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son mémoire
ou sa thèse
I'Rb.SSES DE L"UNIVI::RSITÉ DU QUÉBEC
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A~c la coUabŒatloo de
Maxime Grenier-labrecque
2010
lntiriew
Mtse en pages: I'RESSI:S oc L"lJ~~:Ivi:R'irrl': nu Qt (_m:r
Cou1·e rrwe
Co occption : R K"I tARO H OOG'IDS
j .-F. P.
TABLE DES MATIÈRES
lntrodud ion ..
Convaincre ....
Persuader ..
CHAPIT RE !
L.1 strudure arg umentative ..... 13
C HAPITRE li
Argume ntaire el raisonnement .. 33
2.\.lesraisonnements .. . 37
2.2. les critères de validité formels d'un raisonnement .... 46
~:~: ~ s~~~~~~~~~~~~~~î~i~~·::···
5 50
53
CHAPITRE Ill
Preuve, argu ments el thèse..... . 59
3. 1. Faits et données ........ ......... 60
3.1. 1. Faits, données et arguments. .. 63
3.2. Compr(>ndre $a Thl.'se .... 71
3.2. 1. l'hypothèse .. 71
3.3. la démonstration de la proposition de recherche .... 79
_
x _ __ A.wmwntrr wtl mimoirrou Ja thN
(HAPifltEIV
fcrire pour convaincre: la rhétorique de l'écriture .. 85
4.1. les types de pl'euvc ...................... 90
4.2. les procédés rhélortqUC5 •.........•..•.•. 93
4.2.1. la prolepse ............................................... 93
4.3. les procécU51ittéraires. 97
4.4. le plan ............................. lOO
4.5. l'écrilurc. 103
4.6. forme •... 107
Bibliographie 11 7
INTRODUCTION 1
La vérité e1t toojoon inférée d'autrei choleS.
G.Oeleuze
Convaincre
S'il est fréquent d'argumente r, lors de discussions avec des amis ou des
parents par exemple, dans tous les cas, cela implique un raison nement.
Par raisonnement, on entend un certain enchaînement logique des
jugements - arguments - pour en a rriver à un énoncé vrai ou vrai-
semblable. Le mot clef de cette dé finition est •logique .. ; les enchaî-
nements ne son t pas faits n'importe comment ou de n'importe quelle
façon. Contrairement à une discussion entre amis où les arguments de
chacun sont souvent énoncés sans ordre, en reche rche, les a rguments
suivent des règles formelles qui établissen t une hiérarchisation ent re les
énoncés et les liens de nécessité qui les unissent dans le raisonnement.
Les jugements doivent être organisés d 'une façon telle - d'une propo-
sition a dmise je peux e n dédui re une autre qui soit nécessaire - que les
conclusions que je vais en tirer aient une certaine va leur, une valeur
indépendan te des opi nions de chacun. En suivant l'enchaînemen t des
jugements, le lecteur devrait pouvoir accepter la ou les conclusions qui
en son t déduites. Un bon raisonnement devrait rallier une majorité
de personnes à ma conclusion. Une telle démarch e donne en prindpe
un pouvoir de convaincre à l'argumentaire. Nous reviendrons sur ce
pouvoir qu'on oppose souvent à celui de persuader.
5. Bertrand Ruffon. Lll pruole prTSIIHÎI'f', l'a ris, l)resses universitaires de France, 2002,
p. 14. ~Vérité• et ~ uaiwmblable• nt' sont passynon)mes. Nous utilirrons • vrai·
semblable• parce qu'il est d e plus de plus difficile d'admettu• qu' une recherche
scientifique aboutisse à la \'érité o u mêm el des vérltk.
Introduction
_ _ __3
On aurait beau proclamer que notre Thèse est p rouvée par des
observations empiriques, cela sera it insuffisant pou r convaincre de
la certitude ou de la vraisemblance de notre hypothèse ou de notre
proposition de recherche. C'est l' illusion que laissent croire, mais de
moins en moins, les te nants d'une conception très stricte et n'!ductrice
de l'activité scientifique. la vérifica tion empirique n'est ni suffisante
pour étayer une Thèse ni pour convaincre de son bien-fondé. C'est
procéder en éta lant su r une table des fruits, de la farine, du sucre, des
œufs, etc., et prétendre que voilà une tarte aux b leuets. les données
ne représentent qu'une partie de 1'argumentation d'une hypothèse ou
d'une proposition de recherche'. leur présentation ne garantit ni ne
prouve rien. Encore faut-il analyser les données; elles n'o n t pas en soi
de signification. Ce ne sont pas des faits qui, à eux seuls, peuvent servir
6. C'est ce que tout auteur souhaite mais qui n'arrive JlM toujours malheureusement.
1. La diJiinction entre l'hypothèsl> el la proposition de rechen::he sera faite au pœm ier
chapitre.
4
_ _ __ Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
Persuader
Toute recherche, et le mémoire de maîtrise a insi que la U1èse de docto-
rat n'y font pas exception, suppose La d iffusion de nos résultats. Cette
transmission des résultats vise notamment à persuader les gens qui
vont les lire. Cet aspect de la recherche ne doit pas être banalisé, il est
bea ucoup plus important qu'on n e le croît générale ment.
malins dans leur rhétorique. Certaines de ces idéologies ont une préten-
tion à la vérité, celle-ci étant alors définie par son utilité SOCiale. Est vrai
ce qui est uti le polit iquement, c'est-à-dire ce qui penn ct la libération ou
l'émandpation. Elles forcent l'adhésion. Il n'y a pas à le déplorer: Il est
toujours possible et facile de trouver un expert pour contred ire un autre
expert 10• Ç.a ne prouve ri en sur la valeur ou le rô le de la science ou de la
recherche. Tout au plus pouvons-nous noter une d ifficulté de p lus qu'il
y a à surmonter. Convaincre et persuader ne sont donc pas chose facile.
En recherche, argumenter est une étape importante; persuader en est
une autre dom on fa il en ~néral peu de cas. la rhétorique a aujou rd' hui
mauvaise presse en science: on a souvent l'impression qu'elle sert, au
mème tit re qu'une publicité, que cert aines doct rines polit iques, que des
idéologies, aux tenants de la propagande qui en font un large usage JX>Uf
manipuler, tromper et abuser les gen s. Dommage, car elle représente une
dimension aussi importante de l'argumentation et, utilisée à bon escient,
elle peut être un outil efficace dans un mémoire de maîtrise ou un e thèse
de doctorat. Nouo; voulons dans cet ouvrage montrer l'importance de
bien argumenter sans n égliger celle de persuader.
12. Pour une brève présentation de l' hhtoire de la rhétorique, voir Michel Meyer, ()If~·
fiiJfiS dt" rllhoriqllf'. l <UISifjl', m iro11 1'1 sA/riCfiiJfU, r•.uîs, Librairie g é n é rale fran çaise,
\993.
Introduction
En ce sens, son rô le est capital et il l'est d'au tant p lus pou r le can-
didat à la maîtrise ou au doctorat qui doit commu ni quer ses recherches.
On conçoit qu'îl v ise à faire comprendre la Thèse q u'il a défendue,
à expliquer son hypothèse. Autrement dit, il veut partager dans une
rencontre, le mémoire de maîtrise ou la thèse de doctorat, ses idées sur
u n problème. Il les défe nd pa rce qu'i l est persuadé qu'elles penn ette nt
de mieux expliquer ou comprendre le monde dans lequel nous vivons,
l'argument defmitif mntre lequel la raison trouve sa propre limite. C'est possible
seulemenl au prix d'une remise en caux- radicak- du mrionalîsme ou en supposant
un S)'lillme de rfférence idt.'>t-1 qui ne pru1 à sou rour Sl.lbir l'épreuw d u doure.
18. Michel Meyer, op. cit., p. 22·2.1.
19 . Marc ,\ngenol, op. d t.
Introduction _ _ _1_1
sans en être complètement certain tant que d'au tres n'ont pas partagé
ou examiné avec soin son hypothèse ou sa propositio n de recherche
et les arguments sur lesquels ils se fondent. Son importance justifie
amplement l'effort à mettre pou r persuader, l'application à séduire.
torique. Il est vrai que c'est assez inhabituel tant les deux ront usuel-
lement séparés. Nous croyons que la rhétorique peut avoir une utilité
si, comme o n le croit, elle est autre chose qu'un outil de manipulation
et de propagande. L'éristique, à partir du moment où l'argumentat ion
confronte un proposant à un opposant, a certainement un rôle à jouer.
Nous espérons l'exposer. La rhétorique, nous croyons l'avoir exprimé,
est un outil e fficace qui, complémentaire à l'argumentation, a idera à
écrire et à défendre plus efficacement sa Thèse.
Ce livre a cette partlrularité d'expose r de manière quelquefois
a ssez abstraite des considérations théoriques sur argument et raisonne-
ment, h ypothèse et proposition de recherche, explication et compré-
hension. Sachant que cela peut rendre la lecture du texte à l'occas ion
ardue, nous avons tou tefoi<> cru ces comidératiom néces<;aire5. Il n'y
a pas de choix mé thodologiques qui ne reposent sur des fondements
phllosoph icothéoriques. Cela permet de comprendre les choix que l'on
est néœssairement amené à faire.
D
LA STRUCTURE ARGUMENTATIVE
On ne retrowe dom /'obiet que ce qu'on y o introduit.
E.Kant
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Lastmctrn ar~11111ft!tllliw _ _ _1_7
6 Voir pour la démardle de nxhen:he L..awre n œ Oiivier et al., L't'l11lnmrtirm il'rme pro-
blllma tiqrll" dt- œdœrrlœ: sorrrrfl, or~ fils mitluxles , Paris, L'liann<Jtlan, 2005.
1. Nous disons idialt'mmt car il arrive qu'il y ait pl"U ou pas de littérature xientifique
portant sur notre sujet. On travaille ra a wc la littéra ture existante; cela n e sera
pas sans co nséquence sur Ll formulatio n de no ue Thèse. Voir sur cette qut'5tion
Lawrence O livier rf al., op. ât.
8. José Ha\'ct, Lrs hrrrks rh1 11iwloppt'tller• illtl'mationalmr C.auulu, Montréal l'~ de
I 'Unive~ité de Montréal, 198S, p. 34.
Lastmctrnar~11111ft!tllliw
9. Le terme n:1.-lu thfodqm• l'$t as.!oez muel, on ne.!oera pas ~urpris d'ent~dœ parler de
cadre d'analyse, de thOOrie, etc. Cl'$terrm-s sont en b~néral synOI1)11H~S. Un Oli\-Tagl!
sur la théorie e t le udre théorique en sci~ces sociales est~ cours de pn"paralion
On y trouvera un e.'l:posécomplet de cette étape très imponante de la dé marche dt>
recherche avec ses limites et ses tra,·e B.
10. Cette définition du cadre théorique est trop courte pou ravoir une valeur opération·
neill>. Nous n·a,·ons pas voulu présenter une définition étem.lue de la théodt.' car ce
n'est pas J'objet de cet ouvrage et suri OUt une prbe.ntation plus .!oerrét.'exigerait de
longsdévl.'loppements qui ne peuvent amil place Ici.
_
2 0_ _ _ Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
Bien qu'e lle ne soit pas un argument en soi, la Thèse est le point
de départ de toute la structure argumentative. L'argu mentation est pré-
cisément la justification a ttendue de l'assertion, un engagement sur la
vraisemblance ou la crédjbilité de la proposition. Le but de l'argumen-
tation d'un mémoire de maîtrise ou d'une thèse de doctorat repose sur
cet engagement, c'est-à-d ire sur deux choses: 1) Il existe des jugements
qui permettent de souten ir e t de défend re la Thèse. Ces jugements,
le proposant les constru it et les formule. Insistons sur le fait que le
proposant doit const ruire ses arguments. Ils ne sont que t rès ra rement
donnés. 2) Il est possible d'organ iser - h iérarchiquement - selon des
règles de pensée rigoureuse l'ense mble de ces jugements en une p reuve.
Pour être plus précis, il faudrait plutôt dire que le proposant lloît orga-
niser h iérarchiquement ses arguments pour en fai re une preuve. Nous
verrons comment dans u n chapitre ultérieur.
I l. !.'e xpression pserulo-sdrmismt utiüsée ici remuie- â un type de jugement flou, diffi.
cik.-â cerner car k.-scritères qui détem1incnt ce qui est scientifique ou non sont fon
variables. délicats â é tablir dam k.- domaine des sciences sociales dont les théories
sont peu formali~. Parler du • réalisme • comme d 'une théorie relè\'t' de l'usage
abusif du terme théorie. On pourrait en dire autant du fftninisme, du marxisme ou
d u libUalisme, qui ne sont au mieux que des doctrines militantes.
Lastmctrn ar~11111ft!tllliw _ _ _2_1
Une fois ces pri ncipes m is en œuvre, nous avons posé les bases sur
lesqu elles d'une part, l'étude peut s 'appuyer et se déployer, et d'autre
part, ces points de repère bien étab lis e t élaborés, nous sommes en
mesure de fonnuler l' hypothèse ou la proposition de recherche. Celle.d
répond à l'aide d'une proposition à la problématique e t, plus exacte.
ment, à une question spécifique de rec herche.
12. Voir Mariana Tutesru, lntrod!•ctim1 à l'frr•Ü 1/rt dism rn, Bucarest, Univer.sitatea din
Bu curestî, 2003 .
Lastmctrnar~11111ft!tllliw _ _ _2_3
plans; c'est u ne prise de position sans que l'o n sache encore très bien
quel{s) aspect(s) de la réalité elle met en relation; e lle ne permet pas
de mener concrèteme nt la recherche. La prise de posi tion - g lobale
ou générale - exige, on le comprend m ieux maintenant, qu'elle soit
opérationnalisée en une ou plusieurs hypothèses ou propositions de
recherche. Par exemple, j'énonce la Thèse suivan te: Dans la société
québécoise, la langue est une variab le importan te dans le comporte-
ment électoral des Québécois. La p roposition est générale; trop pour
qu'on puisse à ce moment-ci construire une démarche de vérification
pertinente et propre à l'explication de la Thèse. La Thèse devra être
opérationnalisée en une hypothèse plus prédse
Comme nous l'avons dit p récédemment, l' hypothèse est plus pré-
dse et davantage collée à son objet que ne peut l'être la Thèse. Marie-
Fabienne Fortin l'exprime fort justement: l'hypoth èse est l'« [é]noncé
for mel qui prédit la ou les rela tions attendues entre deux ou plusieu rs
variables. C'est une répo nse plausible au problème de rec: herchell. ,.
Dans le même sens, Gordon Mace explique œ qui suit :
l'hypothèse peut être envisagée comme une réponse anticipét que le cher·
cheurformule à sa question spécifique de recherc::he. Tremblay, Mannheim et
Rich la décrivent comme un énoncé déclaratif précisant une œlation anticipée
et plausible entre de!. phénomènes ol:m!rvés ou imaginé!.,..
peut être conçue comme une cause, une explication, une variatio n,
une influence, etc. 2) Une variable dépetUlante. Elle est la conséquence
de la variable indépendante (elle dépend; elle est en réaction à l'action
de la variable indépe ndante), est celle que J'on cherche à expliquer.
L'hypothèse doit p résenter cette relation dans sa fo nnulatîo n et elle doit
offr ir une explication, permettre d'établir que la cause opéran te est effi-
ciente ou finale. Par exemple, dans: L'action économique du gouverne-
ment des ~tat s-Unis, plus précisément sa nouvelle politique sur le bOis
d'œuvre, entraîne une décroissa nce de la production des compagnies
québécoises de bois d'œuvre. On retiendra la variable illllépel/(/ante:
la politique du gouvernement des Ëta ts- Unis sur le bois d'œuvre; la
variabletléperultmte: l'exportation des compagn ies québéco ises de bois
d'œuvre; et le marqueurtll' relation: entraîne.
fluen ce: les médias (variable indépen dante} influe ncent l'opinion poli-
tique (va riable dépendante) des électeurs. On voit bien l'importance du
ma rqueur de relation et l'i nciden ce qu'il peut avoir sur l'argume ntaire.
On n e c herche pas non p lus à savoir com ment les médias possèdent
cette influence. C'est là une autre question qu i n 'est pas sans intérêt.
Le marqueur de relat ion dé fin it la démarche à suivre. On n 'argu-
mente pas de la même façon une relat ion de cause à e ffet et une relation
d'influence. Sans une défittitiotl claire du marqueur de relation, il est très
diffldle d'échafauder un argumenta ire rigoureux. Dire qu'une chose
en e ntraîne une autre ne suffit pas; en core faut-il préciser laquelle e t
comment. Une fois connus ces élé ments, on a une idée plus précise de
la manière dont il faut argumenter. Repre nons notre exemple. On sait
qu'il fixe une périOOe; celle où les mesures économiques de ~tat s-Unis
sont entrées en vigueur et le moment où elles ont eu l'inc idence que
l'on veut mesurer. Il faudrait ensuite mesurer quantitativement s' il y a
eu décroissance de la production du bois d'œuvre. Puis, il nécessitera
de montrer que les deux sont associées. Enfin, il faudra démontrer que
cette décroissance n'est pas seulement la conséquence d'un ralentisse-
ment saison nier e t d'une industrie en perte de vitesse. Une telle défini-
tion est à chercher dans des cadres d'analyse ou à bâtir soig neusemen t.
exportations vers la baisse): une diminution qui ne soit pas liée à une
conjoncture h abituelle. L'argument aire devra m ontrer Je lien entre l a
politique économique des ttats-Unis et la l>o.1lsse des exportations.
vi~ pas à rappo rter un phé nomène à sa cause. Bien au cont raire, elle
cherche à répondre à la question: Pourquoi la s ig nification - proposi-
tio ll tle rec'llercllt' - que vous pro posez de tel ou te l phénomèn e est-elle
plus crédible qu'une autre? Compre11t1re, comme mot d'act ion, veut
dire '" cherch er les significations immanen tes qui rendent intellîg ible Je
phénomène - ac tion, évén e ment, comportement, etc.- h umain "· Par
signification immane nte, nous voulons dire cell e qu i appartient aux
phénomènes eux-mêmes, qui n e se rapporte qu'à soL Nous som mes
dans une logiq ue de preuve plutôt que de vérification.
est visée par la conscie nce n'existe que par l'action de celle-ci. Sans la
conscience, elle n'existe pas à proprement dit. Il ne s'agit pas de n ier
l'existence object ive du monde, mais d'affirme r que c'est l'attribu t le
plus pauv re de la chose. Sans l'existence de la chose pou r moi, sans
la visée de ma conscience, celle-ci ne peut acquéri r un niveau d'exis-
tence plus subt il, plus complexe. flle reste une chose pou r elle-même,
inconnaissable.
20. Il e xbte très peu de ~henhe, nom n 'en avoru pour notre part jamai~ rem;:ontré
en sciences sociales, qui utilise Je nit~re de b falsification de Karl Poppet Il y a à
((']a ph.uieur$ raisons parmi l~uelles il faut m entionner l'usage assez limité de
l'hypothèse. I.e$ étude$ qui proposent de$ h}pothbes, pr~ue essentieUement d e
nallllt' quantitative, sont très heureuses de nous m ontrt'r qu't>lk.-s JON fondées par
les données e t le$lt'Sls stati~tiques. Leschen;:heurs ne s'évenuentque t~ rarement
li en teswr b fauswté. t:ncolt' faudrait·îl savoir ce que cela veut dilt' opérationnel·
len1ent parlant; comment arrh"e-1-on, par qwlle demarche demontre-t-on qu' une
hypothèse est fau~s.e.la référenœà la théorie de b falsillcation de Popper 5e résume
le plus souvent soit li fairt sanmt soit ii faire croire que b recherche fait appel, à ton.
à un nouveau paradigme.
21. t.e lenne démomtmtion est pris ici dans son sens usuel et non épistémologique.
_3 0_ __ Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
Nous avons dit peu de choses sur l'opposant même s'il représente
un élément structurel très impo rtant de l'argumentaire. La raison est
simple: son rôle sera abordé au chapitre 4. Pour éviter des répétitions
inutiles, nous n'avons fait ici que mention ner son existence.
m
CHAP ITRE
ARGUMENTAIRE ET RAISONNEMENT
La science o partie liêe avec ce qu'on lui ckmonde de imlifier.
Piefre Botxdieu
Cet a rgumentaire à p ropos de la scien tifidté des scien ces socia les
est divisé en plusieurs raisonnements. Nous en avons identifié quatre.
Le premie r se résume aux prémisses 1, 2, 3 e t 42 • Le second raisonne-
ment recoupe le5 propositiom Set 6. Le t rois ième e5t composé des
propositions 7, 8 et 9. Enfin, le dernier n 'est com titué q ue des deux
prém isses JO et I l. Il importe d'avoi r b ien ide ntifié la Con clusio n,
proposition qu'on cherche à justifie[. Ici la propositio n <n qu i affinne
que les scien ces sociales ne sont pas véritable ment des sciences est la
Thèse défendue. Ce n'est pas une hypot hèse au sens où nous l'avons
définie a u c hapitre l. Elle s'apparente ici davan tage à la propo5 itio n
de recherche. On peut 5chémati5er cet argumentaire de la manière
suivante:
2. I.e tcnne prfmiŒ.' utUi~ ici at œlui des logicil'ns; nous allons le co nserver pour
p.:~rler ~ r.aisonnem ents. Cependant, le raisonnement at composé d'arguments
(prémisst"l). Le chapitre 3 traite des arguments.
Argtmwmaiœ et misiHmemt'ttt _ _ _3_
5
2~ RAISONI'\'EM 1'!\rJ'
(10) Enfin, les sdences sociales sont incapables de faire des pré-
dictions valables.
(I l) Une bonne théorie scientifique doit ê tre en mesure de prédire
des phénomènes, ce que ne peuvent accomplir les sciences
sociales.
À l'aide de cet exemple, on peut déjà établir certains prindpes
qui nous aideront à bien comprendre la démarch e. La Thèse ou la
Conclusion est toujours, comme nous l'avons dît, une proposition que
le proposant justifie ou cherche à justifier. C'est là u ne bonne façon de
l'identifier en posant simplement la question: quel éno ncé cherche-t-il
à justifier? La Thèse par son caractère conjecture! exige u n argumentaire
composé de raisonnements, eux-mêmes bâtis d 'une suite d 'arguments.
On n'a pas à ce moment-ci à évaluer la pertinence ou la valeur des
argumen ts.
Dans un syllogisme, on appelle prémisse chaque argument qui
forme un raisonnement et qui soutient la Conclusion (Thèse). Il n'y
a pas de limite théorique au nombre d'arguments, mais en généra l
_3 6_ _ _ Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
3. Ct- princip·e wur qu'on plfs.ente les meiUeuJS ar gu menu au d~but. On verra plus
loin que ln choses sonr plus compliquées.
<1. Manin Monlminy souligne qu'un raîsonnemenl inductif f!:SI inadéquat si les pré·
misses induisenr une co nclusion à 50% ou moins. Voir Manin Montminy, Rai·
~mmnlli'llf t•t pemh critiqur. llltro.luctitJtl ,; la logiqflt" in{ omN'IIe, ~iontréal , Pre:->ses de
I 'Unive~ité de Montréal, 2009, p. 61.
Argtmwmaiœ et misiHmemt'ttt _ _ _3_7
S. Qu'on Sol' rappeUI.' ce qUI.' nous avons dît à propos du marqlll.'ur de tl.'btîon au cha·
pitre pri"Cédcnt.
6. C'est une très vaste question qlK' celle des}I(St'lllt'rtfs 1k vffiti. Pour un logicien. un
syllogisme ronstruît.st!kln les règles de b logique doit aboutir à un it(SI.'Int'llflll> 1-iriti.
~gld!~ t~~~!e~n~~st'!~~::;tr~f!~iit~u~':!!~~'!~~n~;!~!~~~~;~~;e~~
~t aU»î sémantique. Dl' pha, il importe $Ut la base de œtte distinction de noter la
diffél"'.'nce entrel~ propositiom fmmt>lko et empirique. Le propositions l'mpiriques
n'ont pas le nlilml.' critè l"'.' de vé rité t1ue le$ propositions théoriques. On le \'Oit la
v&ité~t unedlOSI:' rompll'xl.'quî appartîmtau jugema1t. Comml'flt alon préta1dre
à la vérité 7 Répondre à cette qu~tîon suppo.st! que wît précisé un t'nsemble de
conditions - sur 1~ én011ck, le S)'!>lème. etc. qui détl'!"mînentle rype dt- \~rtt é qUI.'
l 'o n \'a énonœr.
7. I.e maïeur dfsîgne en logique catégorique la proposition qui affirme ou nie et en
logiqlK' hypothétique.la prémisse qui c011tîent la condition. Le ntaitMcomporte
soit leSJjl't soit Il' prédîat.le miii<'IIT, c't>Stle terme qui est Il.' sujt'l de la conclusion.
Enfin le 1110''1.'11 lt'mtt' dl-signe celui qui est dans chacune des p!Tmisses. Il est l'ax e
autour duquel .s'établît Il' raisonm.>ment.
_3 8_ _ _ Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
13. jean-François Payene, llllnKiriCtion critiqr1r m1x œ/alio11S i1rlemalioualrs r/11 Q11éb«",
Québe-c, r>resses de l'Université du Q..rébc<:, 2009, p. 3 1.
Argtmwmaiœ et misiHmemt'ttt _ __ 4_1
La valid ité formelle de l' induction rep ose essen tiellemen t sur le
nombre d 'observations et leur pertinence. Il doit y avoir un lien entre
les faits obseiVés et la Conclusion. Ces faits doivent être assez nombreux
17. En théorie, la remarque est ju~e. mais en fait la théorie de la ptobabililé permet de
rdever ledffi de la généralis.atîon en dl>tennînant les conditions de la génér.llîs.atîon
et le risque d'erreur e n faisant cene généralis.atîon. La question n'est donc pas aussi
algue qu'elle ne paraît.
Argtmwmaiœ et misiHmemt'ttt _ _ _4_3
(C) L'avortement est une décision volontaire d'enlever la vie à un être humain.
(D) Or l'avortement est un meurtre.
18 L'h•idt-IKf'~lloin d 'être une notion facile. Le terme d ésigne ce qui peul être vu
imm(>(liale menl, ce qui se donne à la per-ception sensible. Ce n 'esllà qu'une partie
de la d éfinition de l 'fd(lmcr car 1~ données de la ronsclenœ immédiate JOJU trop
fragiles pour permetlre un rai5onnemenl un lanl soil peu rigoureux. Il exiSie une
h•ilmcr rationnelle vou! am dire par ce temlt': ·Une propositim P de b fonne F (x, y.
l .. •) t'li une h·.Ur1.-r pow un locuteur Lsi la connaissance de la liférenœ des termes
sin!,'lllie~ x, y, z... de Pet du sens de F suffit à L pour d éterminer la lifl\renœ, i.e.
la valeur de vérité der~ (j.-G. Dumoncel, • Êvidt-nce~. dam Sylvain ,\uroux (dir.),
0(1. cir., p. 908). À défaut de pouvoir utllî.ser l'évidrncr rationnelle, li ne faudrait pas
croire que II.'S h •idr11cN de l'un le sont pour les autre:s. Le droit des femmes à l'avor·
tement n'étant pas une iv~f~Kr ratîonneUe, on peut comprendre qu' il ne soit pas
partagé ct qu'on puisse juger l' avonement criminel.
Argtmwmaiœ et misiHmemt'ttt _ _ _4_5
L'analyse systémique
(code) (code)
~metteur -- Message - - Récepteur
L _ Rétroaction .__j
(code) [code)
Un mot en term inant sur l'abduction qui, telle la p rose, est prati-
quée sa ns qu'on le sache tou ;ours. C'est ce qu'on pou rrait croire tan t
elle ressemble à l' induction. La différence est pourtant significative:
l'induction consiste à partir d'observations à généra liser le phéno-
mène, alors que l'abduction ne généra lise pas l'ob<;ervation; elle infère
une chose complètement différente qui n'aurait pu être perçu à partir
des observations. L'abduction a une va leur h euristique. Prenons un
exemple donnée par Charles Sanders Pierce, à qui on attribue l'intérêt
actuel pour ce mode singu lier de raisonner: Il y a sur une table un
paquet de haricots blancs et à côté de celui-ci un nombre indéterminé
de haricots. Devant ce constat, je fais l'ob<;ervation suivante: le paquet
contient des haricots et ceux-d sont blancs. L'abduction consiste à d ire
ceci: si tous les haricots de ce paquet sont blancs et si les haricots sur la
4
_ 6_ __ Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
table viennent du paquet alors les haricots sur la tableront bla ncs19. On
a ici un syllogisme dont la majeure est certaine, mais dont la conclu-
sio n, la mineu re, reste probable. La force d'induct io n de l'hypothèse
qui doit être formulée pour que de conjecturale elle devienne certaine
détermine la valeur de J'abduction. le raisonnement consiste donc à
expliquer une chose à partir d'une autre; expli que r Y, les haricots sur
la table, par X, les haricots blancs dans le sac. L'h ypoU1èse est celle-ci:
si les haricots sur la table viennent du sac alors ils sont b lancs.
21. Nous reprenons l'exemple donné par Victor Thib.:ludeau, op. cît., p. 144.
4
_ 8_ _ _ Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
22. Cette pwposition n'est valide qu'en logique. Dam la vie de tous les jours, eUe est
plus souumt qu'.:~utrement fausse. Le champion du 400 mètres n 'est pas champion
du IOOmi>tn.-s.
23. Il ser.:~it trup long d 'expliquer pourquoi. C'est une question de philœ.ophie du l.:~n
flgt'- Ceb dit, il.:~rriveque les logil."iens considèrent .:~ussi des propositions comme
evidentes. ç'est-.1-dire qu'ils ne jugent pas n&:ess.:~ire de 1.:~ justifier ou de l'expliquer.
_5 0_ _ _ Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
24. Unl' fois de plus, l'ou\Tagede Vic1or Thibaudeau, op. ât., p. 825 e1 suivanles, repté·
sente un outil essentiel. Nous nous en impirom latg('ment. Voir aussi l'exceUenl
ouvrage de Martin Monlminy, op. cit.
Argtmwmaiœ et misiHmemt'ttt _ __ 5_
1
appuyé par des prémisses: (3) se fonde sur (1) et (2), alors que (6) a pour
prémisses (4) et (5). Ü1l peut schématiser le tout de la façon suivante:
(1)+(2) (4)+(5)
T (3)
T (6)
~/
(Q
~~;:;~:~~~~~,e~,.,a;.:;~!~~~~~:~~~~~~~é~·~r~~t~~~~~~nR;=·!!ru ~~~;:
25
.
gique, 1994. Cet ouvrage est trè<i pédagogique, facile il lire et il comprendre sans
compromis sur la rigueur.
_5 2_ _ _ Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
L'objection s'attaque à une pré m isse. Dans cet exe mple, sachant
que les prinCipes d'une civilisation sont très difficiles à id entifier, o n
peut objecter à cette Thèse les qu estions suivantes: quels sont les prin-
cipes de la civilisation qui sont attaqués et surtou t qui déterm ine qu' ils
sont menacés? l'o bjection n e met pas en cause la Conclusion générale,
du moins pas directeme nt, elle s'attaque aux prém isses qui sou tie nne nt
le raisonnement . Dans ce cas, en a ttaquant l'une des p rémisses on met
en cause ce qui soutient la Conclusion (Th èse).
\~ (C)
On est plus souvent face à ce type d'a rgumentaire que devant des
syllogismes à trois termes. Cela dit, il est bon de bien connaître les syl-
logismes et la façon de les construire rigoureusement. Il ne faut jamais
oublier qu'en fin de compte un argumentaire consiste à faire admettre
rationnellement une Thèse (Conclusion) à l'aidede prémisses. Une fois
maîtrisées les règles, il est possible de deven ir son propre critique de
son argum en taire et de ses raisonnements.
des hats souverains. (15) Tout pays souverain a une structufl! institutionnelle
politique bien établie. (16) Le Québe<- s'est doté d'une structure institution-
nelle politique, I'Ass.emblée nationale, où des décisions officielles et fondées
sont prises pour l'ens.errblede son territoire. (17) Pour articuler cette structufl!
institutionnelle politique, il faut un gouvernement légitime. (18) les meml:res
de I'Ass.emblée nationale sont élus démocratiquement et œprésentent l'ex-
pression populaire de la nation québécoise.
T
3. La J<' thématique po rte sur le sentime nt nalio nal e t regroupe les
prémisses (5), (6), (7), (8) et (9); elle comporte des réfutations
d'objections:
(5) Robj. + (6) Robj. (8) + (9)
1
(7) Condusion du raisonnement
00)10bj
T(14)
-r (18)
T
En regroupant l'ensemble de nos raisonnements ou thématiques,
on peut construire le schéma suivant:
T T T 1
'~1}/
(C)v
On a pu ainsi suivre tout l'argu mentaire en ses différents raison-
nements. Le schéma en arbre permet d'en rendre compte d'un seul
coup d 'œil. On a pu observer ce qu'il y avait dans cet argumentaire:
des affnmations, deux objections, deux ré futations des objections, des
prémisses liées, d es enchaînements plus co mplexes. !.salon s u n instant
les raisonnements sur les objections et leur réfu tation. La première
Argtmwmaiœ et misiHmemt'ttt _ __ 5_7
sous-thèse. Enfin, il n 'est pas nécessaire d'apprendre par cœur les huit
lois du raisonn ement déductif, mais plutô t de développer une certaine
a ptitude à reconn aît re les raisonnements va lides. Voyons maintenant
concrètement comment on peut argumenter son mémoire de maî-
trise ou sa thèse de doctorat. Il importe d 'abord de b ien saisir ce qui
constitue un a rgument.
un
CHAP ITRE
en~ faveur. Est-ce là JX>ur autan t une preuve? C'est en général œ qui
correspon d non seulement à l'idée commun e que l'on se fait d'un argu-
mentaire, mais elle résume aussi assez bien la pratique habituelle en ce
doma ine. Pratique qu'on peut désigner à l'aide de l'expression .. idéal
empiriste ... Il consiste à croire que les données confirment ou non
notre Thèse et que c'est là une tâche in dispensable à accomplir dans le
cadre d'une recherche s.cienlifique. Est-ce exact ? Il y a ici une confusio n
fréquente entre preuve et arguments. C'est aussi mal comprend re la
preuve et les argum ents que de les rédu ire ainsi aux données d'enquête.
En dro it, la preuve est n écessaire pour décider d'u n litige. Elle
repose su r un argumentaire qui fa it appel à des faits, des té mo i-
gnages, des théories ou même à l'expertise sd entlfique. En sc ience,
nous le savons, la preuve est aussi nécessaire IXlur accepter ou reje-
ter une hypothèse. L'expérimentation joue souvent un rôle capital.
L'expérimentat io n consiste à soumettre nos h ypothèses à des tests p la -
nifiés, organisés en vue de vérifier leur validité. Les données de l'expé-
rimentation n e sont que des éléments de la preuve.
Entre la p reuve en d roit et en science, il y a au moins deux points
communs: 1) La preuve est une exigence dans les p ratiques où l'o n
tente de lever J'in certitude sur la va leur d'un éno ncé qui est posé
d'abord comme une conjecture. 2) La preuve comma n de un argumen-
taire: celui-ci est composé de témoign ages, de faits, de t héories scien-
tifiques, d'aveux, etc. fl le fait appel à des jugements de fait, de valeur
ou de prescript ions. En droit, tout ce qui peut valider ou invalider
u ne preuve est utilisé, y compris des p rocédés rhétoriques, a lors qu'en
science, on prêtera beaucoup plus d'a tt ention aux do nnées et à l'expéri-
mentation. Le témoignage n'est pas exclu, ma is plus rare et retenu avec
circonspection. On parle de corroboration de nos do1mées par d'autres
recherches et d'appel à l'au to rité.
La preuve relève d 'une prat ique concrète, de ce qu'il faut faire pour
démontrer notre hypothèse ou n otre propositio n de recherche. Cepen-
dant, il n'y a pas de preuve sa ns un litige à dénouer ou sans évaluat ion
de la valeur d'un énon cé. On le sa it, ell e ne fait pas seulement appel
aux jugements de fait ca r elle vise aussi à convaincre. fl le convoque
aussi la rhétoriquel. Elle se construit minutieusement, rigoureusement;
chaque donnée con voquée trouve s.a place dans un argumentaire e n
fonction de sa pertinence, de sa valeu r et de son effet rhétorique. On
notera qu'il s'agit d'un ensemble plus ou moins complexe et hiérarchisé
de raisonnements fondés sur des témoignages, des faits, des donn ées o u
d'expé rime ntations organisées en vu ede dénouer un litige. La preuve,
selon la conjecture en question, doit être solide e t convainca nte. Ava nt
de traiter d 'argument, il faut parler des don nées et des faits. Ensu ite,
on verra comment on construit un fait pour argumenter- vérifier o u
réfute~ - notre hypoU1èse ou notre p roposition de recherche. En fi n, il
Ainsi, u n d üffre n 'est pas un fait, mais un e d onnée. Par exe mple,
dire • 30% des Québécois pensent que l'avortement est u n dro it acquis
pour les femmes .. est une donnée. Cette donn ée a une valeur à titre
de donnée d'enquête. Elle est un produit, mais pas encore un fait. fJie
devient un fait lorsqu'o n lui donne une signification, mais e lle ne l'est
pas s implement parce qu'elle est un résultat obtenu lors d'un sondage.
Le sondage ne transfonne pas d'emblée une donn ée en fait, m ais il a
en géné ral cet effet sur les gen s. «C'est vrai puisque le dit un sondage .. ,
6 . Il n'y a jamais delignifu:a tion objectiw puisque par définition ln faits, la v aleur
accOfdée à œnaine-s données, dépendent de l'interp~talion qu'on en donne. Il y
a dt"' tunt"' pour imposer telle ou telle interprétation. Certaine-s institutions ont
plus de poids q u e d'auiiH dans la lutte pour dominer le champ symbolique de5
interpretations
7. l..e gouwrnement de IJ Turquie mène une campagne très importante auprès entre
aUires desgouwrnemmu des pays occidentaux contu.•la reconnaissance dusltvcide
arménien. Il a menacé Je gouvernt"ment des bau-Unis d e retirer seJ baseJ militaires
de son territoire si la chambre des repr-ésentants du Congn."s étasunien donnait
une forme quelconque de reconnabsanœ à CC' • fait ~. Ya·t·il eu o u non génocide
du peuple arménien? Il est d iflidle d 'y repondre. La question n 'Hl pas ~ulement
théorique ou rhé-toriqlK' pour les Arméniens ou pour les Turcs. Pour en amir d iJCuté
avec une amie turque, on comprend vite qu'il s'agit d 'autre chose ; mais quoi au
juste1 C'est pratiq uement impossible de le savoir.
P«tnt',Uf811111mtsetthfst _ _ _6_5
Une chose n'existe que parce qu'o n lui accorde une significa t ion
ou une valeur. L'exemple qui suit devrait mieux faire comprendre l'idée
de sign ification comme modalité d e l'existence d 'une chose. Une p ierre
est un minéral, un objet sacré ou précieux (ayan t une gran de valeur
monétaire). Elle existe pour nous sous ses différentes modalités. Elle
n'est pas plus l'un que l'autre; le m in éralogiste n 'a pas plus raison que
le prélat ou le joaillier, mais l'existe n cede la p ie rre dépend de la signi-
fication que chacun lui accorde e t de sa capacité à l'impose r comme
P«tnt',Uf811111mtsetthfst _ _ _6_7
étant sa véritable réalité. Le joai llier qui affi nne que cette pie rre est un
diamant a de bonnes chances d'imposer sa signification c ar il est un
spécialiste reconnu des pierres précieuses. Elle reste un minéral pour
le minéralogiste qui se soucie assez peu, sa ns l' Ignorer comp lète ment,
de la valeur marchande du diaman t dans nos sociétés. Pour certains, Je
fait que la p ierre soit un diamant n'a aucune valeur puisque pour eux
la pierre est sacrée, la représentation de la substance divine. On voit
mieux maintenant comment une pierre devient un fait.
La contingen ce du donné re nd précaire son utilisation dans un
raisonn ement. Chacun regarde le monde à sa façon et il prétend, a vec
justesse, que son observation est aussi valable que celle des autres. Com-
ment le convaincre que cette pierre n 'est pas sacrée, qu'elle a ou n 'a pas
de valeur économique11 ? Pour le joaillier, la chose est simp le. Selon ses
critères d'expertise, la pie rre est ou n'est pas un diamant. C'est moins
simple si je parle plutôt d'une pierre sacrée. Le d onné est peu utile
en science si ce n 'est pour signale r au plan métaphysique qu'i l existe
quelque chose p lutô t que rien. Si le don né n e sert pas véritable ment,
le fait peut-il nous être u tile? N'est-il pas un donné?
Le fait se ra d éfini comme un donné élaboré en vue de s'insérer
dans u n système ou plutô t dans un langage plus o u mo ins formalisé
nous permettant d e comprendre le monde qui nous entoure. Il n 'y a
de faits que par signification, avons-nous prétendu. Il y a donc une
construction du fait. Soyons plus poin tu encore et précisons ce que
l'on entend par construction d 'un fait. Nous devons d'abord préciser
un certain nombre de choses: 1) Le fait ne re lève pas de l' intuition
immédiate. 2) Il n 'acquiert de signification que par rapport à d'autres
faits. 3) Le fait est de l'ordre de la signification; il obé it à des règles
part iculières de production , celles de l'interprétation, se lon les discou rs
dans lesquels il s'inscrit. Un fait en physique n'est pas le m ême qu'en
histoire, en sociologie ou en science politique. Il est mê me très difficile
de les transposer d'un discours à l'autre. L'attribut politique, sociologique
ou ltistorique accolé à un donné lui confère une significati on particulière
et un statut différent dans une société donnée11 • Attardons-nous a ux
deux dernières caractér istiques du fait
1 L On pourrait au moins f'SS.l}"f de lui faite a<:œpter l' idée qu'elle e;t .i b fois toutes
çe-sçh~ en mème lem~.
12 Voir sur çette que-stion Lawll'nŒ Olivier etal., &penser l'llistoiudes idirs politiqm•s :
ré{lu i011s thforiqut':5. Montréal, Département de sdençe politiq ue, Unh.·ersité du
Québeç à Momréal, çoll. • Note de redleu:he ~. 2001
_6 8_ _ _ Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
Dire qu'un fait n ' acquiert de signific ation que par rapport à
d 'autres faits est certainement la proposition la plus importante dans
l a définition d'un fait. Il importe de bien le comprendre pour pouvo ir
argumenter une thèse de doctorat ou un mémoi re de maîtrise. Un fait
est une relation avec un autre fa it. L'important, ce n'est pas tant la
co présence de deux faits, mais la relation. C'est elle qui construi t la
signification, qui donne u ne valeur, qui fait d'un donné un fait. Il y a
trois choses qu' il importe de saisir: 1) La relation est le fait. 2) la signi-
fication est dans la relation. 3) La dynam ique re lation/significati on est
ce qui lient lieu de fait. Précisons notre idée.
les choses n'est pas aussi pu issant que dans la n écessité; il n'est pas
non plus complètement dû au h asard. Il est probab le. Cela ne veut
absolument pas dire que les conclusions n'ont pas de valeu r. Il importe
de distinguer l'usage que les sciences et les sciences sociales e n font.
En science, on pose un certain nombre d'ax iomes à partir desquels on
déduit l'ensemble des conséquences logiques. Les axiomes sont des
énoncés considérés comme vraies (ou non démontrab les), sources de
toute démonstration mais n e pouvant en faire l'objet. Il n'y a pas à
les justifier, mais à dégager les conséquences logiques de ces axiomes.
On comprend que les sc iences se présenten t comme des systèmes très
cohérents, solidement articulés où la nécessité est très forte entre les
prémisses et la conclusion (fhèse). On parle alors de système formel;
ces systèmes o nt des exigences e t des lois qui leur sont propres.
I S. En fait, il f.lut apporte r les précisions sulvante:5. li> bim·{umll de la Thèse est établi
en amont lm~ de la revue de la documentation ou dl" l'état de la q uestion. 0;-lle-cl
pt'rmet d'établirqu'elle s'im.all dans lesdébab <k la disciplirr; elle appartient .i un
ç hampçognitif donné;elle est une lipome à une question de ra:hen:;:he daireme nt
présentée. La Thbe est un i" affirmation, u ni" tonjedure, q u 'il f aut justifier. Son
bim-fomll est discuté à J'aide des a~uments. Un raisonntJnent faible ou trk faible
rond uira à :10n rejet mais, en général, elll" est rare rrn:-nt refu5ke d 'emblée. Le tas
khlam, il n 'y a pasâ débanu•.Si la déman:::he h}VOthéti<:O· dé<h.IC"tÎ\leestlargement
utilisée en stlentes sociales, te n 'est pas la seule. La déman:::he inductiw est aussi
utilisée ainsi que des logiques mixtes <:omme <:hez Michel C rozier qui utiliR une
approo:he hypoth1?tito-indoctive. Gregory Bateson et l'aul feyerabend font appel à
une approche maleu tiq ue (dialogiqu e).
\ 6. Il n'ya pas, à quelque:sexœplions près. ffiO)'t'n defaire autrement.
P«tnt',Uf811111mtsetthfst _ _ _7_1
Vote
Vote Langues
19. Une relation est due au h asard t il y a a utant de chance (SO%) q ue les mar.sinopho-
nes vo tent pour le Parti jaune ou le Pan i noir et les "'énusophones votent pour le
Parti noir ou j01 une. En somme, je ne peu:>; rien prklire sur le comportem l'n t des
marsinophoneset des vénusophones.
P«tnt',Uf811111mtsetthfst _ _ _7_3
Vote Langue&
Données théoriques
L'enquête donnera rarement des résultats aussi tranchés que l' illus-
trent nos exemples. La variation serait parfaite si tous les marsinophones
votent pour le Parti jaune et tous les vé:nusophones pour le l'arti noi r ou
vice-versa. Connaissant la langue, je peux alors prédire, avec u ne proba-
bilité connue de me tromper (je peux la calculer), pour qui les mars!no-
phones ou les vé:nusopho n es voteront. Mais, e t c'est p lus fréquent, il est
possible, par exemple, que 80% des marsinophones votent pour Je l'arti
jaune et 20% pour le Parti noir, et que 75% des vénusophones votent
pour le Pa rt i noir et 25 % pour le Parti jaune.ll n 'est pas important dans
le cadre de cet ouvrage de savoir comment à l'aide d'ou tils statistiques
on parviendra à montrer l'existence ou non d'une association ent re n os
deux variables. Il faut plutôt savoir quoi faire avec les résultats obtenus.
Supposons que l'étud iant ayant fait un Chi carré b::l) et que ce dernier
soit significatif. De plus, son résultat est validé pa r des mesures associées;
est-ce à dire que cela suffit pour argumenter mon hypothèse? Qu'il y
ait association - statistique - entre Je vote et la langue représente-t-il un
argument suffisant pour étayer mon hy)X>thèse? Nous ne le croyons pas.
Vérification et argumentation doivent être distinguées. La vérification est
un processus assez complexe; elle exige une démonstration assez longue
qu i ne peut avoi r lieu ici20• Cela étant dit, on peut, malgré tout, présenter
2 1 Nous suivons dans les prochaines ligne~ Yexposé de GiUt'l·Ga~ton Granger, 11p. rit.,
p. 199-208.
22. Ce n'est ni la pbœ ni le moment pour parler du cadre th&>rique. On entend par ce
terme la théorieopérationnalîsk,concrétisk d'une manière telle qu'elle R':nd pos-
5ibles non st'Uitn~ent desobservationsS\lr le mon~. mabgrâceaux ronceptsqu'eUe
P«tnt',Uf811111mtsetthfst _ _ _7_5
utilise elle permet de fournir une eKjJiication aux phénomènes qu'elle a identifiés
comme penint'llls.. Il arrivesouwntqu 'un cherchwr fasse appel à plusieurs th4!-orîes
pour bricoler son cadre référemiel ou théoriqllt'.
2]. Voir à ce sujet Claudine Schwartz (dir.), Stutisti111U': rxphimn lln; modélisrr, simrrlrr,
Paris, Vuiben, 2006.
_7 6_ _ _ Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
Manlens Vénusiens
P•rtl noir
la force du lien par sa capadté à énoncer des prédid ions; con naissa nt
votre appartenance linguistique, je peux di re, avec une proba bilité
connue de me tromper, pour que l parti vous allez voter. Pour en arriver
là, le travail de constituer une preuve statistique est exigeant.
La preuve doit faire appel à toutes les données perti nentes, col-
li gées à l'aide d'enquête, de témoignages, de données, d'analyse de
source primaire e t secondaire, etc., qu'elle o rganise en vue de démon-
trer l'existenced'une relation entre langue et vote. Pour constituer une
preuve qu i soit pertin ente par rappo rt à l'hypothèse, les données sont
a ssociées aux variables considérées comme pertinentes. Il s'agit d'éta-
blir des relations entre les variables socioéconomiques et Je vote pour
tel ou tel parti. Une fo is établis, il faut mainte nant les expliquer, les
inclure dans un modèle gén éral qui vise à saisir les facteurs qu i incite nt
les Marsiens à voter pour le Parti jaune e t les Vénusiens à voter pour le
Parti noir ou vice-versa. La démarche se fera en de ux te mps: la langue
ct le vote. Si la langue est la variable considérée comme pertinente pour
expliquer le vote, e ncore faut-il être certain, ma lg ré les apparences,
qu'elle est importa nte pour les marsinophones et les vénusophones.
L'argumentaire l'utilisera abondam ment dans ses raisonnements, qui
se développeront a u tou r de deux axes principaux. Le prem ier consis-
tera à montrer l' im port ance de la langue ch ez les marsinophones. Le
raisonnement pourrait fa ire appel à des enquêtes qu i la montre nt dans
des con textes variés. Il po urra faire é tat de sondages qui l'affirment.
On pou rra a ussi ut ilise r des exemples qui illustrent l'importan ce de la
langue ch ez les marsinophones. Deuxièmeme nt, il s'ag it de fa ire de la
langue un fait social important et pert inent pour nos deux com munau-
tés en sachant qu'il est possible qu 'elle n'ait pas la même importance
pour chacun d'entre elle. Le cas échéan t, il faudra en tenir compte dans
l'explicatio n à donner de cette re lation. Pou rquoi est-elle importa nte
pour une communauté et moins ou même pas du tout pour l'au tre?
24. C'est la proposition de œcherche d'Adolphe lUé Kessé dans son o uvrage l." Côte
•l'lmi«mguerœ: ft .mlsde /7mposltfft {mll(llise, l•:nis, L' l-brmattan, 2005, p. 30.
_8 0_ __ Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
25. Le rer me de tloiiiÎIIIIIion t'lil fort couranr dans cenaines approches en science sociales
el polîlique. C'est une notion diflidle â opéralionnali'it'r parce qu'elle relève d'un
discoul'> sunou1 militant. Veur-on dire à la 1ui1e d 'Herben MarcuSI.' qut• c'est une
manièred'instmmenlalîser les rapports humains? [[ fa ul alors montrer les formes
concrett"l de œue instrumenulisalion.
P«tnt',Uf811111mtsetthfst _ __ 8_1
Les raisonnements font appel à des faits, des dates, des lieux, des
traités; ils utiliSent aussi des discussions très précises sur le système
houphouëtiste, la pé:riOOe de transition, les Accords de Marcoussis, etc.,
que l'auteur explique, analyse. Il cherch e avant tout à faire comprendre.
L'ensemble s'organise de la ma n ière suivante: le système houphouëtiste
gouverne le pays e t l'auteur cherche à mont rer qu'i l tire à sa fin. Il le
fait: 1) En observan t les nombreuses aises qu'il n 'arrive pas à régler.
2) En mon trant que celles-ci condu isent à un coup d'ttat m ilitaire
bien accueilli par la population. Ce dernier co nduit à la jX>Iitique de
refondation, une période de rupture po litique proposant de nouvelles
institutions polit iques pour la Côte d'Ivoire. Un tel changement n 'est
pas sans avoir une incidence négative pour la France. Incidence que
l'au teur observe: 1) Par une tentative de coup d'ttat contre le gouver-
netnent Gbagbo. 2) Par le déclenchement de la guerre • interne.. ; les
rebelles s'opposant au Président contrôlant une partie du nord du pa ys.
3) Pa r l'in tervention militaire frança ise en Côte d'Ivoire. 4) Il analyse
ensuite la manière dont la guerre est u tilisée comme mécan isme de
régulation politique de la Côte d 'Ivoire.
Avec ces deux exemples, on espère avoir mis en évidence les pre-
miers éléments du raison n ement, d'avoir montré avec quels faits il
faudra compter pour bien argumenter sa thèse. On souhaite qu'on
comprenne mieux où doivent s'établir les liens de nécessité pour argu-
menter solidement son hypothèse ou sa proposi tion de rech erch e.
Une quest ion se pose d'emblée: comb ien d'arguments faut-il avoir
pour é tab lir une preuve solide ? Il existe toujours une mu lt ipli cité e t
une di versité de faits28• La chose est enco re plus vraie si o n traite de la
soc iété ou de polit iq ue. Il y en a telleme nt q u' il serait pratiq uement
impossible de ne pas en tro uver un o u même p lusieurs qui soutie nnent
n otre h ypothèse ou notre propositio n de rech erch e. Si c'est le cas, il
faut alors se d em ander : faut-il p ren dre to us les faits? La ré ponse est
évidemment négative. Alors quels son t ceux que nous devons rete nir?
28. D.lns toute société, ile" bte des faits historidsés. des donnk-s con.sidéri't'S comme
des faits par des imtitution.sreconnues: irutitutsde rechen:he, ag~ce.s gou\t>rne-
mentales. u niversités, ml-dias, disciplines ~ientiflques, ministères, etc.
29. tl e)(j.ste une logique dt- ta pertinence; cel !t--el consiste à établir dans le cadre d'un
raisonnement de type Si A alors 8 est vrai seulement si A est connecté à 8 par
quetq ut' chose de commun et q œ ce ~ quel que chose de commun» est en mênw
temps nkessairt'. D.lns li> GIS d'une proposition de ll"Chen::he, œ point commun et
nécessaire, critère de pertinence, est plus difficile à établir.
_8 4_ __ Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
ID
ÉCRIRE POUR CONVAINCRE
La rhétorique de l'écriture
En effet, quand mon adversaire réfute mo pretNe et que œla
équNauc à réfuter mon affirmation elle-même, cpJi peut cependam
ftre étayée par d'autrn preuves - auquel cas, bien entendu, le
rapport nt lnve~ en ce qui concerne mon adven.oire - il a roison
bien qu'il ait objectivement tort. Donc, la vérité objective d'une
proposition er lo validité de celle-ci ou plan de l'opprobocion des
oppcuants et des auditeurs sont deux cho5n bien distinctes.
A. Schopenhauer
1. I.e tt'nnetlitllogitpa> vleru de dialogue qui signifie, selon sa racine grecque. tlia, •de
l'un à l'autrt' •, et logos, · discours•, d iscours t'Ill re deux intcrlocutt>urs. Ct•ttt> défl·
nition est tîrk- de Michel Blay (dit), Dic'tiommiœ tles COIHptS philosoplliqllfi, r•aris,
Larousse, Ct\'RS &litions, 12001}, p. 214.
_8 6_ _ _ Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
Nous a vons parlé p lus haut de l'opposan t. Le temps est venu d'ex-
poser son rôle dans la mesure où le proposant s'adresse à un oppo-
sant. L'opposa nt est un sujet imaginé. Voyons e n quel sens. Dans le
cadre d'une recherche à la maîtrise ou au doctorat, on peu t dire que les
membres du jury représentent un opposant concret, mais imaginé1 . Ils
représentent la communauté scientifique; ils ont la tâche de juger de
la valeur de la TI1èse e t de l'argumenta ire~. de dire si elle répond aux
exigences ct aux critères d'un travail scientiftque. L'opposant est là pour
évaluer d'abord l'argumentaire et les différents raisonnements qui le
composent. Il peut conteste r les argu ments soit parce que le lien avec
la Thèse n'est pas assez fort so it parce qu'il ne les juge pas pertinents.
Dans ce demier c as de figure, la critique est méthodologique; e lle n e
porte pas sur l'argumentatio n. Il peut aussi récuser les exemples qui les
illustrenl. Il arrive qu'il s'attaque à la T hèse elle-mê me parce qu'elle est
mal formulée ou qu'elle n'est pas une réponse pe rti nente à la q uestio n
spécifique de rech erche. Elle peu t être trop vague; ell e peut être n or-
mative ou prescriptive, c'est-â-dired iffidle à démontrer ct à argumen-
2. MicheiMe yer,op.dt.
3. Au moment de la rédaction, on ne connaît pas encor!:! la romposltion <k.> notre lury
mème.si on peut en avoir l'idœ. On .1.1it pourt.lnt qu'on devra li!' wumt'tlre à une
évaluation par un jury de pain. Son absenœ/présenœ Jl'lane toujOurs .sur le candidat.
4 Il arriw malheureusemem tropwuwnt que les ml-moires d e m.1îtrise et tes thke.s
de doctorat !iOient jugk ~ur d'.1utres critl>res; il y .1 ~effet de nombrt'U~ évatua-
tionJ de nature idéologique, politique ou personnelle. Lorsqu'il y a une défen~.
une wutenancede thke, l'impétunt peut SI;' défendre et r.1ppeler qu'il.1 à être jugé
.sur ce qu'il a écrit, ~ur sa démarche et lx-mKoup moins .sur le contenu. fuwquoi le
contenu a·t·il ur..- importance moindrt' dun.sl'{"\\aluation? L'explication est Jimple.
Le contenu relè\.'l' d u cadre théorique, de sa capacité à donner une .significarion à
tel ou tel phénomène.lntervenir .sur le romenu, c'est souvem refuser le cadre théo-
riqu e de départ. On ne peut jam.lis fl'fu._>;e-r lecadre, leschoix théoriques, à moimde
pouvoir montrer ou son incohérence, .'l.l faiblesse ou sa non-p«tinenœ dans l'étude
d 'un objet. Dilns k-usrontralre, on aura .1pprb que la r«:hen:he .'iCientifique n 'a pas
d'.1utres rlglesquecelle.s des lnd i\idu.squi composent la communauté-scientifiqu e.
tcriœpotl com•ail~rr _ __ 8_7
ter. Il n'est pas seulement celui qui évalue, commente ou critique une
rech erche. L'opposant peut être un procédé intéressant qui peut nous
aider à régler ces problèmes~.
S. Il esl in1portan1 de-souligner que éelt le IÔie du din!eteur de It'Che~he d C' veiller à
ce que la Thèse .Y3it bien formulée. Encore fam-il que le chercheur ait précM à son
direaeur sn attentel. Une attaqtll' à a niveau mel en cause l'ensemble- du trava il
de recherche.
6. Marc Angenot, op. cir.
_8 8_ _ _ Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
A, A, A,
E
A, A," Au
Robj. u
E
Au Au Au
Représentations théoriques
Cet exemple est fictif. Il peut y avoir p lus ou moins de sous-th èses
et plus de deux arguments pa r sous-thèse. Les objections et les réfuta-
tions d'objections peuvent être u tilisées dava ntage que ne le montre
n otre schéma. Ch aque sous-thèse peut être considérée comme un cha-
pitre de notre mémoire de maîtrise ou de notre thèse de doctorat.
1. Sur œ sujet, on lira awc intérêt les o u vrages d 'Olivier ReiJoOul, fltlnKIIIctiOIIÔ la rlt;-
toriqur , ~ris, r'resses univcrsit.lires de Franœ,(19981, et de Ben rand Buffon, op. cil.
Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
8 Nous sui\·ons dans les prochaines ligne5 l'ouvrage de Bertrand Buffon, op. dl. la
prudence s'imprn.e dans l'ma~'!;' qui est fait ici du terme pœmt': o n peut <~voir l'im·
pn-ssion qu' il t""St synonyme d 'arguments. Ce n'est p.u le ças. Nous remercions
SoJ>hie Gélinas pour l'exœllente synthbedetous 1~ procédés rhétoriques présentés
dam Youvrage de Buffon. Ce doaHTI<'nt nous a ét~ d'une uêsgrande utilit~.
9. On trouvera dans Chai"m Pen•lman et 1.. Olbrecht-T)1hica, Tmirfdt• /'tlfSI• IIml<lfiml.
LliiiOin·l'lk rl1iroriqrr, Bruxelles, tditions de I'UniH•rsit~ de Bruxe.Ues, 1988, la mise
en œuvre de ces diff~re.nts g enres.
tcriœpotl com•ail~rr
valeurs communes, des désirs et des émotio ns qu'il veut faire partager,
pathos, ou d'asseoir sa crédib ilité et son au torit é, !'tJ10s. C'est sa capacité
à bien doser chacun de ces genres qui donne sa force de persuasion à
la preuve intrinsèque.
10. Voir Arthur Schopenhauer, L'arr oi'IIKJÎr foujoms misu1, mulit~lrcriqm•iriHitJIII', Belfort,
Circé, 1999. q ui expose plusieurs proddéoi pour gagœr les débats.
Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
L'a rgumentaire est un système complexe qui fait appel, selon les
besoins, à ces différents types de preuve. Cela dit, dans le cadre du
mémoire de maitrise ou d'une thèse de doctorat en sciences sociales,
on utilise surtout les preuves intrinsèques et lesenthymèmes11 • Concer-
nant les preuves extrinsèques, elles ne sont pas aussi objectives qu'elles
paraissent. Elles sont toujours sujettes à interprétatio n. Il est pratique-
ment impossible de savoir ce que dit véritablement un texte, de s'as-
surer entièrement de l'au thentidté d 'un témoignage, de la vérité d 'un
fait. L'inte ntion d'un texte dépend de l'inte rprétation qu'on en donne.
Il y en a autant qu'il y a de lecteurs di fférents. Ce ne sont que des
interpréta tions12•
Il Cel~ ne wut pa~ dire qu'on n e f<l»t' pa<;; appel quand c't'"ll pos~ible à des preu'l'S
e1mir\'ièq Ut""~ et aux ~llogismt'"l. les théorit'"l en scie nces sociales. à quelqUt'"l excep-
tion~ près (é-conomé trie, p!i)'l:hométrie) n e sont pa~ d t'"l ~y~tèmes formels. Il est
difficile de ll"S soturn.'ttl\' srrktement~ux principt>S de b logique. l 'exbtenœest un
phénon1ène fon complexe. Voir Lav.nnœOiivit'f, Dhmiw.J.a bgi.JI., ,-Jto l'exhtmct'.
M ontré~!. Uber, 20Cil.
12. Toutl"S les interprétations sont-elles aussi v~l~bles les unes que les autres ? Cette
q u l5tion f~it l'objet de débats dont on ne peut f~in.• M~t icl Oison~ simpk>mmt que
nou~ répondrion~ p~r t •affirm~tlve à œiiL-<i.
tcriœpotl com•ail~rr
4.2.1. La prolepse
Nous en avons déjà parlé s.ans vrai ment le nommer. La prolepse consiste
à faire une objection à son propre raisonnement 1s. C'est certainement
le procédé le plus efficace pour éto ffer son argumentaire. La prolepse est
une anticipation; en construisant notre raisonnement, o n prévient l'ob--
jection que l'on pourrait nous opposer. Elle a au moins deux fo nctions
JX>Ur le proposant : elle l'oblige à revoir et repenser son raisonnement
pour voir s'il est capab le de surmonter l'objectio n. FJie permet d'étof-
fer son raisonnement en voyant ses failles ou ses faiblesses. La prolepse
fonctionne en général ifl abseutia, c'est-à-dire que je ne suis pas obligé
de l'énoncer clairement dans le raisom1ement.
L'objection est une idée abstraite faite par un opposant imaginai re.
Cela dit, elle peut ê tre utilisée à titre de procédé rhétorique comme
un é lément imr~>rtant du raisonnement. )'énonce l'objection qu'on
pourrait faire au raisonnement que je construis. Nous l'avons vu au
chapitre 3. En l'énonçant, je peux parer l'objection d ans mon raisonne-
ment. Il y a une autre variante de la prollpse. Il est aussi possible d'énon-
cer et puis de réfuter l'objection. Ce procédé rh étorique est très habile.
je démontre que te connais les objections importantes qu'on peut me
faire et que je suis e n mesure de les réfuter par de nouveaux arguments
qui militent en faveu r de la Thèse que je sout iens. Non seulement je
connais les objections qu'on peut me faire, mais je les ré fute immé-
diatement. j'offre par la même occas ion de nouveaux a rguments pour
défendre ma Thèse. Ce faisant, je renforce la TI1èse ou la sous-thèse du
chapitre ou de la partie que j'argumente. À titre d'exemple: .,Certains
pourraient s'objecter, s'agissant de la paradiplomatie identitaire, qu'elle
représente un concept qu i n'atoute pour ainsi dire rien de nouveau aux
potentialités que recèle déjà la doctrine Gé rin-Lajoieu._,.
Dans ce cas, pour la majo rité des théories en sciences socia les, on
traitera l'état d'anarch ie comme un postulat, c'est-à-dire une proposi-
tion considérée comme un principe de déduction. Soit o n l'admet et
alors on peut à partir d'elle dédu ire un certain nombre de conséquence~
par exemple, dire qu'avant l'état d e société, il y avait un état de nature
anarchique est un postulat à partir duquel o n peut tire r de nombreuses
conséquences: état de guerre et de conflits, menace de mort, désordre,
nécessité d'un ~tat capable d'imposer un ordre, etc. Soit on le refuse
alors la suite du raisonnement ne tient plus; s'il n'y a pas d 'anarchie, il
n'y a rien à dire sur la nécessité d ' un ~tat possesseur du mon opole de
la violence légitime. Ou, enfin, on accepte les conséquences- ~tat de
guerre de tous contre tous, violence, ttat imposa nt l'ordre - comme
postulat et on essaie de construire avec tous ses postulats un raisonne-
ment de nature théorique.
deux types: les arguments fondés sur les relations de ressemb lance et
les figures de pensées. Nous J'avons déjà d it, il e n existe de nomb reux
autres, ma is il est impossible de tous. les aborder.
Nous allons r10us attarder aux trois figu res su ivantes: l'analogie,
l'exemple et Je modèle. L'analogie est certai nemen t le type d'argume nt
a près Je syllogisme le plus connu et Je plus utilisé. Nous en avons parlé
a u chapitre 2, ajou tons id quelques précisions. L'analogie est un raison-
n ement dont la forme est la suivante: deux choses égales à une même
troisième sont égales entre elles. Il s'agil d'une similitude de structu re.
Il est importa nt de rappeler qu'il s'agit d'une resse mblance de rapport.
On entend en général p1r ressemblance ce qu i est semblable par certains
de ces attributs. Reprenons 110tre exemple d 'analogie:
(A) Toute dêd~ion volontaire d'enlever la vie A un être humain e~t un meurtre.
\8. Chaim P«elman et L. Olbrechts-T}1e<:a, op. cil., p. S()()..SOI. Nous sui\.·ons dans les
prochalne'i lignes les propos des auteur~ ~ur l'a nalogie.
tcriœpotl com•ail~rr
\9. lbM..p.4 7 L
Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
possède une finalit é prescriptive, il n'en demeure pas moi ns qu'il peut
s'avérer un procédé rhétorique efficace. On peut, en effet, uti lise r le
modèle pour prescrire ce qu'il est préférable de faire dans certaines situa-
tions. Exemple: fa ites comme le gouvernement des ttats-Unis et u tilisez
la force pou r défendre vos intérêts et contre vos en nemis.
4.4. Le plan20
Opérationalise r une structure argurnentatîve, communêrnent appelée
un plan, peut faire sourciller bien d es candidats à la maîtri ses ou au
doctorat... certains voient ce travail com me une o;urch arge de labeur
inutile à la rédaction du tra vail scientifique. Bien que nombre de cher-
c h eurs édif1ent leur structure argumentative au fur et à mesure que
s'élabore leur a rgumentation, voire qu'ils réd igent leu r étude, cette
méthode de travail sans plan peut entraîner des difficultés de rédaction,
voire des risques d 'embûches méthodologiques import ants. JI n 'est pas
rare de rencontrer dans le travail scientifique des difficultés quant à la
recherche d'une structu re logique du d éploiement du mé moire o u de
la thèse, ou quant à l'intégration par le chercheu r d'u ne lig n e d irec-
trice cohérente et linéaire de l'étude, tout e n risquant de sombre r dans
une .. ]... ] surch arge cognitive, c'est-à dire d'avoir à (A) cherch er des
idées, à (8) réfléc hir à leur o rgan isation, et [...)à (C) songer à in tégrer
sa J>ensé(' 21 ,., ses idées, en mots, en p hrases, en .. points•, en sections,
20. Dans œtte section, nous suivons, par moments, l'otl"T.l# de flt'mard Meyer, M11flrisff
I'WJlllllt'ltf«timt, Paris, Armand Colin , 2002.
2 1. lclt•m, p.S7.
tcriœpotl com•ail~rr _ __ 1_0_1
en chapitres, e tc. Pour év iter de tels problèmes, la fond ion d'un plan
peut s'avérer un outil intéressant pour l'élabo rat io n et la rédad ion du
mémoire de maîtrise ou de la th èse de docto rat.
22. ibid., p. S8
2.1. Luc Berrû~.>r, Dl' l'mis 1! 1\luhiiiSfotl, Québec, Pn.>Sses dt> I'Univenill- du Quêbt-c, 1996,
p.9.
tcriœpotl com•ail~rr
4.5. L'écriture"
Nous avons présenté fort peu de procédés rhétoriques; le temps et l'es-
pace manquent pou r en aborder d'autres. Il faut maintenant parler de
l'écriture du mémoire de maîtrise ou de la thèse de doctorat, de l'organi-
sation du texte pour persuader. Nous allons proposer une démarche assez
classique, mais facile à comprendre. Il y a d'abord ce qu' il est convenu
d'appeler la COIIWIItioll d'auteur. Le p roposant doit clairement é tablir ce
qu'il a fait dans sa recherche et co mment ill'a fait . L'une des critiques les
plus souvent ad ressées au proposant: .. Vous auriez dû fai re œci ou cela
ou a border telle ou telle question. ,. La recherche prête d'autant p lus le
nanc à ce type de remarque que le proposant n'a pas clairement balisé
sa recherche. C'est important de le faire pour éviter le type de critique
.. vous au riez dû faire ... ,. et surtou t pour dispose r l'opposant ou le lecteur
à accepter et à évaluer la recherche qu'il a réellement faite.
p roposition de recherche. Cette connaissa nce est fort utile pour appré-
h ender la su ite du raisonnement. Nous c royons qu' il est aussi impor-
tant de présenter trois choses pour chaque chapitre ou partie. Cette
présentation peut être considéré com me l'introduction d u chapitre ou
de la part ie: 1) Il est bon de rappeler à qu elle questio n (sous-thèse) ce
chapitre va essayer de répondre. 2) Il est également p rof1table de djre
rapidement quels sont les argumen ts qui seron t utilisés pour répon dre à
la question. JI n'est pas nécessaire de tous les présen ter, mais de don ner
une idée sur le ou les raisonn ements qui seron t employés. 3) Enfi n,
mont rez brièvement comment vous allez construire votre argumentaire.
Il fau t montrer à l'opposant que vous avez rélléch i sur la manière d'ar-
gumenter ce chapitre. Ce n'est pas le h asard qui guide votre démarche.
Une fois cette brève introductio n complétée, qui tient en une page
ou une page et demi, o n commen ce avec la présentation du premier argu-
ment. Nous avons parlé plus h au t des types de preuve. À vous de c hoisir
celle qui vous paraîtra la plus convain cante. C'est le mo tnent d'utiliser la
prolepse, l'objection, la réfu tation ou l'exemple, etc. Une chose est impor-
tante à rappeler surtout si l'on utilise des tableaux, des schémas, etc. JI ne
faut jamais présumer que les données du tableau son t faciles à lire, que
le schéma est clair et évident. C'est à vous d'expliquer et de faire com-
prendre le tableau: vous devez d ire comme nt il faut le lire, ce qu'il faut
en retenir, les tendanœs, lesdonnées importantes, et quelle conclusion il
faut en tirer. Ce travail est essent iel pouréviterque l'oppœantl'interprète
à sa façon, et en tire des objections contre votre raisonnement et même
contre votre Thèse. Il n 'existe pas de lecture objective d'un tableau; e lle
dépend toujours du cadre th éorique avec lequel o n Je regarde et le com-
prend. Guidez le lecteur en lui d isant ce qu'il doit voir et reten ir. Tous
ces conseils s'appliquent aussi à unedtation. L'appel à l'auto ritéest utile,
voire nécessaire. Un mémoire ou une thèse qui ne citerait jamais de
spécialistes sur son sujet pour argumente r serait certainemen t accusé de
méconnaître son su jet et de manquer de rigueur. On n 'est jamais seul
et rarement le premie r à traiter d'un sujet ; la référe nce aux auteurs est
indispensable et pas seulement dans la revue de la documentation. Une
bonne citation d'un a uteur reconnu est u n argument tout à fait valable
à la condition que cet appel à l'autorité soit égal ement valabJe!S.
25. Il y a troh condilions à la valid ité d'un appel à l'a utorité: 1) l'autoritéest~Uea uto
rité? Il n'est pas toujours facile d•établir .:e qu't•st une autorité. Oisons simplement
pour faire court qu'une personne qui a p ublié -articles ou ouvrages scientifiques-
tcriœpotl com•ail~rr
dan) un domaine peut ètre con.si~ré comme une autorité. 2) Cette autorité e$to4i'Ue
ri"CCnnue dam le domaine )Cit"ntifiqu e l'Il q~tion 1 N'utili'iez. p.H E.irutl'in à toute
occaSion. 3) F.xi.stt"-t·i.t dan! œ domaine )Cient ifique un consensus sur le s ujet traité?
Cette condition n 'e$1 pas toujours facile à remplir, sunout en )Cit"ncn $0Cialn Par
con)('nsw. on entend un accord général de$ chercheurs. Il existera toujours <!el
théorie$ di!.sidentn û,>) théorie$ font-elle; pattit"$ de$ déball llH mtresujet1 N ous
reprenons ~ propos d e Ne!Tt' Bbckburn, op. dt., p. 158.
26. Il n 'est pas obligatoire de citrr son directeur de thè-se. s;~uf dans les cas peniœnu.
C'est au proposant de le détennine~ J>.:IS au dirt'Cteur de thèse. Vous n' avez pas à falre
la promotion de ses idées;argumrnte.zave-c:: les vôtres. N'ayez pas peur de présenter
vos idées e t de les dMendre. Si vous ne le faites pas dans vos t«hert:he:s, où et quand
altt'Z•VOUS Je faire?
Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
4.6. Forme
Au plan de la fonne elle-même, on recommande une écriture simple,
c'est-à-dire d 'éviter les phrases trop longues, les paragraph es intermi-
nables. Les auteurs qu'on a lus ne sont pas toujours de bons exe mples
à suivre. Des ph rases courtes (épitroclmsme} ont pour effet de donner du
ryt hme au texte. Les phrases longues deviennent vit e ennuyeuses pour
le lecteur. tvitez de mettre deux ou trois idées dans un paragraphe. Une
seule suffit pourvu qu'elle soit clairement exposée. Il est bon d'ut iliser
des marqueurs de re latio n : premièrement, deuxièmement, d'abord,
ensuite, donc, par conséquent. Ces marqueu rs aident le proposant à
organiser sa pensée. Avec l'expérience, le style se développe. Plus on
écrit, plus o n apprend à maîtriser la langue. Avec Je temps et l'expé-
rience d'écriture, ils disparaîtron t et le style se raffine ra. Gardons à
l'esprit un principe s imple: p lus la recherche est conçue clairement,
plus Il est facile de la présenter oralement ou par écrit. Pl us on s'engage
dans ce que l'on fait (temps, in térêt et passion), plus la rédaction nous
semblera facile.
28. Il est étonnant de <:omt;uer que <:en;~ins mou ou 1ermt'S fuc:inent ct devicnnem
rapidement de$ mots valises enx:iŒJc:es.wdales: paradigme, d'laos, dkonnruc:tion,
etc:., ont tousc:onnu ou c:onnaÎSlt'nt actueUcment leur heure de gloire. Aujourd'hui,
pl.us personne ne c:rilique. lOulle monde dkonstruit. Sam bien savoir c:e que la
déc:onstruc:tion, <:elle dt• jac:ques Derrida, fait li-ellement c:omm t' travail. On parlt'
de posîthisme, de JIOSUUuc:turalisme. d 'ontologie sans c:onnaitre le c:ontenu deœs
mots. On emend plutôt: . Nous, en relatiom internationales, on l'utlli'S(! de cette
façon! • Mauvais argument et sunout manque de rigueur déroutant. Un concept
~~~~~~~ ~~~nn:~aJ:sé~;::~:s~~i~tu~~:~l.:tntique qu'on ne peut rejeter du
_1 0_8_ __ Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
29. Voir rouvrage dejean·f'aut Simard, op .dt ; il .s'agît d'un excellent livre par a illeurs.
CONCLUSION
Maîtriser les con cepts suppose aussi que je suis en mesure d'en
connaître les implications à la fois théoriques et méthodologiques. Le
choix des concepts o riente l'ensemble de la démarche. Il dirige l'expli ca-
tion dans une direction donnée et oriente la sign ification d 'une manière
irrémédiable. JI importe de le savoir. L'explication n e sera pas la même
si on envisage, par exemple, le p roblème du vote selon les variables
de revenu, de statu t socioéconomique ou selo n que l'on propose de le
comprendre à l'aide de la lutte des classes ou d'une analyse de genre.
C'est aussi facile à comprendre que l'argumentaire n'aura pas le même
contenu ni la même structure. Encore faut-il maîtriser les concepts
utilisés jX)Ur en connaître les implications dans ma démarche.
1. On t'ntend par plan tiroir ceux q ui consisrmt à faire l'historique d 'un sujet, à chercher
les causes d ' un phénomène o u encore à en analysa les conséqu ences. Il n'y a pas
d'objection à étudier lei causes d 'un t.-..:énement; encore faut·il que cene rt.'Cherche
des causes .\erve à montrer ou à faire comprendœquelque chose. Pour ravoir rl;Jkê
souvent, on défend une Thèse.
_
11_2_ _ _ Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
L'a rgume ntaire est d'autant pluo; facile à construire que le pro-
posant sait exactement à quelle(s) question(s) il ve ut répond re. Il fera
a ppel pour chaque ra isonnement de son argumentaire aux faits qu'il
a préalablement construits. Une fo is e ncore, les argumen ts se ront
présentés selon deux critères: pertinence et hiérarchie. Comme il est
impossible de p résenter tous les fait.s, on commenœra par ceux jugés
les plus importants jusqu'aux moins importants. Nous l'avons déjà d it
à plusieurs reprises: il ne faut pas avoir un raisonnement compo rtant
t rop d'arguments e t risquer ainsi que cela ne le rendre vulné rable à la
critique ou aux objectio m . Cette hiérarchie s'établit selo n le crit ère de
la pertinence. les arguments doivent a voir un lien évide n t e t fort avec
la Thèse que l'on souhaite défendre.
2. C'est u n débat <lui perdu ft' en sciences .'JOdales et qui ne sera pas t ranché Id . Une
ch~ est cenaine : une foi5 délxurass.f.t' de l'idée métaphysique de libené, on verra
q ue plusieurs problèmes épistémologiques n'avaient a~Kun fondement. À panirdu
moment où l'on acce5Xe l'idée de libené sociologique, ce qu' il est pœsible de faire
compll' tenu de notre lrabitus, on •,;oit m.al où prend r.acine un débat entre holi!ime
et individualisme.
CoudriSiotr _ __ 1_1_3
3. Comprenons bien: ce n'tost pas le nombre de proposition qui compte, mais la struc·
t ure: si, alors, donc. On ne la retrouve pas toujours dans les raisonnements en
sciences sociales.
_
11_4_ _ _ Acyume1Ur Wllmémoiri'Oll sa tiiN
DU~IOULIN, L., C. ROB ERT, S. L<\ BRANCHE ct P. WA RIN (dir.), Les 11sagcs
politÎlJIIt"S lie l'expertise, Presses de l'Université de Grenoble, 2004.