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SF et Polar, d’Edgar POE à Affirmer aujourd’hui que la littérature de science-fiction n’a pas droit de citer à
Michael M. SMITH l’Ecole, ce serait nier les évolutions de ces dernières années. Certes, la place qui lui
MANGA et SF, le choc des est réservée peut sembler bien mince, mais la faute n’en incombe pas uniquement
cultures à l’institution scolaire, qui n’est rien d’autre, après tout, que le reflet de la culture
dominante. Au-delà des clichés et des idées reçues, il semblait nécessaire de
SF & LANGAGE : la SF mettre à jour une réalité qui n’est sans doute pas tout à fait celle que l’on voudrait,
est-elle douée pour les mais qui n’est pas non plus fondamentalement catastrophique.
langues ?
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Rock et SF quelques pistes pour explorer la littérature SF dans l’enseignement, à télécharger
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Sexe et SF : la fin des
tabous
L’institution scolaire est-elle hostile à la SF ?

Les profs et la SF : je t’aime moi non plus

Commençons par tordre le coup à un certain nombre


d’idées reçues, en premier lieu l’idée selon laquelle les
enseignants seraient hostiles à la SF. Ils la négligent, certes,
mais s’ils la méprisent, parfois, c’est essentiellement par
ignorance. Cette carence nait de leur propre formation : les
occasions d’étudier la littérature de science-fiction sont
assez rares dans le cursus scolaire, et universitaire. C’est le
serpent qui se mord la queue : difficile d’enseigner ce que
l’on ne connaît pas.

Les enseignants sont massivement enfermés dans une


vision restrictive, voire complètement erronée, du genre. Il
n’existe aucune étude censée mesurer le degré de connaissance des enseignants en matière de SF,
ni même leur degré d’hostilité envers le genre. En revanche, revenez sur votre propre parcours et
tentez de vous rappeler combien d’œuvres de science-fiction vous avez eu l’occasion d’aborder en
classe... Eh bien ? Si vous en avez étudié plus de deux vous êtes une exception.

Sur le plan de la formation continue, il faut savoir que certains IUFM proposent aux enseignants
déjà en poste des stages en matière de littérature jeunesse ou de littératures marginales [SF,
Fantastique, Policier, BD, ....]. Mais ces formations n’existent pas dans toutes les académies et elles
se font, de toute façon, sur la base du volontariat et donc de la démarche personnelle.

Les élèves aiment-ils la SF ?

Parmi les lieux communs les plus souvent évoqués, on retrouve fréquemment l’idée selon laquelle
la science-fiction serait une littérature exclusivement lue par les adolescents [employé ici au
masculin]. Voici d’ailleurs ce que déclarait Pili Munoz, rédactrice en chef de la revue Lecture-Jeune,
à propos de ce phénomène : « La science-fiction occupe une place prépondérante parmi les genres
littéraires les plus lus par les jeunes puisque son lectorat serait, selon certaines sources, composé
aux neuf dixièmes d’écoliers et d’étudiants ». Je dois dire qu’au cours de mes recherches
bibliographiques je n’ai pas trouvé les sources auxquelles il est fait référence ni d’étude similaire,
néanmoins il s’agit d’une théorie très répandue dont les fondements ne résistent finalement guère à
l’analyse [1]

La plupart des études concernant les pratiques de lecture des jeunes démontrent que la science-
fiction n’est pas, et de loin, la littérature la plus populaire auprès des élèves. Dans un article
consacré à ces pratiques de lecture [2], Annie Rouxel s’interrogeait sur la frontière qui existe entre
lecture privée et lecture scolaire, elle constatait que parmi les œuvres citées par un échantillon
d’élèves la SF est assez peu représentée.

Parmi la cinquantaine d’œuvres citées comme faisant partie des pratiques de lecture privée seuls
deux romans de Jules VERNE peuvent prétendre appartenir à la science-fiction.
Parmi le corpus de la trentaine d’œuvres citées comme faisant partie des pratiques de lecture
scolaire on retrouve « La planète des singes » de Pierre BOULLE. Pour un genre prétendument
plébiscité par les jeunes lecteurs cela peut paraître peu.

J.F. Massol [3] constate que la science-fiction est un genre apprécié des lycéens, mais loin derrière
le roman réaliste, le fantastique ou le roman policier. Les filles consacrent 4,5% de leurs lectures à
des œuvres de science-fiction, ce chiffre est un peu plus important pour les garçons, 11%.

Une enquête publiée dans Inter CDI [4], sur les pratiques de lecture des jeunes, (il s’agit
essentiellement d’un public de collégiens) confirme que, si l’on fait une distinction entre filles et
garçons, ces derniers ont tendance à plébisciter davantage la science-fiction. On observe également
une nette perte d’intérêt pour cette littérature en fonction de l’âge : plus les élèves grandissent et

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plus ils ont tendance à s’en désintéresser. En sixième, les garçons sont 76% à déclarer aimer la
science-fiction contre seulement 38% en troisième.

Que disent les instructions officielles ?

Les programmes et leurs accompagnements


Nous l’avons vu, les professeurs de lettres [et des
autres disciplines] ne sont guère incités, de par
leur formation universitaire à utiliser la science-
fiction comme support pédagogique. Or il faut
bien avouer que les programmes scolaires et les
instructions officielles ne sont guères plus
encourageants !
Difficile d’évoquer dans le détail les programmes de français
de la sixième à la classe de première, mais un survol permet
de se rendre compte rapidement que la science-fiction n’est
nulle part étudiée comme mouvement littéraire et culturel
majeur du XXème siècle ! Il faudra lire attentivement les
accompagnements du programme de français du collège
pour dénicher une liste d’œuvres de littérature jeunesse où
quelques romans de science-fiction sont conseillés pour chaque niveau ; on y trouve pêle-mêle
« Martiens. Go Home ! », « Les Robots », « La planète des singes » ou bien encore « Le meilleur
des mondes ». Pas si mal...

Concernant les manuels scolaires, la question peut être rapidement évacuée car ils ne font que
refléter les programmes. En matière de littérature, on retrouve quelques extraits de romans de SF,
suivant les éditeurs. Il s’agit en général d’œuvres qui font consensus, et qui ont quasiment été
récupérées par la littérature générale : « 1984 », « Le meilleur des mondes » ou bien encore
« Ravages »].

Quant aux autres matières, on pense notamment aux sciences ou bien encore à la philosophie,
elles sont muettes sur le sujet. Pour feuilleter régulièrement les spécimens de manuels envoyés aux
enseignants, je constate que l’utilisation de la SF comme support pédagogique est plutôt rare, bien
qu’on puisse retrouver dans des manuels de science des références, par exemple, au voyage dans
le temps [en général pour illustrer la fameuse anecdote des jumeaux de Langevin] ou bien encore à
d’autres thématiques chères à la SF comme le clonage ou bien encore les changements climatiques.
Toutefois rappelons que ces références restent exceptionnelles.

Mais soyons fous, pourquoi ne pas envisager d’aborder la question de l’uchronie à l’occasion d’un
cours d’histoire ? Pourquoi ne pas aborder le thème de l’intelligence artificielle en philosophie ? Ou
bien encore la question du voyage intergalactique en cours de physique ? Certains pourraient
arguer que ce qui n’est pas inscrit dans les programmes n’est de fait pas étudié ; ce serait
évidemment oublier le principe sacré de la liberté pédagogique des enseignants.

Le principe de la liberté pédagogique des enseignants

Les programmes ne fixent que des orientations générales, libres aux enseignants
d’user des moyens pédagogiques qui leur paraissent le plus adaptés pour étudier
dans le détail tel ou tel point. Cette liberté pédagogique s’exerce certes dans le
cadre des programmes officiels, mais permet néanmoins aux professeurs une
latitude de manœuvre assez confortable.

Prenons un exemple simple à défaut d’être pédagogiquement encore valable [5]. Si mes souvenirs
sont exacts, les anciens programmes de français de première demandaient aux enseignants de
lettres d’aborder la question de l’Utopie dans la littérature. Un enseignant peu à l’aise avec cette
question et la littérature qui s’y rapporte étudierait probablement avec ses élèves l’œuvre de
Thomas MORE, au mieux il irait chercher du côté d’Aldous HUXLEY et de son « Meilleur des
mondes » [roman souvent cité dans les manuels]. Rien ne l’empêcherait d’utiliser une des
nombreuses oeuvres de la science-fiction moderne, et nous savons bien qu’en matière d’utopie la
SF n’est pas en reste. Pour avoir vu un enseignant de lettres modernes étudier avec ses élèves
« Limbo » de Bernard WOLFE, je puis certifier que l’Utopie de Thomas MORE n’est pas une fatalité.
Je crois par ailleurs avoir conseillé à une collègue allergique à la SF un certain « Kirinyaga » de Mike
RESNICK avec la satisfaction de constater que l’œuvre figurait quelques mois plus tard dans la liste
des oeuvres étudiées pour le bac.

Mais si cette liberté pédagogique est souvent mise en avant par les enseignants, force est de
constater que les pratiques sont rarement novatrices. Evidemment, certaines oeuvres de science-
fiction échappent par quelque miracle à l’immense chape de plomb maintenue sur cette littérature.
1984, Le meilleur des mondes, Ravages, Frankenstein ou bien encore les oeuvres de WELLS ou de
VERNE, sont régulièrement étudiées au lycée, mais ces oeuvres ne sont finalement qu’un cache
misère et il est bien rare de voir les enseignants sortir des sentiers balisés.

Certains osent la différence, mais il faut bien avouer qu’il s’agit le plus souvent d’initiatives solitaires
d’amateurs déjà convaincus par la richesse de la science-fiction. J’invite d’ailleurs les enseignants
qui voudraient franchir le pas à étudier attentivement les pistes pédagogiques proposées en annexe
de l’interview de Thomas GARGALO, qui démontrent brillamment qu’il est possible de respecter à la
lettre les instructions officielles et les programmes en utilisant la SF comme support pédagogique.

Par les chemins de traverse : comment utiliser la SF sans le dire ?

A ce stade, le lecteur intrépide qui aura entamé avec enthousiasme la lecture de cet article se
confortera dans l’idée initiale selon laquelle l’Ecole et la SF n’ont décidément rien à faire ensemble.
De toute façon, les enseignants détestent la SF et méprisent ses lecteurs. Grave erreur que de
penser cela car les programmes, les instructions officielles et les heures de cours à assommer du
ZOLA et du BALZAC ne sont pas tout. Il existe une vie dans les établissements scolaires en dehors
du cours de français.

Enseignants documentalistes et CDI

Loin de moi l’idée de faire du prosélytisme ou de dresser un panorama idyllique du travail des
enseignants-documentalistes qui exercent leurs fonctions dans les établissements scolaires, mais
force est de constater que les CDI [Centre de Documentation et d’Information] sont probablement
le lieu où la SF a le plus de chances de s’épanouir au sein d’un collège ou d’un lycée.

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Fondamentalement rien ne distingue un professeur-documentaliste d’un professeur de lettres ou


d’un professeur de mathématiques [même type de formation universitaire, même techniques de
recrutement, même formation dispensée par les IUFM] si ce n’est des missions et des objectifs
pédagogiques fort différents. Pour les enseignants de lettres notamment, il s’agit de faire découvrir
aux élèves la dimension historique de la culture, de leur faire connaître ses fondements et ses
bases. Cette mission est associée à un idéal égalitaire : permettre l’accès du plus grand nombre à la
culture. Pour le documentaliste, cette dimension existe, mais elle est beaucoup moins forte ; il
dispose de davantage de latitude et de possibilités pour adapter le fonds du CDI aux goûts des
jeunes lecteurs. En quelque sorte il fait office de médiateur entre la culture des jeunes et la culture
scolaire. Ce rôle de médiateur culturel explique que les enseignants-documentalistes accordent en
général une place non négligeable aux « mauvais genres » [SF, Fantastique, Fantasy, BD, ....].

Il convient néanmoins d’apporter un bémol à ce tableau idyllique. D’une part, si les documentalistes
disposent de nombreux outils [sites web, revues spécialisées, bibliographies, ....] destinés à les
guider dans leurs choix d’acquisitions de documents, il est rare qu’ils soient de véritables amateurs
de science-fiction. En général un rapide coup d’œil sur les rayons suffit à renseigner sur l’intérêt
que porte le responsable des achats à la question.

En général chaque CDI dispose du minimum syndical :

En collège on trouve de nombreuses oeuvres de SF appartenant à la littérature jeunesse, avec


des auteurs comme Christian GRENIER, Jean-Pierre ANDREVON, Stefan WUL, Daniel MARTINIGOL
ou bien - évidemment - Jules VERNE. A noter que les romans de la collection « Autres mondes »
[Mango] ont opéré depuis quelques années une percée fulgurante : des romans comme « Mosa
Wosa » [Nathalie LE GENDRE] ou bien encore « Projet Oxatan » de Fabrice COLIN sont
véritablement plébiscités par les élèves. On y trouve également quelques classiques comme « Des
fleurs pour Algernon » de D. KEYES ou bien encore « Les robots » d’ASIMOV.
Au lycée, les oeuvres de jeunesses ont tendance à laisser la place à des oeuvres plus adultes,
mais en général on s’éloigne peu des classiques du genre (ASIMOV, BRADBURY, SIMAK, CLARKE,
STURGEON, DICK, ....) avec parfois quelques mauvaises surprises comme des novélisations
Starwars et autres littérature bas de gamme et sans âme. A l’occasion on trouve quelques perles,
achetées au hasard de coups de cœur [une collègue avait acheté plusieurs romans de Francis
BERTHELOT, une autre était fan de David CALVO] ou bien encore quelques vieilleries encore bien
conservées [du WYNDHAM ou bien encore du BLISH dans un CDI perdu au fin fond de la
campagne picarde]. En revanche, sauf à tomber sur un enseignant-documentaliste fan de SF, peu
de chances de trouver du Iain M. BANKS, du China MIEVILLE, du SPINRAD, du VARLEY ou bien
encore du J.G. BALLARD , et ne parlons pas des auteurs carrément obscurs et underground que
sont BISSON, K.W. JETER ou HARRISON. Mais n’en demandons pas trop tout de même.
Dispositifs pédagogiques annexes

Depuis quelques années, les dispositifs pédagogiques annexes fleurissent au fil des réformes de
l’Education Nationale. Certains ne sont pas nouveaux ou subissent tout juste un lifting de
circonstance. Mais quelle que soit leur désignation, ils ont pour objectif de proposer aux élèves, par
la pédagogie du détour ou le projet personnel, de nouvelles manières d’apprendre. Parmi les vieux
dispositifs qui ont encore du succès, les concours lecture et autres clubs de lecture fonctionnent
encore assez bien, notamment en collège ; ils sont l’occasion pour les élèves de sortir des oeuvres
imposées en classe et il n’est pas rare qu’ils laissent la place à des oeuvres issues des mauvais
genres. Ces concours sont également l’occasion d’inviter des auteurs et permettent ainsi aux élèves
de désacraliser le métier d’écrivain.

Dans une optique assez similaire, les prix littéraires se taillent un beau succès, notamment en ce qui
concerne le fameux prix des Incorruptibles. Ce dernier propose d’ailleurs régulièrement des oeuvres
de SF dans ses sélections, et il n’est inutile de rappeler que les trois derniers lauréats de ce prix
[niveau 3è-4è] sont des auteurs de SF [Fabrice COLIN pour « Projet Oxatan » en 2004 ; Nathalie
LE GENDRE en 2005 et 2006 pour « Dans les larmes de Gaïa » et « Mosa Wosa »]. Preuve que
lorsque les oeuvres de qualité sont au rendez-vous, les jeunes savent apprécier la SF à sa juste
valeur. Concernant l’autre grand prix littéraire jeunesse, à savoir le prix Goncourt des lycéens, il est
malheureusement bien moins ouvert à la SF [pour ne pas dire hermétique] puisqu’il s’agit tout
simplement de la même sélection que le Goncourt officiel. En dehors du dernier roman de Michel
HOUELBECQ, aucune oeuvre de SF n’a jamais été proposée dans la sélection au cours des vingt
dernières années.

Itinéraires De Découverte [Collèges] et Travaux Personnels Encadrés [Lycées] sont quant


à eux des dispositifs plus récents, [et accessoirement déjà sur le point de passer à la trappe],
fondés sur le principe de l’interdisciplinarité. Prenons plus précisément l’exemple des TPE ; grosso
modo, les élèves doivent travailler en groupe sur un sujet librement choisi à partir d’une liste de
thèmes définis par les instructions officielles. Le sujet doit impérativement donner lieu à une
production finale au bout de plusieurs mois et faire appel à deux disciplines différentes [par
exemple lettres et histoire ou bien encore mathématiques et physique]. Une petite recherche sur le
web permet de consulter de nombreux TPE réalisés par des lycéens et l’on peut constater que
certains ont parfaitement su intégrer la science-fiction à leur démarche de projet, que ce soit dans
les séries littéraires, scientifiques ou bien économiques. Exemples de sujets glanés sur le Net : la
ville dans la science-fiction [anglais-lettres], Relativité et espace temps [physique-philosophie. Avec
un volet sur des thématiques science-fiction], Quand la science se mêle à la science-fiction [lettres-
physique], le voyage dans le temps [lettres-physique], ..... les possibilités de sujets sont, il faut
bien l’avouer, assez phénoménales mais nécessitent que les enseignants soutiennent ce genre
d’initiatives et incitent les élèves à sortir des sentiers battus et à oser la différence. Le dispositif des
TPE autorise une très grande marge de manœuvre, c’est également le cas pour les IDD en collège,
qui fonctionnent selon le même principe, mais sont malheureusement victimes de leur caractère
bien trop novateur. Réticents dès le départ, les enseignants n’ont jamais véritablement soutenu ce
volet de la réforme pédagogique et si, aujourd’hui, certains ont conscience des apports de ce
nouveau type de pédagogie il est malheureusement un peu tard. Supprimés en classe de terminale,
moribonds au collège, TPE et IDD sont amenés à disparaître dans les années qui viennent, car les
programmes et les examens c’est quand même plus sérieux et autrement plus rassurant pour les
enseignants que ces mesurettes pédagogiques.

Conclusion

Aux Cassandre et autres pleureuses qui sans cesse déplorent que la science-fiction
soit une littérature méprisée et ignorée par les « agents de la culture dominante »,
on ne peut tout à fait donner tort ! En quelques décennies, la situation n’a guère
évolué en apparence. Les programmes et les instructions officielles, s’ils
n’empêchent pas la SF d’être utilisée en cours ou de faire acte de présence sur les
rayons des CDI, restent étrangement muets sur l’histoire et l’étude de ce genre en

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tant que courant culturel et littéraire majeur du XXème siècle, mais c’est également
le cas d’autres genres [polar, fantasy, BD, érotisme, ....] au mieux survolés, au pire
ignorés. Les espoirs reposent donc essentiellement sur les enseignants eux-mêmes,
leur bonne volonté, leurs aspirations et éventuellement leurs goûts personnels.

Que la SF ne soit guère étudiée n’a finalement peut-être pas autant de conséquences néfastes que
l’on voudrait bien nous faire croire. Certes, cette ignorance institutionnelle n’aide pas à la
reconnaissance de la SF comme genre majeur au sein de la grande histoire de la littérature
mondiale, elle n’aide pas non plus à la démocratisation de cette littérature, bien moins populaire
qu’il n’y paraît, mais elle permet toutefois de ne pas dégoûter les élèves dès leur plus tendre
jeunesse. Rares sont en effet les élèves à avoir pris goût à la littérature classique et aux grandes
oeuvres du passé [ou du présent] grâce à l’école. En général cette envie vient plus tard, avec
davantage de maturité et de dispositions culturelles. Cette ignorance maintient finalement une sorte
de statu quo qui n’est pas tout à fait malvenu et elle préserve une sphère d’intimité pour les élèves
qui aiment déjà la SF.

Cette dernière remarque peut paraître bien cynique, surtout venant d’un enseignant déjà confirmé,
je préfère dire qu’elle est lucide sur l’état de l’enseignement en France. Le problème ne vient pas
tant de ce que l’on enseigne, mais de la manière de l’enseigner, et sur ce point, la France tend à
accumuler les déficiences et les erreurs. Les réformes, les vraies, sont donc les bienvenues, avec ou
sans la SF comme support pédagogique. Mais avec, ce serait quand même mieux...

Pistes bibliographiques à l’usage des enseignants néophytes :

CANVAT, Karl. « La science-fiction : vade-mecum du professeur de français » : Didier-


Hatier, coll. Séquence
FERRAN, Pierre (dir). « L’enseignement du français par la science-fiction ». Paris : ESF,
1979, coll. sciences de l’éducation. 155p.
GRENIER, Christian. « La science-fiction, lectures d’avenir ? ». Nancy : Presses
Universitaires, 1994. 200 p.
La science-fiction : une fenêtre sur l’avenir. TDC. Mai 1996, n°715. 38 p.
COLSON, Raphaël, RUAUD, André-François. « Science-fiction : une littérature du réel ».
Paris : Klincksieck. 2006. 190 p.
MILLET, Gilbert, LABBE, Denis. « La science-fiction ». Paris : Belin. 2001. 445 p.
« Les littérature de l’imaginaire Science-Fiction, Fantastique, Fantasy ». Page. Avril 2004. 29
p.
MANFREDO, Stéphane. « La science-fiction aux frontières de l’homme » Paris : Gallimard,
2000, coll. Découverte. 143 p.
« Sociales fictions : Les androïdes rêvent-ils d’insertion sociale ? » de Christophe
EVANS, Sylvie OCTOBRE et François ROUET, sous la direction de Gérard KLEIN, une
douzaine d’extraits de romans commentés [Harry HARRISON, Isaac ASIMOV, Robert
SHECKLEY, William GIBSON, Jean-Pierre HUBERT, Kurt VONNEGUT Jr. etc].

Interview de Thomas GARGALLO, agrégé de lettres modernes, enseignant


au collège Gabriel Havez de Creil [ZEP - zone sensible], formateur à l’IUFM
d’Amiens / Mai 2006

- Le Cafard cosmique : Quelle place les programmes de français accordent-ils à la SF ?

- Thomas GARGALLO : Dans les Instructions Officielles, elle est beaucoup plus présente qu’on
pourrait l’imaginer. Les lectures conseillées pour le collège proposent systématiquement des œuvres
de SF pour chaque niveau : des auteurs français pour jeunesse (M. Martinigol, Gudule, etc.) mais
aussi, plus tard, des classiques (SWIFT, VERNE) et des auteurs étrangers contemporains
(LEHMANN, R.MATHESON, D.KEYES, BROWN, etc.). Les programmes, eux, citent parfois
nommément la SF : en 5ème et 4ème, pour différencier les récits authentiques et les récits
fictionnels ; en 3ème pour un parallèle possible entre héros traditionnels et cyberhéros ; en CAP
dans la finalité « s’insérer dans la cité », autour de la perception de l’Autre. Et de nombreux points
de programme, surtout en collège, laissent la possibilité d’exploiter des œuvres de SF. Seul les
filières générales et techniques de lycée évitent le sujet.

- CC : Le programme de français du collège mentionne un certain nombre d’oeuvres de


SF susceptibles d’être utilisées en classe, une liste qui a des allures de joyeux
bric-à-brac ?

- TG : Disons que cette liste, très indicative, voire « apéritive », tente de toucher plusieurs niveaux
de lecture, plusieurs lectorats : en sixième, par exemple, on conseille à la fois "L’Ile du crâne"
d’Horowitz, pour bons lecteurs, et "La Citadelle du vertige" de Grousset, plus facile. Certes, il
faudrait qu’elle soit actualisée, mais elle a le mérite de citer de nombreux auteurs français. Quant à
des œuvres plus ardues comme "Martiens, go home !", pourquoi pas ? Il y a plusieurs niveaux de
lecture, plusieurs approches possibles d’une même œuvre. C’est une question de choix didactique :
« Qu’est-ce que je veux faire comprendre aux élèves ? » En troisième, les élèves sont tout à fait
sensibles, par exemple, à la thématique de la xénophobie ou du mensonge nécessaire chez F.
Brown, même si une grande partie des traits d’humour pourront leur échapper. C’est d’ailleurs ce
qui intéresse surtout les professeurs de lettres dans la SF : la manière détournée dont elle aborde
de grandes questions d’ordre culturel ou social, aptes à éveiller les capacités d’analyse et l’esprit
critique des adolescents.

- CC : Je me souviens avoir étudié « Ravages » et « 1984 » lorsque j’étais élève.


Quelles sont les œuvres de SF les plus étudiées à l’école ?

- TG : A ma connaissance, aucune enquête n’a été effectuée à ce sujet. A mon avis, ce sont les
« Grands » qui sont étudiés : Orwell, Verne, Wells. Quelques œuvres pour jeunesse sont également
devenus des classiques, comme les œuvres d’Anthony Horowitz pour les petites classes de collège.
Et je remarque une belle percée actuelle des Fleurs pour Algernon de Daniel Keyes. A la marge,
vers le fantastique, les œuvres fantastiques du XIXème siècle sont très utilisées (Mérimée, Mary
SHELLEY, Bram STOCKER, etc.).

- CC : Selon vous, la science-fiction est-elle un genre populaire auprès des élèves ?

- TG : A priori, elle semble une belle entrée en lecture, en particulier la fantasy. Mais il faut
l’avouer, ça ne marche pas toujours : je pense en particulier aux élèves trop jeunes ou très en
difficulté, qui distinguent encore très mal réalité et fiction. De plus, quelques élèves, les garçons en
particulier, sont parfois réticents à étudier en classe une littérature qui, jusqu’alors, relevait de leurs
occupations extrascolaires. Ce n’est pas un paradoxe, c’est bien normal de vouloir préserver un
espace personnel sur lequel l’école n’empiète pas ! Enfin, et c’est un point fondamental,
l’adaptation quasi systématique, ces dernières années, des grandes œuvres de S.F. par le cinéma

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hollywoodien est à la fois un avantage et un inconvénient. « Je ne veux pas le lire parce que je l’ai
déjà vu » : telle est la réponse que tout enseignant risque d’entendre lorsqu’il veut faire découvrir
TOLKIEN ou ASIMOV, pour ne citer qu’eux.

- CC : Les élèves font-ils une distinction entre les différents genres de l’imaginaire, SF,
Fantasy, Fantastique ?

- TG : Non, évidemment, et c’est un objectif pédagogique en soi que de permettre aux élèves de
les distinguer. Je ne sais pas s’il est très « utile » de détailler les divers genres (space opera, steam
punk, hard science). Mais la différenciation entre les trois grands genres de l’imaginaire me paraît
nécessaire dès qu’il s’agit d’étudier l’un d’entre d’eux. C’est particulièrement le cas pour des élèves
jeunes : j’en parle plus longuement dans les pistes pédagogiques que j’ai brièvement tracées.

- CC : On observe depuis quelques années une véritable offensive de la fantasy. Les


enseignants sont-ils tentés d’exploiter pédagogiquement ce succès ?

- TG : Les enseignants l’utilisent plus volontiers. Certaines œuvres de littérature jeunesse sont de
véritables phénomènes des CDI : les trilogies « Le Vent de feu » de William NICHOLSON et « A la
croisée des mondes » de Phil PULLMAN, « Les Chroniques de Narnia » de C.S. LEWIS, et bien sûr
les « Harry Potter » et autres « Orphelins Baudelaire » sont souvent donnés à lire. L’exploitation
pédagogique, quant à elle, reste plus limitée.

- CC : La SF est-elle selon vous un bon support pédagogique ?

- TG : Les romans de SF, très structurés, permettent d’abord d’analyser le narratif avec efficacité.
Ils donnent également à voir la différence entre récits « authentiques », mimétiques d’une part, et
fictionnels de l’autre. En outre, puisqu’ils sont souvent des réécritures, des pastiches, des variations
autour de thèmes ou de genres (ce que l’on appelle l’intertexualité), ils sont de bons contre-points
à des œuvres plus classiques et plus anciennes, des « signes » de leur actualité renouvelée. Où
trouver aujourd’hui des romans de chevalerie médiévaux si ce n’est dans l’heroic fantasy, par
exemple ? Enfin, ils abordent des terrains relativement peu exploités par les autres genres
narratifs : les grandes contre-utopies catastrophistes nous permettent une belle éducation à
l’environnement, les rencontres extra-planétaires sont l’occasion de parler des différences et du
regard sur l’autre (je pense à Martiens go home !) et les grands classiques comme 1984, Le
Meilleur des Mondes, etc. offrent l’occasion de vrais débats sociaux en classe.

- CC : Vous êtes également formateur à l’IUFM. Quelles pratiques observez-vous chez


les jeunes professeurs stagiaires ? Quelles sont leurs connaissances en matière de SF ?
L’utilisent-ils comme support pédagogique ?

- TG : Ils restent très frileux. Aucun de mes stagiaires ne l’a intégrée à ses séquences pour la
simple raison qu’elle ne figure pas expressément dans les instructions officielles et qu’il est hors de
question pour eux, qui sont évalués, de sortir des chemins battus du programme. Quant à leurs
connaissances, si quelques uns en lisent par plaisir, ils ne l’ont pas encore mise en pratique. Les
autres ne la connaissent pas, et cela pourrait être l’un des enjeux de leur formation initiale !

- CC : Les professeurs de français sont-ils hostiles à la SF ?

- TG : Oui, je le crains, même si cela tend à se gommer. Je l’expliquerais par une formation
universitaire très classique, lors de laquelle la SF n’est que très rarement abordée. Elle n’accède
donc à la « littérarité », à un statut d’œuvre littéraire à part entière que si l’enseignant en a une
pratique personnelle. Cela reste un « mauvais genre ». Et il y a peut-être aussi l’idée que la SF est
un genre masculin, qui n’intéresserait donc pas les jeunes lectrices et n’intéresse pas, de fait, les
professeurs de lettres qui en grande majorité sont des femmes. Mais le polar, ancien mauvais genre
très masculin, accède de plus en plus aux manuels et aux classes : pourquoi pas la SF très
bientôt ?

- CC : Je me souviens avoir conseillé à une collègue professeur de lettres, la lecture de


« Kirinyaga » et de « Replay », sans lui avoir dit qu’il s’agissait de science-fiction. Elle a
beaucoup aimé. N’est-ce pas finalement l’étiquette « SF » qui pose problème ?

- TG : Je suis tout à fait d’accord. J’ai eu la même discussion avec une stagiaire qui disait ne pas
aimer la SF mais en lisait sans le savoir, à propos de H.G. WELLS. Finalement, c’est comme si l’on
présentait d’emblée l’étude d’un roman de Zola comme celle d’un « monument littéraire français et
d’une œuvre très importante du roman naturaliste » : tout de suite, cela semble très ennuyeux !

- CC : Le problème de la SF en France, ne provient-il pas également du fait qu’elle est


considérée essentiellement comme une littérature anglo-saxonne ?

- TG : Il provient à mon avis d’un problème franco-français : celui de la définition de la « grande »


littérature française, ce qui est « littéraire » ou ne l’est pas. Le parallèle avec le polar est à nouveau
significatif : ce n’est que depuis relativement peu de temps que celui-ci a enfin accès à la
reconnaissance. Il devient de bon ton d’avoir lu Fred VARGAS, par exemple. La SF a du retard et
reste peu reconnue : c’est la raison pour laquelle peu de personnes seraient capables de citer un
grand auteur de S.F. français, si ce n’est Jules VERNE ! Et sans se voiler la face, les plus grandes
œuvres de S.F. actuelles ne sont-elles pas anglo-saxonnes ?

- CC : Autre question provocatrice : faudra-t-il que la SF disparaisse définitivement


pour qu’elle soit enfin étudiée comme un mouvement littéraire et culturel majeur du
XXème siècle ?

- TG : Du XXème ou du XIXème siècle ? Voire du XVIIIème siècle ! Trêve de plaisanterie, il ne me


semble pas qu’elle soit en passe de disparaître. Il suffit pour cela de voir le dynamisme de la
littérature jeunesse actuelle, qui fait une très large part aux grands genres de l’imaginaire. Il est vrai
que dans l’enseignement de la littérature, la part belle est encore faite au « monument », au sens
latin de ce qui évoque, avertit ou rappelle, de ce qui fait signe vers le passé. Mais les nouvelles
orientations pédagogiques ne vont plus forcément dans ce sens.

- CC : Quelles sont les oeuvres que vous conseilleriez à vos collègues pour une
exploitation pédagogique en classe ?

- TG : A priori, spontanément, plusieurs œuvres me viennent à l’esprit : « No pasaràn, le jeu », de


C. LEHMANN ; « La Ferme des animaux » d’ORWELL ; les très belles anthologies de nouvelles
inédites de la collection « Autres Mondes » chez Mango ; « Des Fleurs pour Algernon » de D.
KEYES ; « Virus LIV3 ou la mort des livres » de C. GRENIER ; « Oms en série » de Stefan WUL ;
les nouvelles de BRADBURY comme « Un coup de tonnerre » ou « La Sorcière d’avril » ; et d’autres
nouvelles éditées en Librio dans La Dimension fantastique par exemple. Mais il y en a tellement !
Finalement, les œuvres qui me paraissent les plus intéressantes sont celles qui font la part belle aux
grands mythes et textes littéraires et celles qui ont une vraie dimension critique et humaniste. Et
d’ailleurs, la SF est un très bon support pour travailler l’argumentation, en collège ou en lycée.

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La SF à l'école - Les dossiers SF du cafard http://www.cafardcosmique.com/La-SF-a-l-ecole

- CC : Et vous-même, quelles sont vos dernières lectures personnelles, en SF bien sûr ?

- TG : En ce moment, je relis beaucoup. Je ne me lasse pas d’un vrai chef d’œuvre : « De bons
présages » de T. PRATCHETT et N. GAIMAN. Et la trilogie de Serge BRUSSOLO, « La Planète des
Ouragans », m’a transporté. Rien de nouveau, mais du lourd !

Téléchargez ici un fichier word explorant des pistes


d’exploration de la littérature SF dans l’enseignement,
par Thomas GARGALLO.

Quelques pistes SF

K2R2

NOTES
[1] Jacques GOIMARD, dans « Pour une sociologie du public » in « Critique de la science-
fiction » (Pocket, 2002) apporte un peu d’eau au moulin de cette théorie, mais propose des
chiffres bien plus raisonnables : selon lui, la SF serait lue à 50% par des écoliers et des
étudiants.

[2] « Lecture scolaire, lecture privée, frontières mentales frontières réelles ? » in « Lecture
scolaire et lecture privée : la question de la littérature à l’école », Grenoble - CRDP, 1999.

[3] Spontanément ou par obligation, quand les lycéens lisent des oeuvres. In Lecture scolaire et
lecture privée. Op Cit.

[4] Inter CDI n°171, mai-juin 2001

[5] Je sens déjà l’avalanche de mails pour m’annoncer que la question de l’Utopie n’est plus
inscrite au programme de première. C’est juste un exemple périmé, mais qui a le mérite d’être
simple et compréhensible pour les néophytes.

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