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E N A U K ACADÉMIE POLONAISE DES SCIENCES
COMITÉ DES ÉTUDES ORIENTALES

USZ LEWICKI TADEUSZ LEWICKI

,
TUDIA ETUDES
l EBEM I SUDANEM MAGHREBINES et SOUDANAISES
Le professeur. ·Tadeusz I.Jewicki,
directeur de· l'Institut de Pliijologie I I
o;ientale à i'U.nivèrs.ité Jagéilonne,
présidell.t du .-CQm.ité des S~iences
orientales dé. l' A,cadémie polon~îs~ des
Sciences,· est l'autèur de· nombre
d'ouvrages scientifi{lues basés ,sur des
sOurces oriéntales. Il-·profitait S.dè ces
sou;~es= élaborant .différents -~roblèmes
du domaine · de. la gé~gr~j,hi~ histo-
riCJ.ùe, · histoire· Politique, histoire ~co-
nomique tarit. de l'Eùrope or~entale
que· de· l'Afrique. Des nombreux
ouvrages. du profess·eu:t Tadetisz Le-
wicki .nous .citons que~ques des pluS
importants :
POlska i kraje sqsiednie w Jwietle
« Ksi~gi R.ogera », geOgrafa arabskiego
z XII w. ai-Idrisîego· (La Po,lOgne et
les pays voÎsiÙs à la lumière.·d~:« Livre
de R~ger » géographe arabe, du X.ne
siècle al-Idrisi); Cz. I, Krak6w 1945 ;
cz. U, Warszaw{l 1954.

S Z AWA 19 76 VARSOVIE 1976


DAWN! CTWO NAUKOWE EDITIONS SCIENTIFIQUES DE POLOGNE

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j 1 Prace orientalistyczne
Table de matière
l,,i 1
Tom XXII

f; Avant-propos . , . . , . . . . . . . , , . ; , . . . . . . . , . . , . , , 7
1 LES LIAISONS MAGHREBINES SAHARIENNES ET SOUDANAISES DE LA'VILLE DE OUARGLA
11 AU MOYEN AGE
1 9
Komitet Redakcyjny 1. Ouargla-Tiihert 12
1
2. Ouargla-Sigihnâsa 14
Stanislaw Ka lu Z y;ti ski, Ta deus z Le w i c k i 3. Ouargla-Tozeur ,
1 18
Witold Tyloch 4. Ouargla-Kairouan 21
5. Ouargla-Zâb 22
6. Ouargla-Tlemcen . 23
7. Ouargla-Qal'at Abi Tawïl (Qal'a Bani l;fammiid) 24
Redaktor naukowy: ( 8. Ouargla-Tunis . . . , . 26
9. O~argla-Constantine . . 27
Witold Tyloch
10. Ouargla-Djebel Nefousa 28
11. Ouargla-Tiidmekka-Gao 32
12. Ouargla-{iiina . . '11
13. Ouargla-Guyiira . 50
14. Ouargla-Zâfüp.(u) . 5'2
15. Ouargla-Küg'a . 53
16. Ollargla-Kawâr 59
17. Ouargla-Zagawa 60
18. Ouargla-zagarï-Mâlli 62
19. Ouargla-Takeddâ . . 69
20. Ouargla-Agadès 74
UNE COMMUNE CHRÉTIENNE DANS L'OASIS DE OUARGLA AU Xe SIÈCLE 79
Ouvrages cités en abrégé . , . • , . . . . . . . . . . , , . , . , , . 91

. Obwolut~ projektowal
Andrzej Pilich

iledaktor Wydawnictwa
Krystyna Swinarska

Copyright
·.by Paiistwowe Wydawnictwo Naukowe
Warszawa 1976

Printed in Poland
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I
1
' AVANT-PROPOS

Le présent ouvrage contient deux études sur la géographie historique et la géo-


graphie humaine de l'Afrique du Nord, du Sahara et du Soudan occidental. Elles
sont la suite des travaux auxquels j'ai consacré une partie ,considérable de mes re-
cherches sur l'Afrique. Elles traitent de la ville (ou plutôt des villes)' de Ouargla
qui était devenue au Moyen Age un grand centre maghrebin de commerce avec
le Sahara et le Soudan occidental. Dans ce commerce un rôle très actff avait été
joué non seulement la population iba(lite de, l'oasis d'Ouargla, appartenant à la
grande tribu berbère, de Zanata (Zenata), mais y avait également participé - au
moins au X' siècle.- les 'Agam romains et chrétiens de Tiiliert qui, après la chute
de cette ville commerçante en 908 de ri.è., trouvèrent refuge à Ouargla et contri-
buèrent au développement du commerce transsaharien dans cette oasis.

T. L.

1
LES LIAISONS MAGHREBINES, SAHARIENNES ET
SOUDANAISES DE LA VILLE DE OUARGLA AU MOYEN AGE

Les origines de Ouargla nous sont inconnues 1 , Au Moyen Age c'était une des
principales têtes de ligne du commerce nord-africain a:vec les pays -du Soudan oc-
cidental et central ainsi qu'une ville importante devenue, au XIVe siècle, une véri-
t<1-ble « porte du Désert, par laquelle les voyageurs qui Viennent du Zab doivent \
passer, quand ils veulent se rendre au Soudan avec leurs marchandises l> 2 • Nous l
n'avons, en effet, aucun renseignement sur cette ville avant la conquête arabe· de
l'Afrique et nous ne savons pàs à qùelle époque la· tribl.l zénète de Watqla (lire 1
Ouargla), habitant la contrée située au sud du Zâb, fonda la ville à laquelle elle donna ·
son nom 3 • Selon Jean-Léon l'Africain (1526), Ouargla.est « une ville extrêmement
ancienne bâtie par les N~mides dans le désert de Numidie·» 4 • Cependant il n'est
pas iinpossible qu'en ce lieu a l'époque du Bas-Ern'.pire ait déjà existé une bourgàde,
lplus ou moins importante, qui était une étape sur la piste caravanière reliant la ·\
;_~urn.idie . au _Hoggar _et_.E!"S:'9.al?Je:w,e~t. 2:~_ssi à la .~où~Ie,,_~_u Nig_er. A cette époque 1
·ceii:ê"ï)iste-·étaifhe:iUCOup moins-fréquentée que les pistes du Ghadamès ou du Fez-
zan 5 • C'est par cette piste que se faisait le trafic entre Numidie et la Sahara central
grâce auquel une mince feuille d'or portant l'empreinte d'une mÛnnaie de Constantin
(dont la chronologie se placetait entre 304 et 328) ainSi qu'une lampe romaine ont
été trouvées dans la sépulture de Tin Hinan près d' Abales sa dans le Hoggar 6 • Les '
médailles romainés de Constantin le Grand (280-337) et du Maximien (mori: en
310) - dont réussit à se procurer près d'une douzaine dans le pays de Ouargla
l'éminent connaisseur du Sud algérien, le lieutenant Charles Féraud - restent
sans· doute en liaison avec ce trafic par ailleurs assez modeste 7 •

:1
i
1
Voir sur la ville de Ouargla et sur son hîstoir:e: G. Yv e r, Wargla, ~ Enzyklopaedie des Islam 9,
t. IV, p. 1215-1216.
2
Ibn Jj:aldün, Histoire des Berbères, trad., t.' III, p. 286.
·l 3
Ibid., t. III, pp. 286-287.
4
Jean-Léon l'Africain, Description de l'Afrique, p. 438.
5 Sur cette piste voir É. De mou g e o t, Le chameau et l'Afrique du Nord romaine, ~·Annales.
!•.l! Economies. Sociétés. Civilisations-~. 15e année, n° 2, mars-avril 1960~ pp. 209-247.
: i
6
: 1 Sur cette sépulture voir Mauny, Tableau, pp. 83-85 et passim.
7 L. C. F é r a u d, Les Ben Djellab, sultans de Tuuggourt, ~ Revue Africaine », 1886, p. 386.

9
Dans le haut Moyen Age le pays de Ouargla et l'ensemble de ses châteaux-forts une bourgade de l'oasis de Ouargla, alla à Tahert po'ur étudier chez 'Abd ar-Ral:_iman
(l:_iu.eyün), ou plus exactement de bourgades qui finirent par se réunir pour former ibn Rostem 1 7 •
une seule ville considérable 8 , portait le nom de ~arglan, transcrit Warglan 9 , Il paraît que parallèlement à ces relations religieuses d'étroites relations commer-
Warqlan ou warg1an 10 • Ce nom n'est qu'un pluriel berbère de Ouargla. On se ciales ont été nouées entre ces deux villes. Les négociants de Tahert, devenue un
demande si l'ancienne tribu maure des Urciliani, dont il est question ·chez Végèce 11 important centre commercial, s'intéressèrent au trafic avec le Soudan, pays de l'or l
et qui possédaient des chameaux et utilisaient ces animaux dans leurs guerres, ne et des esclaves, et surtout avec la ville de Gao sur le cours moyen du Niger qui était 1
doit être identifiée avec les habitants berbères des bourgades de Warglan. On peut reliée au Maghreb par l'ancienne piste romaine traversant Ouargla et le Hoggar. 1
également retrouver ce dernier nom dans celui de la tribu maure Urceliani (Vr- D'autre part les habitants de Ouargla qui s'adonnaient depuis longtemps au modeste
celiani), dont il est queStion, au V18 siècle, chez Corippe qui dit 12 trafic entre la Berbérie et ces lointains pays surent profiter sur-le-champ de cette
proxima se iunxit, sed tune male fida, Latinis occasion pour devenir intermédiaires entre Tahert et le Soudan.
Vrceliana manus, Romanis addita fatis Telles étaient les origines du grand rôle joué au Moyen Age par Ouargla dans
Ce s~nt peut-être les gens appartenant à cette tribu qui ont bâti certaines habita- le commerce du Maghreb avec le Soudan et les ielations de cette ville avec les grands
tions de Ouargla, antérieures à l'invasion musulmane en l'Afrique du Nord, ou centres commerciaux de l'Afrique du Nord et avec les marchés du.Soudan occidental
bien contemporaines de celle-ci, dont V. Largeau nous ~ signalé les ruines, dans et central. Penchons nous maintenant sur ces relations et sur les itinéraires qui
.la description de son voyages 13 • reliaient la ville de Ouargla aux villes et marchés susmentionnés. Commençons
/ Il paraît que la reine berbère Kahina (morte en 703/4) qui dorrùnait, vers la fin par les itinéraires reliant Ouargla aux villes commerciales du Maghreb.
! du VIP siècle, les montagnes de !'Aurès, et qui devint ensuite maîtresse de l'IfriéJ.iya,
j a pénétré aussi dans le pays de Ouargla. En effet, l'auteur ibaçlite nord-africain
' al-Wisylini (XIIe siècle) mentionne un puits appelé Bi'r al-Kahina qu'il place dans
les environs de Warglan (Ouargla) 14 •
Ouargla est mentionnée . pour la première fois sous le nom de Warqlan (lire 0

! Warglan) à l'époque du calife omayyade HiSam ibn <Abi al-Malik (724-743). Si


; l'on peut en croire az-Zuhri, géographe arabe du XII" siècle, c'est à cette époque (ÎLES CANARIES)
'. que les habit~ts de cette oasis ont été convertis à l'islam 15 • Il semble que, comme
~
;.,,,'!, 4'
presque toutes les tribus berbères, ils adoptèrent les doctrines égalitaires des J;;Iarigites,
en signe de protest_ation. contre l'oppression du gouvernement arabe orthodoxe.
Ils se· rellièrent, probablement après la conquête de Kairouan par l'imam ibaçlite
Abu '1-l;:!a!!ab ibn 'Abd al-A'la al-Ma'ilfiri (757/8-761), à la secte !!arigite des Iba\li-
tes aux tendances assez modérées. Ils nouèrent bientôt d'étroites relations avec
les imams ibaçlites de la dynastie rostémide résidant à Tâhert, nouvelle capitale (.TIBESTI)
des Ibaçlites du Maghreb fondée en 761 par 'Abd ar-Ral;i.man ibn Rostem qui
était tout d'abord gouverneur ib:içlite de Kairouan de la part de l'im.â.m Abu '1-}Jaç-
1 iab et qui devint ensuite premier imam ibaçlite de la dynastie rostémide 16 • En effet
on sait que déjà sous le règne de cet imam (776/7-784/5) un savant ibaçlite nommé
Abü Ya'qüb Yüsuf as-Sadrati al-Atr:ifi. al-Warglani originaire de Tin I~iwen,
8
Ibn J;jaldùn, Histoire des Berbères, trad., t. III, p. 286.
9 Bakrï, Description de l'Afrique, texte, p. 77 et 182.
1
~- Idrisi, Description de l'Afrique, texte, pp. 4, 8, 11, 32, 35, 39, 102, 120, 121.
11
Epi!_. Rei Militaris, III, 23.
12
Flavii Cresconii Corippi: Ioharmidos sev de Be/lis libyçis hbri VIII. Ediderunt. 1. Diggle et F. R. D.
Goodyear, Cantabrigiae 1970, p. 128.
3
1 Largeau, Le pays de Rirha, passim.
14
Wisyâni, Kitab as-Siyar, p. 108.
15 Les liaisons maghrebines, sahariennes ~t soudanaises de la ville de Ouargla. au Moyen Age
Zuhrl, Kitab al-D}a'rüfiyya, p. 181, 340. {Les localltl!s plus importantes sont signées par 1~ cercles avec point. Les noms.modernes sont mis en paranthèses)
16
Voir sur l'histoire des lbiiçl.ites de l'Afrique du Nord T. Le w i c k i, Ibaef,iyya, ~ Encyclopédie
de l'Islam~. nouvelle édition, t. III, livraison 51-52, Leiden-Paris 1968, pp. 669-682. 17
Wisyiinî, Kitab as-Siyar, p. 140.

10 li
l. OUARGLA-Til.HERT personnages iba.Q.ites célèbres, ongmaires de l' Afrîque du Nord, ·écrit ce qui suit
dans sa courte-notice biographique consacrée à AflaQ. ibn ·Abd al-Wahhab troisième
imam roStémide. de Tahert 22 : \

La ville de Tahert ou Tihert (nommée aussi Tâhert al-Gadida ou « Tâhert-la- << On dit ... qu'un jour il [c'est-à-dire AflaQ. ibn 'Abd al-Wahhâb] a voulu faire

Neuve ») était située à neuf km à ouest-sud-ouest de l'actuel Tiaret qui au Moyen-Age un voyage à Gugu (GaWgawJ. Quand il a rendu public son projet de voyage, son
· s'appelait T3.hert al-Qadim.a ( << Tahert-la-Vieille ») 18 • Fondée en 761 par 'Abd pèi::e, l'imam 'Abd al-Wahhâb se présenta·à lui ... et lui dit: Renonce [à ce voyage] ...
ar-Ral;unan ibn Rostem, élu imam. ibfü;lite en 776/7, la ville devint dès les premières Et il a renoncé o.
anné_es du règne de ce prince (776/7-780) un important centre politique et économique La même tradition est rapportée, dans une ·version un peu différente, par Abu
qui attirait non seulement de nombreux Berbères ibâçlites dè toute l'Afrique du '1-"Abbâs Al.tmad ibn Sa'id ad-Dargini (XIIIe siècle) dans son Kitiib 'fabaqiit al-
Nord, mais aussi des commerçants de Kairouan, de Basra et de Koufa. Nous tenons -maiayil!: 2 s :
cette information d'lbn eagïr (Ibn a~-eagïr), un musul~an étranger à la secte ibâçlite « On dit ... qu'un jour il [c'est-à-dire Afla}:i ibn 'Ahd al-Wahhab] a voulu faire
qui a habité Tâhert sous la domination des derniers imams de la dynastie des Rosté- un voyage à Gugu [Gawgaw] ... Mais son père lui a donné l'ordre de renoncer à ce
mides, et qui a '~omposé, vers l'an 902/3 de notre ère, une chronique de cette ville. voyage ..., Et,il [y] a renoncé, quoiqu'il se soit déjà préparé à cette expédition et
V~ici ce que dit ce chroniqueur qui a puisé largement dans les traditions locales 19 ~ quoiqu'il ait déja rendu public le projet de son voyage» 24 •
« Les habitants s'étendirent .dans la ville agrandie. Des pays les plus éloignés On voit de ces deux récits qu' Aflal:i s'est décidé à faire un voyage à Gao encore
leur arrivèrent.des ambassades et des caravanes. Il n'était pas un étranger s'arrêtant du vivant de son père, l'imam 'Abd al-Wahhâb (mort en 823 de n.è:), probablement
dans la ville qui ne se fixât chez eux et ne construisît au milieu d'eux, séduit par vers le commencement du IXe siècle. ·
l'abondance qui y régnait, la, belle conduite de l'Imâm, sa justice envers ses admi- La voie la plus courte de Tâhert à Gao conduisait par la ville de Ouargla. et c'est
nistrés et la sécurité dont tous.jouissaient pour leurs personnes et fours biens. Bientôt, elle sans doute que voulait prendre Aflal}. ibn 'Abd al-Wahhâb, quoique nous
o:n ne voyait plus ulle maison en ville sans entend.ré dire : Ceci est à un tel de Koufa ; manquions de_ preuves.· Nous· possédons pourtant un témoignage d'après lequel
cel_le-là est à un tel Ba~a, cette autre à un tel de Kairouan, voici la mosquée des il est certain qu'il a existé un chemin direct entre Ouargla et Tâhert à l'époque
gens de Kairouan et leur marché ; voici la mosquée et le marché des Ba~riens, celle d'Aflal:i (823-871). Je voudrais parler ici d'un passage du Kitab as-Sira. wa-a'!lbiir
des gens de Koufa. Les routes menant au· Soudan et aux pays de l'Est et de l'Ouest al-a'imma d'Abii Zakariyâ' Yal:iyâ i~n Ab{Bak.r al-Wârglâni selo~ lequel deux Sayhs
s'ouvrirent au négoce et au trati.c. Pendant deux ans environ la situation resta telle ibâcJ.ites du Gabal Nafüsa, nommés· Abü Ya'qüb ibn Munib èt Abü Yüsuf ibn Munïb,
la population ne cessant d'augmenter, pendant q~e les négociants et· les gens d; ont passé par Ouargla. en se rendant du Gabal Nafilsa à Tâhert 25 • pn sait d'après
tous . les pays y venaient pour faire leur commerce». uD.e courte notice biographique contenue dans le Kitàb as-Siyar d'aS-Sammab.i
Ce. témoignage constitue un document de premier ordre sur le commerce de que ces deux personnages étaient contemporains de l'imâm Aflab. ibn 'Abd al"'. Wah-
Tâhert avec le Soudan, à travers le Sahara, la date indiqu~ée ·d'une façon appro- hâb 26.
ximative par Ibn a~-1;,agïr étant la date chronologique certaine la plus ancienne Cette piste· existait jusqu'à la fin de l'État rosténiide et jusqu'à la prise de Tahert
qui ait trait au trafic du Maghreb avec le Soudan ·occidental au Moyen Age. Il en par al-l;liganï (tel était le nom du fameux da'i .fatimide Abil 'Abd Allah aS-Sî'i
résulte aussi que le iôle de la ville de Tahert dans ce trafic avait été très important 2 0 • employé ·parles auteurs ibâ<;lites) ce qui eut lieu en 908 de n.è. Enfuyant de Tahert
' Ibn a~-eagir ne nous mentionne pas le nom de la ville .soudanaise vers laquelle devant ce personnage le dernier i.mam rostémide Ya'qilb ibn Aflal}. se dirigea verS
se dirigeaient les négociants de T3.hert à cette époque àncienne. Cependant on silot Ouargla, où il s'établit 2 7 • ·

d'autres sources médiévales que la ville soudanaise. intéressant tout particulièrement Nous ne savons p~ quelles ét:iient les étapes de l'itinéraire Tâhert-Ouargla.
les habitants de Tâhett, et même les .. princes rostémides, c'était celle de Gao La voie la plus directe reliant ces deux villes passe par Djebel Arriour, Laghouat,
sur le Nigèr, anciennement nommée *G.aogao, ce que les auteurs arabes médiévaux Tilrhemt et le pays du Mzab. C'est elle apparemment qui était frequentée aux
(le célèbre voyageur Ibn Bagilµ entre autres) transcrivaient Kawkaw ou Gawgaw VIII.,-Xe siècles. La ville de Laghouat· (al-Agwât d'après les sources arabes médié-
(aussi Gawgawa) 21 • En effet, Abu ~r-Rabï' Sulayman ibn 'Abd as-Si~lâm
al-WisyâI~i (XIIe si~cle), l'a_uteur de Kitiib_ as-Siyar, recueil de biographies des
22
Wisyiini, Kitâb as-Siyar, p. 59.•
23
Darginï, 'J'abaqât, f 0 92v0 •
G. Marçais, Tiihert, ~ Enzyklopaedie des Isliim », t. IV, p. 660 ; Bakri, Description de
18 24
Voir aussi sur ce fait Lewicki, L'État nord-qfn·cain de Tâhert, pp; 5_22-524.
l'Afrique, texte, pp. 66-69 ; trad., pp. 137-141. 2 5 Abù Zakarïyii', Kitâb as-Sira, f"' 98r"'-.
19 26
. Ibn f;la.gîr, Chronique, texte, pp. 12-13 ; trad., p. 68. -§ammiilJi, Kitâb as-Siyar, p. 203.
20
Lewicki, L'État nord-africain de Tiihert, pp. 514-516. 27
Abü Zakariyii', Kitiib as-Sira, f 0 43v 0 -44v 0 et 50r0 -51v 0 ; Masqueray, Chronique d'Abou Zakaria,
21
Voir sur cette ville Lewicki, op. cit., pp. 518-521. pp. 217-221 .et 251-260.

12 13
vales) située dans le Désert est déjà mentionnée par Ibn l;lammad (mort en 1230) al-Warglàni, dont l'ouvrage, intitulé Kitàb as-Sïra wa-all,bàr al-a'imma, a été achevé,
à propos d'un événement qui eut lieu en 946 28 et ensuite par Ibn J:Ialdüi:t vers la au moins pour ce qui est de sa deùxième partie, peu après l'an 1110/1111 de· n.è.,
fin du XIVe si~cle 29 • L'autre étape sur la route Tâhert - Ouargla, à savoir Tilrhemt, apparemment après la moft de son auteur. Or, Abü Zakariya' était originaire de
est apparemment identique à la forteressé appelée Talgemt située dans le Sahara, Ouargla et il a vécu toute sa vie dans ce pays, à l'exception des années 1067/8-1081/2
dont il est question dans la chroniqué de Tâhert d'Ibn $agir à propos des exploits pendant lesquelles il a habitê dans l'~xtrême Sud tunisien et ensuite;danS· l'Oued
de l'imam rostémide Abü · I:Iatim qui régnait à T1ihert à la fin· du IXe et au débÙt Righ 34 • Ainsi il devait bien connaître toutes ;les traditions· locales et il disposait
du xe siècle 30 ._ Ajoutons encore que le roi de Tlemcen, Abii I:Iammü Müsà II, aussi de nombreux documents écrits, aujourd'hui disparus-. Dans le chapitre de son
rentrant en 1358 à Tlemcen de son expédition à Ouargla se dirigea sur le è-abal ouvrage relatant la fuite· du Mahdi fatimide 0Ubayd Allah 35 d'Egypte à Sigilmàsa
Mi~ab (Mzab) 31 • ce Abü Zakariya' écrit ce qui suit :
Il paraît 'que la route de Tahert à Ouargla a .été abandonnée.après la chute du << Un grand nombre de nos compagnons ont rapporté que 'Ubayd Allah vint

ro:yaurhe rostémide bien que Tahert, continuât encore, dans la deuxième moitié de l'Orient, et que son origine remontait à 'Ali ibn Abi Tlilib et à ·Fatima, fille de
du xe siècle de n.è., d'être une ville très importante « possédant plusieurs bazars l'Envoyé d'Allah (qu'Allah répande sur eux ses bénédictions). Il savait par avance
très fréquentés etun grand nombre • de bains, environnée d'un mur percé de plusieurs qu'il serait roi dans une ville ·nommée Tiizar. (Tozeur), et ·que de là sa puissance
portes J>. Nous devons cés données à al-Bakri qui les cite d'après une histoire de la rayonnerait au loin. Il vint donc de l'Ori~nt à Tüzar ; ·mais, ·quand il pensa que ce
ville de Tahert, aujourd'hui perdue, ·de Mul;i.ammad ibn Yüsuf Ibn al-Warràq (mort devait être là le point de départ de son gouvernement, et qu'il en considéra les
en 973/4 de n.è.) 32 • habitants, il vit qu'ils n'avaient rien de ce qui convient pour fonder une dynastie,
car ils ne vivaient que d'expédients, et étaient boutiquiers potir la plupart ... Ensuite,
'Ubayd Allâh se dirigea vers Sigîlmasa, en passant par Warglan [Ouargla}; mais
quand les gens de warglan le virent, ils l'accablèrent <l'outrages· ... 11 sortit de Warf-
2. OUARGLA-SIGILMASA
lan et parvint à Sigillllasa 36 >>.
D'après ce passage du Kitiib as-Sira wa-a"!J,biir al-a'imma il est facile de constater
Il paraît -que Ouargla était -reliée, au VIII siècle de n.è., par une route de com-
0 que la route reliant l'Orient musul~an à Sigilmàsa, dont les étapes étaient Tozeur
Illerce à.la ville de Sigilmasa fondée en 757/8 de n.è., qui constituait le plus important et Ouargla, avait été utilisée dès les premières années du xe siècle de n.è. également.
termin~ ,nor~ des pistes carava1;ières maghrebines vers le Soudan et le point d'ar- C'est vraisemblablement de cette route qu'il e~t question dans un autre chapitre
_rivée de l'or et des esclaves de Gan.a et 1e Wanq1ira (Wangara). A l'o_rigine Ouargla du Kitab as-Sira wa-al!,,biir al-a'imma d'Abü Zakariya' qui traite des traditions con-
n'était qu'une étape suc ,la grat;1de route venaht de Kairouan. d'une part et d'Egypte cernant le savant Sayb ibac;Iite Abu 'r-Rabi' Sulaymàn ibn Zarqün an-Nafüsi qui
vécut apparemment vers la fin du IXe et dans la premiére moitié du xe siècle. Voici 1
de l'autre passant par la Tripolitaine et par le Bilàd al-Garid et qui aboutissait à Sigil-
niàsa 33 ; cependant les marchands de Ouargla commencent bientôt à prendre une ce que dit Abü Zakariy1i' à propos de la jeunesse de ce personnage 37 : '' 1

part plus active au commerce de Sigilmasa avec les pays aurifères du Soudan occidental. « Le [sayh] dirigeant Abu 'r-Rabi' [Sulaymân ibn !zarqün an-Nafüsi] était origi- , 1
D~ le XIe-x1r siècle les géographes aràbes signalent souvent dans ces pays la pré- naire des Nafüsa [de la bourgade de] Tadyüt. -Il· naquit et il habitait dans cette lo-
sence des Ilégociants de Ouargla venus apparemment par la route de Sigilmii.sa, calité ... Il avait étudié à Sigilm1isa, chez Ibn al-Garn'., en compagnie d'Abü Yazid Ji
mais il n'st est pas impossible non plus que ces négociants ·soient aussi arrivés à Ga.na [Mahlad ibn Kaydad]. Ibn al-Garn' était un commerça.nt, des gens-_de !'Oeuvre
et à_Wangara par la voie de Gao. Penchons-nouS maintenant sur l'itinéraire Ouargla....:.... [c'est-à-dire ibàc;lite], venu d'Orient ... Il vint à Tüzar ['i'Ozeur]. Abu 'r-Rabi' était
Sigilmasa· et commençons par présenter un faisceau de données historiques té- alors jeune. Ibn al-Garn' l'employa dans diverses affaires de confiance où_irfit J?reuve
moignant de l'existence de cette route. d'habileté et de finesse ... Ensuite, quand il se décida à partir pour Sigilmàsa, il
La plus ancienne mention sur la voie directe, reliant Ouargla à la ville de Sigil- demanda à Abu 'r-Rabi' de l'accompagner, lui. promettant de lui apprendre toutes
m1isa, est due a l'historien ibàc;lite du xr siècle Abü Zakariyà' Yal;i.ya ibn Abi Bakr les sciences qU'il désirerait. Ils partirent donc de. compagnie, arrivèrent à Sigi~màsa
et y demeurèrent plusieurs années. Abü Yazid Mablad ibn Kaydad était alors avec
28
Ibn l:l~d, Histoire des rais 'obaïdides, texte, p. 30; trad., p. 49,
29
Ibn Jjaldûn, Histoire des Berbères, trad., t. III, p. 278. 34 Lewicki, Les historiens ibât#tes, pp. 93-97.
JO Ibn s~gu, Ckrcmique, texte, p. 52; trad., p. 118. 35 Cette fuite eut lieu en l'an 292 de l'hégire (904/5 de notre.ère) - cfr. Fournel, Les Berbers, t. II,
31
YaJ:i.ya ibn t[aldûn, Histoire des Beni 'Abd al-Wâd, t. II, texte, p. 23 ; trad., pp. 26-27. pp. 68-70.
32
Bakri, Descripticm de l'Afrique, texte, pp. 66-69; trad., pp. 137-141. 36
Abu Zakariyii', Kitiib as-Sira, f 0 42v 0 -43r 0 ; Masqueray, Chronique d'Abou Zakaria, pp. 206-210.
33
C'est la route Sigilmiisa-Nefzaoua-Qastiliya-Kairouan dont parle Ibn l:lawqal vers l'an 977 37
Abu Zakariyii', Kitiih as-Sira, f 0 51v0 -52r 0 ; Masqueray, Chronique d'Abou Zakaria, pp. 266-270;
de notre ère-voir Ibn !:la~, Opus geographicum, t. I, pp. 92-93. voir aussi SamtnalJi, Kitiib as-Siyar, pp. 279-280.

14 15
1 •

eux. Quand Ibn al-Garn' fut près de sa fin, il légua ses livres à Abu 'r-Rabi'; ensuite, (deuxième moitié du XIIe siècle de n.è.). On doit ce renseignement à Abu '1-"Abbiis
après la mort de son maître, ce dernier retourna dans le pays de Qastaliya )}. ad-Dargïni qui écrit dans son Kitiib '[abaq_iit al-mO.Siiyi/]! ( composé peu après 1252/3
Le village de Tàdyiit ( dans un autre ,passage de son ouvrage AbU Zakariyà' écrit de n.è.), que le savant Sayh ibaQ.ite Abü Zakariyii' ibn $âlil;t. al-Îriiseili compté parmis
Tiidyüt) était situé dans le pays de Qastaliya (aussi Qai;;tiliya, ou al-Qui;;ür), aujourd'hui les gens de Ja tze tabaqa (deuxième moitié du VIe siècle de l'hégire) est arrivé une
Bled el-Djerid, un groupe de belles oasis resserrés dans une langue de terre séparant fois de Sigilmiisa à Ouargla avec une compagnie de quinze ou vingt voyageurs qui
le Sott el-Ûerid (€hott el-Djerid) du Son Garsa (Chott Gharsa) 38 • Il résulte de portaient 250 000 mitqals d'or. Ensuite ils partirent de Ouargla en se _dirigeant vers
notre texte que ce village devait se trouver dans le voisinage de la ville de Tozeur, le canton de Nafzawa (Nefzaoua) vers l'île de Djerba 44 • Si l'on peut croire ce récit,
chef-lieu du pays de.Qai;;tiliya. Quant à l'époque du voyage _d'lbn al-Cam', accom- la route de Sigilmiisa à Ouargla et plus loin vers N afziiwa et Djerba faisait partie
pagné de ses deux jeunes élèves : Abu 'r-Rabr Sulayman ibn Zarqün et Abü Yazid dans la deuxième moitié du XIP siècle de n.è., des plus importantes voies par
Mablad ibn Kaydiid, elle nous est inconnue. Cependant elle dut avoir lieu avant lesquelles se faisait le trafic du Maghreb avec les pays aurifères du Soudan occiden-
l'an 296 de l'hégire (908 de n.è.) puisqu'en ce'tte année, après avoir fait ses études tal.
et après avoir enseigné pendant un certain temps à Tâhert, Abü Yazid se rendit Ajoutons. encore que dans la deuxième moitié du Xlie siècle de notre ère il.
dans le pays de Q~tiliya, où il s.' établit à Taqyüs (actuel Kriz-Tagious, à une vingtaine y avait à Sigilmasa une colonie de commerçants ibiiçlites-wahbites. On trouve ce
de kilomètres au nord-est de Tozew-)39. renseignement dans l'at-TO.Sawwuf ilâ riffal at-tasawwuf d'at-1)i.dili(mort en1229/1230
La vOie .directe Tozeur-Ouargla-Sigilmasa continuait d'être suivie (surtout de n.è.), dans la biographie d'Abü 'Ali Salim ibn Saliima as-Süsi, un soufi originaire
par .les. commerçants qui se rendaient à G~na, dans le Soudan occidental), aussi de Tiirüdiint qui mourut en 589 ou 590 de l'hégire (1193 ou 1194 de n.è_.) 45 • Il
dans la deuxième moitié du xe
siècle. C'est cette route qui a été fréquentée selon nous semble qu'il s'agit ici des commerçants ibiiQ.ites qui sont venus de l'Est (p.ex.
toute ,apparence, par le marchand ibaçlite du pays de Qa~µliya, nommé Fall;tün du Biliid al-Garid) par la route Tozeur-Ouargla-Sigilmiisa, ou bien des gens origi-
ibn Isl:iaq, membre de la tribu berbère de Banü Wasïn (Wisyan) ou bien d'une frac- naires de Ouargla elle-même.
tion de celle de Nafüsa, établie dans le Bilad al-Garid. Ce négociant et, à la fois Les sources arabes médiévales ne nous donnent aucune description détaillée
savant ibaQ:ite, était contemporain d'Abü NüQ. Sa'id ibn Zangil, un des chefs de la de la route reliant Ouargla à la ville de Sigilmiisa. Il paraît cependant que cette
révolte ibaçlite-wahbite qui eut lieu dans les environs de l' Aurès en 358 de l'hégire route se dirigeait tout d'abord vers le sud-ouest, vers El Goléa, et passait ensuite
· (968/9 de n.è.) et dont l'événement le plus coilllu était la bataille de Bagay 40 • or· par l'oasis de Gourara et contournait le Grand Erg Occidental du côté sud jU:squ'à
ce p_ersonl!age, ayant décidé de faire'. le voyage à ,Gana, passa par Ouargla, et ensuite la bourgade de Tesebit où elle prenait ensuite la direction du nord-ouest, le long
pàr Sigilmiisa, d'où il se-rendit à Garia et ensuite à Gayara (Guyara) dans le ·Soudan de Saoura, afin d'aboutir à l'oasis de Tafilalt et à son centre principal - SigilIUasa.
occidental, où il mou;rut. Nous.- tenons ces renseignements de l'auteur d'un ou~age El Goléa (al-Qulay'a en arabe) est déjà mentionnée dans un passage du Kitâb
.ibiiQ.ite anonyme connu sous- le nom de Siyar al-ma.Jâyif]!, écrit, selon toute vrai- al-Masiilik wa 'l-mamalik d'al-Bakri (1068 de n.è.) sous le nom d'al-Qal'a. D'après
semblance, pell' après 1161/2 41 • • · ce géographe s'était « une ville fort peuplée» qui renfermait « une mosqùée et les
C'est aussi la route coll?-merciale' Ouargla-Sigilmiis~ qu'a empruntée, à mon restes de quelques monuments antiques». Il résulte de ce texte qu'El Goléa consti-
avis; pendant son voyage à Gan·a, un. négociant ibaçlite originaire de Qantriira, une tutait une importante étape sur la grande route de commerce Ouargla-Sigilm1isa.
ville située dans le pays de Qa~tiliya, non loin d'al-l;liimrn.a et habitée par une frac- On verra plus loin qu'elle a également joué un grand rôle dans le commerce de Ouargla
tion des Nafüsa 42 • Il s'agit ici du beau-fils du Sayh ibiiQ.ite Abü Allah Mul;tammad avec la ville de Tiidmekka et Gao sur le Niger. En effet, c'est à El Goléa que s' em-
ibn Abi 'Amr at-Tiniiwati, dont on ne connaît pas le nom. Quant à Abü 'Abd Allah b:t°anchait à la route Ouargla-Sigilm.iisa une autre piste qui joignait Ouargla à l'Ad-
lui-même; il paraît avoir vécu dans la première moitié du XI" sièCle de n.è. Nous rar des Ifoghas et à la boucle du Niger. Ajoutons encore que déjà' au XI siècle,
devons ce renseignement à al-WisYani 4 3. à l'époque d'al-Bakri, El Goléa était' une ville ancienne 46 •
Nous possédons aussi un témoignage concernant l'existence de la route commer- Quant à l'itinéraire El Goléa-Sigilmiisa, il passait vraisemblablement par Gou-
ciale directe Ouargla-Sigilmiisa t4ns la deuxième moitié du VP siècle de l'hégire rara et ensuite le long de Saoura, pour s'unir à la voie Sigilmiisa-Agadès-Touat,
dont il est question dans la Description de l'Afrique de Jean-Léon l'Africain (1526).
Or, selon cet auteur, « le Tesabit [aujourd'hui Tesebit ou Tsabit en Gourara ou
li 38
Voir sur Qa~ffiliya (Qastiliya, Qa~ti1iya) et sur la population berbère-ibiic_l.ite de ce pays ; Lewicki,
Les Ibii4,ites en Tunisie, pp. 12-13. '
39
Voir sur ces faits Foun1,el, Les Berbères, t. II, p. 225.
40
44 Darg'ini, Tabaqiit al-ma!âyi~, f 0 152v -153r . Cette anecdote e8t répétée dans le Kitiib as-Siyar
0 0
Lewicki, Quelques extraits, pp. 20, 21, 24 et 26-27 ; Fournel, op. cit., t. II, p. 349.
41
42
Lewicki, Qut!lques extraits, pp. 17-18, 20, 21, 24, 27. d'aS-Sammii.gï, pp. 448-449.
Voir sur cette localité Lewicki, ·Les Jbâef,i.tes en Tunisie, p. 12. 4 5 Tii.dili, Vie des saints, p. 277.
43
Lewicki, Quelq_l-les extraits, pp. 10-11 et Û-14. 4 6 Bakri, DescriptiQ12 de l'Afrique, texte, p. 7.7; trad., pp. 156-157.

16 2 Études maghtebines et soudanaises 17


TigOuraiin] 'est un district habité, dans le désert de Numidie, à environ 250 milles
à l'eSt de Segelmesse [SigilmisR] 47 >>. qui paraît avoir utilisé dans la description de Tozeur, corrune dans beaucou_P d!au:res
lieux de son traité géographique, les données provenant de Mul.iam~ad ibn Yusuf
La route c~nduisant de Ouargla à Sigilmasa (et à l'oasis de Tafilalt en général)
Ibn al-Warraq, mort en 973/4), il y avait à Tozeur une grande production de dattes,: .
continue d'être suivie après .la chute de cette ville. La décadence de Sigilmiisa commen-
ce. déjà en 1274 de n.è., quand le sultan merinide du Maroc a reconquis cette ville esque tous les 1·ours il en sortait « mille chameaux, ou même davantage, charges
pr ·
de ces fruits ». Ainsi cette ville était extrêmmement riche et 1 · · a~pliques
. es 1mpots " ' à la
Sur les •Abd al-Wiidite;s, rois de Tlemcen, et quand· ses habitants ont été réduits
ville et à tout le cantOn de Q~tiliya, dont elle était la capitale, apportaient tous les
aux esclaves. Jean-Léon l'Africain, qui a visité l'oasis de Tafilalt au commencement
ans deux cent mille diniirs 5 3 • _
du XVr siècle et qui nous en a donné un tableau très détaillé dans sa Description
Ce caractère commercial de Tozeur a déjà été remarqué par :ubayd Ali~ a~-
de l'Afrique, nous dit que 1a ville de Sigilmasa a été, à cette· époque, complètement
Mahdi, quand il arriva dans cette ville en 904/5, en venant de l_E!~:e. D apr~
iuinée, et que ses habitants l'ont déjà abandonnée, en s'établissant dans les divers
la tradition recueillie par Abü Zakariya' Ya}J.ya ibn Abi Bakr al-Warglan1, al-Mahdi
châteaux (qu~ür) de Tafilalt 48 • En tout cas, malgré la ruine de cette grande· ville,
se rapporte bieritôt que les habitants de cette ville étaient boutiquiers (a~l;iiib al-
qui constituait une importante tête de ligne des voies transsahariennes reliant l'Afrique L
du Nord au Soudan occidental et surtout aux pays aurifères de Wangara, 1a voie l.iaw3.nit) pour la plupart 54 • , . .
1

Ouargla-Tafilalt n'a pas été abandonnée. Cependant elle_ perdit son ancienne
, Il est très vraisemblable que l'établissement dune route reliant la ville de Tozeur p
et les autres localités du canton de 9a~tiliya à Ouargla date de l'épo_que où cette
importànce commerciale, vu que les marchands de Ouargla, de Fès et de Tlèmcen 1
d ·ère commença ·à jouer un certain rôle dans le commerce de Ta.hert avec le
ont- emprunté, dès le XIVe siècle de n.è., une autre voie transsaharienne, à savoir
s::~an occidental, c'est-à-dire vers la fin du VIIF ·ou bien, au plus tard, vers le
celle de Touat-Tak.eddii ou bien, dès le XVe siècle, celle de Touat-Agadès. Mais
encore en 1649 le Marocain al- •Ayyàsi, originaire de Tafilalt, à choisi, pour accomPlir commencement d u IX• ,,·e'cle - de n ·è· En effet au Xe-xp siècles. sur cette route
_ on
-note la présence de commerçants originaires des localités sU1vantes : de Qantrara 5 5 ,
son pèlerinage à la Mecque, la piste qui passait par Touat-El Goléa-Ouargla-Toug-
gourt-Tripoli-I'Egypte 49. d'al-l:liimma 56 et de Masanniin 57 •
II paraît auss~ que les negociants de la ville de Nafta (Neft~), une des qua~e
localités les plus importantes de Qa~tiliya (outre Tü.zar, al-I:Iamrna et ~aqyus) 1

S • a,·ent la route Qastiliya-Ouargla dans leur commerce avec le Soudan occidental.


UlV
C'est ..
sans doute par cette voie que l'arrière-grand-père d'_Abu 'l- 'Abb-as ad- D ar?m1,
-- -
3. OUARGLA-TOZEUR
auteur du Kitâb '[abaqiit al-mtlSiiyi!J, à savoir le marchand 'Ali ibn Y~l:f ~abitant
la ville de Nafta, pénétra dans la ville de Mali en l'an 1179/1180 de n.e. . AJo~tons.
. Les sources aràbes médiévales, et surtout celles de la secte ibiidite nous ren- enco"re que le géographe arabe al-Idrisi_ (!1~4 de n.è.~ no~s rapp~rte que les habita~~s
seignent qu'une .ancienne route commerciale reliait l'oasis de Ouargia la ville de à de Nafta, qui d'après lui était une locahte bien peuplee, s adonn_~ent a~ ~om.merce , .
II me semble également certain qu~ la piste Ouargla-Qa~tiliya. a et~ e~prunt~e,
Tüzar (Tozeur) et les autres villes et bourgades du pays de Qa~tiliya (Qa~tiiliya), le
Bled el-Djerid de nos cartes, dont Tozeur était -la capitale. C'était une ville très vers la fin du IXe siècle,. par Kaydad, père d'Abü Yazid Mablad qm habitait Taqyus,
ancienne. On la trouve sur la Ta~le de Peutinger sous le nom de Thusurus et chez ville du pays de Qa*tiliya et qui s'occupait du commerce avec_ Tiid~ekka et a;ec
Ptolémée sous celle de ThusuroS. Conquise sur les Romains par les Vandales et la ville de Gao 60. Elle a été égalem_ent suivie, en 936/7, par Abu Yaz1d Mablad ibn
reconquise ensuite par: les Byzantins (au VI siècle), elle fut, en 666/7, d'après al- Kaydad lui-même, quand il fut contraint à fuir le_ Bilad. al-G~rid, 61 • _ . _
Bak.ri, l'objet. d'un raid du général arabe ·oqba ibn Niifi< 50 , ce qui entraîna sa con- Abü Zak.ariya' Yahya. ibn Ab! Bakr al-Wargla.ni fait aussi allusion~ la v01e ;I-~a1:11- 1
quête par les Arabes, vers la fin du VIP siècle 51 • ma (dans le canton de Qa~tiliya)-Ouargla lorsqu'il parle du chef ibiiQ.1te Abu l-Qas1m 1

Au Xe siècle la ville était, à en croire Ibn I:fawqal, un grand centre commercial.


Elle exportait surtout des lainages 52 • D'après al-Bakr! (qui écrivait vers 1068, mais 53 Bakri, Description de l'Afriq11e, teXte, pp. 48-49 ; traci., pp. 102-104 ; voir aussi sur la produc-
tion des dattes à Tozeur: Idrisi, Description de l'Afrique, texte, p. 104 ;.trad., PP- 121-122. . .
0 0
54 Abü Zakariyâ', Kitiih as-Sira, f 42v ; Masqueray, Chronique d'Ahou. Zakaria, p. 208; vou aussi
47
Jean-Léon l'Africain, Description de l'Afrique, p. 435. La vraie distance entre Sigilmasa et Tesabit plus haut, p. 15.
est d'environ .mille kilomètres, soit plus de 600 .milles. 55 Lewicki, Quelques extraits, p. 11 et 14.
48
Jean-Léon l'Africain, Description de l'Afrique, pp. 428-430. s6 Ibid., pp. 18-20 et 21-24.
49
Krackovskiy, Arabskaya geograjiéeskaya literatura, pp. -715-716. 57 Ibid., pp. 19 et 23-24.

so Bakrï, Description de l'Afrique, texte, p. 14·; trad., p. 35. 58 Sanunâh:i Kitiib as-Siyar, pp. 456-458 ; Lewicki, Les historiens ibiir/.ites, p. 23.

G. Yver, Tüzer, ~ Enzyklopaedie des Islâm », t. IV,- pp. 1065-1066.


51
s9 Idrisi, ÏJ;scription de l'Afrique, texte, p. 105 ; trad., p. 123.
52
Ibn I;Iaul;cal, Opus geograpkic11m, t. I, p. 94 ; Idris, La Berbérie Orientale, p. 468. 60 Ibn I:Iamm[d, Histoire des rois 'obaidides, texte, p. 18; trad., pp. 33-34.
61
Fournel, Les Berbères, t. II, pp. 227-228.
18
,. 19
al-Wisyâni, auquel le gouverneur :füçimide d'al-I:Iâmma a ,proposé - voulant sauver 4. OUARGLA-KAIROUAN
sa vie - de sortir de cette ville et de se retirer à Ouargla 62 •
La route reliant le canton de Qa~tiliya à Ouargla passait (nous en avons un té- La route Ouargla-Tozeur n'était qu'une partie d'une voie beaucoup plus impor-
moignage concernant la deuxième moitié du X" siècle de n.è.) par Süf (El-Oued tante pour le commerce intérieur et extérieur de l'Ifriqiya, à savoir de celle âe Tâd-
de nos cartes) et ensuite par Rïg (ou Arig, !'Oued Righ de no~ cartes) 63 • mekka-Ouargla-Tozeur-Kairouan. A mon avis cette dernière voie a été découverte
La piste conduisant de la Berbérie à Ouargla et au Soudan occidental et surtout par les négociants de Kairouan à la même époque où les marchands kairouanais
au Pays de la Poudre d'or (en arabe Bilâd at-Tibr) traversait l'Oued Righ. Ce fait (établis à Tlihert dails les années 776/7-780) ont fait la connaissance de la voie Tâ-
n'était pas inconnu aux cartographes européens médiévaux et c'est sans doute pour hert-Ouargla-Soudan, c'est-à-dire vers la fin du VIIr ou bien vers le commence-
cette raison que le Catàlan Abrahain Cresques a mis, sur sa carte dessinée en 1375, ment du IXe siècle de n.è. L'existence de cette grande route de commerce nous
le nom de la ville de Tacort c'est-à-dire Touggourt. Les cartes européennes du a été signalée par al-Bakri (1068), peut-être d'après un traité, perdu aujourd'hui,·
xrve et du xve siècle, catalanes et autres, contiennent aussi le no:m de la ville de de Mul;,ammad Ibn Yusuf Ibn al-Warraq (mort en 973/4 de n.è.).
Ouargla elle-même. C'est en effet cette ville et non Reggan, l'oasis la plus méridionale Voici ce que dit al-Bakri au sujet de cette voie 68 : ,
de Touat qui se cache, comme je me propose de le montrer dans un autre travail, « Pour se rendre de Tâdmekka à al-Qayrawân [Kairouan], on marche pendant
sous le nom du mystérieux royaume d'Organa figurant ces cartes 64 • cinCÏuante jours dans le desert, afin d'atteindre Warglan [Ouargla] ... ne
là à Qal}tï-
Outre cette route qui passait par El Oued il y avait encore une autre qui conduisait liya [ici : Tozeur] il y a quatorze journées ; puis sept journées de Qa~tiliya_ à al-Qay-
au Pays des Noirs à Tozeur, en passant évidemment par Ouargla. Elle est mentionnée rawân, àinsi que nous l'avons dit ailleurs».
dans le Kitiib al-Masâlik wa 'l-mamâlik d'al-Bakri qui dans sa description de la L'itinéraire Qa~tiliya-Kairouan est décrit, d'une -façon plus détaillée, dans
route reliant le Zâb à Kairouan et traversant la ville de Tozeur dit ce qui suit : le chapitre susmentionné du traité géographie d'al-Bakri 69 :
« Parti de Tahüda [à l'est" de Biskra], on arrive à Badis [Badès de nos cartes, « De Tüzar [Tozeur] le voyageur se rend à Qaf~a [Gafsa], ville qui en est éloignée
Ad Badias des Romains] après une journée de marche ... De Badis on se rend à Qayµin de deux journées, et de là il se dirige vers Fagg al-I;Iimâr [«le Défilé de l'Âne J>] •••
Bayyâda, où commence le canton de Sumâta. Ici la route débouche sur Un croise- Ensuite il traverse al-Hüriya, dernier village du canton de Qamüniya; puis il se
ment à trois branches, dont l'une conduit au Pays des Noirs, l'autre à Tripoli et la rend à Madküd, métropole de ce territoire . . . De Madküd on se rend à Gamünis
troisième à Cairouan. A deux journées de voyage plus loin on trouve la ville de Nafta a~-!;,âbün ... Parti de cet endroit, on arrive à Mag"dül ... Il possède un étang appelé
[Nefta] ... De là on va à Tozeur». · Bu].layra Magdül [ << le Lac de Magdüli>]. De là, on se rend à Banü Da·am ... , puis
Chez al-Bakri on trouve encore une autre localisation de Qaytün Bayyatia 65 : à la· ville de Kairouan l>.
· « Nafzâwa [Nefzaoua] est à trois jours de Qâbis [Gabès] et à deux journées de On admet, que Fagg al-I;Iimâr (aussi Fagg al-I;Iamâm) soit identique à Madjen
Qaf~ [Gafsa] ; [cette] dernière ville est à trois journées de Qaytün Bayylig3 laquelle el-Fedj de nos· cartes, une localité située sur le route de Sfax à Gafsa. Quant à al-
est à une journée de Nafta ; il y a une journée de Nafta à Tüzar [Tozeur] l}. Hüriya (c'est de cette façon que M.R. Idris lit le nom de ce lieu écrit Harwiya chez
On voit que les renseignements sur Qayfîin Bayyac;l.a donnés par al-Bakri sont al-Bakti), cette localité sèrait identique avec l'ancienne Thélépte. Quant à Madküd
contradictoires, au moins en ce qui concerne la distance entre Qaytün Bayyac;J.a on pense qu'il faut chercher l'emplacement de cette ville, qui a supplanté Sufetula
et Nefta, et la localisation du premier de ces lieµx est impossible. Il s'agit peut-être (Sbeitla de nos cartes), l'ancienne capitale de cette province, dans les ruines de Sidi
de Zeribet El Oued de nos cartes, important carrefour routier, situé à 82 kilomètres Ali ben Aoun ou du côté de Madjen Samaoui et de Selissa. Situé plus au nord,
à l'est de Biskra. Une d~ ces pistes menait à El Oued (Souf) et ensuite à Ouargla 66 • Gamünis a~-f~hbün pourrait être identifié avec l'actuelle Bir El Hafei, bordj dans
D'après Kitiib al-Istib~âr (fin du XIF siècle), Qaytün Bayyâc;l.a était- un grand une région où se voient de nombreux vestiges de l'occupation romaine. "La position
village, où se réunissaient les caravanes. L'auteur anonyme de cet ouvrage reprend de Magdül est inconnue. Cependant la Bu].layra Magdül d'al-Bakri correspond
également ce qui dit al-Bakri sur le croisement Qes trois pistes dans cë lieu 67 • à la Garaat Medjdoul de nos ·cartes. Quant au bourg de Banü Da'lim, on doit
2
6 Abû Zakariya.', Kitâb as-Sira, f" 58r"; Masqueray, Chronique d'Abou Zakaria, p. 293. le localisér_ à Sidi Ali ben N asrallah ou mieux à l'emplacement ruines de
63 SammâlJï, Kitâb as-Siyar, pp. 360-362. C'est par cette voie que le chef ibiic_lite Abü NO.IJ., em- Pavillier 70 •
prisonné à Tozeur et libéré ensuite par un commerçant ibaçlite, vint à Ouargla- cfr. aussi Idris, La
D'après al-Idrisi il y a seulement treize journées entre Ouargla- et Gafsa 71 , ce
Berbérie Orientale, p. 748.
6 4 T. Le w i c k i, Le royaume d'Organa des cartes européennes du XIV 0 au XVIe siècle, «Corres-
qui nous paraît une distance trop courte.
pondence ·d'Orienu, n" 13, 1975, Mélanges d'lslamologie II, pp. 295-317.
68
6S Bakri, DescriptWn de l'Afrique, texte, pp. 47-48; trad., p. 102 et texte, pp. 74-75; trad., p. 152. Bakri, Description de l'Afrique, texte, p. 182; trad., p. 340.
6
66
R. Idris, La Berbérie Orientale, p. 469, qui mentionne les trois route en question ne nous· precise 9 Ibid., texte, p. 75 ; trad., pp. 153-154.
70
pas la position de Qaypln BayyâQa, Idris, La Berbérie Orientale, pp. 429-430 et p. 674.
71
G? Kitâb al~Istib~iiT, p. 64. ldrîsï, Description de l'Afrique, texte, p. 121 ; trad., p. 141.

20 21
On a vu plus haut que la route Ouargla-Kairouan était en usage, selon toute quand ils veulent se rendre au Sm~dan. avec leurs marchandises » 77 • On lit dans
vraisemblance, au IXe siècle. Nous manquons de témoignage direct sur ce fait ; un autr.e passage de !'oeuvre historique d'Ibn 5aldün que Ouargla était située sur
néanmoins Abü Zakariya' Y~Q.ya ibn Abi Bakr al-Warglani fait mention d'une ex- la voie qui menait de la ville de Takedda (dans le Soudan central) à Biskra. C'est
pédition militaire envoyée contre Ouargla, vraisemblablement avant -921, par -le par cette route qu'est venu à Biskra, chez l'émir Yüsuf Ibn Mozni, un ambassadeur
Mahdi 'Ubayd Allah (mort en 934). Or, cette expédition revint de Ouargla à Kairouan de la part du seigneur de Takedda qu'lbn t[aldün avait rencontré à la cour de cet
après avoir passé par Tozeur 72 , et en prenant de cette façon la route, dont nous émir en l'an 1353 78 •
avons donné la description plus haut. Il en resulte qu'il y avait, au Xr siècle de n.è., une voie qui reliait le Zab à la
I1 paraît que les relations Ouargla-Kairouan connurent leur apogée au IXe, ville de Ouargla et qui traversait l'oasis ·de Wuglan (Ourlana) et, sans doute, aussi
au xe et dans la première moitié du Xr siècle, ce qui coïncidait avec celui de la l'Oued -Righ. Il paraît que le point de départ de cette route était la ville de Biskia1
ville de Kairouan qui était à cette époque le plus grand centre de conunerce de devenue, après 1058, sous les gouverneUrS de la famille de Benü Sindi; un réel _sup-
!'Ifriqiya. Cette v'ille a été abandonnée par une partie de sa population à la suite port de la dynastie Q.ammadite dans le Zab. Outre la voie Biskra-Ourlana-Ouargla,
de l'invasion en 1057 des tribus arabes pillardes de Banü Hilal qui conquirent et il y avait aussi un autre itinéraire qui reliait la province dli Zab à Ouargla. Cet iti-
ruinèrent la ville, dont les habitants se dispersèrent 73 ;.Après cet événement, ainsi néraire nous est connu grâce à une mention d'al-Bakri 79 • Il traversait les villes
qu'après l'attaque de la ·tribu berbère des Hawwara qui pilla de nouveau la ville, de Bentyüs, de Biskra, de Tahüda, et de Badis et se dirigeait vers Qayt.G.11 Bayyaçta,
les Arabes y restèrent maîtres. Al-Idrisi, qui donne une brève description de Kairouan à une ou à deux journées ·à l'ouest de Nefta. Dans cette localité qui est peut-être
en 1154 de n.è., raconte qu'à cette époque les habitants de Kairouan étaient peu la même que Zeribet El Oued actuel, la voie se divisait en trois branches, dont l'uiie
nombreux et que le commerce et l'industrie de l'ancienne capitale de !'Ifriqiya étaie~t conduisait, comme nous l'avons déjà mentionné plus· haut, au Pays des Noirs. Al-
misérables 74• -Bakri ne nous donne malheureusement aucun détail concernant cette branche,
maîs ia seule route transsaharienne dont il pèut être ques.tion, et dont la tête de
ligne se trouvait entre Biskra et Nefta, c'était la voie qui conduisait vers le sud, pro-
5. OUARGLA-ZAB bablement vers El Oued, en se dirigeant ensuite vers le pays de Ouargla.

Al-Idrisi parle de l'exportation des dattes du Zab à Ouargla et de là au Pays


des Noirs 75 • Le Zab des auteurs arabes du Moyen Age, aujourd'hui les Zibane 6. OUARGLA-TLEMCEN
(Ziban), une région de steppes coupées- d'oasis à palmiers-dattiers, était divisée
en trois zones, à savoir le Zab occidental, dont le centre était Tawlaqa (Tolga), le
Zab central, dont la métropole était à l'origine Tahüda (Tehouda, antique Thabu- Là route de commerce suivante, reliant l'Afrique du Nord à l'oasi~ de Ouargla
deos) et ensuite la ville de Biskra devenue au XIIIe siècle le chef-lieu. de l'émirat et par cette oasis à le Billid as-Südlin, Pays des Noirs des géographes àrabes médié-
presque indépendant des Banü Mozni et la véritable métropole de tous le_s Zibanes. vaux, était la voie Ouargla-Tlemcen. Nous la connaissons grâce à al-Bakri qui sou-
Quant au Zab oriental, cette zone avait pour centres deux localités moins impor- ligne, tout d'abord, le rôle que cette ville jouait au Maghreb central au Moyen Age,
tanteSc que celles du Zab central et occidental, à savoir celle de Badis et de en tant que capitale de ce pays et à la fois le << point de rencontre des marchands
Tannüma. de tous les pays>> 80 • Or, parmi ces marchands ïl y avait aussi des négociants qui
Ibn ij"aldiin fait allusion à une route Zab-Ouargla dans son récit de l'expedition fréquentaient la route conduisant de Tlemcen à Ouargla. Voici ce que dit al-Bakri
du prince l;iammadite al-Man~ür ibn an-Na~ir du Zab à Wuglan (Ourlana de nos à son propos 81 :
cartes, au sud de Biskra, sur la route de Touggourt) et à Ouargla, en 1067/68 7 6.
« La Qal'at Ibn al-Ôahil, située au sud de Tilimsan [Tlemcen], est une place
Selon le même historien, la ville de Ouargla est, vers la fin du XIVe siècle de n.è.
forte, entourée d'arbres et de ruisseaux ; elle touche à Gabal Tirni (la montagne
la « porte du ·Désert par laquelle les voyageurs qui viennent au Zab doivent passer
de Tlirni), [pays] bien peuplé, ainsi que toutes les montagnes qui s'étendent de là

72
Abu Zakariyà', Kitâb as-Sfra, f 0 44v 0 -45r 0 ; Masqueray, Chronique d'Abou Zakaria, pp. 221-223.
73
Voir sur l'invasion hilâlienne et la ruine de Kairouan - Idris, La Berbérie Orientale, pp. 205-232. 77
Ibn tfaldün, Histoire des Berbéres, trad., t. III, p. 286.
74
Idrisi, Description de l'Afrique, texte, pp. 110M111; trad., pp. 129-130. 78
Ibid., t. III, p. 287.
75
Ibid., texte, p. 4 ; trad., p. 5. 79
Balai, Description de l'Afrique, texte, p. 74; trad., p. 152.
76
Ibn Baldün, Histoire des Berbères, trad., t. II, p. 50 ; voir aussi Idris, La Berbérie Orientale, 80 Ibid., texte, p. 77~; trad., p, 156.
p. 276. Bl Ibid., texte, p. 77; trad., PP- 156-157.

22 23
jusqu'à Tizil, ville bâtie à l'entrée du désert. On part de Tizil quand on veut se rend- dont les ruines sont encore visibles .sur la pente méridionnale du Djebel Maadid,.
re à Sigilmasa, à Warglan et à al-Qal'a [El Goléa], ville fort peuplée, qui renferme à 30 kilomètres du Bordj Areridj de nos cartes. Cette ville qui ap~ès que Kairouan
une mosquée et les restes de quelques monuments antiques ». ait été ruiné par les Banü Hilal, devint pour une vingtaine d'années la métropole
Il résulte de ce texte que la route qui part de Tlemcen, en passant par la _Qal'at de la Berbérie orientale, était un important centre de commerce qui connut·son apogée
Ibn al-Gâhil et par la montagne de Tarni, et en se dirigeant vers la ville de Tîzil dans la première moitié et au milieu du XIe siècle de n.è., avant l'arrivée des hilaliens,.
située à l'entrée du désert, y bifurque en deux branches, dont l'une va à Ouargla, à la suité de laquelle une grande partie de la population de Qal<a Bani I:Iammad
et ensuite à El Goléa, tandis que l'autre pr.end la direction de Sigilmasa. Malheureuse- alla s'établir à Bougie, nouvelle capitale. de la dynastie. l).amm1idite. Après cet exode
ment il est impossible de localiser toutes les étapes de cette route signalées par al- la ·Qal'a Bani I:Iammad fait toujours figure de capitale (quoique son rôle reste se-
-Bakri. Je ne crois pas qu'il puisse s'agir ici de la route Tlemcen-Sigilmasa traversant condaire) jusqu'à son évacuation en 1148-1149. Elle ne disparait d'ailleurs d'une
le village de. Tarü (situé à une journée de Tltmcen). dont il est question chez al- façon définitive qu'au début du., XIIIe siècle de n.è. 88 •
··Idrisi 82 , quoique il .faille avouer que ce dernier nom rappelle un peu celui de la D'après al-Bakri (1068), dont la description de Qal'a Bani I;Iammad date apparem-
montagne de Târni d'al-Bakri. ment de l'époque qui précède immédiatement la venue des Arabes hilâliens dans.
Al-Idrisi souligne aussi l'importance de Tlemcen comme centre de commerce 83 ; la Hodna et leur apparition devant les portes mêmes de la capitale lJ.ammâdite ( ce
il dit aussi que «la ville de Tilimsan peut être considérée comme la clé du Maghreb, qui a lieu sous le règne d'an-Nât}ir ibn 'Alannâs -1062-1088/89), la ville de Qal'at
car elle se trouve sur la grande route et on ne peut ni entrer dans le Maghreb occidental Abi 'fawil (c'est ~insi que ce géographe appelle cette ·capitale) était à l'époque un.
ni en sortir sans la traverser » 84 • centre de commerce. C'était un. point de rencontre des caravanes venant d'Iran,.
Outre la Voie indiquée par al-Bakri il y avait aussi une autre voie reliant la ville du Hedjaz, d'Egypte, de Syrie èt des pays du Maghreb ~9 • On lit d'ailleurs dans.
'· de Tlemcen à celle de Ouargla. Cette route est mentionnée dans l' Histoire des Ba,iï un autre passage de l'ouvrage 9"'al-Bakrï qu'il y avait aussi une route reliant la
"Abd al-Wiid de Yal;i.yâ Ibn ljaldün, frère du célèbre historien des Berbères, à propos Qal'at Abï 'fawil à la ville de Wârgliin ou Ouargla 90 •
de l'expédition du calife 'abd al-wâc,i.ite Abu I;Iammü II en 1358. Or, ce prince passa Al-Bakri ne nous donne malheureusement aucun détail sur l'itinéraire Qal'àt:
par Taniya Ganiya ( << col de Ganiya »),- situé entre Gabal 'lyâ.9- et Ôabal Awras Abi 'fawil-Ouargla et se borne seulement à indiquer que ces deux villes étaient
(probablement à l'ouest de ce dernier), d'où il se dirigea au Zab, au rug (l'Oued distantes de 13 journées de marche. Cependant nous connaissons les étapes de cette
Righ) et_enfin à Wargla (Ouargla) 85 • Il n'est pas invraisemblable que cette voie route grâce à al-Idrisi. Il est vrai qu'à l'époque où ce géographe écrivait (1154),
soit identique s'il s'agit de sa première partie, . à l'itinéraire Tlemcen-Tahert-al- la Qal'a Bani 1:lammâd n'existait plus, évacuée en 1148/49, mais la .ville commer-
Masila-Nigaous-Biskra, dont l'existence est signalée par al-Idrisi (1154) 86 • çante d'al-Masila, distante de 12 milles arabes, c'est-à-dire de 24 km de cette aban-
Encore au XVr siècle le principal voyage d'affaires des. marchandS de Tlemcen donnée capitale l;i.ammâdite, s'appropria son rôle de centre de commerce de la Ber-
était, selon Jean-Léon l'Africain (1526), celui qu'ils faisaient au pays des Noirs 87 • bérie orientale 91 • Or, selon al-Idrisi, on comptait d'al-Masila à Wârglan 12 fortes.
Malheureusement on ne sait pas si la voie de ces marchands conduisait aussi, comme journées de marche 9 2 , en prenant la route la plus directe entre ces deux villes qui
cela avait lieu du XIe siècle, par Ouargla. passait par Niqâwus (Ngaous de nos cartes) et par Biskra. En effet la distance al-
Masila-Ouargla par cet itinéraire est évaluée à 13-14 journées, à savoir : d'al-Masila
à Ngaous - 3 ou 4, de Ngaous à Biskra - 2 93 , de Biskra à Ouargla - 8 Journées-.
de marche 9 4, ce qui correspond assez exactement à la distance Qal'at Abi Tawil-,
7. OUARGLA-QAL'AT ABl TAWlL (QAL'A BANÎ l;IAMMÂD) -Ouargla (13 journées) et à la distance al-Masila-Ouargla (12 journées forcées).
On ·sait que la voie reliant Qal'at Bani I;Iammâd à la ville de Ouargla traversait
le pays de Rig (l'Oued Righ). -Nous le savons grâce à un renseignement de
Un autre centre politique et économique de l'Afrique du_ Nord, auquel la ville Yâqüt 95 • . .
de Ouargla était reliée par· une importante route, c'était la ·Qal'a Bàni I;lammâd,
capitale de l'État l;i.ammâdite (bâtie par le prince I:Iammâd ibn Buluqqin en 1007 /8),
sa Sur la Qal'a Bani l;Iammiid voir Idris, La Berbérie Orientale, pp. 491-493.
89 Bakri, Descrt"ptio11 de l'Afrique, texte, p. 49; trad., p. 105.
82
Idrisi, Description de l'Afrique, texte, p. 82; trad., p. 94. 90 Ibid., texte, p. 182 ; trad., p. 340.
83
Ibid., texte, p. 80 ; trad., p. 92. !H Idrisi, Description de l'Afrique, texte, p. 86 ; trad., p. 99.
84 92
Ibjd., texte, p. 82 ; trad., p. 94. Ibid., texte, p. 120 ; trad., p. 141.
85 93
Ya~yii. Ibn J;:.laldün, Histoire des Beni 'Abd el-Wâd, t. II, texte, p. 23 ; trad., p. 26. Ibid., texte, p. 94 ; trad., p. 110.
86
Idrisi, Description de l'Afrique, texte,. pp. 86-87 et 94; trad., pp. 100-101 et 110. 9 4 Ibn t[aldün, Histoire des Berbères; trad., t. III, pp. 285-286.
87 9 s. Yâqüt, Mu'iam, t. II, p. 888.
Jean-Léon l'Africain, Description de l'AfriqUJJ, p. 334.

24 25
8. OUARGLA-TUNIS une ville située sur cette voie et qui devait s'enrichir au moins jusqu'à la fin du XV<:
siècle, grâce à ce trafic. C'était la ville de Nefta située non loin de Tozeur, sur Ja
piste conduisant de l'Ifrïqiya à Ouargla. Voici ce que dit Jean-Léon l'Africain à propos
Après la conquête de la Berbérie orientale par les Almohades (1151/2-1160), du commerce en question 101 :
c'est la ville de Tunis qui devint la capitale de ce pays, après Kairouan et Qal'a <i Nefta est une ville ou plutôt un endroit habité divisé en trois châteaux très
Bani #ammad, en gardant aussi son rôle de métropole de !'Ifriqiya sous les I;Iaf~ides, grands . . . Ses habitants, ordinairement, étaient riches, parce qu'ils se trouvaient
dès le XIIP s. et jusqu'à' la conquête de !'Ifriqiya par Ûs Turcs en 1574 et la fin aux confins de la Libye [du Sahara], sur la route qui mène au Pays des Noirs. Mais
-de la dynastie en questioD:. A cette époque la ville de Tunis était un grand centre il y a une centaine d'années [c'est-à-dire vers 1426] qu'elle est entrée en continuelle
de l'artisanat et du commerce. Selon le témoignage de Jean-Léon l'Africain (1526), rébellion contre le roi de Tunis. Le_ roi actuel de Tunis [c'est-à-dire Abü •Abd Allah
les habitants de Tunis étaient en majorité tisserands. « On fabrique en effet», cite-t-il, Mul;tammad, 1494-1526] est parti en campagne contre elle, l'a prise, l'a mise à sac,
<< une énorme quantité de toiles absolument parfaites qui se vendent dans toute a tué beaucoup de' ses habitants et a démoli les murs d'enceinte».
l'Afrique. Elles sont fort chères, car elles sont fines et solides». Jean-Léon l'Africain
-ajOute plus loin qu' « un certain marché de Tunis compte un grand nombre de com-
merçants en toiles. Ceux-ci sont considérés comme les plus riches de la ville. D'au-
tres marchands et artisans occupent aussi ce marché, tels que des droguistes et des 9. OUARGLA-CONSTANTINE 1
marchands de sirop et d'électuaires, des parfumeurs, des marchands de soie, des
tailleurs, des selliers, des pelissiers, des fruitiers . . . Il serait superflu de parler des
autres professions que l'on exerce dans ce marché». Il y avait.aussi à Tunis les fon- La ville de Constantine qui, si l'on doit croire al-Idrisi, était riche et commer-
-douks des marchands chrétiens groupés par nations 96 • çante déjà au milieu du XII" siècle de n.è. 102 , servait, quatre siècles plus tard, de
Le trafic de la ville de Tunis à l'époque bafi;;ide était alimenté, entre autres, par tête de ligne aux caravanes qui se rendaient dans la Berbérie du Sud, Numidie de
un fort courant d'échanges entre !'Ifriqiya et le Soudan. A l'époque de Jean-Léon Jean-Léon l'Africain, auquel nous devons ce renseignement. Voici ce que dit ce
l'Africain les négociants de Tunis allaient souvent à Guargala (Ouargla), en y appor- géographe à propos du commerce de Constantine qui porte chez lui le nom de
tant des produits de Be'rbérie pour les échanger contre ceux apportés par les com- Costantina :
merçants de la Terre des Noirs 97 • 11 paraît que les caravanes qui se rendaient de << Il y a un grand nombre de marchands qui font le commerce des tissus de laine

Tunis à Ouargla empruntaient le même itinéraire, que celui que fréquentaient aux fabriqués dans le pays. Certains marchands aussi expédient de l'huile et de la soie
IX"-XI" siècles les marchands de Kairouan qui se rendaient à Ouargla et ensuite en Numidie, ainsi que les toiles. Tout cela est vendu par troc contre des dattes et
à Tâdmekka : la route traversait Gafsa et Tozeur. Nous en avons donné, plus haut, des esclaves. Il n'y a pas de ville en Berbérie où les dattes soient à si bon marché
une description d'après les indications d'al-Bakri qui indique aussi une route reliant qu'à Costantina »103 • -
Kairouan à la ville de Tunis 9 s. <i Les gens de Constantine se réunissent deux fois par an en caravane pour la
Selon al-Idrisi, d'al-Qayrawan à Tunis on compte un peu plus de deux journées Numidie. Ils y trallsportent des tissus de laine faits dans le pays et je ne sais quelle
-de caravane. Il faut ajouter que déjà du temps de ce géographe, c'est-à-dirè vers saleté qu'on appelle el hasis (hachich). Comme ils sont le plus souvent attaqués
, le milieu· du douzième siècle, la ville était florissante et parmi ses habitants il ne par les_ Arabes, ils emmènent avec eux quelques arquebusiers turcs qui Sont très
manquait pas d'étrangers venus des pays lointains 99 • bien payés. >> 1 04
Ajoutons que c'est sans doute à la route Ouargla-Tunis que fait allusion al-Mazüni Les négociants de Constantine parvenaient, avec leurs caravanes, dans la première
-quand il dit que sous le règne du prince l;taf!;lide Abü Fâris (1394-1434) une caravane moitié du XVI" siècle, jusqu'à la ville de Ouargla, Guargala ou Guargla de Jean'--Léon
revenue du Soudan a été tranchée par le gouverneur d'al-I;lamma (près de Tozeur) 100. l'Africain. Ce géographe dit à 'ce propos ce qui suit 105 :
Il est certain que la route Tunis-Kairouan-Tozeur-Ouargla-Pays des Noirs « Guargala. C'est une ville extrêmmemént ancienne bâtie par les Numides dans
-existait encore aux temps de Jean-Léon l'Africain (1526). Ce géographe mentionne le désert de Nùmidie. Elle a un mur d'enceinte en briques crues, de belles maisons
et tout autour, une vaste palmeraie. Aux environs existent plusieurs châteaux et
96
Jean-Leon l'Africain, Descripti01/. de l'Afrique, pp. 382-383; sur les souks de Tunis voir Brun-
:schvig, La Berbérie Orientale, t. I, pp. 344-347. 101 Jean-Léon l'Africain, Description de l'Afrique, pp. 440-441.
97
Jean-Léon l'Africain, Description de l'Afrique, p. 439. 1 02 Idrisi, Description de l'Afrique, tel!:te, p. 95 ; trad., p. 110.
98
Bakri, Description de l'Afrique, texte, p. 37 ; trad., p. 80. 1
0
3
Jean-Léon l'Africain, Description de l'Afrique, pp. 365·366.
99
Idrisi, Description de l'Afrique, texte, p; 111; trad.,- ·p. 130. lo 4 Ibid., p. 368.
100
Brunschvig, La Berbérie Orientale, t. II, p. 147. 105 Ibid., pp. 438-439.

26 27
une_ infinité de villages. La ville est bien pourvue d'artisans et les habitants sont population de juifs - entretenait d'intenses relations commerciales avec le Fezzan
tr.ès riches parce qu'ils sont en relatiqn avec le royaume d'Agadez (Agadès). Parmi et le pays de Kiinem dans le Soudan central.
ceux-ci on trouve beaucoup de marchands étrangers aU pays, surtout venus de Nous ne savons pas quelles étaient les Origines des relations commerciales entre
Constantine et de Tunis. Ils apportent à Guargala des produits de Berbérie pour Ouargla· et le Djebel Nefousa. Elles etaient assez étroitement liées sans doute àux
les échanger avec ceux apportés par les commerçants de la Terre des Noirs ... Le rapports entre les communes ibâ4ites de ces deux pays, vu surtout le rôle du Djebel
blé et la viande manquent beaucoup . . . La population est généreuse et aimable. Nefousa en tant qu'éminent centre religieux des lbii.Qites d'Afrique· du Nord, dont
Elle fait très bon accueil aux étrangers parce-qu'elle ne possède rien qui ne lui vienne les docteurs jouissaient depuis les premiers imâms rostèmides; d'un grande con-
d'eux en ce qui concerne le blé, la viande salée, le suif, les draps, les toiles, les armes, sidération auprès d'autres groupes berbères-ibii.Qites du Maghreb tout entier. Ce-
les couteaux, en un mot tout ce dont elle a besoin». pendant c'est seulement vers le milieu du XIr siècle de n.è. que nous retrouvons
Jean-Léon l'Africain, à qui nous devons tous ces renseignements, ne nous dit la première mention sur les relations entre Ouargla et le Djebel Nefousa. Nous la
cependant rien sur la route reliant Constantine au Zab et aux oasis _situées au sud devons à al-Idrisi qui dit, dans un passage de son ouvrage géographique, qu'il y avait,
de ce pays. Elle était, à mon avis, la même que l'itinéraire reliant la ville de Qusantina entre ces deux lieux, une route qui comptait douze journées de marche 112 •
(Constantine) au Zab, dont al-Idrisi nous mentionne les étapes. Or, d'après ce géo- Al-Idrisi ne nous indique pas les étapes de cette voie. Il paraît cependant qu'elle
graphe, on compte trois journées de Qusantina à Bigay (Biigaya, Baghaï de nos traversait l'oasis de Souf (El Oued de nos cartes), en se dirigeant vers le c:inton
cartes) et quatre journées de Bagaya à Tubna (Tobna) 106 • Une autre route reliait de Qa!}tiliya, et ensuite, après avoir traversé le Chott El Djerid, vers le canton- de
Tubna à la ville de Niqiiwus (Ngaous) 107 , d'où on comptait deux journées de marche Nafziiwa (Nefzaoua). C'était la même voie qui .a été suivie, dans la deuxième moi-
à Biskra 108 • L'étape suivante sur la voie Constantine-Ouargla était la ville de Toug- tié du XIP siècle de n.è., par un savant commerçant ibii.4ite, Abu Yal).ya Zakariyii'
gourt (Teçhort chez Jean-Léon l'Africain) dans l'Oued Righ, où cet écrivain signale ibn $alib al-lr@sani, allant de Sigilmiisa e_t Ouargla à Djerba, dont nous avoils parlé
les commerçants de Constantine exportant du blé de leur pays en échange des dattest 09 • plus haut 113 •
On trouve aussi une allusion· à la route Zab-Touggourt-Ouargla dans un passage On: connaît trois pistes traversant le Chott El Djerid. La première d'elles, la
de la Description de l'Afrique de Jean-Léon l'Africain traitant de la province de Zeb plus longue, connue sous le nom de Souida, partait de Nafta (Nefta)', en se dirigeant
(Zab) 110 • Or, selon le passage en question, cette province va au Sud « j1;1squ'aux vers Douz et El Kalaa. La deuxième, dite Trik Tozeria, impraticable à notre époque,
déserts que traverse la route de Techort et de Guargla >>. reliait la ville de Tozeur, capitale de Qa!}tiliya, avec celles de Fetnassa et de Kebili.
Dans cette dernière localité elle se. divisait en deux routes qui prenaient, toutes les
deux, la direction orientale : l'une passait au sud d~ Djebel Tebaga, et l'autre -au
nord de cette montagne. Elles aboutissaient à Gabès (Qâbis des sources arabes
10. OUARGLA-DJÉBEL NEFOUSA
médiévales). Enfin la troisième piste, appelée Trik El Oudiania ou Trik El Mahalla,
partait de Tagious (Taqyüs des géographes arabes médiéva.ux, Thiges des Romains)
Il paraît que les lbiiçlitès de Ouargla restaient depuis une époque assez reculée et se dirigeait à Fetnassa, où elle rèjoignait la piste Tozeur-Fetnassa, c'est-à.,.dire
en étroites relations avec leurs coreligionnaires de Tunisie du Sud-Est et de la Tri- cette branche qui allait au nord du Djebel Tebaga, en se dirigeant sur El HarnIIJ,3
politaine, et surtout du Djebel Nefousa (Ùabal Nafüsa des sources arabes médiéva- (ancienne Aquae Tacapitanae) et Gabès 11 4. C'est à urie de ces trois pistes, pro-
les). Ce dernier pays, situé au sud-ouest de la ville de Tri!}oli et habité par une po- bàblement à Trik Tozeria, qlie fait allusion al-Idrisi en indiquant une route qui- va
pulation ber-hère très fidèle à la doctrine de •Abd Allah ibn lbii.çl. et à la dynastie de Nafta (par Tozeur?) à Qabis (Gabès) et dont la longueur est évaluée, selon cet
des BanU Rostem de Tahert 111 , était aussi un important centre de commerce et auteur, à « trois journées et quelque chose.» us. Les étapes de cette piste nous sont
la capitale de sa partie orientale, à savoir Ùiidü ( Giado, Djado de nos cartes) - connues grâce aux renseignements d'at-Tig'âni qui l'a suivie pendant son voyage
grande ville, renfermant, outre les habitants berbères-ibâQ.iies, une nombr~use en 1306-1309. C'était, tout d'abord, après la ville de Tozeur, celle de 'BiSrï (Bechri
de nos cartes), une des deux· capitale$ du pays de Nefzaoua. L'étape suivante était
la deuxième capitale de Nefzaoua, à savoir la ville de Turra (Torra de nos cartes,
106
Idrisi, De:;cription de l'Afrique, texte, pp. 93, 96 et 104; trad., pp. 109, 113 et 121. probablement Turris Tamalleni des Romains). Ensuite le chemin pris par at-Tig'.iini
10
Ibid., texte, p. 94; trad., p. 110.
7
108
Ibid:
109
Jean-Léon l'Africain, Description de l'Afrique, p. 438. 112
Idrisi, Description de l'Afrique, texte, p. 106; trad., p. 124.
110 Ibid:~ p. 439. 113 Voir supra, p. 17.
111
Sur l'attitude des habitants du Djebel Nefousa vis-à-vis les Rosi:émides et sur leur prestige 114
Voir la carte de ces pistes dans : S. Rein a c-h, Atlas de la province romaine d'Afrique, Paris,
exceptionnel chez les lbii.çlites nord-africains voir Ibn SJtir, Chronique, passim; Abü Zakariya', Kitiib 1888, pl. XX.
as-Siro, passim; Masqueray, Chronique d'Abou Zakaria, passim. 115
Idrisi, Description. de l'Afrique, texte, p. 106; trad., p. 124.

28 29
traversait _la ville d'al-I:hmma (El Hamma, Aquae Tacapitanae des anciens), d!où de n.è. 123 A Ouezzane la voie menant vers Djebel Nefousa se dirige·à Nalout (au
on arrivait à Gabès 116 • Moyen Age Lalüt) qui était jadis un important centre de transit entre la côte tri-
D'après un autre passage de la géographie d'al-Idrisi, « entre le Gabal Nafüsa politaine et le Sahara. C'est Peut-être par là que passait, à l'époque romaine, la voie
[Montagne de Nefousa] et la ville [capitale]_ de Nafziiwa [Nefaaoua] est située celle qui reliait la ville de Sabratha (aujourd'hui Z6ugaha) à Cydamus (Ghadamès). Lalüt
de Lü.l).aqa [ou Lü.fa] dont le territoire touche, du côté ouest, à celui des villes était considéré, au Moyen Age, comme le point extrême du Gabal Nafüsa, du côte
de Biskara [Biskra] et de Badis [Badès] ». Il en résulte qu'une voie reliait le canton de l'Occident 124 .
de Nefzaoua au Djebel Nefousa. Nous ne connaissons pas la ville de Lühaqa (Lù- Il paraît que la route menant de Nefzaoua au Djebel Nefousa passait ensuite
ga'a) qui aurait dû être située entre le Djebel Nefousa _et le pays de Nefzaoua et par la ville de Sarii.s (aujourd'hui ruines ;Bou Maarouf dans la grande vallée de l'Oued
dont le territoire touchait, selon al-Idrisi, du côté ouest, à celui des villes de Biskra Chérous) que Mul).ammad ibn Yüsuf Ibn al-Warraq appelle, dans la deuxième
et de Badès, c'est-à-dire au Zibane. L'identification de ce lieu avec celle de Tolga moitié du xe siècle de n.è., « métropole des bourgs du Gabal Nafüsa ». C'était au
(Tulqa d'al-Bakri), une localité située au sud-est de Biskra, proposée par de Goeje 117, Moyen Age une grande ville qui constituait, au xe siècle, une des étapes des caravanes
me paraît insoutenable. menant, apparemment par la voie de Ouargla, du pays de Takriir (ici : Soudan 1
1
Pour ce qui est de l'itinéraire Nefzaoua-Djebel Nefousa, nous en avons déjà occidental). Le but final de ces caravanes aurait été, selon Muhammad ibn Yü.suf,
décrit plus haut, les premières étapes entre Bechri et Gabès. Il paraît que dès cette la ville de Tripoli, éloignée de cinq journées de marche de Sarüs. Encore au XII"
~ernière ville la route allant au Djebel Nefousa se dirigeait vers le sùd-est-sud, en siècle les sources arabes parlent de Sarü.s comme d'une ville fort importante. Il
traversant le village Gumrasen (Romrasen, Ghomrasen de nos cartes) situé au nord- faut ajouter qu'une autre route caravanière reliait Sarü.s à la ville de Ghadamès
-ouest de Tatahouine. Cette partie de la route Ouargla-Djebel Nefousa nous est et au Soudan central. On signale encore à l'époque actuelle l'existence, dans le voisina-
égalemeD.t connue grâce à la relation d'at-Tigâ.ni, composée cent cinquante ans ge de Sarüs, d'une piste qui va dans la direction de Ghadamès et qui porte le nom
environ a]?rès le traité <l'ai-Idrisi. Elle prenait la direction de Kati:ana (Kettana de triq es Soudan(<< chemin· du Soudan>>) 125 • Cette piste reliant, dès une epoque
ou Ketena de nos cartes) 118 et ensuite celle de Marit (actuel Mareth, Martae des très reculée, Ghadamès et le Soudan central à la ville de Tripoli est probablement 1.
anciens) 119 , d'où elle se dirigeait vers Gumriisen 120 • la même que celle dont il est question dans la relation des voyages d'lbn Battüta
1
A Gumriisen at-Tigâ.ni quitte la piste conduisant au Djebel Nefousa et se dirige et qui conduisait de Takadda dans l'Aïr par la ville de Gat (Ghatret ensuite (sans
à l'est, vers la ville de Zawal'a (Zouara de nos cartes). Ainsi nous manquons de té- doute par Ghadamès et Tripoli) en Egypte 126 • Elle n'avait rien de commun avec
moignages médiévaux ayant trait à cette partie de la route Nefzaoua-Djebel Nefousa. la voie Ouargla-Djebel Nefousa, dont parle al-Idrisi et qui conduisait par Nefzaoua.
Mon opinion est qu'elle se dirigeait de Gumriisen vers le sud-est-sud, en traver- Il paraît que celle-ci aboutissait non à Sariis, mais plutôt à Djadou ( Giidii. des sources
sant Tlalet, ancienne·Talalati, à l'époque romaine un des postes jalonnant les limes arabes médiévalès) qui était le vieux centre économique et politique de la partie
tripolitanus (vestiges au lieu dit Ras El Ain). Cette localité existait aussi dans le otjentale du Djebel Nefousa. Djadou était une grande: ville renfermant, au xe siècle
haut Moyen Age ; les sources ibiit;lites médiévales la mentionnent sous le nom de de n.è., plusieurs marchés et une population juive vivant en bons termes avec les
Talalat. Il y avait un mul[lalla (oratoire) attribué à l'imam rostèmide <Abd al-Wahhab habitants berbères-ibaçlites 127 • On sait qu'au Moyen Age Djadou était le point
ilm •Abd ar-Rahman ibn Rostem, qui y avait séjourné au commencement du IX 8
de départ des caravanes qui se rendaient dans le Fezzan 128 et plus loin dans le
siècle de n.è. 121 Soudan central. Il en sera encore question plus loin.
De Tlalet la route prenait la direction de Tatahouine (aussi : Tataouine, Foum
Tataouine), village_ de création moderne situé à 10 kilomètres au sud-est de la pre- *
mière de ces localités. C'est dans cet endroit que se trouvait au Moyen Age la ville Ceci dit, il est maintenant facile de conclure que Ouargla restait au Moyen Age
(ou bien le village) Tittliwin qui fut la capitale de cette région sous l'imâm 'Abd en relations avec les plus importants centres de commerce de toute l'Afrique du
al-Wahhâb 122 • De Tataouine cette route conduit à Dehibat, et ensuite, à Ouezzane, Nord, à partir de Sigilmiisa dans le· Maghreb occidental jusqu'à la ville de Ga.du
WazzaD. des sources ibaÇ-ites médievales, village ciui est déjà signalé au Xe siècle dans la Tripolitaine. Mais dans toutes ces relations Ouargla, dont la production
était pratiquement nulle, ne jouait que le rôle d'intermédiaire dans le trafic del' Afrique
116
Tig'âni, Ri'J,la, pp. 86-173 et carte.
117
Idrisi, Des::riJ,ti<m de l'Afrique, trad., p. 124, n. 1. 123 Lewicki, Études ibâ,Jites, p. 88.
us Tigani, Ri1J,Ia, pp. 119 et 134. 12 4 Ibid., pp. 125-126.
119
Ibid., p. 181. 125
120
Ibid., pp. 43-44.
Voir sur ce lieu Tig"âni, Ri'IJ,la, pp. 184-187, 198, 204 et 20/'i. 126 Ibn Battûta, Voyages, t. IV, pp. 444-445.
121
Lewîcki, Les lbâr/.ites en Tunisi'e, pp. 6-7. 127 Lewîcki, Études ibiirf,ites, pp. 88-90.
122
Ibid., p. 7. 128 Bakri, Description de l'Afrique, texte, p. 10 ; trad., pp. 26-27.

30
du Nord avec les marchés du Pays des Noirs, d'où parvenaient dans cette ville l'or << Il croît dans le pays de Kawkaw [Gao) une espèce de bois qu'on appelle bois

et les esclaves. Ces produits y arrivaient par différentes .voies qui étaient assez nombreu- de serpentS. Ce qui caractérise ce bois c'est que, si on _le place au-dessus du trou
-ses et que nous signalent des traités de géographie arabes médiévaux. Penchons où un serpent est caché, le reptile sort aussitôt, et que la personne qç.i tient ce bois
nous maintenant sur ces liaisons transsahariennes de Ouargla. peut prendre avec la main autant de serpents qu'elle veut sans en éprouver aucun
dommage. Au contraire, elle sent naître en elle une force supérieure à celle qu'elle
avait auparavant. C'est une chose reconnue parmi les peuples du Maghreb occidental
et les habitants de Warqlân que les serpents n'approchent jamais de celui qui tient
li. OUARGLA-TADMEKKA-GAO ce bois à la main ou qui le suspend à son cou ».
Il semble s'ensuivre de ce texte que les habitants du Maghreb occidental et les
gens de Ouargla ont été témoins de cette expérience dans la ville de Gao elle-même ;
Il paraît que la route transsaharienne la plus àncienne et à la fois la plus directe, cependant on ne peut pas passer sous silenc.e qu'lbn Baytir a trouvé aussi la même
reliant Ouargla et par l'intermédiaire de cette ville tout le Maghreb central au Pays plante croissant en abondance àu sud de la ville de Qusantina (Constantine) 133 •
des Noirs, était la route Ouargla-Tâdmek.ka-Gao. L'existence septentri~nale de la Outre ces trois témoignages directs ayant trait aux liaisons Ouargla-Tâdmekka-
partie de cette piste, entre Ouargla et Tâdmekka, nous est signalée expressément Gao, nous disposons encore d'un ;mtre, plus ancien, car provenant du xe -siècle
par al-Bak.ri en 1068. Quant à la route Ouargla-Gao, toute entièi-e, elle n'est mentionnée de n.è. Je voudrais parler ·ici du récit de Yhistorien ibâQ.ite Abü Zakariyii' Ya};tyâ
pour la première fois qu'environ quatre-vingts ans plus tard par le géographe az- ibn Abi Bakr al-Warglani q1,1i parle du voyage - de Ouargla à Tâdmekka - d'un
Zuhri. On voit que ces données sont assez· tardives ; cependant nous ne manqu_ons pieux personnage ibâc).ite, nommé Abü $âlil;t al-Yâgtâni, et originaire de la première
pas de témoignages indirects plus anciens selon lesquels on peut faire remonter dè ces deux villes. Voici ce.que Abu: Zakariyli.' rapporte dans une note biographique
l'existence de cet itinéraire_ au moins jusqu'au commencement du IXe siècle de concernant ce personnage :
n.è. Mais penchons-nous, tout-d'abord, sur les donn'ées d'al-Bakri et d'az-Zuhri. "« Abu 'r-Rabi' Sulaymân ibn Müsâ ibn 'Omar rapporte qu'Abü $âlil;i. [al-Yâ-
Chez le premier de ces auteurs 129 on lit ce qui suit : gtâni] chassa du Midi à Warglan un certain nombre de chameaux: pour les vendre
« Pour se rendre de Tâdmekka à al-Qayrawân [Kairouan] on marche pendant dans cette ville. Un homme de Warglan a acheté un de ces chameaux. Quand Abü
cinquante jours dans le désert, afin d'atteindre warglân [Ouargla) ... De là à Qastiliya $âli]:i. a prié cet homme de lui rembourser le prix de ce chameau, celui-ci dit : Je te
[ici : Tozeur] il y a quatorze journées ; puis sept journées de Qastiliya à al-Qayrawan, rembourserai le prix de ton chameau _à Tadmekket. Ainsi Abü $a.li}). fit ses pre-
comme nous avons dit ailleurs>>. paratifs pour aller avec cet homme à Tâdmekket et il a pris un autre _chameau comme
Et voici le passage de l'ouvrage géographique d'az-Zuhri ayant trait à cette monture. Un autre homme [de Warglân] lui dit : transporte pour non compte une
piste 130 : charge de vêtements sur le dos de ton chameau. Abü $âlil;i. y consentit, mais il de..:
« Par{1ll les villes d'al-I:IabaSa [ici : Soudan central) il faut mentionner la ville manda à cet homme : à combien dois-je vendre ta charge ? L'autre répondit : à tant
de Kawkaw [Gao], capitale de ce pays. C'est vers cette ville que se rendent les caravanes ou tant. Ap~ès, cela le Say!! [Abü $alil).J vint à Tadmekket .. ~ [Cependant il .n'a pas
partant de l'Egypte et de Wârqlân [Ouargla], sauf un petit nombre de caravanes réussi ,à vendre cette charge de vêtements] et il revint avec elle, en caravane, à Warg-
du Maghreb qui y viennent du côté de la ville de Sigilmâsa ». .lân. Et nous n'avons jamais entendu [dit le rapporteur] qu'une charge de marchandises
Or, il résulte de ces deux textes que la voie Ouargla-Gao était fréquentée au fût rentrée de Tâdmekket à Warglân .sa1,1f celle-là 1> 134 .
Xle-xne siècle par les caravanes et qu'elle traversait la ville saharienne de Tâd- Cet Abü SâliQ. al•Yligrani est compté par ad-Dargini parmi les gens marquants
mekka, aujourd'hui les ruines d'Es Souk, à 45 kilomètres au nord-ouest de Kidal appartenant à la huitième µbaqa, c'est-à-dire ayant vécu dans la deuxième moitié
dans l' Adrar des Ifoghas 131 . du IVe siècle de l'hégire (Xe siècle de n.è.). Selçm les auteurs ibli9,"ites, il habitait
Vers le milieu du XIr siècle de n.è. le géographe arabe al-Idrisi fait aussi allusion d'abord à Ouargla qui était, sans doute, son lieu d'origine. A c·ause d'une guerre
aux visites des gens de Ouargla à Gao en ces termes 132 : qui éclata à Ouargla, il émigra de cette ville à Derdj près de Ghadamès, où il resta
sept ans. Ensuite il revint à Ouargla 13 5 •
u 9
Ibid., texte, p. 182 ; trad., p. 340. Il est facile de conclure d'après le récit d' Abü Zakariyâ' que le commerce entre·
130
Zuhrl, Kitâb alMDJ'a•râfiyya, p. 184, § 333. Ouar9la et Tâdmekka se faisait déjà dans la deuxième moitié du xe siècle de n.è.
131 Mauny, Tableau, p. 117, EstMce que les Fii.timides réussirent 'vraiment à controler, au début

du xe siècle - comme le veut H. R. Idris, La Berbérie Orientale, p. 675 - la route saharienne reliant
Ouargla au Soudan occidental et central? J'en doute puisque nous savons que la tentative d'asservir
133
Ouargla entreprise par le premier calife :fiitjmide 'Ubayd Alliih alMMahdi (909-934), probablement vers Ibid., trad,, p. 14, n. 1.
134
le commenceriient du règne de ce calife, n'était pas réussie. Abu Zakariyii.', Kitah asMSira, f" 89v"; Lewicki, Quelques extraits, pp. 4 et 5M7.
u i Idrisi, Description de l'Afrique, texte, pp. 11M12; trad., pp. 13M14.
135
Sur ce personnage voir aussi Dargi:ni, 'fabaqât, f 0 108v"M110r".

iè:tudcs magh:rebines et soudanaises 33


32
et que l'un des objets de ce trafic étaient les vêtements que l'on échangeait contre (c'est-à-dire du pays de Qal}tiliya) vivant dans la deuxième moitié du xe
siècle de
l'or 136. , n.è. et appelé Tamli (ou Tamia?) al-Wisyani. Nous tirons cette nciuvelle de la noti-
Passons maintenant aux témoignages indirects sur les relations Ouargla-Tiid- ce biographique consacrée à ce personnage dans un recueil de biographies ibiiÇ-ites
mekka-Gao. La donnée la plus ancienne se rapporte à l'itinéraire Tiihert (Ouargla)- anonyme, connu sous le nom du Siyar al-ma!iiyi~ et composé dans la deuxième
-Gao. Nous avons déjà signalé, plus haut 137 , les relations entre Tiihert et la ville moitié du XIr siècle de n.è. Il. résulte de cette notice, dont j'ai publié en 1961 le
de Gao sous l'imam rostémide 'Àbd al-Wahhiib ibn 'Abd ar-Ral;imiin et nous avons texte arabe 141 , que Tamli al-Wisyani est devenu si riche qu'il était en état d'envoyer,
vu que la voie la plus directe reliant ces deux villes passait Par Ouargla. au pays de Qa!}tiliya, tous les ans, seize bourses, dont chacune contenait la somme
C'est aussi par warglan que devait passer Kaydâd, père du fameux Abü. Yazïd de 500 dinars d'or (ce qui fait ensemble 8000 dinars), pour les besoins des pauvres
Mablad ibn Kaydiid, << l'homme à l'âne» quand il se rendait de Taqyü.s dans le iba.4ites de sa ville natale.
pays de Qa!}tiliya à Tiidmekk.et et à Gao pour y faire du commerce. Voici ce que Un autre passage du Siyar al-ma!âyi!J, parle du voyage à Tadmekk.et (Tii.dmekka)
dit à ce sujet l'historien maghrebin Ibn I:Iammiid ou Ibn I:Iammado (m. 1231 de d'un ibaçlite du Gabal Nafüsa (Djebel Nefousa en Tripolitaine), futur mari de la
n.è.) 13s : pupille d'A!}il, célèbre pieuse femme ibii.i;lite de ce pays, ce qui probablement eut
« Il [c'est-à-dire le calife 'fati-mide Muhammad al-Qa'im] eut à lutter contre lieu au XI siècle de n.è. 142 La route de ce voyageur pasaait, elle aussi, par la ville
Abü. Yazid Mahlad ibn Kaydiid qui se révolta contre lui en 322 [944 de n.è.]. Cet de Ouargla: Nos en avons étudié plus haut la partie nord, à savoir du Djebel Nefousa
Abü. Y azïd . . . était de la tribu des Banü Ga 'far, fraction des Banü Ganâ que les à Ouargla.
Berbères appellent Agana, autrement dit Zaniit, d'où vient le nom de Zaruita. Kaydad, La voie reliant Ouargla à Tâdmekka .se dirigeait, tout d'abord, sur El Goléa,
son père, habi_tait Taqyü.s, ville du pays de Qa!}tiliya, et allait et venait, parmi les al-Qal'a d'al-Bakri, ville qui était déjà ancienne du temps de ce géographe, ·c'est-à-dire
marchands, vers: les pays du Soudan. Ayant acheté à Tiidmekket une esclave nommée vers 1068, 143 . Ensuite elle prenait la direction d'In Salah. Cette localité devait être
Sabika, il eut d'elle un enfant ... ; il l'appela Abü. Yazid. Plus tard, il l'emmena déjà dans le haut Moyen Age une importante étape sur la route Ouargla-Tadmekk.a-
à Kawkaw [Gao] et le présenta à un de ces devins que l'on nomme 'arriif. Celui-ci -Gao 144, comme elle l'est aujourd'hui sur la piste cara_vanière Ouargla-Tombouctou.
dit : «voilà un enfant qui arrivera à de grandes_ choses; il sera roi>>. Kaydad revint Au XIXe siècle les caravanes d'ln Sallah allaient à Ouargla et au Mzab et les Chaanba
à Taqyiis, où il mourut ». · ' de. Ouargla et d'El Goléa se rendaient regulièrement à In Salah. D'autre part, Tom-
Selon Ibn :tlaldün, « Kaydad, père d'Abü Yazid, visitait souvent le· Pays des buctou se trouvait au premier rang des marchés auxquels la région d'In Salah s'adres...
Noirs pour y faire du commerce. Son fils haquit d'une concubine nommée Sabika sait à cette époque 145 .
et vit le jour à Kawkaw, villé située dans cette région. Ramené par son père à Qayµin Après avoir passé In Salah, la piste, reliant Ouargla à Ta.dmekk.a, se .dirigeait
Zanata, dans la province de Qa!}tiliya, il séjourna tantôt à Tüzar [Tozeur] et tantôt vers les montagnes du Mouydir ou Immidir. Ces montagnes coupent la piste cara-
à Taqyüs »139 . vanière qui conduit de Ouargla à l'intérieur de l'Ahaggar (Hoggar), où elle a plusieurs
Conformément à ces deux récits, dont les auteurs ne sont d'ailleurs pas toujours ramifications dont les plus importantes menent à Agadès et à Gao. L'une des pistes,
d'accord,, on voit que Kaydad parvenait, en faisait le ,commerce entre le pays de reliant l' Ahaggar à Gao, passe par Abalessa, Silet, Tin Zaouaten et Kidal (dans
Qa!}tiliya et le Pays des Noirs, jusqu'à la ville de Gao, en passant par celle de Tad-. !'Ahaggar des Ifoghas) pour se diriger ensuite p<lr Bourem à Gao. Au Moyen Age
mekk.et. L'activité commerciale de Kaydad se place daris le dernier quart du IXe cette piste devait traverser la ville de Tiidmekka (aujourd'hui les ruines Es Souk)
siècle de n.è. et la naissance d'Abü. Yazid à Tiidmekka ou bien à Gao aurait lieu située à 45 km au nord-ouest de Kidal. Il paraît qu'au début, après la fondation de
vers 885 de n.è.140 Tâhert rostémide, c'est-à-dire dès la fin du VIIr et au commencement du IXe
C'est aussi par la ville de Ouargla que devait passer, en se rendant à Tàdmekka siècle, s'est ouverte la route menant de cette ville à Gao en passant par Ouargla.
lors de ses nombreux vOyages, un riche commerçant ibaçlite originaire d'al-Qu!}iir Elle traversait Joghraf (iograf) ou Djoghraf (Gograf), une vallée peu étendue,
où l'on trouve une source thermale et des· palmiers, avec des traces d'anciennes
cultures. Cette vallée-oued, qui appartient à la tribu touareg des Kel Immidir, se
136
As-Sammâl.)I (XVIe siècle) parle du célèbre Sayb, ibà<;l..ite Abii $iili1;>. Ganniin ibn Ïmriyân qui
vécut à Wàrglàn dans la première moitié du ive siècle de l'hégire (Xe siècle de n.è) et qui jouissait d'une
grande considération dans cette ville; ce faylJ. a fait, lui-aussi, un voyage à Tâdmekka (Samma.bi, Kitâb l4t Lewicki; Quelques extraits, pp. 18-19 et 21-23.
as-Siyar, pp. 362-366). · 142 Ibid., pp. 21 et 25-26.
137
Voir supra, pp. 12-13. 1 4 3 Voir plus haut, p. 17.
138
Ibn l:lammàd, Histoire des rois 'obaidides, texte, p. 18 ; trad., pp. 33-34. 144 Mauny, Tableau, p. 434. M. Mauny a raison de constater, dans un autre passage de son ouvrage
139
Ibn f:I.1i,ldiin, Histoire des Berbères, trad., t. III, p. 201. (p. 17), qu'au Moyen Age El Goléa vivait, en grande partie, du trafic avec le Soudan.
1.45 A. Le Ch a te I i e r, In-Salah, ~ Bulletin de Correspondance Africaine~. t. Ill, 1885, pp. 441.
140
Sur Kaydàd et Abû Yazid voir aussi Fournel, Les Beibères, ·t. II, pp. 223-224 et passim; Mauny,
Tableau, p. 117. 443, 448.

34 ,. 35
jette dans le Tedjeft, affluent de la vallée d' Ahor qui, à son tour, est une p~e de Nous devons l'orthographe correcte de la première de ces formes à Youssouf Kamal
la vallée de Taghezzit, située entr" Ti'n Seghmar et Iderdjan. Or, c'est ce heu que qui a publié des extraits de ce traité concernant l'Afriqu_e 151. Quant à Mub.ammad
traversait aux temps très reculés la piste, ensuite abandonnée, conduisant de Ouargla Hadj-Sadok, auquel nous devons l'édition complète de l'ouvrage d'az-Zuhri, il lit
à Ta'.dmekka et à Gao, qui a donné l'origine à une ancienne tradition recueillie à Ouar- la première de ce formes )l_; Nasàla et la deuxième J.-i Nasali, suivant l'ortho-
gla, par l'historien ibaçlite Abü Zakariya'.' Yahya ibn Abi Bakr al-Warg1an1 (XJe-Xlle graphe erronée (ommission d'un point diacritique) des manuscrits du traité d'az-
siècle de n.è.), sur le pays mythique de Gugraf. D'après cette tradition, dans la Zuhri qui ont servi de base à l'édition de son traité 152 • Or Tasala ou *Tasali d'az-
période qui précèderait la fin du monde, une apostasie générale régnerait partout Zuhri est une ville .située à une distance de neuf. journées de Tadmekka 153 • Ce
et la corruption ainsi que la dépravation deviendraient courantes. En les fuyant, détail ainsi que la ressemblance des noms semblent nous autoriser à rapprocher
les croyants (il est- ici question des Ibaçlites de l'Afrique du Nord, restés fidèles Tasal3/*Tàsali de Tessalit qui est éloignée des ruines d'Es Souk d'une distance
à la religion) seraient contraints de fuir," pour sauver leur foi et leur vie. Le but de de 180 kilomètres en ligne droite.
cette fuite serait le Gugraf, endroit situé au milieu du désert mais bien approvisionné Il est intéressant de voir que les habitants idolâtres de Tasal3.f*Tasali ainsi que
en eau ; les derniers fidèles s'y réuniraient. On trouve aussi les· récits sur le pays deux de la ville de Tiidmakka aient été islamisés, sept ans après l'islamisation du
du Gugraf dans le Kitâh as-Siyar d'aS-Sammahi (XVIe siècle) 146 • royaume de Gàna 154 • Vu que ce dernier fait a eu lieu en 1102 de n.è. 155 , la date
La suivante étape Sur cette ancienne piste transsaharienne était Abalessa, centre de la conversion à l'islam des habitants de Tasalà/*Tasali et de Tadmakka, sous
antique du Hoggar, dont nous avons parlé plus haut comme d'un site archéologique la pressions des Almoravides de Mauritanie, tombe en 1109 de n.è.· Nous savons
ayant .conservé des traces d'un modes~e trafic avec la Numidie au IVe siècle de n.è. aussi, grâce à az-Zuhri, que les gens de Tasala/*Tasali ainsi que ceux de Tadmekka
Or· il est intéressant de constater que les traditions recueillies par M. Reygasse faisaient la guerre aux habitants de Giina 156 • Les habitants de ces deux villes allaient
fo~t état de la relation existant antérieurement à l'Islam entre cette localité et Es aussi dans le pays de Barbara (peut-être en Mauritanie du sud-est?) 157 , habité
Souk 141. par les tribus de Ganàwa (c'eSt-à-dire par les Noirs}, pour y capturer des esclaves 158 •
Nous ne savons pas quelle direction prit la piste d'ln Salah-Tiidmekka après Ainsi paraît-il que Tasala/*Tasali de même que Ta~mekka étaient au XIIe siècle
l'abandon de la voie de Joghraf, c'est-à-dire au xr et au XIr siècle, à l'époque de grands centres de la traite des Noirs.
du grand développement du trafic transsaharien et surtout du commerce de Ouargla Maintenant prenons en consideration la ville de Tadmekka, l'étape suivante
avec Tadmekka et Gao. Il est possible qu'elle se soit dirigée, à cette époque, d'ln sur la grande voie de commerce qui liait au Moyen Age Ouargla et tout le Maghreb
Salah a Qulay'a Wallen (Ouallen de nos cartes}, dont il est mention chez Ibn l;:laldùn central à la ville de Gao. M. R. Mauny souligne, à juste titre, que cette ville est ·
(XIVe siècle). Suivant cet auteur, c'était un petit château (qulay'a en arabe) situé aussi (( un des centres les plus anciens qui, au sud du Sahara, furent en liaison avec
en plein désert et habité par les Berbères de la tribu de Matg"ara 148 • A Ouallen le monde méditerranéen : la découverte en ce lieu des chars gravés rupestres montre
la piste allant d'Es Souk à Ouargla par In Salah s'embranchait avec celle menant qu'une voie de pénétration,. antérieure à notre ère, .venant du Fezzan et aboutissant
de Touat à Es Souk et traversant In Zize et Timmissao. Selon M. R. Mauny, cette vraisemblablement au Niger, y avait une de ses étapes »159 • Nous avons déjà mentionné
piste « était-assez facile pour être Suivie au début du XXe siècle encore. par les trou- plus haut que cette ville était fréquentée, déjà dans le dernier quart du IXe siècle
peaux remontant du Soudan au Touat et au Tidikelt>> 149 • de n.è., par les commerçants venant des environs de Tozeur (je veux parler ici de
De Timmissao la piste menant du Hoggar à Es Souk prenait la direction du Kaydad, père d'Abü Yazid Mahlad ibn Kaydad, « l'homme à l'âne»). J'ai parlé
Bordj Moktar et ensuite celle de Tessalit, une ancienne agglomération en ruines aussi de l'or qui affluait en masse à Tidmekka au xe siècle de n.è. (et de cette ville
de l' Adrar des Ifoghas, où on a découvert des exploitations anciennes et où il y avait au Bilàd al-Garid), ce qui indique ·qu'à cette époque déjà d'intenses relations com-
du cuivre et un minéral rappelant un pell la turquoise, utilisé jadis pour la confection merciales étaient entretenus entre Tadmekka et la ville de Galla, principal centre
des fameuses perles dites « perles de Gao ». Ces exploitations sont plus récentes du commerce de l'or dans le Soudan occidental. Nous avons aussi signalé plus haut
que l'âge de pièrre et antérieures à la fin du XVr siècle 150 •
Il semble que Tessalit soit identique à la ville appelée )L_; Tasala ou ~
*Tasali, dont il est question dans le traité de géographie d'az-Zuhri (XIr siècle). 151 Youssouf Karnal, Monumenta, t. III, fasc. III, p. 803.
152
Zuhrï, Kitab al-Dja'rii.fiyya, p. 182, § 338 et p. 181, § 339.
1 3
s Ibid., p. 182.
1 4 6 Sur le Ùugraf voir T. Lewicki, Une croyance des lbâÇites nord-africains sur la fin du monde: 4
15 Ibid., pp. 181-.182, § 338.
l
[,;
le pays de Gugraf, i Correspondance d'Orient~. n° 11, pp. 317-327.
141
25
5
Ibid., p. 181, § 338.
Mauny, Tableau, p. 117. 15
6
Ibid., pp. 181-182, § 338.
14
8 Ibn tfaldiln, Histoire des Berbères, trad., t. 1, pp. 240-241. 1 57 Lewicki, Un État soudanai:r, pp. 524-525.
11 1
49
Mauny, Ta!Jleau, p. 433. 58
1 Zuhri, Kitiib al-Dja'rii.fiyya, p. 181, § 339.
î1lj 1 5 o Ibid., pp, 118, 306, 310 et 318-319. 1 59 Mauny, Tableau, p. 117.

36
l'existence dans la ville de Tâdmekka d'un centre de la traite des Noirs. Selon les . et de ravins, et mieux bâtie que Gana 168 et Kawkaw (Gao). Cependant l'islam
opinions recueilies par Ibn I;lawqal dans la deuxième moitié du xe siècle de n. è., devait y ê'tre très superficiel puisqu'il avait fallu une action_ de la part des Ahnoravi~.
Tâdmekka était à cette époque un État gouverné par des rois appartenant au clan des pour y introduire, quarante ans plus tard, la vraie religion musulmane, cOmme
de Banü Tânmâk. qui faisait partie de la tribu berbère de $anhaga 160 • C'étaient donc nous· l'apprennent les passages de l'ouvrage d'az-Zuhri cités plus haut. AI-Bakri
des Touareg du Sud. parle aussi d'une voie traversant le désert et reliant. Tlidmekka à la ville de Tiraqqâ
C'est probablement d~ l'ouvrage géographique, aujourd'hui perdu, d'al-Muhal- (ou Tirqi ?), située probablement dans les environs de Tombouctou 1 6 9 ._ C'est cette
labi (975-996) que provient un intéressant renseignement su.r Tâdm~ donné vill_e qui servit d'intermédiaire dans le commerce entre Tâdmekka et Gana. En
dans le Mu'iam al-buldân, dictionnaire géographique de Yâqüt (m. 1229 de n.è.). effet al-Bakri dit que le marché de Tïraqqa (Tirqi) attire de Gana et de Tlidmekka
Voici ce qu'il dit à· ce propos 161 ,: « Zakrâm r(JJ ... ville à l'ouest d'lfriqiya, dont une foule de monde 170 •
les habitants appartiennent aux Zanata; c'est le chef-lieu du royaume de Tâdmâk ». 11:m Sa'id al-Garnliti (écrit d'avant 1286 de _v,.è.) dit 171 que << les habitants de
Il en résulte que Tlidmâk. (c'est-à-dire Tâdmekka) était le nom non pas de la Tadmekka font un grand commerce et qu'ils se rendent dans le pays des nègres».
ville mais de tout le royaume dont elle était la capitale ; quant à cette dernière, elle Quant à un autre renseignement de ce géographe, à savoir que les habitants recon-
portait le nom de Zi,ikrâm qui ne nous est pas connu des autres sources arabes. II .est naissent l'autorité du roi de Kiinem, il semble qu'il s'agisse d'une regrettable c.on-
intéressant de constater que, d'après la source de Yâqüt, les habitants de Zakrlim fusion. C'est plutôt l'autorité du roi de Kawkaw (Gao) qui a été reconnue à cette
(ou plutôt la plupart d'entre eux?) appartenaient à la tribu de Z,anlita (càmme ceux époque par les princes de Tâdmekka, au moins jusqu'à la soumission de Gao à Mali,
de Ouargla et du Bilâd al-Garid) et non à celle de $anhaga comme les fractions qu'il faut attribuer à Sakoura (1285-1300).
berbères qui constituaient la population du royaume de Tlidmekka tout entier et Tadmekka a encore joué un certain rôle dans la première moitié du XIe siècle
dont la dynastie de Banü Tânmlik tirait son origine 162 • Peut-être s'aiit-il des commer- de n.è., et al- ·0mari (mort en 1349) dit, dans son Masâlik al-ab§âr fi mamiilik al-
çants venus s'etablir à Tiidmekka du nord, de Ouargla, de l'Oued Righ ou du pays amfâr, qu'elle était le siège d'un roi musulman blanc indépendant, qui était, toute-
de Qa~tiliya,-c'est-à-dire des environs de Tozeur, comme c'était p.ex. le cas de Kaydad, fois, moins puissant que celui d'.t\ir (c'est-à-dire de Takedda) 172 • II paraît que
père d'Abü Yazid Mahlad, ou bien de Tamlï al-Wisyâni, qui étaient 4es Zanlita, peu de temps après le rôle de Tlidmekka a rapidement diminué; en effet Ibn ]jaldün
comme tous les habitants berbères des pays en question 1 63. qui donne, vers la fin du XIVe siècle, une description du Pays · des Noirs,.
Le nom de la_ capitale du royaume de Tlidmlik. (Tlidmekka) transmis dans,le passe cette ville sous silence 173 • Cependant elle devait encore subsister jusqu'au
dictionnaire géographique de Yliqüi_ sous la forme 11]"~~ Zakrlim semble mutilé. milieu du XVIF siècle, et c'est seulement en 1655 de n.è. que les habitants de
Ne doit-on le corriger en r(}f *Ak.riim? Ce dernier mot (que l'on peut prononcer cette ville ont abandonné ce lieu pour aller s'établir dans le voisinage de Tom-
aussi *Agram, l'alphabet arabe ne possédant aucun signe pour rendre le g) donne bouctou 174,
l'impression d'être l'équivalent du mot berbère agram, agrem, agerem, agerom La ville de Gao, Kawkaw, Gawgaw ou Qüqü (aussi Kükü, Gügü) des auteurs
etc. «château». Ce mot apparaît aussi dans l'ancienne toponymie des pays berbères: arabes médiévaux: apparaît, pour la première fois, dans les sources arabes dans le
je voudrais rappeler ici le nom d'un des sept châteaux-forts de l'oasis d'Ouargla premier quart du IXe siècle de n.è., à l'occasion d'un voyage que le prince rostémide
dans la Description de l'Afrique d'al-Bak.ri: Agrem-en-Ikammen 164 , ainsi que celui de Taheri Aflal::i. ibn 'Abd al-Wahhab avait l'inteiltion de faire dans cette ville avant
d'un village de Djebel N_efousa : Agrem lnall. ·Ce dernier nom, dont la traduction l'an 823 de n:è. Nous en avons déjà parlé précédemment. Cette ville est ensuite
arabe donnée par aS-Sammabi (m. 1522) est Qa~r an-Nafs ·« Château de l'âme» 165 , citée par le géographe arabe Müsli àl-6uwatizmi (avant 84-7 de n.è.) 175 , et elle
est une appellation du village qui existait déjà vers la fin du vnr
siècle de n.è. 166 apparaît, vers la fin du IXe siècle de n.è., dans la biographie d'Abü Yazïd Mablad
On doit une description assez détaillée de Tlidmekka au XIe siècle de n.è. à al-
Bakrl. D'après ce géographe 167, c'était une grande ville entourée de montagne·s
166
Aujourd'hui les ruines de Koumbi Saleh dans le sud-est de la Mauritanie - Mauny, Tableau,
pp. 72-74.
16 g Sur l'emplacement de cette ville voir M. Delafosse, Haut-Sénégal-Niger, t. Il. p. 70; cfr. aussi
160
Ibn l;laulpl, Opus geographicum, t, I, p. 105.
161
Yâqût, Mu'gam, t. Il, p. 938. infra, p. 48, note 236.
16
170 Bakri, Description de l'Afrique, texte, p. 180; trad., p. 338.
.2 Ibn J:Iauii:al, Opus geographicum, t. I, s. 105.
171 Abu '1-Fidâ', Géographie, trad., t. II 1, p. 219.
163
Sur les fractions de Zanâta établies dans !'Oued Righ, dans l'oasis de Ouargla et dans Qa~tiliya
1 n 'Omari, Masii.lik El Abim·, pp. 94-95.
voir Ibn t[aldûn, Histoire des Berbères, trad., t. III, pp. 205, 275-278, 285-288 et passim.
173
164
Bakrî, Descn"pti."on de l'Afrique, texte, p. 182 ; trad., p. 340. Je ne crois pas que les renseignements d'Ibn ljaldûn sur Takeddii aient quelque rapport avec
165
Sammâ{!i, Kitiib as-Sij;ar, p. 198. Tâdm.ekka comme le veut R. Mauny Tableau, p. 117, n. 3.
174
166
Lewicki, lttudes ibii.ef-ites, pp. 106-107. Sur ce fait voir Sa'dï, Ta'ri1] aS-Südân, texte, p._ 320; trad., p. 484.
115
167
Bakri, Descn"ption de l'Afrique, texte, pp .. 181-182 ; trad., pp. 339-343. Das Kitiib $Urat al-art/., éd. par H. v. Mzik, Leipzig 1926, p. 8, n° 44.

38 39

'
ibn Kaydad, comme une ville -qui attirait les ·commerçants musulmans de l'Ifri- lui; Kawkaw était une grande ville située près du Nil '(Niger), une des plus belles
186
qiya (des environs de Tozeur) 176 • C'est aussi à cette époque qu'apparaît le nom cités des Noirs, où il ne manquait pas de geris d'origine maghrebine •

de Kawkaw chez l'historien et le géographe arabe al-Ya'qübi, dans son Ta'ri"!!: rèdigé La ville de Gao continue à subsister cOmme. une grande et importante localité
peu après l'an 872, comme celui de la capitale de l'État homonyme, selon_ cet auteur, commerçante aussi au xve-xvr sièclè. Voici quelques détails sur le trafic de cette
«)e plus grand et le -plus célèbre de tous les royaumes des Noirs-» 177 . ville, à l'époqùe en question, contenus.dans la Description de l'Afrique de Jean-Léon
Au commencement du xe siècle Ibn al-Faqih al-Hamadâni écrit dans son Kitab l' Africàin, notre principale source sur l'histoire du Soudan occid~ntal e~ central
al-Buldân que le peuple de Kawkaw occupait le pays situé sur la roµte qui reliait de cette époque 1 8 7 :
le territOire de Gana ayec l'Egypte, en passant par le pàys de Maranda (aujourd'hui « Gago est une très grande ville ... Ses habitants sont de riches commerçants
Marendet, point d'eau important, située au sud d'Agadès) 178 • Le pays et la ville qui circulent constamment dans la région -avec leurs marchandises. H y vient une
de Kawkaw sont également mentiori.nés dans la deuxième moitie du xe siècle de n.è. infinité de Noirs qui apportent une grande quantité d'or pour acheter des objets
pai- Ibn Uawqal. Ce géographe nous indique aussi plusieurs routes qui reliaient importés de Berbérie et d'Europe, mais ils ne trouvent jamais' suffisamment de
Kawkaw à d'autres· villes du Soudan occidental 1 79 • ces objets pour employer leur or ... Il existe une place où l'on vend les jours· de
Al-Muhallabi qui écrit vers la fin du xe siècle souligne dans un fragment de marché une infinité d'esclaves ... » ··
son traité de géographie cité par Abu 'l-Fida' que les habitants de Kawkaw professent Il résulte de ces mots que Gao était, 'encore au commencement du XVP siècle,
déjà la foi musulmane 180 • un important centre de commerce qui entretenait d'intenses relations· avec le Maghreb.
D'après al-Bakri 181 à qui nous devons la descriptio~ la plus intéressante de Cependant on ne sait si les marchands de Ouargla conti~uaient,_ au XVe-XVP siècle,
Gao, à côté de celle d'al-Muhallabi 182 , il y avait neuf journées de marche entre à voyager pour cette ville. Cependant cela n'est pas impàssible, vu que la piste Ouar-
cette ville et Tâdmekka. Az-Zuhri nous parle des voies reliant Kawkaw au pays gla-Tâdmekket-Gao était la plus directe et la plus commode des routes reliant
du Süs dans le Maroc du sud (d'où viennent les caravanes pour le trafic des esclaves là première de ces villes au Soudan. Ainsi c'est probablement de Gao que provenaient
et de la poudre d'or), ainsi qu'avec Sigilmâsa, l'Egypte, Ouargla et Gâna ( cette les esclaves noirs, propriété de quarante marchànds que ~alaQ. Ra'is a trouvé à Ouar-
dernière était à 30 journées de Kawkaw), 183 • On doit aussi plusieurs do:rinéès ·sur gla pendant son expédition dans cette ville en 1552 188 , quoique il n'est pas im-
cette ville à al-Idrisi qui parle de sa grandeur, de ses habitants et des bonnes rela- pos·sible qu'on les ait importés d'Agadès 189 •
tions entre les personnes considérables, notables locaux, et' les marchands (sans
doute étrangers) et disant à ce propos que ces notables « loin de se séparer de la
classe des·marchands, les visitent ... et leur fournissent des fonds pour leurs entre-
prises commerciales, en leur confiant des marchandises et en recevant, en retour, 12. OUARGLA-CANA
une partie du gain» 184 • Al-Idrisi signale aussi une route menant de l'oasis Awgila
(AoUdjila, Augila de nos cartes) à Kawkaw,
Je passe ici sous silence une description intéressante des habitants noirs de Gao, Outre la route Ouargla-Tâdmekka-Gao, il y avait encore une autre voie trans-
donnée dan~ l'ouvrage du cosmographe Abü l;Iamid al-Andalusi al-Gamaµ, qui saharienne qui reliait la ville de Ouargla aux marchés du Soudan_ occidental. Je
ne -contient cependant aucun détail sur le commerce de cette ville (appelée Qüqü voudrais parler ici de la route Ouargla-Ganâ 4-ui a été établié, peur-ê1:re, à la même
chez Abü I;Jami.d) avec Ouargla ou bien aveC-d'autres villes commerçalltes del' Afrique époque que la voie Ouargla-Gao, et qui reliait Ouargla à là ville de G.ma, capitale
du Nord 185 • Nous manquons également de détails sur le commerce de la ville de du royaume h_omonyme dont on trouve les ruines à Koumbi Saleh, dans la partie
Ouargla avec Kawkaw dans le récit du voyageur Ibn Battüta qui a fait une halte sud-est de la Mauritanie actuelle 190 . Cette route était beaucoup plus importante
dans cette ville en 1363, pendant son voyage de Mali (Mal.li) au Maroc. D'après que la précédente puisque la ville de Gana était la porte par laquelle les négociaqts
maghrebins pénétraient dans le pays aurifère de Wanqâra (Wangara) situé entre
176 Voir plus haut, p. 19: le haut Niger et son affluent Bani, ou bien entre le haut Niger à l'est et le fleuve
177 Ya'qùbi, Historiae, t. I, p. 219. Falémé à l'ai.lest (et entre le Sénégal au nord et de fleuve Tinkisso au sud). C'est.
178 Ibn al-Faqih, Kitii.b al-Buldii.n, p. 68 ; sur Maranda voir Mauny, Tableau, p. 139.
179
Ibn }:Iaulµl, Opus geographicum, t. I, p. 92.
180 Abu 'l-Fida', Géographie, texte, p. 157; trad., t. II 1, p. 222.
191
Bakri, Description de l'Afrique, tex;te, p. 183 ; trad., p·. 342. 186 Ibn Ba«üta, Voyages, t. IV, pp. 435-436.
182 YRqùt, Mu'fam, t. IV, p. 329. 187 Jean-Léon l'Africain, Description de l'Afrique, pp. 470-471.
183 Zuhri, Kitiih al-Dja'riifiyya, p. 170, § 365; p. 184, § 332 et 333.
1 8 8 Ha ë do, Topografia e historia general de Argel, v'alladolid 1612, p. 67.
184 189 Sur les relations entre Ouargla et Agadès au XVI siècle voir pp. 74-77.
Idrisi, Description de l'Afrique, texte, p. 11 ; trad., p. 13.
185 Abù l:lâm.id al-Andalusi, Le TulJfat al-albiib, texte, pp. 42-43 ; trad., pp. 245-248. 1go Sur l'identité de Koumbi Saleh avec 41. ville de Gana voir Mauny, Tableau, pp. 72-74.

41
40
dans ce pays que se trouventJes territoires de Bambouk et de Bouré, habités par· et appartenant à la tribu berb~re (de la b~anche ~a~âta)-de ~~nü. Wisyan. Il était
.un peuple dont un~ ·partie appelée quelquefois Gwangara a donné le nom au pays 1,ontemporain du Sayb Abü qil1Q. Gannü.n ibn Imnyan (Yamnya~~· ~hef de la ,co~-
de Wanqara (Wangara des ~uteurs arabes médiévaux). Les territoires de Bambouk mune ibadite-wahbite de Ouargla au moment de la chute de l 1mamat, rostem1de
et de Bouré sont les principales régions aurifères exploitées au Moyen Age et les de Tahert. c'est-à-dire en 908 de n.è. Si l'on peut croi~e l'historien ibliq.ite as-Sam-
géographes arabes médiévaux les appellent fülad at-Tibr ( « Pays de la Poudre mahi il vivait encore 65 ans plus tard, en 973, au moment où le calife fa:P.mide Abü.
d'Or>>), ou parfois aussi Wanqarat at-Tibr (« Wangara de la Poudre d'0r>>) 191 • Ta~;m (al-Mu'izz) partit de l'lfrïqiya pour s'établir en Egypte. Or, cet Aôü ~üsâ
Outré l'or, les marchés de Ga.na et des villes de Wanqàra ne manquaient pas non Hârü.n passa une fois par Ouargla, en allant au Ga.na. Les gens· de cette oasis ont
plus d•une a.utre richesse, à savoir d'esclaves noirs, ce· qui faisait que dès les temps voulu, en ce moment, fonder une b.alqa iba:Q.ite 195 et demandère~t l'ai~e. d'Abü
les plus anciens, peut-être déjà a partir de la deuxième moitié du VIIr siècle, les né- Mü.s'a. Hariin, en lui offrant pour cela une somme de cent dïnârs, mais celu1-c1 re~sa
gociant~ nord-africains ont établi le commerce ayec les pays du Haut-Sénégal-Niger. parce qu'il voulait aller au Gana. << II_ se dirigea, en ~ffet------:- relate l'~uteur .~u Siyar
La tête de ligne des caravanes la plus ancienne, à partir de l'Afrique du Nord à Gâna, al-maSayià, _ vers ce pays. Ensuite 11 alla aux [hab1t~ts de] Guyara_ qu 11 trouva
était 'farqala, capitale d'as-Sus al-Aq~a dans le Maroc du Sud, apparemment encoi::e nus. Sa maison lui manquait et il mourut dans cette ville>> 196 • On reviendra encore
avant la fondation de Sigilmasa (757 de n.è.) qui a remplacé Tarqala en tant que au problème de la ville de Guyâra. , .
centre du commerçe nord-africain avec le pays du Gana. Nous tirons ce renseignement Nous lisons dans un autre chapitre du Siyar al-mt1Siiyià,, où l'on trouve des recits
sur Tarqala (dont l'emplacement est inconnu) et sur le rôle de cette ville dans le tra- sur les pieux Saybs ibâqites dont « les prières ont été exaucées>> (en ara~e al-musta-
fic avec Ga.na (qui en était distante de trois mois de marche) duKitiib al-Bu/dan d'lbn gabin ad-du'â'), qu'un de ces pieux perso~nages_du nom ,d,e M~l;tam~ad ~bn Rostem,
al-Faqih al-Hamatfüni(vers 902/3 de n.è.) 192 . Les données, ayant trait au Maghreb, cité parmi les gens habitant à Ouargla, avait un fils appe~e I~an qu~ a fait un voy~ge
contenues dans l'ouvrage d'lbn al-Faqih al-Hamada.ni, proviennent du temps d'ldris à Gan.a et qui revint de cette ville. Malheureusement, il est impossible de connaitre
ibn Idris ibn 'A~d Allah, roi de Fès (m. 828 de n.è.), mais elles doivent refléter la l'époque à laquelle vivaient Mul;tammad ibn Rostem et son fils. Nous s_avons seule-
situation encore plus ancienne, d'avant la fondation de Sigilm'asa, ou bien d'avant ment qu'ils vécurent avant la deuxième moitié du XIF siècle de n.è., epoque de la
le développement de cette ville comme centre du commerce. En effet, le nom de composition du Siyar al-maiiiyià, 197 - . _ . _,_
cette ville manque dans le tableau du Maghreb d'Ibn al-Faqïh al-HamaQ.filli, tandis C'est par l'oasis de Ouargla que passa aussi le savant voyageur 1baQ:1te . Isma il
que l'on y trouve celui de la ville de Ziz, voisine de Sigilmasa, qui a été ruinée, à l'en ibn 'Ali an-Nafziiwi, se rendant de Tin Bâmr-, un village situé probablement dans
croire al-Bakri, par le développement de cette dernière 193 • En tout cas, il est possible le Nefzaoua (il était natif de ce canton comme cela résulte de son.. ethnique) .au, Gan~.
que l'expédition du général 'Abd ar-Rab.man ibn I:Iabib ibn Abi 'Ubayda dans A Ouargla il passa la nuit dans le village dit Tam~wat _chez le sayb A~u 1- Abbas
le Süs al-Aq~a et dans le Pays des Noirs, envoyée par le gouverneur arabe du Maghreb, Al;tmad ibn Mu4ammad ibn 'Ali qui vivait, comme nous savons d'ailleurs, dans
'Abd Alliih ibn al-1:Iabli.âb,.en 734/5-de n.è. ou peu après 194, ait déjà utilisé la piste la deuxième moitié du xre siècle 198 •
reliant Tarqala à Gana. Ajoutons encore que c'est par Ouargla que devait passer_ un co.~merçant !bâgite
On ne sait pas exactement à quelle époque les commerçants, originaires de Ouar- originaire de la ville de Qantrâra, dans le canton de Qa~tahya (Btlad _al-Ùar~df, en
gla ou bien provenant du Maghreb central et de l'lfriqiya, dont Ouargla était se rendant à Gana. Il était le beau-fils du Sayb Abü Allah Mul_iammad 1~n Ab1 ~mr
une vr;aie << porte du désert>>, apparurent dans la ville de Gana et dans les villes at-Tinâwati, personnage vivant apparemment dans la deu:°!me m~itié d~ xr_ s1~cl:
·du Bilad at-Tibr ( « Pays de la Poudre d'Or>>). Le premier témoignage véridique de n.è. On trouve une mention de ce voyage dans le Kitab as-Styar d al-W1syan1,
de ces relations lointain'es, dont nous disposons, provient du milieu du siècle xe recueil de biographies des personnages ibaç.ites marquants corilposé après l'an
de n.è. On le trouve dans le recueil 4e biographies ibaçlites, intitulé Siyar al-maiiiyi!J,
1133/34 "'
(composé peu après l'an 1161/2), dans une note biographique consacrée à Abü Mü.sâ Il est i~téressant de constater qu'on ne trouve aucune donnée sur le trafic d:
I-rarü.n ibn Abi 'lmr1in al-I:Iammi al-Wisy1ini, un personnage iba'Q.ite· marquant, Ouargla avec Je Gan.a dans la Description de l'Afrique d'al-Bakri (1068 de n.è.) qui
originaire d'al-I;lam.ma, une localité située dans le Bilad al-Garid, au nord de Tozeur, parle pciurtant, comme nous l'avons vu plus haut, des relations de cette ville avec
une autre province du Soudan occidental, à savoir avec l'État de Gao. ~epen~ant,
on peut se demander s'il n'y aurait pas - parmi les fractions zan'a.ta étabhes, smvant
191
Sur Wanqlira voir J. "Marquart, Die Benin-Sammlung, pp. CLXXXIIl~CLXXXIV; E. W. Bo-
vill, The silent trade of Wangara, «J. of the Afric. Society~. pp. 27-38 ; Delafosse, Haut Sénégal-Niger.
t. I, pp. 55-56, 124-127; t. Il, pp. 25, 30, 33, 41, 44-45, 183-186; Mauny, Tableau, pp. 40, 65,303,363 19s Sur cette institution voir Lewicki, lJaf~a, pp. 97-101.
382 et 388. Sm: les terrains aurifères de Bambouk et de Bouré voir aussi Mauny, op. cit., pp. 293-306. 1 ~6Lewicki, Quelques extraits, pp. 19-20 et 24.
191 Sur Mul;mmmad ibn Rostem voir Lev..-icki, op. cit., pp. 2 et 25.
2
111 Ibn al-Faqih, Kitii.b al-Buldii.n, pp; 81 et 87.
193
Bakr'i, Description de l'Afrique, texte, p. 148 ; trad., p. 282. 19a Ibid., pp. 21 et 26.
194
BaliiQurî, Liber expugnationis, p. 231. 199 Ibid., pp. 10-11 et 13-14.

42 43
ce géûgraphe 200 , dans la ville d'Awdagast, une des étapes sur la route Ouargla~ Etudions maintenant le problème de la route menant de Ouargla à la ville de
-Sigilmiisa-Glina 201 - des gens originaires de l'oasis de Ouargla. A en croire al-Bakrï Ga.na et à ses dépendances. Plus haut nous avons déjà établi la première partie de
(qui tire probablement ces renseignements de l'ouvrage de Muhammad ibn Yüsuf cet itinéraire reliant Ouargla à la ville de Sigilmasa et passant par El Goléa et par
écrit avant 973/4), les autres fractiOns berbères qui étaient établies à Awdagast, l'oasis de Gourara 209 • Quant à la deuxième partie de cette route, celle_ qui reliait
à savoir les Nafüsa et les Nafzawa ainsi que les gens natifs de !'Ifriqiya devaient la ville de Sigilmiisa à celle de Gana, il y en avait plusieurs variantes, dont deux ou
être, eux aussi, arrivés à Awdagast par la voie qui traversait l'oasis de Ouargla. Mu- trois ont été décrites d'une façon plus ou moins détaillée par al-Bakri 210 • Cependant
Qammad ibn Yüsuf cite aussi u:tl marchand de N afüsa nommé Abü Rostem, qui jusqu'ici il nous est presque impossible d'établir ces itinéraires car les toponymes,
allait régulièrement à Awdagast pour faire le commerce 202 • Nous lisons aussi chez qui jallonnent ces- routes et dont on trouve plusieurs chez al-Bakri ne peuvent pas
aS-Sarn.mabi un intéressant récit concernant un pieux personnage ibiiQite nommé être· identifiés, sauf trois, à savoir : Tâmadult, Îzil (aussi : Ayzil) et Awdagast. Le
Abu '1-I:Iasan 'Alï ibn Mugabbir, originaire de la tribu zanâtienne de' Banii Wisyan premier de ces lieux est identique à l'actuelle Tamdült-Waqa, dans le Sud..:.Ouest
et appartenant à une famille établie à Ouargla, dans la ville de Tâgyli.rt (on y voit marocain, à 13 km du sud-est d'Aqa (Akka) actuel, dont Vincent Monteil a visité
son frère Abo. Müsâ 'Isâ ibn Mugabbir) se re·ndant une fois à Awdagast pour y ren- les ruines, en 1945. Quant à Îzil ( chez de Slane : Eizel, chez Vincent Monteil : Ayzal)
contrer un lbâc,lite probablement natif de Ouargla. Ajoutons qu~Abii Miisâ 'lsâ. .c'est le Kédia d'ldjil ou Fort-Gouraud actuel. Le nom maure. de ce lieu est Kedyet
ibn Mug'abbir était contemporain d'Abii f;,âlili Ganniin ibn ÏID.riyan c'est-à-dire ej-jell (Kediet eZ-Zell); en effet al-Bakri confond souvent Z et z 211 • Enfin Awdagast
qù'il vivait dans la première moitié du Xe siècle 20 :i. doit être identifié avec les ruines de Tegdaoust ou Tamchakett de nos cartes 212 •
Nous devons plus de détails sur les relations entre Ouargla et Ga.na au géographe A côté d'Îzil apparaît plus tard une localité nommée I:lil?n al-Milb. (« Château
arabe al-Idrisi (1154 de n;è.). D'après cet auteur, Ouargla « est habitée par_ des de sel»). Voici ce que dit à son sujet le géographe arabe Ibn Sa'id (m. 1274 ou 1286
familles opulentes et fort riches, .qui pour faire le commerce, parcourent le Pays de n.è.) 212a:
des Noirs et pénètrent jusqu'à Ga.na et le Wanqlira, d'où elles tirent d~î'or qui est « Au milieu du désert, se trouve le Château de sel [1:Iii.m al-Milb.]; ce château
ensuite frappé à Wârqlan et au coin de cette ville)) 204 • Il ajoute aussi que « de est bâti avec du sel minéral ; les caravanes se chargent de ce sel, quand elles se rendent
Wli.rqlan à Gan.a on compte 30 journées)) 2 0s. dans le Pays des Noirs. Entre_ce château et Àzuqqï [ou Àzuqi, Azougui de nos cartes],
Ces ,relations cessent d'ailleurs au XIIIe siècle, après la prise de la ville de Ga.na chef-lieu des Lamtüna, oll compte sept journées )).
par les SosSo, et après sa destruction (vers 1240) par Soun_diata, roi du Mâli. Les Il n'y a aucun doute qu'il s'agit ici d'une localité bâtie près de la sebkha d'ldjil
habitants du Ga.na se dispersèrent et s'établirent pour le plupart dans l'oasis de (Sebbei eZZell), à l'ouest de Fort Gouraud. C'est une montagne de- sel, sitûée à deux
Oualata ou Biru {Biro) qui est devenué une importante étape sur la nouvelle route lieues d'Ygild (lzil) dont parle Valentim Fernandes (1506). Son exploitation est
menant de Sigilmlisa au Soudan occidental, à savoir celle qui passait par les mines postérieure. à· al-Bakri qui ne nous signale pas cette localité 213 •
de sel de Tagâza et qui aboutissait à Mâli (Nyani), capitale de l'État du même nom 206 • Il est difficile de reproduire les étapes de la piste conduisant de Kédia d'ldjil
Cependant malgré ces événements; les . géographes arabes de la deuxième moitié à Sig'ilmasa. Cependant il y a lieu de l'identifier avec une partie de la route dite
du XIIIe et de la première moitié du XIVe siècle de n.è. ne cessent de parler de la << des Lemtüna >> (triq lemtünï en arabe), qui était en usàge, d'après les traditions

voie Sigilmasa-Gana. En effet, on en trouve une mention dans le Kitâb Âtâr al-biliid .maures, au XP siècle de n.è. et qui passait, entre autres, par Bir Moghrein (Fort
d'al-Qazwïni (avant 1283 de n.è.) qui en parle d'après une relation d'al-Faqih Abu'r- Trinquet), Aln ben Tili et Tindouf 214 .
-Rabt al-Multâni {*al-Milyâni) 207 et dans· la Géographie d'Abu '1-Fidâ' (vers La voie remarquée par Ibn Sa'id, serait-ce celle d'Awdagast? C'est bien possible,
i l'an 1317 de. n.è.) 208 • quoique il ne soit pas invraisemblable qu'elle se dirigeait tout droit vers le Gan:a,
\ 200
en laissant du côté la ville d'Awdagast.
Bakri, Description de l'Afrique, texte, p. 158 ; tiad., p. 300. On sait que la population de Ouargla Nous connaissons aussi, grâce au passage cité de l'ouvrage d'lbn Sa'id, le noin
il
1,.
était d'origine zaniita.
201
Aujourd'hui les ruines de Tegdaoust situées d_ans la partie sud de la Mauritanie, à une quarantaine 209
Voir plus haut, p. 17.
1,, de kilomètres au nord-est de Tamchakett, dans le petit massif du Rki2. Sur ce s.Îte archéologique et sur 210
son identité avec AwdaS"ast voir D. et S. Robert et J. Devis se, Tegdaoust 1. Recherches sur Aoii- Bakrl, Description de l'Afrique, texte, pp. 155-159, trad., pp. 295-303 et texte pp. 163-164 ;
daghost, t. I, Paris 1970, passim. trad., pp. 309-311 ; Monteil, Al-Bakri, pp. 50-54 et 58-59. Sur .J'itinéraire de Tamdùlt à Awdagast voir
11 202
Bakri, bescription d.., l'Afrique, texte pp. 158-159; trad., p. 301. S. Daveau dans D. et S. Robert et J. Devisse, op. cit., pp. 33-38.

1
,,
2
03 Satlllllli.bi, Kitâb as-Siyar, pp. 477-479.
204
Idrisi, Description de l'Âfrique, texte, pp. 120-121 ; trad., p. 141.
211

212
Monteil, Al-Bakri, p. 99.
Voir plus haut, p. 44, note 201.
Î' 205
Ibid., texte, p. 121 ; trad., p. 141. :zua Abu 'I-Fidii', Géographie, trad t, fi. 1, p. 217.
1 206
213
Mauny, Tableau, pp. 327-328.
Sa'di, Ta'ril!, as-Sûdiin, texte, p. 21; trad., pp. 36-37; Mauny, Tableau, p. 72.
214
1
207
Qazwini, Atar al-bîlàd, p. 37. Voir sur cette piste F. de Ch a p e 11 e, Esquisse d'un histoire du Sahara occidental, t Hesperis·~.
I' 208
Abu 'l-Fidii', Géographie, texte, pp. 156-157; trad. t. II 1, pp. 220-221. t. XI, 1931, pp. 35-95.

J_
'J'
44 45
d'une grande étape suivante sur la route Sigilmasa-Gana (après I;li~n al-Mili).). de Mansâ Gâta roi de Mali au sultan mérinide Abü Salim (mort en 1361). Nous
C'est Àzuqqi ou Àzuqi (Azougui actuel), localité située à une quinzaine de kilomètres pouvons déduire cela de la relation d'Ibn ljaldün qui dit, en parlant ·du voyage
au nord-ouest d'Atar. Ce site aurait été, tout d'abord, un établissement d"e la tribu de retour de ces envoyés, qu' « ils prirent -la route du Maroc et passèrent ensuite
(d'origine incertaine) de Bafour, où les Almoravides ont édifié, au milieu du XI" chez les Doui-Hassan, Arabes mak.iliens dont le territoire s'étend depuis le Sous
siècle, une forteresse 215 , et ensuite, après la divisï'onr de l'État almoravide entre jusqu'à la frontière du Pays des Noirs. En quittant les Doui-Hassan, ils se rendirent
Abü Bakr ibn 'Omar et son neveu Yüsuf ibn 'I,'lisfin, il devint la capitale de la partie auprès de leur sultan)) (c'eSt-à-dire auprès du roi de Mâli) 222 • Il en résulte que les
'Sud de cet État, gouver.llée pariAbü Bakr ibn 'Omar et ses ·successeurs. Doui-Hassan (Dwi l:lasan) contrôlaient,. déjà à cette époque, toute la Mauritanie
Ajoutons encore que la distance de sept journées de marche entre I:I~n al-Mill_i actuelle, jusqu'à la frontière du Pays des- Noirs et- que c'est entre leurs mains que se
et A.zuqqi signalée par Ibn Sa 'id correspond exactement à la distance de la sebkha trouvait la voie menant d'as-Süs ·al-Aq~â (de la ville de Tiimdült) à Azougui.
d'ldjil-Azougui qui se chiffre à environ 259 kilomètres en ligne droite. Cela donne- L'étape suivante fut la ville d'Awdag'.ast, connue· depuis le IXe siècie de n.è.
rait une vitesse d'environ 36 kilomètr_es par jour acceptable dans ces -conditions. et au xe-xr siècle, ayant une nOmbreuse population musulmane composée de
La ville d' Àzuqqi est -également mentionnée par d'autres géographes arabes. plusieurs fractions berbères (surtout· ibfü;lites) et de gens- natifs de !'Ifriqiya. Selon
Ainsi, d'après le traité de géographie d'az-Zuhri, elle ést au milieu du XIIe siècle al-Idrisi (chez lequel cette ville porte le nom d'AwdagaSt), il y a entre elle et la ville
de n.è. la capitale du pays- des Lamtüna almoravides 216 , c'est-à-dire de la partie de Warqlân (Ouargla) 31" journées et··entre· elle et le Gâna-12 journées 223 • La
sud de l'ancien État almora:vide. Selon al.:Jdrisi (1154 de n.è.), cette ville, située distance signalée dans la première de ces données me paraît trop courte. Il ne faut
sur la route du Gana, est la première station du Sahara, de là à Sigilmiisa on conÏpte, pas oublier que, d'après al-Ya'qübi (avant 891/92 de n;è.), on comptait au moins
d'après cet auteur, 13 journées de marche. Elle est bien peuplée. Al-Idrisi remarque 50 journées de Sigilmâsa à Awdagast qui porte chez ce géographe le nom de -G.ist 224•
que le nom d'Àzuqqi est berhère, tandis qU:e dans la langue des Noi_rs (en arabe: La distance donnée par al-Ya'qübi se rapproche de celle d'lbn. l:lawqal (vers 977 de
al-ganâwiya) elle s'appel_le Qüqadam 217 • Ibn Sa'id, qui appelle cette ville Küka- n.è.) selon lequel on comptait de Sigilmiisa à Awdaga~t deux mois· de route. Selon
dam, la considère comme étant une localité différente d'.Âzuqqi 218 • Ce lieu n'est le même auteur on comptait d'Awdag'.ast à la ville de Gana environ 10 journées 225 •
pas inconnu non plus à al-Qazwini (m. 1283 de n.è.) qui l'appelle Klikudam 219 • Enfin al-Bakri compte entre Awdag'.ast èt Sigilmiisa deux mois et elltre Awdagast
Az-Zuhri fait allusion à la route qui, en partant d' A.zuqqi, traverse le pays des et Gana - 15 journées 226 •
Almoravides (c'est-à-dire la Mauritanie, as-Süs al-Aq~â et la ville de Sigilmasa) et La chute d'Awdagast, pillée en 1055 par les Almoravides, n'était pas définitive
ensuite la ville de Wiirqlân (Ouargla) et.le désert du Maghreb pour ariiver en Egjrpte 220 • et la ville continuait d'être un important cehtre du cOmme~ce soudanais avec le
C'est la route menant de Ouargla à Ùâna ou plutôt la partie nord de cette voie. Maghreb, surtout quand la saline d'Idjil fut mise en eiploitation (après 1068 et
Il paraît que d'Azougui la rou.te, reliant la ville de Sigilmâsa à celle de Gâna, avant 1286). Encore dans la première moitié du XIVe siècle elle était le siège d'un
prenait la direction du sud-est en traversant Tidjikja (Tidjikda, en dialecte maure roi musulman berbère. Al- 'Omari, à qui nous devons ce renseignèment, dit dans
TifagZa). Cette dernière fut fondée relativement tard, bien qu'on la trouve déjà son Masiilik al-ab$iir fî mamiilik al-amfar (composé entre 1342 et 1349), en citant le
en 1413 sur la carte de Mecia de Viladestes (sous le nom de Tutega). Il semble récit du Sayb sa'id ad-Dukk.alï, qui a traversé le pays d'Awdag'.ast, d'Aïr et de
qu'elle dût remplacer une autre localité beaucoup plus ancienne qui devait se trouver Tâdmekka, que les peuples qui les habitent sont indépendants vis-à-vis des sultans
à proximité de la palmeraie d' Acharim, située au nord-ouest de Tidjikja.· En mars méri~ides du Maroc et des rois du Mâli. Cependant ad-Dukkâli n'a pas prolongé
1968 on trouva dans cette région un trésor composé de parures et de pièces d'or sa visite chez ces peuples vu sans doute le fait que {< leurs ressources étaient faibles )),
arabes. Ces dernières portent le nom de l'émir almoravide 'Ali ibn Yüsuf qui gouver- comme dit ce voyageur 227 • Il en résulte en qu'Awdagast n'était plus, au XIV""
nait le Maghreb occidental et l'Espagne musulmane en 1107-1143 221 • siècle, une ville commerÇante et riche comme elle l'était au Xe-xr siècle. La
Il paraît que la route traversant as-Süs al-Aq~a et Azougui ne fut pas complète- ruine de Gana (vers 1240 de n.è.) a fait sans doute délaisser la route Sigilmasa-
ment abandonnée après l'arrivée des Arabes ma'qiliens dans le sud du Maroc. En -Awdagast-Gana et établir un itinéraire plus oriental, à savoir celui de Sigilma5a-
effet, c'est par cette route que sont rentrés de Fès, vers l'an 1360/61, les envoyés -Oualata-Mâli (Nyani) 228 • il
1:'.'.I
215
Voir Mauny, Tableau, p. 69 (Azougui), 65-67 et 457-458 (Bafour). 222 Ibn ]j:aldün, Histoire des Berbères, trad., t. IV, p. 343-344 et aussi p. 243.
216
Zuhri, Kitiib al-Dja'riifîyya, p~ 190, § 312. .223 Idrlsî, Desr.n'ption de l'Afrique, texte, p. 31 ; trad., p. 38.
217
Idrisi, Description de l'Afrique, texte, p. 69; trad., p. 69. 22 4 Ya'gii.bî, Kitiih al-Buldii.n, p. 360.
218
Abu 'l-Fidiî.', Géographie, trad., t. II 1, p. 217. 225 Ibn I;laulµI, Opus geographir.u:m, t. I, p. 92.
2
19 Qazwini, Âtiir al-biliid, p. 38. 226 Sur la route Sigilmâsa-Awdagast voir Mauny, Tableau, pp. 428-430.
120
Zuhrî, Kitiib al-Dja'riifiyya, p. 170, § 265. 221 'Omarï, Mastilik El Ab!iir, p. 94..
221
Lewîcki, Un État soudanais, p. 521. 2 28 Mauny, Tableau, pp. 429-430.

46 47
De la ville d'Awdagast la route, reliarit cette localité à Gana (actuellement ruines Kawkaw que pénétraient les caravanes partant d'as-Süs al-Aq~a. 11 paraît que la
de Koumbi Saleh 229 ), se dirigeait vers l'est-"Sud-est. Nous n'en connaissons pas voie Gana-Gao traversait le territoire.de la tribu d'Amima (Mïma d'Ibn Battüta 238 ,
les étapes. Çependant il paraît qu'elle traversait une localité dont les ruines situées aujourd'hui le territoire de Méma à l'ouest du lac Débo), attaqué, chaque année.
à. 24 km au sud-est d'Aioun El Atrouss, portent aujourd'hui le nom de Terenni 230 • par les gens de Gana qui en capturaient les indigènes 239 • D'après az-Zuhrï, on
La ville de Gana constituait un important carrefour de routes saharienn,es et pénétrait dans le pays d'Amima- de deux côtés·, à savoir de Kawkaw (Gao) et_ de
soudanaises. Une de ces routes conduisait vers le nord, c'est-à-dire vers as-Siis Warqliin (Ouargla) 2 4 o_ Il s'agit ici peut-être des négriers de Gao et de Ouargla
al-Aq!}ii et vers la ville de Sigilmasa et, après avoir traversé cette dernière, elle se qui s'avançaient jusque là dans la recherche des esclaves. C'était probablement·
dirigeait vers Ouargla 231 ; Abii I:Iamid al-Andalusî al-Garnitî (m. 1169/_1170 de n.è.) la seule marchandise que les gens d' Amima pouvaient offrir en échange des vê-
nous a doJiné une description intéressante des difficÙltés que devaient surmonter tements de soie, des tissus colorés et du safran importés du Maghreb par les marchands
les caravànes qui fréquentaient cette piste 232 • Voici encore ce que le g~ographe en question, vu que les Amïma étaient, selon le passage cité de l'ouvrage d'az-Zuhri,
arabe Yaqut (m. 1221 de n.è.) dit sur le rôle de la ville de G-ana en tant. qu'_inter- le peuple le plus pa,;vre de tous les Ganiiwa ou habitants du Soudan occidental 241 •
médiaire dans le trafic entre les pays du Soudan occidental et l'Afrique du.Nord 233 : Ajoutons _que c'est apparemment par cettè voie qu'on a apporté à Gao le dinar
«Gana ... ceci est une grande ville au sud des pays du l\faghreb, touchant au Pays or, portant le nom du C3.life füp.mide al-Mu<izz (952-975 de n.è.), frappé à Sigilmlisa
des Noirs. C'est ici que se rassemblent les commerçants et c'est d'ici qu'ils s'engagent qui a été trouvé à la surface, sur le site du vieux Gao 242 •
dans.les déserts pour se rendre vers le Pays de l'Or ... Sans cette ville ce voyage Aux IXe-XIr siècles la ville de Gana était une importante ville commerçante 2 43 •
serait impossible, parce qu'elle occupe une position isolée, d'une part par rappo~t Déjà au Xr siècle - avant son islamisation - elle avait un grand quartier (al-Bakri
au Maghreb et d'autre part par rapport· aux Pays des Noirs. On s'y pourvoit de dit.madina, c'est-à-dire «ville») habité par les musulmans qui y possédaient douze
vivres _pour se rendre vers ce pays>>. . mosquées: La population autochtone de cette ville se convertit à l'islam en l'an
Une autre voie, dont nous connaissons l'existence grâc~ à al-Bakri et az-Zuhri, 1102/3 de n.è. à la suite de l'èxpédition de l'émir almoravide de Massüfa (ou plutôt
reliait G-ana au pays de C-udlila situé au nord du cours inférieur du fleuve Sénégal ; de Lamtiina) Yabyii ibn Abi Bakr 244• De cette époque provient la description
elle p_assait Ifdr la ville de T,akrür ( dans les '·environs de l'actuel Podor, à l'est de d'al-Idrisi (1154 de n.è.) disant que la ville en question est « la plus considérable,
Dagana si.ir le bas Sénégal) 2 34 • la plus peuplée et la plus conunerçante du Pays des Noirs». Al-Idrisi remarque
La v:oie qui reliait la ville de Giina au marché saharien de Tiidmekka, dont il encore ·: « y vient de riches marchands de tous les pays environnants et de tous les
était questioù plus haut, ~tait aussi d'une grande importance. Al-Bakri compte pays du Maghreb occiclental ». Il dit aussi: « le territoire de ce roi [c'est-à-dire du_ roi
50 journées de marche entre ces deux villes 235 ; la route passait par Tiraqqii ou de Gana] est limitrophe du pays du Wanqiira ou Pays de l'Or, renommé pour la
Tirqï, une localité située aux environs de l'actuel. Tombouctou 236 • Une autre voie, quantité et la qualité de ce métal qu'il produit» 24 s. Or, ce voisinage était la vraie
d'une égale importance, reliait ôana à l'Egypte. Elle passait par Kawkaw ou Gao, raison du développement de la ville de Gan.a ; en effet, c'est la proximité des régions
et ensuite par Maranda (Marendet au sud ~'Agadès), par Zawila ~ns le Fezzan aurifères de Galam-Bambouk et de Bouré qui attirait tous ces négociants musulmans
et par Agdabiya (Adjedabia, Ajedabia, Agedabia de nos cartes) 237 • C'est jusqu'à arrivant par centaines et par milliers, ce qui eut pour résultat la naissance d'un grand
quartier musulman encore avant la conversion de la ·population soninké de G-ana
à l'islam. Il y naqùit un très important commerce. On connaît les objets de ce commerce
229 Ibid., pp. 72-74. grâce aux données _contenues dans les ouvrages des géographes arabes du Xr-XIVe
.230Sur ces ruines voir Mauny, Tableau, p .. 75. siècle, c'est-à-dire al-B.akri, az-Zuhri, al-Idrisi, Abü I:Iamid al-Andalusi al-Gamaµ,
231 Zuhrl, K#âb al-Dja'râfiyya, pp.-189-190, § 314, p. 182, § 336; Idrisi, Description de l'Afrique, al-'Omarï et al-Qazwini. On exportait de Gan.a surtout la poudre d'or, qui y ~ffluait
texte, p. 121 ; trad., p. 141. .
232 Abû l:Iâmid al-Andalusi, Le Tu1J,fat al-albiib, pp. 42 et 243-244.
de Wanqiira, les esclaves capturés, entre autres, chez les Amima et chez les Barbara 246 ,
233 Y!iqUt, Mu'gam, t. III, p. 770; Youssouf Kamal, Monumenta, f 0 960r 0 •
234 Bakri, Description de l'Afrique, texte, pp. 172-174; trad., pp. 324-327; ZuhrI, Kitâb a[-Dja'râ-
.2 3 sIbn BaW:,.ta, Voyages, t. IV, p. 425 et 427.
fiyya, p. 182, § 336. 239 Zuhrï, op. cit., p. 182, § ~37.
235 Bakri, op. cit., texte, p. 181 ; trad., p. 342. 2 4° Ibid., pp. 180-181, § 341.
236 Le texte arabe do_nne la forme J .J:! prononcée Tirecca ou Tirca par de Slane (Bakri, Description 241 Ibid.
de l'Afrique, trad., pp. 323, 337-339) et Tirca ou Tîreccâ par de Goeje (Idrisi, Description de l'Afrique, .2 42 J. Lat ru ff e, Au sufet d'une pièce d'or millénaire trouvé à Gao. ~ Notes Africaines», n° 60,
trad., p. 5 et passim). Ne doit-on pas plutôt lire ce nom tout simplement T'rrqi et l'identifier avec le village octobre 1953, pp. 102-103.
Tircy (Tirki ?) signalê entre Djenné et Tombouctou par R. C a i 11 i é, Journal, d'un voyage à Tem- 2 3
4 Maun:y, Tableau, pp. 72-75,
bouctou et à Jenné, Paris 1830, t. II, pp. 271-274_. 4
2 4 Zuhrï, op. cit., p. 182, § 336.
2 37 Ibn J:Iauli.al, Opus geograPhicum, t. I, p. 92; Zuhri, Kitâb al-Dja'riifiyya, p. 170, § 265. Selon 245
Idrisi, Description de l'Afrique, texte, p. 6 ; trad., p. 7.
az-Zuhrl on comptait 30 journées entre Ga.na et Gao: 246
Sur cet énigmatique peuple du Soudan occidental voir Lewicki, Un État soudanais, p. 524.

48 4 ~tudes maghrebineJI et soudanaises 49


l'ebène et l'ivoire et on y importait avant tout le sel qui provenait, suivant Abü. I:Iamid d'aller à Guyal'a o}.t, localité située au milieu du peuple complètement nu. On
al-Andalusi, de Si~lisa. A mon avis, il ne peut s'agir ici que du sel gémme provenant retrouve cette anecdOte dans le Kitiih as-Siyar d'a8-Sa:mmabi, où le nom de la localité
de I:Ii:;in al-Mill;i., c'est-à-dire de la sebkha d'Idjil près de Fort Gouraud et apporté en question est orthographié Aguyarü I J):f°l 24 9.
p~ les caravanes de Sigilmasa traversant ces salines 247 • Parmi les autres produits Guyata ou Aguyarü n'est ·pas inconnu aux géographes arabes du -Xr-XII" siècle
et marchandises importés à Ga.na les sources arabes signalent le cuivre, les boucliers de n.è. Voici ce que dit à son sujet al-Bakri qui orthographie le nom de ce lieu Gu-
de cuir de lamt (fabr~qués à ·A.zuqqi) et aussi « les marchandises» (en arabe al-ffiata'). yal'ü 1-.,j.i:
Sous cette définition, très vague d'ailleurs, il faut comprend.re divers objets fabriqués « Le· meilleur or du pays se trouve à Guyarü, ville située à dix-huit journées
dans le Maghreb ou dans l'Espagne musulmane et surtout les tissus et les vêtements, de la capitale [c'est-à-dire de. la ville de- Galla] dans un pays rempli de p~uplades
tels les habits taillés et cousus et les pagnes de soie ou de brocart que portaient les nègres et couvert de villages ... La ville de Guyiirü. est à douze milles du Nil [ici :
habitants non-musulmans de Ga.na, selon al;.Bakri. Il faut aussi mentionner, parmi Sénégal] et renferme un grand nombre de musulmans>> 250 •
les autres produits importés_à Gana e~ provenance de l'Afrique du Nord, les dattes. Uri. peu plus loin al-Bakri décrit la route conduisant de Gana à Guyarü
En effet, al-Idrisi dit dans sa description du Soudan occidental (les pays de Takrur, « De Gana à Samaqanda il y a quatre journées de marche ... A deux journées
de Lamlam, de Ga.na etc.), qu'on ne voit pas dans ces pays .d'autres fruits, frais ou plus loin on entre dans le canton nommé Taqa ... Plus loin, à une journée de marche,
secs, que les dattes. de· Sigilmasa et du pays du Zab, qui sont apportées par les habi- on arrive à un canal qui sort du Nil et qui porte le nom de Zügü 1_,..;..,,;; les chameaux
tants de Warqlan (Ouargla) 248 • Ajoutons encore que l'on importait à Gana en le traversent à gué et les hommes en bateau. De là cin se rend à Garantal ~ j-, vaste
provenance de l'Afrique du Nord également d'autres marchandises, sans doute les territoire qui forme·un royaume considérable ,... De Garantal on se rend à Guyarü » 251 •
mêmes qui étaient exportées vets le SOudan occidental et dont parlent au XIIr-xrve Al-Idrisi nous donne les détails supplémentaires suivants, concernant la ville
siècle al-Qazwini et al- 'Omari. Or, al-Qazwini compte parmi les marchandises en question :
exportées du Soudan occidental la poudre d'or, et parmi les marchandises importées « Cette ville de Samaqanda est petite et située sur les bords du Fleuve. De là
dans ce pays le sel, le bois de pin, les parles de verre, les bracelets et les anneaux à Garbil J:.:..J' [ = Garantal], on compte 9 journées ... La ville de Garbil est située
du même matériel et les anneaux de cuivre. D'après al- 'Omari, on exportait dé la au nord du Nil ... ; s.es habitants boivent de l'eau du Nil, se vêtent de laine, et se
ville de Sigilmasa (et, par cette .voie aussi, de ce.Ile de Ouargla) au Soudan occidental nourrissent de millet, de poisson et de lait de chameau. Ils se livrent au commer-
le sel, le cuivre et les cauris, en échange de l'or. ce des divers objets qui ont cours chez eux. De la ville de Garbil, en se dirigeant
vers l'ouest, à c.'iuyiira, 11 journées. Cette ville de Guyara est située sur le bord du
Nil [ici : Sénégal] ; elle est entourée d'un fossé. Ses habitants sont nombreux, braves
et intelligents. Ils font des incursions dans le pays de Lamlam, d'où ils enlèvent
13. OUARGLA-GUYARA des captifs qu'ils emmènent chez eux et qu'ils vendent aux marchands de Gana ...
Ces peuples montent des chameaux excellents ... De Guyara à la ville de Gana on
compfe 11 journées, durant lesquelles on trouve peu d'eau. Tout le pays dont·venons
Nous avons vu plus haut que les commerçants ibaçlites de Ouargla, voyageant de parler obeit au prince de Gana » 25 u. .
dans le pays de Gana, ne se contenaient pas toujours de pénétrer jusqu'à cette ville La ville de Guyata (ou Guyarü) a été identifiée par M. Delafosse 252 et par
mais ils s'avançaient plus loin dans l'intérieur du Soudan occidental, à la recherch~ Ch. Monteil 253 avec le Kondiourou (Goundiourou) de Ta'rill, al~FattaS (écrit de
des bénéfices plus grands que ceux que pouvait leur offrir la ville en question où 1519-1665), dont on trouve encore l'emplacement sur un mamelon qui est située
des centaines, sinon des milliers de commerçants musulmans nord-africains y établis à Dougouba, près de la montagne de Fouti, à 3-4- km de Kayes, au sud-est de cette
pouvaient leur faire concurrence. Nous avons vu plus haut que ces commerçants ville et à quelques kilomètres du Sénégal 254 • M. Delafosse ajoute que cette ville -
parvenaient jusqu'au pays d'Amïma ou Mima, c'est-à-dite Méma de nos cartes appel~e par les voyageurs français du XVIIe et du XVIIr siècle Conjour - a été
(à !'.ouest du lac Débo), et nous avons cité un récit tiré du recueil anonyme de bio- habitée, à cette époque tardive, par des musulmans se livrant au commerce. La
graphies des marquants personnages nommé Si"yar al-maStiyill, et concernant le
savant iba<;l.ite du xe siècle Abü Müsa Harün, natif du Bilad al-Garid qui a décidé 249 ~amm5lJî, Kitii.b as-Siyar, pp. 472~73.
Bakrî, Description de l'Afrique, texte, pp. 176-177; trad., p. 331.
2 !>0

247 2s1 Ibid., texte, p. 177, trad., pp. 331-332.


Selon Abü l;Iâmid al-Andaiusï, Le TW),fat al-albab, p. 42, trad., p. 244, les marchands échan- 25l& Idrisi, Description de l'Afrique, te:i..-te, p. 9-10; trad., p. 10-11.
geaient ce sel contre un poids égal d'or, ou parfois contre le double de son poids en or, ou même davantage. 252 Abû I;lamid al-Andalusi, Le Tu1'},fat al-albâb, p. 245, n. 2.
2
4-11 Voir sur le commerce de Cana: Bakrï, Description de l'Afrique, texte, p. 176, trad., pp. 330-331; 25
3 c"h. Monteil, Le site de Goundiourou, BCAOF, 1928, pp. 647-653.
Zuhri, Kitiib al-Dja'riifiyya, pp. 189-190, § 314, pp. 182, § 336 et§ 337; Idrîsî, Description de l'Afrique, 254
Voir aussi Mauny, Tableau, pp. 124-125 ; · A. Bath i 1 y, Notices socio~hfrturiques sur l'ancien
texte, p. 4, trad., p. 5 ; Abu l;Iimid al-Andajusî, Le Tu1J,fat al-alhii.b, pp. 42 et 243-245. royaume sonink'é du Gadiaga, BIFAN, t. XXXI, Série B, n° 1, 1969, p. 57.

50 ,. 51
'
le canton· actuel de Diafounou. Celui-ci est situé dans la zone du Sahel méridional,
ville de Guyârii (Guyâra, Goundiourou) était située tout près des gisements auri-
fères de Galam-Bambouk 255 , <:e qui attirait probablement beaucoup les marchands confinant au nord à la république de Mauritanie, à l'ouest des régions de Sero et
de Diomboko (cette dernière constituant l'hinterland de la ville de Kayes), au sud
nord-africains les plus entreprenants, dont Abü Mûsa'. H3.rün ibn Abi 'Imran al-
la région de Tringa à l'est de celle- de Guidioumé et au nord-est de la région de Ka-
J:Iammi al-Wisyiini qui y arriva pour y trouver la mort. On voit d'ailleurs, d'après
la description que al-Idrisi fait de cette ville, qu'il y avait aussi un. autre produit, niaga 262 • Le fait, qu'il y ·avait des relations commerciales entre Ouargla et l'Etat
très recherché dans les marchés nord-africains, à savoir les esclaves que les habitants de Zafün(u), nous est connu d'un passage du traité de géographie d'az-Zuhri · où
de Guyal"u (Guyâr:i, ,Goundiourou) capturaient dans le,pays voisin de Lamlam, nous lisons qu' « à l'est [corriger : à l'ouest] de Gâna, à une distance d'environ 20
pour les vendre aux marchands de Ga.na. Ces derniers arrivaient sans doute quelque- farsakh [environ 115 km; cette distance me semble trOp petite] se trouve la ville de
fois personnellement dans la ville en question pour y acheter des esclaves, et certaine- Zâfiin(u) (m.ss. w_,;Jj• 0 _,i!; et ,.:,}!.}), qui est la plus proche de toutes les villes
sahariennes de [la ville de] Wârqlân [Ouargla] et de [celle de] Sigilmâsa » 263,
ment à meilleur marché que ceux de Gâna.
La voie Gâna-Guyârii (Guylira) que nous connaissons grâce à la description Vu la situation de Zâfün(u) qui se trouvait, de même que Guyârii; dans le voisi-
d'al-Bakri et d'al-ldrisi n'est pas facile à rétablir. Nous n'en pouvons identifier nage immédiat des gisements aurifères de Galam-Bambouk,_ le tèmoignage d'az-Zuhri
que la première étape, à savoir celle de Samaqandâ ou Samaqanda. On retrouve me paraît tout-à-fait acceptable. Les marchands de Ouargla arivaient à Zafün(u)
ce nom, dont on peut rapprocher la deuxième pi!rtie, c'est-à-dire -qandâ/-qanda (lire par la voie oq::identale,_ c'est-à-dire par celle qui traversait Sigilmâsa, Awdagast
ganda ?) au mot mandingue « kanda >> - chef de guerre, souverain et à soninké et Gâna et c'est la raison pour laquelle les villes de Ouargla et .de Sigilmâsa se trou-,
«.gada »- chef 2 5 6 • dans celui de Sâm.a, dénomination d'un royaume dépendant vent associées dans le passage de l'ouvrage d'az-Zuhri, dont nous avons donné la
de Gâna mentionné, vers la fin du IXe siècle de n.è., par al-Ya'qiibi 257 et aussi traduction plus haut.
dans un autre passage d'al-Bakri 258 • Ce dernier nom est également signalé dans
l'ouvrage d'lbn I:Iawqal (977 de n.è.) 259 ; chez cet auteur il s'agit cependant non
d'un pays mais d'une ville, sans doute de la capitale du pays homonyme. J. Marquart
rapproche, à juste titre, le royaume de Sâma d'al-Bakri de la chefferie homonyme 15. OUARGLA-KOGA
de l'État de Mali située au nord du Niger et appartenant à la principauté de Kala q60 •
Quant à la ville de Sâma, elle paraît identique à la localité bambara de ce nom située
Une autre localité, située à l'intérieur du Soudan occidental, à laquelle parvenaient
à 28 km à l'ouest de la ville de Ségou, sur la côte occidentale du Niger 261 ,
ceux des commerçants de Ouargla qui suivaient la route de Gâna, c'était la ville
Si l'identification de Sama (Sâmaqandâ/Samaqanda des géographes arabes
de Kuga. Al-Idrisi dit que de Wârqliin (Ouargla) à Küga on compte un moig, et
médiévaux) avec l'actuelle Sama à l'ouest de Ségou est juste, la voie reliant la ville
demi de marche 264 • D'après un autre passage du traité de géographie de cet auteur,
de Ga.na à celle de Guylirü. (Guylira, Goundlo"t?rou) prenait tout d'abord la direction
on exporte le.sel d'Awlil (au nOrd de l'embouch't:1,re du Sénégal), au moyen des
du sud-est, pour se diriger ensuite vers l'ouest. Malheureusement les autres topo-
navires qui remontent le Nil (ici : Sénégal) pour être déchargés à SÜla, Takrll.r (dans
nymes jallonnant cette voie, d'après les itinéraires fournis par al-Bakri et al-Idrisi,
les environs de Podor sur le Sénégal), Barisa ( ?), Gâna, dans les villes du Wanqata
sont impossibles à identifier.
(Wangara), à Küga, enfin dans toutes les villes du Soudan 265 • Dans un troisième
fragment al-Idrisi dit encore ce qui suit :
« Kuga est située sur le bord septentrional du Nil [ ?], dont les habitants boivent
14. OUARGLA0 ZAF0N(U} les eaux. C'est une dépendance de Wanqiira [Wangara], mais- quelques-uns d'eri.tre
les ,Noirs la placent dans le Kânem.' C'est une ville bien peuplée, non entourée_ de
murs, commerçante, industrielle et où l'on trouve les produits des arts et métiers
Un autre pays, vers lequel s'avançaient les commerçants de Ouargla, faisant
nécessaires à ses habitants. Les-femmes de cette ville se livrent à l'e:ir~rcice dè la
le commerce avec la ville de Gâna, c'était le royaume de Zâfün(u) (avec la capitale
ttiagie et l'on dit qu'elles so_nt très versées, très habiles et très renommées dans cet
homonyme), dont j'ai eu l'occasion dans un autre lieu d'identifier le centre avec
ai:t ... De KUga à Samaqanda on compte 10 journées en se dirigeant vers l'ouest ;
1 255 Voir la carte des gisements aurifères d'Afrique occidentale dans Mauny, Tableau, p. 295.
2 6
s Mauny, Tableau, p. 450; Monteil, Al-Bakrt, p. 112.
t' 257
Ya'qObi, Historiae, t. I, p. 220.
262 Sur cet État qui a joué un certain rôle dans l'histoire du Soud'an occidental au XI" et au xne
258 siècle de notre ère voir Lewicki, Un État soudanais, passïm.
Bakri, Description de l'Afrique, texte, p. 178; trad., p. 334. 263
259 Zuhri, Kitâb al-Dja'râfiyya, p. 181, § 340.
Ibn l:Iaul,cal, Opus geographicum, t. I, p. 92.
'i 260
Marquart, Die Beni.n-Sammlung, p. CXXIII.
26
4- Idrisi, Description de l'Afrique, texte, p. 121; trad., p. 141.
1. 261 Delafosse, Haut-Sénégal-Niger, t. II, pp. 48 et 80; voir aussi Mauny, Tableau, pp. 124-126.
2
6s Ibid., texte, p. 2; trad., p. 2.

53
52

t
u~·----- '
de Küga à Ga.na environ un mois et demi ; de Küga à Dunqula [Dongola] un m · . Cet emplacement du Kilga dans une région aurifère trouve aussi une confirmation
d K-. à a- . d' . ois '
.e uga .:::,ama moms un mois ; de Küga à la ville de Kawkaw [Gao], en se <li- chez al-Bakrï, d'après lequel dans les localités qui sont voisines de la dite ville on
ngeant vers le nord, 20 journées de marche de chameau>> 266. trouve un grand nombre de mines qui fournissent de la poudre d'or en quantités
Il en résulte qu'il y avait au moins deux villes nommées Küga, dont l'une située plus grandes que tous les autres Pays des Noirs. Ajoutons que ces terrains faisaient
;.ns le pays de Wan_qai:a, c'est-à-dire dans la région du haut Sénégal et du haut partie du royaume de Mali qui y avait, au xr
et au XIP siècle, un de ses centres
1ger, et, une autre s1tuee dans le pays de Kinem. Cette Küga orientale peut être politiques dans la ville appelée Mala! (Mallil) chez al-Bakri et al-Idrisi, que l'on
r;vv:oc_liee ~e Kukawa~ à l'ouest du lac Tchad ou bien de Gaoga de Jean-Léon doit distinguer de Kilga 271 . Selon V. V. Matveev et L. E. Kubbel, le centre de cet
1 Afncam qui se trouvait à l'est de ce lac 261. ancien royaume de Malî se trouvait entre les villes actuelles de Siguiri ( dans le nord-est
de la République de Guinée) et Bamako 272 •
. C'est, de Kü.ga. de l'ouest
_ •qu'il
__ est question chez
. Ibn Hawqal
. . Vo,·c,· ce quen
,
d 1t _ce geo~raphe : « De Gana a Kuga on compte environ un mois et de Küga à sama La ville de Küga était située, à en croire al-ldrîsi, sur le bord septentrional d'un
268 fleuve qu'al-Idrîsi désigne par le nom du Nil mais qui doit être plutôt le cours
moms qu un mots» • Et il ajoute plus bas-:
« ?ana est le
plus riche de tous les rois de la terre à cause des richesses et des supérieur du Niger ou un de ses affluents.
magas1~s de po~dre... d'or extrait_e _dans le~ anciens temps pour les rois qui l'on précédé Les sources arabes postérieures au XIr siècle passent sous silence cette ville.
~t ~~ss1 pour 1~1-meme. Il grat1f1e le roi de Küga des cadeaux. [Le roi de] Küga est Il paraît cependant qu'on peut en retrouver le nom dans la relation latine de Diogo
mfe~1eur au ro1 de ?ana en. c.e qu'il s'agit de la richesse et de son aisence, et [les Gomes, intitulée De prima in:ventione Guinee, rédigée après 1482 par Martin Beheim
habitants de cette ville] gratifient ce dernier· des cadeaux » 2 69. ,
d'après son récit oral. Ajoutons que Diogo Gomes est allé, en 1456, à Cantor sur
la Gambie, à l'endroit où c_e fleuve cesse d'être navigable; il y avait un marché de
, Aussi al:Bakri m~ntionne le Küga occidental à l'occasion de sa description de
l État de Ciana. 11 d1t .à ce propos ce qui suit : l'or. Voici ce que dit cette source à propos de ce qui nous intéresse ici 273 :
« Pace vero facta cum ipsis· facta est fama per totam terram, quod Christiani
« A neuf journées d' Anbara [ ?] et à quinze de Gâ.na se trouve la ville d K- · essent in Cantor [en l'an 1456], et occ~erunt de omnibus partibus illuc, se. de
d t I h b" e uga,
.on, ~s ,.a 1t:m~s sont musulmans, bien que toute la population des alentours soit aquilone Tambucutu [Tombouctou] et homines marantes versus meridiem contra
hvree a 11~olatne. ~a plupart des marchandises que l'on y apporte consistent en Serram Geley [plus bas : Gelu], veneruntque gentes de Quiequun [plus bas : Quio-
sel, ~n- cauns, en cuivre et en euphorbe ; ce derni.er objet et les cauris y ont le plus quia], quod est civitas magna circumdato [sic!] muro de lateribus cocti [sic!] in
de deb1t. Dans les localités voisines o~ trouve un grand nombre de mines qui fournis- fornace. Et percepi quod in civitate illa esset habundantia auri, et quod illuc transirent
sent de la poudre d'or_; de tous les Pays [des] Noirs, c'est celui qui produit la plus carabanae camelorum et dromadarii po'rtantes mercimonia de Cartagine seu Tunisi,
grande quantité de ce métal» 210. ,
Fez, de Cayro et omni terra Saracenorum detulentes aurum, quia ibi est copia auri,
. De toutes ces donné_es il résulte que la ville de Küga de l'ouest était située à une quod deportatur de minis montis Gelu . . . Et dixerunt ,mihi, quod alia flumina de
distance de 10 journées de la ville de Samaqanda (Sama à 26 km à l'ouest de Sé ou) istis montibus currerent versus orientem et quod erat illuc magna flumina, et quod
s~lon aJ-Idrisi et~ moins d'un mois de marche selon Ibn I;Iawqal, qui appelle !ette circa civitatem illam erat quoddam magnum flumen nomine Emiu [*Enniu, pro~
vtlle Sama. La distance entre Küga et Gana correspond à un mois et demi selon nonciation portugaise pour *Ennilu, arabe an-Nil, en-Nîl - ici Niger ou ·un de ses
al-Idr~si, à environ un mois selon Ibn l;Iawqal, et à quinze journées selon al-Bakri. affluentS]~ Et dixerunt, quod erat ibi mare (plutôt: lac] magnum non multum amplum
Je cr~1s que de tous ces itinéraires celui d'al-Bakri est le plus acceptable. Les distances et quod esset ibi magnae almadiae [ici : pirogue formé d'un tronc d'arbre] sicut
donnees par ?b_n I:Ia_wqal et al-Idrisi me paraissent trop grandes. Cependant al-Idrisi naves et proeliabant invicem. uni ex una parte maris cum allis ex alia parte, et quod
donne un detail. qu~ nous permet de localiser' le Küga occidental d'une façon plus qui ex altera. parte maris erant versus orientem erant albi.
e~ct:. ~n effet 11 ~t. que ce_tt,e ville était une .dépendance de Wanqira ou Wangara, Haec sunt, quae mihi retulerunt Nigri, qui mecum fuerunt ad Cantor. Inter-
c est-~-dtr~ de la reg10n aunfere de Galam-Bambouk et de Boure (rappelions nous rogavi eos de via, per quam itur ad terras, ubi habetur aurum, et qui erant domini
que 1 o~ s1~.e ~e pays entre le haut Niger et son affluant le Bani, ou bien entre le illius patriae. Et dixerunt quod rex Bormelli, et quod tota terra Nigrorum a parte
haut Niger a I est, le Falémé à l'ouest~ le Sénégal au nord et le Tink:isso au sud). recta fluvii erat sub suo dominio et sibi subiecti, et quod ipse habitat in civitate
Quioquia. Et dixerunt, quod ipse esset dominus omnium minarum ... Et dixerunt,
266 quod illa pars orientalis erat tota plena de minarum auri ...
Ibid., tex:te, p. 10; trad., pp. 11-12.
267J Lé l'A:fri . D .
. ean- on cam, escnption de l'Afrique, pp. 481-483. Sur les deux villes de KUg'a voir
aussi Marquart, Die Benin-Sammlung, p. CVII. .171 Ibid., texte, p.178; trad., p. 333; Idrisi, Descriptum de l'Afrique, texte, pp. 4, 5, 6; trad., pp. 4,
268
Ibn l;faul;:al, Opus geograpkiwm, t. I, p. 92. 6, 7.
269 Ibid., p. 101.
.an Matveev-Kubbel', Arabskie istoéniki X-XII vekQV, p. 410.
no Bakri, Description de l'Afrique, p. 179; trad., p. 335. .1 73 Je cite d'après J. Marquart, Die Benin-Sammlung, pp. CIII-CV.

54 55
Et inte!rogavi, qua via esset eundum de Cantor ad Quioquia. Et dixerunt, quod Ce nom est cité également par le voyageur maghrebin al-I;lasan ibn Mubammad
ad Morbomelli de Cantor est via ad Somanda versus orientem, et de Somanda ad al-Wazziin az-Zayyâti, converti au christianisme et connu sous le nom de Jean-Léon
Conmuberta et ad Cereculle et ad alia loca, quae oblivioni tradîdi. Et in his locis l'Africain, qui a visité la ville en question ·apparemment peu avant l'an 1514 et qui
praenominatis est magna ê'opia auri, sicut bene credo, quia modernos Nigros per- la mentionne dans son ouvrage sous le nom de Melli. Il y avait dans cette localité
sequentes vias illas vidi venire oneratos de aura );. ' (qui est considérée par Jean-Léon l'Africain comme un « très gros village» et qui
J. Marquart identifie la ville de Quioquia de la relation de Diogo Gomes qui, est, sans doute, la même que Kuga (Quioquia/Juga) de marchands indigènes et
selon cette relation, est la capitale du roi Bormelli (en wolof : << roi de Melli » ; Mor- étrangers. Selon cet auteur les habitants de cette localité étaient riches, en raison
bomelli est une faute au lieu de Bormelli) avec la ville de Juga de Valentim Fer- de leur commerce, et les plus civilisés de tous ·les Noirs 2 7 8 •
nandes (1506-1507) qui était selon lui la capitale du royaume de Mandimansa, Al- 'Omari donne à la capitale de l'État de Mâlï le nom de Nyani, ce <JUi a facilité
c'est-à-dire du « roi des Manding ». Ce dernier titre est la dénomination du roi d'en trouver l'emplacement : elle était située près du village actuel de Niani, à ·pro-
de Melli ou Mâli (Mallï) en langue mandé 274 • Marquart considère tous les deux ximité de la rive gauche de la Sànkarani 279 • On retrouve aussi la même appellation
noms de la capitale du roi de Melli, à savoir Quioquia et Jugà, comme la transcrip- chez Ibn l;,:Jaldün (fin d-o XIV' siècle), sous le nom deformé de Bani (;: < d-:;) 280 •
tion européenne du même nom que les géographes arabes médiévaux transcrivaient C'est probablement aussi de la ville-de Kuga, qui était, comme nous l'avons
par Kuga (lire aussi Kôga). Le savant allemand croit 275 que la transcription de vu·plus haut, une. dépendance du Wanqâra (Wangara), que parle al-Idrisi dans son
ce dernier nom serait Gôga (lire G'~ga) oll doga (lire .Ô'og'a), k et g arabes rendant traité de géographie, où il est question des négociants fort riches de Wârqlan (Ouargla)
le son g' (g mouillé), ce qui donnerait *Guioga ou *Guioguia en transcription française qui, « pour faire le commerce., parcourent le Pays des Noirs et pénètrent jusqu'à
simplifiée. A mon avis, l'orthographe de ce nom chez Valentim Fernandes (d'après Gâna et le W-anqâra (Wangara) d'où ils tirent de l'or qui est ensuite frappé à Warqlân
le texte établi par Marquart) nous autorise aussi à prononcer ce mot *Guiouguia 2 76 . et au coin de cette ville» 281 • II dit aussi que la majeure partie de la production de
La relation de Diogo Gomes ainsi que celle de Valentim Fernandes montrent que la poudre d'or de Wanqâra « est achetée par 1~ habitants de Wârqlân et 'par ceux
Quioquia (Juga) Kuga était une grande ville entourée d'un mur en briques cuites du Maghreb occidental, où -cet or est porté dans les hôtels des monnaies, frappé
et que le roi de Melli (Mâli), résidant dans cette capitale, était propriétaire de toutes en dinars et échangé dans le commerce contre des marChandises » 282 • Al-Idrisi
les mines d'or, très riches, situées dans son voisinage, c'est-à-dire des gisements ajoute encore à ces données qu'il y a dans le pays de Wanqâra « des villes florissantes
aurifères de Bouré et peut-être aussi des régions Bambouk-Galam. Encore à cette et des forteresses renommées. Ses habitants sont riches - dit-il - ils possèdent
époque tardive, vers 1456, ,la ville de Quioquia était visitée par des caravanes venant de l'or en abondance, et on leur rapporte les meilleurs productions des parties les
de l'Afrique du Nord, comme c'était le cas de Kuga d'al-Idrisi vers l'an 1154. plus éloignées de la terre» 283 • Or, il est certain que Kuga, ancienne capitale -de
Quant à la route qui conduisait de Cantor à Quioquia (Küga), elle traversait, entre l'État de Mali, était la plus importante de ces « villes florissantes » de .Wanq~a.
autres, le pays habité par ·cereculle, c'est-à-dire par les Sarakolé ou Soninké (sur Ladite ville et toutes les villes et villages de Wanqâra restaient en .relations étroites
avec la ville de Ouargla dont les habitants commerçants ont su, en commun avec
les confins de la République de Mauritanie et celle du Mali actuelles), anciens
les négociants du Maghreb occidental (surtout avec ceux de Sigilmasa et d'as-Süs
maîtres de la ville de Gâna. Elle passait aussi par un lieu dit Somanda. Il n'y a aucun
al-Aqit1a), monopoliser le commerce de la poudre d'or de 'Bouré (et de Galam-Ba:m-
doute que ce dernier nom n'est qu'une déformation de celui de la ville de Sâmaqanda
ou Samaqanda d'al-Bakri et d'al-Idrisi, connue aussi sous le nom de Sa.ma (actuelle- bouk ?) pendant tout le Moyen Age 284,
ment Sama à l'ouest de Ségou), qui était reliée, selon les géogiaphes arabes du
l 78Jean-Uon l'Africain, Description de l'Afrique, p. 466 .
XF-XIr siècle, par un itinéràire à la ville de Kuga.
.2 79'Omarl, Masiilik El Ab;iï.r, p. 52 ,et n. 2.
A côté des noms de Küga (X'-XII' s.), de Quioquia (1456) et de Juga (1506-1507) 280 Ibn :t[aldUn, Histoire des Berbères, texte, t. I, p. 327; trad., t. Il, p. 116.

qui ne sont que trois orthographes diverses de la même appellation, on_ l'employait 281 Idrisi, Description de l'Afrique, texte, p. 10; trad., p. 11.

également pour désigner cette ville, celui de Mali. On le retrouve tout d'abOrd 282 Ibid., texte, pp. 120-121; h:ad., p. 141.
zss Ibid., texte, p. 8 ; trad., p. 9. Nous ne savons pas si les hôtels de la monnaie dont parle al-Idrisi
dans le récit d'ad-Dargini sur le voyage de 'Ali ibn Yal!laf en 1179/1180,
ont subsisté encore aux siècles suivants. En tout cas Jean-Léori l'Africain ne nous en parle pas plus dans
et ensuite dans la descriptio_n des Voyages d'Ibn Battüta, qui appelle la capitale sa Description de l'Afrique; cependant il dit que l'on frappait la monnaie d'argent et d'or dans les trois
de cet Etat- Ma.Ili 277 • (Ce voyagèur y a séjourné de juin 1352 à fèvrier 1353). châteaux de Tafilalet : Tenejeut, Tabubasant et El Mamun qui étaient situés dans le voisinage immédiat
de l'ancienne ville de Segelmesse (Sig'.ilmàsa), déjà ruinée à l'époque de cet écrivain. Les riches commer-
çants, qui y habitaient, allaient au Pays des Noirs où ils portaient des·marchandises de Berbérie qu'ils
.2 74 Ibid., p. CV. échangeaient contre de l'or et des esclaves (Jean-Léon l'Africain, Description de l'Afrique, pp. 428-429) .
.i,s Ibid,, pp. CV-CVI. Est-ce qu'ils ont supplanté les négociants de Ouargla avec lesquels ils agissaient de concert aux xe-xne
276 Aussi la prononciation K'og'a, c'est-à-dire Kuioguia n'est pas impossible. siècles ?
• 2 s 4 Idrisi, Description de l'Afrique, texte, pp. 8-9 ; trad., pp. 9-10.
277
lbn Battfrp1, Voyages, t. IV, p. 397 et passim; Dargini, Tabaqiit, f 0 157v".

56
57
Certains commerçants maghrebins évitaient, dans leur trafic avec les habitants Il faut comprendre sous le terme des commerçants de Sigilmasa des récits d'al-
du Pays de la Poudre d'Or, l'entremise.des villes soudanaises (c'est-à-dire des mar- Mas'üdî et de Yi'i.qüt nqn seulement les marchands originaires de cette ville, ~ais
chands musulmans_ établis dans ces villes) et allaient eux-mêmes aux confins des aussi les autres négociants maghrebins qui partaient de cette ville à 13: recherche
pays aurifères de Galam-];Jambouk et de Bouré, dont l'intérieur était inaccessible de l'or de l'Afrique occidentale, et surtout les négociants de Ouargla qui jouaient,
aux Blancs. Ils y achetaient de la poudre d'or au moyen d'un commerce muet, pratique .
au Moyen Age, un rôle important dans 1e commerce d'or de w anqara- 288 .
relatée au xe siècle par al-Mas'ùdi, et au commencement du Xllre siècle par Yâqùt.
Voici ce que dit à ce propos le premier de ces auteurs ,arabes 285 :
« C'est dans ce pays d'or [en aràbe arçl a9-9ahab], de_ l'autre côté d'un grand
fleuve [Sénégal ? Niger?], que vit une peuplade qui trafique sans se montrer ni 16. OUARGLA-KAWAR
commu~iquer àvec les marchands étrangers. Ceux-ci déposent leurs marchandises
et se retirent : le lendemain ils trouvent, à côté de chaque colis, une certaine quantité
d'or. S'ils accePtent le· marché, ils prennent l'or et laissent leJJ.r pacotille ; dans le Au Moyen Age Ouargla entretenait aussi des relations commerciales avec le
cas contraire ils l'emportent sans toncher à l'or; pour faire entendre qu'ils veulent bassin du lac Tchad. Nous en possédons un témoignage provenant du milieu_ du
un prix plus élevé, ils laissent à la fois l'or et la mai-chandise. Ce genre d'échange Xlr siècle de n.è. que nous devons à al-Idrîsi et qui a trait au pays de Kawar (aussi
est bien connu dans le- Maghreb, à Sigilmasa ; c'est de cette ville que sont expédiées Kuwwar, Kaouar de nos cartes), groupe d'oasis situées dans le Sahara, en1:e le Fez-
les marchandises qu'on dépose sur les bords du grand et large fleuve près duquel zan et le lac Tchad. Voici ce que dit notre géographe à propos de ce trafic :
vit cette peuplade [c'est-à-dire Sénegal ou Niger, voire un des affluents de ce dernier] ». « Ank.alas est, sans contredit, la ville la plus considérable et la plus commerçante
La relation de Y:iqùt -est plus détaillée. Voici _ce qu'il dit.du commerce muet 286 : du Kuwwar. Il y a dans les montagnes près de cette vil_le des mines abondantes
« [Après avoir traversé la ville de Gana] ils [c'est-à-dire les commerçants maghre- d'alun pur, de qualité supérieure ; poui;- le vendre, les habitants d' Ankala.5 vont
bins] parcourent ... _des déserts où soufflent les vents samùm _... ~t atteignent enfin du côté de l'orient jusqu'à l'Egypte, du côté de l'occident jusqu'à W-arqlan [Ouargla]
le lieu qui les sépare des 'maîtres du [Pays de la] Poudre d'Or' [en arabe a~l.ia.b at- et aux autres pays du Maghreb occidental 289 ».
Tibr]. Alors ils battent les énormes tambours qu'ils ont sur eux et qui sont entendus Ankala.5 est, selon R. Mauny, identique au village de Kalala situé à 2 kilomètres
à l'horizon de la région où vit cette peuplade de Noirs. On dit qu'ils vivent dans au nord-ouest de Bilma, dont le nom signifie saline en général. Or les salines de
des càvernes souterraines et qu'ils yont nus ne connaissant aucune matière pour se Bilma produisent du sel où Ja proportion du sulfate de soude (S04N2 - c'est-à-dire
couvrir, comme les bêtes ... Lorsque les commerçants se sont convaincus que les d'alun lato sensu) peut atteindre 79%.~Aujourd'hui le sous-produit de la préparation
Noirs ont entendu le tambour, ils déballent les marchandises qu'ils avaient prises du sel -l'alun de Bilma (et du Kaouar tout entier) était au XIr siècle la richesse
avec eux et chacun dépose ce. qui lui appartient, chaque espèce à part. Ensuite ils du pays 290.
s'éloignent d'une journée de marChe de ce lieu et puis viennent les Noirs en apportant Al-Idrisi ne nous dit rien sur l'itinéraire reliant la ville de Ouargla au Kaouar.
de l'or dont ils deposent une certaine quantité à côté de chaque espèce de marchan- Cependant il paraît que la voie la plus fréquentée entre ces deux oasis deVait être
dises, après quoi ils s'en vont. Ensuite reviennent les comm"erçants et chacun prend celle qui passait par le Djebel Nefousa et dont nàus avons déj_à donné_Ia description
l'or qu'il trouve à côté de ses marchandises, en laissant celles-ci, puis ils s'en vont partielle, à savoir de Ouargla à Djadou, grand centre commercial du Djebel N efousa.
après avoir battu le tambour. Au delà de cette peuplade, rie'n n'est connu et je pense On doit la description de la partie sud de cette piste jusqu'à la ville de Zawila
qu'il n'y pas de vie animale là-bas, à ca~se de la brûlure Violente du soleil. Entre (Zouila de nos cartes, dans le Fezzan) à al-Bakri. Les caravanes partaient, selon
ce pays et Sigilmasa il y. a trois mois »28 7 • cet auteur de Djadou, et passaient _par -l'endroit appelé Tiri (oU' plutôt Tizi), et
Cette relation semble avoir trait surtout aux habitants -de Bambouk et de Galam, ensuite auprès d'ull puits nommé· Awderf (ou Udref), d'où, après avoir traversé
a:u delà de la ville de Guyiira,. dont une source ibaçlite dit - comme nou_s l'avons de hautes montagnes appelés Targïn, elles se dirigeaient vers la ville de Tam.arm_a.
vu -qu'ils allaient nus 287 .. ; mais elle peut concerner ,aussi les gens de Wanqlira La dernière localité de cette route, avant d'arriver à Zawila, était - selon al-Bakri -
(Wangara) de la région de Bouré. la ville de Sabah 291 . Nous ne trouvons sur nos cartes aucun des lieux indiqués
par cet auteur entre Djadou et Zouila. Cependant il est assez probable que l'itinéraire

285
Mas'üdî, Prairies, t. IV, pp. 92-93. 288
286 Voir plus haut, p. 57.
Yiigut, Mu'gam, t. I, pp, 821-22; voir aussi Youssouf Kamal, Mmrumenta, f 0 953r 0 •
287
289 Idrisi, Descriptian de l'Afrique, texte, p. 39; trad., p. 46.
Voir aussi sur le commerce muet chez les habitants du Biliid at-Tibr la relation d'al-Qazwinî 290 Mauny, Tablea,u, pp. 141, 289, 334-336, 452. Selon R. Palmer, The Bornu Sahara and Sudan,
dans Âtâr al-bilad, pp. 11-12.
t.·c-
2878
Voir supra, p. 51. London 1936, p. 80, Ankalas est identique au Agram.
291 Bakri, Description de l'Afrique, texte, p. 10; trsd., pp. 26-27.
y-~---i~ç;~
"'tc. ,,,. '
58 1
.i
.
décrit par al-Bakri soit identique à la piste Djadou-Mizda-Gheriat-Flessa (dans JOseph Tubiana et de Mme Marie-José Tubiana, un seul groupe ethnique. 297 • Le
la partie occidentale du Djebel Es Soda)-Zouïla. Selon al-Bakri· à Zouïla commençait territoire occupé par_ ce groupe englobe actuellement tout le Nord de la République
déjà le Pays des Noirs. du Tchad, les confins nord-ouest du Darfour et une partie, assez importante, de
Quant à la partie finale de la voie Ouargla-Kaouar, elle reliait la ville de Zawila la Libye du Sud et de l'Est, ·avec l'oasis de Koufra. Au Moyen Age la situation en
au pays de Kawar. C'est cette voie que le général arabe 'Oqba ibn· Niifï'_ a empruntée était à peu près idéntique. La situation et la description du pays zagiiwa données
en rentrant, efl' 666/67, de son expédition en Kawar. Al-Bakri à qui nous devons par al-Idrisi correspondent en gros aux territoires habités par les quatre tribus
ce renseignement 292 ne mentionne aucune localité sur la route Zawila-Kawar,. « toubou », comme correspond d'ailleurs à ces territoires l'emplacement du pays
sauf un lieu qui, à son époque, portait le nom de Mii' al-Faras («l'eau du cheval»). zagawa qui s'ensuit des renseignements fournis par d'autres auteurs arabes médievaux.
On retrouve ce :ùom dans celui de Mafaras de G. Nachtigal qui situe cet endroit Ainsi, d'après al-Ya'qübi (mort en 897 de n.è.) les Zagawa possédaient .un État
entre la montagne Emi Mâdema (Madama de noS cartes) et l'oasis de Jat 293 • L'iti- embrassant le pays de Kiinem; il note aussi l'existence d'un autre État zagiiwa,
néraire Zawila-Kawar est également signalé par' le géographe et historien arabe dont le nom et l'emplacement sont incertains 29.8 • Suivant I~biiq ibn al-I:fosayn
du IXe siècle dé n.è. - al-Ya'qübi (mort en 897). La distance entre Zawiia et le (vers 950/51 de n.è.), il y avait une vi1le de Zagiiwa que cet auteur place à la frontière
chef-lieu des oasis de Kawar, qui portait le même nom, était - selon cet auteur - de Nubie, sur le Nil 299 • On sait, grâce à al-Idrisi, que les influences de l'État nubien
de quinze jow-s, et la population de cette localité se composait (en partie au moins) se faisaient ressentir dans la partie orientale du bassin du Tchad 300 ; ainsi c'est
de Berbères - musuhnans qui s'occupaient du tràfic des esclaves noirs 294 • Je dans ce pays qu'il faut chercher le fleuve identifié par .Isl;iiiq ibn al-I;lusayn avec
crois que parmi ces commerçants il y avait, entre autres, des lbiiçl.ites du Gabal le -Nil. Serait-ce. le Bahr al-Ghazal de nos cartes? On trouve les mêmes .données
Nafüsa. et que c'étaient eux qui s'occupaient de l'exportation de l'alun d'Ankalas dans l'A"!}bâr az-zamlin d'al-Mas'üdi qui parle d'un État zagiiwa et ajoute que les
à Ouargla. On sait en effet que les commerçants ibiiçlites du Gabal Nafusa s'avan- Zagiiwa font la guerre aux Nubiens 301 • Suivant Ibn I:Iau~al, qui écrivait dans la
çaient, déjà dans la première·moitié du IX siècle de n.è., jusqu'au pays de Kiinem 295 , deuxième moitié du xe siècle de n.è., entre Zagaw::i, et Fezzan il y .avait une :distartèe
situé au sud des oasis de Kaollar, où ils s'arrêtaient quelquefois poùr acheter pro- de deux mois de marche 302 .
bablement d~ l'alun. D'après un passage de l'ouvrage de géographie perdu d'al-Muhallabi (écrit
entre 975-996), cii:é dans le Mu'lam al-buldan de Yiiqüt 303 , le royaume en question
était moins peuplé, mais plus vaste que celui de Kükü (Gao).
Al-Idrisi 304 situe la ville de Zagawa, très peuplée et capitale de plusieurs distridsr
17. OUARGLA-ZAGii. WA à une distance de six journées (environ 180-240 km) de la ville d'An·gimi dans le
Kânem (actuelle Ndjimi-Ye à ·55 kilomètres à l'est de Mao). Cette distance nous
permettrait de localiser la ville de Zagawa sur les bords du Bahr al-Ghazal: Le géo-
graphe arabe en question donne aussi une description assez détaillée de· la tribu
Outre les oasis de Kaouar il y avait aussi un auo;-e pays (ou plutôt un peuple)
de Zagawa qui selon lui est un peuple nomade 305 • Dans un autre chapitre· de son
dans le bassin du Tchad qui entretenait, au Moyen Age, des relations commerciales
ouvrage al-Idrisi mentionne deux villes du Zagiiwa : Sagwa et Sa.ma, dont il place
avec la ville de Ouargla. C; était le pays de Zagawa. On doit le seul. témoignage sur
ce trafic à al-Idrisi qui en dit ce qui suit 29 6 : la seconde à 16 journées de marche de la ville appelée Kawkaw ou Kükü. Je. ne crois
pas qu'il s'agisse ici de l'ancienne appellation arabe de la ville de Gao qui· est trop
« La principale production du Zagawa, en fait de grains,, est le millet : on y apporte
quelquefois du blé du Warqlan et d'ailleurs. » éloignée du bassin du Tchad ; c'est plutôt une ville toute différente quoique homo-
nyme. A mon avis, il faudrait voir dans ce deuxième Kawkaw la transcription du
Pour les auteurs arabes médiévaux le nom de -Zagiiwa (Zaghawa), qui ne veut
dire actuellement qu'une tribu établie au nord du Ouaddaï et au nord du Darfour, nom que Jean-Léon l'Africain note comme Gaoga. Ce serait, d'après ce dernier,
avait un sens beaucoup plus large. Il désignait tous les quatres peuples habitant l'appellation d'une province située entre le royaume · de Bornou ( qui embrassait
dans le pays « toubou », à savoir les Teda, les Daza, les Bidèyat et les Zaghaw~ qui
i97 Tubiana, Survivances préislamiques en pays zaghawa, pp. 17-19;
constituent, d'après les récentes enquêtes linguistiques et ethnologiques du Professeur 29 s Ya'qùbi, Historiae, t. I, p. 219.
2 9 9 Codazzi, Il compendio geografico, p. 410.

300
292
Idrisi, Description de l'Afrique, texte, pp. 12-13; trad., pp. 15-16.
Ibid., texte, pp. 13-14; trad., pp. 34-35. 301 Ed. du Caire, 1938, p. 66. ·
293
Nachtigall, Saharâ und Sûdân, t. I, p. 511. C'est Mabrus des cartes modernes. 302 Ibn l;Iau~al, t. I, p. 92.
294
Ya'qùbî, Kitii.b al-Buldtin, p. 345. · 303 Yàqiit, Mu'iam, t. IV, p. 329.
.us Lewicki, Études ibii.,J.ites, p. 96. 304
Idrisi, Description de l'Afrique, texte, p. 12 ; trad., p. 15.
296
Idrïsî, Description de l'Afrique, texte, pp. 34-35 ; trad., p. 41. aos Ibid.,

60 61
à cette' époque ·aussi le pays de Kân~m) d'un côté, et les confins occidentaux du siècle qui était la même que Quioquia de Diogo Gomes (1456) et Juga de Valentim
royaume de Nubie de l'autre 306 , donc probablement dans le nord du Ouaddaï Fernandes (1506-1507), et dont l'identité avec Nyani d'al-<Omari et d'lbn J:Ialdün
actuel. Ajoutons encote que selon un autre passage de l'ouvrage d'al-Idrisï le pays est très vraisemblable 311 •
du Zagawa confine au Fezzan 30 7 • Outre la chu1:e de la ville de Ga.na il y avait peut-être aussi une autre raison qui
Nous ne savons pas dans quelle partie du .bassin du lac Tchad, occupé par les a forcé les négociants allant de Ouargla et de Sigilmasa. à abandonner la grande
Zagawa, se faisait cette importation du blé de Ouargla dOnt il est question chez ligne caravanière traversant as-Süs al-Aq~i, Azougui et Awdagast. Or, à la fin du
al-Idrisi. 'Apparemment ·1e produit en question arrivait dans la capitale du Zagâwa, XIIIe siècle, les nomades arabes de la tribu de Ma•qil ont occupé as-Süs al-Aq~a
ville homonyme située probablement dans la région du Bahr al-Ghazal. La voie et le bas cours du Draa, en y créant une zone d'insécurité permanente que les cara-
suivie par les marchands de Ouargla et conduisant à cette ville traversait sans doute vanes devaient éviter 312 • A partir de cette époque les conununications du Maghreb
le Djebel Nefousa, le Fezzan et le Kaouar ; nous l'avons décrite plus haut. Du Kaouar avec le Soudan occidental se faisaient par la route de Sigilmasa ou bien par celle
313
cette voie Se dirigeait vers le pays de Kânem (selon al-Bakri il y a quarante journées de Takedda (et ensuite d'Agadès), dont il sera question plus l_oin • Cependant

entre la ville de Zawila (Zouila) et le pays de Katlem 308 ), et énsuite à la ville de l'attitude des Arabes ma'qiliens envers la ville de Sigilma.5a était tout-à-faît dif-
Zagawa située au centre du pays « toubou Î). férente. On lit, en effet, dans l' Histoire des Berbères d'lbn ]:laldün, que « jamais
Al-Idrisi ne nous dit pas si c'étaient les marchands de Ouargla eux-mêmes qùi ces Arabes [il y est question de la tribu de Ma'qil] ne commirent de brigandages
parvenaient au pays du Zagawa en y important du blé, en échange, sans doute d'esc- sur les limites du Maghreb_ ni sur le plateau ;_ jamais ils n'interceptèrent les caravanes
laves, exportés dans le Maghreb (déjà au IXe siècle de n.è. les esclaves originaires qui se rendaient au Soudan de Sidjilmessa et d'autres lieux : le gouvernement d_u
du Zagâwa affluaient sur les marchés de Zawil_a dans le Fezzan 309 ). Il n'est pas Maghreb, sous les Almohades et_ ensuite sous les Zenata [il s'agit ici de la dynastie
impossible que les marchands de Ouargla se contentaient de vendre le blé (impor- zénète de Banü ·Abd al-Wad de Tlemcen], était non seulement assez fort pour les
té âe la région de Constantine comme nous l'avons vu plus haut) au Djebel Nefousa, châtier, mais il avait soin de tenir fermés les défilés qui mènent dans le Tell et de
dans les souks de Gidü, et que ce soient les caravanes en provenance du Djebel préposer de forts corps de troupes à la défense des frontières: En réco~pense_. d~
Nefousa qui exportaient ce produit dans le pays du Tchad. En effet, les marchands leur conduite· paisible, les Malcil obtinrent quelques concess10ns ; mais ces 1cta
314
du Djebel Nefousa connaissaient mieux que tous les autres le pays du Tchad, et étaient considérés moins comme un droit·que conune une faveuri) •
1
cela depuis longtemps. Nous savons, par exemple, que le gouverneur rostémide La route Sigilmasa-MillI nous e_st fidèlem~nt décrite, au ~IVe siècle, par I_bn
de ce pays au IXe siècle, nonuné Abü •uhayda •Abd al-1:Iamid al-Geniwuni, ori- Battüta, qui l'a suivie en 1352 à partir de Sigilrn.asa. Elle se. dirigeai~ de cette.,ville
ginaire du village d'lgllâ.wun (Gennauén ou Djennaouen de nos cartes), situé tout à Tagaza 31s (Teghaza ou Terhaza de nos cartes), la prillc1pale sabne sahar1e1:1ne
près de la ville de Gidü, parlait, outre l'arabe et le berbère, la langue de Kânem 310 • du Moyen Age que l'on connaît aussi de l'Atlas catalan (1375), de la lettre de Mal-
fante (1447), de la relation de Ca da Mosto (14.55), ~insi que de __ T_a'rilJ, ,~-Sü~iin·
d'as-Sa'dï 316. Ibn Battüta dit que le sel de cette salrne parvenait JUsqu a la ville
de Mal.li et, selon le Ta'rifl. as-Südiin, ce minerai venait jusqu'à la ville de Djenné.
317
On exploitait la saline de Tagaza encore en 1623, si l'on peut croire as-Sa'di •
18. OUARGLA-ZAGARÎ-MALU La voie la plus directe qui reliait Sigihnisa à Mali traversait l'oasis de Tabel~ala.
Voici ce que dit à ce propos al-'Omari dans son ouvrage composé 12-14 ans environ
avant la date du voyage d'lbn Battüta :
Après la chute de Ga.na qui eut lieu vers l'an 1240, le trafic de l'or de Ouargla « Plus Join [c'est-à-dire après la ville de Sigilmisa] il n'y a plus que Tab_albalet
et de Sigilmasa se poursuivait sans doute mais il ne profitait plus de la grande ligne dans le désert ju~qu'à lwalâten [Oualata] 318 et ces deux villes sont séparées par
caravanière qui traversait Azougui etAwdagasst et dont notis avons donné précédem- ·
une immense étendue, de quatorze [?]Jours, dans laquelie on ne trouve pom . ,· d' eau 31 9"
ment la description. ·Cette ligne perdit son àncienne importance au profit de celle
de Oualata, dont l'aboutissement était la ville de Mali (ou Mâlli), capitale de l'État 3u Voir plus haut, pp. 53-59.
homonyme, identique probablement à Küga des géographes arabes du xe-x1ie 312 Ibn tJaldiin, Histoire des Berbères, trad., t. III, p. 298.
313 Sur ce fait voir Extraits tirés des Voyages d'Ibn Ba!fûfa, p. 34, n- 6.
314 Ibn ljaldün, Histoire des Berbères, îrad., t. 1, p. 117.

306
Jean-Léo!l l'Africain, Description de l'Afrique, pp. 481-482. 3l5 Ibn Batt:üta, Voyages, t. IV, pp. 377-379.
307 316 Sul" cette localité voir Mauny, Tableau, pp. 116-117.
Idrisi, Description de l'Afrique, texte, p. 35; trad., p. 41.
308
Bakrï, Description de l'Afrique, p. 11; txad., p. 29. 317 Sa'di, Ta'rit} as--SUdan, texte, p. 226; trad., p. 345.
309
Ya'qiibi, Kitâb al-Buldiin, p. 345. 31s L'autelll" a oublié la saline de, Tagaza.
310
Lewicki, Etudes ibii<f-ites, p. 96. 31~ Selon Ibn Banüta, Voyages, t. IV, p. 379, il y avait de l'eau saumâtre à Tagaza.

63
62
et où ne peuvent s'aventurer que des chameaux habitués à supporter la soif. C'est de Tombouctou qui devait bientôt remplacer cette ville comme tête de ligne de la
une région aux ,horizons sauvages, dont les chemins sont inconnus ; pour que les voie caravanière Soudan Occidental-Maghreb, dit qu'on y voyait affluer les cara-
voyageurs se décident à en affronter les périls, il faut le. grand profit qu'ils tirent vanes de tous les pays, et que s'y fixaient les gens en provenance d'Egypte, de Aoud-
des Noirs; ils emportent des marchandises sans valeur et rapportent l'or brut, à pleine jila, du Fezzan, de Ghadamès, du· Touat, du Dra', du Tafilalet, du Fez, du Sous
charge de chameaux·>> 3 :rn. etc. Ensuite il ajoute : « Tout cela se transporta à Tombouctou. La prqsperité de
L'oasis de Tabelbala servait toujours d'étape intermédiaire entre les châteaux Tombouctou fut la ruine de Biro >>_ 325 •
de Tafilalet (qui ont remplacé la ville de Sigilm.asa tombée en ru"ines au cours du Ibn Battfi.ta nous parle amplement de la bonne organisati@n du comnierce cara-
XVe siècle) et entre Oualata au XVIe siècle. Nous le savons grâce à Jean-~éon l'Afri- vanier de Oualata, v'ille sans laquelle la travei;sée du désert entre elle et Tagaza serait
cain qui dit ceci : pratiqement impossible 326 . La renommée de Oualata en_ tant qu'imporlante sta-
« Tabelbelt. C'est un endroit habité au milieu du désert de Numidie, à environ tion située sur la route conduisant de Sigilmiisa à la ville de Mal.li et Pays de la Pou.dre
200 milles de l' Atlas et à 100 milles au sud de Segehnesse. Il y a là trois châteaux d'Or est parvenue, dès la première moitié du XIVe siècle, encore avant le voyage
très peuplés dont les terrains cultivables sont plantés de palmiers. L'eau y est très d'Ibn Battiita, aux oreilles des cartographes européens : Giovanni di Carignano
rare ... Les gens, bien qu'ils fassent du commerce avec la Terre des Noirs, sont (qui la place sur sa carte exécutée en·· 13"20 sous le nom d'Eulezem) et Angelina Dul-
pauvres parce qu'ils sont vassaux des Arabes» 321 • ~ ceit (il l'appelle Huletem sur sa carte de l'an 1339) 327 • -

Nous avons déjà vu, d'après la relation d'Ibn Batt;üta. que c'était non Tabel- Il paraît que Oualata perdit dans la deuxième moitié du XIVe siècle son ancienne
bala mais Tagazâ qui était la dernière étape de la route Sigilmâsa-Malli avant d'at- importance_ dans le commerce transsaharien. L'historien arabe, Ibn J;;laldiin, écriVant
teindre Oualata et c'est de ce Heu qu'on exportait la provision d'eau indispensable vers la fin du XIVe siècle et connaissant Oualata comme une importante station
aux caravanes pour pénétrer dans le désert. Enfin, on arrivait à Tasarahlâ, un ré- sur la voie menant· de la ville de Mali au Maroc, encore vers les années 1351-1361
1 servoir souterrain d'eaux pluviales à dix journées de route de Tagaza, où les voya- (c'est par cette ville que passaient· les ambassades des rois de Mali au Maroc, à la
geurs prenaient un Î'epos de trois jours avant de s'avancer dans le désert absolument cour des sultans mérinides 328 ), constate qu'au moment de la composition de son
privé d'eau qui sépare ce lieu de Oualata. De Tiisarahla à Oualata Ibn Battuta compte oeuvre la bourgade toutienne de Bouda « qui était autrefois le point d'où les mar-
11 journées 322 • chands prenaient leur départ quand ils voulaient se rendre à Oualaten ... , · cessa
Selon M. Théodore Monod il n'est pas invraisemblable que Tisarahlâ soit d'être fréquentée .à cause des brigandages conimis par les Arabes du Sous [dans
identique au lieu appelé El-Gçeyb Ounân, situé à près de 500 km de Oualata et le sud-ouest du Maroc], qui se plaîsaîent à piller les voyageurs et à intercepter les
à environ 260 km de Te'ghaza, qui est actuellement le point d'eau le moins éloigné caravanes. ,Alors on fraya la route qui mène dans le Pays des Noirs en passant par
de la première de ces deux localités. Cependant il n'exclut paS qu'il y ait eu, dans Tementit 32-9 ». C'est, selon moi, à cause de cela que Oualata ne figure plus sur la
le passé, d'8.utres puits qui pourraient entrer en jeu, à savoir un lieu nommé « TeM carie catalane d'Abraham Cresques, exécutée en 1375, pendant qu.'on y trouve
serékla » marqué entre Araouane et Oualata sur la carte A. Meunier Sahara occidental déjà la ville de Tenbuch, c'est-à-dire. Tombouctou qui manque encorè sur la carte
et central, 1:11-·000 000, ou bien une dépression avec· des traces. d'humidité située de Giovanni di Carignano et sur celle d'Angelîno Dulcert 330 •
à 2 jours et demi au ·sud-ouest du El-Gçeyb Ounân, dans le creux des premiers Malgré cette évidente décadence, la ville de Oua~ata continua de jouer un ceri~in
rochers du Khenachiche 32 3. rôle dans le commerce avec le Soudan occidental, avec les pays d'Or de Bambouk-
La station suivante de la route, c't:st-à-dire Oualata, était au Moyen Age une -Galam et dè·Bouré encore pendant environ µn siècle. Voici ce que dit à ce s-ùjet
assez importante ville commerçante qui appartenait à l'État de Mali. Cette ville, Valentim Fernandes 331 :
appelée en songhaï Biru où. Bïro, .doit sa naissance à la chute de la ville de Gana <1 Oüalete (OualataJ est une très grande ville ... Dans cette ville il y a deux rois,
prise par Soumangourou Kannté (en 1203) et dont les principales familles mu- l'uri blanc, l'~utre noir, car. la ville est sur les confins du Pays.des NègteS. Toutefois
suhnanes auraient émigré en 1224 et .se seraient établies près du puits de. Biru 324 • tous [les habitants] sont mahÜmétans.
As-Sa.di qui nous parle des jours glorieux de Oualata, avant le développe~ent

325 Sa'd:i:, Ta'rifi as-Sûdiin, texte, p. 21 ; trad., pp. 36-37.


320
'Omari, Masal.ik El Abliîr, pp. 201.202. 326
Ibn Ban,lta, Voyages, t. IV, pp. 381-387.
3 21 Jean-Léon l'Africain, Description de l'Afrique, p. 4-32. 327
La Roncière, La découverte de l'Afrique, t. I, p. 114; Mauny," Tahkau, p. 70.
322 Ibn Ba@ta, Voyages, t. IV, pp. 378-385, 328
Ibn ljaldO.n, Histoire des Berbères, trad., t, IV, pp. 243-244 et 342-343.
323 Th. Mo no d, Majâbat al-Kouhrd. Contributio1;1 à l'étude de « L' Empty Quarter o ouest-saharien, 329
Ibid., tra&, t. Ill, p. 298.
IFAN-Dakar, 1958, p. 28. 330
La Roncière, op. cit., pp. 123-136 ; Mauny, Tableau, p. 42. ·
324 331
Delafosse, Haut-Sénégal~Niger, t. II, pp. 1.65-166; Cenival, Monod. Description de la Côte d'Afrique, p. 84 (texte) et p. 85 (trad.).

64 5 :etudes maghtebines et soudanaïi;es 65


Dans cette ville il y a des !uifs, très riches, mais très opprimés, et qui sont, soit lation autochtone qui était noire mais des gens venus dù ·Maghreb. Mais de quel
des marchands ambulants, s01t des orfèvres_ ou des joailliers ». pays maghrebi~ provenaient ces Ibaçl.ites de zagarï ? Leur nom ne nous le révèle
.Cette description semble provenir non pas du temps de Valentim F d pas. On admet qu'il soit plutôt d'origine soudanaise. En effet Saghanagho, Saganogo,
ma· 1 tAt d' · f ernan es
_ 1_s P u o un m armateur de ce dernier en activité vers la fin du XVe ·, I Sâno est le nom porté encore aujourd'hui par certains Soudanais, islamisés ou non 338 .
t t , d S srece, en
ou cas-avant 1e regne e onni 'Ali, roi de Songhaï (1464/6-1492/93) sous lequel Il paraît que, de toutes les fractions ibaçlites qui ont survécu au Maghreb à la
on o~se~e la chute d~finitive de Oualata. Nous en trouvons confi:cm;tion dans la chute de l'imamat rostémide et qui existaient encore au XIV" siècle, c'étaient les
descnpt1on de cette ~1lle de.Jean-Léon l'Africain qui dit 332 : Jba.çlites de Ouargla qui s'engageaient le plus (en commun peut-être avec· les habi-
« Gualata. Ce royaume est petit et de médiocre condition en comparaison des tans de l'Oued Righ) dans le trafic avec le Soudan occidental. Quant à une autre
autres royaumes des Noirs ... fraction berbère-ibiiçl.ite importante del' Afrique du Nord qui s'adonnait au commerce
, _Au t~mps où les peuples de Libye [c'est-à-'dire le Sahara] 333 dominaient la avec le Pays des .Noirs, à savoir les Nafüsa du Djebel homonyme, elle s'intéressait
reg10n [l auteur semble penser de la tribu berbère de Massüfa premiers -, plutôt au commerce avec le Soudan central 339 . Ajoutons qu'un autre groupe ibaçlite
d0lat]1 . , , maires
e ua a , i s Y avaient etabli le siège du gouvernement royal et, par conséquent nord-africain qui était très actif dans le commerce avec le Soudan, à savoir les Iba-
beauco1:1p de.marchands de Berbérie avai_ent coutume_d'y venir. Mais depuis l'époqu; Ç-ites du Bilàd al-Garid, abandon.ne, probablement vers la fin du XIF siècle, son
de, Soru Heli ~Sonni 'Ali] les marchands ont peu à peu abandonné Gualata et sont ancienne doctrine pour se convertir à la sunna 340 • Ainsi le plus probable est que
alles à Tombutto [To~bouctou] et à Gago [Gao], si bien que le seigneur_est devenu les $aganagii étaient les· nouveaux venus commerçants ibiiçlite-s de Ouargla, établis
pauvre et sans pouv01r >>. à Ziigarï à cause du voisinage de la ville de Mali (Malli, Küga, N)'ariï) et du Bilad
Il paraît que le vraie cause de la chute de Oualata- (Biru] à la fin du ·xv• ·, I at-Ti.br~ « Pays de la Poudre d;Or », c'est-:-à-dire des gisements aurifères de Bouré
't · I · d . . - . siec e
e ait a 'J:">nse e cette vil!e, e~ 1480, par le roi de Mossi qui, après le siège, vainquit (et peut-être aussi de Bambouk-Galam). ·
les hab1tan:s de ~ette ville et emmena_ leu_rs familles en captivité 334. Le ~aianagu d'Ibn Battüta rappelle -beaucoup _,:w... Saqanaqü nom du massif
. L~ station suivan~e de l'itinéraire Sigilmiisa-Mâlli, située à une distance de 10 de WanSeriS (OuarSenis. de nos cartes) chez Watwat .(mort en 1318}" 341 • On sait
Journees de Oualata, était, conformmément au récit d'lbn Battüta le grand ·11 que Ouarsenis est un énorme pâté montagneux compris entre la plaine du Chelif
deZag·a '(z-· -) h b.' d ... ' Vl age
au nord, la vallée de la Mina à !'où.est, les plateaux de SerSou et la région de Tia-
1
n agar~, a 1te par es commerçants noirs nommés Wangarata, c'est-à-dire 1
Wang.ara (Wanqara d'al-ldrisi), dont il a été question plus haut 335. A côté d
gens l "t . . I . e ces
ret au sud et la vallée de l'Oued Derdour à l'est. Or ce massif était habité, au Moyen il,r
• 1 Y ~va1 aus~1, smvant bn Bat_tüta, « un· certain nombre d'hommes blancs Age, par plusieurs fractions berbères 342 , dont une partie au moins, à savoir celles ,.
qu~ ap~~iennent a _la secte. ~es IbaÇ-ites, ~raction de -t[arigites ; ils ·sont appelés qui étaient établies près de Tiaret, devait professer les doctrines ibâçlites. Etaient-ce · i
$aganagu. Les Sunrutes malikites blancs sont appelés chez eux (c'est-a'-d,· h des ·gens originaires de cette contrée, qui s'étaient ensuite réfugiés (au xe siècle?)
Ies N01rs· ] · T-un- [ « etranger
, » en soninké] 336 )). . re c ez
dans· l'oasis de Ouargla (comrrie beaucoup d'autres fractions berbères-ibaçlites du
Suivant IV!·
Delafosse~ _Zà~ari doit être le Macina occidental, appelé Diaghara Maghreb) que provenaient les $aganagii de zagari ? On connaît trop peu les re-
Pa_r les Man~mgue_s, et Diagan p_ar le~ P~uls. Le chef-lieu de cette province,·appelé lations ethniques et religieuses du Maghreb au Moyen Age j:,our pouvoir répondre
D1ag~. o~ D1a, ~1ste e°:core a~Jourd ,hm près de Diafarabe. Le village ·lui-même affiimativerrient à cette question.
d_e Zagan peut etre celui de D1abali a l'est de Sokolo, où existent des ruines an- L'étape suivante de la caravane d'Ibn Banüta, après le village de zagarï, ~tait
ciennes 337 . la ville de Karsahü 343 , que M. Delafosse propose de lire Kara-Sakhou << les marchés
., Qu.i é~~ient ces 1;:laganagü-lbaçtites blancs établis, vers le milieu du XIV" de Kara 1>. C'est l'actuel Kara situé sur la rive-droite du Niger, un peu en amont de
s1ecle a Zagari, dans un _lieu qui, comme l'atteste sa population co1ll.posée de com- Diafarabé, à 21 km au sud-ouest de Ké-Macina 344 .
merç~nts w:ngara, était, un important point sur la_ route menant du Maghreb vers Après avoir traversé Kàrsàbü, Ibn-Battuta et sa caravane parvinrent aux bords
les mmes d or de Boure ? Il n'y a a~cun doute qù'il ne s'agit pas ici d'une popu- de la rivière ~an!}ara, identifiè par M. Delafosse avec le Sankarani, affluent de droite

338 Extraits tirés des Voyages d'Ibn Bo.!fii.!a, p. 47, n. 4.


332
Jean-Léon l'Africain, Description de l'Afrique, p. 463. 33 9 Voir sur cela-.plus ·haut, p. 60.
333
Voir ibid., p. 5. 340 Brunschvig, Lo. Berbérie Orientale, t. I, pp. 330-331.
334
Sa'dî, Ta'rih_ as-Siidan, texte, p. 69 ·, trad., pp. 112 - 113 ; sur 1•·1tméraire
· Sigilmas:i.-Tag"lzii- 341 Fagnan, Maghreb, p. 56. Cette information est tirée de l'oeuvre de Watw1iî intitué Maniih'g
-Oualata voir aussi Mauny, Tableau, p. 431. al-fikar wa-m<Viihii al-'ibar, qui est encyclopédie des sciences naturelles et de géographie.
335
Voir plus haut, pp. 53-54 et 57. 342 Al-Idrisi nous donne une vaste liste de tribus berbères habitant entre Tlemcen et Tiihart (Tiaret).
336
Ibn Ba«Uta, Voyages, t. IV, pp. 394-395. Voir Idrisi, Description de l'Afrique, texte, p. 88 ; trad., pp. 101-102. ,
337
Delafosse, La Gâna et le Mali, p. 524 ,· Extrai•- ., ,,·.,·,
, do, "voyages d'lbn Ba/fii./a, p. 46, n. 9 ; 3 43 Ibn BattfiF!, Voyages, t. IV, p. 395 .
voir aussi Mauny, Tableau, p. 125. H 4 Delafosse, Le Gâno. et le Mali, p. 525.

66 ,. 67

1
du Niger, dans lequel il se jette près de_Kangaba, à ~O km au sud-ouest de Bainak.o 345 • On ne connaît aucun détail concernant· cette nouvelle route (le mystérieux Ghar
Malheureusement, Ibn Banüta ne nous donne aucune information sur la distance est impossible à identifier), cependant il est très vraisemblable qu'elle était la même
du lieu où il s'approcha de la rive de !;,an~ara (Sankarani) et de la _ville de Karsabü que celle mentionnée dans la Description de l'Afrique de Jean-Léon l' Afric~n et
(Kara). Il s'est borné seulement à dire que ce lieu était situé sur la rive de cette ri- qui a été suivie par ce dernier probablement entre 1512 et 1514. Or, cette route
vière opposée à celle où se trouvait la ville de Mâlli 346 • Il ajoute qu'on comptait ail~~ de Sigilmasa (Tafilalet) à Tombouctou, en passant par le puits d'Araoan (actuel
environ dix milles (20 km) de cette rivière à la ville. Quant "à la ville de Mâlli elle- Araouan) 353 •
-même, l'éminent africaniste français R. Mauny à suggéré, en 1961, qu' « on a de
fortes chances d'être dans le vrai en estimant que Niani est la capitale [se. de Mali/Ma.I-
li] qui fut fréquentée par les voyageurs et marchands étrangers, au XIV 8 siècle en
particulier : les traditions recueillies sont· assez concordantes. Mais nous répétons 19. OUARGLA-TAKEDDÀ
avec Ch. Monteil qu'un supplément d'information est nécessaire>). Or, les fouilles
archéologiques polono-guinéennes, menées à Niani depuis .1965 sous la direction
de l'archéologue polonais dr W. Filipowiak, ont Confirmé complètement l'opinion Si les liasons im~édiates de Ouargla avec Mali (Malli), capitale de l'État de ce
de R. Mauny 347 . On a établi que les origines de ce siie, remontent au Vr siècle nom, vers le milieu du. XIVe siècle; nous paraissent assez vraisemblables, les rela-
de n.è.,- et les dites fouilles ont révélé, entre autres, à l'intérieur de cet habitat, un tions de cette ville avec celle de Takedda, au XIVe-xve siècle métropole de l' Aïr
quartier d'habitation ainsi que le << quartier des Blancs» mentionné par Ibn Bagüta 348 • méridional, peuvent être considérées comme certaines. Nous avons déjà parlé_ de
La ville de Nyani était - à en croire Ibn :ijaldün 349 - encore en 1374/75 un lieu la partie nord de l'itinéraire qui se dir,igeait de Ouargla au Zab et qui aboutiss·ait,
de halte pour les caravanes de commerce provenant du_ Maghreb, de !'Ifriqiya et à Biskra, capitale de ce pays. Ici nous voudrions étudier le problème de la voie
de l'Egypte, où on envoyait des marchandises de tous les côtés. Ouargla-Takedda. Mais tout d'abord disons quelques mots sur la ville de Takedda
Outre l'itinéraire Sigilmasa-Tabelbalat-Tagaza-Oualata-zagarï-Kirsabü-Mali elle-même et sur son emplacement.
(Niani), il y avait aussi une ligne caravanière reliant Sigilmasa à la ville de Mali On doit la première remarque certaine sur Takedda au voyageur arabe Ibn Bat-
(Ma.Ili) et traversant Büdâ (Bouda), la plµs occidentale dès bourgades touatiennes tuta qui passa par cette ville en 1353, en revenant de Mali (Malli) à Fès. Selon ce
où, selon Ibn ljaldün à qui nous devonSi ce renseignement 350 , « les marchands voyageur, c'était une ville commerçante en· dehors de laquelle se trouvait une mine
prenaient leur départ quand ils voulaient se rendre à Oualaten, place frontière la de cuivre dont le minerai était transporté à Kübar (Gober à· l'ouest de Zindf:r),
plus avancée du royaume de Melli ». Ibn Batpita .nous en signale la partie nord, à Bornou, à Gawgawa (Gao) et à d'autres pays 354 .
de Buda à Sigi.lmasa, qu'il a suivie dans sa route de retour 351 •· Il paraît que bientôt, Outre les itinéraires susmentionriés, il y avait d'autres voies qui reliaient Ta-
après le retour de ce voyageur, cette route a été abandonnée « à causé des brigandages
kedda à la.-ville de Ghadamès et à celle de Fès. Cette dernière voie passait par le
commis par les Arabes du Sous - dit Ibn ljaldiin - qui se plaisaient à piller les
Touat et par Sigilmiisa. Ibn Bagüta ajoute que Takedda avait un sultan berbère
voyageurs et à intercepter les caravane$». Alors on fray'a la ro1;1-te qui, en parta!lt
qui vivait à une journée de marche de la ville 355 . '
de Sigilmasa, traversait Tementii:, la _plus orientale des bourgades de Touat. Telle
Al- 'Omari (écrivant vers 1336-1338) mentionne une mine de cuivre, propriété
était la situation au moment où Ibn :{;h1ldün écrivait son oeùvre, c'est-à-dire vers
du sultan Mans8. Musa de Mali 356 (il était déjà roi en 1324/25) et dont le nom _est
la fin du XIVe siècle. Cet auteur' dit, en effet, que Tementit << est aujourd'hui une
écrit dans les manuscrits de l'ouvrage de cet auteur Zkr~ et :Okra (Dkra ?) et d'.111s
ville très peuplée, servant dè station aux caravanes qui passent et repassent entre
l'édition d'une autre oeuvre d'al-'Omari Nakwa 1_,(:,. Gaudefroy-Demombynes transcrit
le Maghreb et Melli, ville. du Pays des Noirs. Entre Tementit et Ghar [ ?], sur la
ce nom par Tigidda, en pensant sans doute à la Takedda d'Ibn Batt.üta 357 • Je trouve
frontière du pays de Melli, s'étend une vaste solitude» 352 •
cette correction (1_,(; < 1.J:; *Takedda) tout à fait acceptable. Al-'Omari ajoute qu~on
apporte le cuivte de cette mine jusqu'à fa ville- de Nyani (Niani), capitale de Mali,
345
Ibid., pp. 528.529. sans doute par la route décrite plus tard par Ibn Battüta.
346
Ibn BattûÇ!I, Voyages, t. IV, p. 397.
347
Voirp.ex.surcesujet:W. Filipowiak, S. Jasnosz, R. Wolf11,giewicz, Polska-
-gwin;;jskie badania archeologiczne w Niatti, w 1968 r. (Fouilles archéologiques polono•guinéennes menées
à Niani, en 1968). ~ Materialy Zachodnio·Pomorskie », t. 14, Szczecin 1968, pp. 575.648. 353 Jean-Uon l'Africain, Description de l'Afrique, pp. 3g.39 et 4f7.
348 35 4 Ibn Battüta, Voyages, t. IV, pp. 441.442.
Ibn Battüta, Voyages, t. IV, p. 397.
349 355 Ibid.
Histoire des Berbères, texte, t. I, p. 327 ; trad., t. II, p. 116. '
3 io Ibid., tracf., t. III, p. 298. 356 C'est un malentendu vu que selon Ibn J;j[aldûn c'est seulement le roi de Mâli Mari Djata qui
351
Ibn Battûta, Voyages, t. IV, p. 447. a conquis Takeddii après l'an 1373/4.
352
Ibn tlaldûn, Histoire des Berbères, trad., t. III, p. 298. 35 7 'Omari, Masiilik El AbJiir, pp. 80.81.

68 69
des sources arabes, des ruines de Teguidda n'Teçumt, mérit~ aussi l'~ttention, sur-
L'auteur arabe suivant qui nous a donné des renseignements sur la ville de Ta-
to~t après la mission que H. Lhote a effectuée en 1971 qut a revelee de nouvaux
kedda c'est Ibn .ijaldün (écrivant vers 1395), qrii a eu des reilseignements sur cette 365
faits. Je renvoie le lecteur à l'article de ce dernier datant de 1972 •
ville de l'envoyé du sultan de Takeddà qu'il avait rencontré, en 1353, à Biskra, à la
cour de l'émir Yüsuf ibn JY.Iozni 358 , Il mentionne Takedd3. à deux reprise en parlant, Mais revenons au problème de la voie Ouargla-Tak.edd~. C'est. lb~. J:Ialdün
entre autres, des relations du sultan de cette ville avec les émirs du Zab et de Ouarnla, qui nous signale l'existence de cet itinéraire. Voici ce qu'en dit cet htstonen :
et en signalant l'existence d'une route reliant cette ville à celle de Takedda 359 • Il « Takeddii est à soixante-dix stations au sud-ouest [plutôt au sud-est] de Ouargla,
dit aussi dans ces deuX passages de son ouvrage, que Takeddâ était située sur la la rbute suivie par les pèlerins nègres ; elle est gouvernée par un chef lithamien
sur . d
route suivie par les pèlerins noirs et qu'elle en constituait une étape très importante: [c'est-à-dire touareg] qui prend le titre de sultan et entretmt une correspon ance
3 66
c'est ici, dit-il, que se donnent rendez-vous les gens du Soudan qui vont faire le amicaie avec les émirs du Zab et de Ouargla » •
pèlerinage à La Mecque. Il signale aussi l'importance c?mmerciale de cette ville On lit dans un autre passage de l'ouvrage d'lbn J;;laldün 367 ,_ que l'on _compte
et parle des caravanes qui y passent 360 • seulemen; vingt journées de Tak.eddâ à àuargla, « en tir_ant vers l'ouest J>. (plut~t :
La graphie arabe Takeddâ rend le berbère teguidda (source). C'est à partir de vers le nord-ouest). Cette dernière indication.est, sans auc':1-n. doute, erronee et c est
1
ce dernier mot qu'a été formé le nom de Thegida qui indique la ville de Takeddâ I remière donnée qu'il faut accepter comme la seule vraie. En effet, selon Ibn
dans la lettre d'un Génois, Antonio Malfante (1447). Voici ce que dit Malfante dans • P
Battüta la durée du voyage entre Takeddâ et Touat correspon d a' so1xan · t e-.d"IX
sa- lettre datée du Touat : << [Civitas] Thegida, que habet provinciam et castres jo~~êe~ 368, et Ja route Takeddâ-Ouargla ne pouvait, en aucune façon, être plus
··ni°» 361 . Or, d'après cette lettre, Takedd3.-Thegida était, vers le milieu du xve courte.
siècle, la capitale d'une contrée où il y avait encore trois autres châtèaux. On sait Il paraît que les relations entie le sultan de Tak.ed~a et l'émir de Ouarg!a, do~t
du Ta'rib as-Südân d'as-Sa 'di que vers l'an 1470/71 la ville de Takedda était in- l Ibn Haldün n'étaient pas sans rapport avec un mtense, comme:rce qui naquit
dépendante de l'Etat de Songhai. Encore trente ans plus tard elle était un important p:: ces deux villes probablement déjà dans la première moitié du XIVe siècle
centre culturel et c'est ici que professait, en 1502, le fameux màrabout maghrebin m
et dont on voit la continuation dans les relattons· commercia·1es eXIstant
· au XW
al-Magfü 3fâ2. siècle entre Ouargla et la.vill"ç d'Agadès; cette dernière a hérité 4u rôle de Tak.eddii
C'est apparemment quelques années après cette date que la ville de Takeddâ en tant que métropole politique et grand centre commercial de l' Air du sud~ouest.
a été abandonnée. En effet, elle est déjà complètement ignorée par Jean-Léon l'Afri- Ibn Battuta 369 et al-'Omarl 3 7 o parlent d'un grand trafic de cuivre export~ de la
cain qui visita le Soudan occidental et central vers 1512-1514 et qui écrivit la rela- mine d~· Takedda à travers le Gao jusqu'à Mali, grand marché de l'or s_jtué près
tion de ses voyages en 1526. du Bouré et de· Galam-Bambouk:, « Pays de la Poudre d'or» des géographes arabes
L'emplacement de Tak.eddâ n'est pas connu. On a essayé de donner à cette médiévaux. · C'est en échange du cuivre, très chèr au Soudan occidental, _que .de
ville plusieurs identifications, en voulant la rapprocher de Teguidda n'Teçumt, grandes quantités d'or affluaient au marché de Tak.edd~. C'était cette ~archandi:e
Teguidda n'Tagait, Teguidda n'Adrar ou bien d'Azelik de nos cartes. Tous ces qui attirait, de même que la traite des esclaves, les negoc1ants de Ou~rgfa a .T3:lœdda.
lieux sont situés aux abords sud-ouest de l'Aïr 363 , L'hypothèse de G. Brouin soutenue Les relations aniicales entre· les princes de Ouargla et de Takedda favonsa1_ent ce
plus tard par R. Mauny 364 me paraît la plus probable. Elle admet que le site de trafic transsaharien.
l'ancienne Takedda était l'actuel Azeli.k. (à 25 km au nord-est de Tegùidda n'Teçumt) L'itinéraire Takeddâ-Ouargla, mentionné par Ibn .ijaldün, correspondait v~a!-
où Brouin a decouvert de vastes ruines médiévales. D'autre part, l'ancienne hypo- semblablement, dans sa partie sud, à la voie Takeddâ-Bouda (dans Touat), su1:v1e
thèse de H. Barth (soutenue actuellement par H. Lhote) qui rapproche la Takeddâ en 1353 par Ibn Battuta. Ce dernier ne nous en indique ~as les étapes,_à l'except~on
d'un lieu appelé Kah.ir qui appartenait au pays du s~ltan :1-K3:~a~1 et que l on
358
Ibn Ijaldûn, Histoire des Berbères, trad., t. III, p. 287. doit probablement chercher dans l' Air ou dans les environs 1mmed1ats de ce pays,
859
Ibid., t. II, pp. 115-116; t. III, p. 287. H. Lhote croit qu'lbn :t{aldûn a confondu Takedda et d'un autre point situé plus loin v~rs le nord, à dix.journées au sud ~u pays.d~s
avec Tadmekka. Voir à ce propos Lhote, Recherches sur Takedda, p. 431. Hakk.ar (Hogg"ar), où se séparaient la route menant à Gat (Ghat) et celle qui condu1sa1t
360
Ibn ]jaldCm, op. cit., trad., t. II, p. 116 et t. III, p. 287. Il s'agit ici d'une voie menant de l'ouest,
du pays de Takrür, à l'est, vers le Soudan oriental et jusqu'au bord de la Mer Rol!ge.
36
~ Ch. de· La Roncière, Découverte d'um relation de voyage datée du Touat et décn."vant en
36S Voir Lhote, Recheiches sur Takedda, passim.
1447 le bassin du Niger, ~ Bulletin de la Section de Géographie~. 1918, p. 29; sur l'identification de
366 Ibn Ualdlln, Histoire des B:rbères, trad., t. II, p. 116.
Thegida voir ·aussi Mauny, Tableau, p. 140 et Lhote, Recherches sur Takedda, p. 431.
362
367 Ibid., t. III, p. 287.
Sa'dï, Ta'ri!} as-Südiin, texte, pp. 66-67; trad., pp. 108-109. As-Sa'dï écrit le nom de cette
358 Ibn Batt(it:a, Voyages, t. IV, p. 444.
ville Tkda, Takda ou Tikda. Voir aussi Lhote, op. dt., p. 432.
363
369 Ibid., t. IV, pp. 440-441.
Sur ce problème voir Mauny, Tableau, pp ..139-142'et Lhote, Recherches sur Takedda, pp. 432-470.
364
370 'Omarî, Masiilik El Ab/iir, pp. 80-81.
Mauny, Tableau, pp. 140-141.
71
70
au Touat. La route traversait ensuite, suivant la relation d'lbn Battfita, pendant da 378 , de celui d'al-Hazban (Azbin, Asben 379) qu~ est l'ancien nom de l'Air 380 ,
un mois le pays de Hoggar, puis elle se dirigeait vers la ville de Bouda dans le Tm~at. et d'autres encore. Or le _rJ.Ji d'al-Ya'qübi ce n'est qu'une faute du copiste _(on
Le voyageur arabe ne nous indique malheureusement pas le lieu ou bifurquait possède seul~ment une copie manuscrite de l'Hùtoîre) ; l'orthographe correcte de
l'itinéraire de l'Air vers Ouargla 371 • · ce nom serait, selon toute vraisemblace, 0 ~)(.Jj *Tikarkarin, ce qui rend Tikarkarin,
Comme on voit, les données d'lbn_ Battüta ayant trait à la route conduisànt de pluriel fénùn berbèr~ de· *Takarkart.
Takedda au Touat d'une part, et d'autre part à Ouargla sont assez vagues, et Le point sui~ant de la ligne caravanière, menant d'un côté au Tou&t et de l'autre
deux étapes particulières de cette route, signalées plus haut, sont assez difficiles à Ouargla, c'était un endroit, situé à dix journées du Hoggar, où, selon Ibn Banüta,
à identifier. On ~uppose que K~ (ou Ka.ber) n'est qu'une variante du nom d'l\.ir 3 12 « se séparent le chemin de Gat [Ghat], qui conduit en Egypte, et celui de Taouât.
ou bien qu'il doit correspondre à ce pays 373 • A mon avis, la_ deuxième de ces hypo- Il y a là des puits, ou amas d'eau qui traverse le fer» 381 • H. Barth identifie cet endroit
thèses est plus vraisemblable et que le nom de Kahir n'a rien de commun avec celui avec là vallée d'Asïu (lire Aziou), ou Asëu (lire Azëou), dans laquelle ce voyageU.r
de l'~ir. Je crois qu'on retrouvera un j<:>ur ce Kahir dans la toponymi_e de l'Air qui a vu quatre puits, dont deux fournissent une grande quaii.tité d'eau qui a cependant
n'est pas. encore assez étudiée. Quant au sultari al-Karkarï, auquel appartenait le un goût désagréable, vu le fer qu'elle contient. Cet endroit est très important, ajoute-il,
Kahir en question, il paraît avoir été le ~ême personnage qu'at-Takarkari, sultan étant donné que c'est ici que se réunissent les pistes menant de Ghadamès et du
des Berbères dont Ibn Battu-ta no~s a parlé un geu plus haut, en signalant un dif- Touat 382 • Les puits d'Asïu· Ou Asëu de Barth sont identiques à In Azaoua de nos
fére?d entre lui et le sultan de Takedda 3 .7 ·4 • En effet, ces deux appellations ne sont cartes, un point d'eau situé slir l'actuelle frontière nord-ouest de la République
qae des ethniques arabes dont le deuxième semble avoir été formé du toponyme du Niger.
berbère *Takarkara (ou plutôt *Takarkart), tandis qu_e ~e premier provient apparem- Ibn Battuta ne nous signale aucune étape entre In Azaoua et Blida (Bouda) d3fis
ment de la forme *Karkara légèrement arab_isée par rapport à *Takarkart. Je crois le Touat. Il semble que la caiavane de ce voyageur ait suivi fa ligne caravanière
que *Takarkart/*Kat'kara était le nom d'un pays situé dans l' Aïr, ou bien dans les menant, vers 1850, d'Agadès à ln Salah, dont H. Barth nous a donné une descrip-
environs de cette colltrée, ou· bien celui d'une ville située dans ce pays énigmatique. tion irès détaillée d'àprès la relation d'un. savant touatien, appelé 'Abd Allah 383 ,
Nolis connaissons dans l'ancien cercle de Tahoua (Groupe Nomade çle Tahoua) Selon ce savant la piste en question passe un _peu à l'Ouest d'Asïu (ln Azaoua) _qùi
dans la République du Niger une falaise appelée Tacarcart (c'est-à-dire Takarkart) se trouve à une distance de quinze jours d' Agadès. De cet endroit à ln Salah on comp·te
qui se trouve à mi-chemin entre·la ville de Tahoua et celle d'Agadès, dans un terrain trente journées. Cette piste, dont les stations respectives sont assez difficiles à iden-
où nombreux sont les témoins d'une civiliSation ancienne 375 , tifier, est apparemment différente de celle qui relie les oasis du Touat et di Tidikelt
Il n'est pas imp'ossib~e que l'on ait employé anciennement, à coté de la forme avec la ville d'Agadès en passant par le puits d'ln_Abangarit, par In Guezz_am_èt
*Takarkart qui a donné l'ethnique arabe at-Takatkari, aussi son pluriel berbère, près de la guelta d'Outoul située à 18 km à l'ouest de Tamarasset. La description
à savoir *Tikarkarin. Ce serait un cas analogue au pluriel féminin berbère Tigurarin de cette piste nous a été donnée par H. Lhote 384 • Après la guelta d'qutoul, cette
(TigOurarin) qui a été u~ilisé, par Ibn Saldün (XIVe s.) et par Jean-Léon l'Africain route_ traversait le Hassi Meniet 385 ,
(XVr siècle) comme nom de l'oasis de Gourara de nos cartes 376 • Or., c'est ce *Tikar- C'est à ln Salah que bifurque l'itinéraire de Ouargla. Nous l'avons déjà dec"rit
karin que l'on doit identifier, d'après moi, avec le royaume de ...,.:,j'"jd'al-Ya'-qübi 377 , précédemment 386 . EVe passait, selont to11te probabilité, au XIVe siècle corn.me
cité dans son Histoire (oeuvre composée peu après l'an 872) parmi les royaumes
dépendants de l'État de Kawkaw où Gao, à.côté; entre autres, du royaume de Maran-

375
3
Ibid.; voir aussi Marquart, Die Be'IUn-Sammlung, pp. LXXVIII et CIX-CXVI ; Mauny, Tableau,
n Ibn Ba@fa, Voyages, t. IV, pp. 444-447. p. 138. Le nom de ce royaume provient de cdui de sa capitale identique avec le point d'eau irnport!lllt
372
Ibn Battii:ta, Travels, p. 383, n. 40. Marendet dans le sud-ouest de I' Air. Le site a été étudie en 1970 et 1971 par H. Lhote--'--- voir Lhote,
373
Extraits tirés des Voyages d'Jbn Ba!fû/a, p. 78, n. 5. Voir aussi Barth, Reisen, t. I, p. 368 note ; Recherches sur Takedda, pp. 448-455.
Marquart, Die Benin-Sammlung, p. XCVIII. 379
Ya'qübi, Historiae, t. 1, p. 220. On doit la correction à J. Marquart, Die Benin-Sammlung,
374
Ibn Ba@îa, Voyages, t. IV, p. 442. pp. LXX.VII et CXVI.
37
i Y... , Les témoins d'une civilisatirm ancienne dans le cercle de Tahoua, $ Bulletin du Colllité d'Études 3
ao Voir Barth, Reisen, t. 1, p. 369.
Historiques et Scientifiques de l'Afrique Occidentale Française&, t. XVI, Paris 1933, n° 2, carte à la 381 Ibn Ba@ta, Voyages, t. IV, p. 445.
page 317. · 82
376
3 Barth, Reisen, t. I, pp.: 309-310.
Ibn 1::;[aldün, Histoire des Berbères, trad., t. I, p. 196; t. III, pp. 298,461 et 474; t. IV, pp. 194, 383
Ibid., pp. 533-538.
389 et 402 : Tigouratin; Jean-Llon l'Africain, Description de l'Afrique, pp. 7, 29; 436-438 et 451 : Tego- 384
H. L b·o te, Les Touaregs d11 Hoggar, Paris, deuxième édition, 1955, p. 311.
rarin. 3 8s. Mauny, Tab,leau, p. 433.
377
Ya'qübi, Historiae, t. I, p. 220. 386 Voir plus haut, p. 35.

72 73
'!
'·.···1 au XI" et au XVIe, par la ville d'El-Goléa. C'est apparemment cette grande ligne
j Outre les marchands de Tlemcen, c' étaie~t aussi ceux de ·Ouargla qui faisaient
caravanière qui allait, également avant l'installation des Français à Ouargla, au le commerce avec Agadès. Voici ce qu'en_ dit Jean-Léa~ l'Africain 393 -(
387
Soudan .
(( Guargala [Ouargla] ... La ville est bien pourvue d'artisans et les habitants
sont très riches parce qu'ils sont en·relation avec le royaume d'Agadez. Parmi ceux-ci
on trouve beaucoup- de marchands étrangers au pays, surtout venus de Constantine
20. OUARGLA-AGADÈS
et' de Tunis. Ils apportent à Guargala des produits de Be_rbérie pour les échanger
avec ceux apportés par les commerçants de la.._ Terre Noire».
La ville de Takeddâ, qui encore, au milieu du XVe siècle, jouait apparemment Il résulte de cette relation que les marchands indigènes, de Ouargla, pénét:raien't
un grand rôle dans le commerce du Maghreb avec le Pays des Noirs (c'est, sans ju_squ'à la ville d'Agadès, en faisant le commerce, tandis, que les commerçants étrangers
doute, pour cette raison qu'elle est mentionnée parmi d'autres villes sahariennes originaires de diverses villes· maghrebines, de passage à Ouargla, apportaient des
et .soudanaises importantes pai: Antonio Malfante, négociant italien établi à Tou:it, produits nord-africains seulement dans cette ville où on les échangeait contre les
dans sa lettre de 1447), perdit dans la deuxième moitié du XVe siècle son ancienne produits du Pays des Noirs. Or, la ville de Ouargla servait d'intermédiaire dans le
Îl!lportance au profit de la ville d'Agadès. C't:st cette dernière qui est la métropole trafic entre le Maghreb et Ag3.dès. -
politique et commerçante de f'Aîr à l'époque de Jean-Léon l'Africain (elle est devenue, Quels étaient les produits soudanais qui affluaient aux marchés d' Agadès ? Il est
entre 1502 et 1513, là capitale des sultans de ce pays 388 ) et ce voyage-Ür (qui l'ap- certain que c'étaient, tout d'abord, les ésclaves que les marchands maghrebins,
pelle Agadez) s'éten.d sur cette ville dans son ouvrage. Il nous en donne une vaste établis dans cette ville, importaient de la Terre des Noirs. Nous avons parlé plus
description, dont il résulte, entre autres, que ses habitants sont presque tous des haut des expéditions commerciales dirigées par ces marchands au Bornou. Or, le
marchands étrangers, tandis que les indigènes sont peu nombreux et les Noirs, qui principal objet de commerce de ce pays étaient, comme nous le lisons dans un autre
y _habitent en. un nombre inSignifiant, sont presque tous artisans ou soldats du roi chapitre de la Description del' Afrique, les esclaves. Jean-Léon l'Africain dit à ce propos
de la ville. Jean-Léon l'Africain ajoute encore·que chacun des marchands qui habitent ce qui suit 394 :
Agadès possède un grand nombre d'esclaves pour lui servir <l'escorte dans ses ex- « Le roi actuel de ce pays [il s'ag~t ici de Bornou] à fait venir des marchands de
péditions commerciales. Le commerce de cette ville devait. avoir été. intense puisque, Berbérie pour lui amèner des chevauX qu'ils échangent contre les esclaves, à raison
selon l'auteur en question, le roi d' Agadès tir~ un gros revenu des droits que paient d'un cheval pour quinze à vingt esclaves ».
les marchands étrangers 389 • Parmi .ces derniers il y avait. sûrement les gens de Tlem- Selon Jean-Léon l'Africain, il ne manquait pas d'or à Bornou et le ·roi de ce pays
cen. En effet, Jean-Léon l'Africain parle des commerçants de cette ville allant en possédait un immense trésor. Cependant il préférait payer plus vçlontiers en esclaves
caravanes à Agadès ·et de la piste reliant ces deux villes 390 . C'est probablement qu'en or 395 • Néanmoins, il paraît. que l'or faisait également partie des priricipaux
aussi d' Agadès que veut parler l'auteur de la Description de l'Afrique quand il dit, produits en provénance de Pays des Noirs que l'on apportait à Agadès et que l'on
dans un autre passage de cet ouvrage, que ·1e principal voyage d'affaire des marchands vendait sur les marchés de cette ville aux commêrçants. du Maghreb. C'était, avant
tlemceniens; qui sont d'ailleurs très riclies, est celui qu'ils font au Pays des Noirs 391 . tout, de la pmrdre d'or apportée des mines aurifères de Bouré et de Gà.lam-Bambouk
D'ailleurs ces marchands,_ ainsi que les autres commerçants maghrebins séjournant via Djenné 396 , Tombouctoll 3 97 et Gao 398 , quoique il n'est pas impossible que
à Agadès, ne se contentaient pas de faire le commerce dans celle ville, mais ils orga-
nisaient: aussi des expéditions commerciales au Cano (Kano) et au Borna (Bornou)
• • ·1
où ils se faisaient accompagner d'esclaves bien armés, vu l'incertitude des pistes 393
Ibid., pp. 438-439 .
conduisant vers ces pays 3 92.
IL 394

39
Ibid., p. 480.
" Ibid., p. 481.
396
387
La monnaie employée par les habitants de Djenné est, selon Jean-Léon l'Africain Description
La domination française dans cette ville a eté établie, d'une façon définitive, en 1872.
de l'Afrique p. 465, de l'or non frappé.
IlHll 388
Sur l'histoire d' Agadès voir la note de H. Lhote dans Jean-Léon l'Africain, Description del' Afrique,
pp. 474-476 et Mauny, Tableau, pp. 141-142, 489 et passim. Selon M. Abadie, La colonie du Ni-
397
Sur le morceaux d'or pur emplo)'és au lieu de monnaie frappée à Tombouctou voir Jean Léon
l'Africain, op. cit., p. 469. ·

'i'li ger, Paris 1927, p. 156, la ville d'Agadès aurait été fondée en 920, ce qui n'est, d'après Mauny, Tableau.
p. 141, qll'une allusion à la première installation dans ce J.ieu de Touareg arrivant du Fezzan. La ville
398
En parlant de Gao (dans le texte Gago), Jean-Uon l'Africain, op. cit., pp. 470-471, dit que ses
habitants sont de riches commerçants : ~ Il y vient une infinité de Noirs - ajoute-t-il - qui apportent

,'il
elle-même fut fondée, à en croire Marmot (1542), en 1460- voir sur ce sujet Barth, Reisen, t. I, p. 503.
389
une grande quantité d'or pour acheter des objets importés de Berbérie ft d'Europe, mais ifa ne trouvent
Jean-Léon l'Africain, Description de l'Afrique, pp. 473-474.
jamais suffisamment de ces objets pour employer leur ,or et ils en rapportent toujours chez e~ soit la
390 Ibid., pp. 53 et 435.
391
moitié, soit les deux tiers~- Or, c'est sans doute avec cet or que les marchands 'de Gao s'avançaient jusqu'à
:1 Ibid., p. 334.
Agadès, ville dépendante de l'État de Gao, pour l'échanger contre les rriarchandises maghrebines et
392
Ibid., pp. 473-474 .
. ;Ji européennes.

l'i 74 75
1
l'on apportât à Bornou (via la ville de Kano) de l'or provenant de Kumassi dans le effet, cette ville avait polir l'or un poids particulier, le mithkal, qui sert ~ncore, au-
Ghana moderne (ancien Gold Coast) 399 • jourd'hui [1853] bien que Agadès soit déchue de son importance commerciale et
Quant, à l' Aïr lui-même, H. Lhote nous rappelle un passage de· la Chronique qu'il ne vient plus un grain d'or sur le rµarChé, comme unité dans toute estimation
d'Agades, publié en 1934 par Y. Urvoy, qui parle du trafic d'or dans ce pays au XV' de prix. Le mithkal d' Agadès diffère du poids du même nom en usage à Tombouc-
siècle. On y lit ce qui suit : tou ; le premier· équivaut aux deux cinquièmes d'un écu d'Espagne et le second
« Le sultan de l' Aïr envoya une délégation aux Saints de l'Islam pour leur de- à un écu et up. tiers >>.
mander si la taxe des caravanes était licite. Il lui a répondu : Tu dois prélever des H. Lhote croit que c'est pour fondre l'or et pour en faire ces mitqals que ser-
chevaux et des pagnes sur les caravànes des marchands et tu dois les donner aux vaient les creusets trouvés 'à Marandet, ancien sitè archéologique situé au sud-ouest
hommes qui gardent la route entre l'Egypte et Tombouctou, parce qu'elle est fré- d' Agadès. Ils sont très nombreux .. Selon H. Lhote, le dépôt de Marandet devait
quentée par tout le monde qui t~ansporte des cotonnades venant d'Egypte et l'or contenir près de 30.000 creusets. L'hypothèse de ce savant est aussi confirmé par
venant de T,ombouctou >>. les enquêtes qu'il a faites chez les forgerons de Marandet ,et d'Agadès. Or, ce for-
ff s'agit ici, dit H. Lhote, du sultan. Ilisaouane qui prit le pouvoir en 1430. Quant gerons s'accordent pour dire que leS creusets en question n'étaient que des modèles
aux hommes qui gardaient_ la route,: c'était les cinq tribus des Sandals 400 , et la route pour fondre l'or. Destinés à la fonte de l'or, dit H. Lhote, ils ne servaient que deux
/
de i' or dont, il est question dans la Chroniqne d' Agadès nous est mentionnée, en, ou trois fois, ce qui expliquerait leur grand nombre et ,leur bon état de conserva-
1455, par un Vénitien, Cà da Mosto, qui en dit ce.ci 401 : 1 tion 40s.
<< L'or qui se porte à Melli ... est divisé en trois parties : la première se trans-
H. Lhote considère que ce, que, dit H, Barth sur le manque de trafic de l'or
porte avec la caravane, tenant le chemin de Melli, à un lieu nommé Cochia qui est à Ag~dès en 1853, ne correspond pas à la vérité, puisqu'encore en 1881 on a rencontré
la route qu'il faut tenir pour aller au Caire et en Syrie ; la seconde et tierce parties des caravaniers qui avaient convoyé de la poudre d'or, des plumes d'autruche et
viennent avec une caravane de Melli à Tombut [Tombouctou], où il se part ; et des esclaves d'Agadès jusqu'à Ghadamès 409 •
de là une partie est portée à Tret [Touat], d'où elle se charroie vers Thunes Il est certain, quoique les sources du XV'-XVI' siècle se taisent sur ce sujet,
<:le Barbarie, par toute la côt,e de dessus, et l'autre va à Hoden [Ouadane en Mauri- qu'une partie considérable de la poudre d'or qui passait par Agadès se dirigeait
tanie) ... , puis de là, s'épand vers Oran et One [Honein ?], Fez, Maroc, Arzila, Azafi à Ouargla et c'est de ce trafic que parle Jean-Léon l'Africain car à son époque le
et Messa, qui sont de Barbarie, or des détroits >> 402 • trafic en question avec la traite des esclaves était la source de la richesse des habitants
de cette ville 410 •
C'est la première route qui devait passer par Takedda et, dès. 1460 par Agadès.
La voie qui au XVI' siècle reliait Agadès à Ouargla était probablement en
Ajoutons encore que Cochia que H. Lhote identifie avec Koukiya, l'actuelle Bentia,
général la même que celle qui a été suivie par les caravanes allant de Takeddii
~~cienne capitale des Songhaï situéç sur le Niger, èn aval de Gao, me paraît êt_re
à Ouargla, et dont nous avons donné plus haut la description. La partie nord
plutôt identique avec cette dernière ville que H. J!arth nomme aussi Garho ou
de cetie voie traversait In Salah et El Goléa, et quant à la partie sud au XVI'
Gogo 403 , que Jean-Léon l'Africain appelle Gago. 404 et as-Sa'dï tlS Kagu 405 •
· siècle elle pa'ssait probablement par Iferouane et ensuite un peu à l'ouest des puits
Rappellons-no'.'s que ce n'était pas par Bentia qui est située trop au sud, mais
'' c'est par Gao que passait la voie reliant la ville de Mali (Malli) au Sud de l' Aïr,
d'In Aza9ua (t\.sïu), comme c'était le cas vers le milieu du XIXe siècle, à en croire,
d'après l'itinéraire d'lb11 Battü!a 406 • l'itinéraire Agadès-Touat, suivi par les marchands touatiens au temps de H. Barth
(1853), dont ce voyageur eut communication par le savant touatien 'Abd Allah 4 U..
H. Lhote nous rappelle aussi 407 ce qu'a écrit H. Barth sur le trafic de l'or àAga- Cet itinéraire, très détaillé, dont les toponymes singuliers restet_:1t èl'ailleurs encore
"dès. ·,, L'Qr-dit-il-était le principal article de Gogo [Gao] et ce précieux métal consti-
à étudier, est un document particulièrement: précieux, vu le fait que les gens dU
tuait aussi la·. marchandise de prédilection des anciens négociants d' Agadès. En
Touat étaient, encore à l'époque de Barth, les commerçants les plus importants ·
d'Agadès, connaissant très bien la piste reliant leur pays à cette ville et 'Abd Allah,
399
Mauny, Tableau, p. 306. lui-même, a fait ce chemin déjà six fois 412 •
400
Lhote, Recherches sur ·Takedda, p. 454 et n. 2.
: 1
'1
''1
'
401

402
Je cite d'après Lhote, op. cit., p. 454, n. 3.
Cf. Discours sur ce qui est coutume dans les navigations de Messer Alouys:de Cademoste, in:

1·' Description de .l'Afrique, traduit par J. Temporal, Paris, 1830, t. II, p. 371.
403
Barth, Reisen, t. IV, p. 605. 408
Lhote, op. cit., pp. 450-455.
lj 404
Jéan-Léon l'Africain;' Description de l'Afrique, p. 470. 409
Ibid., p. 455, n. 1.
405 0
;11 Sa di, Ta'rîtJ, as-Südân, passim. 410
Jean-Léon l'Africain, Description de l'Afrique, pp. 438-439,
'1 406
. Ibn_. Battfita, Voyages, t. IV, pp. 424-438. 411
Barth, Reisen, t. I, pp. 533-538. "'
407 4 2
- : li"11 Lhote, Recherches sur Takedda, p. 534; Barth, Reisen, t. I, I?P· 512-513. 1 Ibid., t. I, pp. 435-436.
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1, ;1: 76 77
1
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1
Voici les liaisons de la ville de Ouargla avec le Soudan occidenta!·et central a tra-
vers le Sahara, ville qui etait un carrefour des voies reliant au Moyen Age le Maghreb
avec les autres pays africains. Il résulte de ce que nous avons dit dans la présente
étude que la ville (ou plutôt, jusqu'aux XII'-XIII' siècle, les villes) de Ouargla
r
constituait un très important centre commercial qui aux IXe-XVP siècles servit
d'intermédiaire, en tant que v'raie <<. porte de Désert>>, dans l'intense trafic du Maghreb
avec le Pays des Noirs. Les habitants de Ouargla, très entreprenants, participaient,
eux aussi, à ce trafic, en s'avançant très loin à_ rintérieur du Soudan, tout. près des·
zones aurifères de Galam~Bambouk et de Bourê, à la recherche de la poudre d'or,
<< tibr » des auteurs arabes, et vers les pays, tel que celui de Mima (Méma), qui four-

nissaient des esclaves, un autre produit précieux de la Terre des N airs.


1 . UNE COMMUNE CHRÉTIENNE
Au cours des temps et à la suite des événements historiques quelques-uns des
centres commerciaux et marchés du Maghreb; du Sahara et du Soudan disparais- DANS L'OASIS DE OUARGLA AU X' SIÈCLE
saient et cédaient la place ~ux autres à la suite de quoi on observe aussi le change-
ment des voies, dont Ouargla constituait un carrefour. C'étaient tout d'abord, aux
IX'-XI' siècles, les villes de Tiihert et de K~irouan qui ont choisi Ouargla pour Le géographe arabe, Yaqüt ibn 'Abd Allah ar-Rümi, mort en 1229 de n.è. décrit
tête de ligne des chemins conduisant, à travers le Sahara et le Soudan ~fin d'atteindre ainsi l'oasis de Ouargla dans son lexique géographique intitulé Mu'ifam al-bu/dan 1 :
les principaux marchés des Pays des Noirs de cette époque : Giina, Tiidmekka et << Wargaliin ... province située entre !'Ifriqiya et la contrée d'al-Garid, du côté
Gao. Ensuite, aux XII'-XVI' siècles c'étaient Qal'a Bani I:Iammad, la ville de Tu-· du continent, possédant beaucoup de dattes et des blés .:., 1"';!.1. Elle est habité
nis, Biskra et Tlemcen qui ont remplacé Tahert et Kairouan comme principaux
par une peuplade [composée] de Berbères et de Maggâna ,;l~. -J -'".J,11",,u;. La ville
centres économiques et commercia.;ux maghrebi.ns étant en relations commerciales
principale de cette contrée s'appelle Fagüha ••J,.; >>.
avec la ville de Ouargla. Également dans ce temps Mali (Malli), Takeddii et Agadès Ce texte qui est, comme nous allons le voir plus bas, très important pour la plus
. ' ont pris la place de Ûana et de Tiidmekka comme .les plus grandes marchés soudanais
r
1
1: visités régulièrement par les_commerçants de cette ville. Nos connaissances de l'histoire
ancienne histoire de l'oasis de Ouargla, diffère beaucoup de.toutes les autres descrip-
tions arabes de cette oasis provenant du Moyen Age. En effet, ni le. traité géographique
' de Ouargla, comme intermédiaire dans le commerce de l'Afrique du Nord avec le d'al-Bakri (XI' s.), ni !'oeuvre très détaillée d'al-Idrisi (XII' s.), ni l'ouvrage d'Abu
! Soudan: occidental et ·central, s'arrêtent au miliell du XVP siècle, l'époque dont '1-Fidii' (XIV' s.), ni les autres grands traités. de géographie arabes médiévaux ne
date encore la description du commerce de la ville de Ouargla avec le Soudan relatée nous donnent aucune indication ni sur le peuple de Maggana qui a constitué, à u.ne
en 1552 par Haëdo dan~ sa Topografia e historia general de Argel. La suite de l'histoire certaine époque, la population de l'oasis de Ouargla, à côté des Berbères, ni sur la
du trafic de Ouargla avec le Pays des N airs reste encore à étudier 413 • ville de Fagüha qui était, selon l'indication de Yâqüt, la capitale de cette oasis. Même
1 '
la très détaillée Histoire des Berberes d'Ibn ]:Ialdün, où il ne manque pas de données
sur le passé lointain de Ouargla, se tait à propos de Maggiina et de Fagüha, de même
413
i.e rôle que la ville de Ouargla a joué dans le trafic du Maghreb avec le Soudan n'est pas complète- que se taisent les sources ihaçlites de l'histoire de l'Afrique du Nord, qui contienneht
ment inconnu grâce à·_R. Mauny qui a étudié, dans son Tableau géographique de l'Ouest Afn"cain au Moy-
pourtant beaucoup de données nouvelles et absolument inédites concernant le passé
eit Age (1961), plusie~rs faits concernari.t les liaisons transsahariennes de Ouargla (voir pp. 17,140,218,
290, 302, 335, 368, 376, 379, 390, 391, 400, 432-434, 440-441, 445, 479, 511, 513 et 522). ·
de cette oasis. Ainsi la description contenue dans le Mu'ifam al-bu/dan est-elle unique
et mérite-t-elle un examen plus approfondi. Penchons-nous sur ce problème.
T~ut d'abord, il se pose la question d'où provient la description de l'oasis de Ou-
!i, argla comprise dans le lexique géographique de Yaqüt. On sait, en effet, que le
''I Mu'ifam al-bu/dan est une compilation basée 'principalement, abstraction faite de
11 i certaines informations orales provenant de divers voyageui-s, sur onze tràités de
1
géographie arabes, antérieurs au XIII' siècle, et dont Yiiqüt donne une liste dans
i il .
! il l'introdllction à son lexique 2 • Cependant, on chercherait ·en vain la source_ de- la

'
1 1
Yâqüt, Mu•gam, t. IV, p. 920.
'i' 2
The introductory chapters of Yiiqüt's Mu'jam al-buldlln. Translated and annotated by:Wadie Jwaideh,
Leiden 1959, pp. 10-11.
,,J
,t,
1
79

,111.

!I:
""'"''----~ -~-- ---- .. -·- - . '

1
descri~tio~ .d? Ouargla du Mu'gam al-buldiin dans sept principaux traités de géo- à al-Ùayhàni, des informations officielles fournies par la poste de Bagdad, à la cour
graphie utilises par Yaqut, d9Ilt les ·manuscrits nous sont parvenus·, à savoir dans les des califes 'abbassides auxquels l'Afrique septentrionale était soumise par l'inter~
o~vra_ges d?bn ]Jurradàgbih (vers 885), d'A\imad ibn Waç!ih al-Ya'qübi (xers 889), médiaire de leurs vassaux aghlabides.
d ~~-u- Is\iaq al-I~tal!ri (vers 951), d'Ibn I:Iawqal (vers 977), d'Abü 'Abd Allah al- Reste encore la onzième source arabe utilisée par Yàqüt dans la compilation
Bassar~ al-Muqaddasi (vers 985-990), d' Abü 'Ubayd al-Bakri (vers 1068) et d'Ibn de son Mu'gam al-buldiin si l'on peut en croire !'Introduction de ce lexique. Je vou-
al-Faq1~ al-Hamagàni (vers 903) qui contiennent pourtant des chapitres plus ou drais parler ici du traité d'al-I:Iasan ibn Mu\iammad al-Muhallabi, géographe arabe
monJs importants consacrés à la description de l'Afrique du Nord. mort en 990 de n.è. Cet ouvrage, composé en Egypte et intitulé Kitiib al-masiilik
.Quant_ à la h~itièm~ !'les sources ~tilisées par Yaqüt dans la compilation de son wa'l-mamiilik ou bien Kitiib al-'Aziz ou tout simplement al-'Azizi du nom du calife
lex1.'.'ue_ geograph1que, a savoir az-Zig, oeuvre d'Ibn Abi 'Awn (ou : d'Abü 'Awn) fatimide al- 'Aziz (975-996), ne nous est connu que par les nombreux extraits (d'ail-
Is\iaq. t?n 'A;i al-B~gdàdi, auteur qui nous reste complètement inconnu, c'était leurs très brefs) contenus dans le. Mu'gam al-buldiin de Yaqüt (où A. Miquel a dé-
un traite de geograph1e a·stronomique, .comme cela résulte· de son titre. J'ai découvert couvert 55 citations de l'ouvrage d'al-Muhallabi) et dans le traité de géographie
clans !e Mu'gam al'buldàn. seulement trente-et-un extraits de ce traité qui ne nous d' Abu '1-Fidà' composé dans la première mpitié du XIV' s. (135 citations d'après
~o~rnissent q~e. les coordonnées géographiques de certaines localités, sans· aucun. le calcul du même savant 6 ). Il résulte de ces extraits qu'al-Muhallabi a por,té un grand
element d~scnpttL Les citations en question concernent seulement les lieux de l'Irak interêt à l'Afrique 7 , dont personnellement il ne connaissait que l'Egypte. C'est
de la ~yr'.e, d~ l'Arabie, de l'Iran, de l'Asie Centrale (Khwàrizm), de l' Arméni; dans ce pays qu'il a cependant réussi à ramasser, apparemment de la bouche des
et _de I Asie Mt?eure ; l'Af:ique n'y èst représentée que par les coordonées géogra- différents voyageurs et commerçants arabes, de précieux renseignements concernant~
phiques de la ville de Fustat en Egypte. Je ne crois donc pas que la description de le Maghreb et l'Afrique saharienne et soudanaise. On ne peut d'ailleurs exclure
Ouargla du Mu'gam al-buldiin puisse être tirée d' az-Zig. qu'il ait dépouillé aussi quelques ouvrages géographiques arabes, aujourd'hui pers·
Là neu_vième ,"ource _géographique dont s'est servi Yaqüt dans la compilation dus 8 •
0
d~ son lex1q~e g_eographtque, c~nform~ment à son Introduction, c'est .le traité de En ce qui concerne le Sahara et le .Soudan occidental, Yaqüt se réfère à al-Muhal-
g~ographte d Abu Zayd al-Ball!1 3 • C'eta1t un atlas du monde de l'islam, pourvu lahi seulement dans les rubriques de son oeuvre concernant l'énigmatique ville
·d u_n commentaire et composé vers l'an 920 de n.è. Ce traité est aujourd'hui perdu, d' Aksinti[à située au sud de !'Ifriqiya 9 , celle d' Awdagast sur les confins méridionaux
mais sa ;ram~ s'est conservée chez al-I~tabri. Comme !'oeuvre de ce: dernier, qui du Sahara occidental 10 , et du pays de Zagàwa 11 • Cependant, je partage· l'opinion
e_st un developpe~ent du ~rait~ 1' Abü Zayd al-Ball!i plutôt qµe son abrégé, ne con- de I. Krackovskiy affirmant, qu'également d'autres rubriques de Mti'gam al-buldiin
tient aucune _ment10n s~r I oasis de Ouargla, il paraît peu vraisemblable que le texte portant sur le Sahara et sur le Soudan (je laisse ici de côté l'Afrique orientale y pros
s~r cette oasis, reprodutt dans le Mu'gam al-buldiin, ait été tiré du traité en ques- viennent d'un dépouillement de l'ouvrage d'al-Muhallabi 12 • C'est ainsi qu'à mon
tion. avis, les rubriques de Mu'gam al-buldiin ayant frait à Takrür dans le Soudan occiden-
tal 13 , au pays énigmatique de Zakràm dans le Sahara 14 , à Sigilmàsa au Maroc du
· Qu~nt à la ~ixième source utilisée par Yaqfü selon !'Introduction à Mu'gam
sud-est 15 , à Sahw 16 et à Gàna 17 et Kükü 18 dans le Soudan occidental semblent
al-~uldan, _à. sav~tr l'ou~rage d'al-Ùayhàni, il ne peui s'agir que du Kitiib al-Masiilik
provenir d'al-'Azizi_ étant donné qu'elles ne sont pas connues de ces sept sources·,
wa_l~mama'.zk d Abü Abd Allàh Mu\iammad ibn Al.imad ibn Nasr al-Gayhàni,
géographiques du Mu'gam al-buldân qui ont été conservées jusqu'à nos jours.
traite de g. eographie composé vers l'an 900 de n.è. 4 Cet ouvrage auJ· o~rd'hui perdu
lui Ajoutons encore que l'interêt porté par al-Muhallabi à l'Afrique saharienne et
, . aussi,· · n,''eta1t,
· s;I9n les, renseignements
· · '
dont nous_ disposons, _qu'une reprise,'
d.~I!leurs developpee, de I quvrage géographique d'Ibn 9"urradàdbih. Or l'oas1·s
·d e Oua~g1a n ' est pas mentrnnnée__
. · -
dans ce dernier ouvrage, où il n'est '
question que 6 Miquel, La gfographie humaine du monde musidman, p. XXXIII.
. de la tribu de Banü Wàrkalan citée dans une liste de vingt-huit tribus berbères 5 • 7
Ibid.
Il me semble fort douteu.x que al~Ùayhàni, auteur écrivant en Asie centrale à la 8 _Jbiéi.., p. 310.
0
9 Yâqüt, Mu gam, t. I, p. 342.
cour des Samanides peu intéressée dans les affaires nord-africai~es, ait pu a]outer
1o Ibid., t. I, p. 400.
quel~~es nouveaux détails, à fa description du Maghreb contenu dans le Kitiib al- 11 Ibid.; t. II, p. 932; voir aussi, t. I, p. 277 ; t. III, p. 142, t. IV, p. 495 .
..M asahk wa'l-mamiilik d'Ibn ljurradàgbih qui avait à sa disposition, contrairement 12 · Krackovskiy, Arabskaya geografiàskaya literatura, p. 234.

1 3 Yaqut:, Mu'iam, t. I, p. 861.


14 Ibid., t. II, p. 938.
: M~quel, La géographie humaine du monde musulman, p. XXVI. " Ibid., t. 111, pp. 45-46.
Miquel, op. cit., pp. XXIII-XXV. 1 6 Ibid_., t. III, p. 206.
5
Ibn l;Iuri'adâ~bih, Kitiib al-Masiilik wa'l-mamalik, ed. par -M. J. de Goeje· dans « Bibliotheca 17 Ibid., ·t. III, p., 770.
;geographorum arab1corum », t. VI, Leyde 1889, texte, p. 91 ; trad., p. 66. 18 Ibid., t. IV, p. 329.

-80 6 !!tudes maghrebines et soudanaises 81

--,
I'
soudanaise est visible également dans les, citations de son traité conserVées 'dans le commendement d'al-I;Iigâni Abiî 'Abel Allâh as-Sï'ï, quitta sa capitale, accompagnée
1
le Taqwim al-buldiin d'Abu '1-Fidii'. En effet, on y trouve la description de Awda- de ses lieutenants et des gens de sa maison et se dirigea vers Ouargla dont les habitants
l:1,!l gast19, de Gadiimis (Ghadamès) 20 , de Zawila dans lè Fezzan 21 , et de Kükü dans .ibac_iites le reçurent :avec ùn grand enthousias-me 26 • Il n'y a aucun doutè qu'à cêtte
'!
11! le Soudan occidental 22 • premièi;e vague d'émigrés: de Tahert succédèrent plusieurs àutres qui ont ramené
1 ;; 1
11
Ainsi, il nous paraît très vraisemblable que la plupart des passages de Mu'gam à Ouargla d'importants groupes de partisans berbères-ibâ<_lites des Rostémides
il al-buldiin contenant la description du Sahara et du Soudan occidental proviennent qùi se mettaient à l'abri des Fâtimides dans le Sahara où l'autorité de la nouvelle
j: d'un dépouillement de l'ouvrage d'al-Muhallabi, en raison des nombreux emprunts dynastie ne se faisait pas ressentir après un essai manqué de prendre la citadelle
1 'I

il à cet ouvrage concernant le Sahara et le Soudan que nous retrouvons dans le Mu'gam dè Ouargla par les troupes ratimides peu de temps après la chute de Tâhert 27 •
,,:
'
1
i :1 1
al-buldiin. De cette façon, il n'est pas impossible que la rubrique de !'oeuvre de
Yaqüt se rapportant à l'oasis de Ouargla, dont nous avons donné la traduction au
Parmi ces différentes vagues d'émigrés, venus de Tâhert après l'an 908 et dans les
ànnées suivantes, il y avait aussi, outrè les Berbères-ibaçlites, un . groupe d'origine
1 ,, début de la présente étude, soit aussi de la même provenance. Si cette hypothèse non-berbère et non-iba<_lite et pourtant fidèle aux Rostémides. C'était, comme nous
' est juste, la description de l'oasis en question offerte par Yâqüt ne reflète pas son allons le voir, l'élément qui porte, dans là description de Ouargla chez Yâqüt, le
,I ,,ji
,1 image du commencement du XIII' siècle, mais plutôt sa ·situation ethnique et poli- nom de <;\;,,. Maggiina, et que l'auteur de cette description, écrivant probablement
'11
tique à l'époque d'al-Muhallabi (vers 975-990) ou même encore plus ancienne (vers au xe. siè~le, distingue nettement· des Berbères.
le milieu du X' siècle?). Ainsi les Maggâna habiteraient-ils l'oasis de Ouargla en- Cette dernière appellation ne nous est connue que de Mu'gam al-buldiin. Nous
semble aveç les Berbères, non vers le commencement du XIII' s., mais dans la la rencontrons aussi dans la chronique de Tâhert composé vers l'an 902/3 de n.è.
seconde moitié du Xe siècle, ou plustôt encore, et aussi dans cette dernière époque par Ibn $agir, auteur étranger à la secte ibâ<_lite, mais très versé dans l'histoire de la
où la ville de· Fagüha a été la capitale de cette oasis. dynastie rostémide et dans celle de la ville de Tahert 28 • Voici ~e que dit Ibn $agir
Penchons-nous maintenant sur les données de Mu'gam al-buldiin concernant à propos de ce ,groupe ethnique 29 :
la population de Ouargla. On· lit dans ce texte que cette oasis « est habitée par une « Plusieurs personnages m'ont rapporté que les 'Agam avaient [sciL à Tâhert]
peuplade [composée] de 'Berbères et de Maggâna <il,;' J J!J:ll .:,• î>; ». Les derniers un chef nommé Ibn Warda qui avait installé un süq portant son· nom. Lor~que
mots ont été traduits fautivement dans les Monumenta Cartographica Africae et le chef de la police d'Aflal:t [il s'agit de l'imâm rostémide Aflal:t ibn 'Abd al-Wahhâb]
Aegypti de Youssouf Kama! par « une peuplade de~ Barbar Mâddjâna » 23 , le traduc- parcourait les marchéS pour les inspecte!, on ne pouvait l'empêcher d'entrer dans
teur ayant omis le mot J wa « et» qui lie les noms de << Barbar >> (Berbères) et de . le süq d'lbn Warda, mais il n'y pénétrait pas par déférence respectueuse pour le
« Maddjâna » ; il a réu,;li de cette façon deux noms ethniques divers en une seule propriétaire, qui était un notable appartenant au groupe des 'Agam dont les restes
appellation, existent encore aujourd'hui [c'est-à-dire en l'an 902/3] sous le nom de <IL,., 0' min
Quant au premier de ces noms, a savoir Barbar ( « les Berbères •> ), il constitue Maggâna [ << de Maggâna »].
une' appellation générale arabe de toutes les tribus berbères, l'auteur de la descrip- J'ai suivi ici la traduction de A. de C. Motylinski, excepté les mots : << 'Agam»,
tiàn de Ouargla l'ayant préféré à une énumération des fractions berbères respectives que ce savant a traduit en fr~nçais par << étrangers )}, ainsi que << ~; \="' .. 0 .. ·min Maggana >>
qui ont été domiciliées dans cette oasis à son époque, c'est-à-dire probablement ( << de Maggâna »), qu'il a rendu dans sa traduction par « Marmadjâna », en corrigeant
dans la deuxième moitié du X' siècle si l'auteur en question était al-Muhallabi, <; \_'°'; .:,• min Maggâna clu texte arabe de la Chronique d'Ibn $agir en <I \:", J'
selon l'hypothèse émi~e plus haut.. Cette population berbère professait des doctrines *Marmagâna, ce qui est une faute évidente. Peut-être A. de C. Motylinski a-t-il
de la secte ibâ<)ite et c'est chez elle que trouva refuge le dernier imâm ibâ<_lite de pensé, en corrigeant ce nom, qu'il s'agissait de gens originaires de là ville mentionnèe
Tâhert (Tiaret) Ya'qüb ibn al-Aflal:t de la dynastie de Banü Rustum (Rostem) si par plusieurs géographes arabes du Moyen Age sous le nom de :C:~ \, J'. Marmâgana
,i
l'on peut croire l'historien ibii<_lite du Xll-XII' siècle Abü Zakariyâ' Yal:tya ibn Abi ou ~.!:.. \.. . .,.. Marmaganna 30 et située par ·ces géographes à une journée de route
Bakr al-Wiirglâni. Or, selon cet historien qui a largement puisé dans les traditions
(et peut-être aussi dans les vieilles chroniques de Ouargla) 24 , Ya'qüb ibn al-Aflal:t,.
après avoir appris l'arrivée 25 de l'armée fâtimide qui s'approchait. de Tâhert sous 26 Abü Zakarïya', Kitàb as-Sira, f 0 44V 0 et f 0 50r0 et v0
;Masqueray, Chronique d' Abou Zakart'a,
,,,j pp. 220-221 et 251-255.
19 Abu '1-Fida,- Géographie, texte, p. 124; trad_., t. I, première partie, pp. 174-175. 27 Abû Zakariyii', Kitii.b as-Sira, f 0 44v 0 -45r 0 ; Masqueray, Chronique d'Abou Zakaria, pp. 221-223.

20 28 Voir sur cet auteur··: T. Lewicki, Les historiens, biographes et traditionnistes ibii.4,ites-wahbites de
Ibid., texte, pp. 146-147 ; trad., t. I, première partie, p. 202.
21
Ibid., texte, pp. 146-147; trad., t. I, première partie, pp. 202-203. 'Afrique du Nord du VIJJe au XVIe siècle, « Folia Orientalià l>, t. III, 1961, pp. 105-106.
22 9
. Ibid., ·texte, pp, 156-157 ; trad., t. I, première partie, pp. 221-222. 2 Ibn $agir, Chronique, texte, p. 27 ; trad., p. 66 .
23 30
Youssouf Kama!, Monumenta, f 0 964v0 • Ibn I;lau~al, Opus geographi'cum, t. I, p. 87; Bakri, Description de l'Afrique, texte, p. 145 ; Idrisi,
24 0
Abü Zakariyii', Kitàb as-Sira, f 0 51r 0 ; Masqueray, Chronique d'Abou Zakaria, p. '260. Description de l'Afrique, texte, pp. 103 et 119 ; al-Muqaddasi, A1J,san at-taqàsim fi ma rijtit al-aqii.lim,
25 En l'an 908 de n.è. éd. par M. J, de Goeje, dans <i Bibliotheca geographorum arabicorum », t, III, Leyde, 1906, p. 212.

82 6' 83

1
de Sabiba (aujourd'hui Henchir Sbiba en Tunisie). On retrouve le nom ce cette Tunisie du sud-est) sont pour Ibn t[urràdadbih al-A'agim al-Afüriqa,' tandis qù'al-
localité que l'on situe sur le bord de !'Oued Sarrath, dans celui de la plaine de Ber- Ya 'qiibi les appelle al ~Agam tout court 34 •
0 ·

majna moderne 31 • Selon mon opinion, la forme que l'on 'trouve dans. le texte arabe Les auteurs arabes médievaux comptent plusieurs sièges de ces 'Agam ou Afüc
de la Chronique d'Ibn f?agir, à savoir <; L;<• .:,• min Maggana << [ceux] de M~ggana >> riqa dans iout le Maghreb, en commençant par là Tripolifaine' et en finissant pàr
est très correcte et n'a besoin d'aucÙne· modification. le. Maroc 35 • Ces gens parlaient un dialecte roman particulier qu'ai-Idrisi (l154)
Laissons pour le moment de côté le problème de la signification des mots min appelle al-latini al-afriqi ( << latino-africain >>) et auquel j'ai consacré une étude spé-
36
Maggana (<<de Maggana ») et penchons-nous maintenant sur le sens de celui de 'Agam ciale •

qui -serait la ·dénomination primitive des gens, surno:mmés ensuite à :.Tahert << min Or, parmi les sièges en question de ces 'Agam-Afariqa énumérés par les auteurs
Maggana (<<[ceux] de Maggana »), à en croire le récît d'Ibn f?agir. arabes du Moyen Age se trouvait,, entre autres, la ville de Maggana (aussi : Meg>
Le mot 'Agam, avec l'article défini arabe al-'Agam, au pluriel al0 A'agim qui gana), située à quarte journées de route à l'ouest de .Kairouan (sur les confins de
correspond exactement , au grec ~&p~<Xpoç, signifiait dans , la nomenclature arabe l'ancienne Numidie) qui était aµpellée Mediane par les anciens 37. Al-Ya'qiibi qui
du Moye·n Age tous les peuples non-arabes, mais il était appliqué dans la descrip- nous donne sa description vers l'an 889 de n.è. (donc environ quat@rze ans avarit
tion de la partie occidentale du monde arabe, tout à fait régulièrement à la popula- l'époque de .la composition de la Chronîque d'Ibn $agir} mentionne, parmi.les habi-
tiop. romane et chrétienne du Maghreb, de la Sicile, de l'Espagne et du Midi de la tants de cette ville, des 'Agam berbères et non-berbères 38 ; ces derniers sans doute
France. Par conséquent,. nous sommes autori~és à remarquer des éléments romans d'origine romane et chrétienne. C'est probablement une fraction de ces 'Agam
partout où, sur le territoir, du Maghreb, il est question des 'Agam, à quelques ex- romans de la ville de Maggana qui vint, à une époque inconnue 39 , s'établir à Tahert,
ceptions près où ce terme veut dire Berbères. Ainsi p.ex. au début du IX' siècle en imposant, avec le· temps, son nom aux· autres fractions des t Agam domiciliée'S
le q[çli Ibn al-Furat, qui vivait dans la Tunisie, compare les paisibles et non-guerriers dans la capitale des Rostémides. · '
'Agam du Sa\:iil (Sahel) en Tunisie orientale à la population romane de la Sicile.. Il résulte de l'extrait de la Chronique d'Ibn f;lagir, cité précédemment, ainsi que
Le géographe arabe al-Ya'qiibi qui. écrivait vers la fin du même siècle emploie, des autres passages· de cet ouvrage que << [ceux] de Maggana », et fos 'Agam établis
, en, parlant des habitants du Maghreb, le mot 'Agam 11 fois, dont 4 pour les habi0 à Tahert en général, jouaient un rôle très important dans la capitale des Rostémides.
ii tants non-arabes et non-berbères, 2 fois pour la population non-arabe et 1 fois pour Ils y sont mentionnés pour la première fois sous le règne de l'imam Aflal:i ibn 'Abd
li la, population composée d' Afüriqa, Riim (Byzantins) et de Berbères. Enfin Ibn f?agir al-Wahhab (823-871), quand, à la suite du développement du commerce avec !'Ifriqiya
1
l'\,i applique ce terme aux habitants romans et chrétiens de Tahert, en appellant aussi et l'Orient musulman d'une part et avec le Soudan de l'autre, les richesses et les
1 quelquefois ces derniers al-Masi\:iiyiin << chrétiens>> 32 • revenus des habitants de Tahert se multiplièrent. Or les 'Agam, domiciliés dans
if A côté de l'appellation al-'Agam (pl. al-A 'agim), les auteurs arabes médiévaux la capitale de l'Etat rosténiide, s'enrichirent aussi et les plùs riches d'entre eux ont
"' .'·
1 ' employaient, en parlant des éléments romans et chrétiens du Maghreb, le terme élevé des châteaux en dehors ,de la ville, à l'instar des autres gens riches de cette
i '
Afriqi (Ifriqi), pl. al-Afüriqa ou al-Afüriq. Cette dénomination se rattachait au nom, ville. Le passage de la Chronique d'Ibn, Sagir cité plus haut, dit • 0 ; qu'ils s'occu~
d'Afri qui désignait, dans l'antiquité, les indigènes romanisés de la province Pro- paient du commerce et que leur chef, un certain Ibn Warda, notable très respecté
consulaire (Africa propria). Ce dernier nom était en Usage encore, au IX' s. En effet, par le gouvernement de Tahert, y avait installé un marché (siiq) portant son nom.
le chroniqueur byzantin 'Théophane, en parlant à cette époque de la révolte du Bientôt ils devinrént très puissants et leur puissance politique dans la capitale de
patrice Grégoire contre le pouvoir central, qui eut lieu en Afrique en 644, appelle l'État rostémide devint égale à celle des riches et puissantes tribus berbères-ibaçlites
les habi.tants de. ce pays et partisans de Grégoire o:oï:ç • A<ppooç. Le nom arabe d' Afriqi
est formé sur le thème latin Afric- ; l'i final en est .la terminaison arabe des adjectifs 34 Ibid., p. 419.
ethniques (nisba). Que les Afüriqa étaient justement ces Afres romanisés et christia-
" Ibid., pp. 421-429.
nisés, nous le savons ne fût-ce que du fait que les habitants de Tubna (anc. Tubunae, 36
Lewicki, La ·tangue rom'ane, Passim.
Tobna de nos cartes), capitale du Zab, appelés par al-Ya'qiibi al-Af"ariqa, sont, s 7 Ibid'., pp. 425' et 471°.
d'après Ibn al-'Idari al-Marrakusi (XIII' s.), des chrétiens et payent l'impot des 3
a Ya'qübi, Ki"tiib al-Buldiïn, p. 349.
39
infidèles (giziya) 33 • Il se peut qù'ils. $oient_ arrivés -à Tâhert encore avec •Abd ar-Ra]:nnân ibn Rostem, premie-r imâm
rostémide (776-784) qui, avant de s'établir dans ce lieu,.remplissait les foo.ctions de gouverneur de !'Ifriqiya
1 L'identité de ces deux dénominations al-'Agam et al-Afüriqa ne laisse aucun
,,,,' doute. Il suffit de rappeler ici que les habitants de la ville de Qabis ( Gabès dans la
(avec le siège à Kairouan) de la part de l'imam ibiic;lite Abll '1-1:;lattàb al-Ma'âfiri, qui résidait en Tri-
politaine. On sait que •Abd :ar-Ral;imiin ibn Rostem dut s'enfuir de l'Ifrïqiya en l'an 761 après la défaite
i
et la mort d'Abu '1-Battiib vaincu par Je général abbasside Mul;iammad ibn al-As•at al-Ijuzii'i. Voir
,\ ;·,
31 Idri's, La Berbérie Orientale, t. U, p. _472. sur ce fait T. Lewicki, al-Ibii4,iyya, ~ Encyclopédie de l'Islam>), nouvelle édition, t. III, livraison 51-52,
32Lewicki, Langue romane de l'Afrique, pp. 418-419 et 427. Leiden-Paris 1968, pp. 675-676.
40
" Ibid., pp. 417-418. Voir p. 83.

84 85

1
de Lawata, de Zaniita et de Matmata qui habitaient autour de la ville, ainsi qu'à le même Ibn Warda, chef des 'Agam de .J'époque de l'iinam Aflal,i ibn 'Abd al-Wah-
celle des soldats arabes (al-gund), originaires de !'Ifriqiya qui constituaient appa- hab, qui se tenait à la tête de ce peuple pendant la guerre que nous venons de décri-
remment la garde de l'imam. Ibn $agir nous donne un tableau de la politique inté- re. Ibn $agir le présente comme un guerrier que tout le monde redoutait 46 •
rieure d'Aflal;i ibn 'Abd al-Wahhab qui; de crainte qu'une coalition ne puisse lui On ne sait rien sur la position politique des 'Agam à Tahert sous le règne d' Abu
arracher son pouvoir, s'appliqua à semer la discorde entre les Berbères, les soldats '1-Yaqian Mul;iammad ibn Aflal;i qui réussit enfin à s'emparer de l'imamat rostémide
arabes et les 'Agam 41 • et qui a régné jusqu'à sa mort en 894 de n.è. Il est certain qu'ils ont beaucoup souf-
Plus tard, sous le règne de l'imam Abü Bakr ibn Aflal;i (871-?), les 'Agam con, fert et que leur. nombre a sensiblement diminué à la suite des guerres dont il a été
tinuaient d'exercer à Tahert une grande influence politique, à côté des Berbères question plus haut.
de la tribu ibaçlite de Nafüsa, fidèles partisans des imams rostémides, qui étaient Sous le règne de l'imam Abü I;:!atim, fils et succésseur d'Abu '1-Yaq?an Mul;iam-

.1 investis des principales fonctions dans la capitale des Banü Rostem 42 •


Pendant la guerre civile qui éclata à Tiihert sous le règne d' Abü Bakr (à la suite
mad ibn Aflal;i (894-?), les. << survivants des' 'Agam» continuent à habiter Tiihert ;
ils possèdent même une forteresse dans le voisinage de cette ville. Quoique chrétiens,
1 d'un meurtre commis par celui-ci sur Abü 'Arfa, un notable local qui jouissait dans ils,restent toujours fidèles à l'imam et jouent un rôle considérable dans son entourage.
la capitale de l'État rostémide d'une grande popularité), les habitants arabes (c'est,à- Ils appartiennent toujo4rs aux notables de Tiihert. Souvenons-nous, à ce propos,
dire sunnites) se dressèrent contre cet imam et contre ses guerriers, tandis que les d'un récit d'Ibn $agit, d'après lequel, l'imam Abü I;:!atim 'qui à un certain moment,
'Agam, qualifiés ici nettement de chrétiens (en arabe al-Masil;iiyün), 'prirent tout craignant une révolte, s'enfuit de la capitale, << accompagné de notables de la ville,
d'abord le parti du prince jbaçlite. Mais peu après, .les 'Agam, s'étant rendu compte chrétiens ou autres, au nombre de cent environ>> 47 • Parmi ces notables chrétiens
de leur forte position militaire vis-à-vis de l'imam Abü Bakr (qui devint dépendant se trouvait un des plus réputés cavaliers du Maghreb nommé Bakr ibn al-Wal;iid.
d'eux), prirent la décision d'attaquer les citadins arabes sunnites et le « gund », Ibn $agir qui était contemporain de cet événement l'appelle un << vrai défenseur
arabe de Tiihert, de les massacrer, de s'emparer de la capitale et de devenir de cette de la ville>> 48 • On voit que les noms portés par les 'Agam chrétiens de Tiihert étaient
façon « maîtres de la ville et du sultan» (c'est-à,dire de l'imam Abü Bakr) 43 • Cepen- souvent arabes {rappr;;_lons-nous aussi celui d'Ibn Warda). Cependant les noms
dant cette attaque ne réussit pas et les 'Agam devaient se retirer dans leur quartier. romans étaient également en usage chez eux. Ainsi, un ,des 'Agam de Tahert, tué
Or, un pâté de maisons de ce quartier, situé dans le voisinage du quartier· des Nafüsa pendant la guerre qu' Abü I;:!atim faisait contre les habitants insurgés de cette ville,

li
f
1
1
et occupé en partie par ces derniers, fut incendié par les citadins arabes e~ par les
soldats arabes du << gund >>. Les. Nafüsa indignés firent cause commune avec les
'Agam et attirèrent chez eux le prince rostémide Abu '1-Yaqian Mul;iammad ibn
s'appelait Gan, ce qui n'est qu'une forme latino-africaine du _latin Joannes (à comparer
ital. Gian, esp. Juan prononcé à l'origine Zuan, franç. Jean) 49 •
Quand les insurgés de Tiih~rt se décidèrent à porter au pouvoir l'oncle d' Abü
ii
:f" Aflal;i, frère de l'imam Abü Bakr et à la fois prétendant à l'imamat de Tahert. Abü I;:!atim, Ya'qüb ibn Aflal;i, et une guerre éclata entre l'imam et le prétendant, les'
1

'1
':i Bakr, lui-même, ne jouait plus, à la suite de son indigne attitude dans le cas d' Abü loyaux 'Agam restèrent fidèles à Abü I;:!atim. C'est la dernière mention sur les 'Agam
1 'Arfa, aucun rôle politique dans la capitale. Ainsi, comme dit. Ibn $agit, à partir de Tiihert que l'on trouve dans la Chronique d'Ibn $agir. On sait qu'Abü I;:!atim
1,
de ce moment, les 'Agam, les membres de la familles des Rostémides et les Nafüsa resta aù pouvoir jusqu'à l'an 906 (ou même jusqu'à 908 si l'on peut croire Abü Za-
\:' ne formèrent plus qu'un parti dirigé par Abu '1-Yaq?an Mul;iammad ibwAflal;i 44 • kariyii' al-Wiirglani 50 ) et qu'on élut imam, après lui, son oncle Ya'qüb ibn Aflal;i.
Il paraît que depuis lors les guerriers et les marchands romans-chrétiens de Tiihert Nous ne savons quelle était l'attitude des 'Agam de Tiihert vis-à-vis le nouvel imam,
,,
s'attachèrent beaucoup aux princes rostémides, dont ils devinrent des partisans leur ancien adversaire, mais il me semble assez probable que celui-ci réussit à les
r
I'
fidèles jusqu'a la chute de l'imamat de Banü Rostem. attirer vers sa personne, grâce à sa qualité .de legitime souverain de l'imamat rosté-
1 '
I' La guerre entre les citadins arabes et le << gund >> arabe d'un cqté et les mide.
:1
'Agam, les Nafüsa et les Rostémides de l'autre, durait longtemps, mais enfin les Il paraît qu'après la chute de l'imamat rostémide, conséquence de la prise de.
partisans d'Abu '1-Yaq?an Mul;iammad ibn Aflal;i durent quitter la ville de Tahert Tahert par l'armée fatimide en l'an 908, les 'Agam ou << [ceux] de Maggana >>, qui
et s'installer dans le voisinage' de cette ville qui, à leur tour, fut occupée, par Mu- étaient depuis longtemps partisans dévoués des Banü Rostem, ont du quitter, au
·1 1 l;iammad ibn Masala, prince de la tribu berbère de Hawwiira, iba<)ite, qui possédait moins en partie, cette ville, en suivant le 'dernier imam rostémide dans sa fuite
' '1
! 1:
un pe,tit royaume non loin de Tâhert 45 • Si l'on peut croire Ibn $agir, c'est toujours à Ouargla. Ils y sont indiqués, dans la deuxième moitié du X' siècle par la source de
1 ''

' .
41 046
Ibn $agir, Chronique, texte, p. 27; trad., pp. 86-87. Ibid., texte, p. 49; trad., p. 102.
42
Ibid., texte, p. 32 ; trad., pp. 92-93. 47
Ibid., texte, p._ 52; trad., p. 117.
43
Ibid., texte, p. 36 ; trad., pp. 98-99. 48
Ibid., texte, p~ 52; trad., pp. 117-118.
44
Ibid., texte, pp. 37-38 ; trad., pp. 99-100. 49
Ibid., texte, p. 52; trad., p. 118; Lewicki, Langue romane de l'Afrique, p. 449.
45
Ibid., texte, pp. 38-40 ; trad., pp. 100-103. 50
Abü Zakariya', Kitiïb as-Sira, f 0 38v0 ; Masqueray, Chronique d'Abou Zakaria, p. 188.
~,,,
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;
'

86 87
Mu'gam al0 buldan ,comme élémerit important de la population de cette oasis 'à côté romane vivait à côté des Berbères-iba4ites, Ces derniers étaient plus libéraux vis-à-vis
des « Barbar >>, c'est-à-dire à côté des fractions de iribus berbères. C'était d'ailleurs des chrétiens que les Arabes et c'est pourquoi les 'Agam jouissaient chez eux: à peu
non seulement leur attitude loyale vis-à-vis de leurs anciens maîtres qui les a en- près des mêmes droits que les musulmans, comme c'était le cas, dans l'État berbère
gagés à émigrer au Sahara. Or, les 'Agam (ou bien << [ceux] de Maggana ») .de Tahert et iba4ite de Tahert. 'Souvenons-nous, à ce propos, du cas d'lbn Warda, dont il
n'étaient pas que des guerriers redoutables, mais aussi d'habiles commerçants et est question dans ce passage de la Chronique d'Ibn, Sagir que nous citons dans la
on se souvient qu'Ibn Warda (un de leurs chefs et un des héros dé la guerre que présente étude. Telle était sans doute la situation des 'Agam (al-Afüriqa) romans
menait son.maître, le prince ibii<,lite .Abu '1-Yaqi,an, contre les insurgés de Tahert) et chrétiens dans l'oasis de Qabis (Gabès) 55 , dans le Nafzawa, groupe d'oasis situé.es
avait installé auparavant, sous le règne de l'imam Aflal,i ibn 'Abd al-Wahhab, Ùn sur le bord sud-est de Chott el-Djérid 56 , et dans la Qa~tiliya, groupe d'oasis disper-
marché qui portait son nom. Or, il me semble que << [ceux] de Maggana >> auraient sées entre le Chott el-Djérid et Chott-Gharsa 5 7, à' Qaf~a (Gafsa)~·, et à Bagay
pu participer jadis au commerce de Tahert avec le Soudan qui se développa déjà (auj. Baghaï), à Tubna (auj. Tobna), à Biskra, à Bentiyüs et à 'fulqa (Tolga) dans
dans la deuxième moitié du VIII' siècle, sous l'imam 'Abd ar-Ral,iman ibn Rostem,
et dont parle dans sa Chronique Ibn i;lagir 51 • Il paraît que l'oasis de Ouargla, qui
.
le Zab 59 • Dans ces periphéries lointaines du Maghreb les chrétiens romans ont
subsisté très longtemps. Ainsi p.ex. ils sont indiqués dans le Zab au XI' siècle 60 ;
'

constituait, à côté de la ville de Sigilmasa, une importante, étape sur la route com- à Qaf~a on parlait la langue latino-africaine encore vers le milieu ·du XH' siècle 6 1,
merciale de Tahert au Pays de la Poudre d'or dans le Soudan occidental, n'était dans les villages de Nefzaoua au XIV' siècle 62 et dans la ville, de Tozeur, .centre
pas inconnue, p.ex. d'Ibn Warda et des marchands 'Agam qui fréquentaient son politique du canton de Qa~tiliya, les survivants de l'ancienne population chrétienne
<< süq » à Tahert, et que ce fait a facilité l'émigration d'une certaine partie de ce se seraient maintenus jusqu'au XVIIP sièple 63 • La tradition d'orîgine·· romaine
peuple chrétien et roman vers l'oasis en question. Il paraît qu'à la première vague était très vive dans une autre ville de Qa~tiliya, à savoir N.afta (Nefta) encore vers
de ces guerriers et marchands, qui arrivèrent à Ouargla en même temps que l'imam la fin du XII' siècle, si l'on doit croire l'auteur anonyme ,du Kitab al-Istib,ar fi
Ya'qüb ibn Aflal;i, suivirent d'autres et que, de cette façon,. il se constitua dans cette 'alà'ib al-amfàr, où nous remarquons aussi, que la famiIIe ·princi_ère des Banil ·Buh.-
oasis une importante colonie chrétienne et romane qui y apporta son ancienne dé- lül, maîtres de Qa~tîliya, descendait des. Romains (Rüm) 64 •
nomination, à savoir Maggana (pour << [ceux] de Maggan~ »). Ainsi est-on porté·à croire que dans l'oasis lointaine de Ouargla, habitée prin°
L'histoire de Maggana de Ouargla nous est complètement inconnue, comme cipalement par la population berbère-iba4ite 6 5 et très éloignée des grands foyers

lji 1
d'ailleurs l'histoire des autres groupes romans et chrétiens du Maghreb. En effet;
les géographes et historiens arabes du Moyen Age, qui s'.intéressaient au Maghreb,
musulmans· de l'Afrique du Nord, les chrétiens locaux se sont màintenus au moins
aussi longtemps que ceux de Nefzaoua, c'est-à-dire jusqu'au XIV' siècle au moins,
J,'
'\· 1 se sont limités dans leurs récits concernant les 'Agam ou al-Afüriqa; seuJeinent ou peut-être même aussi 'longtemps que ceux de Tozeur, dont on cite les descen-
1 li
1

i à quelques indications concernant la diffusion de certains groupes de ce peuple dants encore au XVIII' siècle. On sait des sources arabes que Ouargla était reliée
/f i dans l'Afrique du Nord (à travers le Moyen Age) 52 • Il est impossible de tracer,
à l'aide -de èes maigres détails, l'histoire de c~s Africains rorria,il.isês .et chrétiens
aux grandes. villes du Maghreb par des voies ·commerciales qui passaient par le Zab
et par le Bilad al-Garid 66 ; ainsi peut-on supposer qu'il y ait eu des relations cultu-
q~.i devaient constituer, dans les premiers siècles après la conquête arabe, la majorité relles et religieuses des chrétiens, habitants de ces cantons, avec les Mâggana de
de la population de certaines régions . agricoles nord-africaines, comme p.ex. au .
1:·, Sahel tunisien 53 , ou bien dans les anciennes grandes villes comme p.ex. Carthage,
' qui était encore au milieu du XI' s. le siège épiscopal 54 •
Les groupes chrétiens étaient particulièrement nombreux dans ces districts de 55 Ibid., pp. 419 et 423.
i-'-_
l'Afrique du Nord où l'influence des grands foyers civilisateurs musulmans ne se 56 Ibid., p. 423.
s. 7 Ibid.
!" !
faisait sentir si fort que dans les centres des grands États musulmans du Maghreb 58 Ibid., pp. 423-424.
et dans les provinces centrales de ces États. Parmi ces districts un peu écartés de ces 59 Ibid., p. 426.
grands foyers musulmans,, de Kairouan par exemple, il faut surtout mentionner 60 Ibid.

la zone du Zab et des oasis de la Tunisie du Sud, où la population chrétienne et " Ibid., pp. 423-424.
62
Ibn ]Jaldü.n, Histoire des Berbères, trad., t. I, p. 231 ; t. III, p. 156.
3
6 Idris,,La Berbérie Orientale, t. II, p. 761.
51
Lewicki, L'État nord-africai'n de Tahert, passim, 6 4 Lewicki, Langue romane de l'Afrique, p. 423, n. 7, Ajoutons encore qu'au XIe siècle il y avait
52
G. MarÇais, La Berbérie au 1Xe siècle d'après El-Ya'qoûbî. (( Mélanges d'histoire et d'archéologie encore dans le Maghreb 47 évêchés-voir Lewicki, Langue romane de l'Afrique, p. 421.
de l'Occident musulman)), T. I : Articles ei conférences de Georges Marçais, Alger 1957, pp. 39-43; Le- 65 Voir à ce propos Idrisi, Description de l'Afrique, texte, p. 120; trad., p. 141; Ibn :ijaldün, Histoire

wicki, Langue romane de l'Afrique, passim; Idris, La Berbért"e Orientale,' pp. 757-763. des Berbères, trad., t. II, p. 286. ~
53 66 Bakri, Description de l'Afrique, texte, p. 182; trad., p. 340; Idrisi, Description de l'Afrique, texte,
Lewicki, Langue romane de l'Afrique, p. 424.
54
Ibid., p. 425. pp. 120-121 ; trad,, p. 141.

88 89

1
Ouargla, et que l'évêché de Qastiliya, d?nt il est question au xe siècle 67 , embrassait
aussi les· chrétiens de Ouargla.
1
' Les traditions îocales de Ouargla semblent confirmer notre hypothèse sur l'ar-
:i rivée des 'Agam-Maggana chrétiens dans· cette oasis et sur l'existance relativement
longue de la commune chrétienne fondée par cette population, à la fois guerrière
:, et commerciale. Or, d'après u:q.e étude intéressante de Ch. Féraud, savant très com-
/ ' pétent en ce qui concerne l'histoire.du Sud algérien, il y avait à Ouargla, à l'époque
·1''
où il écrivait, à savoir vers l'an 1886, une fraction musulmane appelée Ouled Anter
(Awlad 'Antar) qui se disait descendre des anciens Romains convertis à la foi mu-
sulmane.
Ils habitaient la ville de Ngouça qui était, selon les traditions locales, aussi an- OUVRAGES CITÉS EN ABRÉGÉ
1 cienne que celle d_e Ouargla, capitale de l'oasis. Ils y possédaient un petit oratoire
1 il
il l dit Djâmà Temesguida el-Aoun qui aurait été construit d'après les traditions en
r,i I'
1:,,
1
question sur les fondations d'une ancienne église chrétienne qui aurait appartenue Abu '1-Fidâ',. Géographie, texte: Géographie d'Aboulféda. Texte arabe publié par ... M. Reinaud et M. le
11!
:H à leurs ancêtres 6 1. Ces Ouled Anter auraient-ils été les descendants des anciens B 0 n Mac Guckin de Slane, Paris 1840.
ill 'Agam-Maggana établis dans l'oasis de Ouargla au X' siècle? Cette question reste Abu '1-Fida', Géographie, trad, : Géographie d' Abouljéda, traduite de l'arabe en français par M. Reinaud
IJ et par S. Guyard, t. 1-II (en trois volumes), Paris 1848-1883.
'I'i' encore non tranchée.
Abii l:Iâmid al-Andalusi, Le Tulffat al-albab : Le Tuhfat al-albiib de Abü lfamid al-.Andalust' al-Ôainiifi,
,1 La description de Ouargla chèz Y-aqüt, basée, selon toute probabilité, sur le Kitab édité par G. Ferrand, (< Journal Asiatique», juillet-décembre 1925, Paris 1925.
il al-'Aziz d'al-Muhallabi, traité géographique composé, nous le répétons, vers l'an Abii Zakariyâ', Kitii.b as-Sira : Abû Zakariya' YaQ.ya ibn Abi Bakr al-Warglani, Kitàb as-Sira wa-a[!.bàr
'I'1 975-990 de n.è., et surtout un détail sur le peuple de Maggana qui constitua à cet- al-a'ùnma, ms. de la collection de Smogorzewski n° 23 (daié 1345 de l'hégire).
Bakri, Description de l' 4frique, texte : Description de l'Afrique septentrionale par Abou-àfiet.'d-el-Bekri.
Il te· époque une partie de la. population de cette oasis, nous paraît d'une importance
Texte arabe revue ... et publié ... par Mc Guckin de Slane. Deuxième édition, Algèr 1911. ~
,1
11 toute particulière non seulement pour l'histoire de küra (contrée) de Wargalan, Bakri, Description de l'Afrique, trad. : Description de l'Afrique septentri·onale par El-Bekri. Traduite par
1. mais avant tout pour l'histoire médiévale des chrétiens africains d'origine latine, Mac Guckin de Slane. Édition revue et corrigée, Alger 1913.
li
:k
11,1
1( jusqu~ici très peu connue. En effet, la description en question nous fournit non Balaçluri, Liber expugnationi"s : Liber expugnationi:s auctore Imâmo Ahmed ibn Jahja ibn Djâbir al-Beldd-
,f,'
il seulement une nouvelle preuve de la survivance des 'Agam (al-Afariqa) dans l'Afrique sori ... ed. M. J. de Goeje, Lugdunum Batavorum 1886.
Barth, Reisen : H. Barth, Reisen und~Entdeckungen i·n Nord-und Central-Afrika in den Jahren 1849
\!"' du Nord après la conquête arabe de ce pays, mais elle témoigne de ce que les sièges
j/" ij de ce peuple dépassaient beaucoup les limites méridionales de l'Empire romain,
bù 1855, t. I-V, Gotha 1857-1858.
Ben Cheneb, al-•Aiyàshi: Mohammed B.en Chen~b, al-"Aiyàshi, Ènzyklopaedie des Islâm, t. I, pp. -231-
en s'avançant profondément vers le coeur du Sahara algérien, le long d'une grande 232. \
route commerciale qui conduisait vers les pays aurifères du Soudan occidental. Brunschvig, La Berbérie Orientale : R. Bruns ch v i g, La Berbérie Orientale sous les lj.af#des, des
r
\
origi·nes à la Jin du XV siècle, t, I-II, Paris 1940-1947.
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1
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l Compendi'um libri Kitdb al-Boldân auctore Ibn al-Faqih al-Hamadhâni, Lugduni Batavorum 1885. , k;,,,nde in Leiden beschrieben und mit ausführUchen Prolegomena zur' GesChichte der Handelswege und
! ••• ·.: !, ~bn lj:aldün, Histoire des Berbères, texte : Histoire des Berbères . , . par Ibn Khaldoun. Texte arabe, t. 1-II, Viilkerbewegungen i'n Nordafrika, Leiden 1913.
i 1,1 publ~é par de Slane, Alger 1847-1851. Masqueray, Chronique d'Abou Zakaria ; Chronz'que d'Abou Zakaria publiée pour la première fois, traduite
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Editée et traduite par M. Vonderheyden, Alger-Paris 1'927. narodov Afrz"ki yuZnee Sakhary. Arabskie istoCnz'ki X-XII vekov, publié et traduit par V. V. Matveev
Ibn I:Iau~al, Qpus geographz"cu'l!l : Opus geographicu_m auctore Ibn lfau/J,al, ed. J.H. Kramers, t. 1..:n, et L. E. Kubbel', Moscou-Leningrad 1965.
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do skladania w kwietniu 1975 r. Pod-
pisano do druku w matcu 1976 r.
Druk ukoii.czono w marcu 1976 r.
Zam. 580/75 J-122 Cena zl 26.-

DRUKARNIA
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