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Chapitre 1 : Nombres complexes

Préliminaires
La nécessité de l’introduction des "nombres imaginaires", donc celle des nombres com-
plexes, n’a rien d’exceptionnel : l’extension des ensembles de nombres remarquables s’est
produite le long du temps depuis l’antiquité, et nous mêmes, durant notre scolarité,
avons assisté à un accroissement graduel des nombres connus, groupés dans des en-
sembles s’incluant l’un l’autre. En effet, en partant de l’ensemble des nombres naturels
N = {0, 1, 2, . . . , n . . .} qu’on a muni d’une opération d’addition (mais pour laquelle, in-
tuitivement, l’on conçoit aussi son action opposée, la soustraction) on peut construire des
équations simples, du premier degré à coefficients dans N et on s’attend à obtenir des
solutions également dans N. Or, ceci n’est pas toujours le cas : si pour x + 1 = 3 la solu-
tion est 2 ∈ N, l’équation x + 9 = 5 n’admet pas comme solution un entier naturel. Pour
donner un sens à la solution d’une telle équation, il a fallu considérer un ensemble plus
grand que N, celui des entiers relatifs Z, qui, lui, contient aussi les "opposés" des entiers
naturels. Pour chaque n ∈ N on a noté par −n son opposé, à savoir un nombre a ∈ / N qui
"annule" n, i.e. vérifiant n + a = 0. Il n’y a qu’un seul nombre de N qui ne nécessite l’ajout
de son opposé : c’est 0, dont l’opposé est lui-même : −0 = 0. Ainsi on obtient l’inclusion
d’ensembles : N ⊂ Z = {. . . , −n, . . . , −2, −1, 0, 1, 2, . . . , n . . .}.
Ensuite, en considérant sur Z des opérations d’addition et de multiplication, une bonne
partie des équations du premier degré peuvent être résolues, mais pas toutes. Par exemple,
3x − 5 = 4 a la solution 3 ∈ Z mais 3x = 7 n’admet pas de solution en Z. D’où la nécessité
d’étendre Z à l’ensemble des rationnels Q qui contient toutes les fractions. Plus loin encore,
des équations du type x2 = 3 par exemple, n’admettent pas des solutions rationnelles, et

ainsi, on a ajouté à Q toutes ces solutions (ici : ± 3) et bien d’autres nombres plus "bi-
zarres" pour fonder, d’une façon axiomatique, un ensemble sensiblement plus grand que Q,
à savoir celui des nombres réels, noté R. Dans la même lignée de pensée il est évident que si
l’on a voulu donner un sens à la solution de l’équation x2 − 3 = 0 en inventant les nombres
réels, il n’y a pas de raison de n’en donner un sens aussi à la solution de x2 +3 = 0. Il est vrai
que x2 et 3 sont positifs les deux et en se sommant il est "impossible" d’obtenir un résultat
nul, mais justement, l’invention des nombres complexes donne un sens à cet "impossible" :
on introduit un nombre noté "i", non-réél, qui se trouve "caché" à l’intérieur de +3 sous la
forme de son carré i2 qui vaut, justement, le −1 qui manquait devant le 3 dans cette équa-
 √ 2 √
tion. On a ainsi : x +3 = 0 ⇔ x −(−3) = 0 ⇔ x − i (± 3) = 0 ⇔ x2 −(± i 3)2 = 0
2 2 2 2

ce qui nous permet de la résoudre comme une de ces équations qui ne posaient pas de

problème en R. Les solutions seront donc ± i 3 et elles vont appartenir à ce nouvel
ensemble, qui englobe les nombre réels, et qu’on appellera l’ensemble des nombres com-
plexes C. Remarquer que, à une première vue, le choix "salvateur" du i2 = −1 nous
semble être bien opportuniste, car lié au degré 2 de l’équation initiale. Autrement dit, on

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pourrait croire que pour des équations de degrés plus grands qui ne sont pas résolubles
en R seulement, il faudra inventer d’autres nombres complexes remarquables, spécifiques
à ces équations. Or, il n’en est rien. En effet, on montre aisément que toute équation
d’ordre 2 à coefficients réels aura tout au plus des racines complexes ayant la forme a + i b
avec a et b réels. Mais, de surcroît, le théorème de d’Alembert-Gauss affirme que toute
équation polynomiale degré n ∈ N quelconque (en particulier, avec des coéfficients réels)
an xn +an−1 xn−1 +· · ·+a2 x2 +a1 x+a0 = 0 admet des solutions réelles et complexes, ces der-
nières étant de la forme a + i b avec a et b réels. Autrement dit, l’invention de l’imaginaire
pur i (se définissant par i2 = −1) suffit pour construire les solutions des équations polyno-
miales de n’importe quel degré. Or, une fois les nombres complexes ainsi définis, à savoir
comme objets du type a+i b, on peut concevoir des équations les ayant comme coefficients,
et, le cas échéant, on pourrait se demander si leur solutions appartiendront toujours à C
ou bien si’il faudra inventer des ensembles encore plus larges pour contenir ces solutions.
La réponse est donnée toujours par le théorème de d’Alembert-Gauss : toute équation
polynomiale de degré n ∈ N quelconque αn xn + αn−1 xn−1 + · · · + α2 x2 + α1 x + α0 = 0
mais cette fois avec coefficients complexes, admet uniquement des solutions réelles et com-
plexes. Ainsi, la "boule de neige" des généralisations d’ensembles de "nombres" commencée
avec N s’arrête une fois qu’on ait construit les nombres complexes C.

1 Les nombres complexes


1.1 Introduction : scalaires versus vecteurs
Les préliminaires faits auparavant démystifient quelque peu le "nombre imaginaire" i,
cependant, pour les plus vigilants d’entre nous, un "détail" devrait nous déranger encore.
A savoir, dans l’expression générique a + i b d’un nombre complexe, il faudrait se poser la
question du sens en lequel a lieu cette addition, mais aussi le produit entre i et b, sachant
que ces opérations se passent entre deux nombres de natures différentes, d’une part i, et
d’autre part a et b ; en effet, ils n’appartiennent pas à un même ensemble, puisque i est
"imaginaire" et a et b sont réels.
Remarquer que, même si légitime, cette question n’est pas nouvelle : on est en droit de
se la poser également pour l’addition n + (−m) lorsque n et m sont naturels, puisque
−m ∈ Z. Et de même pour l’addition n + pq lorsque n, p et q 6= 0 appartiennent à Z alors

que pq désigne un nombre de Q. Et aussi de même pour a + b 2 lorsque a et b sont des

rationnels alors que 2 ∈ / Q, et là, il ne faut pas justifier juste l’addition, mais aussi la

multiplication de b ∈ Q par 2. Dans le cas des nombres réels, on pourrait prendre le

modèle de, par exemple, 3 + 2 · 5 ou bien de 21 + π3 , dans un effort de les décrire d’une
façon "unitaire" sous une forme a + rb avec a et b appartenant à Q et r ∈ R \ Q mais ce
serait inutile car redondant, sachant que l’ensemble R \ Q est infiniment plus riche que Q.
Cependant, de par leur construction, les ensembles N, Z, Q et R ont une caractéristique
commune : tous leurs éléments sont comparables entre eux. On dit que ces ensembles sont

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totalement ordonnés, à savoir, munis d’une relation d’ordre notée 6 selon laquelle pour
tout couple a et b de nombres on a soit a 6 b, soit b 6 a.
Or, notamment dans le cas des réels, si cette comparaison se faisait selon le critère de

l’écriture a + rb, il serait presque impossible de comparer, par exemple, 9/10 + 10 à
16/17 + π. Tout ce qui compte est que, par la construction de R, chacun de ses éléments
a une valeur unique, i.e. qu’il ne partage pas cette valeur avec aucun autre réel, quelle
qu’elle soit l’écriture de celui-ci. Et c’est bien en ce sens que ces nombres sont désignés
comme scalaires : le mot vient du latin "scală" qui veut dire échelle. À savoir, le fait de
pouvoir les visualiser de par leur valeurs, ordonnés sur une échelle, autrement dit sur une
droite munie d’un sens, qu’on appelle la droite réelle.
Une autre conséquence du caractère scalaire des nombres réels est que la chaîne
N ⊂ Z ⊂ Q ⊂ R est une véritable inclusion d’ensembles, à savoir, elle ne suppose aucun
abus de langage (on le verra, ce sera le cas, par contre, avec les complexes). Par exemple,
les éléments de N sont des entiers positifs, i.e. des éléments de Z qui se caractérisent par le
biais de la relation d’ordre de Z : ce sont tous les a ∈ Z tels que 0 6 a. Et de même pour
les autres inclusions aussi : à chaque fois, la relation d’ordre 6 valable dans un ensemble
plus grand, par exemple R, est la même que celle qui compare les éléments d’un ensemble
plus petit, par exemple Q ou Z ou N, tout simplement parce que ces éléments sont des
cas particuliers de nombres réels, au propre du terme.
Nous avons vu jusque là que sur des ensembles de "nombres" nous avons introduit d’une
part des "opérations" (qui correspondent à des recettes de calcul : addition, multiplication)
et d’autre part une modalité de les comparer indépendante des opérations, par le biais
d’une relation d’ordre notée 6. Ces deux types de structures que l’on met sur les ensembles
de nombres doivent cependant coexister et se combiner d’une façon harmonieuse, c’est
pourquoi des règles supplémentaires, dites de "compatibilité" entre les opération et l’ordre
ont été introduites. Par exemple, pour toute triade de réels a, b et c on a :
a 6 b ⇔ a + c 6 b + c, mais aussi a 6 b ⇔ −a > −b, (∗)

la deuxième équivalence caractérisant d’une façon implicite l’interaction entre 6 et l’opé-


ration de multiplication, vu que −a vaut (−1) · a.
En ce qui concerne C, les choses ne se présentent pas de la même manière. En effet, nous
avons vu dans les préliminaires que, en comparaison avec une possible écriture unitaire
des réels (qui échoue à cause de l’extrême diversité de ceux-ci) dans le cas des complexes
celle-ci est possible et s’avère très simple car "une merveille" se passe : pour les caractériser,
on n’a besoin que d’un seul élément venant de l’extérieur de R, à savoir l’imaginaire "i".
Avec cet unique ingrédient supplémentaire, tout complexe pourrait s’écrire comme a + i b
donc sous un forme entièrement déterminée par deux réels a et b.
Reste toujours la discussion sur le sens que l’on peut donner au produit entre l’imaginaire i
et le réel b, et à la somme entre le réel a et le résultat de ce produit, i ·b. Autrement dit, bien
qu’il soit évident que l’écriture d’un complexe sous la forme a + i b semble naturellement
héritée le long des généralisations successives des nombres depuis N à R et bien qu’il soit

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commode de continuer à calculer dans C avec les règles de calcul habituelles sur R, nous
avons le devoir de fonder ces règles de calcul par des définitions qui résistent à l’épreuve
de la particularisation des complexes aux réels (ce qui revient à considérer le cas b = 0).
Mais aussi, nous voulons savoir si ce passage de R à C assure une vraie inclusion R ⊂ C
et sinon, dans quel sens précis a-t-elle lieu.
Enfin, nous sommes intéressés de savoir en quelle mesure on peut généraliser à C la
relation d’ordre valable sur R, et en quelle mesure cette relation d’ordre sur C est-elle
compatible avec les opérations d’addition et de multiplication entre les complexes et si,
une fois particularisée à ceux d’entre les complexes qui sont des réels (cas b = 0 dans
a+i b) on retrouve la cohérence entre les deux opérations et la relation d’ordre total sur R.
Pour cette dernière problématique, nous pouvons répondre déjà par la négative. En effet,
supposons qu’il y aurait sur C une relation d’ordre total, notée , qui soit compatible
avec les opérations d’addition et multiplication sur C et qui se particularise à R de la
manière connue pour cet ensemble (ce qui veut dire que a + i ·0  α + i ·0 est identique à
a 6 α). Alors puisque l’ordre  est supposé total, i vérifie soit i  0 soit i  0. Si i  0,
en la multipliant par i le sens de  change (par besoin de cohérence avec les règles (∗)
de 6 sur R) et on a : −1 = i2  i ·0 = 0 ce qui est incompatible avec la particularisation
de  à R auquel cas on devrait avoir −1 6 0 et non pas le contraire. De même, si i  0,
en la multipliant par i le sens de  ne change pas et on a : −1 = i2  i ·0 = 0 donc à
nouveau incompatible avec la particularisation de  à R !
En conclusion : dans une chaîne d’inclusions d’ensembles qui partirait de N pour arriver
à C en passant par R il y a une discontinuité au passage de R à C quant à la relation
d’ordre entre les éléments : si une relation d’ordre total pourrait être mise en évidence sur
C, celle-ci elle n’aurait aucun rapport avec l’ordre total de R donc elle serait inutilisable
pour les calculs à faire en connexion avec les nombres réels.
On peut résumer donc cette vérité nuancée par une affirmation beaucoup plus brutale,
mais qui mérite d’être retenue par tout étudiant :
Il n’y a pas de "ordre naturel" entre les éléments de C : si z et z 0 sont des nombres
complexes, il ne sont pas comparables ! Donc, il ne faut jamais écrire z > 0 ou z 6 z 0 !
Ceci montre que, si les réels s’avèrent être des "scalaires" (ordonnés sur une ligne selon leur
"valeur") les complexes ne le sont pas, en tout cas pas dans ce sens 1 . Aussi, l’observation
sur l’unicité d’écriture des complexes comme a + i b, donc univoquement déterminés par
un couple de réels, suggère leur identification avec les points du plan géométrique, eux-
mêmes univoquement déterminés dans un repère (ortho)normé du plan xOy fixé par une
paire de réels (a, b) ∈ R × R = R2 .
1. On verra plus tard que, R et C étant construits avec une structure algébrique complète, très favo-
rable pour les calculs (structure nommée "corps"), ils joueront alternativement le rôle de "ensembles de
constantes" pour la définition et la manipulation de structures vectorielles plus compliquées. En ce sens,
les éléments de R et de C devront se distinguer des vecteurs de ces structures plus abstraites, et joueront
ainsi le rôle de "nombres" donc de "scalaires". Si pour les éléments de R ceci est déjà justifié, pour le cas
de C cette dénomination est à comprendre seulement dans le contexte décrit auparavant.

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1.2 Définition des nombres complexes
1.2.1 Les éléments

Définition 1. Un nombre complexe est un couple (a, b) ∈ R2 , que l’on notera couram-
ment par a + i b, écriture qui s’appelle sa forme algébrique.
Par cette définition, l’écriture z = a + i b est unique :
z = z 0 ⇐⇒ a + i b = a0 + i b0 ⇐⇒ (a, b) = (a0 , b0 ) ⇐⇒ a = a0 et b = b0
Si on se donne un repère orthonormal dans le plan (origine fixée dans un point O du
plan et axes perpendiculaires se rencontrant en O) nous pourrons visualiser ce nombre
complexe z = a + i b comme un point du plan ayant les coordonnées (a, b) par rapport
à ce repère orthonormal. Ci-dessous on se donne les deux façons de voir le même plan :
comme ensemble de points de R2 , respectivement comme "plan complexe" :
y iR

(a, b) z = a + ib
(0, b) ib

(0, 1) i

O (1, 0) (a, 0) x 0 1 a R

Cela revient à identifier 1 avec le vecteur (1, 0) de R2 , et i avec le vecteur (0, 1).
Si b = 0, alors z = a + i ·0 = a est situé sur l’axe des abscisses, que l’on identifie à R. Dans
ce cas on dira que z est réel, et c’est seulement dans ce sens que R peut être vu comme
un sous-ensemble de C, appelé axe réel.
Si b 6= 0, z est dit imaginaire et si b 6= 0 et a = 0, z = i b est dit imaginaire pur.
Pour z = a + i b nombre complexe, sa partie réelle est le réel a et on la note Re(z) ; sa
partie imaginaire est le réel b et on la note Im(z). Ainsi, on peut reprendre les figures de
ci-dessus avec ces notations :
y iR

(0,Im(z)) (Re(z),Im(z)) i Im(z) z=Re(z)+i Im(z)

Im(z) (0,1) Im(z) i

O (1,0) (Re(z),0) x 0 1 Re(z) R

Re(z) Re(z)

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Enfin, l’unicité de l’écriture z = Re(z) + i Im(z) s’exprime aussi par

Re(z) = Re(z 0 )




z = z0 ⇐⇒ et

Im(z) = Im(z 0 )

En particulier,
• un nombre complexe est réel si et seulement si sa partie imaginaire est nulle :

z = a + i b ∈ R ⇐⇒ b = 0

• Un nombre complexe est nul si et seulement si sa partie réelle et sa partie imaginaire


sont nulles : z = 0 ⇐⇒ a = b = 0.

1.2.2 Les opérations

Comme déjà dit, pour se faire une idée des opérations d’addition et de multiplication
que l’on doit introduire entre de nombres complexes tel que définis auparavant, nous
allons "imiter" les calculs valables entre des éléments de R, à savoir, sans prêter trop
d’égards à la signification des sommes et produits entre les objets, mais juste en faisant
les manipulations algébriques usuelles et en tenant compte de la "définition implicite" de
i donnée par i2 = −1. On a :
• pour l’addition :

(a + i b) + (a0 + i b0 ) = (a + a0 ) + i(b + b0 )

• pour la multiplication :

(a + i b) · (a0 + i b0 ) = aa0 + i ab0 + i ba0 + i2 bb0 = (aa0 − bb0 ) + i(ab0 + ba0 ).

Définition 2. On munit R2 de deux opérations : ∀ (a, b) et (a0 , b0 ) de R2 , on définit


1. L’addition des complexes par : (a, b) + (a0 , b0 ) := (a + a0 , b + b0 ),
2. La multiplication des complexes par : (a, b) · (a0 , b0 ) := (aa0 − bb0 , ab0 + ba0 ).
Le triplet (R2 , +, · ) formé par "l’ensemble de base" (les nombres complexes) et par les
deux opérations agissant dessus s’appelle le corps des complexes et est noté par C.

Il s’agit donc non seulement d’un nouvel ensemble, mais d’une vraie structure algébrique
qui nous permet de faire des calculs entre ses éléments, ceux-ci étant des paires de réels
mais qu’on appelle d’une façon quelque peu abusive des "nombres".
Les deux opérations définies ci-dessus se font uniquement entre des éléments de R2 et
c’est pourquoi elles sont nommées des opérations internes (à C, c’est sous-entendu).
Les propriétés des deux opérations, l’addition et la multiplication, confèrent à C une
structure algébrique de corps, structure définie par un ensemble d’axiomes que nous allons
passer à présent en revue, afin de fixer aussi quelques éléments de langage :
Concernant l’addition on a : si z, z 0 , z 00 sont trois éléments quelconques de C,

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(i) Associativité : (z + z 0 ) + z 00 = z + (z 0 + z 00 )
(ii) Existence d’un élément neutre : il s’agit de 0, car ∀z ∈ C, z + 0 = 0 + z = z
(iii) Pour chaque z ∈ C il existe un z 0 ∈ C opposé à z, qui satisfait : z + z 0 = z 0 + z = 0 ;
il sera noté −z au lieu de z 0 .
(iv) Commutativité : z + z 0 = z 0 + z.
Un exemple notable pour (iii) est l’opposé de z = 1, donc de (1, 0) : il s’agit de (−1, 0),
car (1, 0) + (−1, 0) = (1 + (−1), 0 + 0) = (0, 0). Ceci justifie la notation de (−1, 0) par
−(1, 0). Une conséquence immédiate en est la vérification de la relation i2 = −1 :

i2 ≡ (0, 1) · (0, 1) = (0 · 0 − 1 · 1, 0 · 1 + 1 · 0) = (−1, 0) = −(1, 0) ≡ −1.

En laissant au lecteur le soin de la (facile) vérification des propriétés (i) à (iv), on passe
à celles de la multiplication : si z, z 0 , z 00 sont trois éléments quelconques de C, alors on a :
(v) Associativité : (z · z 0 ) · z 00 = z · (z 0 · z 00 )
(vi) Existence d’un élément neutre : il s’agit de 1, car ∀z ∈ C, z · 1 = 1 · z = z
(vii) Pour chaque z ∈ C\{0} il existe un z 0 ∈ C inverse de z, qui satisfait : z·z 0 = z 0 ·z = 1 ;
1
il sera noté au lieu de z 0 .
z
(viii) Commutativité : z · z 0 = z 0 · z.
Un ensemble – dans notre cas R2 – muni de deux opérations internes, l’une additive, l’autre
multiplicative, qui satisfont aux axiomes (i) à (vii) s’appelle un corps, et si l’axiome (viii)
est satisfaite aussi, il s’agit d’un corps commutatif (ou abélien). C’était déjà le cas pour
R muni de ses opérations usuelles entre des nombres réels, et avec C, nous en avons un
nouvel exemple.
À nouveau, nous invitons le lecteur de vérifier à base de la Définition 2 que les propriétés
(v) et (viii) sont bien vraies (il le fara non sans une certaine peine, car les calculs sont plus
fastidieux que ceux pour la somme). Nous allons à présent vérifier (vi) et nous employer
à construire un inverse pour chaque z non-nul de C, ce qui justifiera (vii).
Pour (vi), compte tenu de la notation 1 pour (1, 0), on a pour tout (a, b) ∈ R2 :

(a, b) · (1, 0) = (a · 1 − b · 0, a · 0 + b · 1) = (a, b)

et de même on montre que (1, 0) · (a, b) = (a, b) (ou bien on utilise (viii)).
Pour (vii) : si z = a+i b 6= 0, on cherche un inverse z 0 = a0 +i b0 à z, à savoir tel que z·z 0 = 1
(où 1 = 1 + i ·0). Une fois trouvé, cet inverse sera unique et vérifiera automatiquement
z 0 · z = 1 (mais ces deux affirmations devront également être prouvées).
Pour l’instant, remarquons que la Définition 2 fournit la première équivalence

a
 a = 2
  0
 aa0 − bb0 = 1 (L )  a0 (a2 + b2 ) = a

a + b2

1
z · z0 = 1 ⇔ ⇔ ⇔ b
 ab0 + ba0 = 0 (L )  b0 (a2 + b2 ) = −b
 b =− 2
0
2


a + b2
où la deuxième équivalence a été obtenue en replaçant la ligne (L1 ) par a(L1 ) + b(L2 )
(on multiplie la ligne (L1 ) par a, la ligne (L2 ) par b et on additionne) et en remplaçant

7
la ligne (L2 ) par −b(L1 ) + a(L2 ). La dernière équivalence suit de l’hypothèse z 6= 0 qui
s’écrit aussi a2 + b2 6= 0.
De même, la deuxième condition contenue dans (vii), z 0 · z = 1, nous conduit aux mêmes
1
conclusions pour l’inverse de z, noté (ou bien z −1 ), et comme toute l’argumentation a
z
été conduite par des équivalences, l’unicité de celui-ci est assurée. En conclusion, on a :
1 a −b a − ib
= 2 +i 2 = 2 .
z a +b 2 a +b 2 a + b2
Remarquons que la division n’est pas une opération à part entière (tout comme la sous-
z 1
traction, dans le cas de l’addition). En effet, 0 est le complexe obtenu du produit z · 0 .
z z
Remarquons également que la preuve de l’unicité de l’inverse z −1 de chaque complexe
z 6= 0 peut se poser ainsi : s’il existaient z 0 et z 00 ayant la propriété que z · z 0 = 1 = z · z 00
alors on aurait z(z 0 − z 00 ) = 0. Or, comme z 6= 0 cela entraîne en vertu de la Proposition 1
ci-dessous nécessairement z 0 − z 00 = 0 c’est à dire z 0 = z 00 .

Proposition 1. (Propriété d’intégrité de C) zz 0 = 0 si et seulement si z = 0 ou z 0 = 0.

En effet, en suivant le même modus operandi qui nous a conduit ci-dessus au calcul de
l’inverse de z, nous avons :
  
aa0 − bb0 = 0  a0 (a2 + b2 ) = 0  a0 = 0 ou a2 + b2 = 0
z · z0 = 0 ⇔ ⇔ ⇔
 ab0 + ba0 = 0  b0 (a2 + b2 ) = 0  b0 = 0 ou a2 + b2 = 0

Donc soit a0 = 0 = b0 ce qui veut dire : z 0 = 0 soit a2 + b2 = 0, ce qui veut dire z = 0


Notons enfin que les puissances d’un z ∈ C quelconque s’écrivent ainsi :
• par convention : z 0 = 1, ensuite
• z 1 = z, z 2 = z · z, z n = z · . . . · z (n fois, n ∈ N∗ )
1 1
 n
• z −n
= = n.
z z
Pour tout z ∈ C \ {1}, mentionnons une formule remarquable (qui n’est pas propre aux
nombres complexes, d’ailleurs), celle de la somme géométrique de raison z et premier
n
1 − z n+1
terme z = 1 : z = 1 + z + z + ... + z =
k 2 n
X
0
.
k=0 1−z
En effet, si on note S = 1 + z + z 2 + . . . + z n , alors en développant S · (1 − z) tous les
termes se télescopent à l’exception de deux, et l’on trouve S · (1 − z) = 1 − z n+1 .

1.2.3 Propriétés vectorielles

Une conséquence des définitions de l’addition et de la multiplication introduites sur R2


afin de construire le corps commutatif C des nombres complexes est que, implicitement,
les axiomes (i) à (viii) vues auparavant confèrent automatiquement à C une structure
d’espace vectoriel (avec les réels comme scalaires).
En effet, bien que dans les chapitres suivants ce type de structure sera étudiée extensi-
vement à l’aide d’exemples divers, il est profitable d’en donner quelques notions dès à
présent, sur l’exemple concret de C.

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La caractéristique de ce type de structure est qu’elle fait appel à un ingrédient extérieur à
l’ensemble des éléments sur lequel on travaille (et sur lequel on veut la bâtir, de sorte que
ses éléments puissent être vus comme des vecteurs). Dans notre cas cet ensemble est C,
et l’ingrédient extérieur doit être un autre ensemble, noté génériquement K, et qui sera
vu comme "ensemble de scalaires" donc de scalaires, en opposition avec les éléments de
C, qui seront vus comme des "vecteurs". On a aussi besoin de faire des calculs avec ces
scalaires, donc il faudra choisir K ayant lui aussi une structure de corps, avec ses propres
opérations internes d’addition et multiplication.
Rappellons-nous que "l’ensemble de base" sur lequel nous avons bâti C est R2 et prenons
un élément arbitraire z = (a, b) de celui-ci. Les éléments réels de C sont ceux ayant la
forme (λ, 0) pour tout λ ∈ R. Alors le calcul du produit usuel sur C

(λ, 0) · (a, b) = (λ · a − 0 · b, λ · b + a · 0) = (λ · a, λ · b) (∗)

montre que l’effet de la multiplication d’un quelconque z = a+i b ∈ C par un nombre com-
plexe qui est particulier en ceci qu’il est réel : λ = λ + i ·0 a comme effet la multiplication
des parties réelles et imaginaires de z par cette constante réelle λ.
Or, dans la "géométrie vectorielle" étudiée dans le cursus inférieur (et très usitée en phy-
sique), où les vecteurs sont représentés par des flèches (segments de droite orientés) pos-
sédant une origine (commune à tous, en O) et un point d’application, donc un "sens
d’action", ceci est exactement l’effet de la multiplication d’un vecteur → −v par un scalaire
(une constante réelle) λ.
Toujours dans le cadre de la géométrie vectorielle, on se rappelle que n’importe quel
vecteur du plan peut être "fabriqué" à partir de deux vecteurs fixes non-colinéaires du
plan, que l’on combinera à l’aide de deux opérations :
• l’addition des vecteurs (qui se fait par la règle du parallélogramme, ou du triangle)


• la multiplication d’un vecteur v par un scalaire λ qui avait comme effet l’obtention
d’un nouvel vecteur, noté λ→ −v ayant comme support la même droite que → −v , mais
qui est une dilatation de →
−v si λ > 1, une contraction si 0 6 λ 6 1 et un vecteur à
sens inversé et de longueur modulée par la valeur de |λ|, lorsque λ < 0.
Noter que dès qu’on munit le plan d’un repère orthonormal xOy, deux vecteurs → −v et →−
v0
quelconques ayant l’origine en O, auront leurs points d’applications en les points du plan
M (a, b) et N (a0 , b0 ) respectivement, et alors (voir figures ci-dessous) :

− →

• la somme v + v 0 sera un vecteur avec l’origine en O et point d’application en
P (a + a0 , b + b0 ). Ceci correspond parfaitement avec la somme des complexes z et z 0
puisque d’après la Définition 2, z + z 0 = (a + a0 , b + b0 ).

− →

• λ v obtenu par la multiplication d’un vecteur v par un scalaire réel λ a l’origine
en O et point d’application en Q(λa, λb). Ceci correspond parfaitement avec la
multiplication (∗) ci-dessus entre un complexe réel λ et un complexe quelconque
z = (a, b).

9
Les figures ci-dessous illustrent bien la correspondance entre les opérations usuelles avec
les vecteurs du plan géométrique et celles d’addition de complexes et de multiplication
d’un complexe par un scalaire réel.
λz
iR
z+ z0

z0 z
i

0
i z 1
−z
0 1 R

Ceci suggère que, pour voir C comme structure d’espace vectoriel, R est un bon candidat
en tant que "ingrédient extérieur" (car qualitativement différent de C), autrement dit, que
l’on pourrait prendre K = R et le considérer comme "ensemble de scalaires". Cette struc-
ture algébrique vectorielle correspondrait ainsi en tout point à celle du plan géométrique
muni d’une origine O (point fixé) et de l’ensemble de tous les vecteurs-flèches du plan
ayant l’origine en O.
Nous attirons l’attention que cette structure vectorielle de C n’est pas l’unique possible :
en effet, comme nous allons le voir dans les chapitres suivants, on pourra prendre aussi
K = C en jetant sur C un double regard : tantôt on verra ses éléments comme des
"nombres" (donc des scalaires) tantôt on les verra comme les vecteurs. Cette idée n’est
pas nouvelle, car la même chose peut être faite pour R à la place de C.

1.2.4 Propriétés : conjugué, module, etc

Dorénavant nous allons préférer – par raison de commodité dans les calculs – utiliser la
forme algébrique z = a + i b pour un nombre complexe quelconque.
Définition 3. Soit z = a + i b ∈ C quelconque.
• Le conjugué de z est z̄ = a − i b. Autrement dit, Re(z̄) = Re(z) et Im(z̄) = − Im(z).

• Le module de z est le réel positif |z| = a2 + b2 .
Le point z̄ est le symétrique du point z par rapport à l’axe réel, donc le vecteur z̄ est le
symétrique du vecteur z par rapport à l’axe réel, alors que |z| est le module du vecteur z
lorsqu’on voit le plan complexe comme plan vectoriel.

z z = a + ib
i
0 |z|
b
1

z̄ 0 a

10
Propriétés :
• Si z ∈ C est réel, |z| est à la fois le module de z et sa valeur absolue (puisque réel).

• |z| = z z̄

En effet, z · z̄ = (a + i b)(a − i b) = a2 + b2 = |z|2 ⇐⇒ |z| = z z̄ puisque |z| > 0.
• z + z 0 = z̄ + z 0 , z̄ = z, zz 0 = z̄z 0
• z = z̄ ⇐⇒ z ∈ R
• |z̄| = |z|, |zz 0 | = |z||z 0 |
• |z| = 0 ⇐⇒ z = 0

• | Re(z)| 6 |z| et | Im(z)| 6 |z| (car |a| et |b| sont inférieurs à a2 + b2 ).
• z + z̄ = 2 Re(z) et z − z̄ = 2 i Im(z). En effet,
z ± z̄ = (a + i b) ± (a − i b) qui vaut 2a = 2 Re(z), respectivement 2 i b = 2 i Im(z).

Proposition 2. (L’inégalité triangulaire) ∀z, z 0 ∈ C on a : |z + z 0 | 6 |z| + |z 0 |.

En effet, z + z0

|z + z 0 |2 = (z + z 0 ) (z + z 0 )
z0
= z z̄ + z z̄ +
0
zz 0 + z z̄
0
|z+z 0 |
|z 0 |
= |z|2 + z 0 z̄ + z 0 z̄ + |z 0 |2
z
= |z|2 + 2 Re(z 0 z̄) + |z 0 |2
|z|
6 |z|2 + 2|z 0 z̄| + |z 0 |2 0
= |z| + 2|z̄| · |z | + |z |
2 0 0 2

= |z|2 + 2|z| · |z 0 | + |z 0 |2
= (|z| + |z 0 |)2

Exercice résolu : (cas d’égalité dans l’inégalité triangulaire)

∀z, z 0 ∈ C∗ = C \ {0} : |z + z 0 | = |z| + |z 0 | ⇐⇒ ∃ α > 0 tel que z 0 = αz.

Solution : Compte tenu de la positivité des deux membres de l’égalité ci-dessus, elle
équivaut à elle-même élevée au carré, ce qui conduit, après un calcul semblable à celui de
la preuve de la Proposition 2, à l’équivalence avec : Re(z 0 z̄) = |z 0 z̄|.
D’autre part s’il existe α > 0 tel que z 0 = αz, on a : z 0 /z = α ⇔ z 0 z̄ = α|z|2 > 0 donc
z 0 z̄ est un réel strictement positif, donc il coïncide avec son module (qui est sa valeur
absolue en ce cas). Mais tout complexe qui est réel coïncide avec sa partie réelle. On a
donc Re(z 0 z̄) = |z 0 z̄|, ce qui finit la preuve de l’équivalence.
La preuve ci-dessus nous montre une autre propriété. Si w = z 0 z̄ qui est 6= 0 par hypothèse,
on se retrouve dans la situation : Re(w) = |w| > 0, positivité qui nous permet de l’élever
2  2  2
au carré et on a ainsi : Re(w) = Re(w) + Im(w) , i.e. Im(w) = 0. En conclusion,
nous avons établi l’équivalence :

11
∀z, z 0 ∈ C∗ : |z + z 0 | = |z| + |z 0 | ⇐⇒ Re(z 0 z̄) > 0 et Im(z 0 z̄) = 0.

Exercice résolu : Dans un parallélogramme, la somme des carrés des diagonales égale
la somme des carrés des côtés.
Solution :
Notons les longueurs des côtés par L et ` et L
les longueurs des diagonales par D et d. Il
`
faudra donc montrer que d
D2 + d2 = 2`2 + 2L2 . ` D
Si l’on considère que le parallélogramme a
L
pour sommets 0, z, z 0 et le dernier sommet
est donc z +z 0 , on ne réduit pas la généralité
z + z0
du problème.
|z − z 0 | |z|
La longueur du grand côté est ici |z|, celle 0
z
du petit côté est |z 0 |. La longueur de la |z + z 0 | |z 0 |
grande diagonale est |z + z 0 |. Enfin il faut |z 0 |
se convaincre que la longueur de la petite z
diagonale est |z − z 0 |. |z|
On a : 0

2 2
D2 + d2 = |z + z 0 | + |z − z 0 | = (z + z 0 ) (z + z 0 ) + (z − z 0 ) (z − z 0 )
= z z̄ + zz 0 + z 0 z̄ + z 0 z 0 + z z̄ − zz 0 − z 0 z̄ + z 0 z 0
2
= 2z z̄ + 2z 0 z 0 = 2 |z|2 + 2 |z 0 |
= 2`2 + 2L2

2 Racines carrées, équation du second degré


2.1 Racines carrées d’un nombre complexe
Définition 4. Pour z ∈ C, une racine carrée est un nombre complexe ω tel que ω 2 = z.

Par exemple si z = x ∈ R+ , on connaît deux solutions pour l’équation ci-dessus : x et

− x mais lorsqu’on parle de "la racine carrée de x" on fait un choix entre les deux (par

convention x) et on lui associe une fonction réelle à valeurs réelles positives nommée
"fonction racine".
Autre exemple : les racines carrées de −1 sont i et − i.

Proposition 3. Tout z ∈ C admet deux racines carrées, ω et −ω.

Contrairement au cas réel, pour z complexe il n’y a pas de façon privilégiée de choisir une
racine plutôt que l’autre, donc pas de fonction racine. On ne dira donc jamais « soit ω la
racine de z » mais « une racine de z ».

12
De la Proposition précédente on déduit que :
• Si z 6= 0 ces deux racines carrées sont distinctes.
• Si z = 0 alors ω = 0 est une racine double.

Démonstration. Pour z = a + i b nous allons calculer ω et −ω en fonction de a et b.


Nous écrivons ω = x + i y et nous cherchons x, y tels que ω 2 = z.

x2 − y 2 = a
ω = z ⇐⇒ (x + i y) = a + i b ⇐⇒
2 2
 2xy = b

Puisque ω 2 = z ⇒ |ω|2 = |z| nous rajoutons au système ci-dessus cette dernière équation

sous sa forme x2 +y 2 = a2 + b2 . Nous obtenons des systèmes équivalents aux précédents :
q√
  √ 
1
2 2
 x −y =a
  2 2 2
 2x = a + b + a

 x = ± √
2q
a2 + b2 + a

  


2xy = b ⇐⇒ 2y 2 = a2 + b2 − a ⇐⇒ y = ± √12 a2 + b2 − a

 √
 x2 + y 2 = a2 + b2


 2xy = b



2xy = b

Discutons suivant le signe du réel b :


Si b > 0, x et y sont de même signe ou nuls (car 2xy = b > 0),
1
q√ q√ 
ω = ±√ a2 + b 2 + a + i a2 + b 2 − a ,
2
Si b 6 0,
1
q√ q√ 
ω = ±√ a2 + b2 +a−i a2 + b2 −a .
2

En particulier si b = 0 le résultat dépend du signe de a, si a > 0, a2 = q
a et par conséquent
√ √ √
ω = ± a, tandis que si a < 0, a2 = −a et donc ω = ± i −a = ± i |a|.
√ √
Exemple résolu : Les racines carrées de i sont

+ 22 (1 + i) et − 22 (1 + i).
 x2 − y 2 = 0
En effet : ω 2 = i ⇐⇒ (x + i y)2 = i ⇐⇒ Comme dans la démonstra-
 2xy = 1
tion précédente on rajoute la condition |ω|2 = | i | pour obtenir le système équivalent au
précédent : 
= 0 2x = 1 x = ± √12
 
2 2 2



x − y 







2xy = 1 ⇐⇒ 2y 2 = 1 ⇐⇒ y = ± √12
 
x2 + y 2 = 1 2xy = 1 2xy = 1

 
 

Les réels x et y sont donc de même signe, et nous trouvons bien deux solutions :
1 1 1 1
x + iy = √ + i √ ou x + i y = −√ − i √ .
2 2 2 2

13
2.2 Équation du second degré
Proposition 4. L’équation du second degré az 2 + bz + c = 0, où a, b, c ∈ C et a 6= 0,
possède deux solutions z1 , z2 ∈ C éventuellement confondues.
Soit ∆ = b2 − 4ac le discriminant et δ ∈ C une racine carrée de ∆. Alors les solutions
sont
−b + δ −b − δ
z1 = et z2 = .
2a 2a

Dans le cas où ∆ = 0, la solution z = z1 = z2 = −b/2a est unique (elle est dite double).

Si on s’autorisait à écrire δ = ∆, on obtiendrait la même formule que celle que vous
connaissez lorsque a, b, c sont réels.
On retrouve aussi le résultat bien connu pour le cas des équations à coefficients réels :

Corollaire 1. Si les coefficients a, b, c sont réels alors ∆ ∈ R et les solutions sont de trois
types :
b
• si ∆ = 0, la racine double est réelle et vaut − ,
2a

−b ± ∆
• si ∆ > 0, on a deux solutions réelles ,
2a

−b ± i −∆
• si ∆ < 0, on a deux solutions complexes, mais non réelles, .
2a
Démonstration. On écrit la factorisation
!  !2 
b c b b2 c
az + bz + c = a z + z +
2 2
= a z + − 2+ 
a a 2a 4a a
 !2   !2 
b ∆ b δ2
= a z + − 2 = a z + − 2
2a 4a 2a 4a
! ! ! !
b δ b δ
= a z+ − z+ +
2a 2a 2a 2a
−b + δ
! !
−b − δ
= a z− z− = a (z − z1 ) (z − z2 )
2a 2a

Donc le binôme s’annule si et seulement si z = z1 ou z = z2 .

Exemples résolus :

√ −1 ± i 3
• z + z + 1 = 0. Alors ∆ = −3, δ = i 3, et les solutions sont z± =
2
.

2
• z 2 + z + 1−i
4 √
= 0. Alors ∆ = i, δ = 2
2
(1 + i), et les solutions sont :
−1 ± 2 (1 + i)
2 √
z± = = − 12 ± 42 (1 + i).
2

14
2.3 Théorème fondamental de l’algèbre
Théorème 1 (d’Alembert–Gauss). Soit P (z) = an z n + an−1 z n−1 + · · · + a1 z + a0 un
polynôme de degré n à coefficients complexes. Alors l’équation P (z) = 0 admet exactement
n solutions complexes comptées avec leur multiplicité.
Autrement dit, il existe des nombres complexes z1 , . . . , zn (dont certains sont éventuel-
lement confondus, cas dans lequel on parle de racine de multiplicité > 2) tels que P (z)
s’écrive comme :
P (z) = an (z − z1 ) (z − z2 ) · · · (z − zn ) .
On applelle cette expression la factorisation sur C du polynôme P .

Nous admettons ce théorème.


Exemple : Le polynôme P (z) = z 4 + z 3 + 3z 2 + (3 − 2 i)z − 2 i se factorise sur C comme
P (z) = (z + 1)(z + 2 i)(z − i)2 donc il admet −1 et −2 i comme racines simples (de
multiplicité = 1) et i comme racine double (de multiplicité = 2).

3 Argument et trigonométrie
3.1 Argument
Si z = x + iy est de module 1, alors x2 + y 2 = |z|2 = 1. Par conséquent le point (x, y) est
sur le cercle unité du plan, et son abscisse x est notée cos θ, son ordonnée y est sin θ, où
θ est (une mesure de) l’angle entre l’axe réel et z. Plus généralement, si z 6= 0, z/|z| est
de module 1, et cela amène à :

Définition 5. Pour tout z ∈ C∗ = C\{0}, un nombre θ ∈ R tel que z = |z| (cos θ + i sin θ)
est appelé un argument de z et noté θ = arg(z).

iR

|z|
i
arg(z)

0 1 R

Remarquer que, à cause de la 2π-périodicité des fonctions cos et sin, cet argument est
défini modulo 2π :

 cos θ = cos θ0
θ ≡ θ0 (mod 2π) ⇐⇒ ∃k ∈ Z, θ = θ0 + 2kπ ⇐⇒
 sin θ = sin θ 0

Cependant, en chaque intervalle semi-ouvert I de l’axe réelle tel que I est de longueur
2π il existe un unique θ argument de z. Un choix "canonique" (i.e. par convention) pour

15
I est [−π, +π[ et dans ce cas on parle d’argument principal de z et on le note par lettre
majuscule : Arg z.
Proposition 5. L’argument satisfait les propriétés suivantes :
• arg (zz 0 ) ≡ arg(z) + arg (z 0 ) (mod 2π)
• arg (z n ) ≡ n arg(z) (mod 2π)
• arg (1/z) ≡ − arg(z) (mod 2π)
• arg(z̄) ≡ − arg z (mod 2π)
Démonstration.
zz 0 = |z| (cos θ + i sin θ) |z 0 | (cos θ0 + i sin θ0 )
= |zz 0 | (cos θ cos θ0 − sin θ sin θ0 + i (cos θ sin θ0 + sin θ cos θ0 ))
= |zz 0 | (cos (θ + θ0 ) + i sin (θ + θ0 ))
donc arg (zz 0 ) ≡ arg(z)+arg (z 0 ) (mod 2π). On en déduit les deux autres propriétés, dont
la deuxième par récurrence.

3.2 Formule de Moivre, notation exponentielle


Proposition 6. (formule de Moivre) ∀n ∈ N, (cos θ + i sin θ)n = cos (nθ) + i sin (nθ).
Démonstration. Par récurrence, on montre que
(cos θ + i sin θ)n = (cos θ + i sin θ)n−1 × (cos θ + i sin θ)
= (cos ((n − 1) θ) + i sin ((n − 1) θ)) × (cos θ + i sin θ)
= (cos ((n − 1) θ) cos θ − sin ((n − 1) θ) sin θ)
+ i (cos ((n − 1) θ) sin θ + sin ((n − 1) θ) cos θ)
= cos nθ + i sin nθ

Nous introduisons la notation exponentielle par ei θ = cos θ + i sin θ.


Avec cette notation, on obtient "l’ecriture exponentielle" de tout nombre complexe :
z = ρei θ
où ρ = |z| est le module et θ = arg(z) est un argument.
0
Avec la notation exponentielle z = ρei θ et z 0 = ρ0 ei θ nous pouvons réécrire les conclusions
de la Proposition 5 :
0 0
• zz 0 = ρρ0 ei θ ei θ = ρρ0 ei(θ+θ )
 n  n
• z n = ρei θ = ρn ei θ = ρn ei nθ formule de Moivre
  1
• 1/z = 1/ ρei θ = e− i θ
ρ
• z̄ = ρe −iθ

0
Aussi : ρei θ = ρ0 ei θ (avec ρ, ρ0 > 0) si et seulement si ρ = ρ0 et θ ≡ θ0 (mod 2π).

16
3.3 Racines n-ièmes d’un nombre complexe
Définition 6. Pour n ∈ N, une racine n-ième de z ∈ C est un nombre ω ∈ C tel que
ω n = z.

Proposition 7. Il y a n racines n-ièmes ω0 , ω1 , . . . , ωn−1 de z = ρei θ . Elles sont :


θ+2kπ
ωk = ρ1/n ei n , k = 0, 1, . . . , n − 1

Démonstration. Écrivons z = ρei θ et cherchons ω sous la forme ω = rei t tel que z = ω n .


n
Nous obtenons donc ρei θ = ω n = (rei t ) = rn ei nt .
Prenons le module de ces complexes ; on obtient : ρ = ρei θ = |rn ei nt | = rn et donc

r = ρ1/n (il s’agit ici de nombres réels).


Pour les arguments nous avons ei nt = ei θ et donc nt ≡ θ (mod 2π). Ainsi on résout
nt = θ + 2kπ (pour k ∈ Z) et donc t = nθ + 2kπ n
.
θ+2kπ
Les solutions de l’équation ω n = z sont donc les ωk = ρ1/n ei n . Mais en fait il n’y a que n
solutions distinctes car ωn = ω0 , ωn+1 = ω1 , . . . Ainsi les n solutions sont ω0 , ω1 , . . . , ωn−1 .

Exemple : (Les racines n-ièmes de l’unité)


Dans le cas z = 1 on obtient les racines n-ièmes de l’unité e2 i kπ/n , k = 0, . . . , n − 1
j = e2 i π/3 i i ei π/3

0 1 = e0 −1 = ei π
0 1

j 2 = e4 i π/3 e− i π/3

Racine 3-ième de l’unité (z = 1, n = 3) Racine 3-ième de −1 (z = −1, n = 3)


Les racines 5-ième de l’unité (z = 1, n = 5) forment un pentagone régulier :
i e2 i π/5
e4 i π/5
0 1

e6 i π/5
e8 i π/5

3.4 Applications à la trigonométrie


ei θ + e− i θ ei θ − e− i θ
Les formules d’Euler, pour θ ∈ R sont : cos θ = et sin θ = .
2 2i
Ces formules s’obtiennent
 facilement en utilisant la définition de la notation exponentielle.
 ei θ = cos(θ) + i sin(θ)
En effet, sachant que on résout ce système en inconnues cos(θ)
 e− i θ = cos(θ) − i sin(θ)
et sin(θ).

17
Nous appliquons à présent les formules d’Euler à deux problèmes : le développement et
la linéarisation.

Développement :
But : Exprimer sin nθ ou cos nθ en fonction des puissances de cos θ et sin θ.
Méthode : on utilise la formule de Moivre pour écrire cos (nθ)+i sin (nθ) = (cos θ + i sin θ)n
que l’on développe avec la formule du binôme de Newton.
Exemple :

cos 3θ + i sin 3θ = ei 3θ = (ei θ )3 = (cos θ + i sin θ)3


= cos3 θ + 3 i cos2 θ sin θ − 3 cos θ sin2 θ − i sin3 θ
   
= cos3 θ − 3 cos θ sin2 θ + i 3 cos2 θ sin θ − sin3 θ

En identifiant les parties réelles et imaginaires, on déduit que

cos 3θ = cos3 θ − 3 cos θ sin2 θ et sin 3θ = 3 cos2 θ sin θ − sin3 θ.

Linéarisation :
But : Exprimer cosn θ ou sinn θ en fonction des cos kθ et sin kθ pour k allant de 0 à n.
 iθ −iθ
n
Méthode : avec la formule d’Euler on écrit sinn θ = e −e
2i
. On développe à l’aide du
binôme de Newton puis on regroupe les termes par paires conjuguées.
Exemple :
!3
ei θ − e− i θ
sin θ =
3
2i
1  
= (ei θ )3 − 3(ei θ )2 e− i θ + 3ei θ (e− i θ )2 − (e− i θ )3
−8 i
1  3iθ 
= e − 3ei θ + 3e− i θ − e−3 i θ
−8 i
1 e3 i θ − e−3 i θ ei θ − e− i θ
!
= − −3
4 2i 2i
sin 3θ 3 sin θ
= − +
4 4

18

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