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Premières objections à ton raisonnement :

Tu admets que « sortir » de L’Union Européenne et s’affranchir de l’Euro (sa


monnaie) relèvent bien du même mouvement social, politique et idéologique, et tu as dit
ton hostilité de principe à l’OTAN (sa superstructure impériale). Logiquement tu devrais
donc admettre que la revendication ne peut devenir effective (plus encore que réelle) qu’en
associant ces trois négations : de l’U.E., de l’Euro et de l’OTAN. C’est pourquoi je
partage le point de vue de mes amis du comité Valmy (et de beaucoup d’autres) que ces
trois questions, et non simplement les deux premières, sont étroitement liées .
Or je considère, d’un point de vue dialectique, que la détermination idéologique qui
intègre ces trois négations en une seule, n’est pas l’interprétation contemporaine de
l’internationalisme, au sens de Marx ; et je ne pense pas, toujours du même point de vue
dialectique (et marxiste), que le cadre économique général (mondialisé) nie la réalité
particulière et localisée du développement des forces productives. Je juge donc que
conformément aux leçons des maîtres anciens, que j’ai laborieusement intériorisées, il
faut faire l’effort de « s’élever du particulier au général » et non l’inverse (comme déjà Marx
observait que les intellectuels français en ont la fâcheuse habitude).
Je suis parfaitement d’accord avec tes commentaires sur les raisons qui impliquent,
au nom de cet internationalisme prolétarien de disqualifier le repli national qui, en tant
que tel, ne serait rien d’autre qu’un repli identitaire, comme un autre, fondé sur la
négation absolue, le refoulement et l’essentialisation communautaire. Cette motivation
est certainement présente chez des anglais aussi bien que chez des français (et d’ autres),
mais elle n’a pas plus joué dans le cas du Brexit qu’elle ne l’a fait pour le NON au
referendum constitutionnel européen.
En outre, la négation de cette négativité identitaire « nationaliste » n’est pas la
« supra-nation » libérale , c’est au contraire la Nation comme négation de cette « supra-
nation » qui n’est que la « réalité augmentée » de l’État-nation bourgeois. Or l’histoire ne
nous donne aucun exemple ni aucune meilleure idée que le concept de Nation comme
fondement de société instituée (et constituée) sous une commune identification de la
collectivité populaire, dépourvue de toute essentialisation communautaire, raciale ou
religieuse et de toute détermination de classe.
Je confirme, pour prolonger tes arguments congrus, que les motifs couramment
évoqués par les europhiles pour dénoncer le Brexit sont inconsistants puisque le
Royaume Uni n’est ni dans l’Euro, ni dans Schengen. Mais cela implique aussi que,
quelques soient les raisons qui ont déterminés les anglais au Brexit -très majoritairement
ceux des classes populaires et vivant dans les « zones » extérieures à l’ «industrie
financière »- ça n’est donc ni le souhait d’accroître la vassalisation à Wall Street et au
Pentagone, ni la peur des migrants « extra-européens », qui ont construit le rapport de
force qui s’est politiquement constitué contre l’U.E (en dépit de l’énorme pression
médiation et idéologique exercée par la classe dirigeante mondialisée pour essayer de
maintenir le statu-quo).
Je partage complètement ton analyse critique actualisant la thèse du dépérissement
de l’État (nation). L’idée d’Engels, bien souvent reprise par les prétendus marxistes, est

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bien « remise sur ses pieds » quand tu fais observer que ce dépérissement « spontané »
n’est pas tant à attendre du passage au socialisme que de la contradiction interne du
régime d’accumulation capitaliste. Ce qui à mon sens est bien plus conforme à
l’heuristique de Marx (que la thèse d’Engels) et surtout absolument manifeste quand on
considère (comme tu le fais) l’homogénéité entre le mouvement de concentration
capitaliste, supranational, au niveau de la propriété des outils de production, et la tournure
prise par les superstructures impérialistes dans la ligne de l’Union Européenne.
Mais, sur le modèle leniniste de « l’impérialisme stade ultime du capitalisme » il semble
logique d’en déduire qu’en tant que superstructure supranationale engendrée par une
logique d’accumulation, elle-même acculée à ce dépassement de son cadre national à
seule fin de persévérer dans son être, l’U.E. est condamnée par la même baisse tendancielle
du taux de profit qui avait été à son origine. Illustrant ainsi le célèbre commentaire de
Marx qu’ « Une formation sociale ne disparaît jamais avant que soient développées toutes les forces
productives qu'elle est assez large pour contenir ». Or, Marx observe alors que « jamais des
rapports de production nouveaux et supérieurs ne s'y substituent avant que les conditions d'existence
matérielles de ces rapports soient écloses dans le sein même de la vieille société. C'est pourquoi l'humanité
ne se pose jamais que des problèmes qu'elle peut résoudre, car, à y regarder de plus près, il se trouvera
toujours, que le problème lui-même ne surgit que là où les conditions matérielles pour le résoudre existent
déjà ou du moins sont en voie de devenir. » .
Si donc on considère sérieusement ta proposition d’union franco-allemande, qui du
reste me semble d’autant moins incongrue qu’elle s’inscrit dans une généalogie qui va de
Clovis au « marché commun » tel que conçu par De Gaulle ; alors il nous faut admettre
que la condition matérielle, préalable à toute transformation positive de cet ordre, est
bien aujourd’hui le dépérissement et l’abolition de la structure Union Européenne, sous le
poids des contradictions héritées de ses objectifs de vassalisation impérialiste (et tout ce
qui va avec : Euro, Otan, etc.). Or, si l’heure n’est sans doute pas encore venue de
« l’Europe de de l’Atlantique à l’Oural » (non alignée, comme on disait jadis), il semble
néanmoins peu douteux que nous sommes entrés, depuis une dizaine d’année, dans une
de ces périodes où « Le changement dans la base économique bouleverse plus ou moins rapidement
toute l'énorme superstructure ».
En conclusion : oui au « cadre intermédiaire » que serait l’ « ensemble franco-
allemand » que tu appelles de tes voeux, mais il ne peut logiquement se concevoir,
conséquence de tes propres réquisitions, que sur les décombres des formes mortes qui
aujourd’hui occupent encore le terrain . Bref, tout ce qui peut contribuer au délabrement
de cette néfaste citadelle de l’impérialisme globalisé et de ses multitudes aliénées sera bon
pour ses peuples.
Amitiés, à bientôt.
Dominique

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