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Correction Le Malentendu, Albert Camus, 1944.

1.Les personnages :

Tout d’abord c’est la famille qui est au centre de ces deux pièces contemporaines. On y retrouve quasiment la
même structure. Une mère, l’absence d’un père qui sera dans les deux cas, traitée de manière très elliptiques, un
frère, une sœur (un membre en plus dans la pièce de Lagarce) et deux belles-sœurs pour le personnage principal.
Catherine et Maria ont une fonction assez proche dans les deux pièces : celle de voir de l’extérieur le fonctionnement
de la famille et dans les deux œuvres elles vont encourager le personnage principal à parler : Catherine encourage
effectivement Louis à parler à son frère et Marie demandera à Jan de dire simplement et rapidement qui il est. Le
domestique apporte aussi une dimension particulière à la pièce de Camus : il incarne bien sûr une forme du destin,
de la fatalité. C’est lui qui vole le passeport et garde pour lui l’identité de Jan. C’est lui aussi, qui laisse les humains
seuls avec leur malheur. Louis et Jan se ressemblent grandement : fils absents, partis réussir leur vie loin d’une
famille dans laquelle ils ne se retrouvent pas, ils reviennent. Dans la fratrie aussi des échos se dessinent : Martha, si
elle évoque spontanément un double de Suzanne, jeune sœur qui n’a pas pu connaître un frère parti trop tôt, au fil
de la pièce c’est plus à Antoine qu’elle nous fait penser par sa violence, son égoïsme, sa jalousie. Les mères sont
toutes deux réduites à leur fonction : elles interrogent dans les deux pièces la question de l’amour pour un fils parti,
pour un absent et la possibilité de le reconnaître. Dans Juste la Fin du monde, lors du monologue de la Mère cette
dernière s’interroge sur le caractère de Louis en se demandant d’où il tient cela. Elle semble ne pas reconnaître ce fils
distant. De manière plus concrète, la mère du Malentendu ne reconnaîtra pas son fils même si son intuition semble
souvent lui faire prendre conscience de son lien de parenté avec ce client.

2. Un drame de la parole

Dans la pièce de Lagarce, Louis ne parviendra jamais à dire ce pour quoi il est revenu, de même que Jan. Cependant,
les raisons ne sont pas les mêmes. Louis n’a sans doute pas de place devant les flots de parole des membres de sa
famille. Si le spectateur l’entend, c’est lors de monologue, Louis parle seul et encore une fois pas avec quelqu’un. Jan
ne parvient pas à dire pourquoi il est revenu. Le rapport n’est pas tout à fait le même dans les deux pièces puisque
Jan parvient à dire, à parler. Les dialogues avec sa mère ou Martha sont d’ailleurs souvent plein de sous-entendus. Ce
n’est donc pas tout à fait le même rapport au langage : l’un ne peut pas dire, l’autre ne trouve pas le mot « juste ».
Cependant l’issue sera la même : aucun des deux ne parviendra vraiment à dire ce qu’il souhaitait dire. Martha
comme Antoine ou Suzanne en revanche disent, beaucoup, trop sans doute. Leurs prises de paroles sont longues,
denses, souvent agressives. Les frères et sœurs se servent de la parole comme d’une catharsis, comme un moyen de
vivre par procuration certaines choses (Martha qui imagine sa future vie au soleil), Antoine se libère de son enfance.

3. Des tonalités différentes :

La différence majeure est bien sûr que chez Camus le drame du langage se double d’une tonalité policière. Un
suspense est rapidement créé : Martha et sa mère iront-elles jusqu’à tuer leur frère/fils ? Jusqu’au bout nous
espérerons que Jan avoue son identité et évite le pire. Même si la tonalité tragique nous permet de comprendre
assez rapidement que l’issue ne pourra qu’être fatale. L’assimilation de la pièce de Lagarce au registre tragique a été
établie au cours de notre étude ; pour Camus, la présence du tragique se voit bien sûr à travers l’aspect inéluctable
de la mort (et trois morts), la présence du domestique qui figure au sens propre l’image du destin.

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