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Guillaume Charpentier

L3 Histoire

Etude démographique de Chamberet (1736 – 1742)

Partie I. Présentation du champ d'étude


A. Présentation de la paroisse

« Cette importante et très vaste paroisse, semée çà et là de débris gallo-romains, doit remonter très
haut. »1, l’Abbé Poulbrière nous donne ici une description de la paroisse de Chamberet dans les années
1960, qui s’apparente à un gros village, ce que nous allons expliquer par la suite. La paroisse de
Chamberet est une commune du Limousin, plus précisément de la Corrèze comme nous pouvons le
voir sur la carte ci-dessous. Cette commune dans la période qui nous intéresse, c’est-à-dire au milieu
du XVIIIe siècle, est ce que l’on peut appeler un gros village qui compte environ en 1720, 367 feux et
en 1765 un total de 326. Si nous faisons une moyenne entre ses deux résultats pour s’approcher au
plus près du nombre de feux à Chamberet en 1736, cela nous donne un total de 346 feux c’est à dire
une population approximative de 1560 habitants2 pour cette paroisse de la Haute Corrèze.

1
Abbé J.-B., POULBRIERE, Dictionnaire historique et archéologique des paroisses du diocèse de Tulle, tome
premier, 2e édition, Centre national de la recherche scientifique, 1964, Brive.
2
Nous sommes parvenus à ce résultats en multipliant le nombre de feux par 4,5 qui correspond à un feu selon
l’historienne A. Moulin.
Carte du Limousin datant de 1700, à l’échelle graphique de 6 lieus communes de France, 15 x 20,5
cm, Archives départementales de la Haute-Vienne, 2 Fi 703.

B. Présentation de la source

Maintenant penchons nous plus en détails sur la source en elle-même. Les registres paroissiaux de
Chamberet sont bien conservés, la lisibilité de la source reste correcte même si pour certaines années il
est fastidieux de lire, notamment avec l’écriture qui change de tout au rien en l’espace d’un an, mais
aussi avec certaines pages où l’encre a bavé. Nous pouvons surtout observer que le vicaire, François
Serre3, prenait soin de noter scrupuleusement tous les évènements de la paroisse, avec l’ajout des
professions de quasiment chaque membre de la paroisse, ainsi que les âges de tous les défunts. C’est
pour cela que l’on peut remarquer une forte mortalité infantile. D’autres cas plus particuliers sont aussi
à recenser dans ces registres paroissiaux, notamment avec un exemple précis, le vicaire ayant
scrupuleusement noté toutes les causes des décès ce qui nous donnent des actes exceptionnels. Comme
pour l’année 1738, ou l’on peut prendre connaissance de l’enterrement d’une fille âgée de quinze ans,
morte accidentellement car elle fut trainée par un cheval.
Pour certaines années, le vicaire répertoriait à la fin du registre d’une année, le décompte total de
tous les baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse, ce qui m’a était très utile pour vérifier les
potentielles erreurs de dépouillement pour cette étude. Malheureusement de temps en temps, il arrive
de tomber sur des actes illisibles mais déchiffrables grâce à la présence des annotations en marge. Cela
nous permet de plus aisément identifier les différents types d’actes.

C. Une structure de population d'Ancien Régime

Partie II. Le mouvement saisonnier


3
Nous pouvons voir cette information ainsi que ses dates de fonction dans l’ouvrage de l’Abbé J.-B.,
POULBRIERE, Dictionnaire historique et archéologique des paroisses du diocèse de Tulle, tome premier, 2e
édition, Centre national de la recherche scientifique, 1964, Brive.
A. Tableau des données brutes des baptêmes, mariages et sépultures (synthèse 1736-1742).

Mouvement mensuel,
1736-1742
en valeurs brutes
Limousin (56
paroisses, période Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Sept. Oct. Nov. Déc.
1736-1742)
Baptêmes 1802 1761 1989 1727 1349 1101 1269 1698 2002 2062 1895 1676
Conceptions (1736-
1617 1548 1327 1412 1437 1573 1403 1107 917 1048 1354 1567
1741)
Mariages 759 1629 151 191 221 198 183 135 178 166 233 50
Sépultures 1392 1412 1678 1861 1457 1024 888 940 1237 1501 1241 1153

Ce tableau nous montre les valeurs brutes, par rapport aux recensements de chaque type
d’actes, c’est-à-dire des baptêmes, des mariages et des sépultures dans 56 paroisses du Limousin entre
la période de 1736 et 1742, pour chaque mois. Les conceptions, quant à elles, ont été déduites d’un
calcul avec les baptêmes en remontant neuf mois avant. On peut déjà remarquer certains mouvements
par rapport au dénombrement sur certains mois, notamment avec l’exemple frappant des mariages en
février.

B. Le mouvement saisonnier de la mortalité.


 Graphique en histogrammes du mouvement mensuel (en indices, paroisse et Limousin)

Dans cet histogramme en indice par rapport aux sépultures entre le Limousin et la paroisse de
Chamberet entre 1736 et 1742, on peut voir une continuité du mouvement saisonnier, mis à part que la
mortalité à Chamberet est plus élevée que la moyenne limousine. Nous pouvons supposer que ce pic
de mortalité qui s’opère en début d’année est certainement dû à la soudure, notamment avec les
multiples intempéries qui peuvent se produire, sans oublier que notre étude se passe dans ce que l’on
appelle le « petit âge glaciaire » qui se termine vers les années 17504. Au niveau national, pour ce qui
nous ait reporté on peut voir une certaine continuité notamment avec le fait que les indices à partir de
mai jusqu’à août sont en dessous de la moyenne. Pour le cas du Limousin et de Chamberet on peut
observer ce ralentissement de la mortalité durant la période estivale, mais il ne se termine pas en août,
plutôt en février où il reprend de plus belle en mars.
On peut aussi voir des points communs avec les courbes d’indices de la France rurale qui
reprennent les mêmes points communs qu’à l’échelle nationale avec cette descente des actes de
sépultures durant les périodes de fortes chaleurs. En revanche, en ce qui concerne le niveau régional
les courbes d’indices de Chamberet et du Limousin se rapprochent fortement de celles de la Bretagne
et de l’Anjou, où les indices de sépultures culminent en début d’année jusqu’en avril. A partir de mai
les indices descendent jusqu’en janvier ce qui correspond exactement à ce que nous avons sous les
yeux.

C. Le mouvement saisonnier des conceptions.


 Graphique en histogrammes du mouvement mensuel (en indices, paroisse et Limousin)

Maintenant, nous pouvons comparer l’histogramme des conceptions entre Chamberet et le


Limousin entre 1736 et 1741. Nous pouvons d’emblée nous apercevoir que la moyenne limousine est
largement supérieure à celle de Chamberet en termes de conceptions tout le long de l’année. Le
rythme quant à lui est totalement différent car Chamberet va avoir une hausse des conceptions plutôt
vers la fin de l’année de décembre jusqu’en février. Cela peut s’expliquer par l’étude des calendriers
religieux et agricoles. En effet, l’hiver est la période de l’avent et de la semaille, la charge de travail
agricole étant moindre cela laisser plus de temps de et de force pour œuvrer à la croissance
démographique de la paroisse. En revanche, que ce soit pour Chamberet ou le Limousin on voit une

4
HOUDART-MORIZOT, Marie-France, Paysans du Limousin, édition Horvath, 1994, Saint Etienne.
certaine continuité notamment pour la période du carême en avril qui fait chuter les conceptions 5, mais
aussi la période estivale qui est fortement chargé par le travail agricole ce qui explique une baisse des
indices de conceptions.
Par rapport au tableau d’indice de la France rurale 6, on peut voir une certaine continuité
notamment comme nous venons de le citer avec le carême et la période estivale. En revanche on peut
noter une certaine explosion des conceptions en juin et juillet pour la France rurale, ce que l’on ne voit
pas avec Chamberet mais que l’on peut observer avec le Limousin.

D. Le mouvement saisonnier de la nuptialité.


 Graphique en histogrammes du mouvement mensuel (en indices, paroisse et Limousin)

Nous pouvons désormais comparer un autre type d’histogramme, celui concernant les indices de la
nuptialité entre Chamberet et le Limousin de 1736 à 1742. Ce qui est frappant dans cet histogramme,
c’est l’indice des mariages pour le mois de février qui dépasse excessivement les autres mois. Pour
Chamberet il atteint un sommet à plus de 620 d’indices, alors que le Limousin lui plafonne autour des
480 d’indices. Il y a une raison à cela, à savoir que le mois de février dans la France en générale est
considéré comme le mois le plus propice au mariage. En revanche les mois d’avril et de décembre
n’ont quasiment aucun indice du fait du calendrier religieux qui ne privilégie pas le mariage lors du
carême, ainsi que durant la période de l’avent.
En ce qui concerne la France entre les années 1740 – 1789, les indices de mariages explosent lors
du mois de février, mais aussi lors du mois de janvier et de novembre. Ce n’est pas trop le cas en ce
qui concerne notre étude, car nous pouvons voir que comparé à la France rurale le mois de novembre
est en indices 45 pour Chamberet et 75 pour le Limousin alors que la France rurale pour cette période
possède un indice de 1587. On peut voir en général dans ces différentes courbes d’indices une
préférence certaine pour les mariages d’hiver notamment en janvier et en février.

5
Cette période étant très marquée par l’abstinence.
6
DUPAQUIER, Jacques, Histoire de la population française,  tome 2 de la Renaissance à 1789, Quadrige, Presses
Universitaires de France, 1995, Vendôme.
7
DUPAQUIER, Jacques, Histoire de la population française,  tome 2 de la Renaissance à 1789, Quadrige, Presses
Universitaires de France, 1995, Vendôme.
Partie III. Une situation de crise ?
A. Graphique du mouvement naturel (baptêmes, mariages, sépultures), mois par mois de janvier 1736
à décembre 1742.
B. Commentaire

Maintenant, nous pouvons désormais voir plus en détails la situation de la paroisse de


Chamberet. En effet nous pouvons observer avec ce graphique représentant le rythme saisonnier des
baptêmes, mariages et sépultures à Chamberet de 1736 à 1742, que l’on peut distinguer certains
moments de crise dans la commune de Chamberet notamment dû à la crise frumentaire lors de cette
période dans le Limousin. Pour l’année 1736, nous pouvons voir une certaine crise démographique. A
partir du mois de février jusqu’en juillet 1736, Chamberet connaît une période de crise démographique
majeure, avec une hausse du nombre d’acte de sépulture qui atteint un sommet de 36 actes pour le
mois de mars. Tandis que pour les actes de baptême, le seuil des 10 actes par mois reste difficile à
atteindre. On peut émettre deux hypothèses pour apporter une explication à cette crise démographique
de 1736. Dans un premier temps nous pouvons expliquer cette crise avec le phénomène de la soudure 8
ce qui correspondrait à une crise démographique aux printemps, ce qui est le cas ici. Pour ce qui
concerne la deuxième hypothèse, on peut supposer une large propagation du paludisme 9, ce qui
pourrait être le cas car comme nous pouvons le voir sur cette deuxième carte de César Cassini, la
paroisse de Chamberet se trouve à proximité de marais.
En revanche pour l’année 1737, nous pouvons observer une baisse des sépultures, ainsi qu’une
hausse des mariages tout le long de l’année excepté pour les mois d’avril, d’août et de décembre. Cela
s’explique en interprétant les calendriers liturgiques et agricoles. On peut aussi tenter d’expliquer ce
phénomène de hausse des mariages pour l’année 1737. Les habitants ayant certainement conscience
d’une crise démographique, ils se marient afin d’engendrer un phénomène de « baby-boom », c’est ce
qu’on l’on peut appeler un phénomène de remariage, comme nous le dit Jean Dupaquier dans son
ouvrage10. Pour ce qui est de l’évolution du nombre des baptêmes, il surpasse celle des sépultures, ce
qui nous montre une certaine reprise démographique. De 1737 à 1741, le phénomène de croissance
démographique est marqué par la courbe des baptêmes qui surpasse largement celles des sépultures,
même si la mortalité infantile reste très présente dans les registres paroissiaux.
Cependant, nous pouvons remarquer un phénomène de crise pour l’année 1742, avec une
explosion du nombre de sépultures en début d’année, et un pic de 41 enterrements pour le mois
d’avril. Dans les registres, on peut noter que toutes les tranches d’âges sont touchées par ce
phénomène. Malheureusement notre registre ne nous précise pas exactement la cause des décès. On
peut supposer que ce pic des sépultures en début d’année est certainement lié à la crise frumentaire du
Limousin dans cette période, même si elle se reflète dans les autres paroisses vers les années 1738 –
1739.
A l’étude de ses documents, nous pouvons affirmer qu’il y a eu un phénomène de crise dans la
paroisse de Chamberet l’un en 1736 et l’autre en 1742.

8
HOUDART-MORIZOT, Marie-France, Paysans du Limousin, édition Horvath, 1994, Saint Etienne.
9
DELHOUME, Jean Pierre, Les campagnes limousines au XVIIIe siècle, une spécialisation bovine en pays de
petite culture, Pulim, 2009, Monts.
10
DUPAQUIER, Jacques, Histoire de la population française,  tome 2 de la Renaissance à 1789, Quadrige, Presses
Universitaires de France, 1995, Vendôme.
Zoom sur Chamberet, Carte de la province de Limoges, réalisé par César-François Cassini de Thury,
1776, échelle 1 : 86400, 60 x 95 cm, Bibliothèque national de France.

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