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COURS DE DROIT BUDGETAIRE Professeur: Boutayeb ES- SEHAB

DEUXIEME PARTIE : LA PROCEDURE BUDGETAIRE ETATIQUE

Chapitre II: L’exécution de la loi de finances

Semestre 3

Année universitaire 2020 -2021

Séance n° 7
Chapitre II/ L’exécution des lois de finances

 On désigne par le terme exécution : « l’ensemble des opérations qui consistent à


mettre en œuvre les dispositions de la loi de finances à dater du 1er janvier qui suit
son vote définitif et sa promulgation au Journal officiel ».
 Les règles d’exécution sont, pour l’essentiel, contenues dans le Décret royal du 21
avril 1967 portant règlement général de comptabilité publique et dans la LOF
130.13.
 C’est au gouvernement qu’il appartient d’assurer l’exécution des lois de
finances.
 Dès que la loi de finances est promulguée, il doit prendre toute une série de décrets
répartissant les crédits budgétaires.
 L’exécution est ensuite réalisée conformément aux règles de la comptabilité
publique dans le respect des principes de répartition des compétences et des
procédures d’exécution.

Section I/ La répartition des crédits budgétaires

 L’exécution débute par l’adoption des décrets de répartition des crédits pris par
le Premier ministre sur rapport du ministre des finances.
 Ce dernier (décret de répartition) ne doit en aucun cas modifier les autorisations
et prévisions initiales, et il est généralement adopté en même temps que la loi de
finances elle-même.
 En effet, le décret de répartition intervient pour effectuer les virements de
programmes aux projets ou à des actions (article 23 du décret d’application du
15 juillet 2015), et c'est souvent le même numéro de journal officiel publiant la LF,
qui publie également le décret portant répartition des crédits ouverts par elle.

§I/ La notion de crédit budgétaire :

 Le crédit budgétaire est une autorisation de dépenser accordée au responsable


d’un service pour un objet déterminé, un moment donné et une durée limitée. Il

1
permet aux ordonnateurs d’assurer l’exécution des dépenses et aux comptables
de payer les créances de l’Etat.
 L’autorisation est d’abord juridique : elle se concrétise par la mise à disposition
des crédits et permet à une autorité administrative d’engager financièrement l’Etat
dans les limites qu’elle fixe.
 Elle est ensuite conditionnelle : elle est donnée pour la mise en œuvre d’une action
ou d’un ensemble cohérent d’actions auxquelles sont associés des objectifs précis et
des résultats attendus qui sont évalués en fonction d’indicateurs précis.
 Enfin, l’autorisation ne vaut pas obligation. A l’exception de certaines dépenses
qui revêtent un caractère obligatoire (dépenses de personnels, par exemple),
l’inscription de crédits dans un chapitre n’entraîne aucune obligation d’exécution.
Il en résulte plusieurs conséquences : l’autorisation ne crée pas de droits pour les
tiers, les gestionnaires ne sont jamais tenus d’épuiser tous les crédits dont ils
disposent et le gouvernement peut décider en cours d’année de geler ou d’annuler
des crédits préalablement autorisés par la loi de finances initiale.

§2/ Les différents types de crédits

On distingue deux catégories de crédits budgétaires.

 Les crédits inscrits dans les lois de finances sont en principe des crédits limitatifs
définis à l’article 58 alinéa 1 et 2 de la LOF 130.13 : « Les crédits ouverts sont
limitatifs. Les dépenses ne peuvent être engagées, ordonnancées et payées que dans
la limite des crédits ouverts. Pour les dépenses de personnel, elles ne peuvent être
engagées, ordonnancées et payées que dans la limite des crédits ouverts au titre du
chapitre»1.
 Le caractère limitatif des crédits est évidemment essentiel pour le respect de la
portée de l’autorisation budgétaire. Ce caractère limitatif signifie également être
en présence d’un plafond, à l’intérieur duquel le gouvernement retrouve toutefois
une marge d’intervention.
 Par exception, l’alinéa 3 de l’art 58 de la LOF précise que « les crédits relatifs
aux dépenses se rapportant à la dette publique et à la dette viagère et aux
remboursements, dégrèvements et restitutions, fiscaux, ont un caractère évaluatif.
Ces dépenses peuvent s'imputer au-delà des dotations inscrites aux rubriques qui les
concernent. Les dépassements éventuels des crédits ouverts au titre des dépenses
visées à l'alinéa précédent sont constatés et autorisés à titre de régularisation par la
loi de règlement de la loi de finances de l'année concernée.».
 Ce caractère évaluatif signifie que la prévision budgétaire ne saurait être qu’une
estimation, ne pouvant en conséquence constituer une limite contraignante. Des
crédits sont prévus et autorisés dont on admet qu’ils puissent être dépassés pour
la réalisation de l’objectif fixé. Le dépassement se fera, sans formalités, puisque

1
Art. 21 du décret d’application du 15 juillet 2015– Pour l’application du 2 ème alinéa de l’article 58 et de l’article
69 (1er paragraphe) de la loi organique précitée n° 130-13 , les règles de gestion budgétaires et comptables
nécessaires au respect du caractère limitatif des crédits ouverts au titre du chapitre du personnel sont fixées par
arrêté du Chef du gouvernement.

2
les dépenses auxquelles il s’applique s’imputent, au besoin, au-delà de la dotation
inscrite au chapitre qui les concerne.
 Pour les dépenses faisant antérieurement l’objet de crédits provisionnels, l’art
42 de la LOF prévoit l’institution des dotations provisionnelles pour dépenses
accidentelles et imprévisibles. Ces dotations peuvent être opérées en cours d'année
sur ce chapitre pour assurer, par un crédit complémentaire, la couverture de
besoins urgents ou non prévus lors de l'établissement du budget2.

§3/ La modification des crédits en cours d’exercice

 Normalement, à l’exception des crédits évaluatifs, toute majoration des crédits


limitatifs devrait être interdite en dehors d’une augmentation autorisée par une
loi de finances rectificative. Dans la pratique, plusieurs articles de la LOLF
prévoient des procédures permettant de modifier, par voie réglementaire, les crédits
limitatifs.
 Tout d’abord, l’article 23 du décret d’application 15 juillet 2015 prévoit que le
gouvernement peut procéder , dans certaines limites, à des virements de crédits qui
consistent à modifier la répartition des crédits entre programmes d’un même
chapitre où à des transferts de crédits qui permettent de modifier la répartition des
crédits entre programmes de chapitres distincts dans la mesure où l’emploi des
crédits transférés correspond à des actions du programme d’origine. Ces
modifications doivent être effectuées par décision (arrêté) du ministre de finances.
 L’article 60 de la LOF autorise le Gouvernement à adopter des décrets d’avance
« En cas de nécessité impérieuse et imprévue d'intérêt national, des crédits
supplémentaires peuvent être ouverts par décret en cours d'année conformément à
l'article 70 de la Constitution. Les commissions parlementaires chargées des
finances en sont préalablement informées »3.
 De même, l’art 63 de la LOF autorise le report des crédits qui n’ont pas été utilisés
à la fin de l’exercice budgétaire. Le report de crédit se fait soit sur le même
programme, soit sur un programme poursuivant les mêmes objectifs, qu’il s’agisse
d’autorisations d’engagement ou de crédits de paiement ; cependant, les conditions
du report4 sont plus strictes pour ces derniers, les modalités de reports de crédits
sont fixées par le ministre chargé des finances.

2
Art. 15 du décret d’application du 15 juillet 2015. – Les prélèvements sur le chapitre des dépenses imprévues
et des dotations provisionnelles, visés à l’article 42 de la loi organique précitée n° 130-13, sont effectués par
décret pris sur proposition du ministre chargé des finances.
ART. 16 du décret d’application du 15 juillet 2015 – Sont fixées par arrêté du ministre chargé des finances les
modalités d’exécution des dépenses à imputer au chapitre visé à l’article 42 de la loi organique précitée n° 130-
13 relatif aux remboursements, dégrèvements et restitutions, fiscaux
3
Art. 18 du décret d’application 15 juillet 2015 – Les décrets portant ouverture de crédits supplémentaires
prévus à l’article 60 de la loi organique précitée n° 130-13 sont pris sur proposition du ministre chargé des
finances.
4
Les crédits de report sont plafonnés à 30 % des crédits de paiement ouverts au titre du budget d’investissement
avec possibilité de réviser ce plafond à la baisse par une loi de finances.

3
Section II/ La répartition des compétences d’exécution des lois de finances

 Lors de l’exécution de la loi de finances, s’opère une division naturelle des


tâches : les premières, diversifiées, consistent à assurer le fonctionnement d’un
service, recruter du personnel, passer des marchés avec les entrepreneurs,
octroyer des subventions.... ; les autres, uniformes, se réduisent à l’encaissement
et au décaissement des fonds ainsi qu’à leur conservation.
 Ces deux phases, fondamentalement différentes, ont été confiées à deux corps
d’agents indépendants l’un de l’autre : les ordonnateurs et les comptables.

§1/ /L’ordonnateur public

 Le décret royal n° 330-66 du 21/04/1967 portant règlement de la comptabilité


publique pose, dans son art 3, un principe général qui détermine la qualité
d’ordonnateur : « Est ordonnateur public de recettes et de dépenses, toute personne
ayant qualité au nom d'un organisme public pour engager, constater, liquider ou
ordonner soit le recouvrement d'une créance, soit le paiement d'une dette ».
 Il existe différentes catégories d’ordonnateurs mais le régime de responsabilité
auquel ils sont soumis et leurs attributions sont les mêmes.

A/Les différentes catégories d’ordonnateurs

On distingue quatre catégories d’ordonnateur.


- Les ordonnateurs principaux sont des autorités administratives auxquelles les
autorisations budgétaires sont directement destinées. Au niveau de l’Etat, il s’agit du
premier ministre et des ministres considérés comme « ordonnateurs des recettes et des
dépenses de leur département, des budgets des services de l’Etat gérés de manière
autonome et des comptes spéciaux qui leur sont rattachés ainsi que des budgets annexes »5.
- Les ordonnateurs secondaires, appelés sous-ordonnateurs, sont institués pour
des raisons pratiques évidentes. Les ordonnateurs principaux sont en effet dans
l’impossibilité matérielle de décider eux-mêmes de l’exécution de la totalité des opérations
de dépenses et de recettes. Ils peuvent donc instituer, sous leur responsabilité, des
ordonnateurs auxquelles les autorisations budgétaires sont déléguées.
Il en va ainsi, des gouverneurs pour les provinces et les préfectures, mais aussi des
chefs des services extérieurs des différents ministères considérés comme sous-
ordonnateurs de l’Etat pour les crédits qui leur sont délégués par les ministres respectifs.
 Il s’agit en d’autres termes, des autorités administratives qui, dans leur
circonscription territoriale, décident des opérations budgétaires par délégation du
ministre qui est l’ordonnateur principal. Il en va de même de tous les services de
l’Etat gérés de manière autonome6.

5
Art 64 du Décret royal 1967.
6
Art 65 du Décret royal 1967 : « Les opérations des services de l’Etat gérés de manière autonome sont décrites
par un comptable public nommé par le ministre des finances et rattaché au comptable supérieur de l’Etat ».

4
- Les ordonnateurs délégués sont des fonctionnaires auxquels les ordonnateurs
principaux ou secondaires accordent des délégations de signature7. L’ordonnateur peut
signer, en leur nom, les ordonnances, de virement ou de délégation de crédits ainsi que
les pièces justificatives de dépenses et les ordres de recettes.

B/ Le régime de la responsabilité de l’ordonnateur

L’ordonnateur se voit appliquer plusieurs types de responsabilités :


 La responsabilité politique des ordonnateurs principaux, que sont les ministres, est
organisé par la Constitution : «Les ministres sont responsables, chacun dans le
secteur dont il a la charge et dans le cadre de la solidarité gouvernementale, de la
mise en œuvre de la politique du gouvernement » .Article 93 de la Constitution.
 La responsabilité hiérarchique des ordonnateurs secondaires : il s’agit d’une
responsabilité disciplinaire qui se traduit par un retard à l’avancement, la
rétrogradation, la suspension ou encore la révocation selon la gravité des
malversations commises.
 La responsabilité pénale des ordonnateurs principaux, elle peut être engagée sur
la base de l’article 94 de la Constitution qui précise que « Les membres du
gouvernement sont pénalement responsables devant les juridictions du Royaume
pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions. La loi détermine
la procédure relative à cette responsabilité ». Les membres du gouvernement sont
jugés par la haute cour de justice qui est tenue d’appliquer les peines prévues par
les lois pénales en vigueur au moment où les faits ont été commis8.
 La conclusion est l’une des infractions punies par le code pénal. Elle concerne les
agents qui ont ordonné l’établissement ou la perception d’impôts, droits ou taxes
non autorisés par la loi, mais aussi ceux qui, sans cette même autorisation, auront
par exemple consenti des exonérations fiscales9. D’autres infractions commises dans
le cadre de l’exécution du budget sont punies par le code pénal et peuvent concerner
la corruption d’un agent public afin d’obtenir un marché dans les conditions
avantageuses. Il peut s’agir également du trafic d’influence et de l’intéressement de
fonctionnaires à certaines entreprises10.
 La responsabilité pénale des ordonnateurs est, cependant là encore, difficile à
mettre en œuvre du fait, essentiellement, que les considérations politiques
l’emporteraient inévitablement sur les exigences financières. Ce n’est pas le cas
pour la responsabilité des comptables publics.

§2/ Le comptable public :

7
Art 2 du dahir du 10 avril 1957 relatif à la délégation de signature.
8
Art 38 du dahir portant loi organique du 8 octobre 1977 relative à la Haute cour. B.O N°338 bis du 10 octobre
1977.
9
Art 26 du décret royal 1967 et l’art 244 du code pénal.
10
Les articles 244 et Suivant du code pénal

5
 Selon l’art 3 du décret royal de 1967, « le comptable public est « tout fonctionnaire
ou agent ayant qualité pour exécuter au nom d'un organisme public des opérations
de recettes, de dépenses ou de maniement de titres, soit au moyen de fonds et valeurs
dont il a la garde, soit par virements internes d'écritures, soit encore par l'entremise
d'autres comptables publics ou de comptes externes de disponibilités dont il ordonne
ou surveille les mouvements ».
 Compte tenu de leurs attributions, les comptables publics participent activement
à l’exécution de la loi de finances et de ce fait, ils dépendent directement ou
indirectement du ministre des finances
 Il existe plusieurs catégories de comptables publics auxquels s’applique un même
régime de responsabilité.

A/ Les différentes catégories de comptables publics

 L’étendue de leurs fonctions implique toutefois l’existence de deux catégories de


comptables publics. Les uns ont une compétence générale, les autres ont une
compétence spéciale.
 Les premiers sont les comptables du Trésor, comptables de droit commun. A la
tête de la hiérarchie se trouve le Trésorier général du Royaume doté d’une
compétence générale. «Le trésorier général est le comptable supérieur du Royaume.
En cette qualité, il centralise l'exécution comptable du budget général des services
de l’Etat gérés de manière autonome, des comptes spéciaux du Trésor, des budgets
annexes et des opérations de trésorerie »11.
 Les trésoriers régionaux, préfectoraux ou provinciaux et les receveurs des finances
exercent les fonctions du Trésorier général au niveau régional, préfectoral ou
provincial. Ce sont donc des comptables subordonnés qui travaillent sous la
responsabilité et sous le contrôle du Trésorier Général du Royaume. Pour le compte
de ce dernier, ils précentralisent certaines opérations financières locales, et de ce
fait, leur statut leur confère une autorité sur tous les comptables publics de leur
circonscription.
 Au niveau le plus bas de la hiérarchie, se trouvent les percepteurs et les receveurs
communaux. Ce sont des comptables principaux des collectivités locales et de leurs
groupements. Ils dépendent du receveur des finances de leur circonscription et sont
rattachés administrativement à la hiérarchie du Trésor depuis 1964.
 Le rôle de ces comptables publics locaux est considérable en matière de recettes,
puisqu’ils assurent le recouvrement de tous les impôts directs de l’Etat ainsi qu’un
grand nombre de taxes et droits divers.
 Vis-à-vis de la cour des comptes, les receveurs communaux sont tenus de produire
un compte de gestion relatif à l’exécution comptable des opérations financières qui
relèvent de leur compétence.
Les seconds sont les comptables des administrations financières qui sont
spécialisés dans la perception des contributions indirectes et les droits de douane : ce sont

11
Art 66 du décret royal 1967.

6
soit des comptables de la direction générale des impôts (receveurs divisionnaires,
receveurs principaux et receveurs locaux), soit de comptables de la direction générale
des droits de douane et des droits indirectes (receveurs principaux régionaux). Tous ces
comptables sont également justiciables de la Cour des comptes.

B/ Le régime de responsabilité du comptable public


 Les comptables publics assument une responsabilité personnelle et pécuniaire :
 De la conservation des fonds et valeurs dont ils ont la garde.
 De la position des comptes externes de disponibilités qu'ils surveillent ou dont ils
ordonnent les mouvements.
 De l'encaissement régulier des recettes dont le recouvrement leur est confié.
 Du contrôle de la validité de la dépense portant sur la justification du service fait,
l'exactitude des calculs de liquidation, l'existence du visa préalable
d'engagement, le respect des règles de prescription et de déchéance et le caractère
libératoire du règlement.
 Des paiements qu'ils effectuent12.
Ainsi, les comptables encourent quatre cas de responsabilités :
 Responsabilité disciplinaire : Si pour les fonctionnaires, il faut deux conditions
pour engager leur responsabilité : l’existence d’une faute et une faute
personnelle et non de service, la responsabilité des comptables est plus large, il
suffit qu’une irrégularité budgétaire ait été commise même en l’absence d’une
faute de leur part.
 Responsabilité civile : la responsabilité civile est engagée en cas de dommage
imputé au comptable (art 80 du DOC).
 Responsabilité pénale : elle est appliquée en cas d’infractions prévues par les
articles 351 à 356 du code pénal afférentes aux faux en écritures, au cas de
concussion (art 241 à 247 du code pénal et article 26 de la comptabilité publique)
et en cas de détournement de fonds.
 Responsabilité pécuniaire : elle concerne : la conservation de l’encaisse, des
valeurs, la réalisation des recettes, l’acquittement des dépenses. Elle est mise en
œuvre en cas de déficit et en cas de débet. Cette responsabilité est mise en, cause
par arrêté de débet du ministre des finances ou un arrêt de la Cour des comptes.
 Le ministre des finances peut, en effet, déclarer le comptable débiteur : en cas
de déficit de caisse, de manque en valeurs, d’omission dans le recouvrement
d’une créance ou d’irrégularité du paiement d’une dépense13.
 Les comptables publics mis en débet ou déclaré débiteur, ainsi que les agents
placés sous leurs ordres peuvent à leur demande, être déchargés de leur
responsabilité en cas de force majeure ou s’ils sollicitent une remise gracieuse
de leur dette, à la condition toutefois que l'acte ayant été à l'origine de la

12
Art 6 de la loi n° 61-99 relative à la responsabilité des ordonnateurs, des contrôleurs et des comptables en date
du 3 avril 2002.
13
Art 8 de la loi n° 61-99 relative à la responsabilité des ordonnateurs, des contrôleurs et des comptables en date
du 3 avril 2002.

7
décision de remboursement ou du débet ou ayant déclaré l'un d'entre eux
débiteur ne leur ait pas procuré un avantage personnel14.
 En cas de réquisition par l’ordonnateur obligeant le comptable à passer outre
le refus de payer la dépense, la responsabilité de l’ordonnateur est engagée,
alors que celle du comptable est dégagée.
§3/ Le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables
 Au Maroc, ce principe est rappelé par le règlement de la comptabilité publique :
« les opérations financières publiques incombent aux ordonnateurs et aux
comptable publics… »15.
 Ce principe est consacré par le droit de la comptabilité publique pour différentes
justifications (A), mais qui comporte, comme tout principe des exceptions (B).
A/ La justification du principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables
 Les théoriciens justifient ce principe par la nécessité d’une certaine division du
travail résultant d’une spécialisation des tâches, ainsi que par l’impératif d’un
contrôle réciproque lors des différentes opérations d’exécution administratives et
comptables.
 La séparation des ordonnateurs et des comptables est ainsi justifiée au moins
pour deux raisons : l’une est administrative (1), l’autre est d’ordre technique (2).

1/ La raison administrative :
 La raison administrative est liée à la division naturelle des fonctions entre
l’aspect administratif et comptable des opérations financières. Les fonctions
d’ordonnateur sont non seulement distinctes de celles du comptable, mais en
plus les deux fonctions sont incompatibles. C’est l’une des règles fondamentales de
la comptabilité publiques : « les fonctions d’ordonnateur et de comptable sont
incompatibles sauf disposition contraire. »16
 Les fonctions administratives assumées par l’ordonnateur sont à l’origine des
créances de l’Etat, tel par exemple, le recrutement des fonctionnaires ou la
passation des marchés publics. Ce sont des fonctions qui confèrent à l’ordonnateur
un rôle actif et un pouvoir discrétionnaire lui permettant de prescrire la dépense 17.
 En revanche, les fonctions des comptables consistent pour l’essentiel à assurer le
maniement et la garde des fonds. Dans l’exercice de leurs fonctions, les comptables
publics sont appelés à mettre en application des techniques comptables et
financières dans la gestion des fonds, ce qui implique pour eux le contrôle de la
régularité des opérations de recettes et surtout de dépenses prescrites par
l’ordonnateur.

14
Art 10 de la loi n° 61-99 relative à la responsabilité des ordonnateurs, des contrôleurs et des comptables en
date du 3 avril 2002.
15
Décret royal n° 330-66 du 21/04/1967 (10 moharrem 1387) portant règlement général de comptabilité
publique. (B.O. n° 2843 du 26/04/1967, p. 452).
16
Art 4 du décret royal 1967.
17
L. Saidj, « Séparation des ordonnateurs et des comptables », In Dictionnaires encyclopédie de finances
publiques. 1991.

8
2/ La raison technique :
 La séparation des ordonnateurs et des comptables est ensuite justifiée pour une
raison technique dictée par la nécessité d’un contrôle mutuel entre les deux
catégories d’agents. La séparation permet à l’intérieur même de l’administration,
d’éviter les irrégularités et de prévenir les malversations.
 Le contrôle s’exerce réciproquement entre les deux fonctionnaires dès lors qu’un
même agent ne peut à la fois engager une dépense et effectuer le paiement ou
décider d’une recette et en même temps la recouvrer.
 Toujours en matière de contrôle, la séparation entre des comptes administratifs
(d’engagement et d’ordonnancement) et les comptes de gestion (entrée et sorties de
fonds) facilite la mise en œuvre du contrôle de la cour des comptes par le
rapprochement de deux catégories de comptes.
 C’est enfin la raison pour laquelle les comptables publics sont considérés comme
une catégorie spéciale de fonctionnaires dépendant directement du ministre des
finances. Ce dernier peut, de cette façon, exercer son contrôle sur toutes les
opérations financières des organismes publics.
 La séparation des agents d’exécution n’est cependant pas absolue. Des exceptions
sont prévues.

B/ Les exceptions au principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables


 En matière de dépenses, le principe de la séparation des ordonnateurs et des
comptables publics est appliqué de manière quasi absolue (1). Par contre, en
matière de recettes, l’application du principe est beaucoup plus souple (2).

1) Les exceptions en matière de dépenses


 La procédure normale d’exécution des dépenses est parfois simplifiée pour des
raisons pratiques. Trois dérogations sont ainsi admises :

a/ La première dérogation au principe concerne les dépenses sans ordonnancement


préalable. Il s’agit des dépenses qui peuvent être effectuées sans que l’ordonnateur les
prescrive au préalable. Les comptables publics les payent sur simple présentation des titres
de créance. Toutefois, ils sont tenus de notifier ce paiement à l’ordonnateur ainsi qu’au
contrôle des engagements des dépenses18.

 Les dépenses sans ordonnancement préalable sont autorisées par arrêté du


ministre des finances19. Ces dépenses sont limitativement énumérées par l’arrêté
du ministre des finances du 12 décembre 1967 20. La liste comporte 18 catégories
de dépenses parmi lesquelles on peut citer les dépenses relatives à la dette
publique et la rémunération du personnel civil et militaire de l’Etat.

b/ La deuxième dérogation est relative aux dépenses réglées par les régisseurs d’avances.
C’est une procédure qui « permet, au moyen de fonds mis à la disposition des régisseurs, le

18
L’ordonnancement n’intervient dans ce cas qu’à titre de régularisation.
19
Art 35 du décret royal 1967.
20
B.O du 3 janvier 1968.

9
règlement de dépenses, qui en raison de leur nature, de leur faible importance, de leur
caractère imprévisible ou des usages commerciaux locaux ne peuvent, sans inconvénient,
être soumises aux formalités d’engagement, de liquidation, d’ordonnancement et de
paiement. »21

 Les régies de dépenses de l’Etat sont instituées par arrêté conjoint du ministre
intéressé et du ministre des finances et son application est limitée à certaines
dépenses urgentes ou de faibles montants tels que les dépenses de personnel ou de
matériel.22
 L’art 19 du règlement général de la comptabilité publique autorise des régisseurs et
des payeurs à effectuer des opérations d’encaissement ou de paiement pour le
compte des comptables publics dans les conditions fixées par l’instruction du
ministre des finances en date du 26 mars 1969 qui détermine l’organisation et le
fonctionnement des régies.
 Le régisseur est un agent de l’ordonnateur qui effectue des opérations de
paiement pour le compte du comptable. Le régisseur reçoit du comptable
assignataire une avance de fonds sur laquelle il paie directement les dépenses au vu
des justifications présentées par les créanciers23.
 A intervalles régulières, le régisseur présente ses justifications au comptable
assignataire, lequel après contrôle, en impute le montant aux rubriques budgétaires
correspondantes.

c/ La troisième dérogation s’applique aux dépenses exécutées par les payeurs


délégués. Ce sont des fonctionnaires nommés par arrêté conjoint du ministre des finances
et du ministre intéressé24. Ils reçoivent des comptables publics l’autorisation d’effectuer des
opérations de paiement et ils assurent leur fonction dans les conditions fixées par une
instruction du ministre des finances25.

 A l’instar des régisseurs, les payeurs délégués agissent sous la responsabilité et le


contrôle sur place et sur pièces du comptable de rattachement et du comptable
assignataire de la dépense.

2/ Les exceptions en matière de recettes

 En matière de recettes, la règle de la séparation des ordonnateurs et des


comptables ne s’applique que dans le cas où il y a une dissociation nette entre la
phase administrative et la phase comptable de l’opération, c'est-à-dire, entre
l’assiette et la liquidation d’une part et le recouvrement d’autre part.

21
Instruction du ministre des finances relatives aux régies de dépenses et aux régies d’avance. 26 mars 1969, art
1.
22
Instruction du ministre des finances relatives aux régies de dépenses et aux régies d’avance. 26 mars 1969, art
1.
23
Dans la pratique, le comptable remet au régisseur, à titre d’avance, une somme dont le montant est
reconstitué au fur et à mesure que le régisseur justifie les dépenses qu’il a réglées.
24
Art 19 du décret royal 1967.
25
Instruction du 15 avril 1971, n° 1535.

10
La séparation entre les deux catégories d’agents est écartée dans deux cas :

a/ - Le premier cas concerne la perception des droits au comptant. Certaines recettes


peuvent être perçues directement par simple déclaration des débiteurs eux-mêmes sans
intervention des ordonnateurs.

 Ceci concerne notamment les recettes encaissées par versement au comptant qu’est
la règle pour certains impôts directs et indirects, tels que l’IR, l’IS et la TVA.
 Les impôts indirects comme les droits de douane sont ainsi perçus par une seule et
même administration qui exécute l’ensemble du processus : l’assiette, liquidation et
recouvrement. Il en est de même pour certaines redevances perçues sans émission
préalable de titres par les ordonnateurs.

b/ - le deuxième cas est prévu pour la perception des droits et produits par les régisseurs de
recettes. La régie de recettes est une procédure simplifiée, instituée pour permettre à un
administrateur de percevoir des recettes sans établissement préalable d’un titre de
perception.

 Par ailleurs, l’organisation et le fonctionnement de la régie de recettes sont


également prévus par l’instruction du ministre des finances du 15 avril 1971.
Elles sont instituées par arrêté conjoint du ministre intéressé et du ministre des
finances. Enfin, les régisseurs de recettes exécutent leurs missions sous le contrôle
des comptables assignataires auxquels ils rendent compte à intervalle régulier.

11

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