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Cours de Droit de la Propriété Intellectuelle

ISDD 2022

INTRODUCTION

Pour être resté très longtemps absent des programmes académiques, le droit de la
propriété intellectuelle, était considéré, à juste raison, comme le parent pauvre des matières du
droit privé. Paradoxalement, étant le bras armé de l’innovation, la propriété intellectuelle occupe
pourtant une place importante dans l’économie moderne.
Ainsi, en présentant le rapport sur l’économie de l’immatériel au ministre de l’économie et des
finances de France, Maurice LEVY et Jean Pierre JOUYET affirmaient à titre liminaire qu’« Il
est une richesse inépuisable source de croissance et de prospérité : le talent et l’ardeur des
femmes et des hommes »1. Ils partaient ainsi du constat d’un changement de l’économie par
l’avènement d’une nouvelle composante qui s’est imposée comme un moteur déterminant de la
croissance économique : l’immatériel. Au-delà des frontières de la France, ce phénomène est
devenu mondial.
En effet, cette idée consistant, en Afrique particulièrement, à reposer le succès économique d’une
nation sur la richesse en matières premières, les industries manufacturières et sur le volume du
capital matériel devient de moins en moins vrai.
Après tout, comme le disait Joseph KI-ZERBO : « Tout ce qui est valeur ajoutée est vecteur de
culture. Quand vous utilisez ces biens, vous entrez dans la culture de celui qui les a produits.
Nous sommes transformés par les habits européens que nous portons, par le ciment avec lequel
nous construisons nos maisons, par les ordinateurs que nous recevons. Tout cela nous moule,
alors que nous envoyons dans les pays du Nord le coton, le café ou le cacao brut qui ne
contiennent pas de valeur ajoutée spécifique. Autrement dit, on nous confine dans des zones où
nous produisons et gagnons le moins possible. Et notre culture a moins de chances de se diffuser,
de participer à la culture mondiale 2 »

1
M. Lévy et J.-P JOUYET, L’économie de l’immatériel – la croissance de demain, Rapport de la
commission de l’économie de l’immatériel, nov. 2006, La Documentation française, 2007

2Joseph KI-ZERBO, A quand l’Afrique ? Entretien avec René Holenstein, Le Livre équitable,
Prix RFI Témoin du monde 2003 :
1
Dans ce contexte, nous assistons à un développement fulgurant d’un nouveau type de propriété
dite intellectuelle. De nos jours, en effet, « La propriété intellectuelle est désormais partout. »3.
A titre d’illustration et pour paraphraser Bernard REMICHE « si vêtu d’une chemise portant un
crocodile, vous lisez un roman récent, installé dans un fauteuil design en mangeant un « Mac
Donald » et en buvant un bordeaux cru bourgeois et, qu’ensuite, vous prenez une pilule pour
favoriser votre digestion, vous avez côtoyé l’essentiel des droits intellectuels : la marque
protégeant votre « crocodile », le droit d’auteur se chargeant de la protection de l’œuvre lue, les
dessins et modèles faisant de même avec le fauteuil, tandis que le droit des marques revient en
protection du hamburger et que le bordeaux fait appel aux appellation d’origine pour être
protégé. Quant à la « pilule digestive », elle a recours au droit des brevets »4.
Par définition, la propriété intellectuelle est le terme générique utilisé pour désigner la propriété
littéraire et artistique et la propriété industrielle. Il s’agit d’un monopole d’exploitation accordé à
l’inventeur ou à l’auteur d’un dessin ou modèle industriel soit le droit exclusif d’usage pour le
titulaire d’une marque ou d’une obtention végétale notamment. La particularité de la propriété
intellectuelle est liée au fait qu’elle porte sur un bien immatériel et est en soi difficile à
appréhender dans sa globalité. Ce qui rend difficile son encadrement légal.

Qu’est-ce qu’un bien intellectuel ?

Pour comprendre la notion de bien intellectuel, il faut se référer aux règles de droit civil, plus
précisément du droit des biens. Ainsi, selon François TERRE, le mot bien désigne dans un
premier sens les choses qui servent à l’usage de l’homme et permettent à celui-ci de satisfaire ses
besoins, soit directement en se servant d’elles, en recueillant leurs fruits, voire en les détruisant,
soit indirectement en les échangeant contre d’autres choses, plus propres à satisfaire ces besoins.
Toutefois, cette première approche qui renvoie plutôt aux objets corporels ou choses corporels ne
permet pas d’appréhender la notion de bien intellectuel. Une seconde acception, plus abstraite,
désigne par le mot « biens », les droits eux-mêmes qui portent sur les choses. Cette seconde

3
Michel VIVANT, « La privatisation de l’information par la propriété intellectuelle », Revue
internationale de droit économique 2006/4 (t.XX, 4) p. 361-388.

4
B. Remiche, « Le temps de la propriété intellectuelle », Louvain, 2006/164, p. 11.

2
approche qui a donné lieu à la distinction entre droits réels et droits personnels ne permet pas non
plus de comprendre la notion bien intellectuel.
Dans cet exercice, Nicolas BINCTIN, faisant une synthèse des différentes théories, définit le bien
intellectuel comme « une chose issue de l’imagination humaine dans l’exercice d’une activité
créative susceptible d’appropriation indépendante de tout support »5.
L’objet du droit de propriété intellectuelle est donc une chose incorporelle qui préexiste au droit
qui le consacre.
Le droit de la propriété intellectuelle apparaît dès lors comme un ensemble de règles qui
concourent à la préservation des droits immatériels.
Selon l’objet de la protection, la propriété intellectuelle est divisée en deux groupes : la propriété
industrielle et la propriété littéraire et artistique.

La propriété industrielle peut elle même être subdivisée en deux sous-groupes à savoir : les
créations à caractère technique et les signes distinctifs :

- Les créations à caractère technique : il s’agit du brevet, du modèle d’utilité, du dessin et


modèle industriel et du schéma de configuration des circuits intégrés.

- Les signes distinctifs : la marque, le nom commercial et l’indication géographique.

Définitions :
Le brevet d’invention est un titre délivré par l’autorité publique qui confère à son titulaire un droit exclusif
d’exploitation de l’invention qui en est l’objet. L’invention est une idée qui permet la solution d’un problème
particulier dans le domaine de la technique. Le brevet garantit à son titulaire la protection de l’invention pour
une durée de vingt (20) ans a compter de sa délivrance, sous réserve pour lui de payer la taxe de maintien en
vigueur chaque année.
Pour faire l’objet d’un brevet, l’invention doit : être nouvelle, impliquer une activité inventive et être
susceptible d’application industrielle

Le modèle d’utilité, également appelé « petit brevet », est un instrument de travail ou un objet destiné à
l’utilisation ou une partie de cet instrument pour autant qu’il soit utile au travail ou à l’usage auquel il est

5 Nicolas BINCTIN, Droit de la propriété intellectuelle, LGDJ, 2014, p.30


3
destiné grâce à une configuration nouvelle, à un arrangement ou à un dispositif nouveau et qu’il soit
susceptible d’application industrielle.
Pour être valablement protégé, le modèle d’utilité doit: présenter une configuration nouvelle ; être constitué
d’un arrangement ou un dispositif nouveau ; être susceptible d’application industrielle.
La durée de protection est de 10 (dix) ans à compter du depôt de la demande.

L’obtention végétale: est une variété végétale créée par l’homme.


Le système de protection s’applique à l’ensemble du règne végétal à l’exclusion des variétés sauvages. Mais, si
l’homme apporte une amélioration à ces variétés sauvages, l’obtention peut être protégée. La durée de
protection est de 25 ans après la date de sa délivrance. Sous réserve du payement d’une taxe annuelle.
Pour être protégée, l’obtention végétale doit être : nouvelle ; distincte ; homogène et stable ; faire l’objet d’une
dénomination.
Les dessins ou modèles industriels: sont des créations à caractère ornemental différentes des créations à
caractère technique en ce que leur objet et leur finalité sont esthétiques.
Le dessin ou modèle industriel est constitué par l’aspect ornemental ou esthétique d’un objet. Il peut consister
en des éléments tridimensionnels (exemple: la forme ou la texture de l’objet) ou bidimensionnels (exemple: les
motifs des lignes ou la couleur).
Pour faire l’objet d’une protection, le dessin ou modèle doit présenter une configuration nouvelle. La durée de
protection est de 5 ans a compter du dépôt de la demande renouvelable deux (02) fois.
Les dessins ou modèles industriels ont une nature hybride en ce qu’ils touchent à la fois à l’art et à l’industrie.
Ce dualisme a un impact sur le régime juridique de cette catégorie de biens intellectuels qui n’appartient pas à
un terrain juridique précis. Son régime est en effet à cheval entre le droit d’auteur et le droit de la propriété
industrielle.

La marque est un signe visible utilisé par une personne physique ou morale pour distinguer ses produits ou
services de ceux de ses concurrents. La durée de protection est de dix (10) ans à compter du dépôt de la
demande renouvelable ad vitam aeternam.
Pour être protégée, la marque doit remplir les conditions fixées par l’article 3, de l’Annexe III de l’A.B.R.
notamment : être distinctive ; être disponible ; ne pas être contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ; ne
pas être déceptive ; ne pas être illicite.

Le nom commercial est une dénomination sous laquelle une personne physique ou morale désigne l’entreprise
ou le fonds de commerce qu’elle exploite pour l’identifier dans ses rapports avec la clientèle. Il a un régime
juridique hybride puisque le droit nait tantôt de l’usage, tantôt de l’enregistrement.
La durée de protection du nom commercial est de dix (10) ans ) compter du dépôt avec une possibilité de
renouvellement sans limitation.

4
L’indication géographique est une mention précisant qu’un produit donné provient d’une aire géographique
déterminée, dans le cas où une qualité, réputation ou une autre caractéristique déterminée du produit peut être
attribuée essentiellement à cette origine géographique.
l’indication géographique est un signe distinctif qui permet d’attester que les produits extraits ou fabriqués
dans une aire géographique limitée présentent des caractéristiques spécifiques conformes à la tradition locale.
Exemples : vin de Bordeaux, miel blanc d’Okou, poivre blanc de Penja.
La durée de protection est illimitée tant que les conditions requises pour l’enregistrement sont remplies.

La propriété industrielle se distingue du secret de fabrique qui est « Tout procédé de fabrication
offrant un intérêt pratique ou commercial, mis en œuvre par un industriel et gardé secret à
l’égard des concurrents6 » et du savoir faire ou know-how qui est l’ensemble des connaissances
et expériences acquises directement applicables et servant à une industrie. Ces deux notions ne
confèrent pas un droit privatif et sont protégées par voie conventionnelle notamment par la
signature d’accords de confidentialité.
La propriété littéraire et artistique est, quant à elle, composée des droits d’auteur et des droits voisins.

Partant de ce qui précède, nous allons dans le cadre de ce cours, adopter une démarche quasiment
préconçue qui consistera à étudier successivement les deux grandes branches de la propriété
intellectuelle à savoir : la propriété littéraire et artistique (Chapitre 2) et la propriété industrielle
(Chapitre 3). Mais au préalable, il importe de nous imprégner dans le cadre d’une partie liminaire
des cadres légal et institutionnel (Chapitre 1) de la matière afin d’éviter de nous égarer dans des
développements fumeux.

Exercice :
A travers les exemples ci-après indiquez le domaine du droit de propriété intellectuelle approprié.
1. Jean Baptiste LOPES, un ex pensionnaire de l’ISDD passionné de lettres après avoir servi son pays dans
des stations très élevées, comme ministre de l’intérieur notamment, veut publier sous la forme d’un roman
autobiographique un livre retraçant tout son parcours.
2. Mamadou DIOUF s’assurer que le logo qu’il utilise pour commercialiser sa ligne de vêtements ne sera
imité par aucun concurrent
3. Un professeur en pharmacie qui a expérimenté avec succès un vaccin contre la COVID 19 veut bénéficier
d’un droit exclusif afin de recouvrer son investissement dans la recherche

6
Cass. Com. 29 mars 1935 gaz. Pal. 1935 (I) p. 928. ; cass. Crim. 29 juin 1960 Bull. Crim. 1960 p. 350

5
CHAPITRE 1 : Cadres légal et institutionnel de la propriété intellectuelle :
La protection et l’exercice des droits de propriété intellectuelle fait intervenir plusieurs acteurs,
mais également des textes épars contenus tant dans la législation nationale, communautaire
qu’internationale. Ainsi, nous nous intéresserons ici successivement aux cadres légal (Section 1)
et institutionnel (Section 2) de la propriété intellectuelle.

Section 1ère : Le cadre légal


Il est composé naturellement de textes de deux (02) catégories : les lois nationales (Paragraphe 1) et les
conventions internationales (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le cadre légal national


Le cadre légal national de la propriété intellectuelle est formé essentiellement par l’accord de
Bangui en ce qu’il prévoit expressément que « Les droits afférents aux domaines de la propriété
intellectuelle, tels que prévus par les annexes au présent Accord sont des droits nationaux
indépendants, soumis à la législation de chacun des Etats membres dans lesquels ils ont effet »7 et
la loi 2008-09 du 25 janvier 2008 sur les droits d’auteur et les droits voisins.
L’accord de Bangui a été adopté le 2 mars 1977 et régit la propriété intellectuelle au sein des dix-
sept (17) Etats membres de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle. Cet Accord sert
de loi nationale pour chacun des Etats. Il a fait l’objet d’une révision le 24 février 1999. Cette
révision avait pour but notamment de mettre la législation de l’OAPI en conformité avec les
conventions internationales notamment l’Accord sur les ADPIC. Il a encore été largement
modifié à travers l’acte de Bamako du 14 décembre 20158 dont l’entrée en vigueur des différentes
annexes est entrain de se faire progressivement. Il comporte dix (10) annexes fixant les
dispositions applicables, dans chaque Etat membre, en ce qui concerne :
• les brevets d’invention (Annexe I) ;
• les modèles d’utilité (annexe II) ;
• les marques de produits ou de services (Annexe III) ;
• les dessins et modèles industriels (Annexe IV) ;

7Article 3 1) Accord de Bangui


8Ce texte, en vertu des dispositions de l’article 43 l’Accord de Bangui, n’est pas encore entré
en vigueur. Il faut en effet un délai de deux mois après de dépôt des instruments de
ratification d’au moins deux tiers des membres pour que les nouvelles dispositions soient
applicables.
6
• les noms commerciaux (Annexe V) ;
• les indications géographiques (Annexe VI) ;
• la Propriété littéraire et artistique (Annexe VII),
• la protection contre la concurrence déloyale (Annexe VIII) ;
• les schémas de configuration (topographies) de circuits intégrés (Annexe IX) ;
• la protection des obtentions végétales (Annexe X entrée en vigueur le 1er janvier 2006).
La loi 2008-09 du 25 janvier 2008 sur les droits d’auteur et les droits voisins coexiste avec les
dispositions de l’annexe 7 de l’Accord de Bangui. Les deux (02) textes sont parfaitement
conciliables, mais en cas de contrariété ce sont les dispositions de l’annexe 7 de l’Accord de
Bangui qui auront vocation à s’appliquer. La loi sénégalaise, pour être très récente, prend en
compte les exigences de quasiment toutes les conventions pertinentes. En effet, tel qu’il ressort de
l’exposé des motifs de ce texte qui abroge et remplace la loi numéro 73-52 du 04 décembre 1973 il
fallait prendre en compte les exigences de la convention de Rome du 26 octobre 1961 sur la
protection des artistes interprètes et des producteurs de phonogrammes, de l’Accord ADPIC du 14
avril 1994 et des deux (02) Traités de l’OMPI respectivement sur le droit d’auteur (WCT) et les
interprétations et exécutions et les phonogrammes (WPPT).

Paragraphe 2 : Le cadre légal international


Le cadre légal international est constitué essentiellement des vingt-six (26) traités administrés par
l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle qui sont répartis en trois (03) catégories :
- Les traités de la première catégorie définissent les normes fondamentales, convenues à
l'échelon international, de la protection de la propriété intellectuelle dans chaque pays. Ils
sont au nombre de quinze (15). Dans cette catégorie on trouve la convention de Paris du 20
mars 1883 qui est le tout premier traité en matière de propriété industrielle, la convention
de Berne de 1886 qui concerne la propriété littéraire et artistique, la convention de Rome
du 26 octobre 1961 sur la protection des artistes interprètes et des producteurs de
phonogrammes.
- La deuxième catégorie regroupe des instruments connus sous le nom de traités
relatifs au système mondial de protection, qui permettent qu'un seul et même
enregistrement ou dépôt international produise ses effets dans plusieurs ou l'ensemble des
États parties à l'instrument pertinent. Les services assurés par l'OMPI en vertu de ces
instruments simplifient la procédure et réduisent les frais pour le déposant, en lui évitant

7
d'avoir à faire un dépôt ou une demande dans chacun des pays où il veut obtenir la
protection d'un droit de propriété intellectuelle donné. Dans cette catégorie on peut citer
comme exemple le traité de coopération en matière de brevet communément appelé PCT,
le système de Madrid constitué de l’Arrangement de 1891 et du protocole de 1989 pour
les marques et l’Arrangement de La Haye pour les dessins et modèles industriels adopté
en 1925.
- La troisième et dernière catégorie regroupe les traités de classification (Locarno
(DMI), Nice (Marques), Strasbourg (brevets) et Vienne (éléments figuratifs de la marque)
établissant des systèmes de classement qui organisent l'information relative aux inventions,
aux marques et aux dessins et modèles industriels en structures indexées, facilement
exploitables pour la recherche.
Sans être exhaustif, on peut ajouter à ces conventions administrées par l’Organisation Mondiale de
la Propriété Intellectuelle, l’Accord de L’Organisation Mondiale du Commerce sur les Aspects de
Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce communément appelé Accord
ADPIC. Adopté le 15 avril 1994 à Marrakech, cet Accord est le résultat des négociations
commerciales multilatérales du cycle d’Uruguay9, c’est le volet propriété intellectuel du Traité de
Marrakech. Tous les Etats membres de l’OAPI ont adhéré à l’Accord sur les ADPIC

Section 2 : Le cadre institutionnel :


La propriété intellectuelle fait intervenir plusieurs institutions tant à l’échelle nationale (Section 1)
qu’à celle internationale (Section 2).

Paragraphe 1 : Le cadre institutionnel national


Au plan national, nous avons essentiellement deux (02) institutions. Il s’agit de l’Agence
Sénégalaise de la Propriété Industrielle et de l’Innovation Technologique dite ASPIT et de la
Société des Droits d’Auteurs et Droits Voisins dite SODAV qui interviennent respectivement dans
les domaines de la propriété industrielle et de la propriété littéraire et artistique.
L’Agence Sénégalaise de le Propriété Industrielle et de l’Innovation Technologique dite ASPIT

9
Négociations commerciales multilatérales lancées à Punta del Este (Uruguay) en septembre 1986 et
achevées à Genève en décembre 1993. L'Acte final reprenant les résultats de ces négociations a été signé
par les Ministres à Marrakech (Maroc) en avril 1994

8
est issue du décret 2012-115 du 19 janvier 2012. Il s’agit d’une agence d’exécution qui est
rattachée au Ministère de l’Industrie. Ses missions tournent autour de promotion de la propriété
industrielle et de l’assistance aux inventeurs et innovateurs. Sa mission la plus marquante et qui
nous intéressera particulièrement dans le cadre de ce cours est celui de « servir de point focal au
Fonds d’Aide à la Promotion de l’Invention et de l’Innovation technologique (FAPI) et de
l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle et de collecter auprès des greffes des
tribunaux régionaux, pour transmission à l’OAPI, les demandes de protection des noms
commerciaux déposés auprès d’eux ».
La Société de Droits d’Auteurs et Droits Voisins dite SODAV, elle, est née sous les cendres du
Bureau Sénégalais des Droits d’Auteur (BSDA) qui était régi par la loi 72-40 du 26 mai 1972 et
qui disposait en son article 162 qu’elle serait abrogée à compter de la date de l’agrément de la
société de gestion collective. Se conformant ainsi à ce texte ainsi qu’à la loi 2008-09 du 25 janvier
2008, suivant décret 2016-322 du 07 mars 2016, le Sénégal a accordé l’agrément à la société de
gestion collective dite SODAV. En tant que société de gestion collective, elle a pour mission la
perception, la répartition et la gestion de tous les droits d’auteur et des droits voisins au Sénégal.

Paragraphe 2 : Le cadre institutionnel international


Au plan international, l’institution faîtière est l’Organisation Mondiale de la Propriété
Intellectuelle, mais au niveau régional nous avons, pour les pays francophone, l’Organisation
Africaine de la Propriété Intellectuelle.
- L’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle
Ses origines remontent à 1883 et 1886, années au cours desquelles furent adoptées la Convention
de Paris pour la protection de la propriété industrielle et la Convention de Berne pour la protection
des œuvres littéraires et artistiques, qui prévoient la création d'un "Bureau international". Les deux
bureaux ont été réunis en 1893 et, en 1970, ont été remplacés par l'Organisation Mondiale de la
Propriété Intellectuelle, en vertu de la Convention instituant l'OMPI.
- L’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle
Elle est née sous les cendres de l’Organisation Africaine et Malgache de la Propriété
Intellectuelle dite OAMPI qui regroupait 12 Etats membre instituée suivant l’accord de Libreville
du 13 septembre 1962. C’est cet accord qui a été révisé le 02 novembre 1977 à Bangui en Centre
Afrique pour donner naissance à l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle dite OAPI.
Elle regroupe dix-sept (17) Etats membres que sont : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Comores,

9
Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée Bissau, Guinée Conakry, Guinée Equatoriale, Mauritanie,
Mali, Niger, République Centre Africaine, Sénégal, Tchad, Togo.
L’OAPI a pour mission, en matière de propriété industrielle, de mettre en œuvre les procédures
administratives communes découlant du régime uniforme de protection de la propriété industrielle
ainsi que des stipulations des conventions internationales en ce domaine auxquelles les Etats
membres de l’OAPI ont adhéré et de rendre des services en rapport avec la propriété industrielle.
En matière de propriété littéraire artistique, l’organisation est chargée de contribuer à la promotion
de la protection, de susciter la création d’organismes d’auteurs nationaux notamment.

10
CHAPITRE 2 : La propriété littéraire et artistique
Comme nous l’avons dit plus haut, la propriété littéraire et artistique comprend les droits d’auteur
(Section 1) et les droits voisins (Section 2).

Section 1 : Les droits d’auteur


La protection des droits d’auteur obéit à des conditions précisées par les conventions pertinentes
et notre législation (Paragraphe 1) lesquelles une fois remplies feront naître au profit des
titulaires des droits moraux et un droit exclusif d’exploitation (Paragraphe 2) qui ne sont
toutefois pas absolus (Paragraphe 3).

Paragraphe 1 : Les principes et protection des droits d’auteur


Le droit d’auteur ne fait l’objet d’aucune définition légale. Ce droit protège toute œuvre
créée par l’homme qui présente un caractère original et qui a été mise en forme, de sorte qu’elle
n’est plus au stade de la simple idée qui n’est jamais protégeable. En effet, les idées sont « par
essence et par destination de libre parcours »10.
Il résulte dans ce sens des dispositions tant de l’annexe 7 de l’Accord de Bangui que de la
loi sénégalaise de 2008 que les droits d’auteur protègent « toutes les œuvres de l’esprit quels qu’en
soient la forme d’expression, le mérite ou la destination »11. Ainsi sont protégeables, les œuvres
de langage qu’elles soient littéraires, scientifiques ou techniques y compris les programmes
d’ordinateurs, les œuvres dramatiques, les œuvres chorégraphiques, les œuvres musicales avec ou
sans paroles, les œuvres consistant en des séquences d’images animées, les œuvres des arts visuels
tels que le dessin, la peinture, la sculpture, l’architecture et les cartes géographiques notamment.
Cette énumération de l’article 6 de la loi sénégalaise sus évoquée n’est pas exhaustive. Le seul
critère de protection de l’œuvre littéraire et artistique est l’originalité.
L’originalité ne doit pas être confondu avec la nouveauté. Car si elle peut en partie s’y
assimiler, elle intègre également une part subjective. En effet l’œuvre originale doit non seulement
être nouvelle, mais également porter l’empreinte personnelle de son auteur12.

10 H. Desbois, le droit d’auteur en France : Dalloz 1978, 3ème éd., p. 22


11 Article 5 de la loi 2008-09 du 25 janvier 2008
ère ère
12 Voy. notamment Cass. Fr., 1 ch. civile, 5 mai 1998, n°96-17184 ; Cass. Fr., 1 ch. civile, 28
novembre 2000, n° 98-17891 ; Cass. Fr., crim., 27 mai 2008, n°07-87253 ; Cass. Fr., crim., 4
novembre 2008, n° 08- 81955 ; Cass. Fr., com., 9 juin 2009, n°08-13727 ; Cass. Fr., com., 9
mars 2010, n°08-17167 et 08-19877 ; Cass. Fr., com., 29 janvier 2013, n°11-27351

11
Exemple : Il a été jugé qu’étaient dépourvus d’originalité des photographies de paparazzi,
qui ne sauraient « se prévaloir d’une quelconque mise en scène, ni d’un cadrage particulier, pas
plus que du choix d’un angle de vue et encore moins du moment pour réaliser les clichés litigieux
dès lors que l’instant auquel ils ont déclenché leurs appareils était exclusivement commandé par
l’apparition, pour quelques secondes, des personnages pris pour cible »13 ou encore des vidéos
prise sur le vif dans la mesure où les plans étaient dictés par les circonstances14.
En vertu du principe de l’unité de l’art, consacré à l’article 5 de notre loi, la protection est
accordée indifféremment du mérite, du genre ou de la destination de l’œuvre. Ainsi la loi ne
permet pas aux juges de porter un jugement esthétique sur l’œuvre. Le genre également n’est pas
un critère déterminant. La protection peut être accordée à une œuvre publicitaire, architecturale
notamment. Enfin, le critère de l’indifférence de la destination de l’œuvre signifie concrètement
qu’il importe peu que l’œuvre ait vocation à être exploitée dans les industries ou à des fins
purement esthétiques. Seules sont exclus de la protection, outre les idées, les textes officiels de
nature administrative ou judiciaire et leurs traductions officiels et les informations en particulier
les nouvelles du jour.
La particularité du droit d’auteur par rapport à la propriété industrielle réside également
dans l’absence de formalité pour la protection. Contrairement à une opinion bien répandue la
protection du droit d’auteur découle directement de l’acte de création. La SODAV, en tant que
société de gestion collective, a pour seule mission de collecter, répartir et gérer les droits de ses
adhérents.

Exercice : Jurisprudence Aboubacar contre Société Ivoirienne de Confiserie Ouest Africaine (SICOA)

Touré Aboubacar est un saltimbanque ivoirien animant, pour un auditoire de jeunes enfants, des émissions
de télévision. Il rencontre un certain succès auprès de son jeune public, qui le connaît sous le pseudonyme de
« Tonton Bouba », nom du personnage clownesque qu’il met en scène dans ses émissions. Une confiserie (SICOA)
mettra sur le marché des sucettes portant la dénomination « Bouba » et illustrées par un logo représentant un clown.
L’Animateur décide alors d’attraire en justice la société de confiserie pour contrefaçon de ses créations

13CA Paris, 4ème ch. A, 5 décembre 2007, R.G. : 06/15937, Propr. int., 2008, n°27, p. 206, obs.
J.-M. BRUGUIÈRE
ère
14CA Paris, Pôle 5, 1 ch., 6 juin 2012, R.G. : 10/21371, Propr. int., 2012, n°45, p. 392, obs. A.
ème ème
LUCAS ; TGI Paris, 3 ch. 2 sect., 8 octobre 2010, Propr. int., 2011, n°38, p. 84.

12
littéraires et artistiques. Quel sort devrait être réservé à sa demande ?
Solution :
Le Tribunal de Première Instance d’Abidjan ainsi que la Cour d’Appel avaient décidé que ni le personnage
interprété par Touré Aboubacar ni le pseudonyme ne satisfont à la condition de l’originalité. Par la suite la Cour
Suprême a rejeté le pourvoi en déduisant l’absence d’originalité du fait que Bouba est un diminutif répandu en Côte
d’Ivoire et qu’il n’individualise par l’animateur Touré qui n’en est pas le créateur. De plus, les enfants associent déjà
le nom Bouba à un personnage de dessin animé.
Quels sont les droits conférés par le droit d’auteur ? Au profit de qui naissent-ils ?
Ces interrogations nous amènent à nous pencher sur les questions de la « titularité » et du contenu du droit
d’auteur.

Paragraphe 2 : « Titularité » et contenu du droit d’auteur


En principe, les droits d’auteur appartiennent au créateur initial personne physique15,
même s’il s’agit d’une œuvre créée par un salarié ou un fonctionnaire. De même, on présume
que le titulaire est celui sous le nom duquel l’œuvre a été divulguée pour la première fois. Mais il
s’agit d’une présomption simple reposant sur l’idée de vraisemblance pouvant être combattue par
la preuve contraire et par tous moyens.
Toutefois, il peut arriver que l’œuvre soit le fait de plusieurs personnes ou que les auteurs
soient inconnus. Ces situations renvoient aux œuvres collective, de collaboration, dérivée ou
composite, anonyme ou pseudonyme.
L’œuvre collective est celle créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui
la divulgue sous sa direction et sous son nom, et dans laquelle la contribution personnelle des
divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est
conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble
réalisé. Le premier titulaire des droits sur une telle œuvre est la personne physique ou morale à
l’initiative et sous la responsabilité de laquelle l’œuvre a été créée et qui la publie sous son nom.
L’œuvre dérivée ou composite est une œuvre nouvelle qui incorpore une œuvre
préexistante et qui est réalisée sans la collaboration de cette dernière. Elle ne sera protégeable
que si elle remplit indépendamment de l’œuvre originelle la condition de l’originalité16. A titre
d’exemples d’œuvres dérivées ou composites, on peut citer l’adaptation d’un roman au cinéma,

15 Article 12 de la loi 2008-09 du 25 janvier 2008


16 Article 15 de la loi 2008-09 du 25 janvier 2008
13
la traduction d’un livre notamment. L’œuvre dérivée implique une fusion entre les éléments des
deux œuvres au point qu’il soit impossible d’individualiser l’œuvre incorporée de l’œuvre
nouvelle. L’œuvre composite permet une individualisation des deux œuvres.
L’œuvre de collaboration est une œuvre à laquelle ont concouru deux (02) ou plusieurs
auteurs. En principe les coauteurs d’une telle œuvre sont les cotitulaires tant des droits moraux
que patrimoniaux. Toutefois, si une œuvre de collaboration peut être divisée en parties
indépendantes pouvant être exécutées, reproduites ou représentées ou utilisées d’une manière
séparée ; les coauteurs peuvent bénéficier de droits indépendants sur ces parties, tout en étant
cotitulaires de l’œuvre considérée comme un tout.
S’agissant des œuvres posthume et anonyme, il y a une présomption de titularité au profit
de l’éditeur17, l’auteur véritable gardant toujours la possibilité de renverser cette présomption en
justifiant de sa qualité. Cette revendication peut se faire même par voie testamentaire.
Relativement à son contenu, le droit d’auteur, dit-on, a un caractère dualiste en ce qu’il
comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral et des attributs d’ordre patrimonial.
« Le commerce ne peut jamais arracher l’œuvre à l’artiste »18. En effet, l’auteur jouit de
droits moraux qui sont personnels, perpétuels, inaliénable et imprescriptibles. Les droits moraux
sont au nombre de quatre (04). Il s’agit :
- Du droit de divulgation : En vertu du droit de divulgation, il appartient à l’auteur de
décider si son œuvre doit être communiquée au public pour la première fois et, dans
l’affirmative, sous quelle forme et à quelles conditions. Cette prérogative couvre la
révélation du contenu de l’œuvre ainsi que la publication d’une description
- Du droit de paternité : c’est le droit d’associer ou non son nom à l’œuvre.
- Du droit de retrait et de repentir : Il signifie que l’auteur peut retirer son œuvre si ses
idées ou opinions changent. Son exercice est toutefois encadré afin de préserver les
intérêts des personnes ayant contracté avec l’auteur.
- Du droit au respect de l’œuvre : il est également appelé droit à l’intégrité et permet à
l’auteur d’empêcher toute déformation, mutilation ou autre action dépréciative commise
en rapport avec l’œuvre, qui serait préjudiciable à son honneur ou à sa réputation. Cette

17 Il s’agit ici de l’éditeur au sens large qui englobe à la fois l’éditeur (contrat d’édition) et
toute personne faisant copier ou distribuer notamment l’œuvre.
18 Savatier, Le droit de l’art et des lettres – Les travaux des muses dans les balances de la

justice, LGDJ, 1953


14
prérogative prend acte du fait que la personnalité de l’auteur est intimement liée à
l’œuvre.
L’auteur jouit par ailleurs de prérogatives d’ordre patrimonial. Il s’agit d’un « droit exclusif
d’exploiter son œuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire ». Ce
droit « comprend le droit de communication au public, le droit de reproduction, le droit de
distribution et le droit de location. »19. Le droit de reproduction selon les dispositions de
l’article 35 de la loi 2008-09, est « le droit exclusif d’autoriser la fixation de son œuvre par un
procédé quelconque sous une forme matérielle permettant de la communiquer au public ».
Concrètement, la reproduction consiste en des actes d’exploitation emportant une
communication indirecte au public tels que l’imprimerie, le dessin, la gravure, la photographie,
le moulage, l’enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique. Le droit de
location, dans une certaine mesure s’inscrit dans le prolongement du droit de reproduction en ce
qu’il « s’entend de la mise à disposition pour l’usage pour un temps limité et pour un avantage
économique ou commercial direct ou indirect »20 . Le doit de distribution signifie que seul
l’auteur est habilité pour autoriser la distribution par la vente ou autrement des exemplaires
matériels de son œuvre. Ce droit est toutefois épuisé par la première vente ou tout autre transfert
de propriété des exemplaires par l’auteur ou avec son consentement. La représentation est une
forme de communication, qui peut être vivante ou non, directe au public du bien intellectuel par
un procédé quelconque. L’article L. 122-2 du Code de propriété intellectuelle français donnant
une illustration de ces moyens y inclus la diffusion de musique dans un discothèque, la
représentation théâtrale, le concert, la projection cinématographique et la télédiffusion.
A ces droits patrimoniaux, il importe d’ajouter le droit de suite qui est un droit inaliénable de
participation au produit de la vente aux enchères d’œuvres graphiques et plastiques et de
manuscrits originaux. Il consiste en un prélèvement au profit de l’auteur d’un pourcentage de 5
% sur le prix de la vente.

Exercice : Affaire MP et Abdoulaye Aziz NDAO contre Mamadou Mouth BANE et Serigne Fadel MBACKE
Tribunal Régional de Dakar jugement 1061/2015 du 26 novembre 2015.

Cependant, le droit exclusif d’exploitation n’est pas absolu car il connaît quelques

19 Article 33 de la loi 2008-09 du 25 janvier 2008


20 Article 37 de la loi 2008-09 du 25 janvier 2008
15
assouplissements.

Paragraphe 3 : Les limites du droit d’auteur


Le droit d’auteur repose sur un équilibre entre, d’une part, la reconnaissance des intérêts
légitimes des auteurs (cristallisés dans les droits qui leurs sont reconnus) et, d’autre part, celle des
intérêts, tout aussi légitimes, du public et de la société en général. Les limites au droit d’auteur
répondent à ce souci.
La première limite est temporelle. Contrairement aux droits moraux qui sont perpétuels, les
droits patrimoniaux sont limités dans la durée. Il résulte des dispositions de l’article 51 de la loi
sur les droits d’auteur et droits voisins que la durée de principe des droits patrimoniaux est de
soixante (70) ans suivant le décès de l’auteur. Lorsqu’il s’agit d’une œuvre de collaboration la
durée est de soixante-dix (70) ans après le décès du dernier auteur. Pour les œuvres anonyme ou
pseudonyme, la durée est de soixante-dix (70) ans à compter de la réalisation de l’œuvre. Enfin,
lorsqu’il s’agit d’une œuvre posthume la durée est de soixante-dix (70) ans à compter de la
divulgation.
Le droit exclusif d’exploitation à travers notamment les droits de reproduction et de
communication au public se trouve assoupli dans plusieurs situations. Il s’agit de la
communication dans le cercle de famille, de la copie privée, de l’illustration à des fins
d’enseignement, de la parodie et de l’utilisation à des fins d’information21.
L’exception de copie privée signifie que les copies ou reproductions réalisées à partir d’une
source licite et strictement réservées à l’usage privé (c’est-à-dire un usage personnel ou familial)
du copiste ne peuvent être interdites par l’auteur
En contrepartie de cette exception, un système de compensation équitable a été mis en place en
faveur des titulaires des droits d’auteur. Il consiste à faire financer par le fournisseur du matériel
de copie cette compensation. Au Sénégal cette rémunération est assise sur les supports vierges
d’enregistrement amovibles ou non et sur les appareils d’enregistrement. Elle est collectée et
versée aux auteurs par la société de gestion collective, en l’occurrence la SODAV.
La question peut se poser de savoir si le fait pour une personne de télécharger des films (la
même question peut se poser à l’égard des chansons) sur Internet (download) dans le but de les
regarder seul ou entre amis peut bénéficier de l’exception de copie privée. Une réponse positive
doit être donnée à cette question, pour autant que la reproduction se fasse depuis une source

21 Voir articles 38 et suivants de la loi 2008-09 du 25 janvier 2008


16
légale. C’est précisément ce qu’a rappelé la Cour de cassation française dans un arrêt du 30 mai
2006.

Section 2 : Les droits voisins


Les droits voisins entretiennent un lien étroit avec les droits d’auteur, mais ne peuvent aucunement
les concurrencer. Il y a une certaine suprématie des droits d’auteur telle que rappelée à l’article 87
de la loi 2008-09 du 25 janvier 2008 : «Les droits voisins ne portent pas atteinte aux droits des
auteurs. En conséquence, aucune disposition de la présente partie ne doit être interprétée de
manière à limiter l’exercice du droit d’auteur par ses titulaires ».
Suivant la même démarche que notre législateur, nous allons étudier dans un premier temps les
règles générales (Paragraphe 1) et, dans un second, les règles spécifiques (Paragraphe 2)
applicables aux droits voisins

Paragraphe 1 : Les règles générales applicables aux droits voisins


On entend communément par droits voisins, aussi appelés « droits connexes », les droits accordés
pour protéger les auxiliaires de la création, en l’occurrence les personnes, autres que les auteurs
d’œuvres, qui participent à la diffusion des œuvres protégées par le droit d’auteur. Ce sont, en
vertu des dispositions de l’article 86 de la loi sénégalaise sur les droits d’auteur, les artistes
interprètes, les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, les organismes de
radiodiffusion. Ces personnes et organismes apportent des compétences créatives, techniques et
organisationnelles qui sont essentielles au processus de communication d’une œuvre au public et
sont donc considérées comme méritant d’être protégées.
Les artistes interprètes sont les personnes qui exécutent l’œuvre de quelque nature qu’elle soit. Il
peut s’agir d’un chant, d’une danse, d’une déclamation, d’une récitation notamment. Exemple : les
acteurs, chanteurs, musiciens, danseurs. Les sportifs et les mannequins ne sont pas considérés
comme des artistes interprètes. Il en est de même des personnes qui acceptent de se faire filmer
dans leur quotidien notamment dans les émissions de téléréalité.
Le phonogramme est défini à l’article 96 de la loi sénégalaise sur le droit d’auteur vaguement
comme « la fixation d’une séquence de sons » reprenant quasiment la définition qui en est donnée
par la convention de Rome en l’occurrence « la fixation des sons provenant d’une interprétation

17
ou exécution ou d’autre sons »22. Le Traité de l’OMPI est plus précis dans cet exercice et définit le
phonogramme comme « la fixations des sons provenant d’une interprétation ou exécution ou
d’autres sons, ou d’une représentation de sons autre que sous la forme d’une fixation incorporée
dans une œuvre cinématographique ou autre œuvre audiovisuelle ». Le vidéogramme est défini
par l’article 97 de la loi sénégalaise comme « la fixation d’une séquence d’images animées,
sonorisée ou non ». Le producteur de phonogramme ou de vidéogramme est la personne physique
ou morale qui en prend l’initiative et la responsabilité de la première fixation.
A l’exception de l’artiste interprète qui a un droit moral perpétuel, les droits voisins ne confèrent
que des attributs patrimoniaux pour une durée de cinquante (50) ans à compter du 1er janvier de
l’année civile qui suit :
. Pour les artistes-interprètes : la date de la prestation ou la date de la publication ou de la
communication au public ;
. Pour les producteurs de phonogrammes : la date de la première fixation d’une séquence, ou
la date de la publication ou de la communication au public ;
. Pour les producteurs de vidéogrammes : la date de la première fixation d’une séquence
d’images sonorisées ou non, ou la date de la publication ou de la communication au
public ;
. Pour les entreprises de communication audiovisuelle : la date de la première diffusion de
l’émission ;
. Pour les éditeurs : la date de la publication de l’œuvre.
Relativement aux exceptions, l’article 89 de la loi 2008-09 du 25 janvier 2008 prévoit que « Les
exceptions au droit d’auteur prévus par les articles 38 à 40 et 42 à 45 s’appliquent mutatis
mutandis aux droits voisins ». En d’autres termes, les exceptions aux droits d’auteur relatives à la
communication dans le cercle de famille ou au cours d’un service religieux, la reproduction à
usage privé, l’utilisation à des fins d’illustration de l’enseignement notamment sont applicables
également aux droits voisins.

Paragraphe 2 : Les règles spécifiques


Ces règles spécifiques concernent quatre (04) catégories de titulaires. Il s’agit : de l’artiste
interprète, des producteurs de phonogrammes et vidéogrammes, des organismes de radiodiffusion
et des éditeurs.

22 Article 3 b) Convention de Rome


18
Les artistes interprètes bénéficient du droit moral et de droits patrimoniaux. C’est les seuls
auxiliaires de la création à bénéficier de droit moral, mais son étendue est plus réduite que celle du
droit moral de l’auteur. Il résulte en substance des dispositions de l’article 93 de la loi 2008-09 que
le droit moral de l’artiste interprète comporte le droit de paternité et le droit au respect de
l’interprétation. Quant aux droits patrimoniaux, l’artiste interprète bénéficie de quatre (04)
prérogatives à savoir le droit de communication au public, le droit de fixation, le droit de
reproduction de cette fixation, le droit de distribution et de location.
Le producteur de phonogrammes peut faire valoir des droits voisins sur les séquences de sons qu’il
a fixées. Le producteur de vidéogrammes peut quant à lui faire valoir ses prérogatives à l’égard de
toutes séquences d’images qu’il a fixées, qu’elles soient sonorisées ou non. Les droits dont
bénéficient les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes visent à protéger leur
investissement. Les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes ne sont pas investis d’un
droit moral23. Ces droits patrimoniaux, au nombre de quatre (04), sont consacrés à l’article 99 de
notre loi. Il s’agit : du droit de communication, du droit de reproduction, du droit de distribution et
du droit de location. Dans ce sens, il a été jugé que le fait de proposer sur un site internet des
extraits musicaux est une communication au public24.
Les droits dont bénéficient les organismes de radiodiffusion visent à protéger leur investissement.
Le but est d’éviter que d’autres entreprises s’approprient leurs programmes ou émissions (qui ne
sont pas toujours protégeables par le droit d’auteur). Ces entreprises peuvent parfois également
être considérées comme des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes et bénéficier
également de la protection accordée aux producteurs (qui est un peu plus large). Les organismes
de radiodiffusion, comme les producteurs de phonogrammes et vidéogrammes, ne sont pas
investis d’un droit moral mais des droits patrimoniaux de communication, de reproduction, de
distribution et de location.
Enfin les éditeurs bénéficient de trois prérogatives d’ordre patrimonial à savoir : le droit de
communication, le droit de reproduction et le droit de distribution.

23CA Paris, 5 octobre 2007, cité par P. GAUDRAT, « De l'enregistrement au droit moral :
chronique d'un essai non transformé », RTD Com., 2008, p. 101 et par F. POLLAUD-DULIAN,
RTD Com., 2008, p. 89

24CA Paris, 10 décembre 2003, R.G. 2002/12940, Propr. Intell., janvier 2004, n° 10, p. 554 -
556 et disponible sur www.lexisnexis.com

19
CHAPITRE 2 : La propriété industrielle
La propriété industrielle est l’une des deux grandes branches qui constituent la propriété intellectuelle.
S’il y a une diversité de créations industrielles (Section 1) par rapport notamment aux conditions de fond
de la protection, l’acquisition de la protection et l’exploitation (Section 2) sont soumises à des règles qui
se rapprochent à bien des égards.

Section 1 : Les créations industrielles


Comme nous l’avons dit dans notre propos introductif, la propriété industrielle est divisée en deux
(02) groupes à savoir : les créations à caractère technique (Paragraphe 1) et les signes distinctifs
(Paragraphe 2). Mais il y a un type de création médian qui emprunte des caractères à chacun de
ces deux (02) groupes et même aux créations littéraires et artistiques, en l’occurrence le dessin et
modèle industriel (Paragraphe 3).

Paragraphe 1 : Les créations à caractère technique (brevet, modèle d’utilité)


Il s’agit du brevet (A) et du modèle d’utilité (B).

A. Le brevet :
Le brevet constitue la création à caractère technique par excellence. Aux termes des dispositions
de l’article 1er de l’Accord de Bangui modifié « Le brevet s’entend du titre délivré pour protéger
une invention ». Ainsi, la compréhension de la notion de brevet implique au préalable de
s’imprégner de celle de l’invention.
Ce sont les mêmes dispositions que nous venons de citer qui définissent l’invention comme étant
« une idée qui permet dans la pratique la solution d’un problème particulier dans le domaine de
la technique ».
L’invention peut porter sur un objet matériel, on parlera alors de brevet de produit. Exemple : la
fibre optique. Elle peut aussi porter sur la méthode de fabrication d’un produit, c’est le brevet de
procédé ou de moyen qui « s’entend de l’association d’éléments qui peuvent être connus ou
inconnus isolément et qui, sans pour autant cesser d’exercer leurs fonctions propres de la même
manière que s’ils étaient indépendants coopèrent à l’obtention d’un résultat commun différent de
la simple addition des résultats particuliers de chaque élément »25. Exemple le processus de

25 C.A Paris 1988 Ann 1989 p. 211


20
fabrication d’une molécule de médicament.
L’accord de Bangui prévoit également des objets exclus de la brevetabilité. Il s’agit :
- des créations ayant un caractère abstrait telles que les théories scientifiques et les méthodes
mathématiques sauf si elles aboutissent à un résultat industriel ;
- les découvertes qui sont des phénomènes préexistants dans la nature, mais qui sont justes
observés pour la première fois ;
- les programmes d’ordinateur qui sont des suites d’instructions données à une machine ;
- les présentations d’informations :
- les plans, principes ou méthodes pour faire des affaires ;
- les œuvres littéraires, artistiques ou architecturales ;
- les inventions qui ont pour objet de protéger les variétés végétales, races animales,
procédés d’obtention des végétaux ou animaux autres que les procédés microbiologiques
des produits obtenus par ces procédés.
Pour être brevetable, l’invention doit remplir trois (03) conditions : être nouvelle, résulter d’une
activité inventive et être susceptible d’application industrielle. Ces notions sont aussi définies par
l’accord de Bangui.
Aux termes de ce texte, « Une invention est nouvelle si elle n’a pas d’antériorité dans l’état de la
technique »26. Il faut ici préciser que la nouveauté qui est requise pour la protection du brevet est
une nouveauté absolue et objective. C’est à dire que l’invention ne doit pas avoir été rendue
publique dans le temps et dans l’espace par une divulgation ou une antériorité. Notons que la
divulgation est le fait du déposant et l’antériorité le fait du tiers. En d’autres termes l’invention ne
doit pas au jour de la demande ou de la priorité avoir été révélée au public.
Ce principe admet toutefois deux assouplissements. En cas d’abus manifeste à l’égard du déposant
de la demande ou de son prédécesseur en droit (cas ou une priorité est revendiquée) ou lorsque
l’invention a été divulguée au cours d’une exposition internationale officielle ou officiellement
reconnue la nouveauté n’est pas détruite.
L’activité inventive est la condition subjective qui, combinée à la nouveauté, rend compte de
l’exigence réelle de créativité du droit des brevets. Ainsi, « Une invention est considérée comme
résultant d’une activité inventive si, pour un homme du métier ayant des connaissances et une
habileté moyennes, elle ne découle pas de manière évidente de l’état de la technique à la date du
dépôt de la demande de brevet ou bien, si une priorité a été revendiquée, à la date de la priorité

26 Article 3 Annexe 1 de l’Accord de Bangui


21
valablement revendiquée pour cette demande. »27. Pour définir l’activité inventive, le législateur
convoque une notion cadre : l’homme du métier, à l’image du bon père de famille. Il s’agit selon
la Cour de Cassation française de « celui qui possède les connaissances normales de la technique
en cause et est capable, à l’aide de ses seules connaissances professionnelles de concevoir la
solution du problème que propose de résoudre l’invention »28.
L’application industrielle signifie que l’« objet (de l’invention) peut être fabriqué ou utilisé dans tout
genre d’industrie. Le terme industrie doit être compris dans le sens le plus large ; il couvre notamment
l’artisanat, l’agriculture, la pêche et les services »29.

B. Le modèle d’utilité
Le modèle d’utilité est régi par les dispositions de l’Annexe 2 de l’Accord de Bangui. Il résulte
de la combinaison des articles 1, 2, 3 et 4 de ladite annexe qui énumère les conditions de fond
d’obtention d’un certificat d’enregistrement d’un modèle d’utilité, que ce titre ne peut être obtenu
que pour un modèle nouveau et susceptible d’application industrielle.
Pour qu’il y ait un certificat d’enregistrement d’un modèle d’utilité encore faudrait-il que l’on soit
en présence d’un modèle d’utilité. Les créations qui ne sont pas des modèles d’utilité ne peuvent
pas être protégées par un certificat d’enregistrement de modèle d’utilité. Cela apparaît comme une
évidence.
S’il est certain que seuls les modèles d’utilité tels que définis par l’article 1er sont susceptibles
d’être protégés, tous les modèles d’utilité n’ont pas accès à la protection. En effet l’article 4, exclut
du bénéfice de la protection certains modèles d’utilité.
Ne peut donc faire l’objet d’enregistrement de modèle d’utilité, le modèle d’utilité contraire à
l’ordre public ou aux bonnes mœurs, à la santé publique, à l’économie nationale ou à la défense
nationale. Le cumul de protection n’étant pas possible, un modèle d’utilité faisant l’objet d’un
brevet d’invention ne peut être enregistré.
Aux termes de l’alinéa 1er de l’article 2, l’instrument ou l’objet ou les parties de l’un ou l’autre,
tels que visés à l’article premier précédent ne sont pas considérés comme nouveaux, si à la date du
dépôt de la demande d’enregistrement auprès de l’Organisation, ils ont été décrits dans des
publications ou s’ils ont été notoirement utilisés sur le territoire de l’un des Etats membres. Pour

27 Article 4 de l’annexe 1 de l’Accord de Bangui


28 Cass. com., 15 juin 2010, n° 09-11931 ; Cass. com., 13 déc. 2011, n° 10-27413
29 Article 5 de l’Annexe 1 de l’Accord de Bangui

22
mieux saisir la nature des antériorités destructrices de nouveauté en matière de modèle d’utilité, il
faut faire un parallèle avec le brevet d’invention.
En matière de brevet d’invention, comme nous l’avons dit plus haut, l’invention est nouvelle si
elle n’a pas d’antériorité dans l’état de la technique. L’état de la technique étant constitué par tout
ce qui a été rendu accessible au public avant le jour de la demande de brevet d’invention.
Autrement dit, l’état de la technique est la masse des connaissances dans le domaine considéré qui
était à la portée du public à quelque époque que ce soit et dans quelque lieu que ce soit au jour de
la demande de brevet. Par public, il faut entendre toute personne quelconque qui n’est pas tenue au
secret. Les antériorités30 sont les solutions contenues dans l’état de la technique qui ont un lien
quelconque avec l’invention.
Ces antériorités peuvent consister en des documents écrits ou oraux et des actes d’usages que sont
les essais et la commercialisation.
En matière de modèle d’utilité, les antériorités visées par les textes sont constituées par la
description dans des publications ou l’utilisation du modèle d’utilité. A priori en parlant de
description, le texte semble plus restrictif qu’en matière de brevet. En réalité, la notion de
description renvoie plutôt à l’idée d’accessibilité du modèle d’utilité au public. L’accessibilité au
public est la mise à la portée de ce dernier non seulement du produit, mais aussi des moyens
d’exécuter l’invention et de réaliser le produit. Une information n’entre dans l’état de la technique
que si elle a été divulguée de manière suffisamment complète pour pouvoir être reproduite par un
homme du métier. Par rapport au caractère de la nouveauté, le choix arrêté par l’annexe 2 semble
être la nouveauté relative du modèle d’utilité dans la mesure où le texte parle de description ou
d’utilisation sur le territoire de l’un des Etats membres. Dès lors qu’il n’est considéré comme
antériorités destructrices que les descriptions et les utilisations faites dans l’un des Etats membres,
un modèle d’utilité existant en dehors de l’espace OAPI peut faire l’objet d’un enregistrement.

Paragraphe II : Les signes distinctifs (marque, appellation d’origine, indication de


provenance)
Il s’agira ici pour nous d’étudier successivement la marque, l’appellation d’origine et le nom commercial.

30Une antériorité opposée à un brevet ne peut être retenue que pour ce qu’elle décrit; les
juges du fond ne se bornent donc pas à se référer aux revendications du brevet antérieur,
mais se fondent sur les exemples donnés par la description pour écarter cette antériorité
Com; 18 février 1986 bull. Civ. IV, n° 17
23
A : La marque
Le droit des marques a pour siège les dispositions de l’annexe 3 de l’accord de Bangui intitulée « Des
marques de produits et services ». On parle aussi de marque de marque de fabrique ou de commerce.
Toutefois cette dichotomie n’est d’aucun intérêt juridique.
Suivant les dispositions légales sus évoquées, la marque est définie comme « … tout signe visible utilisé
ou que l’on se propose d’utiliser et qui sont propres à distinguer les produits ou services d’une entreprise
quelconque et notamment, les noms patronymiques pris en eux-mêmes ou sous une forme distinctive, les
dénominations particulières, arbitraires ou de fantaisie, la forme caractéristique du produit ou de son
conditionnement, les étiquettes, enveloppes, empreintes, timbres, cachets, vignettes, liserés, combinaisons
ou dispositions de couleurs, dessins, reliefs, lettres, chiffres, devises, pseudonymes. ».
Cette définition de l’article 2 fait ressortir le premier critère de protection de la marque dans notre droit
positif à savoir : la visibilité. En effet, contrairement, au législateur français qui fait référence à un signe
susceptible de représentation graphique, dans l’espace OAPI, le signe doit d’abord être visible. Ainsi sont
admis :
• Le signe verbal, c’est à dire les dénominations sous toutes leurs formes. Il peut s’agir de mots,
d’assemblages de mots, de noms patronymiques ou géographiques, de pseudonymes, de lettres, de
chiffres ou de sigles. Par exemple, il peut s’agir d’un terme courant tel que Orange, de
l’assemblage de termes courants comme La Vache qui Rit ou de termes fantaisistes à l’image de
Google.
• Le signe figuratif qui ressort de l’énumération non exhaustive de l’article précité lorsqu’il fait
référence à « la forme caractéristique du produit ou de son conditionnement, les étiquettes,
enveloppes, empreintes, timbres, cachets, vignettes, liserés, combinaisons ou dispositions de
couleurs, dessins, reliefs ». Cette forme constituant l’élément visible de la marque peut être de
deux (02) dimensions ou en trois (03) dimensions.
• Le signe complexe. Il s’agit d’un signe constitué à la fois d’éléments verbaux et figuratifs.
Au delà du critère de la visibilité, d’autres conditions sont posées, cette fois-ci de manière négative, à
l’article 3 qui prévoit en substance que la marque ne doit pas être dépourvue de caractère distinctif, ne
doit pas être identique à une marque appartenant à un autre titulaire et qui est déjà enregistrée ou dont la
date de dépôt ou de priorité est antérieure pour les mêmes produits ou services, ne pas être contraire à
l’ordre public et aux bonnes mœurs ou aux lois, ne pas être déceptive et ne pas reproduire les signes
officiels.

24
La distinctivité est la condition essentielle qui permet à la marque de remplir sa fonction principale, c’est
à dire : distinguer ses produits et services de ceux de ses concurrents. Naturellement, les signes qui dans
le langage courant sont la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou service ne seront
pas distinctifs. Exemple : voiture n’est pas distinctive pour la construction automobile ou chemise pour
l’habillement. Il en est de même des signes pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du
service et notamment la qualité, la quantité, la destination, la provenance géographique, l’époque de la
production du bien ou de la prestation de service. Ne sont pas également distinctifs, les signes composés
exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit. Cette hypothèse vise les
marques tridimensionnelles.
Le signe trompeur ou déceptif est celui de nature à tromper le public sur la nature, la qualité ou la
provenance du produit. L’utilisation de la marque est de nature à induire le consommateur concerné en
erreur et à affecter son comportement économique.

Exercice : M. ADAMA a créé à Dakar, Sénégal, une entreprise de fabrication de produits cosmétiques et des
insecticides, pesticides et herbicides. Son neveu Abdoulaye, revenu d’Allemagne nanti d’un Master II en chimie,
s’associe à lui. Ils souhaitent écouler leurs produits sur le marché à travers un signe distinctif.

Ils sollicitent votre assistance et vos conseils sur les points ci-après :

1. Quel signe distinctif convient –il à l’activité projetée ? Proposez à l’aune des conditions de protection de
la marque un signe et justifiez votre réponse.
2. Quelles précautions faut-il prendre et dans quel but ?
3. Par quel moyen pourront-ils obtenir la protection du signe choisi ?
4. Citez les conditions de validité du signe choisi ?

Cependant, la marque n’est pas le seul signe distinctif utilisé par une entreprise dans la vie des affaires,
l’entrepreneur pouvant recourir aussi à l’enseigne et le nom commercial. L’enseigne est le signe extérieur
qui permet d’individualiser l’établissement ou le magasin. La dénomination sociale est le nom donné à la
société dans les statuts sous lequel elle s’identifie. Le nom commercial est l’appellation sous laquelle une
personne physique ou morale exerce une activité commerciale. Une entreprise peut disposer de plusieurs
marques, mais ne peut avoir qu’un seul nom commercial.

B : Le nom commercial
Le nom commercial fait l’objet d’une définition légale par les dispositions de l’article 1er de l’Annexe 5
de l’Accord de Bangui comme « la dénomination sous laquelle une personne physique ou morale désigne
l’entreprise ou le fonds de commerce qu’elle exploite pour l’identifier dans ses rapports avec la

25
clientèle ». Il peut consister en un nom patronymique.
Pour CHABANNE et BURST « Le nom commercial est le terme qui sert à distinguer un fonds de
commerce des autres fonds de commerce similaires »31. Le nom commercial est encore défini comme
l’appellation « sous laquelle l’entreprise commerciale est exploitée et connue de sa clientèle »32. C’est
enfin plus simplement l’appellation sous laquelle le commerçant exerce le commerce
Le régime OAPI du nom commercial a une nature hybride puisque ce droit naît tantôt de l’usage, tantôt
de l’enregistrement. En effet, selon l’article 3 1) de ladite annexe, le nom commercial appartient à celui
qui en a usé le premier ou l’a enregistré le premier.
Dans le cas de l’acquisition par l’usage, c’est l’occupation du nom, son usage, qui permettra de bénéficier
de la protection. La protection appartient au premier occupant, au premier utilisateur. Il faut cependant
une utilisation publique et durable du nom commercial. La protection n’est pas limitée dans le temps. Ici
la protection est assurée par le droit commun de la responsabilité civile. Cependant, cet usage ne peut être
prouvé que par des écrits, imprimés ou documents contemporains des faits d’usage qu’ils tendent à
établir.
La protection par l’enregistrement requiert certaines conditions de fond, en l’occurrence : l’exclusion des
signes contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs et ceux déceptifs. Aussi, l’article 4 de l’Annexe 5
prévoir que seules les atteintes aux noms commerciaux valablement enregistrés peuvent donner lieu à des
sanctions pénales.
Le régime du nom commercial enregistré emprunte beaucoup au régime de la marque tant en ce qui
concerne les formalités que pour ce qui est de ses effets.
Le nom commercial a une durée de protection de dix ans à compter du dépôt. Toutefois, ce délai peut être
prorogé tous les dix ans sans limitation.

C : L’indication géographique
Désigner les produits par le nom de leur lieu d’origine n’est pas un phénomène nouveau, mais une
pratique universelle. Dans notre pays particulièrement les dénominations géographiques informelles
existent à foison. Nous avons tous entendu parler des chaussures de Ngaye, du miel de la Casamance ou
encore des encensoirs de Keur Saër… Ce qui est nouveau, c’est la possibilité d’en obtenir la protection
juridique, particulièrement en Afrique où les premières indications géographiques protégées dans

31 A. CHABANNE et J. BURST « Le droit de la propriété industrielle » précis Dalloz 5ème


édition n° 1332
32 Y. CHARTIER, « Droit des affaires », Tome 1 4ème édition 1993, n° 144, page 255

26
l’espace OAPI remontent à l’année 201333.
Au plan juridique, l’indication géographique ou appellation d’origine protégée est une mention précisant
qu’un produit donné provient d’une aire géographique déterminée, dans le cas où une qualité, réputation
ou une autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine
géographique34. Elle se distingue de l’indication de provenance qui a seulement pour objet de désigner le
lieu de préparation ou de fabrication du produit.
En réalité, l’indication géographique est un signe distinctif qui permet d’attester que les produits extraits
ou fabriqués dans une aire géographique limitée présentent des caractéristiques spécifiques conformes à
la tradition locale. Exemples : Champagne, Vin de Bordeaux, etc.
Par leur nature, les indications géographiques par rapport aux autres droits de propriété industrielle
présentent quelques particularités. En effet, les indications géographiques ne confèrent pas un droit
privatif, mais constituent un bien collectif. Considérée comme un don de Dieu, elles ne résultent pas
d’une création intellectuelle comme le brevet ou la marque. Aussi, elle ne connaît pas de limite
temporelle tant que les conditions subsistent.
Suivant les dispositions de l’article 4 de l’annexe 6 de l’Accord de Bangui, il existe deux (02) conditions
de protection de l’indication géographique :
- elle doit être enregistrée par l’organisation ou bénéficier d’un effet d’enregistrement résultant
d’une convention internationale à laquelle les Etats membres sont parties ;
- si elle est étrangère aux territoires des Etats membres être prévu par une convention
internationale à laquelle les Etats membres sont parties. Sont exclues de la protection, les
indications géographiques.
Au titre des exclusions, nous avons les indications géographiques qui ne sont pas conformes à la
définition, celles qui sont « déceptives » et celles qui ne sont pas protégées dans leur pays d’origine ou
qui ont cessé de l’être ou qui sont tombées en désuétude.
Contrairement à la marque, l’indication géographique ne peut pas porter sur un service, mais seulement
sur un produit.

Paragraphe III : Les dessins et modèles industriels : un régime juridique hybride


La forme esthétique joue un rôle important dans le choix des produits de consommation. La

33 Il s’agit du poivre de Penja, du miel blanc d’Oku du Cameroun et le café Ziama Macenta de
Guinée
34 Article 1er de l’Annexe 6 de l’Accord de Bangui

27
protection des dessins et modèles industriels permet donc au créateur ou à l’entreprise qui fabrique
de tels produits ou objets non seulement d’obtenir un monopole d’exploitation commerciale sur les
caractéristiques esthétiques qui y sont associées, mais également à se défendre contre les tiers qui
viendraient à les exploiter contre son consentement. En raison de la nature hybride (esthétique et
industriel) des dessins et modèles industriels, leur protection est assurée par un régime spécial
relevant du droit de la propriété industrielle et d’autre part par les règles générales sur la propriété
littéraire et artistique. Ce cumul de protection est fondé sur la théorie de l’unité de l’art développée
par Eugène POUILLET en 1793.
L’acquisition de la protection des dessins et modèles industriels est organisée à travers l’annexe 4
de l’Accord de Bangui en vigueur. Pour obtenir cette protection par l’enregistrement il faut
satisfaire à des conditions précises avant qu’elle ne puisse produire ses effets.
Quant à la forme, il faut se référer à l’article 8 alinéa 1er de l’annexe 4 qui réglemente les formalités
de dépôt et prescrit aux postulants à l’enregistrement, notamment, de déposer ou adresser par pli
postal recommandé avec accusé de réception, une demande d’enregistrement au Directeur de
l’OAPI. Quant à la nature du dépôt, il peut être un dépôt simple lorsqu’il ne porte que sur un dessin
ou modèle ou un dépôt multiple lorsqu’il porte sur plusieurs dessins ou modèles dans la limite de
cent (100) sous réserve que ces dessins ou modèles objet du dépôt multiple relèvent de la même
classification internationale ou du même ensemble ou assortiment d’articles.
Il convient de répondre à la question de savoir qu’est ce qui peut être protégé ? Aux termes de
l’article 1er alinéa 1er de l’annexe 4 « Aux fins de la présente Annexe, est considéré comme dessin,
tout assemblage de lignes ou de couleurs, et comme modèle toute forme plastique associée ou non,
à des lignes ou à des couleurs, pourvu que cet assemblage ou forme donne une apparence spéciale
à un produit industriel ou artisanal et puisse servir de type pour la fabrication d’un produit
industriel ou artisanal. »
Le dessin est donc considéré d’après cette définition comme un assemblage de formes et de
couleurs tandis que le modèle est une forme plastique associée ou non à des couleurs. En d’autres
termes, on dira que la protection spéciale de l’annexe vise d’une part des formes bidimensionnelles
ou dessins se présentant sur des surfaces planes et d’autre part des formes tridimensionnelles
opérant dans l’espace.

De cette définition on peut relever trois points :


- Le dessin ou modèle protégeable doit être apparent, ce qui tient au caractère ornemental. On

28
dit qu’il doit parler aux yeux. A titre illustratif, il a été exclu de la protection les
caractéristiques internes d’un canapé-lit35.
- Le dessin ou modèle protégeable doit avoir une certaine apparence. C’est ce qui découle de
l’article 1er alinéa 1er de l’annexe 4 qui vise « l’apparence spéciale » que la forme donne au
produit d’utilité. Le dessin ou modèle protégeable est donc celui qui présente une certaine
originalité qui traduit un effort créateur de son auteur.
Le dessin ou modèle doit avoir une destination industrielle ou artisanale, il s’ensuit que le dessins
ou modèles en tant que tels, c’est à dire des œuvres d’art pur, ne peuvent pas être protégés au titre
de l’annexe 4.

35 Trib. Civ de Mulhouse, 2 avril 1954 JCP 1954 I n° 53665


29
Chapitre III : Règles générales de protection et d’exploitation des droits de
propriété industrielle
Contrairement à la propriété littéraire et artistique, la protection de la propriété industrielle s’obtient par
un enregistrement (Section I) qui aura pour effet de garantir à son titulaire une exploitation paisible
(Section II).

Section I : L’enregistrement des droits de propriété industrielle


Contrairement aux biens corporels, les biens intellectuels peuvent être présents dans plusieurs pays à la
fois, lesquels en dépit des conventions internationales qu’ils ont en commun disposent de textes et
d’institutions propres. Pour ces raisons, l’enregistrement des droits de propriété intellectuelle est en
principe soumis au dépôt dans chaque espace géographique concerné notamment auprès de l’OAPI
(Paragraphe 1). Toutefois, il existe trois (03) systèmes internationaux de protection institués par l’OMPI
(Paragraphe 2) concernant le brevet, la marque et le dessin et modèle industriel.

Paragraphe 1 : L’enregistrement auprès de l’OAPI


A la différence des droits d’auteur, les droits de propriété industrielle sont consacrés par un certificat
d’enregistrement qui est délivré par une autorité. Il importe donc de savoir quelle est cette autorité
habilitée à délivrer un titre de protection.
Pour l’ensemble des Etats membres de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle c’est cette
organisation elle même qui est chargé de ladite délivrance. Elle est notamment chargée, en vertu des
dispositions de l’article 2 de l’Accord de Bangui, de mettre en œuvre et d’appliquer les procédures
administratives communes découlant d’un régime uniforme de protection de la propriété industrielle ainsi
que des stipulations de conventions internationales en ce domaine auxquelles les États membres de
l’Organisation ont adhéré et de rendre les services en rapport avec la propriété industrielle.
L’Organisation tient lieu également, pour chacun des États membres, de service national de la propriété
industrielle au sens de l’article 12 de la Convention de Paris et d’organisme central de documentation et
d’information en matière de brevets d’invention.
Pour chacun des États membres qui sont également parties au Traité de coopération en matière de
brevets, l’Organisation tient lieu d’ « office national », d’ « office désigné », d’ « office élu » ou
d’ « office récepteur », au sens du traité susvisé.
L’Organisation a la personnalité juridique. Dans chacun des États membres, elle jouit de la capacité
juridique la plus large reconnue aux personnes morales par la législation nationale.
30
L’Organisation est administrée par un Conseil d’Administration composé des représentants des États
membres, à raison d’un représentant par États. Tout État membre peut, le cas échéant, confier au
représentant d’un autre État membre sa représentation au Conseil. Cependant aucun membre du Conseil
ne peut représenter plus de deux États.
Le Conseil arrête son règlement intérieur et désigne chaque année son président. Le conseil nomme
également le Directeur Général de l’Organisation. Le Directeur Général assure la gestion de
l’Organisation, conformément aux stipulations de l’Accord et de ses annexes, aux règlements établis par
le Conseil d’administration et aux directives de celui-ci.
L’Organisation est représentée dans les Etats membres par des Structures Nationales de Liaison. Ces
dernières sont habilitées à recevoir les demandes de titres de protection et à les acheminer au siège de
l’Organisation pour instruction et délivrance des titres.

Paragraphe 2 : l’enregistrement international


Par ailleurs, comme nous l’avons dit dans notre propos liminaire, l’Organisation Mondiale de la Propriété
Intellectuelle, parmi ses divers services, offre la possibilité de protéger des inventions, des marques et des
dessins et modèles industriels au niveau international à travers respectivement : le Traité de Coopération
en matière de brevet (PCT), le Système international des marques Madrid et le Système international des
dessins et modèles industriels de La-Haye.
- Le système PCT offre un moyen économique de demander une protection par brevet dans
plusieurs pays, ce qui présente de nombreux avantages. En déposant une demande internationale
unique vous pouvez demander la protection dans plus de cent cinquante (150) pays au lieu de
déposer directement une demande distincte dans chaque pays. La procédure PCT se décline en
deux (02) phases. La première phase dite internationale consiste à déposer une demande auprès
d’un office national ou régional de brevet ou du bureau internationale de l’OMPI (office
récepteur) désignant l’ensemble des Etats membres du traité signé le 19 juin 1970 à Washington
dans lesquels on souhaite obtenir la protection. Il peut s’agir d’un dépôt initial ou d’un dépôt sous
priorité unioniste. Une fois le dépôt formellement accepté, s’ouvre une période, la phase
internationale qui emporte deux (02) effets : les offices nationaux désignés doivent suspendre leur
procédure de traitement des demandes et le rapport de recherche international est établi. Une fois
cette phase accomplie, la demande internationale et le rapport sont communiqués aux offices des
Etats désignés dans la demande initiale et la demande est publiée au plus tard dix huit (18) mois
après le dépôt initial. A l’expiration de la phase internationale qui s’étend au maximum sur une

31
durée de trente (30) mois, la demande éclate eu une série de demandes nationales ou régionales.

- Le système de Madrid : Il est composé du protocole et de l’arrangement de Madrid et concerne


l’enregistrement international des marques. Il permet, soit à partir d’une marque antérieure soit à
partir d’une demande d’enregistrement antérieure de donner à cette dernière les effets d’une
demande nationale. Concrètement, par une demande d’enregistrement unique vous pouvez
désigner tous les territoires sur lesquels vous souhaitez demander une protection et obtenir un
enregistrement international valable sur l’ensemble de ces territoires.

- Le système international de protection des dessins et modèles industriels de La Haye. Il offre


également la possibilité de demander simultanément la protection d’un dessin ou modèle
industriel dans plusieurs pays ou régions à travers une seule demande. A cet effet, le déposant doit
être ressortissant ou domicilié dans un pays membre à l’Arrangement ou, en vertu de l’Acte de
32
1999, y avoir sa résidence habituelle.

Section III : L’exploitation des droits de propriété industrielle


Au delà de la jouissance des droits conférés par l’enregistrement des droits de propriété
industrielle, l’exploitation de ceux-ci peut être étudié sous deux angles à savoir : les contrats de
propriété industrielle (Paragraphe 1) et la défense des droits à travers l’action en contrefaçon
(Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les contrats de propriété industrielle.


La propriété industrielle, du fait de la spécificité des biens intellectuels est particulièrement
favorable au droit des contrats. Là où la création contractuelle trouve une limite habituelle dans
l’accès au bien, sa disponibilité, les biens intellectuels écartent cette limite physique. Les seules
limites à la liberté contractuelle en la matière résident dans certaines règles de forme obligatoires
à titre probatoire ou pour en assurer l’opposabilité.
S’il y a de plus en plus de nouvelles tendances contractuelles dans le domaine telles que le
franchisage, également nommé contrat de franchise qui est un contrat en vertu duquel une
personne nommée franchiseur s’engage à communiquer un savoir-faire à une autre personne
nommée franchisé, à le faire jouir de sa marque, généralement sous la forme d’une licence, et
éventuellement à le fournir, le franchisé s’engagent en retour à exploiter le savoir faire, utiliser la
marque et éventuellement s’approvisionner auprès du franchiseur, les contrats de propriété
industrielle les plus importants sont la cession et la concession ou licence.
Sur ce point, l’accord de Bangui n’est pas un ensemble fermé se suffisant à lui-même, de sorte
que même s’il n’y procède pas expressément, implicitement, il renvoie aux règles générales du
droit commun des contrats. C’est la raison pour laquelle, pour appréhender la cession et la
concession, il faut s’imprégner des définitions respectives du contrat de vente et de louage. Ainsi
on peut définir la cession comme le contrat par lequel le propriétaire s’engage à transférer la
propriété d’un bien moyennant une contrepartie financière tandis que la concession qui prend la
forme juridique d’un bail ou louage est un contrat par lequel on accorde la jouissance d’un bien
moyennant une rémunération.
Naturellement, nous retrouverons les mêmes règles de fond qu’en droit commun des contrats, en
l’occurrence : la cause, l’objet, le consentement et la capacité. Nous n’allons donc pas nous y
appesantir outre-mesure. L’objet est le bien intellectuel approprié. En d’autres termes, un bien

33
intellectuel dans le domaine public ne peut pas faire l’objet d’un contrat. Nul ne pouvant
transférer plus de droit qu’il n’en dispose. Le prix ainsi que les modalités de son paiement sont
également librement convenus par les parties.
Par rapport à la forme, l’accord de Bangui exige un écrit qui peut être sous-seing-privé ou
notarié.
Les règles de publicité quant à elles varient. Ainsi, la cession de l’invention brevetée ou du
modèle d’utilité est opposable aux tiers dès lors que l’acte est inscrit au registre spécial alors que
le contrat de licence portant sur les mêmes objets de la propriété ne l’est qu’après qu’il a été
inscrit au registre spécial approprié et publié au BOPI. C’est exactement la solution qui prévaut
en matière de cession ou de licence de marque. Quant au nom commercial, la cession n’est
opposable que s’il est inscrit et publié.
Par ailleurs, la loi a prévu des restrictions à la liberté contractuelle en matière de concession à
travers les licences non volontaires pour défaut d’exploitation ou pour brevet de dépendance à
l’annexe 1 de l’Accord de Bangui.

Paragraphe 2 : La défense des droits de propriété intellectuelle.


La défense des droits a trait à la « justiciabilité » des droits de propriété intellectuelle. Elle se
décline généralement en deux (02) étapes à savoir : la recherche de la preuve et l’action en
justice.
Pour prouver la contrefaçon, qui est, rappelons-le, un fait juridique, on peut recourir au droit
commun qui voudrait que la preuve se fasse par tous moyens. Mais le législateur a prévu un droit
spécial de la preuve auquel nous allons nous intéresser spécifiquement, en l’occurrence la saisie-
contrefaçon.
C’est une saisie à des fins essentiellement probatoires n’excluant pas les autres moyens de preuve
qu’offre le droit commun. La saisie contrefaçon n’est qu’un mode de preuve supplémentaire, et
souvent très efficace, pour établir l’existence d’une contrefaçon Aucun texte, ni législatif, ni
règlementaire, n‘oblige à recourir à ce moyen de preuve particulier. La saisie est ordonnée par
voie de requête par le Président du Tribunal de Grande Instance dans le ressort duquel les
opérations doivent s’effectuer d’après les dispositions de l’article 64 notamment de l’annexe 1de
l’accord de Bangui. Il peut s’agir d’une saisie matérielle ou d’une saisie description. Une fois la

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saisie ordonnée, le bénéficiaire de l’ordonnance devra intenter, dans un délai de dix (10) jours,
une action au fond devant le juge civil ou le juge pénal.
Selon le juge saisi, la contrefaçon sera appréciée différemment. Devant les juridictions civiles la
bonne foi est indifférente du fait d’une présomption de mauvaise foi.

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