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(Bibliothèque de Philosophie) Martin Heidegger - Introduction À La Recherche Phénoménologique-Gallimard (2008)
(Bibliothèque de Philosophie) Martin Heidegger - Introduction À La Recherche Phénoménologique-Gallimard (2008)
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PHILOSOPHIE
ŒUVRES DE
MARTIN HEIDEGGER
Introdu�tion
à la re�her�he
phénoménologique
par
MARTIN HEIDEGGER
Traduit de l'allemand
par Alain Boutot
MARTIN HEIDEGGER
Introduetion à la reeherehe
phénoménologique
L1· pn'·H1·111 vol1111w rqlroduit le tt•xlt• du premier cours y:ue Heideggpr· a
do11111• 1111 H1'1111•s11·p d'hivPr 192:�-1921· à l'11nivt>rsité Philipp tle Marhourg
011 il Vt'1111i1 11'1\1l'i' 110111111{> profrsst>1rr. l IPidegger y engage pour la prt'mif>n'
l'oiM 111w .. , plirn 1io11 dt· fond avt•t• la pht�noménologie husserüennf' à la h1mif.re
dt' ln nolion t·1·nt rn lt· tIP l>osein. Pourquoi el tle quel droit la phénoméno
loi.:it•, qui t'>•l t·o111·t·1·111�.. au pn·nüt•r t•ht·f par les phénomènes, tlevient-f'Jlt>
11\1•1· l l n1<s1·1·I la ,.wit·ru·I' Pitl{>1iq1ll' clt'st..-iptive tl(' la eonsci('nce pure Lra11s-
1·1·11d11n111l1· '! ( :1•111· promotion insolitl' tlt• la 1·ons1·it'n<'t' au rang d'objet
pri\ilqd1· .i . . 111 n•..lwn·lw philosophiq111· n't'sl pas le fruit du hasard, mais
111·rn•Pdt· d1· l11 domination, dt•vt•nut• aujourd'hui ineontrôlahle, du SOU('Î dt'
1·t•r1i111d1· t'I d"t'·vitlt•111•t· appanr avt't' J)p1wartes. En Sf' laissant guidt'r par
1'1'111' id1·1· tlt'•t1·rn1i111�.. d1· st·it•nt't' plutcît qui' par les l'hoses elles-mênws, la
ph1•110111l'nologil' a 11011 st•11lt·nwnt d{>viP dt• st·s orit'ntations initialt"s, mais a
rwµ,lii.tt' 11' phi'·110111t'-1ll' d11 1>11.�ein qu't'llt' a tl 'ailleurs d 'l"mhlre exclu dt' son
d111111p d'inv1·Hlig111io11. I>'oil la llPt't'ssit{> tlt• 1·eprt'ntlrf' à nouvt"aux frais
1'1'111' q11t•MI ion d11 1>11.�l'in, t·t• q111· llt-idt·gw·r 1t·n 1t' ici t'll t>squis!'w t•n antil'ipanl
1'l'l'l11in1·M dt'H 11nalys1•s d1· Rtrl' " ' T1•111v�-
I '.1· l'Olll'H rq11·1·s1·n1t· non s1·11lt·mt·n1 1111 tlon111wnt t'ssentit'I pour mit'll'<
1·1•1111 r ,.,.qui.�•· jo1w dans 11· dt�l1al t•nln• llt•idq�gt•r Pl Husst·rl, mais offn·
llllMMi 11n1· d1•s inl1·1111·t�lations lt•s plus t·in·onsta111·i!>1•s qw• llt·idt•ggt•r· ail
ilon111•t'M d1· lu philoHophit• 1·arlt�si1·n111'. Il t•onsliltw pou1· to11t1·s t'l'S raisons
1111 ,i11lo11 11111j1·11r sur la voit· qui a 1·011d11il l l1·itlt•gg1·r ù l'o11tologi1·
f11111l111111·n111 l1' .
. 1 j 1. jJ._ .....
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MARTIN HEIDEGGER
INTRODUCTION
À LA RECHERCHE
PHÉNOMÉNOLOGIQUE
Traduit de l'allemand
par Alain Boulot
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( 1 1')
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1011
..
urs de Marbourg du semestre d'hiver 1923-1924
édité par Friedrich-Wilhelm von Herrmann
P RÉ S E N T A TI O N D U T R A D U CT E U R
I'
en effet l 'année même où Heidegger entreprend la rédac
tion effective d' Être et Temps dont il présente une toute
première esquisse dans une conférence sur « Le concept
pr vu cl' dit r 1 s pr ·mi 'rs cours que Heidegger avait donnés à Fri bo u rg
Titre original: < L944. Rapp Ions qu clans le plan i n i t i a l de !' Édition intégrale, i l n ' était pas
j ; �
1io11 i· u1ç11i.I' '.
�mll'.
Présentation du traducteur Présentation du traducteur 9
cl
r.ien qui renvoie ici à la conscience, et d'ailleu:s !a pens�e
t m ps1 » donnée le 25 juill et 1924 deva nt
la société de
olog ie de Marbourg. C'est donc au mom ent
ba s de ce qui va deve nir l'ont
où il jette les recque ignorait tout de ce que nous appelons amsi. La .phe
H .1 cl egge r se prop ose, dans ce cour s
olog ie fond ame ntale que noménologie, dans son « pré-concept », n'est pas une science
à la rech erch e phénoménologique, non cert
inaugural, d'introduire cle la conscience, mais est concernée par !'apparaître de l'éta�t
es sous la forme dans son être ; elle consiste, comme l'indiquera plus tard Hei
d'un xpos é doct rina l, mais en engageant
av c Hu serl et avec la compréhensi on huss
une explication degger, à « faire voir à partir de lui-même ce qui se montre tel
erlienne de la qu'il se montre à partir de lui-même1 ».
ph nom énol ogie , expl icati on qu'il reprendr .
a d'ailleurs un La curieuse primauté accordée à la conscience d �ns la
peu plus tard sous une forme plus déve lopp
mière part ie de son cours du semestre d'été
ée dans la pre recherche philosophique n'est pourtant pas le frm� du
1925 Prolégo hasard, mais procède d'un souci particulier devenu dommant
mènes à l'histoire du concept de temps2. Sans
entrer dans le à l'époque moderne, le souci de scientificité, ou plus exacte
détail, nous allons dégager ici les grandes
ligne s de cette ment « le souci que la connaissance soit elle-même connue
confront ation majeure qui permet de mieu
l'idé e que Heidegger se faisait à cette époq
x comprendre (die Sorge um die erkannte Erkenntnis) ». Et c'e.st �ien là
ue de la phén o finalement la thèse centrale de ce cours : « La dommat10n du
mén olog ie dont l'ess entie l, com me il le dira
« ne résid e pas dans sa réalisation com me
par la suite 8 uci de l'idée de certitude et d'évidence vides, et par là fan
. "cou rant" phil o� tasmatiques, préalablement à toute libération d� la P? S �ibi
sophique. Plus haute que la réalité se tient
la possibilité. l'it d'encontre d'états de chose fondamentaux determmes, a
L'in telligence de la phénoménologie réside uniq
uement dans . · nduit à refouler le thème originaire de la considération
sa saisie comme poss ibilit é3' ».
Partant de la détermination husserlienne de la <phénoménologique>2• » La phénoménologie n'est plus gu�
logie dans les ldeen comme « science eidétique
phénoméno d par Je souci de s'approprier les cho�es elles-1:1e� mes, ma� s
�
descriptive de ,
la conscience pure transcendantale », Heid egge par une certaine idée de la science. Heidegger decele la pre-
8 nce, chez Husserl, de ce souci de connaissance connue dans
r commence
par se demander comment la « conscience » en
der ce singulier privilège de constituer le thèm
vient à « possé 1 article manifeste de 1911 « La phénoménologie comme
fondamentale telle que prétend l'être la phénomé
e d'une science s ·j nce rigoureuse » où Husserl critique le naturalisme tout
privilège est d'autant plus surprenant que le
nologie »4. Ce n reprenant à son compte et même en radicalis.ant l'idéal ?e
terme même de s ientificité du naturalisme lui-même. Ce souci de connais
phénoménologie, si on l'entend en son sens
originel, c'est sance connue remonte en réalité à Descartes, même si des
à-dir e grec , ne fait nulle men t référence à la
prenant appui sur Aristote, Heidegger rappelle
conscience. En pr mices peuvent déjà en être repérées chez les Grecs ��x
en effet que, rnê:mes. La philosophie de Descartes est en effet tout enttere
pour les Grecs, le « phénomène » n'est rien d'au
L ndue vers la quête de l'indubitable, de !'absolument cer
tre que l'étant
. II n'y a donc
lui-même tel qu'il se montre dans la présence
ta in, lequel réside dans le cogito sum, qui n'est pas une thès.e
1. Cf. « Der Begriff der Zeit (Vortrag 1924)», D n tologique, mais une proposition logico-formelle, une certt
2004, p. 107-125. H.G. Gada mer voit dans cette
conférence la fonne o r ig i
er Begriff der Zeit, GA, t. 64,
Lud absolue fondant et garantissant toutes les autres.
s (cf. H.G.
«
nelle» ( Urform) d '. Ptre et Temp
g1e » (1964), in Heideggers Wege, Tübin gen,Gada mer, «Die Marburger Theolo mp.ire x rcé par ce souci de certitude et de « connais
Mohr, 1983, p. 2 8 ) .
A. B o ut ot , Prolégomènes à l'hiswire
2. Prolegomena zur Geschichte des ZeitBegriffs
, GA, L 20, 2° éd., 1988 (tracl. fr., connu » a eu d s conséquences « funestes »3 pour la
du concept de lemt?s , Paris, al/irnarcl .
�-
Zeit, GA, t. /, %Pir, , 1. , p , . 4.
'f., i·d 'SS111 1 , fl, li.
•
f.
omenological Research, trad .
Mart in Heidegger, ln.troduction to Phen
n, .India na University Pres s, 2005 , p. xm.
1.
on J. Dan iel O. Dahlst rom, B loomingto
Heid,�gg�� déclare pa� exemple dans Je cours du semestre d'été 1923 que . f., i-dessous , p. 158, 206,
1. Cf., ci-dessous, p. 329.
}· etc. , . .
l
.l ase1.n humain »,
Dase111 du monde et des choses du monde, l eur « tre-là », a pour trait ar � t _
11!1 .. 1 . 19.
nst1que la s1gn1f1cat1v1té (.Bedeu/sam.keir).
3. Cf., ci-des ous, p. 16.
14
Présentation du traducteur
11 PREMIÈRE PARTIE
<l>AINOMENON E T Aüf01:
CH EZ A RISTO T E
E T L 'I N T E R P RÉ T A TION
QU E HUSS E R L DON N E LUI-MÊM E
D E L A PH É NOMÉ NO LOGIE
Premier Chapitre
1
1 à Aristote
i/ � �o��nt cpatv6µi;vov en vient-il à signifier «app:i:���:n�> e;. chapitre 7 qui traite de la perception du monde sur le
111nd de la vision1• Toutes les connaissances issues de la phy-
- -1 one d ans le terme de cpmv6µi;vov des motifs t l U , de la physiologie doivent être ici mises de côté car il
J
«Phénoménologie» est composé de À&yoç et de cpmvoµi;v , 1arté. Aristote a découvert que la clarté [8) n'est on pas un
:1 <I>mv6µsvov veut dire: quelque chose qm. ov.
orp (ti µi::v o-Ùv tà ôtacpavi:ç : Kai. ti tà <p&ç, si'.pritat,
11 1 se montre.
équivaut a' [7] «se montrer» "'ma'tvw c 'est «mettre quelque
<I>aivoµm
p ou0' oÀroç cr&µa oùô' ànoppoit crffiµmoç oùôcv6ç [ ...) , ÙÀÀà
outs
ar •n » 1 941 j.
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e110 !00/.1'(' her Tell
7. Ibid., li 7, 418 b 4 sqq.
6. Ibid, 117,418 b 4.
meut pas2, mais elle est le mode de l'être-là proprement dit • J l l l i 1 1u�'f]KOÇ, l'ill usi on est pos
A 't'ist te dét erm ine la cou
leur, ent re autres cho ses , com me
du ciel3, elle laisse voir les choses, autrement dit c'est le jour.
pré sen ce de feu1. La clarté ne se
�eut
il qui , lorsqu i � est
La clarté est un mode de présence de quelque chose 1, v*. La clar té est
9 . Ibid., I I 6, 41 8 a 1 1 .
1 0. Ibid., I l l 3, 427 b 1 2. , p.
l l . Ibid., ll 6, 4 1 8 a L7 sqq. f., , suj t, An1 1 · e . 01�1p l m n i
op. c/t., 11 6, 4 1 H l 16.
1 sq.
(10] b) Le <pmv6µEvov comme ce qui d 1 11 " le mouvement d e l'évolution historique, e t n e sont donc
en soi-même dans la clarté com se montre p i11 un bien ni un acquis de la philosophie que l'on pourrait
1
me dans l'obscurité
• • définitivement et qui seraient [ 1 1 ] en dehors de toute
Le concept de <patv6µëvov ne · · v t > l u t ion. Ils sont bien plutôt devenus notre véritable malé
d l i o n dans la mesure où la considération et l'explicitation
se lim ite pas à la seule pré
s�n �e des choses à la lumièr
d 1 1 l asein en son entier sont grevées de concepts qui ne sont
e du jour, il est plu s am ple et
designe ce qui. se mo ntr e en
soi-même, que cel a se montr
dans la clarté ou dans l'ob e p l i ! " autre chose que de simples mots. Ils signalent le grand
scurité.
C? u'est-ce donc que l'obscurité ? Pour d 1 1 1 1 •er qui est de ne philosopher aujourd'hui qu'avec des
le vide, la rep, onse n'e qui argumente dans 1 1 11 Jt8 et non pas au contact des choses elles-mêmes.
st manifestement pas difficile.
est le ôia avéç1, elle laisse voi La clarté •1>0.1:v6�LEvov et J...6. yoç expriment un état de fait. On verra
pt1 la suite quels motifs présents dans l_' êt� e -là � ui-m � me ont
� r, l'ob scurité est un àôtacpavéç
.
elle ne laisse pas v01r. Ma is l'ob ,
scurité laisse bien aussi voir .
quelque chose. Il y a même 1 1, rrnis que le cpmv6µEvov prenne la sigmf1c� tion d « appa
�a�s l'obscurité : où navra ôt opœ du visible qui n 'est visible que
w 1 1 e » - et on verra aussi comment une ph1losoph1e deve-
.
�Kacrwu TO oiKdov XPffiµa· iivia yàpr:àtvÈV <pmTi fonv, àUà µ6vov 11u l; perficielle et à la remorque d � simples mots
µtv Ttj) <pmTi oùx 6pihat, .
E� ôt Ttj) �K6 Et not i afo0îi0 1 p p t hende ce qui est là comme « appan� 1on de � uel� ue
h u-·c ». Aristote n'avait pas une métaphysique aussi naive.
� 1v, oio v Tà nupffiôri cpmv6µEva2.
L obscunt. � la�sse voi�r d'une
1 1 q u a nd on cherche aujourd'hui à articuler une critique d e
. . façon bien spécifique. Pour éta
blir ce qm d1stmgue l'obscu
rité de la clarté, il fau t avo
rec?�rs à une différence fonda ir l,1 phénoménologie en faisant fonds sur le mot « appan-.
1 • H� , c'est là une indigence que je ne peux que condamner
. mentale de la phi los oph ie ari s
totehcien ne : cel le ent re ÈVTEÀEXEi<;t et ôuv
l · f. Rickert, 1 9231).
aµëL ov. L'o bsc uri té
est �? ôuvaµEL ov3, c'est quelqu
e chose qui est de par t en par . ,. �
positif. Nous ne sommes pas t cpatv6µevov, ce qui se montre en lm-meme en tant qu 11
1 ·1 l à · il fait encontre à la vie dans la mesure où celle-ci se
en éta t de saisir cette structu .
spécifique car nous ne disposons re
1 tq p ;te à son monde en le voyant, et plus généralement en
pas , dans notre théorie des
catégories, de catégories aussi
l1 percevant dans l'afoOri01ç. Les 'Œia aioOrtT<i sont le perçu
originaires. Da ns la mesure où
l 'obscurité est un s'e n-ê tre -all
coi:ir_ne une CTTÉPTJ crtç4, comme 1 1 oprement dit. D 'un autre côté, le KŒTÙ cru µPEPrtKO Ç e �t
é, elle do it êtr e caractérisée
une absence de quelque chose
qm a proprement parler dev 1 1Hnédiatement perçu d'une manière telle qu'autre chose soit
rait être là-devant. L'être de
l'obscu�ité consiste dans le fai 1 gn l,ment là d'avance originairement. Ce n'est que de cette
· r . p
c.hoses ne e vo1e �t cho se ; e n e ffe t , cert
�
ts qui
II 7,
ct. as
euschrift fur
t1on dan s 1 obsc u11te
x
· 1 1 , i "(' / I ""
418 b 1 0 sq. in
4. Ibid. , 1 1 , 6 9
v 'I.
sq.
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1 , 11 111 h 8 ; MO 1 I ll
0 1 1 k a-
.,
! / Id 1
1 , 640 H 1 0 sqq.
<i. f/J/ 1
a
· · •. 1 , 640 0 1 4 sq.
1
.• 1 1 . 640 11 1 7.
ologie » 31
30 <Dmvoµevov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl Quelques lumières sur le terme « phénomén
Le n m est lui aussi une sonorité intelligible en tant que J un instrument (oùx cùç ôpyavov1 ) , comme peut l'être par
telle. "Ovoµa µèv o'Ùv È<ni cprovi] cniµavnKiJ Ka'tà auv9ÎJ1CT]V 1 , mple la main. La parole est l'être et le devenir de
èiw:u X,POVOU, �ç µ11oèv µÉpoç fo-ri cniµavrtKOV KëXWptaµÉvov· ÈV l 'homme lui-mêm e. Ce que nomme un nom est nommé dans
yàp nr KaÀÀt7t1tOÇ 'tO ln1tOÇ oùoèv aù-ro Kae' ÉaU'tO a11µaivët, • tt nomination en étant mis en relief hors de toute déter
ffiansp Èv •0 Mycp •0 KaMç i'.nnoç. où µèv oùo' ffiansp Èv rnî:ç mination temporelle (èivsu xp6vou2) . Ce qui est nommé est
ànlcoî:ç 6v6µamv, oihroç EXët Kai Èv rnî:ç nsnÀsyµÉvmç· Èv tii mpleme nt [ 17] un certain quid. Cela vaut aussi pour les
ÈKëivotç µèv yàp 'tO µÉpoç oùoaµ&ç miµavnKÜV, ÈV oè 'tOU'tûtÇ 1 1 ms qui font référen ce à quelque chose de tempor
el.
BouÀê-rat µtv, àU' oùosvoç Ksxroptaµèvov, ofov Èv •0 Année » ne désigne pas en effet cette année-c i ni l'année
È1tUK'tpOKÉÀ11Ç 'tO KÉÀllÇ OÙÔÉV. 'tO ÔÈ KU'tà CTUV91ÎK11V, Ôn cpuaët prochain e. Aucune partie séparable d'un nom ne vise
-r&v ovoµa-rrov OÙÔÉV fonv, àlclc' O'tUV ytv11-rat al>µBolcov, Ènsi qu Jque chose pour soi. En juxtaposant les parties d'un nom,
011!couai yt n mi oi àypaµµmot \j/6cp0t, ofov 911pirov, dlv oùotv 1 n parviens jamais à une signification unitaire . C'est une
fonv ovoµa1. Un mot ne devient pas signifiant du seul fait ·li nificatio n unitaire et elle seule qui fonde l'être-en semble
qu'on peut le prononcer avec la gorge et la langue. Celles-ci d · syllabes détermi nées. Ce n'est que dans et par cette signi-
sont cpuast, ce qu'un mot n'est pas. Les mots sont à discré 1 1 nt ion que l'articulation verbale devient intelligib le. « Aris �
tion, Kmà auve1ÎK11V2, c'est-à-dire que chaque mot est apparu 1 1 t » : je peux dire cela parce qu'un mot n'est un mot que s1
à un moment donné et possède sa propre genèse. Le terme 1 son devient un al>µBolcov3. (:EuµBowv signifie à l'origine
ne possède pas une fois pour toutes et à proprement parler la , h z les Grecs l'anneau brisé que les époux, les amis se don
signification bien établie qui vise la chose qui y est en cause w 1 i nt en se quittant pour qu'au moment de leurs retrou-
- le mot, en tant que tout, n'est pas puisé à une expérience a l Hc ils se reconnaissent en réunissant les deux moitiés de
·
primordiale originaire de ce qui est en cause, mais procède 1 111 ueau.) L'un ne cesse de renvoyer à l'autre. Par un
des prénotions et des aspects prochains des choses. La genèse t J lll�� lcov, quelque chose d'autre est rendu co�naissable ; le
du mot ne procède pas de l'être physiologique, mais de l'exis 111< 1t , lorsqu'il signifie, renvoie à la chose dont Il parle. Il Y a
tence (Existenz) proprement dite de l'être humain. Ce n'est , , 1 ndant des sons qui manifes tent quelque chose sans
pour
que dans la mesure où l'homme est dans le monde, où il v eut . 1 1 1 t n n t signifier quoi que ce soit, ce sont les àypaµµm0t4,
quelque chose dans ce monde et le veut pour lui-même, qu'il , , 1111111 par exemple un gémisse ment. Il leur manque l'articu-
1 d km typique qui permett rait de les écrire ou de les lire ; cela
parle. Il parle pour autant que quelque chose de tel qu'un
monde est découv ert pour lui au titre de cela dont il a à se
préoccuper, et que dans son « pour lui » , il est lui-même
111 • peut que sur le fondement de la signification.
1 Myoç apparaît déjà dans la langue courant e à titre de
, . 1 1 , t ristique fondam entale. Dans toute interprétation du
découvert à lui-même. Mais le mot n'est pas là à la manière
1 oç nous avons déjà une certaine prénotio n de ce que
·1 • 1 1 ifi « Myoç ». N ous savons, de manière tout à fait
1. Ibid., 2, 16 a 19-29. (Le nom est une sonorité vocale qui signifie par conven indé-
tion sans faire référence au temps, et dont aucune partie, prise séparément, ne
signifie ; dans le nom K<illmiroç, en effet, fairoç n'a en lui-même et par lui 1 11 1 niin , ce que c'est que parler, ce que c'est que le langage .
même aucune signification, comme c'est le cas dans l'expression KaÀOÇ liriroç. ce
n u n'avons aucune in formation sûre concern ant
sés; dans les premiers, la partie est privée de toute s i g n i fi ca t io n , t a n d i q ue dans i m i fi a i t le la ngage pour les Grecs dans leur Dasein
Cependant, il y a une différence entre les noms simples et dans les noms compo
les seconds, elle tend à la signification mais non pas prise sé pa ré men t ; par
exemple dans le mot éiraKTpOKÉÀT]Ç <bateau de p i ra te , le mot KÉÀT]Ç <bateau>.
Je dis par convention parce que r i e n n 'es t par n a t u re un nom, mais se u l e m e n t 1 , !lui., 4, J7 o 2.
lorsqu'il devient symbole, car mêm l e s sons i nart i u l , c o m m ce u x cle b l 'S, 1, // /. , , I f H 20.
man ifes te nt q ue l q ue chose, mais "I n c l a n l a u ·un c l ' ntr u x n ' si u n nom . ! , il ri. . • 1 1 a 21l.
2. Ibid., 4, J 7 a 1 . 1. li /. , , 16 u H sq.
34 <I>mv6µcvov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl - Quelques lumières sur le terme « phénoménologie » 35
naturel, comment ils voyaient le langage. L'hellénisme a 1 111 •nte de quelque chose veut dire : tenir là quelque chose,
certes une science du langage et une grammaire : un trai 1 . a voir e n ayant enten te du fait qu'est nomm ée là la chose
tement doctrinal et une théorie. Toutes les conceptions 1 11 11m11ée . Ce qui importe à Aristo te, qui s'oppose notamment
modernes du langage en subissent l'influence. Viennent se . l llaton , c'est que le langag e, quand il se meut au sein de la
greffer là-dessus les influences de la théorie de la connais 1 111 ne, est quelq ue chose qui, dans son
être vérita ble, pro-
sance et d'autres encore, si bien qu'on ne se pose plus la ' 1 d" de la libre appréciation de l'homme et n'est pas cpucri:11 .
1 .1 ITJ.aniè re dont l'ovoµa et le pfiµa s'asso cient pour
question de savoir comment les Grecs vivaient au sein de leur former le
A· yo ne peut jamai s deven ir � �e �t par
langue. Nous devons malgré tout prendre notre parti de cette un problè me à propr
i , r , n effet le Myo<; est justem ent l'élém
absence de clarté fondamentale concernant l'être-là de la lan ent ongm aire, et
gue et du langage. Mais nous possédons - et [18] cela néces 1 , 1vop.a et le pfiµa doiven t être compris comm
e des modif ica-
1 1 •nS partic ulière s du Myo<; . Ce qui caract
sairement - un concept déterminé de l a langue. Nous le �ris� l'ovoµ a, c'est
sigmfl _ ants. Le mot
laissons pour l'instant en suspens, c'est-à-dire que nous ne q l 1 'i l ne peut pas être scindé en éléme nts
donnerons de forme concrète à notre conception de la langue , 1 1 tant que nom est tout entier dans l'unité [19] de l'acte de
que si nous avons un motif et un point d'appui pour le faire. .1 • I l i ficatio n corres ponda nt à ce que nous
appelons « nom-
Une chose est sûre : les Grecs vivaient, selon une modalité 111 r quelque chose ». Il y a certes des mots comp osés qui ont
i nsigne, dans la langue et c'est par elle qu 'ils étaient vivifiés ; 1 1 1 doute aussi une signification unitai re, et dont les élé-
et ils en étaient bien conscients. Le fait de pouvoir s'adresser 1 1 1 1 1 ts constitutifs veulent également dire quelq ue chose en
1· 11 x-mêmes ; cependant ils ne veulent pas simple ment dire
�e chose ?�n� la
discursivement à ce qui fait encontre (le monde et soi-même)
et d'en débattre, ce qui n'est pas nécessairement de la philo q W' l q ue chose , mais ils veulen t dire quelq
sophie , c'est ce qu'Aristote caractérisait comme être de i i1 · p ctive d'une signification unitai re. La hbre appreciahon
l'homme : Myov ÉXEtv1 , avoir le langage. 1 qfl me l'acte de création du langage lui-mê me, et ne se
Dans le De interpretatione (chap. 3, vers la fin), on trouve 1 1 I r uve donc pas nécessairement dans chacu ne de ses effec
l 1 H 1 t i ns. Nous ne venon s donc pas au mond e avec un
cette détermination : Aù-rà µÉv oûv Ka8' fomà Af:y6µi:va Ta stock
1 1 1 ·rmi né de mots et
pi] µaw 6v6µma Ècm Kai cr11µaivi:t n (fo't"T] crt yàp 6 My(j)v TÎ]v ne somm es pas non plus progr essive -
ÔLavoiav Kai 6 àKoucra<; Tiptµ11crcv2) : « celui qui dit quelque 1 1 1 nt i nsérés dans un cadre <lang agier> déterm iné.
· pfi µa est un mot qui : 1° dans
chose amène la pensée à fixité ». Lorsque nous vivons notre sa signif icatio n, signifie
vie naturellement, le monde est là. Nous sommes en com , 1 1nj internent et de surcroît le temps (npocrO"T]µaivi:t XP6vov2)_ ;
merce avec lui, nous avons affaire à lui. Mais dès qu'un mot , 1 qu'il signifi e, il le signifie dans un être temporel : le fait
1I .
e t prononcé, la pensée se trouve placée face à quelque
· t re à un moment ou à un autre », par exemple « mourr
a»;
chose ; en ayant l'entente du mot, je m'arrête auprès de ce •11
•
·la, i l J e signif ie dans la persp ective d'un autre être � par
dont iJ s'agit : je parviens au repos en visant présomptive- 1 · mple « va à l'église ») : fonv àEi Tffiv Ka8' 1htpo � Y? :1EV(J)Y
111 n t q ue l q ue chose. L'auditeur est mis en repos lorsqu'il a
�
» est l'être q m es: sigmfl,� d�ns
_
1 1 11 wt v . L'être « rhéma tique
I' ntente du mot : 6 àKoucra<; Tiptµ11cri:v3. En ayant l'entente 1 1 w.a . L'ovo µa et le pfjµa ne peuve nt appar
aitre qu a titre
d m d i ficatio ns du Myo<; origin aire. Ils sont
d u mot, je me repose auprès de ce que le mot signi fie. A voir certes chacun
ga l 1 11 nt signi ficatio n, mais quelqu e chose s'est
1 . A ristotelis Politica A 2, 1253 a 9 s q .
. A, ristote, De in.1e1pretation.e,3, 1 6 b 1 9 sqq. [En eux-mêmes et par eux-mêmes,
1 6 tl
à fi x i t é el celui qui 2. J/ 1 /. , . , l 6 b 8.
qu'on appelle les verbes sont donc des noms et signifient quelque chose (en effet 1. J/1irl. . . • 7.
1. J/ i r l. . • i f h 7 .
· l u i qu i parle amène l a pensée coute est mis en re 1 os ) . l
. . Ibid., , 16 b 2 1 .
1 1
Ibid.
1 6 b 29 sq : [ Mais i l n'y a u ra affi rmai ion ou n gal ion q u si q u sqq. ; I l l . 1 1 8 b 1 0 sqq. ; H l 5, 1 1 9 a 23
4.
Ibid., �·
J. li'/l,i· Toplcrl. 1 1 1 1, 1 1. A
5.
'lquc 6
" "'
chose est a1outé <à la sim ple énon ·in 1 ion>. / r/.1-11
1
1 38 <l>aw6µi:vov chez Aristote e t la phénoménologie selon Husserl Quelques lumières sur le terme « phénoménologie »
1/
39
il parle sur le monde. (Le « sur » ne signifie pas juger ; « sur Myetv doit être distingué de la simple énonciation d'un nom
le monde » est par exemple implicitement contenu dans le ou d'un verbe. À la différence de tous les noms, le Àhyoç est
mot « aujourd'hui » lorsqu'on dit « s'il vous plaît, venez me n;p6cr0ecnç. Ce qui est nommé est indifférencié quant à son
voir aujourd'hui ».) J tre. Au contraire, ce qui est signifié dans le Àhyoç est carac
Le cpmv6µcvov a été déterminé comme ce qui se montre en térisé comme étant là. Un nom signifie en visant simplement
tant que ce qui est immédiatement là (c'est-à-dire le monde). n un sens formel, le Àhyoç signifie en montrant ce qui est là
Concernant ce qui est là cette manière, le discours a une en tant qu'il est là. D ans l'herméneutique (quelque chose que
fonction bien précise : le Àhyoç ànocpavnKÛÇ est un discours Hegel aurait paraît-il découvert1 ) : un verbe proféré �imple
avec le monde par lequel le monde qui est là est montré en ment en tant que mot est un simple nom (Aù-rù µÈv oùv Ka0'
tant qu'étant là. ( ànocpaivrn0m veut dire : faire voir quelque liau-rù /...ey6µeva -rù pi]µam 6v6µma fon Kat cr11µaive1 n2) . Il
chose à partir de soi-même dans la manière dont il est là). Le signifie sans doute quelque chose, mais avec ce nom, je ne
Àhyoç ànocpavnKÛÇ n'est cependant qu'une possibilité parmi suis pas placé devant l'étant, et rien n'est décidé quant à
d'autres de parler sur J e monde avec des mots. Aristote dit 1 être-là ou au non-être-là du signifié (à/.../...' ei fonv il µi], ounffi
dans le De anima : le Àhyoç est une possibilité d'être de <t1iµaive13). Cet être indifférent ne dit rien sur la chose en
l'homme qui vise à le porter à son plus haut Dasein possible ·�ruse ni sur son être en tant que [23] cela même qui est en
(en Çfjv1 ). Partant de là, on peut aller jusqu'à dire que vivre <fuse : oùoÈ yùp -ro dvm il µit eîvm cr11µCt6v fon wù
revient au même qu' être possible, avoir des possibilités bien npayµmoç4. Si je dis « poêle » et si je comprends ce qui est
déterminées. Cependant ici Aristote ne parle plus de Àhyoç, ht, alors ce que je comprends n'est déterminé en aucune
mais de ôta/uxroç2 (parler de quelque chose avec d'autres), manière quant à son caractère d'être spécifique. L'être ver
ou [22] d'tpµ11vëia3 (s'entendre sur quelque chose avec bal ne veut rien dire lorsqu'il est pris seulement pour soi ; en
d'autres). Ici se fait jour une définition fondamentale de l'être lui-même, l'être verbal n'est rien. Il n'est rien, mais signifie
humain. Être homme veut dire : être un vivant qui a la d" surplus une certaine composition ( aù-ro µév yùp oùoév Ècrn,
possibilité d'avoir commerce avec les npayµma, avec le monde pocrcr11µaîvet oé cruv0ecrîv nva5) . Il appartient à tout verbe, à
en tant qu'objet de préoccupation possible, et en vérité tia véritable signification, de viser ce qu'il signifie en
être capable de parler. L'étant est caractérisé dans sa npàl;tç onnexion avec autre chose. L'être verbal détermine un hori
essentiellement comme un être qui parle. , 11 de connexions possibles. Cette détermination est elle-
Aristote s'intéresse tout particulièrement à la question des 1n me indéterminée car elle ne détermine pas univoquement.
moments qui constituent l'unité du Àhyoç. Pour lui, et pour La signification de tout verbe comporte un renvoi déter-
les Grecs en général, la détermination de l'unité, de l'Ëv per
mute avec la détermination de l'être spécifique d'un étant. Il
1 n iné à des connexions réales ( cruv0ecriv nva, ilv aveu -r&v
QUyKetµévffiv o'ÙK fon vofjcrm6). Le verbe possède à propre-
s'agit de découvrir l'unité du Àhyoç ànocpavnK6Ç selon deux
perspectives : 1° du point de vue du signifié ; 2° du point de est Husserl, et non pas Hegel, que Heidegger a ici probablement en vue ;
r. pos t f ace , p. 347.
J. '
16 b 19
vue de la signification factive. ' '
. Ari tote, De in.terpretation.e, 3, sq. [En eux-memes et par eux-memes,
Sur le premier point : comment Je Àhyoç c'mocpavnK6ç se qu'on appe l l e les verbes sont: donc des noms et signifient quelque chose.]
différencie-t-il de l'ovoµa et du pfjµa ? Le Àhyoç au sens de . n ici., 1. 6 b 2 1 sq. ( l i ne signi fie pas e nco re qu'une chose est ou n'est pas.]
,
s t n iJUS ' . ]
4. Ibid., 3, 1 6 b 22 sq. [ ar « êt re » ou « ne pas être » n'est pas un signe de ce
1. Aristote, De anima, I l 8, 420 b 20. 1111
. //1irl. . 3, 1 6 1
·
Ibid. , I I 8, 420 b 18 .
(). //JI /., . , 16 b il sq . l u n · rtnin
• 4.
s i.
o rn posi l ion qu ' i l est i m possible de conce-
3.
olr I n t i p · n < J 11 n 1 1 1 1 · 1 1 1 d ·s ·hos ·s ·o n 1 pos
40 <r>mv6�u::vov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl Quelques lumières sur le terme « phénoménologie » 41
nt
ment parler un caractère relationnel mais de sorte que ce jaune est attribué aux feuille s) à l'homme en tant qu'éta
Là. ; mais ce que le À6yoç dit ici sur l'étan t, c'est l'étan t lui
rapport de renvoi et son être soient indifférents. Au rebours
en
même . Ce qui est là est abord é discursivement purement
Z
de cette indifférence d'être, l'être-là est signifié dans chaque
de la
À6yoç. lui-mê me (Ka0' ain:à À.i>y6µi>vov1). C'est au livre
Métaphysique, chapitre 4 (1029 b 13 sqq.), où 1'6ptcrµ6ç
est
Sur le deuxième point. Qu'est-ce qui constitue l'unité spé
é
1 cifique du À6yoç ànocpavnK6ç ? Le À6yoç ànocpavnK6Ç origi �malys é, qu'Aristote va le plus loin dans l'anal yse de l'imm
ne sera plus j amais attein te
cHat. Cette position de pointe
1
nairement unitaire est la Kœracpacnç, laquelle va de pair avec
l'àn6cpacnç, l'une et l'autre étant caractérisées comme par la suite.
Il àn6cpavcnç (affirmation et négation)1. La Kmfopacnç : dire
quelque chose de quelque chose d'autre en le rapportant à
Lorsqu'on parle, l'être du mond e est prése nt comme
q uelque chose qui est là, il est montré à partir de son fond,
il
e
lui. L'àn6cpacnç : dire quelque chose de quelque chose en ·st saisi en lui-mê me. Dans l'énoncé, c'est son être-là propr
Î
l'éloignant de lui. Dans l'àn6cpacnç, il y a un double àn6. Les ment dit qui se donne. La corrélation entre À6yoç et i> ôoç
e
deux ne vont nullement de pair. En premier lieu, l'état de fait devient ici fondamentale : l'i>Îôoç est l'aspect de quelqu
e qu'il présen te, et
en son entier doit être maintenu dans son être-là propre ·hose, c'est-à-dire pour les Grecs l'allur
ue,
avant d'établir quoi que ce soit à son sujet : c'est seulement qui équiv aut à « c'est ainsi ». D'une maniè re caractéristiq
c qui est abordé discursivement comme tel est
ensuite qu'on peut en parler en éloignant quelque chose, égalem ent
c'est-à-dire en éloignant de lui quelque chose d'autre. Ce q ualifié de À6yoç et chez Aristo te dôoç et À6yoç sont des
n'est qu'ainsi que l'on peut réussir à entendre le problème de t1.:rmes interchangeables. L'i> Îôoç est ce qui est là en son
la négation. Ces À6yot sont simples parce que aucune [24] m:1pect. Nous disons en allemand « so siehst Du aus » (« voilà
· quoi tu ressem bles ») au sens de « so b ist
liaison de À6y01 ne s'y rencontre, comme par exemple dans la Du » (« voilà ce
proposition hypothétique : s'il pleut demain, je ne sortirai que tu es » ) .
pas. Bien que le À6yoç soit simple, il contient un pfjµa qui dit
en faisant référence à autre chose. Le pfjµa ne porte pas 1 ] c) La possibilité de l'illusion,
atteinte à l'unité originaire du Myoç parce que le À6yoç ne le À6yoç ànocpavnK6ç et l'afo0ricnç
contient aucun acte de nomination. « Les feuilles sont
j aunes » n'a pas pour contenu nominal « sont jaunes ». Dans ur quoi se fonde la p ossibilité de l'illusion, de l'apparence,
i 1 11 point qu'on a pu dire : il n'y a dans
le À6yoç, ce dont on parle est simplement maintenu en tant le monde que des
qu'il est là. De ce point de vue, le À6yoç peut n'être constitué 11.pparitions ? Le langage permet de posséder le monde dans
que d'un seul mot. H n caractère de là, c'est-à -dire d'y avoir
accès et de le
Qu'en est-il, dans ce contexte, de ce À6yoç insigne qu'est ·onserver. Mais le À6yoç ànocpa vnK6ç n'est pas le À6yoç au
1 '6ptcrµ6ç (la définition)2 ? En voyant les choses de l'exté premi er chef, ni même le À6yoç décisi f, bien qu'il soit privilé
rieur, nous avons affaire ici à une multiplicité (l'homme, le )'ié et possède une fonction directrice dans l'histo ire de
vivant) ; à la différence du À6yoç ànocpavnK6ç ordinaire, l ' interprétation que la pensée donne d'elle-même dans toutes
1 'S questions concernant le langag e, la déterm
1 '6ptcrµ6ç a ceci de remarquable qu'en lui, ce qu'il dit (tout ination des
homme est . . . ), ce qu'il vise, n'est pas attribué en t a n t · ncepts et l'inter prétat ion du Dasein . L'unit é n'a pas pour
qu'autre chose (d'après s a teneur réale, comme lorsq ue le
W. Christ, nova i mpressio correctior
) . · d i t i sl r·o t y 1 t l , i n a d i bus B. . Teubne ri, Li psiae, 1 93 1 , Z
1. Jlristotelis Metaphysica, reco novit
1 7 a 8 sq.
4, 1029
1 7 a 10 sqq. l1 1 4.
1. Ibid., 5, 1 8'
2 . Ibid., 5 ,
42 <l>mvoµcvov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl Quelques lumières sur le terme « phénoménologie » 43
l . A ristote, 5, 17 a 6.
2. A ristot , sq .
De in.terprelatione,
, 427 b 1 4 q q .
De anirna, J I ] 3, 427 b 1
, 4 6 b 8 sqq.
. ll id. , I l l
5. , 4 6 h 1 0.
4. I l Id. , J l l
Ibid. , 1 1 1
(J)a.Lv � tevov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl
Quelques lumières sur le terme « phénoménologie » 45
dif'f r
nces, qui gisent là-devant dans le perceptible et le
u s
uvre dès cette différenciation. Ce n'est que sur le fonde-
nt distinguées les unes des autres : le blanc et le
i, 1
111 o t de la possibilité d'une entente mutuelle qu'un état de
Li t unitaire peut être, tout simplement, rendu accessible à
'
1 ux et l 'amer. ènd ÔÈ Kai •<'> ÀêuKov mi •<'> yÀuKÙ Kai
p i n ieurs dans son caractère unitaire. Le Myo<; intervient ici
w t&v aicr0rp;é0v npo<; EKacrrnv KpivoµEv, 'tivt Kai
01 v f ti::Oa ôn 8tacp€pEt ; àvaylCT] 8i] aicr0i]cr
E11 . Mais nous dlf- 1 1 11nme Myo<; qui communique. Le monde devient accessible
1 •, 1 . ··e à lui dans son articulation unitaire. C'est la fonction
1 1 •ions alement l e blanc et le doux tout aussi immédia
, 1 1 inaire du Àoyo<; en tant qu'il communique. Communiquer
t n t �u 1 blanc et le noir, et à vrai dire non pas dans une
1 1 vis . 1 1 1 s ns fort du terme, lorsque j'exprime un état de fait déter-
présomptive, mais en ayant bien là ces états de
'Il
n J u t pas faire intervenir ici l'oppos ition de la pen �
ln n ibilité . La diversité de ces états de fait est perçue
1 1 1 n que je perçois, lorsque je l'expose dans la publicité de
1 t r -là, signifie rendre ce que j'aborde discursivement
i n i i r m nt . Aristo te deman de : comme nt somme s-nous
. 1 1 · · ssi ble à autrui et le partager avec lui. Nous avons alors
1 a is i r simplement cette altérité ? À l'évidence
01 nt par la percep tion. Car l'un et l'autre sont
.tl hir , l 'un et l'autre, à la même chose . Il faut aussi noter ici
des l.1 i rnification moyenne du ànocpaivEcr0at. La voix moyenne
la montre clairement qu'il ne suffit pas, par
O[ p 1 r le touche r à la rescous se. Il s'agit en effet
1 · 1 1 t· dire : pour soi, pour celui qui parle lui-même, de sorte
Les différences, qui gisent là-devant dans le perceptible et le I' �uvre dès cette différe nciation. Ce n'est que sur le fonde-
perçu, sont distinguées les unes des autres : le blanc et le 1 1 1 nt de la possib ilité d'une entente mutu
elle qu'un état de
noir, le doux et l'amer. End 8è Kai -ro Af:uKov Kai -ro yÀulCÙ Kai 1 . 1 i t unitai re peut être, tout simple ment, rendu accessible à
EKacrrnv -r&v aicreri-r&v npoç ËKacrrnv KpivoµEv, Tivt Kai pl usieurs dans son caractère unitaire. Le Myoç interv ient ici
n )rnme Àoyoç qui communique. Le mond e
aicr9av6µc9a on ôtacp€pct ; àvayKîJ ôiJ aicr9l'Jcrct1• Mais nous dif devie nt access ible
1 � , ce à lui dans son articulation unitai
férencions également le blanc et le doux tout aussi immédia . 1
re. C'est la foncti on
tement que le blanc et le noir, et à vrai dire non pas dans une 1 1 1'Î inaire du Myoç en tant qu'il communiqu
e. Communiquer
1 1 1 1 sens fort du terme , lorsque j'exprime un état
simple visée présomptive, mais en ayant bien là ces états de de fait déter-
fait. On ne peut pas faire intervenir ici l'opposition de la pen 1 1 1 i n que je perço is, lorsqu e je l'expo se dans la publicité de
sée et de la sensibilité. La diversité de ces états de fait est perçue l l;tre-J à, signifie rendre ce que j'abor de discur sivement
11 ·cessible à autrui et le partager avec
originairement. Aristote demande : comment sommes-nous lui. Nous avons alors
ffa i re, l'un et l'autr e, à la même chose
à même de saisir simplement cette altérité ? À l'évidence . Il faut aussi noter ici
nécessairement par la perception. Car l'un et l'autre sont des la 0.ignification moyenne du ànocpaivccrem. La voix moyen ne
aiaeri-ra. Cela montre clairement qu'il ne suffit pas, par v ut dire : pour soi, pour celui qui parle
lui-même, de sorte
exemple, d'appeler le toucher à la rescousse. Il s'agit en effet que l'état de fait devienne, pour celui qui perçoit, saisissable
d'autre chose. oihc OÎJ KêXffiPt<JµÉvotç Evûéxcmt KpivctV on d apte à être reten u.
facpov TO yÀulCÙ WÙ ÀêUKOÙ, àUà Oct tvi nvt aµq>ffi ofjÀa cîvm2. i le Myoç est à l'œuv re même dans ce cas, il l'est à
plus
lnrte raison lorsque la perception s'effectue natur ellem ent
1'1lrnme afoerimç Ka.à auµ�E�TJKOÇ. Ici, c'est le temps
Quand je m'en tiens à la perception, j 'ai le blanc en tant que qui doit
tel dans la vision, et le doux en tant que tel dans le goût.
Comment est-ce que je parviens à percevoir que les deux 1 t re Le même , il faut que le discou rs soit
contemporain de ce
sont différents ? Ce qui est perçu dans le goût et ce qui est qu i est perçu dans la perce ption. Si je peux percevoir ce qui,
du mond e, est perceptible de cette façon , c'est parce que je
1 1 i contemporain de ce qui est à perce
perçu dans la vision doivent à l'évidence être tous les deux là voir (Ev ÙXffiPt<JT(Jl
pour quelque chose d'un, ils doivent manifestement se trou onque pour
p6v(Jl1 ). La temporalité ne peut pas être quelc
q u i veut percevoir quelque chose dans le monde. Car est
ver là dans leur quid pour quelque chose d'un. L'exigence il
ln lus dans le sens du perce voir lui-mê me et du perçu
serait la même si je voyais « vert » et [28] quelqu'un d'autre que la
« rouge ». Comment cet état de fait, car il s'agit bien d'un est là maint enant . Lorsq ue
état de fait, peut-il nous être accessible et saisissable dans son 'hO;'e perçue soit une chose qui
pnr exemp le j'exprime une perce ption, cela suppo se implic i-
unité ? Dès l'accomplissement de la perception, dans la enant . Le temps n'est
1 m e nt [29] que le perçu soit là maint
'
Ibid. ' III 2, 426_b 17 sqq. [ Ainsi on ne peut pas admettre q u ' i l soit poss i bl e
perc p t i o n t on a prêté à Aristo te l'opin ion selon
.
2. ,
lbtd. , 20 sq. ( U n e seule i n stan ce doit. d i re q u ' i l sont a u t re . ] 'f., 1 -d ·s · us, /\1111e, '" ·0111 1 1 rn nt . , p. 3 1 6.
donc q u 'ils soient mani festes l 'un e t l'autre para t ion ].
3. I I I 2, 426 b
46 <I>mv6µ1>Vov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl Quelques lumières sur le terme « phénoménologie » 47
laquell� percevoir serait déjà juger. L'aicr0ricnç n'est pas non toutes les couleurs et c'est ainsi qu'elle peut bien saisir toutes
plus directement caractérisée comme À.Üyoç, mais elle est l s couleurs également. Le milieu concerne donc la guise de
quelque chose de semblable à un À6yoç1. ia possible faculté d'appréhension. Le caractère d'être de la
1° L'aicr0rimç est une ÙÀÀoicocnç2 : un devenir autre. Dans la 1 rception est la 8Uvaµtç1 : pouvoir percevoir, avoir une pos
mesure où l'homme qui vit concrètement dans son monde rilbilité déterminée, être tel qu'il soit possible de parvenir à
perçoit quelque chose et où l ' aicr0ricnç est là en l'homme tre en percevant. A voir la possibilité, c'est là une manière
comme une guise d'être et comme une manière de se rap d' t re spécifique du vivant. Tout ce qui a été dit jusqu'à pré
>
porter au monde qui est le sien, Aristote désigne l 'aicr0ricnç tl"nt est à entendre à partir de cette détermination fonda
co�me u�e àUoicomç. Dans la perception, celui qui perçoit rncntale*.
?ev1ent lm-meme � un autre dans la mesure où, en percevant, L'aicr0rimç est au cœur de cet être qui possède le langage.
Il se rapporte désormais à son monde selon une guise déter )lie cet être profère un son ou pas, il est toujours en quelque
ITlanière langage. Dans la perception, le langage ne parle pas
s ·ulement de surcroît, mais il va même jusqu'à diriger la per
minée.
2° L'aicr0rimç est un 7tUCJXEtv3, un pâtir. Le moment de
' ption, nous voyons en passant par le langage. Dans la
1 1 1 sure où le langage est pris dans une perspectiv e tradition
l 'àÀ.Àoicomç reçoit une détermination plus précise. Du fait de
la perception, il se passe quelque chose avec le percevant ;
dans la perception,_ quelque chose arrive au percevant lui " Il et ne fait pas l'objet d'une appropriation originaire, il
même. uvre les choses, ce même langage dont la fonction fonda
m ntale est pourtant bien de montrer les choses. Ainsi se
3° L'aicr0rimç est un Kpivëtv4. C'est en distinguant que
l'aspect fait l'objet d'une appropriation explicite. Mais l'afo0Tjaiç ('Umprend qu'il y ait également dans le Dasein de l'homme
dans la mesure où celui-ci possède un Dasein pour autant
q U i l p arle
n'abandonne pas pour autant son mode d'accomplissement.
-
la possibilité de l a tromperie et d e l'illusion.
Sans doute Aristote désigne-t-il la complexion de ce Kpivav
[ :\ 1 I
comme une certaine forme de discours (À.Üyoç nçs). Le À6yoç6 d ) Les trois perspectives sur le \jlëÙÔoç.
a pour fonction de montrer le perçu en tant que tel. [30] L'être-là factif du langage
Qu'il y ait altérité, cela fait l'objet d'une appropriation dans comme source proprement dite de l'illusion.
la guise spécifique du discours. La perception possède un
mode �'expression spécifique. Elle est elle-même quelque
La circonstantialité et l'échappement du monde
chose d un qm_ parle sur du multiple. A ristote parle du \jlëÙÔoç dans la Métaphysique, au livre L1,
4° L'aicr0rimç se tient au milieu ( µrn6rriç7) lorsque nous
n ?us repré ��ntons une mul tiplicité de couleurs. L'afo0rimç doit, J n ns le chapitre 292. Il y est question de ce qui s'énonce de plu-
1l ' u r manières et se dit en plusieurs sens. Aristote différencie
d une �amere ou d'une autre, se tenir au milieu, elle ne peut 1 \Jteùôoç selon trois perspectives : 1° cbç npiiyµa \jlëùôoç3, un
pa� se fixer sur une couleur en particulier, elle doit pouvoir l •''-faux qui concerne l'être proprement dit des npayµara.
( s nt les choses que nous désignons et déclarons comme
v01r des deux côtés à la fois. La vision se tient au milieu de
l a us s : de l 'or faux ; 2° le À.Üyoç \jlëÙOÎJ ç4 : ce qui est faux,
a 27 sq.
II 4, 415 b 24 ; II 9, 416 b 34.
1. Aristote, De anima, II 12, 424
II 5 , 416 b 25 ; II 11 , 424 a 1. I l 5, 4 1 7 a 1 .
2. Ibid. ,
11 , 424 � . 11 1 1. . /\ 9, 1 0 4 h 6. I
6. Ibid. , • .
7. Ibid. , I l a 4.
48 c:T>atv6�t€vov chez A ristote et la phénoménologie selon Husserl Quelques lumières sur le terme « phénoménologie » 49
q u e » critiqu e.
l • llldement réal. Mais dans la mesure où la démonstration
1 1 t apparaître que ce rapport ne peut pas exister, c'est ce
o m m e n t la possib ilité du 'Veuooc; est-ell e fondée
Myoc; lui-mê me ? Le � euooc; consiste, en montrant quelqu
dans le , un1ctère <de fausseté> qu'il faut retenir pour caractériser
1
t J h 11, u rable ou que tu es assis. La première de ces choses est touiours fausse,
un chose peut-elle être, eu égard à son être de chose,
fausse ? TO \V€UOOÇ Âtyemt UÀÀOV µf:v Tp6n:ov roc; n:piiyµa
2. l/Jid., .29, 1 024 b 2 1 sqq. [ Faux se dit encore des choses qui, bien qu'elles
111 onde l'est q uelquefois car, dans les deux cas, elles ne sont pas.]
Chacune des trois significations du 'lfEÙÔoç appréhende ln mesure de tel l'étan t, il y a toute une série d'autres Myo�t
q u i peuv ent être énon cés ad libitum. C'est
l'état de fait dans une perspective déterminée, mais prend ce qui fait �u'il_
également en vue les deux autres. Le npêiyµa 'lfeù8tc; renvoie 1 quelque chose de tel que l'illu sion. Arist ote en profite ici
donc ici au Myoç 'lfeù8tjc;. ÉKacnou fü; Myoç fon µf:v ffic; eÎç, 6 puur s'arrêter sur une question souvent déba ttue dans la tra-
1 I 1 j n : à savoir que, pour tout étant
wù Ti �v eîvm, fon 8' ffic; noÀÀoi, €nei m1'n6 nmc; m'nà Kai m'nà , il n'y a qu'une façon
! ) n spécifique de l'abo rder discursive
rcenov06ç, oîov l:mKpU'tT]Ç Kai l:mKpa'tT]Ç µoucrtK6ç1. Pour ment qui n'engendre
chaque être-là en tant que tel, il existe un Myoç unique par 111 "LUle contradiction. Si l'on n'a affaire qu'à des Ahym est qui se
d i ri ,.ent à chaq ue fois exclu sivem
lequel je peux aborder discursivement la chose elle-même ent sur la chos e qui y en
dans son être, 1'6piaµ6ç. Cet abord discursif fait entrer ce qui 1•1.wse, aucune contradiction n'est possi ble. La contr adict ion
est en cause dans les limites de son être et le détermine. Il y 111 déploie dans une dimension bien spécifique qui fon ne
a ensuite des Àoyot dans lesquels je peux aborder discursive , 1 1ncerne pas la chose elle-même, mais ce qui en est dit.
Kai Tép É't"Épou,
) CKamov UyetV où µ6vov 't<Îl aùwù Ahyq>, aÀÀÙ
ment les choses en cause selon de nombreuses perspec
tives2. Nous voyons les choses d'après les circonstances (mhà 'i' ' oô&c; µèv Kai navTeÀ&ç, fon
8' ffiç Kai aÀTJ � &ç, anep Tà �
, l\t 8mÀama Tép Tfjç 8ua8oc; À.6yq> 1 . Il
nercov06ç) où nous avons affaire à elles. Cette circonstantialité est possi ble d aborder
fait que les À.Üyot qui abordent discursivement l'état de choses diti u rsivement une chose qui est là non seulement d'une-
sont divers. 6 fü: 'lfeUÔÎJÇ Myoç où8ev6c; fonv arcÀ&ç Myoç3. 1 :1ç n où c'est elle-m ême qui devient accessible mais égale
1 1 1 ·1lt dans une persp ectiv e quelc onqu
Maintenant ces Myot où j'aborde discursivement une chose e axée sur autre chose.
< 1 s mult iples Mym trom pent ,
en ayant acquis ce à titre de quoi je l'aborde non pas pure pour ainsi dire, la plupart du
ment à partir de la chose elle-même, mais dans la perspective 1 n1ps ; mais il peut se faire qu'il y
en ait un qui tombe j�ste.
'lfeu8oc;,
d'autre chose que je connais déjà, - ces perspectives dans L troisième sens dans leque l Aristote parle du
fj,
lesquelles je peux aborder discursivement une chose diverse , tit l'&.v0pmrcoc; 'lfeUÔÎJÇ (Tà µèv oùv ou'tffi ÀÉyiowt 'lfEUÔ
/ vOpomoc; ÔÈ 'lfEUÔÎJÇ 6 eÙXeP ÎlÇ Kai
ment sont elles-mêmes extérieures à la chose. Ce que j'ai en rcpoatpETlKOÇ 't&V 'tOlOU't�V
vue quand je vise ainsi est quelque chose que je dois faire ()y<JN2 . . . ), et c'est le npompionK6Ç qui se propose de recouvnr
1 • t a t de chos es au poin t que cela
intervenir dans la détermination de la chose. Un tel Myoc; fasse partie de son existence
n'est jamais simple. Le Àoy6ç4 simple est celui où je déter ( f�.ûstenz ) ; il arrive à convaincre les
autres par ce genre de
dlll ours. Par sa façon de faire, il indui t fond
mine la chose elle-même ; je ne m'écarte pas d'elle. La deu amentalement
xième signification du 'lfeù8oç est le Myoç 'lfeUÔÎ]ç. Aristote · . 1 ' tl
interlocuteurs en erreur.
travaille ici avec une différence qui implique qu'il y a, pour omrnent les trois significations du 'lfEùôoc; dépendent-elle s
k il unes des autre s ? Pour le savo
ir, cons idéro ns un ÀÜ'yo c;
tout étant, considéré dans sa teneur réale et dans ses un
manières d'être, une manière de l'aborder discursivement qui 1 qncre t en pren ant l'exe mple
d'un homme qui vit dans
1 1 1 nde où les
est unique : 1'6pmµ6ç. À côté [34] de ce Myoç unique, taillé à rcpay µma peuv ent être abordées discursive-
l . Ibid., /':, 29, 1 024 b 29 sqq. [Le Myoç de chaque chose est en un sens u n i que /':, 29, 1024 b 35 sqq. ( I l est possib le de parler
de q � oi que ce soit non
J . ibid.,
m a is aussi suivan t un À.oyoç. a utre
r
lorsq
1
Myoç d e rien.)
4. fbid., /':, 29, 1024 b 32. p r o f r d l i h 1 1 1 • n l . J
52 <l>mvôµcvov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl Ju.elques lumières sur Le terme « phénoménologie » 53
Il ment comme \j/WÔoç. Nous prenons la signification \j/WÔOÇ » vl1 11 tend pas nécessairement à dissimuler de façon
« ne
en l'appliquant à la sphère du Dasein /actif. Un homme qui , ' l " ''tH:l . Il est possible d'envis�ger une :ie qui ne viv� pas
peut mentir en parlant du monde qui est là et tel qu'il lui fait 1 1 1 ,, 111 1 t tendance à recouvnr les objets,
(36) mais �e
encontre. Le npiiyµa, l'homme et (35) le Myoç sont trois pers , 1 1 1 1 1 ! n t de parler pour ainsi dire à vide dans l'espac e pubhc.
pectives qui concernent un phénomène fondamental spéci 1 1 , /i1'> qui parle à vide tromp e du simple fait qu'il par �e. Le
, , 1 t n bl contraire du dire, ce n'est pas dire
fique qu'Aristote n'a pas vu. Nous prenons la signification de faux ou dire en
t 1 1 1 1 n p a n t , mais faire silence . La tenda�ce à t � omper
\j/EÙÔoç en ce sens originaire pour faire entendre à partir de là expres-
comment les choses peuvent être déclarées fausses. Nous 1 1 1 1 • n t peut passer à l'arriè re-plan , mais le discou
rs est tenu
�x c?oses
1,
voulons comprendre comment il se fait que des choses puis 1 . 1 1 1 q n moins consci emme nt en restan t � tran ? er a
1 u ·e. C'est typiqu ement le
sent être qualifiées ainsi. Pour bien entendre l'analyse, il , 11 ,
cas lorsqu on s e � pn�e tra�
. aaussi
, , , • 1 lusieurs J.,6ym. La possib ilité de tromp
c?nvie_ nt de ne pas perdre de er tient 1 � i
vue cet état de fait : l'être-là /ac
tif du langage comme tel en tant qu 'il est là, et uniquement en 1 1 1 1 t i i l t qu'on s'expri me au sein d'une vision
fautive des
tant qu'il est là comme langage, est la source proprement dite , 1 1 1 1·, laquelle ne procède pas d'une néglig�nc� dan� la
,
f!/lliW, t . I
·
.
dont je parle.
oménologie » 55
54 <l>mv6µsvov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl Quelques lumières sur le terme « phén
que la théorie de la connaissance pourrait invoquer dans ses 111on trant à partir de ce qui est ; on parle on en se bornant à [3�]
, xpri mer l'op inio n qu'o n
recherches. L'échappement appartient en propre au [37] a sur ce dont _ parle. On ne fait
/ ', I Ï re que conférer un sens
aux états de fait en tant q�e �els:
monde qui est là en tant qu'il est là. Les choses peuvent nous
échapper, ce qui ne veut pas dire pour autant qu'elles s'éva c st là le phé nom ène de nominalisati
on et de neutrahs�t�on
1 j, 1nt parl e Hus serl ; nou s pou von
s éno�cer des propositions
la forme de pures et simples opmio�s. �edia a� s la mesu��
nouissent. Les choses échappent parce que nous les rencon _
trons circonstanciellement. Nous ne voyons pas les choses l ) i ! ti
comme ce à quoi l'on a affaire, comme des objets de recherche , ,1 un tel dire s'or ient e sur
l'apparence imm te, ce qu il
scientifique. Cet être-là des choses est beaucoup plus riche et d t ·st faux . Il trom pe à pro prem ent
parler.
V us voy ez ici la différence
offre des possibilités beaucoup plus variées que celui qui a entr e tromperie et rêve . C'es t
trompe. Le
fait l'objet d'une préparation thématique. Parce que le monde , 11 raiso n de l'êtr e-là qui est le sien que les�rêve
1 i'YOÇ en tant que 'Ahyoç apo pha ntiq ue,
� � l est ��is �ans
ill�s1on.
dans sa richesse n'est là chaque fois que dans la concrétion lo �'
·1qn être-là factif, abrite en soi
de la vie, l'échappement est également bien plus ample, et la possibih te de l
avec lui, c'est la p ossibilité de l'illusion qui est là. Plus je suis I J l l l ti la mes ure où le f...6yoç peut cara
ctériser le � ein de
Da
concrètement dans le monde, plus l'être-là de l'illusion est l'htJmm e, il gouverne tout commerce de l'êtr, etout hum am av_ec
111 monde, tout e vision, toute explicita
proprement ce qu'il est. 'it
tion e énoncia-
Comment les choses elles-mêmes peuvent-elles être dites 1 l 11\.
illusoires ? Jusque-là, nous avons seulement montré que la
source de l'illusion était à chercher dans le langage. Com e) Le langage et le monde
ment se fait-il alors que des choses qui sont soient dites dans leurs possibilités d'illusion.
fausses ? Pourquoi ne nous contentons-nous pas d'appeler Le renversement de signification
non-étant ce qui n'est pas ? Pourquoi parlons-nous ici, avec du cpmv6µi:;vov en apparence
« »
que paraître tel ou tel ( cpmv6µi::vov àya06v1) . Ce renversement 1 1 1 1� urité etc. Les états de fait de ce genre font partie de
de signification du mot cpmv6µi::vov, qui veut dire d'une part 1 ' 1 1 , du �onde lui-mê me. Il y a par ailleurs des possibilités
. I ' i i' qui tromp ent en raison de leur être �ropre,
ce qui est là en se montrant lui-même, et ensuite ce qui ne c�mme par
fait que paraître tel ou tel, ce qui [39] n'est pas véritablement ni n i p l le rêve, etc. Le discou rs est ensmt
e expo�e au dan
/ " 1 140) qui tient au fait qu'il est là avec d'autr
là, - ce renversement de signification renvoie, dans la es d�sco�rs, de
mesure où il se déploie dans la sphère du commerce avec le , 1 i I " qu'il peut sombrer dans la redite et devem r d1scour�
monde, à un état de choses fondamental, à savoir au fait que, 1 1 1 1 1y ntionn el ; un étrange empire exercé par le langag e q u�
, t , l t J , du commerce avec les choses elles-m êmes. On v01t _
_ ici
�
dans l'être-là lui-même, l'erreur et l'illusion s'entrelacent de
manière tout à fait fondamentale et ne se produisent pas uni 1 p1 Io
possib ilité d'illusion, entendue comme possib ilité d' tre,
1 ', fi/t'•lace de multiples façons avec
quement à titre de défauts qu'il faudrait surmonter. l'être-là du langage et l'�tr�
Le langage en tant qu'ébruitement vocal est, dans son être, /,1 ,/u inonde. Remarquon s que c'est bien le langage qm_ d1ss1-
possibilité d 'illusion, et en vérité parce que ce langage est 1 1 1 1 i l Ja chose elle-m ême. Le monde qui est là est dissim ulé
dans un monde qui offre, dans son caractère d'être spécifique, , 1 1 .1it encontre en se donnant telle ou telle apparence parce
des possibilités d'illusion, de sorte qu'il y a, dans l'entièreté ' I " ' . 'est précis ément à traver s le langag
e, et les opin�ons
, 1 1 1 t 11 1 a sur les choses , qu'on accède factive ment à ce
de l'être-là du monde, une complexion interne qui constitue qm est
la possibilité d'être de l'illusion. Le langage, dans la mesure 1 ,1 1 1 1 rdialem ent là. Dans la mesur
e donc où le monde es� l_à
où il est dans le monde, jouit d'une certaine considération , L 1 1 i tJ ·ette possib ilité où il se montr e lui-mê me,
cette poss1b1-
I 1, du monde se renver se en son
qui ne fait l'objet d'aucune sorte de réflexion. Le Dasein de contra ire, il se donne telle
l'être humain est appréhendé dans une perspective où quelque 1 1 1 1 1 I l e appare nce. Ce qui apparaît au sens origina ire de se
1 1 1 , 1 1 t r r soi-mê me devien t une apparence. Il est
chose est dit par le langage. Le langage tend de lui-même à _ nt
vraime
, 1 1 1 urtant d'avoir l'enten te de cette possibilité de r� nv��
communiquer. Le langage est là de telle sorte que celui qui se-
parle a plusieurs possibilités pour se dissimuler dans le lan 1 1 1 1 i l ! d signification du terme cpmv6µevov
dans la s1gmf1ca
t q 1 1 t ce qui ne fait que paraîtr
gage comme tel : 1 ° la possibilité expresse dans laquelle le e tel.
locuteur parle en ayant explicitement l'intention de mentir ;
2° en parlant, on veut donner l'illusion que le discours tenu f) La c:nJvOi::cm; et la otaipw1s sont le domaine
est porteur d'une certaine connaissance de ce qui est en où le vrai et le faux peuvent faire encontre*
cause. Même là où l'on s'applique à aller contre le mensonge,
11 n
il est possible de faire illusion avec le langage et les mots. us reste simplement à nous assurer dans quelle
1 1 1 o .1 1 r Aristo te avait expres sémen t conscience du fait que
Ce langage, avec les possibilités d 'illusion qui sont les
l ' d h 11Ji n se rencontre là où les choses sont donné es dans
siennes, se tient comme tel dans un monde qui présente de un
1 1 1t JJ . d s a i ie déterm iné, que la possib
son côté des possibilités d'illusion : 1° parce que le monde est ilité de l'illusio n a son
, ,1 , 1 1 , n n pas là où les choses sont saisies dans
un monde de circonstances et que les objets avec lesquels un, accès
nous avons commerce sont là pour nous, dans leur concré 1 1 1 p l , m a i l à où le monde se présen te ave� l �
caracter� �e
j 11 l J l t J . 1repl yàp c:nJvOecrtv Kai. 01aipw1v wn w \lfeuoos
tion, en fonction de la situation au sein de laquelle ils se trou .
6,Â.i10ts i : c ' t d a n l'horiz on de là où il y a quelqu e
vent à chaque fois, ce qui fait qu'il est possible d'en discuter
de plusieurs manières ; 2° parce que le monde est un monde
{ ' ,. uj · t , A 1 1 11exe, ' 1111
qui ne cesse d'échapper, qu'il est dissimulé p a r le bro u i l l a rd, m nl
il
1
1. Aristote, D e anima, I l l JO , 433 a 2 8 q . ( 1
11
60 <l>mv6µevov chez A ristote et la phénoménologie selon Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 61
�u �o.ut � expliquer, sous forme anecdotique, comment la 1 , ,i. 1 1 1 1 dépasser l'être-là du monde en tant que c'est celui
s1.gmficat10n d'un terme avait évolué. Son intention était i l 1111 111onde contingent. Il est à noter que tout cela ne pro
�1en plutôt d'éveiller l'intérêt pour ce qui est en cause, même , , i f , nns de tentatives pour atteindre ce qui est de manière
s1 on ne voyait pas très bien au premier abord, à vrai dire où l ' ' " l l ' ' · 111 nt scientifique, mais de l'idée, surgie d'une intelli
�out cela. nous conduisait. Ce qu'il nous faut apprendre, ;'est '" 1 11 , 11 quelque sorte déboussolée, qu'un Dasein s'en fait.
a devemr capables de lire et d'écouter sur le mode de 1 11 rprétation de la teneur lexicale du terme [44) « phé-
l'attente. 1 1 1 1 1 1 1 t 1 1 l gie »
nous a mis en présence d'états de fait déter-
[43] � 'int �rpr�ta�ion po.ssède encore un autre arrière-plan 1 1 1 1 1 1 ' N q u i. ont trait à l'être-là, à savoir d'un côté l'être du
,
real i:_msq.u Il s, ag�t aussi � e rendre intelligible ce qu'on " ' ' 1111[1· e t de l'autre la vie en tant qu' être dans un monde.
connait au1ou ».
�d h �1 sous le titre de « phénoménologie Cela 1 1 1 1 1 Pi deux directions, nous avons vu d'une part que l'être
ne peut .vouloir due que ceci : rendre intelligibles les choses t l 1 1 1 1 1011de se caractérisait par le fait de se-montrer-soi-même,
dont �raite :ette �isci?li�e, - quel est le genre de choses que • t l ut re part que l'être de la vie se caractérisait par une
1 ti
l � phenomenolog1e d a�Jourd'hui entend élaborer. Pour spé l '"' · I• hfü t é fondamentale, celle de parler de l'être-là d'une
c1f1er le genre en question, nous avons besoin d'un horizon 111 1 1 1 r telle que l'être soit montré par le langage. L'être du
de choses. Sur la base de cet horizon, nous aurons à décider 1 1 11 1 1 1 d t l'être de la vie sont en connexion bien spécifique
dans quelle mesure les états de choses dont traite la phénomé 1 • 1 1 1 I' ,tt •
· du langage. L'être-là du monde dans son « se-mon
nologie d'aujourd'h �i ont encore un rapport avec ce que ' " ' ' • •oi-même »
peut virer en un « se donner telle ou telle
1 11 •1 1t11· nce
A
nous-memes avons realement mis en lumière. ».
La vie est en elle-même possibilité de recouvre-
Pour caractériser d'emblée l'évolution historique dans 1 1 1 1 '1!/, du monde qui est là. Les deux possibilités de l'être-là et
laquelle prend place la configuration aristotélicienne des réa d 1 · 1 1 1 vie montrent ainsi que l'être-là est exposé à un danger
lités fondame�tales de la recherche philosophique, je dirais : '' I '' l'
fique dont nous avons déjà parlé lorsque nous avons dit
' l ' l l I' t re-là comportait en
le cours ulteneur, de la conquête des états de choses de la soi les possibilités de l'illusion et
philosophie, et ce qui a motivé les différentes voies sur les d11 in n onge.
quell.es �es états de choses ont été élaborés, est guidé par la S ri
us nous en tenons aux seuls résultats de notre analyse,
dommatwn d'une idée vide et donc fantasmatique de certitude 11 1 1 11-1 1 s mettre en relation avec le thème de la « phénoméno-
et d'évidence. La domination de cette idée déterminée d'évi 1 1 11 _ ,
il semble que nous n'ayons pas beaucoup avancé mais
dence s'exerce avant toute libération véritable de la possibilité ' 1 1 1 n us ayons été placés de but en blanc devant des états
d'enconll:e �e c � qui est proprement en cause en philosophie. 1 il- fu i t déterminés. Pour entendre le rapport <entre ces états
Le souci d atteindre une connaissance absolue déterminée� . i , • ni e t notre thème>, c'est-à-dire pour entendre l'être et le
�ppréhen�ée purement en idée, prévaut sur toute autre ques 1 1 1 1 n t r de réalité de ce que la phénoménologie élabore, il
hon ��lativ � aux choses . réellement décisives, ce qui signifie 1 1 I L n ces airement prendre orientation sur un horizon réal.
que l evolutwn de la phtlosophie tout entière connait un ren f 1 cl nn un fil directeur qui invite à considérer un ren
w;r�ement. On peut déjà en repérer les prémices, qui ne sont •'• 't S rnent bien spécifique. La domination du souci de l'idée
. chez Aristote et chez les Grecs en
d ailleurs pas fortmtes, il r t i t ude et d' vidence vides, et par là fantasmatiques,
considérant par exemple le fait que l'être-là du mond � tel 1 a n t l u t J i b rat ion d la po s i b i l i t é d'encontre d'états de
qu'il se �o�tre y soit assimilé au monde spécifique de l 'appa f ndam n t a ux d t rm i nés, a conduit à refouler le
t/11 n1.e riginaire d l a n ·ici ra t i n <ph noméno.logique>, et
1 ln
r�nce, s1 bien que toutes les questions phil osophiq ues déci
sives �ont dorénavant déployées dans la seule perspecti ve n v rit un 1 oinl l 1 qu n ' t pa· ul ment .le
d'attemdre une certitude a b so l u e e t en m ê m e temp a ve la
, 1•/1111111 th rnnti 7 " ' 1 u i ·a t 1 'r lu 1 vu , mais, · q u i est
62 <t>mvoµ&vov chez A ristote et la phénoménologie selon Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 63
beaucoup plus grave, le choix de l'horizon n'est plus guidé , j, 1 d ce que les Grecs pouvaient saisir dans le cadre de
par le souci de s'approprier en quelque façon que ce soit les I o 1 1 1 -, r cherches sur l'être-là .
� nous compa rons ce caractère de comm
choses en cause, mais par une idée déterminée de la science. ent propre à
C'est une idée déterminée de la connaissance qui détermine 1
1 1 1 1• là avec les autres caract ères que les Grecs connais-
le thème, au lieu que ce soit inversement un état de choses 11 , 11 I ; nous voyons que ces dernie rs étaien t des déterm ina
déterminé qui fixe les possibilités de son élaboration scienti ""''S 7uidditatives, des détermination s du ce que c'est. II ya
fique. , 1 , p rspectives dans lesque lles l'être- là est
r
caract érisé réale
[45 ) Nous r�cusons par là même la représentation que l'on '" ' 111 sachlich) : 1 ° Les n:pciyµarn, les choses avec lesquelles
_
se fait traditionnellement de l'introduction à une science , 111 a affaire. Dans cette perspective, [46) c'est donc l'étant
quelle qu'elle soit. Il ne s'agit pas d'acquérir un savoir vid� ' l 'lt I' n aborde discursivement. - 2° Les XPÎ)µata, les choses
de ce que sont l' « objet » ou la « méthode » de la science en , 1il 1 11 1. a mesur e où elles sont utilisé es pour les besoin
s que
qu �stion. La méthode doit résulter de l'explication avec ce 111• 11 v et requiert l'être- là du monde . - 3° Les n:owuµ i::va,
qm est en cause. Dans la représentation traditionnelle on 1, •I choses qui, dans le monde , sont produ ites, fabriq uées et
détermine et configure une recherche en déterminant d'abord o l p( 1nibles , en tant qu'épy a, pour le 1° et le 2°. - 4° Les
' l ' ' " Hl<6., ce qui, du mond e, est là, ce qui n'est pas
l' « objet » : l'objet est ceci et cela, et ensuite on élabore ce produit,
domaine scientifique déterminé avec des méthodes détermi " ' ' ' ,� ' t en soi-même, ce qui devient sur l e fonde ment de son
•' I H pr pre, mais qui est en même temps un matér
nées. On laissera ici de côté cette manière de faire. iau pos
Si nous examinons les choses de plus près et demandons ce •11lil · dans le champ du productible (le bois, l'airain), et qui
, 1d a i n s i en rapport avec le 3°. - 5° Les
que nous avons obtenu jusqu'ici au contact des états de fait µa0i)µarn, cet étant
nous découvrons alors quelque chose de surprenant. Nou� ' 1 1 11 1 1, J caractère spécif ique est de pouvo ir être appris, ce
avons appréhendé l'être-là en ayant en vue une modalité d1 111t i l y a un savoir, ce qui peut être enseig né sans qu'on ait
bien particulière, celle qui consiste à se montrer soi-même. o l1 · e fait un rappo rt pratiq ue à la chose en cause. - 6° Au
, rl de ces caract ères, et de l'être qu'ils
Nous n'avons rien dit du contenu de l'être-là, mais avons fixé désign ent, il y a
une d�te�mination apparemment vide. Nous n'avons pas dit , lr.1que fois des choses éminentes possédant un caractère
, tel ou tel objet.
ce qu etait _ Nous avons fait l'expérience, à o l ' I l' spécifique qu'on appelle l'oùcria. Pour voir le lien entre
propos de l'être-là, du Dasein, d'une détermination que nous 1 q1'11 ta et les autres concepts d'être, il faut remarquer que ce
avons caractérisée dans son comment : comment l'être-là se , 1 1 pt philosophique, apparemment si abstrait, signifie cou
11 •
montre en soi-même, et ce qui se fonde là-dessus : comment il ' 1111men t les biens, la fortune, ce qui fait partie de mon envi-
se dissimule. II en va de même s'agissant de la caractérisation 1 1 11111 ·ment familier, la « propriété foncière ».
d � Myoç. Nous avons uniquement mis au jour, à propos du I Juns notre interp rétatio n, nous n'avon s pas rencon tré
Àoyoç, une guise caractéristique déterminée de son être , t at égori es mondaines. Nous n'avons entendu parler que
d'abord celle par laquelle il rend manifeste l'être-là lui-mêm� , ktl cpatv6�Lëva. L'oùcria forme le caractère fondam
ental de
et ensuite celle par laquelle il le rend méconnaissable. Cet 1 1 l 11 n l n tant qu'être : l a présence. L'oùcria est visée conjoin
être-là n'a pas été caractérisé dans son contenu comme un ' ' 1 1 nt d maniè re implicite dans les concepts « chosiques »
' I l i nou venons de nomm er. <Datv6µi::v a constit
être naturel ni comme un être historique, mais d'une manière ue le mode
apparemment vide : seulement un comment de L 'être-là. En ,/ ,111c n t r L plus imméd iat d e l'étant dans son comme nt for-
1 1 1 1 . <.J>atv6�t8va, ' sl ment l'être abordé discur sive-
i
mettant ainsi l'accent sur ces déterminations caractéristiques pr cis
1 1 11 nt av L o u s ' S a ra t r s, mai envi a gé un qu e ment
l 111H · 'f/1 1 rs1 L i v ·: se-mon .Lr r-soi-m êm » Nous avons
de l'être-là (à savoir Je fa i t qu'il s'agisse d ' u n comment d e
l'être-là) nous sommes déjà a l l é s , d a n s l ' i n t rprétat ion, au-
64 <1>mv6µi;vov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 65
obtenu cette détermination caractéristique sur la base de notre 1 1 , " 1 w 1 1 d contingent ni de dépassé, rien qui ser�it d� r ière �
1 1 , 1 , 1 1 0 1 1 n us irions à l'occasion chercher matlere a illus
propre interprétation et l'avons fixée pour nos considérations .
à venir. Le mode d'encontre immédiat de l'étant, et la saisie lt, , p:res opinions, mais que ce qui nous fait encontre
1 1 1 1 • pr
inaltérée de l'étant selon ce mode, doiven t être en quelque t 1 1 1 1 1 J, •l
1111-ttations de l'histoire, ce n'est pas autre chose que
manière phénoménologiquement décisifs. , , • 1 1 , I ' " p r Dasein.
,
· d pou rq uoi nos considératio ns n'ont nen d'un recit his-
. . .
1 ,
' " ' 1 ,., , 1 1 hique, mais sont le regard jeté concrète�ent au sem
..
_
[47] § 4. La conscience comme thème . f, l I H I 11 1ssibilités bien déterminées de notre Dasem. En met-
de la phénoménologie d'a ujourd'hui 1 .1 1 1 1 1111 u r ces possibilités, et en les confrontant avec
, , 11, 1·voquées auparavant, nous avons du même co�p la
Nous devons donc maintenant poser cette question : quel 1 . 1 1 , , 1 ,, 1 1 1 r pérer une distinction fondamentale au se ml de
est le thème ou le complexe d'être réal qui forme l'objet de la 1 1 1 1 1 1 • 1 1 · 1 1 rche.
recherche que l'on désigne aujourd'hui sous le nom de phé
noménologie ? J'en donne d'abord une détermination pure a ) La philosophie grecque
ment formelle en me référant à la position la plus avancée n. connaît pas le concept de conscience
atteinte à ce jour par Husserl dans les Idées pour une phéno
ménologie et une philosophie phénoménologique pures. Il 1 , 'nl expliquer que quelque chose comme . la
,111111
résulte de ce texte que la phénoménologie se définit comme , , ,,, 11 ' • 'fi, :, s it Je thème de la philosophie ? Cette question
la science eidétique descriptive de la conscience pure transcen i1 1 1 1 1 our nous fondamentale dès lors que nous nous souve-
1 ,
dantale1. Pour nous, cette détermination importe unique ment 1 1 1 1 1 11 t ] l l J s Grecs ne connaissaient ri� n de tel que la
, , 1 1 111 1 n ·. I l n'y a pas de concept de conscience dans la philo
_
,
parce qu'elle indique que la conscience est le thème de la
phénoménologie. Pour nous, la question est celle-ci : com " '1 '11 , r cque, à quoi il faut cependant ajouter qu'on tr� uve
ment ce qu'on appelle la « conscience » en vient-il à posséder "' j 1 1 . i 1 1 l i ipativement chez les Grecs ,q��lque chose � m e�t
, , 1 1 1 , ,111 1 / 'hui inclus dans le concept speciflquemen t phenome-
*
Cf., à ce sujet, Annexe, complément 6, p. 321 sq. c) La direction de la philosophie grecque
1. E. Husserl, Logische Untersuchungen, Erster Band : Prolegomena zur et la question de son revirement
Logik, 3• éd., Halle a.d.S., 1 922. Zweiter Band : Untersuchungen zur Phiinome
1
nologie und Theorie der Erkenntnis, Erster Teil ( I.-V. Logische Untersuchung),
3• éd. Halle a.d.S., 1922. Zweiter Band, Zweiter Teil (VI. Logische Untersu nfnm n t la conscience en vient-elle alors à se constituer
H alle a.d.S., 1 922. [trad. fr., H. Élie, A.-L. Kelkel et R . Schérer, Recherches
chung) : Elemente einer phiinomenologischen A ujkliirung der Erkenntnis, 3c éd.
hamp d- recherche ? La définition de la phénomé-
logiques, t. 1 : Prolégomènes à la logique pure, Paris, PUF, 2• éd., 1 969 ; t. 2 : 1i1 1l1 i 1 1 1 n t re q u e la con cience devient un objet philo-
Recherches pour la phénoménologie et la théorie de la connaissance, 1 •e partie :
· Recherches I et Il, Paris, PUF, 1 969, 2• part ie : Recherches Ill, IV et V, Paris,
1 1pl1iqu au p r i x d ' u n pu.rifïcation bien déterminée. La
•
PUF, l 972 ; t. 3 : Recherche V I : Élérn.enls d 'une élucidation phénornénologique • • ln , 'Î ' l l d vi n l pas un Lh m d re c h erc he possible
de la con.naissance, Paris, P U F, 1 974 1. 1 1 1 1 u l l'e r m ' 1 ' pr
• u ls rn
t i ( i n voqu -t-on po ur
68 <l>mv6µi;vov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl La phénoménologie d 'aujourd'hui 69
soutenir que la conscience a besoin d'une purification pour p1 1 1 n: particularité d'être à proprement parler lorsqu'elle est
pouvoir devenir l'objet d'une science fondamentale ? Il y a I ' ' sentemen t achevée. Dans l'ontolog ie grecque, qui est une
donc deux questions auxquelles il faut répondre : 1 ° com 1 111tologie du « monde », la (52] « vie » (en tant qu'être dans
ment se fait-il que la conscience soit prise pour thème ? I l · monde) est ce qui donne les caractères éminents . Le 3 °,
2° comment se fait-il qu'elle ait besoin d'une purification ? • 1 111cernant les deux, l'être-là du monde et de la vie ; on vise
Pour entendre ce que cette considération a de spécifique, I 'a�pect circonsta nciel des choses dans la mesure où cette
(51] il faut avoir constamment présent à l'esprit ce que nous .. ·irconstantialité » constitue précisément le trait spécifique
avons obtenu dans notre interprétation d'Aristote. L'énumé d1 l'être. Le 4° concerne un phénomè ne fondamental de
ration d'un certain nombre de catégories par lesquelles les l '1 t re-là qui n'a pas été caractérisé plus avant chez les Grecs.
1
Grecs caractérisaient l'être a déjà dû nous fournir un premier 1 •1 derniers sont malgré tout allés beaucoup plus loin sur ce
aperçu des motifs qui étaient pour eux déterminants dans 11 ·t que la théorie actuelle de la connaissance. C'est
leur recherche. Ces diverses catégories de l'être font l'objet, q11 •!que chose qui s'est fait jour en considérant la spécificité
dans le travail philosophique des Grecs, d'une considération , 1 11 fait que le monde soit « là », - qu'un étant soit dans un
spécifique et fondamentale. La manière dont l'être abordé 1111 1nde, monde qui est « là », ouvert.
discursivement y est analysé doit nous mettre sur la voie de Nous voyons ainsi au bout du compte que les quatre direc-
la direction dans laquelle s'oriente la philosophie grecque. 1 11 1ns sont toutes puisées à l'état de fait de l'être au monde.
1 >11 ne trouve ici nulle trace de la conscien ce, même s'il y a
Nous verrons ce qui, de tout ceci, est resté vivace dans la phi
l i 1'n chez Aristote un traité intitulé Ilëpi \j/UXf\<;. Comment en
losophie postérieure.
v1 ·nt-on à ce revirement si radical que ce qu'on nomme
La multiplicité de l'étant est d'abord scindée chez les Grecs
en ce qui est toujours et ce qui peut être aussi autrement.
.. cun cience » devienne le thème de la philosophie tout
1 · 1 1 L.l re ?
Cette scission a ceci de caractéristique qu'elle concerne
l'ensemble de tout ce qui est. La scission fondamentale joue
quant à elle entre les quatre déterminations fondamentales de
§ 5. Le thème de la conscience
l'être qui pour Aristote ne forment pas un quelconque sys
tème, mais sont les motifs vivaces dans lesquels se meut sa
recherche : 1 ° 'tO ôv Tffiv Kannopt&v ; 2° 'tO ôv ôuvaµët - dans les Recherches logiques
Èvëpyëi<;X ; 3° 'tO ôv Kmà auµBëBîJKOÇ ; 4° 'tO ôv cûç ÙÀî]0Èç1.
Le 1° est porté par une perspective qui s'oriente sur le a) Les Recherches logiques entre orientation
Myoç. Ka'tîjyopdv est un Àëydv au sens fort du terme : accu traditionnelle et questionnement originaire
ser sans détour quelqu'un de quelque chose. La « catégorie »
s'oriente constamment sur cette possibilité du Dasein qu'est I' ur commencer, nous allons envisager les choses de
le langage, possibilité dans laquelle le monde ambiant étant I '• xt rieur pour voir de quoi il retourne dans ce travail au
est « là ». Le 2° procède d'une saisie spécifique de la vie elle p 1' mier abord. D'un côté ce qui a été entrepris dans les
même puisque « être-en-vie » signifie « être-possibilité ». Le /fr herches logiques se présente d'une manière parfaitem ent
1 ° et le 2° se rapportent uniquement à la vie entendue au 1 1 11 litionnelle, mais d'un autre côté il s'y abrite quelque chose
sens d'être là dans un monde. Ce faisant, la « vie » est elle , 1 originaire et d 'e x t r� memen t remarqua ble : les Recherches
même quelque chose qui survient dans le monde et qui a /, ,� fqu 'S v u l n t l r d s t ravaux préparato ires dont la s � ul�
·
n'ayant, semble-t-il, pas le moindre objet. Il ne semble pas I o �ique se concentre donc sur la pensée théorique. Un mode
seulement qu'il en aille ainsi, mais il en va bien ainsi, c'est d pensée déterminé passe au premier plan et devient au
à-dire que l'on s'en tient ici à des concepts verbaux que l'on l ond le thème exclusif. Dans la mesure où cette pensée se
fait jouer les uns contre les autres. Qu'est-ce alors que la d p se en énoncés et se [54] tient en connexion bien spéci
science ? l l q ue avec le domaine de la signification et avec les vécus de
[53] Mais à côté de cela, l'orientation est elle aussi large p"nsée, c'est tout ce complexe qu'il faut réussir à prendre en
ment traditionnelle. À l'époque, il y avait en philosophie une v i le dans son unité originaire pour être capable d'explorer
forte propension à donner un fondement scientifique à la , · états de fait dans des perspectives déterminées.
,
logique et à la théorie de la connaissance en leur procurant . . cette époque, Husserl avait une théorie assez singulière
une assise psychologique. Dans la mesure où les premiers q 1 1 il avait reprise à Brentano et qui est aujourd'hui abandon
'
les vécus intentionnels comme actes ; n l i 1 1 te de signification peut se configurer en une entente
la conscience comme perception interne , 11 · n t e sur l'état de choses visé lui-même et remplie par lui.
1 1 1 1 visée vide et un remplissement de signification sont des
Nous allons maintenant tirer au clair, en partant de la . 1r 'lcs. Pour entendre proprement, et en même temps donner
chose même, comment la tentative pour élaborer les objets 1111 ndication du lieu où il est possible de se représenter ces
déterminés de la logique exige elle-même de s'assurer et de 1 10•i A au premier chef, il est besoin de préciser ce qu'il faut
prendre en vue ce qu'on appelle la conscience . D'après la tra , 1 l i ·ndr par « acte ». Les actes sont identifiés à des vécus
dition, la logique traite des concepts, des jugements et des 1111 ·11tionn.els. L'acte correspond à un genre déterminé au sein
raisonnements concluants. Ce sont des choses qui ont un rap . 1 1 l 1 sphèr> intégrale des vécus caractérisée comme con.science.
port avec la signification, laquelle est en connexion a vec
1 , 1 \. 1 1 uss • ri , [ I , Loµ,ische
/,J 1 1 111 ,1', 1 . : Rn·llerciles pour la phh1omé11ologie el la 1héorie de la connais-
l'expression langagière, connexion qui n'est pas cont ingente . 11Lersuc/11111g, op. cil., p. 1. 4 1. ( trad. fr. Recherches
La cons:ienc� n,e signifie rien d'autre qu'une région d'événe 1 our entendre l'analyse qui suit, il nous faut [56] prendre
�e?ts deterrrunes ayant le caractère de vécus. C'est en ce sens , 11 ·otation sur la direction des considérations de la philoso-
regwnal que le concept de [55] conscience doit être entendu. 1 11!/ ' grecque. Le champ thématique en est l'étant en tant que
�e c�?cep� sera conservé par Husserl ultérieurement, et cela 1111mde et l'être de la vie. La philosophie grecque interprète ce
«
J�squ, a �e JOU:. Le �e :me de conscience définit une catégo »
' l i 1111aine d'objet et l'explique en mettant en évidence des
r,i� d ob1e.t �e�errrunee. La question est de savoir quel est , 1 1 rn tères d'être déterminés ; on peut donc dire que l'inter-
l etant qm, a titre de vécus, peut être désigné ou caractérisé 1 '' d a t ion grecque de l'être-là reste à l'intérieur même de
comme . conscience. Ces vécus appartiennent à ]a région f ', iP-Là et qu'elle est cet être-là lui-même rendu explicite
« conscience >�. To�s ces objets peuvent être appréhendés d.111t1 l'explication. Contrastant avec cette orientation axée
s :lon une gmse bien caractéristique. On désigne ce mode .11r un état de choses déterminé, la philosophie moderne a un
fi • l i t autre aspect. Son thème est la conscience saisie dans une
, sous le nom de perception interne. Ces vécus me sont
d acc�s
consc1ents. L'ensemble de la région des vécus est la région 1 'i1rification déterminée, ce qui veut dire que ce qui vient ini-
dont Je. peux p�endre conscience dans la perception imma 1 11 ment sous le regard a besoin d'une réélaboration déter-
nente. La conscience, au sens de perception interne comme 1 1 1 11 •e pour répondre aux exigences qui résultent de cette
p�rception de l'imma�ent, se rattache immédiatement au pre ' • •uception de la philosophie.
rruer concept de conscwnce comme région du vécu. 1 1 semble qu'on ait simplement affaire, chez Husserl, à des
D�ns cette région, il y a une classe déterminée de vécus, à ' 1 1 1-trences ne concernant que des distinctions verbales, et
sav01r les actes, les vécus qui, en tant que tels, se dirigent sur 1 ' i · s t d'ailleurs ce qu'on lui a reproché. C'est l'image gros
quel9ue chose. ?r l:usage s'est aujourd'hui installé de désigner ' 1 r' et cependant dominante que l'on se fait de ce qui est en
auss� un acte isole comme conscience de quelque chose*. j 1 1 1 dans les Recherches logiques. La conscience comme
":pres les R_echerches, logi9ues, Husserl a restreint Je concept 1 1 1•, lon est 1° caractérisée par son mode d'accès : la percep-
d acte. Il exi�te de � ve��s mtentionnels, par exemple ce qu'on 1 11 111 interne, 2° par le fait que cette région contient une classe
appelle les vecus d arnere-plan, qui ne sont pas des actes. Les 1 l1 i r m i n ée de vécus, les actes, qui sont tout à fait fondamen-
1 1111 . pour la structure de la conscience. C'est cette région
11s ience qui constitue le thème de la considération phéno-
actes cor�e�po�dent a�x vécus intentionnels qui ont pour
�ar�ue distmctive le fait que l' ego -cogito y soit explicite. Les 1 '
dont il est appréhendé, mais précisément comment i l fa i t l i br - 11 1111 1irlo11lr el la 1/1 'Orie rie �n connais.1·an.ce. ·.1 ··· part ie, i n t roduction, § 6,
ment encontre à partir de l ui-même. 1 1 11 n t l • . < ' '" t . ). p. �q . I.
76 <l>mv6µi;vov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl L a phénoménologie d'aujourd'hui 77
une psychologie descriptive. Puisque Husserl traite de la , 1 , 111 ·cience de quelque chose ». D ans la configurat
�o� du
conscience [59) dans la perspective d 'une clarification cri 1 1 i 11 111p thém atiqu e, le souc
i vise la conn ai �sance the01 �ique
1 1 I l qu'el le est facti veme nt là à titre
de scien ce ; la scien ce
tique de la connaissance, le travail phénoménologique pos
comm e com
sède la même orientation que la critique de la connaissance 1 11 1 1 1 1 autant qu'e lle se déploie culturellement
alors dominante. Dans la mesure où Husserl souligne que le pli x . possible d'efficien ce et préte nd form er la base [60)
thème de ses recherches est donné dans le « fait (Faktum) » . j 1 1 1 1 culture fond ée sur l a scien ce.
des sciences, et notamment dans le fait des sciences mathé t a tend ance qui pous se à élabo
rer la conscience d �ns le
feste
11 1 1 , d'un e clarification critique de la conn aissa nce mam
�ll �
matiques de la nature, l'orientation de sa problématique est
1 1 wure plus nette men t les trait� �e ce souc
exactement la même que celle des philosophes « marbour i. D an � qu
geois ». 1 1 1 1 11pective la conn aissa nce theo
nque es�-elle en: 1sagee .
Dans le cadre de ces deux dimensions traditionnelles - la 1 1 1 118 la perspective du connaître. Le souc
i se soucie que .la
dimension psychologique et la dimension de théorie de la , 1 ,1111.aissance soit elle-m
ême conn ue parc e que la connais-
connaissance -, lesquelles sont particulièrement vivaces 1 1 1 c doit pren dre en char ge
la sûreté du Dase in e� d e la
souc i d ' une
dans les Recherches logiques, on voit poindre quelque chose , i i l l. ui: . Dans la recherche phénoménologique, ce
d'originaire, à savoir que, dans l'élaboration de la conscience 1 1 11 1 naissance conn ue est anim é par
la volo nté de gagner �n
conduite dans la perspective de la clarification critique de la 1 , ,1 r al à parti r duqu el la possibilité de fond
er tout sav01r,
connaissance, il s'agit avant tout de prendre en vue en lui 1 1 1 1iü que tout être cultu rel, puiss e être de ? .
on al01. Cette
:U
. ungen., · ( 1 .-V . Unte 1"mc·h. ung) , 3c éd Halle
lt Il r ; i 1 1 r i 7 71 orie der Erken.11.tms, i '' partie
en zur Phiinome
l,
t. 11 ntersuchung
1. 2, .1 ,; 'p,ut1e
... ,
sée théorique. C'est ce qui explique aussi la primauté que
.u1 . � .,i 1l' • 1•1•11teii1111 ,, , *' ., I'n . 6 i t ra t. fr., Recherches logiques,
1
possède la « conscience » sur tous les a ut re s vécus. En oi, ....
1 1 1 1 1u u · 1 ion. � . p. I].
t .#
1· r
de la chos e eH -mê me, man ifeste en tant
que telle , à partir de r ncontre dans le souci de manière si inconditionnelle que
la façon mêm e d o n t e l l e se défend et résis
te contre quelque 1 lin 1ue souci e n reçoive sa motivation fondam� ntal� .
chose, cela mêm e dont i l y va pour elle. .
L'explicitation d'un souci dans les perspectives m ?ique, �s
1 11 1vre du même coup accès à ce que nous appelons 1 mqwe- _
11;d, spécifique de ce souci.
[61] § 7. L 'explication de Husserl , .
[ 2 ] Lorsque nous envisageons la phénomenologie dans sa
avec la philosophie contemporaine pvrcée concrète chez Husserl, nous obt� 1:1ons, dans le cadre
dans « La philosophie comme science rigoureuse » 1j • ces considérations apparemment cntiques, une vue sur
et le souci qui y est à l'œu vre d'une connaissance d 8 états de choses fondamentalement positifs. In�iquons
qui soit elle-même connue. d ores et déjà le résultat de l'interprétation qui va smvre : le
_
·li 1 u c i concret qui conduit à configurer la consCience comme
La visée générale de cet essai
h'Ue à titre de champ thématique, à la retenir et � la poser
_
C'est dans « La philosophie comme science rigoureuse1 » f 1 wdamentalement comme thème ultérieur de la p�Ilos�phie,
_
de Husserl que nous disposons de cette explication avec la ,. ·st Je souci d'une connaissance connue, et ceci a vrai dire
1 l uue manière telle que la connaissance de la connaissa�ce
_
philosophie d'aujourd'hui. Ce travail a paru dix ans après les
�1 1 l t attestée et attestable sur une base assurée à tous p �mts
d · vue. Nous allons maintenant établir, en prenant appm sur
Recherches logiques. Dans l'intervalle, on avait réussi à y voir
11 1 ( '
le romantisme, cette idée de philosophie scientifiqu connaît '1 , , , , Fl· nal. ement' il nous faudra voir comment, sur la
' '
un affaiblissement, même s'il convient [63] de releve er ' ""'' d 1 1 ouci mis au jour de la sorte, ( 64] la cons�ie_nce
se •
�
chose remarquable, à savoir que Hege l avait lui aussi l'esp cette
oir 1 1 1 1 1 1 1•1 d termin ée dans son caractè re d'être. es bm1tes de
de rendre la philosophie scientifique une bonne fois pour 1111 1 , . tions nous apparaîtront du meme coup ; en
• ' 1 1 l" d éra • .
1. 1 l i • 1 1 1C de la philosop hie.
mouvement de réaction, que l'on peut caractériser a) comme
un naturalisme, b ) comme un historicisme.
Dès que ces deux orientations ont fait irruption dans le
La critique husserlienne du natura fzsme
1
.�
champ du travail philosophique, la philosophie entendue .
comme science rigoureuse s'est trouvée ruinée, et cela
blement. Pour l'idée de philosophie, le critère directeurdou est
formellement de savoir si la philosophie a progressé au poin a) La naturalisation de la conscience
d'être à même de déployer un contenu doctrinal objectivet
st la forme de cette critique, et contre quoi �st-elle
antre le naturalisme et l'historicisme . Ex�hqu�ns
ment communicable et à tout jamais contraignant. Tant
•1 1 1 1 1 1 • n t n en est venu à forger ce ter�e et ce qu �n vise
qu'elle n'en est pas capable, ce n'est pas une science
reuse. (Ajoutons qu'il faut aujourd'hui noter que Hussrigou ' •
contre quoi est-e lle dirigée ? b ) comment la critiq i 1 1 r 1 l/i r1îa.tique de la nature devi�nt determm�nte pour tout
gée est-e lle développée ? 2° Quels sont les motifsue i l1 11 1 in i n d'être et pour sa détermmat1on du po�nt de v�� de la
ainsi diri _
de cette cri _
' i La question est alors de sa:01� - 1usqu a _quel
.
de se�;�:
tique concrète ? Pourquoi la considération critique vise- 1 1 1 1 1 , l i'sanc
justement le naturalisme et l'historicisme et pourquoi let-elle 1 11 1 1 1 1 1 1 n t el élargissement de cette idée particul; ere _
' f t! /Jj•t a t rouvé u n écho dans le champ
fait t� ematiq ue .
phi�?s?-
elle de la façon indiquée, que l'on peut caractériser comm '(
une clarification des problèmes ? 3° Comment ces moti fs rene p l i l •' phi , t e n quel sens le champ objectif
de la
1 •l1
dent-ils visible ce dont il s'agit à proprement parle r dans la l a m t h de . n t tombé s sous la dépendance de l
1dee
critique, c'est-à-dire le souci qui est à l'œuv re dans l'élab 1 11 ·l ·n •, m a t h m a l i q ue de la nature .
tion de la critique et dont il est le moyen ? 4° En l i a ison aora
ft », op.
les caractères du souc i de connaître ainsi mis e n évide nce,veci l 1 , 11r I • N N� " " H- 1 2• f. • · . 1 l uss , r l , " P h i l osophie ais st renge W i.ssenscba
• [trad · fr " L ·a P.hilosop lu e comme
/ • N 11 l l l t11ll i ls ·h ' P h i lo. 0 1 h • », 1 . .94•. .
1 hilosoph1qu » , p. 1 9-59 ) .
1
Il • ' ,. /.1(1111' ·11s1>, « L . nnlu n l i�m
nous faudra voir dans quel le mesu re ce souci appa raît e pr s- ,
83
82
La phénoménologie d'aujourd'hui
<l>mv6µevov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl
:
là le fondement concret de la caractérisation de l'être du psy , l'endroit de cette
. considé -
chique comme courant et comme flux . Ce n'est pas une termi N us �� man don� mamten;
� ive cette critique, qu' est
-ce
i Il n cn t1que : q u est-ce qu
. ·
nologie triviale, populaire, mais la raison en est le mode d'être i · et ? Com men t
ge, �e,��le caractériser
l'ex am en de son ob1
· ·
·
spécifique du psychique lui-même. Cet être psychique, ainsi le cho ix e t ode ,
1
/
J). 8
serl, dans les Recherches logiques, où il mène ses i n vest igat ion
., op. dt., p.
1 li lei., p. 97 \ t rnd . fr 1 ..
om pl ni
dans une perspective phénoménologique concrè t e r e fuse
f. . • • SL•J' ' l , ;\111 1eXt'.
nl ' .
d'employer ce terme de phénomène . Cet � t r s i n g u l i · r •
89
urd'hui
88 <l>mvoµevov
La phénoménologie d'aujo
chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl
scien tificité abso-
''" l
' . 'est l'assur ance et la fon.dation d'u ne
n� turahsrr:: i , la critique parce quba e sa
1
afin d'atteindre une science véritable de la conscience. Dans la
'"'
.
mesure où cette clarification est critique, l'ambition et l'idée
d'une élaboration scientifique de la conscience sont précisé I ' ' 1 1 h l m a tiqu e et ,
:!
t���: �is�nt , à asseoir, surauuntravers
, l't normative
1 ega
e se
ment élevées à l'absolu. La décision est donc en même temps ... l1·11 tifi quement ass�re�!{· lau em :xa
i l 1 1 1 11· laboration scient iq , enc:lar cte de la conscience .
ifi
une décision principielle pour la chose considérée. À travers
cette critique, il s'agit de faire en sorte que devienne possible 1 ' ' i ' l ,/,l q ue. , p rend la forme d une ioncati
on des p roblè
on fai
ble, m· es à ,la tra.dit, et le questionne, et t
mes.
. nne du
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1 ,
1 1 1 ,·prend les pro
une légalité rigoureuse, c'est-à-dire une légalité rigoureuse , ·swn d etermmee po ur
deci
' " ' 1 1 1 . cou p un e nt la
1 11 1 1 1 1 I ten d
ment objective, contraignante et légitimable. Cette démarche
a
.
ance du qu estwnnement, et
cela en radicalisa . po
« » ur
" i 1 . /1 m e a
qui vise à purifier spécifiquement le champ conscience de d . Il s'a git
toute réalité effective, ce qui constitue la base d'une philoso , l' œuvre dans. ce que l' on repren la ten ce dan
1 l 1 l'l'. ' tl de m� ne�
rad1cal em�nt à son terme
1 1 1 1 l l fi que . on
phie comme science rigoureuse, - cette démarche tendue
11 ' entee sur les scien��s de' la des nature. En conce-
vers l'universellement contraignant correspond au souci . e une cl anficati on problèmes, la
' 1 1 1 1 1 l ;. 1 cntiqu� .co,mm
' ' • t ue 'est dec1 dee pou; � :�
caractérisé précédemment comme souci d'une connaissance l t dance scientifique duéli natura-
' er
urification vis ant à min
1
connue.
l i •u 1 1
d u
tl'bl �s d :mettre en péril la
. Ile pre nd la for m conquête
'i 1 1 1 1 'S mo me nts suscep
Pour un sujet, un vécu ne saurait jamais se répéter identi
.
rification
' 1 1111
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quement à lui-même. Le complexe d'être propre au psy a bsolues . Ce tte pu
vidence et d'u ne certitu.de
son absolu isafi�nb.
(,
, /1 • 111 n a t u re P hysi· ,
la nature. Toute légalité est une légalité de réalités de fait et . que, occupe une pos1't'o i n trale ·' et par
la science de la nature a affaire à des réalités de fait. La ques ' at'q
em i ue qui fournit son
.
1 1 111� ·que nt q ue c est cette pro bl
,
.
11 1 1 1 on a u. t· b em�
tion est alors de savoir s'il est possible de rendre intelligible ». '
ent en se
·
de Ja conscience 4o Consmm
«
i 1 1 t t a ·ha nt à cer
une réalité de fait comme telle par des faits. l'h istoire, on
tames tenda�ces .à l'œuvre da
Ce qui nous importe maintenant, ce n'est pas de prendre
position sur l'être de la nature ni sur le psychisme ; c'est de 1, .. 1 1 1 t po s i t ive me nt
à contribution.
savoir quelles sont les tendances qui animent la critique du
naturalisme, quel est Je souci qui guide le choix de l'objet et la
critique. Nous soutenons avant tout la chose suivante 1 :
§ 10. La clarification des problè N 1 11is distinguons finalement : 1 1° la recherche en tant que
mes 1 1 •1/d déterminé du Dasein ; 12° le souci lui-même en tant
q 1 11" possibilité déterminée du Dasein. Ce n'est qu'à par�ir de là
Sur le 1°. Qu'est-ce qu'un problème, quelles sont ensuite
q 1 11 s décide ce que signifie se décider pour un « ��oblem� ».
1 >nns cette question concrète : le monde exteneur e �st� -
les possibilités contenues dans une clarification des problèmes ?
t 1 · ]'interrogé est le monde extérieur. Concernant les d1ffe-
En interprétant de façon plus précise le complexe phénomé
1 1 · n t ·s possibilités touchant l'interrogé, c� demie� � eut d'abord
n �l « pr�blème », nous allons découvrir des phénomènes qui,
'' t 1 1 • pris en considération plus ou moms exphcitement. L �
d eux-memes, nous occuperont fondamentalement à nouveau
par la suite. q 1 1 dJÜonnement peut tenir compte plus ou moms _ de ce qm
1 · l i v bé à proprement parler avec ! 'interrogé, par exemple ce
Le mot qui restitue le mieux celui de problème est « pro
.
' l " l ' •i n ifie « monde extérieur » par opposition à � n « �onde
jet ( Vorwurf) ». On a coutume d'identifier « problème » et
« question ». Un problème est une question configurée d'une 1 1 1 1 l'ieur » possible, et ainsi de suite. Il peut auss� arnver -
manière déterminée et posée de façon expresse. Pour mettre
' " ' · ' st d'ailleurs la règle - que dans ce questionnement,
en lumière le « problème » lui-même dans sa structure nous
' 1 1 1 1 1 1 rrogé ne soit pas envisagé plus avant. Il est certes là à
1 t 1 d'objet thématique de la question, mais non pas dans un
allons examiner de plus près ce qu'est une question.
1 1 · i · 1 1 rd appropriatif explicite. L'interrogé lui-même est donc
, 1· q u e la question articule, dans notre cas c'est le monde
a) La question et ses structures
En toute q �estion, nou� distingu · · � I ! ri ur.
_ nne, ; 3 ons : 1 ° !'interrogé ; 2° le nans la question, !'interrogé est saisi selon une certaine
questio
l " ' ' SJ ctive, on questionne pour sav?ir si le m?nde extéri� ur
la perspecllv e dan s laquelle on que
e:z vu� de q �oi �'int errogé est interrog stionne, ce
tionne en lm ; 4 la mo dalité du que p nHS de ou non une réalité. Ce qm est questionne, c� � est
é - ce qui est ques ,
p 1 1 t, 1 monde extérieur, mais l'être réel du � ond � exteneur.
stionnement elle-même
1 11 qu stion elle-même articule donc le questio?"ne selon une
c'est-à-dire le fait d'attendre
à proprement par ler un�
réponse. 5° Le trait caractéristique
fondamental de ces diffé , 1 1 1 t n i n e perspective. Le questionnement configure le ques
rents moments permet alors de com
prendre le rapport entre t 11 111n en fonction de la manière dont !'interrogé est à
question et p roblème. Nous distingu
, huqu
ons en outre : 6° le mode fois lui-même rendu immédiatement présent. La
d'encontre de ce qu'on appelle que
p 1· 1 sp ctive du questionnement, c'est donc, en l'espèce, ce en
stion ou problème savoir
si les questions [74] se rencontren
"" · de quoi le monde extérieur est interrogé, en l' ? ccur-
t comme on tro�ve des
pierres sur un chemin - l'être de
1 1 · 1 1 : la réalité. D ans quelle mesure [75] la perspective d u
Ja « question » ; 7° l'élucida
•
tion des modifications possibles des
�ans _une question ; les différences
moments déterminants q 1 1 ti t i n uement fait-elle l'objet ? 'une appropriatio� expre�s� ?
t1 1
_
p r pective » est ce que vise le regard lorsqu Il se du� ge
entre interrogé et ques
. 1 1 1 q u el q u e chose, Je contenu de cette visée). Toute question
tionne, entre la perspective du que
quest�onnement ; 8° la mise en évid
stionnement et le mode du
question et en tout problème, i1 a
ence du fait que , en toute o·'ll uj t t e à l a même possibilité d'illusion que c�lle que �ous
toujours déjà été déc idé pa r
ava�ce ? 'une méthode déterminée ; 9° , . 1 111s cl j à rencontrée à propos du langage. L mterroge est
le rapport entre problème en vue de quelque chose - e n vue de son être,
et histoire des problèmes ; 10° l'analys
e et l 'inte rpré tat ion déci as cl la question que nous avons prise pour exemple.
sives de Ja question comme telle
en tant q u e recherche. La
née . I l s'ag i t de m on t r r ici
ntendons en fait spontanément par
co m m t J. Dans le q uestionné,
question est une recherche détermi
que la « que stio n » n 'est pas du tou t
un phé nom ne th ori q u c . n tant que qu. lqu hase. Et ce
'hui 93
La phénoménologie d'aujo urd
<l>cuv6µ.i:vov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl
j/
us, s'il s ne sont
' hl s
de transitio� ? �ns la mesure où ces propositions, qui énon n-1' n l cl
cent des vahdites, forment la base d'un questionnement plus '
s n t nd re sur ce
. J I ' fa. u I r a i t d ' a bor d
ample les prenant elles-mêmes pour point de départ . M a i s 1 1, 1
94 <l>mv6µevov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 95
que signifie questionner et répondre de manière uniquement problème lui-même, et n'est interrogé que pour avoir été repris
scientifique. Ces guises possibles de la réponse et de la ten de la tradition.
dance de la réponse déterminent la mise en jeu de toute [78] Le plus souvent, les problèmes ne se présentent pas
question, la configuration de tout accès <à ce qui est en ques i;ous la forme de questions explicites, mais de mots-ques
tion>. Il n'est pas possible d'engager ici une discussion tions. Ceux-ci orientent dans des directions déterminées du
concrète de toute cette complexion. questionnement une entente qui s'est déposée dans les mots.
Les mots véhiculent la problématique sous une forme tra
b) Le problème et les moments di tionnelle. Ces mots-problèmes, et le mode d'être spéci
de l'être d'un problème : la clarification fique des problèmes, peuvent être objectivés dans l'analyse
d'un problème implique de se décider historique ; on parle, comme on dit, de l' « histoire des
pour l'interrogé, le questionné, la perspective problèmes », de l' « état d'un problème » , des « intérêts
du questionnement et la tendance de la réponse dominants pour un problème » 1 • L'école de Marbourg a eu
l mérite tout particulier d'avoir éveillé (dans le cadre des
Qu'en est-il d'un problème par rapport à une quest
ion ? possibilités de l'époque) l'entente d'une analyse historique
Quel genre de question appel le-t-o n problème ? Dans
toute vivante, laquelle s'est ensuite désignée elle-même sous le
question, l'interrogé est posé conjointement avec
la ques nom d' « histoire des problèmes ». Pour cette analyse histo
tion ; il ne fait pas l'objet d'une élaboration expresse.
Le pro ri.que, il existe en quelque sorte un fonds déterminé de pro
blème est une question que l'on pose, une question
que l'on blèmes qui se trouvent par exemple chez Platon, Kant, etc.
tient expressément pour devoir appeler et mérit
er une e qu'on vient de dire doit montrer en toute lisibilité qu'il
réponse, c'est une question que l'on pose explic
itement n'y a de problèmes que pour des points de vue ; car c'est
comm e une tâche à accomplir. C'est par ce caractère
de tâche a lors seulement qu'une perspective de questionnement peut
qu'un problème se distingue de toute autre question,
et en ê t re fixée et maintenue. Une perspective de questionnement
est rendue en quelque manière explicite. Il ne peut y avoir
vérité la tâche dont il s'agit s'adresse à la connaissanc
e enga
gée dans un travail de recherche. Dans la mesure où
le pro d 'histoire des problèmes que sur la base d'un point de vue
blème comporte une tâche expresse, l'importan
t est de philosophique explicite. En revanche, dans une recherche
progresser dans la réponse. Dans une problémati
que, on véritablement libre de points de vue, les seules sources pos
consacre bien moins de temps encore à s'enquérir de
! 'inter sibles et les seuls motifs possibles du questionnement et de
rogé en lui-même. L'interrogé se donn e, d'une
manière la configuration des perspectives de questionnement, ce sont
caractéristique, comme quelq ue chose où tout ce qu'il
y a les « choses mêmes (Sachen) ». Un dernier moment est que
d'autre se tient déjà tout prêt. Cette détermination
d'être chaque problème apporte avec lui sa méthode. Ce n'est
pécifi que du problème fait que l'interrogé est néces
saire qu'avec des concepts déterminés qu'il est possible d'établir
ment recouvert dans une problémati que. Tout probl
ème
1 . Sur I'« hist oire des problèmes », cf. W. Windelband, Lehrbuch der Ge
recon n u et débat tu publi quem ent n'est
pas tant l'indice qu'il
y a là que l q ue chose de fondamental, mais est un préju
la p l us dange reuse espèc e dans la mesu Tü b i n gen, 1 9 1 9, P- J V ; N. [- f artman n , « Zur Methode der �hilosop •e ge
gé de schichte der Philosophie [ Manuel d'histoire de la philosophie], 8• éd: inchangée,
?
s hichte » in Kant-Sturlien, vol. 15, Berlin, 1 9 1 9, P- 459-485, passim_ Sur 1 « etat
re où les probl èmes , _ ,
en t hérit av J
96 él)mv6µevov ch z A ristoi• •/ la ph 1110111. 'tlOl gi • selon Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 97
quoi que ce soit sur l'obj t d· .l i m i L sur lequel on s'inter conscience d'un être humain. Husserl qualifie de « transcen
roge.
Sur la base des moments de l 'êtr du problème dont on
dantal » le fait d'être ainsi libre à l'égard de toute position
naturaliste. C'est une purification du champ objectif au sens
vient de parler, il n'est pas difficile d comprendre ce que où toute position naturaliste se trouve mise hors circuit. Le
signifie clarification d'un problème . CJarifi r un problème, ce champ de la conscience n 'est pas, quant à son être, une réa
1
n'est rien [79] d'autre que se saisir, à titre de tâche, de ce qui, lité de fait ( Tatsiichlichkeit). On ne met pourtant pas hors cir
dans et avec la question, est interrogé et questionné, autre cuit le fait que [80] cet étant soit un étant individuel, unique.
ment dit c'est se décider conjointement pour /'interrogé, pour L'être de la conscience est, dans la mise hors circuit transcen
la perspective du questionnement et pour La tendance de la dantale de la nature, une unicité individuelle de courant de
réponse. Cela vaut également pour la clarification critique de vécus.
la tendance de la problématique naturaliste. Y a-t-il une méthode d'élaboration de la conscience pure
t ranscendantale telle qu'elle conduise à des constatations ayant
c) La clarification husserlienne de la tendance une validité intersubjective ? Ce que Husserl appelle connais
de la problématique naturaliste par la purification sance eidétique satisfait à ce réquisit. Remarquons également
transcendantale et eidétique de la conscience. ici que cette idée de connaissance eidétique résulte d'une
Évidence et validité absolue démarcation critique déterminée par rapport aux sciences de
ta nature. Cette purification correspond à ce que Husserl
Dans la clarification des problèmes du naturalisme, Husserl
1
appelle la purification eidétique de la conscience. Dans ces
1
se décide pour un objet déterminé et en même temps pour deux directions de purification, la direction transcendantale
1 une méthode scientifique, c'est-à-dire exacte. La clarification t la direction eidétique, ce qui est à l'œuvre, c'est le souci de
consiste à clarifier la conscience qui est ici posée, et à clarifier "assurer d'un champ objectif permettant d'atteindre tout ce
11
dans le même temps la perspective du questionnement ainsi qui est absolument contraignant.
que la tendance du questionnement. La modalité est celle de Avec la réduction transcendantale, on atteint enfin l'objet
la tendance à interroger scientifiquement et exactement ce t hématique à propos duquel il est possible de demander : com
qui est à clarifier. Une purification de l'objet et de la méthode. ment une science qui s'y rapporte est-elle possible ? Com
Cette double purification doit nous montrer qu'elle est ani ment faut-il le saisir pour qu'une science puisse s'instaurer ?
mée par le souci déjà mentionné d'une connaissance elle uel mode de saisie satisfait à l'idée de fondation absolue ?
même connue. .i l 'on envisage l'évolution de la phénoménologie d'un
i
1
En quel sens la conscience est-elle purifiée pour deve point de vue purement historique, on voit qu'il n'est pas
nir, après purification, objet d'une phénoménologie de la
1
ncore question d'intuition des essences dans les Recherches
[ conscience ? La conscience est posée dans la psychologie l giques . Dans la Deuxième Recherche, on a affaire à une
1 d'une manière telle qu'avec elle c'est en fait un être physique rte de t héorie de l 'abstraction, une phénoménologie de
qui est posé. Toutes ces positions de la conscience comme l'appréhension du général qui explore uniquement la
enchaînement de vécus sont autant de positions de la nature . n · cience de généra l i té dans l 'expérience aussi bien des
Pour pouvoir entendre des faits dans leur être-connu, i l ne imples cho es q ue des réalités à chaque fois en cause. Il
faut pas que la sphère qui doit permettre de les connaître ait t pa du L o u l tabli p a r là q ue cette saisie eidétique puisse
le même caractère que ces faits eux-mêmes . La conscience
M a is ' 'Sl r
l r l ra ns1 os , an pl us, à t us les a u t res champs objectifs.
doit être purifiée de toute immixtion de positions nat ura 1
1 rsq 1 ' ) J l <.1 i 1
lar q u l 'on procède /
listes. On ne doit pas poser en elle q uelq ue chose com m la 1 1 u l mode de
98 <l>mv6µcvov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl La phénoménologie d 'aujourd'hui 99
b) La connaissance théorique comme fil directeur § 12. Les moments caractéristiques du souci
d 'une connaissance connue dans la critique
Le troisième moment est le fait que la problématique de la
philosophie, et de toute la critique, ne prenne pas pour fil
husserlienne du naturalisme : la ré-flection,
l'échéance, la préstruction, la mé-prise et l'omission
directeur quelque chose comme une structure fondamentale
de la conscience. Ce qui sert de fil directeur, c'est bien plutôt
la classe des vécus de la connaissance théorique, et ce fil
Demandons-nous maintenant, à côté de ces moments,
directeur sert en vérité à expliquer la structure de tous les omment se présente ce souci lui-même, quels sont précisé
ment les moments caractéristiques à prendre en compte dans
e souci concret. Le souci de /'absolument contraignant, dans sa
enchaînements de vécus. La conscience pratique est toujours
traitée par analogie. « L'analogue vaut aussi pour l'évalua
tion et l'action1 . » La connaissance théorique se voit donc manière de guider la critique et le travail positif, manifeste un
attribuer un primat, mais non pas au sens où on commence moment caractéristique, un phénomène qu'on appellera ré
rait par se demander quel [83] est le phénomène originaire flection. Ce phénomène spécifique caractéristique du souci
onsiste en ce que ce qui est pris dans le souci lui-même -
ré-flection. Ce que nous découvrons maint enant, c'est ce trait précisément en se mé-prenant en lui-même. Le fait de se-mé
du souci que nous appelons l'échéance ( Verfallen). prendre-en-soi-même est ce qui conduit le souci à déterminer
Cette inexpressivité qui permet que le souci s'absorbe en toutes choses à partir de là.
lui-même a malgré tout une expressivité spécifique : celle de Ce se-mé-prendre-en-soi-même fait que tout ce qui croise
la préstruction à titre de reflet spécifique donné avec le souci. le chemin du souci est pris en préoccupation d'une manière
Le souci, dans la mesure où il s'absorbe dans ce dont il se telle que ce qui n'entre pas dans la préoccupation du souci,
préoccupe, est certes inexprimé, mais il s'interprète malgré non seulement n'est pas là, mais est pris en préoccupation
tout spécifiquement lui-même sous la forme d'un système comme quelque chose n'ayant pas à être là. D ans la mé
programmatique : il se procure à lui-même une signification, prise, nous voyons se manifester un autre phénomène que
un sens, une explicitation dans le programme qu'il se nous appelons l'omission. Tout souci en tant que souci omet
construit d'avance de façon tout à fait formelle. À travers quelque chose. Ce n'est nullement un phénomène qui serait
cette construction qu'il projette en avant de lui, à travers appliqué au souci de l 'extérieur. Ce qui est omis, c'est préci
cette « préstruction », le souci se donne une tranquillité bien sément ce dont le souci prétend lui-même se préoccuper.
spécifique et s'assure de quelque chose qui oblige en contrai Essayons de nous rendre présent concrètement ce phéno
gnant objectivement. Le souci se procure, par cette sorte de mène. Examinons quelle est la nature de l 'omission du souci
préstruction de ce dont il se préoccupe, une expressivité spé d'une connaissance connue, c'est-à-dire demandons-nous si
cifique. Le souci a besoin d'une tranquillité spécifique pour ce souci n'omet pas quelque chose dans le champ, précisé
pouvoir s'adonner entièrement à l'objet de sa préoccupation. ment, de ce dont il prétend se préoccuper. Nous demandons
Par cette préstruction, la ré-flection se trouve en même donc : quelle est cette omission qui se manifeste dans ce
temps [85] renforcée dans sa possibilité. L'assurance avec souci concret ? En mettant ainsi en lumière une omission
laquelle on présente tout dans le sens du programme, avec déterminée [86], et en vérité en tant qu'omission procédant
laquelle on fait violence à l 'histoire tout entière, s'accroît de ce souci déterminé, nous obtenons une confirmation sup
avec la configuration de la préstruction en tant que telle. La plémentaire du caractère de souci de ce souci lui-même.
ré-flection va si loin que la possibilité d'une morale concrète Nous allons mettre au j our cette omission caractéristique en
est rendue dépendante de l 'existence effective d'une éthique examinant la seconde partie de la critique husserlienne, la cri
considérée elle-même comme science absolument contrai tique de l'historicisme. Il nous faudra voir dans quelle mesure
gnante. La préstruction consolide la ré-flection dans ses pos on peut déceler, dans cette critique, une omission spécifique
sibilités d'efficience. Tout ce qui fait encontre est déterminé à ce souci. Pour cela, il nous faudra d'abord montrer que
par l'idée selon laquelle toutes les tâches à venir sont déjà cette omission est déjà perceptible dans la critique du natura
prédessinées, et est considéré de ce fait comme ayant déjà lisme. C'est seulement à partir de là que nous verrons que
une place précise dans le programme. cette omission n'est pas une sorte d'oubli. Nous verrons que
En suivant à la trace ces moments de ré-flection, de pré ce qui est omis fait bien l'objet d'une omission mais d'une
struction et cette expressivité caractéristique du souci, on omission au sens du souci. Ce qui est omis n'est pas oublié, il
voit se manifester quelque chose d'originaire qui est au fon est tout bonnement exclu. Le souci se défend contre cela
dement de ce complexe phénoménal : un phénomène fonda même qu'il omet.
mental qui n'est pas seulement propre au souci, mais dont L'obj e t thématique est la conscience et c'est en vérité la
nous verrons qu'il est lié bien plus intimement encore au J :r a J i t d chaque comportement possible. Cette légalité est,
caract è re d 'être d u Dasein, à savoir la mé-prise : le souci, e n n L a n t q u e t I le, idéale e t possè de u n fondement idéel : elle /
' a bsorba n t d a n l o bj e t de sa préoccu pation , est c q u 'il
' t doi t t r rL i fi mm l a l i t normat ive de manière à
1 04 <l>mv6µi::vov chez A ristote et la phénoménologie selon Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 1 05
fournir une norme générale et absolument objective pour le Dans la mesure où la seule chose qui importe est de fonder
Dasein de l'humanité en son entier. La science normative se la validité, l'exploration de la conscience progresse de bout en
voit assigner la tâche de régler et d'affermir, par son assu bout en détournant d'emblée le regard de cela même qu'il
rance, le Dasein humain, c'est-à-dire la culture. Jusqu'à pré s'agit de normer. Il faut bien voir que cette omission n'est
sent, il n'a jamais été question de cela même qu'il s'agit de pas une simple négligence, une faute d'attention, quelque
normer ; j amais l'étant qu'il s'agit de normer ne fait l'objet chose à quoi il pourrait être remédié après coup, mais que ce
d'une recherche qui serait conduite dans une perspective tout qui est ici omis est omis à la façon de quelque chose dont on
aussi originaire. Il est même dit que des phénomènes tels que se préoccupe qu 'il soit omis. C'est là le véritable sens de l a
le « Je concret » et l ' « âme » doivent être mis hors circuit. critique d e l 'historicisme.
Donc cela même qu'il s'agit de normer n'entre pas du tout
dans le champ de l'objet thématique proprement dit. Quand
on affirme qu'il y a là une omission, cela ne signifie nulle (88] § 13. La critique husserlienne de l'historicisme1
ment qu'on devrait s'enquérir de ce qui est à normer pour
que la norme puisse être mieux adaptée à ce qui doit être La question qui se pose à présent est de savoir comment
normé. Il s'agit bien plutôt de dire, et plus principiellement, l 'histoire est prise en vue dans le cadre du thème de la
que le sens de la norme, et de la légalité normative, ne peut conscience. On a souligné le fait que la problématique philoso
être mis au jour tant qu'on ne s'est pas rendu présent le phique s'orientait fondamentalement à cette époque, et c'est
genre d'être que l'on vise avec l'être normé et l'être qui peut t oujours le cas aujourd'hui, sur la science et sur les disciplines
être normé. [87] La possibilité de la normativité ne peut être scientifiques ; l'histoire entendue comme objet thématique d'une
mise en lumière si cette normativité n'est pas envisagée en ·cience ou d'un groupe de sciences, l'histoire en tant qu'objet
de savoir scientifique, en tant que science historique.
tant que normativité pour, et cela veut dire si le pour quoi de
la normativité n'est pas envisagé dans sa structure d'être.
Si cette omission est bien présente en effet, si l'idée de a) L'autre terrain de cette critique
norme est discutée avec une légèreté aussi étonnante, c'est
parce que l'idée de norme procède d'un regard bien particu Husserl affirme en guise d'introduction que l'historicisme
lier issu lui-même du souci d'une connaissance connue. Cette st une surenchère d'idées scientifiques déterminées. La
·ci nce de l'histoire, dit Husserl, n'a affaire qu'à des faits. Son
idée de norme est puisée à l'état de choses du jugement théo
rique : on invoque une proposition théorique. La proposition bjet relève des sciences empiriques positives. Au premier
ainsi invoquée sous-tend toute la considération puisque c'est
abord, on ne voit pas comment cette question peut avoir un
l i n avec l'idée de philosophie comme science rigoureuse.
à son contact qu'est mise au jour la différence entre occur
rence propositionnelle qui survient et sens propositionnel qui
Parallèlement à la théorie de la connaissance, se développe
vaut. Le sens, objectivement valide, est toujours lui-même
t te époque une philosophie qui a reçu son impulsion de
tandis que l'énonciation judicative concrète change au
i l l h y. Dans ses travaux sur les sciences de l'esprit, Dilthey
t pa rvenu à des vues fondamentales sur la science histo-
contraire réellement. Tout ce qui relève de l 'occurrence judi
cative se trouve mis hors circuit dans la mesure où c'est une
cisme, pensé jusqu'au bout de manière conséquente, conduit m n t omise et ne vienne plus croiser son chemin (en quoi on
L Ibid., p. 324 [ trad. fr., op. cil. , p. 63] . c i i r fonda m- n l a l men t e n t rava i l l a n t à ce que les normes
* Cf., à ce suje l , Annexe, compl m e n l 9, s. � n s n" 1
.
p. 322. Dasein h u main
108 <I>mv6µEVov chez A ristote et la phénoménologie selon Husserl
La phénoménologie d'aujourd'hui 109
entre bien lui aussi dans l'horizon de la préoccupation. La vérité Dilthey est invoqué d'une manière telle qu'il se trouve
question subsiste donc : qu'est-ce donc qui est omis ? Dans ce neutralisé d'emblée par un slogan. Cette critique se prive de
souci d � s'assurer absolument de la norme et en même temps la possibilité d'entendre un tant soit peu positivement le tra
de configurer une légalité de bon aloi, le Dasein humain n'est vail diltheyien en quelque sens que ce soit. Puisque ce travail
jamais lui-même problématisé. Cela même qui doit être est placé d'emblée dans la rubrique « historicisme », la cri
assuré comme tel n'entre à aucun moment dans le thème de tique va consister à mettre au clair toutes les inconséquences
la considération. Tout d'abord cela n'entre jamais dans le qui se rencontrent chez Dilthey lui-même. Dans cette cri
thème de manière fondamentale au même titre que tout le t ique de l'historicisme, les obscurités ne sont pas clarifiées,
reste ; ensuite on le [91] relègue comme une chose d'impor mais deviennent principielles.
tance secondaire, comme ce dont on se souciera plus tard. [92) En ce qui concerne la question de savoir comment se
Tout le poids du souci porte uniquement sur la légalité nor présente le Dasein historique, Dilthey a lui-même lâché prise
mative en tant que telle. Ce qui est omis, c'est ce dont on se parce qu'il n'avait pas du tout la possibilité de poser cette
préoccupe à proprement parler : le D asein humain. On ne se question. Il faut dire toutefois que l'idée d'interpréter Dil
demande pas ce qu'il est, mais l'idée d'humanité et le they à la lumière d'une philosophie normative quelle qu'elle
concept d'homme sont abandonnés à l'appréciation du bon oit, pour ensuite le cataloguer comme relativiste, est totale
sens ordinaire. Nous allons voir à quoi ressemble plus préci ment étrangère à son style. Il faut laisser en place le travail
sément ce qui est omis et en quoi le souci est un souci défi de Dilthey tel qu'il est. On n'a pas le droit de le juger à
cient, comment le souci se soucie de ne pas se laisser aborder l'aune des représentations bien connues que l'on se fait ordi
par le Dasein humain, de le rendre inoffensif et de le mainte nairement de la philosophie ; il faut comprendre que son tra
nir dans cette inoffensivité. vail n'est en rien une réflexion vide sur l'histoire et la
conscience historique, qu'il s'agissait d'un travail véritable
ment historique et que, dans ce travail, s'est peu à peu confi
§ 14. La critique de l'historicisme conduite g u ré quelque chose comme la possibilité d'une conscience
dans le cadre de la clarification des problèmes nouvelle et spécifique du Dasein. Vivre dans l'histoire était
pour Dilthey une possibilité du Dasein qu'il avait lui-même
L'historicisme fait égale ment l'objet d'une considérat vécue, mais il ne l'a pas percée à jour parce qu'il continuait
ion
plus approfondie conduite dans le cadre de la clarif de se situer dans le cadre de l'approche traditionnelle de
ication
d�s prob lèmes. On pourrait pense r au prem ier abord l 'histoire, que je qualifie pour ma part d'approche esthétique
qu'en
d1 cutan t l'historicisme dans cette perspective, on va de l'histoire, une approche régie par l'idée classique d'huma
renco n ni té. Ce qui nuit à la critique, c'est le fait qu'elle reprenne à
t rer le Dasein huma in concret. Nous verrons que ce dont
s n compte les obscurités présentes chez Dilthey lui-même et
on
se souci e en réalité dans cette probl émat ique, c'est que
l'his en tire matière à réfutations.
toire ne soit pas du tout prise en vue.
b) L'omission du Dasein historique
a) La critique husserlienne de Dilthey
1
nou s envisageons les choses positivement, demandons
n u c que le souci d'une connaissance connue omet dans la
ans la cri tique de l 'historicisme qui prend également
la
ri t iq u d l h i s l o r i c is m . . Dison q ue la première chose qui
f nne d'une clari fica t ion des probl èmes
, on part d'une vision
I
'
c'est le moment caractéristique de ré-flection. Comment ·ophie considérée comme science rigoureuse ayant une léga
l'histoire est-elle envisagée avant tout ? L'histoire considérée lité absolu ment justifiée. L'histo ire est envisagée dans une
comme champ thématique d'une tâche de connaissance bien perspective dont on ne se deman de à aucun moment si elle a
déterminée. La possibilité même de voir le Dasein historique tout bonne ment un sens. La problé matiq ue est purem ent et
en tant que tel, d'instaurer un rapport originaire avec l'être ·i:mple ment présup posée . Il apparaît alors [94] q�e ce qu� est
historique, se trouve d'emblée exclue. La question de savoir nccom pli en fait de travail positif <dans la scienc e histo
r iq ue > n'a absolu ment aucun rappo rt
ce qu'est un être historique comme tel ne peut pas du tout se avec l'exigen�e de
faire jour dans le cadre de cette clarification des problèmes. rigueu r mathé matiq ue que requie rt cette idée de la phd� so
[93] L'histoire est fixée comme un objet de la science histo phie. La rigueur requise fait précis ément défaut en des pomts
rique, comme un domaine unitaire déterminé de faits. Dans décisifs.
la mesure où la science historique vise à développer des
analyses déterminées, l'histoire devient du coup un maté c) Origine et légitimité de l'opposition
riau de considération historique. Le Dasein historique est entre factualité et validité
dégradé en un ensemble factuel qui sert de matériau pour
des tâches déterminées. La tâche en question consiste à déga D 'où vient l'opposition entre factualité et validité, et de quel
ger: sur la base du matériau concret du D asein spirituel, une iroit cette opposition ? De quel droit est-ell e érigée en diffé
vanété de formes considérées comme des formes du sens. rence fondamentale pour toute considération de l'étan t ?
Cette approche morphologique a son pendant exact dans Je Dans la science elle-m ême, Husse rl établi t une différence
domaine de la nature organisée. Dans le domaine de la n t re la science comme unité de validité objective et la science
nature organisée on peut également mettre en évidence des omme formation cultur elle factue lle. Toute science se diffé
aspects morphologiques. Cette considération historique se re ncie de cette façon. Puisque la scienc e histor
ique n'a affaire
propose d'établir une morphologie ou une typologie des évé qu'au x faits, elle étudie les faits uniqu ement dans le�r fact�a
nements historiques. L'événement historique lui-même devient J i l . . En se fonda nt sur l'étud e de l'histo ire de la phdos oph1e ,
du même coup d'autant moins important en tant que maté , ur l'étud e du factue l,
il est donc impos sible d'étab lir ce
riau. Ce qui arrive à chaque fois de manière unique n'est que q u ' e st la science en tant qu'un ité de validit é object ive. Ce
le matériau exemplifiant le type. Cette configuration de l'idée n' t donc pas seulem ent l'histo ire, mais
aussi la scienc e his
1 de considération historique fait que le Dasein historique est t rique que cette différe nce condu it à mettr e à l'écart comme
entièrement dégradé. L'histoire n'est prise en vue qu'à titre n n signifiante. . . ,
,I L point vérita bleme nt en questi on est celm de
d'objet de la science historique. Toute voie conduisant à la diffe-
1 l'historique comme tel est barrée. Le souci d'une connais r nce entre factuel et valide : 1 ° d'où vient
cette différence ?
inée, peut-o n
1
sance connue a exclu le Dasein humain comme tel de toute i elle vient d'une base concr ète déterm
possibilité d'encontre. L'histoire est dégradée à un niveau 1' t n I r e à toute formation spirituelle quelle qu'elle soit ?
d i ffé r enc e vient du comportement
encore inférieur comme réserve de matériaux et collection et t théori que et du
d'exemples pour cogitations philosophiques. La tendance à jug ment. On y oppose le sens valide et la factualité du com
saisir le Dasein humain tourne court. p rt ment j ud ica t i f t te di fférence est élevée à l'absol u. C'est
L'omission, le souci de ce qui est omis, se manifeste dere i t s n t i r d a n t o u t ce q� 'el le com � orte
l ' u n r h e rche ffect1v e et ngou
i ·j q u I' mi s i o n s fa
chef dans le fait que, loin d'en rester là, on soumet l ' h ist o i re ù run l . n s I
u n 1 lat n i ·m
d isp ns
; la r 's ouss p a r fa i l m e n t
ainsi dégradée dans cet te dégrad a t i o n à l a q uest ion d · a v o i r r us 'l on · 1 p p l i
que l l e e s t J ' i mport a n c d ! ' h i t i r pou r l ' id d ' u n · p h i l - 1 l IlJ I .
1 L <l>mv6µ.svov chez A ristote et la phénomé
nologie selon Husserl L a phénoménologie d'aujourd'hui 113
[�5] Cette différence n'a pas été introduite par Husserl, dans l'horizon de la validité. On soutient que l'historicisme
m�Is elle court à t�avers toute l'histoire de la philosophie*. dit que les vérités ne valent pas en elles-mêmes mais ne sont
D1lthey est le premier à avoir pénétré concrètement dans sa tenues pour valides que par des êtres humains déterminés
spécificité l'évolution de l'histoire de l'esprit qui commence
a � xvme siècle finissant et que l'on caractérise comme un
pour un temps déterminé. On ne cherche pas du tout à savoir
s'il n'y a pas, dans l'historicisme, une possibilité que la vérité
developpem,ent , de !a conscience historique. II n'est cepen soit déterminée autrement. La thèse de l'historicisme est
dant pas alle �res 101? dans cette direction parce qu'il n'avait envisagée par avance dans le sens choisi par la critique qui
pas la formation methodologique requise pour ce faireh et oppose frontalement validité absolue et tenir-pour-valide
p�rce que la possibilité même de traiter le problème de l' is factuel. La ré-flection se manifeste en outre dans le fait que
t01�e de f�çon complètement indépendante de la science his l'idée de validité est identifiée d'emblée à l'idée de vérité, ce
tonque lm est demeurée cachée**. qui revient à dire qu'il n'y a pas de science si l'idée de vali
La distincti?n du valide et du factuel est purement et sim dité n'est pas assurée de manière absolue. Il se pourrait pour
plement repnse, telle �uelle, sans le moindre changement, tant que l'idée de validité absolue soit absurde et que malgré
sous. l.a forme ou elle regne dans la philosophie platonisante
tradit1onnelle . La cr! tique de l'historicisme montre que ce
cela, ou plutôt à cause de cela, la science soit possible. Toute
l'argumentation husserlienne consiste à opposer l'un à
dont le soucI_ se preoccupe - la validité absolue au sens l'autre, de façon purement formelle, sens valide <idéal> et
d'épanouissement de l'idée d'humanité - conduit à mettre sens temporel réel. Aucune autre possibilité ne se fait jour
�ors circuit le Dasein de l'être humain et tout véritable ques dans le cadre de cette alternative. Le souci, en raison de sa
tionnement à son sujet. mé-prise, reste enfermé dans ce dont il se préoccupe. La cri
tique est donc complètement privée de liberté.
d ) Le reproche de scepticisme et ce qu'il manifeste� La détresse du souci proprement dite devient palpable
le souci d'une connaissance connue comme angoiss dans cette argumentation. La démonstration progresse d'une
devant le Dasein manière parfaitement étrange. La réfutation fondamentale
est accompagnée d'une remarque annexe censée porter le
Le coup décisif porté par la critique contre l'historicisme «
coup décisif ( dans ce cas, toutes les propositions que
est l'argument du scepticisme : pensé de manière consé « j'énonce maintenant deviennent non vraies1 » ) . Le souci
quente », tout historicisme conduit au scepticisme1 . Nous d'une connaissance connue accomplit alors en ce point précis
a �lons d'abord examine: cette critique de trois points de vue : un pas très étonnant : il invoque cela même qu'il omet. Dans
1 comment se manifeste le souci d'une connaissance la démonstration, on montre à celui que l'on veut réfuter ce
com �ue ? 2° comment se présente la détresse spécifique de ce que serait le Dasein s'il n'y avait pas de validité absolue. En
soucI ? 3° comment l'omission se manifeste-t-elle en lui ? lorgnant vers le Dasein, on suscite en lui de l'angoisse. Dans
Le souci d'une connaissance connue se manifeste en ceci son extrême détresse, le souci invoque le Dasein comme un
qu � la ré-flection qui le caractérise (la ré-flection implique Dasein possiblement inassuré, et [97 ) l'invoque pour ne sur
tou.1ours un aveuglement relatif) s'y fait valoir dans la tout pas le prendre en considération. À l'endroit où la cri
manière dont la thèse de l'historicisme [96] est interprétée t iq ue porte Je coup décisif de l' argumentatio ad hominem,
l i s soucie expressément de ce qu'elle omet sans cesse, et
* Cf., Annexe, comp léme nt 10 p. 323. 1 r vendique pour oi ; e n exhibant un Dasein susceptible de
* * Cf:• a
à ce sujet ,
Annexe, comp léme nt 1 1 , p. 323 sq.
'
(trad .
·
• ce suiet
fr., op.
,
t h é o r i q u j u s q u 'a u x
dégr,adation élevé à l'absol u dans l'ordre u n r volL f condc on t r la d- m i sion d la pl11losoph1e,
m i- h m i n . a d i L i n L ion n t r 1
·
ris u n · 1 rop i l io n . p-
« Idees » de Pla t o n ) . La val iclit caract r ua i s i l r si , n fa i tc
),
l i ·iiH n , ·t I ' 1 hso l u t ism 1 l n v�i l ' u r r ' P( s s u r u n bas 1 1 1 -
urd'hui 1 17
La phénoménologie d'aujo
1 1 6 <Dmv6µi;vov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl
§ 1 5. Détermination plu
claircie, et doit par conséquent être récusée dans son ensemble. s précise et plus tranchée
La différence entre être idéal et être réel non seulement n'est connaissance co nn ue
du souci d'une
pas légitimée, mais n'est issue, y compris dans le champ qui lui
est le plus propre, à savoir le champ théorique, que d'une s relatives
.
1 nous avo ns de'velop pé toutes ces considération
�� ::s: ��
sphè re singulièrement limitée. Le fil directeur décisif, les . 1 a critique '
. o décisif sur leq ue l rep ose
concepts d'être et d'être-vrai, ne sont pas fondés comme le la que stl � n sol permettant de trancher concrè
"e t pour s
:
r
req uiert une science qui vise la possibilité d'une légitimation d'être de la
�:
.
i ·m en t cette �ues
ultime. On voit se manifester là une omission fondamentale tion .. q l est le caractère
recherche
c mp thématique de la
[·on.science posee comme
fJhénomenologique ?· Co
de la critique ainsi que de la recherche positive. l ob ten u ? Nous
Il y a quelque chose de beaucoup plus important que cette . , · mment ce ch. amp e st-i
décou vri r en lui , et
omission, à laque lle il est somme toute possible de remédier, a I l ns no us ren
dre pre, sent ce souci pour
· · · , d'être là l'être qu e po de ce ssè
c'est la manière dont l'argumentation contre le scepticisme 1 partir de ses po ss1b i1 i tes '
il nt il se pré occ up e.
: �: �: :��� ;:�
finit par sombrer dans l'indigence. L'argumentation doit se
, onse définitive à cette question,
;:r
résoudre à procéder ad hominem. La possibilité de s'en-tenir A t d'a pp ort er un e rep
tr
te de déterminer de :nanièr
fermement à ce qu'on appelle l'historicisme est développée e plus p é s t
1 'im r
· h •e le souci d'une
. . connaissance connu
jusqu'à ses dernières conséquences et est conduite de façon inter-
;stw. ns . 1 o Comment le souci
, . nséquent trois a� tres qu
�?
que s'ouvre cette perspective sur un Dasein ayant un caractère
�
le souci
occup · 20 Qu 'est-ce que
déterminé. La conséquence nécessaire de l'historicisme est pr te- t-il ce dont il se pre
t), dont �� a. adm s écé
r
· demment
qu'il n'y a peut-être plus alors de principe de contradiction, d bjectivité (Sachlichkei
1 e souci.
e a p erc ée de la
- que toutes les propositions que nous énonçons à présent l \J. il con stit uai t Je
moment. caractenstique
. herche phénoméno 1 og�qu
sont fausses. L'argumentation s'en tient à cette perspective e ?. 30 En quel sens
;
tifique ?
un ouci de ri ue ur scien
d'un Dasein inassuré, en supposant bien évidemment que ceux nractérisé de la sor�: est-il
auxquels l'argument s'adresse reculeront devant elle. , questions sont lle es entre
� e l e s . La ré onse à la premi
ère
L'argument contre le scepticisme présuppose de plus q ue tre s.
pr pare la réponse aux au
l 'homme tient, en un sens décisif, à sauver la vérité. C'est là
nce jus ti�iée
un simple présupposé concernant le Dasein de l'être humain,
\ IOl ] a) Le souci d'u ne connaissa
ment contraignant
lequel n'a pas été envisagé jusque-là. Il y a dans cette argu et de ce qu i est universelle
mentation d'une part cette idée préconçue déterminée à pro par son évidence
pos de l'être humain et ensuite [100] la conviction que la
connaissa.nce
e sou ci d 'un e con naissance connue vise un e
vérité consiste dans la validité. En tant que validité de la pro .
position, la vérité se donne dans sa validité ou non-validité . nce définitivement val ide susceptible
ttst ifiée, un e connaissa posi-
spécifiques dans l'espace public. Cet aspect éminemment . er en t a n t que t e lle avec l'ensemble des pro
1 on t1tu ' l a b ase
l 'ioi1 . t d un it é pro po siti
on nel les assurées par ell e, .
·
econdaire <de la vérité> est lui aussi impropre à servir de fil
sciences. Le souci d'un
. e connais san ce
v rita bl de tou tes Les
·
directeur. D ans l 'argument décisif contre le scepticisme, on
. . t 1us. tifi , �ar
. . ee
. t I · sou ci d'u ne
voit donc q ue le souci d'une connaissance connue se prend à con nai ssance qu i s0t
pnse
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e t t con nai ssance est com
I
n propre piège, q u 'il se mé-prend - trouvant refuge, à
I l -m m .
nna issa n s · i.· e n.Ll·1· · e . Le
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1 ' .i n s t a n t d cisif, auprès de cela même qu'il fui t . ·iqu sou ci · .
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'hui 1 17
La phénoménologie d'aujourd
1 1 6 <Dmv6w:vov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl
§ 1 5. De'termination plus
claircie, et doit par conséquent être récusée dans son ensemble. précise et plus tranchée
La différence entre être idéal et être réel non seulement n'est con nu e
pas légitimée, mais n'est issue, y compris dans le champ qui lui du souci d'u ne connaissance
est le plus propre, à savoir le champ théorique, que d'une sidérations re�a�ives
sphère singulièrement limitée. Le fil directeur décisif, les Si nou s avons développé toutes cesleqcon
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sont fausses. L'argumentation s'en tient à cette perspective ·echerche phénomenolog1que sou3°ci de rigueur c1e ·
d'un Dasein inassuré, en supposant bien évidemment que ceux l ara cté risé de la sor
te est -il un � ntlf1q��re.
réponse a la premie
auxquels l'argument s'adresse reculeront devant elle. es questions sont liée s entre elles. La
L'argument contre le scepticisme présuppose de plus que prépare la réponse aux autres.
l'homme tient, en un sens décisif, à sauver la vérité. C'est là
ti�iée
l LOl ] a) Le souci d'u ne connaissance justra
un simple présupposé concernant le Dasein de l'être humain,
ignant
lequel n'a pas été envisagé jusque-là. Il y a dans cette argu et de ce qu i est universellement con
mentation d'une part cette idée préconçue déterminée à pro par son évidence
pos de l'être humain et ensuite [100) la conviction que la
naissance
vérité consiste dans la validité. En tant que validité de la pro . e sou ci d'une con nai ssa nce connue vise un� con .
position, la vérité se donne dans sa validité ou non-validité .1us�-t.1..fiee, u ne connaissance définitivement val ide susceptibl�
spécifiques dans l'espace public. Cet aspect éminemment " , ,
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secondaire <de la vérité> est lui aussi impropre à servir de fil
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v rita bl de tou tes Les scie
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voit donc que le souci d'une connaissance connue se prend à t .l e sou c i d'u ne con
naissance qui. s01t 1ustif1ee �ar
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118 <l>mv6µevov chez A ristote
et la phénoménologie sel
on Husserl
La phénoménologie d'aujourd'hui 1 19
et en même temps ultim
e, et la scientificité est
déterminée comme ce qu elle-même choses mêmes » possède certes, y compris sous ce �te forme,
i « contraint tous les êtr
nables ». Scientificité veut es raison une certaine originarité par rapport aux constructions de la
dire « être universelleme
gna�t pour tout être intellige nt contrai
nt » ; le souci de scientificité philosophie d'aujourd'hui. Mais au sens le p �us p�opre d �
souci de qui est universell est le _ que cet appel procede d �Il SO�CI
cette philosophie, il est clau
ement contraignant par son
L'élé��nt �aractéris tique � évidence. qui n'est pas à la mesure des choses. Cet appel n e� t �1en
_ de ans cette auto-explicitatio .
ce qu Il s ag it connaitre dans ce tte co n est que d autre qu'une invitation à aller se perdre, de faç�n dec1s1ve,
d'emblée secondaire. Le nnaissance est
souci vise primordi aleme dans le souci de ce qui est universellement contraignant, a, s �
re�, d'une m nièr énér nt à procu représenter uniquement les choses prédessinées d�ns ce souci'.
� �! ale, un mode de connaissan
sou, susceptzble d �tre ab ce, quel qu 'il
solume�t contraignant. Ce de sorte que cet appel « droit aux choses memes » , qm
av ec un e conception de la va de pa ir
la science envisagée conc nemble aller entièrement de soi, laisse complètement hors de
com me unité d'une p roblé rètement son champ une possibilité beaucoup plus fo�da"1:entale, celle
matique et d'une méthode
de donner à L'étant une liberté telle que ce s01t umque_ment ce
a �n vue un ques tionne"1 . Le souci
:ent assuré déterminé. La
meme en tant que quest ques tion qui le rend digne d'être interrogé qui décide de ce q�1 est pr�_
ion, ce qui détermine au
�ompte l a question, la ten bout du _ . d 1t
tion s va!1_ �es a ens d'ap
dance à y répondre pa r de inordialement objet de la philosophie. Une telle dec1s1on �
s proposi _ ,
_ �� odictiques, voilà ce qui décid tre libérée en elle-même, car il se pourrait qu une co�nais
tout mte ret pns a la chose interro e, avant sance de ce genre n'ait rien à voir avec le c?ncept de science
cause, � 'acq �ert proprement gée. L'in terrogé , la chos e en "mprunté aux mathématiques, il se pourrait que cette c�pa
i té à décider en donnant libre cours aux cho�es acc�mphsse
la configurat1�n et la clari son être propremen t dit
que par
fica tion correcte de la que
t ut simplement le sens véritable de la connaissance .
me� me. La philosophie _
devient alors la science fo
stion elle
� uisq u �' s t nda mentale
� � . elle qui doit permettre de formu ler
t10� s defimtiv e"1:ent vala bles. La seule des p roposi c) Le souci de rigueur scientifique
tou1 ours de sav01r comme et unique question c'es t
nt peu t se déployer la scie comme forme dérivée de sérieux ;
ce qui contrain t univers n tificité de l'idée mathématique de rigueur érigée,
ellement. Dans ce souci
elles -i:uêmes ne font enco les choses de façon non critique, en norme absolue
ntre primordi alement q'u'à
pro�lem es, de complexes titre de
objectifs prédessinés par
mati ques déterminées. des pro blé Nous sommes maintenant armés p ?ur recher�her ce �ue
•ignifie pour la science elle-même, l'exigence de rigueur scien
tifiqu e. La rigueur est [103] ce dont un � ouci s� �réoccupe en
[102] b) « D roit aux choses mêm '
es » : _
le souci qui se porte sur mettant en œuvre une forme détermmee de seneu.x. Dans la
les choses
en les visant d 'avance mesure où ce qui décide primordialement, ce n'est p�s la cap�-
dans l 'optiqu e _ bien plut t
de ce qui est universellem ité des choses libérées à parler elles-mêmes, mais
ent contraignant �
la possible légitimation de ce qui présente u� caractere , cont ai
ilnant, l e sérieux se concentre sur l'élaborah�� de ce �ara�tere
Cela implique que la m �
axime « droit aux choses
d e contrainte. Le souci de rigueur est le seneux or�ente sur
ne peu t déjà plus avoir ici m êmes »
le se ns
[ 'aptitude à être fo ndé et sur une fondati?n de bon aloi.
_
ch os es lib rem en t à pa rti r de « se re ndre prés entes Jes
d'elles-mêmes av an t tou t
e s. r.ieux, d a n · Ja mesure où i l se fonde sur �e souci md1-
n � ment ? 'un ge re ?éter question . . .
miné » ; elle a bien p l u tôt
la1 sser l ,mterrog�e faire en le sen s de
qu ' , sl u n f r m e dérivée d e sér. ieux. Il ne possede pas cette
ett /Jr ob lé
_ ue préd co ntr e dans le cadre cl•
essinée bien déterm in ée. La
ma · i rn ' d ro i t
matLq
au :x �
' f' ., • • suj"t , /\1111e .e. ornril rncnL 1 2, p. 4.
120 <flmv6µevov chez Aristot
e et la phénoménologie selon
Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 121
originarité qui pourrait le con re à
tout au sens où c'e st d'abord dui risquer le tout pou r le dont il se préoccupe. Nous avons vu comment le souci se per
�e�u, pour déterminant. L'idée mathématique de
ce qui est con nu qui doi t êtr
e dait dans le champ thématique « conscience » dans la mesure
engee de façon non critique en norme absolu rigu eur est où l'instauration d'une contrainte ultime n'apparaît pas seule�
pas seulement ici, mais dans tou e, et à vrai dire ment comme une possibilité d'existence de la culture parmI
te l'hi
En érigeant ainsi au rang de norme cetsto ire de la science. d'autres mais où la science ultime de la conscience est déter
contingente de rigueur, on a donné nai
ssa
te
nce
idé e totalement minée c�mme l'iJyioµovtK6v du Dasein humain en général, de
plexe de questions, dont celle-ci : com à tou t un com sorte que ce qui se manifeste dans cette posi�ion fondamentale
rique peut-elle se hisser au niveau d'u me nt la scie nce histo ultime, c'est bien la perte spécifique du souci dans ce dont 1_ � se
La capac�té d'une sci nce à être rigour ne scie nce rig our
euse n'est pas quelque
eus e? préoccupe. Nous n'avons pas encore rép?ndu . à l� ques�1on
chose qm pourrait. lm� être con décisive qui est de savoir comment le so �c1 en vient a se preoc-
procéder de la science elle-mêmfér ·uper de ce dont il se préoccupe, à savoir la conscience.
é de l'extérieur · cela doit _
e en
de l'étant et être configuré à partir d'etan t que déc�uvrement .
s mmes donc face à une tâche nouvelle qm est de montrer que
Nous
pas une idée vide, ma is quelque chose lle. La rigueur n'est 'est bien ce souci d'une connaissance connue qui ouvre ce
en forme à partir de la science elle -mê de concret qui se met 'hamp thématique « conscience » .
La réponse apportée aux trois dernième *.
à . quel point le souci se prend consta res questions montre a) Circonspection et visée du souci
p1e, ge et se mé-prend en lui-même. C'emment à son propre
caractère de mé-prise que nous ent st à la lumière de ce Pour comprendre cette dernière légitimation, il es� besoin
caractérisation du souci que nou s avoendons maintenant la l'une brève préparation : nous allons nous re�d�e �resent un
me nt lorsque nous avons dit que chaquens donnée précédem moment du souci sur lequel nous n'avons pas ms1ste expresse,
quelq.ue chose, le retenait, l'interpré souci se saisissait de �n nt jusqu'à présent - et cela en nous appuyant un � qu� ment
d �nt Il se préoccupe et finalement setait, s'assujettissait à ce 'ur ce que nous avons déjà établi à propos du souci. �1 �ous
pn se est une mobilité de l'être-là du perdait en lui . La mé n us souvenons de l'omission présente en chaque souci, il e�t
Pa i l e de voir comment, dans cette guise spécifique du souci,
souci.
i t ce que nous appelons la circonspection du souci. Chaque
[104] § 1 6. Le sou ci d 'un e con
naissance con nu e , uci est en tant que tel vision . Ê tre vision [105] n'est pas une
ou vre le champ thématique
« conscience
l t rmination extrinsèque au souci, mais est donne, avec son
».
Retour sur la con crétion histor .
t r Une certaine visibilité fait partie de l'être au sens de
I,
iale du souci I ' t re au sein d'un monde. Cette visibilité est là en tant que telle
Jusq� 'à présent, n us avo au fond sim lans chaque guise de l'être humain (du Dasein), y �ompns_
le so�c1 d ,une connai�ssancenscon nue con
plement montré que d a n la guise fondamentale du Dasein, à savoir l s� uc1. Cet �e
�
se preoccupe en assurant une problé fig urait l'objet dont il '
.
visibi l i té n a rien à voir avec la connaissance theonque, mais
c?ncernant �et objet. Nous avons éga e et une méthode n t it ue un mode d'accomplissement de la constitution fonda
ma tiqu
1 d une connaissance connue reconduis lem ent vu que le souci nt ntale du Dasein qu'i l faut mettre en lumière comme un être
.cf ·ou vert (cf. la fin du cours, p . 307 et la deuxième partie,
1 fondamentales possibles au champ thé ait tou tes les questions
que le souci d'une connaissance connue ma tiq ue « con science » p. 1 ) e 1 h nom nes se situent à un niveau bea �coup p�us
.
s'assuj etti ssait à c� ri i n-a i r qu e q u i nous a été t ra ns m i s par cert� mes t � eo�
à ce sujet, A nnexe, com pl-m e n t 1 3, ri s. haqu sou i 1 os d une per p t i v d t er m ée qui lui m
p. 324 sq q .
* /
1
1
l <I>mv6µt:vov chez A ristote et la phénoménologie selon Husserl L a phénoménologie d'aujourd'hui 123
n 'est autre que la circonspection qui s'accomplit chaque fois, l savoir comment un souci déterminé, défini par l'en-v ue
_ _ qm_ n'est pas laissée au hasard mais est
circonspection d -quoi de son viser, c'est-à -dire par sa visée
explici�e, est en
conduite p�r ce que nous appellerons la visée du so�ci. Chaque _
apacité d'ouvrir quelque chose dont Il peut se preoc�uper,
pas que fart le souci_ est conduit par cette visée. d ne comm ent le souci de !'unive rsellem ent
contraignant
Il faut montrer comment le souci ainsi caractérisé ouvre nt vre et met en place en tant que tel un champ d'être. En effet,
par l a manière même dont il déploie et rend effective sa pers� 1 souci de !'unive rsellem ent contra ignant n'est pas du tout
_ q�elque chose de bien déterminé dont il a à se pré
pective, li à un champ d'être déterm iné. La questi on est ? o?c de
occuper ; il faut montrer comment le souci d'une connaissance comment la configuration du souci le condm t a v01r_
'1woir
'
connue ?uvre en fait, en s'accomplissant, le champ thématique bjet décisif de sa préoccupation dans un domaine d'être
« conscience ». Pour nous, le point décisif, c'est d'abord de 1 termin é vers lequel il se dirige lui-mê me. .
savoir comment le souci d'une connaissance connue obtient haque souci est, dans son être, un souci fac�if, �e qm _ veut
d'une façon générale, son champ thématique spécifique : Mire que la concrétion /active de l'être du souci fart partie de
ou encore dans quelle mesure le souci d'une connaissance ,,.. q u 'est le souci lui-mê me. La /activité fait part�e de ce
connue est p�opre à ouvrir et à maintenir le champ théma < i u st le souci lui-mê me. Cela signifi e
' que le souc1 est une
u i e du Dasein. Le Dasei
_
tique « conscience ». Pour le comprendre, il faut avoir pré n est en tant que tel factif. _
� 0 consid érant origin airem ent le souci
sent à l'esprit une spécificité fondamentale de tout souci à et son être, nous
savo�� que c'est un souci en capacité de voir qui, d'u� e s mmes reconduits à une factivité qui est là à chaque fois. Il
mamere ou d'une autre, prend en vue ce dont il se soucie. La "1t essent iel que l'éluci dation du souci ne le t ransform� pas
capacité de voir (ou la visibilité) du souci est un caractère _
n u n objet dont l'être serait indifférent. La gmse concrete de
donné avec le Dasein lui-même. Le Dasein, en tant qu' être au I ' ·tre du souci d'une conna issanc e connu
e, dans laquelle la
t nscience s'ouvr e comm e champ, nous
monde (être-à), est un être ouvrant. Ce qui s'exprime dans la est donnée au grand
tournure « au monde », ce n'est pas que deux objets seraient ur dans les recherches de Desca rtes. En ce point de nos
r�l.iés l'un à l'a�tre. e� quelque manière, mais que l'être spé n idérat ions, une remar que fonda menta le s'impose concer
ennent avec [: 07]
•
cifique de celm qm vit se fonde sur le fait d'avoir le monde n a n t le rapport que nos considération s entreti
sur le mode de la préoccupation. Nous appelons « visibilité » / historiai. Ce qui a été dit vous montr e que le retou� a la
la façon dont un étant s'oriente ainsi dès le moment où il vit · · n.crétude historiale du souci n'a rien de fortm _ t, mais est
c'est-à-dire e.st .au monde, un monde qui est le sien [106]'. r q u is par la signification du « philos?pher » lui-m_ê�rie ��
H ns où ce souci est explor é à chaqu e fois
Chaque souci vit dans une perspective dirigée sur ce dont il dans son ongmante
se préoccupe. Le souci voit l'horizon de la préoccupation à t da n s ce qu'il a d'histo riquem ent décisif .
Descartes et !fus
travers l �s .différentes possibilités de la vision particulière qui ,1 ri. ne sont pas ici des exemp les choisi s au hasard pou� i�l��-
le ca�actense, laquelle est à son tour conduite et dirigée par 1 r r c e que nous avons dit du souci, mais des possL,btlttes
la pnse en vue, la visée explicite de ce dont il se préoccupe . compr end ce _ t qu en ce
faisan
/ ' tr du souci lui-mê me. On
p i n t de nos consid ératio ns l'effort pour conqu érir
l'ê�re pro-
b) La recherche de Descartes comme concrétion r ment d i t de ce souci , et de ce qu'il ouvre, nous re1ette de
I ' n a l y e d u phéno mène d u souci en plein dans
historiale factive du souci dans son ouverture l'histo ire*.
du champ thématique « conscience »
La tâche qui nous incom be à p rés e n t est d 'obt e n i r I
l'entente de quelqu e chose de p l u s origi n a i re e ncore : i l s'a i l ·� ·r .. . . St1j 'i , / ll l l'XI', 'l llllpl Ill · n t 1 4, p. :i 6.
( 1 09] D E UXIÈM E PA R TIE
R E TOU R À D ES C A R T ES
E T À L 'O N TO LOG I E
S CO L ASTI QU E
QUI L E D É T E RM I N E
I
Premier Chapitre
§ 1 7. La situation herméneutique
des recherches accomplies jusqu 'à présent
et de celles qui vont suivre
3° par la manière dont cette anticipa tion d'un thème déter tnénologie ». Le second a cherché à caractériser ches ce qu'on
miné trouve sa motivation dans une situation détermin ée désigne aujourd'hui sous ce term e. Ces d � ux � e che � pos
cite, method1que
par la manière dont cela détermine l 'explication conceptuelle'. sèdent une unité thém atiqu e et une umvo
Il faut donc bien s'entendre ici sur 1 ° l'acquis préalable : ce déterminées. L'une et l'autre progressent en interprétant le
que l'on possède d'avance pour la recherche, ce sur quoi le donné préa lable dans la perspective du Dasein. perspectiv . e
regard se porte constamment ; 2° la guise dans laquelle ce wmv6µi>vov et Myoç, ont été inter prété s dans
la
que l'on tient dans l'acquis préalabl e est vu : la vision préa de l'être -là (Dasein) : « se-montrer » considéré comm�enune un
lable ; �0 la manière dont ce qui est vu selon une guise p ssibil ité déter miné e du mond e, laque l � e peut virer
det, �rmi:iée �st ex.plicité conceptu ellement à partir d'une se faire passer pour autre chose », ce qm a rend u possi ble le
J ploie ment ultér ieur du phén
motivat10n determmée : la saisie préalable. Ce sont là les « omèn e » en « simp le ap a
ale du Dasem :
�
?1oments de la situation herméneutique à la base de toute r nce ». Le Myoç, comme possi bilité fonda ment
i� terprétation. 'Epµ11vi:u: i::tv veut dire : interpréter au sens où · mme abord discu rsif et discu ssion du mond e qui fait
l'mterprétation se tient au-dessus d'elle-m ême en toute trans ·ncontre.
parenc� . Le� caractères de la situation herméneutique sont Le second moment de nos considérations se caractérisa it
tous dete�mmes , ? �r la catégorie du préalable. Le préa par le fait qu' il est question de l'être dès l'explicitationt h é m � - de la
«
sibilités permettant que le Dasein devienne lui-même thème 1111 difficulté particulière que l'on peut tout au plus met�re
d'une recherche qui soit déterminée par le Dasein lui-même. 1 1 1 jour et qu ' il est impossible de surmonter : t?ute tent �tlve
Cette recherche n'est rien d'autre qu'une possibilité du p1 J u r expérimenter plus originai�e?1e�t le Dasem pr� nd i�sue
Dasein comme tel. 1 li' la situation actuelle de l'exphcitatl on et de la determma-
La tâche qui vise à se libérer pour l' état de fait « Dasein » 1 iun conceptuelle du Dasein et de la vie. Or cette situation
implique de se libérer des possibilités traditionnelles et des •':-<I dominée par l'ontologie et la logique anc!e� nes, �ne o �to �
façons traditio nnelles de déterm iner cet être en le subordon 11 1 • i t une logique que tout le monde consi�ere �UJ?u,rd hm
nant aux problématiques générales de l a philosophie. Il faut , qn1me allant de soi, si bien que la tâche visant a hberer le
l •rts•in et à en obtenir des modalités d'explicatio n nouvell� s
bien voir que toutes les recherches qui ont été conduites
jusqu'à présent concernant en quelque manière le Dasein .1 11 cessairement de pair - dans la mesure où le Dasem
d uj our d'hui est ontologiquement obstrué - avec cette a �tre
(sous le titre de flux de vécus, raison, vi e , Je, personne, etc.) ,
attestent d'une omission fondamentale : l'étant dont elles . pl l nsiste à ébranler le Dasein act.uel d�ns ce qu il _a
i l'ql i t rué, à le déconstruire en recondmsa nt a. leur sens on
I' n n i r
traitent n'a pas été interrogé d'abord e t avant tout dans sa
Ies catégories fondamen tales « conscience » '. «, per-
constitution p ropre. Il apparaîtra que la philosophie tout
entière, du fait même de son origine , n ' a pas été jusqu'ici en 1 11\n », « sujet », ce qui signifie montrer, en cons1 � erant
l 'i l r in de ces catégories elles-même s, que celles-ci pro
mesure de déterminer plus précisément en tant que Dasein ' 1 u n nt d'un tout autre sol d'expérien ce de l'être, et que,
cet étant qu'elle prend dans l'acqui s pré alable. Ce qu'on a , 1 J1 1 1 p t t n u de leur orientation conceptuelle, elles ne son!
1 1. 1 ,
mis en circulation sous le titre de « ph i losophie de la vie » .ta me s ure de ce que nous voulons prendre en vue a
1 t
tend sans conteste vers le Dasein en sa vi vacité. Mais la phi
rc
losophie de la vie montre au bout d u compte combie n
Dasein .
'I ' u l re c h e rc h o n tologiq ue portant sur le Dasein est, en
1 1 1 1 1 J u L I l , destructive, elle est e n co nnexion intime. avec
l'entente qu'elle a d'elle-même, et de sa t â che fondam ental ,
est pauvre. La vie désigne une guise d 'êt re pou r laquell _ .
1 1 1' n appe l J . la c n ci ence h 1ston � ue. L.e Da.setn; le
l 'ontologie ne nous a légué j usqu 'à prése n t aucun ca t ori . 1 1.1 i n r 1 ui est aujourd 'hui le nôtr , n 'est n n q m o i t 1 � 0! � ' ce
Dil they, g u i est a l lé .le plus loin d a n s 1 p oss i bi l i t s d ' a p i r -
s / 1/1,i't ' n . , b n s l ';l ) n s i s t a n ' f n c.f a m n l ' l l d s s p r b r l r t és ,
h e n s i o n de la v ie , l ' a fa i l n t ra va i l h n t 1 ·H r a l io n , t s' ·si , 1 1 1 J ist in J U i l l ' u n Das in
1 32 Retour à Descartes
Pour s'entendre sur Le retour à Descartes 133
antérieur. Dans cette perspective absolument fondamen moyen d'une distinction empruntée à la logique tradition
tale, l'histoire n'est donc nullement une chose quelconque nelle : le genre et l'élément du genre. Compte tenu de ce
qui serait derrière nous et qui fournirait aux sciences de q ue nous avons dit jusqu'ici, on voit que [115) la relation
l'esprit matière à quelque affairement, mais l'histoire est véritable du Dasein à ses possibilités - et cette relation
quelque chose que [1 14) nous sommes nous-mêmes. Ce qui est historique - s'élargit, dans la position du champ théma
nous est au contraire présenté en fait de passé n'est pas du t ique « conscience », en une relation logico-formelle, l aquelle
tout le passé, mais un piètre présent ; il s'agit avant toutes ne concerne en rien l'être mais simplement une structure
choses d'ouvrir le passé lui-même. Notre conscience histo logico-formelle. Nous arracherons pour ainsi dire la réponse
rique (Spengler) est une conscience qui tout simplement >n interp rétant cette recherche du point de vue de son origine
asphyxie l'histoire1 • Il n'est plus du tout question de l'histoire ontologique. On verra que les déterminations de l'être de
ni de l'être historiai. Chaque orientation historique doit être cette conscience reconduisent à l'ontologie et à la logique
considérée non comme une chose contingente, mais comme antiques. Nous verrons que la nouveauté, qui est la marque
une tâche déterminée prédessinée à partir du Dasein lui cli.stinctive de Descartes, n'est une nouveauté que d'un point
de vue extérieur ; il n'y a pas en réalité de rupture chez Des
même.
cartes mais la saisie de cette possibilité prédessinée que nous
avons déjà examinée. Le souci d'une connaissance connue
§ 1 9. Retour sur l'être véritable du souci est une possibilité d'être qui détermine ontologiquement la
d'une connaissance connue envisagé philosophie grecque en un sens déterminé sous la forme de la
dans son passé originaire, primauté absolue accordée au 8i;ropdv sur toutes les possibi
autrement dit retour à Descartes lités d'être du Dasein.
Faire mémoire, c'est méditer sur la situation herméneu
Ces déterminations, qui ont été présentées jusque-là de t ique, sur la situation de l'explicitation elle-même. Le site de
manière très générale, doivent être maintenant appliquées au la considération peut être caractérisé dans son être selon
cas particulier qui nous occupe, celui de l'interprétation du cliverses perspectives. Les plus importantes sont : l'acquis
souci d'une connaissance connue. Nous demandons donc à préalable compris comme ce qui se tient d'avance sous le
présent : comment et de quelle manière l'interprétation du r"gard, ce en vue de quoi tout ce qui est envisagé est inter
souci d'une connaissance connue conduit-elle à Descartes ? prété. C'est le Dasein que nous avons caractérisé comme
Dans notre interprétation de Husserl, nous avons vu 11 quis préalable de l'interprétation. Quand on caractérise
que la position du champ thématique « conscience » faisait m me « acquis préalable » ce que l'interprétation tient dans
1 référence d'une manière déterminée au Dasein pris en un sa visée, cela signifie qu'une décision est intervenue - que le
sens concret, à savoir comme exemplification déterminée de l asein est le point de mire de la recherche. En examinant la
quelque chose de général. La conscience désigne la sphère de sit uation herméneutique proprement dite et le moment de
phénomènes qui sont étudiés du point de vue des structures 1 o quis préalable, nous verrons quels sont les motifs du
appartenant à toute conscience en tant que conscience . l osein Jui-même qui nous ont conduit à nous décider pour le
L'être humain n'est qu'un cas particulier de cette possibil ité i h me du « Dasein ». La reconduction de l'acquis préalable à
d'être générale « conscience ». Ce complexe est déterminé au ln pris préalabl ( Vomahme), laquelle appartient à une
1 st rat plus rad ica le, loit être remise à plus tard. Le Dasein a
r vision t · d a n la. p rspect ive d l'être, [ 1 1 6) le Dasein
manu crite.
/
1. Cette p h rase est ra t u rée clans l a copie aya n t fa i
t l'obj t
q u rn
· t s n · i ra l r d'êt r d'un mani re tel.le
l'un
,
134 Retour à Descartes
Pour s 'entendre sur le retour à Descartes 1 35
b�se de l'être spé �ifiqu e du Dasein. Nou s verro la originaire.Ce retour à l'être véritable du souci pour en déter
ns plus
sement que ce qm, dans nos considérations précédentes toui préc miner l'être-ouvrant est un retour à un complexe de recherches
chant le Dasein , a été présenté en fait de catég auquel est attaché le nom de « Descartes » .
plus du tout en ligne de compte à présent. Nouories s
n'entre
désig nons
comme exist _ entia
_ l le caractère d'êtr
e du Dasein pris en tant § 20. La destruction comme chemin
qu'être et cela à vrai dire parce que le Dase pris comme
possibilité d'êtr e déterminée, est ce que nous in,appe de l'interprétation du D asein. Trois tâches
tence ( Existenz) . Cette possibilité n'est pas toujourslons là
exis
c'est
à accomplir pour expliquer comment le souci
une possibilité qui mûrit dans la méditation philosophique d'une connaissance connue ouvre. La question
Ce n'est pas quelque chose qui peut être posé absolument . du sens de la vérité de la connaissance chez Descartes
comme unique possibilité d'être. Nou s voyons le Dase ni
quan t à ses caractères d'être. Ce que nous visons ce sont ces in
Ce retour semble marquer une inflexion dans nos considéra
d� termi� ations . d'être en tant qu'existentiaux. Ù n'y a pas tions qui ne se dirigent plus sur les choses elles-mêmes et
d analogie possible entre le complexe de ces carac prennent un tour historique. L'être du souci est un être histo
d.us comme exist�ntiau x et un quelconque systèmetères enten
de catégo rique, et il a beau être déraciné comme peut l'être aujourd'hui
le souci d'une connaissance connue, il n'en demeure pas moins
nes. Les ex1st_ e nhaux excluent
_ toute systématicité en quelque
sens que ce soit. Leur connexion est fond ée d'une tout autre historique. Pour une considération qui s'oriente véritablement
� ani�r�. Ce qui est aperçu de la sorte dans le Dase peut ·ur l'être, cela veut dire que l'histoire n'a pas disparu même si
�tre fixe concep tuellement dans un discernement interinpréta 1 souci est déraciné ; l'histoire est bien là, mais souterraine
tif. La connex10n structurelle de cette explication concep ment. Cela nous conduit déjà à voir précisément le Dasein
tu��e est caractérisée comme saisie préa lable . Il y a dans omme quelque chose qui est recouvert par sa propre histoire,
saisie tout le complexe de possibilités que four la
nit
i� terprétation. La saisie préalable n'est qu'un terme synth une telle par l'histoire de l'explicitation qu'il donne de lui-même. Le
tiqu� p�ur désigner la conceptualité qui se dépl é ·adre de la recherche catégoriale et de la logique prédessinée
oie dans
explication. Pour mettre en lumière le caractère fond ame ntal · cette par les Grecs gouverne jusqu'à ce jour la vision de ce qu'on
du souc i d'un e connaissance connue, c'est-à-dire son être ;:ippelle le Dasein. Pour réussir à voir le Dasein, il est néces
ouvrant, il nous faut faire retour à l'être vérit
"aire de le libérer en chaque cas des excroissances concep
able du souci. l uelles que le Dasein a lui-même configurées pour s'expliquer
L�s considérat!ons précédentes ont déjà montré que le lui-même, et où se manifeste aujourd'hui la tendance particu
souci d ,une connaissance connue exerçait aujou
rd'hu i une li re du Dasein à s'obstruer lui-même. Le Dasein s'est obstrué
natio n particulière et gouvernait la problématique de ladom i
,j losophie. Le souci d'un e conn aissa nce conn ue exer ce phi une
lui-même dans toute la sphère de son être. La libération du
asein qui s'accomplit sur le chemin de la déconstruction, de
ln destruction, reconduit les concepts à leur origine spécifique.
domination qui n'est plus contrôlable, une dom inati on cou
1 · 1 L ]. En même temps, ce chemin fait apparaître que les
pée d� ses racines et qui ne sait plus rien de
sa provenance .
epls ne sont pas à la mesure du Dasein lui-même, il montre
On vit en ayant tendance à ériger la conscienc e e n thèm e ·. m
fondamental. L'êtr e véritable du souc i de con
connue est perdu de vue [ 1 1 7]. II est impossi b l e d e voi
n a issan ce ·ornm nl le Dasein en vient à s'obstruer lui-même au cours de
vé ritab le du souc i en cons idéra n t sa form m oy 1 1 11 . rl il ' f�at r 1 hi l o i r . uand je désigne, pour faire court, cette méthode
faire ret o u r à 1 t t rl i u l i r d ' i n l q r t '1 t i n d u Dasein de éth ode destructive,
ce qu 'est v 'rifabl men t le sou
. ut m
/
·i dans son 1 ass'
p u l s' · n t n d r c i ' q u � t r p i n t d
.
'IH vu .
1 36
Retour à Descartes
Pour s'entendre sur le retour à Descartes 137
� ° Cette méthode de ruction
ton que univ. erselle , madest n 'est pas une méthode his ;_i.ujourd'hui le nôtre, quelque c� ose comme un respec� pour
is un che
qui .procède des nécessités du Dasmin concret bien déterminé /'histoire au sein de laquelle se 3oue notre propre destm. . L �
gon ale du Dasein ; elle se bor ein et de l'exp loration caté destruction, en tant que critique de !'aujourd'hui, est ams1
semble être une chose purementne à cela . La destruction une critique qui rend visible dans son originarité �ropre ce
cependant qu' elle ne se met pas ennégative. Il faut bien voir l J U'il y a de positif dans le passé. Ce faisant, le p�s�e, apparaitA
ce qu' elle soumet à destruction, ma quête des faiblesses dans pour la première fois comme ce que nous avons ete a propre
et de productif. . Elle prend en vue is de ce qu' il y a de positif ment parler et pouvons être de nouveau .
la recherche. Il s'agit de faire app les possibilités positives de 3° On voit que l a destruction est, au sens pr�pre d� t �rme,
elles trouvent leurs limites. Ce araître à leur contact là où ·onnaissance historique et qu'elle n'a nul besom de l ad3onc-
qu 'on appelle très générale
men t le travail théologique et phil
ch�mp ? e la destruction . Le trav osophique entre dans Je
t ion d'une problématique systématique. . . .
4° Il faut dire en outre que la destruction ne peut 1amais
theo�og1e chr�tien ne a constammen ail théologique, parce que la ·hercher à réfuter comme s'il s'agissait de protéger sa �ropre
forge ses outils scientifiques con t vécu d'expédients et a p sition par la réfutation. Pour cette raison, la d estructI �n ne
ch aque fois à la philosoph ie dan ceptue ls en se rattachant à ,
p ·ut pas être prise isolément à la façon d'une methode d ana
pr? blè � es touchant le Dasein s la mesure où certains des l se historique autonome ; elle n'a de sens que comme expl?
theolog1e. Quant à savoir si une sont également débattus en rn.tion qui ouvre ce qui est réellement en cause dans le Dasem
pro�re conceptual ité sans rien théologie qui créerait sa quant à ses caractères d'être.
p�ss1�le, ?n n'e n discutera pas dev oir à la philosophie est .. .
Accomplissons maintenant le pas déc1s1f et ap�hquons plu�
1 r ·cisément ce que nous venons d'é: a.blir en faisant �eto�r a
n � vecu J usqu 'ici que de la phil ici . En tout cas, la théo logie
nai :� de Luthe r a été elle aussi, oso phie . La position origi / scartes. Pour expliquer l'être ventable du souci d une
entieremen � recouverte par Mel anc dix ans apr ès son appari tion,
hth ·onnaissance connue, de son être-ouvrant, il nous faut n�us
que ce der�� er avait fini par repren on et par la tradition ,, ·quitter de ces trois tâches : 1° montrer que ce souci. est bien
vue l � positif ne signifie dre d'A rist ote. Prendre en � l'œuvre dans le travail de recherche de Descartes ; 2° mo�
ch e � a apporter des améliopas que la destruction devrait cher
i ,. r que c'est ce souci qui ouvre la conscience, et comment Il
En Jug ean t l'hi stoire du Darat I " fait · 3° montrer que des caractères d'être déterminés de ce
ions en séparant le vrai du faux.
sein à l'au ne de la vérité et de la
fausse �é on se mép d sur le q 1 1 ' c; souci peut ouvrir et ouvre sont déjà prédessinés par
caracten�se le sens phiren type de connaissance
losophique et théologique de la vérqui 1 t re déterminé de ce souci.
( 1 20] La première preuve est purement extrinsèqu� : Il e �t
01 � ité . .
I l ! i J d'établir, en s'appuyant sur le Dtscours de la methode ,
2° La destr �tion est en réal .
�
sou!"11e t a, la �ntiq ité critique. Mai ce qu'e lle
ue, ce n'es t pas le passé auquels elle l j i l J travail de Descartes est régi par le critè e f? ndam ntal
acce� ; ce q 1 tom be s le cou ouvre � �
, 1 la clara et distincta perceptio. Pour mener a bien la tache
plut ot le pres� ent, notresou p de la critique, c'est bien
q u i st proprement la nôtre, il faut m�ntrer que c'�st �ien ce
recou:er� par un passé Das ., > l i i qui ouvre la conscience, et voir comment Il 1 ouvre
ein d 'aujourd'hui en tant qu'i l est
tote m sam t Augustin qui sont sou
dev enu imp rop re. Ce n'est pas Aris
1 J i m ce co n t e x te nous aurons à nous rendre présent le souci
:
A
,
r, I ' 1 9.
·
I r, d a n s 1 L 1 n" 3° é d . , trad. et notes de
'l , Bu h n . 11 , L i pzi >, M e i n
Pour s 'entendre sur le retour à Descartes 139
1 38 Retour à Descartes
la vérité. Cette orientation sur la vérité de la connaissance l'être en souci et y apprenons comm ent le chemi n s'y trouve
témoigne déjà d'une idée déterminée de vérité. Nous parvien préde ssiné de telle maniè re que le souci d'une connaissance
drons au plus près de ce que signifie cette idée de la vérité si èonnue s'accomplisse sur le chemin du doute. 2° Le doute est
nous orientons la « vérité » sur le Dasein lui-même et si nous une forme explicite du souci de connaître au sens où l'on s'y
demandons en quel sens la vérité appartient au premier chef montr e préoccupé d'une idée bien déterminée de la vérité.
au Dasein. C'est la question augustienne du rapport entre La doctrine de l'être et de l'être-vrai, telle qu'ell e a prévalu
veritas et vita. L'orientation du concept de vérité sur un souci au Moye n  ge sous sa forme aristo télicie
nne, est passée
de connaître déterminé - orientation qui s'est développée hez Desca rtes, ce qui nous renvo ie du même coup au point
1 dépar t de nos consid ératio ns. Avec ces analys es, nous
historiquement à partir des Grecs - a enfermé la philoso
0 mmes suffisa mmen t prépa
rés pour explic iter le Dasein lui
phie dans une problématique inextricable. L'idée de vérité
même dans la persp ective indiqu ée et pour voir jusqu 'à quel
que nous rencontrons dans le cadre du souci de connaître
apparaîtra dans sa signification véritable - non pas comme point les reche rches les plus avanc ées de la philos ophie de
ia vie d'aujourd'hu i (Dilth ey) tende nt à placer
un caractère du connaître, mais comme une constitution fon la vie sous
damentale de la vie elle-même, une constitution qu'un mode l'empr ise de la conna issanc e philos ophiq ue et de sa concep
d'être du souci a entraîné hors de ses possibilités. Des indices t ualité.
témoignant de l'ancrage de la vérité dans le Dasein apparais La destruction, qui possè de un caractère négat if dans la
sent déjà dans la philosophie grecque à travers le terme à.1-.i] 9Eta. m sure où la négat ion, correc temen t enten
due, constitue
Nous expliciterons d'abord le phénomène de la vérité en nous h i · n en effet le propr e du Dasein lui-mê me,
ne doit pourtant
conforman � à la manière traditionnelle d'envisager le concept pa être caract érisée comm e négati ve au sens
de la négation
de vérité. A première vue, le Dasein comme tel n'apparaît l ique. La destruction prend elle-même d'emblée pour thème,
pas du tout dans le contexte du phénomène de la vérité. La clans ce qu'ell e soume t à élabo ration , non pas les points
vérité est perçue comme un caractère du jugement, de la fa i b les, mais l'élém ent propr ement positi f
et appré hendé
connaissance théorique, la vérité signifiant la même chose p sitivem ent par la problé matiqu e qui donne son impuls ion à
que validité. Dans la mesure où [121] connaître c'est expri l'interprétation elle-m ême. Ce n'est pas un hasard si ce posi
t i f [ 1 22], qui n'est pas à mettre au compt e d'un point de vue
mer le connu, recueillir le connu dans la proposition, dans la
trange r, est aussi ce sur quoi on insiste , en tant qu'il est lui
mesure où cette proposition est communicable et où, pour être
m �me positif, dans ce qui nous apparaît, dans la mesur
e où en
communiquée, elle a besoin d'une compréhensivité (Ein
sichtigkeit), des phénomènes déterminés viennent se stratifier t u te philosophie il y va, expres sémen t ou non,
du Dasein lui
m �me. L'obje t de la recherche est abordé théma tiquem
ent
autour de la « vérité » . C'est tout ce complexe qui forme la
par son côté positif . La destru ction est condu ite par un autre
problématique de la théorie de la connaissance au sens le
plus large du terme. •oncept de vérité que celui ordinairement en usage en
tJ ·i ·n e. La destru ction est critiqu e ; la critiqu
L'interprétation précise du souci d'une connaissance connue e a ceci de posi
qui prend appui sur la considération cartésienne doit s'orien L i f q u'elle s'orien te sur le présent consid éré comm e ce en quoi
I : \ cl t ruct ion qui s'acco mplit a son Dasein , elle s'orien te sur
ter d'emblée sur cette question : quel est le concept de vérité
pr nt dan la mesur e où celui-ci vit dans la recher che
et d 'être-vrai qui est central chez Descartes ? Cel a nous per
q 1 1 a mp l i t l a destruction ; c'est pourquoi la critiqu e de ce
mettra de comprendre quel est précisément .le mode d 'être
q11i a p p a rt i e n t à l'h istoire n 'est rien d'autr e que la critique du
n d u i t d façon à r ndr pa r là même la situati
lui-même de ce qui est appréhendé comme vrai. Notre consi
i ) 1· s n i
on /
dération se concentre s u r l e phénomène de la vérit • s u i va n t
' l ' i n t r p r t a l ion l i rn pi d l ri t i 1 u 111 n t a m e u b l i e .
deux perspect ives. 1 ° Pa r 1 fa i t q u n u y J i o n s l a u i .. e d
1 40 Retour à Descartes
qui est mis proprement à découvert, en termes scolastiques : recouvert et faire défaut, mais même dans ce cas la proposi
verum id, quod enuntiando ostenditur. Dans 1'enuntiando se t ion peut prétendre être contraignante au titre de quelque
trouve déjà contenue une autre possib ilité de déterm ination chose qui, du fait de son origine, exige en soi-même d'être
du sens de la vérité. [ 1 24] affirmé. [125)
2° Expér imente r et avoir là origin airem ent un étant connu 5° Dans la mesure où l'on considère que le caractère
a lieu en unité avec le fait d'ab order discur siveme nt cet étant contraignant d'une proposition est quelque chose qui doit
et d'en discute r en l'expér ime ntant. L'étan t découv ert qui est •tre reconnu, une proposition, dès lors qu'elle est là comme
connu est ce dont on parle. L' étant en tant que connu est là une proposition valide, est objet d'un devoir. Si l'on prend la
et peut être là expres sémen t en tant que ce dont on discute. proposition comme objet d'un devoir et si l'on définit l'objet
Ce dont on discute , c'est ce qui est dit - et qui est dit ·
l'un devoir comme une valeur, on caractérise alors la vérité
expres sémen t. L'étan t décou ve rt qui est dit, c'est ce que nous mme une valeur.
ap �elons une p roposition. La propo sition est quelqu e chose La mise au jour des différentes possibilités d'être-là de ce
qui garde en elle l'étant en tant que découvert dans la
1 nous avons déterminé en commençant comme étant le
ue
mesur e où il est dit. C'est dans cet être-d it de l'étant en tant vrai a dû faire apparaître en toute lisibilité que le vrai pos
que vrai que la propo sition est elle-m ême comm unicab le. En sede, dans la vie, des possibilités déterminées d'être là. Ces
t a 1� t qu e dite, e �le est déjà là d ans l'être-
_ là. Une proposition di fférentes possibilités témoignent d'un éloignemen t crois-
qui retient un etant expres sérnent découvert est une vérité 1'ant à l'égard de ce qui constitue le vrai proprement dit :
comm un icable, laquel le peut ê t re acceptée ou bien, si elle est 1 t ant lui-même dans sa manière d'être à découvert.
réfutée, rejetée . En commençant par la possibilité mentionnée en dernier
3° La guise suivan t laque lle une vérité de ce genre est là en lieu, la vérité comme valeur, il est clair qu'il n'y a là plus rien
eJle-m êm e, c'est-à -dire en étant pour ainsi dire suspen due du sens originaire de la vérité. La philosophie des valeurs est
_
dans le vide, et sans qu'on y t i e nne compt e du fait qu'il y est l"l lement éloignée du sens et de l'être-vrai que le chemin sur
parlé d'un étant déterm iné. La proposition peut être là sur Je 1 quel s'effectue la mise en lumière du sens propre de la
mode de la redite tout en prét endan t avoir part à la vérité v--:rité lui est définitiveme nt barré. Ce chemin que nous avons
exprim ée clans la proposition . En ce sens, la vérité possède d crit n 'est pas un chemin quelconque et nous ne le mettons
d a n s la public ité le mode d'être d'une
validité dont la forme pas non plus en évidence à des fins de destruction. Ce che-
de .légi timati on est variab le et p
eut même manq uer. 111in d'éloignemen t est le chemin que l'histoire a elle-même
4° Cette validité elle-même , qui est propa gée en étant 11uivi, c'est le chemin où se meut l'interprétatio n de l'étant
· mme vrai. Cela veut dire que la tendance à interpréter la
expri mée de différe ntes maniè re s et qui est là en étant pro
pagée de cette façon, est susceptible en soi, en vertu de son v ·ri té dans la variété des acceptions qu'on a dite s'annonce
origin e, d 'une possib ilité de lég itimat ion spécifique. Dans la jà dans la philosophie grecque. Outre le fait que les Grecs
mesure où une validit é est acce p tée si la possib ilité de la légi n t pas véritablement pris en charge le sens originaire de
t i m e r est elle-m ême valide , la pr oposit
tr -vra i, le vrai a d'emblée été appréhendé comme une
orrect e, il y a là rectitude. D ans la mesur e où lorsqu 'on
ion est une proposition
t l1.-r nninat ion de la proposition. Cette orientation s'est trou
cl n n e son assentiment à une va lidité, ce
à quoi l'on clonn v r n fo rcé par le fait que la connaissance théorique a pris
g la n t s u r son o rig i n e la t o u t ci s u i te u n e importance particulière dans le développe-
:;on ass n t nnent se mon tre en se ré
,
btlit�s de co nn � 1tre t? u.1�ours nouvelle s . Le souc i de con 1 o s i 1 m thod » n son sens propre ne peut signifier que ceci : le
m ��1feste ams . 1 � réc 1 sém e n t ce naît re · li m in qui mène droit aux choses mêmes est ouvert et
q u i l se p re n d so 1 -m � m à o n prop r ·pi 11,'S l l r .
ca ract è re spé i fi q u q u i l'a i l.
. , s m -p r n f , . " L ' sou i d u ·ontraignant va d pa i r l a plu part du temps
144 Retour à Descartes
Descartes. Comment le souci d'une connaissance. . . 145
un nouveau sens à l'idée de vérité : dans le Nouveau Testa que nous déterminons en disant qu'il ne se soucie que de lui-
ment et en liaison avec lui chez saint Augustin. Ce nouveau 1�iême et cela en un double sens . a) Le souci de connaître en
sens ne fait naturel!ement pas l'objet d'une explicitation tant �ue curiosité ne se soucie que de lui-même veut dire : il
expresse dans les Evangiles ; la théologie aurait dû en s absorbe entièrement en lui-même de sorte que la seule
revanche se charger d'expliciter [1 26], dans le cadre de son chose qui compte, c'est d'être en cap�ci�é de ;�ir. Il devi�� t de
explication de la foi, ce sens originaire de la vérité. Elle a rnoins en moins sensible à l'appropnatlon ventable de 1 etant
omis de le faire. Le « paradoxe » chez Kierkegaard n'est lui [ 1 27). S'intéresser à tout et n'import� quo.i, y co�pris � l �
aussi rien d'autre que le fruit de cette omission fondamentale religion et à la religiosité - u� trait qm est au1ourd hm
de l'interprétation de l'idée de vérité. clominant - , est un rejeton maladif de ce � ouc1. d ,un n.ou�eau
renre. b) Le souci de connaître ne se soucie que de lm-meme
au sens où il n'a besoin d'aucune autre chose. Il pourvo�. t
§ 22. Trois possibilités du souci ·ntièrement à lui-même, il est sans besoin. En tant que tel, il
d'une connaissance connue : se dérobe dès qu'on fait mine de prendre au sérieux ce qu'il
curiosité, sûreté, être contraignant n nnaît.
2° Le souci de connaître est un souci de sûreté. Dans cette
Nous avons considéré le connaître ·orte de souci, l'important est que le connaît�e s'accom�lisse
déterminée, celle du souci d'un e condan nais
s une perspective
sance connue. II de telle façon que le connaître et le connu s01ent eux-memes
convient mai nten ant de prendre une vue p lus onnus dans cet être-connu. Le connaître lui-même accède
tranchée sur le
souci de connaître. Cel a signifie que 1 un être-connu déterminé. Le souci d'une connaissance
le sou
sance connue ne con stitu e qu'une pos sibi lité ci d'une con nais
connue : le caractère spécifique de ce souci - dans la
qu'il nou s faut maintenant envisager celui-ci déterminée et mesure où il lui importe de posséder le connaître lui-même
possibilités. selon d'autres
- est de donner le connaître en toute intelligibilité ; dans la
Le souci de connaître peut être cara isé selo mesure où l'intelligibilité est ce qui importe d'abord et ava� t
sibilités : 1 ° le souci de curiosité ; 2° lectér
sou ci de
n trois pos 1 ut à ce souci, il en vient à manifester un intérêt tout partl-
souci du contraignant. sûre té ; 3° le .
ti lier pour les considérations de méthode. La singulière pri-
1 ° Le sou ci de con nais san ce peu t ,.
1nauté des considérations de méthode caractense la forme
d'ab ord et orig inai re
men t ne pas se con ten ter de la con nais a. tuelle du connaître. Là encore, le souci se mé-prend. Il est
111 d'un sect eur dét erm iné de l'ét ant con crètsan ce qu'i l a pris e ncerné au premier chef par la sûreté de la co?naissan�e
eme
sou ci de con naître, l'im por tant est pré cisé nt là. Pou r le p s ible, et cela au point de s'accommoder fort bien de ;ou
nan t un dom aine déterminé du connu, d'être men t, con cer d travers ce qui doit être connu. Dans ce contexte, se �ev�
1 progresser toujours plus avant dan s Ja connaissan à mêm e de loppe justement une cécité spécifique à l'égard de ce qui d01t
de connaître se prend à son propre piège, il ce. Le souci tr connu à proprement parler. Le terme de « methode , »
Pou r le souci de con naître, l'important n 'est se mé- pre nd . 't pri ce faisant, dans le cadre de ce souci de sûreté, � n un
connaît et encore moins le mode d'être de ce plus ce q u i l '
n bien déterminé : c'est le chemin permettant d'attemdre
La seule chose qu' il voit désormais, c'est q u il qu' il con naît . l 'Viclen.ce Ja plus grande possible, alors que le term� de
bilités de connaître toujours nou vell es . Le ouc y a des possi
'
. m t h d . » en on sens propre n e peut signifier que ceci : le
man ifeste ains i pré cisé men t ce cara ctère sp c i de con naît re ·h 'nûn qu.i mène droit aux choses mêmes est ouvert et
qu'i l s e pre nd soi- mêm e à son pro pr pi , s i fi q u q u i fa i t
m -pr n e t , "
• sou ·i d u contraignant va d p·1 i r la pl upart d u te m p s
e connaissance . . . 1 47
146 Retour à Descartes Descartes. Comment le souci d'un
Dasein
der ici que lle est don c, dan s le
connexion avec ces diverses possibilités du souci. Dans la de connaître, et cel a de tell e
d'être de l'être en sou ci au sen s
mesure où ces connexions dans leur unité ont été à l'œuvre pos sib ilité s déterminées de
dans ! 'histoire et règnent aujourd'hui encore, il est clair que sorte que , dan s l'êt re en s9u ci, ces
son êtr e.
le present, au sens le plus large qui soit, n'est pas prêt pour dép loieme nt soi ent là en ver tu de
cette seule et unique question : que signifie vérité de La vie et
d�t ? as�in ? Aucun des deux « tenants » de la question, ni la
vente, m le Dasein, n'est éclairci en quelque façon que ce soit .
Et pourtant on est persuadé d'avoir en main tout ce dont on
a besoin pour établir quelque chose à leur sujet.
Il nous faut voir d'où p rovient la domination actuelle d u
souci de connaître, et de quelles racines ce souci est aujourd ' h u i
comme coupé. Notre considération porte sur le souci d'une
connaissance connue parce que celui-ci est apparu à un to u r
nant décisif de L'histoire de La philosophie. Descartes repré
sente �n tournant décisif uniquement dans l ' i n terprétation
que 1 epoque actuelle donne d'elle-même et de son h istoire
,
une interprétation placée sous la dom i nation de la con n a is� ,. r., ,
· sujet, J\n.nexe, compléme n t 1 6, p. 329 sq .. .
p . 1 1 5 sq.q. [ ft ?d.
_
.
.
1 , '· l l uss · r l , V I . Logische
f1 . ,
ierche
Unte rsuclwng, op. c1.l.,
,
nee s de ce g u , I l peu t a t t e i nclr r m i-
fo n d a m n i. a l s p u r cet t e e x p l i ca tion :
de ce q u 'i l p u t ouv rir .
,
1 50 Retour à Descartes \
La détermination cartésienne du falsum et du verum 151
sain t Thomas, sain t An selm e, sain
t Augustin tout en ren cette saisie. Car cogito veut dire cogito me cogitare. Sum cer
voy ant brièvement à Ari sto te.
f.us me esse rem [133] cogitantem, nunquid ergo etiam scio
quid requiratur ut de aliqua re sim certus ? nempe in h�c
(132 ] § 24. L e cog ito sum , la clar a prima cognitione nihil aliud est, quam clara quaedam e� dzs
et dis tincta per cep tio et la tâc he tincta perceptio ejus quod affirma ; quae sane non suffzceret
à s 'ass ure r, qua nt à son être
consistant ad me certum de rei veritate reddendum, si posset unquam
, du critère de la vérité ontingere, ut aliquid quod ita clare et distincte perciper�m fal
�
Des�a tes �P?elle ses �echerc?es Mé
dita tion s de prima phi
sum esset : ac proinde jam videor pro regula generalz passe
losophw . L , idee de pnma phtloso statuere, illud omne esse verum quod valde clare et distincte
?
L'in �itul de la rec her che cartésienn
.
phia est aristoté licie nne
e mo ntr e que Des car te�
percipiol. Il faut bien voir la relation ici établie : la clar� �t
distincta perceptio est donnée en même temps que la saisie
savait tres pertme mm ent qu' il se mo uva it dans l 'hor
l'ont� logia generalis. Il ne s'agit izon de du cogito sum. Par cogitatio, D escartes n'entend p �s les v� cus
q u i se dirigent seulement sur quelque ch � se, m �1s les � ecus
don c pas d'u ne prima philo
sop hz� en un � ens mo der nisé , mai
s ce qui s'ex prim e ici, c'es t q u i ont en même temps en eux une conscience d eux-memes.
la clalfe conscience de se reli er à la
problématique de l'on to l l dit : si quelque chose que je saisis de cette manière, c'est
logie anc ienn e.
< -dire par la clara et distincta perceptio, pouvait se révéler
D onnons d'abord que lqu es ind
falsum_ . Av ant d'e ntr er dans l'in terpicat ion s sur le con cep t de faux, je ne pourrais plus me fier à ce critère. Desca�tes
rétation proprement dite ,
il est �mporta�t de s'as sur er du con ;;idopte le critère pour le légitimer. Ce qui différencie l'�nen
- _ . texte où pre nd pla ce la tation cartésienne et l'orientation moderne de la philoso
qua tne me Medzta tzon dan s les Meditationes. Il
d'é l�ci der le con tex te de ce que stio convient phie, c'est le fait que, pour Descartes, le critère ne suf�it pas
nne me nt et de ce qui le n tant que tel. Il dit : quand j 'énonce cette proposition _ :
motive avant d'e nga ger l'explicatio
n plu s pré cise du falsum . ·ogito sum, j'expérimente que je suis porté à donner mon
Des cartes a trouvé que lqu e chose
de vrai, et ce que lqu e assentiment à la proposition que je saisis. Mais D escartes
chose qui_ se pré sen te ave c l'év iden
l i t : pour fonder la connaissance, je ne p � ux p as m' e ?
ce de l 'être-vrai c'es t le
cogit� um, � u mie ux : la res cog
� itans qua ens . Cogitdtio équ i r mettre à une relation obscure, au fait _ que Je s01s porte, a
vaut a zntentz� · Cogitationis nomine,
_ intellego illa omnia, quae donner mon assentiment à ce que je saisis ; je dois m'assurer
nobzs conscu_ s in nabis fiunt, qua tenu
s eorum in nab is de la clara et distincta perceptio elle-même quant à son être.
conscientia est2• Des car tes caracté
rise le concept de cogitatio
� n u� sens qui coïncide à peu près avec le T l faut légitimer la regula generalis comme critère absolu
mtentwnnel utilisé auj our d'h ui concept de vécu p ssible de la connaissance. La philosophie récente a vu
.
re� ��gztans est donc que lqu e cho
dans la phénoménologie. La Jans la preuve cartésienne une véritable rechute dan �
_ se qui est en tant que m u l ti l ancienne métaphysique. Mais il faut plutôt se demander s1
_ us d e c e
phc1te d e possibl es vec genre. E n saisissant l'être d e l a
Descartes, Meditationes de prima philosophia, Meditatio III, p. 33. [Je .suis
res cogitans, o n sais it d u mê me cou
p l e critère d e l 'évi den ce d e 1.
!"q u i s pour me rendre certain de quelque chose ? Dans cette prenuere conna1s
rt a i nque j e suis une chose q ui pense ; mais ne sais-je donc pas auss1 ce qm est
theca ph1losophorum, vol. 1, s ump ribua philosophia, cu ra v i t A . B uc he n a u ' B i b l i o
.
il n e se renco n t re rien qu'une clarre et d1stmcte perceptwn de ce que .Je
1. Descartes, Medüationes de prim
. .
•i n
2. Descartes, �nnc1.pta phll. osophiae,s Felic is Mein eri, L ipsia , 1 9 1 3 . � n n� is ; l a q u e l le de vrai ne serait pas suffisante pour m'.ass.urer qu'elle est vraie,
p. 7. [Par l e mot de pe nsée , J , e n tend sqq. , t. V I I I , Pari s, 1 905, pars p r i rn a , § 9,
Ch. Ada m et P. 1 anne ry, Par 1s, 1 897 in Œuvres de Descartes, p u b l iées par
s' i l pou v a i l j a m � 1 is a rriver q u ' u n e chose que je concevra is a1ns1 clairement � t d1s
per la multiplicité du psychique en différentes classes pour lll'nsum. Toute cogitatio , qu'elle soit idea ou non, est appré
li 'ndante . Mais dans ces cogitationes, j'appréh ende
pouvoir dire quelque chose sur le verum et le falsum. Des plus
cartes veut établir par ce moyen quelles sont les cogitationes 1 · 1 1core de ce qui est donné. Quand je saisis concrèt ement
où se rencontrent à proprement parler la vérité et la fausseté. q uelque chose, je me dirige sur ce qui est appréhe ndé : dans
Le verum esse est l 'être déterminé d'une cogitatio détermi 11 · omporte ment volonta ire comme dans l'émotio n, je suis
née, tout comme le falsum esse est le non-être déterminé 1 l t i ré (affectus) par ce que je saisis, ou alors je juge, c'est
î c l i re acquies ce, dis oui Uudicium) . C'est là que se
d'une cogitatio. Commençons par établir quelles sont les trouve
cogitationes qui, d'une manière générale, sont prises en consi 1 1 1 racine de la classific ation brentan ienne : représen tation
dération pour cela. ( /tl a ) , jugement Uudicium ), affect (affectus) qui aura une
Quaedam ex his tanquam rerum imagines sunt, quibus salis 1 1 1 l'l uence considér able sur le dévelop pement de la phéno-
proprie convenit ideae nomen2• Une classe de cogitationes est 1 1 1 noJogie. La voluntas a un double sens et désigne en pre-
1 1 1 l r lieu toute actualis ation d'une possibil ité psychiq ue,
celle des ideae tanquam rerum imagines. Tout un enchevêtre et
ment d'erreurs s'est formé autour du terme d'imago dans la 1 · 1 1 second lieu le compor tement spécifiq uement volontai re.
mesure où l'on a pris les représentations pour des images de Nous verrons dans nos considér ations quel est le concept de
ce qui est à l'extérieur. Imago rei doit cependant être inter Pr: luntas q ui intervien t ici.
prété de façon beaucoup plus formelle au sens où une idea Jam quod ad ideas attinet, si solae in se spectentur, nec ad
11/.11d quid illas referam, falsae proprie esse non possunt, nam
q ue J e puisse avoir occasion d 'exa m i n er c e l a
1• / ve apram, sive chimaeram imaginer, non minus verum est
l. Descarte s Meditatio n.es de prima philosophia, Meditatio Ill, p. 35 sq .
:
.
p a r degrés des
de l a v r i l <
p e n sées en ce rt a i n s ge n res, j
e t q ue J e considèr . _ q uelque
e cla ns l e s q u e l s de ces gen res il y a p r o p re m e n t 1 h1J
1/Jir/. �· 36. f • n[ r ' I ll •l ns s, i 's u 1 1 ·s son1 0 1 1 · t · 'S v o l o n l s ou a rrc t io ns. e t les a u t res J uge-
ou de l ' e r re u r. )
· Jws · pur · · 1 1 • n · t i o n à l ' i d e q u • j ' H i de ce l t e chose-l à ; el. de ce
genre
p
1 1 1 1 1' •
il · I l ·s-11 s ·ul ·s
·
ment, - je ne peux donc pas, lorsque j'ai affaire à la chaleur cogitationes qui soit susceptible de fausseté, c'est le judicium.
ou au fr �id, décider lequel des deux est à proprement parler. Descartes attire en même temps l'attention sur une manière
La question de l'être de l'esse extra mentem prend son orien d'être de la cogitatio en tant que cogitatio, une manière d'être
�atlon
_ sur un concept d'être déterminé mais il est sûr que ces q ui concerne également le judicium. Et c'est précisément
tdeae me présentent bien quelque chose. Toute idea est en parce que le judicium est ici sur le même plan que les ideae et
t �nt qu'idea, rem repraesentans. Si j'en viens finaleme�t à les voluntates, au sens où lui aussi survient en effet dans la res
dire que le froid est une privation de la chaleur et si d'un cogitans, que le judicium est susceptible d'un defectus. C'est
autre côté, )' o� serve que l'idea du froid me donne q�elque uniquement pour cette raison que le non verum esse peut por
ch ?se de reel, il me faut alors dire que cette idea est fausse ter atteinte à l'être spécifique du jugement. Toute la considé
pmsque la considération véritable de l'être me montre que le ration tend à mettre en évidence : 1° en quoi consiste l'être du
t:oi_ � est un non esse. L'idea est matériellement fausse, cela jugement ; 2° quelles sont les déterminations d'être qui permet
sigmfie _ �u'elle est un � atériau possible qui, lorsqu'il est repris tent quelque chose comme un defectus, lequel defectus consti
dans un Jugement, devient fausseté possible d'un jugement. t ue la ratio formalis, l'être proprement dit du falsum.
Nous savons ce qu'est le judicium seulement négative
ment : c'est cette cogitatio [141] dans l'être de laquelle la fal
(1 40] § 26. Différence entre /'idea sitas est fondée dans son être. Descartes entreprend de
comme repraesentans aliquid discuter de la falsitas et de la veritas pour que le critère de
et son repraesentatum ; realitas objectiva l'évidence ne soit pas seulement établi par la vague conscience
et realitas formal is s iv e a ctual i s d u caractère irrésistible de son intelligibilité intrinsèque, mais
pour qu'il soit démontré rigoureusem ent. Il faut montrer que
L'idea présente des possibilités de différenciation qui vont 1 être de la res cogitans, dans la mesure où elle est un être
prendre toute leu: im �ortance. Qu'y a-t-il dans une idea, que •ffectif, exclut toute erreur. Il ne faut pas seulement montrer
trouve-t-on ou qu attemt-on, dans un jugeme nt, qui renvoie à q ue la res cogitans est, dans son être, créée par Dieu, mais
quelqu e chose extra mentem ? Pour élucide r ce point, Des au si que ce qui survient en elle realiter à titre d'erreur est
cartes a recours à une différence qu'il emprunte à la tradition q u e lque chose qui ne peut pas procéder de D ieu1 • C'est ce
et que l'on peut �aracté�iser comme celle de la realitas for q u i conduit Descartes à entreprendr e l'explication du falsum.
l . Ibid., p. 4 1 .
La détermination cartésienne du falsum et du verum 161
1 60 Retour à Descartes
<l'accroche qui permettent de sortir de la conscience et d'affir donne les exemples suivants : Nam proculdubio illae quae
ita
mer un être extra mentem. Nous savons déjà que l'idea, dans ·''ubstantias mihi exhibent, majus aliquid sunt, atque, ut
son être proprement dit, est elle-même vraie, que l'idea est foquar, plus realitatis objectivae in se contin ent, quam illae quae
quelque chose que nous avons caractérisé comme un connaître. ia�. tum modos, sive accidentia, repraesentant1• Ces ideae quae
1' :praesentant substantias, majus repraesentant
La saisie théorique de l'être advient primairement dans Je que celles qui
champ de l'idea. Nous demandons maintenant : comment Des représentent seulement des accidentia. La différence du majus
cartes parvient-il, sur le sol délimité par le cogito sum, à poser · t· du minus est illustr ée à l'aide de la différ
ence de la substan
lia et de l'accidens, laque lle est
un esse extra mentem ? Pour faire entendre ce cheminement, tirée de la philos ophie grecque
Descartes introduit une différenciation dans la sphère des puisque c'est là que la supériorité ontolo gique de [143] l'oùofo.
.'l LU : le ()\)µ�E�T]KOÇ est établi e. Le sol sur
ideae. Nempe quatenus ideae istae cogitandi quidam modi tan lequel cette différen
tum sunt, non agnosco ullam inter ipsas inaequalitatem, et omnes t · iation a été obtenue n'est ici déjà plus présent.
a me eodem modo procedere [142] videntur1• Nous pouvons Parmi les substa nces, il y a une différ ence entre la substan
tla .finita et la substantia infinita. Parmi les ideae
qui sont en
; dans
considérer toutes les ideae, chaque percipere d'une idea, d'un
1 1 1 i, il y en a une qui repré sente un
point de vue où elles sont toutes égales. Toutes les ideae sont ens realiss imum
1 acte même où je me consid ère comm
égales si je les considère comme des guises du cogitare, si je -
e res finita, cette subs
considère l'idea uniquement comme cogitatio, comme reprae t1mtia infinita se donne comm e creator2. C'est là d'abord
le
sentans aliquid. Toute idea en tant qu idea est un esse cogitans. '
1 t 1nds subsistant de ce que Descartes veut mettre en lumiè re
Mais si je considère les ideae eu égard au repraesentatum, je rnmm e réelle ment subsis tant au sein de la res cogitans.
trouve qu'elles diffèrent : sed quatenus una unam rem, alia omment l'être de ce qui est représenté dans la realitas
aliam repraesentat, patet easdem esse ab invicem valde diversas2. i 1f1j cliva de l'idea se trouve-t-il garanti par l'être- donn� d'une
h l l e idea ? Pour rendr e éviden t l'être
La question est alors de savoir quel est précisément ce •
là-devant effectif de ce
moment par lequel les ideae se différencient. Le repraesenta q 1 i i s t présenté à titre d e realitas objectiva d e l'idea, i l est fait
11pp l à des axiomes généraux de .la scolas�ique qui son; éno?
tum est considéré d'après le sens d'être du représenté lui
même : la représentation d'une pierre, d'un objet géométrique, ,., ,. brièvement : non passe altquid
. esse, nen ne peut etre s 11
de Dieu. Ce sont des repraesentata. Ils sont considérés quant à 11 1•nt de rien (fieri a nihilo 3).
Tout ce qui est doit procéder,
d 1 1 1 1 son être, de quelque chose. Le caractère d'être
leur modus essendi. Ce mode d'être est la realitas objectiva . de cette
, 11t1sa doit être au moins égal, sinon supérieur,
« Objectiva » a encore ici le sens originaire de ce qui est ten u à celui de son
en vis-à-vis, de ce qui est présenté. La realitas objectiva e st , 1 1' -t . I l est donc impossible qu'un e chose vienne à l'être à par
l'être d'une res en tant que res repraesentata dans une idea. D u i 1 d'un aliquid minoris realitatis. Ces axiom es sont introduits
point de vue de la realitas objectiva, il y a une diversitas ent re p 11• scartes peu avant la considération décisi ve.
les idées. La realitas objectiva peut différer d'une idée à l 'a u t re _ /que hoc non modo persp icue verum est
de iis e.ffectib us,
sur le mode du majus et du m inus. L'étant présent dans sa , 1 1 1 rum realitas est actualis sive .formalis,
sed etiam de ideis, in
teneur d'être peut différer quant à cette teneur. Descart s
! , If Id., 1 . 40 sq . [ Car, en effet, celles qui me représe
ntent des .substan ces
l. 1 111( 1 1 1 • clou le q ue lq u e ch ose deplus, et contien nent en s� 1 ( pom am_s1 parler)
certames façons de penser, je ne reconnais entre e l les a u c u n e d i ff rence ou in - alit
Ibid. [À
savoir, si ces idées sont prises en tant seulemenl que cc sont d · a plus de
r objecl ive, c'est-à- dire particip enl par represe ntat10n
•i
1 .111
ntent seulem ent des
·li
I\ u · i t l · n ls . J
u de pcr(ecl ion, q u e cel le q u i me représe
2 . Ibid. [Mais , les considérant comme des ima es, d o n t l ' s u n e s repr6s · n i · 1 1 1
galité, et toutes semblent procéder de moi d ' u n e même sorte . ] tl' I r
l•Hi
1 , !/Id. . p. 4 1 .
u
' /li t l.
u ne chose et les a u t res u n e a u t re, i l est é v i d e n l q u 'el les son t fort d i l'ffa · 1 1 1 · s lt:s
unes des autres . ]
1 62 Retour à Descartes La détermination cartésienne du falsum el du verum 1 63
quibus consideratur tantum realitas objectiva1• Un nouveau causa de la realitas objectiva ne doive pas être aussi réelle que
concept de realitas fait ici son apparition : realitas actualis sive la causa de la realitas formalis. Même si la causa ne transmet
formalis. La realitas formalis est ce mode d'être qui repré rien de sa realitas effective à ma conscience, iJ ne faut pas
sente l'être effectif de l'objet en tant qu'être. Appliquons croire qu'elle serait de ce fait moins réelle . L'idea n'a pas seu
cela à l'idea. Les ideae sont ce qu'elles sont par le fait qu'elles lement le modus essendi au sens de realitas formalis en tant
donnent un représenté. Descartes applique alors l'axiome que cogito mais elle a en outre une realitas formalis qui cause
ontologique général avancé à l'instant à [144] la realitas la realitas objectiva1 • La realitas objectiva appartient aux ideae
objectiva des ideae2. La realitas objectiva, la teneur d'être de elles-mêmes en tant qu' ideae , et parce que cette realitas leur
ce qui est représenté a besoin d'une causation qui lui corres appartient en vertu de leur nature, l'être de l'idea lui-même
ponde. Descartes assure sa réflexion doublement en mon requiert la realitas formalis de la res repraesentata. Même s'il
trant qu'on aurait tort de croire que l'axiome ne saurait être n'y a aucun transfert de realitas formalis, je ne peux pourtant
pas [145] croire que l'idea aurait besoin, pour sa causation, de
moins de realitas. Il n'est pas nécessaire de développer davan
valable au motif qu'il n 'y aurait pas de realitas formalis dans
les ideae. Descartes concède que l'être proprement dit de la
realitas formalis ne passe pas dans la conscience. Mais cela lage la preuve proprement dite.
n'empêche pas d'appliquer l'axiome de la causation parce Nam quemadmodum iste modus essendi objectivus compe
lit ideis ex ipsarum natura, ita modus essendi forma
lis compe
que la realitas objectiva n'est pas un pur et simple rien, mais ex earum
tit idearum causis, saltem primis et praeci puis,
bien un quelque chose. Nam quamvis ista causa nihil de sua pour soi, à titre
iiatura2• La realitas objectiva d'une idea exige
realitate actuali sive formali in meam ideam transfundat, non lis dont l'être soit
ideo putandum est il/am minus realem esse debere, sed talem d cause, une res ayant une realitas forma
esse naturam ipsius ideae, ut nullam aliam ex se realitatem présent dans la realitas objectiva. D ans la mesure où j'ai
formalem exigat, praeter illam quam mutuatur a cogitatione l'idea de Dieu et où je ne peux pas, en tant qu'imperfectum,
mea, cujus est modus ; quod autem haec idea realitatem ·tre cause de cette idea, je dois avoir été moi-même causé
par cet esse perfectum. Il s'agit là d'une application de cette
1 roposition scolas tique généra le : Dieu est lui-mê me
objectivam hanc vel il/am contineat potius quam aliam, hoc son être
p rofecto habere debet ab aliqua causa in qua tantumdem sil t lisible en toute net-
- eus est entitas essendi sui). I l devien
ad minimum realitatis formalis quantum ipsa continet objecti emen t forme lle,
1 •t que Descartes transp ose, de façon simpl
l
vae3. De ce que la realitas formalis ne se retrouve pas réelle à l'être au
axiom es relatifs à la cause de l'esse naturale,
l:l ns de ce qui est représ enté en tant que
ment dans la realitas objectiva, on ne saurait conclure que la tel. Il peut le faire
1 orce que !'«
l'ens formale de
1 . Ibid. [ Et cette vérité n'est pas seulement claire e t évidente dans les effets
object ivité » appar tient à
l id,a : en effet l'idea est en tant qu'ell e fait voir. Lorsq
u'elle
t, 1.'être- vu de quelq ue chose
qui ont cette réalité q ue les philosophes appellent actuelle ou formelle mais
aussi. L'être -vu de quelq ue
t1ve. J
a uss1 dans les idées où l'on considère seulement l a réalité qu'ils nomm en t �bjec
.
est
2. Ibid. , p. 42 sq.
h « est » ce qu'il est avec ce qui y est vu, la prése nce de
3. ibid., p. 42 . [ Car encore que cette cause-là n e tr a n s m et te en mon idée a uc u n e qu Igue chose « dans » la perceptio - est un être de ce dont
chose de sa réalité actuelle ou fo rmelle, on ne doit pas pour cela s' i m ag i ne r qu ·
_
1 1 pr s nce est à chaqu e fois présen te. Si ce dont la présen ce
cette cause dmve etre moms réell e ; mais on doit savoir q ue toute idée é t a n t u n
ouvrage d e l 'esprit, s a nature est telle qu'elle n e demande d e soi a ucune a u l Te r a
hté fotmelle, que celle qu'elle reçoit et emprunte de la pe nsée ou de l 'espri t , c l o n 1
2. /birl. , p. 43. J ar, t o u t a i nsi q u e celle manière d'être obj ective m e n t
1. fi id.
ell � est seulement un mode, c'est-à-dire une m a n i è re ou façon de p nscr. Or, a f i n
appar
qu u n e 1dé e con tie n n e u ne telle réa l i té ob1ecl1ve p l u tôt q u ' u n • m i l rc, ·II i J<cs, J • l e u r propt" n a t u re , clc rnême a ussi l a manière ou
le es ici ·es (à t o u t le m o i n s a u x pre-
. l a façoIJ
r '
.
est présente est Dieu, alors cette présence ne peut pas sont verum. Cette détermination montre en toute clarté que le
« être » à partir de moi, c'est-à-dire ne peut pas être produite critère de la clara et distincta perceptio a pour effet de niveler
par moi en tant que res finita. Cette élucidation est perti les caractères d'être . Cela correspond à un mode d'accomplis
nente si l'on maintient entièrement pour l'idea l'esse de la res sement spécifique du souci d'une connaissance connue. Nous le
cogitans, du cogitare, c'est-à-dire si l'on entend l'idea comme voyons à l'œuvre là où deux guises d'être différentes sont nive
un ens creatum. Pour nous, cela veut dire que Descartes voit, l6es dans la conscience en étant soumises toutes deux sans rete
dans l'être de la res cogitans, un être double où se concentre nue à l'analyse causale au sens de la scolastique.
la différence entre esse repraesentatum et esse repraesentans*.
Nous avons élucidé un moment important du fondement
ontologique de la détermination cartésienne de la conscience l 1 47) § 27. La question de l'être
et cela à vrai dire en ayant en vue une différence que fait du falsum et de l'error
Descartes à propos de l'idea. Descartes distingue deux modes
d'être de l'idea : 1 ° le mode d'être en tant que cogitatio L'interprétation de l'esse du falsum et de l'error va nous
(modus essendi mutuatus a cogitatione), 2° le modus essendi 1pporter un éclaircissement supplémentaire sur l'esse de la
objectivus, l'être du représenté [146] en tant que représenté .
' "�' cogitans. Nous n'allons pas suivre le cheminement de
Cette différenciation au sein de l'idea est la base qui permet
1 •cartes à proprement parler ; nous examinons simplement
à Descartes de soutenir avec évidence, en s'appuyant sur de
1•om ment la question du falsum est mise en train et explici
t
vieux principes ontologiques, que ce qui est présenté existe
(est là-devant). Toute realitas objectiva requiert de soi-même
une causa dont le caractère de réalité corresponde à l'étan l
a ) La constitution de l'error : intellectus et voluntas
en tant que libertas ; les deux concepts de liberté
qui est donné dans la realitas objectiva. Toute cause en tant
que cause est réelle. L'être au sens de la causa est la realita.1·
formalis. Il ressort de ce raisonnement, qui est construit, pour chez Descartes
partie, en insistant tout particulièrement sur la clara et dis
tincta perceptio de I'idea de Dieu et en invoquant des pri n 1 i u n'est pas seulement positivement la cause de l'idée
1 p 1 j'ai de lui. Dieu ne peut pas non plus être la cause de
l 1 l tint (de l'errare) qui est également en moi* . Deinde, ad me
cipes de l'ontologie traditionnelle, que Descartes nivelle
/ " t if lus accedens, et qualesnam sint errores mei (qui soli imper
unitairement un être double au sein même de la res cogitans :
( 1 '1 1 n m aliquam in me arguunt) investigans, adverto il/os a
l'esse du cogitare et l'esse du cogitatum. Tous les deux sont un
esse animi, un être qui, en tant que tel, est de prime abord
indépendant de l'être du corps. Descartes nivelle la realitos , /111;/ 11s ·ausis simul concurrentibus dependere, nempe a facul
objectiva et la realitas formalis de l'idée et ce nive llement si noscendi quae in me est, et a facultate eligendi, sive ab
rendu possible, à vrai dire, parce que le cogitare en tant q u · 1
1 1 1 1 lrii libertate, hoc est ab intellectu, et simul a voluntate1 • La
cogitare et le cogitatum en tant que cogitatum sont donnés av · · • 1 1 1 1 ., tr uve dans la conjonction de la facultas intellegendi
une même évidence, et peuvent se légitimer comme q u e l q u ·
chose de là-devant (aliquid). Du point de vue de l esse ven 11 1 1, uj c t, A nnexe, complément 1 9, p. 33 1 .
rt 's,
' ·
'
e t de l a facultas eligen di (libertas arbitrü), en bref dans J'intel pas prétendre à cette infinité, ma finité n 'est pas un manque.
lectus simu l cum volun tate. Descartes mont re que chacu Je ne peux prétendre à rien de plus. Voilà comment se carac
ne de
ces facultas en tant que facultas ne peut être un fonde térise la facultas intellectus chez Descartes.
ment
suffis ant de l 'error. Le caractère de facultas est une Une preuve de ce genre est nécessaire parce que pour
guise
d'êtr e d'un genre posit if leque l, en tant qu'esse posit Descartes c'est bien dans l'intellect que réside la perfection
ivum, est
un esse creatum. En tant que telle, cette guise d'être est un de l'homme. Descartes dit certes que la perfectio se trouve
bon �m. En tant que facultas, l'être du falsum ne peut donc dans la voluntas, mais l'explication de la voluntas s'oriente,
pas e tre un malu m. Nam per solum intellectum percipio tan en se rattachant à saint Thomas, vers l'intellect en tant que
.
tum tdeas de quibus judicium ferre possum, nec ullus facultas eligendi. Nec vero etiam queri possum, quod non satis
error
proprie dictus in eo praecise sic spectato reperituri. Desca amplam et perfectam voluntatem, sive arbitrii libertatem, a
rtes
soulè ve là contre quelq ues objec tions courantes puis entre Deo acceperim ; nam sane nu/lis illam limitibus circumscribi
pren d de les réfuter. L'intellectus en tant que facultas experiori. La facultas eligendi est une facultas qui n'est limi
et e n
tant qu' ens creatum est un bonu m. Quamvis enim [148] tée par rien. L'imaginari ou la mémoire sont en revanche
innu
mera e fartasse res existant, quarum ideae nullae in .li mités. Avec eux, je peux me figurer des êtres idéaux mais ils
me sunt
non tamen proprie illis privatus, sed negative tantum destit
u� ne vont pas au-delà de ce que je trouve en moi-même. Sola
tus, sum dicendus, quia nempe rationem nullam possu est voluntas, sive arbitrii libertas, quam tantam in me experior,
m
afferre, qua probem Deum mihi majorem quam ut nullius majoris ideam apprehendam ; adeo ut il/a praecipue
dederiL
cognoscendi facultatem dare debuisse2• On pourrait sit, ratione [149] cujus imaginem quandam et similitudinem
alors dire
q � e les erreu rs survi enne nt de fait, et se dema nder pourq Dei me referre intelligo2• Je peux m'imaginer avoir un pou
uoi
r ne
Dieu ne m'a pas créé en faisant en sorte qu'au cune erreu voir d'imagination plus ample, mais non pas que ma volonté,
s e produise jama is e n moi. Cela supposerait que notre qui est d'une certaine manière absolue, pourrait être plus
. intel
lectus ait la mêm e const itutio n que celui de Dieu c'est- rande. Concernant ma volonté, je fais l'expérience de ma
à-dire
r ssemblance avec Dieu.
soit il !imité q�ant à la possi bilité des objet s qu'i l peut saisi
. . T.
Mais 11 est hmité , et conc ernan t ce qu'il saisit , il ne saisit pas Nous avons ici affaire à ce rapport caractéristique à la tra
u11 d i t ion que nous rencontrons chaque fois que l'être de
tout dans une clara et distincta percep tio. C'est donc
�
dé au� ? Non. Car la limit ation de mon intell ect n'est pas
un ' l ' h omme est mis en jeu : faciamus hominem secundum imagi
!
p �tvatt� . out ce dont je suis actue lleme nt doté ne peut
êtr · n m et similitudinem Dei3. Ce n'est pas un hasard si Des-
deter mme comm e carentia que par rapport à l'idéa q
l u , artes indique ici que l'être de ma volonté démontre que
rn n être est une imago et similitudo Dei. Je dois certes
repré sente la const itutio n de Dieu . Mais puisq ue je
ne peu
1. P: 6 4 sq. ( Car par l'enten demen t seul je
Ibid.,.
des choses , q ue je puis assu rer o i
i
n 'assure n i n e n i e a u cu n 1• 1 . Ibid. [Je ne puis pas aussi me plaindre que Dieu ne m'a pas donné u n libre
chose, mais Je conçoi_ s seulem ent les i d�es
' i l n e se t rou 1
nrbi t rc, ou une volonté assez ample et parfaite, puisqu'en effet j e l'expérimente
.
mer. Or, e n l e cons1d erant
'
. Ibid. , p. 66. [ I l n'y a que l a seule vol o n t é , q ue j'expérimente en moi ê�re si
a111s1 préc1se ment, o n peut d i re q u
_ _ vo u et si étendue q u ' e l le n 'est renfermée dans aucunes bornes.]
J � mms en llll aucune erreur , pourvu q u 'on
prenne Je mot d'erre ur en sa p rop i '"
2.
s1gmf1cat1on.]
p . 65 E t encore q u l y a i t pe u t ê t re
,
l' l l ! l 1 c o o
\ 'i une i n fi n i té de ho se s c l a ns · 1 l u : ·n so r t e q u · c' st e l l e p r 1 nc 1 p a l e m e n t q u me fait connaitre q ue Je porte
que j e ne o n ç i p i n t l'!clée d'aucune a u t re plus ample e t plus eten-
Ibid., - c i _
, de q ue l q u e chose q u i so i t d O il . 1 :1. H i l l i o r u m S 1 ro r u m i u x t a V u l
', _
,
6 : faciam.us hominem ad
cela q u I l soit pnve de ces i dées comme
1 atam lem e n t i n a m nova e d i t i o, curavit
e q ue c c l l q u il m 'a l o n n e. /
c
/ f n isons l ' hom m n o t re i m age et se l o n
. de connaitr
faculte ,
verum
La détermination cartésienne du falsum et du 1 69
1 68 Retour à Descartes
admettre que la voluntas Dei surpasse ma voluntas, mais dans Jaire que vise ici Descartes, c'est le fait de ne pas être orienté
précisément sur quoi que ce soit. Le concept augus� 1m . . n de
une perspective qui ne concerne pas l'ens formate de la �
volonté. Nam quamvis major absque comparatione in Deo liberté repose à l'inverse sur l'idée que la determmatw est
quam in me sit, tum ratione cognitionis et potentiae quae illi constitutive de la libertas, que la determinatio n'est pas un
adjunctae sunt, redduntque ipsam magis firmam et efficacem, manque mais la guise d'être proprement dite de la volonté en
tum ratione objecti, quoniam ad plura se extendit1 . 1 ° D u tant que volonté libre. C'est en ce point qu'on voit avec quel
point d e vue d e la ratio cognoscendi, c'est-à-dire concernant art consommé Descartes, comme souvent, franchit les obs
la transparence de l'acte volontaire, je suis en retrait par rap tacles en les évitant les uns après les autres. 11 détermine la
port à Dieu. 2° D ieu a aussi, concernant la possibilité libertas comme absolue indifferentia quod facere et non facere
d'accomplir ce qui est voulu par lui, une potestas plus grande. idem possumus . Là-dessus il détermine la voluntas en faisant
3° Ratio objecti : concernant la possibilité des objets voulus comme si cette première détermination équivalait à une deu
par lui, la volonté de Dieu est supérieure à la mienne. Mais si xième où la liberté est appréhendée comme libertas au sens
je considère en revanche Je vouloir purement en lui-même, il de l'absentia coactionis, tout en étant malgré tout un determi
s'avère qu'il n'est pas supérieur au mien : non tamen, in se nari. Ê tre libre, ce n'est pas simplement pouvoir faire indiffé
formaliter et praecise spectata, major videtur, quia tantum in remment une chose ou une autre, mais le determinatum esse
eo consistit, quod idem vel facere vel non facere (hoc est affïr �d aliquid quod propositum est ab intellectu au sens d 'un
mare vel negare, prosequi vel fugere) possimus, vel potius in affïrmandum vel negandum sive prosequendum vel fugzen _
eo tantum, quod ad id quod nabis ab intellectu proponitur dum. Saint Thomas dit : appetitus nihil aliud est quam quae
affirmandum vel negandum, sive prosequendum vel fugien tlam inclinatio appetentis in aliquid1• La voluntas implique
dum, ita feramur, ut a nu/la vi externa [150] nos ad id determi donc d'être tendu vers quelque chose de déterminé, et non
nari sentiamus2• En quoi consiste alors l'esse formate de la
voluntas ? Passe idem facere vel non facere : le pouvoir de
pa d'avoir là indifféremment plusieurs possibilités. Toute
ln linatio est une inclinatio in aliquid, tout esse qua esse un
faire et de ne pas faire une seule et même chose qui est pro I num, donc toute inclinatio une inclinatio in bonum2. Des-
posée comme telle <à la volonté>, voilà ce qui constitue la a rtes dit : Neque enim opus est me in utramque partem ferri
libertas. p sse, ut sim liber, sed contra quo magis in unam [151] pro
f ) ndeo, sive quia rationem veri et boni in ea evidenter intel
À travers cette détermination, Descartes a implicitement
t/. o sive quia Deus intima cogitationis meae ita disponit, tanto
en vue une détermination traditionnelle de la liberté, un
concept de liberté que l'on peut caractériser comme absentia / I rius il/am eligo3 . Ê tre libre, ce n'est donc pas avoir le pou
V ir d'aller d'un côté aussi bien que de l'autre mais : quo
coactionis et determinationis ; le concept véritablement sco-
l vo . H, complectus primam
1 . Descartes, Meditatio IV, op. cit. , p. 66. [Car, encore qu'elle soit i ncompara
blement plus grande dans Dieu q ue dans moi, soit à raison de la co mrn i ssa nce e l
1i' uncla Parmae , 1 853, in Opera Omnia, 1852 sqq., t. l l , quaest10 VlII,
i, ancti T h omae Aquinatis Surnma Theologica,
q uaes t i o X l l l , a rt i culu Y l.
·.
2. .
choses.] 1
ibid. , p. 66 sqq. [ Elle ne me semble pas toutefois plus gra nde, si je la co nsi . Ibid., .
. hbre, .il n , est
dère formellement et précisément e n e lle-même. Car elle consiste seu l e m e n t e n • . s artc · . Meditatio I V, op. cil. , p . 67. [Car, afi n q ue ie sois
n
l'autre des deux
;
n cssuir que j sois i nd i fférent à cboisir l ' u n ou
rs l' �m, soit _ q ue Je
ce que nous pouvons faire u n e chose, ou ne la faire pas (c'est-à-dire a ffirm 'r o u
�
v ie.le mm · n i q ue 1 • hi ·n cl 1 vra i s'y rencont re n t ,_ soi t q.
nier, poursuivre ou fuir), ou plutôt seulement e n c e que, pou r affirmer ou n i 'I", 1 1n 1 r 1ir · rnRis plul t, !'autant 1 lus que je penche v e
_
11 1 insi l 'i n t ri • u r d · 1110 1 ni>é0, c.l'n u 1 b e
·
ue Dieu d1s-
poursuivre ou fuir les choses q ue l 'e n tende m e n t nous propose, nous R issons ·11 l l l l l lll\ÏS • •
ll rais choix et JC
l l ! J !'ll SN ' , !
l u n t l us l i r m n t i'en
teUe sorte que no us n e sent ons poi n t qu'aucu n · rorcc exl ri • u re nous y
con traigne . ] 1
170 Retour à Descartes La détermination cartésienne du falsum et du verum 1 71
magis in unam propendeo eo liberius. On aperçoit ici le lui la possibilité d'un defectus. Ce doit être un être tel qu'il
concept augustinien de liberté : plus la propension au bonum n'est véritablement que s'il est comme il doit être. Car ce n'est
est originaire, plus la liberté de !'agir est proprement ce que si un debitum est présent dans un être que l'on peut parler
qu'elle est. Un agir qui se place entièrement sous la volonté d'une carentia. L'être de l'erreur réside dans cette conjonction,
de Dieu est absolument libre. C'est cette libertas que Des t nullement dans l'être de I'intellectus comme tel en tant que
cartes vise ici et qu'il fait intervenir, de manière très caracté facultas, ni dans l'être de la voluntas en tant que facultas. C'est
ristique, dans la perspective de la clara et distincta perceptio. q uelque chose qui est exclu pour Descartes parce que
Je suis vraiment libre lorsque je me dirige vers quelque chose l'homme a été créé par Dieu avec cette constitution. Même si
quod intelligo. Je vis dans une propensio in unam partem , la connaissance est limitée, on ne peut pas dire pour autant
dans une direction où j'acquiesce à ce que je connais clare et qu'elle n'a pas quelque chose qu'elle devrait avoir. On ne peut
distincte. Le sens véritable de l'être-libre implique une mot i pa non plus caractériser la voluntas en tant que telle comme
vation tout à fait caractéristique. E n revanche, l' indifferen t ia , q u !que chose de négatif. J'expérimente moi-même la volonté
le posse formel n 'est précisément pas de la liberté, mais b i e n ( l ltnme quelque chose d'infini, et il faut entendre par cette
plutôt l 'infimus gradis libertatisl. 1 1 1 fi n i té le fait que la volonté peut se porter identiquement sur
Dans ces propositions qui semblent aller tellement de so i 1 1 u te chose sur le mode du facere et non facere passe. La per
et être avancées si librement, c'est en fait tout l'arrière-plan /1' ·tio voluntatis consiste en ceci que la voluntas peut se porter
de l'époque qui se manifeste. Ce rejet de l' indifferen t io •,1 1 r toute chose au sens d'un pouvoir et d'un non-pouvoir.
comme esse liberum est un coup porté contre les Jésuites t l l n ns la détermination de l'infinité de la voluntas, prévaut en
reflète en même temps un certain penchant pour Po ri 1 1 n l i té un sens déterminé de la liberté : libertas voluntatis au
,1 1 1 d'indifferentia. À l'endroit où Descartes entreprend d'en
, I, t 1miner le caractère positif, il commence par caractériser la
Royal*.
lil•Ntas par l'indifferentia. La seconde détermination vient se
l 1 1· �- la première sans qu'il n'y ait apparemment aucune rup-
b) Le concursus de l' intellectus et de la voluntas
1 1 1 1 , Descartes parle d'une liberté dans laquelle il y a une
comme être de l 'error. Les problèmes théologiques
à la base de ces deux concepts de liberté
, /, l11rniinatio ad prosequendum vel fugiendum.
1 ' s deux concepts de liberté avec lesquels Descartes opère
1 1 1 1 1 J u r ondement des problèmes théologiques qui occu-
L'error a son être dans un concursus2, lequel ne conce rn ·
volonté. Et la question de la signification de la liberté l'homme sans pour autant restreindre l'efficace de la grâce
humaine se meut en réalité dans deux directions que l'on de Dieu. C'est contre ce texte et contre tout le courant théo
peut qualifier, en bref, d'aristotélicienne et augustinienne. La logique qu'on appelle le molinisme que l'oratorien Gibieuf a
liberté prise en un sens aristotélicien implique une double écrit le De libertate Dei et creaturae ( 1630)1 . Ce texte met
absentia : une absentia coactionis et une absentia determina l'accent, d'une manière tout à fait radicale, sur le concept
tionis. Pour saint Augustin, une determinatio in summum augustinien de liberté, et affirme que la présence d'une deter
bonum est précisément l'élément constitutif de la liberté. minatio in summum bonum est précisément ce qui constitue
Lorsque la volonté est orientée sur le souverain bien, elle la liberté véritable de l'homme. Ce n'est que lorsque Dieu
n 'est sujette à aucune servitudo. Ces deux déterminations devient présent en l'homme que l'homme est véritablement
font l'objet de controverses jusqu'à ce jour. libre. La grâce ne peut en aucun cas porter atteinte à la
Le problème général est le suivant : 1° Comment détermi l i berté puisque c'est elle, et elle seule, qui donne naissance à
ner la signification et la modalité de l'efficace de la grâce de la liberté véritable. L'infl u ence que toutes ces complexions
Dieu pour que la liberté de l'homme ne soit pas ruinée ? ont pu exercer sur le jansénisme est encore inéclaircie à ce
2° Comment déterminer la liberté pour qu'elle puisse se j ur. Dix ans après le De libertate, a paru un ouvrage qui a
soumettre à la grâce de Dieu sans s'abolir du même coup fait grand bruit : Augustinus (1640). Son auteur Jansenius,
elle-même ? Cela suppose la possibilité d'un point de vue ·vêque d'Ypres, s'était proposé d'expliciter la théologie
médiatisant, d'une concordia entre la liberté de l'homme et ;_wgustinienne en l'opposant à la scolastique et au molinisme.
l'efficace absolue de Dieu. Le caractère de la praescientia et Le titre exact de l'ouvrage est le suivant : A ugustinus sive
de la praedestinatio divines entre ici aussi en jeu. Tout cela a il ctrina S. Augustini de humanae naturae sanitate, aegritu
contribué à faire de ces moments des problèmes d'actualité à rlin.e, medicina contra pelagianos et Massilienses2• L'adver
l'époque. Par opposition à la doctrine protestante de la foi t-1air principal de saint Augustin était le moine irlandais [155)
(Luther, De servo arbitrio, 1 525 1 ) , qui rabaisse la libe rté P � Jage qui avait fondé un courant théologique encore vivace
humaine d'une façon absolue, les Jésuites cherchent à 1 I ' nos jours, et vivace à vrai dire non pas sous la forme radi
accroître la liberté humaine. Le pays de naissance de la [1 541 t•n l de Pélage, mais à travers un courant modéré que l'on
théologie jésuite est l'Espagne. Le véritable fondateur de ' I ! lle par conséquent le semi-pélagianisme. Le semi-péla-
1•1 i nni me s'est implanté notamment au sud de la France, dans
111 r
cette doctrine de l'indifférence est le jésuite espagnol Pedro
da Fonseca. Cette doctrine a été développée par la suite par ion de Marseille. Jansenius relève que Gibieuf a bien
qui était en question ici : la détermination vraie, c'est
' d i r platonicienne, d e l a liberté est supérieure à s a défigu-
Bellarmin qui a joué un grand rôle au concile de Tre n t e2•
D e tous les Jésuites espagnols, un des plus remarquabl s
1 . d i n aristotélicienne. Molina écrit dans le De concordia :
1//1d a ens liberum dicitur, quod positis omnibus requisitis ad
est Molina, auteur du De concordia gratiae et liberi arbürii
( 1588)3 qui tend à déterminer positivement la liberté d ·
1 1, ·r·n tum, potest agere et non agere3 : est dit libre cet agent
2. Le cardinal Franz Romulus Robert Be l lar m i n SJ ( 1 542- 1 62 1 ) t a i l u 1 1 1, , ; 1 i c u r, De liberlale Dei et crea1urae Libri duo,
1525-1 526.
l p ren s i s ,
Paris,1 630.
\, î ,.
3 . D. Ludovicus Molina, Liberi arbitrii cum gra1iae donis, divina prae.1·1·ii'1 1t111, \ 1. 1 1 1 / 1•11,\'l'.I', t ri bus l o m i s ompr ·nsa, Louva in, 1 640.
M o l i n 1,
2° ·d. A n v 1 59. . il \ J J J I V, 1 1 , 1 . 8.
providentia, praedestin.atione et reproba1ione, oncordia, ad 1101111111/os pri1111!1' 1111 ·o rrlio, ot! 1 1 01 1 r 1 11//o.1· prinrne parfis D. Thom.ae articulas,
partis D. Thornae A rliculos, rs, 1rl ·u l u m q1111 ·Hl i o n i s · L l is p u l o t io
La détermination cartésienne du falsum et du verum 1 75
1 74 Retour à Descartes
agir, a encore la possibilité d'agir ou de ne pas agir, ou bien quam in alteram impellit, est infimus gradus libertatis 1•
qui, tout en s'étant décidé dans un sens déterminé a encore L'indifferentia est l 'infimus gradis libertatis, quo magis in
'
conscience d'avoir la possibilité d'aller dans l'autre. Être ainsi unam propendeo, sive quia rationem veri et boni in ea eviden
placé indifféremment devant deux possibilités est le sens véri ter intelligo, sive quia Deus intima cogitationis meae ita dispo
table de la liberté. Mais dès l'instant où j 'ai choisi, je cesse nit, tanto liberius illam eligo2• D ans mon comportement
d'être libre. La liberté est supprimée. La liberté véritable volontai re, plus j 'incline par avance d'un certain côté, plus je
réside dans l'état d'indifferentia, tandis que pour saint Augus vis libremen t. Nec sane divina gratia, nec naturalis cognitio
tin la liberté humaine consiste dans ce determinari dans la sou unquam imminuunt libertatem, sed potius augent et corrobo
mission à un bonum. Mais en quelque sens que l'�n prenne la rant3. La grâce divine ne diminue donc pas la liberté humaine ,
liberté, il y a une difficulté avec la prescience et la prédestina mais la grâce l'accroît et la renforce. Descartes transpos e ce
qu'on appelle, en théologie, l'efficace de la grâce divine à
1 i nfluenc e exercée par [157] l'intelle ct sur la volonté . La
tion de D ieu. Qu'en est-il de l'omniscience de Dieu ? Il faut
bien que Dieu ait la prescience des possibilités déterminées
que l'homme choisit. Pour lui, elles ne sont pas là à titre de clara et distincta perceptio joue le rôle de la grâce. C'est elle
futurum, mais d'un futuribile, lequel peut encore être saisi de qui rend présent, pour le judicium, son bonum spécifique.
telle ou telle façon. Cest ce que Molina appelle scientia media. 'est pourquoi la voluntas est déterminée, dans son être
1 ropre, à suivre l'intellec t qui propose un objet
à la voluntas
D 'un point de vue théologique général, il y a en Dieu une
·He-mêm e. C'est en ce sens qu'il faut entendre à proprement
praescientia mere naturalis : D ieu prévoit tout événement pos
parler le simul esse voluntati s et intellectu s. De même que la
sible. Tout est là d'avance dans son intellect absolu. Une
d terminatio à un bonum fait partie de l'être de la volonté, de
praescientia mere libera : Dieu prévoit ce qui arrive du fai l
1 u6me c'est l'intellectus qui propose à la voluntas le percep
twn en tant que prosequendum. Plus la voluntas s'en tient
d'une volonté. Il prévoit aussi ce que les hommes [ 156] réali
sent librement. C'est une praescientia qui n'est ni naturalis n i
Zibera, qui n e concerne n i les événements e n général n i c e g u i 11ü mement à ce qui est saisi claireme nt et distincte ment, plus
est causé par l a volonté de Dieu. Dans l a théologie august i 1 h m me est proprem ent ce qu'il est* . Saisir volontai rement
nienne au contraire, la liberté est entendue au sens où être 11· lare et distincte perceptum, c'est pour Descartes la plus
libre veut dire : ne pas se soumettre aux exigences du monde h11ut possibilité d'être de l'homme . Pour peu qu'on examine
ni aux tentations du diable mais subordonner sa volonté à la l . 1 ' urce des proposit ions cartésien nes, on s'aperço it que la
.1 u l base qui les légitime n e relève e n rien d'une connais
1 11 • rationne lle pure.
volonté de Dieu. Toute action de l'homme en tant qu'homm '
.•
est soumise à une finis et cette finis en tant que bonum est
l'élément constitutif de la liberté. L'indifférence se rencon l r '
certes dans la volonté humaine. Le fait qu'elle s'y renco n l r '
est ce qu'Aristote a mis au jour dans son analyse et c'es t su r
que je sens,
ce sol qu'il a établi son concept de liberté. Mais l'indifferentia
ne se rencontre pas à titre d'élément constitutif de la liber/fis 1, 1 s i lf t s, Meditatio IV, op. cit. , p. 67. [Cette i ndifférence
mais seulement en tant que creatura ; l' in diff"eren tia d o i t '\ I r · l i be rté. ]
l " ' 11 d'ou LJ ne raison, est le plus bas degré de la
j . . , 11 1 11 je ne suis poi n t emporté vers un côté plutôt que vers un autre par le
comprise comme deficiens. L'indifférence ne fai t pas part i ' u · t, !li/il. 1 'a u t ant p l us q u e je penche ve rs l ' u n , soit q u e je connaisse évidem
1 bien t 1 vni i s'y rencon t re n t , soi t que Dieu dispose ai nsi l ' in térieur
,1, 1 1 1 p ns " d 'n u ltl n t 1 l us l i br'm 'nt j' n fa i choix e t j e l'embrasse .]
la liberté même si elle se rencontre clans l 'action. '11• 11! ljll
agir, a encore la possibilité d'agir ou de ne pas agir, ou bien quam in alteram impellit, est infimus gradus libertatis1•
qui, tout en s'étant décidé dans un sens déterminé, a encore L'indifferentia est l 'infimus gradis libertatis, quo magis in
conscience d'avoir la possibilité d'aller dans l'autre. Être ainsi unam p ropendeo, sive quia rationem veri et boni in ea eviden
placé indifféremment devant deux possibilités est le sens véri ter intelligo, sive quia Deus intima cogitationis meae ita dispo
table de la liberté. Mais dès l'instant où j'ai choisi, je cesse nit, tanto liberius il/am eligo2• Dans mon comportement
d'être libre. La liberté est supprimée. La liberté véritable volontaire, plus j 'incline par avance d'un certain côté, plus je
réside dans l'état d'indifferentia, tandis que pour saint Augus vis librement. Nec sane divina gratia, nec naturalis cognitio
tin la liberté humaine consiste dans ce determinari, dans la sou unquam imminuunt libertatem, sed potius augent et corrobo
mission à un bonum. Mais en quelque sens que l'on prenne la rant3. La grâce divine ne diminue donc pas la liberté humaine,
liberté, il y a une difficulté avec la prescience et la prédestina mais la grâce l'accroît et la renforce. Descartes transpose ce
tion de Dieu. Qu'en est-il de l'omniscience de Dieu ? Il faut qu'on appelle, en théologie, l'efficace de la grâce divine à
bien que Dieu ait la prescience des possibilités déterminées 1 influence exercée par [157] l'intellect sur la volonté. La
que l'homme choisit. Pour lui, elles ne sont pas là à titre de lara et distincta perceptio joue le rôle de la grâce. C'est elle
futurum, mais d'un futuribile, lequel peut encore être saisi de qui rend présent, pour le judicium, son bonum spécifique.
telle ou telle façon. Cest ce que Molina appelle scientia media. 'est pourquoi la voluntas est déterminée, dans son être
D'un point de vue théologique général, il y a en Dieu une propre, à suivre l'intellect qui propose un objet à la voluntas
praescientia mere naturalis : Dieu prévoit tout événement pos I l -même. C'est en ce sens qu'il faut entendre à proprement
sible. Tout est là d'avance dans son intellect absolu. Une parler le simul esse voluntatis et intellectus . De même que la
praescientia mere libera : Dieu prévoit ce qui arrive du fai t tl ·t rminatio à un bonum fait partie de l'être de la volonté, de
d'une volonté. Il prévoit aussi c e que les hommes [156] réali 1 1 1 ·me c'est l 'intellectus qui propose à la voluntas le percep
sent librement. C'est une praescientia qui n'est ni naturalis n i l11m en tant que prosequendum. Plus la voluntas s'en tient
libera, qui n e concerne ni les événements en général n i ce q u i l 1 1 t·i mement à ce qui est saisi clairement et distinctement, plus
est causé par l a volonté d e Dieu. Dans l a théologie augusti 1 h o m me est proprement ce qu'il est*. Saisir volontairement
nienne au contraire, la liberté est entendue au sens où êtr · 11 clare et distincte perceptum, c'est pour Descartes la plus
libre veut dire : ne pas se soumettre aux exigences du monel ' h : 1 1 i' t possibilité d'être de l'homme. Pour peu qu'on examine
ni aux tentations du diable mais subordonner sa volonté à l a l . 1 llôllrce des propositions cartésiennes, on s'aperçoit que la
volonté de Dieu. Toute action de l'homme en tant qu'hornm · ,1 1 11 base qui les légitime ne relève en rien d'une connais-
est soumise à une finis et cette finis en tant que bonum est 1. 1 1 1 rat ionnelle pure.
l'élément constitutif de la liberté. L'indifférence se ren co n t r ·
sément par sa relation véritable à l 'intellectus dans cette table à la cause première, à Dieu, pour autant que ce com
mesure même le fait de se laisser déterminer es � susceptible portement possèd e quelqu e chose de Dieu et a de la
d'un defectus. Par conséquent, la regula generalis pour la perfec tion, mais non pas pour autant que cet être déterm iné
liberté est la clara et distincta perceptio. Se tenir ainsi en rap possède un defectus. Sicut quidquid est motus in claudica
port au perceptum, c'est être véritablement libre et faire en tione, causatur a virtute motiva ; sed quod est obliquitatis in
sorte de s'y tenir, c'est l 'usus rectus libertatis. Da�s la mesure ea, non est ex virtute motiva, sed ex curvitate cruris 1 . Il en va
où le fait d'être ainsi déterminé est un être qui appartient à ici comme dans la claudi cation qui est causée par la cause du
cela même qui est déterminé, c'est quelque chose qui est sus mouvement (c'est-à-dire Dieu) ; dans la mesur e où la claudi
ceptible d'un defectus. Le defectus consiste en ceci que la cation est un mouve ment, sa cause est le pouvoir de se mou
guise spécifique d'accomplissement <de la liberté> ne prête voir, donc un bonum . Mais ce qui est un defectus dans la
pas suffisamment attention au fait d 'être ainsi déterminée claudication ne procède pas du pouvoir de marcher, mais du
dans la perspective du perceptum, et donc errat. L'errare est fait que la jambe est arquée, donc d'un defectus.
un usus libertatis non rectus1 • Il peut être porté atteinte à la Récapitulons l'explication de l'error chez Descartes pour
rectitudo, et dans la mesure où la rectitudo est atteinte ' bien voir la direction dans laquel le elle se développe. L'errare
l 'errare est constitué. est apparu comme un deficere a determinatione. Dans l'errare, il
Il devient clair que l'être de l'error comporte deux moments est porté atteinte à la déterminité véritable de la voluntas
caractéristiques. 1 ° Dans la mesure où l 'error est un être c'est dans sa relation au perceptum. Ce deficere est un deficere a
[160] une res. 2° Dans la mesure où c'est une defectio: c'est libertate. Mais la libertas constitue l'être véritable de
une privatio. Descartes voit en toute lisibilité que Dieu l 'homm e. Donc le deficere a determinatione voluntatis est un
demeure la cause véritable même dans le cas de l 'error [ 1 61] deficere ab esse au sens de l'esse perceptum. Ce deficere
puisque l 'error est un cogitare. Dans la mesure où l 'error est est en même temps , dans la mesure où c'est un deficere ab
une res, Dieu en est l'auteur. Mais dans la mesure où l 'errare esse perfectum, un deficere ab esse creatum, de sorte que le
est un non rectus usus, l'error n'est pas causé par Dieu mais falsum n 'est rien d'autre qu'un non esse de l'ens creatum.
résulte de la liberté de la volonté comme telle. Saint Thomas L'esse creatum est la détermination fondamentale dans l'expli -
dit (Somme théologique, 1, qu. XLIX, art. II, 3) : A d secun ation de l'errare et de l'être de la libertas. Se tromp er, c'est
dum dicendum quod effectus causae secundae deficientis redu porter atteint e à l'être véritable de l'être créé de l'homm e.
ans la mesure où l 'errare est un esse de la res cogitans, il
'
ti nsuit que l'errare, en tant qu' esse de la
citur in causam primam non deficientem, quantum ad id quod
res cogitans, est du
habet entitatis et perfectionis, non autem quantum ad id quod
habet de defectu2• Il faut dire que l'effet de la cause seconde, m.�me coup un non esse de la res cogitans comme creatum.
de la libertas hominis - en tant qu'elle est déficiente, c'esl Nous obteno ns par conséq uent une nouve lle déterm ination
à-dire en tant qu'elle porte atteinte à cet ê tre q u 'e l l e caus , "'" l 'être de la res cogitans comm e esse creatum. La déterm i
dans la mesure où la volonté le motive non recte - , est impu- nat ion précéd ente était que la res cogitans est un être qui
et distincta percep
1 u t être saisi unitair ement dans la clara
1. t/ . J ercept um esse et creatum esse a Deo sont les déterm ina
t i n fondam e n t a les de l esse de l a res cogitans.
Descartes, Meditatio IV, op. cil., p. 70.
vol. l , comple rens p:irl •rr1
pnmam, Parmae, 1852, m Opera Omnia, Parmae, 1 852 sq q . , L I' , 1 u . X LI X , i r t.
2. Sancti Thomae Aquinatis Summa Theologica, '
I I _: Utrum summ um bonum, qu.od est Deus, sù causa mali. j O n doi t d i re en u ·u·
x1eme heu que 1 ;effet de la cause seconde défa i l l a n te se ram n 1) la ·aus • 1 r 1 , //iitl. ! A insi rout · qu'il y a de mouvem ent dans la jambe qui
y
1 lflr \ puissun ' mol ri
boite est causé
_ e non cléfa 1 1 iante pour t our cc q u ' i l a d 'cn t i t el 1 p ' r f · 1 i n , m 1 i s 1 1 0 1 1
·
§ 29. La connexion du verum et de / 'ens : qu'est quelque chose doit atteindre la détermination for-
l'être-vrai en tant que mode d 'être n i He ens de sorte que les déterminités concrètes d'un objet
(D e v e ritate, qu. /, art. J) •oi n t obtenues par un addere. Qu'est-ce que le verum ? Il
'tlt t ab l i que Je verum est un ens. Demandons-nous alors
quelle est la connexion de la déterm inité concrète du verum l'être [165] qui conduise précisément à déployer ces deux
avec l'ens. Peut-on interpréter cette connex ion avec l'ens caractères d'être en prenant appui sur l'étant ? Pour répondre
[164] en disant que le verum est une détermi nation de l'ens à la question de ce qui motive la connexion entre l'esse crea
sur le mode d'une affectio ? Non. Saint Thomas : puisque tum et l'esse perceptum, nous allons montrer que l'esse en
l '_ê tre-vrai n'est pas une chose et n'est pas une proprié té cho tant qu'esse perceptum et l'esse en tant qu'esse creatum ren
s1que, quell e est la relation du verum à l'ens ? Le verum est voient à un esse verum, le problème étant alors de détermi
un modus de l 'ens. Toute la discussi on sur l'être de l'être ner l'être de cet esse verum. Pour nous orienter plus
vrai vise l'être lui-mêm e dans cette perspec tive. Le verum facilement, rappelons une fois encore brièvement quel a été
esse doit être appréhendé comme un mode relative ment à le cheminement de l'interprétation que nous avons dévelop
l'ens. pée concernant le falsum et l'error. Nous avons entrepri�
Saint !�ornas distingue deux modes dans lesquels les cette interprétation pour voir le verum. Les deux modt
,
determ _
1111tes de l'être peuvent se trouver avant tout. En met •ssendi ont été appréhendés unitairement dans la perspective
tant encore complètement à part la questio n du verum, il de l'idea en tant que l'esse au sens de la cogitatio, c'est-à-dire
commence l'explication de façon entièrem ent ontologico-for au sens du domaine des cogitation.es, la res cogitans. L'esse de
melle. !I est important de bien voir à quel endroit le verum la res cogitans est le clare et distincte perceptum esse, le per-
esse fait son entrée. Saint Thomas distingu e donc d'abord ·eptum esse s'identifie au verum esse. Quelque chose de
deux modes : 1° le modus specialis, 2° le modus generalis. Le re m arquab l e nous est apparu au cours de ces considératio� s :
m ?dus Sf �cialis se rattache à la manière dont les catégories nous avons vu un nivellement spécifique de l'être se prodmre
anstote, hc1enne s se rapportent ontologiquement à l'oùaia. au sein même de la res cogitans dans la mesure où le per-
Cela donne lieu à différents modi speciales essendi. L'être d u eptum esse ne concerne pas seulement le cogitatum mais
verum ? e peut pas relever de cette complexion parce qu'il v a gaiement le cogitare. L'esse perceptum est l'esse verum pro
se mamfester comme u n relativum. prement dit, lequel concerne les deux possibilités de la res
Le modus generalis p eut être compris de deux façons : t gitans en tant que telle. La res cogitans est donc 1 ° l'être au
1 ° considé ré in se, 2° considéré in ordine ad aliud. Si l'ens est A ns de l'esse perceptum. 2° L'error est une privatio, en tant
considéré en soi et en fait affirmativement on a la déterm i q u e privatio, c'est un non esse, non pas un non esse en tant
nation de la res ; si l'être est considéré nég�tivemen t, on a l a q u e nihil, mais un non esse entis. Ici le « non » est caractéris-
déterm ination de l'unum. Négativement, l'ens est un être q u i 1 iq uement celui de l'usus voluntatis non rectus. La rectitud
?
s e caractérise par l'indivisibilité. Omne ens considéré per se l st frappée de nullité. Non rectus veut dire : deficiens a rectt-
l'un à l'autre ? Est-il pos sible d e t rouve r u n base d e d 111111, don non falsum = esse verum. Esse verum creatum =
minat ions onto l ogi q u e s d'où provie nnen t ce o m m n t. 1 p •r ep.tum esse et le crea tum esse, en tant
d 'ê t re ? E t peut -on d t nnine r u n m od cl • l l! 1 L ' n n i n a l ions c.I' lr s r 1 66 ] ca ra c t ri n t-ils relative-
à
184 Retour à Descartes Retour l'ontologie scolastique 1 85
2 . Ibid. [Par conséq u e n t , i l est nécessaire q u e toutes l , s a u t res · o n · • p l i o n s u · T h omus I ' A q u i n , / e verita""· op. cit. 1 L'6tant ne
, c'est e n t a n t q u 'elles expnme nt
quoi il rédu i t analyt i q uement toutes les concept ions esl l 'éla n L I
peul pas ê t re u n genre,
l ' i n tellect s'entende n t par Hddi t ion à l'éta n t . l 11 N l 'on dit Ill · •s
1 1 ; 1J • u • l ' " t 1 1 n t l u i-1 11 1 1 1 ', 1111 tl · 111
n • 1 rirn pnr le 1 10111 d''ta n t . l
i ' S t u n t
1 3.
d ·hos ·s n n u
* . . 1111
186 Retour à Descartes Retour à l'ontologie scolastique 187
uniquement à l'étant en tant qu'étant, se scinde à son tour : ente1• Il ne peut y avoir un esse [169] au sens de la convenien
a) lorsque je prends cet ens in se affirmativement (nous pour tia que s'il y a un étant dont l 'être véritable a la propriété de
rions dire : en tant qu'objectivement là), j 'obtiens la détermi convinere cum omni ente. Y a-t-il un étant qui s'accorde avec
nation fondamentale de l'ens, à savoir l 'essentia ou encore la tout étant ? Hoc autem est anima, quae quodammodo est
res ; b) lorsque je prends l' ens in se négativement : chaque omnia2• Cette connexion de l'unum ens avec l'étant entendu
ens qua res est, en tant que tel, un quelque chose qui est en au sens d'entièreté et de tout ne peut être' rendue intelligible
lui-même et qui est indivisible dans son être. Cette indivisio que si le convenire appartient à l'être de cet aliquid. Cette
n'est rien d'autre que l'individualité au sens de la logique for détermination trouve sa source chez Aristote, De anima (III
melle. C'est à cette indivisio que j'ai affaire lorsque j'appré 8, 431 b 21 sq.) : Ti \j/UXÎJ -rà ov-ra ncùç fonv· mivrn yàp tj
hende l'ens in se négativement ; l'expression catégoriale de aicr8ri-rà -rà ovrn tj vori-rét3. Tout étant peut être saisi soit dans
cette indivisio est l'unum. Omne ens est unum. la perception sensible soit dans le vos::t:v. Puisque chaque
Il y a également une double possibilité s'agissant de l'ordo étant est perceptible par l'âme, l'âme est d'une certaine
ad aliud : 1 ° secundum divisionem unius ab altero, en distin manière toutes choses, elle met à découvert et tient en sa
guant une chose d'une autre, et hoc exprimit hoc nomen ali possession tout étant, elle a tout étant. Saint Thomas fait
quid : dicitur enim aliquid quasi aliud quid1, chaque res en alors fond sur cette proposition aristotélicienne non seule
tant qu' ens in ordine ad aliud est un aliquid. Chaque étant en ment pour la v6ricr1ç et l'afo8rimç, mais fondamentalement
tant qu'étant est aliquid, aliud-quid, quelque chose d'autre, pour chaque virtus de l'anima elle-même. Il y a dans l'anima
et non pas cette chose-ci. Unde sicut ens dicitur unum, .la faculté de saisir ( intellectus) et de tendre vers un but
inquantum est indivisum in se, ita dicitur aliquid, inquantum ( voluntas ) . Bonum est quod omnia appetunt. Convenientiam
est ab aliis divisum2• La divisio donne elle-même lieu à ces vero entis ad intellectum exprimit hoc nomen verum4• Le
deux perspectives, indivisum in se : unum, divisum ab altero : verum est un modus essendi tel, à vrai dire, que l'ens, qui est
aliquid. Cette explication va au-delà d'Aristote y compris sur ici considéré ad omnia, possède le caractère d'être de l'âme.
le plan scientifique. Vous remarquerez que nous n'avons encore rencontré, tout
2° Alio modo secundum convenientiam unius entis ad au long de cette explication, aucun objet concret. Mainte
aliud3• Le second moment est celui dans l equel je considère nant, avec la détermination de la convenientia comme modus
un étant secundum convenientiam ad aliud. Cette convenien ssendi, on voit apparaître un être concret qui, sur le fonde
tia introduit une détermination entièrement nouvelle. Elle ment de sa cpumç, a la propriété de convenire cum omni ente,
est donnée de manière formelle, mais nous sommes cepen un être conçu com me rencontre et accord unius entis ad
dant mis en présence de situations concrètes. La convenientia aliud. L'être-vrai est une guise de l'être au sens d'un être-
est la guise dans laquelle il y a rencontre, concordanc , osemble déterminé de deux étants. On voit bien ici com
accord en quelque façon. Cette détermination non potest esse rneot .le verum se déploie sur l'arrière-plan de déterminations
nisi accipiatur aliquid quod natum sit convenire cum omni
l. Ibid. [( . . . ) n'est vra iment possible que si l'on prend une chose qui soit de
1. Ibid. [( . . . ) suivant une distinction entre l'une et l'autre ; et c ' e s t ·ç nul. u re à s ' acco rd e r avec tout é t a n t )
' 1/Jid. r r t e l le est l'â me, qui d'une
.
qu'exprime le mot « quelque chose »; car il se dit aliquid, com me si l'o n d i s�1 i t certaine façon est toute chose.)
1 •s tr s : 1 s 0 t. res en effet ont ou sensibles ou intelligibles.)
aliud quid (quelque autre chose).) . A ristote, De anima, l U 8, 43 1 b 2 1 sq. [ L'âme est en quelque manière tous
2. Ibid. [Donc, de même q ue l'étant est appelé « u n ,, en t a n t q u ' i l e s t i n <. l i v is
en soi, de même il est appelé « q uel q ue chose » e n tant q u 'on le d i st i n u ' 1 ·s 4. Thomas d ' A q u i n , De verilale, q u a es t i o l, a r t i c u l us l [ Le bien est ce que
l u u t cbos ' r" h rchc. Ln convcri;1 1 1 c avec l ' i n te l lect est ce q u e xpr im e , pour sa
3. Ibid. [ Ce pe u t. ê t re e ns u i te s u i v a n t la conv·nan ' l'un t n n t il u n 1 1 1 1 t r". I p 1 r1 , 1 ' 1 • rn 1 · 1 • v n r i . J
autres. ) · '
1 88 Retour à Descartes Retour à l'ontologie scolastique 1 89
d' �tre f�ndamentales, comment, sur la base de cette [170] contexte de la doctrine de l'être telle qu'elle est mise ici au
mise en Jeu, le verum se constitue fondamentalement dans la fondement, ne constitue pas une transgression des limites de
dimension formelle de l'esse in ordine ad aliud. la considération fondamentale relative à l'être, c'est ce que
nous allons comprendre en [171] ameublissant en quelque
sorte le sol sur lequel se déploie cette considération relative
§ 30. L 'être proprement dit du verum à l'être. Demandons-nous donc dans quelle mesure le crea
en tant que convenientia dans /'intellectus tum est posé en même temps dans le verum. Nous ne pour
(De veritate, qu. !, art. 1, 2, 3) rons trancher cette question qu'après avoir tiré au clair quel
est, au sens propre et primordial, l'être dont le verum est le
�uel est alors l'être proprement dit du verum, et qu'est-ce modus. Ce n'est qu'ensuite que nous saurons en quel sens la
détermination du verum appartient au caractère d'être de la
qm constitue l'être originaire du verum ? Si le verum est une
res.
convenientia, la question est alors de savoir si le verum est le
Pour déterminer de manière plus précise la connexion propre
convenire lui-même, ou bien si le verum a son être propre
à chaque être, saint Thomas a recours à plusieurs expressions
m �nt dit_ dans l'anima, ou bien s'il l'a dans la res cum qua
_ différentes qui ne sont pas toutes purement et simplement
anima convemt.
synonymes. La convenientia est la détermination la plus
Le sens du verum se scinde en trois déterminations fonda
mentales : 1 ° le verum est fondé sur la res avec laquelle l 'âme
générale de la relation de chaque être à l'âme, à l'esprit, etc.
s'acco�de ; 2° id quod formaliter rationem veri perficit1 ; il est
Le terme de convenientia est à retenir car on verra que ce
mot possède en fait un double sens et que c'est précisément
ce qm constitue formellement la perfectio de l 'être-vrai, le
verum étant alors identique à la rectitudo ; 3° secundum effec
cette équivocité particulière qui rend possible avant tout un
tel point de départ. La convenientia est le fait, pour un étant,
tum consequentem ; et sic dicit Hilarius, quod verum est decla d'être relié à un autre étant, de renvoyer à lui dans un rap
rativum et manifestativum esse2• En un troisième sens, être port de dépendance mutuelle.
vrai signifie être manifestant (manifestativum esse), declarati
vum esse : mettre un étant dans la clarté. 1 ° En un sens, la determinatio de la convenientia vise
La question est de savoir laquelle de ces déterminations l'intellectus ; dans la mesure où la convenientia concerne, en
fondamentales correspond à l'être proprement dit du verum. tant que caractère du verum, le connaître, ce dernier doit
La façon dont saint Thomas s'y prend pour trancher cette être déterminé du point de vue de la convenientia, et saint
Thomas qualifie cette déterminité d'assimilatio intellectus ad
r m 1• La proportio, le fait d'être rapporté à la chose elle
que stion est caractéristique de la transformation que la sco
_
lastique a fait subir à Aristote. En considérant seuleme n t
l'élément mentionné e n premier, nous allons chercher à voi r même, fait partie de la natura de l'intellectus, et avoir saisi la
dans quelle mesure se manifeste, dans ces différenciations l a res comme cognita fait partie de l'être de l'intellectus.
tendance qui va dans l e sens de cette détermination qui a fi n i 2° 1 1 est nécessaire ut res intellectui correspondeat2• L'intel
z, tus est, dans son être, orienté sur la res tandis que la res, de
par prendre l'ascendant.
Pourquoi le fait de renvoyer à l'anima - et à l 'anima vue n côté, correspon d à l 'intellectus. Ces deux guises de l'être
précisément dans la perspective de l 'intellectus , dans 1 -
mble dans l 'orientatio n mutuelle de l'un sur l 'autre se
nt appr hencler, compte tenu de leur nature, de façon
l . Ibid.
2. Ibid. (Selon l'effel consécu t i f. Et c'est n ' s ns qu sa i n t l l i la i r · c .J i t : 1.1• 1 . Ibid.
vrai fait clairement voir l'être, el le 111011.ifes/e. j . Ibid.
1 90 Retour à Descartes Retour à l'ontologie scolastique 191
concise comme une conformitas 1 • Cette conformitas a été choses, mais doit être conçu comme ce en quoi se rencontre le
[172] caractérisée, dans la philosophie judéo-arabe médié verum au sens de convenientia completa. Sicut sanum per prius
vale, ou plutôt dans ses traductions latines, en termes d'adae dicitur [173] animali1, on appelle sain, au sens premier, un
quatio. D'où la formule : adaequatio rei et intellectusz. La vivant, même si nous disons aussi qu'un remède, en tant
conformitas, qui se constitue aussi bien du côté de l'anima qu'effectiva sanitatis2, est sain eu égard à sa capacité de rendre la
que du côté de la res, est en un sens purement formel la santé à un vivant. Ce qui, à proprement parler, est vrai est ce en
convenientia. quoi le sens du verum est achevé.
Appréhendé comme relation, le verum en tant que conve En ce qui concerne la connexion entre la res et l'intellectus,
nientia comporte trois moments : 1° la relation comme ratio elle-même s'accomplit et est effective dans le cognoscere. Or le
formalis, le convenire ; 2° le fundamentum à propos duquel il cognoscere est lui-même un motus cognitivae virtutis3, un mou
peut Y avoir avant tout un convenire : la res ; 3° en même vement de la vertu cognitive qui part de l'intellectus au sens de
.
temps, la cognitio elle-même comme effectus veritatis. Le l'assimilatio ad rem et y retourne. La perfection d'un mouve
concept de verum : 1 ° relativement au fundamentum 2° rela ment est là où le mouvement parvient à son terme. Le mouve
tivement à la ratio formalis, 3° relativement à l'efiectus du ment du connaître va du connaître au connu en passant par la
connaître3, la vérité d'un jugement. Compte tenu de ces trois res et se termine par conséquent dans le connu, tandis que le
��rections, la question fondamentale est de savoir quel est motus appetitivae virtutis4, le mouvement de la vertu appétitive,
1 etre dont le verum est le modus proprement dit. Où le au sens d'une tension qui se porte volontairement vers quelque
verum réside-t-il ? chose, se termine ad rem, à la chose puisque c'est elle qui, d'une
Considérons à présent la question de ce qu'est à proprement manière ou d'une autre, est faite au sens où l'on s'en est
parler le verum. Avant de décider ce qu'il en est, saint Thomas acquitté. Saint Thomas renvoie à Aristote qui relève, dans le De
anima, une certaine circularité entre les différents actes de l'être
de l'âme. Le terminus de la convenientia, le convenire, accède à
commence là encore par une considération formelle : dans
lequel de ces trois moments le verum est-il dit per prius et per
posterius4 ; où le verum est-il, à proprement parler, vrai, de sorte son être dans l'anima elle-mê me, dans l'intellectus ; l'être pro
que le reste ne peut être dit vrai que per denominationem ? premen t dit du verum est in intellectu5• D ans le contexte de
Négativement, l'être que l'on peut caractériser primairement cette interprétation scolastique du verum et de la connais
co:nrne vrai n'�st pas la res. Le modus essendi ne convient pas tiance, c'est là un résultat surprenant au premier abord puisque
.
prrmairement a la res, non semper oportet quod id quod per - en termes modernes - l'être de la vérité et la connais-
ance sont ici transférés dans le « sujet ». L'être proprement
dit du verum est certes in intellectu, mais il est dans l'intellec
prius recipit praedicationem communis, sit ut causa aliorum, sed
illud in quo primo ratio illius communis completa invenitur'.
Pour avoir un fil directeur, il faut remarquer, dit saint Thomas, tus Dei6, et Dieu est lui-mêm e l'ens perfectissimum. Tout le
que ce qui supporte à proprement parler la ratio communis n 'est ·omplex e de la convenientia est vu de manièr e pureme nt
pas nécessairement à comprendre comme causa des autres bjective » et ontolog ique. Sed sciendum, quod res aliter
·omparatur ad intellectum practicum, aliter ad speculativum.
L Ibid.
2. Ibid. 1 . Ibid. ( Pa r exemple sain se d i t d'abord de l ' a n i mal.]
:J. Ibid.
•
1, a r l ic u l us f l .
3. Ibid. Jbirl.
hi n o t i o n de c 1 r /j •11 1
n 'est pas toujours nécessa i re q u e cc q u i reçoit d ' a bord le pré d i c n l
Il 1 1.
com m u n soi t c o m m e l a c a u s e d e s a u t res, m a i ·s cc · n q u o i . . !birl.
i.
com m u n s'acco m p l i t e n p re m i - r. J
Retour à Descartes Retour à l'ontologie scolastique
1 92
1 93
rappor t à l'intelle ct h ina i. n� n de : car son rapport à l'intel lect divin 1 r< 'de son
clans la ch ose avant 1 a se c
la chose extérieure à l'âme. Tandis que dans la saisie intui cependant que de la poursuite du motus de la res vers l'intel
tive, la visée théorique est [ 1 76] fixée sur la chose elle-même, lectus et dans l'intellectus vers soi-même.
dans l'intellectus, cette visée est active au sens propre du
terme, elle est là en tant qu' actus : quando incipit judicare de
[177] Vous devez, à chaque étape de l'interprétation, ne pas
oublier que J'analyse que nous conduisons est en quête de
re apprehensa, tune ipsum judicium intellectus est quoddam caractères d'être et que nous nous interrogeons, pour reprendre
proprium1• Ce n'est que de cette façon que l'aequalitas pro les termes de Descartes, sur la res cogitans en cherchant l'esse
prement dite des diversorum est atteinte et que se constitue qui constitue l'esse de la res en tant que telle. Nous avons été
la convenientia proprement dite. amené à préciser notre problématique lorsque nous nous
Cette interprétation du point de vue aristotélicien selon sommes aperçu, en analysant l'error, que l'error était un esse
lequel l'être de l'àÀ:118i:t: a est dans la ôtavma2 manifeste la ten déterminé comme un non esse creatum. C'est la raison pour
dance de la scolastique à fonder en toute autonomie des pro laquelle la res cogitans, considérée comme un être au sens de
positions qui se trouvent simplement chez Aristote et qui ne l'esse verum, s'identifie à l'esse creatum. Elle est en même
peuvent être fondées en réalité qu'en prenant en compte tout temps un esse perceptum. Ces deux déterminations d'être fon
le complexe des orientations du questionnement du cher damentales sont liées entre elles. Nous avons établi que le fon
cheur. Toute l'argumentation montre que saint Thomas veut dement de ces deux déterminations n'est autre que le verum.
maintenir en place l'autorité d'Aristote et est conduit pour ce Comment l'esse creatum et l'esse perceptum sont-ils posés l'un
faire à fonder toute une théorie de la convenientia. et l'autre dans le verum ? C'est ce qu'il va s'agir de montrer.
Toutes les déterminations d'être font retour à l'esse creatum.
Nous verrons d'abord que l'ens verum se fonde sur un esse
§ 31. En quel sens le verum est dans l'intellectus dont la détermination fondamentale est l 'esse creatum, lequel
(D e veritate, qu. /, art. 9) renvoie du même coup à un esse increatum. Au début de cette
considération, nous nous sommes demandé quel était le
L'article 9 est cependant bien plus important. Saint Tho contexte dans lequel la question du verum était posée. Le fait
mas y montre que et comment le verum est dans l'intellectus que l'être-vrai ne soit pas orienté sur le connaître ni la validité
dans la mesure où l'intellectus connaît le verum qua cogni de la connaissance, et que le verum soit au contraire déterminé
tum, ce que Brentano a appelé conscience i nterne : chaque fondamentalement comme un modus entis, a une importance
cogitatio est en même temps un savoir de soi-même. Ce redi capitale. Pour la problématique ontologique médiévale, le
tus, ce retour en soi-même appartient, à titre de trait distinc verum est placé sur le même plan que les déterminations
tif, à l'être spécifique de chaque étant qui est un être comm e l'unum, le diversum, la res, le bonum, l'ens. Ce sont des
spirituel. Le reditus in se ipsum a été transmis au Moyen  ge déterminations que le Moyen Âge appelle des transcendentia,
par le traité pseudo-aristotélicien Liber de causis. Puisq u e 1 s transcendantaux parce que ces déterminations se situent
l'intellectus est u n être qui saisit conjointement e t explicite au-delà de toute déterminité d'être concrète et déterminent de
ment ce qu'il appréhende comme tel, l'être du verum connaît 1 ur côté tout être. Dans cette perspective, le pulchrum n'a pas
un position cent rale, et est traité le plus souvent en liaison
av c le bon.u.m, et cela à vra i dire sous l'influence du néoplato-
une élévation caractéristique : il n'est pas seulement
conscient, mais élevé à la conscience de soi. I J ne s ' a g i t là
1 1 i m ( Pse u d o- De n ys l'A réopagite). Nous avons d'abord
l . ibid. [ Lorsque l'intellect commenc e à juger d e la chose appréhen
dée, �lors
mon l r q ue l e verwn e s t u n modus generalis entis in ordine ad
2. A ri stote, Métaphysique, E 4, 1 027 b 7.
ce J ugement même de l'intellect est po u r lui un certa i n propre. ! 1/iud au n d la Of! venientia. U n exa men plus approfondi
< J ' h con venin1tin I ' la ·m-respon len. tia, cl l 'assimilatio et de
1 96 Retour à Descartes Retour à l'ontologie scolastique 1 97
la conformitas a fait apparaître [178] que la convenientia est utrum veritas sit in sensu ; et videtur quod non. Anse/mus enim
rapportée à l'intellectus, qu'elle atteint son terme dans l'être dicit (lib. De veritate, cap. 12), quod veritas est rectitudo sofa
connu. C'est dans l'ê tre connu que réside l'être proprement dit mente perceptibilis. Sed sensus non est de natura menus. _ Ergo
du verum. Cette reconduction de la convenientia, qui, en tant veritas non est in sensu1• Saint Thomas donne la réponse posi
que telle, reste une relatio même si son centre de gravité se tive à la question posée en apportant par la mên_ie occasion
trouve d'un seul de ses côtés, a une base ontologique. L'être _
des précisions supplémentaires sur l'être du verum in mtellectu.
proprement dit du verum est reconduit à l'être de l'intellectus. Premièrement : In intellectu enim est sicut consequens actum
Il faut bien comprendre que l'être du verum est à proprement intellectus2 l'être de la vérité est dans la saisie elle-même. Deu
parler dans l'intellectus si l'on veut comprendre les autres xièmeme;t : sicut cognita [vera] per intellectum ; consequitur
questions que pose saint Thomas.
namque intellectus operationem, secundum q �od judicium
Quel est alors l'être originaire où repose ce qu'est propre
intellectus est de re secundum quod est ; cognoscttur autem ab
ment l'être-vrai. Si le verum esse est proprement in intellectu, intellectu secundum quod intellectus refiectitur supra actum
quel être de l'intellectus est le primo esse à partir duquel se
suum3. Le reflecti de l'intellectus est compris au sens où l'intel
laissent déterminer aussi bien J'originarité de l'être du verum
lect <fait retour sur son acte> non solum secundum quod
que l'être proprement dit ultime du verum ? Nous partons du
cognoscit actum suum4 ; la vérité ne serait donc pas une saisie
proprie esse et faisons retour au primo esse. Dans cette de l'acte, c'est-à-dire d'un acte au sens d'un événement adven
régression, nous parvenons à l'être de l'intellectus au sens de
tice. La réflexion sur un acte est une réflexion dans laquelle
l'intellectus divinus. L' être divin, au sens de l'être connais
l'acte est rendu présent secundum quod cognoscit propor
sant, est l'être originaire de la veritas et cela de telle sorte
que cet être originaire détermine l'être proprement dit du
tionem eius ad remS, en tant qu'il se rapporte à ce qu'il saisit.
Dans la réflexion de l'intellectus sur cet acte lui-même, la chose
verum en l'homme, et ensuite l'être improprement dit du
en cause qui est saisie comme vraie par cet acte est �année
verum dans la res. Ce n'est qu'à partir de l'être originaire et .
conjointement à l'intellect. Ce reflecti opéré dans la saisie e11e
proprement dit du verum qu'il est possible d'entendre pour
quoi, et à quel titre, la res peut être elle aussi dite vraie. Cette même ne peut alors s'accomplir que si l'intellectus est tel qu'. i �
considération nous reconduit à l'esse Dei et, concernant cet saisisse sa propre natura : quae cognosci non potest, nt�l
cognoscatur natura principii activi, quod est zpse .
_ mtellectus, in
être fondamental, la dernière question qui se pose à nous est
de savoir comment l'être de Dieu est déterminé catégoriale cujus natura est ut rebus conformeturf>. Cette natura se trouve
1 . Tbomas d'Aquin, De veritate, quaestio I, articulus IX. (En neuvième lieu, il
ment et comment l'être de la vérité est incorporé à cet être
de Dieu. Notre considération se termine donc par cette q ues st demandé si la vérité est dans les sens ; et il semble que non. Anselme dit en
tion : quel est l'être de Dieu, et comment la problématique f(et que « la vérité est une rectitude que seul l'esprit peut percevmr ». Or les
8
2. Ibid. [(La vérité) est en effet dans l'intellect en tant que consequence de
scolastique détermine-t-elle cet être ? ns n'ont pas la nature de l'esprit. La vérité n'est donc pas dans les � ens.)
l ' l n l · l l ec t porte sur la chose telle qu'elle est ; et elle est connue par l mtellect en
dans l'intellectus. Puisque l'intellectus est le terminus cognos
cendi, le lieu où le mouvement de connaissance s'achève ,
4. //Jirl. [ Non se ulement e n tant qu'il connaît son acte . ]
t n n t. q ue l ' i n tellect f a i t re t o ur sur son acte.)
dans la conformitas. Le psychique n'est pas considéré comme particularité de faire retour à leur être véritable dans un
un passage où se déroulerait une histoire qui ferait qu'il sorti retour complet. Cette reditio completa constitue la perfection
rait de lui-même pour aller vers quelque chose <l'étant, mais d'un être de ce genre dans la mesure où, par cette reditio,
être dirigé en vis-à-vis sur la res appartient à la nature de tout l'étant que l'intellectus saisit est en même temps recueilli
l'intellectus. Cette ouverture à [180] l'étant n'est pas quelque et possédé en propre. Par cette capacité à recueillir en même
chose qui serait ajouté de l'extérieur, mais coappartient à l'être temps [181] l'objet qu'il connaît et saisit, cet étant croît lui
de L'intellectus lui-même. C'est précisément dans la mesure où même en amplitudo, en amplitude d'être. La pierre n'est que
l'intellectus réfléchit sur lui-même et prend en vue la proportio selon une guise déterminée, elle n'a jamais pour soi l'étant
ad rem relativement à lui-même, qu'il voit la veritas, et c'est sur lequel elle repose ; elle est simplement avec cet être, à
dans la mesure où il la voit, la perçoit, que cette dernière est côté de lui. In hoc enim quod cognoscunt aliquid extra se
reprise dans l'être de l'intellectus. positum1, par la connaissance, ces étants sortent d'eux
Cette détermination devient encore plus nette : Sed veritas mêmes. Dès qu'un étant possède en propre la capacité de sai
est in sensu sicut consequens actum ejus ; dum scilicet judi sir conjointement son acte de saisie, de redire in cognitum -
cium sensus est de re, secundum quod est ; sed tamen non est dans les sens déjà incipit redire res sentiens il commence à -
in sensu sicut cognita a sensu1. Dans la perception sensible, le faire retour en soi (cf. Aristote sur l'T]ôovTj - le fait de se
perçu est sans doute là de cette façon, c'est-à-dire qu'il est là sentir en tel ou tel état) . Mais la reditio completa fait encore
comme vrai dans la mesure où la perception parvient à son défaut, et cela à vrai dire parce que l'être du corpus prend
terme en percevant et est vraie en tant que percevante. Mais fonctionnellement part à cet être spécifique que constitue,
dans la perception sensible, l'être-percevant et la chose per pour le sensus, le fait de sortir de soi. Parce que ces moments
çue ne font pas l'objet d'une réflexion de la part de la per corporels coappartiennent à l'être qui saisit, ils font aussi
ception elle-même. Si enim sensus vere judicat de rebus, non obstacle à un redire véritable j usqu'à lui, alors qu'au
tamen cognoscit veritatem, qua vere judicat2• Dans la percep contraire la substantia sciens n'est pas liée à la materia, mais
tion sensible, on perçoit sans doute également que la percep est une pure forma, par où il faut entendre un mode d'être
tion est en cours d'accomplissement. Mais cette perception qui comporte aussi peu de coactatio que ce soit, et qui, pour
ne perçoit pas naturam suam (. . . ) nec naturam sui actus, nec cette raison, porte en soi l'entièreté de l'être possible, et cela
proportionem ejus ad res (. . . ) . Illa quae sunt perfectissima in d'autant plus que cette forma est l'ens absolutum. L'être pro
entibus, ut substantiae intellectuales, redeunt ad essentiam prement dit du verum est déterminé dans l'intellectus suivant
suam reditione completa3, <les étants les plus parfaits>, ces deux perspectives, à savoir : 1 ° le connaître est le terme
comme les substantiae intellectuales, ont un être qui est pour pour la convenientia, 2° le connaître est lui-même connu.
soi, qui fait retour à soi, tout en étant à vrai dire codéterminé
par le fait de connaître quelque chose. Ces étants ont pour
1 . Ibid. [Mais la vérité est dans les sens comme conséquence de leurs actes,
c'est-à-dire tant que le jugement des sens porte sur la chose telle q u'elle est. ;
mais cependant, elle n'est pas dans les sens comme connue par les sens. ]
2. Ibid. [Si les sens j ugent en effet des choses en vérité, cependa n t i l s n ·
1 rntellect humam proprement mais secondai. remen t ; et dans les choses, i m pro d ve Joppe cette considérat ion complémentaire qui détermine
, 3 . ibid. [La vérité qui se dit des choses re l a t i ve m e n t à l ' i n te l lect h u ma i n es l ,
prement et seconda1re111e nt.]
nv-ar1t tout l 'originarité de l 'être du verum.
.
4. Ibid. [M ais la vérité q u i est d i te d'el les re l a t i ve m e n t à J ' i n t • I l 1 divin leu r
J. li Ir/. 1 1 2 1 1 •s n
d une certa111e façon, accidentelle pour les choses . ]
dn 1 1s I' I r ·. 1
qui les
pr
1 ° u v , 11·1 ·n ff t subsis 1 e r q u e par l ' i ntel lect d i v i n
e t com m u n i q u ée i nsé parablem ·n i . / >U U Î I
202 Retour à Descartes Retour à l'ontologie scolastique 203
Le résultat de l'article 4 est en r ésumé le suivant : la vérité 1 1 1esure où elle est, une qualitas sur le fondement de laquelle
qui peut être attribuée à la res dans le sens où elle appartien l instaure l'aptitude à l'adaequatio intellectus ad rem.
inseparabiliter aux choses, à la res en tant que res en tant Saint Thomas obtient ainsi, pour tout ce qui est, un concept
qu'elle subsiste, doit être reconduite en dernière instance à l 1 1ndamental de vérité qui se ramène en définitive au rapport
du ausare et du causari au sens d'un faire qui produit et met en
/11rme. Le quid pensé et créé par cet inte�lect es� l'être �r�i a�
l'intellectus divinus quasi ad causam, ad humanum autem
quodammodo quasi ad effectum, inquantum intellectus a
s ·ns originaire. La considération complementalle destmee a
rebus scientiam accipit1• L'intellectus [ 184] humanus a une
tout autre relation à l'être de la convenientia et de la res q u e 1 1 1ontrer que tout ce qui est est en réalité vrai fait apparaître
l'intellectus divinus. Ces relations sont cependant caractéri que ce n'est pas seulement la res, mais aussi l'intellectus [185]
sées l'une et l'autre en tant que convenientia. La convenientia qui dépendent, au sens de la derivatio, d'une vérité à laquelle la
relativement à l'intellect divin signifie que celui-ci est la "'fiiO de la res est soumise1. Ce n'est q u' a u sein des creata �ue
_
l'iritellectus occupe la position privilégiée qui est la sienne ; il la
p ·rd relativement à l'una veritas. L'aspect de chaque chose, son
causa tandis que l'autre est un effectus . Si par conséquent on
prend la vérité en son sens véritable et originaire de l'être du
verum en Dieu, alors omnia, toutes les choses son t fonda nltience, n'est rien d'autre que l'imitation de l'ars2 de la
1 nm cience productrice de Dieu. En effet l'essence per formam
par laquelle une chose est ce qu'elle est et est, en tant que telle,
mentalement vera, vraies. Tout ce qui est est vrai relative
p réhens ion v r ai e
_
2. Ibid. [ Mais si l'on prend la vé r i té propre m e n t d i t · se lon l aq uc l i ' i 's ·hos ·s J. li id. l Est le n a t ure à a user une a p
science a partir des choses.) • • • • A
de so1-rneme dans
I ' 1 1 1 • I l • l hu m u i n . I
âmes. Et si l'on prend la v rit i rn propr · m •nt dit , s · I o n 11 . /lllt i. \ l n l u • n t l • u r 1.: n t i t dn n s i' u r
sont dites vra1es seconda1rement, alors les véri tés de pl usi · u rs chos ·s v rn i ·s sont
ua t i on . I
n t ion.l
\( L i
_ _
laquelle toutes les ch ses ·ont di tes vrai 'S, <1lors 1 s v r i t d , plusi •111-. · h os ·s
pl usieurs clans diverses
·q
v r "l u t ion cl\1d
vra ies so n t p l us i u rs, m a is l a v r i t 1 ' 1 1 1 1 · chos · vra i · est u n i q 1 1 '- I
ri1�) njout · u11 •
/), // /ri.
· · 1 1 1 1.
Retour à l'ontologie scolastique
204 Reto4r ,
a Descartes 205
il l1
. ·
. part de Ion a, un mtellectus
. 1 1 ecl . .1 '.• 1. l
1 a motzv atw la teneur rea bjectif dans cet être de l'esse creatum.
1 '"' vu s fondamentales sont capitales pour entendre quoi
a11er a, 1, mte
revanche on ne peut pas . , 1 e pour , · ,
dire que la cecite contien n u 1 w
, 1 e positive sur l
·
. .
· ·1 1 1
·
. e fondement de laquelle la
teneur rea · q 1 1 i ,. ' it à la scolastique ; tous ceux qui vivent au sein de
.
.
pourrait motiver qu'un intel . . . : 1 •1•1 1 1 ' ' • 1•n1111 1 xions considèrent qu'elles vont tellement de soi
' Il' 1 r us n t comme inadéquate toute façon moderne de
lect la saisisse. Quand 1e
caeclt. as, il n ,y a dans le ve1- . dis
a nen qm s01t comme un 11101 1 1 · 1 1
·
. .
. .
,
. . ,
, i. f de 1 a privQ elle. La vente ne prend 1 as 1 1 1 1 1 1 nl q u i part d'un être pour aller vers un autre.
,
· ,
. serait mot · .
t
. . ·
u r l 'esse creatum permet d'appréhender
l' m tellectus d ' u n n i i l
•
A saisie
1 1 • ' ' l 1 1 1 li l ' l l u n ·ens qui i nclut formellement la conve
vatw a, etre
. . lVe, e par
. .
.
. . e aussi positiveme nt en r l i 1 1 ' ' ' ' " I " . l 1 1 1 •1 1· ' 1 1 1 ii generales.
t e Il e que ce dermer sais1ss .
don t 1 a pnva tw est privatio , M . 1
. A ... C
.
ais a pnvatw e 1 1 - in
epen l a n l
trouve pas d ans 1 e verw---_.
, · �c. lm-meme .
an droit qu'il n'y a a u L 1 1 H' 111• 11tl
mesure o u on peut dire à b . .
. .
2 . Ibid. p n va l lons ( . . . ) 1 111 1 111 1
1. Ibid. [Mais les négations ou l e
'!;; c
.
ln chose, 2)
n 'o n t · t J ni tiu ' lu
( La vérité
p1 1s I véril l. rouv l a ns les choses créées ne
§ 33. Les possibilités de dé der à une remotio. L'idée de Dieu est orientée sur l'idée de
termination de l 'être
de D ieu au regard de l 'on .1'implicitas D ei. Dieu est compris par ava� ce �o�m � un e�s
tologie aristotélicienne
(Su mm a the olo gic a, /, qu
. II, u. Ill)
simplex [189] de sorte que la remotio consiste a ehmmer pre
çjsément la compositio de toutes les déterminations d'être
C?m� ent toute l région de q ui sont celles de l'être du monde tel qu'il est accessible de
aussi bren la totaht_ e� de l
l'ens creatum, qui compre nd p r i me abord. Cette caractérisation vous mont�e déjà que
res qu e I'intellectus qu a res, [1 88 j
co?1me n� tou �e cette reg , �10n de l'être du monde tel q u'il est accessible est compns au sens de
, ? No us l 'esse creatum est -el le eJI produire, mettre en forme. Compositio est compositio ex mat:
°? em e determmee '
que 1 exi ste nce de Dieu n'e tique dans la forme que lui a donnée saint Thomas. Il � st à
en est , nous nous apercevo
ns .
st pa s tant la source à partir
a, 1 , m
.
laq ue lle l'être de l'ens creatu de noter que dans la philosophie grecque, on dit certes aussi que
,A . m est déterminé , ma1s· que c ' l !iv, le KaÀÛv, l 'àya86v sont des déterminations qui app � rtien
�erse J, etre de ? 1eu qw. est lui -m êm e déter esl
cer tam e preconcept10n de miné pa r u n e n nt à l 'être comme tel, et qu'elles sont dans une relation de
f�n ? amenta�e montre qu e
l 'être du créé. Cette con sid r versibilité, l 'une pouvant être mise à la p lace d'une autre,
éra tio n
. l 'être apparemment origin mais chez Aristote il n 'y a pas trace de la moindre deductio.
d� nve e1: rea hté de l 'esse creatum à traver ai re
de ter mm . s une mé tho de Revenons à l ' être de Dieu. Si nous nous intéressons à cet
ee. C'e st là à proprement
au ra �out �°?e d 'ap pe ler plu pa rle r le sol de ce q u 'on ' tre, ce n'est pas dans une perspective théologique, mais
remot!? (eh ?'u. nation] des car d la théologie négative : u n e 11 u s nous focalisons sur les déterminations de l'existence de
s tar
actères d'être inc om pa tib
avec l 1de_e d un ens absolutum l s i eu et de son être seulement pour y découvrir le sol à partir
P o ur ef�ectuer cette remotio d u q u e l Dieu est déterminé, Dieu étant compris comm � c� usa
i.
v� ? un ens absolutum, ne 'fficiens, comme ens creans. En effet �ans la mesure o � 1 etre
. . il faut déjà avo ir q u e l q u e iclé A
p �slt1 ,
d un cntere permettant de serait-ce q ue po u r d is pos r d D i e u d o i t être attesté démonstrativement, cette demons
dire s'il y a J i e u ou n o n de t ra t i n a b e so i n d e s ' appuyer sur quelque chose. Ce à par
t i r 1 q uo i la d é m o n s t r a t i o n s e développe, l'étant qu'est le
p roc
pli�tu�:.omas d 'A q u i n , Summa theo
logica, par prima, q u a s r i o 1 1
1 : Oe lei ,,.;111• n1on.de, d o i t j l 90 1 ê t re a m e u b l i. et a r t ic u lé . Demandons-nous
1u 1 sl l ' r,11-,: ière-p lan d ' Atre q u i s u ppor t e o n t ologi q ueme n t
208 Retour à Descartes Retour à l'ontologie scolastique 209
« tout à la fois » et l'être de Dieu et l'être du monde et l'être La troisième preuve vise l'esse Dei comm e un esse necessa
de Dieu dans son rapport au monde. rium per se, non ab alio, le monde étant considéré comme un
Saint Thomas a présenté ce qu'on appelle en bref la étant qui, à de nomb reux égards, peut ou bien être tel ou
« preuve de Dieu » à plusieurs endroits : dans la première bien autrement parce qu'il peut être possib le selon différentes
partie de son Commentaire des Sentences, très clairement perspectives. Une nécessité dernière doit correspondre à ce
dans la Summa contra gentiles, en détail dans la Summa theo pouvoir être possible selon différentes perspectives. Ces remo
logica, I, quaest. II, art 31 : Utrum Deus sit. La question est de tiones se confortent mutue llemen t à partir de la première
savoir quels sont, en ce qui concerne l'être dont prend issue détermination.
la tâche qui vise à saisir l'être de Dieu, les caractères d'être Dans la quatrième preuve, l'être de Dieu est déterm iné
ayant la fonction de fundamentum. Dans ce texte, saint Tho comme un maxime ens, comme un summum ens, le mond e
mas donne cinq preuves. Cela veut dire qu'il considère l'être présen tant différents degrés d'être. Chaqu e étant rencontré
du monde dans cinq perspectives différentes et qu'il envisage dans le monde est toujours ce qu'il est dans une appropin
Ê
chaque fois l'être de Dieu selon une modalité déterminée de quatio déterminée ad aliquid quod maxime est. tre-coloré
ce monde en opérant une remotio. ou avoir telle ou telle forme a en soi la signifi cation d'une
Première preuve. L'être de Dieu comme primum ens immo appropinquatio d'un maxim um, d'une valeur limite . Cette
bile movens (cf. Aristote, Physique vrn : np&rnv Ktvouv appropinquatio manifeste en tout étant exige par consé quent
àKivrrrov2, certes dans un tout autre contexte). On accède à ce que ce maxim um lui-mê me soit.
primum ens immobile movens en considérant le monde comme Cinquième preuve : à côté de cette détermination, il y a
quelque chose qui se trouve là au sens d'une res où se montre dans l'étan t une certaine gubernatio rerum propter finem . Les
quelque chose comme un moveri. Le monde est vu comme un choses sont à chaque fois orientées, en fonction de leur
être en mouvement, le mouvement étant pris au sens large de caractère d'être et de leur déterm inatio n, vers une certai ne
µi::ta�oÀ� . La preuve est conduite de manière complètement fin où elles atteignent ce qu'elle s sont véritableme nt. Elles
formelle, ce qui signifie qu'il n'est pas du tout question d'un ont codéterminées par une finis, par une fin où l'être est
quelconque rapport religieux de l'être humain à son Dieu. véritablement ce qu'il est, et vers laquel le tend chaqu e étant.
Tout mouvement requiert un moteur et puisque ce processus En termes grecs, l 'être qui forme le sol de la preuve de
ne peut pas se poursuivre à l'infini, il faut qu'il y ait un primurn <l'existence de> Dieu est Ktvouµi::vov, no10uµcvov, µcta�ÀTJttK6v,
movens, et ce dernier est Dieu. Ce n'est pas la preuve elle KaÀ6v , téÀEtoV. D ans ces caractères, on peut aperc
evoir en
même qui nous intéresse, mais uniquement ce qui en constitue toute netteté les catégories essent ielles à traver s lesque lles
le sol, en l'occurence la res dans le caractère du moveri. l'ontologie grecq ue appréhende les npayµata, les chose du s
La deuxième preuve vise Dieu comme causa efficiens prima. ommerce immé diat, les choses telles qu'ell es se donne nt là à
Le monde qui est là est vu comme une concaténation de [1 9 1 ] portée de la main .
causae efficientes (notciv - naoxi::tv) . Le monde consiste en [ 1 92] Que l 'être au sens des catégories fondamentales de
chaînes d'efficiences, être signifie produire un effet. Cet être l'ontologie grecque soit bien le sol à partir duquel l'être de
requiert, à titre d'explication ultime, une causa e.fficiens prima ; ieu est déterminé, c'est ce qui apparaît en toute lisibilité dans
la quaestio ' su ivante où le problème est de savoir
l'étant qui met lui-même en œuvre <l'ensemble de la série> ce qu'est
doit avoir le caractère de la causa efficiens prima . i u à propre ment parler , ou encor e comment déterm iner cet
:
I l , a r t i u l us I l l . 1 . Thomns d ' A q u i n , Surnma theologica, pars p r i m a
, si
quae t o L J J De dei sim
1 . Thomas d'Aquin, Swnma theologica, pars p r i m a , q u ac s t i o
2. Aristote, Physique, v 1 1 1 5, 256 a 9 ; 7, 260 a 5. pli ' Î l t l l '.
210 Retour à Descartes Retour à l'ontologie scolastique 21 1
être de Dieu. Saint Thomas considère que l'être de Dieu est considérer qu'une) s'appuie sur les conclusions de la quaestio
un e�s simplex excluant toute composilio en quelque sens que précédente, à savoir Deus est le summum bonum non per par
ce s01t. Nous n'allons pas envisager cette quaestio dans sa tota ticipationem, et ne peut donc contenir aucune materia. Le prin
l �té bien qu'elle soit de la plus haute importance pour la ques cipe d'individuation n'est pas la materia mais son être
tion �t les connexions qui nous occupent. On voit que spécifique en tant que forma et qui se fonde sur le fait que
question de la preuve de l'existence de Dieu, la question de ll aa cette forme est telle qu'elle ne peut être accueillie dans aucune
détermination de son être, prend son orientation sur le sol de materia. Le principe d'individuation est certes ici la materia,
l '.être du m�nde auquel elle retourne constamment. La quaes
tw I I I a ceci de particulier qu'elle se réfère constamment à l a
mais elle l'est négativement : dans la mesure où la matière est
quaestio qui la précède, ce qui montre bien que l'être de Dieu
ce qu'elle est, elle ne peut pas entrer de manière pertinente
avec les cinq caractères indiqués, a déjà été fixé. La quest dans la détermination de l'être de Dieu lui-même.
io1;
de savor_ r utrum Deus sil corpus (article 1 ), s'il y a dans l'être L'article 3 comporte la détermination essentielle, à savoir
d � Dieu quelque chose comme la materia, reçoit une réponse que, pour l'être de Dieu, essentia et esse (l'essence et l'exis
_ et cela en se référant à la patristique où ces tence) sont identiques. Il ne peut pas en être autrement car il
neg� tlve : , un questions est parfaitement impossible de faire des distinctions réales en
avaient JOUe grand rôle dans la lutte engagée contre les Dieu. Cette preuve comme quoi Dieu contient son propre
gnostiques et les manichéens. Au Moyen  ge, elles étaient esse repose entièrement sur une conception de l'essentia
devenues plus ou moins sans objet . orientée sur 1 '6pmµ6ç. L'essentia de l'homme, l'humanitas ne
Artic le 2 : utrum in Deo sil compositio formae et mater comprend pas la totalité des déterminations de l'être concret
s'il y a en Dieu une composition de matière et de forme. iae E� de l'homme : non est totaliter idem homo, et humanilas.
tant que primum movens, Dieu est actus purus, en tant que L'humanitas est la pars formalis hominis, ce qui implique
maxime ens, il est primum bonum, il ne peut pas y avoir en l u i qu'une autre partie est codéterminante. En Dieu, homo et
de la mat�ria � t il est privé de toute compositio. Le fait que l a humanilas, c'est-à-dire Deus et Deitas sont identiques. L'être
forma s01t pnse (en renvoyant à Platon) comme une guise de la déité en tant que telle est l'être de Dieu. Oportet quod
une transformation essentielle de l'ontologie aristotélicienne.à
d'être, comme étante et constitutive de l'être, correspond Deus sil sua Deilas, sua vita : dans son être même, Deus est sa
propre vie. La question de la détermination de la concomi
�� question s'éclaire à partir d'une des objections (la troi tance de l'essentia et de l'esse avait une grande importance au
sieme) : materia est principium individuationis ; les chose Moyen  ge ; ces problèmes y ont été amplement discutés et
prennent tel aspect déterminé lorsque la forma est délimitée ets c'est pourquoi toute une série de traités nous ont été trans
limitée par la materia. Sed Deus videtur esse individuum ; non mis sur ce sujet comme le De ente et essentia.
enim de muftis praedicatur. Ergo [193] est composilus ex mate [ 1 94] L'article 4 aborde cette question de 1'identitas de
ria et forma '. Cette objection caractéristique montre quel était l.'essentia et de l'esse sous un nouvel angle puisque l'interpré
l� sens fondamental de la catégorie d'individuum au Moye tation n'est plus centrée sur l'être de Dieu en tant que com
Age : non de multis praedicatur. L'esse individui est vu sousn positum possible, mais que l'être de Dieu est compris comme
l'angle de la prédication. Le concept d'individuum a surgi dans u n e détermination directe de l'essentia. Ensuite (article 5) la
ce champ thémati que quant à son caractère d'être, un ques règles déterminées. Cela suppose une régulation (Regel
tionnem ent qu'il va s'agir de motiver , ce que nous allons nahme). La caractérisation de la connaissance comme souci
faire en mettant en œuvre la recherche elle-mê me. devient pour la première fois explicite en toute lisibilité dans
Nous avons obtenu deux choses : 1 ° nous avons déterminé cet être du connaître considéré comme judicare et dans la
en mettant en lumière le sens d'être du verum, ce que vise le' régulation qu'il implique. Cet être en souci, en tant qu'obser
souci de connaître [ 1 96]. Ce souci prend en souci le vrai, vation de la vérité au sens où il s'agit de se soumettre à
l'appréhension de la vérité, la poursuite de la vérité. En sou des [197] règles déterminées, a donc prédessiné des chemins
mettant à discussion le verum quant à son esse, nous avons déterminés à son plein déploiement. En ce qui concerne le
fixé dans son sens d'être ce que vise le souci. 2° Dans la mode d'accomplissement <du connaître> lui-même, puisqu'il
mesure où l'être de la connaissance est une cogitatio et où la s'agit d'obtenir, pour le connaître ainsi compris, un sol qui soit
cogitatio appartient au domaine de ce qui est déterminé conforme à la regula, le connaître doit s'accomplir comme un
comme res cogitans, dans la mesure aussi où la res cogitans continere et un abstinere. Se contenir et s'abstenir, c'est là le
est déterminée comme un esse percept um, où le percept um e n mode d'être spécifique du dubitare. Ce mode d'accomplisse
tant que tel est une res percepta et où la res percepta est ment du connaître prédétermine du même coup le chemin à
conçue comme un verum, dans la mesure enfin où le verum suivre pour s'approprier le connaître. Le dubitare emprunte
est vu dans la perspective de ce qui le fonde, il apparaît que un chemin qui passe par les différents chemins possibles
le caractère d'être de la cogitatio au sens de connaître se offerts au saisir. Sur ce chemin, le dubitare et l'intelligere sont
déterm ine fondam entalem ent comme creatum esse et appar mis en œuvre d'une manière telle qu'ils finissent par tomber
tient, en tant que ce creatum esse, à la res cogitans . La res sur quelque chose d'indubitable, quelque chose qui satisfait,
cogitans constitu e l'être de l'homm e et le caractè re d'être dans son être, à ce que signifie la regula.
de la res cogitans prédétermine du même coup l'être de Pour nous, la question est la suivante : en quel sens le souci
l 'homme . de connaître, compte tenu de l'être du cogitare que nous
Il faudra nous demand er comme nt Descar tes, sur la base avons mis au jour, est-il ouvrant dans l'accomplissement du
de cet horizon, déterm ine plus exactement l'être de la cogni judicare ? Le judicare ouvre-t-il quelque chose au premier
tio, du connaît re. Il nous faudra expliquer pourqu oi J a chef, ou bien se borne-t-il à rendre visible ce dont on est
connaissance est appréhendée chez Descartes en mettan t déj à assuré ? D ans la mesure où il s'avère que le souci de
l'accent précisément sur le j ugemen t, sur le judicare. En quoi connaître n'ouvre qu'en apparence, qu'il se borne à rendre
cette déterm ination, dans cette accentuation, trouve-t-elle sa explicite quelque chose dont on est assuré par avance, la per
motivat ion dans la position fondamentale de l'être d u cée décisive fait apparaître l'être spécifique du souci au sens
connaître e t d e l'homm e ? Dans quelle mesure cette déterm i d'un rassurement. Tous les caractères du souci sont repris
nation fondam entale de l'homme prédess ine-t-el le le chemin dans ce phénomène fondamental. Cet être du souci de
,/
sur lequel, en accomplissant le judicare, on atteint la perfectio connaître révèle en même temps le mode d'être de la vie. Les
hominis qui consiste dans l'assecutio veritatis ? Dans la caractères d'être du souci de connaître qui ont été mis en
mesure où l'être de l'homme est un perfectum esse, m a i s u n lumière sont des guises déterminées de l'être du Dasein. Il
perfectum esse où l 'errare est présent, si b i e n que l e venm·1 (a u t a l ors éta b l i r ce que signijïe Dasein lui-même, ce qu'est ce
n'est qu'un medium esse, l'erreur est quelque chose q u i doit a ra t ère fondamental du Dasein qui s'exprime dans le da de
être surmonté pour que la perfection de l 'h o m m e soi t com Dasein, dan le « l à » de l'« être-là » . On verra qu'un phéno
plète. L'être de l 'hom me doit être délivré de t o u te rr u r. du Oas>in t !' �,Ire-à-découvert (Entdeckheit). L'être
uv 'rt st un a ra l r r ndF1 m ntal cl u « là » et détermine
Pour être parfaite , l a con n a i ssance d o i t ·e o u m l l r à d 's
Retour à Descartes
Le souci de connaissance chez Descartes 217
216
et positivam1• Je
l'être spécifique du Dasein au sens d'être dans un monde. En tum Dei, sive entis summe perfecti realem quod ab omm.
vois en même temps [ideam] nihili, sive
ejus
ayant en ligne de mire ces phénomènes fondamentaux, nous
serons mis en état de discuter concrètement le sens véritable perfectione summe abest2• [199 ] Je vois cet
�tre doub.l � : l'e�s
summe perfectum et le nihil, dès lors �u �
Je �� saisis m01 -
du phénomène qui nous accompagne constamment, le verum,
la 1 e�p�nen ce fond
a
et de voir comment, du seul fait que (198] nous sommes mêm e comme que lque chose. C'e st
nud ite : en . tant qu.e
men tale dan s sa spécificité et dan s sa
nihil ��e 1e ne su�s
nous-mêmes et portons nous-mêmes, d'une manière bien
le
que lque chose, ce n'es t pas rien . J'ai
Je m'expe nm ente �01-
déterminée, une charge d'histoire, cette explication de l'être
dans la perspective de l'àÀ:r10tç a dévié au point de recouvrir pas , il m'est don né du même coup.
pas comme Die u,
entièrement cet être qui a fini par ne plus être qu'un produit même com me que lque chose, mai s non
me co?'1me u� ens
objectif et universel. Nous atteindrons ce faisant quelque sum me perfectum, et je me sais is moi -mê et a vrai. dire la
nt,
chose qui entre d'avance dans les intentions de ce cours, à medium un être situé entre Die u et le néa
rminée que l'êtr.e
situatio� de mon être est tout autant
savoir non pas critiquer, mais ouvrir des phénomènes positifs déte
i perfectum, mai s
un
sur la base de considérations concrètes. La question porte sur entre lequ el je suis plac é. Je suis moi auss
un med ium perfectum ; je suis un ens crea
le caractère d'être de la conscience, et sur le souci dont elle tum et, �n tant que
né�esss aireme �t un
tel, un perfectum, mêm e si ce n'est pas
par-!�1t, qm. est fait d�
procède ; il s'agit de savoir si ce souci de connaître peut légi .
timement prétendre à la radicalité ou bien si ce n 'est pas bien sum me perfectu m. Un fact um qui � s � ,
plutôt le retour au thème du « Dasein » qui va rendre pour la u a une fm determi
part en part, et cela en étan t porte 1 usq
tel aspect. � escart�s
première fois effectives les possibilités de la recherche phé née de lui-même où il présente tel ou
en s'ex amm ant . lm
noménologique. En ce point, nous avons à faire face à un détermine plus avant cet ens medium.
�nt cette res �m est
qm n est pas Die u. Il
problème de méthode : de quel droit avons-nous entrepris même quant à ses pos sibi lités , �n examm ,
d'interroger la phénoménologie quant au caractère d'être que lque chose, qui n'es t pas nen et
de ce qu'elle prend pour thème ? C'est bien pourtant ce découvre che min faisant que la cogitati
o au sen s de vo �u��a�
véri table possib� hte
est cette possibilité d'être où perce la
l'ens me�ium ratwne
qu'il nous faut faire sur la base de l'interprétation que nous .
avons développée, avec cette réserve que la considération d'être : cett e détermination d'êt re de
Dei me �eferre
radicale correspondante, la discussion du fondement de cujus imaginem quandam et si� ilitudi.nem, etre
1 de J? ieu au
intelligo3, où je m'aperçois que J y a:tems . e par ceci que le
A
l 'être, ne pourra pas être menée à bien parce qu'il est
impossible d'engager ici une interprétation de l'ontologie
plus haut degré. Le medium ens se dete
:mm
grecque. a proprement par ler,
mode d'être au sens de voluntas est, ,
Avec nos deux interprétations, celle de Descartes et de en son sen s ven·t able,
parfait. Ce qui constitue la voluntas
saint Thomas, nous avons obtenu, je le rappelle, la détermi
c'es t la determinatio, et la determinati
o comme telle es� une
nation d'être du creatum esse et donc celle du verum, c'est prement d�t est
à-dire ce qui est visé par le souci. Avec le creatum esse, nous determinatio in bon um. Le medium ens pro ectum, mais, en
don c l a voluntas. Cet ens est san s doute
perf
avons obtenu l'être de la cogitatio, et du même coup l 'être de
J . D e scarte s Meditalio IV, op. ctt. ,p. 6"1 . [J e 1·ema rque. qu'il ne. se présente
positive idée de Dieu , ou bien d un et1e
·
l'intelligere, l'être du connaître lui-même . Nous cherchons , _ .
· . d e ce q ui est infini-
. du néan t , c , est-a, -due
2 . fbirl. \ U ne e rl.éli n e idée
ouve raine men l parfa i t .]
. .
négauve
mis en lumière comme creatum esse.
En considérant le fondement d 'ê t r q u i a é t 111 1 a u
111 · n t
p. (-6. \
loi n d tout' sorte de perfection
.)
r ,.
ît re q ue je po te \ imag e et la 1 essem
blanc e
Ù ' ( j 'L I. \
. . Ibid., u i me fai t eonM
j our, l e creare, Descartes d i t : anirnadverto r ideam ] non tan-
21 8 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 219
tant que medium perfectum, ce n'est pas un summe perfec gence des choses afin que soit garantie l 'appropriation effec
tum, ce qui signifie que cet être déterminé a donc une possi tive de ce qui est en cause.
bilité relativement à la perfection absolue. Cet être apparaît
donc comme celui de la voluntas. Dans la mesure où Descartes,
dans toute sa recherche, a en ligne de mire la connaissance et § 35. La régulation du jugement :
voit l'être de l'homme à partir de là, il doit nécessairement la clara et distincta perceptio
déterminer fondamentalement l'être du connaître, et donc comme règle générale du connaître
l'être de l'homme, comme judicium. Car c 'est alors seule
ment que l'être de [200] l'homme se relie, dans son être, à la L'interprétation de l'être du connaître suit des étapes déter
summa perfectio puisque le judicium représente un modus minées dont l'optique conduit Descartes à une conception
volendi. Judicium équivaut à assensionem p raebere, donner [201 ] particulière du connaître entendu comme judicium,
son assentiment. cette détermination étant introduite dans les déterminations
La raison pour laquelle le sens de la poursuite de la vérité fondamentales de l'être de l'homme. Le connaître ainsi entendu
s'oriente sur l'assecutio veritatis est à chercher dans le même prédessine pour lui-même sa propre possibilité d'accomplisse
moment que celui qui conduit à déterminer l'être de ment. Cette détermination fondamentale de l'être du connaître
l'homme en considérant que son être proprement dit est dans comme judicare fait que le judicare doit se soumettre à une
la voluntas. Tous les modes d'accomplissement du connaître règle qu 'il pose de lui-même. L'interprétation de la règle va
en tant qu'abstinere et continere sont déterminés par ce nous apporter une vue plus précise sur le caractère d'être de
même caractère d'être ; et ce qui se trouve du même coup la connaissance en tant que souci . Ce connaître s'accomplit
prédessiné, c'est la manière dont il est possible d'atteindre le sur le mode du dubitare dans le but d'assurer un sol qui soit
non errare en conduisant correctement ses moyens de conforme aux réquisits du connaître. Le connaître ainsi assuré
connaître . Acquérir et déployer un habitus non errandi exige n vient à ouvrir un domaine d'être bien déterminé, celui qui
de fixer constamment le regard sur ce que les règles donnent a été thématisé comme conscience.
d'avance en demandant qu'on l'observe et le suive. Développement de l'interprétation de la régulation <de la
Il nous faudra encore montrer comment la façon de conce connaissance> : ce qu'est la règle, d'où elle vient, ce qu'elle
voir la régulation <de la connaissance> se trouve également implique*. D escartes compte l'idea de la liberté et l'être-libre
prédessinée sur la même base ontologique de l'esse creatum au nombre des expériences qui sont données avec le sum res
et sur la détermination corrélative de l'intelligere comme ·ogilans. Libertatis autem et indifferentiae, quae in nobis est,
judicium. Vous voyez à quel endroit le verum apparaît chez nos ita conscios esse, ut nihil sit quod euidentius et perfectius
D escartes dans son interprétation du connaître comme judi omprehendamus1 . Il n'y a rien qui ne soit saisi evidentius et
cium, et comment il tend à se rapprocher de ce qu'on entend J rfectius que le fait fondamental de la liberté. Descartes met
aujourd'hui par validité au sens d'un être dont on est cert a i n . i i d reche f en avant, dans sa détermination de la libertas, le
Ici s e trouve accompli l e premier pas dans l é loi gn e me n t d u ncept de liberté qu'il a en réalité rejeté : libertas et indife
f
r nlia. ( Descartes était conduit à agir ainsi pour que sa philo-
'
sophie puisse être reçue dans les collèges jésuites. Il s'est maintenant plus précisément cette règle, cette guise qui
efforcé de trouver un manuel approprié qu'il lui a suffi de conduit le verum à se présenter et qui devient du même coup
reprendre pour intégrer en douceur l'enseignement des Jésuites. un critère pour l'assensus. [203]
Les Principes sont un texte mû par des orientations bien 1° Considérons ce mode d'encontre du verum lui-même :
déterminées ; mais d'un autre côté, ce texte est structuré de a) quant à son origine. Où la supposition selon laquelle le
façon très claire et très scolaire pour pouvoir être utilisé dans verum doive faire encontre de telle ou telle façon a-t-elle été
les écoles.) Le connaître doit donc être appréhendé d'une obtenue et puisée ? b) Quelle est la conception de la saisie de
manière telle [202] qu'il puisse être déterminé comme cette la vérité qui confère à la règle sa légitimité ? Comment le
cogitatio qui est un modus volendi, et c'est cette détermina mode d'encontre requis pour le verum est-il soumis lui-même
tion du connaître qui oblige à caractériser le connaître comme à la règle ? 2° Considérons la façon dont la règle est prise
judicium. Le judicium se caractérise par l'assensus, par l'assenti elle-même comme règle, comment un souci bien déterminé
ment donné à ce qui est proposé à la voluntas par la percep s'y fait jour, sous quelle forme ce qui est à régler se trouve
tio . Le connaître pris en ce sens est un mode d'être de l'être posé dans la régulation <de la connaissance> elle-même.
de l'homme, lequel est en même temps confronté à la possi 3° Considérons comment le verum fait encontre dans la régu
bilité de l'erreur. Pour que l'homme puisse accéder à son être lation <de la connaissance>.
proprement dit, il doit s'attacher à accomplir l'être du La règle à laquelle Descartes soumet le connaître est la
connaître en évitant l'erreur. Cela veut dire : il doit y avoir clara et distincta perceptio. Considérons donc d'abord ce que
une disposition et une sûreté telles que là où il y a un non signifie perceptio et ce qu'il faut entendre par clare et dis
liquet, c'est-à-dire un « ce n'est pas clair », le jugement s'abs tincte. Descartes emploie souvent perceptio dans le même
tienne d'assensus . L'habitus doit donc être déterminé plus sens que apprehendo, deprehendo, animadverto : percevoir
précisément comme un continere et abstinere au sens de quelque chose en lui-même. Dans les Principes, Descartes
s'abstenir d'assentir. Dans l'idée de perfectio, se trouve déjà distingue deux modes : le modus percipiendi, le modus
prédessinée la nécessité que ce qui est proposé au jugement volendi1 . Dans le premier modus, il range le sentire, l'imagi
soit donné selon une guise bien déterminée. La question est nari, l'intelligere la perceptio étant prise ici en un sens
-
donc celle-ci : comment ce qui est saisi dans la perceptio doit large qui inclut à la fois l'afoerimç et le pur vodv. Ce dernier
il se présenter pour que le jugement puisse être un jugement correspond à cette sorte de perceptio que vise la regula gene
fondé ? Sous quelle forme le verum doit-il se manifester pour ralis. Pris au sens large, le percipere englobe tous les modi qui
que l 'assensus représente une determinatio in bonum ? La n'ont pas le caractère de la volitio, même s'il désigne aussi
saisie et la présentation de l'être-vrai doivent se soumettre à surtout tout ce qui est saisissable au sens de l'évidence spéci
une direction déterminée au sens où, sous cette direction, le fique : percevoir, intelligere purement chaque chose en elle
vrai se montre comme ce à quoi l'on doit donner son assen ti même. Les modi volitionis : cupere, adversari, affirmare, negare,
ment. Le vrai doit se montrer d'une manière teJle qu' i l dubitare. Une perception qui est sûre au point de pouvoir
devienne possible de décider à son contact s'il est possible ou fonder légitimement un jugement ne doit pas seulement être
non d'y assentir légitimement. Ê tre dirigé en étant soum is à u n e perceptio clara, mais aussi une perceptio distincta. Ces
une règle doit en même temps constituer un critère à l ' a u n d u x perspectives prédessinent donc en quel sens le verum
duquel se décide d'accorder son assentiment ou non. La règl d it fai re encon t re .
qui dirige l'assentiment, et sert de critère, doit comporter u n omment Descar tes détermine+il la claritas ? Il le fait à
indication de la manière dont la vérité doi t: fa i r e ncon l r ·
pour être à même de recevoir u n as ntim n t . on id ro n s 1. Jhirl. . * . . p. 1 7 .
222 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 223
l'aide des moments [204] qui entrent dans la caractérisation du Le distinctum est le moment spécifique correspondant à la
mode <l'encontre du verum1• 1 ° Le perceptum est ce qui est claire délimitation du clair lui-même. Il y a des perceptiones
saisi par un acte de saisie orienté expressément sur lui, par une claires qui ne sont pas par là même distinctes, mais il ne
mens attendens, par un esprit en tension vers une saisie qui est s'en trouve pas qui soient distinctes sans être claires parce
vivace lorsqu'elle tend à saisir en lui-même ce qui est à saisir. que la distinction est un moment fondé sur la clarté. Des
Il y a aussi des perceptiones qui manifestent une certaine pré cartes l'illustre sur un exemple1 qui donne une indication de
sence, qui donnent quelque chose qui est là, mais où peut la restriction que ce critère introduit en propre. Lorsque
manquer l'orientation qui tend à saisir expressément ce qui est quelqu'un ressent une douleur intense, la douleur est alors
donné dans la perceptio. La perceptio doit nécessairement, si absolument claire pour lui en tant qu'elle est là, mais elle
tant est qu'elle doive être claire, prendre expressément ce qui n 'est pas nécessairement distincte. La plupart du temps, les
est à saisir dans le mouvement même où elle tend à s'accom hommes confondent ce qu'ils saisissent dans une claire sensa
plir. 2° Le perceptum doit, pour la saisie ainsi caractérisée, être tion de douleur avec un jugement obscur sur ce qui, en un
présent. L'être qu'il s'agit de saisir ne peut pas m'être donné sens, est donné en même temps que la claire sensation de
sous la forme de quelque chose dont je me souviens. Je peux douleur, comme lorsque nous disons : la dent me fait mal, la
me souvenir de quelque chose, ce dont je me souviens peut jambe me tiraille. La douleur est donnée ici de façon absolu
être donné clairement et même distinctement dans Je souvenir ment claire, mais elle n'est pas donnée distinctement : je
lui-même ; même si le souvenir peut donc donner l'étant lui localise la douleur dans la dent alors qu'elle concerne en réa
même, il n'a pourtant pas la capacité de donner l'étant comme lité la res cogitans ; tandis que la douleur ne se donne phéno
quelque chose de présent. La pure représentation de quelque ménalement, en l'occurrence, que dans la dent.
chose, qui donne son objet sans omettre aucun de ses Cet être de la connaissance comme judicium, c'est la
moments, n'a pas non plus ce pouvoir. 3° Le perceptum doit liberté de l'être humain en tant qu'être connaissant. L'être
être là comme une res aperta. Descartes veut dire par là en libre est une propensio in bonum, c'est un être qui a la possi
tout état de cause (nous n'examinerons pas ce point plus en bilité de l'errare. Mais cette propensio a besoin d'être dirigée
détail) que le perceptum gît là ouvertement, il est là en lui de façon à être contenue dès lors qu'elle n'a plus aucune légi
même sans être recouvert en aucune manière et n'est pas non mité. Cette direction doit être donnée à l'être du connaître à
plus donné indirectement. 4° Ce qui gît là-devant en étant titre d'élément fondamental, elle doit fournir à l'assentiment
ouvertement présent doit être perçu d'une manière telle qu'il le sol auquel il assentit, et le fournir en réalité d'une manière
puisse satis fortiter movere l'acte de saisie dirigé sur lui . Ce qui telle que l'assentiment, tout en donnant son assentiment à
est saisi doit être présent et ouvert à un point tel qu'il prenne soi-même, sache en même temps clairement qu'il assentit à
pour ainsi dire dans ses filets le percipere qui va pour le saisir. bon droit. La règle qui doit régir le don préalable du fonda
Ces quatre moments caractérisent la perceptio comme une mentum pour le judicare doit consister en ceci qu'elle garan
perceptio clara . Pour être distincta2, une perceptio doit être
t i t le mode <l'encontre du verum pour le judicare et le
garantit d'une manière telle qu'il devienne possible de déci
elle-même claire. Le moment du distinctum consiste en ceci
der si le judicare doit effectivement donner son assentiment,
ou bien s'il doit au contraire le refuser.
que la perceptio est sejuncta et praecisa, qu'elle diffère telle
ment des autres perceptiones que la tot alité de l ' horizon de
clarté de la perceptio [205] se trouve du même cou p assu rée.
p. 2 1
2. Ibid. 1 . 1/Jid. * 46, p.
1. Ibid., § 45 , sq.
.
222 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 223
l'aide des moments [204] qui entrent dans la caractérisation du Le distinctum est le moment spécifique correspondant à la
mode d'encontre du verum1 • 1° Le perceptum est ce qui est claire délimitation du clair lui-même. Il y a des perceptiones
saisi par un acte de saisie orienté expressément sur lui, par une claires qui ne sont pas par là même distinctes, mais il ne
mens attendens, par un esprit en tension vers une saisie qui est s'en trouve pas qui soient distinctes sans être claires parce
vivace lorsqu'elle tend à saisir en lui-même ce qui est à saisir. que la distinction est un moment fondé sur la clarté. Des
Il y a aussi des perceptiones qui manifestent une certaine pré cartes l'illustre sur un exemple1 qui donne une indication de
sence, qui donnent quelque chose qui est là, mais où peut la restriction que ce critère introduit en propre. Lorsque
manquer l'orientation qui tend à saisir expressément ce qui est quelqu'un ressent une douleur intense, la douleur est alors
donné dans la perceptio. La perceptio doit nécessairement, si absolument claire pour lui en tant qu'elle est là, mais elle
tant est qu'elle doive être claire, prendre expressément ce qui n'est pas nécessairement distincte. La plupart du temps, les
est à saisir dans le mouvement même où elle tend à s'accom hommes confondent ce qu'ils saisissent dans une claire sensa
plir. 2° Le perceptum doit, pour la saisie ainsi caractérisée, être tion de douleur avec un jugement obscur sur ce qui, en un
présent. L'être qu'il s'agit de saisir ne peut pas m'être donné sens, est donné en même temps que la claire sensation de
sous la forme de quelque chose dont je me souviens. Je peux douleur, comme lorsque nous disons : la dent me fait mal, la
me souvenir de quelque chose, ce dont je me souviens peut jambe me tiraille. La douleur est donnée ici de façon absolu
être donné clairement et même distinctement dans le souvenir ment claire, mais elle n'est pas donnée distinctement : je
lui-même ; même si le souvenir peut donc donner l'étant lui localise la douleur dans la dent alors qu'elle concerne en réa
même, il n'a pourtant pas la capacité de donner l'étant comme lité la res cogitans ; tandis que la douleur ne se donne phéno
quelque chose de présent. La pure représentation de quelque ménalement, en l'occurrence, que dans la dent.
chose, qui donne son objet sans omettre aucun de ses Cet être de la connaissance comme judicium, c'est la
moments, n'a pas non plus ce pouvoir. 3° Le perceptum doit liberté de l'être humain en tant qu'être connaissant. L'être
être là comme une res aperta. Descartes veut dire par là en libre est une propensio in bonum, c'est un être qui a la possi
tout état de cause (nous n'examinerons pas ce point plus en bilité de l'errare. Mais cette propensio a besoin d'être dirigée
détail) que le perceptum gît là ouvertement, il est là en lui de façon à être contenue dès lors qu'elle n'a plus aucune légi
même sans être recouvert en aucune manière et n'est pas non mité. Cette direction doit être donnée à l'être du connaître à
plus donné indirectement. 4° Ce qui gît là-devant en étant titre d'élément fondamental, elle doit fournir à l'assentim ent
ouvertement présent doit être perçu d'une manière telle qu'il le sol auquel il assentit, et le fournir en réalité d'une manière
puisse satis fortiter movere l'acte de saisie dirigé sur lui. Ce q u i telle que l'assentim ent, tout en donnant son assentiment à
est saisi doit être présent et ouvert à un point tel qu'il prenne soi-même , sache en même temps clairemen t qu'il assentit à
pour ainsi dire dans ses filets le percipere qui va pour le saisir. bon droit. La règle qui doit régir le don préalable du fonda-
Ces quatre moments caractérisent la perceptio comme u n '
1nentum pour le judicare doit consister en ceci qu'elle garan
perceptio clara. Pour être distincta2, une perceptio doi t ê l r · t i t le mode d'encontre du verum pour le judicare et le
elle-même claire. Le moment du distinctum consiste en cc i arantit d'une manière telle qu'il devienne possible de déci
que la perceptio est sejuncta et praecisa, qu'elle d i ffère t e l l ' der si Je judicare doit effectivem ent donner son assentime nt
ment des autres perceptiones que la total ité de l'horizon d · ou bien s'il doit au contraire le refuser. '
clarté de la perceptio [205] se trouve du m A me cou p a sur ·
t . Ibid., § 45, p.
1 . 1/Jirl * 4 6, r i.
21 sq.
2. lhid. .•
224 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 225
1 1
226 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 227
conduire [208] jusqu'à la chose en cause elle-même ; ce n'est façon générale, a [209] pour fonction de donner au préalable
pas l'èµm;1pia, l'« expérience » au sens d'« empirie ». Ces deux l'objet, à l'instar du vouç. L'accent porte donc d'abord sur
moments constituent la structure de l'intelligere en tant que l'intuitus en tant que don préalable du fundamentum.
connaître scientifique. L'intelligere, envisagé dans une perspec En considérant l'idée de science ainsi comprise et sa struc
tive scientifique, peut prendre la forme de l'intuitus et de la ture, la question qui se pose est de savoir s'il y a quelque chose
deductio ou encore de l'illatio, de l'inférence. de tel que la connaissance, et si nous avons déjà rencontré des
L'intuitus est ce côté de la connaissance prise dans son formes de connaissance qui donnent leurs objets en confor
ensemble dont la fonction fondamentale est simplement de mité avec le mode d'accomplissement requis pour l'intuitus.
donner au préalable l'objet en genéral, les différentes fonc Ex quibus evidenter colligitur, quare A rithmetica et Geometria
tions du connaître dans son accomplissement véritable étant caeteris disciplinis longe certiores existant ; quia scilicet hae
toujours à comprendre, encore une fois, comme des judicia. solae circa objectum ita purum et simplex versantur, ut nihil
Chaque intuitus, envisagé dans son être véritable de connais plane supponant, quod experientia reddiderit incertum1 . Les
sance, est un judicare. Le passage suivant montre bien la objets de l'arithmétique et de la géométrie sont caractérisés
signification fondamentale que Descartes attribue à l'intui comme objectum purum et simplex, si bien que ces objets ne
tus : Omnis quippe deceptio, quae potest accidere hominibus, peuvent donner lieu à rien d'incertain pour une saisie qui se
dico, non belluis1, toute erreur dans le champ de la connais dirige sur eux. Les objets de l'arithmétique et de la géométrie
sance proprement dite, c'est-à-dire rationelle, nunquam ex ont en fait une objectivité qui les qualifie pour être des objets
mala illatione contingit, sed ex eo tantum, quod experimenta possibles d'une science rigoureuse. Sunt igitur omnium maxime
quaedam parum intellecta supponantur2• Le corrélat objectif faciles et perspicuae, habentque objectum quale requirimus2, que
de l'intuitus, ce sont les experimenta : ce qui est saisi comme nous exigeons compte tenu de la position de cette idée bien
tel dans l'acte pur et simple de saisir. Le fondement de l'erreur déterminée de la science. Solae supersint A rithmetica et Geo
est que nous n'avons pas, dans le juducium, satis intellecta metria ex scientiis jam inventis, ad quas hujus regulae observa
experimenta en tant que fundamenta, vel judicia temere et tio nos reducit3• L'application de la règle disant que ne sont à
absque fundamento statuantur3• C'est à l'intuitus accompli considérer que les objets saisissables dans une perceptio certa
comme il se doit qu'il revient de fournir les experimenta ser et evidens nous conduit aux sciences arithmétique et géomé
vant de fundamentum à chaque judicare. En ce qui concerne trique, qui sont les seules disciplines scientifiques constituées à
la structure de l'intuitus, Descartes montre que l'intuitus n'est
pas un pouvoir spécial, mais nascitur a sofa rationis luce4, il
ce jour. Ainsi la direction imposée par l'idée de science mise
au point de départ implique de les référer à ces disciplines par
procède et tient son être de la lumen naturale, de la raison ticulières que sont l'arithmétique et la géométrie. Descartes
humaine. L'intuitus est donc donné avec la lumière naturelle conclut l'exposé de sa deuxième règle ainsi : Jam vero ex his
de la connaissance elle-même et ce n 'est en rien quelque omnibus est [210] concludendum, non quidem sofas A rithmeti-
chose qui ne pourrait être déployé qu'en mettan t en œuvre
1 . Descartes, l?egula Il, op. cil. , p. 4. [De là se conclut avec évidence la raison
une méthode particulière de connaissance ; l'intuitus, d'une
1.
J our laquelle l'arithmétique et la géométrie sont bien pl us certaines que toutes
Ibid. [Toutes les erreurs où peuvent tomber, je n e d i s pas l e s bêtes, mais les i'S disciplines : c'est qu'el les traitent d'un objet si pur et si simple qu'elles
[Ne proviennent jamais d'une mauvaise i n fé re n , mais se u l e m e n t 1 2. Ibid. r " l i e · sont ai nsi les p l u s (aciles et les plus claires de toutes, et elles oat
hommes.] ·
1 1 'aclm llent abso l u m e n t rien que l'expérience ait rendu i ncertain.]
2. Ibid. ·
cam et Geometriam esse addiscendas, sed tantummodo rectum tible de nos jours de manière absolume nt fondame ntale
veritatis iter quaerentes circa nullum objectum debere occupari, dans la Logique de Husserl, laquelle veut être une mathesis
de quo non possint habere certitudinem A rithmeticis et Geome universalis. Descartes présente rapidemen t l'histoire de son
tricis demonstrationibus aequalemt. I l résulte de cette deu propre rapport aux disciplines mathématiques et à leur his
xième règle non pas qu'on devrait se limiter, en tout et pour toire. Il explique qu'il avait remarqué très tôt que les
tout, à l'arithmétique et à la géométrie, mais que quiconque Anciens avaient déj à fait une série de découvertes dans le
cherche le droit chemin de la vérité ne doit pas s'attacher à domaine des mathématiques, mais qu'ils n'avaient pas réussi
d'autres objets que ceux ayant une certitudo égale à celle des à les fonder correctement. Sed in neutra Scriptores, qui mihi
objets de ces sciences. Il est dit par là en toute netteté et sans abunde satisfacerent, tune forte incidebant in manus1• Aucun
malentendu possible que l'idée de scientificité et en même de ces auteurs ne l'a satisfait au point que les disciplines
temps celle de la constitution des objets possibles d'une scientifiques puissent correspondre à l'idée de science rigou
science sont prédessinées par la constitution des objets de la reuse . Descartes poursuit et montre, en s'orientant sur le
géométrie et de l'arithmétique. lumen naturale, que les principes de toute la connaissance
C'est en se référant à l'histoire de la connaissance et aux humaine y sont déjà disposés. Et quamvis multa de figuris et
disciplines qui en font partie que Descartes a élaboré son numeris hic sirn dicturus, quoniarn ex nullis aliis disciplinis
idée de science . Au Moyen  ge, en partie à la suite d' Aris tarn evidentia nec tam certa peti possunt exempta, quicumque
tote, les disciplines mathématiques étaient déjà considérées tamen attente respexerit ad meum sensum, facile percipiet me
comme les sciences les plus rigoureuses de toutes, mais ce nihil minus quam de vulgari Mathematica hic cogitare2• Même
n'étaient pas les plus hautes. La science la plus haute est la si je traite aussi ici de figures et de nombres, parce qu'on
théologie eu égard à son objet, Dieu. peut tirer de ces domaines des objets évidents, il est facile,
Comment Descartes a-t-il tiré son idée de science de cette aux yeux de quiconque voit correctem ent, de comprendre
expérience fondamentale de la science mathématique ? Qu'est que les réflexions que je développe ne concernent nullemen t
ce qui est à proprement parler mathématique dans l'arithmé la mathesis vulgaris au sens des disciplines traditionn elles,
tique et la géométrie ? Descartes s'est posé cette question mais que j'expose une certaine discipline qui est autre, une
d'une manière très originale en méditant sur l'histoire des di · cipline originaire dont celles-là sont dérivées : quandam
sciences, et c'est de cette méditation qu'est issue l'idée de aliam me exponere disciplinam, cujus integumentum sint
mathesis universalis. Il montre dans la quatrième règle qu'en potius quam partes3• La mathesis universalis4 est la fons5 de
méditant de façon plus acérée sur le cours de l'histoire des t u te les autres*.
sciences, et sur les structures des disciplines dites scienti
[ . D e sc a r te s , Regula I V, op. cil. , p . 10 . [Mais, ni pour l'une ni pour l'autre, je
fiques, on découvre une mathématique originaire fonda
mentale ayant un champ objectif bien déterminé qui est 11 r · ussissais à mettre la mai n su r des auteurs capables de
me satisfaire entière-
2. J/)id, p. 9. [ El bien
111 n i ." \
proprement ce d'où Descartes tient son idée [211] de science .
1111br s, pui q u 'on ne
que je sois ici amené à parler souvent de figures et de
Il y a là un curieux amalgame de considérations mathéma 11 peul demander à aucune autre science des exemples
vra fa ilemcnt que je ne songe ici à r ien moins qu'à la mathématiq
tiques et ontologiques, un amalgame qui est encore percep- 1 1 . vi 1 nts cl aussi certai ns, quiconque considérera attentiveme nt ma pensée
' 1p r
ue
]. Ibid, p. S. [De tout cela i l faut maintenant conclure, non poin t cert es q u ' o n , //JI I, I J' ·pose un n u t rc d isci p l i ne
rn d l n u i r '. I
ne doive étudier q ue l 'arithmétique et la géomé t ri e, mais seulement q ue ceux 1 purt i " n st t ua n L ·�- l
dont cel les-ci sont plutôt l'enveloppe
qui cherchent le droit chemin de la vérité ne doivent s 'occ u pe r d'aucun ?bJ 1 i\ 1 . Il /,
l l\ 1 i
propos duquel ils ne puissent obtenir une certitude ga l e aux d monsl rat ions le �. 1 /1 /. , p. 1 0.
'f .. ; suj • t ,
.
l'arithmétique et de la éom t r i e . I 11111'M'. • i n 1 1 1 11 1 • n i 4, p . . • 4.
230 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 231
[212] Il s'agit pour nous d'établir l'origine de ces deux mathématiques préexistantes, à la mathesis universalis signi
caractères qui doivent régir le mode <l'encontre du verum en fie pour Descartes mettre au jour la manière dont l'idée de
tant que fondamentum de l'affirmation. Considérons pour ce méthode scientifique en général se laisse configurer à partir
faire la détermination cartésienne de la science en tant que de cette science. Les mathématiques ne prédessinent pas seu
cognitio certa et evidens . Remarquons tout de suite qu'il n'est lement l'idée des objets de science possibles, mais fournissent
\ pas question ici de l'objet de la science mais que cette inter en même temps, dans une radicalisation déterminée, l'idée de
prétation de la connaissance scientifique est orientée sur l'idée la méthode et du même coup celle de la configuration de la
de certitude et d'évidence. La règle concerne, dans sa fonc méthode. La méditation sur la configuration de la méthode se
tion régulatrice, la connaissance comprise comme connais déploie dans le cadre d'une considération générale traitant
sance scientifique. Toute la réflexion se déploie d'avance de la possibilité de la science. Descartes est tenu ici de se
sans que soit visé un domaine d'être déterminé, c'est une prononcer, eu égard à l'idée de science qui l'anime, sur la tra
réflexion entièrement formelle. En procédant ainsi, Des dition enseignée et sur la façon dont y sont abordées les
cartes établit que l'experientia fait partie de la fonction fon opinions traditionnelles. Il vise par là la scolastique qui tra
damentale d'une scientia dans la mesure où elle prépare le vaillait en se référant aux autorités reçues dans les diffé
sol sur lequel la science peut se développer. Le développe rentes théories et soumettait leur point de vue à discussion,
ment de la science lui-même est à mettre au compte de la mais pas à la façon dont Descartes le conçoit. Il dit à ce sujet
deductio. En considérant cette idée de science et l'idée de dans la troisième règle : Circa objecta p roposita non quid alii
structure scientifique qu'elle prédessine, demandons-nous si senserint, vel quid ipsi suspicemur, sed quid clare et eviden
tout étant peut servir de fundamentum possible à une saisie ter possimus intueri vel certo deducere quaerendum est ; non
scientifique. Les objets doivent être tels qu'ils ne puissent aliter enim scientia acquiritur1 . Il ne s'agit pas de traiter de
donner lieu, dès lors qu'ils sont saisis, à rien d'incertain. Ils ce dont d'autres ont traité dans des domaines réais détermi
doivent en eux-mêmes, de par leur teneur d'être, être nés, mais d'établir ce que nous pouvons saisir avec clarté et
quelque chose de purum et simplex. On voit par conséquent évidence. Nulle science ne peut être acquise d'une autre
se dessiner ce à quoi tend toute science visant une cognitio façon.
certa et evidens. La saisie d'objets simplicissima. Car plus les
objets sont simples, moins il y a de risque de laisser subsister
Cela montre que Descartes prépare déj à, non certes
directement mais indirectement, l'impossibilité d'avoir la
quelque chose d'obscur en les saisissant. L'idée de science moindre entente de ce qu'est la science historique telle que
prédessine la constitution fondamentale de ce qui peut être nous la connaissons aujourd'hui. On voit aussi comment la
objet de science. Les disciplines qui donnent lieu à des objets possibilité d'atteindre à la scientificité dans ce domaine se
de cette nature sont l'arithmétique et la géométrie. Cela trouve positivement écartée. Ce n'est pas un hasard si [214]
montre que Descartes a orienté son idée de science et de cette même impossibilité se rencontre dans la phénoménolo
connaissance scientifique sur l'état de fait des discipli nes gie d'aujourd'hui, en l'occurrence dans son incapacité fon
mathématiques, et à vrai dire non pas sous une forme pré damentale à avoir la moindre entente que ce soit de la
existante quelconque, mais -[213] et c'est Je point décisi f - connaissance propre aux sciences de l'esprit. De ce point de
il a orienté son idée de science et de con naissance scienti
fique sur une conception qu'il a lui-même con figurée et e n l . Desca rtes , Regu.la LI/, op. cil., p. 5. [Touchant les objets que nous propo
l 'occurrence sur l'idée de science q u 'il a posée a u d p a r t l a
, sons à not re ét ude, il faut rechercher, non point ce que d'autres ont pensé, ou ce
science comme clara e t distincta perceptio. E t à vrai dir ccl l t ion claire el vi l e nte ou cc q ue n o us pouvons déduire avec certitude ; car ce
q ue no us-mêmes nous ent revoyons, mais ce dont nous pouvons avoir une intui
déma rche consist a n t à fai re ret o u r, e n deçà cl n' sl 1 as a u l rcni>nl q u 'on n a q u i ri la sci n ce J
,
dis ipl i n s · .
232 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 233
vue, il paraît assez bizarre de voir qu'on cherche aujourd'hui de position contre l 'histoire et contre l'histoire de la science
à se tirer d'affaire dans les sciences de l'esprit en appelant la elle-même : l'histoire n'est vue que comme un savoir d'érudi
phénoménologie à la rescousse. Le fondement de cette ten tion [215) d'enjeu secondaire, tandis qu'aujourd'hui les choses
dance spécifique à considérer l'histoire avec une certaine sont inverses et quiconque considère la situation actuelle peut
hostilité se trouve chez Descartes, et, en fait, cette tendance constater qu'atteindre le fond des choses en menant simple
prend chez Descartes sa motivation dans un tout autre hori ment une critique historique radicale relève d'une recherche
zon que celui qui prévaut aujourd'hui. philosophique possible. Quant à savoir si c'est bien .là de la
Il dit que l'étude des Anciens n'aurait d'autre fonction que philosophie ou non, c'est une question jugée sans intérêt.
de nous permettre de savoir ce qui a été découvert avant nous Après avoir récusé l'importance de la connaissance histo
et de voir en même temps quaenam [. . . ] supersint excogi rique comme telle, Descartes distingue deux questions : 1 ° la
tanda1, ce qu'il reste encore à trouver. C'est l'histoire qui per méthode doit me permettre de ne jamais prendre un falsum
met de mener à bien ce genre d'enquête. En ce qui concerne pro vero ; 2° elle doit me permettre d'atteindre la connais
la discussion des autorités dans la scolastique, Descartes sou sance de la totalité des objets pouvant venir en question.
ligne que cette discussion doit rapidement tourner court parce Vous voyez tout de suite que ces deux déterminations
que ceux qui ont réussi à trouver les points de vue défendables s'orientent sur les deux éléments fondamentaux de la
en chaque science ne sont pas très nombreux, mais au connaissance scientifique, l'intuitus et la deductio. L'intuitus
contraire fort rares : Et nihil prodesset suffragia numerare, ut doit être correctement dirigé pour ne pas fournir un funda
illam sequeremur opinionem, quae plures habet Auctores. Nam mentum faux à la deductio. La méthode doit être telle que la
si agatur de quaestione difficili, magis credibile est ejus verita deductio progresse pas à pas à partir du fundamentum . Il n'y
tem a paucis inveniri potuisse, quam a multis2. Même si je a pas de science possible si ces deux moments ne sont pas mis
m'appropriais la totalité des démonstrations qui ont été trou en œuvre conformément à l'idée même de science.
vées jusqu'à ce jour, je ne serais pas capable pour autant de Descartes considère alors l'histoire des mathématiques au fil
conduire une recherche mathématique. Cela montre que Des directeur de l'idée de méthode prise en ce sens. Au cours de
cartes argumente en faisant fonds sur une vision déterminée cette considération, il s'aperçoit que l'histoire des mathéma
de la science. L'opposition entre science et histoire est ici par tiques tend à prendre en un sens manifestement toujours plus
ticulièrement nette. Si omnia Platonis et A ristotelis argumenta rigoureux les domaines d'objet dont elle traite. Et jam viget
Legerimus, de propositis autem rebus stabile judicium ferre A rithmeticae genus quoddam, quod Algebram vacant, ad id
nequeamus3 : Même si j'avais appris tous les arguments des praestandum circa numeros, quod veteres circa figuras facie
philosophes anciens, je ne serais pas encore en mesure de por bant1, si bien que les fruits sont issus de principes méthodiques
ter un stabile judicium sur les choses en cause elles-mêmes. innés en nous : fruges ex ingenitis hujus methodi principiis
C'est la situation scientifique de l'époque qui explique la prise natae2 . La configuration de ces principes résulte d'une matu
ration spontanée [216) des possibilités fondamentales du
connaître qui sont logées en nous : nescio quid divini3• Même
. 2. Ibid. [Et i l ne ser� it d'aucun profit de compter les voix,
1. Ibid.
pour s u i v re l 'opi
s'il se trouve que c'est maintenant précisément que les disci-
nion qui a le plus de repon d a n ts : car, lorsqu ' il s'agi t d ' u n e q ue s t i o n d i ffi c i l e il
_ la vellte, a son s uj e t . ] l . Descartes, Regula I V, op. cit. , p. 9 . (Et de
e�t plus vra1s�mbl�ble qu'il s'en soit trouvé peu, et non pas bea u co u p, p�u r
decouvnr nos jours on voit en honneur une
e
c rt a n i e s rle appelle algèbre, et qui est destinée à
d ' a ri t h mét i q ue, q u e l ' o n
plines mathématiques livrent leurs fruits, celles-ci ne sont pas concerne l'ordo vel mensura1. Peu importe que cette mensura
encore parvenues à parfaite maturité (perfecta maturitas1). Je quaerenda sit, que cette mesure soit à chercher dans un
vais radicaliser ce à quoi aspire la connaissance mathématique. domaine réal déterminé : nombres, sons, ou figures spatiales ;
Je ne vais pas m'en tenir ici à un domaine particulier d'objets ac proinde generalem quandam esse debere scientiam, quae id
mathématiques, mais, en dépassant le contenu déterminé des omne explicet2, il doit y avoir une science générale qui explique
mathématiques, je vais m'élever jusqu'à la méthode elle tout ce qui peut être expliqué touchant l'ordre et la mesure en
même, jusqu'aux premiers éléments constitutifs de ce dont général sans faire référence à quelque contenu réal déterminé
s'occupe toute connaissance mathématique. Il désigne cette que ce soit. La mathesis universalis est donc la science formelle
idée comme mathesis universalis. Il donne aussi un certain des relations d'ordre et de mesure comme telles. La possibilité
nombre d'indications sur la formation de cette idée au cours de la mathesis montre que les disciplines mathématiques,
de l'histoire. Cum vero postea cogitarem, unde ergo fieret, même si elles se recommandent déjà par la clarté et par la sim
ut primi olim Philosophiae inventores neminem Matheseos plicité de leurs objets, sont aussi capables de faire retour aux
imperitum ad studium sapientiae vellent admittere [µ110Eiç objets les plus simples. Toute science doit pouvoir être rame
àyi::coµfap11wc; d0hco2] [ ] plane suspicatus sum, quandam eos
• • .
née à ses moments les plus simples. At ego, tenuitatis meae
Mathesim agnovisse valde diversam a vulgari nostrae aetatis3. Il conscius, talem ordinem in cognitione rerum quaerenda perti
s'agit de reprendre cette idée et de la mettre en forme d'un naciter observare statui, ut semper a simplicissimis et facillimis
bout à l'autre, de faire retour à ce qui se cache derrière ces exorsus, nunquam ad alia pergam, donec in ipsis istis nihil mihi
connexions et de se demander quel est l'élément commun que ulterius optandum superesse videatur3. La mathématique vul
visent toutes ces disciplines4• Pour ce faire, il s'intéresse gaire présente aux yeux de Descartes un certain ordre, auquel
d'abord au nom qu'on leur donne et observe que mathesis il donne alors une portée absolue en l'étendant à toute science
signifie très formellement disciplina (une doctrine, ce qui comme telle . L'essentiel est que cet ordre, tous ces ordres
s'apprend, ce qui peut être appris, ce qui est susceptible d'une soient explicités et maintenus de bout en bout dans l'accom
communication intersubjective) , être mis dans les dispositions
plissement de la recherche. Car c'est alors et alors seulement
requises pour faire une expérience déterminée. La mathesis a
qu'il est possible de tirer des déductions en partant de fonde
ceci de remarquable qu'on y met en œuvre la méthode mathé
ments qui soient effectivement assurés. Car la deductio est le
matique sans se rendre expressément présent chaque fois ce
moyen qui permet de saisir l'intégralité des objets d'un
qu'il s'agit d'expérimenter, et que, par la seule force probante
domaine scientifique. L'idée de méthode inclut en elle celle de
series. L'idée de série sert de fil directeur à la mise en forme
de la déduction, on y parvient à [217] des résultats déterminés
qui s'attestent de ce fait comme valables. L'élément commun
méthodique parce qu'on y va des objets les plus simples à ceux
1. Ibid. qui sont composés.
2. Eliae in Prophyrii lsagogen el Arislolelis Categorias cornrnentaria, éd. Dans la sixième recherche (règle), la question est de savoir
A . Busse, Cornrnentaria in Aristotelern Graeca, vol. XVI I I, pars J, Berlin, 1 900,
ce que doit contenir une série pour pouvoir légitimement catégories possèdent ou non une teneur réale n'ayant aucune
diriger [21 8] toute connaissance scientifique. Res omnes per espèce d'importance. Relèvent de l'absolutum : independens,
quasdam series passe disponi1, tous les objets peuvent être causa, simplex, universale, [21 9] unum, aequale, simile, rectum,
ordonnés suivant certaines séries non quidem in quantum ad relèvent du respectivum : dependens, effectus, compositum, par
aliquod genus entis referuntur, sicut il/as Philosophi in catego ticulare, multa, inaequale, dissimile, obliquum1 •
rias suas diviserunt, sed in quantum unae ex aliis cognosci Nous sommes en train de rechercher l'origine de la regula
possunt2, la série, en tant que fil directeur de toute recherche generalis de Descartes et cela en vérité pour voir comment se
méthodique, n'est pas puisée dans les choses elles-mêmes, manifeste, dans la manière même dont la règle est comprise, le
elle ne procède pas d'une déterminité générique de l'être, caractère d'être spécifique du connaître soumis à cette règle.
mais la mise au jour d'une possible sériation dans un Les mathématiques s'attestent d'emblée comme cette discipline
domaine d'objets doit prendre son orientation sur le fait que dont les objets correspondent précisément à ce que Descartes
la série comme telle prédessine la possible connaissance exige d'une cognitio vera et evidens. Descartes s'enquiert des
d'une chose à partir d'une autre si bien que la série déter catégories sérielles parce que la série permet de saisir ce qui
mine utrum profuturum sit aliquas alias prius, et quasnam, et est objectif ; ce n'est pas la teneur réale des objets qui lui
quo ordine perlustrare3. L'idée de série ne procède pas de la importe, mais ce qu'il s'agit d'atteindre, c'est un véritable rap
considération de la teneur réale des objets, mais de leur pos port de connaissance. La détermination des catégories sérielles
sible capacité, pour autant qu'ils sont envisagés dans un rap est orientée sur cette considération purement méthodique.
port mutuel, à être connus au sens de la deductio. Descartes fait expressément remarquer qu'il range la causa
Dans cette perspective, on voit se mettre en place deux dans la classe des res absolutae alors qu'à proprement parler la
déterminations chez Descartes. Les choses sont res absolutae et causa, en tant que concept de corrélation, est en soi relative à
res respectivae4. Vous voyez tout de suite que ces deux catégo l'effectus2. Mais du point de vue de l'ordre du connaître qui
ries font écho à l'intuitus et à la deductio. L'intuitus a toujours vise ce dont il faut s'acquitter en premier lieu dans la connais
un absolutum, la deductio un respectivum. Le respectivum pos sance, la causa est quelque chose d'absolu parce que ce n'est
sède en soi un involutum, quelque chose à quoi il renvoie et qui que si la causa a été mise en lumière qu'il est possible de pro
est très souvent un obscurum qu'il s'agit donc de désenvelop gresser dans la deductio. Le secret de toute la méthode consiste
per. En y regardant de plus près, on s'aperçoit immédiatement à atteindre chaque fois l'absolutum dans les diverses séries
que ces deux catégories formelles rassemblent en réalité les de la connaissance, non pas l'absolu quant au contenu, mais
choses les plus diverses quant à leur teneur d'être. La configu l'absolu méthodique. Beaucoup de choses peuvent être alors
ration de l'idée de méthode ne tend à rien d'autre qu'à opérer absolues d'un certain point de vue, et relatives d'un autre, sui
une mathématisation conséquente au sens de la méthode vant l'ordre structurel des concepts. L'universale est un absolu
mathématique elle-même, la question de savoir si certaines tum quia naturam. habet m.agis sim.plicem3, mais envisagé du
point de vue de son origine dans l'individuum, c'est un respec
l . Descartes, Regula VI, op. cil. , p. 1 4. [Toutes choses peuvent se d i spose r tivum bonum4• Ainsi l'essentiel de cette élaboration formelle,
sous forme de séries.) c'est bien que l'objet soit saisi conformément à la règle.
2. Ibid. [Non point en tant qu'on les rapporte à q uelque genre d ' " t re, comme
ont fait les ph1losophes qui les ont réparties en leurs catégories, mais en t a n t
3. Ibid. [S'il sera utile de résoudre d ' a u t re s difficult: s a u pr alabl 1 squel les, 2. Ibid .. 1 . 1 5.
qu'elles peuvent se connaître les unes à pa r t i r des a u t re s .]· 1. Ibid.
4. l/Jitl.
et dans quel ordre.]
4. Ibid.
238 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 239
[220] C'est aussi dans cette perspective que Descartes entre dem privationes et negationes, quatenus a nobis intelliguntur,
prend de disposer suivant un certain ordre les objets qui ont quia non minus vera cognitio est, per quam intueor quid sit
en eux-mêmes un caractère de simplicitas. Cette énumération nihil, vel instans, vel quies, quam illa, per quam intelligo quid sit
des objets simples est importante dans la mesure où Descartes existentia, vel duratio, vel motus1• Cette énumération [22 1 ] des
y postule, pour les différents domaines d'être, une dimension choses les plus simples censées fournir, dans la perspective de
unitaire, celle de l'égale simplicité de tout ce qui est objectif. l'idée de scientia, un possible fundamentum à la science qui
Ces différents domaines sont : la res pure intellectuales, la res leur correspond, montre à elle seule qu'elle n'a pas été obte
pure materiales, la res communes1 • La diversité des contenus nue en interrogeant les différents domaines d'être.
n'intéresse absolument pas Descartes. Pure intellectuales illae
sunt, quae per lumen quoddam ingenitum, et absque ullius ima
ginis corporeae adjumento ab intellectu cognoscuntur : tales § 37. Le souci de connaître comme souci
enim nonnullas esse certum est, nec ulla fingi potest idea corpo de certitude en tant qu 'on s 'y méprend
rea, quae nobis repraesentet, quid sit cognitio, quid dubium,
quid ignorantia, item quid sil voluntatis actio, quam volitionem En récapitulant, disons que l'origine du contenu de la
regula se manifeste sous deux aspects : 1 ° du point de vue de
ce que la règle doit régir ; 2° comment elle régit. Ce que la
liceat appellare, et similia, quae tamen omnia revera cognosci
mus2. Il s'agit là de ce qu'on appelle en termes modernes une
saisie eidétique d'actes de conscience déterminés. Descartes règle régit, c'est la scientia, appréhendée sur le modèle des
pose que les res intellectuales peuvent être saisies immédiate disciplines mathématiques préexistantes. Comment elle régit :
ment par le lumen ingenitum. Pure materiales illae sunt, quae il s'agit de suivre la méthode tirée des mathématiques. L'expé
non nisi in corporibus esse cognoscuntur, ut sunt figura, exten rience de ces sciences déterminées déjà données, et déjà don
sio, motus, etc. Denique communes dicendae sunt, quae modo nées à vrai dire au sens où d'emblée cette science n'est pas
rebus corporeis, modo spiritibus sine discrimine tribuuntur, ut envisagée quant à la teneur réale des objets comme tels, mais
existentia, unitas, duratio, et similia3. (Scheler n'a fait que en considérant comment les objets font encontre à la connais
reprendre cette thèse en étendant la saisie eidétique du champ sance qui donne son assentiment ; en d'autres termes le souci
de la conscience jusqu'à la connexion d'être universelle. Le qui se manifeste dans le contenu de cette règle, et se soumet
fondement en est à chercher dans l'ontologie ancienne qui a à la règle ainsi comprise, est le souci spécifique de certitude.
pénétré l'époque contemporaine par différents canaux.) Caete La règle montre que le souci de connaître ne s'en tient pas à
rum, inter has naturas simplices placet etiam numerare earun- un étant en tant qu'étant et ne vise pas les objets dans leur
teneur réale, mais dans leur capacité à être saisis, cette capa
Descartes, Regula XII, op. cil. , p. 37.
cité étant envisagée dans la perspective de l'assentiment.
( Sont purement intellectuelles celles que l 'entendement connaît grâce
1.
2. Ibid. Cette contention du souci de connaître en tant que conten
à une sorte de lumière innée et sans le secours d'aucune image corporelle : qu'il tion du souci de certitude est donc absolument spécifique. Il
s'en trouve en effet de telles, cela est certain, et l 'on ne peut imaginer aucune
faut bien voir cette expérience caractéristique de la science
l 'ignorance, et aussi ce que c'est que cette action de la volonté qu'on peut appe :
idée corporelle qui nous représente ce que c'est que la connaissance, le doute
dans ce qu'elle a de spécifique si l'on veut entendre au pre-
tivement. ]
Ier vobt10n, et choses semblables, que nous connaissons cependant t outes e ffec
3. ibid. (Sont purement matérielles celles qui ne se connaissent q ue dans les J . Ibid., p . 38. f De p l us, aunombre de ces natures simples, il convient de
corps, comme sont la figure, l'étendue, le mouvemen t , etc. E n f i n doive n t êt re com pter aussi l e u rs privations et leurs négations, en tant que nous en avons
appelées communes celles q u i s ' a t t r i b u e n t sans d i scri m i n a t i o n , t a n t ô t a u x choses que c'est que le néant, l'instant
l ' i n t e l l i gence : car si je perçois i n t ui tivement ce
o vem e n t . ]
corporel les, tantôt aux espri ts, comme l'existence, l ' u n i té, la d u r c, 't hos ·s que celle qui me
ou 1 r pos, cc n 'est pas par U I) e conna issance m o i ns vé r i t a b l e
sem blables . ] f; 1 i 1 cornpr ·nclr c'
· que sl q u e l 'exist ence, la d u rée ou le m u
240 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 241
mier chef comment les objets sont traités dans leur contenu à Le sort réservé à la doctrine des idées innées, que Descartes a
partir de cette méthode. Le fait que ce souci soit présent empruntée au mouvement de l'Oratoire de son époque, [223]
dans des sciences déterminées montre, dans cette perspective montre que Descartes a précisément repris et transformé des
bien précise, pour le dire rapidement, que l'esse est pris pri doctrines proprement théologiques et philosophiques en étant
mordialement en souci en tant que verum, et le verum en conduit par la règle, et par le principe selon lequel ces doctrines
tant que certum, [222] de sorte que l'ens ne remplit sa fonc doivent satisfaire la règle. Il y a dans l'être de l'homme une idée
tion propre que par le détour du certum. de l'être de Dieu. On avait accentué la doctrine de cette façon
Ce souci de certitude, avec sa contention caractéristique, se pour donner un fondement apologétique à la lutte contre
caractérise par le fait qu'il confère à la règle configurée par lui l'athéisme. Descartes a repris la doctrine et l'a intégrée à sa doc
même une portée et une prétention bien déterminées. Le souci, trine de la clara et distincta cognitio. Il fallait qu'il le fasse tout
qui se donne à lui-même la regula, ne limite pas cette règle à son simplement pour y voir clair dans la doctrine. La scolastique
domaine d'origine propre, mais la règle vaut dorénavant comme enseignait que la connaissance d'entendement n'est possible
regula generalis. En même temps qu'il configure la règle, Je que si un fundamentum est déjà donné, en quelque manière, à
souci développe une prétention fondamentale qui fait que la l'intellectus : oùôbt0TE voël èivi:;u cpavn'wµawç Î) 'lfUXÎJ1. Les
règle normant le souci reçoit du même coup ce sens : seule une phantasmata sont les phénomènes qui, pour la scolastique, font
connaissance qui se confo1me avant tout à la règle est science au la transition entre la connaissance proprement sensible et celle
premier chef. Le sol originaire est abandonné dans la configura d'entendement. Ce problème faisait difficulté pour la scolas
tion de la règle elle-même. tique parce qu'on ne voit pas comment un être sensible peut
Cette prétention de la regula à valoir comme regula gene passer dans un être spirituel. La connaissance sensible apporte à
ralis conduit D escartes à exclure purement et simplement la connaissance d'entendement les species intentionales vers les
du domaine de la science des possibilités déterminées de quelles l'intellectus tend intentionnellement à titre de fundamen
connaissance, ou encore à transformer des disciplines déjà tum. Les species intentionales constituent la base de l'explication
existantes dans le sens voulu par la règle . Cela se voit avant du concept d'intentionnel. Dès le départ, Descartes ne pouvait
tout dans le fait que Descartes montre que la connaissance pas accepter cette conception foncièrement thomiste de la
historique ne saurait en aucun cas être considérée comme connaissance. Pour Descartes, il est établi fermement, au sens
une connaissance réale autonome, et qu'elle ne peut avoir de la clara et distincta perceptio, que le corporel ne peut être
qu'une valeur propédeutique. saisi que comme extensio. Toutes les autres déterminations de la
Descartes transforme toutes les sciences fondamentales, corporéité, celles qui apparaissent lorsque j'aborde le domaine
telles que la théologie, la métaphysique et les mathéma intermédiaire de la physiologie, sont laissées de côté. Lorsque
tiques, dans le sens voulu par la regula generalis . Concernant Descartes s'engage dans la tâche fondamentale d'élucidation du
la physique, il procède de la façon suivante : à la différence connaître lui-même, il lui est impossible de s'aventurer dans cet
de l'ancienne physique qui s'attachait à mettre au jour les entre-deux ; s'y risque-t-il qu'il ne réussit qu'à atteindre un obs
qualitates substantiales, il exige que les objets de la physique curum . Il a intégré la doctrine des idées innées à sa propre doc
ne soient avant tout pris en considération que s'ils satisfont à trine. Conduit par la règle, il lui faut réinscrire l'interprétation
la regula. Je ne dois me proposer rien d ' a u tre q u e l'extensio. de la connaissance dans les limites du champ de ce qui est acces
En fait, Descartes a été très tôt en possession de la regula sible conformément à la règle elle-même. C'est un des exemples
generalis, il lui a seulement fal lu la saisir e x p l i ci t e me n t et les plus nets de la manière dont [224] des problèmes théolo-
caractériser les disci pl i n es m a t h é m a t iq ues cla n s u n s �n q u .i
soit conforme à cette règ l e .
1 . Arislole, De anim.n, '1 I l 7, 43 1 a 1 6 sq . [ L'âme ne pense jamais sans image.]
Retour à Descartes
Le souci de connaissance chez Descartes 243
242
pl us pr , on a · iste à u n d é p l ace m e n t
caractérisé par Descartes comme judicium, comme rnodus
vole�di, comme prop ensio in bon.um. Le bon.um dans la pro du sens du veru m qui
pen.sw du judicium est le verum. La r ulat ion <d u conrnît r > i rica t ion i m p rcep tible , ma i s prim or-
s'a ompa n d'un mod
à
Descartes 245
244 Retour Descartes L e souci de connaissance chez
respectu CUJUS,
verum comme un certum en laissant en l'état le fondement de am secu n
6:
theologica, vol.
dae . Qua estio xvn , artic ulus
l'ontologie ancienne en son entier de sorte que c'est le maintien 2. Tho mas d'Aq uin, Summa Alio modo, quantum ad ob1ectum,
em, ut verit atem c1rca ahqwd appre
en l'état de ce fondement qui a entraîné une réinterprétation duo actus rationis attenduntur
: prim o quid
per virtutem al1cu
state nostra ; hoc enim contingit
de l'être de l'homme. hendat ; et hoc non est in pote quan tum ad hoc, actus
Saint Thomas dit : Intellectus enim non potest non assentire
supernaturalis. Et ideo
jus [uminis, vel naw ralis vel [Ens uit , au pomt d e vue
ra, nec imperart potes!. �
de son obje t, et à cet égar d deux
ration.is non est in potestate n.ost raiso n doiv ent
_
etre envi sages. Le
acte s de la
principiis [227] naturaliter notis : et similiter voluntas non potesl n simple la vérité '. Et cela. .'.''est
pas en notr pou
e
non adhaerere bono1 : l'intellectus ne peut pas ne pas don ner prem ier c onsis te à saisi r de faço
d'une certam e lum1 ere n a �ure\le ou surna
voir, car cela se prod u i t par la vertu vue, 1 ,acte de la raiso n n est pas en notre
ce pom t de
p uvoi r el ne peut ê t re com man
, de
�· Thomas d'Aquin, Summa theologica, pars pri ma, q uaestio LX I I , ar1 iculus S.
turel le. C'es t pour quoi
. . .
p. 74. [ To u te conc eptio n clair e
.
'S, M rli i
dé.] .
et de 1 o i t i f. ]
et distm cte
o
apercevoir dans le fait [232] que l'incertum, qui constitue pour maintient d'un bout à l'autre : cet ordo consiste à faire retour
Descartes l'objet de la dubitatio, n'est rien d'autre en réalité à un certum qui soit un absolutum et [233] simplex, au sens
que le non verum puisque le certum est le verum. L'incertum où le fundamentum suffit à fournir le point de départ à toute
est déjà en soi, en tant que non verum, un falsum, et en tant deductio. Ce que je cherche ne peut pas être un respectivum
que falsum, un non ens. C'est la raison pour laquelle Descartes ens. Ce doit être, encore une fois, un simplex et non un com
est amené à dire que tout ce qui est simplement donné d'emblée positum. Ce dernier point est capital pour entendre précisé
n'existe pas. Cette possibilité se fonde sur les relations explici ment comment la considération progresse. Car autrement on
tées ci-dessus. La considération se poursuit dans cette attitude pourrait se demander pourquoi Descartes ne dit pas tout de
de suppositio, qui est aussi celle de la recherche du certum, et suite : il y a des objets qui me sont donnés, je saisis par
la recherche, en essayant d'aller plus loin, tombe sur quelque exemple l'extensio du poêle, et je ne peux quand même pas
chose qu'il faut qualifier à proprement parler de trouvé puisque mettre en doute que je la saisis ! Pourquoi Descartes
ce qui est trouvé correspond exactement à ce dont la recherche n'engage-t-il pas alors plus tôt le retour à la cogitatio ? Pour
est en quête. entendre ce parcours, il faut bien voir ce que Descartes
recherche : certum, absolutum, simplex. Le doute ne peut pas
cesser avant d'avoir atteint un certum de cette sorte.
§ 41. Le chemin suivi par la dubitatio en souci Descartes interprète les possibilités dans lesquelles quelque
dans la première Méditation sous l'égide chose, qui semblait jusqu'à présent vrai, m'est donné comme
de la regula generalis : l'être de l'être en recherche des possibilités a sensibus ou per sensus1• Ce que j 'ai admis
(ego sum) comme première découverte jusqu'à présent comme vrai m'est donné ou bien dans la per
ception sensible ou bien avec la participation de la perception
Le chemin lui-même que suit la dubitatio ainsi caractérisée, sensible. La seconde possibilité concerne les vérités mathéma
dans la situation concrète où se trouve la recherche elle tiques et géométriques pour autant qu'elles se rapportent à
même, passe en revue les différentes possibilités de saisir les des intuitions. À côté de cela, il y a également toute une série
objets, les différentes possibilités de rencontrer l'étant telles d'objets que seule communique l'expérience sensible au sens
que Descartes les connaît. Descartes parcourt ce chemin étroit du terme. Le souci doit suivre ces deux chemins et exa
dans la première Méditation. Il nous faut d'abord considérer miner ce qui se rencontre sur chacun d'eux. En parcourant ces
deux choses à propos de ce chemin : en premier lieu ce qui différents chemins, je n'ai pas à soumettre à la critique chaque
est passé en revue de la sorte, et en second lieu comment on acte d'expérience en particulier ; je m'en tiens bien plutôt aux
le passe en revue. principes de ces différents modes d'accès à l'étant.
Dans ce doute méthodique, il faut bien voir d'abord que Descartes entreprend alors d'examiner en profondeur ces
Descartes suit un ordre déterminé. Il attache la plus grande deux chemins, ce qui le conduit à exclure visiblement de plus en
I' importance à ce que cet ordo soit observé . L'ordo fait partie plus de choses ; il effectue la remotio toujours plus radicalement
intégrante de la méthode. Ideoque non alium ordinem sequi si bien qu'au bout du compte il n'y a plus rien qui corresponde
potuisse, quàm illum qui est apud Geometras usilatus i . L'ordo adéquatement au critère. Il est à noter ici que tombent sous le
cou p d cette remotio : 1 ° tout ce qui est donné par les sens,
2° n rnêm tem ps [234] des déterrninations fondamentales
que Descartes maintient d'un bout à l'autre e st à se s yeux
comme 1 lo ·us, le ternpus, la duralio, donc des déterminations
fondamental, et il n'est autre que celui que la géomét rie
fondamentales dont Descartes montrera plus tard qu'elles ne soumettant les différentes opiniones à une eversio generalis1, à
sont pas du tout perçues par les sens mais uniquement par un renversement général, et en vérité non pas en critiquant
l'intellectus, et sur lesquelles il fera plus tard reposer la possibi dans le détail chaque conviction en particulier, mais en
lité d'une physique rigoureuse ne voyant le corporeum qu'à titre confrontant uniquement les principia de ces opiniones avec la
d'extensum. Mais ici ces déterminations fondamentales doivent règle, et cela conformément à ce qu'il cherche, à savoir un fun
tomber elles aussi sous le coup de la remotio. Descartes va damentum à titre de principium. Mais les principia des opi
même jusqu'à exclure l'arithmétique et la géométrie ; ce qu'elles nions ne sont pas autre chose que les points de départ dont
disent est certes reconnu comme simplex et maxime generale Descartes prend issue pour parvenir à ce sur quoi il a une opi
mais n'est pourtant pas satisfaisant. Le doute méthodique en nion, pour y avoir accès , pour avoir commerce avec lui, de
son entier ne montre lui-même rien d'autre sinon l'efficacité sorte que ces principes permettent d'appréhender <ce dont ils
singulière de la regula generalis. De ce point de vue, Descartes sont principes> en orientant vers lui. Les principes, ce sont ces
manifeste en fait ici une admirable radicalité du philosopher. différents modes d'accès et de commerce de l'être vivant, ce
Ce qu'il faut cependant lui contester, c'est que l'origine de la ne sont pas des propositions.
règle soit elle-même philosophiquement radicale. Il y alors a des modes d'accès qui sont déterminés a sensi
Il nous faut voir, à partir de la détermination du connaître bus, et d'autres qui le sont per sensus, c'est-à-dire où les sens
comme judicare soumis à la règle considérée, comment le ont leur part, et cela avant tout dans l'imaginatio. Cette dis
connaître ainsi entendu s'y prend pour trouver le fundamen tinction renvoie à la partition traditionnelle de la conscience.
tum de toute connaissance possible. Cette tâche ne peut être Ces différents modes d'accès et de commerce avec l'étant
menée à bien à vrai dire qu'à partir de la situation déterminée doivent être interrogés de façon critique. Donc s'agissant de
qui est celle de la connaissance, à partir des opinions et des ces modes d'accès et de commerce, ou plus exactement de ce
orientations déterminées disponibles concernant les différents qui s'y donne et y est appréhendé, dès qu'un incertum, en
points de vue sur la connaissance, à partir de la vie elle-même quelque sens que ce soit, se manifeste, Descartes ne le laisse
qui se déploie dans des convictions fondamentales sur l'être pas simplement de côté, mais cet incertum tombe sous le
lui-même. Tout ce dont on dispose ici doit être interrogé pour coup de la remotio, de sorte que ce qui se donne là est posé
savoir comment il se présente et en quoi il satisfait aux réqui comme non étant. Le mode d'accès ne vient pas davantage
sits de la règle. Tout ce qui se révèle ne pas y satisfaire n'est en question pour la recherche. (Ce que Husserl a en vue avec
pas simplement conservé là comme une chose incertaine, mais la réduction est quelque chose de totalement différent.) À
Descartes passe de la dubitatio incerti à la suppositio fa/si. Et partir du moment où ces modes d'accès sont tombés sous le
en vérité ce passage n'est pas seulement légitimé par le fait coup de la remotio, il n'en est plus question dans la recherche.
que le dubitare y gagne sa liberté, mais il a aussi pour fonction La situation terminale se configure par le biais de la remotio.
de conduire la recherche elle-même dans une situation termi Au terme de son cheminement, la recherche se tient en un
nale bien déterminée à partir de laquelle il sera possible de lieu où elle n'est placée devant rien et devant le rien de ses
t rouver ce qui est recherché. Pour entendre philosophique propres possibilités.
ment Descartes, il est indispensable que ce complexe souter Descartes commence par le mode d'accès de la perception
rain soi t dégagé en tou te clarté . La considérat ion ne peut être sensible , par le comment de ce mode d'accès : pleraque tamen
comprise q ue dans le c o m pl exe fo r m é par l'id e d u r cherché, alia sunt de quibus dubitari plane non potest, quamvis ab iisdem
[ 235 ] la ign i fi ca t i o n de la r gle, et le chemin, tracé à part i r de hauriantur ; ut jam me hic esse, foco assidere, hiemaü toga esse
là, 1 l a series, d l a m L hocl .
art d r sur 1 h m i n cl n 1 . l/Jirl.. 1 . 8.
254 Retour à Descartes Le caractère d'être de la res cogitans, de la conscience 255
3. Ibid., p. 1 O. [Toutefois j'ai ici à considérer q ue je suis homme, et pa r cons t i ngue r netteme n t la vei lle d'avec le sommeil.]
s 'rais pas moins ext ravaga n t , si je me réglais sur leurs exemples.]
-
j ' t 1 1 is h u i i l l\ 1 u • j' 1ais a u p r's du rcu, q uoi 1ue j ' f'uss(; t o u t nu d ·cl 1 1 ns ni 111 l i t '/ j . . !bit!.
1 1 a i s vroi 'S (; t cxisui ntes. J
256 Retour à Descartes Le caractère d'être de la res cogitans, de la conscience 257
de magis simplex et universale1, de plus simple et de plus uni duo et tria simul juncta sunt quinque, quadratumque non plura
versel), figura rerum extensarum, item quantitas, sive earumdem habet latera quam quatuor1. Descartes tient maintenant des
magnitudo et numerus : item locus in quo existant, tempusque données pour lesquelles les conditions d'accès qu'il avait
per quod durent, et similia2, donc à la différence des generalia, d'emblée rendues incertaines ne sont plus pertinentes. Nous
ce sont des universalia et à vrai dire des universalia qui ne font savons en effet que la regula a été tirée de ces objets. Et pour
plus référence maintenant à des data sensibles spécifiques. Ces tant Descartes n'en reste pas là. Pourquoi n'en reste-t-il pas aux
déterminations fondementales du donné, ce sont d'une certaine objets dont il dit pourtant lui-même qu'ils sont donnés avec une
manière les couleurs dont sont revêtues toutes les réalités effec clarté et une distinction absolues ? Parce qu'ils ne peuvent pas
tives en tant que telles (ex quibus tanquam coloribus veris procurer un fundamentum absolutum à la science fondamen
omnes istae, seu verae, (238] seu falsae, quae in cogitatione nos tale ; en effet cette science est la prima philosophia, l'ontologie
tra sunt, rerum imagines effinguntur3). Le passage des generalia au sens ancien du terme. Descartes veut énoncer sur l'être, sur
aux universalia indique vers où Descartes s'achemine pour ainsi l'être causé, sur l'être de Dieu, des propositions conformes à la
lire : il y a encore un magis simplex. La mise à l'écart est tou- regula. Il ne peut pas le faire au moyen de propositions mathé
jours effectuée sous la conduite de l'idée de la règle qui enjoint
de rejeter tout compositum dans la mesure où celui-ci com
matiques. La considération tout entière est axée sur la prima
philosophia au sens de l'ancienne métaphysique, et n'a rien à
porte toujours en lui-même une possibilité d'obscurum. Qua
i
voir avec la théorie de la connaissance.
ropter ex his forsan non male concludemus Physicam, (239] Ce que donnent les mathématiques doit donc être, lui
Astronomiam, Medicinam, disciplinasque alias omnes, quae a aussi, ébranlé : Verumtamen infïxa quaedam est meae menti
rerum compositarum consideratione dependent, dubias quidem
vetus opinio, Deum esse qui potest omnia, et a quo talis, qualis
esse ; atqui Arithmeticam, Geometriam, aliasque ejusmodi, quae exista, sum creatus : unde autem scia ilium non fecisse ut nulla
nonn.isi de simplicissimis et maxime gen.eralibus rebus tractant, plane sit terra, nullum caelum, nulla res extensa, nulla figura,
atque utrum eae sint in rerum natura n.ecn.e, parum curant, ali
nulla magnitudo, nullus locus, et tamen haec omnia non aliter
quid certi atque indubitati continere4• Les données maxime sim quam nunc mihi videantur existere2 ? Il est à noter que la situa
plices sont manifestement celles des mathématiques, et c'est tion concrète est déterminée en grande partie par la conviction
pourquoi on peut dire que ces dernières ont pour objet les sim
que Dieu existe, conviction qui se reflète dans le préjugé bien
plicissima et maxime gen.eralia. Nam sive vigilem, sive dormiam, déterminé selon lequel être en général signifie la même chose
qu'esse creatum ; par conséquent la conviction de l'esse Dei se
J. Ibid. lisse partout où Descartes traite de l'être et c'est pourquoi la
question de savoir si je n'ai pas été créé par quelqu'un de
trompeur n'a rien d'étrange ; c'est au contraire une question
qui, pour Descartes, se présente d'elle-même et par elle-même
t •1 qu • je suis . ( r q u i me peut avoir assuré que ce Dieu n'ai t po in t fait qu'il n 'y
i i l uu u 1 1 l • r r >, nu u n ·i 1, auc�1n orp é tendu, a ucune figure, aucune gran
.
u · u 1 , 11u ·u n li •u, ·t lJU n 1111111oins j';ii · les s · n t i m · nts
•
dans le cadre de sa considération et qui doit nécessairement ce que la recherche trouve, c'est l'être en rech: rche lequel
être elle aussi prise en considération. enferme en soi son propre être. Je trouve le dubttare comme
ldeoque etiam ab iisdem, non minus quam ab aperte falsis, un esse et le dubitare est un cogitare. Dans cette mesure,
accurate deinceps assensionem esse cohibendam, si quid certi l'esse est un sum. L'esse de cette res que je trouve est un être
velim invenire1 • Il se pourrait que l'appréhension que j'ai spéci qui doit s'exprimer par le sum. Ce qui est trouvé, ce n'est p �s
fiquement de ces objets soit malgré tout elle aussi inassurée. que le dubitare fasse encontre à la m�ni ère d'u� e res, mais
.
Pour m'assurer contre cette non-sûreté elle-même, j 'accomplis que, dans le dubitare, un esse est donne s1multanement.
derechef le pas qui va de la dubitatio à la suppositio : Quaprop
ter, ut opinor, non male agam, si, voluntate plane in contrarium
versa, me ipsum fallam, illasque aliquandiu omnino falsas imagi § 42. La recherche soucieuse en q uête
nariasque esse fingam2• C'est ainsi que Descartes s'est approché de la quiddité de l e go sum sous la conduite
'
De cartes, Medilatio fi, op. cil. , p. 18. [Mais je ne connais pas encore
mais mon jugement sur ces pensées, et que je ne leur donne pas plus de créance
�ssez
cl tir m e n t ce q ue je suis,
que je ferais à des choses qui me paraîtraient évidemment fausses si je désire 1.
moi q ui suis certa111 que Je suis ; de sorte que desor
trouver quelque chose de constant et d'assuré dans les sciences. ] _
pas imprud em-
2. Ibid. (C'est pourquoi je pense que j'en userai plus prudemment, si, prenant inois il fa u t q u e je prenne soigneu sement garde de ne prendre
J étais un homme . Mais �u est-ce
., . . ,
2. fhirl., p. J 9. l_ Sa n s d i ff i c u l té, j ' a i pensé que
un parti contraire, j 'emploie tous mes soins à me tromper moi-mêm e, fei g n a n t 1 1 1 • n t q u elq ue a u t re chose pour moi . ] .
que toutes ces pensées sont fausses et imaginaires.] n a b le ? Non c� 1 tes . car 11 fau
3. Ibid., p. 15. (Je penserai que le ciel, l'air, la te r re , l e s cou l e u rs , les figu res,
dr iit 1 ur upr s r · h ·r ·h r cc que c'est qu a ni ma _
q u e c'est un a n 1 1 1 1 a l ra1 son
q u 'u n h o m i n ' ? D i ra i-je
l , el ce q ue c est que 1_ a1son
_ _
t u i nsi d ' u n · s · u l c qu ' s t i o n no11s
,
les sons et toutes les choses extérieu res que nous voyons ne sont que des i l l u
·t
une
l lf l h l '.
e n l en
u'uut r ·s
t om b n o ns 1 nscn 1 b l e m
plus ) lorsq ue j · 1
!. e.I
· n sc n ' soi t qu · l q u e chos
et q uc j c m ' c h<t u fl'c. I 1ln ll '
Retour à Descartes
Le caractère d'être de la re s
262
cogitans, de la conscience 263
n t r quelq ue chose de ertain , ou du n io i n d r dou te, tout de même q u e s1 Je conna issais que cela tût . absol umen �
e con t i n uerai toujo urs clans cc he-
p u r · H u t r hos . J USqu' I\ c q u e j'aie
.
o n t i n u rai toujou rs cla1�' e .c � 1 e 1 1 1 i n , j usqu'à cc q�e ]_ 'aie ':enco n t re
�
11
. l
rem, ex hoc ipso quod illud examinarem, evidenter sequi me ,
q l l • j 1 1 1 • s 1 1 is t rnuv n v 1 1 1 o i 1 1 s
4 sqq.
· • s11j •!, 111w 1e, ompl 1 1 · n t . , p. '.l.
• ·n
existere, non potui quidem non ju dicare illud quod tam tare ' d'i nd i ffé r
·r..
•
LA MIS E E N É VID E N C E
D E L 'OMISSIO N
D E L A Q U ESTION D E L ' Ê T R E
CONSID É R É E COMME U N E MIS E
E N L UMI È R E D U D A S E IN
Premier Chapitre
ci de certitude,
L'o bli tér ati on , par le sou
écifique
de la question de l'ê tre sp
de la res cogitans
est d'avoir trouvé une proposition certain ; ce qui lui importe Descartes apporte l'élément décisif à la conclusion d� la
du cogito est pou r De scartes une propos e. Cette proposition deuxième Méditation : Fieri enim potest ut hoc quod vzdeo
me lle qui vau t de cet te cho se (Ding) ition logique et for non vere sit cera ; fieri potest ut ne quidem oculos habeam,
caractériser en bref com me chose pensanque nous pou von s quibus quidquam videatur ; sed fieri plane non pot�st, cum
tion mathématique couplée à une con te. Un e formalisa videam, sive (quod jam non distinguo) cur:i co�ztem r:z,e
pou r le reste, la cogitatio n'intervient pasditi on déterminée : .
videre, ut ego ipse cogitans non aliquid sim1• Ici s�nt identI�1es
stn�c�urel. Il suffit que la chose pen san te dan s son caractère cum videam et cum videre cogitem. Descartes �oit la relat! o?
pos1t10n. permette cette pro ainsi : jam non, <je ne les distingue> pas mamtenant ? u il
Pour nous, la que stio n qui se pos s'agit pour moi de déplacer le videre dans la res �ogztans.
vrai que ce qui a été trouvé dan s elaest alo rs ceUe-ci : s'il est
situ <Ici> sentire cogitare me sentire, cogitare cogztare me
= =
�n_e propositio n, un éta t de choses consignation terminale est ogitare. On voit donc que Descartes comprend d'emblée le
s1t10n, qu'en est- il alors, d'u ne manière géné dan s une propo ·ogitare comme une guise d'être spécifique dans laq�elle on
même à l'origine de cet état de choses érale, de la chose st conjointement en possession de soi-mêm e, un� guise dans
? L'é tat de choses ne .
peu t tou t de mê me pas être une e fict laquelle celui qui est est du �ê�e _coup pnmordrnl�men� en
le résultat de la recherche est un pur éta (Ve
ion . Il faut bie n, si
rapport à soi et se possède ams1 so1-meme. Cette determma
t rha
à l'�rigine de cet éta t soit toujours percep lt), que la chose t i on fondamentale enferme un phénomène que Descartes ne
av01r en que lqu e ma niè re un motif réal poutibl e. Il doi t bien y fixe pas explicitement. Cogito ne veut pas dire simplem� nt :
cho ses de la cho se elle -mê me . La chose eller tirer cet éta t de j constate quelque chose qui pense ; mais c �est un cogz�� re
�vo ir été vue d'u ne façon ou d'u ne aut re. -mê me doi t bie n qui est à la vérité tel que j'ai moi-même part a c� tte �am�re
tive est alors de savoir comment Desca La que stio n posi ci être en l'ayant. On qualifiera plus tard cette �etermmatlon
mettre cet éta t de cho ses sous la forme rtes a été am ené à d conscience de soi, de conscience interne qw accompagne
ont olo giq ue formel. Qu 'a-t -il trouvé qui d'un éta t de choses ·haque acte de conscience. Mais vous voye� déjà q�e. le
cet état sous cette forme ? Nous dem and l'autorise à me ttre
'i ni ple fait de parler d'accompagneme �t n ' attei�t p �s venta
Descartes dét erm ine -t-il la res cogitan ero ns : comment lil ment ce dont il s'agit. L'être du cogztare consiste a se po�
l'en dro it où il finit par reprendre l 'imaginars comme teIJ e à ' ·d r conjointement soi-même. C'est précisé��nt parce qu'il
le champ de la res cogitans ? Il faut bien i et le sentire dans f i i t p a r t i e de l'être du cogitare qu'il soit con10111tement pos
ristique de la res cogitans, auquel le sentireque le trait caracté ' d 1 a r soi-même selon une guise spécifi� ue que Desc�rtes
· ·
sen tire et l ùnaginari dan s Je dom ajne e à [24 9 ] rep ren dre le
'
le che min d u dou te, Descar tes a déj à dree la res cogitans ? S u r
nco n t r le sen tire et
x lus l'un
'
l im aginari. M a is i l l e s a va i t
a lors t l 'a u t r , pa r
certitude. . . 273
272 La mise en évidence de l'omission de la question de l 'être L 'oblitération, par le souci de
à la recherche. I� ne f�ut
multipliant les conditions imposétees qui
[250] Tant qu'on interprète la conscience interne comme un recherche_ n est nen
phénomène d'accompagnement pouvant ou non faire défaut pas perdre de vue que ce dou ose au contraire sur une
on perd d� vue ce qui est décisif pour Descartes. Puisqu� d'indéterminé ni de général ; il rep
cogito lui-mê1?�· lequ�l est
dans le meme temps Descartes prend appui sur ce phéno conception bien déterminée duerm iné de conditions qm font
, dans la res cogitans pour transformer cette relation en
mene soumis à un ensemble bien détl'on peu t:ouver, qu'un: chose
une relatio� _ ontologico-formelle absolue - parce que c'est qu' il n'y a, parmi tout ce que pre à tfair e encontre a cette
une propos1�10n de ce genre qui lui importe par avance - , il bien déterminée qui soit pro qui ne lui correspond pas
prend o�cas10n de cette relation pour établir une proposition recherche. Toute autre chose .
ontologico-formelle. Mais cette proposition, à partir du tombe sous le coup de la remotio portance que p.rend pour
mome ?t o� son contenu est pris en un sens ontologico-for Un exemple révélateur de l'iméris tique se v01t dans la
mel, n attemt plus son objet._ En faisant de l'état de choses la Descartes cette structure car,act s ce qu' il a trouvé en pre
mat�èr� d'une proposition formelle, Descartes inverse et per manière dont Descartes trouve dan pour le trouver . Sum cer
verttt bien plutôt l'être spécifique de ce qu'il avait vu aupara mier lieu en même temps le critère id ergo etiam scio quid
vant : le phénomène du se posséder conjointement soi-même. tus me e�se rem cogitantem. Nunqu Nempe in hac p ima
? �
Mais si cette proposition est prise comme un index formel requiratur ut de aliqua re sim certus a quaed�m et dzs. tzncta
d est, qua m clar
(formale Anzeige), c'est-à-dire si elle n'est pas prise directe cognitione nihil aliu mie. r cogttare ne trouve
� e?t , (a�quel cas ,e�le ne veut pas dire grand-chose) mais est perceptio ejus quod affirmo 1. Ce pre mais. c'es t .en
pas seulement quelque chose qu'ent il aurai� l�,
referee a la concretJon de ce qu'elle vise précisément elle est rem et d1stmctement luc1d�
alors parfaitement légitime . Il appartient en effet à l'être du même temps une cognitio clai à quelqu e �hase : �lle �e v01t
cogito qu'il soit à chaque fois. Tout être au sens de Dasein se quant à ce que veut dire avoir-l -même qu elle ;�1t. C est l�
c�racté �·is� par le fait qu'il est à chaque fois, il est de plus gaiement elle-même dans cela nou� avo�s ?�J3 �encont�e
deter��e par s?� être-temporel (Zeitlichkeit) et ensuite par même phénomène que celui que e ou celm-c1 eclaire la dif
hez saint Thomas2 dans le passag
du sensus en disant qu'il Y a, dan
,
la m�mere spec1flque qu'a cet ego sum d'être dans ce qu'il s
possede. Descartes ne considère pas davantage l'état de fait f rence de l'in tellectus et lité � ��
1 s diverses facultates animae, diff
érentes pos sibi �
edi
du cogit�tum . en son entier. Ce qui est important, c'est que , et que cette pos s1b1 hte est
vou.s .voy1e,z simplement c�tte chose : Descartes tire cette pro iio, de faire retour sur soi -mê me plè te dan s
l imitée dans le cas du sensus tandis qu'elle est com
position d un fonds consistant phénoménal déterminé la res er de causis, renvoie à Ari s-
est posée dans un état de choses où il s'agit de l'être du cer 1 cas de l'intellectus (tir é du Lib
t�m � n tant que veritas. Avec la validité, la proposition t te).
n attemt �lus l� res ; la res, avec toute la richesse qui est
c_haque fois l� siem1e, n'est plus prise en considération qu'à
titre secondaire. Le sens du sum se vide jusqu 'à signijïer être
�n quelque chose a� sens ontologique et formel. La proposi
tion de Desc�rtes : Je. sms. u?e chose pensante (sum res cogi
tans) en e�t 1 express10n adequate . Descartes dit même qu'il
, p. 33. p e suis cert ain que
ne peut, m ne veut, rien dire à propos du « je » n i du « suis » 1. es a r t s, Meditatio f i l , op. cil.
je suis une chose
auss i ce q u i est requ
iui p · ns ; mais n s�is-je clon e past · prem 1 rc con n a1ssa nce . .il ne se 1 enco nt1e
me rendre cer
parce que la �uestion de l'être, s'agissant de l ê t re spéci fique
is po ur
l t i n o qu · 1 iuc chos · · D u ns
r ept ion cl · c q u e J
ri •n q u 'u n · 111 i r · · t list i n t p c
'
��� �
- eA e repris en tant 'qu'actus
purus, dans ce eA ; � f;� . e�� ;e �esse credtum, �l � cet etre
Pour récapituler : comment se manifeste ce que Desc
a trouvé dans la reche rche conduite conformément
artes y a �lus
à la règle , cartes de recour ir a
considérée et qu'est-ce que cela signifie pour le
caractère rien qui empêche desorma1s D es
d'être de la res cogitans ? pour la res cogitans. .
nation de la
1 ° L'être qui est préd iqué de la res cogitans, c'est
l'esse cer 60 Ainsi, on peut dire que ce mo de de détermi
tum et seule ment lui. 2° Dès le débu t, la recherche et . ans cornme esse creatum no n seulement ne pose pas
la res cogit . . ,
en oblite-
déter mina tion du cogitare ne tende nt nulle ment à interr l a question de l 'être au�h�� t�qu; de la res cogitans
oger que cette
le cogitare dans son être spécifique . Il n'entre pas
du tout rant de surcroît la possibilite d y avoirA accès ' mais absence
dans les tâches de la recherche cartésienne de pose recherche et ce tte découv erte font m u rir en soi une .
r cette . , a, savo · r celle de toute questio n en
question de l'être mêm e si D escartes érige ensuite de besoin bien détermm ee, �
cet être . . s . Le certum esse prime
formel au rang d'être absolu. 3° Non seule ment la reche direction de l' eA t. r e .de la res cogitan .
rche pré dication d'
A
etre . T o ute a utre question relative a,
ne poursuit pas du tout cet objectif, mais c'est préci dans toute .
sément l 'être est déterminée et conduite par elle.
cette recherche qui, d'un e manière générale, barre
par avance
le chemin sur lequel il est possible de déterminer cet
être, et
empêche que la chose dont il s'agit puisse être donn
ée en elle
mêm e dans son être spéci fique . Ce qu'on cons tate
bien plu
tôt, c'est que cet être de la res cogitans doit préci
sément
renoncer, pour ainsi dire, à son être spécifique pour
devenir
purement formel et entre r, comm e simp le quelq
ue chose,
dans la proposition.
4° Ce qui est reten u pour faire partie des déter mina
tions
d'êtr e de la res cogitans provient de l'ontologie tradi
tionnelle,
laque lle n'éta it pas du tout orientée primo rdiale ment ,
en réa
lité, sur cette comp lexio n d'être de la res cogitans.
5° Cette
ontologie traditionnelle ne tient plus de manière origi
naire ce
qu'el le prend princ ipiell emen t pour fond emen t, mais
elle le
possède dans une transformation bien déterminée
q ui se
montre de la mani ère la plus nette dans le fait qu'es
se ne
signifie rien d'autre qu'esse creatum. Cela impliq ue q
ue l'être
de D ieu, tout comm e l'être de la créat ure, est com
pris caté
goria leme nt dans le mêm e sens de l esse creat um . D
i e u n ' st
que la causa p rima et absoluta de l esse creaL um . i
'
'
l 'on ons i-
La problématique cartésienne de la certitude. . . 277
� �
t pro ce e appartenance de caractères tels que le sentire et l ' imaginari
a u domaine de la res cogitans . Il résulte de tout ceci que
p river de tou te possibi eqm va udrait à se
lité d' � te�d� vent. able
veu t H usse rl. On aurait ment ce que
�: :
tort ass1m� er la doct l'être de la res cogitans est un être qui se possède conjointe
rine de Hus
II f u ouhgner � 'em
serl à celle de D escarte s
� blée en effe t ment soi-même dans son être. Cette donnée éprouvée au
une différen ce fon dame
�tale n a m ame- re don t Husserl
n tact du cogitare est ce sur quoi Descartes s'appuie pour
appréhende la conscience
quant à s n con ten u ., en
.
cl 'ager ce rapport déterminé dans la chose vue de cette
con cernant Je traitement
de la questzon de l 'être de l revanche ' açon. L'état de choses qui entre dans la proposition : is qui
et le sens de l'esse certu a conscience
m H ogitat, non potest non existere dum cogitat n'est pas déter
perspective ouverte pa r Des usser1 se meut entièrement dans La
P 1us que ja mais, alle r
cartes et veu t m ê me, . rn i 11 dans son être par la res, mais par le sens du certum. La
t 1 o1. n que D escar 1 r p i t i o n el le-même, la consistance de l'état de choses
'
·
au1o
pers pect ive de faço n e n ·
plus urd' hui
i n a b solu e N ous
tes p o ur sais i r cette
.
. e
n e p o u vo n s expl
f' '. e 1 � ce fon d a m
rer ic1 .
que t rè s b riè v e m e n t fa
ental
o-
J r p !>i l i ns. Pris dans sa m a t r i a l i t , ce p r i nc i p e est u n e
cf if
HusserJ et Desca r te �. N
, I l ons
a
S l tr
.
n t re
lim i l e p ri n c i pe d e
· ou m rst r s u rl o u l
qur d ni la validil n ' si q u
. tude. . . 279
cartésienne de la certi
278 . . . de la question de l'e't.re
La mise en évidence de l'om1sswn
La pro blématique
ristique de
. t, un mo me nt par ticulièrement car acté vait pas
précisém en dance n'a
contradiction [256] ne vaut p as absolu�ent, mais seulement Aupar avan t, cette ten
I· 1 ne v � ut pas i'h istoire de l'esprit. ui une dimen
pour une complexion régio nal e d etermmée , ·
a pris a ujou rd'h
, ' fo nda m enta l ; elle c'est la
meme pour l'aspect ontologico-for� el des pures relations du un caractère prim o rdialement en question,
. Ce qui vien t aire
quelque chose en généra1 mais umquement pour des legali , !'lion effarante. con stitu er une science, second t
' ssib ilité de
, science et la po n que le concep
tes pures, plus formelles encore que l es quelque chose*. J'évo- dont on traite, si bie
que ce point pour si naler que c�tte onentat�on sur l'évidence
_ ment c'e st l'êt re de ce e, c'est être un
te détermination : êtr
absolue ne suffit pa� elle n P us a_ garantir la radicalité de reç oit en fait cet c'est ce concept
d'être rati on scientifique -
?� _ sum es t l a d ecouverte , domain e pos sibl e d'él abo
la considération . La pro pos1 t wn cogito décisif pour Husserl.
ayant un caractère de fiun damentum absolutum stmplex avec . d'être qui est en fait que lle m esure les déte
rminations
ns- no us dan s cédente
1 aquelle Descartes interrom�t sa recherche. Le sens d'être de D emando
don née s da ns la récapitulation pré
. que nous a vo ns terro
la res cogitans est détermme par ce caractere ' d' etre A en tant m ent po ur le dom aine d'o bje t dont l'in
v alent effecti ve nce
re enquête, la con scie
·
que proposition dotée d' un contenu real , · La question de dép art de not
ation est au poi nt d e
A . ménologie ; deman
l' etre de la res cogitans est ams1. reg , 1 ée une fois pour toutes.
p thé m atique de la phéno
que cham proprement par-
. 1 . .
n tant
Elle ne se pose plus pour D escartes parce que la seul e chose faut se représenter à
qui UI importe désormais c'est d'obtemr, a, p�rt�. r de ce fun
. don s-n ou s co m men t il elle autorise à
n ent re D escartes et Husserl, si
.
damentum et à l 'aide de la ded· �ctw dans les differents ordres
rela tio ez Husserl ce
ique « conscien ce » ch
ler cet te
, du ch a mp thé mat ns chez D es-
r dire
possibles, de nouvelles proposit10ns sur les complexions d'être.
dit du cara ctèr e d'être de la res cogita accentué.
Nous pouvons donc dire eu egard , au caractère d'être de la qui a été me sen s voire en un sens
' cela da ns le mê tout le
artes, et bien présent à l'esprit
1 U v ous faut ,
découverte dans laquelle l a res cogitans apparaît, que le fon- insis te, avo ir
j'y utre
dement de l'être est l'esse certum . La tendance de a recher- dit da ns le cours. Celui-ci n'a d'a
ch e est d'emblée telle qu ,l , n 'entre pas du tout dans ses
que j'a i avec ce
. c nte n u de ce con vient l'explicatio n
par er com m e il
. . . de l 'être et de l b ut que de pré ique dans la phé-
mtentwns de poser la questwn
, .
a poser en se
a été mis en jeu à titre de champ thémat
donnant si librement ce qu e11 e questionne que ce l a parle à qui
rdu i.
partir de son caractère d'être ro �e �e qm. est recherché ne
·
nomén ologie d'a ujo u cin q points de
cette comparaison de
peut venir en question que s'� ���isf� t � u :ens d'être qui lui N ou s allo ns m ene r te méthodiq ue
, us con sid ére ron s 1 ° le rapport du dou relation
a été assigné d'avance par la e erc e . 1 etre au sens d'esse v ue : no erl ap pelle réd uction ; 2° la
certum. Ce dont il est e f10 en fait
ce que H uss côté ( D es
artésie n à
� que du cogito d'un
_ de catégories d'être,
dans cette considérati �� � t ans �o� te l'organisation des ntre la mis e en je u thé
co
mati
nsci en ce de l'autre (Husse
rl) ; 3° la
artes) et cel le de la le du
sciences, ce sont des catégories � en , tees de la tradition qui
actè re abs olu de la res cogitans et cel re
question du car
.
_ , ; 4 ° la relation ent
ns de l' abs olui té
passent pour ne pas av 01r b esom d'être questionnees,
.
· des de la conscience p ure t qu' esse creatum
�
,
categories héritées sous u n e f rme � u 1 s'est déjà éloignée de la res cogitans en tan
. 1 cara ctè re d'ê tre de la conscience
l'origine de telle sorte ue le expen � nces où elles ont été tre fondamentale de
puisées ne sont plus .Pré; en tes mais onentées e t mterpretées
atio n d'ê
· l .la dét erm in cad re qui m otive
n
· , ens regionale ; ° le
5
d ans la perspective d'a�t�es con�ex10ns réales (le christia-
. 8] e tan t qu' ances ulti-
l a
D escartes et les tend comme
pure (25
ch ez
u:re c ez D e s ca rt es vise à [257 ]
, t rec her che e
ul timemen fondam entale compris
1 1 1 1 m. n t déci
nisme ). La tendance à sives de la science
fonder les sciences a' con figurer des, d 1. sc1. p .m e s t ou.1 o u rs de l a conscience .
· .
.
nouvelles, et cette tend ance dev1ent, a partir de D sca rtes n otr e xa m en en m
etta nt d'abord au
u i r
( J h n.om. , n.o log ie
ond
en.tale 1 d u x 1 osi t ion s
'
.
N us a i l ns
la nda m
j )U r ha r u . r
''re nc , I
* Cf., à ce sujet, A nnexe, cornpl 'rncnl 6, p. 3
)ÏS rli[/
7.
281
sienne de la certitude . . .
280 La mise en évidence de l'omission de la question de l'être La prob lématiq ue carté
b) Le cogito cartésien et la con d'analyse très primitif. Brentano n'a jam�is � u l'entente d � ce
science husserlienne dont il s'agissait à proprement parler, Il s en �st tenu � la
.
Sur le 2°. Ce que nous avons seule différence parfaitement triviale entre objet et sa!Sle.
dit concernant la différence L'école autrichienne a aujourd'hui entièrement sombré dans
en �re les deux procédés montr
e d'ores et déjà que Descarte
v?1t le cogito utrement que s la logistique, et est devenue totalement impuissant� . Le des
� Hu sse rl. Descartes questionne .
d abord le cogtto en posant init tin de la théorie de l'objet montre qu'elle n'a .1 amais eu
ialement « mon être » et en se
dem an�ant si c'e st un cert�m, l'entente de la nécessité d'une ontologie ; elle est devenue
une res satisfaisant à la regula
ge�era!ts Husserl ne qu est 10n une computation vide de relations et de connexions de �ela
ne pas le cogito po ur savoir s'il
satisfait a� une nor me quelco tions, ce qui l'a rendue opaque au traitement de connexions
nque, mais il le voit po siti ve
me nt. Il che rch e positivement d'être concrètes.
une structure fon dam ent ale et
la trouve dan s ce qu 'il appelle Ce qui sépare H usserl et Descartes se voit précisément
l 'intentionnalité. Il voit po siti
vem ent la conscz.ence dans la dans ce que Descartes et Husserl font, l'un et l 'autre, de la
turel �écis�f. Or ce�a a un e sig
per spe ctive de ce moment str
uc découverte phénoménale du cogito me cogitare. Pour Des
nification décisive po ur toute
problemattque ulten. eure de la cartes la découverte fondamentale sert uniquement de base
la conscience : l'in ten tio nna lité
de la conscien n'e st pas un pour é tablir une proposition ontologico-formell� qui satisfait,
�� éta t quelconque de l 'ego, ma
dan� �e « s � dm ger sur » est is par son caractère de certitude, au certum, � � qm, en t� nt que
éga lem ent do nné ce sur quo
se dm ge. L mtentionnalité ne i il telle, devient le point de départ de propositions posseda?t le
do it pas êtr e considérée com
une propr�é �é des processus me même caractère de validité mais ne se rapportant pas neces
psychiques, mais il faut y voi
un e modahte dans laq uel le que r sairement à l'être de la conscience . Pour Descartes il ne s'agit
lque chose fait encontre d'une
fa�on tel le que ce qu i fait enc pas de saisir thématiquement la res cogitans ; pour H usserl
ontre soi t pri s en vue ave c le
faire encontre lui -m êm e : le ·n revanche le phénomène spécifique du « se rapporter
se-diriger-sur en un ité ave c son
« ce sur quoi » spécifi qu e. C'e onsciemment à quelque chose » devient le point de d �part
st là le sen s fon dam ent al de
que veut dire d'emblée « int ent ce d'une interprétation fondamentale de la réflexion. Le fa� t de
ion nal ité » : dans l'attitude du .
cogitare es� égalem� t donné, la réflexion non pas comme fu ndamentum d'une proposit10�
en unité avec le cogitare, le cog
ta�m au titre de l eta ?
nt dans la ma niè re do nt il fait i n tologico-formelle, mais comme instrument destin � à confi
fois encontre lor squ 'on y accède cha que urer le cheminement propre <de la phénoménologie> : « La
et a commerce avec lui .
A ve� cette décou verte de m. thode phénoménologique se meut intégralement dans le �
n tes de la réflexion 1 . » Remarquons bien ici ce sur qu01
l 'intention nalité, la voi e po
co�dutre une rech�rche on tolo ur
i rte Ja réflexion, en l 'occurrence la [262] conscience et son
gique radicale est po ur la pre
mt.�re fots. exp ressement ou ver
te dans l'histoire de la philo
phte . so ':uactère
" fondamental : l'intentionnalité. La réflexion ne
Bre nt�no et la scolastique abo rte pas sur des processus psychiques, mais sur la manière
rdent les pro blè me s d'u ne
faç on q�i reste foncièrement s rapporter au monde objectif. C'est par conséquent une
vag ue et con fus e. [26 1 ] Husserl .
a vu positi. vement qu elq ue cho rr ur fondamentale de caractériser la phénoménologie hus
se de fondam ent ale me nt neu
et c'e st aus si la rai son pour f •rli nn comme une « phénoménologie des actes » ou
r n m u n e « p ychologie transcendantale » ainsi que le fait
laq uel le la rec h e rch e q u i t rait
the_ matiq . uem �
8 •h 1 r. i on v u t l ' i n te rp r ter ainsi, il faut alors prendre le
ent de la con sci enc e d a n s son
me nt� I se tie t loi n a �-d e s,s car act ère fo n d a
que 1 on ass oci e vol on t r rs a 'I t l'a l 0 1 1 1 111 T- h rs, ri veut q u 'on l 'entende . La phé-
� us d ' u n cou ra n t p h
i l sop h i q u
. ien
a u t rich
la p h n o m n o l o i : l a r: h n
1 . E. l l 1 1NN · r i , fri<'<'ll. 1, § 77, p. 1 44 l l r 1 1 .
n e de l 'obj t , l a q u I
op. ·if., p. 47 1.
l n 'a j a m a is d pas u n niv au l'r. ,
.. 285
tésienne d e la certitude.
. de l'être L a problématique car
284 La mise en évidence de l'omission de la questwn
uel on réfléchit est présentur t, si ce sur
noménologie ne se dirige J·ustement p �s sur des actes au sens 1 �nexion, l' acte sur leqdir ige n'est pa s l'obje t na el, mais
1 ancien du terme ' ma·si sur des domames encierement nou- qu i la réflexion se e tab le, pour
1 i' I' bje t da ns la
modalité où il est visé. s Un
veaux, sur la manière de se r�pporter à quelque chose en.
pr endre un ex em ple sim ple , n'e nt re pa da ns jet spélé-
la pr ob
ci
ayant .présent cela même a, qu01 on se rapport. e 1s: T�mcapable,
nt que Je
1na tique de la phénoménlaolo gie en t ant que ce t ob de son
dalité
ne fais pas fonds là-dessus ·e a, Jam squ'on considère d an sstlapamo
� �
lorsque je considère directe�e � t l�:: �t' de voir, en quelque t lqu e-c i, ma is lor
jet , ce qu i sig nif ie qu e la tab le n'e s pré sente uni
sens que ce soit ' quelque chose comme un caractere , d' etre, et i re- ob
vue de sa cap acité à être expérimentée ,
1
�
�
stique de
particulièrement caractéri
��i�:eu e�ent précisément, un moment
� �
va it pas
contradiction [256] ne vaut s ab ravant, cette tendance n'a
pour une complexion régio�:le d:� �r::� · l'h isto ire de l'e spr it. Au pa en
'
v u pas
da me nta l ; ell e a pris aujourd 'hu i un e dim
A
meme pour l'aspect ontologie�-for� e l des pures relations du un car act ère fon
nt pr im ord ialement en question, c'e st la
sio n eff ara nte . Ce qu i vie ire
quelque chose en général mais umquement pour des légali
' la po ssi bil ité de co nst ituer un e science, seconda
; !i
science et concept
tés pures plus formelles encore que les quelque chose*. J'évo- on tra ite , si bie n que le
que ce �int ���r ��n: :r :;::: cette orientat�on sur l'évidence ment c'e st l'être de ce do nt termination : être, c'est être un
.
absolu: ne s
dé
d'être reçoit en fait cette
.
plus a, garantir la radicalité de ora tion scientifique - c'est ce
concept
. . . sum est l a d ecouverte , domaine possi ble d'é lab
� �
la considération . La propos1t10n cogtto if pour H usserl.
laquelle Descartes inter��m
ayant un caractère de fi d
�
7��t;e�h : �� utum simplex avec
. Le sens d , etre de
A
d'être qu i est en fait décis
elle mesure les détermi
De mand on s-n ou s dans qu la récapitulation précédente
dans
nations
lure et
pour voir, partant de là, comment, en dépit de différences sous remot!:io cartésienn e. Chez Descartes, il s'agit d'exc saisie
rter certaines connexions d'êtr e et les mod es de
des rapports décisifs, il y a néanmoins une communauté qui d'éca
e les autres
montre que Husserl se situe malgré tout dans la tendance qui le:ur correspondent parce que les unes comm
sont tenues
unitaire fondamentale de la recherche cartésienne, le souci ne sa1tisfont pas à la regula generalis. Les sciences
à illusio� .
de connaissance étant finalement chez lui à l'œuvre sous la pour incertaines et ce qu'e lles saisissent po.ur sujet � ,
cote, mais
forme du souci de certitude. Pour Huss erl, les sciences ne sont pas mises de
e fond amen tal cher ché. La
intégn·ées et reprises dans le thèm
talle r les scien ces, et ce
a) Le doute méthodique cartésien (remotio) rédu ction a positivement le sens d'ins ce
atiqu e de la scien
et la réduction husserlienne qu'e llles saisi ssen t, dans le dom aine thém
tâche non pas de
nouvelle. La réduction a posit ivem ent pour
de, mais
Sur le 1°. À première vue, les deux procédés ont quelque critiq uer l'étant quant aux certitudes ou à l'incertitu
être élabo ré
chose en commun, et cel a au point qu'on serait presque tenté de le rend re thém atiqu emen t prop re à pouv oir
de dire que la réduction est au fond la même chose que la dans la scien ce reche rchée .
édés a
remotio. En effet si l 'on considère leur point de départ, l'un Par cons éque nt, le point de départ de ces deux proc
envisage
et l'autre sont logés à la même enseigne. Husserl part, lui aussi un sens foncièrement diffé rent. Descartes
ère de la ques tion critique
comme Descartes, du « moi dans son monde ambiant ». De son monde amb iant à la lumi
m. Huss erl est animé
la même façon, le but que visent ces deux procédés semble consi:stant à savoir si celui-ci est un certu
ébra nler ce mon de
être le même puisqu'il s'agit de progresser jusqu'au cogito en par la tendance opposée et vise non pas à
aire à voir
tant qu'absolutum. Et la démarche est finalement la même ambi ant, à découvrir des obscurités, mais au contr
origi naire
puisque l'un comme l'autre procèdent à une exclusion : Des préci:séme nt ce mon de lui-m ême dans sa donation
rapporte.
cartes sur le mode de la remotio, Husserl sur le mode de la · t à voir en mêm e temps la façon dont je m'y
il cond uit
réduction. Cette convergence est renforcée par le fait que uant à savoir si Huss erl, dans la man ière dont
peut tout simp leme nt l'ape r-
Husserl se réfère expressément au doute méthodique de l 'exam en du mon de amb iant,
ndair e. Posit ivem ent, la
Descartes . voir, c'est là une question seco
de mett re l'être en
À y regarder de plus près, des différences fondamentales L ndan ce n'est pas d'ébr anler , mais
dans l a persp ectiv e
apparaissent cependant, d'abord en ce qui concerne simple apacité d'être interrogé à nouveaux frais
1 l a science nouvelle qu'il s'agit de cons titue r. La rédu ction
ment le but visé. Descartes veut atteindre un absolutum sur
une situa
lequel toutes les sciences puissent être fondées et instituées, débo uche donc pas, com me chez Desc artes , sur
n term inale où la rech erch e se trouve placé
e deva nt le
le fundamentum étant donc le point de départ _ de séries
ri n et dans le rien des poss ibilit és de
démonstratives déterminées. Pour Husserl, il ne · s'agit pas trouver quoi que ce
' i t .' [ 260] La réduction configure bien
d'atteindre un fundamentum pour toutes les sciences, mais plutô t la poss ibilit é
bien plutôt de [259] trouver une science, une science nouvelle "rme ttant que tout l 'être qui n'est que poss ible tombe sous
qui ne prenne pas seulement le fundamenturn pour point de l r gard , donc que l 'ense mble de l'être , et non pas rien,
iJ vi nne, dans une mod ificat ion déter miné
e, thém atiqu e-
départ mais qui érige le fundamentum lui-même en thème de
cette science, le fundamentum non pas com me « ce à pa rt ir n 1 n t p rése n t .
de quoi » aller plus avant, mais comme l e « ce sur q uoi » d 'une
science . Mais cela veut dire q ue H usserl adopte, v is-à-vis d e
toutes les sciences, une t out a u t r pos i t ion que D a rt - .
Cela veut dire q u l 'e xcl usion a u n tout a u t r s n d a n · la
1 1
282 La mise en évidence de l'omission de la question de l'être La problématique cartésienne de la certitude. . . 283
1 1
b) Le cogito cartésien et la conscience husserlienne dont il s'agissai t à proprement parler, il s'en est tenu à la
seule différence parfaitement triviale entre objet et saisie.
Sur le 2°. Ce que nous avons dit conc erna nt la diffé
rence L'école autrichienne a aujourd'hui entièrement sombré dans
entre les deux procédés montre d'ores et déjà que
Desc artes la logistique, et est devenue totalement impuissante . Le des
voit le cogito autre ment que Husserl . Descartes ques
tionn e tin de la théorie de l'objet montre qu'elle n'a jamais eu
d'abord le cogito en posant initia leme nt « mon être
» et en se l 'entente de la nécessité d'une ontologie ; elle est devenue
demandant si c'est un certum, une res satisfaisant à
la regul une computation vide de relations et de connexions de rela
generalis. Husserl ne questionne pas le cogito pour savoi a
r s'il tions, ce qui l'a rendue opaque au traitement de connexions
satisfait à une norme quelc onqu e, mais il le voit
positive d'être concrètes .
ment . Il cherche positivement une structure fondamen
tale et Ce qui sépare Husserl et Descartes se voit précisément
la trouve dans ce qu'il appelle l'intentionnalité. Il voit
posit i dans ce que Descartes et Husserl font, l'un et l'autre, de la
vement la conscience dans la persp ectiv e de ce mom
ent struc découverte phénoménale du cogito me cogitare. Pour Des
turel décisif. Or cela a une signification décisive pour
toute la cartes, la découverte fondamentale sert uniquement de base
probléma tique ultérieure de la conscience : l'inte ntion
nalité pour établir une proposition ontologico-forrnelle qui satisfait,
de la cons cienc e n'est pas un état quelconque de
l'ego, mais par son caractère de certitude, au certum, et qui, en tant que
dans ce « se dirig er sur » est également donné ce sur
quoi il telle, devient le point de départ de propositions possédant le
se dirige. L'intentionnalité ne doit pas être considérée
comme même caractère de validité mais ne se rapportant pas néces-
une propriété des processus psychiques, mais il faut
y voir airement à l'être de la conscience. Pour Descartes il ne s'agit
pas de saisir thématiquement la res cogitans ; pour Husserl
une modalité dans laquelle quelque chose fait enco
ntre d'une
façon telle que ce qui fait encontre soit pris en vue .
avec le n revanche le phénomène spécifique du « se rapporter
faire encontre lui-même : le se-diriger-sur en unité
avec son consciemment à quelque chose » devient le point de départ
« ce sur quoi » spécifique. C'est là le sens fond amen
tal de ce d' une interprétation fondamentale de la réflexion. Le fait de
que veut dire d'emblée « inten tionn alité » : dans l'atti
tude
cogitare es� également donné, en unité avec le cogitare, le du Ja réflexion non pas comme fundamentum d'une proposition
ta�um au titre de l'étant dans la mani ère dont il fait chaq cogi ntologico-formelle, mais comme instrument destiné à confi
ue urer le cheminement propre <de la phénoménologie> : « La
fois encontre lorsqu'on y accède et a commerce avec
lui. m.éthode phénoménologique se meut intégralement dans les
A vec cette déco uverte de l'intentionnalité, la voie
conduire une recherche ontologique radicale est pour lapour · 1ctes de la réflexion1 . » Remarquons bien ici ce sur quoi
p rte la réflexion, en l'occurrence la [262] conscience et son
mière fois expressément ouverte dans l'histoire de la philopre
so- ·a ractère fondamental : l'intentionnalité. La réflexion ne
phie. .
1 rte pas sur des processus psychiques, mais sur la manière
1
Bren tano et la scolastique abordent les prob lème
s d'une e rapporter au monde objectif. C'est par conséquent une
façon qui reste foncièrement vagu e et confuse. (261
] Husserl rreur fondamentale de caractériser la phénoménologie bus
a vu posit ivem ent quelque chose de fondamen talem
ent neuf ' rlienne comme une « phénoménologie des actes » ou
et c'est aussi la raiso n pour laquelle la reche rche q
u i t rait � m m une « psychologie transcendantale » ainsi que le fait
thém atiqu emen t de la consc ience dans son ca ractè re
fonda ' h 1 r . Si on veut l'interpréter ainsi, il faut alors prendre le
p t d'acl com m e H usserl veu t q u' o n l'entende . La phé-
ment al se tient loin au-de ssus d ' u n cou ran t phi losop
que l 'on ass oc i e volon t iers à la phén om nolo ie : la
h ique ·
th orie
1. T l. l l uss · ri . Jr/1•1•11, 1 , � 77, fl · 1 44 I L n1d. fr. , op. cit., p. 47 1.
a u t rich i e n ne d l 'obj t , laqu I l n 'a jama is d pass
1 1 1 n i v au
284 L a mise en évidence de l'omission de la question de l'être L a problématique cartésienne d e la certitude . . . 285
no n:énologie ne se dirige justement pas sur des actes au sens réflexion, l'acte sur lequel on réfléchit est présent, si ce sur
anc1en du terme, mais sur des domaines entièrement nou quoi la réflexion se dirige n'est pas l'objet naturel, mais
veaux, s �r la manière de se rapporter à quelque chose en
aya�t rresent cela m �me à qu �i on se rapporte. Tant que je
l 'objet dans la modalité où il est visé. Une table, pour
prendre un exemple simple, n 'entre pas dans l � pro �l �
ne fais ras fon �s la �dessus, Je reste à jamais incapable,
_
_ considere
_ matique de la phénoménologie en tant que cet ob3et speci
lorsque Je dtrectement l'étant, de voir, en quelque fique-ci, mais lorsqu'on la considère dans la modalité de son
_
sens que ce s01t, quelque chose comme un caractère d'être et être-objet, ce qui signifie que la table n'est pas présente uni
à plus �orte raison de déployer quelque chose comme �ne quement du point de vue de sa capacité à être expérimentée,
ontologie. J 'en reviens ainsi au fait que c'est ici, en réalité,
que le s �� pour une recherche ontologique a été dégagé pour
mais ce qui devient présent ici, c'est bien plutôt le caractère
de son être-réel, lequel fait partie entre autres choses du
l � premier� fois_ dans l'histoire de la philosophie, et cela
domaine de l'analyse phénoménologique elle-même.
_
d UI�e mamere telle qu'on soit capable de progresser comme Le troisième moment où s'introduit une différence est la
l'e �ge une recherche scientifique et non pas sous la forme de détermination de l'absolu. Ce qui nous le montre le plus clai
la simple réflexion. rement, c'est la caractérisation correspondante du relativum.
Le cogito est un fundamentum absolutum simplex dans la
c) L'absolutum cartésien de la res cogitans mesure où il sert de point de départ à une déduction ulté
et l 'absoluité husserlienne de la conscience pure rieure. En tant que point de départ de la démonstration, le
Sur le 3°. L 'absolutum chez Descartes fundamentum est fundamentum pour tous les objets po�sibles
, ne signifie rien n général. Pour Husserl, la conscience n'est pas le pomt de
d autre que l: fu damentum simp lex
�
, art a, la ded uct1 qui sert de poin t de départ d'une chaîne démonstrative, mais la conscience est
dep 0n. Est dit « rela tif » che z Descartes tout
ce qui est dédu it, tou� ce Ile-même un absolutum au sens d'une région d'être émi
�ans la �ham� e des raisons.qui« Reln'occupe pas la prem ière place
atif » signifie chez Husserl :
nente. Dans le sens de l'absolutum, il y a le fait qu'il caracté
rise un domaine d'objets qui, en raison de leur teneur réale
etre un etant qui s'annonce dan s la conscie
_ nce, qui tien t de la unique en son genre, en remplissent le champ. Pour D �s
cons:ienc e la pos sibil ité de se montrer en lui-m
?onsequent, la conscience en tant qu'être absolu ême . Par cartes le cogito n'est que le premier moment pour dégager et
etre dans lequ el s'annonce tout autr e être sign ifie cet tabLir une proposition ontologico-formelle. Pour Husserl, i l
_ nce pos sible tenant de n s'agit pas de trouver quelque chose d'absolument certain
p ur pouvoir en déduire ensuite autre chose ; mais c'est préci
la con scie la pos sibil ité de se montrer en soi- mêm
ce sens de la con scie nce qui est visé chez e. C'es t
Hus serl . Le fait ment ce [264] fundamentum qui est le thème d'une science.
que la [263] phé nom éno logi e, telle qu'e
lle s'es t constituée J l ne s'agit pas de regarder vers autre chose en s'éloignant du
fundamentum ; le fundamentum est lui-même thème absolu.
dans le cadre �hilo sophique de l'ép oqu
e, soit devenue pour
Hus serl une science · rat1_ 0nnelle est une
q� i ne nou s int�resse pas � ans ce con
question secondaire
texte où il s'ag it d) La res cogitans cartésienne comme ens creatum
t la conscience husserlienne comme ens regionale
d en endre
� ,
la phenomenologte com me pos
configure� plus ava��- Mai s ell ne peut êtresibilité, et de la
� con figu rée plus
avant qu a la con d1t10 n de faJre retour
aux raci nes où elie 4° . ett différence apparaît plus nettement encore
q u a t ri n1e m 111 n t , a vec la question du caractère
puis e sa viva cité . C'es t la déte rmin atio n
de J ' i n t nt ionn a l i té
qui r� nd avant tout poss ible la rn ' t hod e
_ d e la r cher h p hé la r s ·ot: ilans l 1 la c o n cienc . La res cogitans
c)n 1 111 ' 'SS<' creotum. 't n s l 'ess ·rea tu
nom enol og1q ue ; car cette m thod t pos i bl i, r§ · c Ja t 1 l rm i n· m, se
286 La mise en évidence de l'om
ission de la question de l'êt
re La problématique cartésienne de la certitude. . . 287
trouve inclus l'esse verum, et
ce der nie r sub it chez Descarte
un revirement qui le change
en
s disposition du système de la foi catholique les f� nd� rr.ients
cogitans se fonde en dernière insesse certum. L'être de la res ra tionnels nécessaires, et cela sur un mode sci : ntif1que.
tance sur l'être caractérisé
comme esse creatum . La con cette intention procède d'une considération du sys�eme de la
fo,i qui requiert de lui-même une telle fondation : nam
science comme conscience abs
lue est quant à elle déterminée o
par ce caractère d 'être : être
un e région possible pour un q1.wmvis nabis fidelibus animam humanam c�m corpo�e �on
e science ou, en d'autres ter _ ; certe t fide
êtr e un ens regionale . La distin mes interire, Deumque existere, /ide credere suffictat �
ction entre la conscience d'u
par t et l'ét ant qui s'annonce n� Libus nulla religio, nec fere etiam ulla moralis virtus, vi detur
dan s la conscience d'autre par
est, sel on Hu sse rl, la distinctio
n
t posse persuaderi, nisi prius illis ista d�o rati?�e naturalt_ pro
des c�tégories. L'ê tre en tant queoriginaire de toute doctrine bentur : cumque saepe in hac vita ma1ora vttus quam virtuti _ _
�
conscience est ce en quoi
tout etre transcendant est là
en un sens ou en un autre bus praemia proponantur, pauci rectum utili praeferrent, �l
L'essentiel est que la consci nec Deum timerent, nec aliam vitam expectarent. Et qua� vis
ence, prise au sen s de struct
fondamentale de l'in ten tio nna ur� mnino verum sit, Dei existentiam credendam esse, quoniam
lité , soit un do ma ine d'ê tre
possi le où tou t être tra nsc irn. sacris scripturis docetur, et vice versa credendas sa � ras
tro uve� com end ant s'annonce et pu isse
êtr e scripturas, quoniam habentur a Deo ; quia ne�pe, cum /ides
me tel. Husserl met cette dis
me nt de tou te aut re considéra tin ctio n au fon de
tion concernant l'êt re. Pa r là sil donum Dei, ille idem qui dat gratiam ad reltqua credenda,
l'être de � a conscience est mis potest etiam dare, ut ipsum exist�re credamus ; non tarr:en ho c
en jeu comme l'être qui fourni _ .
un domame réal à la science t in.fidelibus proponi potest, quta circulum esse 1udicarent 1.
fon dam ent ale , celle qu i est
soubassement de toutes les aut
res sciences et qui les « fonde
au ,'existence de Dieu doit être fondée ratJonelleme�t pour
_
d'une � a�i �re caractéristiq » qlll e quiconque se tient en dehors de la foi ait des motifs pour
ue. Nous verrons ce que sig
pl � s prec1sement être au sen nifie se soumettre aux règles de la foi. C'est dans ce but que D � s-
s d'être objet possible d 'un _
science en reconduisant le sen e artes entreprend ses Méditations, et il prétend à vr 1 dlfe
et ce q � i la 1:1ot�ve, au souci
s de cette détermination d'être �
a'Voir donné, croit-il, pour la première fois une [26�] demons
de cer titu de qui est à l'o rig in
de la determmat10n ou plu tôt � tJration pleinement valide de l'existence de Dieu et de
1 immortalité de l'âme. On appelle tout ce complexe des deux
de la non-détermination d'être
de la res cogitans. Mais aupara
vant, il nous reste à caractéri
ser la différence des deux po
sitions quant à leur orientatio
p1ièces fondamentales de la foi les preambula fidei. Desc�rtes
ultime. n réclame même ici d'un concile. On ne peut pas expnmer
[265] e) Le contexte qu i mo tive au
fi u ' i lnous suffise, à nous autres qui sommes fidèles, �e cro1re par l a foi qu ; 11. Y a
bout du compte 1. Descartes, Meditationes de prima philosophia, épître �édicatoire. (Ca1 bien
L i n Dieu, et que l'âme humaine ne meurt po111t avec le co'.ps , certamement 11 ne
la recherche de Descartes et
les tendances décisives
ultimes de la phénoménologie s mble pas possible de pouvoir jamais persuader aux 111fidèles aucune rehg1on,
;1 i . u asi m ê m e aucune vertu morale, si premièrement on ne leur prouve ces
de Husserl
: le 5°. Chez Descartes, l'horizo tl u� c hoses par raison naturelle. Et d'autant qu'on propose souvent en cette v1
t l 1 i u s gra n d e s récompenses pour les vices que pour les vertus, peu de pet
Su �
onn s préféreraient le juste à l'utile, si elles n'étaient re.tenues, nt par la cra111�e
_ e. Cela
la fat catholtqu n est celui du système de .
, � D i e u , ni pa r l ' a t tente d ' u n e autre vie. Et q uo 1 q u . il soit absolun� ent v..ra1 qu L i
ne se rem arq ue pas seu lem ent
en ceci
r l u i roire q u ' i l y a u n D ie u , parce qu'il e t ainsi enseigné dans les Samtes Ecntures,
que Descartes met l'ontologie anc ,..
tiq ue à la base de ses con sid ienne de la h a u t e sco las
,
1 i 'u ; l ce l a parc q u e . la foi é t a n t u n don de D i e u , celui-la meme qrn donne la
éra tio ns fon da me n t ale mais 'I t l 'a u l re pa rt q u ' i l fa u t croire les Saintes Écritures, parce qu � lies viennent de
apparaît expressément dan s
f 1• · . 1 o u r l'Hil'"' roi r · 1 ·s a u l r' � c h oses, la 1:e u l a u ss 1 do:111e1 p o u 1 n � us fa1 1
' _
son ép î t re déd ica t o i re à
faculté de théologie de la So rbo
.
n n e q u ' i l a p J a c e en . . cela a u x 1 n l,1.d eles , . q u�.
la
l ê t e
1 n r r ni i . 1 1 1 s ' i rn n i n •r 1 u • l 'o n ·0 1 1 1 1 1 1 • 1 t ru 1 1 en ·1 la l a u l c. q u e les log1 c1 en s
·
D
l'!'O i r • q u ' i l ' X i s t . : on n suura 1 1 n < n n m o '. n s p 1 op�se1
m ttr
ses Méditations. L'i n te n t ion de de
ca r l s st d à la 1 l 1 J 1 1 1 n 1 · 1 1 1 un · ·r ·I " '
288 La mise en évidence de l'omission de la question de l'être
La problématique cartésienne de la certitude. . . 289
Ces différences, qui sautent aux yeux lorsqu'on considère b) La certitudo est expressément requise
le � choses de plus près, n'empêchent pourtant pas, et même pour la région d'être absolue
exigent que ce qui a été dit de la détermination d'être de la res
cogitans soit étendu à la mise en jeu de la conscience à titre 2° Le cogito sum n'est pas seulement repris sans discussion
de champ thématique de la phénoménologie. Cela est d'autant mme une trivialité, mais cette évidence allant de soi est
plus nécessaire que c'est bien le même souci de connaissance largie de manière fondamentale dans la mesure où cette cer
qui est à l'œuvre dans la mise en jeu et la configuration du tltudo est à présent expressément requise non seulement
�� amp t�ématf qu.e .de la phén ? mé �ologie. Le souci a quitté p ur une proposition ontologico-formelle déterminée édifiée
1 c1 s ?? h�u d ongme et se situe a un plus haut degré de u r le cogito ou pour des cogitationes isolées, mais pour
mob1hte,_ Il barre et obstrue plus radicalement encore les pos l 'i n l ral ité de ce domaine objectif particulier comme tel. Le
sibilités d'encontre de l'être spécifique de la conscience. ·r gita est à présen t posé comme norme explicite de la saisie
minations ontologiques : genre, espèce, singularité eidétique, dif ['histoire de l'o rigi �e
férence spécifique - donc des catégories qui ont leur sol à § 49. L 'exploration de ,
, os po ur vo ir
elles et qui ne disent rien d'un être tel que la conscience. des catégories est le presupp e_
Compte tenu de cette prédominance du souci de certitude, il et déterminer Le Dasem
n'est pas suprenant que, dans le cadre de la configuration de la
· tent é de dire que tou t le disp osit if
méthode d'exploration de la conscience pure, quelque chose On pourrait eA tre . A
comme l'idée d'une mathesis des vécus soit devenue possible. u yploye pour attem dre
, . le poi nt de vue qm est le not re est
ltat obt enu est
Ce fait montre à lui seul combien reste vivace la conception .
1>1e n com
·
. p
1 exe et que d'u n autre côté le résu · si· l ' on
. n nunce . 11 faut dire là-c ont re qu' on
,
. r
se me pre ndrait
cartésienne tout entière tendue vers la science. Dans les ldeen, bie . . . .
. . , ltat dan s le fait d'avmr ams. i mis au 1ou
Husserl laisse en suspens la question de savoir si la conscience vou . lait vol f un res u .
1 ' .1.mss1 on dont nou s ven
r sim pleme nt
1 pure peut être décrite par une mathesis des vécus1. C'est • ons de parler. Ob tem · - · · .
. t de vue de H usse rl, voi1 a qm .sera it b ien
quelque chose qui est désormais acquis, et toute l'intensité du 1 e po m , .
fiante du mo nde . Ce don t il s a �1t, _
un aperçu sur ce
1 travail husserlien vise à trouver dans le cogito un point de l fl chose la plu s insi gni
' ·
us vou lons etab hr
départ beaucoup plus radical que celui auquel Descartes était port s re' ais fondamentaux. . No .
1 nt les rap , � n un
?'h m a : anc e,
1
parvenu, pour découvrir à partir de là la mathesis des vécus et que les éla borations de ce qui est au1 our isse nt
déterminer les possibilités pures des vécus. Le principe phéno tl ns de c1sif , corn
, . me thème de . la, phi loso, .phi e sub.
ménologique « droit aux choses mêmes » reçoit du même coup .
t'm fluenc. e d' un e t enda nce
détermmee ' et qu il n e, suffit. pas ,
une interprétation bien déterminée. « Droit aux choses mêmes » com pn s d ans 1 a. phe'noméno
logie ' d'en app ele r a la sim ple
. es.
. . aux cho ses . I l se pour-
veut dire : droit aux choses pour autant qu'elles sont en ques lntmt10n et de dire qu' on s'e n remet ,
gne de pre, 1ug
nw. t que
tion à titre de thème d'une science. On voit par conséquent ici tou t cela soi t grevé d'u. ne mo nta , ·
. . il faut d abo rd que ce 11 es-c1
p ur
que Husserl se dissimule à lui-même ce qu'il veut en restrei arn ver aux c has es mêm es
.' e me t no n
gnant la considération au champ des caractères régionaux de oie nt libérées, et cette libération est celle qu per
.
le. Il
1 a J e1 an d un m
l'étant lui-même. ,, ' . stant , mais une recherche" fon. damenta ,
F urer la vz·st on et cette tâch
La mise en jeu de la conscience comme champ thématique · e est si d '
e l icat e qu on ne
A
·a.u t con1zg '
. n,a
de la recherche phénoménologique au sens propre du terme . , que nou s som mes nou s-m eme s
a ura it se 1, exagerer parce
. . gnes d'h1' sto ire
re , que
. pre
dissimule par conséquent ce dont toute philosophie est en , , à un degré qu' aucune aut epo
tm
· · · ·
quête. La conscience est la région des vécus. La vie elle ns en me A me tem ps une conscience aigue· d e l a
. nnu , et avo
même, en tant qu'intégralité des vécus, est déterminée es.
var i été infinie de ses facett
qui a pe�mis d� pr�ndr.e e,n v��
.
comme région réale de ces faits particuliers. [275] On ne par inte rpr éta tif
Le dis pos itif
,,
lf epm se
l 1111ss1on d on.t nous
vient pas à entendre la vie elle-même dans son être véritable . . . lon s est bie n lom .d .avo
par .
·
u a pre, -
u t ses po ss1 b 1.. l'te
ni à répondre à la question de son caractère d'être. Toute la smv i 1 usq
i ' s pui squ e nous n'av ons A
t
::; r a l ion n ayan . . t.
1
u rrn i l c' I pr h n c l r
•
recours à de simples analogies ; des contextes totalement dif avons mis en lumière les traits spécifiques du souci, et avons
férents entrent ici en ligne de compte, en l'occurrence la déterminé le souci comme une guise du Dasein. Ce résultat
th �o� ogi: et l � dogmatique chrétiennes. De même que l'àÀ:r1Eltç positif ne vient d'abord lui-même qu'à titre de contribution à
� , ete ? egrade en verum et en certum, il s'avère aussi que l'éclaircissement de la situation spécifique de l'interprétation
l ayaElov a subi. un processus de dégradation caractéristique en question. Plus la situation dans laquelle se déploie l'inter
qm a abouti à le déterminer comme valeur. J'exposerai les prétation sera rendue lisible en toute transparence, plus
aspects les plus importants de ces complexions dans mon s'accroîtra la possibilité de mettre en place et de voir ce qu'il
c?urs sur saint Augustin, en analysant les concepts augusti y a d'historial.
mens de summum bonum, /ides, timor castus, gaudium, pec
catum, delectatio. Ces différentes possibilités se concentrent
chez saint Augustin, de sorte que c'est de là que vient § 50. Reprise des caractères du souci
l'influence qu'elles exerceront par la suite sur le Moyen  ge de connaître rencontrés sur le chemin parcouru
et la modernité. et mise en lumière du Dasein lui-même
Mais il ne suffit pas non plus de retracer l'histoire de cette dans quelques-unes
dégradation pour être véritablement en situation de voir les de ses déterminations fondamentales
relations dont nous parlons. Il faut reconduire ces deux
déterminations fondamentales à l'ontologie grecque et cette avons
Nous allons cherc her à rassembler ce que nous
dernière doit être elle-même prise en considération dans la consi dérat ions pré
m�sure où elle configure une certaine psychologie, une cer obtenu concernant l'être du souci dans les
de l'être du
tame doctrine de la vie, quel que soit le nom qu'on lui donne. cédentes et à nous rendre présente une guise
Dasein comme tel qui s'annonce dans les différents carac tères
du souci ; autrement dit nous allons nous rendre présent
Seule une exploration à ce point fondamentale de l'histoire le
spécifique de l'origine des catégories permettra de déterminer mani feste dans ces carac tères
le Dasein en tant que tel à partir d'expériences concrètes, indé aractère d'être du Dasein qui se
du souci, et notam ment dans ceux du souci de conn
aître.
pendamment de toutes les déterminations catégoriales qui cette interp réta
o�t prospéré sur un tout autre terrain. Vous voyez vous Dans le cadre de cette récapitulation et de
t ion plus approfondie du souci comme modalité
du Dase in,
memes que ce que nous avons obtenu ici est en réalité bien entre
mince, et on se méprendrait si on voulait voir une philosophie nous allons tomber sur une connexion fondamentale
ce dont ce souci se préoc cupe , ce
dans ce que nous avons atteint. Il ne s'agit pas ici de parvenir l 'être du souci lui-m ême et
souci , le Dase in comm e tel.
à une philosophie ; il faut conseiller à qui le voudrait d'éviter 1 u ' i l prend véritablement en
airem ent la relati on
très sérieusement de s'engager dans une telle recherche. La ela nous conduira à saisir plus origin
artes en en
r� cherche [277] qui se propose la tâche dont nous parlons se 1 278] que nous avons déjà renco ntrée chez Desc
elle :à
tie�t en de�ors ?e ce qu'on appelle communément philoso d n oant simp lemen t une interprétation rapid e et form
avoir le faü que la conscience est un étant qui, dans
son être,
phie. Elle vise simplement à configurer le sol pour quelque
' · possède conjointement soi-m ême. Huss erl met cet état de
chose de ce genre. Dans cette tâche, elle se trouve constam ent et de
fa i l a u fonde ment de la configurat ion du chem inem
me� t exposée au danger de l 'enlisement et du manquement .
l a m l h od e de l a reche rche phén omén ologi que elle-m ême.
S1 ce que nous avons élaboré est donc négatif en un sens carac
N us y voyon s pour n o t re part une déter m inité d'être
bien précis, il faut dire aussi que nous avons bien obtenu est une
malgré tout quelque chose de positif en metta n t en vidence l rist i 1 u du sou i t 1 .u m A rn oup, puisq ue le souci
cette omission . En mettant en év.idence cette omi sion, nous moch l i l · d u I asein, 1 • I a.w in l u i-111 A m •.
de la question de L'être 301
300 La mise en évidence de l'omission de la question de l'être L 'omission originaire chez Husserl
le �ouc� de connaître
Dans le mot d'ordre de la phénoménologie : « droit aux jusqu'ici en visant plu s explicitement ein lu1-mem � e, �t en
le Das
choses mêmes », « chose » signifie l'étant en tant qu'il fait comme guise du Dasein et donc , rehen
encontre comme région possible pour une science. Chaque nous demandant dan s que lle mesure les caracteres app
ci peuvent être déterminés
étant est vu à travers la science, l'étant esthétique l'est par dés dans la perspective du sou
comme des caractères d'être du
Dasein, nous reprenons le
t la mise en �vide�ce de
exemple à travers l'histoire de l'art qui le montre tel qu'il
peut être là objectivement. Le principe a donc apparemment chemin parcouru en considéran � e
du Das em lui-mem
une portée radicale. Mais tel qu'il est interprété, ce principe L'omission comme une mise en Lumière Il ne faut pas cher
barre le chemin au lieu de l'ouvrir librement. La libération dans ses déterminations fondamentales. que cette mise en évi
s ce
du Da�ein n'est pas quelque chose qui irait de soi et n'est pas cher un résultat ou une théorie dan
le et vraie manière de saisir
garantie par la simple mise à l'écart de préjugés faciles à dence a fait apparaître, mais la seu
de le rendre fécond pour la
le sen s de ce qui a été atteint est
me ner à bie n la r�cher_che
repérer. Nous sommes donc confrontés à la tâche visant à
1?
exf!lique� le asein dans son être, mais cette tâche exige que configuration du sol sur leq uel
s acéré sur �e qm se _tient
concrète, de porter un regard plu
oger le Dasem qua�t- a _ses
soit configure et assuré la point de vue pris sur le Dasein lui
d'avance sous le regard, d'interr
n sera élaboré � ongm�1re
même. Cette tâche n'est pas méthodologique, mais relève de
la recherche concrète. Dans notre considération introductive catégories d'êt re. Plu s la situatio
transparente a elle -me me,
nous avons envisagé d'emblée un phénomène déterminé d� ment d'u n bout à l'autre et rendue
à interprétation � eviendra
plu s ce qu' il s'agit de soumettre
nou s allo ns f.aire appa
Dasein, en l'occurrence le connaître, et l'avons déterminé
comme souci de connaître. La caractérisation des différents appararent et sais issa ble . Ce que
n cette accept10n metho
concepts de vérité, depuis l'être dans la guise de l'être-à raître doi t être pris uniquement selo
mulation qui est . cell e de
découvert jusqu'à l'être-vrai au sens de valeur et de son dique. Il faut dire, dans une for
déterminé le sou ci comme
l'in dex form el, que nous avo ns
e un « comment (Wie) >> du
explication, est étroitement liée à l'être pour lequel la vérité
vaut comme proposition et validité. C'est là un des fils de une mo dali té du Dasein (comm
�
l' cheveau du phénomène fondamental qui se tient depuis le
Il nou
dét erm iné e,_ est pris
Dasein ). Le sou ci, dan s une concrétion s fau t ma inte nan t
debut sous le regard, et qui est désigné comme Dasein. om me sou ci de con nai ssa nce .
tes ces deu x dét erm ina
Une autre ligne de recherche bien plus importante nou s ren dre con crè tem ent pré sen
;_1 t ion s : le sou ci com me modalité
du D ase in dans le souci de
concerne l 'à� a96v 1 faut engager une considération critique
pour savoir. JUsqu a quel point ces connexions ont été obte onn aître.
nues dans la perspective du Dasein. Ces deux recherches
orientées respectivement sur l'àya96v et sur l 'àÀ:r19Éç, doivent '. 1280) a) Trois groupes de caractères du
souci
nue
qua �t � elles, être ressaisies dans un [279] horizon d'être plus d'une connaissance elle-même con
. et leur déte rmi nat ion uni tair e
ongmaire, celui de ce dont traite l'ontologie grecque. D ans la
mesure où nous ressaisissons toutes les recherches dans cet
iter à un caractère de
D ans ce but , nou s allons nous lim
avons obtenu qua nd no�s
horizon et où celles-ci visent donc au bout du compte l'être
de � 'homme, on peut aussi qualifier ce processus d'anthropo l '�t re du souci , celu i que nous
e fondamental du souci :
av ns mi en lum ière le caractèr
I' t r d u sou ci de cer titu
logie, ce terme n'étant toutefois pas à prendre au sens de s
de comme être -ou vrant. C'e st dan
l'analyse dilthéyienne entendue comme exposition histo
u ;' ul
les cara ctèr es
per p c t ive q u al lons interpréter
de cara ctèr es d�
q u n us avo n d a é à t i t r
ri que, mais plutôt au sens d'une recherche portant p rinci
t a été co m p n s
.
ptellement sur des connexions catégoriales. Lor qu nou
cherchons à répéter et à reprendre ce que nous a vons par uru.
du ,
,
ouv •no n:-1 1ous 1 u 1 ° I ' , , . -ou vran
302 La mise en évidence de L'omission
de la question de L'être L 'omission originaire chez Husserl de la question de l'être 303
c?i:nme mobi!ité p im rdiale du sou
; � ci de certitude ; <à quoi Chacun de ces trois groupes renvoie à un caractère spéci
s aJ o� tent> 2 la retentwn de ce qui
a été ouvert ; 3° la conji fique de l'être du souci de certitude.
gu �atwn de ce qui a été rete nu
qm a � té configuré ; 5° la perte dan
; 4° l 'assujettissement à ce
. s ce à quoi le souci s'es t a) Renforcement, méprise, rassurement
assigne.
No� s avons vu antérieurement que et déguisement en tant qu'éloignement
le souci de certitude l.oin de l'être
po� vait être caractérisé comme une
omission et une mé-prise
qUt �e prend à son propre piège, que Sur le 1°. Dans le premier groupe, le souci de certitude se
le souci de certitude se
ten ait dans une mo bili té spécifique
v� na! t � s'év ite lui-m ême . C'est en
, qu'e n lui le Dasein en manifeste comme n'ayant de cesse de se renforcer, ce qui le
lai�se 1 m . ; _ ce poi nt que nous avons conduit à se placer dans un état bien déterminé où il a son
terpretation . Nous n'avons pas encore cherch séjour et que nous déterminons comme éloignement loin de
voir les caractères de l'omission et é à
de la mé-prise dans la l'être. Pour le souci de certitude, ce qui compte avant tout
per spe c�ive du D_asein. Il s'agit à pré
.
sent de dégager le souci c'est le fait d'être valide et contraignant, mais ce dont il y a
de certi�ude , pns dans la concrét
ion de son mouvement validité, c'est-à-dire l'étant lui-même, n'est pas primordiale
comme etre -ou vra nt, en visant ses
caractères spécifiques en ment pris en vue, il ne lui est pas fait droit. Mais en même
tant que souci et de les ent end re com
me des caractères d'êt re temps l'être du connaître n'est pas interrogé en lui-même
quant à son être et n'est pas non plus ébranlé dans son être.
du Dasein. L'interprétation qu' il s'ag
it maintenant de déve
lopp�r s� uffre cependant d'une lacu
. ne dans la mesure où elle C l semblerait pourtant que ce soit le cas, et cela précisément
se deploie umlat�rale men t et ne fait
pas entrer en ligne de du fait même de la recherche. Mais cette eversio, cet ébranle
com� t� les relat10ns concrètes
. qu'i l fau dra it pre ndr e en ment apparen t de toutes les possibilités de connaître, a lieu
consideration sur la base de l'interp
Nous allon� énum�rer les caractèr
rétation de l 'àya96v. ur le fond du rassurement du fait que le certum esse soit
, . es du souci tels qu'i ls assuré en tant bonum. L'eversio, et le doute méthodique, est
Je déguisement caractéristique dont se pare le souci de certi
.
�esu lten t de l m t� rpretatJon du souci de certitude dans
etre-o�vrant. Tr01s d'en tre eux ont son
. déjà été analysé s, mai s tude qui se comporte comme si ce qui lui importait avant
nou s n av�ns pas det , erm mé les
. aut res dans la suit e de notre tout était une fondamentation radicale. En se déguisant ainsi,
cons1de, ration.
1 souci se porte lui-même où il veut. Il se donne à lui-même
Le premier groupe est celui-ci : le sou
ci de certitude se ren 1 aspect d'une scientificité radicale, il semble être préoccupé
force d �ns la régulation <de la con
naissance>, et ce renforce de configuration scientifique, la science étant entendue
ment fait [�81 J qu' il se méprend sur
s, Il. y a aussi le rassurement dans la
.
, erm mat 1on soi-même. En unité avec m me [282] caractère universellement valide et contrai
c: s det
ou le certum esse, en tan t que pos mesure n a n t de tout ce qui est. Le souci de certitude séjourne donc
sibi lité d'êt re, est déplacé dans la modalité du déguisement en donnant un caractère
dans l 'esse creatum en tant que bon
um et se trouve, du même ntraignant à ce qui peut être dit publiquement de l'étant
d ' aprè s l 'esp r i t du temps, et cela sans que l'étant comme tel
coup as�uré par l 'être créé. Le qua
: trième caractère est celu i
du deguzsement.
soi t primordialemen t r e n du présent. Tout est vu dans l'hori-
ctères de dissimu la
Le deuxième groupe comprend les cara
.
, �e maturation de l'absence de bes 7, n de l ' idée de la science, la réforme de la science dans
1 h rizon cl l ' id é cl certum. Je caractérise ce séjour du
twn
oin con cer na n t t o u t e
enq uet e portant sur le caractère d'ê
Le troisième gro upe com pre nd 1 s 'O U i 0 1 1 1 1 1 1 - é lo ig n ment d u ouci loin d e l'être, non seule-
tre, e t l 'échéance.
twn ( Verbau en ) e t d u déplacemen t
. ca racl res de l 'obstruc 1 1 1 n i loi n d l 'ttre r/11 rnond m�is au i t à plus forte raison
loin 1 l 'ure r/11 1 us ' i n r · J1111ne tel.
( Verlegen ).
•
de l'être 305
L'on1 originaire chez Husserl de la question
304 La mise en évidence de l'omission de la question de l'être
Obstn\ ei et
déplac�ment
'Y )
de 1 etre
,
n.: v ,o11· ---
.com
�) Dissimulation, maturation de l'absence . .
rn .. 1 11 .r1 e nt
de besoin et échéance font me
Sur le:i � grou
pe nommé en dernier lieu , l'obstr�ctio
n
stitue, outre l'éloign.e??ent l �m d
que l'être-temporel du Dasein reste absent �
�tA le de1A .,,· rvi. ent,decon �
l. et�e et 11 n
Sur le 2°. La dissimulation et la maturation de l'absence de tr01 s1em e dete m1-
,(Il.ce l'être-temporel, une ,
besoin, qui sont incluses dans le moment de l 'omission, carac i de certitude : le nivellement de l etre
.
� du souc
nation d1
� qu'i l se sou
�
térisent un nouveau moment de l'être du souci. Parce que le ci de certitude, en tant
� ans la ' où le sou
c1e du d.' t J
positions,
souci de certitude s'en tient à la seule validité et n'a de cesse re vali de et contraignant des pro
figurer la
de se préoccuper de propositions contraignantes, et parce un e' tat où l'important est de con ·
,
lité déte�mmee d e
··c1� �nce, ::t est conçu comme une totaalité
que la science a acquis prestige et considération, tout accès à é" ourn ·
de sc1enc��· Le
_·
ce tte_ P� ' n 1 .
entale que tout e que st10n rel a-
. -i-a atiq ue fon dam .
tout le travail de fondation, il est clair que la tradition ne le Dasem,
u ve a .1
e. En ce qui con cern e
, : trouve tran ché
vient pas sous le regard. Puisque la tradition vient du passé, '
du souci de certitude, la certitude elle-même considérée 11• ,. ·��aun certain sens, explicitement ou non, l 'être
1 1111 1 � .raî�atant que tel. Toute saisie, tout connaître est,
même
comme guise du Dasein, font apparaître le Dasein comme ce du con 11 ,
qui fuit devant soi-même d'une manière telle que, en fuyant i1:1? du phénomène fondamental de l a distorsion,
�
du poi
11
1,, , 1 1 1 ç
ainsi devant soi-même, il se soucie également des possibilités 11 11 rro n du Dasein lui-même. Mais cela signifie
de recouvrement du Dasein. 2° La fuite devant le Dasein l ui , ::rd1fusein, qui est sur le mode du souci de certi
,.� -«: romte devant soi-même en tant qu'être connu,
u
même et l'ensevelissement de ses possibilités d'encontre pour
lui-même. C'est dans cette mobilité fondamentale du Dasein . rttirl�ue le souci fuit, c'est le Dasein dans la possi-
1 11 1
que se fait jour cette découverte fondamentale dont on a parlé 1 • 1 1 "" êtib-même connu et interprété. Être au sens
précédemme nt. On voit que le souci qui est tendu vers 1 11, , /Çlll'ill\l'.O n de veut dire être-à-découvert, se tenir dans
; 111� 11
vers quelque chose qui est pris en souci, se préoccuper dans
,
un même mouvement de l 'être du souci, c'est là le même /Ji�devant lui-même, et cela à vrai dire dans la
phénomène que celui dont Descartes s'est saisi pour énoncer, 1 -a;:i11« la détermination fondamentale du Dasein
11 1
sous la forme du cogito me cogitare, une proposition ontolo :
1 , , 1 11
.ê i't!li cou vert, être-dans-un-monde en toute visibi-
I 1 p
gique formelle que Husserl a ensuite configurée comme lllŒ n e de l'être-à-découvert permettra en même
réflexion, comme voie d'accès éminente à la conscience. Pour e�� ll l i ner d e manière encore plus tranchée en
1� i• f't - hl;�é est une détermination fondamentale du
"' "
nous, ce qui se manifeste là, c'e�t une mobilité fondamentale
:i. ·uœe.
1, , 1
caractéristique du Dasein lui-même. Or cette mobilité vaut
pour chaque souci concret. Ce caractère fondamental, qui 1 , �1 ithmtrer que les caractères mis au jour dans le
représente un des points cardinaux sur lesquels doit s'orien t d e déterminer des moments déterminés de
ter une interprétation fondamentale du Dasein, sera désigné llitiàOasein lui-même et cel a à vrai dire relative-
terminologiquement comme distorsion. Cela signifie que dès 11 , j L ü�re. Nous avons articulé les caractères du souci
l 'abord le Dasein ne peut pas absolument pas être appré • œnsouci de certitude en trois groupes, et avons
":1,1
11
hendé primordialement par le phénomène de l'intentionna . arfu une mobilité spécifique dans chacun de ces
lité. Le phénomène de l 'intentionnalité se dirige d'avance sur � 1 c >llU�être du connaître comme souci de certitude
le fait de voir quelque chose en se dirigeant vers lui. �
� 1 1 1 1 e Uii1n éloignement spécifique qui le maintient loin
M 1 lt - ,i� l-dire dans un état qui [286] ne laisse pas le
Quant à savoir ce que signifie que la structure d'être du
� 1 1 11 1
Dasein est à chercher dans la structure [285] de distorsion, ni!icompris approcher l'être qui est le sien, mais
1 111 m� maque étant du point de vue de sa certitude
c'est ce que nous allons éclaircir en interprétant de manière -
111 1 11 ' .. l11�ci de connaître, en tant que souci de certi
plus acérée ce que montre l 'être de la mobilité spécifique de
l'être en tant qu'être-en-fuite devant soi-même. Dans la ��1i dans la certitude elle-même. Le deuxième
mesure où il s'agit ici du souci de certitude, e t où Ja certitude ul!oimulation, la configuration de l'absence de
tend à interpréter le monde, cela signifie que t o u t e t ension fü1 ra ctérise , la mobilité du souci en tant que
qui va pour saisir quelque chose, t o u t e d é t e r m i n a L i o n de 1 'lil1� 1 ' t r -t m poreL Le moment caractéristique
ce q u'est e sse n t i e l leme n t le m o n d , d é t: e rm i n t o u j o u rs l u crcif x io n · •st 1 ' ra 1 port d c t êt re à l a t ra d i t i o n .
·
308 La mise en évidence de l'omission de la question de l'être L 'omission originaire chez Husserl de la question de l'être 309
Ce souci de connaître, auquel il s'agit précisément de trouver Avec la caractérisation de ce moment de fuite du Dasein
un fondement, reprend, sans la moindre critique, l'ensemble devant lui-même, se manifeste un phénomène fondamental
du fonds de déterminations ontologiques qui sont à la base du Dasein que j'appelle la distorsion . Ce terme implique que
de cet être du souci lui-même. Du même coup, la tradition l'être du Dasein n'a pas le caractère d'un « quelque chose qui
dans laquelle le souci de connaître a configuré cet idéal se rapporte à autre chose », d'un « je me rapporte à un
scientifique ne fait plus l 'obj et d'une appropriation origi obj et �>. Ce phénomène signifie au contraire que l'étant visé
naire. Dans la mesure où la tradition ne fait pas l'objet d'une par le terme de « conscience » est un étant qui se préoccupe
appropriation explicite, l'être du connaître lui-même ne per de sort propre Dasein tout en étant fixé sur le monde. Il n'est
çoit pas ses propres possibilités d'être en toute transparence. nullement nécessaire qu'une réflexion portant explicitement
Car ce n'est que là où un être se perçoit dans la situation qui sur le Je intervienne. Tout en ayant affaire à quelque chose,
est la sienne que la tradition dont il relève peut devenir expli on est préoccupé de son propre Dasein. C'est lorsque la
cite. Le dernier groupe de caractères détermine ensuite réflexion fait défaut que le phénomène se montre en son sens
l'autre moment de la mobilité que nous avons caractérisé Je plus propre . Car c'est alors précisément qu'on peut voir
comme nivellement de l'être. Tout étant est vu sur un plan q ue cette distorsion est une inclusion de l'être proprement
fondamental unitaire d'être, l'intérêt décisif étant dicté par la dit du souci dans cela-même dont il se préoccupe, et on peut
science, par la systématicité scientifique. L'étant est vu à par le voir dans le fait que le Dasein en est comme envahi dans
tir de l'idée de systématicité scientifique. L'étant est corréla son être. Il entre dans le sens de cet être qu'il le soit lui
tivement divisé en une multiplicité de régions. Ce faisant, même. Nous sommes ici en butte à une difficulté langagière
toute détermination d'être, et notamment celle du Dasein, se particulière parce que le Dasein est un être qui ne peut pas
meut déjà à un niveau qui n'est plus propre à un questionne fondamentalement, à partir du moment où il s'agit de le
ment portant véritablement sur i'être, mais vise simplement à déterminer ontologiquement de manière adéquate, être déter
atteindre des entités saisissables et à énoncer des proposi miné comme un être que l 'on a, mais au contraire comme cet
tions sur elles. Ces caractères définissent l'être du connaître, · t re que l'on est. Il y a déjà là une interprétation bien déter
en l'occurrence l'être du connaître entendu comme guise du minée de l'étant en tant que Dasein, et ce caractère mani
Dasein lui-même. feste à vrai dire une possibilité d'être du Dasein. L'étant que
Dans la mesure où le connaître, dans les perspectives qu'on 1 n est est l'étant qui [288) comporte la possibilité de devenir
vient de dire, est éloigné de l'étant comme tel, et notamment un « je suis ». Mais cette possibilité n'est pas nécessairement
de l'être du Dasein, donc [287) de lui-même, cette mobilité xplicitement présente dans le Dasein ; le Dasein ne cherche
caractérise Je mouvement de fuite du Dasein devant lui m Jme qu'à déplacer cette possibilité.
même. Cette mobilité de la fuite du Dasein devant lui-même e phénomène fondamental de la distorsion - un pbéno-
est une mobilité qui ne se meut pas simplement en s'éloi 1 1 1 ne fondamental qui a été déterminé depuis longtemps
gnant du Dasein pour aller séjourner spécifiquement dans la omn:i.e réflexion - est vu ici dans sa concrétude, et à vrai
science. Tout en fuyant devant lui-même, le Dasein se préoc l i r à titre de regard préalable jeté sur la structure d'être du
cupe de son propre déplacement. Cette ontologie empêche Dos in comme tel. Ce phénomène constitue pour nous un fil
que le Dasein puisse faire encontre lui-même comme Dasein. d i J' t eur méth odiq ue puisque c'est à partir de lui que le
La préoccupation de l 'idée de science configure une certaine 1'n ra t r fondamental de l a conscience, l'intentionnalité, peut
ontologie et la tient fermement comme u n ique po ssi b i li t i re n crit e t r con d u i t clans les limites qui sont les
, 1 s limit s d sa f n ·tian interprétative . Ce phéno
Lr
d'interroger le Dasein. Tendance à J ensevel i seme n t d u Dasein
'
laquelle des phénomènes tels que la joie, la peur, la tristesse, l a menace, réside dans l e Dasein lui-même. L a menace
l'angoisse deviennent explicables - des phénomènes que contre laquelle le Dasein se défend est le fait qu'il est. Le fait
l'on manque dès lors qu'on les détermine en termes d'inten qu 'il soit est la menace du Dasein lui-même. Ce phénomène
tionnalité. Je ne peux pas appréhender le phénomène de de menace, considéré sous l'angle de la défense contre soi
l'angoisse en le caractérisant comme un « être-en-relation-à même sur le mode de la fuite et du recouvrement, nous pou
quelque-chose » ; c'est bien plutôt un phénomène du Dasein vons l 'apercevoir dans le souci de certitude qui en est une
lui-même. restriction particulière.
Lorsque nous demandons contre quoi le Dasein se défend
c) Factivité, menace, étrangeté, quotidienneté et ce qu'est à proprement parler la menace devant laquelle
fuit le Dasein, nous tirons alors l'index de nos considérations
Il est essentiel, s'agissant du fondement concret, de ne pas du vers où de la fuite et de l'être du fuir. Le souci de certi
perdre de vue le sol qui permet de caractériser et de configu tude caractérise l'être du Dasein comme un être auquel il
rer plus avant la mobilité du souci de certitude comme fuite importe de se déployer en un rassurement. Le souci de rassu
du Dasein devant lui-même dans la guise du recouvrement. rer l 'être du connaître fait lui-même partie du souci de certi
Le souci de certitude fuit devant le Dasein lorsque celui-ci tude . Pour le montrer concrètement, nous devons faire
devient un objet de connaissance possible. La fuite du i.ntervenir la deuxième possibilité, le souci de curiosité, ce
connaître devant le Dasein lui-même est une fuite de la souci de connaître qui guidait tout particulièrement le
connaissance devant le Dasein qui se caractérise par les pos connaître grec. Pour la connaissance, il s'agit avant tout de se
sibilités de transparence, d'être-explicité et d'être-à-découvert. familiariser avec l'étant, d'être chez soi au milieu de l'étant
Le Dasein est dans le caractère de l'être-à-découvert, c'est un lu i-même afin que le Dasein y soit assuré. Mais dans la
être dans un monde. Ce phénomène a le caractère d'être de mesure où ce vers quoi s'enfuit la fuite est un monde fami
l'étant qui est sur le mode de l'être-dans-un-monde en tant li. r, cel a ne peut signifier que ceci : ce devant quoi fuit le
qu'être dans le là. Nous pouvons dire aussi d'une pierre Dasein, dans la guise du souci de certitude, c'est l'étrangeté.
qu'elle est là, mais elle est là dans l'horizon de mon monde, 1 ' trangeté est la menace proprement dite qui pèse sur le
de mon être, lequel est dans le monde en ayant le monde en l asein. L'étrangeté est la menace qui dans le Dasein fait
toute visibilité. Avoir-en-toute-visibilité signifie que l'étant rps avec l e Dasein lui-même. L'étrangeté se montre dans la
qui est dans le monde est-conjointement-en-toute-visibilité . O] quotidienneté du Dasein. Ce phénomène d'étrangeté
[289] Cette visibilité conjointe est exprimée par le là. Le n 'a rien à voir avec la solitude, avec le fait de ne pas pouvoir
Dasein est ici et maintenant, dans l' à chaque fois, c'est j )ti ct iciper à quelque chose et d'être empêché de faire ceci ou
quelque chose de factif La factivité n'est pas une concrétion ' · l a . l i n'est plus visible lorsque le Dasein se perd dans la
de quelque chose de général, mais la détermination origi 1 fi xion sur lui-même . O n le dissimule en interprétant le
naire de l'être spécifique du Dasein en tant que Dasein. 1 ) 1s in a u sens de personn alité . Si on demande ce qu'est
Si nous considérons de plus près le phénomène de la fuite 1 t ra ngeté, e l l e n 'est rien, si on demande où elle est, elle n 'est
du Dasein devant lui-même dans la guise du recouvrement, s i 111!1/ p a rt Elle s'exprime dans la fuite du Dasein devant lui-
.
nous considérons comment le sens du Dasein s'expl icite dans 1 1 1C m n t a n t que fu i te dans la familiarité et le rassurement*.
cette fuite de l'être devant lui-même, il apparaît a l o rs q ue 1 '
noménologie - de les rendre complètement impossibles. souci, en d'autres termes de soumettre les choses à un carac
Sous le titre d'historicisme, [302) la critique développée à tère universellement et définitivement contraignant. Ce n'est
l'encontre de ce travail, qui est l'œuvre de toute une vie, laisse que si les choses satisfont à cette expérience cruciale qu'elles
échapper ce qu'il comporte de positif et interprète la position admettent une élaboration. Le mot d'ordre « droit aux choses
diltheyienne dans la perspective du souci de validité absolue. mêmes » n'est pas une libre donation de l'objectivité où pour
La critique est conduite sans que son fondement soit assuré. rait se décider, sur la base de ce qui est en question chaque
On se dispense d'asseoir fermement la découverte effective fois, quelles sont les choses qui méritent, en vertu de leur
sur la base de laquelle la distinction entre valeur et fait a été être, de faire l'objet d'une recherche déterminée. Dans la
établie. On ne s'assure pas des états de fait sur lesquels repose mesure où le souci vise la validité de la connaissance, la
cette distinction, si ce n'est en appelant à la rescousse la base rigueur est une rigueur formelle, objectivement indéterminée,
fragile du jugement théorique. Tout cela est réinterprété en et n'est objectivement rigoureuse que pour les objets mathéma
étant fondé et configuré dans une optique théorique. tiques. L'évidence spécifique à la connaissance mathématique
est le fil directeur de l'idée de philosophie comme science rigou
*
reuse. En adoptant ce point de départ, on ne se demande pas
si l'objet, si ce que la philosophie prend d'elle-même pour
Complément 12 (p. [102]) objet, peut relever d'un tel a priori. Cette question, là encore,
n'est pas même posée, et c'est la raison pour laquelle l'exi
Le mot d'ordre « droit aux choses mêmes », qui procède de gence d'une philosophie qui soit une science rigoureuse est
ce souci, est conditionné en un sens bien déterminé. On peut dogmatique. Le genre d'objectivité et de rigueur dont il s'agit
en dire autant du concept de philosophie élaboré par Scheler ici fait paraître le souci comme étant préoccupé de ne j amais
(philosophie réale) et qu'on pourrait caractériser bien plutôt prendre en souci autre chose que soi-même. En ce qui
comme une philosophie de dogmes bien déterminés. · concerne le problème de savoir ce qui constitue le caractère
d'être de la conscience, nous sommes allés aussi loin que le
*
permettait en lui-même le souci d'une connaissance connue,
ainsi qu'il est apparu dans les réductions. - On ne se contente
Complément 13 (p. [103}) pas cependant de faire de cette science une discipline parmi
d'autres, mais on l'érige en discipline fondamentale de toutes
La dernière fois, nous avons porté l'explication du souci les disciplines philosophiques, et du même coup de toute
j usqu'à un certain achèvement en pointant du doigt le fait science possible. Le souci d'une connaissance connue ne
que le processus caractéristique par lequel le souci d'une configure pas seulement ce champ à titre de tâche déterminée,
connaissance connue se mé-prend en lui-même se scindait en mais s'y assujettit en étendant l'alternative (validité idéale -
deux moments : l'objectivité (Sachlichkeit) et la rigueur. Ces état de choses empirique) à toutes les sciences possibles. La
deux moments, qui ont été mis en avant au moment de la per science qui a été ainsi promue se voit chargée du rôle émi
cée de la recherche phénoménologique et qui le sont encore nent de mettre en lumière tout être-là quel qu'il soit dans les
aujourd'hui, s'avèrent [303) guidés par le souci en question, perspectives les plus diverses. Toutes [304) sont placées sous
c'est-à-dire qu'ils ne procèdent pas primordialement d'un la j uridiction de la raison qui a là ses représentants.
regard porté sur les choses qu'il s'agit de don ner à voi r. Le
souci d'objectivité n'est rien d'autre, pou r le form u l e r d'une *
faire retour. hommage à Zeller). Jusqu'à prés� nt, les chercheu�s frança�s
n'ont pas dépassé le stade de simples c� nstatatlons ex.te
*
rieures. Ils n'ont pas réussi à e�tendre véntablement le heu
unissant Descartes au Moyen Age. Nous n'allons pas pou
Complément 15 (p. [109]) voir pénétrer plus avant dans ces � omplexions: mis à part la
question du vrai et du faux. � Ou peu�-on v? u que [306] le
Il faut 1° établir que le souci d'une connaissance connue souci dont nous parlons est bien le souci dominant chez Des
est à l'œuvre dans le travail de Descartes. C'est ensuite seu cartes ? Dans le Discours de la méthode, Descartes ne veut
lement qu'il sera possible d'entendre comment ce souci pas faire une théorie de la méthode, mais il veut simplen:ent
ouvre la conscience à titre d'être déterminé. 2° Élucider
-
parler de l'utilisation pratique de sa méthode, il_ exphq� e
cette ouverture de la conscience à partir de l'être du souci. comment il est parvenu à sa méthode au cours de sa vie,
Concernant le 1 °, il faut montrer que le (305] souci en ques quels ont été les motifs qui l'ont � oussé à la n_i ettre en
tion est bien présent chez Descartes. Nous disposons d'un forme. Il souligne explicitement qu'il ne ch� rch� a � ersua
document sur cette question avec le Discours de La méthode, der quiconque d'adopter cette méthode, mais qu il. lai�se au
1637. Il y a aussi les quatre premières Méditations, et notam con t raire tout un chacu n libre de s'assurer et de configurer
ment la quatrième ; la première partie des Principia philoso
phiae ; les Regulae ad directionem ingenii. Je ne peux pa
1. J. c
Freu l n t h a l « pi noza und die Schol ast ik », i n_ l�hilosophisc
he Aufsii'.�e,
4 d uard Zclle r z u s in m. fünfzi
,
Le1pz1g,
entreprendre une étude détaillée de Descartes . gjiih n e n Docto r-Jub ilaum gew1d met,
p
par lui-même la méthode de la connaissance. Il a publié ce nomme aujou rd'hu i phénoménologie. Com ment ce cham
? L'inte rprét ation nous a
traité en 1637 avec trois autres traités. Ces derniers ont été acquiert-il ce singulier privilège
spéci fique dans leque l ce
réédités ensuite sous le titre de Specimina philosophiae. Un conduit à mettre au jour le souci
d'une
compte-rendu sommaire du contenu du Discours : Descartes champ thématique se trouve contenu. C'éta it le souci
les carac tères
explique qu'il s'est toujours intéressé aux sciences. Il s'est connaissance conn ue. Nous avon s rencontré là
ble sur
bien vite rendu compte que les mathématiques possédaient fondamentaux du souci lui-m ême. Le moment vérita
a
une rigueur particulière quant aux possibilités de connaître, lequel se laisse recueillir le caractère d'être du champ thém
op
mais qu'en philosophie il n'y avait pas une seule proposition tique n'a pas été mis au jour dans les considérations dével
donc de le faire appar aître en
qui ne donne lieu à contestation. Cette observation l'a pées jusqu 'ici ; il convient
la quest ion : en quoi est-ce bien
conduit à se désintéresser totalement des sciences et à se toute transparence en posant
r
tourner vers la vie. Mais le désir de connaître quelque chose là le souci spécifique pour lequel la conscience se laisse ouvri
d'une
� 'indubitable était toujours renaissant en lui. Il entreprend comme champ thématique ? Dans quelle mesu re le souci
e
fmalement, en cessant de s'intéresser à toutes les connais conn aissa nce conn ue confi gure- t-il la consc ience comm
faire retou r
sances concrètes et - selon lui - contingentes, de configurer champ thématique ? Pour ce souci, il convient de
des règles de comportement pour la connaissance véritable ; à Descartes.
le principe qu'il retient est de configurer une méthode de
*
connaissance qui soit absolument certaine ; il se peut que la
méthode ne permette pas d'aller très loin elle non plus, tout
ce qu'il veut est ne pas tomber en chemin. On peut déjà voir Complément 16 (p. [128])
ici l'intérêt qu'il porte à la sûreté de la connaissance comme
la
telle. Descartes configure quatre règles fondamentales du De ce point de vue, Descartes est en fait le fondateur de
comportement de connaissance, quatre regulae perceptiànis :
hant à la
philosophie mode rne, mêm e s'il la fonde en se rattac
éval et
1 ° seul est ce qui est saisi dans une clara et distincta perceptio. tradition, même s'il est, à proprement parler, médi
i le
2° Chaque difficulté qui se présente dans l'ordre de la grec. - La conscience de son côté domi ne aujourd'h �
ique,
connaissance doit être résolue en analysant ses éléments cham p véritable de la philosophie (la personne, le psych
prend ses distan ces à l'égar d
constitutifs. 3° Il faut commencer, dans la recherche de la la vie, etc.) ; même là où on
en oppo sant la trans cen
vérité, par les objets les plus simples et les plus faciles à d'une philosophie de la conscience
perçoit
connaître. 4° D ans chacun des domaines d'objets à connaître, dance de l'étant à l'immanence de la conscience, on
la consc ience et
il faut chaque fois s'efforcer de faire en sorte que l'examen toujours la transcendance par opposition à
e de la
soit complet. - Cet intérêt spécifique porté à la configura [308] on ne sort donc nullement de la sphèr
tion de ces règles formelles, avant toute libération de l'accès conscience.
[307] à un étant, manifeste à lui seul Je primat que Descartes
*
accorde à la validité de la connaissance. C'est l 'indubitable,
quelle qu'en soit la nature puisque c'est le souci qui prédes
sine pour l ui un domaine d'être déterminé, q u i conduit alors Complément 1 7 (p. [1 35])
Descartes à un être déterminé, l'être effectif a u sens de l a
Cf. la q u a t r i è m e Méditation. Dans celle-ci, on mont re que
e q u i st saisi clair m e n t e t d isti n ct e m e n t est vrai.
première règle.
Il y a ici
Descartes s'inscrit dans notre probléma t iq ue concernant le
one pl d t r11 1 i n du vra i q u i prend son orien tation sur
ca ractère d 'ê t re d u c h a m p t hémat ique de la di ·ci p l i n q u i s un
330 A nnexe Compléments tirés des notes de cours 331
*
Complément 18 (p. [145])
Pour nous, cela veut dire que Descartes voit, dans l 'être de Complément 20 (p. [15 1 ])
la res cogitans, un être double : 1 ° comme repraesentans et
2° comme repraesentatum. Mais de fait, tous les deux se ras Dans ces propositions, qui semblent ici aller tellement de
semblent chez lui en unité dans chacune des idées. C'est soi, c'est tout l'arrière-plan de l'époque qui se manifeste ;
pourquoi « cogitatio » sert aussi bien à désigner le cogÙatum elles montrent tout simplement que cette quatrième Médita
que le cogitare. Pour Descartes, ce transfert <de significa tion en son entier ne présente pas la moindre originalité. Le
tion> ne soulève aucune difficulté parce que l'esse au sens de rejet de l'indifferentia est un coup porté contre les Jésuites, et
la realitas objectiva ( l' être-représenté du représenté) est la détermination positive de la libertas en tant que propensio
inclus dans la représentation du représenté. Ce dernier cor est une prise de position en faveur de Port-Royal et de la
respond à un degré d'être moindre [309], mais n 'est pas rien. nouvelle [3 10] opposition des Oratoriens ; le cardinal Bérulle,
Descartes dit que 1 ° les cogitationes et 2° les ideae sont don dont le confident, le père Gibieuf, avait rédigé ce texte : De
nées avec une évidence absolue dans la clara et distincta per libertate Dei et creaturae (1630). - Les Méditations de Des
ceptio.- C'est là l'origine de l 'affirmation de Husserl selon cartes ont paru en 1641. La Correspond ance montre que Des
laquelle, dans la sphère de la conscience (comprise comme cartes avait reçu un exemplaire dédicacé par l'auteur et qu'il
domaine), sont donnés avec évidence : 1 ° les actes, le noé l'avait lui-même étudié. - Ce passage chez Descartes fait
tique, la noêsis, et 2° ce qui est visé dans les actes eux référence à la problématique théologique fondamentale du
mêmes, les noêmata ; ce sont les ideae au sens de Descartes. rapport de la grâce divine et de la liberté humaine. Problé
Le noétique, ce sont les cogitationes en tant qu'operationes matique qui remonte au débat de saint Augustin avec Pélage.
mentis. Le texte théologique fondamental de Luther : De servo arbi
trio ( 1 525/ 1 526) : Du serf arbitre. Ce titre montre à lui seul
*
q u 'i l est d irigé contre la doctrine de la liberté véritable de l'agir
t van t 1 u. 1. rit a t é suscité par ce texte d ' É rasme :
·
I'
De libero arbitrio diatribe. Le texte de Luther a joué un dant déthéologisé de manière spécifique chez Descartes pour
grand rôle dans le développement de la Réforme, encore ren être transféré dans la sphère de l'évidence rationnelle pure.
forcé par Calvin. - A, la même époque, la Contre-Réforme a Ce qui avait été précédemment établi dans le cadre d'une
été mise en œuvre systématiquement par les Jésuites. Ces compréhension de la conscience religieuse est ici sécularisé.
derniers mettaient l'accent, pour s'opposer à l'abaissement De telles propositions sécularisées se rencontrent aujourd'hui
de la volonté humaine, sur les possibilités positives de la encore partout en philosophie, et pour peu qu'on examine
libertas humaine. Le premier représentant important en est leur légitimité, on s'aperçoit que le seul terrain où elles ont
le moine espagnol Fonseca, puis le cardinal Bellarmin [ . . . ). une justification n'a rien à voir avec la connaissance ration-
En 1 588, Molina ressaisit, sous une forme systématique, le nelle pure.
conflit de la gratia Dei et du liberum arbitrium dans le texte :
*
De concordia gratia et liberi arbitrii. De là vient qu'on a
« »
appelé molinisme la doctrine de l' essentia de la libertas,
qui consiste dans l 'indifferentia ou la scientia media, laquelle [312] Complément 22 (p. [166])
a été au cœur de l'opposition des Oratoriens et plus tard du
jansénisme. Cette question de la resolutio des concep tiones dans l ' ens
enferme une réflexion plus vaste qui est fondée sur une
*
interp
.
rétatio n élargi e de l'ens lui-mê me (Arist ote, Métaphy-
sique ?)
. .
[31 1 ] Complément 21 (p. [157])
*
atteinte, qui est donc defectus, et comment le falsum est-il déterminées elles-mêmes, l'idée d'un être qui est parfait mais
déterminé à partir de là ? Ainsi, cette explication de l' error
- que je ne suis pas. Je ne suis pas rien, mais je ne suis pa� non
doit être appréhendée dans l'horizon du rapport entre gratia plus Dieu. - On se méprendrait complètement �ur la phi�oso
et libertas, avec les déterminations ontologiques sur les phie cartésienne si on conduisait l'interprétat10n en faisant
quelles elles reposent. Elles doivent être saisies en connexion comme si rien d'autre n'était donné de prime abord que le
avec les déterminations ontologiques que nous avons déjà cogito sum. En effet, toute la preuve de l'exist ence de
D ieu
mises au jour au moment de la détermination de l'idea dans et l'onto logie qui la fonde sont posée s conjoi nteme nt dans le
sa double realitas. ogito. C'est une erreur de croire que toute la philos op � ie de
Nous avons vu quel était l'arrière-plan de la relation de la De cart repose sur la seule proposition de la conscience,
doctrine cartésienne de la liberté avec l ' acte d j uger_ et t aq u I l t d ' u n e c rtaine maniè re constr uite de toutes
arrière-plan est de nature purement t héologique, il st p n- pi s. ::n saisiss a n t à. là f is l'id de l 'ens summ e perfectum
334 A nnexe Compléments tirés des notes de cours 335
et celle du nihil, je me convaincs que j e suis un milieu entre être. A nimadvertit [mens] fieri non passe quin ipsa interim
Dieu et le néant. Cet être lui-même, en tant que creatum, est existat <(l'esprit) reconnaît qu'il est absolument impossible
un bonum, et c'est à vrai dire un bonum dans la mesure où que cependant [qu'il pense] il n'existe pas lui-même>
son être est un cogitare. Le cogitare s'accomplit de manière (Synopsis, al. 2). Non possumus supponere nos nihil esse qui
déterminée, il a en soi une inclinatio dirigée sur un bonum. talia cogitamus <nous ne saurions supposer que nous ne
D ans la mesure où il s'agit de déterminer l'être de l'homme, sommes point pendant que nous doutons de la vérité de
la question sera de savoir en quoi consiste la détermination toutes ces choses> (Principia philosophiae § 7). (Principia
d'être qui constitue la plus haute perfection de l'être humain § 49 : non potest non existere qui cogitat <celui qui pense ne
de sorte que cette détermination d'être le fasse entrer dans peut manquer d'être ou d'exister>.)
une [3 13] proximité avec l'être de Dieu. Cette détermination Il ressort clairement de ces expressions que : 1 ° ce qui est
d'être s'explicite dans la libertas. recherché et qui a été trouvé est un état de choses. C'est 2°
une proposition, un verum d'un genre bien particulier.
*
[314] Sur le 1 ° : Fieri non passe ( . . . ) Ce qui a été trouvé
doit être un état de choses. La proposition signifie qu'il est
Complément 24 (p. [211 ]) impossible que mon doute et mon non-être existent ensemble,
ou en termes positifs qu'il est nécessaire que je sois à partir
Les différentes étapes telles que Descartes les retrace en du moment où je doute. La proposition énonce donc une
les situant en même temps dans la continuité des orientations impossibilité spécifique sous la forme d'un état <de choses>
initiales de la philosophie grecque (Platon) montrent que ( Verhalt), comme nous disons. Non passe supponere ( . . ) ce .
chacune des étapes dans l 'exposition de la quatrième règle serait une supposition impossible. Un être-impossible ainsi
est guidée par l 'idée de scientia certa et evidens, et . que la caractérisé est un état de choses.
configuration formelle de la regula n'est rien d'autre que le Sur le 2° : « Si - alors » équivaut à une condition. Si je
mode d'appréhension des objets possibles tiré du sens de la pense, alors je suis. Ego etiam sum, si me fallam. Une relation
mathesis universalis, ou plus exactement n'est rien d'autre conditionnelle spécifique entre mon être et mon cogitare. La
que l a régulation de ce mode d'appréhension en considérant formule spécifique : cogito ergo sum est caractéristique. Est
ces relations purement objectives elles-mêmes, lesquelles ne ce une déduction ? La doctrine de Descartes ne permet pas
comportent en soi rien de matériel . d'en décider. - Que voit-on ? En fait, le ergo n'exprime pas
une déduction ; mais ce qui a été trouvé comporte une articu
*
lation déterminée : ce qui a été trouvé, ce n'est pas cogito, ce
n'est pas esse, mais cogitare ergo esse. C'est le fait que l'être
Complément 25 (p. [246]) soit donné conjointement avec la pensée. Ce fonds subsistant
est primordial. Le donné est un fundamentum certum. Non
pas une déduction, mais une explication immédi ate du
La question est alors de savoir comment Descartes déter donné. Ce qui a été trouvé ne peut pas être une déduction
mine ce qu'il a trouvé ; il s'agit à présent de voir ce que les parce qu' i l doit être a priori pour Descartes : en effet Des
formules qu'il emplo ie veulent dire concernant cette ques a rtes veut un absolutum et toute deductio en tant que
tion : ce qui a été trouvé est-il une res ou bien un verum ?
Meditatio II (p. 21) : cogitatio est ; haec sala a me dive/li nequit :
onclu ion d e v ra i t déj à le présupposer. Cogitare me esse
q u i va u t à u n t a t (d choses) . Le sens de l ergo est u n e arti
'
n <..l fi n i t i v ,
la pensée est, elle seule ne peut pas être d i oci cl mon L i l · H i n. q u i a t t r u vé es t q uelq ue cho e
Compléments tirés des notes de cours 337
336 Annexe
où apparaît une pluralité déterminée de données telles que dique est l 'une de ces propositions. Ce sont des connaissances
l'une coexiste avec l'autre. L'une apparaît dans une dona universelles, et universelles parce que aucun type déterminé
tion conjointe déterminée avec l'autre. (Meditatio IV : ex hoc d'objet n'est pertinent pour les saisir compte tenu de leur
ipso ( . . . ) (p. 68), voir ci-dessus). Cette consécution n'a évi teneur réale. Vous voyez ainsi que ce qui a été trouvé n'est
demment pas ici le sens d'une déduction, mais veut dire que pas en fait une res, mais un verum ; et à vrai dire ce verum
le me existere est donné conjointement avec la recherche. Ce vaut absolument, il a une validité universelle. Cet état de fait,
qui montre indirectement, et bien plus distinctement encore, à savoir que ce qui a été trouvé n 'est donc pas une res mais un
que c'est bien une proposition que l'on cherche, c'est que le verum, est le fondement véritable et ultime de notre discussion
principe de contradiction est ce qui permet de contrôler que concernant la question de savoir comment le caractère
ce qui a été trouvé correspond bien en fait à ce qui est d'être de la res cogitans est lui-même appréhendé. Cet être
recherché : repugnat enim, ut putemus id quod cogitat, en ipso s'exprime-t-il à partir de lui-même, ou bien cette res est-elle
[315] tempore quo cogitat, non existere <il est contradictoire saisie par avance, du fait de la forme même de la recherche,
de soutenir que ce qui pense n'est pas véritablement au comme élément possible d'un état de choses bien déterminé,
même temps qu'il pense> (Principia, § 7). Ce qui a été trouvé de sorte que cette res est envisagée d'emblée quant à sa capa
est envisagé dans l'horizon de cette condition - il est vu à cité à entrer dans un état de choses avant d'être reprise elle
travers le principe de contradiction. Nier l'être contredit aussi dans ce qui a été trouvé lui-même ?
l'être de la négation. Ce qui a été trouvé a pour norme la
*
non-contradiction. Ce qui a été trouvé s'exprime dans une
proposition, mais ce dont on se soucie, c'est que ce soit un
énoncé, <pamç. Ce qui est recherché et a été trouvé a un
caractère propositionnel. Le certum est un verum. Principia [316] Complément 26 (p. [256])
§ 49 : Is qui cogitat, non poteste non existere dum cogitat
<celui qui pense ne peut manquer d'être ou d'exister pen Récemment, Husserl est arrivé lui aussi à cette conviction,
dant qu'il pense> : cette proposition apparaît, dans le passage ce qui sera, pour sa conception de la doctrine de la vérité,
d'où elle est tirée, dans un contexte tout à fait caractéris d'une importance telle qu'elle peut l'amener à modifier de
tique : il s'agit de ce qui peut être d'une manière générale fond en comble sa position s'il est conséquent avec lui-même.
objet de perceptio. Vel tanquam aeternae veritates <ou bien L'usage du principe de contradiction n'est légitime qu'à la
toutes les vérités éternelles>. 1 ° Ex nihilo nihil fit <de rien condition qu'il soit accompagné des plus grandes précautions,
rien ne se fait>. 2° Impossibile est idem simul esse et non esse comme chez Aristote.
<il est impossible qu'une même chose soit et ne soit pas en
*
même temps> (une proposition qui, sous cette forme, est
tout simplement fausse). 3° Quod factum est, infectum esse
nequit <ce qui a été fait ne peut pas ne pas avoir été fait>, on Complément 27 (p. [269])
ne peut pas faire que ce qui s'est produit ne se soit pas pro
duit. 4° Is qui cogitat, non potest non existere dum cogitat 'est alors seulemen t qu'on pourra parler de la possibilit é
<celui qui pense ne peut manquer d'être ou d'exister pen de constituer de nouvelles sciences ; cela suppose de ques
dant qu'il pense>. - Ces propositions font partie des veri l i nn r l'être de l'étant, de voir les mondes d 'être au sein des
tates aeternae, de ce qu'on appelle les notiones communes ou m p l xions d'exp 'rience fondame ntales de la vie factive
axiomata. Et ce que Desca rtes a trouvé dans ce dou t r n . t ho- ' Il - n '\ m ' .
338 Annexe Compléments tirés des notes de cours 339
dû mettre ce cours par écrit en toute hâte. En raison de cette de savoir par qui avec certitude. Il se peut que Herbert Mar
rédaction précipitée, son manuscrit était difficilement lisible, cuse ait reçu ces notes, comme beaucoup d'autres d'ailleurs,
ce qui l'a conduit à faire réaliser une copie dactylographiée des mains de Walter [324] Brocker. Le texte de ces notes est
de l'original, qu'il a ensuite détruit. cependant incomplet ; il ne couvre que les séances du
Outre la copie originale revue à la main, [323] ainsi que 1er novembre 1 923 au 11 janvier 1 924 et compte 81 feuillets
nous l'appellerons par la suite, nous avions à notre disposi dactylographiés.
tion, pour éditer ce cours, les notes du fonds d'Helene WeiB Alors que le travail éditorial était engagé, Gerhart B au
et celles d'Herbert Marcuse. Les notes « WeiB », qui forment mann (Fribourg) a aimableme nt communiq ué à l'éditeur
un ensemble de 5 1 4 pages manuscrites, portent la mention d'autres notes du cours provenant du fonds Gerhard Nebel
« copie de Friedel Landshut » placée sous le titre du cours. que ce dernier avait lui-même prises en tant qu'auditeur de
Les notes des séances du 15 au 25 février 1 924 figurent dans Heidegger. Il s'agit d'un cahier de toile noire rédigé en carac
un autre manuscrit . L'indication « Fin de la dernière séance tères à la fois latins et allemands qui porte au verso de la cou
(26 février). Notes d'Elli Bondi » apparaît dans les notes verture la mention : « Heidegger, Introduction à la recherche
prises les dernières heures du cours. Harmut Tietjen a bien phénoménologique, III ». C'est donc le troisième cahier d'un
voulu se charger de mettre au net ces notes, lesquelles res ensemble de probablement quatre. Ce troisième cahier com
tent au demeurant très lisibles, et en réaliser une copie dac mence avec la séance du 8 janvier et s'achève avec celle du
tylographiée, ce qui a grandement facilité le traitement des 1 5 février.
notes pendant le travail éditorial. Au moment de l'établisse Dans la copie originale dactylographiée, les termes grecs ont
ment du plan et de la préparation de !' Édition intégrale, Hei été ajoutés à la main à l 'encre, mais non pas par Heidegger lui
degger avait demandé à Ernst Tugendbat, le neveu d'Helene même. La révision manuscrite du texte apporte des améliora
WeiB, de bien vouloir lui fournir des copies de toutes les tions stylistiques, précise une pensée, supprime des phrases
notes de cours figurant dans le fonds de . sa tante. Ernst par endroits, ou bien en insère d'autres différemment formu
Tugendbat avait bien volontiers accédé à cette requête. Là lées. Dans l'ensemble, ces révisions restent sur le même plan
dessus Heidegger a chargé les éditions Klostermann de faire que celui de la méditation développée dans le cours. Ici ou là,
réaliser, dans un atelier de reprographie, une copie de ces figurent en regard des pages dactylographiées, donc sur la
notes, et de les lui envoyer. Ces copies ont été classées dans gauche et au verso de la page précédente, des annotations
des dossiers par ordre chronologique à Fribourg, et ont été rédigées la plupart du temps sous une forme abrégée, mais
déposées pour finir au fonds Heidegger, conservé aux Archives elles sont d'origine incertaine, et c'est pourquoi il a fallu les
littéraires allemandes de Marbach. laisser de côté dans l'édition du cours. Un certain nombre de
Les deuxièmes notes de cours sont une copie de l'exem marques de lecture et de soulignements au crayon, qui s'écar
plaire dactylographié qui figure dans les archives Herbert tent considérablement de ceux du style de Heidegger, mon
Marcuse, lesquelles sont conservées à la Bibliothèque muni trent que cette copie originale a circulé entre d'autres mains.
cipale et universitaire de Francfort (cf. Thomas Regehly, Dans la copie originale, et non pas dans les notes, le texte du
revue des Heideggeriana dans les archives Herbert Marcuse cours est articulé en trois parties paginées indépendamment
de la Bibliothèque municipale et universitair e de Fra ncfort, les unes des autres : la première partie comprend 103 pages, la
in Heidegger Studies, vol. 7 (1991 )). Mais Herbert Marcuse a deuxième 140, et la troisième 49. Cette articulation d'ensemble
rencontré Heidegger pour la première fois en 1 928, et ne restitue la structure du texte du cours.
peut donc pas avoir assisté lui-même au cou rs. Ces not s o n t [325 ] L s trois notes de cours précisent toutes les dates aux
donc été prises par q u J q u ' u n d 'a u t re, m a is i l e t i m po s i b l q ue l l s s son t c l roü l es le séances. Ces notes retranscriven t
346 Postface de l'éditeur allemand Postface de l'éditeur allemand 347
en règle générale soigneusement le cours en reproduisant choisi une variante de ce qui était mis par écrit. Ces variantes
très fidèlement le déroulement des séances. En les compa n'ont pas été corrigées, mais seulement les erreurs de trans
rant avec la copie originale, on s'aperçoit aussi que Hei cription n'ayant manifestement aucun sens.
degger s'est éloigné à plusieurs reprises du texte de son Il y a probablement une autre erreur de lecture derrière le
manuscrit qu'il a présenté oralement avec des modifications nom de « Hegel » qui apparaît à la page 39 dans une remarque
plus ou moins importantes, en lui apportant parfois aussi des entre parenthèses de Heidegger ; celle-ci ne se rencontre que
compléments. dans la copie originale et ne figure dans aucune des notes de
Après ces indications concernant les sources utilisées pour cours. À cet endroit du texte, cette remarque qui renvoie à
l'édition, disons maintenant quelques mots sur les règles ayant « Hegel » n'a pas beaucoup de sens. Il faut donc supposer qu'il
présidé à l'élaboration éditoriale du texte. Le cours édité resti n'y avait pas du tout « Hegel » dans le manuscrit, mais ou bien
tue le texte dans sa révision manuscrite, ce qui signifie que les un terme difficilement déchiffrable, ou bien une abréviation
ratures ont été maintenues telles quelles. Il n'y a qu'un seul cas que le copiste a interprétée en « Hegel ». Si la remarque de
où une proposition raturée a été rétablie, c'est celle où appa Heidegger renvoyait non pas au mot « herméneutique » qui
raît une critique heideggerienne de la conception spengle précède, mais à la proposition d'Aristote qui suit, il se pourrait
rienne de l'histoire ; cette proposition a été rétablie pour que qu'il s'agisse en réalité de Husserl et de sa théorie de la nomi
cette critique ne soit pas perdue. L'éditeur a fait figurer en bas nalisation (cf. Ideen 1, § 1 1 9, p. 248).
de page une note qui le signale <cf. n. 1, p. 1 32>. La collation des notes de cours avec la copie originale a
Sans même qu'il ait à procéder à une comparaison minu montré que les rédacteurs de ces notes n'ont commis que de
tieuse de la copie originale avec les notes de cours, le lecteur très rares erreurs de compréhension. L'éditeur a dû assez
attentif se heurte à de nombreuses fautes de déchiffrement souvent réassocier des membres de phrases qui allaient
qui brouillent le sens, et qui sont dues à l'auteur inconnu de' ensemble (et que le copiste - sans doute en raison d'une
la copie. Dans la mesure où seule une petite partie de ces graphie approximative - avait considérés comme des propo
fautes ont été corrigées par Heidegger dans sa révision sitions indépendantes) et reconstituer à partir de là des
manuscrite d'ampleur inégale, il faut partir du principe qu'il phrases complètes en se laissant guider par le sens et en sui
n a pas collationné la copie originale avec l es notes de cours
'
vant les notes de cours. Un terme absent de la copie origi
à sa disposition comme il l'a fait avec les copies réalisées plus nale, et probablement déjà aussi du manuscrit, a quelquefois
t a rd par son frère Fritz. C'est l a raison pour laquelle l'édi été inséré sur la base des notes « WeiB » pour une meilleure
t u r a dû veiller tout particulièrement à rectifier ces erreurs lisibilité. On s'est autorisé une seule fois de la liberté laissée
1 tt re et du texte. Les fautes de déchiffrement qui se laissent
de transcription qui brouillent le sens pour fixer l'état de la par Heidegger aux éditeurs d'adapter son texte à condition
que le sens en soit préservé. Il s'agit de l'alinéa où Heidegger
oupçonner à la simple lecture ont été confirmées chaque expose succinctement l'emploi qui a été fait du terme « phé
fois pa r la comparaison avec les notes de cours, et notam noménologie » depuis Lambert. Dans la copie originale, cet
m n t avec les seules qui soient complètes, celles de WeiB. La alinéa [327) est pris au sein de développements traitant de la
pi ori g i n a l e e t les n otes o n t été comparées à plusieurs vision et de son objet chez Aristote. Pour ne pas rompre
r 1 rise . Tou s Je termes q u i se son t révélés être des fautes l 'enchaînem ent des idées, l 'alinéa consacré à l'interprétation
d 1 - t u r o n t été t ac i te m e n t cor r i gés Quand i l a fal l u
. d'Aristote a été placé immédiatement en tête, et constitue à
pr n I r u n d - i ion sur d s fau tes de déchi ffr ment [ 326 ), p résen t le début du premier chapitre de la première partie du
n n l nu ompt fonclam n t a lernent d u fai t q u e 1 i cl e g r , c ou rs L s d veloppe m e n t s fig u r a n t d a n s cet alinéa ont été
.
dn n, son x pos o ra l, ' lail J i n de son m a n us r i t l av·� i t ompl t s p·1r l 'adjonct ior1 d l rois pet i t membres d e
348 Postface de l'éditeur allemand Postface de l'éditeur allemand 349
phrases tirés des notes « WeiB » et dont H eidegger n'avait occurrence. Pour faciliter le repérage, tous les noms propres
fait mention que dans son exposé oraL Ces trois ajouts sont : apparaissent en règle générale en italique, � l '. exceptio� du
« dans le Nouvel organon de Lambert >>, « en liaison avec des nom des penseurs auxquels est consacré - ams1 que le signa
tournures analogues qui étaient très en vogue à l'époque lent les sous-titres - un chapitre ou un paragraphe.
comme "dianoiologie'', "aléthéiologie" », « d'après une com En ce qui concerne les rares références et indications biblio
munication orale de Husserl ». graphiques de Heidegger qui figurent, toujours en abrég� ,
En ce qui concerne les citations grec0ques et latines, les plus dans le corps du texte, elles ont été vérifiées, complétées puis
placées en notes de bas de page. La totalité des notes de, �s ?
1
longues d'entre elles - que HeideggeJr, compte tenu des cir
constances déjà évoquées de la rédaction de son cours, de page, numérotées paragraphe par paragraphe <dans ed1-
n'avait pas reproduites dans son manuscrit, mais qu'il avait tion allemande>, proviennent de l'éditeur. Pour vérifier les
exposées oralement à partir des textes eux-mêmes - ont été citations et les indications de titre, on s'est servi des exem
reprises des notes de cours « WeiB » pour être insérées dans plaires de la bibliothèque personnelle de Heidegger dès lors
ce qui est désormais le texte du cours. La collation de la qu'ils étaient disponibles. Parmi ces exemplaires, il y a le De
copie originale avec les notes a permis de déterminer en anima, la Métaphysique et la Physique d'Aristote, le D� veri
toute sûreté l'endroit où introduire ces citations. tate et la Summa theologica de saint Thomas d'Aqum, les
Les graphies propres à Heidegger ont été conservées à par Meditationes, les Regulae ad directionem ingenii et le Dis
tir du moment où elles étaient reconnaissables dans la copie cours de la méthode de Descartes, et La philosophie comme
originale. La ponctuation a été rectifiée et complétée d'après science rigoureuse, Les recherches logiques et les Idées direc
le texte et le sens. trices I de Husserl. Au nombre des ouvrages de la biblio
Tout en respectant les paragraphes que Heidegger a indi thèque personne lle de Heidegger ayant été utilisés pour cette
qués par endroits dans sa révision manuscrite, l'ensemble a édition, on compte aussi un tiré à part couvert d'innombrables
été articulé en paragraphes en fonction du seris et de ce qui annotations de la deuxième partie des Recherches logiques
est en cause, et cela pour structurer le texte. L'éditeur s'est que Husserl avait offert à Heidegger. D ans chacun des deux
fondé sur l'articulation d'ensemb le du cours en trois parties volumes composant cette partie, on trouve la mention manus
pour organiser la totalité du texte. Le travail éditorial a éga crite suivante reproduite à l'identique : « Offert par Edmund
lement consisté à trouver la formulat ion de l'ensemb le des Husserl à l'occasion de la nominatio n à Marbourg à l'été
sous-titres. Comme il est de mise dans l 'édition de tous les [329] 1923. (Séminair es privés du samedi matin consacrés à la
cours de Heidegge r, il a fallu dégager ici l'articulation imma cinquième et sixième Recherche logique entre le semestre
nente du texte rédigé en continu, la faire ressortir en intro d'lùver 1 920/1921 et le semestre d'été 1923) Martin Heideg
duisant les divisions adéquates correspondantes et [328] ger ». Le De veritate et la Summa theologica font partie de
formuler les sous-titres en s'aidant des termes essentiels et l'édition intégrale des œuvres de saint Thomas d'Aquin que
des tournures exprimant la pensée principale de la division Heidegger avait autrefois renùse à Eugen Pink pour la
en question. bibliothèque du séminaire de philosoplùe et de pédagogie de
Les termes isolés et les membres de phrase soul ignés par Fribourg. Les Meditationes de prima philosophia et les Regu
Heidegger dans sa révision manuscrite ont été mis en i talique lae ad directionem ingenii de Descartes sont cités par Heideg
conformément à la typographie choisie par ailleurs par l'édi ger d 'après la pagination de l'édition originale maintenue
teur. En particulie r, ont été mis en italique les termes et les ent re crochets d roits en marge de son exemplair e person
expressio ns repris dans les sous-titre s ainsi qu les t erm s u pa i nat ion figure également dans l 'édition Artur
directeurs i n t rod uits par Heidegger lor d 1 u r pr m i - r
n 1.
B u h n a u ·1 t u I l m n ( d isponibl lan la « Bibl iot hèq ue de
350 Postface de l'éditeur allemand Postface de l'éditeur allemand 351
philosophie » aux éditions Felix Meiner. Lorsque les exem mêmes. Au lieu de viser en premier lieu l'appropriation des
plaires personnels manquaient, on s'est référé aux éditions qui choses, le choix de ce qui entre dans l'horizon des tâches de la
étaient disponibles en 1 923.
�
philosophie est conduit par une idée de science posée de
n Annexe, figurent trente fragments plus ou moins longs manière non critique. Le fait que la phénoménologie de Hus
.
tires des notes de « WeiB » et de « Marcuse », en guise de serl soit prise elle aussi dans cette tradition historiale, le fait
compléments au cours. Ces fragments correspondent à des que la domination du souci d'une connaissance connue y soit à
développements où Heidegger, dans sa présentation orale a l'œuvre avant même que soit libérée la possibilité <l'encontre
enrichi de manière essentielle, dans une direction ou d;ns des états de choses fondamentaux, le fait que les choses elles
un � autre , le �exte du m �nuscrit. Les notes de bas de page mêmes ne viennent du coup en discussion que si elles corres
_
qm renvoient a un complement en annexe sont appelées par pondent à cette idée préconçue de la connaissance et de la
des astérisques, pour qu'elles soient repérées plus facilement science, c'est ce que doit permettre d'établir l'interprétation
et se distinguent des notes bibliographiques. Les textes des que donne Husserl lui-même de la phénoménologie dans le
compléments sont reproduits dans la forme même qu'ils ont texte programmatique publié en 1 91 1 La philosophie comme
dans les notes de cours, donc sans élaboration éditoriale par science rigoureuse.
ticulière. Exceptés les compléments 7, 8 et 10, qui ont été Le souci d'une connaissance connue à l'œuvre dans la phé
repris aux notes « Marcuse » en raison de leur plus grande noménologie husserlienne de la conscience ne devient cepen
prégnance, tous proviennent des notes « WeiB ». Le complé dant transparent dans sa provenance historiale qu'à la
ment 30, qui constitue la conclusion des notes « WeiB » ' condition de faire retour, dans la deuxième partie du cours, à
s'interrompt bien comme on le voit à la p. 342. la concrétion historiale de ce souci chez Descartes et de son
ouverture de la res cogitans . Parce que l'interprétation cir
*
constanciée de Descartes est conduite par la [331] question
du sens de la vérité de la connaissance, l'interprétation des
[330] Sous le titre d'introduction à la recherche phén
oméno Meditationes part de la quatrième Méditation et attribue en
logiq ue, le cours vise, en se conformant à la devis
e de la même temps aux Regulae ad directionem ingenii une fonction
recherche phénoménologique « droit aux choses
mêmes », et directrice pour la démarche de Descartes dans les Medita
en soumettant la phén omén ologi e à une inves
tigation cri tiones. Mais dans la mesure où Descartes détermine le verum
tiq�e, à appréhender originairement la recherche
phénoméno en tant que certum en maintenant l'ontologie scolastique, il
logique comme une phénoménologie du Dasein.
La première faut également faire retour historialement au De veritate et à
partie s'?uvre sur l'interprétation du <pmv6µcvov
et du Myoç la Summa theologica de saint Thomas d'Aquin.
chez Anstote pour montrer en toute netteté que
les éléments
fo�damentaux de la recherche philosophique tels qu'ils
En se fondant sur les aperçus herméneutiques de la deu
ont été xième partie, la troisième partie montre comment la question
rms en forme par Aristote sont : l 'être du monde
et la vie en de l'être authentique de la res cogitans est oblitérée par le
tant qu'être dans un monde. En opposition à cela,
le dévelop souci cartésien de certitude, comment Husserl, en raison du
pement ultérieur de la quête philosophique des états
de choses souci, hérité de Descartes, d'une connaissance connue, défi
s'est effectué, surtout depuis Descartes, sous la
domi nation gure la découverte phénoménologique en y omettant le
d'une idée de certitude et d'évidence axée sur
la rigueur Dasein . Le cours dans son ensemble est conduit par l'idée
mathématique. Heidegger interprète cette idée à la
lumiè re du se lon laquelle l'exploration de l'histoire de l 'origine des caté-
Dasein qu'il met au jour comm e souci d'une con
nais ance ories t raditionnel les (la dest ruct ion phénoménologique) est
le pr a l abl 1 o u r voi r e t dét e r m i ner le Dasein, e t q ue c'est
connue avant tout quest ionne ment en direc t ion
d s chos�
352 Postface de l'éditeur allemand
F.-W. V. H E R R M A N N
354 Table des matières Table des matières 355
.� . Le thème de la conscience
problématique naturaliste par l a purificati� n trans
dans les Recherches logiques 69
a ) Les Recherches logiques en t re orientation t ra d i t i o n
cendantale et eidétique de la conscience. Evidence
et validité absolue 96
69
n i lïca t ion id é a le et actes de s i g n i fi c a t i on ; v isée
n e l l e e t q uest i o n n e m e n t origi n a i re
§ I J . L 'ordre su i vi
vid · t rc mpl isse rnent de sign i fica t ion ; la c o nsci e nc e
h) i
par le questionnement el le fil directeur
0111111 • r
de l 'explication de la structure de tous les enchaînements
comme p rcc ption i n l c rn '
ion lies vécus ; les vécus i n t e n t ionnels
·o m m e 1 1 t ·s ; la ·onsci n c 70 de vh1 1.1· 99
356 Table des matières Table des matières 357
a) Orientation sur les rapports disciplinaires ; la philo b) La recherche de Descartes comme concrétion histo
§ 13. La critique husserlienne de l'historicisme 105 Premier Chapitre. Pour s'entendre sur l e retour à Des
cartes en rappelant les étapes parcourues j usqu'à pré
b) Le Dasein humain est ce qui est omis dans le souci
a) L'autre terrain de cette critique 105
sent 127
déficient de normativité absolue 1 06
§ 1 7. La situation herméneutique des recherches accomplies
§ 1 4. La critique de l'historicisme conduite dans le cadre de jusqu'à présent et de celles qui vont suivre 127
la clarifïcation des problèmes 108
§ 1 8. Se libérer de toute discipline et des possibilités tradi
b ) L'omission d u Dasein historique
a) La critique husserlienne de Dilthey 1 08
109 tionnelles, c 'est se libérer pour le Dasein. La recherche
c) Origine et légitimité de l 'opposition entre factualité ontologique du Dasein en tant que destruction 130
et validité 111
§ 1 9. Retour sur l'être véritable du souci d'une connaissance
d) Le reproche de scepticisme et ce qu'il manifeste, le
devant l e Dasein
souci d'une connaissance connue comme angoisse
connue envisagé dans son passé originaire, autrement dit
e) Les idées préconçues sur le Dasein inhérentes
1 12
à ce retour à Descartes 132
souci 1 14
§ 20. La destruction comme chemin de l'interprétation du
§ 15. Détermination plus p récise et .plus tranchée du souci D asein. Trois tâches à accomplir pour expliquer com
d 'une connaissance connue 1 17 ment le souci d'une connaissance connue ouvre. La ques
tion du sens de la vérité de la connaissance chez
a) Le souci d'une connaissance j ustifiée et de ce qui est
Descartes 1 35
universellement contraignant par son évidence 117
b) « Droit aux choses mêmes » : le souci qui se porte
sur les choses e n les visant d'avance dans l'optique Deuxième Chapitre. Descartes. Comment le souci d'une
de ce qui est universellement contraignant 118 connaissance connue ouvre et ce qu'il ouvre 141
c) Le souci de rigueur scientifique comme forme déri
§ 21. Déterminations de la
vée de sérieux ; l ' idée mathématique de rigueur éri
« vérité » 141
gée, de façon non critique, en norme absolue 1 19
§ 1 6. L e
souci d'une connaissance connue ou vre le champ § 22. Trois possibilités du souci d'une connaissance
thématique « conscience ». Retour sur la concrétion histo
connue : curiosité, sûreté, être contraignant 1 44
riale du souci 1 20
a ) Ci rconspccl i o n et v i sé lu souci 1 1
358 Table des matières Table des matières 359
§ 23. Aperçu préliminaire sur la problématique § 32. La fondation de l'être proprement dit du verum dans
la vérité originaire de Dieu (De veritate, qu. 1, art. 4 et 8)
148
200
§ 25. La classification cartésienne de la multiplicité des Cinq u ième Chapitre. Le souci de connaissance chez Des
cogitationes. Le j udicium comme lieu du verum et du 213
cartes
falsum 154
Quatrième Chapitre. Retour à l'ontologie scolastique. Le Sixième Chapitre. Le caractère d'être de la res cogitans,
verum esse chez saint Thomas d'Aquin 1 80 de la conscience 247
.fi 29. du verum et de l'ens : l'être-vrai en t an t § 39. Le certum aliquid recherché par le souci de connaître 247
d 'être (De veritate, qu. 1, a rt. J)
La connexion
que mode 1 80
§ 40. La recherche soucieuse en tant que dubitare, remotio
249
/, /, 2, 3)
§ .JO. dit veru m et su pposi t i o fa l s i
n i c n l i a dans / 'i n lcl l ect us ( De veri l a t e, qu..
L 'être p roprement du en tant que co n vc
ar t . 1 88
Table des matières 361
360 Table des matières
§ 44. L 'in version cartésienne du « toujours se posséder § 48. La défiguration husserlienne des découvertes phéno
conjointement soi-même » en proposition ontologique ménologiques par le souci de certitude provenant de Des
formelle 269 cartes 292
a) L'intentionnalité comme comportement théorique
spécifique 293
§ 45. Récapitulation de la caractérisation de la res cogitans
trouvée par Descartes : oblitération de la possibilité b) L'évidence comme évidence de la saisie et de la
détermination dans l'ordre de la connaissance théo
d'accès à l'être authentique de la res cogitans 274 294
rique
c) La réduction eidétique de la conscience pure est gui
Deuxième Chapitre. La problématique cartésienne de la dée par des déterminations ontologiques étrangères
certitude de la res cogilans et l'indétermination du à la conscience 295
caractère d'être de la conscience en tant que champ thé
matique de la phénoménologie de H usserl 276 § 49. L 'exploration de l'histoire de l'origine des catégories
est le présupposé pour voir et déterminer le Dasein 297
§ 46. Descartes e t Husserl : différences fondamentales 276
a) Le cloute méthodique cartésien (remolio) el l a réd uc-
cogito
280
b) L ' carL sien et la conscience h usserli n n '
t ion husse r l i e n n
8
Table des matières 363
362 Table des matières
§ 50. Reprise des caractères du souci de connaître rencon Complément 19 (p. [ 1 47]) 33 1
Complément 20 (p. [151]) 331
Complément 2 1 (p. [157])
trés sur le chemin parcouru et mise en lumière du Dasein
332
Complément 22 (p. [166])
lui-même dans quelques-unes de ses déterminations fon
333
Complément 23 (p. [201 ] )
damentales 299
333
a) Trois groupes de caractères du souci d'une connais Complément 24 (p. [21 1 ]) 334
Complément 25 (p. [246])
sance elle-même connue et leur détermination uni 334
Complément 26 (p. [256])
taire 301 337
Complément 2 7 (p. [269])
a) Renforcement, méprise, rassurement et déguise 337
ment en tant qu'éloignement loin de l'être 303
Complément 28 (p. [271 ]) 338
Complément 29 (p. [27 3 ])
�) Dissimulation, maturation de l'absence de besoin et 338
Complément 30 (p. [290])
échéance font que l'être-temporel du Dasein reste
338
absent 304
y) Obstruction et déplacement comme nivellement de
l'être 305 Postface de l'éditeur allemand 343
b) La fuite du Dasein devant lui-même et devant l 'être
à-découvert de son être-dans-un-monde, l'ensevelis
sement de ses possibilités <l'encontre, la distorsion
comme mobilité fondamentale du Dasein 305
c) Factivité, menace, étrangeté, quotidienneté 310
ANNEXE
C O M P L É M E N T S T I R É S D E S N OT E S D E C O U R S
D ' H E L E N E W E I S S E T D ' H E R B E RT M A R C U S E
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Table des matières 363
362 Table des matières
§ 50. Reprise des caractères du souci de connaître rencon Complément 19 (p. [ 1 47]) 33 1
Complément 20 (p. [151]) 331
Complément 2 1 (p. [157])
trés sur le chemin parcouru et mise en lumière du Dasein
332
Complément 22 (p. [166])
lui-même dans quelques-unes de ses déterminations fon
333
Complément 23 (p. [201 ] )
damentales 299
333
a) Trois groupes de caractères du souci d'une connais Complément 24 (p. [21 1 ]) 334
Complément 25 (p. [246])
sance elle-même connue et leur détermination uni 334
Complément 26 (p. [256])
taire 301 337
Complément 2 7 (p. [269])
a) Renforcement, méprise, rassurement et déguise 337
Complément 28 (p. [271 ])
ment en tant qu'éloignement loin de l'être 303
338
Complément 29 (p. [27 3 ])
�) Dissimulation, maturation de l'absence de besoin et 338
Complément 30 (p. [290])
échéance font que l'être-temporel du Dasein reste
338
absent 304
y) Obstruction et déplacement comme nivellement de
l'être 305 Postface de l'éditeur allemand 343
b) La fuite du Dasein devant lui-même et devant l 'être
à-découvert de son être-dans-un-monde, l'ensevelis
sement de ses possibilités <l'encontre, la distorsion
comme mobilité fondamentale du Dasein 305
c) Factivité, menace, étrangeté, quotidienneté 310
ANNEXE
C O M P L É M E N T S T I R É S D E S N OT E S D E C O U R S
D ' H E L E N E W E I S S E T D ' H E R B E RT M A R C U S E
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