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L’étranger

L’Etranger, Camus, Incipit


Camus écrit L’Étranger en 1942, en pleine Seconde Guerre mondiale. Nombre de ses œuvres seront marquées par
cette guerre et par les sentiments nés de l’absurdité du monde et du besoin de révolte face aux crimes commis par
l’humanité. L’Étranger fait partie de ce que Camus appelle « le cycle de l’absurde » et qui transpose en roman
sa philosophie de l’absurde, selon laquelle l’existence n’a pas de sens et seule la fatalité et le hasard guident nos
pas.

Le récit de Meursault illustre effectivement ces idées : il se contente de décrire les événements de manière distante et
détachée, même lorsque quelque chose le touche de près, comme la mort de sa mère dans l’incipit.

I – Un incipit à la fois traditionnel et déroutant


A – Caractéristiques classiques

Comme dans les incipits de romans traditionnels, les premières pages de L’Etranger nous donnent un cadre spatio-
temporel précis.

Le début du deuxième paragraphe nous informe ainsi que le narrateur se trouve à Alger, qui est « à quatre-vingt
kilomètres » de Marengo (où se trouve l’asile de vieillards où vivait la mère du narrateur).

Même si nous ne savons pas à quelles dates précises se déroule l’action, le texte comporte de nombreuses indications
temporelles : « aujourd’hui  » (premier mot), «  hier » (deuxième phrase), « à deux heures », « après-demain  », etc.

Ce début de roman est également classique en ce sens qu’il présente une situation initiale particulière, qui
déclenche l’intrigue : le narrateur vient de recevoir « un télégramme de l’asile » lui annonçant la mort de sa mère, il va
donc entamer un court voyage et se rendre à Marengo pour régler les formalités et assister à l’enterrement.

B – L’originalité de l’incipit : un décalage entre le contenu et le style

Là où l’incipit déroute, c’est dans la présentation très factuelle des événements, alors que le récit est écrit à
la première personne (focalisation interne) et que le narrateur est intimement concerné par ce qui se passe, c’est-à-
dire le décès de sa mère qu’il vient tout juste d’apprendre (le lecteur entre dans le roman directement au cœur de
l’action). On remarque immédiatement que le texte est marqué par l’absence totale d’un lexique psychologique qui
exprimerait les sentiments ou émotions d’un narrateur.

En revanche, ce passage fourmille de détails purement informatifs, donnés dans des phrases simples (sujet-verbe-
complément) et déclaratives qui ne sont pas sans rappeler le style laconique du télégramme : Ces phrases courtes
et banales contrastent avec la situation exceptionnelle qu’est en train de vivre le narrateur.

Transition : L’incipit d’un roman joue aussi le rôle d’accroche, et c’est ici l’originalité de la narration qui intrigue le
lecteur.La bizarrerie du comportement de Meursault dérange et crée une sorte de suspense : qui est-il vraiment
et comment expliquer son comportement ?
II – Un personnage atypique
A – Un personnage en apparence complètement détaché …

Meursault apparaît tout de suite comme un personnage indifférent et détaché. Ainsi, lorsqu’il reçoit le télégramme,
il affirme : « Cela ne veut rien dire », alors que l’information donnée est très claire (« Mère décédée »). Il donne
l’impression d’être davantage préoccupé par le jour exact du décès (« aujourd’hui » ou « hier » ?) que par la mort de
sa mère. On a par ailleurs l’impression qu’il a hâte que cette mort soit « une affaire classée », comme s’il ne s’agissait
que d’un léger désagrément à régler avant que la vie ne reprenne son cours habituel.

B – …Mais en réalité complexe

Malgré cette apparente indifférence, Meursault fait preuve de bonne volonté tout au long de cet incipit et se
conforme aux codes. Il a l’intention de partir sans tarder pour pouvoir veiller sa mère (« Ainsi, je pourrai veiller »,
paragraphe 2), il demande « deux jours de congé à [son] patron »,A cet égard, il fait tout ce qu’on attend de quelqu’un
qui vient de perdre sa mère.Cet incipit dévoile en outre un personnage qui se sent coupable, comme le montre la
conversation rapportée entre lui et son patron. Il se sent obligé de justifier son départ pour que le patron ne pense
pas qu’il cherche simplement à prendre des congés : « Ce n’est pas de ma faute  », même s’il ajoute immédiatement :
« je n’aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n’avais pas à m’excuser. »

Transition : Malgré son apparent détachement et une absence d’émotions, l’incipit révèle


un narrateur plus complexe qu’il en a l’air.

III – Un personnage à condamner ?


A – Une situation d’énonciation ambigüe : entre journal intime et compte rendu

Le récit dans ce chapitre 1 de L’Etranger prend la forme d’un journal, comme le montrent l’utilisation de la première


personne et du passé composé (« j’ai reçu », « j’ai demandé »). Nous sommes donc dans le domaine de l’intime. Il
utilise également le futur ( projet du narrateur )

B – Les indices de l’attachement à sa mère

Même si ce n’est pas évident au premier abord, certains petits indices montrent que Meursault avait de
l’affection pour sa mère et que sa mort le touche. Ainsi, lorsqu’il reformule le message du télégramme dans ses
propres mots (« Aujourd’hui, maman est morte »), « mère  » devient «  maman », « décédée » devient « morte ».
Le style froid et officiel du télégramme prend une dimension plus humaine, presque enfantine, dans les mots de
Meursault, trahissant un certain désarroi. Par ailleurs, il ne semble pas prendre pleinement conscience de cette
nouvelle. Bien qu’il décide de partir immédiatement, il affirme un peu plus loin : «  Pour le moment, c’est un peu comme
si maman n’était pas morte » (reprenant ainsi la formulation enfantine). C’est une sorte de déni qui contribue
à expliquer son attitude détachée.

Incipit de l’Etranger : Conclusion


C’est un personnage extrêmement ambigu qui est introduit dans cet incipit. Son apparente froideur est à nuancer,
car de nombreux indices montrent un personnage plus affecté qu’il n’y paraît.

En plus d’un sens, ces quelques paragraphes suffisent à expliquer le titre : Meursault est étranger au monde (car il ne
mesure pas totalement la portée des événements) et étranger à lui-même (car il n’est pas capable de formuler ce
qu’il ressent).
Comment adapter le plan sur l’incipit de  L’Etranger de Camus aux différentes questions
possibles à l’oral de français ?

Questions possibles sur l’incipit de l’Etranger de Camus :

1. Qu’est-ce qui fait l’originalité de cet incipit ?


2. En quoi cet incipit éclaire-t-il le titre du roman L’Etranger ?
3. Comment est construite dans cet incipit la personnalité ambigüe de Meursault
4. Meursault est-il présenté comme un héros traditionnel de roman ?

1 – Qu’est-ce qui fait l’originalité de cet incipit ?

Nous verrons tout d’abord que l’incipit de L’Etranger, tout en présentant certaines caractéristiques classiques d’un
incipit, comprend des éléments surprenants (I). Son originalité réside notamment dans l’attitude du narrateur,
personnage atypique (II) . Nous verrons enfin que l’incompréhension que le lecteur peut ressentir face au narrateur
est à nuancer (III).

2 – En quoi cet incipit éclaire-t-il le titre du roman (L’Etranger) ?

Cet incipit éclaire le lecteur sur le sens du titre du roman. En effet, il commence de façon
déroutante, par une narration surprenante, étrange. Ensuite, le narrateur apparaît comme
un personnage atypique, qui semble étranger à ce qui l’entoure. Nous verrons toutefois que
l’incompréhension que le lecteur peut ressentir face à ce narrateur est à nuancer.

3 –  Comment est construite dans cet incipit la personnalité ambigüe de Meursault ?

Meursault apparaît dans cet incipit comme un personnage ambigu. En effet, l’originalité de la narration surprend
d’abord le lecteur. Puis c’est l’attitude indifférente de Meursault qui étonne. Nous verrons toutefois que
l’incompréhension que le lecteur peut ressentir face à ce narrateur est à nuancer car Meursault est un personnage
plus complexe qu’il n’y paraît.

4 – Meursault est-il présenté comme un héros traditionnel de roman ?

Meursault n’est pas présenté comme un héros traditionnel. En effet, c’est un personnage


atypique dont l’indifférence et le détachement surprennent.

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