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COURS DE DROIT DE L’ENERGIE ET DE L’INDUSTRIE

INTRODUCTION GÉNÉRALE
L’on ne peut parler du droit de l’énergie et de l’industrie sans envisager
le droit de la propriété industrielle qui la caractérise même. La propriété
industrielle est l’ensemble des règles juridiques relatives aux dessins et
modèles industriels, aux brevets d’invention, aux marques et aux
appellations d’origine et indications de provenance.

A- La catégorisation de la propriété industrielle

La propriété industrielle regroupe différents droits de propriété


incorporelle pouvant éventuellement faire partie d’un fonds de commerce :
a) titres récompensant des créations techniques ou esthétiques,
mais à usage industriel au sens large : brevets d’invention, dessins et
modèles industriels ;
b) signes distinctifs acquis par l’usage ou, plus fréquemment, par
le dépôt : marques de fabrique, de commerce et de service, diverses
indications géographiques telles les appellations d’origine et indications de
provenance.
La propriété industrielle se divise en deux catégories : les droits sur
les créations industrielles, d’une part, et les droits sur les signes
distinctifs, d’autre part.
Les droits de propriété intellectuelle sont des droits subjectifs. De cette
nature ils tiennent leur structure.
B– Les objets de la propriété industrielle : les créations industrielles
et les signes distinctifs
Il y a d’abord des créations de l’esprit à vocation industrielle. L’objet
du droit de brevet est l’invention.
Les dessins et modèles utilisés dans l’industrie constituent l’objet d’un
autre droit de propriété industrielle qui ne porte pas de nom particulier,
distinct du droit d’auteur et cumulable avec lui. Il y a ensuite des signes
distinctifs tels que les marques, les appellations d’origine et les indications
de provenance. Les marques, qui correspondent à des droits d’occupation,
sont des signes susceptibles de représentation graphique servant à
distinguer les produits ou services d’une entreprise. Les appellations
d’origine et les indications de provenance sont des dénominations
géographiques servant à désigner un produit qui provient d’une aire
géographique déterminée ; elles ont un élément en commun : la mention
d’un lieu géographique dans lequel sont obtenus ou fabriqués les produits.
Mais les appellations d’origine se distinguent par un élément supplémentaire
: elles constituent une garantie de qualité des produits (ex. Champagne)
alors que les indications de provenance sont de simples mentions
informatives (ex. artisanat de la Drôme, article de Paris). Appellations
d’origine et indications de provenance sont appelées à être peu à peu
remplacées par des signes européens, valable dans l’ensemble de l’Union
Européenne : AOP (appellations d’origine protégée) et IGP (indications
géographiques protégées). Contrairement aux droits sur les brevets et sur les
dessins et modèles, les titulaires de droits sur les signes distinctifs ne sont
pas des créateurs car ils n’ont pas développé une activité inventive ou
artistique. Ils se sont contentés, au contraire, d’intégrer à leur entreprise
certains signes permettant d’attirer la clientèle et dont ils ne sont pas les
auteurs.
C) Les droits des inventeurs
Le droit de brevet comprend essentiellement un « droit exclusif
d’exploitation » donc un droit pécuniaire ou patrimonial. Il consiste pour
l’inventeur à :
– exploiter lui-même l’objet ou le procédé inventé ;
– autoriser une ou plusieurs personnes à l’exploiter à sa place ou
concurremment, enfin ;
– céder purement et simplement son droit à un tiers.
Mais, l’invention résultant d’un travail créatif, l’inventeur est aussi
investi d’un droit moral, cependant réduit à deux prérogatives :
– le droit de divulgation et
– le droit à la paternité.
PARTIE I : LES CRÉATIONS INDUSTRIELLES

Les unes sont des créations purement utilitaires, les autres, des
créations ornementales. C’est d’ailleurs là le critère de distinction des
brevets et des dessins et modèles. Tandis que les brevets récompensent les
créateurs de produits et procédés nouveaux, le droit des dessins et modèles
encourage la présentation nouvelle de produits connus1. Dans ce second
cas, « la création a pour objet l’agrément et non l’utilité ». Nous
commencerons néanmoins par les dessins et modèles car ils font le lien
entre le droit d’auteur et la propriété industrielle qu’ils peuvent se voir
appliquer cumulativement.

CHAPITRE I : LES DESSINS ET MODÈLES

La protection juridique de l’aspect extérieur d’un produit est un enjeu


majeur de la création industrielle dans une société où les produits sont de
plus en plus esthétisés. Le droit des dessins et modèles offre une réservation
privative spécifique, au titre de la propriété industrielle, sur l’apparence
donnée à un produit, indépendamment de la protection par le droit d’auteur
sur la forme originale du produit.
Outre les conditions de fond, le Code de la propriété intellectuelle
impose une condition de dépôt.
Section 1. Les conditions de fond
La protection légale est réservée à certaines personnes sur certains
objets qui correspondent à la catégorie juridique appelée dessins et modèles.
Paragraphe 1 : Le titulaire des droits
A – Règle de fond
Créateur – Le titulaire des droits sur un dessin ou sur un modèle est le
créateur. C’est bien lui le titulaire naturel ; Le droit de propriété sur les
dessins et modèles est transmissible entre vifs ou à cause de mort.
Une personne morale peut être titulaire originaire (initial) des droits à
condition qu’il s’agisse d’une œuvre collective.
L’œuvre collective est celle qui est réalisée à l’initiative d’une
personne qui rassemble les contributions de plusieurs auteurs, lesquels ne
se sont pas concertés mais ont travaillé en parallèle (séparément, sans
collaboration). La plupart des œuvres collectives sont des créations de
salariés. Exemples d’œuvres collectives : un vêtement de ski ; des
éléments de carrosserie; une affiche; Dès qu’une œuvre est le fait d’un studio
de création, par exemple dans l’univers de la mode, ou d’un bureau de style,
notamment dans l’industrie automobile, il y a de fortes chances que le juge
la qualifie d’œuvre collective.
Enfin, un groupe de créateurs peut effectuer un dépôt en copropriété.
On dit qu’ils sont coauteurs d’une œuvre de collaboration.
1) Règle de preuve
a) Présomption simple au profit du déposant
Le titulaire des droits est normalement le créateur lui-même. Mais la
preuve de cette qualité est souvent difficile à établir. Aussi le Code de la
propriété intellectuelle pose-t-il une présomption selon laquelle le premier
déposant est considéré comme le bénéficiaire de la protection. Or il peut
s’agir d’une personne morale et celle-ci n’est aucunement contrainte de
prouver qu’elle est cessionnaire des droits d’une personne physique ou
qu’elle est à l’origine de la création d’une œuvre collective.
b) La présomption est simple (réfragable)
La présomption est simple lorsqu’elle peut être renversée par tous
moyens (par exemple, un dépôt officieux sous forme d’enveloppe Soleau,
chez un notaire ou un huissier, par une expertise révélant la marque du
style du créateur dans sa création). Il se peut, en effet, qu’un tiers ait usurpé
la qualité de créateur en déposant un dessin ou modèle qui n’est pas le sien.
Le véritable propriétaire (véritable créateur) pourra intenter l’action en
revendication. Si le tiers déposant est de mauvaise foi (hypothèse la plus
vraisemblable), le délai de prescription, de cinq ans, court à compter de
l’expiration du titre ; sinon, à compter de la publication de l’enregistrement
du dessin ou modèle. Dès lors que la présomption n’est pas renversée, tout
pourra donc se passer comme si un tiers, personne physique ou personne
morale, était investi à titre originaire des droits, même si la création en
question est l’œuvre d’une personne physique.
Quant à la protection du dessin ou modèle par le droit d’auteur, la
titularité des droits est déterminée de la même façon que pour les
autres œuvres.
a) Définition positive et définition négative
Le dessin ou le modèle protégé est une création de forme ornementale,
nouvelle, présentant un caractère propre et apparent. Certains dessins et
modèles sont expressément exclus de la protection :
- la première exclusion ne pose pas de problème particulier : il s’agit
de ceux qui sont contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Il ne faut
donc pas confondre le produit et le dessin ou modèle. Par exemple, le
conditionnement d’un produit stupéfiant pourrait être licite alors que c’est le
produit qui est interdit à la consommation et à la vente. D’autre part, il y a
peu de dessins ou modèles en eux-mêmes contraires à l’ordre public ou aux
bonnes mœurs. Seraient considérés comme tels ceux qui portent atteinte à
des droits de la personnalité (comme le droit à l’honneur, par exemple des
caricatures outrageantes, des dessins grossiers ou choquants) ;
– la seconde exclusion porte sur la forme exclusivement fonctionnelle
Elle se borne à appliquer l’exigence de caractère ornemental et sera par
conséquent étudiée avec elle. C’est d’ailleurs pourquoi l’on a dit plus haut
s’agissant de la définition du dessin ou modèle protégé, qu’il est une
création de forme ornementale, nouvelle, ayant un caractère propre et
apparent.
b) Une création de forme

Principe identique au droit d’auteur, Le dessin ou le modèle protégé


doit résulter d’un effort créateur concrétisé. L’exigence d’une activité
créatrice résulte de l’emploi du mot « créateur » par le législateur.
c) Le caractère ornemental ou esthétique

Le dessin ou le modèle doit avoir un caractère esthétique ou


ornemental et non pas purement utilitaire. Il ne faut pas confondre ici la
destination industrielle (utilitaire) du dessin ou modèle et son caractère
ornemental. Pour qu’il soit protégé, il faut qu’il apporte un plus à l’objet
commercialisé ; et ce plus, c’est l’aspect esthétique. Peu importe que l’objet
ait lui-même une fonction utilitaire comme, par exemple, une capsule
de bouteille ou un autocuiseur. La fonction utilitaire de l’objet montre
simplement que le modèle a bien une destination industrielle, ce qui est
le propre, par définition, de tous les dessins et modèles dits industriels.
Sinon, il s’agirait d’œuvres d’art pur qui ne seraient protégées que par
le droit d’auteur.

B- La condition de forme
L’Enregistrement
L’enregistrement fait naître une présomption réfragable de titularité et
ouvre la protection de l’objet déposé par l’action en contrefaçon.
L’enregistrement peut-être déclaré nul par décision de justice si les
conditions de fond ou de forme ne sont pas respectées. Désormais,
l’enregistrement a un caractère constitutif et non plus seulement déclaratif.
Les dessins et modèles non déposés ne sont donc pas protégés en droit
camerounais, si ce n’est par le droit d’auteur.
CHAPITRE II : LES BREVETS D’INVENTION

Le brevet d’invention est le titre, délivré par l’autorité compétente,


conférant à l’inventeur ou à ses ayants droit un monopole d’exploitation
temporaire sur une invention. Il existe aussi un titre proche du brevet, mais
d’une durée plus limitée : le certificat d’utilité (Ce titre est une sorte de «
petit brevet ». Il dure moins longtemps (six ans au lieu de vingt) et est moins
sûr que le brevet car l’administration le délivre sans faire de recherche des
antériorités. Mais, en contrepartie, il est délivré plus vite).
L’inventeur est bien un créateur ; mais il ne jouit pas d’un droit sur
son invention du seul fait de sa création. Contrairement à l’auteur, il doit, en
France, demander à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) un
titre. Car « l’invention n’emporte en elle-même aucun droit, si ce n’est celui
de demander le brevet ».
Section 1 : les conditions de la Protection

Paragraphe1 : Les conditions de fond


L’étude des conditions de fond va nous permettre de déterminer qui
peut être titulaire d’un droit de brevet et ce qu’est une invention brevetable.
A. Le titulaire du droit de brevet
Le titulaire est déterminé selon un principe qui reçoit exception quand
l’inventeur est salarié ou fonctionnaire.
1) Principe
En principe, le droit de brevet appartient à l’inventeur ou à son ayant
Cause. Mais le premier déposant est présumé être l’inventeur. Tout va bien
lorsque la présomption est conforme à la réalité. Mais les choses se
compliquent quand plusieurs personnes prétendent à un titre de propriété
industrielle sur la même invention.
Deux cas peuvent alors se présenter.
- Premier cas : inventeurs honnêtes : c’est l’hypothèse où plusieurs
personnes ont réalisé l’invention indépendamment l’une de l’autre et sans
malhonnêteté. C’est ce qu’on appelle les inventions concomitantes. C’est
alors le premier déposant qui aura le brevet. Cependant, pour ne pas se
montrer injuste envers l’inventeur sans brevet, la loi lui accorde le droit
d’exploiter l’invention concurremment, sans risque pour lui d’être qualifié de
contrefacteur. On dit qu’il a un « droit de possession personnelle antérieure »
La possession personnelle ne peut être que secrète ; sinon
l’invention ayant été divulguée, la divulgation crée une antériorité
invalidant la demande de brevet déposée par le tiers. Plus aucun brevet
ne peut plus alors être obtenu à cause de l’absence de nouveauté (on dit :
antériorisation de l’invention déposée). Le droit de possession personnelle ne
peut être transmis, sauf avec l’ensemble de l’entreprise du possesseur.
Enfin, après l’obtention du brevet par le tiers, le possesseur peut
exploiter lui-même l’invention (en fabricant le produit breveté, en le
vendant...), mais il ne peut pas céder ni concéder en licence son invention à
un tiers : c’est un droit de possession exclusivement personnelle.
- Second cas : usurpation d’invention : L’invention a été usurpée,
dérobée, soustraite à l’inventeur ou à ses ayants cause. Dans ce cas,
l’inventeur pourra agir en revendication contre le déposant.
La personne qui a dérobé une invention est de mauvaise foi.
L’inventeur pourra revendiquer le brevet en agissant contre elle. La
revendication a pour effet de substituer rétroactivement le demandeur au
défendeur. Ainsi, le véritable inventeur (revendiquant) deviendra titulaire du
brevet, et ce, rétroactivement, à la date du dépôt de l’invention par le faux
inventeur. L’intérêt qu’il y trouvera consistera surtout à percevoir les prix de
cession ou de licence consentis par l’usurpateur, mais seulement à compter
de l’assignation.
En effet, en raison de la rétroactivité, les contrats passés par le faux
propriétaire du brevet sont caducs. L’apparence ne peut être plaidée
utilement par le licencié a non domino que s’il est de bonne foi ; donc en
aucun cas après la publication du jugement faisant droit à la revendication.
1) L’inventeur salarié
Liens entre l’invention et l’entreprise
La plupart des inventeurs sont des salariés. Et les dispositions qui
leurs sont applicables sont d’ordre public. C’est pourquoi elles s’appliquent
qu’aux salariés stricto sensu. Aussi ni une convention collective, ni le
règlement intérieur d’une personne publique ne peuvent y déroger, par
exemple, pour un stagiaire.
B. L’invention brevetable
Sont brevetables les inventions nouvelles impliquant une activité
inventive et susceptibles d’application industrielle. Puis il en exclut plusieurs
objets. Certaines de ces exclusions découlent de la définition (nous le
verrons en détaillant celle-ci) ; d’autres sont arbitraires, comme l’exclusion
des logiciels (ceux-ci sont protégés exclusivement par un droit d’auteur).
1) Les conditions de la brevetabilité
Quatre conditions distinctes sont requises :
– l’existence d’une invention ;
– la nouveauté ;
– l’activité inventive ;
– l’application industrielle.
Les première et troisième conditions paraissent à première lecture très
proches. Pourtant, il ne s’agit pas d’une redondance juridique. On examinera
donc les quatre conditions séparément.
a) L’invention
Son sens étymologique est trompeur en droit positif. In venire veut
dire, littéralement, « venir sur », « tomber sur », donc découvrir. Or le Code de
la propriété intellectuelle exclut les simples découvertes comme étant
dépourvues de créativité (on peut se permettre de dire : d’inventivité ou
d’ingéniosité).
Les inventions sont des créations de l’intelligence qui aboutissent à
un résultat technique concret. S’il n’y a pas création, il ne s’agit pas d’une
invention. Si elle n’est pas appliquée, il n’y a pas davantage invention. Jean-
Marc Mousseron la définissait comme une solution technique apportée à
un problème technique, grâce à des moyens techniques susceptibles de
répétition.
La simple idée technique ne suffit pas à constituer une invention, objet
de brevet. Pourtant, en pratique, il est souvent difficile de distinguer l’une de
l’autre. Les objets exclus de la brevetabilité sont regroupés en 5 catégories.
* Les découvertes, théories scientifiques et méthodes mathématiques
Les découvertes scientifiques ne sont pas brevetables parce qu’elles ne
sont pas des créations. Découvrir n’est pas inventer car l’objet existait déjà :
il n’est pas le produit de l’imagination personnelle d’un inventeur ; c’est une
simple observation. Les théories scientifiques ne sont pas des inventions
parce qu’elles ne sont pas concrétisées.
** Les créations esthétiques
L’invention appartient au monde de la technique. Les dessins et
modèles sont protégés par un droit spécifique. Ce sont aussi des créations
concrétisées, mais elles poursuivent un but esthétique. C’est ce dernier
aspect qui les différencie des inventions brevetables. Par exemple, la forme
esthétique d’un flacon de parfum n’est pas brevetable.
*** Les plans, principes et méthodes
La non brevetabilité s’explique soit par le caractère abstrait (simple
idée non appliquée), soit par l’absence de caractère purement technique (les
plans sont protégés par un droit d’auteur.
**** Les programmes d’ordinateur
Les logiciels sont protégés par le seul droit d’auteur. C’est un parti pris
qui ne fait pas l’unanimité en doctrine. Mais c’est la solution qui s’impose en
droit positif.
***** Les présentations d’informations
Soit elles se limitent à une idée, soit elles sont des œuvres de l’esprit
(journaux, bases de données). Elles ne sont donc pas brevetables. Il ressort
en définitive des exclusions que l’on vient de voir que, pour être qualifié
d’invention, un objet considéré doit être une création (et non une
découverte) technique (non pas ornementale) concrétisée (non pas une
simple idée ou une théorie abstraite).
b) La nouveauté
Une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise
dans l’état de la technique. L’état de la technique est constitué par tout ce
qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de
brevet. L’état de la technique englobe également les dépôts de demandes de
brevets antérieures.
L’antériorité qui détruit la nouveauté est donc en principe constituée
par la divulgation de la même invention. Peu importe que le déposant ait
vraiment inventé lui-même l’objet qu’il dépose. Quelqu’un a déjà inventé la
même chose et, même s’il l’ignorait, cette invention était accessible au
public. Il n’y aura pas divulgation (donc pas antériorité) si l’invention a
seulement été communiquée à une ou quelques personnes, sous le sceau du
secret. C’est la notion de public qui fait la différence.

1) La divulgation détruisant la nouveauté


- Le lieu de la divulgation : L’invention a pu être faite à l’étranger ou au
Cameroun, et a été divulguée au Cameroun ou à l’étranger, peu importe.
L’essentiel est qu’il ait été possible d’en prendre connaissance au Cameroun,
par exemple grâce au réseau informatique Internet.
- Le moment de la divulgation : La divulgation d’une invention qui
empêche l’attribution d’un brevet est celle qui a eu lieu avant le dépôt de la
demande de brevet, sans limitation dans le passé. La nouveauté est donc
appréciée en tout temps et en tous lieux. Elle est absolue dans le temps et
dans l’espace.
- Le mode de divulgation : La divulgation a pu être réalisée de toutes sortes
de façons par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen.
La description de l’invention peut résulter d’une conférence, d’un article de
presse, de la communication de plans à des tiers non tenus au secret, de la
diffusion d’un message publicitaire. Mais il y aura aussi divulgation par la
mise en vente du produit, à condition que les tiers soient en mesure d’en
connaître la composition.
Peu importe que l’information n’ait pas été effectivement portée à la
connaissance des tiers, dès lors qu’elle a été mise à leur disposition, qu’elle
leur a été rendue accessible. C’est ainsi que la thèse exposant une invention
nouvelle peut constituer une antériorité, dès lors qu’elle a été déposée dans
une bibliothèque publique, même si elle n’a jamais été consultée.
Cependant, il n’y a divulgation que si l’invention a été portée à la
connaissance du
public d’une manière suffisante pour en permettre l’exécution.

c) L’activité inventive
L’exigence légale d’activité inventive n’est que partiellement une
redondance par rapport à l’exigence d’invention. D’abord, elle enfonce bien le
clou puisqu’elle exclut d’elle-même les simples découvertes. En ce sens, elle
ne sert à rien. Mais, par ailleurs, elle complète l’exigence de nouveauté.
Une invention est considérée comme impliquant une activité
inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une
manière évidente de l’état de la technique. Comme l’explique André
Françon, « il y a un degré de banalité et de simplicité en-deçà duquel
l’innovation technique ne mérite pas le titre d’invention ». Le critère de
l’évidence doit être apprécié par un homme du métier dont la caractérisation
doit se faire de manière précise, notamment à travers la détermination du
domaine technique auquel il appartient et de son niveau de qualification. Le
métier est celui dans lequel se pose le problème technique que résout
l’invention.
En pratique, en cas de litige, il faut donc recourir à un expert. L’état de
la technique est constitué par les inventions divulguées (celles qui sont
déposées mais pas encore publiées n’en font pas partie, du moins pour
l’appréciation de l’activité inventive).

d) L’application industrielle
Une invention est susceptible d’application industrielle si son objet
peut être fabriqué ou utilisé dans tout genre d’industrie, y compris
l’agriculture. Ne sont pas considérées comme des inventions susceptibles
d’application industrielle les méthodes de traitement chirurgical ou
thérapeutique du corps humain. Et si l’application d’une telle méthode a un
effet à la fois esthétique et thérapeutique, le brevet ne sera valable que si ces
deux aspects sont dissociables. Par exemple, un procédé de blanchissement
des dents a tout à la fois un effet thérapeutique et un effet esthétique. La
Cour de cassation considère que, ces deux effets étant inséparables, la
protection par brevet doit être rejetée1.
Telles sont les conditions de fond de la brevetabilité des inventions.
Elles s’appliquent à différents types d’inventions. Nous allons maintenant
donner des exemples en classant les inventions par types, c’est-à-dire en
procédant à une typologie de l’invention brevetable.

2) Typologie de l’invention brevetable


Pouvait être brevetée toute invention portant notamment sur un
produit, un procédé, une application ou une combinaison de moyens. On
reprendra donc chacune de ces catégories et l’on y ajoutera une mention
particulière pour les brevets de médicaments.
a) Les brevets de produits
Les produits sont des corps certains ayant une composition mécanique
ou une structure chimique particulière qui les distinguent des autres corps.
Lorsqu’un produit est breveté, nul ne peut le fabriquer sans l’autorisation du
titulaire du brevet, quel que soit le procédé utilisé. Ainsi, l’on voit que
l’appartenance à la catégorie brevet de produit a une incidence sur l’ampleur
de la protection, via l’action en contrefaçon.

b) Les brevets de procédés (ou de moyens)


Ce sont, pour la plupart, des procédés de fabrication. Il convient de les
distinguer des produits fabriqués. Lorsque le produit n’est pas breveté, seule
l’utilisation du procédé sans l’autorisation du titulaire du brevet constitue
une contrefaçon (contrairement au brevet de produit).
Mais il existe aussi d’autres procédés, notamment de communication.
c) La combinaison nouvelle de moyens connus
Elle peut aboutir à l’invention d’un produit nouveau et, dans ce cas,
l’inventeur pourra déposer et un brevet de combinaison, et un brevet de
produit. Selon la jurisprudence, il y a combinaison et non simple
1
Com., 17 juin 2003, « Dentsply » : JurisData no 2003-019480 : Comm. com. électr. sept. 2003, actual. 133, p. 5,
par C. Hugon : « Vu l’article L. 611-16 du Code de la propriété intellectuelle ; Attendu qu’une méthode de
traitement n’est pas brevetable lorsqu’elle a nécessairement un effet thérapeutique... »
juxtaposition lorsque l’ensemble considéré a une fonction propre caractérisée
par la production d’un effet technique distinct de la somme des effets
techniques de ses composants.

Paragraphe 2 : Les conditions de forme


Une invention ne donne prise au droit de brevet que si elle a été
déposée avec succès. Il s’agit bien d’une condition d’existence du monopole.
Le dépôt peut être confié à un conseil en propriété industrielle. La procédure
de délivrance du brevet se déroule en trois étapes :
 la demande de brevet ;
 l’instruction de la demande ;
 la décision de l’OAPI.
A. La demande de brevet
Le requérant doit constituer, au soutien de sa demande, un dossier à
déposer à l’OAPI. Il est possible d’effectuer un dépôt en ligne, contenant les
mêmes pièces que le dossier physique. Il s’agit d’abord de savoir comment
constituer le dossier. Par ailleurs, la demande, une fois déposée, produit
certains effets qu’il faudra recenser.
B. L’instruction de la demande
L’instruction de la demande est de la compétence de l’OAPI. Mais le
ministère des mines et du développement technologique a un droit de regard
sur les dépôts.
C. La décision de l’OAPI
Section 2 : Le droit de brevet
Le brevet est un titre de propriété sur une invention, un droit
patrimonial. L’inventeur a en outre un droit à la paternité, qui est un droit
moral.
Paragraphe 1 : Le droit patrimonial
Le droit d’exploitation ou droit patrimonial comprend certaines
prérogatives dont nous verrons d’abord le contenu, avant d’en préciser les
exceptions et la durée.
A. Le contenu du droit d’exploitation
Acte soumis à autorisation : Le titulaire du droit de brevet a l’usus
c'est-à-dire il peut utiliser lui-même l’invention brevetée ; le fructus c'est-à-
dire il peut octroyer des licences à des tiers et l’abusus c'est-à-dire il peut
céder son droit ou l’abandonner, totalement ou partiellement, en renonçant
à tout ou partie des revendications ou en les modifiant.
B. Les exceptions
En premier lieu, certains actes sont permis par le Code de la propriété
intellectuelle, en considération de leur finalité :
– les actes accomplis dans un cadre privé et à des fins non commerciales ;
– les actes accomplis à titre expérimental ;
– les préparations magistrales : un médecin peut prescrire à ses patients une
préparation spécialement exécutée par une officine de pharmacie. Pourvu
que l’exécution soit exceptionnelle, le titulaire du brevet sur la préparation
ne pourra pas s’y opposer. Il s’agit d’un brevet de produit (médicament).
Ensuite, l’exploitation de l’invention peut être permise à un tiers en
considération de sa personne. C’est l’hypothèse de l’inventeur qui n’a pas
déposé son invention à temps mais qui peut en être reconnu possesseur de
bonne foi. Si un autre inventeur dépose avant lui la même invention (parce
qu’il l’a créée lui aussi de son propre fait – inventions concomitantes),
l’inventeur non breveté a néanmoins le droit d’exploiter l’invention ; il ne
sera pas considéré comme contrefacteur. Son droit d’exploitation est fondé
sur sa possession personnelle antérieure au dépôt. Celle-ci pourra être
prouvée par tous moyens, en pratique, grâce à l’enveloppe Soleau, déposée à
l’OAPI, ou par le dépôt de la description de l’invention sous pli cacheté chez
un notaire ou un huissier. Le droit de possession personnelle ne peut être
transmis qu’avec l’entreprise à laquelle il est attaché (art. L. 613-7, al. 2).
Le droit de propriété du breveté est limité par la règle dite de
l’épuisement du droit. Elle a une portée différente en droit interne et en droit
communautaire. C. La durée du droit de brevet
C- Durée de droit commun
Le titre de brevet dure 20 ans à partir du dépôt de la demande. Il n’y a
de disposition particulière qu’en matière de médicaments et pour cet autre
titre de propriété industrielle sur les créations techniques qu’est le certificat
d’utilité.
Paragraphe II : Durée des brevets de médicament
Certificat complémentaire de protection (CCP) – La durée des brevets
de médicaments a été prolongée en 1990. Cette disposition peut sembler
paradoxale eu égard aux exigences de la santé publique ; car plus longue
sera la durée du brevet, plus sera retardé le moment où l’invention tombera
dans le domaine public et où le médicament sera disponible à un prix
moindre. En réalité, elle s’explique par des raisons d’ordre pratique et
procédural, et pas seulement de protection de l’industrie pharmaceutique.
Il faut savoir d’abord que les médicaments ne peuvent être mis sur le
marché qu’après autorisation administrative Il s’agit de l’autorisation de
mise sur le marché.

PARTIE II : LE DROIT DE L’ENERGIE ET DE L’INDUSTRIE


PROPREMENT DIT

I- Définition des concepts clés


Toute étude consacrée à l’industrie et à l’énergie doit commencer par
un exercice de définition. Un tel exercice se heurte cependant d’emblée à la
polysémie des termes notamment celui d’énergie, employé dans de multiples
disciplines sans jamais y trouver exactement le même sens 2, lorsque ces
disciplines ne renoncent pas purement et simplement à lui donner un sens
précis, ce qui est certainement le cas du droit. En effet, si le droit comporte

2
Le dictionnaire Larousse l’illustre, en donnant pas moins de six définitions de l’énergie, offrant ainsi un
échantillon des sens qui lui sont donnés par diverses disciplines : « 1. Puissance physique de quelqu’un, qui lui
permet d’agir et de réagir ; 2. Volonté tendue vers une action déterminée ; puissance, vigueur, force morale ; 3.
Personne énergétique, qui a la volonté d’agir ; 4. Vigueur particulière dans la manière de s’exprimer; 5. Chez
Aristote, réalité effective, par opposition à la réalité possible ; 6. Grandeur caractérisant un système physique,
gardant la même valeur au cours de toutes les transformations internes du système (loi de conservation) et
exprimant sa capacité à modifier l’état d’autres systèmes avec lesquels il entre en interaction».
sans nul doute des règles relatives à l’énergie, il se garde cependant bien de
la définir. Le Code de l’énergie lui-même ne s’y risque pas. Les définitions
des dictionnaires ne sont guère plus éclairantes, qui envisagent souvent
l’énergie en se contentant de refléter l’étymologie du terme, qui vient du grec
energeia signifiant « force en action ».
L’énergie en tant que concept est avant tout le produit des sciences
physiques. Et si le droit prend parfois ses distances avec les enseignements
des sciences physiques, il demeure cependant que le concept physique
d’énergie forme un utile point de départ à la réflexion. Les sciences
physiques ont pourtant elles-mêmes éprouvé les plus grandes difficultés à
dégager le concept d’énergie, lequel n’a véritablement pu être établi qu’à
partir de la découverte et de la vérification de la loi de conservation de
l’énergie3, il y a moins d’un siècle et demi4. D’après cette loi de la physique,
également visée sous l’appellation de première loi de la thermodynamique,
dans un système isolé l’énergie ne se crée ni ne se perd jamais, mais peut
uniquement se transformer (ce que résume la formule de Lavoisier « rien ne
se crée, rien ne se perd, tout se transforme »). Dans ce contexte, l’énergie est
un objet mathématique abstrait, généralement défini comme une
grandeur mesurant la capacité d’un corps ou d’un système à produire
un travail entraînant un mouvement ou un rayonnement, ou encore de
la chaleur. Bien que l’énergie soit une seule et même grandeur, elle peut se
manifester sous différentes formes, telles que l’énergie chimique,
mécanique, thermique, cinétique, électrique, pour n’en citer que
quelques-unes. L’énergie peut passer de l’une à l’autre de ces formes en
restant constante, conformément à la loi de conservation de l’énergie.
L’énergie primaire désigne les sources d’énergie existant à l’état
naturel avant toute transformation, susceptibles d’être utilisées par
l’homme. La notion d’énergie primaire englobe principalement deux grandes
3
Max Planck, l’un des fondateurs de la physique quantique, pouvait ainsi écrire dans son ouvrage intitulé Le
principe de conservation de l’énergie, paru en 1887, qu’il ne traiterait « du concept d’énergie que dans la
mesure où il peut être rattaché au principe qui donne son titre à cet essai, supposant donc que le concept
d’énergie en physique tient avant tout sa signification du principe de conservation qui le concerne ».
4
Le terme même d’énergie semble n’avoir fait son apparition dans le vocabulaire scientifique qu’au XVIIIe
siècle, sans qu’il soit encore, à ce stade, l’objet d’un consensus quant à sa signification. Pour une approche
historique de l’apparition du concept scientifique d’énergie, v. not. BALIAN R., La longue élaboration du
concept d’énergie, Institut de France, Académie des Sciences, 2013.
catégories de sources d’énergie que sont les sources fossiles et les sources
renouvelables. Les sources fossiles désignent des ressources issues de la
très lente transformation (la fossilisation) de matières organiques, qui
se sont constituées sur des millions d’années et peuvent donc être
considérées comme existant en quantité finie à l’échelle humaine, ce
qui recouvre le pétrole, le gaz naturel ou encore le charbon. L’énergie
chimique potentielle contenue dans ces ressources permet, par combustion,
de dégager une énergie utile pour le transport, la production d’électricité, le
chauffage, etc. Les sources renouvelables, par opposition, sont les sources
non fossiles exploitables sans limite de durée, soit parce qu’elles sont
inépuisables, soit parce que leur rythme d’exploitation permet d’assurer la
régénération de la ressource (rayonnement solaire, vent, géothermie,
certaines formes de biomasse, etc.).
Parmi les sources d’énergie, une place à part doit être laissée à
l’uranium, principal combustible utilisé par l’industrie nucléaire civile.
L’isotope 235 de l’uranium naturel peut libérer de grandes quantités
d’énergie grâce à un processus de fission des noyaux atomiques (les atomes
d’uranium étant les seuls existant à l’état naturel susceptibles de subir une
telle fission). On parle alors d’énergie fissile. Or, l’uranium n’entre ni dans
la catégorie des énergies renouvelables, ni dans celle des énergies fossiles,
faute de résulter de la lente décomposition de matières organiques (bien que
l’uranium, à l’image des sources fossiles, soit renfermé dans la couche
terrestre en quantité finie)5.
Énergie secondaire. L’énergie secondaire désigne l’énergie obtenue
après un ou plusieurs processus de transformation. Ainsi, par exemple, le
pétrole brut doit être raffiné avant d’être commercialisé sous la forme
d’essence utilisable pour faire rouler les véhicules, de même que l’électricité
doit être produite dans une centrale électrique à partir d’une énergie
primaire. Il est important de comprendre, à ce stade, qu’une énergie
secondaire telle que l’électricité peut être produite à partir de n’importe
quelle énergie primaire, grâce à des procédés de transformation qui illustrent
5
Il provient de l’explosion d’étoiles dont les débris se sont incorporés à la croûte terrestre autrement dit il
provient des supernovae
la loi de conservation de l’énergie. Ainsi, par exemple, l’énergie électrique
issue de l’énergie hydraulique résulte d’une série de transformations :
transformation de l’énergie potentielle de l’eau en énergie cinétique de la
chute d’eau, transformée en énergie mécanique, elle-même transformée en
énergie électrique (l’eau faisant tourner une turbine entraînant un
alternateur, permettant la transformation en électricité). De même, lorsque
l’électricité est produite à partir d’un combustible fossile tel que le pétrole ou
le charbon, le processus de combustion permettra de récupérer l’énergie
potentielle chimique emmagasinée dans le combustible en la transformant
en énergie thermique, la vapeur ainsi obtenue étant à son tour transformée
en énergie électrique (la vapeur faisant tourner une turbine entraînant un
alternateur permettant cette transformation en électricité).
Énergie finale et énergie utilisée. L’énergie finale désigne quant à
elle l’énergie effectivement mise à la disposition du client final (électricité,
essence...). La notion d’énergie utilisée vise la forme sous laquelle l’énergie
satisfait un besoin final (la lumière d’une lampe, la chaleur d’un radiateur) et
représente la quantité d’énergie finale consommée en tenant compte des
pertes occasionnées par l’appareil utilisé (tout appareil provoquant, lors de
son utilisation, des déperditions d’énergie sous forme de chaleur inutilisée).
Bilan énergétique. Les notions d’énergie primaire et d’énergie finale
revêtent une importance particulière afin de lire correctement les bilans
énergétiques régulièrement publiés. Un bilan énergétique a principalement
pour objet de présenter, pour une année et à une échelle donnée (nationale
par exemple), la décomposition, par sources d’énergie et par utilisation, de la
production et de la consommation totale d’énergie. En dépit de la loi de
conservation de l’énergie, chaque transformation d’une forme d’énergie en
une autre entraîne des dégradations sous forme de chaleur inutilisée, de
même que le transport de l’électricité sur les réseaux entraîne à son tour des
pertes6. C’est pourquoi la quantité d’énergie primaire est toujours plus
importante – voire beaucoup plus importante – que l’énergie finale livrée au
consommateur d’énergie.

6
Le second principe de la thermodynamique explique que des dégradations surviennent lors de la
transformation d’une forme d’énergie en une autre.
L’industrie quant à elle vient du lat. industria, activité, application,
assiduité. Elle désigne donc l’ensemble des activités économiques consacrées
à l’extraction, à la production et à la transformation des richesses.
Industrie lourde désigne en général les activités nécessitant, pour
exister, l'emploi d'outils et de capitaux très importants 7. Il n'existe pas de
liste officielle des activités considérées comme faisant partie de l'industrie
lourde. On peut cependant considérer les secteurs liés à la production ou la
transformation de matières premières comme les mines, la métallurgie, la
papeterie et la chimie de première transformation comme étant des exemples
de ce que l'on classe couramment dans l'industrie lourde. Certaines activités
à dominante mécanique ou électrique comme la construction navale ou la
production d'électricité sont également de bons exemples.

CHAPITRE I : L’Objet du Droit de l’Industrie et de l’Energie

Section 1 : L’Identification du droit de l’énergie


L’existence d’un droit de l’industrie et de l’énergie pourrait être attestée
empiriquement en constatant que, depuis quelques années, des cours de
droit de l’énergie et/ou de l’industrie sont dispensés dans les universités et
que des diplômes spécialement dédiés y sont même délivrés.
L’objet du droit de l’énergie est en effet tout à la fois plus restreint et
plus vaste que l’énergie au sens physique du terme. Il est d’abord plus
restreint car le droit n’a pas vocation à s’intéresser à toutes les
manifestations du concept physique d’énergie. Il est bien évident que le droit
n’a cure, par exemple, de l’énergie potentielle contenue dans un livre et de
l’énergie cinétique qu’il pourrait dégager en tombant sur le sol, sauf à ce qu’il
puisse par extraordinaire provoquer un dommage à cette occasion (dont la
réparation n’impliquerait pas, au demeurant, l’existence d’un régime de
responsabilité spécifique ; le dommage serait considéré comme étant le fait
du livre plutôt que celui de l’énergie). En première approximation, seules les

7
Les outils étant dimensionnés pour produire, au moindre coût, de grandes quantités de produits, l'achat des
matières premières devient un enjeu essentiel de la performance économique. On peut constater que le prix
d'achat du baril de pétrole représente la moitié du prix du fioul lourd sur le marché domestique européen. La
faible valeur ajoutée est donc une caractéristique essentielle de l'industrie lourde, qui privilégie alors la
quantité pour trouver des marges acceptables
formes d’énergie présentant une utilité pour l’homme, sources de richesse
ou, à l’inverse, sources potentielles de dommages, ont vocation à intéresser
le droit.
Au demeurant, même lorsqu’il s’intéresse aux manifestations du
concept physique d’énergie, il le fait parfois avec un certain embarras, le
droit éprouvant quelques difficultés à appréhender l’énergie en tant que telle,
comme le démontrent les discussions sur la nature juridique de l’énergie.
L’énergie en tant que phénomène physique, exprimant une grandeur, la rend
en effet impalpable, de sorte que la question de sa nature juridique, qui s’est
essentiellement posée par la voie de la question de la nature juridique de
l’électricité, a toujours fait l’objet de quelques hésitations, qui n’ont pas
complètement disparu aujourd’hui. Ainsi, les juges ont pu estimer, aux
débuts de l’usage de l’électricité, qu’elle constituait une « force immatérielle »,
ce qui avait pour conséquence de l’exclure de l’application de règles
juridiques qui avaient été édictées essentiellement en considération du
monde corporel. Il en fut ainsi, par exemple, en matière pénale au sujet du
vol, ou en matière civile au sujet de la responsabilité du fait des choses.
Pourtant, en réalité, il faut bien admettre que l’électricité n’est pas, en droit,
une chose immatérielle : si l’on peut admettre qu’elle paraisse quelque peu
évanescente, car elle n’est pas forcément visible à l’œil nu, elle n’en fait pas
moins partie du monde physique, et non du monde des idées. Il ne s’agit pas
d’une construction intellectuelle mais bien d’une réalité physique tangible,
ce que la jurisprudence a finalement reconnu.
En matière pénale, la Cour de cassation a admis le vol d’électricité au
début du XXe siècle8, alors que la doctrine émettait encore les plus grandes
réserves, estimant que l’électricité aurait un caractère incorporel et ne ferait
pas partie de ces « choses » susceptibles de soustraction au sens du droit
pénal. Les hésitations sur la nature juridique de l’énergie ne se sont
cependant pas complètement taries. On en veut pour preuve les termes de
l’article 319(1) du Code pénal selon lequel « la soustraction frauduleuse

8
Cass. crim., 3 août 1912, D. 1913, 1, 439 (admettant que l’électricité « est livrée par celui qui la produit à
l’abonné qui la reçoit pour l’utiliser ; qu’elle passe, par l’effet d’une transmission, qui peut être matériellement
constatée, de la possession du premier dans la possession du second ; qu’elle doit, dès lors, être considérée
comme une chose, au sens de l’article 379 du Code pénal, pouvant faire l’objet d’une appréhension »).
d’énergie au préjudice d’autrui est assimilée au vol », ou de l’article
1245-2 du Code civil relatif à la responsabilité du fait des produits
défectueux, selon lequel « l’électricité est considérée comme un produit ».
Une telle formulation laisse songeur, car si l’électricité est « considérée
comme » un produit, cela semble bien vouloir dire qu’en réalité elle n’en
serait pas un (ce qui ne nous paraît pas justifié).
À l’inverse, le droit de l’énergie concerne bien plus que la seule énergie
au sens physique du terme. Le droit de l’énergie est en effet davantage le
droit du secteur de l’énergie que celui de l’énergie elle-même, bien qu’il
n’ignore évidemment pas cette dernière : aux yeux du droit, il s’agit avant
tout d’appréhender l’énergie en tant que phénomène social et de régir toutes
les ressources et activités qui permettent à l’homme de bénéficier des utilités
de l’énergie. Le droit de l’énergie a ainsi pour objet l’ensemble des règles
propres aux sources d’énergie, aux différentes étapes de la chaîne
énergétique, ainsi qu’aux économies d’énergie.

Section 2 : le domaine du droit de l’énergie


A- Le droit de l’énergie régit les sources d’énergie
Le droit de l’énergie régit d’abord, sur tous les points qui le méritent,
les sources d’énergie. Celles-ci présentant des caractéristiques très variables,
le régime juridique applicable est lui-même très différent d’une source à une
autre. Ainsi, les sources fossiles posent la question de leur appropriation,
alors que des sources renouvelables comme l’air ou le rayonnement solaire
par exemple, dont on peut difficilement envisager qu’elles puissent être
l’objet d’une telle appropriation, ne peuvent être pensées qu’en termes
d’accès à la ressource.
Il n’y a ainsi rien de comparable entre la question de la recherche et de
l’exploitation d’une mine de charbon ou de pétrole, largement régie par le
droit minier, et celle de l’accès au rayonnement solaire. Quoi qu’il en soit de
cette diversité, le droit de l’énergie a en premier lieu vocation à régir les
questions liées à l’accès, à l’appropriation – lorsqu’une telle appropriation est
concevable – et à l’exploitation des sources d’énergie.
B- Le droit de l’énergie régit les différentes étapes de la
chaîne énergétique
Le droit de l’énergie régit les différentes étapes de la chaîne
énergétique. Le droit de l’énergie s’intéresse, plus largement, aux différentes
étapes de la chaîne énergétique et à l’ensemble des activités qui l’émaillent,
des activités d’exploration jusqu’à l’utilisation finale, en passant par les
activités de production, de traitement (raffinage...), de stockage, de
transport, de fourniture et de négoce, auxquelles il convient encore d’ajouter
les étapes ultimes du démantèlement des installations (de production
notamment) et de la remise en état des sites les ayant accueillies, ainsi que
la gestion des déchets que l’ensemble de cette chaîne énergétique est
susceptible de générer.
Le droit de l’énergie a donc vocation à régir tous les aspects de cette
chaîne qui méritent d’être spécialement réglementés. Il convient cependant
d’apporter deux précisions.
La première est que ces différentes étapes de la chaîne énergétique se
retrouvent en tout ou partie selon les filières énergétiques 9. C’est ainsi, par
exemple, que les activités d’exploration concernent essentiellement les
énergies fossiles10, qui impliquent de rechercher les gisements qui seront, le
cas échéant, commercialement exploitables. Dans le même esprit, le
stockage concerne moins l’électricité que le pétrole ou le gaz, car elle n’est,
en l’état des techniques économiquement exploitables, pas stockable à
grande échelle (elle pourrait cependant le devenir prochainement, du fait des
nombreuses recherches menées en la matière). La teneur de la chaîne
énergétique, et par conséquent l’ampleur des questions juridiques soulevées,
diffère donc d’une filière à une autre.
La deuxième remarque tient au fait que, du fait de cette diversité des
filières énergétiques, les différentes étapes de la chaîne énergétique, même
lorsqu’elles sont communes aux diverses filières, font néanmoins souvent

9
Une filière énergétique peut être définie comme « une articulation cohérente de technologies, de capitaux et
de marchés, depuis la production en amont de la ressource primaire jusqu’à la satisfaction à l’aval du besoin
final », CHEVALIER J.-M., Les 100 mots de l’énergie, PUF, 2e éd., 2010, nº 18.
10
Les énergies renouvelables sont cependant parfois concernées, en particulier la géothermie, les gîtes
géothermiques étant qualifiés de mines par le Code minier et relevant ainsi de ce dernier
l’objet de règles distinctes. Par exemple, la question du transport de l’énergie
et des produits énergétiques forme un objet protéiforme, car il y a peu en
commun entre le transport de l’électricité qui consiste à faire transiter celle-
ci sur des réseaux électriques, et le transport de pétrole ou de produits
pétroliers qui peut par exemple s’effectuer par navire. Les diverses
législations applicables sont en outre plus ou moins disertes sur certains
aspects. Ainsi, la législation nucléaire traite avec soin de la question sensible
des déchets radioactifs, alors que la législation applicable aux autres filières
est, pour l’heure, très peu développée sur la question des déchets, alors
même que la problématique des déchets se pose, notamment celle des
déchets de démantèlement, certes d’une manière moins aiguë qu’au sujet
des déchets radioactifs.
Ce que le droit appelle « production d’énergie » n’est jamais rien d’autre
que la transformation d’une forme d’énergie en une autre (par exemple, dans
une centrale hydroélectrique, la transformation de l’énergie cinétique de la
chute d’eau en énergie électrique). Le vocabulaire juridique, pour
s’approprier les concepts physiques, doit parfois prendre quelques
raccourcis.
C- Le droit de l’énergie régit les économies d’énergie.
Le droit de l’énergie s’intéresse enfin aux économies d’énergie, bien que
cette préoccupation soit beaucoup plus récente que les autres aspects du
droit de l’énergie. Le droit de l’énergie a d’abord été pensé comme un droit
applicable à des ressources et à un système productif : le droit applicable
aux sources d’énergie et à leur exploitation, en somme. Les préoccupations
modernes de sécurité de l’approvisionnement et, surtout, de lutte contre le
changement climatique ont cependant provoqué un changement de
perspective, conduisant à envisager les économies d’énergie, autrement dit la
réduction de la consommation d’énergie, comme un objectif prioritaire, que
le droit lui-même doit promouvoir.

CHAPITRE II : Le visage actuel de l’encadrement juridico-

institutionnel du secteur de l’énergie


En Afrique subsaharienne, nous assistons actuellement à la révision
des textes relatifs au secteur de l’énergie. Un véritable phénomène de
codification du secteur de l’énergie (Section 1) est visible avec des contenus
quasi semblables d’un pays à l’autre (section 2).
Section 1 : La progressive codification des sources du droit et du cadre
institutionnel du secteur de l’énergie

Cette codification (Paragraphe 1) observée dans le secteur de l’énergie


concerne les sous-secteurs de l’électricité, du gaz et du pétrole. On constate
également une sorte de convergence concernant l’encadrement institutionnel
du secteur de l’énergie (Paragraphe 2).
Paragraphe1 : La codification des sources du droit de l’énergie
D’entrée de jeu, il convient de distinguer clairement l’énergie en tant
que bien, c’est-à-dire comme chose susceptible d’appropriation, des sources
d’énergie, c’est-à-dire des matières premières ou phénomènes naturels
permettant de dégager de l’énergie (pétrole, charbon, bois, gaz, etc…).
Puisque l’énergie peut subir un cycle de transformations plus ou moins long
et faire l’objet d’usages variés, ce bien fait l’objet d’une réglementation
particulière. C’est dans ce sens que l’on parle du droit de l’énergie. Pour une
approche analytique, une distinction sera donc faite entre les sources du
droit de l’énergie primaire (A) et celles du droit de l’énergie finale(B).
A. Les sources du droit de l’énergie primaire
Les sources du droit de l’énergie primaire 11 renvoient principalement
aux textes encadrant le régime de l’exploration et de l’exploitation de ces
matières premières, généralement fossiles comme le pétrole, le gaz ou le
charbon. L’Afrique détient une part très importante des réserves mondiales
d’hydrocarbures. Compte tenu de l’importance stratégique et du caractère
régalien de cette source d’énergie, les Etats africains ont pris le soin de la
réglementer, particulièrement à travers des codes pétroliers ou des lois
portant régime des hydrocarbures dès leur accession à l’indépendance.

11
L’énergie primaire est l’ensemble des produits énergétiques non transformés, exploités directement ou
importés. Ce sont principalement le pétrole brut, les schistes bitumineux, le gaz naturel, les combustibles
minéraux solides, la biomasse, le rayonnement solaire, l’énergie hydraulique, l’énergie du vent, la géothermie
et l’énergie tirée de la fission de l’uranium.
L’exploration et l’exploitation du charbon 12 relèvent du code minier ou des
lois minières des États d’Afrique subsaharienne.
En clair, les sources d’énergie primaire sont régies en Afrique
subsaharienne à travers trois outils principaux : le code minier pour
l’exploration et l’exploitation du charbon, le code pétrolier ou les lois portant
régime des hydrocarbures pour ce qui Le gaz naturel en amont quant à lui
est régi par le code pétrolier ou les lois portant régime des hydrocarbures, et
en aval, il est régi par les codes gaziers ou les lois particulières s’appliquant
à sa commercialisation et à sa distribution.
B- . Les sources du droit de l’énergie finale
L’énergie finale est l’ensemble des énergies délivrées prêtes à l’emploi
par l’utilisateur final13. Dans plusieurs pays subsahariens, le cadre juridique
de l’énergie électrique (énergie finale par excellence) est organisé par les
codes de l’électricité ou les lois régissant les activités du secteur de
l’électricité. Il existe aujourd’hui une tendance généralisée à l’adoption de
textes spécifiques au secteur de l’énergie électrique en Afrique. Les pays
ayant déjà adopté des codes de l’électricité sont notamment le Niger 14, le
Cameroun15, la République centrafricaine16, etc…
Le cadre juridique de la commercialisation et de la distribution du gaz
quant à lui est organisé par des codes gaziers dont l’adoption a tendance
à se généraliser ces derniers temps. On note notamment l’adoption récente
d’un code gazier au Cameroun17 et l’élaboration en cours du futur code
gazier ivoirien.
Sur le plan macroéconomique, relevons que les entreprises
investissant dans le secteur de l’énergie bénéficient d’importants avantages
prévus par les codes relatifs aux investissements des différents Etats
d’Afrique subsaharienne. Les investissements dans ce secteur sont classés

12
Le charbon, ressource naturelle, doit être distingué du charbon de bois. Le charbon tel qu’évoqué dans notre
étude s’entend alors de toute ressource énergétique généralement sous de la houille ou du lignite.
13
Il s’agit de l’énergie disponible, livrée au consommateur pour sa consommation finale (essence à la pompe,
électricité au foyer,...). Cette forme d’énergie est assimilée à l’énergie secondaire entendue comme celle
obtenue par la transformation d’une énergie primaire (en particulier électricité d’origine thermique).
14
Niger, Loi n° 2003-04 du 31 janvier 2003 portant Code de l’électricité.
15
Cameroun, Loi n° 2011/022 du 14 décembre 2011 régissant le secteur de l’électricité.
16
République centrafricaine, Ordonnance n° 001/05 du 1er janvier 2005 portant Code d’Électricité.
17
Loi n° 2002/013 du 30 décembre 2002 portant Code gazier camerounais.
prioritaires et encouragés par l’Etat qui a créé un cadre institutionnel idoine
à cet effet.
Paragraphe 2 : L’encadrement institutionnel du secteur de
l’énergie
La réalité institutionnelle du secteur de l’énergie en Afrique
subsaharienne est dominée par un nombre impressionnant d’organes dont
certains ont une compétence plus ou moins régionale ou continentale.
Malgré la complexité de l’Afrique, il est possible de dessiner les grands traits
du cadre institutionnel de ce secteur, même si la géographie des sources
d’énergie ne correspond en aucune façon aux frontières politiques.
A- Au niveau continental
Les Etats africains ont véritablement pris conscience en 1980 de la
situation énergétique préoccupante du continent. Pour la première fois, la
Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA, réunie à Lagos
(Nigeria) en avril 1980, a adopté un plan intitulé « Plan d’Action de Lagos »
(PAL), dans lequel les principaux problèmes énergétiques que connaît
l’Afrique avaient été identifiés, en proposant des actions à court, moyen et
long terme pour y remédier. Pour mettre en œuvre ce PAL, la Conférence de
Lagos a perçu l’impérieuse nécessité de se doter d’un cadre institutionnel
approprié et a ainsi entériné la recommandation relative à la création
urgente de la Commission Africaine de l’Energie. La Commission Africaine de
l’Energie, créée à Lusaka le 11 juillet 2001, est donc une structure
continentale africaine chargée d’assurer, de coordonner et d’harmoniser la
protection, la conservation, le développement, l’exploitation rationnelle, la
commercialisation et l’intégration des ressources énergétiques sur le
continent africain. Cependant, les effets concrets de la création de cette
commission ne sont pas encore visibles.
B- Au niveau régional
L’actualité en matière énergétique est marquée par l’émergence des
politiques de collaboration à l’échelle continentale et régionale. Ces
politiques
sont certes bienvenues, mais encore inefficientes. L’on recense en effet
l’existence de cinq pools énergétiques couvrant les 54 pays africains :
COMELEC18, SAPP19, WAPP20, PEAC21, EAPP22.
La création de ces programmes est justifiée par l’inégalité manifeste dans la
distribution de l’énergie à travers le continent : le pétrole et le gaz sont
concentrés dans le nord et l’ouest du continent, le potentiel hydroélectrique
dans l’est et le centre, et le charbon dans le sud. Conscients de cet état de
fait, les États africains ont décidé de mettre en place des programmes
spécifiques ayant pour vocation de faciliter et d’améliorer l’intégration totale
des systèmes d’énergie en Afrique. Les différents pools énergétiques créés ont
pour vocation de garantir une solidarité entre les pays adhérents pour leur
approvisionnement en énergie électrique principalement. Cette solidarité
doit se concrétiser par des possibilités d’importation, d’exportation et de
transit d’énergie électrique vers les pays déficitaires.

C- Au niveau national
On assiste cependant à une dispersion des institutions en charge du
secteur de l’énergie. Selon les pays, le ou les ministère(s) en charge de
l’énergie et d’autres structures ont été créées en fonction des besoins ou de
politiques spécifiques. Dans la plupart des États, le ministère de l’énergie est
responsable de la planification et de la mise en œuvre des politiques
publiques en matière d’énergie.
Ce cadre institutionnel est généralement défini par la loi ou un texte
réglementaire. Au Kenya par exemple, il est défini par la Energy Act n°12.
La régulation, le contrôle et le suivi des activités des opérateurs et
exploitants du secteur de l’énergie est quant à elle généralement confiée à

18
Comité maghrébin de l’électricité. Cette communauté est composée de la Mauritanie, du Maroc, de l’Algérie,
de la Tunisie et de la Libye et couvre un territoire de 6 048 141 km2 avec une population de 85 millions
d’habitants.
19
South Africa Power Pool. Ce pool regroupe le Botswana, Mozambique, Malawi, Angola, l’Afrique du Sud,
Lesotho, Namibie, la République Démocratique du Congo, Swaziland, Tanzanie, Zambie et le Zimbabwe
20
West Africa Power Pool. Ce pool regroupe 14 pays dont le Sénégal, le Mali, la Guinée-Bissau, la Guinée, la
Gambie, le Burkina Faso, le Liberia, la Sierra Leone, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo, le Benin, le Nigéria et le
Niger. Cette communauté couvre une population de 250 millions d’habitants et avec une prévision de 380
millions en 2020
21
Pool énergétique de l’Afrique centrale. Le PEAC, institué en 2003 par les ministres de l’énergie de la CEEAC,
compte 10 pays, à savoir : l’Angola, le Burundi, le Cameroun, la République Centrafricaine, le Tchad, la
République du Congo, la République Démocratique du Congo, le Gabon, la Guinée Équatoriale et Sao
Tome/Principe.
22
East Africa Power pool
une autorité administrative indépendante dont l’appellation varie en fonction
des pays23. Cette tendance est généralisée en Afrique subsaharienne aussi
bien dans les pays de culture anglophone que francophone. La gestion du
patrimoine de l’État dans le secteur de l’électricité est souvent assurée par
une entité indépendante24.
Section 2 : contenu du droit de l’énergie en Afrique subsaharienne
L’analyse des différents codes relatifs au secteur de l’énergie met en
exergue une convergence des contenus : service public de l’énergie (I),
principe de préférence nationale (II) et protection des droits des investisseurs
(III).
I- La généralisation de l’institution du service public de l’énergie
Les États africains face à leurs déficits de moyens techniques et
financiers pour optimiser l’exploitation directe de leurs ressources
énergétiques, se sont concentrés sur quelques fonctions souveraines de
contrôle. À ce titre, ils ont imposé des obligations de service public aux
acteurs privés appelés à exploiter ces ressources. De la lecture des codes ou
des textes adoptés après les années 2000 relatifs au secteur de l’énergie en
Afrique subsaharienne, se dégage une tendance générale à l’organisation
d’un véritable service public de l’énergie, particulièrement dans le domaine
de l’énergie finale, notamment le sous-secteur de l’électricité. La majorité des
codes de l’électricité disposent que « les contrats de concession, les
licences et les autorisations prévus par la présente loi déterminent
l’étendue des obligations de service public »25.
Au titre de ces obligations de service public, on relève notamment
l’obligation de :
- garantir un approvisionnement permanent et continu pour la
sécurisation de la fourniture en énergie électrique dans les meilleures
conditions de qualité et de prix ;

23
Dans certains Etats, on a des Commissions de l’énergie et dans d’autres, des autorités de régulation. Les
Commissions sont majoritaires dans les pays de tradition juridique anglo-saxonne et les autorités de régulation
dans les pays à tradition juridique latine.
24
Au Cameroun par exemple c’est l’entreprise EDC qui gère ce patrimoine pour ce qui est du sous-secteur de
l’électricité. La société Nationale des Hydrocarbures pour les sous-secteurs pétrole et gaz.
25
Art. 6 loi N° 2011/022 du 14 décembre 2011 régissant le secteur de l’électricité au Cameroun
- assurer le respect des principes d’égalité de traitement et
d’accès aux services de l’électricité sur l’ensemble du territoire ;
- assurer la desserte sur le territoire national selon l’adaptabilité
et l’acceptabilité du service de l’électricité que l’intérêt général peut
raisonnablement commander ;
- rationaliser la production, le transport et la distribution par la
maîtrise de la demande d’énergie, la gestion optimale des ressources et
des choix technologiques futurs, en accord avec les politiques de
développement du secteur de l’énergie.
Ces obligations sont pratiquement reprises dans les codes d’électricité
des autres États d’Afrique subsaharienne 26, ce qui est un marqueur
significatif de l’harmonisation substantielle des visions législatives. C’est
justement pour garantir l’accomplissement de ces missions de service public
que les législateurs africains imposent aux acteurs économiques, candidats
à une concession27 ou à une autorisation d’exploitation dans le secteur de
l’énergie, d’avoir une certaine expérience. C’est ainsi que la quasi-totalité des
codes pétrolier, gazier ou d’électricité exigent que les opérateurs admis à
exploiter les ressources énergétiques disposent d’une solidité financière,
technique et juridique certaine28. L’intégration des acteurs locaux dans le
circuit économique du secteur de l’énergie est également prise en compte.
II- Le recours aux principes de préférence nationale ou local
content
Le législateur camerounais, qui a adhéré lui aussi au principe de
préférence nationale29 dans le secteur de l’énergie, définit le « contenu
local » comme l’« ensemble d’activités axées sur le développement des
capacités locales, l’utilisation des ressources humaines et matérielles
locales, le transfert de technologie, l’utilisation de sociétés industrielles et de

26
La loi n° 2003-04 du 31 janvier 2003 portant Code nigérien de l’électricité, art 5 ; cf. également les articles 5 à
7 du Code centrafricain de l’électricité.
27
Contrat au terme duquel par lequel un opérateur est habilité à exercer les activités de transport et de
distribution de l’energie.
28
Lire art. 16 du Décret d’application du Code pétrolier camerounais ainsi que l’article 34 du Code camerounais
de l’électricité.
29
Lire art. 66 du Code gazier camerounais qui dispose : «Les sociétés gazières ainsi que leurs sous-traitants sont
tenus d’accorder une préférence aux sociétés de droit camerounais pour les contrats de construction, de
fourniture de services, de matériaux, d’équipements et de produits liés aux opérations gazières… ».
services locaux, et la création de valeurs additionnelles mesurables à
l’économie locale »30. Le local content est donc la nouvelle trouvaille des
législateurs africains du secteur de l’énergie en particulier ou plus
généralement de l’activité économique. L’article 62 du Code gazier
camerounais est très précis sur le périmètre de cette notion : « La mise en
valeur des ressources gazières nationales doit être accompagnée d’un volet «
contenu local » qui précise les retombées des projets gaziers retenus sur le
développement économique, social, industriel et technologique du Cameroun
».
Ce principe est susceptible de recevoir des applications dans plusieurs
secteurs de l’économie comme c’est déjà le cas au Nigéria et au Cameroun
depuis la promulgation de la loi portant publication du code d’incitation aux
investissements.
En pratique, la règle du contenu local, qui constitue une contrainte
pour les investisseurs étrangers, oblige l’entreprise qui désire investir à
utiliser les ressources de la zone d’investissement (pour créer des emplois)
en limitant le pourcentage de contenu étranger. Cette règle, qui est utilisée
par les pays en développement pour obtenir des transferts de technologies,
vise à garantir une participation croissante des nationaux dans les activités
économiques mises en œuvre dans leur pays.
III- L’engagement à protéger les droits économiques des
investisseurs
L’analyse substantielle des différents instruments juridiques relatifs
au secteur énergétique en Afrique subsaharienne atteste de l’adhésion plus
ou moins prononcée des législateurs à la protection des droits économiques
des investisseurs dans le secteur de l’énergie.
Les droits acquis des opérateurs privés dans l’exploitation de ces
ressources doivent également être protégés. La lecture des codes
d’investissement (généraux et sectoriels) des États d’Afrique subsaharienne
permet de relever un net attachement du législateur à protéger les
investissements privés nationaux et étrangers d’où l’institution des organes
compétents, voués à l’accompagnement des investisseurs dans le secteur de

30
Art. 3 Loi N° 2012/006 du 19 Mars 2012 portant Code gazier du Cameroun.
l’énergie comme dans d’autres secteurs. De même, conscient des faiblesses
du système judiciaire, le législateur reconnaît également le droit à
l’investisseur de pouvoir choisir son mode de règlement des différends qui
pourraient se poser dans le cadre de leurs activités. Avec les garanties de
stabilisation fiscale et contractuelle dans le sous-secteur pétrolier par
exemple, le législateur laisse également la latitude aux parties aux contrats
pétroliers de pouvoir négocier librement les « clauses de stabilisation des
conditions économiques et fiscales relatives à la rentabilité des
investissements »31

31
Lire 12 code pétrolier camerounais. Ce dernier texte dispose que : « durant la validité du contrat pétrolier, le
titulaire du permis peut bénéficier de la stabilisation des régimes juridique et fiscal applicables au Contrat
pétrolier ».
CHAPITRE III : LES TYPES D’INDUSTRIES

Il sera question ici de procéder à une classification des différentes


industries existant dans le monde ceci du fait que les industries
interviennent dans de si nombreux domaines qu'il est difficile d'en faire un
classement. Il existe cependant de nombreuses classifications industrielles.
Et les critères retenus sont variés : On peut classer les industries par types
de produits (ou type de fabrication); par tonnages élaborés. La classification
peut aussi se fonder sur la destination du produit ou sur les techniques
employées.
Section I : Les Industries par types de produits

Ce critère permet d’avoir les industries suivantes : L’agroalimentaire,


la métallurgie, l’industrie Chimique, l’industrie pharmaceutique, les
industries du vêtement, les industries mécaniques, les industries
électroniques et enfin l’industrie informatique.

Paragraphe I : L’agroalimentaire et l’agro industrie


A- L’Agroalimentaire
On entend par industrie agro-alimentaire, l'ensemble des industries
de transformation des matières premières, d’origine végétale ou animale, en
produits destinés à l'alimentation humaine ou animale. Derrière cette
définition, apparemment simple, du secteur, il faut prendre en compte la
très grande hétérogénéité des produits et la complexité des relations au sein
des filières. Cette définition ne comprend pas dans son sens strict ni les
producteurs de matières premières, ni les activités périphériques engrais,
machines agricoles, services spécifiques.
Par denrée alimentaire, il faut retenir la définition suivante : toute
substance ou produit, transformé, partiellement transformé ou non
transformé, destiné à être ingéré ou raisonnablement susceptible d’être
ingéré par l’être humain.
B- L’agro-industrie
Ensemble des activités concernant les produits destinés à
l’alimentation humaine, de l’exploitation agricole au commerce de détail,
comportant aujourd’hui un secteur industriel important de fabrication de
denrées alimentaires. C’est la raison pour laquelle on dit que
l’agroalimentaire est une variante de l’agro-industrie. Secteur récent, que
l’on peut dater de la fin du XVIIIème siècle, avec la première révolution
industrielle britannique, l’industrie agroalimentaire est longtemps restée
limitée à une première transformation des produits bruts, suivie d’une
revente aux transformateurs secondaires artisanaux, boulangers, par
exemple. Elle a aujourd’hui considérablement étendu son emprise, aux
dépens du secteur traditionnel et du commerce de détail, par la
commercialisation dans la grande distribution de produits finis, de plats
préparés, etc. En France, l’industrie agroalimentaire représente aujourd’hui
le premier secteur industriel.

Paragraphe II : La métallurgie et l’industrie Chimique


A- La Métallurgie
La métallurgie : c’est la science des matériaux qui étudie les métaux,
leurs élaborations, leurs propriétés, leurs traitements. Par extension, on
désigne ainsi l’industrie de la fabrication des métaux et des alliages 32 qui
repose sur la maîtrise de cette science.
Les métaux sont des corps simples, solides cristallins, caractérisés par
une importante conductivité thermique et électrique, un éclat « métallique »
et une tendance très nette à former des cations 33. Les métaux les plus
connus sont l'aluminium, l'argent, le baryum, le béryllium, le bismuth, le
cadmium, le calcium, le cérium, le chrome, le cobalt, le cuivre, l'étain, le fer,
le lithium, le magnésium, le manganèse, le mercure, le molybdène, le nickel,
l'or, le palladium, le platine, le plomb, le potassium, le radium, le sodium, le
32
Un alliage est un produit métallique obtenu par incorporation d'un ou de plusieurs éléments à un métal. Les
alliages du mercure avec d'autres métaux sont appelés amalgames.
33
Les cations sont des ions portant une charge électrique positive.
titane, le tungstène, l'uranium, le vanadium et le zinc. Les métaux peuvent
se combiner les uns avec les autres, ainsi qu'avec d'autres éléments. Ils
forment alors des composés ou des solutions solides.

B- L’industrie Chimique
Partant du postulat selon lequel la chimie est la science qui étudie la
matière et ses transformations, nous dirons que l’industrie chimique a pour
objet la transformation de composés en produits chimiques qui répondent à
un besoin. Elle comporte deux volets : la chimie lourde, qui fabrique tous
les produits de base de la chimie ; et la chimie fine, qui utilise les
produits de la chimie lourde pour synthétiser les produits finis utilisés
par l’homme.

Section II : LES INDUSTRIES EN FONCTION DE L’IMPORTANCE


DES TONNAGES ELABORÉS
Ce critère permet de distinguer d’une part les industries lourdes
(paragraphe 1) et d’autre part les industries légères (paragraphe 2).
Paragraphe1 : Les industries lourdes
L’expression industrie lourde désigne en général les activités
nécessitant, pour exister, l'emploi d’outils (exemple, en sidérurgie,
l'investissement lié à la construction d'une usine « standard » de tôles brutes
à partir de minerai, d'une capacité de 5 millions de tonnes par an, peut
atteindre des millions. Le montant de ce « ticket d'entrée » implique donc
souvent une participation ou une protection de la part des États, tant pour
constituer que pour pérenniser un outil industriel) et de capitaux très
importants (Les outils étant dimensionnés pour produire, au moindre coût,
de grandes quantités de produits, l'achat des matières premières devient un
enjeu essentiel de la performance économique. On peut constater que le prix
d'achat du baril de pétrole représente la moitié du prix du fioul lourd sur le
marché domestique camerounais. La faible valeur ajoutée est donc une
caractéristique essentielle de l'industrie lourde, qui privilégie alors la
quantité pour trouver des marges acceptables. ).
Il n'existe pas de liste officielle des activités considérées comme faisant
partie de l'industrie lourde. On peut cependant considérer les secteurs liés à
la production ou la transformation de matières premières comme les mines,
la métallurgie, la papeterie et la chimie de première transformation comme
étant des exemples de ce que l'on classe couramment dans l'industrie lourde.
Certaines activités à dominance mécanique ou électrique comme la
construction navale ou la production d'électricité sont également de bons
exemples.
Paragraphe 2 : Les industries légères
Nous ferrons l’économie des développements ici du fait que l’industrie
légère permet la transformation des produits de l’industrie lourde en
produits semi-finis et en produits finis.

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