'auèuo la debisaduro unctado escaigèéo
quauquo farço, tout le mounde se désgruiauo d'arrise.
— «Hòu! boussut », ça disèuo le borni, « as cargat de trajfes
aquéste maitin ? » A
— « I bien à tu à parla », ça disèuo le boussut, « as pas draubit
qu'uo finèstro ».
Les ancièns soun les deuanciès, les nòstes parénts. Nous-aus ejpi las
brancos, ères la souco, soun le sang dou noste sang; hasèn le segufihi de
la suo existénço, countiniian la règo de la suobito. Uohénno beijguè\o de
pèrde soun marit, demourauo béuso damb'un mainatge de cinq ans. Le
prumèsé, après le malur, au cournè, dauant la plaço bùéito, la niai plourècy
e en tout embrassa le soun petit : « Preng aquét sièti, ça dit, (èro lacadièro
dou mort) ; aurèi pas tant de mau de có, remplaçais toun praube pai. »
199

L'endoumari, un d'aquéres trimaires passée à la maisoun : « Toun pai, ou


éi ? » ça dits. — Le mainatge, fièr, respounouc : <( Le papa, i jou. » E jou
tabe dirèi : « Nostes pais, Í nous-aus ».
Les ancièns soun les que bastiscoun las nòstos petitos bilos eslarissados
à I'oumbro des grands arbes, au bord de las ribèros argentados, au miéi
de las eampahos claufidos de flous ; — les ancièns soun les que bastiscoun
aquéres petits bilatges, acalauats, coum'un nisè sus uo branco, au bèt
cap d'un tupè carcinat pou sourélh ; — soun ères, e quand bastichèuon
pensauon au soulide que las riios s'estirarén, que las maisous sedoublarén
Le que nous-aus, au presént, abitarér) un Toulouso ou un París ; d'acó les né
fttU pas boulé ; les Gascous (n'an la reputacioun) soun estats de tout téns
jpi pauc bouhòlos, mes brabes quand mémo. « Quand me bouti en cou-
làro », disèuo un Gascoun, « soui le pét dou diable de mâchant, escabéci
un òme cado cop. » — « Ah ! E bous boutats souén en coulèro ?» —■
« Jamès ».
Les ancièns soun les que demourèn diguéns las nòstos maisous. I bièn
biélho, belèu, la maisoun ; un trôs de muralho que s'eslurro, uo parét
mitât embricalhado, la façado caperado de jèiro, las bitros que s'alugon
a l'eslam dou sourélh. Les ancièns soun partits, mès les soubenis s'enlai-
ron de pertout coum'un echámou d'abélhos, e mous sémble enténe
encùèro retrouní per diguéns, aquéres boutzes amistousos que repoute-
gauon un repròtehe méritât, debanauon uo pregàrio pïouso, brounzinauon
uo biélho cansoun-

Soun aquéres les ancièns. E quand éi que parlauon le gascoun ?


Le parlauon au cournè. La candélo de rousío charistro debat le mantèt
de la chaminèuo ; las memis au bisatge daurat, les péus blancs de nèu, les
ùélhs toustén banhats de plous, un sourise que flouréjo sus pòts coum'un
badalhét dou sourélh miei-clucat pe las niios, amasson autour d'éros les
mainatjous, coumo hè la clouco quand acourròllo les pouréts ; e dauant
les dròlles esmerits, frésques e pjulits, tandis qu'enteneréts uo mousco
brouni, las memis, d'uo bouts que trembléjo, couménçon le debis, le bèt
debis d'aquéres countes gascous que couménçon per uo bertat, s'acabon
per uo leçoun, oun hèn bése le béng e le mau, oun hèn apréngue de
douro à la jùenésso à se bouta l'abrigalh auant de parti, à embarra le
troupèt auant la ploujo, à aué toustém diguéns la pòtcho un mòs de pan e
Me chapelét.
I Le parlauon à la nòço autour de la taulo oun las duos familhos des
tiòbis se soun arriiiados. D'abord, eau dinna. Dénts e culhès, tout acó
Tfenso, e à enténe aquét brut, creserèts que milo pairoulès trabalhon su
JjBnclume. Au cap d'un pauc, aquét tèrro-trum s'i mièi-carat e ara doun-
jjfèlos e dounzelous debison au roustit. Les béires se pilon de biif e
bourdéjon, e pendéntque l'on trinco : « A la bòsto », entenèts repoumpi
diguéns l'aire le trindadis des còps de goubelét e le rise esclarit de tout le
mounde. Aquéro journado bièrjo de plous e de chagrís s'acabo en tout
canta la cansoun de la nòbio ou la de la hilairo :
200

« Quand maridado bous serats,


De petites plasés bous beirats,
De petites, mès pas ùaires ;
Prenguerats un marit jalous
Que sera un pauc trucaire ;
Bous dechara pas ana en lòc
Souijco enta bòste paire
E mes encùèro bous dira
D'i demoura pasùaire », etc..

« Biro, huzèt, biro, bfro !


Dou maitii) au sé, biro, biro !
Qu'où eau, quand se maridarà
U' camiso nauo à-s bouta... »

Le parlauon dauant le brès dou nenét. Au méndre brut, au mès peti


cric, la mai se rebélho. Un piùlét pounchut dou mainatge le balho coum'un
cop d'espliijgo e la pòu le hè coum'un patac su l'estoumac. Le co le s'ar-
rèsto, se hourrupo l'aléno. Belèu qu'i malau. Au cap d'un poc, le petit
esgarauplu se segoutich diguéns le brès, badalho e alargo la bramadére.
La mai auta lèu le préng e l'agrounséjo :

« Nino nino, Catalino,


Le papa qu'ei à la binho,
La maman qu'ei au casau ;
Nino, nino coumo eau.

« Soun soun,
Béni, beni ;
Soun, soun,
Beni dounc;
Le soun bo pas beni,
Le mainatge bo pas droumi ; etc. »

Enfin, prou poutounejat, le mainatge echugo les plous, estiru le bras,


cluco les ùélhs e s'endroumich.
E la mai dits à tout le mounde :
« Chut, chut !
» L'enfant dort, pas tant de brut. »

E aro, qu'èi fenit. Boulerlo qu'estèssots toutes de moun abfs; ca^i^H


boulén dechida aquéro « miéjo-mòrto » qu'ei la léngo gascouno, n'eifas \
ent'arresta ço qu'aperan « le progrès ».
Un poulie tablèu a bése ei le tablèu de la memi touto pèt frouncidoS
touto crouchido, tout'acatado, que reténg pe la man la petito mainadéto à
las camos esmeridos, à la figuro poulido coum'un arrai dou sourélh. La
mainadéto hè segul la praubo biélho que marcho trop douçomént ; la
201
praubo biélho reténg la mainado que s'assaubaré tròp bisti, etoutos düos
se hèn serbichi ; acó éi les causos de jé e les causos de doumaij.
Per segu, aiman nòste grand païs de Franço, le mès bèt de toutes ; mès
aimai} tabé le nòste petit païs de Gascounho, e, diguéns le nòste païs,
aiman surtout le parla. L'auserourç aimo tout le bòsc oun pòt desplega sas
alos e boulateja à plasé, mès aimo surtout l'arbe oun ei nescut e d'oun ei
apausat le nisè des sous petits.
Aimai) pas qu'un drapèu, mès i-a très coulous en aquét drapèu ; aimà-
raij pas qu'un païs, la Franço ; mès aimaran dus parlas : le francès e le
gascó ui).
Oui, aimarai; e parlaran. le gascoup en pramou que mous sémblo qu'au
trauès dous sus mots brilhants i besèn passa l'amo des ancièns tout ensou-
relhado coumo uo luts à trauès un crístalh cande e fin ; l'aimarai? e la
par'araij, aquéro léngo tant ancièno, doun les mòts musiquéjon coum'un
bionloun, trindon coum'un escrilh, retrounichen coumo la campano,
apiitarron, sùén, coum'un còp de martèt, lusissen coumo las estélos
dou cèu. ( Vifs applaudissements).
faria dou catitoun de Lourobès

■ le beau discours a produit un très grand effet. M. l'abbé Dambielle a


su à la fois se mettre à la portée de son auditoire et dire tout ce qu'il y
avait d'essentiel à dire, tout ce qu'il faut que le grand public sache bien
pour comprendre l'œuvre félibréenne et pour y adhérer. En outre, en
parlant si bien des mérites de la langue gasconne, il a fourni lui-même
i'exemple de ce qu'elle peut donner entre des mains habiles. Ordre,
science, esprit, bonhomie, enthousiasme, style délicat, voix portant loin,
rien ne manquait pour soutenir l'intérêt jusqu'au bout. Enfin ceux des
Félibres qui étaient venus de la Montagne s'émerveillaient de trouver, si
loin pourtant de chez eux, un idiome si semblable au leur, malgré quel-
ques faibles nuances ' : aucune idée, aucun mot même ne leur échappait.
Tout le monde a donc pu goûter entièrement cet éloquent plaidoyer en
faveur du gascon, qui a rempli à ravir la première partie de la soirée.

2. Chants gascons
Ce sont ensuite des chants gascons, intermède très heureux.
1) D'abord, La Toulousaine, « cantado à qùate bouts, per 13 musi-
cièns », dirigés par M. Pujol, l'aimable organiste de Samataii, chef de la
chorale.
2) Puis, « La Gascouno », de M. B. Sarrieu, mise en parler de la
régkn de Lombez, par M. l'abbé Dambielle (V. Era Bouts de 1907,
N»3% p. 172), solo par M. Pujol (le refrain et les deux premiers cou-

IjÉPobtiennent le plus vif succès.

1. L'article le (bas commingeois) an lieu de l'article et, des imparfaits en èuo au lieu de
io, et l'a prononcé œ [fermé (il en est de même du côté de Ueaucaire ef de Tarascon,
tandis qu'à Arles Vu est pur) ; c'est à peu près tout
202

3. Lecture de « La Gran Mai », de M. l'Abbé Sarran


PAR L'AUTEUR

Alors, voici « La Gran Mai », pièce originale et touchante, qui devait,


d'après le programme, être jouée devant les Félibres. Des circonstances
indépendantes de la volonté des organisateurs de la fête ont empêché cette
représentation. Mais nous avons à Samatan l'auteur lui-même, M. l'abbé
Sarran ; doué d'une voix chaude et sonore, c'est lui-même qui veut bien
nous lire sa pièce gasconne. On est bientôt saisi, empoigné par les belles
tirades de la lettre du soldat :

... u Mots esquèrs ! mois beròis de la léi?go mairano !... »


p:ir la langue forte et savoureuse qui s'y révèle :
a Cauco halo, en chiùla, beiiguèuo, esbijarrado,
Esperreca lou hoéc e coupa lou metau... ; »
et, lorsque l'on entend que
« Lou capoural d'auei sera sarjant doumas »,
on applaudit de tous côtés.
Plus loin on applaudit moins, mais c'est qu'on est tout ému et touché :
« Cèu e meu qu'en hè Diu, beno... »

La Cansouv de la Hialairo (elle est de M. l'abbé Tallez, — avec


MM. Sarran, Laclavère et Cézerac, l'un des quatre auteurs d' « Ahéus è
Flous »') obtient un très vif succès, et on l'applaudit non pas une fois,
mais à chaque fois que revient le refrain : M. l'abbé Sarran en fait res-
sortir à merveille le charme à la fois simple et pénétrant.
Enfin, la dernière scène est si émouvante que l'auteur ne veut point
laisser l'auditoire sur des idées et des sentiments tristes. « Un mot)) -i ï t -
il ; « eau pas touslém ploura » ; et en fait de hildiros, puisqu'il en a été
question, n'oublions pas que les fileuses gasconnes peuvent bien, parfois,
« perde lou hiu » ; mais « jamès perderen la chaliuo ». (Salve d'ap-
plaudissemenls). jk.,
4. Autres chants gascons

Les chants gascons reprennent ensuite, et nous entendons succes^B


vement :
1) Lou Crabe de Hugroui}, par l'Orphéon et un amateur qui sffct
costumé en chevrier :
Guilhot, riche de trénte crabes, etc.
Qui bo lèyt de crabe ? Qui n bó ò ?
Voir cette chanson dans les Reclams de Biarn è GascougneBH|vue
de l'Escolo Gastoui)-Febus), 1906, p. 172; ou dans l'Armanac Synou
Biarnés è deu franc gascou de 1907, p. 16 2.

t. Ahéus é Flous (Poésie et mus;que), à Audi, imprimerie Cocharatix., 1003, 3 lï. -


même Librairie, « La Gran Mai », 1 lï. — 2. Imprimerie Lescbcr-Mouloué, I I, rue de
la Préfecture, Pau, un sou,
203
2) Deux chansons, encore, par M. l'abbé Sarran.

1° La première est plutôt humoristique (Auteur : M. l'abbé Tallez) :


« T'at disèi, jou, Jane...
Pèc qui s'i hise ;
Bèt téns pòt pas dura ;
Quan an fenit d'arrise,
Soubén que eau ploura.
— Qu'un couhat pes pòts
Que pruts è qu'escôts....

On applaudit à chaque couplet.


2° La seconde est merveilleuse d'harmonie imitative. C'est celle qui
commence ainsi :
« La hilhe d'un praub' ômi
S'ei leuade maitin...
Mouliè, se bôs pas moule
Jou m'en bau d'aci... »

REFRAIN

(Mélange de gascon et de français)


« Bire-t, gare ! mouliniè !
Ju bais la tourné,
Branlé, rebirè,
La moule dou moulii) ;
Digue, digue : ci! digue, digue, digue : là!
Qui bôu moule moulera ! »
Plusieurs fois coupée de vifs applaudissements, cette vieille chanson
has-armagnacaise, interprétée à ravir, obtient un grand, un très grand
succès.
3) M. Pujol annonce « Bèt Cèu de Pau, roumanço cantado per
É Moussu Pour tes ».
Bet Cèu de Pau, quan te tournarèi bése?...
Moun Diu, moun Dlu, lechat-me bése ericùèro
Lou cèu de Pau, lou cèu de Pau !...
Rentro deguéns (iroungléto) : qu'et parlerèi, praubino,
Dou cèu de Pau, dou cèu de Pau !
H (Applaudissements)

La Musique joue ensuite un joli morceau. L'Escolo lui est très


naissante de son gracieux concours. Nos félicitations à son chef M.

É L'Orphéon chante encore, successivement, Aquéros Mountanhos è


e pount de Nanto (choeurs et solos), et s'en tire à la perfection.
6) Et l'on revoit avec plaisir, encore une fois, M. l'abbé Sarran,
le véritable boute en-train de la soirée : « LouCascarot », dit-il, que bou-n
204

ba canta úo » : Et c'est la chanson à la fois douce, triste et fantastique


d'« Isabèu » (Voy. Ahéus è Flous, p. 93) qu'il a composée lui-môme :

Dou Casterét à l'aube


Sort Isabèu :
Ei blapquéte sa raube
Coume la neèu...

Une ovation est faite au Félibre dévoué, au chanteur et à l'auteur.

5. Saynète, en français

Deux artistes dramatiques (M. Jean ïailhade, licencié en lettres, s'il


vous plait, et Melle Théo Garaix, tous deux élèves du Conservatoire de
Toulouse), costumés en « Pierrot » et « Calombine », jouent enfin un acte
en français, avec vivacité et brio. — Quin doumadje que nou ajam pas
encaro artistes, auta adréts è sabénts, ta jougà-mous, en gascoui}, pèces
ara pourtado det pôbble des nòstes countrades, è capabbles d'amusá-les
autant, — è tabéi) d'amelhourá-les !... Ja beng'uera ; esperém.

li. — Remerciements par M. de Bardies, président de l'Escolo


î?in de la Soirée

La Soirée est terminée. Mais M. de Bardies ne veut point la laisser finir


sans remercier au nom de l'Escolo deras Pirenéos :
« La ville de Samatan a fait aux Félibres gascons », dit-il, « une
» réception grandiose, et d'une cordialité qui a dépassé toutes leurs atten-
» tes. Je l'en remercie vivement, au nom de nos 364 Membres. Ceux qui
» ne sont point ici connaîtront par notre Bulletin comment Samatan nous
» á reçus. (Applaudissements.)
« Je remercie particulièrement M. le Maire de Samatan, M. le curé de
» Samatan, M. l'abbé Dambielle, M. Félix Troyes et tous ceux qui ont
» contribué à cette réception ; nous remercions la Musique, les Chanteurs,
» les Artistes dramatiques, la population entière, et nous les engageons A
» crier avec nous : Vive la Gascogne ! Vive la ville de Samatan ! »
(Nouveaux applaudissements.)

On se sépare enchanté de la soirée, en attendant l'excursion et le ban-


quet du lendemain.

III. - EXCURSION AU CHATEAU DE CAUMON


Le lendemain matin, vers 8 h. 20. on part pour l'excursion proj^fcau
château de Caumont, appartenant à M. le marquis de Castelba^BY
prennent part MM. de Bardies, F. Troyes, A. Lavergne, Duplanté-Mr-té-Mai'
ceilhac ; N. Abadie, F. Artigue, l'abbé Dufor, F. Escaich, L. Lazerges,
G. Lizop, R. Lizop, V. Lizop, B. Sarrieu, J. Sens et l'abbé Verdier. Le
temps est favorable, un peu couvert et doux. On admire la belle route, les
208

grands arbres, notamment un chêne séculaire appartenant à M. Fauré,


ancien député, de larges et fertiles domaines, et l'on atteint enfin la com-
mune de Cazaux-Savès où se trouve le château. L'allée qui y conduit est
magnifique ; après l'arcade d'un large porche s'ouvre la cour d'honneur que
domine un ensemble gracieux de vastes appartements et de hautes tou-
relles.
Les propriétaires, Mme et M. de Castelbajac, sont absents ; mais ils ont
donné des ordres pour que les richesses archéologiques et historiques du
château fussent librement visités par les membres de PEscolo. M. de Cas-
telbajac a même bien voulu rédiger une longue note à leur intention.
Elle nous apprnd que « le château de Caumont a été construit de 1520 â
» 1530 par Pierre de Nogaret de la Valette et par Marguerite de Lisle
» sa femme, une des descendantes de la maison de Lisle-Jourdain. Le
» mariage eut lieu le 21 avril 1521 : ils se mirent de suite à édifier Cau-
» mont, sur un plan d'ensemble bien déterminé, et non sur les ruines ou
» les soubassements d'un château féodal, comme on pourrait le croire ; en
» tout cas, ce fut sur l'emplacement d'un camp romain qui se nommait
» Caluts Mous, d'où Caumont. »
Leur fils, Jean de Nogaret, célèbre homme de guerre, s'illustra aux
batailles de Jarnac, .Moncontour, Dreux, etc. Ses enfants, Bernard et
Jean-Louis, furent les favoris de Henri III qui créa Jean-Louis duc
d'Epernon : c'estcelui-ci qui,devenu gouverneurdeGuyenne, fit construire
le château de Cadillac. Il eut de Marguerite de Foix-Candale plusieurs
enfants, dont Bernard, le 2e duc d'Epernon, qui, à la suite d'un incendie
partiel du château, arrivé en 1660, en fit rebâtir l'aile du Midi. Plus tard,
Elisabeth de Nogaret de la Valette, morte sans enfants, légua ses biens à
des amis, les Montgaillard, qui possédèrent le château pendant trois
générations, jusqu'à la Révolution. Alors Caumont fut confisqué et
occupé par des garnisaires ; mais, l'an IV de la République, l'héritière
épousa à Toulouse « un officier irlandais, James de Mac-Mahon, qui
» avait été blessé pendant la guerre de la Péninsule, et qui, aussitôt le
» mariage, profita de son titre étranger pour faire lever toutes les diffi-
» cuités ». Leur fille, Caroline de Mac-Mahon, épousa enfin en 1815 (mais
pour mourir presque aussitôt) le colonel de Castelbajac (aîné de la maison
de Castelbajac, originaire de la Bigorre) qui se remaria avec MeUa de
la Rochefoucauld, mère de M. le marquis de Castelbajac. ■
« M. et Mme de Mac-Mahon travaillèrentà Caumont, mais avec un goût
» peu sûr et surtout avec la mode du jour toute au gothique ; ils brisaient
» des fenêtres à croix pour les remplacer par des ogives, si peu en rap-
» port avec le style de l'édifice. » M. le Marquis de Castelbajac a essayé,
en 1900, de rétablir la cour comme elle avait dû être en 1530 : « Le
» récrïjjpi des murs fut gratté, les ogives enlevées et les croix remises en
» plaw|£.. les deux-tours d'entrée furent aussi recouvertes en ardoise et
» en forme de dômes ; mais ces restaurations sont encore inachevées. »
M. de Castelbajac a bien voulu nous communiquer aussi la liste des
tableaux contenus dans la haute salle (ou Salon rouge) et dans le Salon
206

vert. Ce sont surtout des portraits de famille; beaucoup sont anciens et


traités avec une grande finesse. On remarque encore de vieux meubles,
et une plaque en cuivre, commémorative de la bénédiction de l'église de
Cazaux, élevée comme monument funèbre au père du premier duc d'Eper-
non. Plus bas, d'amples celliers abrités par de solides voûtes surbaissées;
plus haut, encore d'autres belles chambres et une longue galerie, ornées
de tableaux, de statuettes, de tentures et de panoplies qui en font un
véritable musée. Enfin, des balcons situés sur la façade opposée à la cour
on jouit d'une vue magnifique sur la plaine légèrement accidentée de
Cazaux et d'Endoufielle, et, par un ciel plus clair, on doit aussi aperce-
voir les Pyrénées.
« Je regrette vivement, nous dit encore M. de Castelbajac, « que mon
» grand éloignement me prive de me trouver à Caumont lors du passage
» des Membres de PEscolo deras Pirenéos... Je leur envoie mes compli-
» ments et leur souhaite la bienvenue ; Mme de Castelbajac de même...
» Je demande aux Membres de l'Escolo de signer leurs noms sur le livre
» de Caumont : ce sera un souvenir précieux pour la maison ». — Ainsi
fut fait, avec l'expression de notre gratitude pour l'exquise amabilité de
Mme et de M. de Castelbajac. — A onze heures et demie, on était de
retour à Samatan pour le banquet.

IV. — BANQUET D'ADIEU

Le Banquet a lieu, comme la soirée de la veille, dans la grande salle de


l'Ecole libre. Chacun s'y rend de son côté, en traversant la ville, qu'une
foule considérable a envahie dès le matin, car c'est la plus grande foire de
l'année. La Reine, Mme de Pins ; Mlle de Terssac, notre reine de 1907
(qui distribue à quelques-uns d'entre nous un joli souvenir de la Félibrée
de Saint-Girons) ; M. Lacome, maire de Samatan, sont déjà là et vont
honorer de leur présence le Banquet d'adieu.

i. — La Table et le Menu

La salle est décorée par les soins de M. A. Lacome; guirlandes mnlti-


colores, panoplies de drapeaux, écussons, un notamment portant en
lettres fleuries la devise : (( TOUSTÉM GASCOUS ». Une grande table est
dressée au milieu. Y prennent place, en commençant par la Reine et
allant vers la droite : Mme la Marquise de Pins ; M. Lacome, maire de
Samatan, conseiller général du canton (Mme Lacome, absente, n'a pu
assister au banquet) ; Mme dePorquier, de Monferran (Gers) ; M. B. Sar-
rieu, ancien élève de l'École Normale Supérieure, professeur agrégé de
philosophie au Lycée d'Auch, secrétaire-trésorier de l'Escolo ; Mmo Leroy,
de Samatan ; MM. L. Lazerges, élève du Lycée de Foix ; Fr. Escaich, de
la Bastide-de-Sérou, notre porte-bannière ; l'abbé Diauze, d'Auch; l'abbé
Servat, curé de Cadeilhan; Brunet, directeur du pensionnat Saint-Jean-
Baptiste, à Samatan ; Lagasse, économe ; l'abbé Dambielle, pro-curé de
207

Samatan ; l'abbé J. Barrieu, vicaire à Samatan ; E. Pujol, organiste à


Samatan; Fauré, ancien député; S. Lacaze, pharmacien à Samatan;
N. Abadie, imprimeur de l'Escolo ; l'abbé Dieuzaide, curé-doyen de Sa-
matan (qui a lui aussi contribué au succès de notre fête) ; L. de Bardies,
docteur en droit, président de l'Escolo; Mlle Urbanie de Terssac ; MM.
l'abbé Dufor, ancien professeur et aumônier militaire, curé de Labarthe-
de-Rivière, vice-président de l'Escolo pour le Haut Comminges ; Fabien
Artigue, le généreux donateur de la médaille d'or et de Pédelweiss d'or
pour Pan prochain ; A. Lacome, de Samatan ; R. Lizop, professeur
d'histoire, représentant de la Fédération régionaliste française; l'abbé
F. Sarran, directeur de la pension Salinis à Auch, secrétaire de l'Escolo
Gaston Fébus ; l'abbé Sylvain Verdier, curé â Hèches, vallée d'Aure ;
Duplanté-Marceillac, de Cologne ; Victor Lizop, licencié en droit; Geor-
ges Lizop ; le comte Jean de Terssac, de Saint-Lizier (Ariège) ; Max de
Robineau, de Saint-Girons ; le vicomte Ch. de Terssac ; J. Sens, insti-
tuteur à Saint-Paul d'Oueil ; A. Lavergne, vice-président de la Société
Archéologique du Gers ; G. Laborie, de PIsle-en-Dodon ; Mllc Jean La-
caze; M. l'abbé Daubian, curé de Villefranche-d'Astarac, vice-président
de l'Escolo pour le Bas-Comminges ; soit 37 personnes.
Le menu, fort bien servi par l'hôtel Maigné, de Samatan, comprenait:

Poutatge belours
—o—
HORS-D'OBROS :

Péch : Loup sauço homard


—o—
ENTRADO

Filèt de hùêu camparoulat


Cambajouv d'York
—o—
ROL'STIT

Piòt trénde de Samatav


—o—
LEGUMOS
Salado de sasou-n
—o—
ENTREMETS

Crèmo biroukjado
—o—
CHAMPANHO TOTJRISTO

Cafè
Armanhac Bedout

2. Toasts Jielibréens

Depuis la veille, la glace est rompue. On cause donc librement, un peu


de tout, surtout de la fête et de son lendemain. Par une délicate attention
208

chaque convive avait devant lui une carte postale représentant le pension-
nat, et, aussi un N° de « La Boula de la Terre », la gazette populaire que
viennent de lancer nos bons confrères Camélat et Simin Palay, et dont
nous reparlerons prochainement. (Bimensuelle. Abonnement, 2 fr. par an.)
Bientôt arrive l'heure des toasts. Malheureusement, tiois de nos con-
frères, MM. Lacaze, pharmacien à Samatan, Abadie et l'abbé Dufor, sont
obligés de nous quitter plus tôt qu'ils n'auraient voulu, à cause de leurs
devoirs professionnels. M. l'abbé Dufor se proposait de porter un toast
« au beau département du Gers, célèbre par ses hommes de guerre, les
» de Roquelaure, les de Montluc, les Villaret Joyeuse, les Montesquiou
» d'Artagnan, le maréchal Lannes ; par ses poètes et ses historiens, les
» de Garros, les du Bartas, les d'Astros, les Ader, les Scipion Dupleix ;
» par ses savants et habiles ministres ; par ses polémistes ardents et bien
» connus ; par ses honorables parlementaires, dont plusieurs sont Mem-
» bres de notre Escolo, et qui eut Bossuet évêque de Condom » ; mais il
doit nous dire au revoir à la hâte. C'est M. l'abbé Daubian qui prend la
parole ; beaucoup d'autres vont lui faire suite.

Toast de M. l'abbé Daubian


Vice-présidet de l'Escolo pour le Bas-Comminges

Arrèino, Daunos, Moussus,


Ja sabèuon, dinco ací, qu'eras bilos de Loumbès è Samatan èron
beslos ; qu'es banhauon ena madécho arribèro ; qu'er' uio, dambe arra-
soun, es bantauo d'aué poupat enas arraclnos det biélh Couménges prou
de fôrços bitantos enta coumanda toustéiî, ara mòdo sajo dets ancièns, es
paisses dets embirous ; è qu'er' auto, hardido, balénto coumo on éi à blnt
ans, trabalhauo fèrme à debéngue uio mino d'or. Mès qu'ei et nòste deué
d'ac arremarca, — que mous an ensinhat, aquéstes dus dlos, qu'en
fèt de poulitéssos è d'amabilitats enta 'ts estranjès, que hèn, quan les
plats, miracles d'esprit è de cô. (Applaudisstments). Ço qu'ei, pourtant,
que d'aué, enta coundousí, generals de prumèro bourro... (Applaudisse-
ments).
E doun, as chèfes è as sounlats, que les digui couraloméns : « Merclo
bièn, es mès amits ! Pourtat bous bièn !
Dlu bous ùarde !... (Applaudissements).
Un ban, proposé par M. Pujol, salue la fin de ce toast charmant. —
Puis M. F. Escaich vient nous dire une amusante poésie de circonstance:

par M. F. Escaich
Le pairòl pla 'scurat, cap de berdét en lôc,
Mièt plé d'aigo, es penjat al cremalh dessu 'I fôc ;
L'aigo ba bouri lèu. On abéich la toudélho
Dins le sac, la farino, à pourtado de ma ;
È's brouquilhous al fòc, dijous ét, ban crema,
Sustout se soun plénis de fùélho.
209

Atencíu, l'aigo rits 3.Soun debantal plegat,


Le còs bliueat en dus, aijido coum' un gat,
La fénno à pléij punhat destèro3 la farino.
L'aigo 'n pauc s'espessís; pùéich, la toudélho, en round,
Fè cércles al pairòl, bouludo abatch, amount,
De sas piòs en bèc de garino.

Las margos cats amount, bouludo tant que pòt


Les couquils^ amassats, tais baurièns en tripòt :
Flie,.. floc,., flac,., pldouff5,.. ça fèn, roundis coum' uno poupo,
Toutis emboutuflats6, larjes coumo d'escuts
E que, s'escrebassan ta lèu que soun nescuts,
Soun aplatits coum' uno soupo.

Amics, n'ajats pas pou que '1 milhas sió 'stadís7,


Car lèu en le bouidan beiréts le curadls8
Al founze fenercat d'uno crousto daurado.
Pel nasicas amount bous poujon las sentous
De la flou d'iranjè, d'un punhat de fritous 9
Ount caduí; fè taco marbrado.

Pla còit le ba bouida ; d'abòrt a preparat


Le cendré dount le founs de farino es poudrât.
Mais, coumo ne cal da, pel coustat i-a 'no désco10
Per recébe le què pel l'amic es oufrit
Que chos ét manjara lalèu que l'ajo frit,
Blanquit de catsounado frésco.

Escartats-bous un pauc,.. fugets de 1 m barras !


Car es eichulebat" à la forço del bras.
La toudélho daguéns en l'aire le descanto,
E la cascado d'òr dount flainats le parfum
Coulo caut al cendré que s'abrigo de fum
Pendént qu'ai fòc la lénho canto.

È '1 milhas tout bourént al pairòl demourat


D'un boun utchal de lèit dins rés es debourat ;
Bòste cap de plasé fumo coum' uno fajo <2...
Netejats la toudélho ambe le lèpo-dit18 ;
Del grand platèt manjat le béntre n'es pantit
Sense abé pòu que mal bous fajo 15.

DOUIJCOS, n'ajats-pas pòu de ne fè 'n boun repèich,


Car le troubats milhou qu'uno soupo de grèich
Qu' afástio l'estoumac amb' uno culherado.
Se '1 roustit es trop séc, salat le cambajou,
Cal pinta coum' un trauc... Direts douric ambe jou :
Prefèri pla sa pèt daurado.
210

m
Del presént qu'em fasets agradats le merci,
Car ma fénno a troubat pla goustous le boucl
Qu'ambe jou près del foc a tastat l'assietado...
Madamo, si-bou-plèt, escusats-me les bèrs
Qu'esprès e fèit per bous les dus pès sus andèrsi6,
Tout ne manjan uno sietado.
Parla de La Baslido de Serou (A.). Fr. ESCAICH.

NÔTOS. — 1. Toudélho (ailleurs gaudiné), < ustensile en bois, muni au gros bout dé
5 ou 6 branchetles recourbées en forme de baleines de parapluie et spécialement em-
ployé pour faire le militas on les gaudines. » — 2. L'aigo rils : c'est le momrnt qui précède
l'ébu'lition. — 3. Deslera, ■ délayer en même temps qu'on jette en rond la farine dans le
chaudron ». — 4. « Couquils, « grumeaux formes par la farine quand elle n'est pas assez
remuée ou pas assez cuite ■. — 5. Flic, flòc, etc. : onomatopées, fruit que font les boursu-
flures des couquils lorsque le milhas s'épaissit. — 6. Èmboutuflats « enflés » (« état des
couquils au moment de leur formation .). — 7. Estadis (adjectif), « pas assez cuit >. —
8. Curadis, « croûte qui reste au fond eu chaudron lorsque le milhas a clé coulé. ■ La
partie adhérente au chaudron emprunte au cuivre tout l'éclat de sa couleur. Cela fait
vraiment plaisir à voir, on dirait une feuille d'or; mais il faut pour qu'il en soit ainsi
que le milhas soit cuit à point. —9. Frilous « fritons », (miettes, résidus de graisse sèche
provenant de la cuisson des morceaux de porc ou d'oie qu'on a fait fondre). — 11). Désco,
«corbeille qu'on remplit de milhas après qu'une serviette saupoudrée de farine y a été
mise. » — U. Eichuleba, « soulever le chaudron plein de militas avec la toudélho ». Il
faut forcer des reins et du poignet pour décanter le chaudron et faire tomber le milhas
dans la vaisselle et la corbeille. — 12. Fajo, « brandon fumant ». — 13. Lépo-dil, • l'in-
dex », qui, disons-le, remplace très bien, dansée cas, la cuiller. — 14. Pan'.it, « ballonné ■.
— 15. Fajo, ■ fasse En effet, il n'y a rien à craindre : une demi-heure de promenade
suffit pour être dégagé d'un semblaut de malaise. — 16. Chenêts.

(Applaudissements répétés).

M. A. Lavergne, Vice-Président de la Société archéologique du Gers,


qui a bien voulu nous honorer de sa présence, prononce alors l'allocu-
tion suivante :

Allocution de M. Adrien Lavergne


Vice-Président de la Société Archéologique du Gers

Gracieuse Reine, Mesdames, Mes chers Confrères,


La Société Archéologique du Gers m'a chargé de la représenter dans
ces belles réunions de Lombez et de Samatan, et de vous remercier de
l'honneur que vous nous avez fait en venant visiter notre département où
ne fleurit guère l'eslrambord.
Historiens, archéologues, nous n'avons pas à proprement parler des
prétentions littéraires ; cependant nous avons avec l'Escolo deras Pirenéos
des études communes.
Comme vous, nous nous préoccupons de nos vieilles coutumes et de notre
chère langue gasconne. Nous avons dans notre programme le dictionnaire,
la grammaire, avec tous ses développements philologiques (phonétique,
morphologie, dialectologie...). Nous avons publié Lou Catounet Gascouv
211
du poète Guillaume Ader de Gimont, d'aucuns disent de Lombez ; nous
venons de faire paraître Lou Parterre Gascour/ de l'auscitain Bedout, et
la série continuera. Je dois ajouter que plusieurs d'entre nous ont pensé
à la littérature orale, traditions, contes, proverbes, devinettes, chants et
poésies populaires de toute sorte.
Je lisais ces jours ci dans Era Bouts dera Mountanho deux excellents
articles de M. Sarrieu sur la toponymie. Est-ce que cette branche de la
philologie n'est que pyrénéenne ? Assurément non ; et nous devons,
dans le Gers, comme partout ailleurs, nous intéresser aux noms de lieux
de notre pays.
Nos sociétés ont entre elles d'autres idées communes, et en particulier
une très haute estime pour notre éminent confrère M. Bernard Sarrieu,
philosophe, poète, philologue, apôtre du félibrige. M. l'abbé Dufor vous
a hier fait l'éloge du remarquable discours prononcé à la distribution des
prix du lycée d'Auch. Je ne redirai pas ce qui a été si bien dit. Permettez-
moi seulement de vous lire un court passage où l'universitaire, dans un
pur langage académique, caractérise admirablement nos langages
méridionaux :
« A n'avoir été ni enrégimentés ni englobés par un idiome unique, à
être restés plus près des champs et de la nature que de la vie factice dei
grandes cités, à n'avoir guère servi à une prose savante et compassée,
mais plutôt à une poésie spontanée, si les dialectes d'oc ont conservé
quelque gaucherie, ils ont gardé couleur et saveur. Ainsi, moins faite
peut-être pour les idées pures que pour l'imagination et le sentiment,
notre langue d'Oc ne connaît rien, sur ce dernier terrain, qui la surpasse
ou même qui l'égale..»
De ces belles paroles et de nos sympathiques relations pendant ces
deux jours il semble qu'il doit résulter un plus grand amour pour notre
langue et une plus grande ardeur pour l'étude et le travail.
Au moment d'entreprendre le siège de Rabastens, Monluc rassembla
ses gentilshommes, fit porter des flacons de vin et parla ainsi : « Beuvons,
mes compagnons, car bientôt on verra qui a tété le bon lait. »
Aujourd'hui, buvons gatment à notre Reine et aux Dames qui ont
donné tant de charme à nos réunions, buvons à la bonne et durable
confraternité qui est dans nos cœurs !
Demain, à l'œuvre ! Et montrons que nous avons tété le bon lait de la
Gascogne ! ( Vifs applaudissements).

Toast de M. R. Lizop
Représentant de la Fédération Régionalisle Française.

« Plusieurs d'entre nous », nous dit alors M. R. Lizop, vont bientôt


s'en retourner dans la capitale « dins lou gran bilatge ». Là nous
retrouverons un travail fiévreux ; là une agitation splendide dilatera nos
artères; mais il y manquera le soleil du Midi. Là pourtant nous n'aurons pas
le «spleen», cette chose anglo-saxonne que nous ne devons jamais connai-
212

tre ; mais, tout en nous sentant loin de chez nous, nous en profiterons
pour remettre un peu de soleil dans l'àme de nos compatriotes de Paris
de ces provinciaux qui sont là-bas tels des plantes sans racine. Il nous suf-
fira pour cela de nous rappeler les journées de Samatan et de Lombez,
ces journées où un idéal d'une souveraine beauté a touché nos esprits,
où nous avons fait un rêve inoubliable, où nous avons renouvelé notre
foi régionaliste et notre patriotisme félibréen.
« Souvent, à Paris, on ne nous croit pas, quand nous parlons de ce
qu'est, et de ce que fait la province. Poutant, cette fois, nous aurons
puisé ici, auprès de vrais Gascons, la force nécessaire pour prouver à
ceux qui supposent qu'il peut en être autrement que l'on ne peut faire
de véritable régionalisme que sur la terre même de la province ».
( Vifs applaudissements)

Toast de Ni. l'abbé Sarran


Secrétaire de l'Escole Guslou-Febus pour l'Armagnac

On insiste pour avoir quelques mots du « Cascarot », qui se lève de


bon cœur :
Qu'èi legit aquéstes jours, dit-il, dens un journal, caucoumét de réde
berôi. Un moussurot, en s'en tourna de Suisso, passauo per Arles:
« Malhanon'es pas loui, ça-s digouc en ét mémo ; m'en bau ana bése lou
Mistral. » — « Lou couneguèts, lou Mistral? », ça demando à un ome
qu'èro aqulu costo ét. — « Oui, lou couneguèui... Mès qu'es mort », ça
dits l'ome. — « Qu'es mort, lou Mistral? » — « Hé oui,... lou tichanè
de Malhano ?» — « Mès nàni... lou qui a hèit Mirèlho !...» — « Aquét?»
ça dits l'ome, en se tira lou capèt, « lou qui a hèit Mirèlho ? Jamès nou
pot pas mouri ! »
E jou que disi qu'uo Causo, que hè nèche idèos d'aquét òrde déns lou
cap d'un paisant, n'es pas uo Causo mòrto, mès uo Causo pléo de bito
bitanto ; e qu'es la Causo nòsto, la qui mous hè flouca, pracl, desempus
dus jours, la lebito ou la bèsto, la qui mous hè amassa desempus ciiicanto
ans, dens tout lou Mejour : qu'es lou Felibritge.
Saquela ! las cohos de las biélhos que poden mouri ; parlà dous biélhs,
coustumos dous biélhs, tout acô que pot pati hame et sét. Mès lous qui
an couhat las Mirèlhos e las Belinos, lous qui an hèit debisa, déns sous
bèrsis, las Janetous e las Marious d'enta nous-aus, aquéts nou mouriran
pas jamès !
Tichanès que soum, lous mès amics. Mès nou techém pas linço de
mòrto, que techém pélho de nòbio !... ( Vifs applaudissements).

Chant de « Banièro Touloiisèno »


PAR M. PUJOL

Puis, tandis que l'on bat un ban en l'honneur de M. A. Lacome, qur


a si bien fait décorer la salle, M. Pujol va s'asseoir au piano ; c'est pour
nous chanter, de sa voix si sonore et si bien timbrée, « Banièro Toulou-
sèno »; on l'applaudit vigoureusement.
213
Toast de M. B. Sarrieu
Secrétaire de l'Escolo

M. B. Sarrieu adresse « es arremercioménts dera Scòlo deras Pirenéos


as Mémbres des Soucietats amigues que mous an hèt er' aunou d'assista
ara nòsto hèsto, è particulièroméns à Mu i. Lavergne, Bice-presidént
dera Soucietat Arqueoulougico det Gers, que béi? de parla t' aimabblo-
méns, è à Mu l'abat Sarran, secretari dera 'Scòlo Gastou Febus, que
s'éi taloméns debouat jassé tara causo nòsto. »
R a également un mot pour VEscolo Moundino, dont l'un des Membres,
M. G. Laborie (de l'Isle-en-Dodon), présent au banquet, vient de devenir
également Membre actif de la nôtre, et sera pour nous un dévoué colla-
borateur.
poésie de G. Laborie
M. G. Laborie se lève alors et nous chante en partie, avec accompagne-
ment de piano, une jolie chanson qu'il a composée. La voici en entier:

LA CANSOUN DE L'ARRANGLÉTO
EMBOULADO TOUETICO, SUZ LAS ALOS DE L'APARÈLH NAOUÈT (L'AÉROPLANE)....

Paraulos è Musico de G. des Barats de Lilo


I Lf -^AndantiTUf -S>

r
CoUflÉTS .Qu<XTultt 6e-si pos-sa sou-lt-to, Bb - El de riaut/ta-sl Ce

m soE: I
~fítu»ttàytfc animé
-tò J^prò-cfie oU tu.,stn-fe-itò-' d'itn
fctma-niou-^aT-rdD-gK-tbjjJtt^pri
;
tt u> XJ. r. fl-rnot«» _ ——— ±1 .

.r
.EFREN: Ai -m ~îouYi có , cú-rrútoim a- m-o , Tas ft - nos

m Tnóvs^tSus pé-Ets pis


À%
i.

À il^l^^raj|JJr#ì?i|jJJ
• Erv-íltj tou.t en jou te re-c{a-mo,Poii-f!Uo

dròt-fb don cous-tat tle Loum-6è^Pou-tì-dodVòf-Co <íouctt«^dtLwmï<!e.-

REFRÈN
(Per coumença è après cado couplét)

Aimi toun co ! Aimi toun amo !


Tas finos mas , tous petits pès !
Enfin tout en jou te reclamo,
Poulido dròllo dou coustat de Loumbèz [bis).
214

COUPLETS

1. Quand te bési passa souléto,


Bòli de haut, rasi le sòl ;
I toun amourous, arrangléto,
Qui, prôche de tu, s'enlèuo d'un bèt bol 1

2. Aimi senti, flou d'inoucénço,


Toun parfum dous à respira ;
Aimi ta hauto countenénço ;
Boulerèi, d'un còp, à tous pès espira !...

3. Aimi hè boula las frisétos


Sur toun froun pur, ta bièn garnit ;
Ah ! coumo mas praubos alétos
Baten de plasé, quand me eassos dou dit !

4. « Nou, nou, boui pas », dises, m'agaços ;


« Bè-t'en ! » — M'en bau... Le lendouman
Tournarèi te hè mas grimaços...
Douman, qu'ès bèro ! te touquerèi la mai?.

5. Ei moun nisè countro la Sauo


Oun l'on pòt hè de bèts bouquéts,
Oun pousso la ròso gardauo,
Oun bau m'amaga, joui de tous poutéts...

6. M'en embòios, bèro mainado ;


M'ac dits le brut de tous esclòts ;
Pénsos, qu'aquésto 'près dinnado
Te poutejerèi sur la mai! ou su 's pòts !...

(Couplet de l'aéroplane,i

7. Bouto soubén le nas dehòro :


Lèu, dou coustat de Mountadèt
Beiras punta le meteòro :
Le flèr, l'élégant, è l'amourous ausèt !
Parla de Lilo-de-Ilaut (l'isle-en-Dodon, H.-G.)

(Vifs applaudissements aux refrains. Ban d'honneur).

Une chanson du Gascarot

Puis, voici M. l'abbé Sarran, à la grande joie de toute l'assistance. B a


charmé la veille au soir tous ses confrères. On ne se lasse point de l'écou-
ter et de l'admirer. C'est cette fois une amusante chanson bas-armagna-
caise à refrain :
Quan lou mén pai m'a maridade,
Que m'a dat en maridatye
Ue baque escourniflade,...
21g

REFRAIN :

E lou martèt è lou bastouii


È Pagulhadeè lou chiùlét... etc.

Grand succès. Un ban au « Cascarot »!

Toast de M. l'abbé Dambielle


Puis, à la demande générale, M. l'abbé Dambielle, pro-curé de Sama-
tan, veut bien nous dire quelques mots :
Mous caires counfrais,
Bats perméte à un des bòstes, un des méndres pe la balou, un des
prumès pe l'amour dou gascouii, de bous dise merci d'èste bouluts béngue
aquéste engùan, dins nòsto countrado.
Malerousomént n'auèuon pas enta bous recébe coumo eau l'encadromént
de las bòstoshautos mountanhos, ni la richésso de las bòstos bilos, ni le
lustre des bòstes mounuménts.
Mès auèi) le boun co, e i dambe milo -plasés que bous auèn bistes
arriba. ,
D'alhurs, d'acó, bou n èts renduts counte ; M. le Maire de Samatan,
coumo tabé, jé, M. le Maire de Loumbez, bous an dit e hèt bése que las
duos bilos aimados que represénton soun estados flèros de bous alanda
las portos d'uo 'spitalitat aboundouso.
Auèonpas, nous-aus, at coumpréngui e mousat eau recounégue, arrén
que bous poudousse atira. Pracò mous cau taplan banta uo brico, acó hè
pas mau, e bous dirèi bisti, que, s'auèn pas nat sabént à bous presenta,
í prumo que nat abat Dufor (regrèti que sio partit) a pas hèit le « De Viris
Illustribus » de la piano de la Sauo.
A ferço de harniqueja diguéns les biélhes papès mourganhats pe las
arlos, troubarén nous-aus tabé un istourièn de prou de renoumado,
Belleforest ; — un intendant general qu'èro un escriùant famus, Jean
Sénac; — un grand médecin dou Réi, Jean-Baptiste Sénac, le pai de
l'aute ; — un sabént que debitauo bèrses poulits que coulauon coumo l'aigo
d'uo canèro, Courtray de Pradel ; — un musicièn, Galir/, e musicièns,
nha encùèro ;(Bravo!) — e enfin un pouèto de la léngo mairano, Gauthier,
un amie de Goudoulin, nescut à Loumbèz, e que s'assaubèc bisti à Toulouso
en pramo que pracl, à l'enténe à dise, i-auèuo tròp d'aigo e pas prou de
biij...
Bous dlsi dounc merci de l'aunou que mous auèts hèit, e touts ensém-
ble trabalharan à rebiscoula aquéro léngo coumengéso miéjo-mòrto, tant
glouriouso.
Jasmin disèuo de la suo, se me troumpi pas:
« Léngo de flous, de mèu, diu pas jamès mouri. »
De la nòsto dirèi :
« Léngo decourau, blous e naturau, diu tourna biue. »
Ent'acó mous ajudaran, e pertout desplegaran la mémo debiso :
« Toustév Gascons ! » (Vifs applaudissements).
216
Encore «ne chanson du Cascarot
Dans notre pays d'Armagnac, il arrive souvent, nous dit notre infati-
gable Confrère, que pour chanter une chanson une seule voix chante le
premier vers, puis que les autres le reprennent, en ajoutant : « doundène,
doundè ». — Et c'est ainsi que se chante celle de Jan de Pèirehorte (Voy.
Ahéus è Flous, p. 117), ce fiancé charmant qui promet monts et mer-
veilles à sa future. Mais, quand fut faite la noce :
J-aouc pas car ni pan ;
Taplan s'é maridade
La hilhe dou Betran !... (Bravos).
La pièce est encore de M. l'abbé Taliez ; mais il n'y a que le Cascarot
pour la bien dire, et pour amener l'auditoire à reprendre le refrain.

Allocution de M. Fauré
Aneien Dépulé du Gers

M. Fauré, ancien député de la région, veut bien lui aussi nous dire un
mot.
l a un arreprouès que dits: I-a lounh dou béire as pots. Decháts-me
dounc, enta parla la mémo causo, bous dise que i-a pas lounh des mous
pots à moun cò. Boulerioi que moun có estousse mes grand, per miélhou
bous remercia, Damos è Moussus, de l'aunou que mous auèts hèt en bén-
gue béi la bilo de Belleforest, besfo de la dou Petrarco. Mu Lizop a plan
parlat dou regiounalisme : le noste ei pas un regiounalisme de deracinats.
Armand Praviel tabérç qu'en parle. Qu'èij en fabou de la descentralisa-
cioun è dou regiounalisme proubinciau.
Encaro un cop, bous esprimai? nòstis granis remercioménts dera bèro
sùerado de jassés. Ei aùut gran plasé d'enténe, d'escouta è d'aplaudl sùén
Mu Sarran, le Cascarot que counechèui déjà de reputaciouri, mès que
soun fier d'aué aùut aci, que mous a plan, hèts rise e amusats, e que
seran erousis de bese tourna pracf iaute cop (Applaudissements).
Oui, que coundai} que tournarats autan noumbrousis en aquéste pals.
Troubarats nostis cos prèstis à bous recébe, e tabé toustém prèstis à parla
leleiigatge de lapatrío nosto ! Berçguéts, è troubarats toustéi) de Gascous!
(Applaudissements)

Toast de M. de Bardies
Président de l'Esoolo
Rèino,
Damos,
Amies,
Et téns des parladisses qu'é fenitch ; qu'anam tourna cadu en ço nòste.
Mès et soubeni qu'empourtaram dera Sabo nou fenira cap, è demourara
toustém en nòste cor. Qu'arremerciam toutis es que prenéren part ara
nosto hèsto; è que les embitam toutis ara felibrejado de Mounrejau.
(Applaudissements).
Qu'èm aci plusiurs, benguts dera frountièro d'Espanho. Quaucarré
217

que mous hè grand gautch. En dehòro de touto recèrco sabénto (coumo dits
Mu Lavergne) io causo mous pròbo qu'èm toutis hrais : era similitudo det
lengadje. Quan ac saberiòm pas, et soul fèt d'enténe parla Loumbès è
Samata qu'èi prou ta nous-autis. Trop petitos soun eras diferénços enda
èste remarcados ena cournbersaciou ; u orne de Loumbès pot reijcoun-
tra u orne de Sen-Girouns que nou aje jamès bist è hè-s coumpréne at
drét. Aquéro parentat de leiîgadje qu'ei 'ra milhouno pròbo dera nòstro.
Aban de mous separa, beuém dounc ara fraternitatch gascouno !
Parla de Sen-Girouns (Â)."

(Applaudissements, puis Ban d'honneur pour la Beine)

ALLOCUTION DE LA REINE
Madame la Marquise de Pins

La Reine se lève enfin, et prononce une charmante allocution.


«A deux jours de distance, Messieurs les Félibres, vous avez voulu dépo-
ser sur ma tète une couronne de reine. De cet honneur je ne puis qu'être
flère. Vous avez voulu faire revivre les souvenirs du moyen-âge, de cette
époque lointaine où l'on entendait, avec le bruit des armes, les doux mur-
mures du luth des poètes : car dans tous les temps l'homme a senti le
besoin de faire pénétrer en son cœur un rayon de poésie. Aujourd'hui,
plus de Troubadours ni de Trouvères ; mais je vois en vous, Messieurs les
Félibres, leurs dignes descendants, animés du même souffle, de la même
ardeur. Oui, en vos chants, en vos vers, faites revivre ce lointain et gra-
cieux passé ; élevez ainsi nos cœurs au-dessus des rigueurs de la vie. En
venant nous retrouver, dans ce loyal pays du Comminges, vous nous
faites honneur, et plaisir. (Applaudissements)
«A vous tous, ici présents, à la renaissance des Cours d'Amour, je lève
ma coupe, Messieurs les Félibres, en vous disant merci, et au revoir. »
( Vifs applaudissements)

fin du Banque!. — Adieux

M. Pujol, l'excellent organiste, qui a proposé déjà plusieurs bans, en


fait battre encore un en l'honneur de notre Président (quirépond très aima-
blement « je le reporte sur vous tous »), de notre Secrétaire Général,
qui annonce le prochain N° d'Era Bouts, comme devant donner le compte
rendu des deux journées : (( dilhèu », ajoute-t-il, « qu'au legerat, è que
mous diderat ce qu'en pensat »; de M. l'abbé Daubian, le vice-Président
du Bas-Comminges, et de M. l'abbé Dambielle qui s'est tant dévoué pour
tous. La Séance est enfin levée, et M. l'abbé J. Barrieu veut bien, dans la
■cour du pensionnat, photographier en groupe le Bureau de l'Escolo et les
personnes préseutes. Puis, on se sépare, en se disant à l'année prochaine.
Plusieurs confrères ont pourtant le plaisir de revenir ensemble jusqu'à
Toulouse et jusqu'aux Pyrénées.
218

c) m
1. •personnes excusées
Se sont excusés de ne pouvoir assister à ces fêtes de nombreux Membres
ou Adhérents de l'Escolo, Invités ou Lauréats.
INVITÉS. — Tous les bons Gascons, surtout tous ceux de la région de
Lombez et de Samatan, y étaient invités, sans aucune distinction ni
exception, mais nous y avions particulièrement convié les autoritéi locales
et les littérateurs gascons de marque, notamment ceux appartenant à
d'autres Ecoles ou Sociétés félirréennes. Se sont excusés :
MM. J. Ruau, Ministre de l'Agriculture, (en deuil), (( avec tous ses
remerciements » ; R. Dupin (originaire du Languedoc), Secrétaire géné-
ral du Gers ; Lavigne, sous-préfet de Lombez (Membre de l'Escolo
Gastoun-Febus, ami de notre confrère M. Camélat et très sympathique à
l'œuvre félibréenne) ; Tournan, Conseiller général de Lombez, obligé de
se rendre à Auch ; A. Rives, Président du tribunal, retenu dans le Lot-
et-Garonne ; P.-L. d'Arc, Procureur de la République ; etc.
M. Félix Troyes, juge au tribunal de Lombez, qui a assisté à l'excur-
sion au château de Caumont, mais n'a pu, par suite d'un deuil récent,
assister, pas plus que Mme Troyes. à la fête proprement dite et aux
banquet. Nous lui exprimons ici, encore une fois, notre reconnaissance
pour tout ce qu'il a bien voulu faire en faveur de notre Escolo ;
MM. A. Sourreil, capiscol de l'Escole Moundino; A. Praviel, directeur
de « L'Ame latine », retenu en Champagne; J.-R. de Brousse, en deuil.
M. de Brousse s'est excusé auprès de MM. Troyes et B. Sarrieu par une
carte postale représentant les ruines du château de Montségur (Ariège),
dernière citadelle des Albigeois, ruinée par les croisés de Simon de
Monfort, mais où malgré tout, Esclarmonde « peigne toujours ses che-
veux d'or »:
« Pamios, 3 de septembre 1909.
« Cars è gais Contraires (nous écrit-il),
« Veni de perdre la pauro maire de ma moulhè è m'en vau douma cap
Lamalou ambe moun bel paire malaut.
» M' es un prigound desplaser de pas pouder ennartar costo vous la
Coupo Felibrénco ; mès, saquela, vòli, pr' aquéste mot, vous mandar aici
moun ferverous baiso-man. per la génto Bèino è moun frairenal salut de
Joubs-Capiscòl de l'Escòlo Moundino è de Mestre en Jocs Flouraus.
Lusige l'Estello sobre les valénts Pireneans !.. »
Notre Escolo adresse à M. J.-R. de Brousse ses meilleures condo-
léances.
M. Tresserre, de l'Académie des Jeux Floraux, qui est souffrant : « Les
Jeux Floraux de l'Escolo deras Pirenéos ont tout ce qu'il faut pour
séduire; mais, hélas !.. c'est au bout de la source de l'hôpital, à Vichy,
que je lèverai mon verre d'eau le 5 septembre prochain pour boire à la
gloire de la Muse et au succès de votre œuvre. »
219

MM. Desazars de Montgaillard, de l'Académie des Jeux Floraux ;


Rogé, lauréat de l'Institut (c'est lui qui a publié les « Fors du Béarn).
M. G. Bedout, de Cazaubon, l'un des plus grands éleveurs de chevaux
de France et de Gascogne, qui, retenu par ses fonctions de président
de courses, etc., dans sa région, nous afait l'amabilité de nous adresser
pour le banquet « puisque les Félibres se figurent (??) qu'ils viennent en
Armagnac », deux caisses de bouteilles d'un armagnac très ancien :
« J'aurai ainsi o, dit le généreux Gascon, « participé à la félibrée ».
MM. Fernand Laudet, directeur de la « Revue hebdomadaire », « de
cœur avec nous par attachement à la terre gasconne et par piété de
souvenirs », et qui se réserve d'approfondir le gascon dans sa villégiature
de Ladevèze ; de Lévis-Mirepoix, appelé dans l'Ariège par un mariage ;
de Batz-Mirepoix (àMauvezin, Gers) ; de Bats-Trenquelléon (à Montas-
truc-la-Conseillère) ; Henri Carrère, retenu dans la Gironde ; J. Laporte ;
Mm8S de Bertier et de Laurencin; J. Bonnet, de Cazères, répétiteur au
Lycée d'Auch, etc.

MEMBRES DE L'ESCOLO

Parmi les Membres de l'Escolo (non lauréats), se sont excusés :


M. A. Teulié, Directeur des écoles de Lédar, à Saint-Girons, vice-
président de l'Escolo pour le Couserans, retenu dans l'Ariège par des
affaires de famille ;
M. Louis Barbet, notre Représentant à Paris, sur qui nous avions
compté jusqu'au dernier moment : « Las, las ! », nous écrit-il, « at
moumént de parti tout que s'ei ascourut ; m'a calut asta-m acitau... Ed
bilhét ena pòtcho, eras tarjos ena bousséto, m'a calut demoura per forço..
Qu'ai assajat d'estourdí-m d'arride è de passejados : arrén nou i-ahèt... »
Mais il nous a adressé en revanche une belle pièce « Et Taure » qui
paraîtra dans le 1er N° de 1909, et nous en promet d'autres encore.
Mme la comtesse d'Antras (Reine de notre Escolo 1905) et M. le comte
d'Antras, retenus par un deuil cruel auquel toute l'Escolo prend la part la
plus vive ;
Mme Réquier (Philadelphe de Gerde), notre Reine de l'an dernier, en
deuil également. C'est pour elle que Mlle Dode, de Nîmes, nous a adressé
la charmante poésie suivante, en provençal :

que vai faire parèisse si « Gantos de Dol ».

Gènto Dono di Pirenèu,


De ti mount bagna per l'eigagno ]
Ta voues a travessa lou cèu
E ta voués, venènt di mountagno,
Enebrio en chalant2 nosti cor prouvençau
Au resson pouëti de tis acènt suau.
220

D'uno sorre de la Prouvènço


0 Rèino ! escouto li cresènço :
— « Souto moun grand cèu lumenous
Garde d'un passat pouderous
Lou souveni de nosti rèire,
E lis èime3 sant que fau crèire !...
Maugrat tóuti lis escabour4,
Maugrat l'espaime 5 de doulour,

Maugrat la tempesto que bramo,


Que lagno °, aclapant7 lis amo,
D'un malastre que fai ferni,
Garde ma fe dins l'aveni ». —
Alor ta voues de sounjarello,
Resclantira 'ncantarello8,
Sènso tristesso, ni brumour,
Douço, coumo uno aubo d'amour.

Souto la lusour de l'estèllo,


Ensèn, lou cor aut, libramen,
La man dins la man, charraren9
La leijgo santo, subre-bello,
Bigourdan, Prouvençau.... Libro sus noste sòu,
0 Rèino, laissaras toun grèu vièsti de dòu.
Dialéile d'Arle (Beuco-tlôu-Rose) (Prouvènço)
Nîmes, lou 15 de Juilét 1909 Elisabeth DODE.

NOTO. — I. > La rosée .. — 2. ■ Enivre en les charmant ■. — 3. « L'esprit, les pen-


sées • . — 4. ■ Ténèbres ». — 5. ■ Effroi, calamité ■. — 6. « Attristé chagrine » —
7. « Ecrasant ». — 8. Keleiitira enchan'eresse ». — 9. < Nous parlerons ».

Excusés encore :
MM. M. Camélat, felibre majourau, d'Arrens ; Simin Palay, retenu à
Pau par ses devoirs de rédacteur au Patriote des Pyrénées :. « M'auré
pourtant hèyt réde goy de bous counéche, è l'at auéy dit au Cascarot
diménche à Salies! Bah! sera ta gn'aute cop... Per acó, bouleri pas,
tout-u, que l'obre qu'en pâtisse : Bouy parla de « La Bouts de la Terre ».
Ainsi écrit-il à M. l'abbé Dambielle. — « La Bouts de la Terre » a été
distribuée, nous l'avons vu ci-dessus, à tous les convives du banquet de
Samatan.
M. M.Bibal, maire de Masseube et Conseiller général du Gers, le géné-
reux donateur à f Escolo G. Fébus du château de Mauvezin ; Xavier de
Cardaillac, avocat à la cour d'appel de Pau (auteur des « Propos gascons »;)
Mme Th. de Libertat, d'Auch, retenue par la maladie de son père ;
MM. le Comte de Comminges, encore pour longtemps «dans les pays
nordiques » ; H. bégouen, rédacteur en chef du Télégramme ; M. l'abbé
Laclavère, grand vicaire d'Auch, pris par la fête de Jeanne d'Arc à
Fleurance ; Mario Roques, professeur à la Sorbonne ; E Ribet, directeur
■ ■ 4
221

de la (< Revue de la solidarité sociale », qui nous procure en M. Boire,


un nouvel adhérent ; Fr. Soulé, directeur d'institution à Saint-Laurent-
de-Neste ; J. Dasque, surveillant général au lycée de Nîmes ; B. Dufor,
professeur de première au lycée de Toulouse ;
M. F. Pasquier, archiviste de la Haute-Garonne, qui en profite toute
fois pour nous donner d'excellents conseils : « J'en reviens à l'idée que je
défends en toute occasion ; persuadez aux gens du peuple, à la ville
comme à la campagne, que leurs dialectes constituent une vraie langue,
digne d'être étudiée ; que parler patois, comme on le dit, n'est pas un
signe d'infériorité... J'ai retenu et souvent cité, comme exemple, cette
réponse d'une personne qui avait assisté à une noce : Ero coumo cal,
toutis parlavon francès. Il faut que par la propagande des réunions, des
écrits, on arrive à démontrer « qu'es coumo cal de parla coumo an
parlat les bielhs... »
M. Henri Pellisson, en deuil de son frère : « Escusat-me ! Augan nou-m
troubarè ena felibreyade dera 'Scolo deras Pirenéos... N'èri tapoc ena
de Gastou-Fébus... Malaye ! be sabets perquél... Diu è Ste Estéle que-b
ajuden en Loumbès è Samatan. Bibe era 'Scòlo deras Pirenéos... » M.
Pellisson a bien voulu toutefois faire annoncer notre fête par plusieurs
journaux ; nous l'en remercions bien cordialement.
M. J. Loquet, retenu à Bagnères-de-Bigorre « peras hèstos de l'inau-
guraciou dera Muso Banheréso ». Cette statue, due au sculpteur bigour-
dun Escoula, a été inaugurée justement le 5 septembre ; M. Laquet a
composé à cette occasion une cantate en gascon, intitulée « A 'ra Muso
Banheréso » et une ode en français (Voir le Courrier Républicain et la
Petite Gazette du 12 septembre). Nous applaudissons de bon cœur à la
décoration d'Officier d'académie qui lui a été décernée.
M. Anglade Amlrroise, d'Estensan, un des fidèles de notre Escolo :
« Embiéy à tout' era 'Scòlo mous saluts, mes coumpliménts amistousis.
Bouno hèsto ! » — Mlle Isabelle Fourcade, empêche, comme d'autres
encore, par la Fête de Foix; etc., etc.

LAURÉATS :

Enfin, parmi les lauréats, se sont excusés MM :


J. M. Senat, retenu à Massât. M. Servat, lauréat de la pervenche
d'argent, vient d'être élu sécrétaire adjoint de l'Escolo.
Léon Arrix, lauréat de la violente d'argent. M. Arrix a été obligé de
rester à Tarbes, parce qu'il vient... d'inventer un aéroplane biplan, d'un
modèle nouveau, remarquable par sa stabilité, et en outre compris de telle
manière que le plan supérieur peut s'étaler, former ainsi parachute, et
adoucir considérablement l'atterrissage. Encaro iou pròbo que poud-òm
èste pouèto è felibre è tabén soucia-s dera prousperitat det pais, dera sio
glòrio è det sòn prougrès.
Raoul Lafagetle, Léon Rouquier, Gaston Reyne, Emile Mas, retenus
par l'éloignement, mais qui ont bien voulu devenir Membres ou adhérents
de l'Escòlo. i
222

André Semeilhon, qui a gagné au Concours de l'Escole G. Fébus une


fleur de vermeil pour la poésie ;
Emile Castex, qui a remporté chez-nous deux diplômes, et aussi, plu-
sieurs médailles dans les Concours des Ecoles sœurs.
L'abbé Marsan, indisposé, mais qui va nous donner toute une série
d'articles sur les légendes sacrées de la vallée d'Aure.
Sécheyron, de Sarrant, à Solomiac, qui s'excuse sur son âge : « Ets
e-sùèti à touts, enta Idrac e Maigué, fricôts goustouses e boun apetit ; ende
jou, es prou, remercian Dfu, es prou que l'esprit damore sancé, per tant
que flaquen las camos... ))
Jean Soulé- Venture, de Ferrère (Barousse) : Dedempuch Sént Jùan
denquia gùé qu' è 'gut tout dla et dalh en es dits ;.. nou pousqui pas ana
ta Loumbès ne ta Samatan, parcè qu' agg è trop à 'rreman.
Armand Lamothe, de Lagraulet : « Que souy réde encùentat per las
batèros... Praubos batèros au carrus (traîneau), quines trabalhs fourçats
qu'es acó ! Que regrèti réde de pôde pas béngue d'engùan à las bôstos
hèstos felibréncos de Loumbès ende pôde tringla dap lous baléns félibres
que canton ta poulidomén las beutats de la Tèrro-Mayrano en tout hè
renaul lou biélh parla de nòstes aujôls. »
— M. la docteur Lougc, de la même région, n'a pu que passer un ins-
tant à Samatan et nous serrer la main à la hâte, sans prendre part au
banquet.
— M. le Dr Levrat, lui, ne nous a manqué que le second jour ; mais il
a voulu se le faire pardonner quand même par les beaux vers suivants :

II L'HONNEUR II PÉTRARQUE
Au baient secretari de la nosto Escolo. En Bernat Sarrieu,. Oumadje amistadous.

0 fils harmonieux de l'Ame florentine,


Pétrarque ! Paladin superbe de l'Amour,
Vers toi va le salut de la Terre Latine !

De la Provence au ciel vibrant tu vins un jour


Vers nos champs parfumés que la lumière dore ;
La brise caressait le front des épis lourds ;

De nos pourpres clochers le carillon sonore


Vibrait en la splendeur magnifique du soir,
Et ton cœur évoquait le sourire de Laure.

Rêvant à ses grands yeux pensifs, tú vins t'asseoir


Près de la Save au flot gazouillant sur la grève,
Berceuse où s'endormait ton sombre désespoir ;

Et tu vis s'écouler au fil de l'heure brève


Auprès des villes sœurs, Lombez et Samatan,
Le destin nostalgique et chaste de ton rêve.
223

Et dans ce paysage à l'azur éclatant,


Où le peuplier blanc au noir chêne s'allie ,
Il nous plaît de songer que ton coeur palpitant
Crut revoir la beauté de ta douce Italie !
**#
Il nous plaît de songer, que dans la combe en fleurs,
Tandis que s'exhalait ton chant mélancolique,
Ton regard se complut au charme bucolique
Des filles se penchant sur la fontaine en pleurs.

D'un geste harmonieux et lent de canéphore


La courbe de leurs bras s'arrondissait dans l'air,
Et le vase d'argile avait dans le soir clair
Pour tes yeux éblouis de purs reflets d'amphore.

Et parce que, dans les ivresses de l'Eté


Ton regard admira leurs grâces sensuelles,
Nos filles, depuis lors, nos filles sont plus belles,
Belles d'une vibrante et tragique beauté.

L'étincelant éclat des blonds cheveux de Laure


Erre dans la splendeur de leurs lourds cheveux noirs ;
Leur pur sourire est plus langoureux quand le soir
Met son baiser vermeil aux briques qu'il colore ;

Et depuis que tu vins parmi nous, évoquant


Ta radieuse amante en l'ombre des platanes,
Leurs lèvres ont gardé pour la langue occitane
La suave douceur de ton parler toscan.
#*#
Divin Pétrarque ! 0 toi dont l'immortel génie
Sut tisser, aux sanglots de ta lente agonie,
Pour ta Dame, un manteau d'éternelle beauté,
Inspire-nous le rythme et la pure clarté
Du cantique sacré de la terre natale.
Des grèves où mugit la mer occidentale,
De la Lande sanglante aux Monts Pyrénéens
Fais que nous nous célébrions les pics marmoréens
Et la virginité candide de ia neige,
Les cimes du Comminge et les vais de l'Ariège
Et la plaine fertile, et la pinède d'or.
Fais que nous arrachions aux griffes de la mort
La langue des aïeux, la langue bien-aimée,
Qui lançant aux cieux clairs sa glorieuse chanson
S'offre à nos cœurs épris splendide et parfumée
Des ardentes senteurs de notre sol gascon.
E, LEVRAT.


2. Remerciements aux Journaux
Nous adressons ici nos plus vifs remerciements aux Journaux (en nous
excusant des oublis que nous pourrions commettre) : ! . |
1) Luchon Thermal le Nouvelliste de Bordeaux, La Dépêche, le Mé-
morial de Lombez (13 Juin) qui ont bien voulu annoncer notre fête et en
publier le programme.
2) LMchon Thermal, (12 Septembre), L'Express du Midi, Le Télé-
gramme, Le Journal de Saint-Gaudens (18 Septembre), La Petite
Gazette de Bagnères-de-Bigorre, VEcho de la Save de Samatan, qui ont
bien voulu en donner un compte rendu.
3. Nos Gravures
Notre gravure est la reproduction d'une photographie prise par M. l'abbé
J. Barrieu, vicaire à Samatan. Elle représente la plupart des Félibres
présents à Samatan. Dans les premiers Nos de 1910, nous en donnerons
deux autres, représentant la réception de la Reine, à Lombez, et dues
également à M. l'abbé Barrieu. Ce seront, pour nos Confrères, d'agréa-
bles souvenirs de ces deux belles journées.

il

La place nous manque pour tout ce que nous aurions à dire : une
feuille de plus retarderait trop ce gros N°. Contentons-nous donc de si-
gnaler :
1) La perte que notre Escolo vient de faire en M. A. Tournier, Félibre
majorai, député de l'Ariège, dont on n'a pas oublié la généreuse inter-
vention à Saint-Gilles (v. Era Bouts, p. 107). Nous en avons appris la
mort le jour même de notre Fête.,... Nous lui consacrerons prochaine
ment une notice, ainsi qu'au regretté capitaine Bupuy.
2) Le projet d'éditer, à frais communs avec VEscolo Moundino, une
Carte félibréenne de l'Occitanie (v. La Terred'Oc, Julhet e Agoust, p. 108).
3) Le beau succès de la félibrée de \'Escolo Gastouv-Fébus, à Salies-
de-Béarn, les 22 et 23 Août derniers (v. les Reclams, Octobre 1909).
4) La très prochaine mise en circulation de notre Armanac dera
Mountanho (PJiO, 5mo Annado), format agrandi, illustrations nombreu-
ses; 0 fr. 15 le N°. As Mémbres debouats dera 'Scòlo nòsto de prené-n
uv pialot caduv, ta dd-les biadje à caso lou. On peut s'adresser direc-
tement à M. Abadie, notre imprimeur, 2, rue Thiers, Saint-Gaudens.
5) Enfin, les modifications qui sont en voie de s'accomplir dans le
Félibrige central, depuis la dernière Sainte-Estelle. A la suite d'incidents
fâcheux et de polémiques passionnées, le Capoulier P. Dévoluy — qui
avait témoigné tant de sympathie à notre Escolo, dès son origine — a cru
devoir donner sa démission. Nos regrets, comme: ceux de uos confrères
béarnais (v. les Réclams, p. 252), l'accompagnent dans sa retraite. Alain
tenant, le « Conseil général » du Félibrige vient d'être convoqué, par
l'Assesseur M. Mouzin, à Arles, pour le jour de la Toussaint. Nous y
serons sans doute représentés par MÎ. A . Planté, président de l'Escòlo
G. Fébus. Plâcie à Diéu que toutes aquéres peléjes fratricides que mous
hèn péno (qu'auém amies des dus coustats) s'ataisen enfnj, è que ganhén
aquésti dus prencipis : Endependéncio des Escoles (Bét Era Bouts de
Julhét, p. 109-111), mès soulidaritat de tout et Felibridjel
B. SARRIEU.

4Ti
Hommage à la Reine, par M. L. de BARDIES, Président de
l'Escolo 183
Palmarès de nos Jeux Floraux. — Prix annoncés pour 1910... 185
3. Lecture de pièces couronnées 189
4. Punch d'honneur à la Mairie 189

B) . SECONDE PARTIE : A SAMATAN

I. — RÉCEPTION DES FÉLIBRES


1. Allocution de M. Lacome, Maire de Samatan 190

2. Réponse de la Reine. — Retraite aux Flambeaux 191

IL — SOIRÉE LITTÉRAIRE
1. Discours de M. l'abbbé DAMBIELLE : La léi/go gascouno 191

2. Chants gascons, par l'Orphéon et M. PUJOL 201


3. Lecture de « La gran Mai », de M. l'abbé SARRAN, par l'autsur. 202

4. Autres chants gascons, par l'Orphéon, M. PUJOL, M. POURTÈS,

M. l'abbé SARRAN, et musique 202

5. Saynète, en français 204

6. Remerciements par M. de Bardies 204

III. — EXCURSION AU CHATEAU DE CAUMONT


Le château de Caumont. Son histoire, Ses tableaux. Remer-
ciements { 206

IV. — BANQUET D'ADIEU


l.*La Table et le Menu 206

-2.Toasts félibréens :
Toast de M. l'abbé DAUBIAN 208

Le Milhas, par M. F. ESCAICH 208


Allocution de M. A. LAVERGNE, Vice-Président de la Société
Archéologique du Gers 210
Toast de M. R. LIZÔP, de la Fédération Régionaliste 211

Toast de M. l'abbé SARRAN, secrétaire de l'Escolo G. Febus 212

Chant de Banièro Toulousèno, par M. PUJOL 212

Toast de M. B. SARRIEU ., 213


La Cansouî} de l'Arraygléîo, par M. G. LABORIE (avecmusique) 213

Une chanson du « Cascarot » 214

Toast de M. l'abbé DAMBIELLE 215

Encore une chanson du << Cascarot » 216

Toast de M. FAURÉ, ancien député 216

Toast de M. de BARDIES 216

Allocution de la Reine, Mme de PINS 217

Fin du Banquet. Adieux 217

C) . AUTOUR DE NOTRE FÊTE


1. Personnes excusées , 218
Invités..... 218

Membres de l'Escolo. (Poésie de M1Ie DODE, pour Filadèlfo) ... 219

Lauréats. (Poésie de M. E. LEVRAT, en l'honneur de Pétrarque) 221

2. Remerciements aux journaux 224

3. Nos gravures j 224


Noubèles , 224

0.
STATUTS DE L'ESCOLO DERAS PIRENEOS

ART. 1. Il est fondé, pour la région gasconne de la haute Garonne et.

de ses affluents, une Ecole félibréenne qui prend le nom á'Escòlo deras
Pirenéos (Ecole des Pyrénées).
ART. 2. Le siège de l'Ecole est à Saint-Gaudens. — Elle comprend

trois grandes Sections : 1° Haut-Comminges, Nébouzan, Quatre-Vallées


(Saint-Gaudens) ; 2° Bas-Comminges (Muret) ; 3° Couserans (Saint-
Girons).
ART. 3. Le but de l'Ecole est de maintenir et de relever la langue

gasconne du Comminges et du Couserans, de conserver les traditions


et les usages locaux, et de développer la vie régionale.
ART. 4. L'Ecole s'interdit absolument toute polémique politique ou .

religieuse, soit écrite soit orale.


ART. S. Les Membres actifs paient 6 francs par an, et ont droit au

titre de Félibres et à toutes les publications de l'Ecole. — Les Dames


sont admises. — Les Bienfaiteurs de l'Ecole pourront être déclarés par le
Bureau général Membres honoraires. — Les Membres perpétuels paient
120 francs et sont inscrits à perpétuité sur la liste des Membres.
ART. 6. Il est recommandé, en envoyant son adhésion au Bureau

général, d'indiquer, en outre de l'adresse, le lieu d'adoption au point de


vue dialectal.
1
ART. 7. Il y aura des Groupes locaux là où plusieurs Membres actif^

(5 au moins) décideront d'en établir un. Tout Groupe devra se rattacher


à l'une des trois Sections.
ART. 8. Les trois Sections et les Groupes jouiront de la plus grande^

autonomie, à la seule condition d'agir conformément aux Statuts, notam-


ment de respecter les articles 3, 4 et o, et de se tenir en rapports avec le
Bureau général.
ART. 9. L'Assemblée générale de l'École, composée de tous les Mem-

bres actifs, doit se réunir une fois l'an. Elle peut modifier les Statuts à
la majorité absolue.
Art. 10. Le Bureau général est élu au scrutin secret pour 3 ans par
l'Assemblée générale. Il est composé d'un Président, de trois autres
membres, ayant rang de Vice-Présidents et représentant chacun l'une
des trois sections de l'Ecole, d'un Secrétaire-Trésorier et d'un Secrétaire-
Adjoint. — Le vote par correspondance est admis pour .cette élection.
ART. 11. Les questions relatives à l'administration de l'Ecole, à ses

publications, à ses fêtes, à ses relations extérieures, sont réglées par le


Bureau général.

NOTA. — Composition du Bureau général pour 1909-1912 : Prési-

dent, M. L. de Bardies, à Souhn, par Aleu (Ariège) ; Vice-Présidents,


MM. Y.-D. Dufor, curé de Labarthe-de-Bivière (Haute-Garonne) [Haus-
Comminges], B. Daubian, curé de Villefranche-d'Astarac, par Simorre
(Gers) [Bas-Comminges], A. Teulié, directeur d'école à Saint-Girons
(Ariège) [Couserans] ; Secrétaire-Trésorier, M. B. Sarrieu, professeur
au Lycée, 8, place Du-Bartas, Auch (Gers) ; Secrétaire-Adjoint, M. J. M.
Servat, pharmacien, à Massât (Ariège).
Le Gérant : N. ABADIE.

LeU! n0.0.
nt ri
ratziERS

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