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presque rien lu. Cor"!'lment celui-ci dévore ensuite la littérature comme d'autres sifflent le bon
· vin et réunit des gens qui n'ont aucune raison de se rencontrer.
ernar 1 ''
il faut ue u cor •ges
peu ton style l"
• ~ ernar_d Pivoj prévient mon désir :
- Voulez-vous voir mon bureau ?
On sent que pour lui c'est important,
que le lieu puisse parler et le dépein-
dre comme il se voit. Il est vrai que
c'est l'endroit où il vit, puisque c'est
l'endroit où il lit
Une pièce d'importance moyenne, qui
ne ressemble, ni à une bibliothèque,
ni à un salon de lecture, encore moins
à un antre d'écrivain. Ni ordre, ni luxe,
ni calme, ni volupté. Une sorte de
gaité plutôt dans la maîtrise de l'en-
vahissement, dans l'empilement gé-
néralisé des volumes, la mise en rang
des piles, dans le tri des livres qu'il
conservera. Trés peu, en proportion
de ceux qu'il offrira. La distribution est
prévue avec précision. Sont entassés
au sol des livres de philo pour son
beau-fri;lre, prof de philo, des livres
d'allemand pour sa sœur, prof d'alle-
mand. Un autre tas correspond aux
envois qu'il prépare régulièrement
pour la bibliothèque municipale de
Quincié en Beaujolais. Un autre pour
celle du comité d'entreprise d'Antenne
2, qui récupère ainsi deux fois par an
un tombereau de bouquins.
On pourrait le croire débordé, blasé, à
tout le moins, par ce· déluge quotidien
de colis. Pas du tout. Il les reçoit en-
core comme des cadeaux . Il tient à
couper lui même les ficelles et les pa-
piers collants, à ouvrir lui-même les
grandes enveloppes molletonnées,
cela fait partie, à ses yeux, du plaisir
de son métier.
-On n'accède bien à un livre, dit-il,
que lorsqa'on l'a tiré de sa .gangue de
-J'étais étudiant à la Faculté de pensé.
carton et qu'on le découvre. On le croit difficilement, et pourtant on
Droit de Lyon. Je m'ennuyais terri-
On pourrait croire, donc, qu'il voue au blement. Je ne sais plus qui, un jour, l'imagine très bien le jeune Pivot,
livre une sorte de culte, né· d'un amour voyant que je iisais beaucoup les trouvant (tout bonnement) qu'après
trés ancien, qui remonterait à l'en- journaux (c'est vrai, j'ai toujours été tout, l'idée n'est vraiment pas mau-
fance ... Pas du tout. un grand lecteur de journaux) m'a vaise, se renseignant sur les écoles
Bernard Pivot raconte tranquillement dit: « Puisque tu aimes tarit la de journalisme, et passant quelques
qu'il est devenu journaliste littéraire, presse, · essaie donc d'être journa- mois plus tard le concours d'entrée du
sans avoir jamais éprouvé de vocation liste "· Et je lui ai répondu : « Tiens, Centre de Formation de la Rue du
particulière, ni pour le journalisme, ni çà, ce n'est pas une mauvaise Louvre. .
pour la littérature. idée ! » Moi, je n'y a11ais jamais En 1959, le voici ancien élève. Il a