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COLLECTION CINEMEDIA

La collection CINEMEDIA, créée par l'Organisation Catholique


Internationale du Cinéma et de l'Audiovisuel, a pour but de faire
plus largement connaître les productions cinématographiques des
pays du tiers monde, contribuant ainsi à leur croissance et à leur
développement. Cet effort s'inscrit dans le cadre de l'instauration
d'un véritable dialogue culturel international.

Sous la direction de Robert Molhant assisté par Philippe


Gosseries, la collection CINEMEDIA fait appel à une large
coopération internationale. Le présent ouvrage, coédité avec
l'Harmattan, a bénéficié d'une aide à la diffusion de la part de
l'Agence de Coopération Culturelle et Technique, Paris.

Photo de couverture: Fatim DIAGNE dans Taw de SEMBENE Ousmane (avec


l'autorisation du Producteur Réalisateur).
LE CINEMA AU SENEGAL
CINEMEDIA

CINEMAS D'AFRIQUE NOIRE


sous la direction de Victor BACHY
Parus:
Le Cinéma en Côte d'Ivoire par Victor BACHY
La Haute-Volta et le Cinéma par Victor BACHY
Le Cinéma au Mali par Victor BACHY
A paraître:
Le Cinéma dans les pays des Grands Lacs: Zaïre, Rwanda et Burundi
par Rik OTTEN (en collaboration)
Le Cinéma au Cameroun par Arthur SIBITA
Le Cinéma au Niger par Inoussa OUSSEINI

CINEMAS D'AMERIQUE LATINE


A paraître:
Cine Andino
en co-édition avec l'Universidad de Los Andes (en espagnol)

CINEMAS D'ASIE
A paraître:
Cinema in Thailand, Indonesia and the Philippines

DU MEME AUTEUR
Le cinéma et l'Afrique
Editions Présence Africaine, Paris, 1970
Sembene Ousmane, cinéaste
Editions Présence Africaine, Paris, 1972
Le cinéma africain, des origines à 1973
Editions Présence Africaine, Paris, 1975
PAULIN SOUMANOU VIEYRA

LE CINEMA AU SENEGAL

OCIC/L'HARMATTAN
C) OCIC 1983
Rue de l'Orme 8, B-1040 Bruxelles, Belgique
D/1983/3375/4
Tous droits réservés
AVANT-PROPOS

Si l'on tient 1960 pour l'année des indépendances des pays afri-
cains parce que c'est l'année qui aura vu le plus de pays africains
accéder à la souveraineté nationale, la première décennie qui a
suivi aura été le témoin de bouleversements qualitatifs et quantita-
tifs dans les structures héritées de la colonisation.
C'est l'évidence qu'il fallait un changement profond pour mar-
quer la réalité des nouveaux statuts. Dans certains domaines, une
simple réforme a suffi pour que les pays reprennent en main leurs
propres affaires. Pour d'autres secteurs, une véritable révolution
s'imposait. C'est l'évidence aussi que les changements doivent
commander les nouvelles nécessités de la vie d'un peuple. C'est
l'affaire des gouvernements de les canaliser et de créer les condi-
tions de leur réalisation; c'est une question de politique, donc
d'idéologie. Pour les lenteurs de mise en place constatées dans cer-
taines activités que l'on peut légitimement tenir pour primor-
diales, on peut retenir l'argument d'opportunité parce qu'il est
politique. On peut retenir également les ordres d'urgence pour des
raisons tactiques et de doctrine.
Si l'Afrique s'est attachée à résoudre en premier les problèmes
économiques parce qu'ils sont vitaux, les questions culturelles,
sans doute plus complexes, commencent à peine à recevoir des
solutions. Le cinéma, qui en fait partie, a été abordé par les pays
africains avec plus de circonspection. Est-ce à dire que rien n'a été
fait en Afrique dans ce domaine? Les structures d'accueil qui doi-
vent aboutir inévitablement à la mise sur pied dans chaque pays
d'installations cinématographiques, aussi petites soient-elles, ont
retenu l'attention des pouvoirs publics et certains pays africains
ont même mis en route leur complexe cinématographique.
Des ouvrages en ont témoigné, comme celui de Abdel Monem
SAAD sur le cinéma égyptien, celui de Younes DADCI sur le
cinéma algérien, ceux de Omar KHLIFI et de Victor BACHY sur
le cinéma tunisien, les numéros-dossiers de CinémAction présen-
tés par Guy HENNEBELLE, et la série «Les Cinémas en Afrique
noire», de Cinemedia, sous la direction de Victor BACHY.
C'est le cas du Sénégal qui nous retiendra en ces pages. Pour com-
7
prendre les structures ou la non structure du cinéma au Sénégal
actuellement, il nous fallait expliquer le mécanisme de la création
des circuits de distribution au Sénégal, c'est ce qui explique la par-
tie que nous consacrons à leur histoire.
Notre subjectivité s'est voulue le plus possible objective parce que
nous avons voulu faire un travail d'«historien», avec l'inconvé-
nient sans doute d'être trop proche des créateurs ici analysés, puis-
que nous sommes un des leurs.
Nous prenons ici date, en mêlant la petite histoire à la grande, en
faisant parfois du particulier l'essentiel, c'est l'avantage d'être
contemporain de ceux dont on parle.
Le film a maintenant une longue vie avec les moyens de conserva-
tion efficaces que nous connaissons. Ils sont donc appelés à durer
et à passer à la postérité. D'autres regards et d'autres sensibilités
seront appelés à les juger, ce qui permettra une étude compara-
tive.
Si cet ouvrage ne devait servir qu'à cela, il aurait donc déjà sa rai-
son d'être. Mais il a aussi l'ambition de mieux faire connaître l'un
des cinémas les plus importants d'Afrique, tel qu'il se présente
actuellement, confronté à toutes sortes de difficultés qui freinent
son épanouissement.

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INTRODUCTION :

LE PAYS ET LES HOMMES


SITUATION GEOGRAPHIQUE

Le Sénégal, avec la presqu'île du Cap Vert, occupe la position la


plus avancée de l'Afrique de l'Ouest dans l'Océan Atlantique. Il
se situe entre 12°30 et 16°30 de latitude nord, et 11°30 et 17°30 de
longitude ouest.
Le fleuve Sénégal au nord et au nord-est forme une frontière natu-
relle avec la Mauritanie, de même pour la rivière Falémé au sud-
est avec le Mali. Au sud, le Sénégal est délimité par les frontières
de la Guinée et de la Guinée Bissau. La Gambie constitue de part
et d'autre du cours inférieur du fleuve Gambie une enclave de
10.300 km 2 à l'intérieur du territoire (1).
La superficie totale du Sénégal atteint 196.722 km' (2). Hormis la
région du sud-est où le relief est quelque peu accidenté, sans que
l'altitude y dépasse 681 mètres au point culminant des contreforts
du Fouta Djalon, le Sénégal est un pays plat ne s'élevant pas au-
dessus de 130 mètres.
Le climat est soumis à la fois à des facteurs géographiques et à des
influences atmosphériques. D'autre part la présence d'une façade
maritime de plus de 500 km et la situation à l'extrême ouest du
continent africain entraînent des différences climatiques entre la
zone côtière et les régions de l'intérieur. D'autre part la circulation
atmosphérique facilitée par l'absence d'obstacles montagneux
place le territoire sous les effets de l'alizé maritime, de l'harmat-
tan et de la mousson. Ces masses d'air vont déterminer deux sai-
sons différentes par une pluviométrie très contrastée.
L'influence du climat et de l'hydrologie, ainsi que la nature des
sols, déterminent plusieurs zones de végétation. Au nord du pays,
la zone sahélienne est couverte d'une brousse clairsemée où prédo-
minent les épineux. La savane arborée riche en faune caractérise
les zones subguinéennes, limitées à la région de Basse Casamance.

(1) La Sénégambie, confédération Sénégal-Gambie, est née le 1" février 1982.


(2) Plus que la Tunisie, moins que le Ghana, la Guinée ou le Gabon.

10
100 200 km

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Carte de la revue Vivant Univers reproduite avec


l'aimable autorisation de l'éditeur.
DEMOGRAPHIE

En 1981, la population du Sénégal dénombrée par un recensement


général s'élevait à 5.810.000 habitants. Le taux de croissance
démographique de 2,6% conduit à une estimation de 6.000.000
d'habitants en 1983.
Cette population est très jeune, elle est constituée à près de 43%
par des classes d'âge de moins de 15 ans.
L'inégalité de sa répartition géographique constitue une seconde
caractéristique marquante du pays. Le Sine Saloum, dans le bas-
sin arachidien, région la plus peuplée, rassemble plus d'un million
d'habitants, de même que le Cap Vert. La densité de la population
varie de près de 2.000 habitants au km' dans le Cap Vert à moins
de 20 habitants au km' dans la région de Louga, du Fleuve et du
Sénégal Oriental. Dakar, la capitale, compte environ 1.000.000
d'habitants (1).
La population autochtone comporte un peu plus de douze ethnies
principales, inégalement réparties sur l'ensemble du territoire, qui
peuvent être classées en quatre groupes.
Le groupe sahélo-soudanien, le plus important, se compose sur-
tout de Wolof et de Serer. Les Wolofs représentent 40% de la
population et la langue Wolof constitue une langue véhiculaire
parlée par les trois quarts des Sénégalais. Présents dans toutes les
régions, notamment dans les villes, les Wolofs sont majoritaires
au nord-ouest et à l'est. Les Serers, qui regroupent 18% de la
population, sont établis dans le Sine Saloum et dans la région de
Thiès.
Le groupe Al Poular comprend les Peuls et les Toucouleurs. Les
Peuls, environ 15%, le plus souvent pasteurs, sont disséminés
dans tout le pays avec une forte concentration dans la vallée du
Sénégal et le Ferlo. Les Toucouleurs, environ 10%, occupent la
vallée du fleuve.
Le groupe subguinéen, qui totalise environ 13% de la population,
comprend de nombreuses ethnies parmi lesquelles dominent les
Diolas, les Balants, les Bassaris, les Sarakolés etc., toutes locali-

(1) Estimation de 1983.

12
sées en basse Casamance, dans la région de Tambacounda et au
sud-est du territoire.
La religion musulmane est pratiquée par près de 90 07o de la popu-
lation. Environ 5% des Sénégalais sont de religion chrétienne,
notamment les Serers. Enfin l'animisme subsiste dans certaines
zones de la Casamance et du sud du Sénégal Oriental.

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HISTOIRE

Les premiers documents de l'histoire écrite du Sénégal sont ceux


des voyageurs arabes. Il est vrai que les fouilles archéologiques
effectuées au sud du pays peuvent témoigner de la présence
humaine dans cette partie du continent au moins un millénaire
avant notre ère. Mais la valeur des chroniques arabes reste déter-
minante et explique que l'on fasse généralement commencer l'his-
toire du pays au Xe siècle.
A cette époque, Ibn Haoukal visite le pays du Tekkrour au nord
du Sénégal et donne une description détaillée sur la vie des peuples
qui habitent la région: un peuple noir de haute taille s'adonnant à
l'agriculture et à l'élevage.
En 1445, un Portugais, Cadamasto, découvre la presqu'île du Cap
Vert où il est reçu par le roi, le Damel du Cayor. C'est alors que
les Portugais s'installent à l'île de Gorée.
En 1659, Louis Gaullier établit dans l'île de Ndar un corps de logis
baptisé Saint-Louis. La petite bourgade allait se développer et
devenir pour les Français une base sûre facilitant l'exploitation de
l'intérieur, et en même temps un arsenal pour la lutte contre les
Anglais et les Hollandais.
Au XVIIe siècle, les Français fondèrent des Etablissements perma-
nents qui se développèrent plus tard grâce à André Brue. Mais à
l'exception de Gorée, ces Etablissements furent abandonnés à
l'Angleterre en 1783. Rendus à la France vingt ans plus tard, ils
ont été repris par les Anglais pendant les guerres du Consulat et de
l'Empire, puis restitués en 1814.
En 1850, le Sénégal offre l'image d'un pays morcelé, partagé entre
les royaumes du Cayor, du Fouta et Walo, du Sine Saloum et du
Rip, du Boundou et du Fouladou etc. Ces royaumes indépendants
les uns des autres avaient à leur tête des Damels, des Bracks, des
Bours, et des Maads, selon qu'on se trouvait en pays Wolof ou
Serer.
L'unité connue sous le règne des grands rois du Djolof qui avaient
réussi à dominer tous les pays de la Savane avait été brisée depuis
la révolte de Damel Amary Ngoné Sobel. C'est dire que beaucoup
de conditions étaient réunies pour faciliter la pénétration euro-
péenne.
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Les Français installés à Dakar et à Saint-Louis ne pouvaient être
que désireux d'une unification de l'arrière pays, ouvrant ainsi un
grand marché aux produits manufacturés à une époque où
l'Europe entière connaissait un grand essor économique.
Louis Faidherbe, alors gouverneur du Sénégal, obtint les moyens
de réaliser une politique énergique et commença en 1857 par relier
Dakar à Saint-Louis. En 1864 la colonie du Sénégal est née.
L'arachide introduite depuis 1840 voit sa culture se développer et
sa production atteindre 9.000 tonnes en 1870.
Au moment où Faidherbe essayait de relier Dakar à Saint-Louis
par la route et le chemin de fer, en passant par le plateau de Thiès,
il se heurta à l'hostilité du Damel Cayor Lat Dior Ngoné Latyr
Diop. Le Damel savait qu'autoriser la construction de la voie fer-
rée Dakar-Saint-Louis équivalait à renoncer à son indépendance,
tant il est vrai que «Gann dou tabakh» (l'étranger ne construit
pas).
Pendant trente ans, Lat Dior mènera jusqu'à sa mort à Dékheulé
en 1886 une lutte sans merci contre les Français. Il avait réussi à
faire comprendre aux chefs des autres provinces qu'il était le rem-
part du pays et que lorsqu'il serait brisé, les autres le seraient à
leur tour. Malgré la supériorité de l'armement français, la résis-
tance africaine fut héroïque et la France occupée par la guerre
contre les Prussiens en 1870 dut renoncer à la violence pour une
politique de protectorat. Les Sénégalais avaient acquis la cons-
cience qui allait permettre, plus tard, à la première colonie d'Afri-
que Noire de disposer d'institutions politiques et administratives
aptes à limiter un jour la toute-puissance des gouverneurs.
En 1914 lors du conflit mondial qui opposa la France et ses alliés à
l'Allemagne, les quatre communes, Dakar, Gorée, Saint-Louis et
Rufisque, furent entraînées dans la guerre. Le premier député du
Sénégal à l'Assemblée Nationale Française, Blaise Diagne,
nommé Commissaire au recrutément, oeuvra pour que les Noirs
des autres territoires affluent sous les drapeaux pour la libération
de la France.
L'entre-deux-guerres fut calme. Dakar devint la capitale de l'Afri-
que Occidentale Française et la culture de l'arachide connut
encore une expansion.
En 1945, le professeur Léopold Sédar Senghor participe à la
rédaction de la nouvelle constitution française. Dans la nouvelle

15
assemblée qui est installée en 1946, le Sénégal est représenté par
Léopold Sédar Senghor et Lamine Gueye. L'année 1956 sera déci-
sive, avec le vote de la loi-cadre qui confère la semi-autonomie au
Sénégal et aux autres territoires de l'AOF. Aux élections de 1957,
le parti de Senghor, le Bloc Progressiste Sénégalais (BPS), obtient
47 élus contre 13 pour le Parti de l'Action Socialiste de Lamine
Gueye.
Au référendum de 1958, le parti de Senghor appelle à voter oui.
Quatre pays vont essayer de se regrouper pour former la Fédéra-
tion du Mali, mais le 17 janvier 1959 la Haute-Volta et le Niger se
retirent.
Dans la nuit du 19 au 20 août, par suite de divergences entre res-
ponsables soudanais et responsables sénégalais, la Fédération du
Mali se disloque. Le Sénégal se retrouve seul.
Le 17 décembre 1962, Mamadou Dia, alors Président du Conseil,
est destitué par les représentants de la nation après avoir tenté un
coup d'Etat.
Le régime présidentiel est érigé au Sénégal aux élections de février
1963. Senghor est élu Président de la République.
En février 1970, une réforme constitutionnelle crée un poste de
Premier Ministre qui sera confié à Abdou Diouf.
En 1976 est votée l'institution du multipartisme et le remplace-
ment du Président de la République par le Premier Ministre en cas
d'empêchement.
Les élections de 1978 donnent la victoire au parti socialiste. Léo-
pold Senghor est réélu Président de la République.
Le 31 décembre 1980, le Président Senghor abandonne le pouvoir
et, conformément aux dispositions de l'article 35 de la Constitu-
tion, le Premier Ministre Abdou Diouf devient le deuxième Prési-
dent de la République. Il nomme Habib Thiam comme Premier
Ministre.
L'article 3 de la Constitution est modifié pour donner la possibi-
lité à tous les courants politiques représentatifs de se manifester.
Quatorze partis politiques existent en 1983 au Sénégal. Aux élec-
tions présidentielles et législatives du 27 février 1983, 5 candidats
se sont présentés à l'élection présidentielle: Abdou DIOUF, candi-
dat du Parti Socialiste, a été élu Président de la République.
Huit partis ont présenté des candidats lors des élections législati-
ves, pour une assemblée de 120 députés.
16
I.

LES STRUCTURES
RETOUR EN ARRIERE

A L'EPOQUE COLONIALE
En 1895, à Lyon en France, les frères Lumière inventent le Ciné-
matographe. C'est l'aboutissement dans le temps et dans l'espace
des recherches et des travaux de techniciens et de savants du
monde entier, au nombre desquels on relève le nom de Ptolémée
l'Egyptien, donc l'Africain. Le Cinéma mettra cinq ans après sa
découverte pour parvenir en Afrique. Et ce sera précisément au
Sénégal qu'en 1900, et pour la première fois, un film sera projeté
en Afrique au Sud du Sahara. Ce film est le fameux L'arroseur
arrosé de Louis Lumière, qu'un marchand forain transportera
ensuite en Afrique de place en place. Voilà amorcée la distribution
sur le continent africain.
Le Sénégal était l'une des huit colonies qui constituaient l'Afrique
Occidentale Française, avec la Mauritanie, la Côte d'Ivoire, le
Niger, la Haute-Volta, le Dahomey (1), le Togo et le Soudan (2).
La capitale se trouvait à Dakar au Sénégal, ce qui donnait à ce
pays une prédominance certaine sur les autres.
Dakar, capitale fédérale abritant les organismes fédéraux, se trou-
vait être le centre de toutes les décisions qui concernaient l'Afri-
que Occidentale Française (AOF). Le Cinéma s'est donc fixé à
Dakar pour l'essentiel de ses activités, qu'elles soient de
distribution-exploitation ou de production.
La distribution plus liée à l'exploitation relevait totalement de
l'initiative privée. En 1926, la COMACICO s'installait en Afrique
au Sud du Sahara après avoir pris son envol au Maroc, d'où son
appellation de «Compagnie Marocaine de Cinéma Commercial».
Cette compagnie allait être suivie avant la guerre de 1939, par la
Société Archambault, qui donnera par la suite la SECMA, Société
d'Exploitation Cinématographique Africaine.
Ces deux sociétés étendaient leurs aires de diffusion sur l'Afrique
d'expression française et sur Madagascar. Au Sénégal, elles cou-
vraient plus de 70 salles équipées en 35 et 16 mm.
La production relevait, elle, presqu'uniquement du gouvernement

(1) Actuellement le Bénin.


(2) Actuellement le Mali.

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français. Au niveau de Dakar se trouvait un Service Cinéma fédé-
ral, qui était le relais de ce qu'on avait coutume d'appeler «la rue
Oudinot», parce que s'y trouvait, à Paris, le siège du Ministère des
Colonies. L'administration française, par ce service de cinéma,
produisait des documentaires sur les activités de la Fédération,
notamment les déplacements des Gouverneurs Généraux, appelés
plus tard Hauts Commissaires. Ce service gérait une cinémathè-
que qui envoyait des films dans les autres territoires.
A côté de cet organisme, les Affaires Sociales avaient également
un service cinéma. L'importance du service cinéma fédéral était
très relative, puisqu'une seule personne s'en est occupée pendant
des années, André JOUSSE, qui n'avait d'ailleurs pas une forma-
tion de cinéaste mais était photographe d'art de profession.
L'Institut Français d'Afrique Noire (IFAN), qui a depuis l'indé-
pendance pris la dénomination d'Institut Fondamental d'Afrique
Noire, disposait également à l'époque coloniale d'une unité ciné-
matographique que dirigeait POTENTIER. Ces trois services ont
réalisé des films en 16 mm dont la plupart se trouvent actuelle-
ment à la cinémathèque de la Coopération.
En dehors de ces productions officielles, un certain nombre
d'autres films ont été réalisés par des sociétés privées auxquelles
l'Administration accordait des subventions ou prêtait son con-
cours en prestations de services. Beaucoup de ces films ont sans
doute disparu. Mais il en reste suffisamment, conservés à la ciné-
mathèque du Ministère Français de la Coopération à Paris, pour
justifier une étude qui est à faire.
Pour l'heure, l'entreprise étant trop vaste pour s'insérer dans ces
pages, nous avons réduit notre ambition au seul cinéma sénéga-
lais, donc aux seuls films réalisés par des cinéastes sénégalais
depuis l'indépendance en 1960.
Bien entendu, le travail sur le cinéma colonial est à entreprendre
au niveau de l'Afrique Occidentale aussi bien que de l'Afrique
Equatoriale Française, comme on a commencé à le faire pour le
Congo Belge (actuellement le Zaïre).

PREMIER PAS: LES ACTUALITES


Tout Etat accédant à l'indépendance aspire à disposer d'une
information essentiellement nationale. La réception à l'Elysée du
Chancelier allemand ne le concerne pas — ne l'a jamais directe-

19
ment concerné — et la finale de la coupe de France de football ne
l'intéresse que médiocrement. Ce qu'il veut, ce sont les nouvelles
de son pays. Dans tous les jeunes Etats libres, l'information ciné-
matographique apparaît dès les premières semaines. Au Sénégal
depuis l'indépendance, au niveau du Ministère de l'Information, a
été créé un Service Cinéma qui a fonctionné un certain temps
parallèlement au service cinéma de la Fédération du Mali, à l'épo-
que où le Sénégal et le Soudan formaient une fédération, c'est-à-
dire de 1959 jusqu'au mois d'août 1960. Jusqu'au moment de cet
éclatement, le Service Cinéma du Sénégal, animé par Mamadou
SARR, avait réalisé des bandes en 16 mm qui n'ont pratiquement
jamais été diffusées. Le Service Cinéma de la Fédération du Mali
de son côté, sans pour autant disposer de plus de moyens que le
Service Cinéma du Sénégal, s'était attaché à sortir tous les mois un
magazine couleur en 16 mm sur les activités de la Fédération. Ce
magazine était diffusé par l'intermédiaire des organisations natio-
nales et fédérales. Les deux services, le sénégalais et le malien, ont
fusionné en août 1960 et la Direction en a été confiée à celui qui
dirigeait le cinéma de la Fédération du Mali, Paulin VIEYRA, qui
avait assumé de 1958 à 1959 le service du cinéma fédéral de l'Afri-
que Occidentale Française.
Les Actualités Sénégalaises ont été mises en route par le Ministre
de l'Information de l'époque, Obèye DIOP, qui, faute de moyens
techniques, en confia tout d'abord la confection à un privé, Pierre
CELLIER, cinéaste à Dakar. Ce journal, consacré uniquement
aux nouvelles nationales a paru tous les quinze jours durant quel-
ques mois, avec beaucoup d'aléas. Journal test, il rencontra
l'indifférence des distributeurs qui avaient déjà en charge des
journaux d'actualités de plusieurs sociétés, dont les Actualités
Françaises, Gaumont, Pathé, Fox Movietone, Eclair Journal, etc.
Devant les réticences des deux sociétés de distribution à diffuser
convenablement le journal filmé sénégalais, le gouvernement a été
amené à supprimer, par un texte réglementaire, toutes les actuali-
tés étrangères sur les écrans du Sénégal. Ce qui imposait du même
coup le journal sénégalais.
Les sociétés étrangères d'actualités, devant cette prise de position
du gouvernement, se sont concertées pour créer, avec la caution
des services français de la coopération, le Consortium Audiovisuel
International. Cet organisme s'est mis au service des Etats Afri-
cains qui en ont fait la demande, pour collaborer à la réalisation
de leur journal filmé. Le Sénégal a été le premier pays à signer une
convention avec le Consortium Audiovisuel International qui, aux
20
termes des accords, mettait à la disposition du pays un opérateur
de prise de vues avec son matériel et prenait en charge son salaire
ainsi que ses frais de voyage. L'Etat qui recevait ce technicien
devait le loger et lui offrir les avantages dont bénéficiaient les co-
opérants. Après le Sénégal, un certain nombre d'Etats devaient
suivre son exemple: la Tunisie, l'Algérie, le Tchad, la Côte
d'Ivoire, le Dahomey (1), le Togo, Madagascar, le Cameroun.
Le 4 avril 1961, jour anniversaire de l'Indépendance, les Actuali-
tés Sénégalaises devenaient hebdomadaires. Depuis, le journal est
sorti régulièrement tous les samedis dans les salles d'exclusivité de
Dakar avant de couvrir, en trois semaines, l'ensemble du terri-
toire. Cela jusqu'en 1972, année où la télévision a commencé à
fonctionner. Un sondage effectué à sa troisième année de parution
a montré que le journal filmé était accepté, mieux, attendu. Et
pendant dix ans l'intérêt du public ne s'est pas démenti pour les
Actualités Sénégalaises.
L'organisation du Service Cinéma, son existence même, a encou-
ragé le démarrage d'une petite production, après que le journal
eut été imposé aux distributeurs.
Et c'est le lieu de voir comment la distribution est organisée au
Sénégal.

(1) Devenu depuis le Bénin.

21
LA DIFFUSION

LA DISTRIBUTION COMMERCIALE

Younès DADCI, dans son ouvrage sur le Cinéma Algérien, en


situe les débuts en Afrique à l'année 1895, année même de la créa-
tion du cinématographe par les Frères Lumière. A Alger en 1895,
fut donc projeté L'arroseur arroséqui devait par la suite être dif-
fusé au Sénégal, plus précisément à Dakar, en 1900, selon un rap-
port de Jean ROUCH (1). Les marchands forains ont commencé à
exploiter cette nouvelle invention en parcourant l'Afrique.

La citadelle des monopoles


En 1926 comme nous l'avons vu, du Maroc où elle s'était instal-
lée, la COMACICO (qui garde son sigle mais change son nom en
Compagnie Africaine Cinématographique et Commerciale) prend
pied au Sénégal. Elle va se développer par l'action dynamique de
son animateur Maurice JACQUIN qui, à l'époque, ne faisait pas
uniquement commerce de films mais encore de ferraille et de
métaux non ferreux. Il vendait et achetait donc au même titre des
produits aussi divers que le film et les métaux. Quelques années
plus tard, la Société ARCHAMBAULT la rejoindra et, en 1936-
1937, cèdera la place à la SECMA (Société d'Exploitation Ciné-
matographique Africaine)(2). Ces deux sociétés, jouissant d'un
monopole, ont contrôlé la distribution et l'exploitation dans la
majeure partie des pays africains d'expression française pendant
des années.
L'Afrique est donc partie de l'exploitation pour aboutir à la distri-
bution puis à la production, alors qu'en Europe et aux Etats-Unis,
on a commencé par produire des films puis à les exploiter, avant
d'organiser une distribution par vente de bandes, puis une distri-
bution par location.
La distribution, selon l'excellente étude de Blaise SENGHOR (3),
consiste à permettre l'exploitation du film dans les salles de

(1) Cinéaste ethnologue, auteur des films Moi un Noir, La Pyramide Humaine,
La chasse au lion à l'arc, Les Maîtres-fou...
(2) MOKAERT a été le Directeur de la SECMA jusqu'à la disparition de cette
société lors de la création de la SIDEC en 1974.
(3) Cinéaste diplômé de l'IDHEC, licencié ès Lettres, Ambassadeur du Sénégal à
l'UNESCO, décédé en 1976.

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cinéma pour le compte du producteur. L'intermédiaire que consti-
tue le distributeur, lié par contrat aux propriétaires de salles,
garantit de ce fait la diffusion du film et perçoit en revanche un
pourcentage sur les recettes encaissées.
En fait, il est difficile d'étudier en Afrique, et singulièrement au
Sénégal, le système de distribution pratiquée si l'on n'y associe pas
intimement l'exploitation. Les deux sont souvent réunies sous une
même direction, coloniale jadis, étatique aujourd'hui. De plus, il
ne faut pas perdre de vue que:
— la programmation et l'importation des films est décidée en
large partie à partir de l'Europe.
— il n'existe pas sur place de distributeur au sens où on l'entend
en France, par exemple. Il n'y a que des sociétés de films qui
font de la sous-distribution.
— ces sociétés, qui à l'époque possédaient chacune un circuit de
salles s'étendant sur plusieurs pays d'Afrique Noire, ont établi
un monopole de fait en matière de distribution et d'exploita-
tion, et se sont partagé le marché (1).
L'exploitation de films a commencé en Afrique Noire dans
l'entre-deux-guerres. A l'époque, il n'existait pas en France de
Centre National de la Cinématographie et pas de contrôle de
recettes. Les colonies ne constituaient pas pour les producteurs
français un marché cinématographique important car il leur était
impossible d'en contrôler le rapport. Aussi les audacieux pion-
niers qui tentèrent d'implanter des salles dans les pays africains
achetaient-ils au forfait des copies usagées de films accessibles au
plus grand public possible, c'est-à-dire des policiers et des films
d'aventure, que le public était susceptible de comprendre malgré
l'écueil de la langue et de recevoir à satiété sans se lasser, le cinéma
étant encore pour lui une attraction de fête foraine. Ces copies
étaient d'un coût peu élevé, du fait qu'elles étaient déjà amorties
au moment de leur vente à un marché cinématographique colonial
considéré comme peu rentable car sous-développé.
Avec le temps, l'organisation s'est developpée, les salles se sont
multipliées et ont formé des circuits. A l'origine, les propriétaires
de salles achetaient des films uniquement en vue de les exploiter
dans leurs propres salles. Cependant, peu à peu, il leur a fallu

(1) La SIDEC a remplacé la COMACICO et la SECMA depuis 1974, en tant que


Société de distribution et d'exploitation.

23
résoudre le problème de programmation d'autant plus impérieux
que des changements de programme très fréquents étaient néces-
saires pour tenir en haleine un public de plus en plus avide d'ima-
ges. Elles ont dû s'adresser aux organisateurs des circuits et accep-
ter leurs conditions rigoureuses. Ceux-ci, voyant les salles indé-
pendantes se multiplier, ont obtenu par contrat soit l'exclusivité
de leur programmation, soit la prise en location de ces salles pour
un loyer modique. Ce système s'est développé à l'abri du Centre
National de la Cinématographie Française qui était né entretemps.
Ce recours à l'histoire nous a paru nécessaire pour expliquer la
situation actuelle. En Afrique, le distributeur n'a pas à prendre de
risques au stade de la production d'un film en consentant des
avances sur les futures recettes. Il n'accepte pas non plus de garan-
tir au producteur un minimum de recettes (1). Il ne connaît pas,
par ailleurs, la nécessité de se lier par contrat à des salles quï assu-
reront la diffusion du film. Tout ceci pour deux raisons très sim-
ples, à savoir qu'il n'existe pas encore de productions régulières
dans ces pays et que, d'autre part, le distributeur possède ses pro-
pres salles. Disons tout de suite que ce système a connu d'illustres
précédents en Amérique dans l'entre-deux-guerres, à l'époque où
quelques grandes sociétés se partageaient le marché cinématogra-
phique international du fait qu'elles contrôlaient rigoureusement
la distribution et l'exploitation des films qu'elles produisaient. Ce
monopole a été sapé plus tard par la naissance d'industries ciné-
matographiques nationales, dont le développement a été protégé
dans les divers pays intéressés par des lois rigoureuses.

Une lente évolution


La manière de se procurer des films en vue de les exploiter sur le
marché africain a évolué dans le temps. Nous avons dit au début
de ce chapitre que les producteurs européens, pendant longtemps,
aussi bien avant l'existence du Centre National de la Cinémato-
graphie Française qu'après sa création, n'ont eu, du fait de l'auto-
nomie des circuits vis-à-vis de cet organisme, aucun moyen de se
renseigner sur le marché cinématographique africain. Aussi s'en
désintéressaient-ils complètement. Dans ces conditions, pour se
procurer un film, il suffisait de s'adresser à un revendeur de copies
usagées, dont les prix modiques garantissaient un amortissement
aisé.

(1) C'était encore le cas avec la SIDEC en 1982. Voir ci-après.

24
Cependant avec le temps et en raison de la solide implantation en
Afrique des circuits propriétaires d'un stock considérable de films
touchant un public de plus en plus important, des producteurs
étrangers ont commencé à s'intéresser à ce nouveau marché. Ils le
considérèrent désormais comme un «marché étranger» (un mar-
ché étranger étant un marché rentable, mais dont il n'est pas pos-
sible de connaître le rapport exact) et se mirent à exiger une ces-
sion de droits au forfait avant toute exportation d'un film vers les
pays d'Afrique. Il en résulta un début de normalisation des rap-
ports entre les circuits africains et les producteurs européens, ce
qui explique une nette amélioration de la qualité des films projetés
aujourd'hui en Afrique. En effet, si le produit de consommation
courante reste le film policier, le film d'aventure et le film arabe
ou indien, il est aussi possible de voir des films destinés à une
audience internationale. Mais le marché africain reste néanmoins
mal connu des producteurs européens, d'où aussi le prix relative-
ment peu élevé des droits d'un film exporté en Afrique et son
amortissement encore aisé.

Les films africains


Cependant, il arrive que les circuits prennent un film en distribu-
tion sans garantir au producteur un minimum de recettes et encore
moins lui consentir une avance. Ce cas est d'autant plus intéres-
sant que les quelques films africains et les coproductions réalisées
ces dernières années entrent dans cette catégorie. On l'a compris:
ces circuits, sans lesquels il est impossible de montrer un film en
Afrique, se trouvent en position de force pour négocier avec les
producteurs africains qui, étant étrangers, ne sont pas protégés
par la juridiction du Centre Français de la Cinématographie, alors
qu'aucun règlement cinématographique n'existe dans les pays
d'Afrique pour défendre leurs droits. Ainsi le producteur africain
se voit dans l'obligation d'abandonner aux circuits un pourcen-
tage variant entre 50 070 (salles de simple programme) et 75 070 (sal-
les à double programme) de leurs recettes nettes, avec la consé-
quence qu'il est impossible de rembourser l'organisme de crédit
qui lui a permis de financer son film. Aussi longtemps que le pro-
ducteur ne sera pas défendu par une législation adéquate, qu'un
Centre National de la Cinématographie sera chargé de faire res-
pecter, il est inutile d'envisager l'existence d'une production ren-
table. Constatons que la production de films africains dans les
conditions citées n'est intéressante que pour les circuits qui ne

25
prennent aucun risque en matière de distribution et exigent des
pourcentages de recettes importants en matière d'exploitation.
Le premier film africain distribué, Le mandat de SEMBENE Ous-
mane, l'a été en 1969. Sa distribution s'est faite au pourcentage et
en commun par les deux sociétés COMACICO et SECMA sur
tout le circuit africain. Ensuite, les deux circuits, sentant le vent
tourner, ont accepté de distribuer d'autres films africains. Après
Le mandat, la SECMA a distribué Diankhabi de Johnson
TRAORE. Cette société a coproduit le deuxième long métrage de
Johnson TRAORE Diègue-bi. La SECMA a distribué par ail-
leurs, à partir du Sénégal, Karim de Momar THIAM, Badou boy
de Djibril DIOP Mambéty, Emitai d'Ousmane SEMBENE; de la
Côte d'Ivoire, Concerto pour un exil et A nous deux France de
Désiré ECARE, La femme au couteau de TIMITE Bassori,
Mouna ou le rêve d'un artiste de Henri DUPARC; du Niger,
FVVA et Le retour d'un aventurier de Moustapha ALASSANE,
Cabascabo et Le Wazzou Polygame de Oumarou GANDA. La
voie était ouverte à une distribution de films africains.
Les Services Officiels diffusaient leurs productions dans le même
circuit. Il s'agit essentiellement des Actualités Sénégalaises, qui
étaient tirées en 6 copies 35 mm et 6 copies 16 mm. Les deux socié-
tés les diffusaient simultanément tous les samedis, date du change-
ment de programme. Les droits de cession étaient alors de
30.000 F CFA pour chacune des deux sociétés. Le journal d'actua-
lités mettait trois semaines à couvrir l'ensemble du territoire en
commençant par la capitale et les salles d'exclusivité.

La SIDEC
Une création
La SECMA et la COMACICO ne pouvaient garder leur hégémo-
nie. Il fallait que leur édifice s'écroulât un jour. Cela vint douce-
ment.
Au début de 1970, le gouvernement de la Haute-Volta prit la déci-
sion de nationaliser le marché du cinéma. La création de la
SONAVOCI (Société Nationale Voltaïque de Cinéma) n'arrangea
pas tout, ni tout de suite, mais elle assénait un premier choc à
l'édifice qui, par ailleurs, avait perdu de sa solidité. Nous sommes
en 1972: les deux partenaires français cèdent la main à une nou-
velle société, la SOPACIA (Société de Participations Cinémato-
graphiques africaines), dont la puissante UGC (Union Générale

26
Cinématographique) reçoit la gestion (1). La société commence à
fonctionner en 1973, elle travaille avec les stocks de films répartis
entre les trois dépôts de Dakar, Abidjan et Douala.
Mais des difficultés surgissent. Le Sénégal refuse d'entériner la
cession des salles SECMA et COMACICO à la nouvelle SOPA-
CIA. Après dix mois de négociations, un compromis intervient
par la création, le ler janvier 1974, d'une Société Nationale de Dis-
tribution: la SIDEC (Société d'Importation, de Distribution et
d'Exploitation Cinématographique). C'est une Société d'Econo-
mie Mixte au capital de 750 millions CFA d'apports partiels
d'actifs en provenance des ex-SECMA et COMACICO, comptant
deux partenaires, l'Etat Sénégalais à 80% et la SOPACIA, que les
Sénégalais continuent avec lucidité à appeler UGC, à 20%. Au
moment de sa création, l'équipe de direction de la SIDEC se com-
pose d'un Président Directeur Général en la personne de Blaise
SENGHOR représentant le Sénégal, CADILLAC, Président
Directeur Général Adjoint représentant l'UGC; puis d'un Direc-
teur Général, qui était Yves DIAGNE, et d'un Directeur Général
Adjoint en la personne de ROUMENGAS, ancien Directeur de la
COMACICO. Cette structure très lourde semble avoir été mise en
place pour paralyser la gestion de l'entreprise, surtout lorsqu'on
sait que, pour toutes les opérations, il fallait une double signature.
C'est bien ici qu'on peut dire que le mieux est souvent ennemi du
bien (2).
Théoriquement, la SIDEC a désormais le monopole de la distribu-
tion et de l'exploitation. La COMACICO et la SECMA, sociétés
de distribution de la place, disparaissent du Sénégal et leurs avoirs
sont repris par la SOPACIA-UGC à qui doivent être remboursés
les capitaux comptabilisés par ces deux sociétés pour la cession des
salles, du matériel et des films en cinémathèque dont elles dispo-
sent et que chacune a estimé à 500 millions CFA.
Comme tous les pays africains n'ont pas encore pris en main leur
circuit de distribution, la COMACICO et la SECMA continuent
dans certains pays une activité marginale à l'UGC. Le siège de cet
organisme se trouve provisoirement à Dakar.

(1) L'UGC provient du rachat de l'ancienne société allemande «La Continentale»


qui dominait le cinéma français pendant la guerre et l'occupation, et qui fut
mise sous séquestre en 1945. Au moment qui nous intéresse ici, l'UGC est
davantage, en France, une société d'exploitation (plus de 600 salles) que de dis-
tribution.
(2) Voir document La SIDEC deux ans d'existence.

27
Pratiquement, la SIDEC est encore loin de disposer de la liberté
qu'elle vise. Elle est totalement ligotée par une convention qu'on
n'ose montrer et qui donne l'autorité à l'UGC dans la société,
alors qu'elle ne possède que 20% de participation. Tout cela à
cause des erreurs commises dans les négociations. Le Directeur
Général Adjoint nommé par l'UGC a autant de pouvoir que le
Directeur Général nommé par le Sénégal, lequel détient pourtant
80% des actions. En outre tous les actes doivent comporter une
double signature, celle du Directeur Général et celle du Directeur
Général Adjoint. Par ailleurs, toutes les décisions doivent être pri-
ses à la majorité, c'est-à-dire que l'UGC obtient ainsi un droit de
regard sur toutes actions de la Société, mieux, un droit de veto sur
la marche même de la société.
Une contrainte supplémentaire est que la SIDEC ne peut acheter
des films ailleurs qu'à l'UGC, à moins que le prix d'achat soit de
20% inférieur à celui que l'UGC pourrait lui accorder.
Autant dire que l'UGC conserve le monopole de fait dans la distri-
bution des films occidentaux au Sénégal, tout comme à l'époque
la COMACICO et la SECMA, pour la simple raison qu'il serait
difficile à la SIDEC, distribuant uniquement sur le Sénégal, soit
sur 80 salles, d'avoir de meilleures conditions d'achat que l'UGC
qui, en Europe, dispose de 600 salles au moins et en Afrique des
anciens circuits COMACICO et SECMA.
Yves DIAGNE est forcé de le reconnaître. Il écrit à la fin de 1975:
«Les productions étrangères sont de loin les plus nombreuses (en
regard des productions nationales). Plus de 75%, près de 400
films par an. Elles sont constituées dans leur grande majorité de
films français, à peu près 65%, le reste étant constitué surtout de
films hindous, égyptiens et de divers pays, parmi lesquels on
trouve quelques italiens et américains. Certainement, on ne man-
quera pas de nous demander la raison de la grande supériorité du
nombre de films français. Elle est bien simple. C'est que, d'une
part, notre partenaire est une société française qui a d'énormes
possibilités dont elle peut nous faire bénéficier avantageusement.
D'autre part, la SIDEC... ne dispose ni d'informations ni de per-
sonnel suffisamment qualifié pour organiser directement et effica-
cement l'importation de films étrangers. Enfin, la SIDEC doit dis-
poser de fonds suffisants et acquérir une expérience solide en la
matière avant de se lancer dans une telle opération». Certes tous
les problèmes ne sont pas résolus mais une étape est quand même
franchie, l'impulsion est donnée, le mouvement est irréversible.

28
L'AFRAM
Un autre fournisseur est pourtant entré en lice. A l'approche puis
après la proclamation de l'indépendance, les jeunes nations furent
considérées par les maîtres américains de l'industrie du film
comme un vaste marché à conquérir: «time is ripe to strike in
emergent Africa. Planned is a united invasion of the Dark Conti-
nent», lit-on dans «Variety» (1). Premier objectif: les pays anglo-
phones. Puis les francophones bien sûr. En septembre 1969, la
Motion Pictures Export Association of America créait l'AFRAM
chargée de distribuer les films américains dans toute l'Afrique
francophone. Un bureau fut ouvert à Dakar en 1970, mais il resta
longtemps en veilleuse: la SECMA et la COMACICO tenaient à
leur monopole et les quelques exploitants indépendants, au fur et
à mesure de leur apparition, hésitaient à recourir aux services d'un
concurrent des grandes maisons françaises. Lors de la création de
la SIDEC en 1974, Blaise SENGHOR considérait comme une vic-
toire de la liberté commerciale d'avoir pu signer un contrat avec
les Américains. Avait-il raison? Toujours est-il que, depuis 1975,
l'AFRAM fournit des films à la SIDEC. L'AFRAM est
aujourd'hui bien ancrée à Dakar et est en train de faire la con-
quête des écrans ouest-africains.

Redressement
Le cheminement est long pour la SIDEC. Elle piétine. En 1976,
deux ans après sa création, elle connaît de graves ennuis finan-
ciers. Elle dépend du Ministre des Finances: celui-ci place à sa tête
un jeune technocrate, Abdourahmane TOURE, gestionnaire de
formation, avec la mission de redresser la situation. Il y parvient
avec le concours de l'Etat. En effet, sur les 30% des taxes revenant
aux pouvoirs publics (15% pour les municipalités et 15% pour
l'Etat), l'Etat abandonnait sa part à la SIDEC. Cette somme que
l'on peut estimer à environ 300 millions a permis à la SIDEC, en
moins de trois ans, de refaire surface et de réaliser de substantiels
bénéfices, d'autant qu'une énergique réorganisation devait
réduire le nombre des employés. Les pleins pouvoirs donnés à
Abdourahmane TOURE pour redresser les finances de la SIDEC
ont eu comme conséquence qu'il s'est davantage attaché à la ren-
tabilité des films qu'à l'aspect culturel. Sans doute la qualité des

(1) Le 17 mai 1961, «C'est le moment de frapper un grand coup en cette Afrique
qui commence à émerger. Une invasion concertée du continent noir est à
l'ordre du jour».

29
programmes a été améliorée. Le programme simple a été institué,
c'est-à-dire à chaque séance la projection d'un film de long
métrage et une première partie constituée par des documentaires.
Cette nouvelle formule a, semble-t-il, été assez bien acceptée par le
public. Encore qu'un certain fléchissement se soit manifesté dans
la fréquentation des salles. La Direction de la SIDEC a recherché
et trouvé une nouvelle attraction: les séances se sont multipliées le
soir dans certaines salles, avec des films différents. Au lieu d'une
seule séance à neuf heures du soir comme auparavant, avec deux
films de long métrage, on est passé en mai 1977 à un seul film.
Dans le courant de 1978, les salles programmaient un film à
18h30, un autre à 20h30 et un troisième à 22h30. On retrouvait
ainsi le nombre de films antérieurement diffusés.
La SOPACIA de son côté bat de l'aile. Elle décide l'africanisation
progressive de toutes ses salles, puis abandonne. En été 1979,
l'UGC, sa gestionnaire, devient majoritaire et donne à la société le
nom d'Union Africaine de Cinéma (UAC), appellation officielle à
partir du t er janvier 1980. Le Sénégal entre dans la nouvelle struc-
ture. Le Gouvernement sénégalais a pris ses responsabilités, mar-
qué son accord sur un taux réduit de la TVA et amorcé une
réforme fiscale. La SIDEC consent des investissement importants,
elle est décidée à renouveler son matériel et à retrouver l'aisance
antérieure du secteur. Au sein de la SIDEC, l'UAC, au lieu des 25
ou 30% des bénéfices de jadis, ne recevra plus qu'une part symbo-
lique de 5%. Tout va bien. Par contre l'UAC garde la haute main
sur la programmation, donc maintient largement son influence
idéologique.

D'hier à aujourd'hui
La SIDEC, après la promotion de Abdourahmane TOURE à un
autre poste, a été un moment présidée par Tidiane LI qui a cédé la
place en juillet 1980 à Moustapha NDIAYE, Administrateur civil,
ancien directeur de Cabinet du Ministre des Finances et de l'Eco-
nomie. La société, depuis sa fondation a dépendu de ce dernier
ministère, avec pour objectif le profit. On se serait attendu à ce
qu'une société d'Etat accorde la priorité à la promotion du cinéma
national, mais ce ne fut pas le cas. La SIDEC est donc une société
de distribution et d'exploitation travaillant pour elle-même avec
les contraintes éventuelles — et il y en a — de ses fournisseurs: son
propre stock de copies SOPACIA racheté le ter janvier 1980 lors
du passage de cette société à l'UAC; les films qu'elle acquiert, non

30
plus directement à l'UAC qui a officiellement disparu, fondue
dans le Consortium Interafricain de Distribution Cinématogra-
phique (CIDC), mais au CIDC/France; les films fournis par
l'AFRAM qui s'impose de plus en plus, et les films achetés ailleurs
chez des indépendants.
Et les films sénégalais? Sans doute, la Société de Distribution est
une firme commerciale qui doit rechercher ses intérêts. On peut
admettre qu'elle soit libre de refuser la diffusion d'un film qu'elle
estime ne pas être rentable. Mais elle est aussi une société natio-
nale, donc au service des films nationaux. Au vrai, dans les condi-
tions actuelles, il n'y a aucun risque pour la SIDEC à distribuer
n'importe quel film sénégalais, voire africain, puisqu'elle refuse
les avances sur recettes et que par ailleurs, elle demande au pro-
ducteur de fournir lui-même les copies et le matériel publicitaire.
Un contrat de distribution dans ces conditions lui permet de cou-
vrir largement ses frais. Le producteur, lui, doit se contenter de
40% de la recette de la salle, diminuée des taxes... Ce système est
évidemment loin de satisfaire les revendications légitimes des
cinéastes sénégalais.
En mai 1981, la SIDEC qui dépendait, rappelons-le, du Ministère
des Finances, ce qui explique partiellement son objectif, a été rat-
tachée au Ministère de la Culture. Un nouvel esprit, une nouvelle
orientation pourraient naître de ce changement.
Au début de juin 1981, les cinéastes sénégalais qui avaient orga-
nisé des Journées d'Etudes sur le cinéma national, ont accablé la
SIDEC de toutes les erreurs, de tous les manquements, de toutes
les responsabilités. «Vingt ans après, le cinéma sénégalais est-il
possible?» se sont-ils demandé.
Mais la SIDEC a aussi ses propres problèmes. Elle est, par exem-
ple, contrainte par l'Etat de construire dans chaque capitale régio-
nale une salle de bon standing, elle doit investir chaque année 500
millions CFA, payer 500 millions de taxes aux municipalités et 450
millions de salaires...
Une globalisation des problèmes du cinéma dans un seul orga-
nisme apporterait la solution, pensent certains.

LA DIFFUSION NON COMMERCIALE


Le Service Cinéma du Ministère de l'Information, en plus du jour-
nal filmé hebdomadaire, réalise également des dossiers sur des

31
événements nationaux particuliers, tels que les voyages officiels
des Chefs d'Etat étrangers au Sénégal et les visites officielles du
Président de la République à l'étranger.
Ce Service réalise également des documentaires. Tous ces films,
des courts métrages essentiellement, circulent dans le pays soit par
les camions cinéma, soit par prêts consentis aux collectivités, aux
organismes de jeunesse, aux lycées, à l'Université, etc... Il existait
un camion cinéma dans chaque région du Sénégal, sauf dans la
région du Cap-Vert. Hélas, depuis 1972, ces camions ont disparu.
Seul reste en activité le camion-cinéma de l'Armée.
La diffusion non commerciale des films se fait aussi par les Cen-
tres Culturels étrangers qui existent sur le territoire. On en compte
trois: les Centres Culturels français, américain et soviétique. Au
niveau de son Ambassade, chaque service culturel dispose d'un
matériel approprié, y compris des films, qui font l'objet de prêts
ou qui sont projetés à l'intérieur des Ambassades lors des récep-
tions qu'elles organisent pour leur propagande.
Les Centres Culturels étrangers sont alimentés en films par les
organismes du cinéma des pays dont ils relèvent. C'est ainsi que le
Centre Culturel soviétique obtient des films de l'Etat, puisque le
cinéma, en URSS, est un organisme d'Etat. Les Centres Culturels
américain et français, via leur gouvernement, achètent la plupart
des films aux sociétés privées et en reçoivent d'autres de leurs
organismes officiels, surtout des courts métrages.
Les Centres Culturels français sont en outre alimentés en films
africains par le Ministère français de la Coopération, qui achète
aux producteurs de ces films les droits d'exploitation non com-
merciale. Souvent ces droits de cession sont obtenus lorsque les
prises de vues sont achevées et que le réalisateur africain, qui est
généralement son propre producteur, cherche de l'argent pour ter-
miner son film. Les Services français de la Coopération avancent
l'argent nécessaire à l'achèvement du film. Cette somme est rete-
nue sur le montant définitif de la cession des droits. Ce type d'aide
a été supprimé le 31 décembre 1980. Désormais ces droits ne sont
achetés qu'une fois le film terminé.

32
L'EXPLOITATION

LE CINEMA COMMERCIAL
On l'a déjà rappelé plus haut: en Afrique, pendant de longues
années, l'exploitation cinématographique a été intimement liée à
la distribution sur place, elle-même n'étant qu'un prolongement
de la distribution installée en métropole.
En 1973(1), le Sénégal comptait quatre-vingt salles de cinéma,
offrant un total de 59.560 places et accueillant 4.461.000 specta-
teurs par an, dont 3.708.000 à Dakar. Ces salles relevaient de deux
circuits: le circuit SECMA (vingt-cinq salles en 35 mm et six en
16 mm) et le circuit COMACICO (trente-neuf salles en 35 mm),
dont vingt-neuf salles ou points de projection dans la seule capi-
tale Dakar.
Mais, depuis lors, la situation a évolué. Elle a été, bien sûr, étroi-
tement liée aux changements intervenus dans les deux grandes
maisons françaises et leur politique d'africanisation des salles,
puis de fusion en SOPACIA, de passage à l'UAC, enfin de reprise
pour la distribution par le CIDC.
En 1980, au moment de l'effacement (du moins officiel) des Fran-
çais devant le CIDC qui constitue peut-être un grand tournant, la
situation de l'exploitation sénégalaise était la suivante: cinquante-
deux salles réparties sur l'ensemble du territoire, dont trente-
quatre (c'est-à-dire 65%) appartiennent à la SIDEC. La seule
région de Dakar compte dix-sept salles SIDEC, six salles privées,
plus deux salles militaires françaises. La «sénégalisation» de
l'exploitation cinématographique a été entièrement accomplie en
sept ans.
Il convient peut-être d'apporter quelques précisions: deux salles
seulement, à Thies et à Dakar (le «Paris») ont le standing des ciné-
mas des grandes villes européennes. Le Paris et le Plaza offrent
normalement des films en première exclusivité, tandis que le Vog
et l'ABC les reprennent en deuxième exclusivité et que le Club se
spécialise en films hindous, toujours très prisés. Après ces passa-
ges, les films circulent dans les faubourgs et dans les régions. Rap-
pelons enfin que le confort des salles et la qualité de la projection
varient des quatre salles d'exclusivité aux «salles» de quartier et

(1) Cf. notre «Le Cinéma Africain, des origines à 1973».

33
des régions qui ne sont pas encore toutes couvertes: la program-
mation et le prix des places y sont liés.

LES SEANCES CULTURELLES

Diffuser la culture cinématographique n'est pas pécuniairement


rentable, bien au contraire. Même si, dans la plupart des cas, les
dirigeants des associations culturelles dispensent généreusement et
gracieusement leurs efforts, même si une certaine diffusion peut se
faire sans frais de location — on en a parlé plus haut sous le titre
«diffusion non commerciale» — il est difficile souvent d'équili-
brer le budget...
Le principe général de financement de ces organismes de culture
cinématographique est de faire payer les bénéficiaires de fait et les
bénéficiaires en puissance. Dans le premier cas, les organismes
sont privés et les adhérents paient une cotisation par séance, ou
par mois, ou par an. Dans le second cas, ce sont des organismes
d'Etat, tels les Centres Culturels et les diffusions par camion de
cinéma. C'est donc le produit des impôts qui les fait fonctionner.
Naturellement, il existe aussi des financements par dons, par sub-
ventions d'organismes internationaux... L'argent provient dès
lors des nationaux d'autres pays plus privilégiés. Il se trouve égale-
ment que des organismes étrangers privés à but philanthropique
financent des associations, des sociétés de diffusion de la culture
par tous les moyens et naturellement les moyens audiovisuels.
Quoiqu'il en soit, les frais de fonctionnement sont souvent trop
élevés pour ces groupements qui vivent difficilement. Pour faire
profiter de la culture cinématographique ou de la culture par le
cinéma, il faut que le prix demandé pour avoir accès à cette forme
d'expression soit modique. Les séances sont même souvent gratui-
tes lorsqu'il s'agit d'organismes gouvernementaux.
Le Ciné Club de Dakar, qui a fonctionné jusqu'en octobre 1970
-

en toute indépendance des pouvoirs publics, a vécu des cotisations


de ses adhérents. Une carte mensuelle avait été préférée à la carte
annuelle, pour tenir compte du mode particulier de vie au Sénégal,
contrairement à ce qui se passe en France pour des organismes
similaires. Les tarifs pratiqués y étaient naturellement inférieurs
aux prix des places dans les salles commerciales.
Il se trouve également des foyers de projection de films qui
s'apparentent aux Ciné-Clubs. Là, le prix est payé pour chaque
séance sans qu'il soit nécessaire de posséder une carte. Il faut citer

34
aussi, à l'époque où elle fonctionnait, la diffusion de films par la
télévision éducative (1).
La facilité d'adhésion et de fréquentation est contenue dans les
statuts de ces organismes. Le Ciné-Club et les organismes de cul-
ture cinématographique sont ouverts à tous, à condition évidem-
ment d'en respecter les statuts.
Comme les organisateurs des ciné-Clubs ne disposaient pas en
propre de salles de projection, ils devaient se faire «héberger» par
différentes organisations ou sociétés privées, selon le format des
films qu'ils avaient à projeter. Il y a des salles qui sont gracieuse-
ment mises à leur disposition; pour d'autres, ils sont obligés de
payer une location. Dans ce dernier cas, le prix de revient de la
séance devient important. C'est en raison des frais généraux trop
élevés que le Ciné-Club de Dakar a dû fermer ses portes.
Il existe également l'association Film et Culture animée par la mis-
sion catholique. Les projections essentiellement destinées aux
enfants des écoles ont lieu tous les jeudis à la salle Daniel Brothier.
Le Centre de Bopp, animé par une équipe dynamique, a inscrit à
son programme également des projections de films suivies de
débat. La Maison des Jeunes à Dakar quand elle existait encore,
ainsi que les Centres Culturels africains (2) organisent eux aussi
des projections de films. Ils empruntent leurs films aux Centres
Culturels étrangers, n'en ayant pas eux-mêmes à leur disposition.
Les Lycées du Sénégal et l'Université de Dakar organisent eux
aussi des projections, dont certaines ont nettement le caractère
d'un ciné-club. Un groupe est particulièrement efficace, celui de
Mohamed DIOP au CESTI.
L'Armée française et l'Armée sénégalaise organisaient périodi-
quement des manifestations cinématographiques dans leurs cen-
tres et casernes. Elles ont un caractère à la fois éducatif et dis-
trayant.
Dès son avènement en 1972, la télévision nationale est devenue
également un centre de diffusion de films, généralement des films
étrangers, surtout français et américains.

(1) Remplacée depuis 1972 par la télévision nationale.


(2) Comme le Centre Culturel Blaise SENGHOR (ainsi appelé en mémoire d'un
cinéaste sénégalais) qui fonctionne depuis 1974. Son nom actuel lui a été donné
en 1976.

35
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Le programme des salles de Dakar


(extrait du journal «Le Soleil»).

36
LA PRODUCTION

A la base de toute production il faut de l'argent. En matière ciné-


matographique, la production s'organise à partir de maisons de
production créées selon les lois de chaque pays. Dans les pays à
économie libérale, une société de production peut exister pourvu
qu'elle en obtienne l'autorisation, toujours accordée si elle res-
pecte les règles de création. Il y a donc des sociétés de production
de courts métrages, d'autres de longs métrages et des sociétés qui
produisent aussi bien les uns que les autres. Ces sociétés sont
créées selon toutes les formules possibles: société d'économie
mixte, société par actions, sociétés en nom propre, sociétés à res-
ponsabilité limitée. L'Etat aussi crée parfois sa propre société.
Dans les pays à économie dirigée et socialiste, les maisons de pro-
duction sont généralement d'Etat.

LES PRODUCTEURS PRIVES

Au Sénégal comme ailleurs, la production de chaque film pose des


problèmes de financement particuliers. Un effort individuel s'est
fait en ce domaine par des réalisations à financement privé. Exis-
tent ou ont existé au Sénégal L'UCINA (L'Union Cinématogra-
phique Africaine), société de statut privé par actions, qui a pro-
duit Grand Magal à Touba, réalisé par Blaise SENGHOR, et
coproduit Liberté I réalisé par le metteur en scène français Yves
CIAMPI, dans lequel jouaient Maurice RONET, Nanette SEN-
GHOR, Iba GUYE et Corinne MARCHAND; les Films DOOMI-
REEW, qui a coproduit ou produit les films de Ousmane SEM-
BENE; les Films Momar THIAM qui a produit les films de
Momar THIAM; BAOBAB Films qui produit les films de SAMB;
SUNU Film qui a produit ou coproduit les films de Johnson
Mahama TRAORE; KANKOURAMA Films qui produit les films
de Djibril DIOP Mambéty. D'autres n'ont connu qu'une exis-
tence brève: ainsi la Société Nationale de Productions Cinémato-
graphiques (SNC) qui a vu le jour, le 21 décembre 1971 et a été dis-
soute en 1974(1).

(1) Capital prévu: 60 millions CFA. Capital libéré: 46.250.000 F CFA. Participa-
tion de l'Etat majoritaire. Au nombre des actionnaires, on trouvait les ban-
ques BICIS - BIAO - USB - Société Générale, puis des sociétés de cinéma:
SECMA - COMACICO - Consortium Audiovisuel International et des privés.
Et malgré cela...

37
Alors que, pour réaliser un film, les grosses sociétés de production
arrivent à réunir jusqu'à 10 milliards de francs CFA et que les
sociétés indépendantes européennes ou américaines se trouvent
souvent à la tête de 500 millions à 1 milliard CFA, au Sénégal, la
plus grosse dépense pour un film a été de 150 millions de francs
CFA pour Liberté I. A part cela, le film le plus cher produit par
une société de production sénégalaise n'a pas coûté plus de 75 mil-
lions CFA. A compter que l'essentiel des dépenses est consacré
aux travaux effectués en France. Un des films coproduits par la
SECMA et la SUNU Film, Diègue-bi, a eu un budget de 7 millions
CFA et a battu les records de recettes au Sénégal en 1971. Xala, de
SEMBENE, coproduction Société Nationale et Film DOOMI-
REEW a fait mieux depuis 1974. On attend maintenant les résul-
tats des derniers films réalisés en 1981 et en 1982.

INTERVENTIONS OFFICIELLES
Le Service Cinéma
Nous avons vu les circonstances qui ont amené le Gouvernement à
créer son propre Service Cinéma pour la réalisation de son journal
filmé hebdomadaire. Ce Service, en même temps qu'il assurait la
parution de l'actualité filmée, a servi de structure d'accueil à des
réalisations de documentaires d'Etat et a permis à des cinéastes
privés de faire leurs premiers pas.
Certaines premières oeuvres ont bénéficié du concours de l'Etat
par son Ministère de l'Information, qui mettait à la disposition
des cinéastes de la pellicule et du personnel technique et prenait à
sa charge les frais de laboratoire (développement, tirage de la
copie de travail). Les cinéastes, pour pouvoir entièrement bénéfi-
cier du fruit de leur travail, étaient laissés libres de trouver eux-
mêmes les ressources complémentaires pour mener à bien leur
film.
La Coopération française
Dans cette phase, les services de coopération français entraient
généralement en jeu en achetant les droits non commerciaux des
films en cours de montage. Le prix payé couvrait généralement les
travaux de laboratoire et les frais de voyage et de séjour du réalisa-
teur à Paris. Le réalisateur du film disposait ainsi de son film pour
le circuit commercial. C'est ainsi que furent réalisés un bon nom-
bre de films africains et naturellement sénégalais.

38
L'intervention des services français de la Coopération peut se
faire parfois à l'origine même du film. Dans ce cas, à partir du
sujet que cautionne la Coopération française, les moyens maté-
riels sont débloqués pour le réalisateur dès les prises de vues de son
film. Ces moyens se rapportent à la fourniture de la pellicule
nécessaire, la mise à la disposition du réalisateur de matériel
(caméra et magnétophone et parfois un technicien ou deux). Et
naturellement pour la France la prise en charge des travaux de
finition du film. On achète alors au réalisateur son idée et son tra-
vail par la cession de droits non commerciaux. Quelquefois même,
la coopération se charge de trouver un producteur pour monter
une opération de coproduction. Le coproducteur qui intervient
parce que le gouvernement français ne peut le faire se charge
ensuite de trouver un distributeur au film si lui-même, comme co-
producteur, n'est pas attaché à une société de distribution.

La Société Nationale de Cinéma (1973-1977)


En guise de prélude
La décision prise par la Fédération Panafricaine des Cinéastes (1),
lors du 3 e FESPACO, de faire de Ouagadougou, capitale de la
Haute-Volta, le deuxième centre de manifestation cinématogra-
phique en Afrique, est due au fait que la Haute-Volta avait été
l'un des premiers pays d'Afrique sub-saharienne à prendre la déci-
sion de nationaliser son cinéma. Sans doute, l'Algérie en 1962,
donc dès son indépendance, avait déjà nationalisé son cinéma; la
Guinée, dans le contexte de son indépendance, en septembre 1958,
avait aussi récupéré son circuit de distribution et la Tunisie, par
l'organisation de sa société d'économie mixte, la SATPEC, avait
également mis sur pied les moyens qui auraient dû permettre à ses
cinéastes de travailler dans de bonnes conditions.
Mais une des vérités à ne jamais perdre de vue est que les Organi-
sations qui monopolisent les circuits cinématographiques africains
ne peuvent être efficacement combattues que si elles trouvent en
face d'elles une unité d'action des exploités.
Les difficultés rencontrées par la Haute-Volta, la Guinée, le Mali
proviennent de l'exiguïté de leur marché. La Tanzanie, qui a

(1) La Fédération Panafricaine des Cinéastes a été mise sur pied à Alger en 1969 et
officiellement fondée à Carthage en octobre 1970.

39
nationalisé son circuit en 1971, le Dahomey(1) en 1974, et le Séné-
gal en 1974 également, avec la SIDEC, ont rencontré les mêmes
difficultés d'approvisionnement en films, conséquence du boycot-
tage des grandes sociétés de distribution.
L'évolution du cinéma au Sénégal a été lente pour s'être confor-
mée à un choix politique libéral. La création d'une association
nationale de cinéastes en a accéléré le processus. Mais, pressentant
déjà ce qui va résulter de l'action des initiateurs de cette associa-
tion, évidemment gens responsables et conscients de la réalité de
l'exploitation du marché sénégalais du film, les nostalgiques de la
colonisation suscitèrent et créèrent une association rivale en met-
tant en avant de jeunes cinéastes qui ne devaient découvrir que
tardivement la manipulation dont ils étaient l'objet. Ainsi mani-
pulés, ils constituèrent une des armes néocoloniales qui permit
quelques années encore le maintien, par ces sociétés étrangères,
des avantages exorbitants de leur monopole de fait.
Cela dura jusqu'au jour où, confrontés à la dure réalité de leur
exploitation, les cinéastes fusionnèrent leurs deux associations
pour présenter un front uni. Ce qui permit de faire avancer leurs
revendications.

La création
Les pouvoirs publics étaient bien décidés à prendre en main le
cinéma dans son ensemble. Dans cet esprit ils ont créé, le 22
décembre 1972, La Société Nationale de Cinématographie (SNC)
qui a commencé à fonctionner en mars 1973, Société d'économie
mixte placée sous la tutelle du Ministère de la Culture. La Société,
au capital de 60 millions CFA dont 46 millions libérés, était diri-
gée par un PDG sénégalais et un Conseil d'Administration où le
Gouvernement était majoritaire. Cette société s'est présentée
comme un intermédiaire de l'Etat qui, lui, garantissait les prêts
bancaires obtenus pour le financement des films produits. Cinq
films de long métrage ont été réalisés de la sorte entre septembre
1973 et septembre 1974 pour un montant total de 100 millions
CFA, soit environ 20 millions par film: Le bracelet de bronze, de
Tidiane AW, L'option, de Thierno SOW, Baks, de Momar
THIAM, N'Diangane, de Mahama J. TRAORE, Xala, de SEM-
BENE Ousmane; et de trois courts métrages: Tabane, de Maurice
DORES, qui allait en faire le long métrage Borom Xam Xam,

(1) Bénin.

40
Education du nourrisson de Ibrahima N'DIAYE, et L'art sénéga-
lais, de Paulin VIEYRA.
En principe, la Société de Cinéma a réalisé ces films en co-
production avec les réalisateurs producteurs. Mais dans la réalité,
en dehors d'une seule réalisation qui a été véritablement une co-
production parce que les deux sociétés en présence étaient des
sociétés régulièrement constituées, les autres réalisations ne sont
des coproductions que de nom, parce que les soi-disant sociétés
qui traitaient avec la société nationale ne sont que des fictions. La
part d'intervention de la Société Nationale dans de telles produc-
tions atteint et dépasse souvent les 90%. En fait, il s'agit plutôt de
participation des réalisateurs qui prennent, il est vrai, le risque
d'engager leur salaire dans la production. Mais cette participation
ne peut se comptabiliser à 50% comme certains réalisateurs le pré-
tendent.

Le déclin
En vérité, l'existence de la Société Nationale de Cinéma avait été
considérée comme un acquis important, dont il fallait user avec
clairvoyance. Deux conditions étaient requises pour lui permettre
de fonctionner convenablement. D'abord que le PDG se com-
porte en homme d'affaires qui défend la réalisation de films de
qualité; en outre, que les cinéastes aident cette société à s'épanouir
sans chercher à en profiter chacun pour soi, pour réaliser ses pro-
pres desseins. Ces conditions, hélas, ne furent pas remplies.
L'assise de cette Société aurait dû s'élargir par une organisation
technique de production, c'est-à-dire par l'acquisition de matériel
de prises de vues se répartissant au moins en deux unités, une de
16 mm et une de 35 mm, et de matériel de montage 16 et 35 pour
limiter les frais que nécessitent les montages hors du Sénégal.
Une mauvaise gestion de la SIDEC n'a pas fait dissoudre cette
Société; on a recherché l'homme qu'il fallait pour redresser la
situation en lui donnant les moyens nécessaires. On aurait pu faire
la même chose avec la Société Nationale de Cinéma. Au lieu de
cela, en 1977, on l'a purement et simplement dissoute. La consé-
quence en est que les cinéastes se sont brusquement vus privés
d'un instrument de travail. Par ailleurs, les films qui ont été pro-
duits ou coproduits par la SNC se trouvent bloqués dans les diffé-
rents laboratoires en France, notamment à Paris, tant que les
avoirs et le passif de la société n'auront pas été liquidés. C'est un

41
handicap sérieux pour la poursuite de la carrière commerciale de
ces films.

Le Bureau du Cinéma
Conjointement avec la Société Nationale de Cinématographie, a
été créé, au début 1973, le Bureau du Cinéma, département fai-
sant partie intégrante du Ministère de la Culture (contrairement à
la SIDEC et à la SNC, sociétés d'économie mixte). Il a été dirigé
depuis sa création jusqu'à la naissance de la SIDEC par Yves
DIAGNE.
Le Bureau du Cinéma avait surtout pour but de jeter les bases
d'une réorganisation totale de la cinématographie sénégalaise,
d'élaborer les projets de textes d'une législation cinématographi-
que et principalement ceux d'un code de l'industrie cinématogra-
phique, ce qui devait permettre pratiquement l'organisation et le
contrôle:
de la profession, avec une déontologie adaptée et conforme à
la réalité du moment;
des recettes, pour permettre à l'Etat, aux producteurs, aux dis-
tributeurs, aux exploitants et autres ayant-droits, de jouir plei-
nement de leurs droits et de percevoir équitablement leurs dûs;
de la production, de la distribution et de l'exploitation des
films, tant nationaux qu'internationaux, sur tout le territoire
du Sénégal;
du fonds d'aide et de soutien à l'industrie cinématographique
sénégalaise;
de l'organisation de manifestations cinématographiques tant
au Sénégal qu'à l'étranger.
Ce «Bureau» avait donc un programme ambitieux à réaliser,
notamment préparer les textes devant permettre la création,
l'organisation et le fonctionnement d'un futur Centre National de
la Cinématographie Sénégalaise, destiné à prendre sa propre
place.
En 1983, cet organisme public, appelé par les voeux de tous,
n'existe pas encore.

Les Fonds d'aide


Le Fonds spécial K2
Depuis 1974, quand la SNC produisait ses cinq longs métrages,

42
c'était presque le vide. Deux films seulement ont été réalisés de
1975 à 1978: Ceddo, de SEMBENE Ousmane et Tiyabu-Biru, de
Moussa BATHILY, le premier a été tourné en 1976, le second en
1977 et terminé en mars 1978.
Pour ces deux films un autre mécanisme de production a joué,
alors même que la Société Nationale de Cinéma existait encore,
moribonde il est vrai.
Le Gouvernement a prélevé dans un fonds spécial intitulé K2,
20 millions CFA prêtés à SEMBENE pour faire son film et a ava-
lisé par ailleurs un prêt de 20 millions auprès d'une banque de la
place pour couvrir la totalité des besoins financiers. Un autre
cinéaste, Mahama Johnson TRAORE, a obtenu un même prêt de
20 millions demandé, semble-t-il, pour une autre opération com-
merciale, l'ouverture d'un magasin de produits et de matériel
photo et cinéma. On y reviendra.
La rubrique K2 ayant été supprimée, c'est par l'aval de l'Etat que
Moussa BATHILY obtint les 15 millions pour son film. On voit
immédiatement ce que ce mode de fonctionnement a d'arbitraire
car tout dépend de l'individu, de ses relations. Dès lors, c'est la
porte ouverte à toutes les tractations. Il semble bien que le gouver-
nement ait pris conscience de ce problème puisqu'il institua en
1978 un Fonds d'aide pour l'industrie cinématographique.

Le Fonds d'aide pour l'industrie cinématographique


L'échec retentissant du SNC, — on en a ci-dessus évoqué les cau-
ses — avait encore été accentué par la non-rentabilité des films
produits: aucun des longs et des courts métrages financés ne lui
avait rapporté de bénéfices. Fallait-il pour cette raison renoncer à
un cinéma sénégalais?
En 1972, avait été mis en place au Ministère de la Culture un Fonds
d'aide qui prévoyait l'affectation par les Finances publiques d'une
somme annuelle de 40 millions CFA pour organiser le cinéma.
Dans l'esprit des pouvoirs publics, cette somme devait suffire à
produire des films de court et long métrage et à encourager des
opérations ponctuelles de promotion: semaines cinématographi-
ques sénégalaises à l'étranger, subventions, frais de missions, etc.
On s'est naturellement très vite rendu compte que les 40 millions
étaient loin de permettre la réalisation d'un tel programme.
Devant l'arrêt de la production, le Président de la République

43
donna en 1978 pour instruction au Premier Ministre de revoir la
formule du Fonds d'aide. Après de longs pourparlers entre le
Ministre de la Culture d'une part, la Banque Nationale de Déve-
loppement du Sénégal (BNDS) et la Société Nationale de Garantie
et d'Assistance (SONAGA) d'autre part et enfin les producteurs-
réalisateurs sénégalais, il fut décidé que les longs et courts métra-
ges de fiction retenus par une Commission Nationale présidée par
le Ministre de la Culture pourraient être financés par des prêts
bancaires personnalisés et que 8 des 13% d'intérêts dûs pour les
emprunts seraient pris en charge par le Fonds d'aide. Le montant
global des prêts serait de 21 millions CFA. Sept cinéastes en ont
bénéficié: SAMB, VIEYRA, THIAM, SOW, FALL, MBAYE et
Alassane DIOP.
«Le Cinéma sénégalais repart» annonçait «Le Soleil». Etait-ce
vraiment le cas? Pas encore hélas. Chaque année, le cinéma séné-
galais amorce un nouveau tournant. Le Fonds d'aide, cette nou-
velle institution, aurait dû être complété et amélioré par les struc-
tures d'une caisse d'avance.
En attendant la mise sur pied de tout un complexe cinématogra-
phique souhaité, des films continuent de se réaliser d'une manière
individuelle. C'est Safi FAYE qui a tourné en juin 1978 son nou-
veau long métrage Fad Jal, avec le concours d'organismes fran-
çais, l'Institut National de l'Audiovisuel et le Ministère de la Co-
opération française. Tidiane AW a suivi le même chemin et réalisé
en août 1979 son deuxième long métrage, Le certificat d'étude.
Mahama TRAORE a tourné en 1981, par ses propres moyens,
Sarax-si, d'après le livre Le Revenant d'Aminata Sow FALL (1).
En 1979, des dossiers de films de long métrage étaient en attente
au Ministère de la Culture pour être examinés par la sous-
commission technique du Fonds d'aide chargée de se prononcer
sur l'opportunité de leur accorder le concours de l'Etat en vue
d'un prêt bancaire(2).
En 1980, la décision favorable tomba enfin et la Banque Nationale
de Développement du Sénégal put financer pour 225 millions sur
prêts les films de long métrage: Jom de Ababacar SAMB, Sa
Dagga de Momar THIAM, L'oeil de Thierno SOW, En résidence
surveillée de Paulin VIEYRA, Sargal de Amadou FALL et les

(1) En février 1983 ce film est encore inachevé. Sa finition se situe au niveau du
montage et de la sonorisation.
(2) Le mécanisme d'aide aux cinéastes sénégalais a encore changé depuis.

44
courts métrages Leuk le lièvre de Alassane DIOP (1) et L'enfant
du Ngatch de Ousmane MBAYE.
En 1981, tout en réglant à la Banque les intérêts des prêts, le
Fonds d'Aide a financé deux courts métrages pour une somme de
16 millions. Il s'agit de Le fils de qui?, réalisé par Maguette DIOP
et Le certificat d'indigence réalisé par Moussa BATHILY, tous
deux achevés dans les délais. En 1982, sur le fonds d'aide 1981-
1982 (2), le Gouvernement essaie de financer deux courts métrages
appelés à être réalisés par Tidiane AW et Amadou THIOR. Celui
de THIOR, Halte au désert, a été déterminé en 1983, et également
le film de court métrage de David DIOP sur son père, poète mort
tragiquement dans un accident d'avion en 1960.
A la suite du remaniement ministériel de 1981, lors de l'accession
au pouvoir de Abdou DIOUF remplaçant le Président Léopold
SENGHOR démissionnaire, Joseph MATHIAM a remplacé au
Ministère de la Culture Assane SECK. Depuis lors le cinéma séné-
galais est de nouveau en veilleuse.
A la suite du Colloque International sur la Production Cinémato-
graphique en Afrique tenu à Niamey du lei au 4 mars 1982 par les
cinéastes africains, les cinéastes sénégalais se sont réunis pour
mettre sur pied une plateforme de discussion avec le gouverne-
ment, d'où doit sortir la redynamisation de la production au Séné-
gal.
Ils souhaitent que le Sénégal, pour compléter sa structure cinéma-
tographique, étudie l'organisation d'un Centre National de
Cinéma, un peu à l'image de ce qui se fait en France, pour servir
d'organisme coordonnateur habilité à régler tous les problèmes
qui concernent le cinéma au Sénégal, aussi bien sur le plan législa-
tif que financier et structurel(3).

(1) Tous ces films ont été réalisés, excepté Leuk le lièvre d'Alassane DIOP.
(2) Porté à 50 millions CFA.
(3) Lors du Conseil interministériel sur le cinéma en décembre 1982 le Premier
Ministre Habib THIAM a annonçé que l'Etat allait débloquer pour l'exercice
budgétaire de 1983-1984 une somme de 250 millions CFA en faveur du cinéma,
somme renouvelable chaque année. Cette décision n'entre pas dans les voeux
des cinéastes qui, dans leurs propositions, avaient retenu le principe de la
Caisse d'avance sur recettes, à partir d'un aménagement des taxes qui frappent
le cinéma au Sénégal.

45
Parmi les films de SEMBENE Ousmane: Le mandat (1968),...
Photo PROGRES FILMS
Emitai (1971),...
II.

LES FILMS SENEGALAIS


1950 - 1960

LA PREHISTOIRE

Après la guerre de 1939-1945, le cinéma occidental notamment a


eu besoin de comédiens africains ou simplement de comédiens
noirs. C'est ainsi que, peu nombreux en France à l'époque, tous
les noirs qui voulaient figurer dans un film en avaient la possibi-
lité. Sans doute n'étaient-ils souvent que des figurants dans des
films qui se démarquaient très peu de l'esprit colonial d'avant-
guerre: rien n'avait changé sous les cieux d'Europe, l'Africain
était resté le bon sauvage à la littérature du style «Y a bon Bana-
nia» à nouveau florissante dans les kiosques à journaux. La «Pré-
sence Africaine» n'intéressait que quelques intellectuels français
qui étaient déjà gagnés à la cause africaine.
Ce n'était pas dans ce cinéma de grande consommation que l'on
pouvait introduire des éléments de connaissance de la civilisation
négro-africaine, d'autant qu'un cinéma ethnographique qui se
voulait scientifique ne présentait guère un meilleur visage de
l'Afrique. Dès lors, ceux des Africains ou des Noirs qui accep-
taient de figurer dans un film, le faisaient pour l'intérêt qu'ils
pouvaient en tirer, c'est-à-dire le cachet assez substantiel que leur
valait la rareté de la figuration noire. Beaucoup d'Africains ont
ainsi pu prendre connaissance de la manière dont se réalisaient les
films.
Aux environs de 1950, alors que déjà des comédiens tel que Habib
BENGLIA avaient participé à des films, même avant la guerre, il
se trouva quelques Africains pour s'intéresser au cinéma autre-
ment que comme de simples figurants. Certains étaient entrés
dans la profession comme stagiaires, d'autres participaient à des
animations de ciné-clubs, d'autres enfin préparaient le concours
d'entrée dans les deux écoles supérieures de cinéma existant alors,
l'Ecole de Vaugirard, qui formait des opérateurs de prises de vues
et des ingénieurs du son, et l'Institut des Hautes Etudes Cinémato-
graphiques, d'où sortaient les réalisateurs, les monteurs, les
scripts et les directeurs de production.
A cette époque, juste dans l'après-guerre, tout convergeait vers le
centre du quartier latin à Paris, vers ce Boul'Mich où tous les
Africains finissaient par se rencontrer. Il était donc facile à tous
ceux qui s'intéressaient au cinéma de se regrouper. Cela devait
52
donner aux environs de 1952 «Le Groupe Africain de cinéma»
dans l'esprit d'unité qui animait alors les Africains, voire même
les membres de la diaspora. Il ne faut donc pas s'étonner d'y ren-
contrer un Jacques Melo KANE et un Mamadou SARR d'origine
sénégalaise, un Paulin VIEYRA d'origine dahoméenne (1), un
Robert CARRISTAN de la diaspora antillaise. Plus tard, vien-
dront se joindre à eux, outre des Français, des ressortissants de la
diaspora nord-américaine, tels GYPSIS qui allait être plus connue
sous le nom de Marpessa DAWN, celle qui incarnait Eurydice
dans le film de Marcel Camus Orfeo Negro (2).
En 1955, Paulin VIEYRA terminait ses études à l'IDHEC, Robert
CARRISTAN sortait diplômé en 1956 de l'Ecole de Vaugirard,
Jacques Mélo KANE (du groupe des Assico animé par Maurice
Sonar SENGHOR) s'était aussi tourné vers le cinéma comme
acteur et régisseur, et Mamadou SARR s'intéressait aux ciné-
clubs.
Leur rencontre devait aboutir à la mise sur pied d'un premier film
Afrique sur Seine. Le scénario, œuvre de tout le groupe, était né
de leurs discussions.
L'histoire, c'est le survol des différentes existences des noirs à
Paris: l'étudiant, le restaurateur, l'employé de bus, le clochard,
l'aveugle, avec un retour en arrière sur une Afrique mythique et
une vision circonstantielle de l'Occident, marquée par sa culture
qui s'étalait sous les yeux dans les monuments de Paris. Pendant
ce temps Amadou CISSE (3) avait mis sur pied une société
d'actualité, Actua-Afrique, et filmait lui-même à travers l'Afrique
l'actualité politique.
En 1957, le Groupe ayant fait ses preuves par Afrique sur Seine
demanda à venir en Afrique réaliser d'autres films. Le contexte
politique se prêtait à l'entreprise. Avec la loi cadre, des parlemen-
taires africains participaient au gouvernement français. C'étaient
Houphouêt BOIGNY de Côte d'Ivoire et Léopold Sédar
SENGHOR du Sénégal. Ils devenaient les interlocuteurs idéaux
parce qu'appartenant à des partis différents, le RDA, le Rassem-
blement Démocratique Africain, et les Indépendants d'Outre-

(1) Dahomey devenu Bénin.


(2) On la retrouve dans Boubou cravate de Daniel KAMWA, C.M. camerounais.
(3) Amadou CISSE a quitté le cinéma depuis. Il poursuit une carrière de diplo-
mate, Chef du Protocole, Ambassadeur du Sénégal aux Nations Unies et en
Suisse, Ambassadeur en France.

53
Mer. C'est en avion militaire que le groupe se rendit à Dakar en
1957 pour tourner Un homme, un idéal, une vie, titre qui devait
devenir quelques années plus tard Môl (Le pêcheur). Un jeune
homme, poussé par le progrès, veut motoriser sa barque pour
pouvoir aller loin et mieux pêcher. Il n'a pas les moyens de se
payer un moteur. Il va essayer de réunir la somme nécessaire. Il
part voir son oncle à Saint-Louis, qui lui-même est pêcheur, pour
voir si celui-ci peut lui prêter la somme. Mais l'oncle n'a rien. Il
décide alors de venir à Dakar travailler. Pendant plusieurs mois, il
se dépensera au Port et ailleurs et finira par réunir l'argent néces-
saire. De retour dans son village, c'est la fête, il va donc pouvoir
se marier. Le film a été tourné à Cayar, village de pêcheurs, à
quelques 50 km de Dakar, où l'équipe a vécu avec les pêcheurs. La
subvention reçue n'étant pas suffisante pour pouvoir vivre au
Sénégal, le Groupe a dû réaliser deux films commandités: à
Dakar, un reportage sur l'inauguration de la BIAO (Banque de
l'Afrique Occidentale), et à Saint-Louis, un film de relations
publiques sur l'Hôtel Résidence. Le Groupe devait réaliser égale-
ment un court métrage sur Saint-Louis, film inachevé dont les élé-
ments égarés dans quelques laboratoires de Paris attendent qu'on
leur donne vie.
Il aura fallu 10 ans pour que le film Môl, réalisé en 1957, soit
sonorisé. Suivant les images du film et le scénario, un commen-
taire a été écrit par quelqu'un d'extérieur au groupe; ce commen-
taire cadre finalement mal avec l'esprit du film, en n'apportant
aucune dimension sentimentale aux images, comme on aurait pu
l'espérer dix ans après les prises de vues.
Le Sénégal retrouvait ses frontières coloniales avec son indépen-
dance le 4 août 1960. C'est dans ce cadre que va s'inscrire l'his-
toire du cinéma Sénégalais.

54
1960 - 1966

LES ESSAIS

PREMIERS PAS
Le Sénégal reprend Dakar comme capitale et garde toutes les ins-
tallations de la Fédération du Mali, éclatée le 4 août 1960. Pour la
manifestation de l'anniversaire de la première année de l'Indépen-
dance, Paulin VIEYRA réalise Une nation est née à partir des élé-
ments de reportage de la commémoration de l'Indépendance du
4 avril 1961. A ces documents sont venues se joindre dans le film
des représentations fictives symbolisant les principaux lieux où se
manifestaient la vie, la mer, la forêt, le village.
Plusieurs parties du film rapportent l'invasion du pays par les
Européens, la lutte qu'ils se livraient entre eux pour dominer le
pays, la domination par la colonisation des terres et des esprits, la
lutte de libération et enfin l'indépendance. Une dernière partie est
venue s'ajouter à l'ensemble, qui s'harmonise aux autres et traite
du début de l'indépendance et des tâches auxquelles sont confron-
tés les habitants du pays. Fondé sur des images allégoriques, ce
film utilisa aussi des extraits du texte de «L'Aventure ambiguë»,
le livre de Cheikh Hamidou KANE, et l'émotion qui pouvait naî-
tre de l'hymne national écrit par le Président poète Léopold Sédar
SENGHOR. Resteront attachés à ce film les noms de Henriette
BATHILY, qui figurait déjà au générique du film C'était il y a
quatre ans(1), et Abdoulaye DIOP, un des plus anciens pension-
naires du Théâtre National Daniel SORANO, qui commença sa
carrière à Dakar par le Théâtre du Palais, aujourd'hui démoli.
En 1962, à partir de ce qui restait comme moyen financier à la
Société de Production OCINA, Blaise SENGHOR réalise un
court métrage Grand Magal à Touba sur le grand pélerinage à
Touba des Mourides, une secte musulmane. Certains ont dit du
film que c'était un regard extérieur sur la manifestation. Si ce
regard fut critique il fut aussi chaleureux, en rendant parfaitement
l'ambiance qui règne à Touba à cette occasion. Une nation est née
a été primé à Karlovy Vary en Tchécoslovaquie, à Locarno en

(1) Le film de Promotion pour le diplôme de fin d'études de l'IDHEC de Paulin


VIEYRA (1955).

55
Suisse et voilà Grand Magal à Touba Ours d'argent au Festival de
Berlin. A peine né, le cinéma Sénégalais recevait donc déjà les
récompenses des grands festivals.

ENCORE LES FRANÇAIS

Alors que les cinéastes sénégalais tournaient leur film avec des
moyens dérisoires dont l'essentiel était le fait d'une collaboration
amicale, deux films réalisés par des étrangers, un long métrage
Liberté I, de Yves CIAMPI (1), et un court métrage Sénégal ma
pirogue, de Jean-Claude BONNARDOT, recevaient le concours
de l'Etat. Liberté I a été réalisé en coproduction entre l'UCINA,
l'Union Cinématographique Africaine et Pat Film Paris. L'Union
Cinématographique Africaine, dont Blaise SENGHOR était
l'administrateur, a été la première société sénégalaise de produc-
tion cinématographique. Cette société avait eu l'aval de l'Etat
pour un prêt bancaire de 15 millions CFA qui a été sa participa-
tion dans le film. Bien que traitant d'un sujet très intéressant le
film n'a pas eu beaucoup de succès et la société sénégalaise n'est
sans doute pas rentrée dans ses fonds. L'histoire du film tournait
autour d'un baobab (2) qu'il fallait abattre pour faire passer une
route, donc le progrès. Les habitants du lieu ne l'entendaient pas
de cette oreille, tout au moins les griots, car le baobab leur servait
de sépulture, ils ne pouvaient pas en raison de leur caste être enter-
rés ailleurs, et surtout pas dans un cimetière normal. L'amitié de
deux hommes, l'un blanc, l'ingénieur, l'autre noir, le Directeur de
Cabinet du Ministre des Travaux Publics, tous deux ayant étudié
sur le même banc depuis leur jeune âge, ne réussit pas totalement à
arranger les affaires. Le baobab est abattu, non sans qu'il y ait eu
mort d'homme. L'ingénieur doit quitter le pays à regret. Le
député se marie avec sa griote, ancienne maîtresse du Directeur de

(1) Yves CIAMPI, cinéaste français de qualité moyenne (né en 1921, mort en
1982). Il avait mené parallèlement deux carrières: médecin et cinéaste. Ses plus
grands succès commerciaux furent Un grand patron, Les héros sont fatigués et
Typhon sur Nagasaki.
«Revoir aujourd'hui l'oeuvre intégrale d'Yves CIAMPI serait sans doute cruel.
Ce réalisateur honnête et sincère, et techniquement assez habile, n'a jamais pu
échapper, malgré l'originalité de certains thèmes, à la convention d'une dra-
maturgie littéraire ou théâtrale assez pesante. Quelques éclairs sporadiques de
lyrisme sauvent peut-être ses films exotiques et une certaine vérité cette bande
étrange qu'est Qui êtes-vous Mr Sorge?».
(La Revue du Cinéma, janv. 1983).
(2) En Belgique le film fut distribué sous le titre Le baobab sacré.

56
Cabinet, et ardente militante pour le progrès, donc pour que la
route passe. Iba GUEYE, le fils du Président Lamine GUEYE,
Président de l'Assemblée Nationale du Sénégal, leader du Parti
Socialiste à l'époque coloniale, un moment adversaire de SEN-
GHOR, s'est retrouvé au côté de Nanette SENGHOR pour les
deux principaux rôles africains. Ils étaient beaux et formaient un
beau couple avec des noms connus. A n'en pas douter c'était là
des atouts pour la commercialisation du film, du moins au Séné-
gal, encore que, parlant français, sa diffusion se soit trouvée limi-
tée. En France, Maurice RONET et Corinne MARCHAND
auraient pu être une bonne tête d'affiche mais sans doute pas pour
des «histoires de nègres» qui ne présentaient pas les lieux com-
muns habituels: bêtes sauvages, tam-tam, cris, danses frénétiques.
Le public occidental n'était pas prêt encore à recevoir ce genre de
film qui sans être colonial n'était pas un film africain dans le sens
fort du terme.
Quant à Sénégal ma pirogue, c'est un film de commande du Séné-
gal à une société française. A la vérité des sociétés indépendantes
françaises parcouraient l'Afrique à la recherche de commandes et
trouvaient des films à réaliser souvent en soudoyant des intermé-
diaires pour introduire leur dossier au devis volontairement gonflé
pour pouvoir faire face à toutes les sollicitations financières. C'est
ainsi que se réalisaient bon nombre de films en Afrique au détri-
ment des cinéastes nationaux. Ceci dit, il n'est pas question
d'interdire la réalisation des films par les étrangers en Afrique et
sur l'Afrique, mais encore faut-il que l'essentiel des dépenses soit
supporté par les productions étrangères si vraiment ils veulent
nous aider comme ils le disent. Les cinéastes africains doivent y
veiller et sensibiliser les autorités du pays sur les soi-disant co-
productions qui n'en sont pas puisque c'est en fait la part natio-
nale gonflée qui paie le tout. Sénégal ma pirogue reste ce que
j'appelle un film exotique, c'est-à-dire exprimant le point de vue
de l'Occident sur le Sénégal. Ma pirogue, c'est selon certains la
traduction en Ouolof de Sénégal, plus exactement c'est le mot
Ouolof «Sunugal», qui veut dire «mon pays» qui est traduit en
français par Sénégal.

LE VRAI DEPART
En 1963, Paulin VIEYRA réalise Lamb (Luttes) qui est la synthèse
de toutes sortes de luttes telles qu'elles se déroulent dans les diffé-
rents coins du Sénégal. A l'origine, ces manifestations populaires

57
avaient lieu après les récoltes; comme délassement, les jeunes gens
se mesuraient entre eux. Cela prenait parfois l'allure d'une con-
frontation pacifique entre jeunes gens de clans ou de tribus ou
bien encore d'ethnies différentes pour les beaux yeux d'une fille.
D'ailleurs les filles, à l'occasion, encourageaient de la voix chacun
de leurs champions. Naturellement les choses se sont dégradées
depuis, notamment à Dakar, où la lutte est devenue une affaire
commerciale. Avec l'intrusion de la frappe, une séance de lutte est
devenue un peu pugilat. Les lutteurs sont maintenant souvent
blessés par des coups de poings reçus.
Lamb s'est voulu un film éducatif. Il montre comment les lutteurs
se préparent: culture physique, entraînement intensif, pour bien
faire voir que la lutte est un sport et, comme tous les sports, exige
une préparation sérieuse. Le film montre aussi que la lutte est un
fait de culture. Que l'on croie ou non aux gris-gris, cette pratique
rituelle qui se déroule pendant toute la séance de lutte participe à
un cérémonial, au même titre que les chants et les danses qui en
font un spectacle particulièrement prisé par les amateurs. La lutte
est aussi une source de profit pour les organisateurs et pour cer-
tains publics qui parient sur les lutteurs. La Fédération nationale
essaie de réglementer ce sport-spectacle qui enchante plus d'un par
la verve créatrice des chanteurs et des chanteuses. Il ne faut pas
s'étonner que ce film haut en couleurs, sélectionné pour le Festival
de Cannes en 1963 (il s'est trouvé être le premier film entièrement
africain à participer à cette manifestation dans la sélection offi-
cielle), ait reçu un accueil plus enthousiaste à l'étranger qu'au
Sénégal même, où chacun cherche à trouver sa propre vision du
déroulement de la lutte. Ce film n'est pas un simple reportage, la
fiction se mêle aux documents pour faire de l'ensemble une créa-
tion, c'est-à-dire l'expression d'un point de vue personnel sur la
lutte. Les prises de vues se sont déroulées aussi bien dans les arè-
nes classiques, assemblage de planches branlantes qui rappellent
de véritables arènes en pierre, que dans les stades loués à l'occa-
sion des grands matchs.
Les pompiers de Dakar de Georges CARISTAN fut un film invo-
lontairement comique par la maladresse de quelques pompiers à
exécuter correctement les exercices d'intervention: noyade, mon-
tée à l'échelle pour le sauvetage de gens coincés à l'étage, lutte
contre le feu, réanimation. Le film a fait la joie du public et les
soldats du feu, déjà très estimés de la population, ont gagné
encore en popularité.
Sarzan a été réalisé également en 1963. C'est une adaptation d'un

58
conte de Birago DIOP, l'un des plus grands écrivains sénégalais.
La qualité cinématographique était si mauvaise que le film créa
quelques remous au niveau de la Direction de l'Information qui
avait aidé à sa finition. Le film a été réalisé clandestinement
d'abord, avec du matériel de l'Information mal maîtrisé par ceux
qui l'ont employé, et c'est au moment des travaux de laboratoire
que son existence fut connue. Quelques personnes qui pensaient
faire oeuvre de création ont demandé par la suite à retirer leur nom
du générique. C'est bien là un aspect de ce qui fait que le Sénégal
ait pu réaliser des films: une certaine inconscience des jeunes qui
se lancent dans l'aventure sans préparation. Actuellement, en
revoyant son film, Momar THIAM, qui travaillait à la Division
Cinéma, a dû éprouver malgré tout une certaine fierté d'avoir
bravé tous les interdits et embarqué un certain nombre de respon-
sables dans une aventure aussi farfelue que sa réalisation. Une
partie a été réalisée en 35 mm noir et blanc et une autre partie en
16 mm noir et blanc, une direction d'acteurs inexistante, avec des
comédiens professionnels si mal employés qu'ailleurs, en Occident
ou aux Etats-Unis, ils auraient sans doute fait un procès au réali-
sateur. Comme il s'agissait d'une entreprise amicale, le film se
trouve être actuellement un document sentimentalement attachant
qui milite en faveur du cinéma sénégalais. Mais nous étions,
répétons-le, en 1963 au tout début du cinéma dans ce pays. Avec le
passé du cinéma sénégalais et actuellement l'existence d'oeuvres
maîtresses, un jeune cinéaste qui se prétend professionnel n'aurait
sans doute plus l'audace de présenter un film de ce genre. On y
suit néanmoins assez bien cette histoire d'un militaire qui veut
changer les conditions de vie dans son village. La tradition est
confrontée au modernisme et la culture occidentale, mal assimilée
par le soldat, ne peut naturellement pas changer en peu de temps
une vie basée sur des années de traditions. Le militaire l'apprendra
à ses dépens, il va sombrer dans la folie pour ne pas avoir respecté
le rythme d'évolution de la société africaine.

Borom Sarret (Le Charretier), premier film de SEMBENE Ous-


mane, a connu quelques péripéties avant d'être mis en forme. Au
début les prises de vues s'étaient faites avec une caméra 35 mm
Bell et Howell, matériel que les Américains ont utilisé pendant la
guerre 1939-1945 parce qu'il était robuste et à manivelle. En fait,
il s'agit ici d'une caméra légèrement améliorée par les Soviétiques,
dont la manivelle se trouve incorporée à l'ensemble, que SEM-
BENE amena de son stage de formation à Moscou. Des bobines
de 30 m, c'est-à-dire une minute de durée, ont rendu malaisé le

59
tournage de ce film, dont certains plans pouvaient être amenés à
dépasser le métrage de la bobine. C'est alors que, grâce aux rela-
tions amicales du cinéaste, le chef du service cinéma, passant par
dessus tous les scrupules et toutes considérations de service, inter-
vint pour que participe au film un opérateur plus affirmé, utilisant
une caméra Arriflex pouvant prendre des magasins de 2 à 4 minu-
tes.
L'histoire se situe à Dakar. Pendant 24 heures, un charretier se
prête à tous les travaux, à tous les transports. Sans doute c'est son
métier et c'est le moyen de transport le plus économique pour les
humbles. En l'accompagnant nous voyons les différents visages de
la Capitale. Il y a des lieux où le charretier peut circuler et d'autres
qui lui sont interdits à cause du crottin de son cheval qui salit la
chaussée et de l'embouteillage qu'occasionne sa lenteur. Un char-
retier n'est pas riche et celui-ci, semble-t-il, l'est encore moins que
les autres. Il part de chez lui sans rien laisser pour le repas de midi;
Dieu y pourvoira sans doute, selon la formule consacrée. Lui-
même se contentera d'une noix de cola à midi. Mais le peu
d'argent qu'il va gagner, il le dilapidera en le donnant à un griot
gras et replet qui, sans pitié ni vergogne, vit de la crédulité de ceux
qui l'écoutent, les grands comme les petits. Le charretier gagne
petit bien sûr, mais il se dit issu d'une famille noble qui a eu des
revers de fortune; sa vanité le ruine: toute sa recette de la journée,
il la donne donc au griot. Pour ne pas rentrer sans argent, il
accepte du travail dans le quartier interdit. Résultat: sa charrette
est saisie et il écope d'une amende. Sombre journée pour lui. Il
rumine sur le chemin de retour tous les griefs qu'il ressent à
l'égard de tout le monde.
Borom Sarret, dans l'esprit et l'option idéologique de SEMBENE
est un prétexte pour se pencher sur la vie des humbles. Quelques
traits sont exagérément grossis, mais c'est volontairement, pour
mieux attirer l'attention sur la misère physique et morale d'une
certaine couche de la société. Une seule personne peut-elle accom-
pagner un mort à sa dernière demeure? SEMBENE en montre un
cas, et c'est le tollé général. Le spectacle en effet est insolite et
inhabituel dans un pays où la vie communautaire est si dévelop-
pée. Mais n'oublions pas que nous sommes dans une ville, dit
SEMBENE, et qu'en plus cet homme est un étranger. La discus-
sion est ouverte. Elle l'est aussi à propos de ce monsieur visible-
ment à l'aise, mais qui prend une charrette pour déménager, et qui
plus est, lorsqu'on arrête le charretier, n'hésite pas à prendre un
taxi. C'est qu'il le pouvait. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait au début?
60
La distance était trop longue peut-être; peut-être aussi n'était-il
pas pressé. Un film qui fait forcément réfléchir. L'importance du
message fait oublier la qualité technique du film qui n'est pas par-
ticulièrement remarquable au niveau de l'écriture. L'astuce de
faire dire en voix intérieure ses pensées par le charretier en un
français approximatif est bien venue. Sans être obligé d'employer
une des langues nationales du Sénégal, il permet de toucher le plus
grand nombre possible de gens dans le pays même et hors du pays
sans recourir aux sous-titres.
En 1964, le Théâtre SORANO change son répertoire en vue d'une
longue tournée dans le monde. Paulin VIEYRA décide d'enregis-
trer quelques scènes du spectacle. Ce sera d'abord Sindiély, une
pièce de théâtre conservée dans sa forme scénique. Les prises de
vues en plans moyens ont paru plus conformes à la vision de la
pièce et à la compréhension de l'histoire. Le récit est celui d'un
père de famille cupide qui veut marier sa fille à un vieux barbon
parce qu'il est riche, alors qu'un jeune soupire après elle. Finale-
ment, le père finit par céder devant l'hostilité de l'entourage, et les
jeunes gens pourront se marier. Cette mise en boîte d'une pièce de
théâtre lui permet d'avoir une plus grande diffusion.
Dans le même esprit a été réalisé Avec l'ensemble national com-
posé de plusieurs spectacles de ballets couvrant plusieurs aspects
de la vie artistique du Sénégal: danse des Peulhs, la circoncision,
le Kankouran, les pêcheurs.
Ecrit du Caire est un petit film que Paulin VIEYRA a réalisé lors
de la Conférence de l'OUA, l'Organisation de l'Unité Africaine
en Egypte, en 1969, au Caire. Un reportage, tout ce qu'il y a de
classique, avait été réalisé sur la conférence des Chefs d'Etats afri-
cains. Pour occuper le temps libre pendant les huis clos, VIEYRA
a promené sa caméra dans les rues du Caire pour transmettre sous
forme de missive, avec humour et aussi de façon satirique tout ce
qui se présenté à l'objectif de la caméra et paraît insolite, inhabi-
tuel, cocasse pour quelqu'un qui n'habite pas le Caire.
En 1965, un nouveau cinéaste fait son apparition. Ababacar
SAMB Makharam, formé à Cinecitta à Rome, réalise sa première
oeuvre. Ce film semble avoir beaucoup de rapport avec sa vie. Et
la neige n'était plus, financé en partie par lui-même, a bénéficié
d'interventions ponctuelles officielles. Cette histoire, jouée par un
jeune cinéaste, ancien étudiant de l'IDHEC, qui est maintenant
passé dans l'aviation civile comme un des cadres d'Air Afrique,
méritait toute l'attention des Autorités à cette époque précisé-

61
ment. En effet, beaucoup d'étudiants après être restés un certain
temps en Occident, se demandaient s'il était profitable pour eux
de revenir travailler chez eux. L'Europe offrait un salaire double
ou triple de ce qu'on espérait en Afrique en plus des commodités
d'une société de consommation. Le film d'Ababacar SAMB a
donné sa réponse. Son héros rentre au pays non sans avoir analysé
la situation, il doit retrouver cette vie traditionnelle qu'il ne com-
prend plus très bien, avec cette misère qui s'étale à tous les coins
de rue et dont les gens semblent s'accommoder, avec ces intellec-
tuels jouisseurs et leurs femmes totalement sophistiquées qui sin-
gent l'Occident.
Sans doute la décision de l'étudiant de rester vient aussi du senti-
ment qu'il a de sa valeur, une certaine vanité peut bien être à l'ori-
gine de son choix, il se croit sans doute indispensable à l'Afrique,
au Sénégal dans cette phase de son développement, sans se poser
la question de savoir comment les choses se sont passées depuis
son absence. Le premier Festival Mondial des Arts Nègres de
Dakar en 1966 honorera ce film, pour son ton et pour ses qualités
réelles de mise en scène.
En 1964, Niaye, le deuxième film de SEMBENE Ousmane, voit le
jour, mais trop rapidement. Un sujet aussi dense et aussi riche
méritait un long métrage mais il n'a pas été suffisamment tra-
vaillé. L'adaptation reprenait souvent mot pour mot le texte du
livre. Il est vrai que le livre est de SEMBENE lui-même, mais
l'expression littéraire est tout à fait différente de l'expression ciné-
matographique.
Le film a reçu des récompenses à Locarno en 1965 et à Tours,
encore haut-lieu du court métrage en France en 1966. Plutôt
qu'une mention à Locarno le film aurait dû obtenir un prix plus
important si le Ministre de l'Information du Sénégal de l'époque,
Abdoulaye FOFANA, n'était intervenu. Pensez donc, aller étaler
à l'étranger les turpitudes de notre société, est-ce là chose à faire?
Evidemment lorsqu'on refuse de reconnaître qu'il y a des incestes,
des assassinats, des suicides en Afrique, on ne peut cautionner un
film qui fait de tous ces maux la matière de son sujet et, qui plus
est, rend l'Armée française responsable de la folie d'un fils du
pays. Le griot témoin des événements raconte puis, déprimé,
décide de s'exiler. Mais qui sera dorénavant témoin des faits, qui
pourra les porter à la connaissance de tous? Alors le griot vient
pour être «les yeux et les oreilles» du pays. La fille qui a «fauté»
avec son père quittera le village avec son enfant, le père est assa-
siné par son fou de neveu, l'opprobre est sur le village. De toutes
62
ces ignominies, le colonisateur ne saura rien, le secret sera bien
gardé car on a sa dignité. Le choix de la voix off pour dire l'événe-
ment, le manque de dialogue, doivent être attribués au manque de
moyens, autant qu'à une préparation insuffisante du film. Si l'on
demande à SEMBENE lequel de ses films il aime le plus, il y a gros
à parier que ce ne soit pas Niaye.
En 1965, Paulin VIEYRA tourne Ndiongane, film tiré d'un conte
de Birage DIOP (1), «Petit mari».
Ndiongane, notre jeune héros, a une soeur aînée. Leur père étant
mort, leur mère pleure très souvent de chagrin. Ndiongane accepte
de porter le surnom de «Petit mari» jusqu'au jour où il revient cir-
concis. Devenu homme il refuse désormais ce surnom. Un jour,
furieux de ce que sa soeur continue de l'appeler «Petit mari», il
quitte la maison et va se noyer dans la mer. La mère et la fille le
poursuivent. N'ayant pas pu l'arrêter, la mère attrape sa fille et
l'étrangle. L'océan les emporte toutes deux rejoindre le fils. Le
griot qui raconte l'histoire à des enfants au bord de l'eau, en tire la
morale en leur disant que suivant la tradition «les morts ne sont
jamais morts», ils sont dans toutes choses ici-bas, c'est pourquoi,
lorsqu'on ramasse un coquillage au bord de l'eau, on entend
l'appel de la mère: «Ndiongane reviens, reviens Ndiongane».
Quatre films de 60 secondes; La bicyclette, Le rendez-vous, Le
gâteau et Le marché ont été réalisés par VIEYRA pour participer
au concours de Films, à l'Exposition Universelle de Montréal en
1967. Chaque film est un petit récit dont la conclusion porte en
elle-même sa philosophie. Un jeune garçon et une petite fille, cha-
cun sur sa bicyclette, font le tour du parc. Le jeune garçon crève
un pneu et, parce que plus fort, s'empare de la bicyclette de la
petite fille. Celle-ci pleure, le jeune garçon revient, prend la petite
fille derrière lui et tous deux heureux continuent à tourner autour
du parc. Le rendez-vous met l'accent sur les problèmes raciaux
pour en dénoncer l'inanité avec humour. Une jeune Africaine sur
le parvis de la Cathédrale de Dakar, qui peut-elle attendre? Un
jeune Africain voit là l'occasion d'une conquête, il s'approche de
la fille, mais celle-ci l'évite et se met à courir en direction d'un
jeune blanc, elle se jette dans ses bras et la caméra cadre au fron-
ton de la cathédrale des paroles de circonstance. Le gâteau traduit
la situation de deux mondes, ceux qui ont le superflu et ceux qui

(1) Birago DIOP a beaucoup inspiré les cinéastes sénégalais, ses contes se prêtent
bien à l'adaptation.

63
n'ont même pas le nécessaire. Un jeune garçon blanc sort d'une
pâtisserie, sa mère lui impose un gâteau que visiblement il ne veut
pas. Il aperçoit de jeunes Africains debout qui regardent ceux qui
sortent de la pâtisserie, il leur donne son gâteau, qu'ils se parta-
gent. En reconnaissance, ils lui donnent un jouet qu'ils ont fabri-
qué eux-mêmes. Tout le monde s'en va content. Lorsque la mère
du garçon s'en aperçoit furieuse, elle retire le jouet de la main de
son fils et le jette en lui essuyant les doigts. Quant au dernier Le
marché, il témoigne d'une compréhension intime de la misère.
Une femme européenne qui fait son marché sent une main s'intro-
duire dans son cabas, elle la saisit et s'aperçoit qu'elle appartient à
une Africaine portant un enfant au dos. Elle omet de signaler le
fait à un policier tout proche et laisse partir cette femme. Quand
elle-même s'éloigne, on s'aperçoit qu'elle boîte.
Soixante secondes imposées pour ce genre de films demandent
forcément que les réalisateurs aillent à l'essentiel. Une brève expo-
sition du sujet pour atteindre la tension maximum et puis la réso-
lution qui joue sur l'inconnu ou l'inattendu. Un exercice que pra-
tiquent couramment les spécialistes des films publicitaires où le
travail sur papier, à la recherche d'une idée percutante, est aussi
important que la façon de rendre cinématographiquement cette
idée.

64
Parmi les films de Mahama Johnson TRAORE: Diankabi (1969),...

Diègue-bi (1970),...
Réou-Takh (1972) et...
1966 - 1973

SEMBENE, TRAORE ET LES AUTRES

On peut situer la fin de la période d'essais et le début d'une ère


nouvelle avec la présentation au premier Festival Mondial des
Arts Nègres de Dakar, 1966, de La Noire de... le premier film
sénégalais, voire le premier film africain de long métrage de
l'Afrique sub-saharienne (1).
Le matériel technique mis en jeu pour sa réalisation était destiné à
un film de court métrage. Pas de son synchrone, pas de devis
répondant au coût d'un film de ce type, l'importance du décou-
page était mince et l'équipe technique des plus restreintes. Il y
avait cependant une exception de taille, c'est que chaque protago-
niste du film avait un texte écrit à dire même s'il n'était pas enre-
gistré, ce qui a facilité la postsynchronisation (une réalisation un
peu semblable à celle des Italiens qui postsynchronisent leurs films
en auditorium). L'absence d'une préparation technique ne devait
pas trop desservir le film sur le plan de la dramaturgie. Les prises
de vues se sont réalisées dans l'ordre chronologique, ce qui a pu
mettre à l'aise l'actrice principale Thérèse Mbissine DIOP, coutu-
rière de son métier, et qui jouait dans un film pour la première
fois. Le metteur en scène pouvait aussi suivre la progression de
son film, l'enrichir au besoin d'autres plans et d'autres scènes, sui-
vant la conjoncture. Par contre, l'opérateur était constamment
confronté aux problèmes de raccord de lumière et d'espace ciné-
matographique puisqu'il devait sans cesse passer d'un décor à un
autre et revenir au premier décor pour suivre le déroulement de
l'histoire. Ce fut aussi un problème pour le régisseur accessoiriste
toujours à la recherche des raccords d'accessoires.
Le film monté avec la partie tournée en couleur en France à Anti-
bes durait 65' c'est-à-dire qu'il avait exactement le métrage mini-
mum d'un film de long métrage. Puisqu'il était tourné en co-
production avec les Actualités Françaises, le film devait se confor-
mer à la réglementation du Centre National de la Cinématogra-
phie Française. Ce qui voulait dire que l'opérateur français devait
posséder sa carte professionnelle de Chef opérateur de prises de

(1) Un film de long métrage suivant les normes internationales qui sont aussi
applicables à l'Afrique est un film dont le minutage dépasse 65 minutes, soit
1778,40 m en 35 mm et 713,18 m en 16 mm.

68
vues (ce qui n'était pas le cas) et que l'équipe technique devait être
agréée. Le réalisateur lui-même, puisque c'était son premier long
métrage, aurait dû avoir un conseiller technique ayant sa carte
professionnelle de réalisateur. Ce sont là des réglementations qui
devaient amener le film à garantir une bonne qualité technique,
image du label français. La Noire de... n'avait respecté aucune de
ces normes. Dès lors il était difficile au Centre National de la
Cinématographie Française de le reconnaître comme un film de
long métrage. Par contre, comme court métrage, cela ne posait
pas de problème. C'est pourquoi ce film fut diminué de 5 minutes.
La version longue, celle de 45', a obtenu le prix Jean VIGO. Il
s'est également posé un problème de doublage: en principe, dans
un film français ou coproduit par une société française, les acteurs
français ou parlant français doivent se doubler eux-mêmes. Ce ne
fut pas le cas non plus pour La Noire de... où Thérèse DIOP fut
doublée par l'actrice haïtienne Toto BISSAINTHE. Les deux
principaux interprètes européens Robert FONTAINE et Anne-
Marie JELINEK se trouvant en France ont pu se doubler eux-
mêmes.

La Noire de... tiré d'un roman de SEMBENE Ousmane est basé


sur une histoire authentique parue dans un journal du midi de la
France qui relatait le suicide d'une jeune Noire. SEMBENE en fit
par la suite un film qu'il situa dans un autre contexte, non plus
celui des fonctionnaires coloniaux, mais celui des assistants tech-
niques. Il est vrai qu'à l'époque du film en 1966, beaucoup
d'assistants techniques étaient d'anciens fonctionnaires coloniaux
reconvertis qui avaient gardé leur ancienne mentalité. Sans doute
les jeunes assistants techniques qui n'avaient rien à voir avec la
colonisation se sont trouvés quelque peu offensés... Mais le film
relatait un cas d'espèce sur des attitudes qui ressortissent de la
volonté de puissance née de considérations raciales quant à sa pro-
pre supériorité. Diouana, la bonne, à Dakar ne s'occupait que des
enfants. Arrivée en France, elle est devenue la bonne à tout faire,
un peu à la manière d'une esclave sur qui on aurait le droit de vie
ou de mort. Effectivement, c'est cela qui s'est produit. Car com-
ment expliquer que la patronne puisse refuser à sa bonne l'autori-
sation d'avoir des journées de repos, alors que la législation
sociale les prévoit? Ce film, dans la mesure où il est largement dif-
fusé, peut désarmorcer toutes les velléités de coopérants français à
vouloir se comporter de la sorte. Le suicide de Diouana explique
l'attitude psychologique d'une femme qui ne voit aucune ouver-
ture à son problème et dont les patrons ne s'occupent guère.

69
L'homme intervient, mais si mollement que la situation ne par-
vient visiblement pas à se débloquer. On peut avancer aussi que le
suicide de la bonne est un peu la conséquence de la mésentente du
couple, alors que le public africain peut difficilement comprendre
la démission de l'homme de son autorité maritale. Aurait-il peur
de cette femme acariâtre au point de la laisser faire ce que bon lui
semble, en préférant finalement son whisky aux disputes? Le film
le laisse apparaître. Une des scènes admirables est celle où le
patron de Diouana, revenant de France après les vacances, s'en va
rendre les affaires de la bonne à ses parents et leur remettre les
arriérés de salaires. La famille refuse tout contact avec celui
qu'elle rend responsable de la mort de leur enfant. En partant,
fuyant presque, l'homme sera poursuivi par le jeune frère, un
masque sur le visage, précisément le masque qu'il avait vendu à sa
soeur et que celle-ci avait donné à sa patronne. Avec les ombres
portées de plusieurs enfants qui suivent, le masque devient
symbole de l'Afrique, transmettant le message d'une Afrique
révoltée et qui crie vengeance. Arrêtant l'enfant au pied d'une
passerelle et le masque retiré, l'auteur semble dire que la justice se
manifestera un jour, résultant du cours normal des choses.
L'intérêt du film, c'est qu'il se lit à plusieurs niveaux: celui de
l'histoire, qui déjà en elle-même est source de réflexion, puis celui
du symbole des images, dont la richesse d'interprétation possible
nous amène à des analyses plus profondes sur les situations socia-
les et les rapports politico-économiques des sociétés africaines et
européennes. La Noire de... est un film qui annonce un auteur
intéressant.
Les films sur Dakar vont se multiplier parce que cette ville impor-
tante est le centre des activités majeures de la nation. Ce
Ndakarou-ci, est un scénario du peintre TALL Papa Ibra, qui
traite de l'exode rural. Le jeune paysan mis en scène, après avoir
vécu difficilement à Dakar et conjuré tous les malheurs — dont un
séjour en prison — quitte la capitale pour retourner dans son vil-
lage. Ce film est un travail collectif dont le générique laisse appa-
raître les noms de Momar THIAM comme réalisateur et de Chérif
DIAME à la prise de vues.
Une camaraderie d'étudiants a amené Yves Badara DIAGNE et
J.P. LOVICHI à concevoir des projets dont deux ont finalement
abouti. Le premier, L'Afrique noire en piste, date de 1965 et porte
sur l'entraînement des athlètes noirs en France. Méthodiquement,
ont été analysées les différentes phases de l'entraînement des cou-

70
reurs, des sauteurs, y compris l'enregistrement de leur rythme car-
diaque et l'étude des attitudes les meilleures pour un lancer. La
caméra a suivi pas à pas des groupes d'athlètes et pénétré dans un
univers passionnant. La qualité de la technique est si remarquable
qu'on ne s'aperçoit plus de la présence des caméras et des magné-
tophones. L'Afrique noire en piste, une réussite.
Le deuxième film, Délou Thiossane, traite de la sculpture nègre
(nous avons écrit Thiossane avec l'orthographe ancienne de 1966.
Actuellement il faudrait écrire Ciossane. Nous verrons plus loin
qu'un film, Ceddo, a été interdit de projection pour une question
d'orthographe). Donc Délou Thiossane s'est voulu un film d'art
sur l'art, et il y a réussi. La qualité de la photographie, avec les
jeux de lumière, est remarquable. Elle modèle parfaitement les
formes des masques. Le poème de Léopold Sédar SENGHOR sur
les masques sert de contrepoint sonore aux images.
Avec La malle de Maka-Kouli de Momar THIAM, le conteur
Birago DIOP a de nouveau été mis à contribution. Une transposi-
tion à l'écran dont la simplicité est la qualité principale, parce
qu'elle cadre bien avec une histoire elle-même toute simple. Com-
ment surprendre la vérité lorsqu'on a affaire à des menteurs, à des
malhonnêtes? La réponse est La malle de Maka-Kouli, à l'inté-
rieur de laquelle s'installent deux talibés (1) à l'insu des protago-
nistes. C'est là que le message dépasse la portée d'une simple his-
toire, en montrant ce que les gens peuvent dire lorsqu'ils ne se sen-
tent pas écoutés. Car les deux coquins qui transportent la malle
parlent et révèlent ce qu'ils ont voulu cacher.
Du même réalisateur, une année plus tard en 1968, Luttes casa-
mançaises est un reportage sur la lutte dans cette région au sud du
Sénégal.

1968 sera aussi l'année où SEMBENE Ousmane réalise Mandabi


(le Mandat), son premier film entièrement en couleur. Le scénario
tiré de son roman a reçu du Centre National Français du Cinéma
une avance sur recette de 15 millions CFA. A cette époque où les
accords de coopération n'étaient pas encore reconsidérés, les
Sénégalais, comme les ressortissants d'autres territoires ancienne-
ment colonies françaises, étaient admis comme des étrangers pri-
vilégiés. Le mécanisme de cette avance sur recette consiste, pour le
bénéficiaire, à prendre un coproducteur français à qui le Centre

(1) Jeunes garçons à l'école chez un marabout.

71
verse la totalité de l'avance. Ce coproducteur pour Mandabi a été
le Comptoir Français du Film. Mais que d'histoires devait rencon-
trer par la suite cette coproduction! Il s'en est suivi un procès long
et filandreux, simplement parce que le Comptoir Français, fort de
ses connaissances en matière de législation française, a voulu quel-
que peu profiter de ce qu'il pensait être la naïveté de la société
sénégalaise coproductrice FILMI DOOMIREEW. Ce genre
d'avance sur recette que le centre octroie en général pour des
sujets difficiles ou à de jeunes réalisateurs, provient des fonds pré-
levés sur les recettes à raison d'un certain pourcentage par billet
d'entrée. Le Centre récupère cette avance si le film fait des bénéfi-
ces. Au cas contraire ce prêt part en pertes et profits. Pour Man-
dabi une partie des 15 millions, environ 5 millions, ont été remis à
la production DOOMIREEW pour payer les travaux et les salaires
au Sénégal, le coproducteur français prenant à sa charge les salai-
res des trois techniciens français: le Chef opérateur, l'Ingénieur du
son et le Chef électricien, plus les travaux de laboratoire, montage
et sonorisation.
En six semaines seulement, Mandabi fut tourné en deux versions
couleur. Les acteurs disaient d'abord leur texte en ouolof et on
reprenait le même plan pour qu'ils disent leur texte en français. La
version française plus courte dure 1h30 et la version ouolof 1h45.
Ce fut un exploit qui étonna les techniciens français d'autant que
la plupart des membres de l'équipe technique sénégalaise travail-
laient sur un film pour la première fois. Il est vrai que le film avait
été bien préparé, les comédiens connaissaient leur texte en ouolof,
la principale langue du pays, et en français (c'était une exigence:
les mêmes acteurs devaient parler parfaitement les deux langues).
Par ailleurs les décors, bien que complexes, étaient très pratiques,
presque tout l'essentiel se trouvant réuni au même endroit.
Mandabi peut être compris comme le drame du sous-
développement culturel et économique. La situation de chômeur
de ce père de famille, époux de deux femmes, est bien le fait d'un
manque de formation. Il ne sait ni lire ni écrire en français ni dans
sa langue maternelle. Ne possédant pas de carte d'identité, il ne
peut donc toucher le mandat que son neveu balayeur à Paris lui
envoie de France. Tout son malheur part de là. Il faut bien tou-
cher ces 25.000 CFA dont une part doit être donnée à sa mère, une
part revient à lui son oncle, le reste doit lui être gardé. Voilà un
homme d'une cinquantaine d'année qui a vécu jusque-là sans
carte d'identité, comme beaucoup de ses compatriotes, et brus-
quement les exigences de la vie moderne le trouvent totalement
72
dépourvu. Il aurait dû recevoir le concours de tous ces fonction-
naires qui en principe sont là pour aider, guider et servir, et en fait
se dérobent. Le film fait donc la critique des fonctionnaires non
consciencieux qui abandonnent cet homme au bon vouloir de tous
les aigrefins qui tournent autour de lui: le marchand maure, qui
appâté par le mandat, accepte de faire crédit et de prendre en gage
bracelets et colliers à des taux usuraires; un soi-disant homme
d'affaires qui sans scrupule lui vole le mandat, et d'autres. Bien
sûr cet homme aurait pu toucher son mandat, il était connu, il
aurait suffi que le facteur le lui apporte une seconde fois à la mai-
son ou qu'il se fasse accompagner à la poste par deux personnes
qui le connaissent bien et qui possèdent une carte d'identité. Tout
cela, on aurait pu le lui dire. Mais c'est l'occasion pour l'auteur de
fustiger le manque de conscience professionnelle des agents de
l'Etat, occupés qu'ils sont à parler de leurs affaires, de salaires,
d'augmentation, d'indice. Le vieil homme peut donc maudire la
terre entière pour la malhonnêteté des gens. Il dit qu'il se fera
désormais loup parmi les loups. Voici détruite la sacro-sainte soli-
darité africaine; car tout se passe entre Sénégalais sans intrusion
d'étrangers. La solidarité se manifeste au niveau des humbles lors-
que le malheur arrive avec le vol du mandat, alors qu'auparavant
tout le monde voulait en profiter, y compris un marabout, une
grande autorité spirituelle.
La fin du film a quelque peu souffert de l'absence au dernier
moment du comédien qui jouait le rôle du facteur et qui représen-
tait dans ce film la conscience prolétarienne, donc un militant
politiquement formé. Il a donc fallu le remplacer et modifier le
scénario en conséquence, en introduisant une autre fin conforme à
l'esprit du film.
Coproduit et bénéficiant donc d'une diffusion assez large, Man-
dabi a été le premier film sénégalais à toucher un grand public à
l'extérieur du pays et à attirer l'attention sur le cinéma sénégalais.
Il est vrai que, déjà remarqué après La Noire de..., SEMBENE
Ousmane avait été membre du jury du Festival de Cannes en 1967.
Mandabi confirme tout l'intérêt qu'avaient suscité ses premiers
films.
On reconnaît une constante dans la mise en scène de SEMBENE,
celle de refuser tout effet particulier: pas de virtuosité de caméra,
pas de recherche formelle, un classicisme à toute épreuve, avec des
comédiens bien dirigés et remarquables à force d'être naturels.
En 1969, Djibril DIOP Mambety pose un regard ironiquement
73
amusé sur la ville de Dakar dans son premier film Contras City.
Les plans de ce film ont été tournés durant plusieurs années. Déjà
en 1966 au premier Festival Mondial des Arts Nègres à Dakar, des
rushes de ce film avaient été présentés au critique et historien fran-
çais Georges Sadoul. Le film n'a pu être terminé qu'en 1969. Tout
de suite, on remarque la venue de ce nouvel auteur de film qui
apportait au cinéma sénégalais une autre vision des êtres et des
choses, par une écriture filmique bien personnelle.
La désinvolture du propos se retrouvera plus affirmée encore dans
son deuxième film Badou boy. Le paradoxe du film est que sa
légèreté apparente a été son atout majeur. Au premier abord, avec
cette manie de titres à consonance anglaise, on pourrait penser à
un détachement souverain de l'auteur à l'endroit de tout ce qu'il
raconte et montre. Mais à la réflexion Badou boy, touche les
fibres intimes de l'auteur parce que plongeant dans la réalité
sociale d'une catégorie de gens qu'il connaît bien. C'est sa
réflexion sur sa société que présente Djibril DIOP avec des
moyens essentiellement cinématographiques, où la poursuite tient
une grande place. Ce délinquant évadé de prison que poursuit un
gros policier ridiculisé, nous entraîne dans tous les coins des quar-
tiers marginaux en montrant un aspect insolite et inhabituel de
Dakar. Voici un autre film sur Dakar, capitale du Sénégal totale-
ment différent de ce que nous avons coutume de voir.
Avec Diankhabi, toujours en 1969, Mahama TRAORE aborde
une étude sur la femme sénégalaise. Dans ce premier volet, il s'agit
de la jeune fille symbolisée par trois attitudes fondamentales. La
jeune fille traditionnelle qui ne veut rien connaître des apports de
l'Occident, une position utopique bien sûr, car l'Occident est pré-
sent partout; la jeune fille moderne tournée entièrement vers
l'extérieur; celle enfin qui essaie de vivre une situation de transi-
tion par une symbiose des deux cultures, l'africaine et l'occiden-
tale. Malheureusement, celle qui nous est présentée comme
l'idéale ne nous convainc pas tellement, le rôle étant mal tenu. La
direction d'acteurs manque de fermeté et la mise en scène est par
ailleurs trop simpliste, laissant apparemment les choses aller
d'elles-mêmes et pas toujours dans la direction souhaitée.
L'exemple aidant, des jeunes entrent en cinéma comme on entre
en religion, avec la foi des néophytes. 1969 c'est encore l'époque
où l'on fait du cinéma sans complexe au Sénégal. Les films ne sont
pas toujours bons mais qu'importe, ils existent et c'est finalement
l'essentiel. Nous ne crierons pas au génie pour n'importe quelles

74
images animées, comme ont tendance à le faire les critiques euro-
péens à propos des films africains. Nous ne voulons pas non plus
faire référence aux meilleurs films occidentaux pour juger les
films sénégalais. Nous connaissons par expérience toutes les diffi-
cultés rencontrées pour tourner le moindre mètre de pellicule.
Nous essayons de placer ces films dans le contexte de leur époque
en les datant.
C'est ainsi que les Réalités, première réalisation de Tidiane AW,
est un film expérimental sur les soins donnés à un malade mental
par une thérapeutique traditionnelle, le Ndoep. L'auteur s'est
essayé ici à appliquer ses connaissances en matière de réalisation.
Travail plus scolaire que personnel.
Si l'on trouve BLANCHARD, un sociologue, dans l'équipe du
film La journée d'un paysan sénégalais, réalisé par Thierno SOW,
Pap SOW et Pap THIAM pour la télévision éducative, c'est bien
sûr que la sociologie a quelque chose à y voir. Il s'agit en effet
d'une étude de la campagne sénégalaise suivant des normes habi-
tuellement admises en Occident. En d'autres temps, on aurait
parlé de film ethnographique. L'ethnographie y est sans doute
présente par la vision de l'Européen du groupe.
Hors du Sénégal, à Paris, Jean Claude COURRENT, qui travaille
à la télévision française, apporte sa réponse à la question de savoir
comment un étudiant sénégalais vit en France. C'est la jungle, dit-
il, et La jungle sera le titre de son film parce que dans cette société
où les intérêts sont exacerbés par la lutte pour la vie, le racisme est
un moteur bien commode pour éliminer tous ceux qui sont diffé-
rents. Sa jeune étudiante cherchera sans doute lontemps un travail
rémunérateur pour pouvoir continuer ses études. Le film balance
entre deux tendances: une certaine agressivité et une volonté
didactique.
Après avoir réalisé L'enfer des innocents et Diankhabi, Mahama
Johnson TRAORE continue par Diègue-bi (la femme) son étude
sur des catégories sociales. C'est le véritable premier long métrage
de l'auteur, avec ses 90 minutes, alors que Diankhabi n'avait que
60 minutes. C'est aussi un des films sénégalais qui suscite le plus
d'engouement. Il est vrai que tout avait été fait pour cela. La
SECMA, coproducteur et distributeur, n'a pas lésiné sur les
moyens publicitaires: banderoles dans la ville, affiches, affichet-
tes, placards dans les journaux. Mais tout cela aurait-il suffi si le
film n'avait pas répondu à une des attentes du public, s'il ne lui
avait pas montré la façon folklorique et irresponsable dont vivent

75
certains cadres de la nation? Voilà donc une bonne partie de la
population concernée. Ceux que l'on critique, ceux qui veulent
connaître ceux que l'on critique et ceux qui veulent connaître ceux
dont on parle et savoir si on en parle dans les termes qu'il faut. La
qualité technique du film qui laisse à désirer, importait peu ici. Ce
qui importait, c'était l'histoire racontée à gros traits où le comique
se mêle au tragique et qui décrit ce mari bafoué, floué par une
femme affairiste. Pour se venger d'elle, il ne trouve rien de mieux
que de prendre une deuxième femme, une drienké (1) encore plus
affairiste que la première. Pour un tel mariage, il lui faut de
l'argent. Les caisses de l'Etat sont faites pour celà, surtout
lorqu'on a la clé d'un des coffreforts. L'Etat vérifie son avoir de
temps en temps; lorsqu'il constate un trou, il en cherche le respon-
sable et lorsqu'il le trouve il le met en prison. Alors la deuxième
femme prend la fuite, elle n'a plus rien à attendre de ce mari à qui
elle a soutiré tout ce qu'elle pouvait. C'est la première épouse qui
viendra au secours du mari en cherchant et en trouvant les moyens
de rembourser la somme détournée pour qu'il sorte de prison. Si
les choses ne se passent pas toujours ainsi, le film est bien l'image
d'une réalité sociale que vit une bonne partie de la population.
Avec Pour ceux qui savent, son deuxième film, Tidiane AW sem-
ble répondre à Mahama Johnson TRAORE en lui donnant raison.
Dans une première version de 35 minutes, augmentée pour la por-
ter à 45 minutes, Tidiane AW dit que si la situation sociale est
ainsi dégradée, c'est que ceux qui savent ne disent rien, et partici-
pent même par leur comportement à cette dégradation. Le Mara-
bout boit de l'alcool qu'il cache dans son pot, profite et couche
avec les filles qui viennent le consulter pour jeter le mauvais sort à
leur patron. Les patrons se désintéressent de leur travail et se
déchargent sur l'assistant technique. Sans doute, il y a les bons
fonctionnaires, mais ils sont l'exception qui confirme la règle.
Film didactique, éducatif diront certains, souvent de bon aloi
mais très opportuniste, Pour ceux qui savent se déroule comme
une série de saynètes traitées en plans moyens avec une grandilo-
quence souvent mélodramatique. Ce qui peut à la rigueur répon-
dre à la geste africaine.
Karim est une réalisation de Momar THIAM d'après le roman de
Ousmane Socé DIOP. L'intérêt du film devait être la reconstitu-
tion de l'ambiance de Saint-Louis du Sénégal en 1930. Faute de
moyens sans doute, Momar THIAM n'a retenu que l'esprit du

(1) Une courtisane.

76
roman, en transposant l'action à notre époque en 1970, date de la
réalisation du film, ce qui est dommage. Tout le sel du récit a dis-
paru, l'environnement si nécessaire à la vérité psychologique
n'existe plus et l'oeil n'a plus cette vision extraordinaire des cou-
leurs et des tenues de l'époque. C'est un film à refaire et qui
prouve qu'il ne faut s'attaquer qu'à des oeuvres dont on est à
même de rendre toute la truculence, parce qu'on peut en reconsti-
tuer le décor. C'est le moins que l'on puisse faire pour témoigner
du respect de l'oeuvre. Ceci dit, Momar THIAM a raconté une
histoire, celle du livre, donc celle d'un jeune coureur de femmes
qui tombe amoureux de l'une d'elles à Saint-Louis. Mais elle ne
veut pas de lui. Il quitte Saint-Louis pour Dakar où il continue de
mener la même vie jusqu'au jour où il trouve la chose absurde et
retourne à Saint-Louis où sa bien-aimée qui l'attendait le reçoit les
bras ouverts. En 16 mm noir et blanc, ce film encore une fois, jus-
tifie la nécessité des remakes.

Par ses films, SEMBENE Ousmane saisit en général des situations


conjoncturelles pour développer une argumentation. En 1971,
l'occasion se présentait donc pour la réalisation de Emitai. Il vou-
lait changer de sujet et de manière. Il choisit pour cadre de son
nouveau film la Casamance, ce qui ne manquait pas de courage,
car il lui fallait se transporter à quelques 600 km de Dakar, avec
tous les problèmes de logistique à résoudre.
L'anecdote du film est une histoire authentique: c'est le refus des
femmes Diolas de donner le riz réclamé par l'armée française
comme effort de guerre. Les hommes sont impuissants à résoudre
le problème d'autant que la communauté n'a plus de chef,
l'ancien étant décédé. Pour pouvoir en élire un nouveau, il faut
enterrer celui-là selon le rituel habituel. Mais les Français, notam-
ment le Commandant de cercle, au fait de cette tradition, s'y
opposent et le lieutenant fait arrêter les femmes. Voilà une situa-
tion bloquée qui sera l'occasion de se pencher sur les fondements
de la coutume. Les hommes interrogent les dieux, ceux-ci ne
répondent pas; que se passe-t-il donc? Les hommes doivent-ils se
donner eux-mêmes les armes de leurs propres actions? Que sont
ces dieux qui abandonnent les hommes à un moment si inoppor-
tun? C'est encore par l'action des femmes que la situation peut
évoluer. Un enfant est tué, les femmes se révoltent. Les hommes
décident de transporter le riz qu'ils vont chercher dans les cachet-
tes. Pris de remords, ils n'iront pas loin, refusant de continuer à
transporter les sacs. Ils seront tués sur place.

77
Une totale rupture avec les anciennes réalisations. Il ne s'agit plus
d'un fait social mais d'un fait politique. La caméra de SEMBENE
explore les fondements d'un aspect de la civilisation africaine
pour y porter un jugement critique, qui revient à dire qu'au centre
des décisions, il y a — il n'y a que — une réflexion humaine. Par
ailleurs la logique de toute colonisation est la satisfaction de la
volonté du colonisateur. Aucun sentiment ne prévaut. Le film pré-
senté au festival de Moscou en 1971 a obtenu la médaille d'argent;
c'est de Moscou également qu'un rapport sur le film, envoyé par
l'Ambassadeur de France en URSS, devait lui valoir des interdic-
tions dans un certain nombre de pays africains anciennement
colonies françaises. II ne fut pas interdit au Sénégal, mais des
acteurs français qui ont joué dans le film ont subi quelques ennuis
et désagréments, comme de se faire insulter par des membres de la
colonie française au Sénégal. Le rythme interne du film, calqué
sur le temps africain, paraît lent cinématographiquement. On a
ressenti cette impression lors des dialogues entre les dieux et les
hommes, et pourtant tout s'est passé comme dans la réalité. Le
film demande donc davantage, pour être supportable, une cons-
truction avec des moments de respiration. Il s'en est trouvé dans le
film, par exemple lorsque SEMBENE, jouant le rôle d'un tirail-
leur, s'étonne qu'un général à deux étoiles puisse remplacer un
maréchal à sept étoiles. Peut-être n'y en a-t-il pas eu assez, judi-
cieusement placés, pour couper ce qui pouvait apparaître mono-
tone. Le film parle diola, c'était nécessaire mais risqué pour une
diffusion nationale dans un pays où plus de 85% des gens ne par-
lent et ne comprennent pas cette langue, et où 30% seulement ont
accès aux sous-titres en français. C'est encore ici que le style et
l'écriture de SEMBENE furent, par leur simplicité, une ouverture
à la compréhension des images.
Ce film a déjà ses martyrs. Quelques mois après le tournage, deux
des acteurs du film, à quelques semaines d'intervalle, sautèrent
sur une mine portugaise: les lieux de tournage avaient été le champ
de bataille entre les Guinéens et les Portugais lors de la lutte de
libération nationale.

Sa première expérience avec Ecrit du Caire fut renouvelée par le


même VIEYRA avec Ecrit de Dakar pour apporter un éclairage
nouveau sur les reportages filmés. Cette lettre-ci s'adresse, comme
la première, aux spectateurs pour leur présenter la visite officielle
au Sénégal de Georges POMPIDOU, Président de la République
française, et ami du Président SENGHOR. Sans qu'il soit érigé en

78
système, le point de vue est assez réjouissant de montrer ce qui
apparaît comme insolite et comique dans une visite de ce genre,
sans manquer à la déférence due à des Chefs d'Etat. Le regard
peut être aussi attendrissant, il l'a suffisamment été pour ne
déplaire ni au public ni à ceux-là mêmes dont il fixait humoristi-
quement les traits de caractère, tout en restant irrespectueusement
respectueux.

Kodou, le deuxième film de Ababacar SAMB, était attendu et il a


répondu à cette attente. Sur un scénario de la journaliste poétesse
sénégalaise Annette MBAYE D'ERNEVILLE, SAMB recevait
pour son traitement le prix de l'Agence de Coopération Culturelle
et Technique. C'était la première fois que ce prix était décerné, en
1970(1). Kodou sera d'ailleurs réalisé avec le concours d'un tech-
nicien québecois en matière de son. Le montant du prix, 5 millions
CFA, a servi à réaliser le film. En 1971, c'était un exploit. La qua-
lité de l'image s'en est ressentie. Il n'était pas question, au début,
que le film tourné en 16 mm avec de la pellicule noir et blanc néga-
tive, soit gonflé en 35 mm. Mais devant sa qualité artistique, qui
fut une révélation, on décida d'y procéder. Si la chose avait été
prévue, il aurait fallu employer de la pellicule inversible à la prise
de vues. Ce ne fut hélas pas le cas. Malgré cela Kodou se présente
comme un des meilleurs films sénégalais, voir africains, du
moment.
Le film met l'accent sur le tatouage des lèvres comme un fait de
culture qui participe à la beauté des femmes africaines. Mais pour
ce faire il faut une préparation psychologique, et notre héroïne
n'était pas préparée à souffrir et recevoir des piqûres d'épingles
dans les lèvres. Elle s'enfuit donc, ce qui sera le déshonneur pour
la famille. Le traumatisme ayant été trop fort, la fille sombre dans
la folie. Pour la soigner, il faudra faire appel aux méthodes tradi-

( 1 ) L'Agence de Coopération Culturelle et Technique, née de l'initiative d'un cer-


tain nombre de Chefs d'Etats africains, a vu le jour à Niamey. Portée sur les
fonts baptismaux par Hamani DIORI, elle répondait à un concept cher au Pré-
sident sénégalais Léopold Sédar SENGHOR, celui de la Francophonie. Cette
Agence réunit en décembre 1982 (par ordre alphabétique): la Belgique, le
Bénin, le Burundi, le Canada, le Cameroun, la République Centrafricaine, les
îles Comores, le Congo, la Côte d'Ivoire, Djibouti, Dominique, la France, le
Gabon, la Guinée, la Guinée-Bissau, Haïti, la Haute-Volta, le Laos, le Liban,
le Luxembourg, le Mali, le Maroc, l'île Maurice, la Mauritanie, Monaco, le
Niger, le Nouveau-Brunswick, le Québec, le Rwanda, le Sénégal, les îles Sey-
chelles, Sainte-Lucie, le Tchad, le Togo, la Tunisie, Vanuatu, le Viet-Nam et le
Zaïre.

79
tionnelles du Ndoep, l'essence de la maladie étant davantage cul-
turelle que biologique. L'interprète avait le physique de l'emploi,
un physique remarquable par sa maigreur et jouait bien. D'ail-
leurs, on avait peine à croire qu'elle ne fût pas folle elle-même, tel-
lement elle vivait son rôle. Ce n'était pas une professionnelle.
SAMB cherchait son interprète lorsqu'il tomba par hasard sur elle
dans une rue de Dakar; elle y était seulement de passage. Il eût été
dommage pour le film que l'auteur et l'interprète ne se fussent
jamais rencontrés.

Presque chaque année, Mahama Johnson TRAORE réalise un


filrii; il est le seul parmi les cinéastes sénégalais à pouvoir le faire.
On peut donc se demander comment et où il trouve les moyens de
réaliser ses films. La SECMA, société de distribution sénégalo-
française, a coproduit Diankhabi et Diegue-bi; L'enfer des inno-
cents a bénéficié du concours du laboratoire tunisien de Gam-
marth et de ses installations de sonorisation. La Suède est interve-
nue dans une des ses productions, Garga M'Bossé. La Société
Nationale du Cinéma Sénégalais a produit Ndiangane. Il faut pen-
ser que les autres films Lambaye et Reou Takh sont le résultat de
la rentabilisation de ses autres productions.
Reou Takh (Ville-bâtiments ou Ville de bâtiments), c'est l'histoire
du retour d'un noir Américain en Afrique. Le film montre les con-
ditions dans lesquelles ses aïeux ont quitté le pays, la mère patrie,
comment ils étaient menés à coups de fouet. Dans la mémoire
ancestrale du héros, l'Afrique est restée une source de vie, belle
parce que mythique. Le choc est évidemment grand, de ne pas
retrouver l'Afrique de son imagination. Quelle Afrique d'ailleurs,
nous n'en savons rien. Le fait est qu'il est déçu par les quartiers
marginaux, la saleté, les taudis, les gens misérables. Tout cela
existe bien sûr mais il semble n'avoir vu que cela à Dakar, car il
s'agit de Dakar. Des contacts humains, il en aura mais rien
qu'avec des opposants au régime. Tout ce qu'ils disent est vrai.
Mais le Gouvernement trouve que TRAORE aurait dû montrer
aussi autre chose.
Reou Takh (Ville-bâtiments ou Ville de Bâtiments), c'est l'histoire
du retour d'un noir Américain en Afrique. Le film montre les con-
ditions dans lesquelles ses aïeux ont quitté le pays, la mère patrie,
comment ils étaient menés à coups de fouet. Dans la mémoire
ancestrale du héros, l'Afrique est restée une source de vie, belle
parce que mythique. Le choc est évidemment grand, de ne pas
retrouver l'Afrique de son imagination. Quelle Afrique d'ailleurs,

80
nous n'en savons rien. Le fait est qu'il est déçu par les quartiers
marginaux, la saleté, les taudis, les gens misérables. Tout cela
existe bien sûr mais il semble n'avoir vu que cela à Dakar, car il
s'agit de Dakar. Des contacts humains, il en aura mais rien
qu'avec des opposants au régime. Tout ce qu'ils disent est vrai.
Mais le Gouvernement trouve que TRAORE aurait dû montrer
aussi autre chose.
Pour rétablir la vérité des faits, le film sera interdit, semble-t-il,
jusqu'à ce que des corrections soient apportées dans le sens voulu
par les pouvoirs publics. L'Etat venait ainsi de faire un très beau
cadeau à Johnson TRAORE: un film tout à fait ordinaire est
maintenant demandé partout. On veut naturellement voir le pre-
mier film sénégalais totalement interdit dans son pays. On ne con-
naissait par tellement Mahama Johnson TRAORE comme oppo-
sant, on aurait mieux vu un film de SEMBENE interdit. Certes si
le film Reou Takh de TRAORE a été largement diffusé à l'exté-
rieur, il faut le dire, c'est à son corps défendant. Sans doute le film
a fait connaître TRAORE, mais il n'a rien ajouté à sa gloire, parce
qu'il est trop superficiel dans son approche des problèmes sénéga-
lais. La qualité technique ne s'y trouve pas non plus, alors qu'elle
est particulièrement requise dans une oeuvre qui veut présenter
une thèse contradictoire.
Après ce film court, la même année, TRAORE réalise Lambaye,
un long métrage à partir d'une adaptation du Revizor de Gogol
faite par Maurice Sonar SENGHOR, directeur du Théâtre Natio-
nal Daniel SORANO, et présentée au théâtre sous le titre Pot de
vin. Ce que la critique sociale avait de virulent se trouvait désa-
morcé par le fait que le sujet du film avait été déjà présenté au
public dans son expression théâtrale. Le film se tient technique-
ment, mais la mise en scène n'est qu'une mise en images. A la
limite on pourrait parler de théâtre filmé. Les acteurs laissés à
eux-mêmes ont grossi outre mesure les traits de leur personnage.
Makourédia GUEYE, habituellement sobre dans les films de
SEMBENE, gesticule, roule des yeux, en un mot fait théâtre. Le
film est basé sur un quiproquo. Une Gouvernance(1) attend une
inspection. Se présente un truand de haut vol qui, voyant qu'il est
pris pour ce qu'il n'est pas, en profite pour terroriser tous les
fonctionnaires et tous ceux qui ont quelque chose à se reprocher,
et ils sont légion: le médecin qui fait payer les médicaments de

(1) Une circonscription administrative dirigée par un Gouvernement qui couvre


une région. Le Sénégal est divisé en 8 régions.

81
l'hôpital, le gestionnaire qui s'approprie les meilleurs morceaux
de la nourriture de l'hôpital pour lui et ses amis, le gouverneur qui
profite de tout le monde. C'est dans cette joyeuse ambiance — si
l'on peut dire — qu'intervient le coquin fieffé. Il ne profitera pas
trop longtemps de la méprise. Le véritable inspecteur arrive et tout
rentre dans l'ordre avec les sanctions appropriées aux fautes de
chacun. Film très moral, et d'une morale qui respecte l'ordre éta-
bli. On rit parfois dans le film, on y sourit plus souvent. Lambaye
fut un nouveau genre de film sur le marché sénégalais.

Une autre nouveauté, pour ne pas dire un bouleversement, vien-


dra de Touki-Bouki de Djibril DIOP Mambety. Un film qui a fait
couler beaucoup d'encre et des flots de parole à sa sortie en 1972.
C'est que le sujet et l'écriture sortaient de l'habituel ordinaire
cinématographique sénégalais qu'étaient, que sont encore, la con-
frontation des cultures, la modernité et la tradition, la critique
sociale, et l'exode rural. Djibril DIOP, avec Touki-Bouki, boule-
verse les données d'une syntaxe bien sage, sinon conventionnelle.
Le film vaut d'abord par le style allègre, altier, irrévérencieux,
plein d'inventions et de désinvolture. C'était peut être aller trop
vite, même pour un public habitué aux films étrangers, mais il est
vrai, de facture classique et d'une lisibilité totale permettant une
compréhension immédiate. Dans Touki-Bouki, tout est allégori-
que, marqué aux sceaux des symboles à références bien africaines,
mais mal perçues parce qu'inconnues. Trop de sang, a-t-on crié.
C'est oublier bien vite la symbolique du sang purificateur dans la
culture africaine. Le Festival de Moscou a longuement discuté
avant d'accorder une mention à Touki-Bouki, n'arrivant pas à le
classer, son engagement n'apparaissait pas probant. On repro-
chera aussi au film de n'être pas africain. Ce sont souvent les non
Africains qui lui font ce reproche, comme on le fit pour le film
ivoirien de TIMITE Bassori La femme au couteau.
Touki-Bouki (Le voyage de l'hyène) c'est le désir d'évasion, c'est
aussi la peur du changement, et c'est finalement le mouvement
dans l'immobilité, et le rêve éveillé. Ce jeune berger qui a perdu
son troupeau n'a plus l'art de jouer de la flûte pour le rappeler;
alors il accepte qu'une jeune étudiante vienne le rejoindre pour
quitter ensemble le pays. Ils iront jusque sur le bateau mais ne par-
tiront pas.

Jusqu'à présent la réalisation cinématographique au Sénégal était


le fait des hommes. Voici qu'une femme entre en lice. Safi FAYE

82
n'était pas tout à fait une inconnue au cinéma; elle fut une des
interprètes de Jean ROUCH dans Petit à petit où elle jouait le rôle
d'une péripatéticienne qui, en France, «boutiquait son cul» pour
vivre.
Son premier film, La passante, est un prolongement de son rôle
dans Petit à petit. C'est de l'érotisme au féminin africain. Le film
met en scène deux hommes, un blanc et un noir qui, voyant passer
une belle négrèsse dans une rue de Paris, imaginent chacun pour
soi ce qu'ils feront d'elle. Le blanc transporte la femme sur une
moto, fait le tour d'une partie de la ville et vient lui faire l'amour
dans une chambre. Le noir prend la femme, la drape nue dans un
voile de tulle et danse avec elle dans une chambre avant de lui faire
également l'amour. C'est tout. Mais les fantasmes de Safi FAYE
sont bien localisés. C'est sans doute une manière de valoriser la
femme africaine, puisque tous les hommes la désirent également.
Des films de commande en 1974, Paulin Soumanou VIEYRA en
réalise trois. Un pour la télévision canadienne un peu pour revenir
à ses premières amours (il avait déjà travaillé pour la télévision
canadienne à Paris). Il s'agit du film Diarama (Soyez les Bienve-
nus) qui traite de la coopération technique en général et des objec-
tifs de la canadienne. Ce film a été réalisé dans le cadre de l'émis-
sion Agora où, en 26 minutes, plusieurs pays du monde ont traité
de la coopération technique du Canada et de leur pays. Un autre
film de commande est L'art plastique au Sénégal traité en deux
volets: Evolution et tendances et puis Confrontations. Ces deux
films devaient accompagner l'exposition des peintres Sénégalais
au Grand Palais à Paris en 1974. Ils n'ont pas été sonorisés faute
d'une entente entre les principaux commanditaires.

83
1974 - 1976

LA S.N.C.

Cette période est marquée par l'entrée en activité de la Société


Nationale de Cinéma créée en novembre 1972(1) et dont une
année a été nécessaire pour mettre en chantier la réalisation des
premiers films. Coup sur coup, quatre films seront produits par la
société: Le bracelet de bronze, de Tidiane AW, Baks, de Momar
THIAM, Xala, de SEMBENE Ousmane et Ndiangane, de
Mahama Johnson TRAORE. Comment a-t-on choisi les sujets de
ces films? En principe par l'intermédiaire d'un comité de lecture,
en fait, au petit bonheur la chance avec les copinages inévitables et
les pressions habituelles. Comment expliquer par exemple la parti-
cipation d'un conseiller technique blanc dans le film de Tidiane
AW si celui-ci n'avait pas renvoyé l'ascenseur?
Le bracelet de bronze traite de l'exode rural: rien d'original, sur-
tout dans la partie qui se passe à la campagne jusqu'à l'arrivée du
héros en ville. Encore faudra-t-il attendre un peu que, classique-
ment, on lui ait fait faire le tour des emplois réservés aux immigrés
de l'intérieur, les travaux au port par exemple. Et le coup de génie,
c'est d'avoir fait du héros un chef de bande, on dira de gang, enfin
un gangster à la mode américaine. Tenue spéciale, bottes, «ciga-
rettes, whisky et petites pépées» et voilà l'aventure lancée. Nous
rejoignons les classiques films d'aventure du type occidental mis
au goût sénégalais; le saloon devient un clandestin enfumé où l'on
boit de la bière à la tonne. Il y aura naturellement la poursuite
dans un cadre bien venu. Et comme justice doit être faite, le chef
mourra par accident poursuivi par les policiers. Après tout, c'est
un genre et une voie possible pour les films sénégalais. Tant pis
pour ceux qui croient à une voie originale nationale du cinéma. Le
film a plu, ce qui prouve que Tidiane AW a le sens du rythme et
qu'avec des sujets plus originaux il est capable de nous donner des
films plus accomplis sur le plan culturel.
Baks, film de Momar THIAM produit par la Société Nationale de
Cinéma en 1974, surprend agréablement au premier abord par sa
vérité et la simplicité de son écriture. Le style est linéaire et clair.
L'histoire est celle d'un jeune écolier qui fait l'école buissonnière
(1) Voir ci-avant.

86
et se mêle à une bande de fumeurs de yamba, l'herbe qui tue. Ce
qui nous permet de voir comment vivent ces marginaux de la dro-
gue. Comme pour toute bande, il y a un chef; le film en fait un
héros finalement fort sympathique, ce qui va à l'encontre de ce
qu'il voudrait dénoncer, les dangers de la drogue. Sans doute le
chef sera arrêté «vendu par sa petite amie à la police». Plutôt que
de subir un sort dramatique en y laissant la vie par exemple, il sera
sauvé et rentrera dans le droit chemin. Cela frappe moins l'imagi-
nation, surtout si l'on veut mettre la population en garde contre
les effets nocifs du yamba, que l'on voit fumer par toutes les cou-
ches de la société. Le film, un moment interdit aux moins de 15
ans, le sera quelques mois plus tard aux moins de 18 ans. Or, c'est
à ces âges-là que les enfants peuvent se laisser entraîner à fumer le
chanvre indien, et c'est à eux que le film aurait dû s'adresser en
premier. Si l'interdiction était appliquée à la lettre, les jeunes
n'auraient pas vu le film. Ce n'est pas toujours le cas et ce film
devient alors nocif par son côté séduisant; comme quoi les inten-
tions de l'auteur ont été trahies finalement par les images de la vie
de ces jeunes fumeurs de yamba. Le dialogue, fait d'un parler spé-
cial où se mêlent le ouolof, le français et l'anglais, ajoute encore à
la séduction.

En 1974 également sera réalisé le film Xala de SEMBENE Ous-


mane. En attendant de trouver les moyens financiers pour réaliser
son film, SEMBENE Ousmane avait transformé son scénario en
roman. Puis il est reparti du roman pour rédiger un autre scéna-
rio, lequel a été enrichi par rapport au premier. La réalisation du
film a commencé sans les concours extérieurs. Mais la Société
Nationale de Cinéma, commençant à fonctionner, ne pouvait
ignorer le plus important des cinéastes sénégalais. Comme sa
réputation équivalait à une carte de visite qu'il ne fallait pas négli-
ger, il ne sera même pas question d'une commission de lecture
pour Xala. La Société propose, d'entrée de jeu, une participation
de 50% pour la production du film. A la fin des travaux, la copro-
duction a été de 40% pour FILMI DOOMIREEW, et de 60%
pour la Société Nationale. A notre connaissance, c'est l'une des
seules véritables coproductions réalisées par la S.N.C. D'une
façon générale, elle a pratiquement pris en charge la production
des films à laquelle elle participait. Par ailleurs, la Société Natio-
nale n'a pas su ou pu dire non à toutes les propositions que le Pou-
voir lui imposait pratiquement. Ainsi, elle a contribué à réaliser en
une année quatre films de long métrage, quatre films de court
métrage et participé à la finition de deux autres films de long

87
métrage, Borom Xam Xam, de Maurice DORES, et l'Option de
Thierno SOW, sans avoir véritablement testé le marché national et
le marché international. Par la candeur de son Président Directeur
Général, la Société Nationale de Cinéma a sombré. Elle sera mise
en veilleuse en 1977, par le Gouvernement, pour mauvaise ges-
tion. Ainsi disparaît un instrument de travail péniblement mis en
place.
Nous étions resté au film Xala de SEMBENE Ousmane. Nous
disions que SEMBENE avait le don d'exploiter les conjonctures
favorables pour ses réalisations. Nous sommes en effet en 1974, à
une époque où le Gouvernement avait favorisé l'émergence des
hommes d'affaires sénégalais. Beaucoup de ceux qui avaient béné-
ficié d'avantages financiers avaient si mal géré leurs affaires que la
plupart de celles-ci avaient fait faillite. Voilà pour SEMBENE
l'occasion d'en fustiger certains, dont les aventures tragi-
comiques ont défrayé la chronique. Le héros de SEMBENE sera
atteint de «Xala» d'où le titre du film. Cette impuissance sexuelle
temporaire permettra à SEMBENE une ouverture vers une criti-
que sociale et un regard amusé et ironique sur le comportement
individuel de nos hommes d'affaires. Il y a dans ce film, une
ambiguïté voulue, du particulier au général. Le cas d'un homme
d'affaires est aussi regardé comme le cas des dirigeants du pays
qui seraient aussi atteints d'une impuissance à diriger convenable-
ment notre économie. Dans ce cas précis, SEMBENE rejoint le
point de vue du chef d'Etat qui ne cesse de parler de conscience
professionnelle, plus exactement de manque de conscience profes-
sionnelle de beaucoup de cadres de la Nation. Cette impuissance
ne peut être que temporaire car il faut bien l'espoir d'un change-
ment. Ce changement sera le fait des gueux, des estropiés, des
malades, en un mot du peuple réduit à ses extrémités. Et ce sera la
scène de la fin où l'homme d'affaires qui a tout perdu et qui s'est
réfugié chez sa première femme, accepte de subir l'humiliation de
se mettre nu devant sa famille et de recevoir des crachats sur tout
le corps pour pouvoir retrouver sa virilité. Quant à la puissance
spirituelle des marabouts, SEMBENE en fait cas pour dire qu'il y
a de bons et de mauvais marabouts; et les bons ne sont pas forcé-
ment les plus chers. Le film a une distribution remarquable com-
posée en majeure partie des interprètes habituels de SEMBENE.
Ndiangane de Mahama Johnson TRAORE, est l'adaptation d'un
scénario de Adramé SECK, un jeune auteur qui travaille à la télé-
vision. Ce film a bénéficié de meilleures conditions de tournage
que les autres films de TRAORE. L'équipement était un 35 mm

88
synchrone et le film est en couleur. Il soulève le problème de la
mendicité des jeunes talibés. L'éducation coranique, qui est un
fait de civilisation et qui comporte un certain nombre d'obliga-
tions pour les enfants confiés au marabout, comme celle de subve-
nir à leur propre entretien, a été gauchie par la rapacité de certains
marabouts et l'aveuglement de certains parents. Actuellement, les
enfants, notamment dans les villes, mendient pour enrichir le
marabout; et ne pouvant pas toujours satisfaire à ses exigences, ils
sont amenés à voler. Ces enfants deviennent des délinquants que
les maisons de redressement et les prisons accueillent en fin de
course sans toujours pouvoir les remettre dans le droit chemin. La
fin du film use de trop de facilités: le héros tué dans un accident de
la circulation, le chauffard, un homme en vue, qui s'enfuit et
qu'on retrouve chez un commissaire de police venu pour arranger
son histoire. Ce sont des scènes qui font dévier la portée qui aurait
dû être celle du film: éclairer d'une juste lumière le drame de ces
jeunes garçons pour que les pouvoirs publics puissent lui trouver
une solution.
Avant Ndiangane, Mahama Johnson TRAORE avait réalisé
Garga M'bossé pour la Télévision Suédoise. TRAORE travaille
vite, c'est incontestable, mais le traitement de ses sujets en souf-
fre, c'est le cas ici encore. Ce paysan qui quitte sa campagne avec
chèvres, enfants et femme, ne trouvera à la ville au bout du
compte qu'un député préoccupé par ses propres problèmes: sa réé-
lection. Ce paysan avait marché des jours, perdu un enfant et une
chèvre en route, pour venir expliquer à son député, faute de
l'avoir vu sur place, les calamités qui le frappent, lui et ses pareils.
Le thème était d'actualité; la sécheresse, en effet, frappe les pays
du Sahel depuis des années. C'était l'occasion de montrer la situa-
tion dans cette partie de l'Afrique à des pays comme la Suède qui
essaient de sensibiliser leur population à ce drame, pour leur per-
mettre de réunir les dons nécessaires. Le film a-t-il réussi? Un cer-
tain réalisme introduit dans la fiction nous vaut des images de rap-
ports sexuels au goût du jour. Assez osés pour intéresser un public
occidental, mais pas trop pour appeler une interdiction en Afri-
que. Si on étudie un jour l'érotisme dans le cinéma sénégalais, il
faudra citer Garga M'bosse.
Un fonctionnaire du Ministère des Affaires Etrangères, René
DIENG, avait l'idée d'un film. Il l'écrit, trouve un peu d'argent,
fait appel à un réalisateur, Thierno SOW, qui adapte le scénario et
met le film en route. Trois semaines de tournage et le film est
arrêté faute d'argent; c'était en 1973. Le film s'appelle L'option.

89
Un an plus tard, la Société Nationale de Cinéma décide de termi-
ner le film comme coproductrice. Le film terminé, catastrophe: il
est mauvais tant sur le plan technique, que sur le plan artistique.
Que s'est-il passé? Ici, tout le monde accuse son collaborateur de
la qualité de l'image. Encore une fois ce n'était pas l'image seule
qui était mauvaise, il y avait aussi le son, et la mise en scène, et le
jeu des acteurs, et l'utilisation des décors. Comment se fait-il donc
que lorsque la Société a repris la réalisation du film, elle n'ait pas
vu l'état du matériau et constaté que ce qui avait été déjà tourné
était certainement mauvais. Quel gâchis! Bien entendu, aucun
succès commercial. Disons, une perte sèche de près de 20 millions.
L'histoire est ce qu'elle est, ni meilleure ni plus mauvaise qu'une
autre, mais elle est mal traitée. Nous sommes en 1961, les militai-
res sénégalais de l'Armée Française doivent choisir soit de rester
Français et continuer à servir dans l'Armée Française, soit de
demander leur transfert dans l'Armée Sénégalaise naissante. Il se
trouve des partisans de chacun des choix. Alors, on s'explique
dans de longues palabres où l'auteur essaie de faire passer l'Aéro-
port de Dakar Yoff pour Charles De Gaulle en France. Pour
L'option, une seule chose est intéressante, c'est l'affiche qui
annonce le film.
Borom Xam Xam du Docteur Maurice DORES bénéficie égale-
ment du concours de la Société Nationale de Cinéma comme
coproductrice. DORES est un psychiâtre(1) venu au Sénégal
comme assistant technique de la Coopération Française. Il avait
épousé Mbissine DIOP, la vedette du film La noire de... de SEM-
BENE Ousmane. Mbissine Thérèse DIOP joue également dans
Emitai et dans le film de son mari Borom Xam Xam ou Tabane. Il
s'agit de la vie d'un guérisseur joué par lui-même. C'est la con-
frontation de la médecine traditionnelle avec les acquis de la
médecine moderne dans le domaine des maladies mentales.
La Société Nationale de Cinéma coproduit le court métrage de
Ben Diogaye BEYE, Samba tali. Ben Diogaye BEYE rend hom-
mage à sa mère dans le film qui traite de la vie d'un petit cireur à
Dakar. Un film très intéressant qui révèle un nouvel auteur de
cinéma sénégalais. Ben Diogaye BEYE a le sens de l'image et du
rythme. Nous retrouvons ces qualités dans son autre film Les
princes noirs de Saint-Germain des Prés, une pochade remplie des

(1) Quelques mois auparavant, le professeur COLOMB, également psychiâtre,


avait fait réaliser Jaxle (Le désarroi) ou Les masques ne parlent plus sur un
sujet identique.

90
fantasmes de l'auteur qui se veut critique de la vie de certains noirs
africains à Paris en 1974, dragueurs professionnels qui vivent des
femmes, les unes naïves, réellement naïves, et les autres qui fei-
gnent de croire, parce que ça les arrange, que ces Noirs qui traî-
nent à longueur de journée dans les rues et les bistrots de Paris,
sont princes chez eux en Afrique. Ce qui donne des scènes cocas-
ses à côté des banalités prétentieuses. Peut-être est-ce voulu? Ben
Diogaye BEYE s'est d'ailleurs longuement expliqué sur son pre-
mier film à plusieurs reprises. C'est en effet les princes noirs de
Saint-Germain des Prés qui a été terminé le premier et l'intention
de l'auteur est de dire que si de telles scènes se voient encore en
France quelque quinze ans après les indépendances des pays afri-
cains, c'est qu'il y a quelque chose qui ne va pas et qu'on peut
appeler néo-colonialisme-acculturation.

91
Parmi les films de Momar THIAM: N'Dakarou (1964),...

Baks (1974) ...


1976 - 1982

RETOUR AU MEGOTAGE

La Société Nationale de Cinéma a épuisé ses crédits; les banques


refusent de faire des avances de trésorerie, les films produits se
rentabilisent mal. Alors l'Etat qui avalise les prêts décide d'arrêter
là les frais.
Le cinéma sénégalais revient aux «mégotages» donc à des recher-
ches individuelles de financement. Déjà en 1975, Safi FAYE réa-
lise son premier long métrage Kaddu beykat (Lettre paysanne) en
dehors des interventions du Sénégal. Utilisant sa formation d'eth-
nologue, elle applique ses connaissances à interroger un village
sérère, son ethnie où vivent encore sa famille, ses amis. Et cela
donne un excellent film d'une vérité criante. Ce qui lui vaut,
jusqu'à ce jour (1), de ne pas encore avoir reçu son autorisation de
diffusion au Sénégal.
Evidemment le sujet est très délicat. Les paysans parlent et accu-
sent en langue nationale. On ne peut réfuter ce qu'ils disent sur
tout. Une mise en scène sans fioritures, un style direct, une vraie
étude anthropologique animent ce film. Seule la partie consacrée à
la ville peut paraître faible.
Moussa BATHILY qui a été l'assistant de SEMBENE Ousmane
pour Xala et Ceddo trouve les fonds pour trois films de court
métrage. Le premier Fidak a été financé par la Foire de Dakar.
C'est un reportage sur ce que la Foire peut offrir aux exposants.
Cette première manifestation, qui s'est tenue en novembre et
décembre 1974, avait besoin d'un film publicitaire pour se faire
connaître.
Dans son deuxième film Ndakarou (Impressions matinales), la fic-
tion se marie aux documents pour une vision personnelle qu'on a
voulu regard d'enfant sur la capitale sénégalaise. Il est intéressant
de voir l'évolution de Moussa BATHILY. Il fait d'abord sage-
ment ses classes dans la critique cinématographique, puis comme
assistant, puis il s'essaie à la réalisation d'un documentaire où le
don de la création se réduit au montage d'images qu'on n'a pas
créées. Dans un autre film intervient la part personnelle dans une

(1) Fin 1982.

94
réflexion qui se veut encore fantaisie sur l'impressidn matinale de
Dakar. Plus élaborée se trouve être l'histoire de son film Des per-
sonnages encombrants qui ouvre la voie à son premier long
métrage Tiyabu-Biru qui fait encore grande place aux documents
mais cette fois, dans une création personnelle qui en transcende
l'esprit et apporte sa réponse à la question: la tradition est-elle
aussi un fait de culture? Le rituel de la cérémonie de la circonci-
sion en pays Saracolé qui, sans nous être montré, est à la base du
film nous amène à l'organisation même de la société et au méca-
nisme interne de son accomplissement. La qualité exceptionnelle
de l'image de Bara DIOKHANE nous rend très sensibles les pro-
pos de l'auteur. Voulant à tout prix renvoyer l'ascenseur, Moussa
BATHILY a gâché sa fin en faisant l'éloge d'une administration
qui n'en demandait pas tant. Sans doute les 15 millions reçus pour
la réalisation du film ont été obtenus auprès d'une banque par
l'aval de l'Etat.
A partir de 1976, la politique du Gouvernement a changé vis-à-vis
du cinéma. La Société Nationale ne pouvant plus intervenir, des
subventions ont été accordées à certains cinéastes en se référant à
un chapitre de la loi des finances portant la mention K2(1). Le
principe de ces subventions devait se généraliser à tous les cinéas-
tes qui présenteraient un dossier de réalisation agréé par le Minis-
tère des Finances et des Affaires Sociales. L'opération ne toucha
que deux cinéastes et fut arrêtée. Mahama Johnson TRAORE et
SEMBENE Ousmane en furent les bénéficiaires à raison de 20
millions chacun. L'aval de l'Etat pour des prêts bancaires n'était
pas mauvais en principe. Les cinéastes se trouvaient ainsi respon-
sabilisés. S'ils réalisent de bons films, ils seront les premiers con-
cernés par sa rentabilisation. D'autre part, l'Etat habitue ainsi les
banques de la place à considérer le phénomène cinéma comme une
entreprise industrielle digne d'être aidée.
Ceddo, le dernier film de SEMBENE est ainsi produit grâce à une
opération financière au niveau de l'Etat et au niveau de la banque.
C'est le premier film à bénéficier de cette formule. La personnalité
de SEMBENE n'est sans doute pas étrangère à cette opération. Le
film a été réalisé non loin de la ville de Mbour, à quelques 80 km
de Dakar, où toute l'équipe technique et artistique a vécu pendant
neuf semaines en hôtel.
Le message du film est important parce qu'il est conjoncturel. En

(1) Voir ci-avant.

95
effet, on a souvent entendu dire en Afrique que seules les expres-
sions occidentales ou européennes de la culture doivent être consi-
dérées comme des éléments étrangers et perturbateurs de la civili-
sation africaine. Le film Ceddo apporte la réponse de SEMBENE
à la manière de l'auteur de Xala. C'est toujours à travers une his-
toire habilement racontée que se dégage toute la morale de sa
réflexion. On savait, mais on avait tendance à vouloir l'oublier,
que la religion musulmane est aussi étrangère à l'Afrique que les
religions révélées occidentales, la catholique, la protestante et que
leurs pénétrations se sont souvent faites par la spoliation, la vio-
lence, les usurpations et le meurtre. Le film ne se veut pas une
thèse, mais la relation vérifiable de situations historiques, aux-
quelles s'ajoutent la dimension artistique et celle de la fiction
nécessaires à une distanciation vis-à-vis des événements pour en
faire un spectacle.
L'histoire se passe dans un village où le marabout, apôtre de la
nouvelle religion révélée, l'Islam, investit le pays avec ses disci-
ples. Il s'agit de convertir les habitants en minant, par le spirituel,
l'autorité temporelle du roi. Le roi se convertit le premier, et, par
son autorité, entraîne sa cour et ses fidèles. Mais la résistance
intervient au niveau de la famille qui ne veut pas de la loi islami-
que, parce que ses membres ne pourront plus hériter selon la tradi-
tion et la civilisation des Ceddo; les habitants du lieu risquent
donc de sombrer dans le néant. Mais le travail du marabout est
systématique. Le prêtre installé dans le village est isolé et finale-
ment tué; il représente l'Occident. L'esclavagiste blanc, pour des
raisons évidemment raciales, se rapproche toujours du prêtre,
mais ils n'ont évidemment rien de commun. Homme de com-
merce, il va là où ses intérêts l'appellent; il quitte le village au
moment où les adeptes de l'Islam y mettent le feu. La fille du roi
s'exile avec bon nombre des Ceddo qui refusent la loi du mara-
bout. La victoire de l'Islam semble acquise, le roi est assassiné, le
pays est investi et tous ceux qui sont restés seront baptisés. Le
marabout accapare donc le pouvoir temporel et installe une nou-
velle cour en éliminant ceux qui l'ont aidé à prendre le pouvoir.
C'est alors que, dans un sursaut d'orgueil, la fille du roi défunt
retourne au village. Elle tue le marabout-roi au milieu du peuple
assemblé.
On voit l'importance du film dans le contexte actuel où les idéolo-
gies deviennent des raisons d'Etat. Et l'Etat n'a pas d'amis, il n'a
que des intérêts. Si, par souci d'authenticité, on refuse en Afrique
au sud du Sahara les prénoms chrétiens, on devrait de même y

96
refuser les prénoms musulmans. SEMBENE montre d'une façon
peut-être caricaturale la manière dont les prénoms sont donnés et,
par la même occasion, montre que l'Afrique, suivant sa culture,
possédait des patronymes bien à elle. SEMBENE a véritablement
permis de voir, à travers toutes les composantes de son film,
l'essence de la civilisation africaine: la gestuelle africaine, le parler
africain, le comportement africain dans une cour royale, la pensée
africaine, sa philosophie. Le film est une véritable leçon d'histoire
avec la projection du passé sur le présent et le démontage des
mécanismes d'aliénation pour la perte de l'identité culturelle. On
a vu le même phénomène ailleurs.
Le film Ceddo est actuellement (1) interdit de diffusion au Séné-
gal, pour un problème de linguistique qui oppose deux écoles au
Sénégal sur une question de géminée. Faut-il écrire Ceddo avec un
seul d ou avec deux d? Et comme l'autorité est du côté de l'Etat, le
film se trouve bloqué au Sénégal alors qu'ailleurs des milliers de
gens voient, ont vu et verront le film. Nous ne sommes pas là pour
dire qui a tort ou raison, nous disons que cette situation est pro-
prement aberrante.
Il y a chez Ngaïdo BAH, une volonté opiniâtre de réaliser des
films. Il en a tourné trois qu'il n'a pu achever encore, ils attendent
d'être montés et sonorisés. Il s'agit de courts métrages: Arrêt car,
sur les receveurs des cars rapides à Dakar — il y a là certainement
des choses intéressantes à raconter — La brosse, sur les petits
cireurs — encore un film sur ce petit métier — enfin Tablo Fer-
raay sur la vie d'un quartier de Dakar.
Ngaïdo BAH a terminé son premier long métrage Rewo dande
mayo, un film sur les techniques d'irrigation des casiers rizicoles
de «l'autre côté du fleuve», c'est-à-dire en Mauritanie. Le film est
d'ailleurs coproduit par une Société Mauritanienne et le FAC, un
fonds d'aide occidental.
En 1978, plusieurs longs métrages sont mis en chantier. Safi
FAYE a réalisé en 1979 Fad jal. Elle reprend et continue son étude
sur les paysans de son pays en milieu sérère. Elle utilise toujours
l'anthropologie sociale comme moyen d'investigation fidèle à sa
conception d'un cinéma de recherche.
La fiction reste le domaine de Tidiane AW. Il réalise en 1981 Le
certificat d'étude, d'après une histoire authentique rapportée par
«le Soleil», le quotidien national du Sénégal.
L'histoire du film est celle d'un planton de 50 ans qui travaille
(1) Fin 1982.

97
dans l'administration à Kébémer à l'intérieur du pays. Un jour, il
demande son reclassement après plusieurs années de loyaux et
fidèles services. Il s'entend répondre alors que pour pouvoir béné-
ficier d'un reclassement, il lui faut posséder le certificat d'études
primaires, un parchemin que l'on obtient généralement entre 10 et
15 ans en Afrique. Lui, à 50 ans, se met en tête de passer cet exa-
men. Il bénéficiera du concours de son dernier fils. Il lui faut
absolument réussir cet examen, pour son reclassement d'abord,
mais aussi à cause de l'incrédulité de son entourage et notamment
des femmes. Celles-ci se moquent de son épouse, qui, mortifiée,
encourage son mari. Le succès est au bout de l'effort. Tidiane AW
introduit le problème de l'utilisation des langues nationales dans
l'enseignement pour l'acquisition des connaissances. Le résultat
positif de l'examen, montre-t-il, est à mettre au crédit de l'utilisa-
tion de la langue nationale.
Au Sénégal, en 1982, aucune des langues nationales n'est utilisée
pour passer un examen, cette démonstration, à ce moment, n'est
qu'une vue de l'esprit. Sans doute, tous les pays se sont attelés à
l'insertion des langues nationales dans leur enseignement primaire
et, pour certains, dans l'enseignement secondaire. L'effort de ce
vieux fonctionnaire aurait été plus méritoire si l'auteur nous
l'avait montré accompli pour passer en français, langue étrangère,
l'examen du certificat d'études.
En marge de ce qui peut être considéré comme des réalisations
ponctuelles, comme les magazines filmés qui voudraient ne se con-
sacrer qu'aux sujets intemporels, mais qui doivent faire droit aux
manifestations nationales, aux visites officielles, aux commémo-
rations d'anniversaires, etc..., des cinéastes ont entrepris des tra-
vaux personnels qu'ils ont financés en partie eux-mêmes et en par-
tie par des concours extérieurs. C'est ainsi que Paulin VIEYRA a
réalisé L'envers du décor sur le travail de SEMBENE Ousmane
réalisateur, à partir du tournage de son film Ceddo. Plusieurs
années ont été nécessaires pour la finition de ce film qui a été ter-
miné en 1980. En 1981, continuant ses portraits, Paulin VIEYRA
a réalisé celui du grand conteur Birago DIOP et, en 1982, celui du
peintre Iba NDIAYE.
Peut-être est-ce le lieu d'introduire dans ces pages l'intervention
de la télévision.
Celle-ci a démarré en 1972 avec des techniciens du cinéma, mais
elle ne travaille pas (encore) en collaboration avec le cinéma séné-
galais. Pourtant des coproductions cinéma-télévision seraient pos-
sibles.
98
Signalons qu'elle a coproduit avec la télévision allemande un
feuilleton télévisé Fachoda, qui ne nous retiendra pas, et avec la
firme française ORPHAM Productions un film Bako l'autre rive,
à demi-sénégalais, comme Liberté I d'Yves CIAMPI, dont on a
déjà parlé.
Bako est un mot bambara signifiant «l'autre rive» employé par les
émigrants clandestins de langue bambara, principalement des
Maliens, pour désigner la France, but de leur voyage. C'est un
mot-code, compris théoriquement par les seuls initiés. Cheik
DOKOURE a voulu vivre de l'intérieur le douloureux itinéraire de
ces pauvres hommes, il a accompli lui-même le voyage dans des
circonstances similaires et recueilli sur place des témoignages
vécus. Son scénario suit un jeune paysan malien chassé par la
sécheresse vers le miroir aux alouettes de la France, par Dakar et
la Mauritanie jusqu'à Barcelone et, en fraude, la France, où il
meurt d'épuisement à l'arrivée. Le réalisateur en est Jacques
CHAMPREUX, spécialiste d'adaptations pour la télévision, dont
c'est la première oeuvre cinématographique. Le film fut couronné
en France par le Prix Jean VIGO 1978.

Depuis l'époque de la suppression de la Société Nationale de


Cinéma en 1977, les cinéastes sénégalais n'ont jamais cessé de
chercher les moyens de pouvoir continuer à réaliser des films.
Sans totalement répondre à leur attente, le Gouvernement a pris
une nouvelle initiative et a mis sur pied un Fonds d'aide à l'indus-
trie cinématographique. En 1980 fut ainsi financé, Sey Seyeti (Un
homme, des femmes) un long métrage de Ben Diogaye BEYE sur
des conflits nés d'une situation polygamique. Si le sujet n'est pas
nouveau, la recherche en matière d'écriture est très intéressante. Il
est vrai que, compte tenu des difficultés de tournage, l'essentiel du
film fut finalement réalisé au montage.
L'action se déroule à Dakar dans un quartier populaire (la
médina), lieu de croisement de plusieurs histoires autonomes
ayant toutes pour protagonistes des hommes polygames. Au cen-
tre de cette anecdote éclatée, le personnage de Nder, un quinqua-
génaire musulman dont les deux épouses sont en conflit ouvert.
Parallèlement, il est question de Fatou, une jeune fille mariée de
force avec un homme qu'elle n'aime point.
La structure du récit n'est guère simple et Ben Diogaye BEYE
éprouve des difficultés à maîtriser la construction dramatisée; il

99
n'évite pas une certaine confusion, et, dans un premier temps, le
spectateur s'égare parmi les personnages des différents sketches
sans parvenir à saisir la cohérence de chacun d'eux.
En résidence surveillée, le premier film de long métrage de fiction
de Paulin VIEYRA qui a bénéficié également du Fonds d'aide, est
une réflexion sur les coups d'Etat militaires en Afrique.
Un jeune intellectuel vient de soutenir une thèse de doctorat
d'Etat remarquable «Les structures politiques du pouvoir tradi-
tionnel», qui montre la voie du renouveau. L'opposition clandes-
tine, car nous sommes en régime de parti unique, se saisit de la
thèse pour en faire une arme de combat. Le chef de l'Etat de ce
pays africain, imaginaire mais symbole de toute l'Afrique, joue
serré contre toutes les forces qui travaillent à déstabiliser son
régime. En filigrane de toutes ces actions, la vie continue, tragi-
que, cocasse, toujours difficile pour les petites gens. Et, remon-
tant de temps en temps à la surface, apparaît la vie souterraine que
l'on ne s'imagine pas aussi active en Afrique. Un sujet nouveau
dans le cinéma africain, alors qu'il a pris beaucoup d'ampleur
dans la littérature africaine. Il est vrai qu'en 1960 on compte une
soixantaine de coups d'Etat en Afrique, les uns réussis avec effu-
sion de sang, d'autres sans effusion, certains ratés, d'autres
déjoués sans parler de tous ceux qui sont restés dans la tête de
leurs auteurs. La fin du film est assez surprenante pour ne pas être
racontée.
Jom (1) est le troisième film et le deuxième long métrage de Aba-
bacar SAMB qui, à partir d'un concept abstrait et sur un conflit
social, matérialise en trois contes des comportements individuels
et collectifs dans la société sénégalaise pendant près d'un siècle.
Un griot Khali, dans une famille après un bon repas, raconte l'his-
toire de Diéri, un résistant du XIXe siècle qui tue de sang-froid un
militaire. Il sera tué par ses frères.
La solidarité est difficile à maintenir parmi les grévistes. Un
ouvrier fils de bijoutier en fait la triste expérience. Cependant il ne
quittera pas ses amis licenciés.
Une grande danseuse invitée par les dames de la haute bourgeoisie
Saint-Louisienne, en proclamant par bravade «qu'il n'y a pas de
sot métier, qu'il n'y a que de sottes gens», fait participer à la fête
des servantes méprisées.
Les femmes viennent chercher au travail leurs maris briseurs de
grève parce que trop sensibles à l'argent corrupteur.
(1) Ce mot intraduisible renvoie au sens de l'honneur, à la dignité.

100
Voilà différentes particularités de Jom que Ababacar SAMB a mis
en scène. Le film n'a pas la réussite de Kodou malgré la qualité des
images.
Sa Dagga (Le troubadour), de Momar THIAM, est tiré d'une
oeuvre de Birago DIOP, dont plusieurs contes ont déjà été adaptés
par lui. Ce film se penche sur la situation des griots et ce qu'ils
deviennent, confrontés aux exigences modernes. L'action couvre
pratiquement tout le Sénégal puisqu'elle part de Gorée pour se ter-
miner à Saint-Louis-du-Sénégal aux confins de la Mauritanie. A
Gorée, le griot troubadour, peu versé dans les choses de la mer, ne
trouve ni emploi ni auditoire. Il se rend à Saint-Louis pour y
apprendre la science musulmane auprès d'un marabout éclairé,
lequel, commerçant de surcroît, est cambriolé et ne peut s'occuper
du troubadour. Celui-ci, découragé, demande à Allah d'abréger
ses jours. Mais quand une branche de l'arbre sous lequel il prie
pour être exaucé s'abat sur lui, il fait un bond de côté... Le film
est sorti en 16 mm, on attend sa sortie en 35 mm.
Avec L'oeil, son deuxième long métrage, Thierno Faty SOW parle
de l'Afrique en mutation où les pouvoirs sont au bout des fusils,
où les Etats s'enfantent dans la fureur et dans le sang un peu à
l'image de ce qui se passe dans les pays d'Amérique latine.
Le Fonds d'aide a servi à la réalisation de deux moyens métrages
en 1981. Il s'agit du film Le fils de qui? de Maguette DIOP
d'après un texte original de Michel Denis BADJI demandant qui
sont les petits talibés — élèves de l'école coranique — que l'on voit
mendier à longueur de journée dans les rues de nos villes. Le film
est passé malheureusement à côté du sujet. Il s'écarte en effet du
jeune garçon pour s'attacher au remariage après divorce de son
père et à la vie de luxe qu'il mène avec sa nouvelle famille. D'où,
une lecture possible au second degré: une accusation de la classe
aisée qui n'a pas l'excuse de la pauvreté pour expliquer la délin-
quance de ses enfants. Au total, une oeuvre qui permet d'espérer
en l'avenir.
L'autre film, Le certificat d'indigence, de Moussa BATHILY,
porte sur la conscience professionnelle. Moussa BATHILY est
parti d'un fait divers, celui de la femme à l'enfant malade. Elle,
qui est des plus indigentes, se trouve ballotée de toutes parts. Pas
de soins, sauf s'il est produit un certificat d'indigence. Et l'enfant
meurt à la porte de l'hôpital malgré l'intervention d'une âme cha-
ritable. En 1981, BATHILY réalise aussi Siggy (La poliomyélite)
un film de 40 minutes sur les précautions à prendre pour éviter
d'attraper cette terrible maladie.

101
Safi FAYE, l'unique réalisatrice sénégalaise, poursuit sa carrière
cinématographique de par le monde. Elle réalise en 1979 au Séné-
gal Man sa yay (Moi ta mère), un film de 60 minutes sur la vie en
pays sérère, continuant ainsi ses recherches ethnologiques, plus
spécialement en anthropologie sociale. En 1980, ce sera Goob na
nu (la récolte est finie). En 1981, produit par les Nations Unies,
elle tourne Les âmes au soleil, sur la famine en Afrique. En 1982,
elle a tourné en Allemagne avec le concours de l'Unicef et de Faust
Films, Selbe parmi tant d'autres sur la décennie de la femme.
En 1981, Johnson Mahama TRAORE a mis en chantier son Reve-
nant, le bien nommé puisque le projet en était déjà ancien. Il s'agit
d'une adaptation pour l'écran, avec la participation de l'auteur,
d'un roman d'Animata SOW-FALL (1). Le titre définitif en
sera(it) Sarax-si.
Ngaido BAH se risque en 1982 dans un long métrage de fiction en
hommage à la musique et à l'amitié. C'est l'histoire de la montée
d'un groupe rock sous l'impulsion d'une jeune sociologue, Xady,
tout aussi respectueuse de ses parents et soucieuse de son fils que
dynamique dans la réalisation du projet. Xew Xew (La fête com-
mence), c'est une grande fête qui réunit à la fin du film tous les
musiciens du pays avec leurs instruments.
L'année 1982 — avec laquelle nous terminons notre coup d'oeil —
avait annoncé beaucoup de projets. Certains ont abouti: Dunde
ya kaar (Pain sec), de Ousmane MBAYE (2), un court métrage de
Moussa BATHILY, Des sites et des monuments au Sénégal.
D'autres sont en cours de réalisation: David Diop, un documen-
taire sur ce poète sénégalais par son fils David DIOP, un docu-
mentaire sur Gorée et un long métrage intitulé Gare de Lyon, de
Pape B. SECK, un jeune diplômé de l'I.D.H.E.C. dont une partie
a été réalisée comme diplôme de sortie... et avant tout l'oeuvre
attendue de SEMBENE Ousmane, l'épopée de L'Almany Samori
Touré, en deux épisodes (Faamaya Syla et Faama), le premier film
sénégalais en cinémascope (3). Mais pour terminer un film, que de
problèmes à résoudre: on peut tomber en panne de pellicule, de
techniciens, de laboratoire, de gonflage (un film en 16 mm est
commercialement inexploitable), le plus souvent de fonds. Le tout
est de ne pas perdre sa ténacité, son courage, sa foi.
(I) En février 1983 ce film n'était pas encore achevé.
(2) Présenté en février 1983 au FESPACO.
(3) En octobre 1982, le Conseil d'Administration de la Fondation Léopold Sédar
SENGHOR a décidé d'octroyer une subvention à SEMBENE pour compléter
les crédits qu'il doit consacrer au repérage des sites de son film. C'est dire qu'il
n'est pas encore près de l'achèvement.

102
Pour ceux qui savent (1970-1976) et...

... Le bracelet de Bronze (1974) de Cheikh Tidiane AW.


GENERIQUES

Fidèle à l'esprit de cette collection et limité par l'espace, nous n'avons retenu
ici, sauf exception, que les génériques des films de moyen et long métrage et
ceux de court métrage de fiction, par ordre chronologique, en limitant à regret
le nombre de collaborateurs nommés.
MOL (Les pêcheurs)
Scénario: Robert CARISTAN
Réalisation: Paulin Soumanou VIEYRA
Prises de vues: Robert CARISTAN
Production: Groupe Africain de Cinéma
16 mm, coul., 25', 1957-1966
Version française

LIBERTE 1
Scénario: Yves CIAMPI et Jean CAMPISTRON
Adaptation: Jean-Charles TACCHELA et R.M. ARLAUD
Dialogues: Marcel MOUSSY
Réalisation: Yves CIAMPI
Prises de vues: Emile VILERBUE
Décors: René MOULAERT
Musique: Gana M'BOW
Interprétation: Maurice RONET, Corinne MARCHAND,
Iba GUEYE, Nanette SENGHOR, Assane FALL
Production: UCINA (Sénégal), Pat Films-SORA Films
(France)
35 mm, noir et blanc, écran large, 90', 1961
Version française

SARZAN
Scénario: D'après une nouvelle de Birago DIOP
Réalisation: Momar THIAM
Prises de vues: Momar THIAM
Interprétation: El Hadji DIOP, Abdoulaye Farba SARR,
Doura MANE, Ernesto ROBERT
Production: Les films de Momar THIAM
35 mm, noir et blanc, 35', 1963
Version française

BOROM SARRET (Le charretier)


Scénario: Ousmane SEMBENE
106
Réalisation: Ousmane SEMBENE
Prises de vues: Christian LACOSTE
Commentaire: Ousmane SEMBENE
Interprétation: Abdoulaye LY
Production: Les Films DOOMIREEW (Sénégal)
35/16 mm, noir et blanc, 22', 1963
Version française

SINDIEL Y
Réalisation: Paulin Soumanou VIEYRA
Chorégraphie: Sonar SENGHOR
Prises de vues: André JOUSSE
Production: Paulin VIEYRA
35 mm, coul., 11', 1964
Version ouolof, sous-titres français et anglais

ET LA NEIGE N'ETAIT PLUS


Scénario: Ababacar SAMB
Réalisation: Ababacar SAMB
Prises de vues: Georges CARISTAN
Interprétation: COULIBALY
Production: BAOBAB Film
35 mm, noir et blanc, 18', 1965
Version française

NIA YE
Scénario: Ousmane SEMBENE
Réalisation: Ousmane SEMBENE
Prises de vues: Georges CARISTAN
Commentaire: Ousmane SEMBENE
Interprétation: SOW, Astou NDIAYE, Marne DIA,
Modou SENE
Production: Les Films DOOMIREEW
35 mm, noir et blanc, 35', 1965
Version française

107
N'DIANGANE
Scénario: d'après le conte de Birago DIOP, Petit Mari
(Nouveaux Contes d'Amadou Koumba)
Réalisation et Adaptation: Paulin Soumanou VIEYRA
Production: Paulin VIEYRA
Dialogues: Paulin VIEYRA
35 mm, coul., 18', 1965
Version française

SPECIAL SENEGAL
Réalisation: Paulin Soumanou VIEYRA
Prises de vues: Georges CARISTAN
Histoire: 4 scènes: La bicyclette — Le rendez-vous Le gâteau
— Le marché
Production: Paulin Soumanou VIEYRA
35 mm, coul., 4', — l' pour chaque film, 1966
Version française

LA NOIRE DE...
Scénario: d'après une nouvelle du recueil Voltaïque
d'Ousmane SEMBENE
Adaptation: Ousmane SEMBENE
Réalisation: Ousmane SEMBENE
Prises de vues: Christian LACOSTE
Musique: arrangement d'un air populaire sénégalais
Interprétation: Anne Marie JELINEK, Momar Nar SENE,
Robert FONTAINE, Robert MARCY, Sophie LECLERC,
Bernard DELBARO, Nicole DONATI, Suzanne LEMERY,
Raymond LEMERY, avec la voix de Tito BISSAINTHE
Production: Les Films DOOMIREEW
35 mm, noir et blanc, 65', 1966
Version française

N'DAKAROU (Dakar)
Scénario: Papa Ibra TALL
Réalisation: Momar THIAM

108
Opérateur: Chérif DIAME
Production: Groupement
16 mm, noir et blanc, 40', 1966
Version française

LA MALLE DE MAKA-KOULI
Scénario: d'après un conte de Birago DIOP
Adaptation: Robert FONTAINE et Abdoulaye Farba SARR
Réalisation: Momar THIAM
Prises de vues: Abdou Fary FAYE
Interprétation: André SECK, Cheikh Sadibou DIOUF,
Aïssatou DIENG, Mamadou DIOUM, Anta FALL,
Batou GUEY, Marème GNING, Khardiata DIOUM
Production: Momar THIAM
16 mm, noir et blanc, 20', 1967
Version française

MANDABI (Le mandat)


Scénario et adaptation: Ousmane SEMBENE, d'après son
propre roman
Réalisation: Ousmane SEMBENE
Prises de vues: Raymond SOULIGNAC
Musique: Issa NIANG
Interprétation: Makhourédia GUEYE, Issa NIANG,
Younousse NDIAYE, Farba SARR, Moustapha TOURE
Production: Coproduction France-Sénégal (Comptoir Français
du Film et les Films DOOMIREEW)
35 mm, couleur, en version ouolof 105' et en version française
90', 1968
Version ouolof et version française

DIANKHABI (La jeune fille)


Scénario: Mahama Johnson TRAORE
Réalisation: Mahama Johnson TRAORE
Prises de vues: Abdou Fary FAYE
Interprétation: Aïda TOURE, Yves DIAGNE, Aïssatou DIENG

109
Production: Mahama Johnson TRAORE
16 mm, noir et blanc, 60', 1969
Version française

LA JOURNEE D'UN PAYSAN SENEGALAIS


Réalisation: Pierre BLANCHARD, Thierno SOW, Pap SOW,
Pap THIAM
Sociologue-Expert: Fara NDIAYE
Production: Télévision Educative
16 mm, noir et blanc, 60', 1970
Version ouolof et version française

LA JUNGLE
Scénario et réalisation: Jean-Claude COURRENT
Interprétation: Mariama SEYNI
Production: Fadiouth Films (Paris)
16 mm, coul., 33', 1970
Version française

TA W
Scénario: Ousmane SEMBENE
Réalisation: Ousmane SEMBENE
Prises de vues: Georges CARISTAN
Prises de son: El Hadji MBOW
Interprétation: Fatim DIAGNE, Coumba MANE, Yoro CISSE,
Amadou DIENG, Mamadou MBOW, Christophe
NDOULABIA dit COLOMB
Production: Broadcasting Film Commission, National Council
of the Church of Christ
16 mm, coul., 24', 1970
Version ouolof

BADOU BOY
Scénario: Djibril DIOP Mambéty
Réalisation: Djibril DIOP Mambéty
110
Prises de vues: Baïdy SOW
Interprétation: Lamine BA, Al Demba CISS, Christophe
COLOMB, Aziz DIOP Mambéty
Production: Les Films Kankourama
16 mm, coul., 60', 1970
Version française

DIEGUE-BI (La femme)


Scénario: Mahama Johnson TRAORE
Réalisation: Mahama Johnson TRAORE
Prises de vues: Cheikh DIENG, Papa THIAM
Musique: Bana SISSOKHO et Soundioulou SISSOKHO
Interprétation: Issa NIANG, Yves DIAGNE, Amy DIOP,
Farba SARR, N'gone THIOUNE
Production: Coproduction SECMA DAKAR —
SUNU FILM DAKAR
16 mm, coul., 70', 1970
Version ouolof, sous-titres français

POUR CEUX QUI SAVENT


Scénario: Tidiane AW
Réalisation: Tidiane AW
Prises de vues: Papa THIAM ET Abdou FARY
Interprétation: Ousseynou DIOP, Djibril DIOP Mambéty,
Khady TOURE
16 mm, noir et blanc, 40', 1970
i re version 35' et 2e version 45'
Version française

EMITAI (Dieu du tonnerre)


Scénario: Ousmane SEMBENE
Réalisation: Ousmane SEMBENE
Prises de vues: Georges CARISTAN et Pap SOW
Son: El Hadji MBOW
Interprétation: Robert FONTAINE, Michel RENAUDEAU,
Pierre BLANCHARD, Fodé CAMBAY

111
Production: Les Films DOOMIREEW
35 mm, coul., 95', 1971
Version diola, sous-titres français
KARIM
Scénario: Momar THIAM d'après le roman Karim de
Ousmane SOCE
Réalisation: Momar THIAM
Prises de vues: Cheikh DIENG
Prises de son: Edouard CORREA, SISSOKHO,
Abdou Fary FAYE
Interprétation: Sidy CASSET, Fatim DIAGNE,
Assane N'DIAYE, Fanta TRAORE
Production: «Les Films Momar»
16 mm, noir et blanc, 65', 1971
Version ouolof
KODOU
Scénario: Annette MBAYE d'Erneville et Ababacar SAMB
Réalisation: Ababacar SAMB
Chef Opérateur: Baïdy SOW
Prises de son: Jacques AUGER, Jules DIAGNE
Interprétation: Fatou FALL, Madeleine DIALLO, El Hadji
SECK, Mohamed Latyr SECK, Daouda SECK, Jacques
ZWINGELSTEIN, Dieynaba NIANG, N'deye GUEYE
Production: Baobab-Film
35 mm, noir et blanc, 80', 1971
Version ouolof, sous-titres français
REOU-TAKH (Ville de bâtiments)
Scénario: Mahama Johnson TRAORE
Réalisation: Mahama Johnson TRAORE
Prises de vues: Baïdy SOW et Pap THIAM
Prises de son: Jules DIAGNE
Interprétation: Ousmane FAYE
Production: SUNU Films Dakar et SECMA Dakar
16 mm, coul., 45', 1972

112
LAMBA YE (Truanderie)
Scénario: d'après Le pot de vin, de Sonar SENGHOR adapté
de Le Revizor, de GOGOL
Réalisation: Mahama Johnson TRAORE
Prises de vues: Baïdy SOW et Pap THIAM
Prises de son: Jules DIAGNE
Interprétation: Makourédia GUEYE
Production: SECMA et SUNU Films
16 mm, coul., 90', 1972
Version ouolof, sous-titres français

TOUKI-BOUKI (Le voyage de l'hyène)


Scénario:
Réalisation: Djibril DIOP Mambéty
Prises de vues: Pap Samba SOW
Prises de son: El Hadji MBOW
Interprétation: Marème NIANG, NDOU LABIA dit
Christophe COLOMB, Magaye NIANG,
Ousseynou DIOP
Production: CINEGRIT
35 mm, coul., 90', 1972

LA PASSANTE
Scénario et réalisation: Safi FAYE
Interprétation: Safi FAYE, Daniel KAMWA
Production: Safi FAYE
16 mm, coul., 10', 1972
Version uniquement sonore

GARGA M'BOSSE (Cactus)


Scénario: Mahama Johnson TRAORE
Réalisation: Mahama Johnson TRAORE
Prises de vues: Georges CARISTAN
Interprétation: Abdou KAMARA, Oumar MBAYE, Doudou
COUMBA, Makourédia GUEYE

113
Production: SUNU FILMS et SR2
16 mm, coul., 80', 1974
Version ouolof

BAKS (Yamba ou Chanvre Indien)


Scénario: Mamadou TRAORE et Momar THIAM
Réalisation: Momar THIAM
Interprétation: Nar SENE, Farba SARR, Magoné NDIAYE,
Myriam NIANG, Langouste, Badou FAYE, Omar MBOW
dit Abdou KAMARA
Production: Coproduction Momar THIAM et Société Nationale
de Cinéma
16 mm, coul., 120', 1974
Version ouolof, sous-titres français

NDIANGANE
Scénario: Chérif Adramé SECK
Réalisation: Mahama Johnson TRAORE
Prises de vues: Baïdy SOW et Orlando LOPEZ
Interprétation: Fatim DIAGNE
Production: Coproduction Société Nationale de Cinéma et
SUNU FILM
35 mm, coul., 100', 1974
Version ouolof, sous-titres français

L'OPTION
Scénario: René DIENG
Réalisation: Thierno SOW
Prises de vues: Baïdy SOW
Prises de son: Jules DIAGNE
Interprétation: Véronique BLIN, Gorgui DIOP, Nar SENE,
Fatim DIAGNE
16 mm, coul., 90', 1974
Version ouolof

114
TAGGOO
Réalisation: Amadou FALL
Prises de vues: Baïdy SOW
Production: Les Films Afagilos
16 mm, coul., 60', 1975
Version ouolof

XALA (Impuissance temporaire)


Scénario: Ousmane SEMBENE
Réalisation: Ousmane SEMBENE
Prises de vues: Georges CARISTAN
Prises de son: El Hadji MBOW
Interprétation: Thierno LEYE, Seune SAMB, Younousse
SEYE, Makourédia GUEYE, Myriam NIANG,
Douta SECK, Farba SARR, Fatim DIAGNE,
Moustapha TOURE
Production: Les Films DOOMIREEW
35 mm, coul., 120', 1974

LE BRACELET DE BRONZE
Scénario: Tidiane AW
Réalisation: Tidiane AW
Prises de vues: Georges BRACHER
Interprétation: Nar SENE, Issen NIANG, Thioune NGONE,
Christophe COLOMB, Gorgui DIOP
Production: Coproduction Tidiane AW et Société Nationale de
Cinéma
35 mm, coul., 115', 1974
Version française

BOROM XAM XAM (Tabane)


Scénario: Maurice DORES
Réalisation: Maurice DORES
Prises de vues: Georges CARISTAN
Prises de son: Jules DIAGNE

115
Interprétation: Ibrahim TABANE et Mbissine Thérèse DIOP
Production: Société Nationale de Cinéma, Dakar et
Maurice DORES
16 mm, coul., 50', 1974
Version ouolof et version française

KADDU BEYKAT (Lettre Paysanne)


Réalisation: Safi FAYE
Interprétation: Les paysans
16 et 35 mm, noir et blanc, 95', 1975
Version sérère, sous-titres français

LES PRINCES NOIRS DE


SAINT-GERMAIN DES PRES
Scénario: Ben Diogaye BEYE
Réalisation: Ben Diogaye BEYE
Prises de vues: Georges BRACHER
Interprétation: Aziz DIOP MAMBETY, Muriel DAVAZ
Production: Société Nationale de Cinéma, Dakar et Consortium
Audio-Visuel International, Paris
16 mm, coul., 15', 1975

SAMBA TALI
Scénario: Ben Diogaye BEYE
Réalisation: Ben Diogaye BEYE
Prises de vues: Georges BRACHER
Production: Coopération Française et Société Nationale de
Cinéma, Dakar
16 mm, coul., 15', 1975

NDAKOUROU (Impression matinale)


Scénario: Moussa BATHILY
Réalisation: Moussa BATHILY
Prises de vues: Georges CARISTAN

116
Production: Moussa BATHILY
16 mm, coul., 15', 1976

LES PERSONNAGES ENCOMBRANTS


Scénario: Moussa BATHILY
Réalisation: Moussa BATHILY
Prises de vues: Georges BRACHER
Interprétation: le poète Jean BRIERE
16 mm, coul., 25', 1976
Version française

CEDDO
Scénario: Ousmane SEMBENE
Réalisation: Ousmane SEMBENE
Prises de vues: Georges CARISTAN
Prises de son: El Hadji MBOW
Musique: Manu DIBANGO
Interprétation: Makourédia GUEYE, Tabara NDIAYE,
Ousmane CAMARA, Nar Modou SENE, Mamadou
DIOUM, Mody GUEYE, Pierre ORMA
Production: Les Films DOOMIREEW
35 mm, coul., 135', 1976
Version ouolof

BAKO (L'autre rive)


Scénario: Cheik DOUKOURE et Jacques CHAMPREUX
Réalisation: Jacques CHAMPREUX
Prises de vues: Jacques LEDOUX et Maxime DEBEST
Musique: Lamine KONTE
Interprétation: Sidiki BAKABA, Doura MANE,
Cheik DOUKOURE, Guillaume CORREA
Production: ORPHAM Production (Paris), Office de Radio-
Télévision du Sénégal
35 mm, coul., 110', 1978-1979

117
TIYABU-BIRU (La circoncision)
Scénario et réalisation: Moussa BATHILY
Prises de vues: Barra Amadou DIOKHANE
Prises de son: El Hadj M'BOW
Interprétation: Marne Barka GALLE, Yuba Muna LEME,
Hamidou De YAFERA
Production: EMEBE-Diffusion Films/LTD/INA Paris
Version saracolé

FAD JAL
Scénario: Safi FAYE
Réalisation: Safi FAYE
Prises de vues: Patrick FABRY, Jean MONOD, Papa Mockar
NDOYE
Interprétation: Ibore NDONG et sa grande famille
Production: Coopération française et Institut National de
l'Audio-visuel
16 mm, coul., 108', 1979

REWO DANDE MAYO (De l'autre côté du fleuve)


Réalisation: Cheik Ngaïdo BAH
Prises de vues: Bara DIOKHANE
Son: Maguette SALA
Production: Coproduction FAC et Société Mauritanienne
16 mm, coul., 60', 1978

DOOMI NGACC (L'enfant du Ngath)


Réalisation: Ousmane William MBAYE
Prises de vues: Bara DIOKHANE
Prises de son: Ngalla MBOW
Musique: Lalo Kéba DRAME
Production: Ousmane MBAYE
16 mm, coul., 20', 1979
Version ouolof, sous-titres français

118
LE CERTIFICAT D'INDIGENCE
Scénario et réalisation: Moussa BATHILY
Prises de vues: Bara DIOKHANE
Prises de son: El Hadji MBOW
Production: Ministère de la Culture (ENDA), Tiers-Monde Dakar
16 mm, coul., 35', 1981

SEYE SEYETE (Un homme des femmes)


Réalisation: Ben Diogaye BEYE
Prises de vues: A. THIOR et E. de GRAMMONT
Musique: UMBAN U-K SET Waziz DIOP et le West African
Cosmos
Interprétation: El Ablaye SECK, Dienaba NIANG,
Fatou DIAGNE
Production: Les Films Ben Diogaye BEYE
16/35 mm, coul., 90', 1981

LE FILS DE QUI?
Scénario: texte original de Michel Denis BADJI
Réalisation: Maguette DIOP
Prises de vues: Baïdy SOW
Interprétation: Makhourédia GUEYE
Production: Gouvernement du Sénégal
35 mm, coul., 26', 1981

MAM SA YAI (Moi ta mère)


Réalisation: Safi FAYE
Prises de vues: Vidéo
Production: allemande ZDF/Safi FAYE
Video, coul., 60', 1980

L'OEIL
Réalisation: Thierno Faty SOW
Prises de vues: Bara DIOKHANE

119
Prises de son: Majib FOFANA
Interprétation: Michel BARAZ, Joseph SANE, Olivier VALET,
Myriam FAYE, Senou DIOUF, Abdoulaye DIOP
Production: Filmi Kajoor Productions
16/35 mm, coul., 80', 1981-1982

JOM OU L'HISTOIRE D'UN PEUPLE


Scénario: Babakar SINE et Ababacar SAMB MAKHARAM
Réalisation: Ababacar SAMB MAKHARAM
Prises de vues: Peter CHAPELLE et Orlanda LOPEZ
Prises de son: Jules DIAGNE et Maguette SALA
Musique: Lamine KONTE
Interprétation: Oumar GUEYE, Amadou Lamine CAMARA,
Abou CAMARA, Zator SARR, Fatou Samb FALL,
N'deye Ami FALL, Dumi SENI
Production: Baobab Films, en collaboration avec la Z.D.F.
(Mayence, R.F.A.)
35 mm, coul., 80', 1981

EN RESIDENCE SURVEILLEE
Scénario: Paulin Soumanou VIEYRA, d'après une idée de
Abdou ANTA KA et Paulin VIEYRA
Réalisation: Paulin Soumanou VIEYRA
Prises de vues: Philippe CASSARD
Prises de son: Jules DIAGNE
Musique: Francis BEBEY
Interprétation: Douta SECK, Joseph SANE, Michel COULON,
Serigne NDIAYE GONZALVES
Production: Les Films Paulin Soumanou VIEYRA
16 mm gonflé en 35, coul., 102', 1981

IBA N'DIA YE, PEINTRE


Scénario: Paulin Soumanou VIEYRA
Réalisation: Paulin Soumanou VIEYRA
Prises de vues: Philippe CASSARD, Pap SOW,
Alain de MONTROBERT

120
Prises de son: Maguette SALA, Roger VIEYRA
Production: Paulin Soumanou VIEYRA
16 mm, coul., 45', 1982
Version française

SA DAGGA — LE M'BANDAKATT (Le troubadour)


Scénario et adaptation: Momar THIAM, d'après un conte de
Birago DIOP
Réalisation: Momar THIAM
Prises de vues: Cheikh DIENG
Prises de son: Jules DIAGNE
Interprétation: Nass DIOP, Babou FAYE, Abou CAMARA,
Moustapha TOURE
Production: Les Films Momar THIAM
16 mm, coul., 80', 1981-1982

SIGGI OU LA POLIOMYELITE
Réalisation: Moussa BATHILY
Prises de vues: Georges BRACHER
Prises de son: Mbaye SAMB
Production: Nations Unies
16 mm, coul., 40', 1981

XEW XEW (La fête commence)


Scénario et réalisation: Cheikh Ngaïdo BAH
Directeur de la photo: Bara DIOKHANE
Interprétation: Abdoulaye DIOP, Tabara N'DIAYE,
Gorgui DIOP
Production: Cheick Ngaïdo BAH
16 mm, coul., 1982

DUNDEE YAKAAR (Pain sec)


Scénario et réalisation: Ousmane M'BAYE
Prises de vues: Fidèle DIEME

121
Interprétation: Dieynaba NIANG, Samba Félix NDIAYE,
Alien Amet DIALLO, DIADO, Laye DIA
Production: Les films Mame YANDE
16 mm, coul., 25', 1983

XAREEK MARAL (Halte au désert)


Scénario et réalisation: Amadou THIOR
Prises de vues: Medoune NDIAYE et I.J. NDONG
Prises de son: Babacar SAMB et Mawa GAYE
Interprétation: A.K. DIOKHANE, Moustapha YADE,
Mbaye NDIAYE, Dame FALL, Ibrahima THIOR
Production: Ministère de la Culture du Sénégal
16 mm, coul., 29', 1983

BOUKI CULTIVATEUR
Scénario: Assane NDIAYE et Momar THIAM
Réalisation et prises de vues: Momar THIAM
Interprétation: Maleye THIAM, Oumar GUEYE,
Mamadou THIAM, Sofi THIAM, Youssoufa BITEYE
Production: Momar THIAM
16 mm, coul., 16', 1983
Version ouolof et version française

122
... Joseph SANE et Michel COULON dans En résidence surveillée
de Paulin Soumanou VIEYRA.
Photo LES FILMS PRESENCE AFRICAINE, Dakar
L'option (1972) de Thierno Faty SOW.
IV.

LES REALISATEURS

Nous n'avons retenu pour ce lexique que les noms des cinéastes sénégalais
réalisateurs d'au moins un film.
AW Cheikh Tidiane
né à Kebemer en 1935
stage en Allemagne et à l'Ocora.
1969 Réalités, C.M., 16 mm, n. et b., 20'
1970-76 Sérigne Assagne ou Pour ceux qui savent, C.M.,
16 mm, n. et b., une version de 35', portée à 80'
1974 Le bracelet de bronze, L.M., 35 mm, coul., 115'
1979-80 Le certificat, L.M., 16 mm, coul., 95'

BA Lamine
né en 1949 à Thies
formation à Paris, Genève, Louvain-la-Neuve
réalisateur à la T.V. éducative
1981 Les principes fondamentaux de la Croix-Rouge,
C.M., 16 mm, coul., 15'

BAH Cheikh Ngaïdo


né a Pire en 1949
réalisateur T .V.
1973 La brosse, C.M., (inachevé), 16 mm, n. et b.
Arrêt car, C.M., (inachevé), 16 mm, n. et b.
1976 Tablo Feraay, C.M., (inachevé)
1978 Rewo Dande Mayo (De l'autre côté du fleuve),
L.M., 16 mm, coul., 60'
1982 Xew Xew (La fête commence), L.M., 16 mm,
coul.
En
préparation: Aouzou, L.M., 35 mm, coul.
Kattan (La foule), L.M., 35 mm, coul.

BATHILY Moussa Yoro


né à Bakel en 1946
licence de lettres, doctorat 3 e cycle
1975 Fidak, C.M., 16 mm, coul., 20'
1976 Ndakarou, impressions matinales, C.M.,
16/35 mm, coul., 16'

126
1976 Des personnages encombrants, C.M., 35 mm,
coul., 25'
1978 Tiyabu Biru (La circoncision), L.M., 16 mm,
coul., 85'
1981 Le certificat d'indigence ou la conscience
professionnelle, C.M., 16 mm, coul., 35'
1982 Siggi ou la poliomyélite, M.M., 35 mm, Coul.,
40'
1982 Des sites et des monuments au Sénégal, M.M.,
35 mm, coul., 45'
et de nombreux spots publicitaires
En projet: Petits blancs au manioc et à la sauce gombos,
L.M., 16 mm, coul.

BEYE Ben Diogaye


né à Dakar en 1947
études de journalisme
1975 Samba Tali, C.M., 16 mm, coul., 15'
1975 Les princes noirs de St-Germain des Près, C.M.,
16 mm, coul., 16'
1980 Seye Seyeti (Un homme, des femmes), L.M.,
16/35 mm, coul., 90'

CARISTAN Georges
né à Hanoi (Vietnam) en 1930
stage à la Société Pathé à Paris
chef-opérateur et cameraman de nombreux films
1963 Les pompiers de Dakar, C.M., 35 mm,
n. et b., 9'

CORREA Edouard
né en 1941 à Popenguine
formation à la photographie (stages)
Les funérailles sérères, C.M.
Le mariage traditionnel, C.M.
L'excision en pays diola, C.M.

127
La circoncision dans le Fogny, C.M.
Fertilité du sol et fécondité de la femme, C.M.

COURBENT Jean-Claude
Conservatoire Indép. du Cinéma Français
1970 La jungle, C.M., 16 mm, coul., 33'

DIAGNE Yves Badara


né en 1930 à Dakar
études à l'IDHEC, Paris
directeur de la SIDEC Dakar puis au CIDC Ouagadougou
1964 L'Afrique noire en piste (en co-réal. avec
J.-P. LOVICHI), C.M., 35 mm, n. et b., 16'
1966 Délou Thyossane (en co-réal. avec
J.-P. LOVICHI), C.M., 35 et 16 mm, n. et b., 10'

DIALLO Serigne
né en 1946 à Nguenien
formation à Genève, Paris, Louvain-la-Neuve
réalisateur à la T.V. éducative
1981 Deggéô (Solidarité villageoise), C.M., 16 mm,
coul., 25'

DIOP Alassane
formé à l'INA (Paris)
1980 IFAN, C.M., 16 mm, coul.
En projet
1983: Leuk le lièvre, dessin animé

DIOP Djibril Mambéty


né à Dakar en 1945
études théâtrales
1969 Contras City, C.M., 16 mm, coul., 16'
1970 Badou boy, M.M., 16 mm, coul., 60'
1973 Touki Bouki (Le voyage de l'hyène), L.M.,
35 mm, coul., 90'

128
DIOP Maguette
né à Dakar en 1948
Conservatoire Libre du Cinéma Français
1975 Les fauves en liberté, C.M., 16 mm, n. et b., 20'
1981 Le fils de qui?, C.M., 35 mm, coul., 26'

DORES Maurice (1)


français
docteur en médecine
autodidacte en cinéma
1974 Tabane, C.M., développé en Borom Xam Xam
(Le détenteur de la connaissance), L.M., 16 mm,
coul., 60'

DOUKOURE Cheick
scénario, dialogue et interprète de:
1979 Bako, l'autre rive, de Jacques CHAMPREUX,
L.M., (franco-sénégalais), 35 mm, coul., 90'

FALL Amadou
né à Louga en 1943
Université de Poitiers
1975 Taggoo (Le voyage), M.M., 16 mm, coul., 60'
1975 L'héritage de Bamba
En projet: Sargal (sur le président Senghor), L.M.

FAYE Abdou Fary


né à Dakar en 1936
école de photo
1970 Ballet de la forêt sacrée de Casamance, C.M.,
16 mm, coul., 20'
M'Bar, C.M.

(1) Figure dans ce lexique à titre exceptionnel parce que sa production, en dehors
de sa personne, est totalement sénégalaise.

129
FAYE Safi
née à Dakar en 1943
institutrice, diplôme d'ethnologie, doctorat 3è cycle
comédienne puis réalisatrice
1972 La passante (The passer-by), C.M., 16 mm,
coul., 10'
1975 Kaddu beykat (Lettre paysanne — News from
the village), L.M., 16 mm, n. et b., 95'
1979 Fad Jal (Fad Jal — Recent Arrival, Work),
L.M., 16 mm, coul., 108'
1979 Goob Na Nu (La récolte est finie — The harvest
is in), C.M., 16 mm, coul., 30'
1980 Man Sa Yay (Moi, ta mère — I your mother),
L.M., 16 mm, coul., 60'
1981 Les âmes au soleil (Souls under the sun), C.M.,
16 mm, coul., 27'
1982 Selbe parmi tant d'autres, C.M., 16 mm, coul.,
30'

GUEYE dit GALDINO Ibrahima


né à Saint-Louis en 1945
école du film documentaire, Stockholm
formation à la télévision suédoise
1971 Le racisme en Suède, M.M., 16 mm,
coul., 55'
1971 Le roi Maola

JAAN Doomunit Laat Bercy (N'DIAYE Mamadou)


formé en RFA
1983 Conversation devant une porte, C.M., 16 mm,
coul., 20'

KAMARA Abdoulaye
né en 1938 à Dakar
Conservatoire Indépendant du Cinéma Français et stage à
Montréal

130
réalisateur à la T.V. éducative et ailleurs
1972 Teranga, C.M.

MANGASSOUBA Thiondy
né en 1952 à Bokidiawé
formation Paris, Genève, Louvain-la-Neuve
réalisateur à la T.V. éducative
1981 La Croix-Rouge au service de tous, C.M.,
16 mm, coul., 20'

MBAYE Ousmane William


né à Paris en 1952
Conservatoire Indépendant du Cinéma Français
Université de Paris VII
1979 Doomi Ngacc (L'enfant du Ngatch), C.M.,
16 mm, coul., 20'
1982 Dunde yakaar (Pain sec), C.M., 16 mm, coul.,
30'

NDIAYE Félix Samba


né à Dakar en 1945
licence puis maîtrise en cinéma à Paris VIII
stages divers
1975 Pérantal, C.M., 16 mm, coul., 31'
1976 La confrérie des Mourides (en co-réalisation),
C.M.
1976 L'exode rural au Sénégal (inachevé), C.M.
1976-77 Problèmes de l'espace et du logement en France,
C.M., 16 mm, coul.
1977-78 Pêcheurs de Cayar, C.M., 16 mm, coul., 30'
1977-78 Les Halles. L'ancien marché, C.M.
1979 Getty Tey, C.M., 16 mm, coul., 30'

SAKHO Samba
né en 1940 à Diowara (Bakel)

131
études à New York et à l'American Film Institute, Los Angeles
1970-77 Wild Animais, série pour la télévision américaine
1973 Doomsday, dramatique T.V.
1975 Save us, dramatique T.V.
1972-76 La grande migration, deux séries sur les animaux
sauvages

SAMB MAKHARAM Ababacar


né en 1934 à Dakar
d'abord comédien, puis cinéaste
stage à l'OCORA et au Centro Sperimentale, Rome
1965 Et la neige n'était plus, C.M., 16/35 mm,
n. et b., 18'
1968 La terre et le paysan, C.M., 16 mm, n. et b.
1971 Kodou, L.M., 35 mm, n. et b., 110'
1981 Jom ou l'histoire d'un peuple, L.M., 35 mm,
coul., 80'

SARR Mamadou
né en 1926 à Saint-Louis
études secondaires, animateur de Ciné-Clubs
réalisateur à la T.V.
1955 Afrique-sur-Seine (en co-réalisation avec
Paulin S. VIEYRA), C.M., 16 mm, n. et b., 20'

SECK Ahmadou Saaloum


formé à l'Académie du Cinéma de Münich
frère de Pape B. Seck (Alioune SECK)
1980 Le bracelet d'argent, C.M., 16 mm, n. et b., 33'

SECK Alioune Badara (Pape B. SECK)


né en 1949 à Dakar
diplômé de l'IDHEC, Paris
1979 Intérieur, gare de Lyon, C.M., 16 mm, n. et b.,
16'

132
1983 L'île de Gorée, C.M., 16 mm, coul.
En projet: Un village au-delà de l'Océan (Paris, gare de
Lyon), L.M., 35 mm, coul.

SEMBENE Ousmane
né en 1923 à Ziguinchor
formation à Moscou
romancier
1962 L'Empire Sonhraï (inachevé), C.M.
1962 Borom Sarret (Le charretier), C.M., 35 mm,
n. et b., 18'
1965 Niaye, C.M., 35 mm, n. et b., 35'
1966 La noire de..., M.M., 35 mm, n. et b. avec une
partie coul., 70'
1968 Mandabi (Le mandat), L.M., 35 mm, coul.,
version ouolof 105', version française 90'
1969 Polygamie, C.M.
1969 Problème de l'emploi, C.M.
1970 Taw, C.M., 16 mm, coul., 24'
1971 Emitai (Dieu du tonnerre), L.M., 35 mm, coul.,
95'
1972 Jeux Olympiques à Munich (partie africaine)
1972 Basket africain aux J.O. de Münich
1974 Xala (Impuissance temporaire), L.M., 35 mm,
coul., 120'
1976 Ceddo, L.M., 35 mm, coul., 135'
En préparation:
L'Almany Samori Touré, L.M., 35 mm, coul., cinémascope
en 2 épisodes:
1. Faamaya Syla
2. Faama

SENGHOR Blaise
né en 1932 à Joal, décédé en 1976
études à 1'IDHEC à Paris. Lic. es lettres
1961 Grand Magal à Touba, C.M., 16/35 mm, coul.,
20'

133
1974 Joal, C.M., 16 mm, coul.

SOW Thierno Faty


né à Thiès en 1941
études au Conservatoire Indépendant du Cinéma Français
réalisateur à la T.V. éducative
1970 La journée de Djibril N'Diaye (un paysan
sénégalais), (en co-réalisation avec Pierre
BLANCHARD et Pap SOW), M.M.,
16 mm, n. et b., 60'
1970 Guereo, village de Djibril N'Diaye (même co-
réalisation), L.M., 16 mm, n. et b., 90'
1974 L'option (Mon beau pays), L.M., 16 mm, coul.,
90'
1981-82 L'oeil, L.M., 16/35 mm, coul., 80'

THIAM Momar
né en 1929 à Dakar
1963 Sarzan, C.M., 35 mm, n. et b., 35'
1964 N'Dakarou, M. M., 16 mm, n. et b., 40'
1967 La malle de Maka Kouli, C.M., 16 mm, coul.,
20'
1968 Luttes casamancaises, C.M., 16 mm, coul., 20'
1969 Simb, le jeu du faux lion, C.M., 16 mm, coul.,
12'
1971 Karim, L.M., 16 mm, n. et b., 70'
1974 Baks (Chanvre indien), L.M., 35 mm, coul., 120'
1981-82 Sa Dagga — Le M'Bandakatt (Le troubadour),
L.M., 16 mm, gonflé en 35 mm, coul., 80'
1983 Bouki cultivateur, C.M. pour enfants, 16 mm,
coul., 16'

THIOR Amadou
né à Kaffrine le 23 juillet 1951
études à l'école de cinéma Louis Lumière à Paris
1983 Xareek Maral (Halte au désert), C.M., 16 mm,
coul., 29'

134
TRAORE Mahama Johnson
né en 1942 à Dakar
Conservatoire Indépendant du Cinéma Français, Paris
1969 Diankhabi (La jeune fille), M.M., 16 mm,
n. et b., 58'
L'enfer des innocents, L.M., 16 mm, coul., 72'
1970 Diegue-bi (La femme), L.M., 16 mm, coul., 70'
1972 Lambaye (Truanderie), L.M., 16 mm, coul., 90'
Réou-Takh (Ville de bâtiments), M.M., 16 mm,
coul., 45'
1974 Garga M'Bossé (Cactus), L.M., 16 mm, coul.,
80'
1975 N'Diangane, L.M., 35 mm, coul., 100'
1981-83 Sarax-si, L.M., en cours d'achèvement

VIEYRA Paulin Soumanou


né en 1925 à Porto Novo (Bénin)
études à l'IDHEC à Paris — Docteur ès lettres et en Sciences
humaines Paris X
écrivain, critique, historien du cinéma dont Le cinéma et
l'Afrique, Le cinéma africain, Sembene Ousmane cinéaste
1954 C'était il y a 4 ans, C.M., 35 mm, n. et b., 4'
1955 Afrique-sur-Seine, (en co-réalisation avec
Mamadou SARR), C.M., 16 mm, n. et b., 20'
1957 Un homme, un idéal, une vie,
C.M., 16 mm, coul., 32' (achevé en 1966 sous le
titre de Mol, les pêcheurs)
1957 L'Afrique à Moscou
1958 Le Niger aujourd'hui, C.M., 16 mm, coul.
1959 Avec les Africains à Vienne
Présence africaine à Rome
Les présidents Senghor et Modibo Keita,
C.M., 16 mm, coul.
1960 Indépendance du Cameroun,
Indépendance du Togo
Indépendance du Congo
Indépendance de Madagascar
C.M., 16 mm, coul.

135
1961 Une nation est née, C.M., 35 mm, coul., 20'
1962 Voyage présidentiel en URSS
Voyage du Président Senghor en Italie
1963 Lamb (Lutte sénégalaise), C.M., 35 mm, coul.,
18'
1964 Ecrit du Caire, C.M., 35 mm, coul., 5'
Sindiély, C.M., 35 mm, coul., 11'
Avec l'ensemble national, C.M., 35 mm, coul.,
10'
Voyage du Président Senghor au Brésil
1966 Achèvement de Mol (Les pêcheurs), (voir ci-
dessus)
1966 Le Sénégal et le Festival Mondial des Arts
Nègres, C.M., 35 mm, n. et b., 35'
1966 N'Diongane, C.M., 35 mm, coul., 18'
1967 Spécial Sénégal: Le rendez-vous, La bicyclette,
Le marché, Le gâteau, 4 C.M., 35 mm, coul.,
4x
1971 Ecrits de Dakar, C.M., 35 mm, coul., 10'
1974 Diarama, C.M., 16 mm, coul., 26'
L'art plastique (évolution)
L'art plastique (tendance et confrontation)
1976 L'habitat urbain au Sénégal, C.M., 16 mm,
coul., 26'
1976 L'habitat rural au Sénégal, C.M., 16 mm, coul.,
13'
1981 L'envers du décor, C.M., 16 mm, coul., 26'
Les oiseaux
1981 En résidence surveillée, L.M., 35 mm, coul. 90'
1982 Birago Diop, conteur, C.M., 16 mm, coul., 26'
1983 Iba N'Diaye, peintre, M.M., 16 mm, coul., 45'
En préparation:
Wollé Wollé Voï Voi; L.M., coul., 105', suite de
En résidence surveillée

WADD Mansour
né en 1949 à Dakar
licence d'études cinématographiques et audio-visuelles à
l'Université de Paris III
136
réalisateur à la T.V. sénégalaise
Lambju Mag Ji, C.M., 16 mm, 30'
Bi-Béggel, C.M., 16 mm, 30'
1979 L'avare et l'étranger, C.M., 16 mm,
n. et b., 30'

137
Rewo Dande Mayo (1978) de Ngaïdo Cheikh BAH.
V.

PROPOS DE CINEASTES

Sélectionnés par CINEMEDIA


PAULIN SOUMANOU VIEYRA
Sur le développement du cinéma en Afrique Occidentale
Française... avant l'indépendance!
Je voudrais surtout apporter ici un point de vue africain.
Beaucoup de lieux communs ont été prononcés sur les Africains;
on a dit notamment qu'ils étaient des acteurs-nés. Je pense que
nous sommes simplement très habiles sur un plan artistique géné-
ral. On a dit aussi qu'il fallait adapter le cinéma à la compréhen-
sion des Africains; je trouve cette sollicitude à notre égard très
touchante. Mais je rappellerai simplement que lorsque le cinéma a
débuté en Europe, personne ne s'est préoccupé de savoir si les
gens en comprenaient la technique.
Dans le domaine éducatif, il existe plusieurs théories sur la façon
de réaliser des films pour Africains. En France même, je rappelle-
rai qu'on cherche encore la manière la plus adéquate d'enseigner
par le cinéma, et pourtant il n'y a pas de problème de langue ni de
culture.
En Afrique, les problèmes ne sont pas les mêmes qu'en Europe.
Or, trop souvent les Européens veulent éduquer les Africains
selon leur propre point de vue sans trop se soucier de savoir s'il est
juste ou non. En ce qui concerne le problème de langues en Afri-
que, il ne faut pas oublier que l'Afrique est un continent. Il n'y a
pas non plus d'unité linguistique en Europe et pourtant la circula-
tion des films nationaux européens est assurée. La même chose
devrait se produire en Afrique.
(...) Bruxelles, 1958

DJIBRIL DIOP MAMBETY


à propos de Contras City
Djibril DIOP est sans doute le premier auteur de film africain
comique. Certes, Contras City, un moyen métrage en couleurs qui
souligne avec humour et ironie les contrastes culturels de la capi-
tale sénégalaise, n'est encore qu'une ébauche, sinon un balbutie-
ment cinématographique, mais il révèle un ton original dans le
concert souvent très grave et très sérieux du cinéma africain. Dji-
bril DIOP ou M. Badin... (1)

(1) M. Badin, titre et personnage principal d'une pièce de Georges Courteline.

140
— Comment êtes-vous venu au cinéma?
DIOP: Je serais tenté de répondre: par le dilettantisme. Le mot est
un peu fort peut-être mais il y a un peu de ça. J'ai 24 ans. Je viens
du théâtre Daniel-Sorano car je suis acteur de profession.
Mon premier film, ou plus exactement mon premier essai, a été
Badou boy que j'ai tourné en 16 mm, noir et blanc, au cours de
week-ends avec des amis. Le premier montage faisait une heure, je
l'ai raccourci à 20 minutes mais tel qu'il est achevé depuis trois
ans, il laisse à désirer. Comme le thème m'intéresse, j'ai l'inten-
tion de le tourner à nouveau avec les mêmes acteurs, mais en cou-
leurs cette fois. C'est l'histoire d'une sorte de gavroche dakarois
qui vit au jour le jour, d'expédients plus ou moins louables. Le
ton en est comique.
— Vous semblez tenir à ce ton, qui d'ailleurs correspond appa-
remment à votre tempérament...
DIOP: Oui. Je pense que nous, les cinéastes africains, ne devons
pas tous suivre la même voie. Moi je trouve qu'il faut être décon-
tracté. Par nature, je n'aime pas faire des professions de foi révo-
lutionnaires.
— Comment avez-vous tourné Contras City?
DIOP: C'est un film que j'ai tourné en six jours avec de l'argent
que je me suis débrouillé pour trouver au Sénégal même. Il a dû
coûter dans les trois millions d'anciens francs mais j'ai encore des
dettes. Si j'ai rencontré des difficultés? Eh bien non, figurez-vous,
je vais peut-être vous décevoir mais je n'ai pas rencontré de diffi-
cultés particulières pour tourner ce film! Je sais que certains de
mes collègues aiment beaucoup se plaindre, raconter qu'ils ont été
victimes d'une conjuration de malheurs. C'est la mode. Il est de
bon goût de pleurnicher en Afrique actuellement. Moi, ça
m'agace.
— Mais à votre manière, vous dénoncez aussi certaines situa-
tions?
DIOP: Sans doute, mais je le fais avec le sourire. C'est très impor-
tant, le sourire. A chacun son style. La première pièce de théâtre
que j'ai jouée a été «Monsieur Badin»...
— Qu'avez-vous l'intention de réaliser après Badou boy nouvelle
version?
DIOP: Un film qui va sans doute scandaliser car il se situera hors
du bon goût du Tiers monde. Il commencera comme ça: «Il était
une. fois...». Mais je ne veux pas dévoiler déjà le sujet.
141
— Comment voyez-vous le développement du cinéma africain,
négro-africain en particulier?
DIOP: Nous sommes tous dans la même galère. Le problème capi-
tal, selon moi, n'est pas la production (on peut toujours trouver
de l'argent) mais la distribution. Non, je ne demande pas qu'on
nationalise la COMACICO et la SECMA mais qu'on les force à
distribuer nos films. On pourrait notamment remplacer les courts
métrages étrangers par des courts métrages africains.
— Quels sujets aimeriez-vous traiter à l'avenir?
DIOP: Je ne sais pas. Je suis assez fantaisiste. Je n'ai pas de ligne
directrice. De toutes façons je trouve qu'au Sénégal nous avons
une assez grande liberté d'expression. Par exemple, non seulement
Sembène peut faire Le mandat et rentrer chez lui sans être arrêté,
comme ce serait le cas dans certaines républiques, mais encore on
organise avec son film une séance officielle de gala, en présence du
Président. Dans Contras City je pastiche la voix de Senghor, il n'y
a pas de problème.
Je voudrais dire une chose encore: beaucoup d'entre nous
devraient effectuer des stages de perfectionnement technique à
l'étranger. Il faut en finir avec cet argument ridicule qui consiste à
vouloir recouvrir du voile de «notre personnalité africaine» les
maladresses techniques de certains de nos films. Vous comprenez,
chaque fois qu'un critique étranger fait remarquer une faute de
construction ou un défaut dans un film africain, l'auteur monte
sur ses grands chevaux et proclame que c'est sa personnalité afri-
caine qui veut ça, que c'est une forme de style, etc.! Moi je veux
qu'on me juge sur pièces, comme on juge n'importe quel metteur
en scène, sans tenir compte du fait que je suis noir ou africain. Si
je possède, comme j'en suis persuadé, un tempérament nègre, un
tempérament africain, ça doit se voir dans mes films, dans mes
oeuvres et ne pas se dégager seulement de mes déclarations.
Propos recueillis par:
Guy HENNEBELLE, 1969

BABACAR SAMB MAKHARAM


A propos de la Fédération Panafricaine des Cinéastes
Je pense que la création de la FEPACI était une nécessité impé-
rieuse et un événement des plus importants.
C'est un fait très positif. Vous n'ignorez pas qu'au début, elle
groupait uniquement cinq associations de cinéastes et qu'en un
142
temps record de trois ans, elle a pu susciter de l'intérêt et a pu
aussi aider à la création de 33 associations nationales de cinéastes.
Elle a, parallèlement à cette action, sensibilisé le pouvoir politique
au phénomène «cinéma». Cette sensibilisation a donné ses fruits,
nous citons en l'occurence la création du Festival d'Ouagadou-
gou, lequel festival bénéficie – grâce à la FEPACI – d'aides
matérielles et financières des organisations internationales. Et
c'est aussi grâce à cette politique de sensibilisation que certains
Etats africains ont pris les mesures qui s'imposent – d'une
manière souveraine – pour nationaliser leurs moyens de produc-
tion et de distribution cinématographiques ou pour racheter ces
mêmes moyens qui monopolisent leurs marchés nationaux, ou en
promulgant des lois qui font obligation aux sociétés étrangères
installées dans notre continent, de promouvoir un cinéma national
et africain.
— La FEPACI, grâce à ses diverses activités, a pu aider à la prise
de conscience et à la préservation de l'africanité. Dans quel sens
précis sont dirigés ses efforts?
Nous avons aidé les mouvements de libération à former des repré-
sentants un peu partout et des techniciens dont l'arme complé-
mentaire du fusil est la caméra. Nous avons préconisé à tout gou-
vernement africain de permettre la circulation des films africains,
afin de permettre une participation concrète et opérationnelle à la
connaissance les uns des autres des peuples africains. Car cette
unité africaine, à laquelle nous croyons tous, pour laquelle nous
sommes tous militants, ne pourra être une réalité tangible que si
les peuples africains se connaissent les uns les autres... Le cinéma
est un moyen efficace pour nous y faire parvenir ( . ..).
Nous avons demandé aux sociétés nationales de distribution ciné-
matographique – qui ont été créées récemment grâce à nous – et
à celles existant avant même l'avènement de la FEPACI, de distri-
buer les films africains à une concurrence minimale de 20%. Il
faut dire que si le pouvoir de décision nous appartenait, nous
aurions créé un tel état de fait au moins au niveau de la distribu-
tion. Mais étant donné que le cinéma implique une politique aussi
bien financière que culturelle, notre pouvoir est seulement sugges-
tif.
— Pensez-vous que les cinéastes et artistes africains sont sevrés de
la liberté d'expression, étant convenu que celle-ci est un facteur
d'épanouissement bien important?
Tout artiste, quel qu'il soit et quelque soit le régime politique de
143
son gouvernement, se trouve être une projection dans le futur...
Et partant de ce postulat, nous arrivons à une conclusion, la voici:
L'artiste – donc le cinéaste – aura toujours au niveau de la dia-
lectique de la création, besoin du phénomène de la liberté
d'expression. Si nous regardons l'histoire de l'humanité, depuis
ses origines jusqu'à nos jours, nous voyons toujours que tout ce
qui est concret et subjectif – c'est-à-dire au niveau des idées –
nous vient des artistes. J'entends par artiste l'écrivain, le peintre,
le philosophe, le cinéaste et même le prophète! Ils ont toujours
véhiculé des idées à des moments historiques, lesquelles idées ont
toujours dérangé les tenants du pouvoir.
Je précise que le problème de la liberté d'expression de l'artiste est
un problème individuel – que nous soyons Africains, Asiatiques
ou Américains – qui implique le «courage». L'artiste africain –
le cinéaste – doit selon moi exprimer sa réalité sociale en s'inspi-
rant de sa culture populaire pour s'éduquer et éduquer les gens
auxquels il s'adresse. S'il rencontre des difficultés vis-à-vis du
pouvoir parce qu'il exprime une réalité gênante pour lui, son cou-
rage entre en jeu. Et ce phénomène n'est pas particulier aux Afri-
cains, mais s'étend à tous les artistes... (...)
Je crois que compter d'abord sur ses propres forces est souhaita-
ble, donner ensuite la main à l'Autre, à l'Ami, à l'Allié est aussi
souhaitable. Mais si les cinéastes africains (ou le cinéma africain)
attendent qu'on les aide pour pouvoir se développer et s'exprimer,
ce cinéma serait inéluctablement un cinéma conditionné. Or,
actuellement nous faisons des films avec des critères qui sont les
nôtres, nous faisons des films qui s'inspirent de notre propre cul-
ture. Dans la mesure où ces films brisent même le cadre étroit de
cette culture et accèdent à l'universalité, ils pourront être diffusés
au même titre que tous les autres films.
— Pour terminer, quels sont vos souhaits pour le cinéma arabe et
africain?
Je souhaite que le cinéma arabe et africain aille de l'avant sur la
voie du progrès. Je souhaite également que nos cinéastes sachent
se prémunir contre le phénomène d'acculturation, de décultura-
tion et d'alinéation qui ronge la plupart de nos pays. A ce
moment-là, notre cinéma connaîtra son apothéose, son heure de
gloire. Ainsi soit-il!

Propos recueillis par


Lazhar ESSEGHAIER, 1976

144
MAHAMA TRAORE
A propos de Niangane
— Votre film repose sur des faits réels?
Oui, sur des faits réels. C'est quelque chose que l'on vit tous les
jours. Ce n'est pas un reportage, ni une fiction au sens étymologi-
que du mot. C'est, si l'on veut, du cinéma vérité, mais pas au sens
où on le comprend en Europe. Il s'agit vraiment de quelque chose
qui existait et qui existe encore et qui je crois continuera à exister
pendant deux ou trois décennies...
Nous, actuellement, nous essayons de faire des films qui retracent
non pas le futur, mais le passé et le présent. Je parle du futur parce
qu'on voit dans le cinéma européen et américain des films qui
essaient de faire des projections dans l'avenir. Nous, nous pen-
sons qu'il y a des problèmes plus immédiats. D'abord, les problè-
mes actuels pour essayer de résoudre la situation sociale, politi-
que, économique, culturelle. Et puis aussi les problèmes du passé
pour rappeler aux gens que, quand même, bien que la colonisation
ait bafoué notre culture, nous avons eu une culture, nous avons eu
un background sur lequel nous pouvons nous appuyer pour
essayer de construire l'avenir.
— Mais dans votre film, vous rejetez le background...
Si vous prenez l'éducation des enfants à l'école coranique, évi-
demment on rejette le background. Mais dans ce cas précis, il
s'agit de définir la formation d'un homme nouveau. Or, dans le
cas de la formation dans les écoles coraniques, qu'est-ce qui se
passe? On forme les enfants, on leur dit: «Bon, vous allez appren-
dre le Coran, vous serez de très bons musulmans, tout ce que vous
n'avez pas pu avoir en ce monde, c'est que Dieu vous le garde
pour l'autre monde». A ce moment-là, ce n'est plus un problème
de background, c'est un problème de colonisation culturelle. Il ne
faut pas oublier que la religion musulmane au départ n'était pas
une religion africaine, c'est une forme de colonisation spirituelle
qui nous est venue par les pays arabes, comme la colonisation
politique, économique, nous est venue par la France. On peut
démontrer que la nouvelle forme de culture à partir de la religion
musulmane, est une forme d'aliénation: les gens qui sont censés
donner cette formation, les marabouts par exemple, sont les pre-
miers à disposer du bien-être social, à être la représentation directe
de la bourgeoisie. Le marabout de mon film, c'est vraiment le
représentant de cette nouvelle classe bourgeoise parce qu'au sens
étymologique du mot il n'y a pas de bourgeois au Sénégal; si on

145
veut faire la comparaison avec la France, l'Amérique, l'Allema-
gne, il n'y a pas de gros bourgeois comme Rothschild ou Rocke-
feller. Les bourgeois que nous avons chez nous, ce sont des petits
bourgeois qui détiennent le pouvoir à partir d'une autre classe, et
cette classe, elle n'est même pas nationale, mais elle est étrangère.
— Des commerçants?
Des commerçants, des marabouts, des petits fonctionnaires, des
petits bureaucrates. Il y a chez nous une bourgeoisie étatique. Et
c'est cette bourgeoisie étatique que l'on retrouve dans les mara-
bouts, dans les petits fonctionnaires et dans la petite bourgeoisie
qui est en train de s'installer, pour la seule bonne raison que cette
exploitation étatique s'appuie justement sur ces piliers-là: la reli-
gion musulmane est un des piliers les plus solides des Etats afri-
cains.
— Les marabouts, comme vous les montrez, sont des propriétai-
res fonciers.
Ah, oui! Propriétaires fonciers... Mais dans le cas des marabouts
respectés et appartenant à une dynastie respectée (car il y a plu-
sieurs dynasties au Sénégal), dans ce cas précis, le marabout est
propriétaire terrien, mais il n'a pas de métayers, parce que les
fidèles, ceux qui croient à la religion musulmane, à la doctrine
professée par le marabout, viennent cultiver, travaillent pour rien:
ils pensent que s'ils travaillent pour le marabout, le marabout peut
leur donner le paradis.
— Arrivez-vous à donner à vos films une bonne diffusion au
Sénégal?
Depuis un an, on arrive à le faire. Comme le gouvernement séné-
galais a créé les structures techniques de distribution, nos films
sont distribués. Tous les films sénégalais ont été distribués en
moins d'un an. C'est très important parce que depuis dix ans nous
faisons du cinéma au Sénégal et jamais nos films n'avaient été dis-
tribués correctement. Et là, ils ont été distribués correctement par
la Société d'importation et d'exportation cinématographique qui
existe depuis un an, la SIDEC. Le gouvernement, petit à petit, a
compris qu'il fallait prendre le cinéma en main. C'est une pre-
mière étape. Mais aussi, il y a une autre option politique de la part
du gouvernement qui, voyant l'importance que prenait le cinéma
dans son propre pays et à l'extérieur, s'est dit: «Nous lâchons ces
gens-là tout seuls. Ils risquent de nous apporter le contraire de ce
que nous espérons. Donc, il faut les contrôler».
146
— Ton film a été produit par la Société Nationale?
Je n'ai produit qu'un film avec la Société Nationale. De toute
façon, on ne peut pas encore porter un jugement sur cette société
puisqu'elle n'existe que depuis un an. Je pense qu'il faut attendre
encore deux, trois ans, cinq ans, pour voir vraiment s'il y a inten-
tion de mainmise; s'il y a une intention de donner à la production
sénégalaise, une orientation différente des premières productions
sénégalaises qui, quand même, à un certain moment, représen-
taient le cinéma sénégalais et surtout le besoin d'expression du
peuple sénégalais.
Propos recueillis par
Jean et Ginette DELMAS (Grenoble, juin 1975)

SAFI FAYE
A propos de Lettre paysanne
— Votre film est conçu comme une lettre, le considérez-vous
aussi comme un message?
Non, c'est un témoignage en forme de lettre. Je ne sais pas si on
peut parler d'engagement; des statisticiens ont prouvé que c'était
comme ça en faisant des études sur l'économie du Sénégal. Il y a
toujours ce problème de la monoculture dans tout le Sénégal,
puisque c'est une zone arachidiaire. Non seulement au Sénégal
mais aussi au Mali, en Côte d'Ivoire pour le café.
— Pouvez-vous préciser comment on en est venu à cette mono-
culture?
L'Afrique a subi l'esclavage, ensuite la colonisation, et après
quinze ans d'indépendance, on continue encore à pratiquer une
culture coloniale. L'arachide est arrivée au Sénégal au XVIIIe siè-
cle. Or, actuellement, l'arachide est concurrencée par le soja amé-
ricain et le colza russe. Le prix de l'arachide est dérisoire, et pour-
tant, pour entretenir les colonies ou le budget des grandes huileries
françaises, on continue à cultiver l'arachide. Il y a une coopéra-
tion entre la France et le Sénégal et les présidents se voient; mais je
pense que la France fait tout pour que les huileries de Bordeaux et
de Marseille fonctionnent.
— Dans le film, on évoque le temps où cette monoculture n'exis-
tait pas; y a-t-il maintenant un mouvement qui pousse dans le sens
de la diversification des cultures?
Autrefois, c'est-à-dire bien avant la colonisation, c'était le temps
où les récoltes annuelles suffisaient pour nourrir les paysans trois

147
cent soixante-cinq jours. Actuellement, l'argent les pousse à culti-
ver l'arachide parce qu'on leur a inculqué la valeur de l'argent.
S'ils ne cultivent pas l'arachide, ils ne peuvent avoir d'argent et
c'est ça le drame: avant ils pensaient à se nourrir et à vivre; main-
tenant ils pensent à se procurer de l'argent.

— Pendant le film, on assiste à un troc entre une femme et un épi-


cier.
Oui, quand ils n'ont pas d'argent pour se nourrir et avoir les pro-
duits les plus élémentaires, ils vont faire du troc à la boutique,
l'unique boutique du village. Mais c'est toujours en leur défaveur:
les commerçants exploitent aussi les paysans, puisqu'ils ne leur
achètent pas leur produit au cours normal. Ils savent qu'ils ont
besoin d'un produit, mais ils l'échangent en leur défaveur.

— Il y a aussi le problème des ristournes, comment est-il reçu?


Normalement, c'est bien organisé. C'est une idée européenne. Les
paysans doivent vendre leur arachide à la coopérative. Ils sont for-
cés; ou bien s'ils le vendent en Gambie (l'Etat enclavé dans le
Sénégal) et qu'ils se font prendre, ils vont en prison. L'Etat donc,
achète l'arachide, mais au moment d'acheter l'arachide, on donne
aux paysans un ticket qu'on ne leur paie pas aussitôt. Ce ticket
sera peut-être payé dans cinq ou six mois. Mais entretemps, les
paysans meurent de faim ou bien ont des cérémonies importantes
à respecter; alors, ils vendent leurs tickets à des prix dérisoires aux
commerçants ou à ceux qui ont de l'argent. Et en monnayant ces
tickets, les gens feront des bénéfices. Les ristournes correspondent
à une différence du prix de l'arachide au moment où l'Etat achète
l'arachide et au moment où il la revend. Cette augmentation, il
faudrait la rembourser aux paysans. C'est cet argent prévu par les
paysans pour rembourser leurs dettes qui est saisi par l'Etat.

— Vous montrez l'existence d'une nouvelle bourgeoisie afri-


caine?
Je pense que c'est une nouvelle forme de bourgeoisie, il s'agit
d'une bourgeoisie urbaine. J'ai essayé, mais maladroitement, de
ridiculiser cette bourgeoisie. Car, en fait, elle est issue de la pay-
sannerie: parce qu'ils sont restés dix ou quinze ans en ville, ces
gens se prennent pour des bourgeois; pour moi, ce ne sont pas des
bourgeois, ils singent les bourgeois mais ils ont plein de dettes. Il y
a des arrivistes africains. Il y a aussi des gens qui gagnent honnête-
ment leur vie et qui sont très discrets.

148
— Quelle est l'origine du film et qu'est-ce qui vous a poussée à le
faire?
D'abord, je fais de l'ethnologie. J'essaie de mieux connaître mon
pays. D'après les enquêtes et les travaux que je faisais, je me suis
rendu compte que je ne le connaissais pas assez. C'est lors d'une
enquête que j'en suis venue à faire un film; mais auparavant
j'avais déjà fait un court métrage puisque j'avait suivi des cours
de cinéma en 1972 à la rue de Vaugirard.
— Etiez-vous assistée pour le tournage?
Nous étions trois à filmer: un caméraman, un preneur de son et
moi. L'équipe était donc très réduite parce que nous n'avions pas
les moyens de faire autrement; pratiquement tous les plans n'ont
été tournés qu'une fois. Il n'y a pas d'acteurs, ce sont des paysans
parce que je pense que ce sont les plus aptes à parler de leurs pro-
pres problèmes. Je ne veux pas d'acteurs, l'étiquette d'acteur ne
me plaît pas.
— Avez-vous dirigé les paysans?
Ils ont été libres de faire ce qu'ils voulaient; ce qui a été dirigé ce
sont les paroles. Il fallait répéter pour que chacun sache ce qu'il
devait dire et quand il fallait le dire. Mais ça n'était pas pour moi
quelque chose que je leur imposais; c'est pendant une enquête que
le propos revenait constamment sur le problème de l'arachide.
J'appelais cela mon moment de détente où chacun pouvait libre-
ment parler de ses problèmes préoccupants. C'est après mon
enquête et en ayant ré-écouté ce qu'ils m'avaient dit que j'ai pensé
qu'il était possible de faire un film qui montrera que le fait d'aller
à l'école n'est pas important pour pouvoir parler de ses propres
problèmes.
— En tant que femme, avez-vous eu des difficultés pour tourner
le film?
Je pense que les problèmes sont toujours les mêmes, aussi bien
pour un Africain que pour une Africaine. Je n'ai pas eu de mal à
tourner ce film, puisque je savais ce que je faisais; ce n'était pas
moi seulement qui faisais le film, mais les paysans eux-mêmes qui
l'ont réalisé, nous avons élaboré le film ensemble. Je pense que le
problème actuel pour tous les cinéastes africains, c'est le finance-
ment. Si nous avions les moyens financiers, nous ferions des films
qui montrent l'Afrique telle qu'elle est.
— Avez-vous montré le film aux paysans?
Non, je n'ai pas montré le film aux paysans, parce que la censure

149
est très dure en Afrique; la censure pour n'importe quoi. Je pense
que mon Président, en voyant le film, ne le censurera peut-être
pas; mais ce sont ses subordonnés qui, pour le moindre mot, cen-
surent: c'est à cause d'eux que je ne veux pas que mon film sorte
là-bas avant que j'aie eu un entretien avec le Président, car le Pré-
sident est encore plus paysan que moi. Mais ce sont ces gens-là qui
exploitent les paysans parce qu'ils sont cravatés ou parce qu'ils
ont un salaire. Ces arrivistes, ces «lèche-cul», qui censureraient
mon film sans rien y comprendre et sans rien y connaître. Alors je
pense que dans ces cas-là, la meilleure façon c'est de viser très
haut et voir les supérieurs. Il sortira, je pense qu'il sortira; je le
souhaite puisque je l'ai fait pour eux.

— Pensez-vous qu'il sera bien reçu?


Je n'en sais rien; comme ça fait partie de leurs moeurs, de leurs
habitudes, ils ne verront rien d'extraordinaire. Mais il y a une
masse en Afrique qui est tellement élémentaire que c'est vraiment
dramatique: ils ne verront pas le fond du film, ils n'en discuteront
pas. En Afrique, on aime bien les films de Western; c'est aussi une
déformation coloniale, on nous a déformés par des films. Je pense
qu'il sera reçu comme les films africains. Mais, est-ce que les gens
vont saisir le fond du problème? Selon moi, le film touche aussi
bien les dirigeants que la masse qui vient de là-bas, de la terre; il
devrait les pousser à retourner travailler la terre, puisqu'il y a une
certaine prise de conscience de son importance dans l'économie du
pays. C'est ce côté qui m'importait. Que les gens qui sont à la
terre soient encouragés; qu'on sache que la terre a une certaine
valeur, qu'il faut essayer de sauvegarder tant que l'on n'est pas
industrialisé, tant que l'on ne dispose pas de ressources minières.
Il faut penser à la terre parce qu'elle rapporte. L'avenir de l'Afri-
que, c'est la terre. Ce n'est pas possible de s'en sortir, sans rema-
nier l'agriculture. Je sais qu'actuellement il y a beaucoup de pro-
jets dans l'agriculture. C'est déjà un bon point. Le bon point,
c'est aussi la prise de conscience des paysans et de la classe diri-
geante, et à ce moment, je pense qu'aussi bien les dirigeants que
les paysans peuvent travailler ensemble. Je voudrais ajouter pour
finir, que ce film, je ne l'ai pas fait toute seule, mais avec les villa-
geois à qui je ne veux pas donner l'étiquette d'acteurs.

Propos recueillis par


Henry WELSH, novembre 1976

150
MOUSSA BATHILY
A propos de Tiyabu-Biru
J'ai voulu régler mes comptes avec mon enfance en entreprenant
ce film. Je me souviens qu'en fait j'ai vu, au petit matin, un
groupe d'adolescents sortir furtivement du village. Puis, j'ai
entendu de mon lit où je m'étais réfugié des salves saluer l'entrée
de ces adolescents dans la «case des hommes». J'ai voulu en
savoir davantage mais la censure impitoyable des adultes faisait
obstruction à toutes mes tentatives.
— Tu sauras quand tu seras en âge, concluait sentencieusement
ma grand-mère.
Je n'ai jamais su. Quelques années plus tard, je quittais mon vil-
lage pour la grande ville. En âge d'être circoncis, j'ai été conduit
au dispensaire. Anesthésie locale, quelques points de suture:
l'affaire était réglée.
De sorte que je suis toujours resté sur ma faim. Je n'ai jamais su
comment les choses se passaient vraiment. Aussi bien, je ne mon-
tre pas la cérémonie. Ce qui m'intéresse dans ce film, c'est la rela-
tion des gosses avec le monde des adultes. J'ai aussi tenté de mon-
trer l'éclatement des structures traditionnelles africaines et l'intro-
duction de mon village, non sans mal, dans l'époque dite
«moderne».
Tiyabu-Biru m'a exorcisé. Je vais enfin pouvoir passer à autre
chose. Mon prochain film sera un film de fiction pure, dans
l'Afrique d'aujourd'hui.
Juillet 1978

SEMBENE OUSMANE
Retrouver l'identité africaine
Jadis, la colonisation, c'était l'occupation des terres, et aussi un
certain désir de nous faire ressembler à des Européens. Actuelle-
ment, avec l'avènement des grands moyens de communication de
masse, l'impérialisme culturel vise à occuper nos cerveaux. Déjà,
la plupart de nos dirigeants politiques ont la tête farcie de référen-
ces et de critères européens; ils se sont éloignés de leur peuple, de
l'Afrique. Et ils ont peur de la culture africaine. Cette culture qui,
pourtant, n'a jamais été oppressive puisque l'homme avait tou-
jours droit à la parole et que la collectivité était souveraine; cette

151
culture rendait solidaires les hommes. Aujourd'hui, nos traditions
volent en éclats et il est très difficile, plus difficile que jamais
d'être Africain.
Nous sommes indépendants depuis vingt ans et le bilan de ces
vingt ans est assez lamentable sans qu'on puisse, éternellement,
accuser l'Occident de tous nos maux; dans la plupart des pays
francophones d'Afrique, que les civils ou les militaires soient au
pouvoir, tous les dirigeants ont été au-dessous des espoirs des
masses. Liés à l'Europe, perméables aux idées occidentales, inca-
pables de mobiliser leur peuple, ces hommes politiques n'ont pas
eu le courage de faire confiance aux masses; en retour, celles-ci les
méprisent sans exception et considèrent tous les dirigeants afri-
cains comme des voleurs, ce qui est une grande preuve de sagesse.
Nous connaissons aujourd'hui une situation semblable à ce que
devait être l'Amérique latine il y a un siècle.
Notre histoire, on ne nous l'a jamais enseignée à l'école, nous la
connaissons seulement par ouï-dire, par les légendes, par les con-
teurs et elle nous est très nécessaire pour pouvoir nous ressourcer.
De là, mon intérêt actuel, dans mes films Emitai, Ceddo, pour
notre histoire, pour nos traditions, car sur le plan culturel, l'Afri-
que est aujourd'hui écartelée, la culture traditionnelle s'effrite,
s'émiette sous les coups du modernisme et du progrès; et nous ne
savons que faire devant cette agression culturelle. Nous consta-
tons que les valeurs traditionnelles africaines n'aident pas notre
jeunesse à résister à l'invasion des modèles venus d'Occident et
nous comprenons leur désarroi.
Nos films doivent rendre compte de cette situation; il y va de notre
identité que nous devons retrouver à tout prix sous peine de ne
plus savoir qui nous sommes. Malheureusement, les conditions ne
permettent guère aux cinéastes d'entreprendre ce nécessaire travail
de remémorisation culturelle; tous pratiquent déjà une prudente
autocensure, mais comme ils parlent, malgré tout, de douloureu-
ses réalités africaines (corruption, népotisme, abus de l'oligarchie,
etc.), leurs films ne sont pas appréciés des autorités. Le pouvoir en
Afrique, il faut le savoir, n'aime pas les cinéastes; toutes ses inter-
ventions visent toujours (au mieux) à «fonctionnariser» les réali-
sateurs, à les mettre à son service. D'où le danger des organismes
inter-étatiques dans lesquels les gouvernements auront un droit de
regard sur ce qui se filme. Cela risque d'entraîner, dans les années
à venir, un développement du pire cinéma commercial dans le
style des mélodrames égyptiens ou hindous; cela se sent venir.
152
Déjà, beaucoup de cinéastes se résignent, pour pouvoir travailler,
à faire des films à la gloire des chefs d'Etat et ceux-ci mettent tran-
quillement le cinéma à leur service comme ils l'ont fait déjà avec la
radio ou la télévision.
Aujourd'hui, en Afrique, tout est à vendre, et notamment les
Africains eux-mêmes; mais un artiste doit refuser de se vendre, il
doit prouver que son rôle est important parce qu'il donne à réflé-
chir au moyen de films-livres, de films-écoles où se posent les pro-
blèmes fondamentaux de nos origines historiques, de notre déchi-
rure culturelle et de nos angoisses politiques.
Propos recueillis par
Ignacio RAMONET, mars 1979

CHEIKH NGAIDO BAH


Sur le «nouveau cinéma africain»
— L'année 1983 consacre-t-elle le tournant du professionna-
lisme?
Je ne sais pas. Je pense qu'il y a des choses qui sont révolues. Le
cinéma est une industrie et il nous faut absolument nous y expri-
mer. Cela remet en cause la conception du cinéma que l'on quali-
fie d'africain et qui existe encore. Le cinéma est une science et il
faut que nous apportions quelque chose au cinéma mondial. Pour
nous, une page est tournée.
Il y a eu des générations de cinéastes africains qui devraient prou-
ver aux Européens que les Africains pouvaient faire du cinéma.
Cela a été prouvé. La nouvelle génération doit avoir une autre
approche en partant de ce que nous sommes, de nos lumières, de
notre gestuelle, de nos regards.
— Etes-vous l'aile gauche du «cinéma africain»?
Je ne sais pas. Je ne conçois pas la vie en termes d'idéologie de
droite, gauche, centre... Ce point de vue est un point de vue extra-
africain. Je ne me sens pas concerné par ceux qui m'appréhendent
selon ces termes de référence.
Pour moi, un africain de gauche ne veut rien dire. Mais si innover,
vouloir bousculer les anciennes habitudes, est un fait de gauche, je
suis de gauche. Un point, c'est tout.
— Que voulez-vous bousculer exactement?
La platitude dans la lumière! Je trouve cela inimaginable. Finye
en est un exemple. Le personnage sort de chez lui à 8 h et c'est la

153
même lumière qui le suit jusqu'à midi. Il n'y a aujourd'hui aucun
film africain qui traduit la nuit africaine sans le filtre qui donne la
nuit américaine. Les Américains ont trouvé l'expression de leur
nuit, trouvons la nôtre. Réfléchissez-y.
— Concernant la thématique, quelle est la différence fondamen-
tale entre la génération que vous représentez et l'autre?
La génération n'est pas une question d'âge. Un vieux de soixante-
dix ans peut remettre en cause tout un passé et se repencher autre-
ment sur la thématique. Aujourd'hui la thématique consiste à fil-
mer la corruption, la lutte des classes, l'opposition
tradition/modernité... On filme ici une villa, là une baraque où les
gens vivent dans la misère.
Moi, je dis qu'à l'intérieur des villas, les gens sont aussi dans la
misère, même si les misères diffèrent. Le cinéma doit le montrer.
Donc, il faut quitter le côté superficiel.
Nous avons des préoccupations fondamentales. Nous n'avons pas
à expliquer l'Afrique à travers nos films. Il y a d'autres dimen-
sions que la caméra doit explorer. Si nos films sont très souvent
boudés en Afrique par les Africains, c'est parce que nous leur
montrons ce qu'ils vivent tous les jours.
Il y a des choses qui me choquent dans certains films. Je pense à
Finye et à Wend Kuuni... A quoi sert-il de montrer une cour sans
objet? Les cours africaines sont remplies d'objets. Pour moi, la
mise en scène n'est jamais la mise de la scène.
Voyez-vous, dans le cinéma africain, soit on parle beaucoup, soit
on ne parle pas assez. Or l'oralité est une dimension importante
du cinéma.
J'ai été heureux de lire hier, ce titre: «Il n'y a pas de cinéma afri-
cain». Il y a trois ans, on ne nous permettait pas de dire cela.
Pourtant c'est le langage de la vérité.
— La thématique des films africains reflète-t-elle les préoccupa-
tions du public?
Non. Quand on vous montre ce que vous voyez tous les jours, on
n'a pas besoin de s'enfermer ensuite dans une salle obscure pour le
revoir. C'est du vomi et on n'a pas le droit de vomir comme cela
sur sa société sans l'analyser au préalable, surtout quand on est un
intellectuel conscient de son rôle, tant au niveau de l'art qu'à celui
de son peuple.
Dans le monde, les cinémas qui ont été novateurs ont été des ciné-
mas réfléchis. C'est pourquoi le cinéma doit être une matière à

154
réflexion perpétuelle. J'ai parlé plus haut de la platitude de la
lumière. Moi aussi, j'en ai été victime à mes débuts. Mais en réflé-
chissant avec des amis, je me suis aperçu qu'il faut concevoir
autrement. Car, si nous répétons la même chose que les autres (et
souvent moins bien qu'eux) nous n'aurons pas de place au
cinéma... mondial.
Propos recueillis par
Patrick ILBOUDO et Jacob OLIVIER
février 1983

155
v.

REPERES BIBLIOGRAPHIQUES
(par ordre chronologique)

réunis par Victor BACHY

Cette bibliographie ne contient pas de références sur les problèmes généraux du


cinéma africain. Une publication spéciale lui sera consacrée. Elle ne se rapporte
donc qu'au cinéma au Sénégal. Malgré ses 200 titres, elle est lacunaire et nous
serons reconnaissants à ceux qui voudront bien nous aider à la compléter.
VIEYRA Paulin Suggestions pour le développement du cinéma en
A.O.F., in «Rencontres internationales: Le cinéma et
l'Afrique au Sud du Sahara», Bruxelles, 1958, pp. 95-
97.
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TREMOIS CL-M. Yves Ciampi tourne au Sénégal Liberté 1, in «Télé-
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Anonyme Liberté 1, film raconté en feuilleton in «Télérama», 645
à 650, 1962.
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BILLARD Pierre Telle qu'elle devrait être, in «Cinéma 62», 69, sept.,
pp. 12-13.
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TOUSSAINT Yvon Le baobab sacré, in «Le Soir».
SEMBENE Ousmane Cinema and Poetry in Africa (dactyl.). Rencontre inter-
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SENGHOR Blaise Aspect d'un cinéma culturel africain (dactyl.), Paris,
déc. 1964, 3 p.
SENGHOR Blaise Le cinéma africain et ses problèmes (ronéotypé). Collo-
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SAM Ababacar Réflexions sur le cinéma africain. Colloque de Vienne,


juillet 1966 (ronéotypé), 5 p.
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Paulin Soumanou service de l'Afrique (ronéotypé). Colloque de Vienne,
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— Cheick N'GAYDO BA, Discours de clôture.
HAFFNER Pierre Sénégal, in «Le Tiers Monde en film», n° spécial de
«Tricontinental/CinémAction», janvier 1982, pp. 157-
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PHILIPPON Alain Jom, in «Cahiers du Cinéma», 338, juillet-août 1982,


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ILBOUDO Patrick et L'autre regard du cinéma. Entretien avec Cheick
OLIVIER Jacob Ngaïdo BAH, in «L'Observateur» (Ouagadougou),
2525, 9 fév. 1983.
BATHILY Moussa La production du film de qualité en Afrique
Yoro (ronéotypé). Séminaire de Ouagadougou, fév. 1983,
17 P.
VIEYRA Le rôle du critique et de l'historien africains dans le pro-
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VIEUX Savane La femme dans l'univers romanesque de Sembene
Ousmane, in «Tribune Africaine», 1, 1" trim. 1983, pp.
46-50.

170
TABLE DES MATIERES

Avant-propos 7
Introduction: les pays et les hommes 9
Situation géographique 10
Démographie 12
Histoire 14
I. Les structures 17
Retour en arrière 18
A l'époque coloniale
Premier pas: les actualités
La diffusion 22
La distribution commerciale
La citadelle des monopoles
Une lente évolution
Les films africains
La SIDEC
La diffusion non-commerciale
L'exploitation 33
Le cinéma commercial
Les séances culturelles
La production 37
Les producteurs privés
Interventions officielles
Le Service Cinéma
La Coopération française
La Société Nationale de Cinéma
Le Bureau du Cinéma
Les Fonds d'aide
II. Les films sénégalais 51
1950-1960: La préhistoire 52
1960-1966: Les essais 55
Premiers pas
Encore les Français
Le vrai départ
1966-1973: SEMBENE, TRAORE et les autres 68
1974-1976: La SNC 86
1976-1982: Le retour au mégotage 94
III. Génériques 105
IV. Les réalisateurs sénégalais 125
V. Propos de cinéastes 139
IV. Repères bibliographiques 157
Achevé d'imprimer sur les presses de
l'Imprimerie Meddens/Gutenberg
Avenue de Scheut 141-143 — 1070 Bruxelles — Belgique

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