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MINI-MEMOIRE

CHEIKH YACOUBA SYLLA

Son origine
Avec ses modiques sommes, il achète une portion de terre et crée
une vaste plantation de bananes. Au moment de la deuxième guerre
mondiale, il vend ces bananes sur le marché européen. Ce commerce
lui vaut une certaine réputation auprès des explorateurs coloniaux qui
cachent pas leur étonnement de voir un Africain réaliser une telle
entreprise. Après, il s’intéresse à la culture de café et cacao.

Le transport

La culture

LE PATRIARCHE CHEICK
YACOUBA SYLLA : QUI ÉTAIT
CE GRAND BIENFAITEUR DES
POPULATIONS DU GOH ?
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Sa personnalité
Les Gagnoalais étaient transportés à 400 francs d'Abidjan à Gagnoa.
Mieux, il a doté la ville d'une grande salle de cinéma, comme c'était le
cas dans bien d'autres villes de Côte d'Ivoire pour le bonheur des
populations.
Rappelé à Dieu, il ya de cela des années, il a laissé des fils, filles et
petits-fils aimables qui continuent d'écrire d'autres pages de l'histoire
de la famille Yacouba Sylla. Une famille noble que la Région du Goh
n'oubliera de sitôt.

YACOUBA SYLLA, LE SOUFI ÉCLAIRÉ QUI


CONSTRUISAIT DES SALLES OBSCURES
Au milieu du XXe siècle, le guide religieux a participé à l’essor du
septième art en Côte d’Ivoire en édifiant des cinémas dans plusieurs
villes du pays.

2
D
evant un cinéma à Abidjan, en Côte d’Ivoire, en 2004.
Pourtant, alors que les autres cinémas ont fermé les uns après les
autres et ont été convertis en entrepôts ou lieux de culte, les
yacoubistes ont soigneusement conservé et entretenu leurs salles,
patrimoine immobilier communautaire. Que révèlent ces bâtiments,
témoins d’un passé révolu, marques d’un succès économique et
enjeux mémoriels contemporains ? Ecrire une telle histoire n’est pas
aisé, car il faut jongler entre la version officielle d’une communauté
jalouse de son histoire et de ses documents, mais prompte à évoquer
ce passé, et des sources partielles émanant des archives conservées à
Dakar, Aix-en-Provence et Abidjan. Exceptionnels sont les
entrepreneurs africains qui investirent dans le cinéma, mode de
divertissement arrivé dans les valises du colonisateur. Yacouba Sylla
fait donc figure d’exception.

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RECHERCHE DE RENTABILITÉ
Construits au fil des années, les sept cinémas viennent parachever
l’œuvre de Yacouba Sylla. Au-delà du discours officiel présentant le
geste cinématographique comme un acte altruiste destiné à « égayer la
population » et diffuser des connaissances, les cinémas sont une pierre
supplémentaire apportée à un édifice économique déjà solide, dans
une perspective de rentabilité.
Autrefois surveillé, Yacouba Sylla noue des relations apaisées avec
l’administration dans les années 1940. En créant des cinémas, il
participe à l’essor de ce nouveau loisir, dont il perçoit rapidement
l’intérêt. Alors que la Côte d’Ivoire ne dispose que d’une dizaine
d’écrans au début des années 1950, il y en a 24 en 1955 et plus de 30
en 1960. Attirer un public sevré de cinéma, entre aperçu lors du
passage, fort rare, d’un entrepreneur ambulant, et pourvoir en images
des spectateurs fascinés à l’avance par cette forme de modernité
renforce sa visibilité. Les retombées pour la communauté ne sont en
effet pas uniquement financières, mais également en termes de
représentation et de prestige.

De Yacouba Sylla, l’histoire retient la figure du guide religieux,


fondateur dans les années 1930 d’une communauté soufie inspirée du
hamallisme, et de l’entrepreneur dynamique. Né à Nioro du Sahel
(actuel Mali), exilé en 1930 à Sassandra (Côte d’Ivoire) par les
autorités coloniales françaises, il décide de s’installer à Gagnoa, dans
l’ouest de la Côte d’Ivoire, après sa libération en 1938. Il y développe
des plantations de cacao et de café, organise le transport des produits
par camion et… fonde une chaîne de cinémas dans les principaux
centres d’implantation de sa communauté. Ce pan de l’activité
économique de Yacouba Sylla, présent dans la mémoire collective
d’anciens cinéphiles, n’est toutefois évoqué qu’en passant dans les
études universitaires et les écrits hagiographiques.
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Les salles sont localisées dans les lieux majeurs ou signifiants de la
communauté, à l’exception de la capitale, déjà équipée. Préséance
oblige, le premier fut édifié à Gagnoa même, au début des années
1950, en contrebas de la vaste résidence du fondateur, à
Dioulabougou, le quartier des étrangers. Le dernier, en 1965, est situé
loin de la zone d’expansion yacoubiste mais dans la ville d’Adzopé,
où fut assigné à résidence le maître spirituel de Yacouba Sylla,
Cheikh Hamallah. Sa construction consacre le versant symbolique du
cycle des cinémas, dont une des fonctions est de marquer l’espace de
l’empreinte de la communauté, étrangère au milieu ambiant, et de la
rendre ainsi visible à tous.
S’y ajoutent les cinémas de Sinfra, Divo et Oumé (attestés en 1954),
Soubré et finalement Daloa en 1957, dans un rayon de 50 à 150 km
autour de la ville-mère. L’édification d’un cinéma en dur était souvent
précédée par l’organisation de projections ambulantes, maintenues par
la suite dans les villages alentour.
Les vastes bâtiments, pouvant accueillir de 800 à 1 200 personnes et
conçus pour durer, supposent un investissement initial conséquent,
que cela soit en capitaux ou en travail par les membres de la
communauté. Ceux-ci disposent de compétences techniques variées,
aussi bien dans la menuiserie que la maçonnerie, l’électricité ou la
ferronnerie. Ainsi, Oumar Traoré, un membre de la communauté,
effectua toutes les installations électriques à partir de 1953, ce qui lui
valut son surnom d’« Oumar courant ». À Adzopé, le premier gérant,
Fodé Abdoulaye Sylla, fabriqua lui-même les sièges métalliques de la
deuxième catégorie tandis que ceux de la première, en velours rouge,
furent importés, sous-produits de la rénovation des salles en
métropole.
Les yacoubistes assuraient le fonctionnement des cinémas au
quotidien : projection et entretien des machines, vente des tickets,
surveillance des entrées, nettoyage… La circulation des films entre les

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diverses salles, ainsi que la gestion comptable, étaient centralisées à
Gagnoa. La publicité était assurée également en interne. Tout le
monde se souvient d’un aîné qui faisait le tour de Gagnoa en vélo,
affiche au dos, chantant à tue-tête Marinella (1936), refrain célèbre
entonné par Tino Rossi. Au fil des années, les bâtiments sont
améliorés pour s’adapter aux demandes du public et aux nouvelles
techniques, comme la construction d’un petit espace VIP en balcon,
climatisé, aux places limitées, fréquenté par les Européens, les
Libanais et quelques Africains aisés.

LIEU DE BRASSAGE SOCIAL


Par son initiative, Yacouba Sylla rend accessible les films à un large
public dans de petites villes délaissées par les circuits des deux grands
distributeurs français qui se partageaient l’Afrique occidentale
française, la Secma et la Comacico. Seul le passage de rares
ambulants ouvrait auparavant cette porte d’entrée sur d’autres
mondes. Une anecdote voudrait d’ailleurs que Yacouba Sylla ait eu
l’idée de s’ouvrir à l’activité cinématographique après le passage en
1946 de Raymond Borremans, entrepreneur ambulant actif de 1937 à
1974, installé dans la cour de la résidence des Sylla.

L’administration salue d’ailleurs cette initiative bienvenue dans une


zone de plantations à la main-d’œuvre abondante, essentiellement
masculine. Par la politique des prix et l’existence de catégories de
places, les cinémas de Yacouba Sylla constituaient un lieu de brassage
social réunissant des spectateurs de confessions, origines, cultures ou
statuts sociaux différents, du villageois à l’expatrié, du fonctionnaire
au jeune désœuvré ou à l’adolescent démuni. Des entrées et des issues
de secours séparées assuraient la circulation de cette clientèle

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diversifiée, ne se mêlant guère, mais dont les regards convergeaient
vers les mêmes images, inspiration d’une culture commune.

La dimension religieuse de Yacouba Sylla n’influençait pas la


programmation, similaire à celle des salles de Bouaké, Abidjan ou
Grand Bassam. Yacouba Sylla dépendait en effet du catalogue de la
Comacico, dans lequel il puisait ses films. Sa tentative de
s’approvisionner directement tourna court, car elle était complexe et
coûteuse à mettre en place. Les bobines de films, récupérées
directement à Abidjan par des membres de la communauté, circulaient
entre les divers cinémas, favorisant la rentabilité de la location. Le
même film était projeté le même soir dans deux cinémas grâce au
système dit du tandem. Celui-ci consistait à acheminer les bobines
entre deux salles proches, par exemple entre Gagnoa et Oumé, soit
près de 70 km. Un véhicule était prêt à s’élancer dès que les premières
bobines étaient projetées dans la salle-mère.i
Yacouba Sylla cherchait à satisfaire ses clients, informés par d’autres
canaux des films en vogue. Il projetait donc comédies et films
d’action (policiers, westerns, films de gangsters), complétés par des
films indiens, comme Albela (1951) ou Mangala, fille des Indes
(1952), appréciés de tous mais prisés notamment par les femmes, et
quelques films égyptiens. Le public trouvait plaisir aux chants et
danses de ces films non occidentaux et pouvait s’identifier plus
facilement aux cultures mises en scène. À partir des années 1960, les
films de karaté-kung-fu viennent satisfaire le besoin d’action des
jeunes hommes. Les films africains, y compris ivoiriens, sont
rarement mentionnés dans les entretiens, du fait des difficultés de
distribution.

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Les images, vectrices d’idées et de comportements venant de mondes
lointains, au potentiel subversif, rattachaient les habitants de cette
région de la Côte d’Ivoire à un patrimoine international fait de Tarzan,
Charlot, Mangala, cow-boys, Bruce Lee et autres héros. Elles
alimentaient les imaginaires et fournissaient des éléments identitaires,
en particulier pour les jeunes hommes nourris de policiers et de
westerns.

CONCURRENCE DE LA TÉLÉVISION
Les cinémas yacoubistes furent les derniers à fermer, à la fin des
années 1990, dans un contexte de rentabilité déclinante, voire parfois
nulle. Comme ailleurs sur le continent, le cinéma ne put résister à la
concurrence de la télévision et des vidéos, mais aussi à la montée de
l’insécurité et des conflits politiques compromettant toute vie
nocturne. Entre-temps, tout au long de quatre à cinq décennies, ils
avaient permis l’accès à un loisir apprécié et l’édification d’une
culture cinématographique.
Restent les bâtiments, loués comme entrepôts (à Daloa) ou entretenus
en attendant de leur trouver un nouvel emploi, éventuellement sous la
forme d’une renaissance comme espaces de diffusion d’images.
Eléments valorisés d’un patrimoine familial, ils sont également le
support d’une mythologie communautaire, amplifiant le rôle altruiste
et modernisateur du fondateur et faisant passer au second plan le
soutien au premier président de la Côte d’Ivoire en ces temps de
recomposition politique.

Actuellement, alors que de rares cinémas fonctionnent dans des


centres commerciaux ou hôtels de la capitale, visant une clientèle
aisée, jamais la circulation des films n’a été aussi intense et immédiate
sur d’autres supports que l’écran de cinéma. Mais le partage collectif
8
et l’émotion face à l’écran que créaient les vastes cinémas ont disparu
et se sont déplacés vers d’autres lieux, stades de foot ou salles de
concert notamment. La mémoire de ces lieux dépasse toutefois les
yacoubistes et concerne les aficionados du septième art, d’après
lesquels Yacouba Sylla aurait ouvert des salles « dans toutes les
petites villes de Côte d’Ivoire ». Ce nom est en effet associé à un pan
de l’histoire nationale du cinéma.

YACOUBA SYLLA EN DATES


-Vers 1906 Naissance au Soudan (actuel Mali) dans une famille
soninké.
-Années 1920 Devient disciple de Cheikh Hamallah.
-1930 Déportation à Sassandra, en Côte d’Ivoire, où il développe des
activités économiques et fonde sa propre zawiya.
-1938 Libération et installation à Gagnoa l’année suivante.
-Années 1940 Essor de la communauté yacoubiste. -Diversification
des activités économiques (plantations, transport).
-1946 Contact avec et soutien à Félix Houphouët-Boigny.
-1950-1951 Construction du premier cinéma à Gagnoa.
-1965 Construction du septième et dernier cinéma à Adzopé.
-15 août 1988 Mort à Gagnoa.
-Fin des années 1990-2002 Fermeture des cinémas.

YACOUBITE, adj. Spéc. (religion). Lié à la communauté religieuse


musulmane fondée par Yacouba Sylla, (exilé en 1930 à Sassandra en
CI). On ne peut séjourner longtemps à Gagnoa et ignorer l'existence

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de la nombreuse communauté yacoubite qui s'y est installée pendant
les années quarante sous la conduite de son fondateur, le patriarche
Yacouba Sylla, haute figure de l'Islam africain et de l'histoire
ivoirienne. Krol, 1994 : 146. Nous avons [.] des conférences sur des
thèmes d'actualité comme, par exemple, la jeunesse yacoubite face au
multipartisme. Krol, 1994 : 148.

LE PATRIARCHE NÉ VERS 1906 À NIORO DU SAHEL


(ACTUEL MALI) EST DÉCÉDÉ À GAGNOA, LE 15 AOÛT
1988.

10
Cheick Yacouba Sylla était un grand guide réligieux qui a imposé
le yacoubisme en Côte d'Ivoire

Né à Nioro du Sahel (actuel Mali) vers 1906, il est condamné par


l’administration coloniale et exilé à Sassandra, en Côte d’Ivoire, où il
purgea, de 1930 à 1938, une peine de prison et de travaux d’utilité
publique. Durant son voyage vers Sassandra, la troupe marqua une
brève escale à Gagnoa, en 1930, et le patriarche prit l’engagement de
revenir bâtir sa vie et celle de sa communauté, aujourd’hui fortement
implantée dans ladite ville.

Après donc sa libération en 1938, Il y développe des plantations de


cacao et de café, organise le transport des produits par camion, ouvre
des commerces et fonde une chaîne de cinémas dans les principaux
11
centres d’implantation de sa communauté. Pour perpétuer sa mémoire
et ses œuvres, son petit fils et homonyme Yacouba Sylla, écrivain,
poète, auteur de l’œuvre ‘’Les Filles de Gagnoa’’ et président de
l’Ong ‘’Lire et Savoir au Tunnel de la Fraternité (Lisaf), a produit un
film documentaire intitulé ‘’ Yacouba Sylla, Gagnoa et la Côte
d’Ivoire (Tome 1)’’. Véritable incursion dans la vie de celui qu’on
appelle affectueusement le ‘’Sage de Gagnoa’’.

Yacouba Sylla en coiffe et manteau et l’ancien gouverneur


colonial Guy Nairay

12
Le tome 1 du documentaire a eu le mérite d’exhumer l’histoire d’une
communauté (les Yacoubistes) désormais appartenant au patrimoine
ivoirien.

« Il s’agissait pour nous de montrer qui est le personnage mythique


qu’on appelle le patriarche Yacouba Sylla, son origine, la raison de sa
détention par l’administration coloniale et son exil à Sassandra, celle
également de son installation à Gagnoa et nulle part ailleurs », a
expliqué le 4 janvier à notre rédaction, le producteur du documentaire
qui, dans sa démarche, n’a pas manqué d’exprimé la foi yacoubiste, la
pensée spirituelle du patriarche.

Le documentaire ressort également son amitié avec Félix Houphouët-


Boigny et le soutien logistique qu’il lui a apporté pour la mise en
place du Rassemblement démocratique Africain (Rda). Sans oublier
son statut de grand opérateur économique et sa contribution pour le
développement culturel par la construction des salles de cinéma dans
7 villes de la Côte d’Ivoire. « Nous nous réjouissons de l’accueil
favorable que le monde de la culture et des Lettres à réservé au
documentaire. C’est pourquoi je voudrais ici dire un grand merci à
tous nos partenaires qui nous accompagnent dans ce projet. Nous
sommes à pied d’œuvre pour boucler le Tome 2 du documentaire qui
sera accompagné par un livre intitulé ‘’Yacouba Sylla, acteur de
développement’’ et une exposition photographique itinérante portant
sur le thème ‘’Houphouët-Boigny et Yacouba Sylla’’, une amitié au
service de l’homme, du développement et de la promotion de la paix»,
a conclu le petit fils du Patriarche de Gagnoa.

13
Gagnoa- Une importante délégation, mandatée par le président
Alassane Ouattara, est venue, mardi à Gagnoa, pour présenter ses
condoléances et rendre un hommage à la défunte Cissé Karidjatou,
veuve du patriarche feu Cheick Yacouba Sylla, fondateur et guide de
la communauté Tidjani, décédée le lundi 19 novembre, à l’âge de 110
ans.

« Le président Ouattara m’envoie vous dire combien il partage votre


douleur », a déclaré le chef de la délégation, NGuessan-Zékré Alexis,
secrétaire général adjoint du Rassemblement Des Républicains (RDR-
parti présidentiel) en charge de l’économie numérique et cadre du
département de Gagnoa, s’adressant à cette famille, dont le père et
guide spirituel Yacouba Sylla, mort le 16 août 1988, fut un ami du
premier président ivoirien, Félix Houphouët-Boigny.

Accompagné du préfet Sanogo Al-Hassana de la région du Goh,


l’émissaire a remis une enveloppe contenant deux millions de FCFA à
la communauté Yacouba Sylla, don du Chef de l’Etat. M. Zékré a
recommandé au nom du président Ouattara, que les prières se
poursuivent pour consolider la cohésion entre les familles à Gagnoa,
afin que l’objectif du développement et de la paix demeure la priorité.

Depuis le décès du patriarche, l’autorité spirituelle est assurée par son


fils aîné, le Khalife Cheickna Yacouba Sylla, aujourd’hui âgé de 87
ans, également fils de la défunte Karidjatou Cissé, première des
épouses du guide spirituel.

« Nous ne sommes pas en deuil, mais en prière », a fait savoir le


Khalife, expliquant que ce décès marque la fin d’une époque,
14
puisqu’il s’agit, a-t-il révélé, de la dernière survivante de l’exode de
1930, qui avait conduit toute la communauté Yacouba Sylla, vers la
Côte d’Ivoire, depuis la Mauritanie et le Mali.

Cissé Karidjatou était surtout le dernier témoin vivant des tragiques


événements du 15 février 1930 en Mauritanie, où en une journée, une
cinquantaine de membre de ladite communauté qui prône l’islam
Tidjanite, fut exécutée et date à laquelle, Yacouba Sylla, son
fondateur fut déporté vers la Côte d’Ivoire.

Condamné par l’administration coloniale, le patriarche Cheick


Yacouba Sylla, fut envoyé à Sassandra en Côte d’Ivoire, où il purgea
de 1930 à 1938, une peine de prison et de travaux d’utilité publique.
Durant son voyage vers Sassandra, la troupe marqua une brève escale
à Gagnoa en 1930, d’où le patriarche prit l’engagement de revenir
bâtir sa vie et celle de sa communauté, aujourd’hui fortement
implantée dans ladite localité.

BIBLIOGRAPHIE

-Jean Louis Triaud Professeur d’histoire de l’Afrique, Université de


Provence, directeur de la revue Islam et Sociétés au sud du Sahara
(Paris, Éditions de la MSH). A publié La légende noire de la
Sanûsiyya. Une confrérie musulmane sous le regard français (1840-
1930), Paris, MSH et Aix-en-Provence, IREMAM, 1995. A édité
deux ouvrages en coédition avec Ousmane Kane et David Robinson

15
(voir ces noms), et, avec Jean-Pierre Chrétien, Histoire d’Afrique. Les
enjeux de mémoire, Paris, Karthala, 1999.

10. La communauté « Yacouba Sylla » et ses rapports avec la


Tijâniyya hamawiyya
Boukary Savadogo
Dans La Tijâniyya (2005), pages 269 à 287
PrécédentSuivant
Chapitre
« Un exemple connu d’indépendance d’un disciple par rapport à
Hamallah est celui de Yacouba Sylla à Kaédi (Mauritanie), à l’origine
d’une ébullition religieuse et sociale qui lui vaudra l’exil. Installé par
la suite en Côte d’Ivoire, à Gagnoa, il y crée une communauté et s’est
rapidement enrichi grâce à une entreprise de transport. Bien que
n’ayant pas rompu avec Nioro – son soutien à la zawiya est encore
effectif aujourd’hui – on se retrouve cependant à nouveau devant la
question initiale : courant autonome yakoubiste ou simple
ramification hamalliste ? »
Le mouvement social et religieux qui s’est constitué autour de la
personne de Yacouba Sylla apparaît au moment où la Tijâniyya
hamawiyya, en pleine expansion, connaît ses premières difficultés
avec l’administration coloniale française. En effet, shaykh Hamah
Allah le principal animateur de la Hamawiyya est interné à Méderdra
dans le sud mauritanien à la suite d’une bataille en 1924 entre ses
partisans et les tidjanî omariens.
C’est en 1929 que Yacouba Sylla tente de jouer un rôle de premier
plan dans le milieu hamawî de Kaédi. Il prêche auprès des Soninké,

16
ethnie majoritaire dans la Tijâniyya hamawiyya. S’attaquant à la
dépravation des mœurs, il réclame plus de rigueur dans la pratique de
la religion. Il serait cependant hasardeux et risqué de parler à ce
moment-là de la naissance d’une nouvelle confrérie religieuse.
Jusqu’aux événements du 15 février 1930, qui entraîneront son
internement à Sassandra en Côte d’Ivoire, Yacouba Sylla aurait
prêché selon les préceptes de la Tijâniyya hamawiyya…
Présentation. La Tijâniyya, une confrérie musulmane pas comme
les autres ?
Jean-Louis Triaud
Dans La Tijâniyya (2005), pages 9 à 17
PrécédentSuivant
Chapitre
Apparue à la fin du xviiie siècle au Maghreb, la Tijâniyya fait partie
de ce que J. Fletcher a appelé « la troisième expansion », ou la «
troisième vague » de l’islam. Sa création s’inscrit en effet dans le
cadre du renouveau religieux et confrérique qui marque l’ensemble du
monde musulman à la fin du xviiie et au xixe siècle. Ce mouvement
de tajdîd (« renouveau ») se caractérise par le surgissement de figures,
de réseaux, de structures, qui, par-delà leur diversité, ont en commun
une forte démarche éducative, missionnaire et militante, et une
révérence particulière à l’égard du Prophète, de son modèle et de son
enseignement. La Tijâniyya donne un bon exemple de ce type de
redéploiement confrérique qui, on le verra, en dépit de certaines
apparences, est plus fait de continuité que de rupture avec le passé.
Confrérie souvent controversée, la Tijâniyya a été fondée en 1196 de
l’Hégire (1781/2 de notre ère), à la suite d’une vision du Prophète, en
état de veille, dans l’oasis algérienne d’Abû Samghûn, par le savant et
mystique Ahmad al-Tijânî (1737-1815). Depuis cette date, la
17
Tijâniyya s’est imposée comme la grande confrérie africaine des xixe
et xxe siècles. Au sud du Sahara, son nom est associé au jihâd d’al-
Hajj ‘Umar al-Fûtî (m. 1864). Pendant la période coloniale, c’est la
confrérie qui a connu, en Afrique de l’Ouest, les plus grands
développements. C’est aussi celle qui suscite les passions les plus
vives, de la part de tendances soufies rivales ou de mouvements anti-
confrériques…

. La communauté « Yacouba Sylla » et ses rapports avec la


Tijâniyya hamawiyya
Boukary Savadogo
Dans La Tijâniyya (2005), pages 269 à 287
PrécédentSuivant
Plan
Introduction
Yacoubisme, Yacoubiyya, communauté « Yacouba Sylla » : les
implications d’une dénomination
Yacouba Sylla, figure centrale de la communauté
Organisation et fonctionnement internes de la communauté «
Yacouba Sylla »
Conclusion : la naissance d’une ramification confrérique

. La communauté « Yacouba Sylla » et ses rapports avec la


Tijâniyya hamawiyya
Boukary Savadogo
Dans La Tijâniyya (2005), pages 269 à 287
18
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Chapitre
« Un exemple connu d’indépendance d’un disciple par rapport à
Hamallah est celui de Yacouba Sylla à Kaédi (Mauritanie), à l’origine
d’une ébullition religieuse et sociale qui lui vaudra l’exil. Installé par
la suite en Côte d’Ivoire, à Gagnoa, il y crée une communauté et s’est
rapidement enrichi grâce à une entreprise de transport. Bien que
n’ayant pas rompu avec Nioro – son soutien à la zawiya est encore
effectif aujourd’hui – on se retrouve cependant à nouveau devant la
question initiale : courant autonome yakoubiste ou simple
ramification hamalliste ? »
Le mouvement social et religieux qui s’est constitué autour de la
personne de Yacouba Sylla apparaît au moment où la Tijâniyya
hamawiyya, en pleine expansion, connaît ses premières difficultés
avec l’administration coloniale française. En effet, shaykh Hamah
Allah le principal animateur de la Hamawiyya est interné à Méderdra
dans le sud mauritanien à la suite d’une bataille en 1924 entre ses
partisans et les tidjanî omariens.
C’est en 1929 que Yacouba Sylla tente de jouer un rôle de premier
plan dans le milieu hamawî de Kaédi. Il prêche auprès des Soninké,
ethnie majoritaire dans la Tijâniyya hamawiyya. S’attaquant à la
dépravation des mœurs, il réclame plus de rigueur dans la pratique de
la religion. Il serait cependant hasardeux et risqué de parler à ce
moment-là de la naissance d’une nouvelle confrérie religieuse.
Jusqu’aux événements du 15 février 1930, qui entraîneront son
internement à Sassandra en Côte d’Ivoire, Yacouba Sylla aurait
prêché selon les préceptes de la Tijâniyya hamawiyya…

19
La Tijaniyya ou tariqa tijaniyya (en arabe : ‫ة التجانية‬TT‫( الطريق‬Al-
Ṭarīqah al-Tijāniyyah), littéralement « la voie tijane », variantes
tidiane, tidjane, tidjanie) est une confrérie (tariqa) soufie, fondée
par Ahmed Tijani en 1782 dans une oasis algérienne

Histoire
La Tijaniyya serait née en l’an 1196 de l’Hégire (1781-1782 de notre
ère) lorsque le cheikh Ahmed Tijani, à 46 ans, lors d'une retraite
spirituelle dans une oasis proche de Boussemghoun (Régence
d'Alger), eut une expérience mystique en rencontrant le Prophète
Mahomet dans une vision éveillée (et non simplement, comme le plus
souvent dans la tradition musulmane, en rêve), qui lui ordonna
d’abandonner toutes ses affiliations précédentes et lui promit d’être
son intercesseur privilégié, et celui de ses fidèles, auprès de Dieu[7],
[8].

Son ordre prend rapidement une expansion importante sur la région à


partir de Ain Madhi, ce qui provoque l'inquiétude des autorités du
diwan de la Régence d'Alger et il est contraint de se réfugier à Fès où
il s'installe jusqu'à sa mort en 1815 sous la protection du sultan
alaouite Souleiman[6].

Le 22 juillet 1799 (18 safar 1214 de l'Hégire), Ahmed reçoit le statut


de « Pôle caché », ce qui dans la hiérarchie islamique en fait un
intermédiaire entre le prophète Mouhammad saw et le commun des
mortels, et le place immédiatement au-dessus des autres prophètes et
de leurs compagnons[9]. Le Prophète l'aurait élevé au rang spirituel
du sceau de la sainteté (khātam al-awliyā), lui conférant la
connaissance exclusive du nom suprême de Dieu (ism Allāh al-a'ẓam)

20
et le pouvoir d'un vice-roi (khalifa) qui seul peut assurer la médiation
entre Dieu et ses créatures[5].

Son enseignement a été compilé par un de ses compagnons du nom de


Ali Harâzim Barrâda, dans Jawâhir al Ma'ânî, un livre de mystique.
L'ouvrage avait déjà fait l'objet d'une glose marginale par le saint et
calife de la tijaniyya, El Hadji Omar bin Said al-Futi (1796-1864)[5],
dans Ar-rimâh (Les lances).

La zaouia tijaniyya était divisée entre une tendance « onze grains » et


une tendance « douze grains ». La première récitait onze fois la prière
« jawharatu el kamali » alors que la seconde la récitait douze fois.

Dans le cadre de sa guerre de résistance aux envahisseurs français,


l’émir Abdelkader a sollicité, en 1832, le soutien de Mohammed
Tijani, le chef de la zaouïa tijaniyya de Aïn Madhi. Mais celui-ci
refusa sous prétexte que sa zaouia ne s’occupait que des questions
célestes. L’émir marcha sur Ain Madi en juin 1838, contraignant
Mohammed Tijani à fuir au Maroc. En 1840, la zaouïa de Aïn Madhi
apporte son soutien au maréchal Valée contre l’émir Abdelkader. La
zaouia de Temassin fait de même. Par contre, la zaouia de Tlemcen
sous la direction de Cheikh Tahar apporte son soutien à l’émir
Abdelkader et proclama le djihad contre l’occupant français.

Or la zaouïa de Tlemcen soutenait un tijanisme à « onze grains » (qui


récite onze fois la prière jawaharatu-l-kamali) alors que celles de Aïn
Madhi et de Temassin un tijanisme à « douze grains ». De cette
différence rituelle minime sont nées deux branches réputée
différemment hostile à l'occupation coloniale.
21
Au milieu du XIXe siècle, Omar bin Said al-Futi, un Fulbe du
Sénégal, assume la direction des Tijanis et le rôle de mujahid (guerrier
de la foi), lançant un mouvement militant pour le djihad anticolonial
en Afrique de l’Ouest, du Sénégal au Ghana et au Soudan
nilotique[5].

Doctrine
Le contact direct avec le Prophète dont se prévalait le fondateur de la
Tijaniyya est un atout important de la nouvelle confrérie dans la
mesure où il raccourcit de façon spectaculaire la chaîne de
transmission des fidèles (silsila), rendant ces derniers plus proches de
Mahomet[8] que ce dont pouvaient se prévaloir les autres confréries.
La Tijaniyya se veut en outre exclusive alors que l'affiliation multiple
à des tariqas était généralement admise[8]. Elle se heurta d'ailleurs
rapidement aux autres tariqas qui dénonçaient cette arrogance[8].

La doctrine de la Tijaniyya est décrite comme l'accès à la


connaissance de Dieu par le fanâ’ et le baqa’.

La récitation (wird) tijane consiste à prononcer le Lazim et la Wazifa


matin et soir dont 12 fois la prière des « perles de la perfection » («
jawharatou al-kamal ») concernant la wazifa. Voir dans Fâkihatu tulâb
(fruits aux sollicitants de la voie), un ouvrage de vulgarisation et
d'enseignement de la tijaniyya, écrit par El Hadji Malick SY en arabe
et traduit en français par le grand spécialiste, Pr. Ravane MBAYE. On
y trouve la quintessence de ce qui a été déjà publié dans maints
ouvrages de la tariqa.[réf. souhaitée]

22
Elle doit sans doute une partie de son succès du fait qu'elle propose
une voie plus sûre, plus rapide et moins ascétique que les autres
tariqa[8].

Un exil forcé vers la Côte d'Ivoire


La confrérie Hamalliste face à l’administration coloniale française
Le cas de Cheick Yacouba Sylla (1929-1960)
Cheick Chikouna Cissé
Dans Mali - France (2005), pages 55 à 76
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Chapitre
Français
Plan
La situation socio-politique et religieuse à Nioro du début du XXe
siècle à la fin des années 1920
Qui est Yacouba Sylla ?
Le conflit avec les autorités coloniales
L’exil en terre ivoirienne : Gagnoa, nouveau foyer Hamalliste
Le succès commercial
L’allié du RDA
La dimension religieuse de Yacouba Sylla

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Chapitre 2. Vieux cheikhs et jeunes noceurs
Divisions musulmanes et assoupissement de l’islam en Abidjan, c.
1945-1975
Marie Miran
Dans Islam, histoire et modernité en Côte d'Ivoire (2006), pages 85 à
131
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Chapitre
En l’absence de cercle confrérique influent et avant l’émergence des
premières associations islamiques nationales dans le courant des
années 1970, les communautés musulmanes de quartier ont été
l’acteur principal de la scène islamique d’Abidjan. Ce chapitre
esquisse un tableau de la vie de ces communautés à l’échelle locale et
concrète, où se formule l’identité des musulmans, que ce soit sur le
plan familial, ethnique, régional ou sectaire. L’accent est mis sur les
deux quartiers populaires historiques de la capitale que sont
Treichville et Adjamé. Selon les sources disponibles, il est aussi mis
sur les musulmans de la rue – et pas seulement sur leurs élites – afin
de cerner au plus près le vécu islamique au quotidien et les formes
dominantes de l’islam populaire. Qu’entendre donc par «
communauté » musulmane ? L’une des premières associations
réformistes d’Abidjan proposait la définition suivante dans un rapport
de 1989 :
« Une communauté est un ensemble de personnes ayant un objectif
commun. D’après un Hadith du prophète Mahomed (SAW), on parle
de communauté déjà lorsque trois personnes sont réunies. Cela revient

24
à dire que l’Islam est une religion communautaire par exellence [sic].
L’individualisme, l’égoïsme y sont exclus. Le prophète a dit : “Qui
s’isole sur cette terre s’isolera en enfer”. L’Islam est un système de
vie organisé où la discipline occupe une place de choix. De ce fait, le
prophète (SAW) nous demande qu’à chaque fois que trois personnes
se retrouvent pour accomplir une tâche, qu’ils choisissent parmi eux
un Amir…

Introduction. Réflexions sur la naissance de la Tijâniyya


Emprunts et surenchères
Jillali El Adnani
Dans La Tijâniyya (2005), pages 19 à 33
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Chapitre
La stratégie du fondateur de la Tijâniyya s’inscrit dans la mouvance
de l’héritage confrérique et se range dans ce qu’on peut appeler la
vague des saints maghrébins féconds des xiiie/xixe siècles : Ahmad
Ibn Idrîs (m. 1837), al-‘Arbî al-Darqâwî (m.1839) et Muhammad b.
‘Ali al-Sanûsî (m.1859).
Pour étudier les origines de la confrérie Tijâniyya et sa diffusion, il
faut prendre en considération le cadre socio-économique, politique et
culturel de sa naissance. Nous voudrions suggérer ici que, sans le
départ contraint d’Ahmad al-Tijânî de ‘Ayn-Mâdî, la confrérie
n’aurait pas été créée, qu’elle ne s’y serait pas établie si les opposants
n’en avaient pas été chassés, et qu’elle n’aurait pas été accueillie
favorablement au Maroc, sans l’opposition des autres confréries au
sultan Mawlây Slimân. Cette introduction vise à préciser ces

25
différents points, tout en proposant des lignes directrices et des
remises en perspective.
La personne du fondateur incarnait à la fois les figures du juriste et du
soufi, mais aussi celles du thaumaturge et du connaisseur de
l’alchimie et de la science des lettres. La confrérie qu’il a fondée a
pris aussi des colorations doctrinales et des positions politiques
contradictoires, au cours de ses déplacements entre l’Algérie et le
Maroc, et à la suite de la conquête française.
Il suffira de rappeler ici que, si les Tijânî-s de Tlemcen, marqués par
les idées mahdistes, sont allés jusqu’à fomenter des insurrections dans
la région de Tlemcen et près des frontières algéro-marocaines et à
promettre l’expulsion des Français jusqu’au dernier, ceux de ‘Ayn-
Mâdî, autour du lignage du fondateur, et de Tamasîn, autour du
lignage d’un grand disciple, sont allés dans leur collaboration, jusqu’à
« déposer la baraka au seuil de l’administration colonial…

1. Les origines de la Tijâniyya


Quand les premiers disciples se mettent à parler
Jillali El Adnani
Dans La Tijâniyya (2005), pages 35 à 68
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Chapitre
La confrérie Tijâniyya ne semble pas se démarquer des forces
confrériques existantes ou naissantes, tout comme l’œuvre accomplie
par Ahmad al-Tijânî (1737-1815) ne peut être traitée en dehors des
liens que le fondateur avait tissé avec son entourage proche, celui de
ses premiers disciples. La stratégie du fondateur, comme on l’a
démontré dans notre travail sur cette confrérie, se caractérise par trois

26
aspects importants. En premier, il y a la tentative de se démarquer des
autres confréries et créer un modèle unique basé sur ce qu’on pourrait
appeler la puissance de la récupération. En second lieu, cette stratégie
est marquée par la centralisation de la foi des disciples et leur
croyance en la baraka (du fondateur) : en contenant, d’une part, les
conflits intérieurs avec ces derniers, et, d’autre part, les menaces
extérieures provenant d’autres confréries. Ensuite, on pourrait
remarquer que les bases de la confrérie vont être consolidées en
dehors du pays natal du fondateur (‘Ayn-Mâdî) : c’est à Abû-
Semghûn, Fès et dans le Souf que la renommée du fondateur avait été
implantée et ce n’est pas un hasard si les premiers disciples
proviennent de régions éloignées de ‘Ayn-Mâdî. Cela explique
pourquoi les écrits hagiographiques de la Tijâniyya sont imprégnés
par les traits de la personne du fondateur qui, semble-il, stimulent la
sphère mentale des disciples au détriment du corpus doctrinal
proprement soufi.
Pourtant, l’étude des origines de la Tijâniyya pourrait nous aider à
contourner les mystères de la fondation de cette confrérie et surtout à
effacer l’image que nous renvoient les écrits tijânî-s officiels et
imprimés…

Chapitre 2. Vieux cheikhs et jeunes noceurs


Divisions musulmanes et assoupissement de l’islam en Abidjan, c.
1945-1975
Marie Miran
Dans Islam, histoire et modernité en Côte d'Ivoire (2006), pages 85 à
131
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Chapitre
27
En l’absence de cercle confrérique influent et avant l’émergence des
premières associations islamiques nationales dans le courant des
années 1970, les communautés musulmanes de quartier ont été
l’acteur principal de la scène islamique d’Abidjan. Ce chapitre
esquisse un tableau de la vie de ces communautés à l’échelle locale et
concrète, où se formule l’identité des musulmans, que ce soit sur le
plan familial, ethnique, régional ou sectaire. L’accent est mis sur les
deux quartiers populaires historiques de la capitale que sont
Treichville et Adjamé. Selon les sources disponibles, il est aussi mis
sur les musulmans de la rue – et pas seulement sur leurs élites – afin
de cerner au plus près le vécu islamique au quotidien et les formes
dominantes de l’islam populaire. Qu’entendre donc par «
communauté » musulmane ? L’une des premières associations
réformistes d’Abidjan proposait la définition suivante dans un rapport
de 1989 :
« Une communauté est un ensemble de personnes ayant un objectif
commun. D’après un Hadith du prophète Mahomed (SAW), on parle
de communauté déjà lorsque trois personnes sont réunies. Cela revient
à dire que l’Islam est une religion communautaire par exellence [sic].
L’individualisme, l’égoïsme y sont exclus. Le prophète a dit : “Qui
s’isole sur cette terre s’isolera en enfer”. L’Islam est un système de
vie organisé où la discipline occupe une place de choix. De ce fait, le
prophète (SAW) nous demande qu’à chaque fois que trois personnes
se retrouvent pour accomplir une tâche, qu’ils choisissent parmi eux
un Amir…

Conclusion
Dans Islam, histoire et modernité en Côte d'Ivoire (2006), pages 467 à
487
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28
Chapitre
En mai 2000, un journaliste demandait au président du Conseil
national islamique : « Rétrospectivement, quelle appréciation portez-
vous sur le chemin parcouru par les musulmans en Côte d’Ivoire ? »
Sa réponse :
« Les Dioula disent que ‘tant que la marche n’est pas finie, le
balancement des bras ne peut pas finir’. Notre satisfaction est relative.
Mais par rapport à hier, le changement est certain ».
En janvier 1993, au moment de la naissance du CNI, l’imam Tidjane
Ba témoignait dans le même sens en épilogue d’un sermon prononcé à
la grande mosquée de la Riviera pour la fin du Ramadan :
« Par la grâce de Dieu, nous avons ensemble réalisé en une seule
décennie ce qui n’a pas été possible durant toute la colonisation ».
L’objet de cette conclusion est de résumer les dynamiques de
continuité et de changement qui ont caractérisé l’évolution de l’islam
et de la communauté musulmane en Abidjan d’abord, puis dans une
large mesure, dans toute le Côte d’Ivoire, du milieu du XXe siècle au
début du IIIe millénaire. En écho à l’introduction et à l’aide de
quelques comparaisons, cette conclusion suggère également que le cas
ivoirien peut contribuer à une meilleure compréhension des
dynamiques de l’islam et des sociétés musulmanes en Afrique
contemporaine.
En partant des données les plus concrètes sur la population
musulmane d’Abidjan et de Côte d’Ivoire, l’une des évolutions les
plus marquantes de ce dernier demi-siècle reste l’augmentation
considérable qu’a connu le groupe des islamisés à la fois en chiffres
absolus et en chiffres relatifs par rapport à l’ensemble de la population
urbaine et nationale…

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