Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Son origine
Avec ses modiques sommes, il achète une portion de terre et crée
une vaste plantation de bananes. Au moment de la deuxième guerre
mondiale, il vend ces bananes sur le marché européen. Ce commerce
lui vaut une certaine réputation auprès des explorateurs coloniaux qui
cachent pas leur étonnement de voir un Africain réaliser une telle
entreprise. Après, il s’intéresse à la culture de café et cacao.
Le transport
La culture
LE PATRIARCHE CHEICK
YACOUBA SYLLA : QUI ÉTAIT
CE GRAND BIENFAITEUR DES
POPULATIONS DU GOH ?
1
Sa personnalité
Les Gagnoalais étaient transportés à 400 francs d'Abidjan à Gagnoa.
Mieux, il a doté la ville d'une grande salle de cinéma, comme c'était le
cas dans bien d'autres villes de Côte d'Ivoire pour le bonheur des
populations.
Rappelé à Dieu, il ya de cela des années, il a laissé des fils, filles et
petits-fils aimables qui continuent d'écrire d'autres pages de l'histoire
de la famille Yacouba Sylla. Une famille noble que la Région du Goh
n'oubliera de sitôt.
2
D
evant un cinéma à Abidjan, en Côte d’Ivoire, en 2004.
Pourtant, alors que les autres cinémas ont fermé les uns après les
autres et ont été convertis en entrepôts ou lieux de culte, les
yacoubistes ont soigneusement conservé et entretenu leurs salles,
patrimoine immobilier communautaire. Que révèlent ces bâtiments,
témoins d’un passé révolu, marques d’un succès économique et
enjeux mémoriels contemporains ? Ecrire une telle histoire n’est pas
aisé, car il faut jongler entre la version officielle d’une communauté
jalouse de son histoire et de ses documents, mais prompte à évoquer
ce passé, et des sources partielles émanant des archives conservées à
Dakar, Aix-en-Provence et Abidjan. Exceptionnels sont les
entrepreneurs africains qui investirent dans le cinéma, mode de
divertissement arrivé dans les valises du colonisateur. Yacouba Sylla
fait donc figure d’exception.
3
RECHERCHE DE RENTABILITÉ
Construits au fil des années, les sept cinémas viennent parachever
l’œuvre de Yacouba Sylla. Au-delà du discours officiel présentant le
geste cinématographique comme un acte altruiste destiné à « égayer la
population » et diffuser des connaissances, les cinémas sont une pierre
supplémentaire apportée à un édifice économique déjà solide, dans
une perspective de rentabilité.
Autrefois surveillé, Yacouba Sylla noue des relations apaisées avec
l’administration dans les années 1940. En créant des cinémas, il
participe à l’essor de ce nouveau loisir, dont il perçoit rapidement
l’intérêt. Alors que la Côte d’Ivoire ne dispose que d’une dizaine
d’écrans au début des années 1950, il y en a 24 en 1955 et plus de 30
en 1960. Attirer un public sevré de cinéma, entre aperçu lors du
passage, fort rare, d’un entrepreneur ambulant, et pourvoir en images
des spectateurs fascinés à l’avance par cette forme de modernité
renforce sa visibilité. Les retombées pour la communauté ne sont en
effet pas uniquement financières, mais également en termes de
représentation et de prestige.
5
diverses salles, ainsi que la gestion comptable, étaient centralisées à
Gagnoa. La publicité était assurée également en interne. Tout le
monde se souvient d’un aîné qui faisait le tour de Gagnoa en vélo,
affiche au dos, chantant à tue-tête Marinella (1936), refrain célèbre
entonné par Tino Rossi. Au fil des années, les bâtiments sont
améliorés pour s’adapter aux demandes du public et aux nouvelles
techniques, comme la construction d’un petit espace VIP en balcon,
climatisé, aux places limitées, fréquenté par les Européens, les
Libanais et quelques Africains aisés.
6
diversifiée, ne se mêlant guère, mais dont les regards convergeaient
vers les mêmes images, inspiration d’une culture commune.
7
Les images, vectrices d’idées et de comportements venant de mondes
lointains, au potentiel subversif, rattachaient les habitants de cette
région de la Côte d’Ivoire à un patrimoine international fait de Tarzan,
Charlot, Mangala, cow-boys, Bruce Lee et autres héros. Elles
alimentaient les imaginaires et fournissaient des éléments identitaires,
en particulier pour les jeunes hommes nourris de policiers et de
westerns.
CONCURRENCE DE LA TÉLÉVISION
Les cinémas yacoubistes furent les derniers à fermer, à la fin des
années 1990, dans un contexte de rentabilité déclinante, voire parfois
nulle. Comme ailleurs sur le continent, le cinéma ne put résister à la
concurrence de la télévision et des vidéos, mais aussi à la montée de
l’insécurité et des conflits politiques compromettant toute vie
nocturne. Entre-temps, tout au long de quatre à cinq décennies, ils
avaient permis l’accès à un loisir apprécié et l’édification d’une
culture cinématographique.
Restent les bâtiments, loués comme entrepôts (à Daloa) ou entretenus
en attendant de leur trouver un nouvel emploi, éventuellement sous la
forme d’une renaissance comme espaces de diffusion d’images.
Eléments valorisés d’un patrimoine familial, ils sont également le
support d’une mythologie communautaire, amplifiant le rôle altruiste
et modernisateur du fondateur et faisant passer au second plan le
soutien au premier président de la Côte d’Ivoire en ces temps de
recomposition politique.
9
de la nombreuse communauté yacoubite qui s'y est installée pendant
les années quarante sous la conduite de son fondateur, le patriarche
Yacouba Sylla, haute figure de l'Islam africain et de l'histoire
ivoirienne. Krol, 1994 : 146. Nous avons [.] des conférences sur des
thèmes d'actualité comme, par exemple, la jeunesse yacoubite face au
multipartisme. Krol, 1994 : 148.
10
Cheick Yacouba Sylla était un grand guide réligieux qui a imposé
le yacoubisme en Côte d'Ivoire
12
Le tome 1 du documentaire a eu le mérite d’exhumer l’histoire d’une
communauté (les Yacoubistes) désormais appartenant au patrimoine
ivoirien.
13
Gagnoa- Une importante délégation, mandatée par le président
Alassane Ouattara, est venue, mardi à Gagnoa, pour présenter ses
condoléances et rendre un hommage à la défunte Cissé Karidjatou,
veuve du patriarche feu Cheick Yacouba Sylla, fondateur et guide de
la communauté Tidjani, décédée le lundi 19 novembre, à l’âge de 110
ans.
BIBLIOGRAPHIE
15
(voir ces noms), et, avec Jean-Pierre Chrétien, Histoire d’Afrique. Les
enjeux de mémoire, Paris, Karthala, 1999.
16
ethnie majoritaire dans la Tijâniyya hamawiyya. S’attaquant à la
dépravation des mœurs, il réclame plus de rigueur dans la pratique de
la religion. Il serait cependant hasardeux et risqué de parler à ce
moment-là de la naissance d’une nouvelle confrérie religieuse.
Jusqu’aux événements du 15 février 1930, qui entraîneront son
internement à Sassandra en Côte d’Ivoire, Yacouba Sylla aurait
prêché selon les préceptes de la Tijâniyya hamawiyya…
Présentation. La Tijâniyya, une confrérie musulmane pas comme
les autres ?
Jean-Louis Triaud
Dans La Tijâniyya (2005), pages 9 à 17
PrécédentSuivant
Chapitre
Apparue à la fin du xviiie siècle au Maghreb, la Tijâniyya fait partie
de ce que J. Fletcher a appelé « la troisième expansion », ou la «
troisième vague » de l’islam. Sa création s’inscrit en effet dans le
cadre du renouveau religieux et confrérique qui marque l’ensemble du
monde musulman à la fin du xviiie et au xixe siècle. Ce mouvement
de tajdîd (« renouveau ») se caractérise par le surgissement de figures,
de réseaux, de structures, qui, par-delà leur diversité, ont en commun
une forte démarche éducative, missionnaire et militante, et une
révérence particulière à l’égard du Prophète, de son modèle et de son
enseignement. La Tijâniyya donne un bon exemple de ce type de
redéploiement confrérique qui, on le verra, en dépit de certaines
apparences, est plus fait de continuité que de rupture avec le passé.
Confrérie souvent controversée, la Tijâniyya a été fondée en 1196 de
l’Hégire (1781/2 de notre ère), à la suite d’une vision du Prophète, en
état de veille, dans l’oasis algérienne d’Abû Samghûn, par le savant et
mystique Ahmad al-Tijânî (1737-1815). Depuis cette date, la
17
Tijâniyya s’est imposée comme la grande confrérie africaine des xixe
et xxe siècles. Au sud du Sahara, son nom est associé au jihâd d’al-
Hajj ‘Umar al-Fûtî (m. 1864). Pendant la période coloniale, c’est la
confrérie qui a connu, en Afrique de l’Ouest, les plus grands
développements. C’est aussi celle qui suscite les passions les plus
vives, de la part de tendances soufies rivales ou de mouvements anti-
confrériques…
19
La Tijaniyya ou tariqa tijaniyya (en arabe : ة التجانيةTT( الطريقAl-
Ṭarīqah al-Tijāniyyah), littéralement « la voie tijane », variantes
tidiane, tidjane, tidjanie) est une confrérie (tariqa) soufie, fondée
par Ahmed Tijani en 1782 dans une oasis algérienne
Histoire
La Tijaniyya serait née en l’an 1196 de l’Hégire (1781-1782 de notre
ère) lorsque le cheikh Ahmed Tijani, à 46 ans, lors d'une retraite
spirituelle dans une oasis proche de Boussemghoun (Régence
d'Alger), eut une expérience mystique en rencontrant le Prophète
Mahomet dans une vision éveillée (et non simplement, comme le plus
souvent dans la tradition musulmane, en rêve), qui lui ordonna
d’abandonner toutes ses affiliations précédentes et lui promit d’être
son intercesseur privilégié, et celui de ses fidèles, auprès de Dieu[7],
[8].
20
et le pouvoir d'un vice-roi (khalifa) qui seul peut assurer la médiation
entre Dieu et ses créatures[5].
Doctrine
Le contact direct avec le Prophète dont se prévalait le fondateur de la
Tijaniyya est un atout important de la nouvelle confrérie dans la
mesure où il raccourcit de façon spectaculaire la chaîne de
transmission des fidèles (silsila), rendant ces derniers plus proches de
Mahomet[8] que ce dont pouvaient se prévaloir les autres confréries.
La Tijaniyya se veut en outre exclusive alors que l'affiliation multiple
à des tariqas était généralement admise[8]. Elle se heurta d'ailleurs
rapidement aux autres tariqas qui dénonçaient cette arrogance[8].
22
Elle doit sans doute une partie de son succès du fait qu'elle propose
une voie plus sûre, plus rapide et moins ascétique que les autres
tariqa[8].
23
Chapitre 2. Vieux cheikhs et jeunes noceurs
Divisions musulmanes et assoupissement de l’islam en Abidjan, c.
1945-1975
Marie Miran
Dans Islam, histoire et modernité en Côte d'Ivoire (2006), pages 85 à
131
PrécédentSuivant
Chapitre
En l’absence de cercle confrérique influent et avant l’émergence des
premières associations islamiques nationales dans le courant des
années 1970, les communautés musulmanes de quartier ont été
l’acteur principal de la scène islamique d’Abidjan. Ce chapitre
esquisse un tableau de la vie de ces communautés à l’échelle locale et
concrète, où se formule l’identité des musulmans, que ce soit sur le
plan familial, ethnique, régional ou sectaire. L’accent est mis sur les
deux quartiers populaires historiques de la capitale que sont
Treichville et Adjamé. Selon les sources disponibles, il est aussi mis
sur les musulmans de la rue – et pas seulement sur leurs élites – afin
de cerner au plus près le vécu islamique au quotidien et les formes
dominantes de l’islam populaire. Qu’entendre donc par «
communauté » musulmane ? L’une des premières associations
réformistes d’Abidjan proposait la définition suivante dans un rapport
de 1989 :
« Une communauté est un ensemble de personnes ayant un objectif
commun. D’après un Hadith du prophète Mahomed (SAW), on parle
de communauté déjà lorsque trois personnes sont réunies. Cela revient
24
à dire que l’Islam est une religion communautaire par exellence [sic].
L’individualisme, l’égoïsme y sont exclus. Le prophète a dit : “Qui
s’isole sur cette terre s’isolera en enfer”. L’Islam est un système de
vie organisé où la discipline occupe une place de choix. De ce fait, le
prophète (SAW) nous demande qu’à chaque fois que trois personnes
se retrouvent pour accomplir une tâche, qu’ils choisissent parmi eux
un Amir…
25
différents points, tout en proposant des lignes directrices et des
remises en perspective.
La personne du fondateur incarnait à la fois les figures du juriste et du
soufi, mais aussi celles du thaumaturge et du connaisseur de
l’alchimie et de la science des lettres. La confrérie qu’il a fondée a
pris aussi des colorations doctrinales et des positions politiques
contradictoires, au cours de ses déplacements entre l’Algérie et le
Maroc, et à la suite de la conquête française.
Il suffira de rappeler ici que, si les Tijânî-s de Tlemcen, marqués par
les idées mahdistes, sont allés jusqu’à fomenter des insurrections dans
la région de Tlemcen et près des frontières algéro-marocaines et à
promettre l’expulsion des Français jusqu’au dernier, ceux de ‘Ayn-
Mâdî, autour du lignage du fondateur, et de Tamasîn, autour du
lignage d’un grand disciple, sont allés dans leur collaboration, jusqu’à
« déposer la baraka au seuil de l’administration colonial…
26
aspects importants. En premier, il y a la tentative de se démarquer des
autres confréries et créer un modèle unique basé sur ce qu’on pourrait
appeler la puissance de la récupération. En second lieu, cette stratégie
est marquée par la centralisation de la foi des disciples et leur
croyance en la baraka (du fondateur) : en contenant, d’une part, les
conflits intérieurs avec ces derniers, et, d’autre part, les menaces
extérieures provenant d’autres confréries. Ensuite, on pourrait
remarquer que les bases de la confrérie vont être consolidées en
dehors du pays natal du fondateur (‘Ayn-Mâdî) : c’est à Abû-
Semghûn, Fès et dans le Souf que la renommée du fondateur avait été
implantée et ce n’est pas un hasard si les premiers disciples
proviennent de régions éloignées de ‘Ayn-Mâdî. Cela explique
pourquoi les écrits hagiographiques de la Tijâniyya sont imprégnés
par les traits de la personne du fondateur qui, semble-il, stimulent la
sphère mentale des disciples au détriment du corpus doctrinal
proprement soufi.
Pourtant, l’étude des origines de la Tijâniyya pourrait nous aider à
contourner les mystères de la fondation de cette confrérie et surtout à
effacer l’image que nous renvoient les écrits tijânî-s officiels et
imprimés…
Conclusion
Dans Islam, histoire et modernité en Côte d'Ivoire (2006), pages 467 à
487
PrécédentSuivant
28
Chapitre
En mai 2000, un journaliste demandait au président du Conseil
national islamique : « Rétrospectivement, quelle appréciation portez-
vous sur le chemin parcouru par les musulmans en Côte d’Ivoire ? »
Sa réponse :
« Les Dioula disent que ‘tant que la marche n’est pas finie, le
balancement des bras ne peut pas finir’. Notre satisfaction est relative.
Mais par rapport à hier, le changement est certain ».
En janvier 1993, au moment de la naissance du CNI, l’imam Tidjane
Ba témoignait dans le même sens en épilogue d’un sermon prononcé à
la grande mosquée de la Riviera pour la fin du Ramadan :
« Par la grâce de Dieu, nous avons ensemble réalisé en une seule
décennie ce qui n’a pas été possible durant toute la colonisation ».
L’objet de cette conclusion est de résumer les dynamiques de
continuité et de changement qui ont caractérisé l’évolution de l’islam
et de la communauté musulmane en Abidjan d’abord, puis dans une
large mesure, dans toute le Côte d’Ivoire, du milieu du XXe siècle au
début du IIIe millénaire. En écho à l’introduction et à l’aide de
quelques comparaisons, cette conclusion suggère également que le cas
ivoirien peut contribuer à une meilleure compréhension des
dynamiques de l’islam et des sociétés musulmanes en Afrique
contemporaine.
En partant des données les plus concrètes sur la population
musulmane d’Abidjan et de Côte d’Ivoire, l’une des évolutions les
plus marquantes de ce dernier demi-siècle reste l’augmentation
considérable qu’a connu le groupe des islamisés à la fois en chiffres
absolus et en chiffres relatifs par rapport à l’ensemble de la population
urbaine et nationale…
29