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HLP terminale

Les expressions de la sensibilité (premier semestre)


Sensibles, trop sensibles ?

Table des matières


Objectifs ................................................................................................................................... 1
Supports prévus .................................................................................................................... 1
Évaluations prévues .............................................................................................................. 1
Question d’interprétation .............................................................................................................. 1
Essai littéraire.................................................................................................................................. 2
Corpus n°1 ................................................................................................................................ 3
Axe ....................................................................................................................................... 3
Extraits ................................................................................................................................. 3
TEXTE 1 – ROUSSEAU, Cinquième promenade ............................................................................. 3
TEXTE 2 – LAMARTINE, « l’isolement » ......................................................................................... 3
TEXTE 3 – CHATEAUBRIAND : Combourg ...................................................................................... 4
TEXTE 4 – COLETTE, Sido (1930) .................................................................................................... 5

Objectifs

Supports prévus

▪ CORPUS 1 : à travers l’osmose / nature


▪ CORPUS 2 : au fil du sentiment amoureux
▪ CORPUS 3 : au prisme de l’angoisse de la mort

Évaluations prévues

Question d’interprétation
Texte. Charles BAUDELAIRE, « Le gâteau », Le spleen de Paris (1869)

Je voyageais. Le paysage au milieu duquel j'étais placé était d'une grandeur et d'une noblesse irrésistibles. Il
en passa sans doute en ce moment quelque chose dans mon âme. Mes pensées voltigeaient avec une légèreté
égale à celle de l'atmosphère ; les passions vulgaires, telles que la haine et l'amour profane, m'apparaissaient
maintenant aussi éloignées que les nuées qui défilaient au fond des abîmes sous mes pieds ; mon âme me
semblait aussi vaste et aussi pure que la coupole du ciel dont j'étais enveloppé ; le souvenir des choses
terrestres n'arrivait à mon cœur qu'affaibli et diminué, comme le son de la clochette des bestiaux
imperceptibles qui paissaient loin, bien loin, sur le versant d'une autre montagne. Sur le petit lac immobile,
noir de son immense profondeur, passait quelquefois l'ombre d'un nuage, comme le reflet du manteau d'un
géant aérien volant à travers le ciel. Et je me souviens que cette sensation solennelle et rare, causée par un
grand mouvement parfaitement silencieux, me remplissait d'une joie mêlée de peur. Bref, je me sentais, grâce
à l'enthousiasmante beauté dont j'étais environné, en parfaite paix avec moi-même et avec l'univers ; je crois
même que, dans ma parfaite béatitude et dans mon total oubli de tout le mal terrestre, j'en étais venu à ne
plus trouver si ridicules les journaux qui prétendent que l'homme est né bon ; — quand la matière incurable
renouvelant ses exigences, je songeai à réparer la fatigue et à soulager l'appétit causés par une si longue
ascension. Je tirai de ma poche un gros morceau de pain, une tasse de cuir et un flacon d'un certain élixir que
les pharmaciens vendaient dans ce temps-là aux touristes pour le mêler dans l'occasion avec de l'eau de neige.

Je découpais tranquillement mon pain, quand un bruit très-léger me fit lever les yeux. Devant moi se tenait
un petit être déguenillé, noir, ébouriffé, dont les yeux creux, farouches et comme suppliants, dévoraient le
morceau de pain. Et je l'entendis soupirer, d'une voix basse et rauque, le mot : gâteau! Je ne pus m'empêcher
de rire en entendant l'appellation dont il voulait bien honorer mon pain presque blanc, et j'en coupai pour lui
une belle tranche que je lui offris. Lentement il se rapprocha, ne quittant pas des yeux l'objet de sa convoitise
; puis, happant le morceau avec sa main, se recula vivement, comme s'il eût craint que mon offre ne fût pas
sincère ou que je m'en repentisse déjà.

Mais au même instant il fut culbuté par un autre petit sauvage, sorti je ne sais d'où, et si parfaitement
semblable au premier qu'on aurait pu le prendre pour son frère jumeau. Ensemble ils roulèrent sur le sol, se
disputant la précieuse proie, aucun n'en voulant sans doute sacrifier la moitié pour son frère. Le premier,
exaspéré, empoigna le second par les cheveux ; celui-ci lui saisit l'oreille avec les dents, et en cracha un petit
morceau sanglant avec un superbe juron patois. Le légitime propriétaire du gâteau essaya d'enfoncer ses
petites griffes dans les yeux de l'usurpateur; à son tour celui-ci appliqua toutes ses forces à étrangler son
adversaire d'une main, pendant que de l'autre il tâchait de glisser dans sa poche le prix du combat. Mais,
ravivé par le désespoir, le vaincu se redressa et fit rouler le vainqueur par terre d'un coup de tête dans
l'estomac. À quoi bon décrire une lutte hideuse qui dura en vérité plus longtemps que leurs forces enfantines
ne semblaient le promettre ? Le gâteau voyageait de main en main et changeait de poche à chaque instant ;
mais, hélas ! il changeait aussi de volume ; et lorsque enfin, exténués, haletants, sanglants, ils s'arrêtèrent par
impossibilité de continuer, il n'y avait plus, à vrai dire, aucun sujet de bataille ; le morceau de pain avait
disparu, et il était éparpillé en miettes semblables aux grains de sable auxquels il était mêlé.

Ce spectacle m'avait embrumé le paysage, et la joie calme où s'ébaudissait mon âme avant d'avoir vu ces
petits hommes avait totalement disparu ; j'en restai triste assez longtemps, me répétant sans cesse : « Il y a
donc un pays superbe où le pain s'appelle du gâteau, friandise si rare qu'elle suffit pour engendrer une guerre
parfaitement fratricide ! »

Question d’interprétation
« Ce spectacle m’avait embrumé le paysage » affirme le narrateur-personnage. Le poème cherche-t-il à le
montrer ?

Essai littéraire

Marcel PROUST, Le temps retrouvé (1927) :

La grandeur de l'art véritable, au contraire, de celui que M. de Norpois eût appelé un jeu
de dilettante, c'était de retrouver, de ressaisir, de nous faire connaître cette réalité loin de
laquelle nous vivons, de laquelle nous nous écartons de plus en plus au fur et à mesure que
prend plus d'épaisseur et d'imperméabilité la connaissance conventionnelle que nous lui
substituons, cette réalité que nous risquerions fort de mourir sans avoir connue, et qui est
tout simplement notre vie. La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie
par conséquent réellement vécue, c'est la littérature ; cette vie qui, en un sens, habite à
chaque instant chez tous les hommes aussi bien que chez l'artiste. (…)
 Partagez-vous cette conception ?
Corpus n°1

Axe
Le lien avec la nature permet-il de donner accès à la sensibilité ?

Extraits
1) ROUSSEAU, Rêveries du promeneur solitaire, cinquième rêverie (1776-1778)
2) LAMARTINE, Méditations poétiques, « le lac » (1820)
3) CHATEAUBRIAND, Mémoires d’Outre-tombe, I, 3 (1848)
4) PROUST, Du côté de chez Swann (1913) (« Combray »)
5) COLETTE, Sido (1930)

TEXTE 1 – ROUSSEAU, Cinquième promenade


Quand le soir approchait je descendais des cimes de l’île et j’allais volontiers m’asseoir au bord du lac, sur
la grève, dans quelque asile caché ; là le bruit des vagues et l’agitation de l’eau fixant mes sens et chassant
de mon âme toute autre agitation la plongeaient dans une rêverie délicieuse où la nuit me surprenait souvent
sans que je m’en fusse aperçu. Le flux et reflux de cette eau, son bruit continu mais renflé par intervalles
frappant sans relâche mon oreille et mes yeux, suppléaient aux mouvements internes que la rêverie éteignait
en moi et suffisaient pour me faire sentir avec plaisir mon existence, sans prendre la peine de penser. De
temps à autre naissait quelque faible et courte réflexion sur l’instabilité des choses de ce monde dont la
surface des eaux m’offrait l’image : mais bientôt ces impressions légères s’effaçaient dans l’uniformité du
mouvement continu qui me berçait, et qui sans aucun concours actif de mon âme ne laissait pas de m’attacher
au point qu’appelé par l’heure et par le signal convenu je ne pouvais m’arracher de là sans effort.

 Analyse rapide

TEXTE 2 – LAMARTINE, « l’isolement »

Souvent sur la montagne, à l’ombre du vieux chêne,


Au coucher du soleil, tristement je m’assieds ;
Je promène au hasard mes regards sur la plaine,
Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.

Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ;


Il serpente et s’enfonce en un lointain obscur ;
Là, le lac immobile étend ses eaux dormantes
Où l’étoile du soir se lève dans l’azur.

Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres


Le crépuscule encor jette un dernier rayon ;
Et le char vaporeux de la reine des ombres
Monte et blanchit déjà les bords de l’horizon.

Cependant, s’élançant de la flèche gothique,


Un son religieux se répand dans les airs :
Le voyageur s’arrête, et la cloche rustique
Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.

Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente


N’éprouve devant eux ni charme ni transports ;
Je contemple la terre ainsi qu’une âme errante :
Le soleil des vivants n’échauffe plus les morts.

De colline en colline en vain portant ma vue,


Du sud à l’aquilon, de l’aurore au couchant,
Je parcours tous les points de l’immense étendue,
Et je dis : Nulle part le bonheur ne m’attend.

Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,


Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !
Que le tour du soleil ou commence ou s’achève,
D’un oeil indifférent je le suis dans son cours ;
En un ciel sombre ou pur qu’il se couche ou se lève,
Qu’importe le soleil ? je n’attends rien des jours.
Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,
Mes yeux verraient partout le vide et les déserts ;
Je ne désire rien de tout ce qu’il éclaire,
Je ne demande rien à l’immense univers.

Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère,


Lieux où le vrai soleil éclaire d’autres cieux,
Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,
Ce que j’ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux !
Là, je m’enivrerais à la source où j’aspire ;
Là, je retrouverais et l’espoir et l’amour,
Et ce bien idéal que toute âme désire,
Et qui n’a pas de nom au terrestre séjour !
Que ne puis-je, porté sur le char de l’Aurore,
Vague objet de mes vœux, m’élancer jusqu’à toi !
Sur la terre d’exil pourquoi restè-je encore ?
Il n’est rien de commun entre la terre et moi.
Quand la feuille des bois tombe dans la prairie,
Le vent du soir s’élève et l’arrache aux vallons ;
Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie :
Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !"

 Analyse rapide

TEXTE 3 – CHATEAUBRIAND : Combourg

Plus la saison était triste, plus elle était en rapport avec moi : le temps des frimas, en ren- dant les
communications moins faciles, isole les habitants des campagnes : on se sent mieux à l’abri des hommes.
Un caractère moral s’attache aux scènes de l’automne : ces feuilles qui tombent comme nos ans, ces fleurs
qui se fanent comme nos heures, ces nuages qui fuient comme nos illusions, cette lumière qui s’affaiblit
comme notre intelligence, ce soleil qui se refroidit comme nos amours, ces fleuves qui se glacent comme
notre vie, ont des rapports secrets avec nos destinées.
Je voyais avec un plaisir indicible le retour de la saison des tempêtes, le passage des cygnes et des ramiers,
le rassemblement des corneilles dans la prairie de l’étang, et leur perchée à l’entrée de la nuit sur les plus
hauts chênes du grand Mail . Lorsque le soir élevait une va- peur bleuâtre au carrefour des forêts, que les
complaintes ou les lais du vent gémissaient dans les mousses flétries, j’entrais en pleine possession des
sympathies de ma nature. Rencontrais-je quelque laboureur au bout d’un guéret ? je m’arrêtais pour regarder
cet homme germé à l’ombre des épis parmi lesquels il devait être moissonné, et qui retournant la terre de sa
tombe avec le soc de la charrue, mêlait ses sueurs brûlantes aux pluies glacées de l’automne : le sillon qu’il
creusait était le monument destiné à lui survivre. Que faisait à cela mon élégante démone? Par sa magie, elle
me transportait au bord du Nil, me montrait la pyramide égyptienne noyée dans le sable, comme un jour le
sillon armoricain caché sous la bruyère: je m'applaudissais d'avoir placé les fables de ma félicité hors du
cercle des réalités humaines.
Le soir je m'embarquais sur l'étang, conduisant seul mon bateau au milieu des joncs et des larges
feuilles flottantes du nénuphar. Là, se réunissaient les hirondelles prêtes à quitter nos climats. Je ne perdais
pas un seul de leurs gazouillis : Tavernier enfant était moins attentif au récit d'un voyageur. Elles se jouaient
sur l'eau au tomber du soleil, poursuivaient les insectes, s'élançaient ensemble dans les airs, comme pour
éprouver leurs ailes, se rabattaient à la surface du lac, puis se venaient suspendre aux roseaux que leur poids
courbait à peine, et qu'elles remplissaient de leur ramage confus.

La nuit descendait ; les roseaux agitaient leurs champs de quenouilles et de glaives, parmi lesquels la
caravane emplumée, poules d'eau, sarcelles, martins-pêcheurs, bécassines, se taisait ; le lac battait ses bords
; les grandes voix de l'automne sortaient des marais et des bois : j'échouais mon bateau au rivage et retournais
au château. Dix heures sonnaient. A peine retiré dans ma chambre, ouvrant mes fenêtres, fixant mes regards
au ciel, je commençais une incantation.

 Analyse rapide

TEXTE 4 – COLETTE, Sido (1930)

Car j'aimais tant l'aube, déjà, que ma mère me l'accordait en récompense. J'obtenais qu'elle m'éveillât à trois
heures et demis, et je m'en allais, un panier vide à chaque bras, vers des terres maraîchères qui se réfugiaient
dans le pli étroit de la rivière, vers les fraise, les cassis et les groseilles barbues.
À trois heures et demie, tout dormait dans un bleu originel, humide et confus, et quand je descendais le
chemin de sable, le brouillard retenu par son poids baignait d'abord mes jambes, puis mon petit torse bien
fait, atteignait mes lèvres, mes oreilles et mes narines plus sensibles que tout le reste de mon corps... J'allais
seule, ce pays mal pensant était sans dangers. C'est sur ce chemin, c'est à cette heure que je prenais conscience
de mon prix, d'un état de grâce indicible et de ma connivence avec le premier souffle accouru, le premier
oiseau, le soleil encore ovale, déformé par son éclosion...
Ma mère me laissait partir, après m'avoir nommée « Beauté, Joyau-tout-en-or » ; elle regardait courir et
décroître sur la pente son oeuvre, - « chef-d'oeuvre », disait-elle. J'étais peut-être jolie ; ma mère et mes
portraits de ce temps-là ne sont pas toujours d'accord... Je l'étais à cause de mon âge et du lever du jour, à
cause des yeux bleus assombris par la verdure, des cheveux blonds qui ne seraient lissés qu'à mon retour, et
de ma supériorité d'enfant éveillé sur les autres enfants endormis.
Je revenais à la cloche de la première messe. Mais pas avant d'avoir mangé mon soûl, pas avant d'avoir, dans
les bois, décrit un grand circuit de chien qui chasse seul, et goûté l'eau de deux sources perdues, que je
révérais. L'une se haussait hors de la terre par une convulsion cristalline, une sorte de sanglot, et traçait elle-
même son lit sableux. Elle se décourageait aussitôt née et replongeait sous la terre. L'autre source, presque
invisible, froissait l'herbe comme un serpent, s'étalait secrète au centre d'un pré où des narcisses, fleuris en
ronde, attestaient seuls sa présence. La première avait goût de feuille de chêne, la seconde de fer et de tige
de jacinthe...
Rien qu'à parler d'elles je souhaite que leur saveur m'emplisse la bouche au moment de tout finir, et que
j'emporte, avec moi, cette gorgée imaginaire...»

 Analyse rapide

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