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issus de la banque gabonaise BGFI, dont la branche


congolaise était contrôlée jusqu’en 2018 par le frère
La justice française ouvre une enquête
adoptif de Joseph Kabila, Francis Selemani.
après les révélations de « Congo hold-up »
PAR YANN PHILIPPIN
ARTICLE PUBLIÉ LE MERCREDI 8 JUIN 2022

© Illustration Sébastien Calvet / Mediapart avec AFP

À la suite de notre premier article, qui a révélé


© Illustration Sébastien Calvet / Mediapart avec AFP comment le clan Kabila a détourné 138millions de
Le parquet national financier a ouvert une enquête dollars d’argent public via une société-écran installée
préliminaire pour «blanchiment aggravé» à la suite dans un garage de Kinshasa, la justice congolaise avait
de la publication, par Mediapart et ses partenaires, de ouvert une enquête judiciaire le 21janvier dernier.
l’opération «Congo hold-up». Un immense scandale Les plaintes visent deux affaires de blanchiment
de détournements de fonds publics en République présumé en lien direct avec la France.
démocratique du Congo, avec des ramifications en
Deux plaintes ont par ailleurs été déposées auprès
France.
du PNF à l’initiative de l’ONG panafricaine
L’affaire «Congo hold-up » gagne la France. Selon anticorruption Unis, cofondée par le lanceur
une information de Mediapart et Africa Intelligence, d’alerte congolais Jean-Jacques Lumumba. Cet ancien
le parquet national financier (PNF) a récemment banquier de la BGFI avait révélé un premier scandale
ouvert une enquête préliminaire à la suite de nos visant la banque et l’entourage de Joseph Kabila en
révélations et celles de vingt-trois médias et ONG 2016.
internationales sur la corruption et le détournement
« Il faut absolument que des enquêtes sérieuses soient
massif de fonds publics en République démocratique
menées afin que les Congolais puissent récupérer
du Congo (RDC), notamment au profit de l’ancien
leur argent et punir la mafia à l’œuvre en RDC»,
président Joseph Kabila et de son premier cercle.
indique à Mediapart Jimmy Kande, président d’Unis et
L’enquête judiciaire a été ouverte pour des faits chercheur au Congo Research Group (CRG), l’une des
présumés de «blanchiment aggravé de détournement cinq ONG qui a participé au projet «Congo hold-up».
de fonds publics», à la suite d’une plainte déposée
«Comme il s’agit d’une affaire transnationale, nous
conjointement par les associations Unis, Transparency
ne pouvons pas nous limiter à agir en RDC. C’est
International et Sherpa, a confirmé le PNF à
pour cette raison que nous avons mené des actions
Mediapart.
dans plusieurs pays où l’argent a pu transiter, dont la
Notre série d’enquêtes, baptisée «Congo hold-up» et France», ajoute Jimmy Kande.
publiée en décembre dernier, s’appuie sur le plus gros
Les plaintes visent deux affaires de blanchiment
leak africain connu à ce jour, obtenu par Mediapart et
présumé en lien direct avec la France. La première,
l’ONG Plateforme de protection des lanceurs d’alerte
déposée par Unis, concerne le navire Enigma, un
en Afrique (PPLAAF): 3,5millions de documents
ancien patrouilleur transformé en yacht de luxe de
73mètres dans un chantier naval de La Rochelle, pour
un montant de 25millions de dollars.

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Officiellement, l’Enigma appartient, via une société On retrouve la BGFI Paris dans l’affaire Sud Oil, une
immatriculée dans un paradis fiscal, à Alain Wan et société-écran gérée par Francis Selemani, au cœur du
Marc Piedbœuf, deux hommes d’affaires très liés à système qui a permis à la famille Kabila de détourner
Joseph Kabila. Ils sont soupçonnés d’avoir financé ce 138millions de dollars d’argent public.
superyacht pour le compte de l’ancien président, ce En 2016, la BGFI Paris a également permis à une
qu’ils démentent. Notre enquête a démontré qu’une société appartenant personnellement à Joseph Kabila
partie des travaux a été financée par de l’argent public de virer 500000dollars en Belgique à une société qui
détourné des caisses de la Banque centrale du Congo, n’a pas d’existence officielle, alors même que cette
à hauteur d’au moins 794000dollars. transaction avait été refusée quelques jours avantpar
Détail troublant: à la suite de la parution de notre la banque maltaise Fimbank «pour des raisons de
article, le 23novembre dernier, l’Enigma, qui mouille conformité».
dans le port du Cap en Afrique du Sud, a été mis en
La BGFI Europe a aussi exécuté des virements pour
vente pour 26,4millions de dollars.
près de 5millions de dollars vers une société émiratie
contrôlée par Kassem Tajeddine, un homme d’affaires
financier libanais sous sanctions américaines pour
financement présumé du Hezbollah.
On retrouve également des paiements validés par la
BGFI Paris dans l’affaire de corruption du plus
gros contrat minier de l’histoire de la RDC. Les deux
Joseph Kabila, le yacht et le port fantôme. © Illustration Simon Toupet / Mediapart sociétés d’État chinoises qui contrôlent la Sicomines,
S’agit-il d’une tentative d’échapper à une éventuelle la société qui exploite le gisement, ont alimenté
saisie du navire? Contactés, Alain Wan et son fils une société-écran, la Congo Construction Company
André, qui gère le bateau, n’ont pas donné suite. Le (CCC), qui a distribué 30millions de dollars à la
courtier américain mandaté pour vendre l’Enigma, famille et au premier cercle de Joseph Kabila.
basé dans la très chic station balnéaire de Boca Raton, Sollicités avant la parution de nos enquêtes, le groupe
en Floride, a refusé de nous répondre, car il est tenu à gabonais BGFI, la BGFI RDC et le directeur général
la «confidentialité» vis-à-vis de ses clients. de BGFI Europe à Paris n’avaient pas répondu.
La seconde plainte, déposée par les ONG Unis, Sherpa Boite noire
et Transparency International, fait suite à notre article
révélant des faits présumés de blanchiment commis
par BGFI Europe, le nom donné à la filiale française
de la banque.
Comme la BGFI RDC n’a pas le droit d’effectuer
des transactions en monnaie étrangère, elle a
utilisé la BGFI Paris comme banque correspondante
pour effectuer de nombreux transferts d’argent, L’enquête «Congo hold-up», qui s’appuie sur la plus
principalement en dollars. grosse fuite de documents jamais survenue en Afrique,
C’est ainsi que la branche française de la BGFI a opéré révèle de façon inédite les rouages de la cleptocratie
des transactions liées à toutes les opérations troubles et de la corruption qui ont rongé la République
révélées par Mediapart et ses partenaires du projet démocratique du Congo (RDC) sous le règne de son
«Congo hold-up». ancien président Joseph Kabila, et au-delà le pillage
d’un pays-continent parmi les plus pauvres du monde.

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Mediapart et l’ONG Plateforme pour la protection Jour…) et 5ONG (PPLAAF, The Sentry, Public Eye,
des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF) ont Resource Matters et Congo Research Group) basés
obtenu 3,5millions de documents et plusieurs millions dans 18pays.
de transactions bancaires issus de la BGFIBank. Sous Cet effort de recherche, qui a nécessité une plateforme
la coordination du réseau de médias d’investigation informatique sécurisée et la création d’un logiciel
European Investigative Collaborations (EIC), ces spécifique, n’aurait pas été possible sans l’équipe
données ont été analysées pendant six mois, dans un technique de Mediapart (Chrystelle Coupat et Rubing
effort de coopération inédit, par 19médias (Mediapart, Shen) et de l’EIC (Gabriel Vijiala). La charte
RFI, De Standaard, Le Soir, NRC Handelsblad, Der graphique et l’iconographie du projet «Congo hold-
Spiegel, Bloomberg, BBC Africa Eye, L’Orient-Le up» sont signées Simon Toupet et Sébastien Calvet
(Mediapart).

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