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de
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PHILOSOPHIE
ŒUVRES DE
MARTIN HEIDEGGER

Introdu�tion
à la re�her�he
phénoménologique
par

MARTIN HEIDEGGER
Traduit de l'allemand
par Alain Boutot
MARTIN HEIDEGGER

Introduetion à la reeherehe
phénoménologique
L1· pn'·H1·111 vol1111w rqlroduit le tt•xlt• du premier cours y:ue Heideggpr· a
do11111• 1111 H1'1111•s11·p d'hivPr 192:�-1921· à l'11nivt>rsité Philipp tle Marhourg
011 il Vt'1111i1 11'1\1l'i' 110111111{> profrsst>1rr. l IPidegger y engage pour la prt'mif>n'
l'oiM 111w .. , plirn 1io11 dt· fond avt•t• la pht�noménologie husserüennf' à la h1mif.re
dt' ln nolion t·1·nt rn lt· tIP l>osein. Pourquoi el tle quel droit la phénoméno­
loi.:it•, qui t'>•l t·o111·t·1·111�.. au pn·nüt•r t•ht·f par les phénomènes, tlevient-f'Jlt>
11\1•1· l l n1<s1·1·I la ,.wit·ru·I' Pitl{>1iq1ll' clt'st..-iptive tl(' la eonsci('nce pure Lra11s-
1·1·11d11n111l1· '! ( :1•111· promotion insolitl' tlt• la 1·ons1·it'n<'t' au rang d'objet
pri\ilqd1· .i . . 111 n•..lwn·lw philosophiq111· n't'sl pas le fruit du hasard, mais
111·rn•Pdt· d1· l11 domination, dt•vt•nut• aujourd'hui ineontrôlahle, du SOU('Î dt'
1·t•r1i111d1· t'I d"t'·vitlt•111•t· appanr avt't' J)p1wartes. En Sf' laissant guidt'r par
1'1'111' id1·1· tlt'•t1·rn1i111�.. d1· st·it•nt't' plutcît qui' par les l'hoses elles-mênws, la
ph1•110111l'nologil' a 11011 st•11lt·nwnt d{>viP dt• st·s orit'ntations initialt"s, mais a
rwµ,lii.tt' 11' phi'·110111t'-1ll' d11 1>11.�ein qu't'llt' a tl 'ailleurs d 'l"mhlre exclu dt' son
d111111p d'inv1·Hlig111io11. I>'oil la llPt't'ssit{> tlt• 1·eprt'ntlrf' à nouvt"aux frais
1'1'111' q11t•MI ion d11 1>11.�l'in, t·t• q111· llt-idt·gw·r 1t·n 1t' ici t'll t>squis!'w t•n antil'ipanl
1'l'l'l11in1·M dt'H 11nalys1•s d1· Rtrl' " ' T1•111v�-
I '.1· l'Olll'H rq11·1·s1·n1t· non s1·11lt·mt·n1 1111 tlon111wnt t'ssentit'I pour mit'll'<
1·1•1111 r ,.,.qui.�•· jo1w dans 11· dt�l1al t•nln• llt•idq�gt•r Pl Husst·rl, mais offn·
llllMMi 11n1· d1•s inl1·1111·t�lations lt•s plus t·in·onsta111·i!>1•s qw• llt·idt•ggt•r· ail
ilon111•t'M d1· lu philoHophit• 1·arlt�si1·n111'. Il t•onsliltw pou1· to11t1·s t'l'S raisons
1111 ,i11lo11 11111j1·11r sur la voit· qui a 1·011d11il l l1·itlt•gg1·r ù l'o11tologi1·
f11111l111111·n111 l1' .

. 1 j 1. jJ._ .....
.
1 "

MARTIN HEIDEGGER

INTRODUCTION
À LA RECHERCHE
PHÉNOMÉNOLOGIQUE
Traduit de l'allemand
par Alain Boulot

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( 1 1')
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1011
..
urs de Marbourg du semestre d'hiver 1923-1924
édité par Friedrich-Wilhelm von Herrmann

P RÉ S E N T A TI O N D U T R A D U CT E U R

Le cours Introduction à la recherche phénoménologique


a paru en 1994 comme tome 17 de !'Édition intégrale (Gesamt­
ausgabe1) des œuvres de Martin Heidegger publiées aux
éditions Klostermann à Francfort. I l a été professé durant
1 semestre d'hiver 1923-1924 à raison de quatre heures
par semaine à l'université Philipp de Marbourg où Hei­
degger, jusque-là assistant (Privatdozent) à l'université
de Fribourg-en-Brisgau, venait d'être nommé professeur
extraordinaire avec le statut et les droits d'un professeur
rdinaire. Il occupe une place à part dans l'œuvre du phi­
Josophe2 non seulement parce que c'est le premier à avoir
été délivré par Heidegger en qualité de professeur d'uni­
versité, mais aussi parce qu'il a été prononcé à un
1
moment décisif de son chemin de pensée. Il a été donné

I'
en effet l 'année même où Heidegger entreprend la rédac­
tion effective d' Être et Temps dont il présente une toute
première esquisse dans une conférence sur « Le concept

1. Martin Heidegger, Cesamtausgabe (abrégé ci-dessous en GA), Francfort­


sur-le-Mai n, Vittorio Klostermann .
. Du poin t de vue édi t orial, ce volume ouvre la seconde section de l' Édi-
1ion intégrale qui réu n i t l 'ensemble des cours professés par Heidegger de 1919

pr vu cl' dit r 1 s pr ·mi 'rs cours que Heidegger avait donnés à Fri bo u rg
Titre original: < L944. Rapp Ions qu clans le plan i n i t i a l de !' Édition intégrale, i l n ' était pas

mm nssistonl. ' si n 198 que ln d is i n de 1 ·s publier a été prise (du


EINFÜHRUNG IN DIE PHÂNOMENO
LOGISC'llE FOl�SC'llUNn

© moins ·u d' ln 1 rio(I 1919-19 ., 1 ·s s uls à avoir t conservés); ils sont


f
or1-sur-le-Mai11 1994 {)()(>.
© Éditions Gallimard, 201 • pour la 1rai/11c m1lin t ·nnn1 di, ponihl •s ·1 'forrn •111 I · volum s 56-. 7 E 6 cl' !' Édition inté­
Villorio Klostermann Crnbl-1, Franc

j ; �
1io11 i· u1ç11i.I' '.
�mll'.
Présentation du traducteur Présentation du traducteur 9

cl
r.ien qui renvoie ici à la conscience, et d'ailleu:s !a pens�e
t m ps1 » donnée le 25 juill et 1924 deva nt
la société de
olog ie de Marbourg. C'est donc au mom ent
ba s de ce qui va deve nir l'ont
où il jette les recque ignorait tout de ce que nous appelons amsi. La .phe­
H .1 cl egge r se prop ose, dans ce cour s
olog ie fond ame ntale que noménologie, dans son « pré-concept », n'est pas une science
à la rech erch e phénoménologique, non cert
inaugural, d'introduire cle la conscience, mais est concernée par !'apparaître de l'éta�t
es sous la forme dans son être ; elle consiste, comme l'indiquera plus tard Hei­
d'un xpos é doct rina l, mais en engageant
av c Hu serl et avec la compréhensi on huss
une explication degger, à « faire voir à partir de lui-même ce qui se montre tel
erlienne de la qu'il se montre à partir de lui-même1 ».
ph nom énol ogie , expl icati on qu'il reprendr .
a d'ailleurs un La curieuse primauté accordée à la conscience d �ns la
peu plus tard sous une forme plus déve lopp
mière part ie de son cours du semestre d'été
ée dans la pre­ recherche philosophique n'est pourtant pas le frm� du
1925 Prolégo­ hasard, mais procède d'un souci particulier devenu dommant
mènes à l'histoire du concept de temps2. Sans
entrer dans le à l'époque moderne, le souci de scientificité, ou plus exacte­
détail, nous allons dégager ici les grandes
ligne s de cette ment « le souci que la connaissance soit elle-même connue
confront ation majeure qui permet de mieu
l'idé e que Heidegger se faisait à cette époq
x comprendre (die Sorge um die erkannte Erkenntnis) ». Et c'e.st �ien là
ue de la phén o­ finalement la thèse centrale de ce cours : « La dommat10n du
mén olog ie dont l'ess entie l, com me il le dira
« ne résid e pas dans sa réalisation com me
par la suite 8 uci de l'idée de certitude et d'évidence vides, et par là fan­
. "cou rant" phil o� tasmatiques, préalablement à toute libération d� la P? S �ibi­
sophique. Plus haute que la réalité se tient
la possibilité. l'it d'encontre d'états de chose fondamentaux determmes, a
L'in telligence de la phénoménologie réside uniq
uement dans . · nduit à refouler le thème originaire de la considération
sa saisie comme poss ibilit é3' ».
Partant de la détermination husserlienne de la <phénoménologique>2• » La phénoménologie n'est plus gu�­
logie dans les ldeen comme « science eidétique
phénoméno­ d par Je souci de s'approprier les cho�es elles-1:1e� mes, ma� s

descriptive de ,
la conscience pure transcendantale », Heid egge par une certaine idée de la science. Heidegger decele la pre-
8 nce, chez Husserl, de ce souci de connaissance connue dans
r commence
par se demander comment la « conscience » en
der ce singulier privilège de constituer le thèm
vient à « possé­ 1 article manifeste de 1911 « La phénoménologie comme
fondamentale telle que prétend l'être la phénomé
e d'une science s ·j nce rigoureuse » où Husserl critique le naturalisme tout
privilège est d'autant plus surprenant que le
nologie »4. Ce n reprenant à son compte et même en radicalis.ant l'idéal ?e
terme même de s ientificité du naturalisme lui-même. Ce souci de connais­
phénoménologie, si on l'entend en son sens
originel, c'est ­ sance connue remonte en réalité à Descartes, même si des
à-dir e grec , ne fait nulle men t référence à la
prenant appui sur Aristote, Heidegger rappelle
conscience. En pr mices peuvent déjà en être repérées chez les Grecs ��x­
en effet que, rnê:mes. La philosophie de Descartes est en effet tout enttere
pour les Grecs, le « phénomène » n'est rien d'au
L ndue vers la quête de l'indubitable, de !'absolument cer­
tre que l'étant
. II n'y a donc
lui-même tel qu'il se montre dans la présence
ta in, lequel réside dans le cogito sum, qui n'est pas une thès.e
1. Cf. « Der Begriff der Zeit (Vortrag 1924)», D n tologique, mais une proposition logico-formelle, une certt­
2004, p. 107-125. H.G. Gada mer voit dans cette
conférence la fonne o r ig i ­
er Begriff der Zeit, GA, t. 64,
Lud absolue fondant et garantissant toutes les autres.
s (cf. H.G.
«
nelle» ( Urform) d '. Ptre et Temp
g1e » (1964), in Heideggers Wege, Tübin gen,Gada mer, «Die Marburger Theolo­ mp.ire x rcé par ce souci de certitude et de « connais­
Mohr, 1983, p. 2 8 ) .

A. B o ut ot , Prolégomènes à l'hiswire
2. Prolegomena zur Geschichte des ZeitBegriffs
, GA, L 20, 2° éd., 1988 (tracl. fr., connu » a eu d s conséquences « funestes »3 pour la
du concept de lemt?s , Paris, al/irnarcl .
�-
Zeit, GA, t. /, %Pir, , 1. , p , . 4.
'f., i·d 'SS111 1 , fl, li.

4. Cf., ci-dessous, p. 64.


3. Sein und Se/11 1111r!
2, p. 38.
.. 'f., d '()li', p. \) .
10
Présentation du traducteur Présentation du traducteur 11

scartes, ou du moins de certains de ses mo�ents. C'e�t


ph noménologie elle-même. Il a eu pour effet de la dévie
r de 1)
!.l ai l l e urs cette présence massive de D escartes qui peut e �pl� ­
ses orien tations initiales et a « défiguré» ses
trois découvertes
qu r que ce cours ait pu parfois être mentionn é sous 1'1�t1-
principales en leur donnant une signification fonci
èrement
théorique : l'intentionnalité est désormais appréhen ,
dée à partir t ul . : « Le début de la philosophie moderne (Interpre tation
d. Descarte s)t.» Heidegge r procède en réalité dans la se�-
du comportement théorique, l'évidence devient celle
de la sai­
1 on centrale du cours à la « déconstru ction» de l'onto �� gie
sie théo rique de l'éta nt, et la rédu ction eidét ique
s'avè re
foncièrem ent priso nniè re de catég ories de la logiq que sa deuxi.eme
ue et de 1 arl sienne, et on peut même considére r
l'ontologie traditionnelles étrangères à la conscience
. Et sur­ 1 artie : « Retour à D escartes et à l'ontolog ie scolast�.'.lue
qui Je détermin e» correspon au deu�ieme
tout en céda nt ainsi aux mira ges de la scien tifici �
té, la phé­ d très �xactem nt
1noment de la déconstruction de 1
nom énologie s'est rendue coupable, mais sans le savoi annoncee au
r, d'une ontologie
« omission» fondamentale : elle a négligé d'interrog
er dans son poragrap he 8 d' Être et Temps sous la rubrique « Les f? nda­
l ioos ontologiques du cogito sum de Descartes et la repnse d �
être ce qu'el le pren d pour thème, la conscience, et
occulte plus
t n tologie médiéval e dans la probléma tique de la res c�gi­
fondamentalement le Dasein qu'el le a d'ailleurs d'em
blée exclu
inns». Déconstr uire l'ontolog ie cartésien ne, cela s1gn.ifle
de son champ d'investigation. D'où la nécessité de _ _
reprendre à
nouvea �LX frais cette question du Dasein, ce qui supp
.
c1 e He 1degger, de le libérer « des excroissances conc
ose, pré­ g ab rd et avant tout la réinscrire dans la tradition qm la
eptuelles» port et la conditionne. Avec le cogito sum, Desca�te� a
rte installé la philosophie sur un sol nouveau , mais il a
qu'il a lui-même « configurées pour s'expliquer lui-m
ême »1. Le
cours esquisse cette « phénoménologie du Dasein»
qui anticipe }ulss entièrement ininterrogé le sens d'être du sum e.t d � la
! ' , � ·ogitans. « Dès le début, la recherche et la détermm atlo?
par certains côtés l'analytique existentiale, et explo
re les carac­
lü ogitare, explique Heidegge r, ne �e?�ent nulle�ent �
tères d'être du Dasein tels que les révèle le souci d'une
connais­
sance connue. Ce souci est en effet lui-même une
mode d'être du Dasein, et dans ce souci le Dasein
guise ou un n t rroger le cogitare dans son être specifique [ . . . ] me�� si
manifeste I " , artes érige ensuite cet être formel au rang d etre
be:; -1u2. » Heidegge r s'attache alors à montrer que la res
certains caractères de son être. Il apparaît mû par le
besoin du
<' gitans est en réalité secrètem ent détermin ée dans son être
rassurement, il fuit devant l'étrangeté et la menace
qu'il est au
fond lui-même. « Le souci d'une connaissance
connue n'est par l s catégories de l'ontologie médiéval e et ne se compren d
fJU dans la perspective de « l'ens com�e en� cr�atum ». �l
rien d'autre que l'angoisse devant le Dasein2. » On
peut consi­
1 1 1 ntre plus préciséme nt que les deux determma tions carte­
dérer de ce point de vue que le tournant « scientifiqu
e» de la
, j nnes de la res cogitans comme esse creatum et comme ess�
phénoménologie n'a rien d'accidentel, mais est
existentiale­
( , , , , · ptum renvoien t fondamentaleme�t chez Descarte s a
ment ou ontologiquement fondé : ce virage procè
de de l'être
1 e�s, verum, lequel ne s'entend chez samt Thomas que dans
même du Dasein qui, se fuyant lui-même, se réfug
ie dans la
farniliar�té et la quotidienneté de l'étant intramond
ain auprès la pe rspec ti ve de l ' esse creatum, qui renvoie à s?� tour .aux
at g rie fondame ntales telles qu'elles ont ete co � f1gu­
duquel il se rassure en s'assurant de lui.
s p a r l 'o n t ol ogie grecque avec Aristote3». De ce pomt de
Un des apports essentiels de ce cours est aussi
d'offrir,
dans le cadre de cette critique « existentiale » de la
phé nomé ­
u s c i rcon ·­ 1. de Heidegger reproduite par W.J. R�chardson, Heideg­
f. lti lis! de· o u rs
nologie husserlien ne, une des interpréta tions les pl
soph ie de Thro11.gh. Phenomen.ology 10 Th.ou.gh.t, La Haye, M � rtmus N11hoff, 1974,
tanciées que Heidegger ait données de la philo
p. 6 , y ir nussi Th. Ki8i 1, Thl' ene.,is of 1-/etdegger's Bemg and T1me, Berke-
irer _

1. Cf., ci-dessous, p. 135. l niv ·rsi1 of 11liforniH Pr ss, 1 9 , p. 76.


·r.. i-d • · iu.• p. 74.,
2. Cf., ci-dessous, p. 'I 13.
·r., ·l·d ·sou., p. 1 .
13
12 Présentation du traducteur Présentation du traducteur

1 orn pte tenu de cette diversité d'em


plo is, il semble . impossible
vue, Descartes représente tout sauf une rupture radicale : il est
d
n un
ein non tradmt, selo
mai ntenir d'u n bout à l'autre Das
t alors �onger � rendr�
certes le fondateur de la philosophie moderne mais il la fonde
« �n se rattachant à la tradition » et est «à proprement parler, 11 'fF' aujourd'hui bie n établi. On peu
f!i\r le très classique «ex
. istence », traduction qm aurait
medie, ��l et gre� »1• Et su�tout en saisissant la res cogitans, et
J uüleurs l'avantage de conven
ir pour l 'ensemble des occur­
donc l etre de l homme, a travers des catégories qui restent ur
f�? damen��lement orientées sur le monde, il manque le sens ' n es du terme. Cette
solution, retenue par le traducte
\!11 ricain de notre cou
d'ar gum ents , mai s
rs1, ne manque pas
d etre de l etre-au-monde, c'est-à-dire du Dasein.
renoncé pour au mo�

1 1 us y avo ns fina lem ent
s deu x rais on :
Nous �e �rni�ons ces quelques remarques introductives par mo t Ex1 s­
(1)\lt d'abord Heidegger util
ise à plusieurs repnses le
des cons1derations plus formelles. Comme il est de coutume
t1•1t concurremment avec celu
i de Dasein, et ensuite et surtout
i�ou. . avons maintenu entre crochets droits la pagination d� ue de fausser le sens du pro­
l.1 t raduction par «existence » risq
nant, que lles que soient les rni�es
1 or 1gmal allemand. Nous avons fait figurer entre crochets
obliques < > les quelques adjonctions que nous avons été
. pos heideggerien en lui don n
n ard e et précautions
don t on l 'entoure, une connotatio
amené à insérer en de rares endroits pour clarifier ou préciser ent pas de mis e. Un e
le sens du propos. Nous donnons en règle générale en bas de ., \stentialiste >> qui n'est manifestem diff icul tés
» soulève des
p �ge la t;aduction des citations grecques et latines lorsqu'elle nduction systématique par «être-là
don c dû nou s résoudre à abai:don-
n �pparalt pas dans le corps du texte. Les références bibliogra­ m parable s. Nous avons
1 1 r le prin cipe d'un
pte une
e traduction uniforme, et avons ado
phiques présentes dans l 'édition allemande ont été reproduites vaut pour le monde, les
ohHion hybride : lorsque Dasein
ho e · du monde et pou r tout ce qui
et complétées par le renvoi aux traductions françaises corres­ n'es t pas à la mes ure de
· q u i s'ap pell era « Dasein
pondantes lorsqu'elles étaient disponibles. S'agissant des choix
. », nous le rendons en règle géné­
de traduction, la première et principale difficulté que soulève
,. 1,I par «être -là » et que
lquefois par existence, notamment
ce cours c�ncerne le terme fondamental de Dasein qui n'a pas ·

don l'expression « Das


; en
ein Gattes (existence de Dieu)2 »
encore clairement ici, à ce moment de l 'œuvre, le sens qu'il sans ambiguïté le mod e
r vanche lorsque Dasein qualifie
à t re de l'être humain, nou
aura plus tard, et notamment dans Être et Temps. Dans ce s le laissons tel quel sans le tra­
.
cours, Heidegger emploie le mot, comme dans d'autres textes d ne doit cependant pas
dui r . Le maintien du terme alleman
fuir oub lier qu'à cett e épo
de la même période2, dans des contextes divers : il ne que Heidegger n'es t pas encore
!'
l'applique pas seulement à l 'être humain, mais également au cept ultérieur de Dasein,
llement en possession de son con
m -'m.e si ce dernier est
monde ou aux choses du monde. «D'avance et indicativement peu t
bien déjà en ligne de mire. On
affirme-t-il par exemple, nous fixons à titre de thème principal dans la confére nce de 1924
le Dasein, c'est-à-dire le monde, le commerce des hommes �on idérer en effet que ce n'es t que pou r la
e con cep t de tem
ps » que Hei deg ger rése rve ra
Nou s
dans le monde, l 'être-temporel, le langage, l'explicitation ement Dasein à l'être humain3.
propre du Dasein, les possibilités d'explicitation du Dasein3. » l rem ière fois explicit

f.
omenological Research, trad .
Mart in Heidegger, ln.troduction to Phen
n, .India na University Pres s, 2005 , p. xm.
1.
on J. Dan iel O. Dahlst rom, B loomingto
Heid,�gg�� déclare pa� exemple dans Je cours du semestre d'été 1923 que . f., i-dessous , p. 158, 206,
1. Cf., ci-dessous, p. 329.
}· etc. , . .

a concl mt a considérer le Dasem


.

s ptll' Dasein. no u s cnt 'ndon l'ét


de cc qu'e st Je t emp nous
(Ontologie - Hermene ut1k der Faktiziciil, GA , L 63, 1988, p. 86) et 1 a r l
. « La qu ti n com me
« Dasein des1gne aussi bien l'être du monde que l'être de la vie humaine,, an t clan son ê tre que nous conn aissons� le traité
vl' hum ain J er
lu t.. 64, 2004 , p. 111-112. Cf. auss
n ceqm smt, le 1�ot
GA,
« Dasein mondain de simples choses (une table, des livres)», ibid., p. 96 L
. Zeit,

U' Ill 111ortunll'IJ1 m 1i1r


», iff der
oùJl•id· e � pr cise : «Da �
Begr

l
.l ase1.n humain »,
Dase111 du monde et des choses du monde, l eur « tre-là », a pour trait ar � t _

"! nse/11" "1 mis cl· m a


ni .r pur m · n t rn1111 Io 1qu · pour

11!1 .. 1 . 19.
nst1que la s1gn1f1cat1v1té (.Bedeu/sam.keir).
3. Cf., ci-des ous, p. 16.
14
Présentation du traducteur

sommes ici en 1923-1924 le Dasem· n,est


D.asem . d'Être et Tem I'·1 �e des1
ouvert à l'ê. tre d'auta:: qu s
, . ne pas pas encore le
� l'étant qui est
' , e a qu est ion de l'êt re comme tel REM ARQUE PRÉLIMIN AIRE
l l IJ
:� c�rtr:: m l E�����7!:/:�������1�::e%eu�entt ici
;,:pl:c1t�met�nt: �pr��
se�t, c'est pourtant bien à partir d: l�i ::: Tâche du cours
n e? ce que J:I�1de gger cherche à dire dans le cours La passion du questionnement j uste
ti n o n
sa��e : �;an� �� � � t:;no�ner i�i ma profonde reco�nais- et de bon aloi
o é i q 1 a bien voulu encourager
�ccon.1pagner,�e tra�ail
��_ de traduction tout au long de son él=-t
�- Q u
si ��� t chal1leurvemlle bie� accepter ici l'expression de ma
euse gratitude.
Alain BüUTOT
atâche du cours est double: 1° fixer et dégager l'horizon
nu n peut s'attendre à trouver des états de fait déterminés.
< ri. nter préalablement le regard dans cette direction, écar­
i r à quoi il ne faut pas s'attendre. 2° élaborer concrète­
m
·e

'nt ces états de fait et s'en approcher peu à peu, se


familiariser avec les objets en question, et avec la façon de
1 rapporter théoriquement.
:
T ut d'abord, il ne faut pas s'attendre à trouver ici 1 ° des
Informations journalistiques sur la phénoménologie ni des
v lations sur l'intuition des essences comme s'il y avait là
;
un tour de passe-passe 2° une chose plus dangereuse, car
r>lus profondément ancrée dans les esprits: on ne trouvera ici
u\Jcun fondement, programme ni système : il ne faut même
pas 'attendre à trouver de la philosophie. Ma conviction est
qt 1 ' n en a fini avec la philosophie. Nous sommes confrontés
1 s tâches entièrement nouvelles qui n'ont rien à voir avec
lu philosophie traditionnelle. Cette perspective n'est cepen­
dant qu'un fil directeur. La seule chose qui compte, ce sont
1 s tats de fait; mais comment les délimiter, les classer, en
d b·1ttre, tout cela est secondaire.
La tâche des considérations qui suivent est triple: 1 ° don­
n r qu Jques lumi è res ur
l'expres ion «phénoménologie» ;
0 xpo r concr tem nt la percée sde l a recherche phénomé­
·
nol iqu dans s R cherches logiques de Husserl 3° expo­
1 ;
mm m
nt la ph n nol 1 a té confïgurée à partir de
1 , jus 1u'� qu • I t
i n sa
p · nfi urali n <initiale> a té main-
·
17
Remarque préliminaire
16 Remarque préliminaire
actérise le sentiment dominant
tenue, jusqu'à quel point elle a été infléchie et en fin de , 111u iaissance. C'e st ce qui car ndre
, 11 n élites culturelles d'a
ujourd 'hu i. Il faut bien compre
compte abandonnée dans sa signification décisive. la chose la �lus f�neste. On
�istoriquement : q>mv6µi::vov et Ahroç - deux termes origi­ qll, et aspect est précisément , table!11e n� .
11 p l u s aucune entente
de ce qui se pro�mt ven
naITes (2) de la p�ilosophie grecque ; c'est à partir du change­ que st10nnement . s agre�
1 ' rna nque de courage devant le
. .
ment d� leur s1gmf1cation que devient intelligible l'origine de ultime qm
111 ' n t e sou ven t de
religiosité. Un questionnement
l'accept10n spéciale qu'ils ont prise en phénoménologie. pour d�
11 " dér obe pas , et
Dans la mesure où ces termes disent le « Dasein », nous nous fait face à ses exigences, passe fmt
1 •Jlllf cuidance aux yeu x
de cette religiosité. [3) On
mouvons, lorsque nous les explicitons, dans l'histoire du ble
11 ·va nt une possibilité fonda
mentale du Dasein �ui nous sem
Dasein de l'humanité occidentale et dans l'histoire de l'inter­ de se per�re.
.111j urd 'hui, en
tout état de cause, être en tram -
� rétation que celle-ci a donnée d'elle-même. L'interpréta­ ilité du Dasein et de son exphca
t ion qu � � u�s � rl a d ?nnée de la « phénoménologie » dans 1 -� sciences sont une possib
es, à la pla ce qui est la vôtre
la contrnmte immediate , n wec lui-même. Si vous-mêm
à votre scie nce , épr ouv ez,
des Recherches logiques permet au contact de questions déter-
1

d�entendre comment lui-même appréhende et déploie la ID


une exp lication avec vous-
tac? e de la recherche phénoménologique. D 'avance et indi­ rnin s ' que vous engagez ici te de ce que
c� tlv�m �nt, nous fixons à titre de thème principal le Dasein, 11 ,me s et ave c
le monde, alors vous avez l'enten
) n i:fie « scie nce ».
.
c est-a-dITe le monde, le commerce des hommes dans le monde Ê au que stionnement reqmert
(Existenz) : ne pas som­
' u1 te tro isiè me poi nt. tre prê t
l'être-temporel, le langage, l'explicitation propre du Dasein
les possibilités d'explicitation du Dasein.
' lil1' ertaine maturité de l'existence se pré -
b1 r dan s des suc céd ané
s ; il ne s'agit pas non plu s de
? n ne p.résupposera ici aucune connaissance philoso­ sécurité de�
pt1f r en toute hât
e, ma is de tenir bon dan_s l'in
ph1q ue. Trois choses seront en revanche présupposées : une er avec ce qm
_ ltHl. es dur ant
, de mû rir en elle pour s'e xpl iqu ,
pass10n pour le questionnement juste et de bon aloi. Cette
se, d'ê tre libr e, de s'in ter dir e toute réponse premat�-
'Rl cau -
passion ne vous vient pas à volonté, elle a son temps à elle et d'u ne tradition qui, dans la ph1
so� propre rythme. Il faut y être prêt, ce qui implique : 1 ° . ela exige de se libé rer alo i : le compor tem � nt
I s plue grecque, éta it de bon
1i j n t i fiqu e en tan
veiller, avec une sûreté instinctive, à prendre l e dessus sur Vo us ne dev ez p�s crm _r�
t que théorie. 1c1
pt'il vous faut néc ess aire
toute espèce de préjugé ; 2° avoir le souci d'entrer dans la tou t ce don t il est
ment croire
fam�liarité d'une scien�e déterminée ; 3° avoir compris que
la vie confere, au questionnement de connaissance tout sauf u es t io n.
la lourdeur intellect�elle, celle des considérations théoriques.
_ pomt. Il ne s'agit pas de se défaire de toute
Sur le premier
espèce de préjugé, ce serait pure utopie. S'imaginer n'avoir
aucu� préjugé est en soi le plus grand des préjugés. Ê tre bien
conscient que toute chose peut s'avérer n'être au bout du
�o�pte �u �un p�éjugé. Donc non pas être libre de tout pré­
j uge, mais etre hbre pour la possibilüé d'avoir à reconnaître '
au ?1oment décisif, en s'expliquant avec la chose en ea u e
qu'il y avait là un préjugé. Voilà la forme d' x i t ne d�
l'homme de science .
Sur le deuxième point . La sc.ience, compri e c m m
d e m até r ia u x, fa i t q u ' o n t sal ur
. ,
t1on elaborée
I'

11 PREMIÈRE PARTIE

<l>AINOMENON E T Aüf01:
CH EZ A RISTO T E
E T L 'I N T E R P RÉ T A TION
QU E HUSS E R L DON N E LUI-MÊM E
D E L A PH É NOMÉ NO LOGIE
Premier Chapitre

Quelques lumières sur le terme


« phénoménologie » en faisant retour

1
1 à Aristote

t rme « phénoménologie » apparaît pour la première fois


.11t , vmc siècle dans l'école de Christian Wolff, dans le Nouvel
' 1'vnnon1 de Lambert, en liaison avec des tournures analogues
qn · t a ie n t très en vogue à l'époque telles que « dianoiologie »,
.. al t heiologie » ; il désigne la théorie de l'apparence, ou com-
1 11 nt éviter l'apparence. On trouve chez Kant un concept appa-
ot�. Dans une lettre à Johann Heinrich Lambert, Kant écrit:
' Il s mble qu'une science toute particulière, quoique purement
n )ative (phaenomenologia generalis), doive précéder la méta­
l h sique ; les principes de la sensibilité s'y verront fixer leur
:1lidité et leurs bomes2• » « Phénoménologie » devient plus tard
!<il J titre de l'ouvrage principal de HegeP. D ans la théologie

1\1'/11111, un d Bezeichnung des Wahren und dessen Unterscheidung vom lrrtum


1 . Johann H einrich Lambert, Neues Organon oder Gedanken über die Erfor-
1u1rl S ·hein [Nouvel Organon ou Pensées sur l a recherche et l a désignation de la
1 l , et sur ce qui la distingue de l'erreur et de l'apparence], 2 volumes, Leip­
', J7 4, premier volume : Dianoiologie oder Lehre von den Gesetzen des Den­
/, fJllS IDianoiologie ou Doctrine des lois de la pensée]; Aletheiologie oder Lehre
mi d r Wahrheit [Aléthéiologie ou Doctrine de la vérité]; deuxième volume :
/1 111io1ik oder Leh re von der Bezeichnung der Gedanken und Dinge (Sémiotique
u Doctrine de la désignation des pensées et des choses]; Phiinomenologie oder
/,p/ir von dem. Schein [Phénoménologie ou Doctrine de l'apparence] .
. Briefe von und an Kant. Erster Teil.: 1 749-1789, in lmmanuel Kants Werke,
d. . as· i re r, B 1. IX, B erli n , 1918, p. 75. Kant écrit par mégarde « phaenomolo­
!llO »[trad. fr., J. Rivelay •ue, Let t re à J. H. Lambert du 2 septembre 1770, in Kant,
'

'uvr s phi/ sot hiques, 1, Paris, allim o rd , coll. «Bibliothèque de la Pléiade»,


1 980, p. 6891.
or Wi l h ·lm flri lri h 11' '1 , Ph/:1110,,.,enologie des Geistes, i n Georg
W llielm /!r/etlrlrh llrµcls �Vr·rk<'. Vollsil ni.lit Aus ub l u r h incn Verein von
·
I/
22 <I>mvôµEVov chez Aristote et la phén
omé nologie selon Husserl Quelques lumières sur le terme « phénoménologie » 23

protestante du siècle .. la henom


x1xe
, enol, og1e. des relig
est la doctrine des d1tf'ere�tspmo? es d 'app arition des
ionsl
reli-
l11111i r , la clarté. Il nous faut établir quels sont les états de
visés par ces termes en prenant appui sur un texte
gions. Le terme « , o _ da
1 111
1111 ·t de la recherche scientifique. Nous allons les présen­
T
leçons d� F�anz Br :!:������� ��:�p�����u=C��apres, une ns les 1

k1 ludépendamment du terme lui-même, puis nous établi-


commumcation orale de H r1) . Pourquoi Husserl a-t-il 11111 à partir de ce texte, en quel sens le terme vise l'état de
cho·1s1. ce terme ? Pourquoiusse
« phénoménologie» la doctrinea-t-deo�é��:�l'e�t�ue �vm e sièc
. le
1

11 L Nous choisissons pour ce faire le De anima d'Aristote,


1 1/ U

i/ � �o��nt cpatv6µi;vov en vient-il à signifier «app:i:���:n�> e;. chapitre 7 qui traite de la perception du monde sur le
111nd de la vision1• Toutes les connaissances issues de la phy-
- -1 one d ans le terme de cpmv6µi;vov des motifs t l U , de la physiologie doivent être ici mises de côté car il
J

, .gner l'appare . qui


1 Il
poussen. t . à I'utT1 1ser pour desi l1·11r manque l'orientation nécessaire pour atteindre Aristote.
«appantion» doit être laissé de côté c nce? ,. . 1. Le . mot 1 Jr xplication concrète à ce point n'a plus jamais été tentée
erre�� s'il pr�tend restituer le terme gr��� �é;;: �c p�du�t :n

De l ame, prete à malentendu si· l'on


. s'en t. a, ce \jlqu·XîJ1 Ç,
1ent
1111 la suite.
u est-ce que la vision, que perçoit-on comme tel dans la
· t :� �:��s;!�� .· �a ;erc�ption, la pensée, la volonté n�
;�:� •l'l on, comment ce qui est accessible dans la vision est-il
p p u Ans e. Le Ili;pi 111uxn1<; ne releve
pas de la psychologie au senstotou , on l'entend aUJO. Urd'h' UI. '1' • , 1ractérisé quant à son contenu et sa perceptibilité ? Oùtible µèv
q v fotlv Ti O\j/tÇ, wùt' foti. v 6pm6v 2. « Ce qui est percep
mais traite de l'être de l'homm. e (ou plutôt du vivant en dt111' la vision, c'est le visible» ; une chose de ce genre se
général) dans le monde*. ,. 1t::ictérise par la couleur3• La couleur est ce qui s'étend par­
i11ut sur le visible en soi-même4• La coloration qui est à
' lîaque fois celle d'un étant est toujours perçue f.v <pwti5, dans

§ Élucida�ion du rpaiv6µevov à partir l 1 lumière ou plus exactement dans la clarté.
Il faut donc d'abord établir ce qu'est la clarté. La clarté est
de l analyse anstotélicienne de la perception
1. vidence ce qui laisse voir quelque chose à travers soi, le
du monde sur le mode de la vision
,�o.<puvtç6. Cette clarté n'est pas visible en elle-même, mais
a) Le cpmv6µi;vov comme mode de présence ms1g . ne . ulement grâce à une couleur qui ne lui appartient pas7• La
de l,etant: etre là au jour 'larté est ce qui laisse voir: en l'occurr ence la couleur propre
lKCtov XPffiµa8) des choses9 que j'ai devant moi dans cette
, �

«Phénoménologie» est composé de À&yoç et de cpmvoµi;v , 1arté. Aristote a découvert que la clarté [8) n'est on pas un
:1 <I>mv6µsvov veut dire: quelque chose qm. ov.
orp (ti µi::v o-Ùv tà ôtacpavi:ç : Kai. ti tà <p&ç, si'.pritat,
11 1 se montre.
équivaut a' [7] «se montrer» "'ma'tvw c 'est «mettre quelque
<I>aivoµm
p ou0' oÀroç cr&µa oùô' ànoppoit crffiµmoç oùôcv6ç [ ...) , ÙÀÀà
outs

· ». La racm. e est 'cpa; ce radical est lié à <p&ç, la


chose au Jour
1. Ariswtelis de anima Libri Ill. Recognovit G.
.Apelt. ln aedibus B. G. Teubneri Lipsiae, 1911.
Biehl. Editio altera curavit

Freun�en d�s Verewigte n, Zweiter Band


p
phenomenologie de l'esprit, 2 vol
'
Berlin ' 1832 [cf. .
. A u br.e r Mont tr ad. fr., J. Hr ppol 1 '
. • .. •
. De anima, I l 7, 418 a 26.

ar •n » 1 941 j.
.

1. Pierre Dani el Chan tepie d e La S 4. Ibid., Il 7, 418 a 29 ·q.


La . Ibid., Il 7, 418 a 27.

a us, s aye, Leh.rbu h. der Re!igionsgeschi


a ns,
clite· . Ibid., JI 7, 418 b 3.
.
Erster Band , Freib urg i B 1 887 , avant-pro
A . C olrn, 1904].
· · .,
P· 48 -170 [cf. trad. fr. , H H u b er t et .1
· · ·

·
pos IJ v., Pi·.i 11 11om
Lévy Manue '
. I ri'/ni·to1
·
·

·
.
1·<' rl1w rellf{I
·

0 011s, Pnri"•
e110 !00/.1'(' her Tell
7. Ibid., li 7, 418 b 4 sqq.
6. Ibid, 117,418 b 4.

* Cf.,à ce su jel,Anne.xe,corn1I rn n11,p .. I ..


8. !/Id., 117, 419 0
9. //lr/.,!17,'llKh Nq.
« phénoménologie » 25
24 <l>mv6µcvov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl Quelques lumières sur le terme

ceptibilité d'un Kmà


nupoç il wwfrrou nvoç 1w.poucria tv •<'? ôtacpavcl1) , qu'elle ne se , 111 i1ru néd iate . S'agissant de la per
sible et c'e st même la règ le.
1

meut pas2, mais elle est le mode de l'être-là proprement dit • J l l l i 1 1u�'f]KOÇ, l'ill usi on est pos
A 't'ist te dét erm ine la cou
leur, ent re autres cho ses , com me
du ciel3, elle laisse voir les choses, autrement dit c'est le jour.
pré sen ce de feu1. La clarté ne se
�eut
il qui , lorsqu i � est
La clarté est un mode de présence de quelque chose 1, v*. La clar té est

1 1 1 .,, qui se me ut, c'es t seu lem e�t le _sol�


(napoucria4, ÈVLEÀÉXEta5). Empédocle enseignait que la lumière que la cla:te s �
1 1 1 , · n t engendre

la cla rté . Cel m qm dit


se meut ; Kai oùK 6p0ffiç 'Eµncôotlfjç6. Trendelenburg7 a vu
1 1 1 1 1 1 c lui- là par le nap
à -rà cpmv6µcva2, en s� ten ant
a cote
, 1 1 p qui se montre. Le
dans la doctrine d'Aristote une régression ; en disant cela il se mo tr en
' cpmv6µcvov est ce qm . �edi�ate-
montre qu'il n'a absolument pas compris Aristote.
t t t • 1 1 1 · me comme tel
et qui , en tan t que tel, est imm
L'afo0TJCHÇ est la guise selon laquelle un vivant est là dans
1 1 11 nt l à . La clarté est
de l a
1 1 s�� monde . �ristote caractérise les modes du percevoir à , en termes kantiens, la condition
Co�cer n�nt cet�e � _
i • 1 lt-1tli bl
. cou l eur . erm i-
l aide des differentes espèces du perçu, de ce qui est acces­ per cep tibi lité de la
1 1 1 ilo j kan tien ne pré
_ erence
_
sible dans la perception. Il y a trois espècess d'aicr0Tj-ra : 1° les cisément, il faut bien vou la diff
i I l 1 r"
par condition. Il ne
i'.ôta, 2° les Kotva, 3° les cruµPcPTJKOLa. e qu'on entend dans les deu x cas " e' -
1 .rnt 1 a' opposer ici Ar isto
te et Ka nt com me réaliste et 1d �
U� i'.Ot0v9 e�t accessible dans un mode particulier de per­
j t
s a place dans la �hi­
une opposition de ce genre n'a pas _ _
t dire « con�itio� de la p �s.s1ble
·.
cept10n et uniquement dans ce mode. Il se caractérise par le
fait qu'il est àd ÙÀTJ0!;ç10. La vision, pour autant qu'elle voit j , 1 ophi grecque). Qu e veu

1 1, 1 -,.. , t ibil ité


etre condition »
dé �couvre toujours uniquement de la couleur ; l'ouïe toujour� » de la couleur, que veu t d1fe «
dans la cla rte . �a _chose
,
umquement du son. 2° Le Kotv6v11• Il y a des caractères d'être pi llll' Ar istote ? La couleur est vue
çJ it être au jou r. La clarté
li
est quelque chose qm fait par­
i , (\
qui ne sont pas assignés à un mode particulier de perception, clarté est présence d�
pa� exem�le la KÎVTJCHÇ. 3° Le cruµPcPTJKOÇ est ce que l'on per­ l'être du monde lui- mê me . La
_ (KaLè1 cruµPcPTJKûÇ oè UycLat aicr0TJ16v, ofov d l . et être-présent se caractéris
e dans son êt!e par l � fait
ç01t d'ordmatre ,1 1

1 l ai e voir à tra ver s soi


1 p1
de par t e.n. �art . Laisser v01r_ est
10 ÀEUKov ElTJ l'.1iapouç ul6ç12). Car d'ordinaire [9] je ne vois _ hte des choses se tient
pas de la couleur, je n'entends pas du son, mais le chant de la 11 1 1 1 cl d'ê tre du sol eil. La percept1b1 mê m� .
, 1 1 1 . la con diti on d'u
n être déterminé de ce monde
t 11 n d it i o n concerne un mode d'ê
cantatrice, ce qui fait conjointement encontre dans la percep- tre du mo nde lm-
'
·

1 1 1 m . L'ê tre là-d eva


re- là dan s
1. lb!d., Il 7, 418 b B sq. (Donc on a dit que ce qu'est le diaphane et ce qu'est
nt du soleil fait par tie de l'êt
que
h 1 1 1 nde l'être là-d eva
la l um1ere : ce n'e.st m du �eu ni en général un corps ou l'effluve d'un corps quel­ nt du sol eil, c'es t précisément ce
conque ( . . . ], mais la presence du feu ou d'un élément semblable dans le
·

1 11 " a voi� s en vue lors


r.
que nous constatons : c'es t le jou
Nou in v oq uon s ici un état de
2. Ibid., II 7, 418 b 21 sq.
diaphane.] fait qui �ai� �artie d� l'êt re du
3. Ibid., II 7, 418 b 9.
·

1 1 1on d . l i s'en suit que


cpmv6µcvov ne sigmf1e de pnm
e abord
1 '!Ï d'a utre qu' un mode de pré
sence insigne de l'étant .
5 . Ibid., Il 7, 418 b 12, 418 b 30.
4. Ibid. , II 7, 418 b 16.
6. Ibid., II 7, 418 b 20 sq.
7.. A rist?telis de anima libri tres. Ad interpretum Graecorum auctoritatem et
cod1cum fidem recognovit commentariis illustravit F. A. Trendelenburg. Editio
altera emendata et aucta, Berlin, 1877, p. 306 : !taque Em.pedoclis sententia vero,
8. Aristote, op. cit. , II 6, 418 a 8.
quod recentwr aetas invenit, proprior, quam Aristote/es.

9 . Ibid., I I 6, 41 8 a 1 1 .
1 0. Ibid., I l l 3, 427 b 1 2. , p.
l l . Ibid., ll 6, 4 1 8 a L7 sqq. f., , suj t, An1 1 · e . 01�1p l m n i
op. c/t., 11 6, 4 1 H l 16.
1 sq.

1 2. Ibid., II 6, 4 1 8 a 20 sq. [ L · 1 as où, rar r ;tt 1 .,


ex ' m ple, ·e qui est blan · se 1 ro1 1 v • , / / / 1. , 1 ! 6, ll l K h 4.
1.
26 <l>atv6µevov chez Aristote et la phénoméno
logie selon Husserl Quelques lumières sur le terme « phénoménologie » 27

(10] b) Le <pmv6µEvov comme ce qui d 1 11 " le mouvement d e l'évolution historique, e t n e sont donc
en soi-même dans la clarté com se montre p i11 un bien ni un acquis de la philosophie que l'on pourrait
1
me dans l'obscurité
• • définitivement et qui seraient [ 1 1 ] en dehors de toute
Le concept de <patv6µëvov ne · · v t > l u t ion. Ils sont bien plutôt devenus notre véritable malé­
d l i o n dans la mesure où la considération et l'explicitation
se lim ite pas à la seule pré ­
s�n �e des choses à la lumièr
d 1 1 l asein en son entier sont grevées de concepts qui ne sont
e du jour, il est plu s am ple et
designe ce qui. se mo ntr e en
soi-même, que cel a se montr
dans la clarté ou dans l'ob e p l i ! " autre chose que de simples mots. Ils signalent le grand
scurité.
C? u'est-ce donc que l'obscurité ? Pour d 1 1 1 1 •er qui est de ne philosopher aujourd'hui qu'avec des
le vide, la rep, onse n'e qui argumente dans 1 1 11 Jt8 et non pas au contact des choses elles-mêmes.
st manifestement pas difficile.
est le ôia avéç1, elle laisse voi La clarté •1>0.1:v6�LEvov et J...6. yoç expriment un état de fait. On verra
pt1 la suite quels motifs présents dans l_' êt� e -là � ui-m � me ont
� r, l'ob scurité est un àôtacpavéç
.
elle ne laisse pas v01r. Ma is l'ob ,
scurité laisse bien aussi voir .
quelque chose. Il y a même 1 1, rrnis que le cpmv6µEvov prenne la sigmf1c� tion d « appa­
�a�s l'obscurité : où navra ôt opœ du visible qui n 'est visible que
w 1 1 e » - et on verra aussi comment une ph1losoph1e deve-
.
�Kacrwu TO oiKdov XPffiµa· iivia yàpr:àtvÈV <pmTi fonv, àUà µ6vov 11u l; perficielle et à la remorque d � simples mots
µtv Ttj) <pmTi oùx 6pihat, .
E� ôt Ttj) �K6 Et not i afo0îi0 1 p p t hende ce qui est là comme « appan� 1on de � uel� ue
h u-·c ». Aristote n'avait pas une métaphysique aussi naive.
� 1v, oio v Tà nupffiôri cpmv6µEva2.
L obscunt. � la�sse voi�r d'une
1 1 q u a nd on cherche aujourd'hui à articuler une critique d e
. . façon bien spécifique. Pour éta
blir ce qm d1stmgue l'obscu ­
rité de la clarté, il fau t avo
rec?�rs à une différence fonda ir l,1 phénoménologie en faisant fonds sur le mot « appan-.
1 • H� , c'est là une indigence que je ne peux que condamner
. mentale de la phi los oph ie ari s­
totehcien ne : cel le ent re ÈVTEÀEXEi<;t et ôuv
l · f. Rickert, 1 9231).
aµëL ov. L'o bsc uri té
est �? ôuvaµEL ov3, c'est quelqu
e chose qui est de par t en par . ,. �
positif. Nous ne sommes pas t cpatv6µevov, ce qui se montre en lm-meme en tant qu 11
1 ·1 l à · il fait encontre à la vie dans la mesure où celle-ci se
en éta t de saisir cette structu .
spécifique car nous ne disposons re
1 tq p ;te à son monde en le voyant, et plus généralement en
pas , dans notre théorie des
catégories, de catégories aussi
l1 percevant dans l'afoOri01ç. Les 'Œia aioOrtT<i sont le perçu
originaires. Da ns la mesure où
l 'obscurité est un s'e n-ê tre -all
coi:ir_ne une CTTÉPTJ crtç4, comme 1 1 oprement dit. D 'un autre côté, le KŒTÙ cru µPEPrtKO Ç e �t
é, elle do it êtr e caractérisée
une absence de quelque chose
qm a proprement parler dev 1 1Hnédiatement perçu d'une manière telle qu'autre chose soit
rait être là-devant. L'être de
l'obscu�ité consiste dans le fai 1 gn l,ment là d'avance originairement. Ce n'est que de cette

Lt · n que nous pouvons percevoir des maisons, des arbres,


t qu' elle est un e cla rté p ossibl
Ce serait pas ser à côté de ce que e.
t 1 ( s hommes. Si je veux faire retour aux i'.ôta, il me faut adop-
dit Aristote si l'on disait : la
clarté est ce qui laisse voir ; par
1 ·r une attitude sophistiquée qui isole l'i'.ôtov de son contexte.
conséquent l 'obscurité est ce
qui ne laisse pas voir. L 'obscu
rité elle aussi laisse voir.
Les concepts fondamentaux 1 terme cpaivwOat désigne déjà ce qui est perçu Kacà
de la philosophie sont pris
lJµ�EPTJKOÇ. Quand le soleil se montre, il est bien là avec la
1. l n r ur d'un pied, ce n'est pas une apparence.
II 7, 419 a � sq q . [To
Ibid., II 7, 418 b 4.
la lum1ere, mai s seule 1 est l a couut ce q u i est visib le ne l'est pas cepe nda n t clan s
2. !�id. , '
q u a d'originaire la vision chez Aristote se montre alors

pas clan s la l umi ère alors q u 'elle s .ci n ne n t lieu à u n . p n in 'S


leur propre de c h a q ue

· r . p­
c.hoses ne e vo1e �t cho se ; e n e ffe t , cert

ts qui
II 7,
ct. as
euschrift fur
t1on dan s 1 obsc u11te

" " i 1 mst l l u n »,


!'ro Logos, /11.ternotionole Plulosophte
, pa1 exe mpl e le� Obje . 1 . H . R ick rl, « Die Met hode der Phi losophie u�1cl U nmittel bare. Eine
3. Ibid., para is nt i nés. ]
der. Ku/­
l1. 1r, t . ,
.

x
· 1 1 , i "(' / I ""
418 b 1 0 sq. in

1 h l , · 1 l 'i111111 ·d i n l I J. l i ·k ' f i , ries


4. 4' p.
111 f,e sy.l'I011P

Ibid., If 7, 4 1 8 b 9.
J • 80 ! t rnd . fr. J . Forg s « La mét hode de la phi loso­

, . .
», valeurs, Pans, V 1. 1 11 , 2007 ] .
8 <l>ùw6µsvov chez A ristote et
la phénoménologie selo n Husserl Quelques lumières sur le terme « phénoménologie » 29
en cec! q � e ce dernier ne se laisse
qu 11. ? Y � it pas �e termes pour dési
, pas troubler par le fait vl) ts de science, ÈmaîÎJµTJ wü [13] npayµmoç1 ; 2° une cer­
i n lnc nmôëia2, une éducation telle que l'on sache s'y prendre
la � mt �aiss e olf (comme les vers
gner les choses que seule
; luisants, etc. ). 6pa-r6v ô'
' XPCO �a µcv, Kat Ô ÀÜYü,J µf:v fon Jans le champ de la recherche scientifique. Quiconque pos­
� de cette nmôëia est capable de décider en toute sûreté si
Ean
, . vl. [12] ël1tf:ÎV, avffivuµov ôf:
r · Juj qui engage une recherche délivre ce qu'il expose à par­
myxavët _
Seu l imp
? orte à ses yeux le fait que ces
t r d la chose en cause (KaA.&ç anoôiôcoatv), ou bien s'il ne
choses s01ent là, qu' elle s soient vue
s, et ten den t, en raison de
leur ten eur réale, à être perçues com
de ter�es pour d�signer ces cho ses
me étan t là. L'a bse nce i ait que bavarder3. C'est à partir de cette nmô€ta que se
montre que not re langue d · · i d e le genre de recherche le mieux adapté à l'objet. En ce
q 1 1 l. concerne les possibilités de recherche, il faut décider si
( do�tnn_� des categon_ es) est une lang
ue diu rne . Cela vaut
particuberement pou r la langue gre
. cqu e et est lié , chez l es 1 on doit, à l'instar de nos prédécesseurs, tenir pour secon­
d,l i re l'être-là et les déterminités d'être d'un objet, et parler
Grecs, a � pom t de départ fonda men tal de leur pen
l � fo�mati�n de leurs concepts. Il n'es sée et de
t pas possible de remé­ primordialement de sa genèse, ou non4• La réponse est aisée :
di er a cet etat de chose en construisan
_ t ce qui serait une doc­ ( n'est que si l'on a placé la recherche sur le sol qui lui
1 onvient que l'on peut commencer à répondre à la question
tnn e des catég ries nocturnes. II nou
� s faut bien plutôt
il la provenance et du pourquoi de la provenance5• Dans la
remonte� en deça de cette opposition
_ r pos si l 'on veut entendre
pou rqu 01 le JOU sède un tel privilège. •onstruction d'une maison, ce qu'il faut établir en premier
�e syntagme napà •à <pmv6µcva2, qui revient il ·u c'est l'ëÎôoç6 et seulement ensuite la UÂ.TJ. Eîôoç signifie
An stote, montre bien ce que vise spé souvent chez
_ cifiquement le <patv6µcvov, l allure que présente quelque chose. Cette allure est l'être de
lu maison dans son environnement en tant que maison, son
et ce qm est compris sous ce terme.
Lorsqu'il s'ag it d'ap pré ­
h � nd : r express�ment l 'êtr e-là , de
le rete nir, de conquérir en 1tipect, son « visage ». Le cpmv6µcvov est l'étant lui-même.
Ju � -m� �e ce qm se montre, nous nou
s situons dan s un cadre
s� ient ifique . Dans ce cadre, le sens
de <pmv6µcvov s'ai guis e :
c est ce qm. se mo ntre en lui-mêm
e avec la prétention § 2. La détermination aristotélicienne du Àoyoç
exp r� sse de serv�. r �e sol à toute inte
rrogation et explication
ubs e� uen te. II s agit pour la science
�e qui se ';1ontre en lu�-mê me �st donc mis en positio
de acpÇëtv tà <pmv6µcva : a) Le discours (A.6yoç) comme voix qui signifie
n de quelque chose ( cpcovij aTJµavnKi]) ; ovoµa et pf]µa
l � nde men t . C ,est ce qm est possible
v ise à_ app réh end er et à ma nife
dan s la science. Celle-ci
ster ce qui est là en ôtant tout uel rapport le concept de cpmv6µcvov a-t-il avec ce
q u Aristote explicite à titre de A.6yoç ? To cpmv6µcvov est l'être
ce qui Ie recouvre. L'être de l'homm
e de science consiste à
qui doit, en toute recherche, convenir à un tel point [14] que ce
ado pte r une position déterminée
vis-à-vis de l'être du
mon de Cette l:Ç1ç4 possède deux dét
: erminations qui s'en tre­ 11 i.t lui qui fournisse le sol de la problématique. Le terme
a ppa rt ienn ent : 1° la fam ilia rité ave
c les cho ses qui son t 1pnw6µcvov n'est donc pas une catégorie de l'appréhension
1 ., A risto te, De anima, II 7, 4
A uffassungskategorie), mais une guise d'être, une modalité du
a 26 sqq. [ Or est vi ibl
� c l au t r� part q uelq ue chose 18 cl'un pan la coul eur
qui, bien q u ' i l puiss t 1"' xpl' irn
. Ibid., J.I 7, 4 1 8 b 24.
n a n 1. an 1 as de 110111 .] pnl' I ' li. ours , l. Ibid. , l 1 , 639 a 3.

alium !//>ri 11111//1 1 1r, 1\ , IJH i fl J .


. Ibid. , 1 1, 6 9 a 4.
.
11. • If. ici. , 1
, Il id. , 1 1, 639 a
L1ps1 1 111 aeclib us B . G. T · u l 11 ·ri
. � ri�tot�lis de panibus anim 4 sqq
I'
. 1 8()1<1. 'f J
o n

4. Ibid. , 1 1 , 6 9
v 'I.

sq.
'
1 , 11 111 h 8 ; MO 1 I ll
0 1 1 k a-
.,
! / Id 1
1 , 640 H 1 0 sqq.

<i. f/J/ 1
a
· · •. 1 , 640 0 1 4 sq.
1
.• 1 1 . 640 11 1 7.
ologie » 31
30 <Dmvoµevov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl Quelques lumières sur le terme « phénomén

1 > rnêm e que la lang ue dans l'êtr e


faire encontre, et à vrai dire une modalité du faire encontre du viva nt a deux fonc-
1 , ns, à savoir d'ab ord goûter,
ensu ite rendre possible le
premier et en tant que tel légitime au premier chef La catégo­
d'« objet » était étrangère aux Grecs. Il y avait à la place le l1w rage - et en vérit é ce dern ier ne se
rencontre pas en
ne. du nvsuµa
npéiyµa, ce avec quoi on a affaire dans un commerce, - ce qui l nut vivant en tant que tel -, de mêm e le rôle inter ne, et
est présent pour la préoccupation dans le commerce avec les , 1 1 d abor d de fournir au corps sa chal eur
, n 'Liite de perm ettre le lang age. Poss
choses. L'objet désigne au contraire ce qui se tient en vis-à-vis éder la voix est un
111od e insig ne de l'êtr e au sens de vivre
du simple observateur qui ne fait que regarder, ce qui est pré­ . Mais tout son émis
pur un viva nt n'est pas en lui-m
sent quand on le dégage thématiquement et qui est possédé en ême voix (où yàp néiç Çcpou
tant que tel. Le <patv6µEVov signifie ce qui est là lui-même, c'est 1j/6<poç <pffivTJ 1), on peut éme ttre auss i de simp les bruits avec
une détermination d 'être ; il faut l ' appréhender en faisant res­ 1t langue, comme par exemple en toussant. La diffé rence
1' t qu'il y a, cont enu au beau milie u du
sortir explicitement le caractère du « se montrer ». Tà cpmv6µEVa son, quel que chos e
1 u j apparaît ( Phantasie
) ( ÙÀÀà ôd eµ\j/uxov l'E dvm •Ü runl' OV
�eut être. re�placé par •à ovl'Œ : c' est ce qui est toujours déjà
la, ce qm fait encontre au premier coup d'œil. Cela n'a pas " ' t �Lcl'à cpavrnofaç nv6ç2) - c'est alor
s qu'il y a voix. Phan­
lllui' désig ne dans le lang age cour
besoin d'être préalablement ouvert, même s'il est fréquem­ ant des Grecs l'éclat,
ment recouvert. L'accent porte très primordialement sur le 1 uppa rat, le fait de resse mble r vraim
ent à quelque c�ose., le
1 1 nne a donc une signi ficat ion entiè
caractère de « là ». reme nt objective.
Le Ilspi ÉpµT]vi>taç1 n 'est pas un traité, mais un texte de la 1 1 1 vrno (a - le fait que quel que chos e se mon
tre. Le son est
période tardive d'Aristote, il est le fruit d'une réflexion sur le vif voix (vocalisation) lorsqu'il donne quelque chose àson percevo�r
qui n'a pas été mise en forme pédagogiquement. La considéra­ : voir) . C'est sur le fond de la cpavrnoia que le est dit
, ,
tion introduit simplement un certain nombre de distinctions et t J n fw.vnKr]. .
e Myoç comporte des part ies, et ses parti
.
n'est en aucune manière un exposé didactique. Le À6yoç est un es sont en vente
ç (�ç l'WV
être vocal qui signifie, il est voix : Myoç ÔÉ fon <pffiVÎJ Ol]µavnta12. Il 0-mêmes signifiantes, mais seulement ffiç cpaot
1 1 p&v n Ol]µav't'tK6v fon KEXffi ptoµÉvov
La première question est de savoir ce qu'est la <pffivfJ, puis ce 3) : la signific�tion des
qu'est la <pffiVÎJ Ol]µavnial, et enfin ce qu'est le Myoç. p a r t i es est le simple dire. « Le poêle chauffe » peut etre ana­
l s en « poêl e » et « chauffe ». Qua nd je
La <pffiVrJ (De anima, II, chap. 8) est une sorte de sonorité dis « poêle », cela
rendue animée, un bruit émis par un vivant : ij ôf; <pffiVÎJ \j/Ü<poç i�nifi e encore quelque chose ; c'est quel que chose d ' i��elli�
11 b le, cela veut dire
•�ç fonv ȵ\j/uxou3. Un son retentit lorsque quelque chose quelque chose. « C�au ff� » est .deja lm
vient heurter quelque chose dans quelque chose : néiv \j/O<pd 1ussi quelque chose pour lui-même. Mais la simp le JUXtapo­
[15) runwv•6ç nvoç Kai n Kai ev nvt4• Mais la voix est dans et N t i n de « chauffe » avec « poêl
e » : « le poêle » chauffe »,
«
1 1 prod uit pas enco re le Myoç (à.ÀÀ
avec l'être d'un vivant : <pffiVÎJ ô' Ècni Çcpou \j/Ü<poçs. L'être de ' oùx cbç Kmacpaotç4). Cela
la voix suppose qu'il y ait quelque chose comme un nvôi�ta. n · [ 1 6] s ' entend que sur le mod e de la
cpaotç ; ce n' �st ��s un
est une ouµnÀOKTJ d ovoµa
< lh;cours au sens du Myoç, lequel
L �ristote, De interpretatione, in Aristotelis Organon Graece. Novis codicum t d pfj�LŒ.
. adrntus recognovit, scholiis ineditis et commenl ario in�lru it Th. Waitz.
.
Pars pnor : Catagoriae, Hermeneutica, Analyrica priora, Lipsit1 , J ll44.
auxilus
1. .
l i 8, 420 b 3 1 sq. ( l i fau t bien p l utôt que ce qui produ
.
3. Aristote, De anima, II 8, 420 b 5 sq . /' Qu a n t f ln voix, " N I u n , c r l d son
2. Op. cil. , 4, 16 b 26. Ibid., l J 8, 420 b 29. .
it le choc soit
. Jbid. .
émis par un vivant. )
. Ari 1 t , Dr, intPrpretation.e, 4, 1 6 b 26
L s'accompa •ne le quelq ue
représe n t a t ion. )
4. Ibid., Il 8, 420 b 14 sq. /'Tout son 'SI f l!'Od l i i l p11 1 IL' · 1 11 1 • 1 l J l l J q u ·hosc
n i111 . .
sq. [chacu ne de ses partie s, pnse
contre quelque chose dans quel / l i • ·hos " j n i lï11n1.
1 1 1 n · t1 ffinn<1 l 1on l .
1 1 11· m · nt, . .

5 . Ibid., I l 8, 420 b 1 3. . 111/d., li, 1 6 h 7 sq . lmnis non p11s ·01


si si ].
.
2 <:Dmv �l v v hez rlstote el. Quelques lumières sur le terme « phénoménologie » 33
la phénoménologie selon Husserl

Le n m est lui aussi une sonorité intelligible en tant que J un instrument (oùx cùç ôpyavov1 ) , comme peut l'être par
telle. "Ovoµa µèv o'Ùv È<ni cprovi] cniµavnKiJ Ka'tà auv9ÎJ1CT]V 1 , mple la main. La parole est l'être et le devenir de
èiw:u X,POVOU, �ç µ11oèv µÉpoç fo-ri cniµavrtKOV KëXWptaµÉvov· ÈV l 'homme lui-mêm e. Ce que nomme un nom est nommé dans
yàp nr KaÀÀt7t1tOÇ 'tO ln1tOÇ oùoèv aù-ro Kae' ÉaU'tO a11µaivët, • tt nomination en étant mis en relief hors de toute déter­
ffiansp Èv •0 Mycp •0 KaMç i'.nnoç. où µèv oùo' ffiansp Èv rnî:ç mination temporelle (èivsu xp6vou2) . Ce qui est nommé est
ànlcoî:ç 6v6µamv, oihroç EXët Kai Èv rnî:ç nsnÀsyµÉvmç· Èv tii mpleme nt [ 17] un certain quid. Cela vaut aussi pour les
ÈKëivotç µèv yàp 'tO µÉpoç oùoaµ&ç miµavnKÜV, ÈV oè 'tOU'tûtÇ 1 1 ms qui font référen ce à quelque chose de tempor
el.
BouÀê-rat µtv, àU' oùosvoç Ksxroptaµèvov, ofov Èv •0 Année » ne désigne pas en effet cette année-c i ni l'année
È1tUK'tpOKÉÀ11Ç 'tO KÉÀllÇ OÙÔÉV. 'tO ÔÈ KU'tà CTUV91ÎK11V, Ôn cpuaët prochain e. Aucune partie séparable d'un nom ne vise
-r&v ovoµa-rrov OÙÔÉV fonv, àlclc' O'tUV ytv11-rat al>µBolcov, Ènsi qu Jque chose pour soi. En juxtaposant les parties d'un nom,
011!couai yt n mi oi àypaµµmot \j/6cp0t, ofov 911pirov, dlv oùotv 1 n parviens jamais à une signification unitaire . C'est une
fonv ovoµa1. Un mot ne devient pas signifiant du seul fait ·li nificatio n unitaire et elle seule qui fonde l'être-en semble
qu'on peut le prononcer avec la gorge et la langue. Celles-ci d · syllabes détermi nées. Ce n'est que dans et par cette signi-
sont cpuast, ce qu'un mot n'est pas. Les mots sont à discré­ 1 1 nt ion que l'articulation verbale devient intelligib le. « Aris �
tion, Kmà auve1ÎK11V2, c'est-à-dire que chaque mot est apparu 1 1 t » : je peux dire cela parce qu'un mot n'est un mot que s1
à un moment donné et possède sa propre genèse. Le terme 1 son devient un al>µBolcov3. (:EuµBowv signifie à l'origine
ne possède pas une fois pour toutes et à proprement parler la , h z les Grecs l'anneau brisé que les époux, les amis se don­
signification bien établie qui vise la chose qui y est en cause w 1 i nt en se quittant pour qu'au moment de leurs retrou-
- le mot, en tant que tout, n'est pas puisé à une expérience a l Hc ils se reconnaissent en réunissant les deux moitiés de
·

primordiale originaire de ce qui est en cause, mais procède 1 111 ueau.) L'un ne cesse de renvoyer à l'autre. Par un
des prénotions et des aspects prochains des choses. La genèse t J lll�� lcov, quelque chose d'autre est rendu co�naissable ; le
du mot ne procède pas de l'être physiologique, mais de l'exis­ 111< 1t , lorsqu'il signifie, renvoie à la chose dont Il parle. Il Y a
tence (Existenz) proprement dite de l'être humain. Ce n'est , , 1 ndant des sons qui manifes tent quelque chose sans
pour
que dans la mesure où l'homme est dans le monde, où il v eut . 1 1 1 t n n t signifier quoi que ce soit, ce sont les àypaµµm0t4,
quelque chose dans ce monde et le veut pour lui-même, qu'il , , 1111111 par exemple un gémisse ment. Il leur manque l'articu-
1 d km typique qui permett rait de les écrire ou de les lire ; cela
parle. Il parle pour autant que quelque chose de tel qu'un
monde est découv ert pour lui au titre de cela dont il a à se
préoccuper, et que dans son « pour lui » , il est lui-même
111 • peut que sur le fondement de la signification.
1 Myoç apparaît déjà dans la langue courant e à titre de
, . 1 1 , t ristique fondam entale. Dans toute interprétation du
découvert à lui-même. Mais le mot n'est pas là à la manière
1 oç nous avons déjà une certaine prénotio n de ce que
·1 • 1 1 ifi « Myoç ». N ous savons, de manière tout à fait
1. Ibid., 2, 16 a 19-29. (Le nom est une sonorité vocale qui signifie par conven­ indé-
tion sans faire référence au temps, et dont aucune partie, prise séparément, ne
signifie ; dans le nom K<illmiroç, en effet, fairoç n'a en lui-même et par lui­ 1 11 1 niin , ce que c'est que parler, ce que c'est que le langage .
même aucune signification, comme c'est le cas dans l'expression KaÀOÇ liriroç. ce
n u n'avons aucune in formation sûre concern ant
sés; dans les premiers, la partie est privée de toute s i g n i fi ca t io n , t a n d i q ue dans i m i fi a i t le la ngage pour les Grecs dans leur Dasein
Cependant, il y a une différence entre les noms simples et dans les noms compo­
les seconds, elle tend à la signification mais non pas prise sé pa ré men t ; par
exemple dans le mot éiraKTpOKÉÀT]Ç <bateau de p i ra te , le mot KÉÀT]Ç <bateau>.
Je dis par convention parce que r i e n n 'es t par n a t u re un nom, mais se u l e m e n t 1 , !lui., 4, J7 o 2.
lorsqu'il devient symbole, car mêm l e s sons i nart i u l , c o m m ce u x cle b l 'S, 1, // /. , , I f H 20.
man ifes te nt q ue l q ue chose, mais "I n c l a n l a u ·un c l ' ntr u x n ' si u n nom . ! , il ri. . • 1 1 a 21l.
2. Ibid., 4, J 7 a 1 . 1. li /. , , 16 u H sq.
34 <I>mv6µcvov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl - Quelques lumières sur le terme « phénoménologie » 35

naturel, comment ils voyaient le langage. L'hellénisme a 1 111 •nte de quelque chose veut dire : tenir là quelque chose,
certes une science du langage et une grammaire : un trai­ 1 . a voir e n ayant enten te du fait qu'est nomm ée là la chose
tement doctrinal et une théorie. Toutes les conceptions 1 11 11m11ée . Ce qui importe à Aristo te, qui s'oppose notamment
modernes du langage en subissent l'influence. Viennent se . l llaton , c'est que le langag e, quand il se meut au sein de la
greffer là-dessus les influences de la théorie de la connais­ 1 111 ne, est quelq ue chose qui, dans son
être vérita ble, pro-
sance et d'autres encore, si bien qu'on ne se pose plus la ' 1 d" de la libre appréciation de l'homme et n'est pas cpucri:11 .
1 .1 ITJ.aniè re dont l'ovoµa et le pfiµa s'asso cient pour
question de savoir comment les Grecs vivaient au sein de leur former le
A· yo ne peut jamai s deven ir � �e �t par­
langue. Nous devons malgré tout prendre notre parti de cette un problè me à propr
i , r , n effet le Myo<; est justem ent l'élém
absence de clarté fondamentale concernant l'être-là de la lan­ ent ongm aire, et
gue et du langage. Mais nous possédons - et [18] cela néces­ 1 , 1vop.a et le pfiµa doiven t être compris comm
e des modif ica-
1 1 •nS partic ulière s du Myo<; . Ce qui caract
sairement - un concept déterminé de l a langue. Nous le �ris� l'ovoµ a, c'est
sigmfl _ ants. Le mot
laissons pour l'instant en suspens, c'est-à-dire que nous ne q l 1 'i l ne peut pas être scindé en éléme nts
donnerons de forme concrète à notre conception de la langue , 1 1 tant que nom est tout entier dans l'unité [19] de l'acte de
que si nous avons un motif et un point d'appui pour le faire. .1 • I l i ficatio n corres ponda nt à ce que nous
appelons « nom-
Une chose est sûre : les Grecs vivaient, selon une modalité 111 r quelque chose ». Il y a certes des mots comp osés qui ont
i nsigne, dans la langue et c'est par elle qu 'ils étaient vivifiés ; 1 1 1 doute aussi une signification unitai re, et dont les élé-
et ils en étaient bien conscients. Le fait de pouvoir s'adresser 1 1 1 1 1 ts constitutifs veulent également dire quelq ue chose en
1· 11 x-mêmes ; cependant ils ne veulent pas simple ment dire
�e chose ?�n� la
discursivement à ce qui fait encontre (le monde et soi-même)
et d'en débattre, ce qui n'est pas nécessairement de la philo­ q W' l q ue chose , mais ils veulen t dire quelq
sophie , c'est ce qu'Aristote caractérisait comme être de i i1 · p ctive d'une signification unitai re. La hbre appreciahon
l'homme : Myov ÉXEtv1 , avoir le langage. 1 qfl me l'acte de création du langage lui-mê me, et ne se
Dans le De interpretatione (chap. 3, vers la fin), on trouve 1 1 I r uve donc pas nécessairement dans chacu ne de ses effec­
l 1 H 1 t i ns. Nous ne venon s donc pas au mond e avec un
cette détermination : Aù-rà µÉv oûv Ka8' fomà Af:y6µi:va Ta stock
1 1 1 ·rmi né de mots et
pi] µaw 6v6µma Ècm Kai cr11µaivi:t n (fo't"T] crt yàp 6 My(j)v TÎ]v ne somm es pas non plus progr essive -
ÔLavoiav Kai 6 àKoucra<; Tiptµ11crcv2) : « celui qui dit quelque 1 1 1 nt i nsérés dans un cadre <lang agier> déterm iné.
· pfi µa est un mot qui : 1° dans
chose amène la pensée à fixité ». Lorsque nous vivons notre sa signif icatio n, signifie
vie naturellement, le monde est là. Nous sommes en com­ , 1 1nj internent et de surcroît le temps (npocrO"T]µaivi:t XP6vov2)_ ;
merce avec lui, nous avons affaire à lui. Mais dès qu'un mot , 1 qu'il signifi e, il le signifie dans un être temporel : le fait
1I .
e t prononcé, la pensée se trouve placée face à quelque
· t re à un moment ou à un autre », par exemple « mourr
a»;
chose ; en ayant l'entente du mot, je m'arrête auprès de ce •11

·la, i l J e signif ie dans la persp ective d'un autre être � par
dont iJ s'agit : je parviens au repos en visant présomptive- 1 · mple « va à l'église ») : fonv àEi Tffiv Ka8' 1htpo � Y? :1EV(J)Y
111 n t q ue l q ue chose. L'auditeur est mis en repos lorsqu'il a

» est l'être q m es: sigmfl,� d�ns
_
1 1 11 wt v . L'être « rhéma tique
I' ntente du mot : 6 àKoucra<; Tiptµ11cri:v3. En ayant l'entente 1 1 w.a . L'ovo µa et le pfjµa ne peuve nt appar
aitre qu a titre
d m d i ficatio ns du Myo<; origin aire. Ils sont
d u mot, je me repose auprès de ce que le mot signi fie. A voir certes chacun
ga l 1 11 nt signi ficatio n, mais quelqu e chose s'est
1 . A ristotelis Politica A 2, 1253 a 9 s q .
. A, ristote, De in.1e1pretation.e,3, 1 6 b 1 9 sqq. [En eux-mêmes et par eux-mêmes,
1 6 tl
à fi x i t é el celui qui 2. J/ 1 /. , . , l 6 b 8.
qu'on appelle les verbes sont donc des noms et signifient quelque chose (en effet 1. J/1irl. . . • 7.

1. J/ i r l. . • i f h 7 .
· l u i qu i parle amène l a pensée coute est mis en re 1 os ) . l
. . Ibid., , 16 b 2 1 .
1 1

36 <l>mv6µevov chez Aristote et La phénoménologie selon Husserl


1 Quelques lumières sur le terme « phénoménologie »
37
1

11 alors perdu. La manière de signifier devient autre : à la


Kœra<pacnç se substitue la simple c:pacnç1.
, 1 1 1 1 1 1 n e si elle voula it dire qu'un e proposition résulterait de
à un prem ier mot. L� np6cr0scnç
1
1 1 1 d onction d'aut res mots
•1 '• • p J se chez Arist ote à l'àc:paipecnç
(l'abstraction) ; cette
. j , 1 1 1 i re signif ie : sépar er quelq ue chose
de quelque c� ose � t
1
b) Le discours monstr atif (À6yoç à1roc:pavnK6ç)
qui met à découvert ( ÙÀYJ0ël>ëtv) le monde qui est là j , 1 a b l i r en lui-m ême en tant que sépar é. (La
géometne , v?it
ou bien le recouvre (\jlsuow0m) chose et la � am �
tç vise l a concr et on .
1 , 11 ·xemp le à part la figur e spatia le d'une _
dans la parole d'attrib ution (Kœrac:pacnç) 1 w 1 1 'eule dans l e regar d.) La np6cr0w

et de séparation ( àn6c:pacnç) ; 1'6ptcrµ6ç 1 1 1 1 ce qui a été sépar é n'est pas ajouté de.
nouveau, �ais ce
q i l . t posé est posé bien plutô t com � e éta �t (Topi ques1 ).
Qu'est-ce que la Kaiac:pacnç chez Aristote ? On va l'éclair ­ 1 1 1 1 n affair e, par-d elà la simpl e c:pacnç
, , a la Kaiac:p acnç l �rsque
cir en empruntant un détour . Le À6yoç n'a pas le mode d'être
, ,. q u i est signifié dans le langageMyoç est visé expre ssement
un étant concret. Il y a donc
d'un instrument2, il est historique et se développe par lui­ lorsqu e le langage
1 , ,111m
même, c'est-à- dire à partir d'un certain état du découvre­
, ·,t 'n lien avec le mond e qui est là. Lorsq ue je
dis simp l� -
ment de ce qui est en cause. Tout discours [20] n'opère pas, d'un être-là, Je
1 1 1 1 - r it « poêle » , je ne parle pas à partir _
_ vise
sur un mode signifiant, une monstration de quelqu e chose, e con�ret ' Je
1 1 1 , Kt rais bien plutô t de l'être -là du mond
Il n imp�rte
_ seul
q 1 1 1 Jque chose ; mais pour opérer cette [21] �isee,
mais .
est anoc:pavnK6ç le discours où a lieu quelqu e chose _ , , .
1 1 1 1 11, ment qu'il y ait effec tivem ent
de tel qu'un ÙÀYJ0ruetv : donner l 'étant comme découvert ou des poele s. P �rl�r,_ c �st
1 1 1 " n lien avec le mond e, c'est quelq ue
bien donne r l 'étant de sorte que dans cette monstr ation on chose d ongmalf�
« fasse accroire » quelqu e chose (\jleuoscr0at3) . Recouv rir,
, , , 1 n i vient avan t tous les jugem ents.
C'est à parti r de là �u'il
1
c'est, sur un mode monstratif, faire accroire quelque chose.
1 . 1 1 1 1 enten dre le phén omèn e du jugem
ent. Il y a en logiq ue
11 L'àÀYJ0ëustv et le \jlëuoscr0m4 sont les deux guises fondame n­
1 1 1 1 t raditi on qui interp rète des expre ssion
s telles que « au
1 , 1 1 1 > comme des jugem ents.
tales selon lesquel les le À6yoç en tant qu'àno<pavnK6ç montre (Dan s une situat ion de ce genre,
quelque chose, et en vérité montre l 'étant en tant qu'étan t. Si
d 11 s'agit pas du tout de const ater seule me�t qu'il y a le f�u;
le Àiystv s'accomplit dans l'àÀYJ0runv - le découvrir - , alors 1 1 1 . t l s les gens doive nt bond ir hors de ! �ur h � .) l!ne plurahte
le À6yoç est �n À6yoç ànoc:pavnK6ç ; ce qui veut dire que tout d 1 · rn ts n'est pas néces saire pour qu
il y ait Ào yoç. Le �ot
, _ _
Àoyoç ( quest10 nner, ordonner, sollicite r, attirer l'attent ion) , 1 1 i n ai r e était une nomi natio n, mais cette
nommatton n est
n 'est pas « vrai ou faux ». Néanm oins tout discour s rend 1 ,1 1 r-; celle d'un simpl e nom ; ce qui fait
encontre d �ns l e
manifeste - ofjÀouv - ce qui ne doit cepend ant pas être 1 1 1nnde est bien plutôt abordé discursivement tel qu
Il fait_
confondu avec la mise à découvert théorique. On cherche
l \lsqu' ici, nous avons caractérisé le �6yoç au sens ? e ,
, 11 n tre. .
aujour d'hui à interpréter toute connaissance à partir du juge­ d1s-
ment en tant que modific ation de celui-ci . 1 1 l l l rs sous trois aspects : 1 ° à partlf de la <pffiVYJ . µeia
« Si quelque chose y est ajouté » ( àU' foim Kaia<pacnç il 'I'' \rtacriaç 2° comm e son qui signif
ie, 3° comme mise . au
s. L; d iscou rs n'est pas une quali té
àm'>c:pacrtç , fov n npocris0ti5) : on interpr ète cette propos ition au mêm e titre
q l ! ' < a vo i r d e s cheve ux ». Le disco urs �a _
1
it partie de la cons­
1. Ibid., 4, 16 b 27 sq. _ lque de 1 , homm e.
t l u t ion de l 'e x istence
Ibid., 4, 17 a 1.
( Existe nz) spec1f
3. ibid., 4, 17 a 2 sq. 1 ' h mm t au monde de so r t e qu'en étant avec le mond e,
2.

Ibid.
1 6 b 29 sq : [ Mais i l n'y a u ra affi rmai ion ou n gal ion q u si q u sqq. ; I l l . 1 1 8 b 1 0 sqq. ; H l 5, 1 1 9 a 23
4.
Ibid., �·
J. li'/l,i· Toplcrl. 1 1 1 1, 1 1. A
5.
'lquc 6

" "'
chose est a1outé <à la sim ple énon ·in 1 ion>. / r/.1-11
1
1 38 <l>aw6µi:vov chez Aristote e t la phénoménologie selon Husserl Quelques lumières sur le terme « phénoménologie »

1/
39

il parle sur le monde. (Le « sur » ne signifie pas juger ; « sur Myetv doit être distingué de la simple énonciation d'un nom
le monde » est par exemple implicitement contenu dans le ou d'un verbe. À la différence de tous les noms, le Àhyoç est
mot « aujourd'hui » lorsqu'on dit « s'il vous plaît, venez me n;p6cr0ecnç. Ce qui est nommé est indifférencié quant à son
voir aujourd'hui ».) J tre. Au contraire, ce qui est signifié dans le Àhyoç est carac­
Le cpmv6µcvov a été déterminé comme ce qui se montre en térisé comme étant là. Un nom signifie en visant simplement
tant que ce qui est immédiatement là (c'est-à-dire le monde). n un sens formel, le Àhyoç signifie en montrant ce qui est là
Concernant ce qui est là cette manière, le discours a une en tant qu'il est là. D ans l'herméneutique (quelque chose que
fonction bien précise : le Àhyoç ànocpavnKÛÇ est un discours Hegel aurait paraît-il découvert1 ) : un verbe proféré �imple­
avec le monde par lequel le monde qui est là est montré en ment en tant que mot est un simple nom (Aù-rù µÈv oùv Ka0'
tant qu'étant là. ( ànocpaivrn0m veut dire : faire voir quelque liau-rù /...ey6µeva -rù pi]µam 6v6µma fon Kat cr11µaive1 n2) . Il
chose à partir de soi-même dans la manière dont il est là). Le signifie sans doute quelque chose, mais avec ce nom, je ne
Àhyoç ànocpavnKÛÇ n'est cependant qu'une possibilité parmi suis pas placé devant l'étant, et rien n'est décidé quant à
d'autres de parler sur J e monde avec des mots. Aristote dit 1 être-là ou au non-être-là du signifié (à/.../...' ei fonv il µi], ounffi
dans le De anima : le Àhyoç est une possibilité d'être de <t1iµaive13). Cet être indifférent ne dit rien sur la chose en
l'homme qui vise à le porter à son plus haut Dasein possible ·�ruse ni sur son être en tant que [23] cela même qui est en
(en Çfjv1 ). Partant de là, on peut aller jusqu'à dire que vivre <fuse : oùoÈ yùp -ro dvm il µit eîvm cr11µCt6v fon wù
revient au même qu' être possible, avoir des possibilités bien npayµmoç4. Si je dis « poêle » et si je comprends ce qui est
déterminées. Cependant ici Aristote ne parle plus de Àhyoç, ht, alors ce que je comprends n'est déterminé en aucune
mais de ôta/uxroç2 (parler de quelque chose avec d'autres), manière quant à son caractère d'être spécifique. L'être ver­
ou [22] d'tpµ11vëia3 (s'entendre sur quelque chose avec bal ne veut rien dire lorsqu'il est pris seulement pour soi ; en
d'autres). Ici se fait jour une définition fondamentale de l'être lui-même, l'être verbal n'est rien. Il n'est rien, mais signifie
humain. Être homme veut dire : être un vivant qui a la d" surplus une certaine composition ( aù-ro µév yùp oùoév Ècrn,
possibilité d'avoir commerce avec les npayµma, avec le monde pocrcr11µaîvet oé cruv0ecrîv nva5) . Il appartient à tout verbe, à
en tant qu'objet de préoccupation possible, et en vérité tia véritable signification, de viser ce qu'il signifie en
être capable de parler. L'étant est caractérisé dans sa npàl;tç onnexion avec autre chose. L'être verbal détermine un hori­
essentiellement comme un être qui parle. , 11 de connexions possibles. Cette détermination est elle-
Aristote s'intéresse tout particulièrement à la question des 1n me indéterminée car elle ne détermine pas univoquement.
moments qui constituent l'unité du Àhyoç. Pour lui, et pour La signification de tout verbe comporte un renvoi déter-
les Grecs en général, la détermination de l'unité, de l'Ëv per­
mute avec la détermination de l'être spécifique d'un étant. Il
1 n iné à des connexions réales ( cruv0ecriv nva, ilv aveu -r&v
QUyKetµévffiv o'ÙK fon vofjcrm6). Le verbe possède à propre-
s'agit de découvrir l'unité du Àhyoç ànocpavnK6Ç selon deux
perspectives : 1° du point de vue du signifié ; 2° du point de est Husserl, et non pas Hegel, que Heidegger a ici probablement en vue ;
r. pos t f ace , p. 347.
J. '

16 b 19
vue de la signification factive. ' '
. Ari tote, De in.terpretation.e, 3, sq. [En eux-memes et par eux-memes,
Sur le premier point : comment Je Àhyoç c'mocpavnK6ç se qu'on appe l l e les verbes sont: donc des noms et signifient quelque chose.]
différencie-t-il de l'ovoµa et du pfjµa ? Le Àhyoç au sens de . n ici., 1. 6 b 2 1 sq. ( l i ne signi fie pas e nco re qu'une chose est ou n'est pas.]
,

s t n iJUS ' . ]
4. Ibid., 3, 1 6 b 22 sq. [ ar « êt re » ou « ne pas être » n'est pas un signe de ce
1. Aristote, De anima, I l 8, 420 b 20. 1111
. //1irl. . 3, 1 6 1
·
Ibid. , I I 8, 420 b 18 .
(). //JI /., . , 16 b il sq . l u n · rtnin
• 4.

Ibid., H 8, 420 b 1 9 sq.


• ·
2.

s i.
o rn posi l ion qu ' i l est i m possible de conce-
3.
olr I n t i p · n < J 11 n 1 1 1 1 · 1 1 1 d ·s ·hos ·s ·o n 1 pos
40 <r>mv6�u::vov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl Quelques lumières sur le terme « phénoménologie » 41

nt
ment parler un caractère relationnel mais de sorte que ce jaune est attribué aux feuille s) à l'homme en tant qu'éta
Là. ; mais ce que le À6yoç dit ici sur l'étan t, c'est l'étan t lui­
rapport de renvoi et son être soient indifférents. Au rebours
en
même . Ce qui est là est abord é discursivement purement
Z
de cette indifférence d'être, l'être-là est signifié dans chaque
de la
À6yoç. lui-mê me (Ka0' ain:à À.i>y6µi>vov1). C'est au livre
Métaphysique, chapitre 4 (1029 b 13 sqq.), où 1'6ptcrµ6ç
est
Sur le deuxième point. Qu'est-ce qui constitue l'unité spé­
é­
1 cifique du À6yoç ànocpavnK6ç ? Le À6yoç ànocpavnK6Ç origi­ �malys é, qu'Aristote va le plus loin dans l'anal yse de l'imm
ne sera plus j amais attein te
cHat. Cette position de pointe
1
nairement unitaire est la Kœracpacnç, laquelle va de pair avec
l'àn6cpacnç, l'une et l'autre étant caractérisées comme par la suite.
Il àn6cpavcnç (affirmation et négation)1. La Kmfopacnç : dire
quelque chose de quelque chose d'autre en le rapportant à
Lorsqu'on parle, l'être du mond e est prése nt comme
q uelque chose qui est là, il est montré à partir de son fond,
il

lui. L'àn6cpacnç : dire quelque chose de quelque chose en ·st saisi en lui-mê me. Dans l'énoncé, c'est son être-là propr
Î
l'éloignant de lui. Dans l'àn6cpacnç, il y a un double àn6. Les ment dit qui se donne. La corrélation entre À6yoç et i> ôoç
e
deux ne vont nullement de pair. En premier lieu, l'état de fait devient ici fondamentale : l'i>Îôoç est l'aspect de quelqu
e qu'il présen te, et
en son entier doit être maintenu dans son être-là propre ·hose, c'est-à-dire pour les Grecs l'allur
ue,
avant d'établir quoi que ce soit à son sujet : c'est seulement qui équiv aut à « c'est ainsi ». D'une maniè re caractéristiq
c qui est abordé discursivement comme tel est
ensuite qu'on peut en parler en éloignant quelque chose, égalem ent
c'est-à-dire en éloignant de lui quelque chose d'autre. Ce q ualifié de À6yoç et chez Aristo te dôoç et À6yoç sont des
n'est qu'ainsi que l'on peut réussir à entendre le problème de t1.:rmes interchangeables. L'i> Îôoç est ce qui est là en son
la négation. Ces À6yot sont simples parce que aucune [24] m:1pect. Nous disons en allemand « so siehst Du aus » (« voilà
· quoi tu ressem bles ») au sens de « so b ist
liaison de À6y01 ne s'y rencontre, comme par exemple dans la Du » (« voilà ce
proposition hypothétique : s'il pleut demain, je ne sortirai que tu es » ) .
pas. Bien que le À6yoç soit simple, il contient un pfjµa qui dit
en faisant référence à autre chose. Le pfjµa ne porte pas 1 ] c) La possibilité de l'illusion,
atteinte à l'unité originaire du Myoç parce que le À6yoç ne le À6yoç ànocpavnK6ç et l'afo0ricnç
contient aucun acte de nomination. « Les feuilles sont
j aunes » n'a pas pour contenu nominal « sont jaunes ». Dans ur quoi se fonde la p ossibilité de l'illusion, de l'apparence,
i 1 11 point qu'on a pu dire : il n'y a dans
le À6yoç, ce dont on parle est simplement maintenu en tant le monde que des
qu'il est là. De ce point de vue, le À6yoç peut n'être constitué 11.pparitions ? Le langage permet de posséder le monde dans
que d'un seul mot. H n caractère de là, c'est-à -dire d'y avoir
accès et de le
Qu'en est-il, dans ce contexte, de ce À6yoç insigne qu'est ·onserver. Mais le À6yoç ànocpa vnK6ç n'est pas le À6yoç au
1 '6ptcrµ6ç (la définition)2 ? En voyant les choses de l'exté­ premi er chef, ni même le À6yoç décisi f, bien qu'il soit privilé­
rieur, nous avons affaire ici à une multiplicité (l'homme, le )'ié et possède une fonction directrice dans l'histo ire de
vivant) ; à la différence du À6yoç ànocpavnK6ç ordinaire, l ' interprétation que la pensée donne d'elle-même dans toutes
1 'S questions concernant le langag e, la déterm
1 '6ptcrµ6ç a ceci de remarquable qu'en lui, ce qu'il dit (tout ination des
homme est . . . ), ce qu'il vise, n'est pas attribué en t a n t · ncepts et l'inter prétat ion du Dasein . L'unit é n'a pas pour
qu'autre chose (d'après s a teneur réale, comme lorsq ue le
W. Christ, nova i mpressio correctior
) . · d i t i sl r·o t y 1 t l , i n a d i bus B. . Teubne ri, Li psiae, 1 93 1 , Z
1. Jlristotelis Metaphysica, reco novit
1 7 a 8 sq.
4, 1029

1 7 a 10 sqq. l1 1 4.
1. Ibid., 5, 1 8'
2 . Ibid., 5 ,
42 <l>mvoµcvov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl Quelques lumières sur le terme « phénoménologie » 43

dititinction, saisissable et accessible en tant qu'il est là. Ce


l' afo0T]crt<;; _il l'est
Aristote ni pour les Grecs un sens simplement formel suivant
lequel tout ce qui est objectif en tant que tel serait un. La l' jJtvi>tv n'est pas seulem ent consti tutif de
question de l'unité est étroitement liée à la question de l'être, r,alement de la v6T]crt<;. L'être de l'homme se caractense par
1·"s deux possib ilités. L'homme est cet étant qui, dans sa
l'être au sens d'être-là. La question de l'unité du Myoç spé­
érn:ocpavnK6<; est équivalente à cette . autre : qu'est-ce qui l'ificité , tient le monde là en se le rendant accessible à travers
1 1 R clis tinctio ns ; il est cet étant qui se tient dans la possib
caractérise le Myoç ànocpavnK6<; comme un ? Il rend mani­ '
ilité
feste quelque chose d'un (Ëv Ôî]Àé0v1) , c'est-à-dire que la fonc­ d ' s mouvoir (KiVT]<Jt<; Km:à -r6nov 1 ) en disting uant et en arti­

À quelles conditions la fonction fondamentale de l'�foe_;icnc;,


tion signifiante du ÀÉyctv, où un étant est montré en tant qu'il ,·ulant ces distinctions.
nous connaissons comme Kpivi>tv, est-elle soumise : De
e t là, détermine le caractère unitaire d'un étant. Le fait de
distinguer et de poser à part sujet et prédicat est gouverné q11
1 ar la tendance du ÀÉyi>tv à signifier en montrant un état de 1111.tma , III 2, 426 b 8 sqq. L'étan t qui est là en tant que vIVant
choses déterminé. On ne parviendrait pas au Myoç en partant ,, caractérise par le fait qu'il est-dans-la-p ossibilité et en
v ·rité dans une possibilité déterminée, il peut quelqu
de la simple nomination. La fonction signifiante originaire e chose,
consiste à montrer. 1 a n soi des possib ilités bien déterm inées, des
possib ilités
Dans le De anima, Aristote souligne que les philosophes d ·limitées et prédessinées de pouvoir quelque chose, en et
v · r i t é ce pouvo ir concerne le mond e où ce pouvo
qui l'ont précédé n'ont pas suffisamment prêté attention au ir a so�
1 (J• . (C'est là que la 8Uvaµt<;
fait que l'homme, la plupart du temps, se meut dans l'illu­ et l ' èvtpya a trouve nt leur or�-
sion2. Parce que la tromperie est beaucoup plus commune en 1.tn . Elles se rencontrent sans doute déjà chez Platon , mais
l'homme qu'on ne le croit d'ordinaire, on ne peut pas se 1 • 1 1 " t> n'ont pas encore leur signifi cation fonda menta
le. C::hez
A ri tote, elles font partie des déterm ination
contenter d'en faire un problème simplement accessoire et s catégonales
non pas principiel. Il ne suffit pas [26], concernant la manière lnndamentales de l'être.)
T ute perception se dirige en tant que telle sur l'unoKd
dont le monde devient accessible, de mettre en exergue uni­ µcvov
quement l' afoeri cnc; et la v6rimc;, mais il est besoin d'avoir une 1 1 l 011-r6v2 (27], sur ce qui gît là-dev ant, sur ce qui est déjà pré­
claire entente de la cpavrncria, du fait d'avoir présent là 'il ' l l t dans l'être- là avant même que l'on se mette
en quête de
quelque chose devant soi3. C'est sur la base des connexions 1 p 1 i que ce soit. L'1moKdµi>vov est pour les
Grecs ce qui gît
de la cpavmcria avec l' afoeri mc; et la v6ricnc; qu'on en vient à la 1 J avanc e. Mais ce
1
ant n'est pas quelque chose
t�ble , est u�
qui gît là-dev
t romperie et à l'illusion. q 1 1 devra it d'abor d êtr� produ i�. Le percyp
L'afo0T]crt<; en tant que telle distingue quelque chose d acces spec1- _
L ll
11 g{µ.i>vov, et la percep tion consti tue le mode
l 1q 1 1 à ce qui gît là-devant. ÈKU<JTll µ€v ol'>v afo0TJ<
d'autre chose (elle différencie )4. En appréhendant quelque H<; TOÙ
chose qui est mis en relief, ce qui est appréhendé est distin­ 1 1 1� 1 } ütµtvo u aicr0T]TOÙ fo-riv, unapx
oucra ÈV 'tep aicr0T]'t î]pt(\) TI
ué, en tant que tel, d'autre chose (npoç aÀÀov). Une chose �1 iÛt )'tTJptov,Kpivct -rà<; rnù unoKi>tµEvou aicr0T]rnù 8tacpopaç,
mi
st perceptible en étant mise en relief par rapport à autre 1 1r0v êUKov µtv Kai µ€f-.av Ô\j/t<;, yA.uKÙ 8È Kai ntKpov
yi>ùmç3•
hose qui est là avec elle. Le Kpivctv5 n'est pas à prendre en
un n formel, mais ce qui est distingué devient, dans cette
·

l . A ristote, 5, 17 a 6.
2. A ristot , sq .
De in.terprelatione,

, 427 b 1 4 q q .
De anirna, J I ] 3, 427 b 1
, 4 6 b 8 sqq.
. ll id. , I l l

5. , 4 6 h 1 0.
4. I l Id. , J l l
Ibid. , 1 1 1
(J)a.Lv � tevov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl
Quelques lumières sur le terme « phénoménologie » 45

dif'f r
nces, qui gisent là-devant dans le perceptible et le
u s
uvre dès cette différenciation. Ce n'est que sur le fonde-
nt distinguées les unes des autres : le blanc et le
i, 1
111 o t de la possibilité d'une entente mutuelle qu'un état de
Li t unitaire peut être, tout simplement, rendu accessible à
'
1 ux et l 'amer. ènd ÔÈ Kai •<'> ÀêuKov mi •<'> yÀuKÙ Kai
p i n ieurs dans son caractère unitaire. Le Myo<; intervient ici
w t&v aicr0rp;é0v npo<; EKacrrnv KpivoµEv, 'tivt Kai
01 v f ti::Oa ôn 8tacp€pEt ; àvaylCT] 8i] aicr0i]cr
E11 . Mais nous dlf- 1 1 11nme Myo<; qui communique. Le monde devient accessible
1 •, 1 . ··e à lui dans son articulation unitaire. C'est la fonction
1 1 •ions alement l e blanc et le doux tout aussi immédia­
, 1 1 inaire du Àoyo<; en tant qu'il communique. Communiquer
t n t �u 1 blanc et le noir, et à vrai dire non pas dans une
1 1 vis . 1 1 1 s ns fort du terme, lorsque j'exprime un état de fait déter-
présomptive, mais en ayant bien là ces états de
'Il
n J u t pas faire intervenir ici l'oppos ition de la pen­ �
ln n ibilité . La diversité de ces états de fait est perçue
1 1 1 n que je perçois, lorsque je l'expose dans la publicité de
1 t r -là, signifie rendre ce que j'aborde discursivement
i n i i r m nt . Aristo te deman de : comme nt somme s-nous
. 1 1 · · ssi ble à autrui et le partager avec lui. Nous avons alors
1 a is i r simplement cette altérité ? À l'évidence
01 nt par la percep tion. Car l'un et l'autre sont
.tl hir , l 'un et l'autre, à la même chose . Il faut aussi noter ici
des l.1 i rnification moyenne du ànocpaivEcr0at. La voix moyenne
la montre clairement qu'il ne suffit pas, par
O[ p 1 r le touche r à la rescous se. Il s'agit en effet
1 · 1 1 t· dire : pour soi, pour celui qui parle lui-même, de sorte

h . . oihE ÔÎ] KEXffiPtCJµÉVOt<; èvÔÉXEmt KptVElV ôn


q n ' J tat de fait devienne, pour celui qui perçoit, saisissable
o • t apte à être retenu.
"( tlKÙ WU ÀEUKOÙ, ÙÀÀà ÔEÎ Évt 'ttVt aµcpffi ÔfjÀa EÎvat2. i le Myo<; est à l'œuvre même dans ce cas, il l'est à plus
.1 j · m' n ti ns à la perception, j'ai le blanc en tant que
i l li'l la vision, et
1 1 11 t raison lorsque la perception s'effectue naturellement
,
le doux en tant que tel dans le goût.
11111 nt
, 1 1 n 111e afo9T]m<; Ka'tà CJUµ�E�T]KÜ<;. Ici, c'est le temps qui doit
t- e que je parviens à percevoir que les deux , t 1 I même, il faut que le discours soit contemporain de ce
1 1 ff r · n t s ? e qui est perçu dans le goût et ce qui est q 1 1 t perçu dans la perception. Si je peux percevoir ce qui,
;u f . 1 1 1s la v.i i o n doiven t à l'évidence être tous les deux là •
1 JU •l �u
l 11 monde, est perceptible de cette façon, c'est parce que je
b s d' u n , ils doiven t manife stemen t se trou­ 111 , ntemporain de ce qui est à percevoir (èv àxffiptCJTf?
,.
) u n ns l u r qu.id pour quelqu e chose d'un. L'exige nce X f l 1V< ! 1 ). La temporalité ne peut pas être quelconque pour
1 l t rn m si j voyais « vert » et [28] quelqu 'un d'autre
U 1
q l l v ut percevoir quelque chose dans le monde. Car il est
m m e n t cet état de fait, car il s'agit bien d'un
I' 1 i l , p u t -i l nou être accessi ble et saisissa ble dans
1 1 1! l 11s dans le sens du percevoir lui-même et du perçu que la
son , lto perçue soit une chose qui est là maintenant. Lorsque
( . l a m p l i sement de la percep tion, dans la p 11
il cJ n t 1 1 di l i ngue une chose d'une autre, il y a un
emple j'exprime une perception, cela suppose implici-
1 1 1 1 1"nt ( 29] que le perçu soit là maintenant. Le temps n'est
r l i t'.\' ( ' ' o ëv Myetv ôn hepov3 ) . Le discours ne fait p 1 , 1 produit d'une déduction chez Aristote, il est tiré, ainsi
de la perception. Le discours est à q 1 1 t 'a mêmeté, de l'état de fait lui-même*.
l.,n d i ff rence du « blanc » et du « noir » dans la perception
"' 11 i n t rodu i t pas par le biais d'une argumentation. Elle est à
1 rsqu'on parle, et l'afo911m<; est un KpivEtv. On a
qu'un Myo<; pu isse se rencontrer dans la
t on a prêté à Aristote l'opinion selon
1 , llild. . I l l , 4 1 h � sq . [ <. lo n s un t ' 1 n ps Sflns s 1 a ra l i o n ] .
·r . . 1. -t1·-. s1 1s, /\ /111e, 1', ·on i pl 1 1 1 nt . , fl . . 1 6.
44 <l>mvôµEVov chez A ristote et la phénoménologie selon Husserl Quelques lumières sur le terme « phénoménologie » 45

Les différences, qui gisent là-devant dans le perceptible et le I' �uvre dès cette différe nciation. Ce n'est que sur le fonde-
perçu, sont distinguées les unes des autres : le blanc et le 1 1 1 nt de la possib ilité d'une entente mutu
elle qu'un état de
noir, le doux et l'amer. End 8è Kai -ro Af:uKov Kai -ro yÀulCÙ Kai 1 . 1 i t unitai re peut être, tout simple ment, rendu accessible à
EKacrrnv -r&v aicreri-r&v npoç ËKacrrnv KpivoµEv, Tivt Kai pl usieurs dans son caractère unitaire. Le Myoç interv ient ici
n )rnme Àoyoç qui communique. Le mond e
aicr9av6µc9a on ôtacp€pct ; àvayKîJ ôiJ aicr9l'Jcrct1• Mais nous dif­ devie nt access ible
1 � , ce à lui dans son articulation unitai
férencions également le blanc et le doux tout aussi immédia­ . 1
re. C'est la foncti on
tement que le blanc et le noir, et à vrai dire non pas dans une 1 1 1'Î inaire du Myoç en tant qu'il communiqu
e. Communiquer
1 1 1 1 sens fort du terme , lorsque j'exprime un état
simple visée présomptive, mais en ayant bien là ces états de de fait déter-
fait. On ne peut pas faire intervenir ici l'opposition de la pen­ 1 1 1 i n que je perço is, lorsqu e je l'expo se dans la publicité de
sée et de la sensibilité. La diversité de ces états de fait est perçue l l;tre-J à, signifie rendre ce que j'abor de discur sivement
11 ·cessible à autrui et le partager avec
originairement. Aristote demande : comment sommes-nous lui. Nous avons alors
ffa i re, l'un et l'autr e, à la même chose
à même de saisir simplement cette altérité ? À l'évidence . Il faut aussi noter ici
nécessairement par la perception. Car l'un et l'autre sont des la 0.ignification moyenne du ànocpaivccrem. La voix moyen ne
aiaeri-ra. Cela montre clairement qu'il ne suffit pas, par v ut dire : pour soi, pour celui qui parle
lui-même, de sorte
exemple, d'appeler le toucher à la rescousse. Il s'agit en effet que l'état de fait devienne, pour celui qui perçoit, saisissable
d'autre chose. oihc OÎJ KêXffiPt<JµÉvotç Evûéxcmt KpivctV on d apte à être reten u.

facpov TO yÀulCÙ WÙ ÀêUKOÙ, àUà Oct tvi nvt aµq>ffi ofjÀa cîvm2. i le Myoç est à l'œuv re même dans ce cas, il l'est à
plus
lnrte raison lorsque la perception s'effectue natur ellem ent
1'1lrnme afoerimç Ka.à auµ�E�TJKOÇ. Ici, c'est le temps
Quand je m'en tiens à la perception, j 'ai le blanc en tant que qui doit
tel dans la vision, et le doux en tant que tel dans le goût.
Comment est-ce que je parviens à percevoir que les deux 1 t re Le même , il faut que le discou rs soit
contemporain de ce
sont différents ? Ce qui est perçu dans le goût et ce qui est qu i est perçu dans la perce ption. Si je peux percevoir ce qui,
du mond e, est perceptible de cette façon , c'est parce que je
1 1 i contemporain de ce qui est à perce
perçu dans la vision doivent à l'évidence être tous les deux là voir (Ev ÙXffiPt<JT(Jl
pour quelque chose d'un, ils doivent manifestement se trou­ onque pour
p6v(Jl1 ). La temporalité ne peut pas être quelc
q u i veut percevoir quelque chose dans le monde. Car est
ver là dans leur quid pour quelque chose d'un. L'exigence il
ln lus dans le sens du perce voir lui-mê me et du perçu
serait la même si je voyais « vert » et [28] quelqu'un d'autre que la
« rouge ». Comment cet état de fait, car il s'agit bien d'un est là maint enant . Lorsq ue
état de fait, peut-il nous être accessible et saisissable dans son 'hO;'e perçue soit une chose qui
pnr exemp le j'exprime une perce ption, cela suppo se implic i-
unité ? Dès l'accomplissement de la perception, dans la enant . Le temps n'est
1 m e nt [29] que le perçu soit là maint
'

pfl.S Je produit d'une déduction chez Aristo te, il


manière dont elle distingue une chose d'une autre, il y a un est tiré, ainsi
discours (ôd' oi: TO EV ÀÉyctV on facpov3) . Le discours ne fait
qu'un avec la guise de la perception. Le discours est à sa mêmeté, de l'état de fait lui-mê me*.
a différence du « blanc » et du « noir » dans la perception
1. Ibid. , l I I 2, 426 b 12 sqq . [Mais puisque nous distinguons aussi bien Je blanc
11 • 'in t rod u i t pas par le biais d'une argumentation. Elle est à
à 1 ·uvre lorsqu 'on parle, et l'afo911mç est un
Kpivctv. On a
et l e doux et chacun des perceptibles par rapport chaque autre, c'est q u 'un
é t ra nge q u ' u n Myoç puisse se rencon trer dans la
que ce moyen soit l a perception. ]
moyen quelconque nous permet de percevoir q u 'i l s diffère n t ; i l est nécessaire t r uv

Ibid. ' III 2, 426_b 17 sqq. [ Ainsi on ne peut pas admettre q u ' i l soit poss i bl e
perc p t i o n t on a prêté à Aristo te l'opin ion selon
.
2. ,

à q ue l q ue instance u n ique. ] 1. Il id. , I J 1 , 4 6 1 8 sq. !clans 1 .1 1 1 l mps sans


avec des instances separées, de juger q ue le doux et le blanc sont autres. l i fau t
s '

lbtd. , 20 sq. ( U n e seule i n stan ce doit. d i re q u ' i l sont a u t re . ] 'f., 1 -d ·s · us, /\1111e, '" ·0111 1 1 rn nt . , p. 3 1 6.
donc q u 'ils soient mani festes l 'un e t l'autre para t ion ].
3. I I I 2, 426 b
46 <I>mv6µ1>Vov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl Quelques lumières sur le terme « phénoménologie » 47

laquell� percevoir serait déjà juger. L'aicr0ricnç n'est pas non toutes les couleurs et c'est ainsi qu'elle peut bien saisir toutes
plus directement caractérisée comme À.Üyoç, mais elle est l s couleurs également. Le milieu concerne donc la guise de
quelque chose de semblable à un À6yoç1. ia possible faculté d'appréhension. Le caractère d'être de la
1° L'aicr0rimç est une ÙÀÀoicocnç2 : un devenir autre. Dans la 1 rception est la 8Uvaµtç1 : pouvoir percevoir, avoir une pos­
mesure où l'homme qui vit concrètement dans son monde rilbilité déterminée, être tel qu'il soit possible de parvenir à
perçoit quelque chose et où l ' aicr0ricnç est là en l'homme tre en percevant. A voir la possibilité, c'est là une manière
comme une guise d'être et comme une manière de se rap­ d' t re spécifique du vivant. Tout ce qui a été dit jusqu'à pré­
>

porter au monde qui est le sien, Aristote désigne l 'aicr0ricnç tl"nt est à entendre à partir de cette détermination fonda­
co�me u�e àUoicomç. Dans la perception, celui qui perçoit rncntale*.
?ev1ent lm-meme � un autre dans la mesure où, en percevant, L'aicr0rimç est au cœur de cet être qui possède le langage.
Il se rapporte désormais à son monde selon une guise déter­ )lie cet être profère un son ou pas, il est toujours en quelque
ITlanière langage. Dans la perception, le langage ne parle pas
s ·ulement de surcroît, mais il va même jusqu'à diriger la per­
minée.
2° L'aicr0rimç est un 7tUCJXEtv3, un pâtir. Le moment de
' ption, nous voyons en passant par le langage. Dans la
1 1 1 sure où le langage est pris dans une perspectiv e tradition­
l 'àÀ.Àoicomç reçoit une détermination plus précise. Du fait de
la perception, il se passe quelque chose avec le percevant ;
dans la perception,_ quelque chose arrive au percevant lui­ " Il et ne fait pas l'objet d'une appropriation originaire, il
même. uvre les choses, ce même langage dont la fonction fonda­
m ntale est pourtant bien de montrer les choses. Ainsi se
3° L'aicr0rimç est un Kpivëtv4. C'est en distinguant que
l'aspect fait l'objet d'une appropriation explicite. Mais l'afo0Tjaiç ('Umprend qu'il y ait également dans le Dasein de l'homme
dans la mesure où celui-ci possède un Dasein pour autant
q U i l p arle
n'abandonne pas pour autant son mode d'accomplissement.
-
la possibilité de l a tromperie et d e l'illusion.
Sans doute Aristote désigne-t-il la complexion de ce Kpivav
[ :\ 1 I
comme une certaine forme de discours (À.Üyoç nçs). Le À6yoç6 d ) Les trois perspectives sur le \jlëÙÔoç.
a pour fonction de montrer le perçu en tant que tel. [30] L'être-là factif du langage
Qu'il y ait altérité, cela fait l'objet d'une appropriation dans comme source proprement dite de l'illusion.
la guise spécifique du discours. La perception possède un
mode �'expression spécifique. Elle est elle-même quelque
La circonstantialité et l'échappement du monde
chose d un qm_ parle sur du multiple. A ristote parle du \jlëÙÔoç dans la Métaphysique, au livre L1,
4° L'aicr0rimç se tient au milieu ( µrn6rriç7) lorsque nous
n ?us repré ��ntons une mul tiplicité de couleurs. L'afo0rimç doit, J n ns le chapitre 292. Il y est question de ce qui s'énonce de plu-
1l ' u r manières et se dit en plusieurs sens. Aristote différencie
d une �amere ou d'une autre, se tenir au milieu, elle ne peut 1 \Jteùôoç selon trois perspectives : 1° cbç npiiyµa \jlëùôoç3, un
pa� se fixer sur une couleur en particulier, elle doit pouvoir l •''-faux qui concerne l'être proprement dit des npayµara.
( s nt les choses que nous désignons et déclarons comme
v01r des deux côtés à la fois. La vision se tient au milieu de
l a us s : de l 'or faux ; 2° le À.Üyoç \jlëÙOÎJ ç4 : ce qui est faux,
a 27 sq.
II 4, 415 b 24 ; II 9, 416 b 34.
1. Aristote, De anima, II 12, 424

II 5 , 416 b 25 ; II 11 , 424 a 1. I l 5, 4 1 7 a 1 .
2. Ibid. ,

III 2, 426 b 1 0. 0 sujet, Anne e, complém nt 4, p. 3 1 7 sq.


3. Ibid. , 1 . Ibid. ,

II 11, 424 a 27 sq . ' /\ l'ÎSlOI " M 1aphy,,-iq11e, /\ 29, 1 () 4 b 1 7- 1 025 a 1 3.


4. Ibid. , f. .

l l I 2, 426 b 20 sq . li ld. , 1\ 9, 1 0 11 b 1 7 sq.


5." Ibid. ,

11 , 424 � . 11 1 1. . /\ 9, 1 0 4 h 6. I
6. Ibid. , • .

7. Ibid. , I l a 4.
48 c:T>atv6�t€vov chez A ristote et la phénoménologie selon Husserl Quelques lumières sur le terme « phénoménologie » 49

• ) i:ro yàp OÙK ovm mi3Ta1.


c'est le A6yoc;, le discours, le langage ; 3° roc; èiv0pron:oc;
'llê'UÛÎ]ç1 : là ce qui est faux, c'est l'homm e lui-mê me.
1 ° Une possibilité de fausseté
'veuooc; concerne ainsi le monde, le langage, la manière spéci­
Le , , side dans le fait que des caractères réais déterminés ne per-
1 11 ttent pas qu'ils soient réunis en raison de leur teneur
1 a l e . TÙ of: O<JU È<JTl µf:v OVTU, 7l:C<pUK€ µtvTOl <paivea0at tj µÎ]
fique d'être dans le monde, et l'étant lui-même.
L'attitude dans laquelle une chose est distinguée d'une Il . fonv t] a µi] f:anv, oîov Ti <JKtaypa<pia Kai TU f:vl>n:vta • wiha
y tp fon �Ltv n, àU' oùx c1v f:µn:otei TT]v <pavmaiav. n:payµma
autre est déjà en elle-même une monstration (ce n'est donc
JI
pas un jugement) ; il s'agit de montrer ce qui est là en tant v o'Ùv 'Vevofî ou•ro J..,tyemt, t] •0 µT] dvm aù•a, t] •0 TT]v àn:'
111 Gw cpavmofov µT] ov•oc; dvm2• 2° Il y a de l'étant qui, dans
qu'il est là. La possibilité qui tient en soi un horizon déter­
miné de choses susceptibles d'être distinguées, toute distinc­ ··• JO spécifique, a la particularité de se faire passer pour
être
tion, par le fait qu'elle tend à montrer, fixe, détermine 1111 chose qu'il n'est pas, ou bien qui prétend avoir un carac­
li r qu'il n'a pas, - par où la possibilité de l'illusion n e
quelque chose en tant que quelque chose. Ce qui est déter­
1 1·side pas d'abord dans le fait d'appréhender de travers, mais
miné de la sorte est déterminé comme étant l'un par opposi­ .
t ion à l'autre . Il est autre sur le fondem ent
d'un caractère d a n l'étant lui-même.
r al. déterm iné. « Blanc » est en soi-même autre chose
que omment se fait-il alors que, dans le cas où l'état de fait,
< noi r ». Dans cette distinc tion, le « en tant que
», l'« être­ d o n t on dit qu'il est faux, n 'est absolument pas, on puisse
autre que », est rendu explicite, ce qui ne veut pas dire que n
p !' le r malgré tout d'un 'Veüooc; ? Comment, là où l'état de
1 ' tre-au tre lui-mê me doive nécess aireme
nt être thématisé.
L thème , c'est la couleur elle-même, elle est saisie dans une
, hoti n'est absolument pas, peut-il donc encore y avoir un
a centua tion spécifique et dégag ée en tant que
oc; ? Comment se fait-il que le langage puisse caractéri­
tant
telle. Le « en " un non-être comme un être faux ? L'exemple donné ici
1 l l1Si te à se représenter que la diagonale d'un carré entre
que » dans sa fonction de crible - l'« en tant que » cri­
tique -

tl m un rapport déterminé <avec le côté du carré>. Les


ne fait pas lui-même partie du champ du percep­
t i b l e : bleu est autre que rouge. Ce n'est pas
i
t o u t de 1'« en tant que », il y a aussi l'« en tant
cependant le 1 tti semblent indiquer au premier abord que la diagonale
que » monstra­ , 1 1 carré sont commensurables. Il y a, dans ce qui nous fait
lif Le dédou bleme nt de l' « en tant que » est occulté par
le 1 11 on tre, une certaine apparence [33] que ce qui fait
l a ngage . L'en tant que àrm<pavnK6c; est présen
discours . Mais il y a également en tout discours l' « en tant
t [32] en tout 1\ 1 1 n tre ait son être de tel ou tel point de vue, sur tel ou tel

q u e » critiqu e.
l • llldement réal. Mais dans la mesure où la démonstration
1 1 t apparaître que ce rapport ne peut pas exister, c'est ce
o m m e n t la possib ilité du 'Veuooc; est-ell e fondée
Myoc; lui-mê me ? Le � euooc; consiste, en montrant quelqu
dans le , un1ctère <de fausseté> qu'il faut retenir pour caractériser
1

·hose, à le faire passer p our autre chose ; c'est donc


e .,o n tre.
plus que
1 , Ibid., 6 2 9 , 1 024 b 17 sqq. [Le faux se dit, d'une première manière, au
le s i m p le recouv remen t, lequel ne fait pas
passer quelque
hose pour autre chose qu'il n'est. Dans quelle
I U n peut pas aller ensemble, comme lorsqu'on dit que l a diagon.ale est com­
perspective il tl'une chose fausse, et est alors faux ce qui ne va pas ensemble, ou bien ce

t J h 11, u rable ou que tu es assis. La première de ces choses est touiours fausse,
un chose peut-elle être, eu égard à son être de chose,
fausse ? TO \V€UOOÇ Âtyemt UÀÀOV µf:v Tp6n:ov roc; n:piiyµa
2. l/Jid., .29, 1 024 b 2 1 sqq. [ Faux se dit encore des choses qui, bien qu'elles
111 onde l'est q uelquefois car, dans les deux cas, elles ne sont pas.]

o 1 1 t, 1 a raiss nt epcndant par nature autres qu'elles ne sont, ou bien des


111eüooc;, Kai wowv •<> µf:v •0 µT] <JUyKefo0at t] àouvmov
dvm
ho� - qui n sont pas, omme la peinture en trompe-l'œil et les songes. Ces
(j'\)VT€0fjvat, <'ùan:ep Âtyemt TO TÎ]V otaµe•pov dvat oU�L�L€
Tpov ii
T aè Ka0fja0m· w(nwv yàp \V€Uooc; TÜ µf:v aiei, TO Of; n:o•t· R ni bi n n ffct qu lqu ho ·e, mais non pas ce dont elles produisent
n ". A i nsi 1 s hos s sont d i t s rausses ou bien parce qu'elles ne sont
,
I' •îlP
hllfl
r
t1i • n 1 n r · qu l 'oppu r ·n q�1i vi nt 1' > l ies st celle d'une chose qui
fi 29. .5 a 2.
1 1 , nu • •
1 . Ibid., 10
11 t 11 1 · '
» 51
50 <l>mv6µcvov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl Quelques lumières sur le terme « phénoménologie

Chacune des trois significations du 'lfEÙÔoç appréhende ln mesure de tel l'étan t, il y a toute une série d'autres Myo�t
q u i peuv ent être énon cés ad libitum. C'est
l'état de fait dans une perspective déterminée, mais prend ce qui fait �u'il_
également en vue les deux autres. Le npêiyµa 'lfeù8tc; renvoie 1 quelque chose de tel que l'illu sion. Arist ote en profite ici
donc ici au Myoç 'lfeù8tjc;. ÉKacnou fü; Myoç fon µf:v ffic; eÎç, 6 puur s'arrêter sur une question souvent déba ttue dans la tra-
1 I 1 j n : à savoir que, pour tout étant
wù Ti �v eîvm, fon 8' ffic; noÀÀoi, €nei m1'n6 nmc; m'nà Kai m'nà , il n'y a qu'une façon
! ) n spécifique de l'abo rder discursive
rcenov06ç, oîov l:mKpU'tT]Ç Kai l:mKpa'tT]Ç µoucrtK6ç1. Pour ment qui n'engendre
chaque être-là en tant que tel, il existe un Myoç unique par 111 "LUle contradiction. Si l'on n'a affaire qu'à des Ahym est qui se
d i ri ,.ent à chaq ue fois exclu sivem
lequel je peux aborder discursivement la chose elle-même ent sur la chos e qui y en
dans son être, 1'6piaµ6ç. Cet abord discursif fait entrer ce qui 1•1.wse, aucune contradiction n'est possi ble. La contr adict ion
est en cause dans les limites de son être et le détermine. Il y 111 déploie dans une dimension bien spécifique qui fon ne
a ensuite des Àoyot dans lesquels je peux aborder discursive­ , 1 1ncerne pas la chose elle-même, mais ce qui en est dit.
Kai Tép É't"Épou,
) CKamov UyetV où µ6vov 't<Îl aùwù Ahyq>, aÀÀÙ
ment les choses en cause selon de nombreuses perspec­
tives2. Nous voyons les choses d'après les circonstances (mhà 'i' ' oô&c; µèv Kai navTeÀ&ç, fon
8' ffiç Kai aÀTJ � &ç, anep Tà �
, l\t 8mÀama Tép Tfjç 8ua8oc; À.6yq> 1 . Il
nercov06ç) où nous avons affaire à elles. Cette circonstantialité est possi ble d aborder
fait que les À.Üyot qui abordent discursivement l'état de choses diti u rsivement une chose qui est là non seulement d'une-
sont divers. 6 fü: 'lfeUÔÎJÇ Myoç où8ev6c; fonv arcÀ&ç Myoç3. 1 :1ç n où c'est elle-m ême qui devient accessible mais égale
1 1 1 ·1lt dans une persp ectiv e quelc onqu
Maintenant ces Myot où j'aborde discursivement une chose e axée sur autre chose.
< 1 s mult iples Mym trom pent ,
en ayant acquis ce à titre de quoi je l'aborde non pas pure­ pour ainsi dire, la plupart du
ment à partir de la chose elle-même, mais dans la perspective 1 n1ps ; mais il peut se faire qu'il y
en ait un qui tombe j�ste.
'lfeu8oc;,
d'autre chose que je connais déjà, - ces perspectives dans L troisième sens dans leque l Aristote parle du
fj,
lesquelles je peux aborder discursivement une chose diverse­ , tit l'&.v0pmrcoc; 'lfeUÔÎJÇ (Tà µèv oùv ou'tffi ÀÉyiowt 'lfEUÔ
/ vOpomoc; ÔÈ 'lfEUÔÎJÇ 6 eÙXeP ÎlÇ Kai
ment sont elles-mêmes extérieures à la chose. Ce que j'ai en rcpoatpETlKOÇ 't&V 'tOlOU't�V
vue quand je vise ainsi est quelque chose que je dois faire ()y<JN2 . . . ), et c'est le npompionK6Ç qui se propose de recouvnr
1 • t a t de chos es au poin t que cela
intervenir dans la détermination de la chose. Un tel Myoc; fasse partie de son existence
n'est jamais simple. Le Àoy6ç4 simple est celui où je déter­ ( f�.ûstenz ) ; il arrive à convaincre les
autres par ce genre de
dlll ours. Par sa façon de faire, il indui t fond
mine la chose elle-même ; je ne m'écarte pas d'elle. La deu­ amentalement
xième signification du 'lfeù8oç est le Myoç 'lfeUÔÎ]ç. Aristote · . 1 ' tl
interlocuteurs en erreur.
travaille ici avec une différence qui implique qu'il y a, pour omrnent les trois significations du 'lfEùôoc; dépendent-elle s
k il unes des autre s ? Pour le savo
ir, cons idéro ns un ÀÜ'yo c;
tout étant, considéré dans sa teneur réale et dans ses un
manières d'être, une manière de l'aborder discursivement qui 1 qncre t en pren ant l'exe mple
d'un homme qui vit dans
1 1 1 nde où les
est unique : 1'6pmµ6ç. À côté [34] de ce Myoç unique, taillé à rcpay µma peuv ent être abordées discursive-

l . Ibid., /':, 29, 1 024 b 29 sqq. [Le Myoç de chaque chose est en un sens u n i que /':, 29, 1024 b 35 sqq. ( I l est possib le de parler
de q � oi que ce soit non
J . ibid.,
m a is aussi suivan t un À.oyoç. a utre

l 'on o i t est alors quelqu · foi s c o m plè


tem n
; ce que

il y en a plusieurs puisque la chose elle-même et la chose affectée sont en
c'est celui de la quiddité (le « ce que c'était que d 'être »), mais en un au tre sen · u l · ment s u i v a n t son propre À.6yoç, .
mais peut au ss1 etre v � ai, par

quelque manière identiques, comme Socrate et Socrate music i e n . ]


e t faux,
. t le À.oyoç du
1 t m p .1 lorsqu 'on parle d u huit
comm e d ' u n nombre double suivan
2. Ibid., t;. 29, 1 024 b 30.
. Il id. . t:, 29, 1 0 . a 1 sqq . l ' sl a i nsi que
(l u .J

1 fn 1 1 x u ' i l st encl i n à de tels À.oyot et


l es choses sont appelé es f� usses,

un tion 1 n 1 • '. 1 p( )ur sH port q 11Al i fi


3. Ibid., /':, 29, 1 024 b 31 sq. [ Le À.6yoç faux n 'est pure m e n t el si m pl eme n t

r
lorsq

1
Myoç d e rien.)
4. fbid., /':, 29, 1024 b 32. p r o f r d l i h 1 1 1 • n l . J
52 <l>mvôµcvov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl Ju.elques lumières sur Le terme « phénoménologie » 53

Il ment comme \j/WÔoç. Nous prenons la signification \j/WÔOÇ » vl1 11 tend pas nécessairement à dissimuler de façon
« ne
en l'appliquant à la sphère du Dasein /actif. Un homme qui , ' l " ''tH:l . Il est possible d'envis�ger une :ie qui ne viv� pas
peut mentir en parlant du monde qui est là et tel qu'il lui fait 1 1 1 ,, 111 1 t tendance à recouvnr les objets,
(36) mais �e
encontre. Le npiiyµa, l'homme et (35) le Myoç sont trois pers­ , 1 1 1 1 1 ! n t de parler pour ainsi dire à vide dans l'espac e pubhc.
pectives qui concernent un phénomène fondamental spéci­ 1 1 , /i1'> qui parle à vide tromp e du simple fait qu'il par �e. Le
, , 1 t n bl contraire du dire, ce n'est pas dire
fique qu'Aristote n'a pas vu. Nous prenons la signification de faux ou dire en
t 1 1 1 1 n p a n t , mais faire silence . La tenda�ce à t � omper
\j/EÙÔoç en ce sens originaire pour faire entendre à partir de là expres-
comment les choses peuvent être déclarées fausses. Nous 1 1 1 1 • n t peut passer à l'arriè re-plan , mais le discou
rs est tenu
�x c?oses
1,
voulons comprendre comment il se fait que des choses puis­ 1 . 1 1 1 q n moins consci emme nt en restan t � tran ? er a
1 u ·e. C'est typiqu ement le
sent être qualifiées ainsi. Pour bien entendre l'analyse, il , 11 ,
cas lorsqu on s e � pn�e tra�
. aaussi
, , , • 1 lusieurs J.,6ym. La possib ilité de tromp
c?nvie_ nt de ne pas perdre de er tient 1 � i
vue cet état de fait : l'être-là /ac­
tif du langage comme tel en tant qu 'il est là, et uniquement en 1 1 1 1 t i i l t qu'on s'expri me au sein d'une vision
fautive des
tant qu'il est là comme langage, est la source proprement dite , 1 1 1 1·, laquelle ne procède pas d'une néglig�nc� dan� la
,

1 1 1 ,' 1 11 1 de consid érer ce qui est en cause,


de l'il!usion. Cela veut dire que l'être-là du langage comporte mais tient a la
en soi la possibilité de l'illusion. C'est dans la factivité du lan­ " ' 1 1 1 re dont vit celui qui est là, et dont fait encont�� le
1 1 1 , 1 1 1 d lui-mê me. Il se peut que
gage que réside le mensonge. le discou rs cher �he po�1ttv�-
1 1 ,, · 1 1 t , restitu er vraime nt les états
Nous allons maintenant essayer de dégager plus précisé­ de fait_ ; neanm oms, il
h t lll sein d'une vision fautive , les états d �
ment - autant que faire se peut - ce qu'est la /activité du !)li
fait ne font p�s
1 " t d'une appropriation vérita ble. Nous � ivon�
1
langage. Le langage se déploie dans l'horizon de l'homme qui "
, par fa�t le
est �à d �ns un monde commun. Le langage en tant que tel, la . 1 1 1 J 1 1 n r age lui-mê me, au sein d'une concep tion
bien determ , �­
factlVlt_ e du langage, se comprend de prime abord ainsi : par­ 1(
''' , d , ce qui est. (Nietz sche : « Chaqu e mot est u� �r � -
ler, c'est avant tout parler de quelque chose. Ce langage, qui les possib -
ihtes

1 1 1. >) Nous verrons plus tard où l'illusi on et
d ' l l u s i 11 prennent leur source. Le monde qui est là peut être
est là �aint�nant, �st pris au sens où il tend à dire quelque
chose : il a heu publiquement. Le langage est ainsi là d'avance 1 1 f! •
Io n diverses perspectives.
1 n autre motif (outre la circon stantia lité) qui fait
avec l'être-là d'êtres humains qui parlent, et il est considéré que nous
,. , 1 oo mal, ou n'abordons pas toujou rs les faits comm
d'emblée comme monstration de quelque chose. Il prétend e tels,
1 t � _r
naturellement et activement dire quelque chose. Ce n'est que monde que je d signe pa l'échap -
t aspect de l'être du
1 ,, · 111 nt (Entgiinglichkeit) : les états
·
lorsque quelque chose est communiqué qu'il devient mani­ de fait sont la avec ce
feste ; il est donc possible de dissimuler quelque chose au ppement
, 1 1 n t re bien spécifi que de ne pas être là. L'écha
, 1 quelqu e chose qui tient à l'être du
sein de ce qui est là, en l'occurrence en disant autre chose
•.
monde lui-mê me,
11 qn 1 compt e parmi ses phéno mènes ce que n�us
que ce que je vise tout en présentant ce que je dis autrement avons
1pp l c l a r t é et obscur ité. Qu'il y ait du bromll
que ce qu'il est. C'est dans cette possibilité fondamentale du _ ard par
langage que réside la factivité du mensonge. Le vrai mente ur uence, un de ceux

doit avoir l'intention expresse de dissimuler. Il parle de façon mpl . ce n 'est pas un fait sans conséq
1 . F. Nlctz
que ce qu'il dit recouvre l'état de fait dont il parle. On voit ici
Werk ( ro13 k lav). Erste Abte1lun g, Bd. I
l l , Stuttgar t,
,
Geister.
Menschliches, A llzumerischliches. Ein Buch fiir freie
1 J. Il. in Ni'IZS '/P's
h
se manifester une chose remarquable, à savoir que celui qui
me nt doit précisément connaître l'état de fai t dont il parle. I ') 1 . �w il Abt • i l u n : « D · r Wan lerer und sei n Schatten '." Aphons
1 1 ,
mus 55,
'.11 l l r d. fr. , 1 . 1 obi n i ,
son 01111 r' » , n� • , /11 F. Ni · 1 z · h , Œ11 v res phtlosopluqu.es
,
_ de pouvolf_ mentir pour pa1 t1e . « Le
! ur •1
/ 111mni11, trop hurna1n, deuxièm e
Afm de bon, il faut que je ache ce 1

, l'nriti, lt1lLmr1 1 d, \ l 18, p. 1 88 \.


com-

f!/lliW, t . I
·

.
dont je parle.
oménologie » 55
54 <l>mv6µsvov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl Quelques lumières sur le terme « phén

que la théorie de la connaissance pourrait invoquer dans ses 111on trant à partir de ce qui est ; on parle on en se bornant à [3�]
, xpri mer l'op inio n qu'o n
recherches. L'échappement appartient en propre au [37] a sur ce dont _ parle. On ne fait
/ ', I Ï re que conférer un sens
aux états de fait en tant q�e �els:
monde qui est là en tant qu'il est là. Les choses peuvent nous
échapper, ce qui ne veut pas dire pour autant qu'elles s'éva­ c st là le phé nom ène de nominalisati
on et de neutrahs�t�on
1 j, 1nt parl e Hus serl ; nou s pou von
s éno�cer des propositions
la forme de pures et simples opmio�s. �edia a� s la mesu��
nouissent. Les choses échappent parce que nous les rencon­ _
trons circonstanciellement. Nous ne voyons pas les choses l ) i ! ti

comme ce à quoi l'on a affaire, comme des objets de recherche , ,1 un tel dire s'or ient e sur
l'apparence imm te, ce qu il
scientifique. Cet être-là des choses est beaucoup plus riche et d t ·st faux . Il trom pe à pro prem ent
parler.
V us voy ez ici la différence
offre des possibilités beaucoup plus variées que celui qui a entr e tromperie et rêve . C'es t
trompe. Le
fait l'objet d'une préparation thématique. Parce que le monde , 11 raiso n de l'êtr e-là qui est le sien que les�rêve
1 i'YOÇ en tant que 'Ahyoç apo pha ntiq ue,
� � l est ��is �ans
ill�s1on.
dans sa richesse n'est là chaque fois que dans la concrétion lo �'
·1qn être-là factif, abrite en soi
de la vie, l'échappement est également bien plus ample, et la possibih te de l
avec lui, c'est la p ossibilité de l'illusion qui est là. Plus je suis I J l l l ti la mes ure où le f...6yoç peut cara
ctériser le � ein de
Da
concrètement dans le monde, plus l'être-là de l'illusion est l'htJmm e, il gouverne tout commerce de l'êtr, etout hum am av_ec
111 monde, tout e vision, toute explicita
proprement ce qu'il est. 'it
tion e énoncia-
Comment les choses elles-mêmes peuvent-elles être dites 1 l 11\.
illusoires ? Jusque-là, nous avons seulement montré que la
source de l'illusion était à chercher dans le langage. Com­ e) Le langage et le monde
ment se fait-il alors que des choses qui sont soient dites dans leurs possibilités d'illusion.
fausses ? Pourquoi ne nous contentons-nous pas d'appeler Le renversement de signification
non-étant ce qui n'est pas ? Pourquoi parlons-nous ici, avec du cpmv6µi:;vov en apparence
« »

qui apporte avec lui la possi?ilité �ondamedentalsee


un surplus de sens, de faux ? Quand on dit que la com­
mensurabilité de la diagonale avec le côté du carré n'est pas, . f...6yoç,
. j,
en d'autres termes que cet être est faux, il ne faut pas l'ilJusion , fait que toute perception age. nsque
prendre cette proposition isolément, mais la replacer dans 111 pr ndre puisqu'elle est régie par le langsont là Cela veut
t 1 1 1 ; 1 s cpmv6µi;va, dan s la mes ure
dans le
la plupa�t
le contexte d'où elle est issue. Les droites en question pas­ où ils
es, ce qui, de prim abor�, _ne f��t
sent ordinairement pour être commensurables, elles sem­ 1111111d factif, sont ce sur quoi l'homme se méperend
blent et donnent l'apparence de l'être. Mais en fait, elles . 1 1 1 t rnp ; en d'autres term
1 1 de plus que se montrer tout bon
nement, v01la qu il
ou tel, il ne fait plus qu�
,
ne le sont pas du tout. Ce non-être qui est le leur et qui 1
éveille l'apparence en cause, c'est ce qui est qualifié de faux. ,, iHhl à présent être seul eme nt tel
1 ,1 1('(1. ir
Aristote, o?
est là lui-mê�� p��r servir �e sol �
L'apparence spécifique que présentent ces objets est en . Ce n'est pas un hasard si chez _
' I " v6�u wa dési gne ce qui
quelque sorte déçue. Il apparaît donc que cet emploi du
i l plus amp le rech erch es, i l peut aussi sigmfier ce qm
terme \j/Eu8oç appliqué à des choses qui sont, alors qu'elles ne ne fait
sont pas, se fonde lui aussi sur le contexte unitaire dont nous
parlons. Nous devons voir ces choses elles aussi dans un cer­
tain contexte. Dès le moment où l'on s'exprime, dans la
mesure où le langage a tendance à montrer, il semble qu'il y
ait quelque chose de tel dans un champ où il y a du mesu­
rable. Mais lorsqu'on parle de la sorte, on n pa rle pa · n
56 <l>atv6µi;vov chez A ristote et la phénoménologie selon Husserl Quelques lumières sur le terme « phénoménologie » 57

que paraître tel ou tel ( cpmv6µi::vov àya06v1) . Ce renversement 1 1 1 1� urité etc. Les états de fait de ce genre font partie de
de signification du mot cpmv6µi::vov, qui veut dire d'une part 1 ' 1 1 , du �onde lui-mê me. Il y a par ailleurs des possibilités
. I ' i i' qui tromp ent en raison de leur être �ropre,
ce qui est là en se montrant lui-même, et ensuite ce qui ne c�mme par
fait que paraître tel ou tel, ce qui [39] n'est pas véritablement ni n i p l le rêve, etc. Le discou rs est ensmt
e expo�e au dan­
/ " 1 140) qui tient au fait qu'il est là avec d'autr
là, - ce renversement de signification renvoie, dans la es d�sco�rs, de
mesure où il se déploie dans la sphère du commerce avec le , 1 i I " qu'il peut sombrer dans la redite et devem r d1scour�
monde, à un état de choses fondamental, à savoir au fait que, 1 1 1 1 1y ntionn el ; un étrange empire exercé par le langag e q u�
, t , l t J , du commerce avec les choses elles-m êmes. On v01t _
_ ici

dans l'être-là lui-même, l'erreur et l'illusion s'entrelacent de
manière tout à fait fondamentale et ne se produisent pas uni­ 1 p1 Io
possib ilité d'illusion, entendue comme possib ilité d' tre,
1 ', fi/t'•lace de multiples façons avec
quement à titre de défauts qu'il faudrait surmonter. l'être-là du langage et l'�tr�­
Le langage en tant qu'ébruitement vocal est, dans son être, /,1 ,/u inonde. Remarquon s que c'est bien le langage qm_ d1ss1-
possibilité d 'illusion, et en vérité parce que ce langage est 1 1 1 1 i l Ja chose elle-m ême. Le monde qui est là est dissim ulé
dans un monde qui offre, dans son caractère d'être spécifique, , 1 1 .1it encontre en se donnant telle ou telle apparence parce
des possibilités d'illusion, de sorte qu'il y a, dans l'entièreté ' I " ' . 'est précis ément à traver s le langag
e, et les opin�ons
, 1 1 1 t 11 1 a sur les choses , qu'on accède factive ment à ce
de l'être-là du monde, une complexion interne qui constitue qm est
la possibilité d'être de l'illusion. Le langage, dans la mesure 1 ,1 1 1 1 rdialem ent là. Dans la mesur
e donc où le monde es� l_à
où il est dans le monde, jouit d'une certaine considération , L 1 1 i tJ ·ette possib ilité où il se montr e lui-mê me,
cette poss1b1-
I 1, du monde se renver se en son
qui ne fait l'objet d'aucune sorte de réflexion. Le Dasein de contra ire, il se donne telle
l'être humain est appréhendé dans une perspective où quelque 1 1 1 1 1 I l e appare nce. Ce qui apparaît au sens origina ire de se
1 1 1 , 1 1 t r r soi-mê me devien t une apparence. Il est
chose est dit par le langage. Le langage tend de lui-même à _ nt
vraime
, 1 1 1 urtant d'avoir l'enten te de cette possibilité de r� nv��
communiquer. Le langage est là de telle sorte que celui qui se-
parle a plusieurs possibilités pour se dissimuler dans le lan­ 1 1 1 1 i l ! d signification du terme cpmv6µevov
dans la s1gmf1ca­
t q 1 1 t ce qui ne fait que paraîtr
gage comme tel : 1 ° la possibilité expresse dans laquelle le e tel.
locuteur parle en ayant explicitement l'intention de mentir ;
2° en parlant, on veut donner l'illusion que le discours tenu f) La c:nJvOi::cm; et la otaipw1s sont le domaine
est porteur d'une certaine connaissance de ce qui est en où le vrai et le faux peuvent faire encontre*
cause. Même là où l'on s'applique à aller contre le mensonge,
11 n
il est possible de faire illusion avec le langage et les mots. us reste simplement à nous assurer dans quelle
1 1 1 o .1 1 r Aristo te avait expres sémen t conscience du fait que
Ce langage, avec les possibilités d 'illusion qui sont les
l ' d h 11Ji n se rencontre là où les choses sont donné es dans
siennes, se tient comme tel dans un monde qui présente de un
1 1 1t JJ . d s a i ie déterm iné, que la possib
son côté des possibilités d'illusion : 1° parce que le monde est ilité de l'illusio n a son
, ,1 , 1 1 , n n pas là où les choses sont saisies dans
un monde de circonstances et que les objets avec lesquels un, accès
nous avons commerce sont là pour nous, dans leur concré­ 1 1 1 p l , m a i l à où le monde se présen te ave� l �
caracter� �e
j 11 l J l t J . 1repl yàp c:nJvOecrtv Kai. 01aipw1v wn w \lfeuoos
tion, en fonction de la situation au sein de laquelle ils se trou­ .
6,Â.i10ts i : c ' t d a n l'horiz on de là où il y a quelqu e
vent à chaque fois, ce qui fait qu'il est possible d'en discuter
de plusieurs manières ; 2° parce que le monde est un monde
{ ' ,. uj · t , A 1 1 11exe, ' 1111
qui ne cesse d'échapper, qu'il est dissimulé p a r le bro u i l l a rd, m nl

' ' \( 1 " ! ){' /11/1'1'pJ'el nlio111', 1 , ' 6 li 1 2, sq. r .._ n cf I c i.



1 , 1 . 3 1 8 sqq .
.

1 ! 111 u vl�lo n qu · r �id • n i 1 • vrn1· 'l 1 • l a u x. \


'csl dans la composi -

il
1
1. Aristote, D e anima, I l l JO , 433 a 2 8 q . ( 1
11
60 <l>mv6µevov chez A ristote et la phénoménologie selon Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 61

�u �o.ut � expliquer, sous forme anecdotique, comment la 1 , ,i. 1 1 1 1 dépasser l'être-là du monde en tant que c'est celui
s1.gmficat10n d'un terme avait évolué. Son intention était i l 1111 111onde contingent. Il est à noter que tout cela ne pro­
�1en plutôt d'éveiller l'intérêt pour ce qui est en cause, même , , i f , nns de tentatives pour atteindre ce qui est de manière
s1 on ne voyait pas très bien au premier abord, à vrai dire où l ' ' " l l ' ' · 111 nt scientifique, mais de l'idée, surgie d'une intelli­
�out cela. nous conduisait. Ce qu'il nous faut apprendre, ;'est '" 1 11 , 11 quelque sorte déboussolée, qu'un Dasein s'en fait.
a devemr capables de lire et d'écouter sur le mode de 1 11 rprétation de la teneur lexicale du terme [44) « phé-
l'attente. 1 1 1 1 1 1 1 t 1 1 l gie »
nous a mis en présence d'états de fait déter-
[43] � 'int �rpr�ta�ion po.ssède encore un autre arrière-plan 1 1 1 1 1 1 ' N q u i. ont trait à l'être-là, à savoir d'un côté l'être du
,
real i:_msq.u Il s, ag�t aussi � e rendre intelligible ce qu'on " ' ' 1111[1· e t de l'autre la vie en tant qu' être dans un monde.
connait au1ou ».
�d h �1 sous le titre de « phénoménologie Cela 1 1 1 1 1 Pi deux directions, nous avons vu d'une part que l'être
ne peut .vouloir due que ceci : rendre intelligibles les choses t l 1 1 1 1 1011de se caractérisait par le fait de se-montrer-soi-même,
dont �raite :ette �isci?li�e, - quel est le genre de choses que • t l ut re part que l'être de la vie se caractérisait par une
1 ti

l � phenomenolog1e d a�Jourd'hui entend élaborer. Pour spé­ l '"' · I• hfü t é fondamentale, celle de parler de l'être-là d'une
c1f1er le genre en question, nous avons besoin d'un horizon 111 1 1 1 r telle que l'être soit montré par le langage. L'être du
de choses. Sur la base de cet horizon, nous aurons à décider 1 1 11 1 1 1 d t l'être de la vie sont en connexion bien spécifique
dans quelle mesure les états de choses dont traite la phénomé­ 1 • 1 1 1 I' ,tt •
· du langage. L'être-là du monde dans son « se-mon­
nologie d'aujourd'h �i ont encore un rapport avec ce que ' " ' ' • •oi-même »
peut virer en un « se donner telle ou telle
1 11 •1 1t11· nce
A
nous-memes avons realement mis en lumière. ».
La vie est en elle-même possibilité de recouvre-
Pour caractériser d'emblée l'évolution historique dans 1 1 1 1 '1!/, du monde qui est là. Les deux possibilités de l'être-là et
laquelle prend place la configuration aristotélicienne des réa­ d 1 · 1 1 1 vie montrent ainsi que l'être-là est exposé à un danger
lités fondame�tales de la recherche philosophique, je dirais : '' I '' l'
fique dont nous avons déjà parlé lorsque nous avons dit
' l ' l l I' t re-là comportait en
le cours ulteneur, de la conquête des états de choses de la soi les possibilités de l'illusion et
philosophie, et ce qui a motivé les différentes voies sur les­ d11 in n onge.
quell.es �es états de choses ont été élaborés, est guidé par la S ri
us nous en tenons aux seuls résultats de notre analyse,
dommatwn d'une idée vide et donc fantasmatique de certitude 11 1 1 11-1 1 s mettre en relation avec le thème de la « phénoméno-
et d'évidence. La domination de cette idée déterminée d'évi­ 1 1 11 _ ,
il semble que nous n'ayons pas beaucoup avancé mais
dence s'exerce avant toute libération véritable de la possibilité ' 1 1 1 n us ayons été placés de but en blanc devant des états
d'enconll:e �e c � qui est proprement en cause en philosophie. 1 il- fu i t déterminés. Pour entendre le rapport <entre ces états
Le souci d atteindre une connaissance absolue déterminée� . i , • ni e t notre thème>, c'est-à-dire pour entendre l'être et le
�ppréhen�ée purement en idée, prévaut sur toute autre ques 1 1 1 1 n t r de réalité de ce que la phénoménologie élabore, il
hon ��lativ � aux choses . réellement décisives, ce qui signifie 1 1 I L n ces airement prendre orientation sur un horizon réal.
que l evolutwn de la phtlosophie tout entière connait un ren­ f 1 cl nn un fil directeur qui invite à considérer un ren­
w;r�ement. On peut déjà en repérer les prémices, qui ne sont •'• 't S rnent bien spécifique. La domination du souci de l'idée
. chez Aristote et chez les Grecs en
d ailleurs pas fortmtes, il r t i t ude et d' vidence vides, et par là fantasmatiques,
considérant par exemple le fait que l'être-là du mond � tel 1 a n t l u t J i b rat ion d la po s i b i l i t é d'encontre d'états de
qu'il se �o�tre y soit assimilé au monde spécifique de l 'appa­ f ndam n t a ux d t rm i nés, a conduit à refouler le
t/11 n1.e riginaire d l a n ·ici ra t i n <ph noméno.logique>, et
1 ln
r�nce, s1 bien que toutes les questions phil osophiq ues déci­
sives �ont dorénavant déployées dans la seule perspecti ve n v rit un 1 oinl l 1 qu n ' t pa· ul ment .le
d'attemdre une certitude a b so l u e e t en m ê m e temp a ve la
, 1•/1111111 th rnnti 7 " ' 1 u i ·a t 1 'r lu 1 vu , mais, · q u i est
62 <t>mvoµ&vov chez A ristote et la phénoménologie selon Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 63

beaucoup plus grave, le choix de l'horizon n'est plus guidé , j, 1 d ce que les Grecs pouvaient saisir dans le cadre de
par le souci de s'approprier en quelque façon que ce soit les I o 1 1 1 -, r cherches sur l'être-là .
� nous compa rons ce caractère de comm
choses en cause, mais par une idée déterminée de la science. ent propre à
C'est une idée déterminée de la connaissance qui détermine 1
1 1 1 1• là avec les autres caract ères que les Grecs connais-
le thème, au lieu que ce soit inversement un état de choses 11 , 11 I ; nous voyons que ces dernie rs étaien t des déterm ina­
déterminé qui fixe les possibilités de son élaboration scienti­ ""''S 7uidditatives, des détermination s du ce que c'est. II ya
fique. , 1 , p rspectives dans lesque lles l'être- là est
r
caract érisé réale­
[45 ) Nous r�cusons par là même la représentation que l'on '" ' 111 sachlich) : 1 ° Les n:pciyµarn, les choses avec lesquelles
_
se fait traditionnellement de l'introduction à une science , 111 a affaire. Dans cette perspective, [46) c'est donc l'étant
quelle qu'elle soit. Il ne s'agit pas d'acquérir un savoir vid� ' l 'lt I' n aborde discursivement. - 2° Les XPÎ)µata, les choses
de ce que sont l' « objet » ou la « méthode » de la science en , 1il 1 11 1. a mesur e où elles sont utilisé es pour les besoin
s que
qu �stion. La méthode doit résulter de l'explication avec ce 111• 11 v et requiert l'être- là du monde . - 3° Les n:owuµ i::va,
qm est en cause. Dans la représentation traditionnelle on 1, •I choses qui, dans le monde , sont produ ites, fabriq uées et
détermine et configure une recherche en déterminant d'abord o l p( 1nibles , en tant qu'épy a, pour le 1° et le 2°. - 4° Les
' l ' ' " Hl<6., ce qui, du mond e, est là, ce qui n'est pas
l' « objet » : l'objet est ceci et cela, et ensuite on élabore ce produit,
domaine scientifique déterminé avec des méthodes détermi­ " ' ' ' ,� ' t en soi-même, ce qui devient sur l e fonde ment de son
•' I H pr pre, mais qui est en même temps un matér
nées. On laissera ici de côté cette manière de faire. iau pos­
Si nous examinons les choses de plus près et demandons ce •11lil · dans le champ du productible (le bois, l'airain), et qui
, 1d a i n s i en rapport avec le 3°. - 5° Les
que nous avons obtenu jusqu'ici au contact des états de fait µa0i)µarn, cet étant
nous découvrons alors quelque chose de surprenant. Nou� ' 1 1 11 1 1, J caractère spécif ique est de pouvo ir être appris, ce
avons appréhendé l'être-là en ayant en vue une modalité d1 111t i l y a un savoir, ce qui peut être enseig né sans qu'on ait
bien particulière, celle qui consiste à se montrer soi-même. o l1 · e fait un rappo rt pratiq ue à la chose en cause. - 6° Au
, rl de ces caract ères, et de l'être qu'ils
Nous n'avons rien dit du contenu de l'être-là, mais avons fixé désign ent, il y a
une d�te�mination apparemment vide. Nous n'avons pas dit , lr.1que fois des choses éminentes possédant un caractère
, tel ou tel objet.
ce qu etait _ Nous avons fait l'expérience, à o l ' I l' spécifique qu'on appelle l'oùcria. Pour voir le lien entre
propos de l'être-là, du Dasein, d'une détermination que nous 1 q1'11 ta et les autres concepts d'être, il faut remarquer que ce
avons caractérisée dans son comment : comment l'être-là se , 1 1 pt philosophique, apparemment si abstrait, signifie cou­
11 •

montre en soi-même, et ce qui se fonde là-dessus : comment il ' 1111men t les biens, la fortune, ce qui fait partie de mon envi-
se dissimule. II en va de même s'agissant de la caractérisation 1 1 11111 ·ment familier, la « propriété foncière ».
d � Myoç. Nous avons uniquement mis au jour, à propos du I Juns notre interp rétatio n, nous n'avon s pas rencon tré
Àoyoç, une guise caractéristique déterminée de son être , t at égori es mondaines. Nous n'avons entendu parler que
d'abord celle par laquelle il rend manifeste l'être-là lui-mêm� , ktl cpatv6�Lëva. L'oùcria forme le caractère fondam
ental de
et ensuite celle par laquelle il le rend méconnaissable. Cet 1 1 l 11 n l n tant qu'être : l a présence. L'oùcria est visée conjoin­
être-là n'a pas été caractérisé dans son contenu comme un ' ' 1 1 nt d maniè re implicite dans les concepts « chosiques »
' I l i nou venons de nomm er. <Datv6µi::v a constit
être naturel ni comme un être historique, mais d'une manière ue le mode
apparemment vide : seulement un comment de L 'être-là. En ,/ ,111c n t r L plus imméd iat d e l'étant dans son comme nt for-
1 1 1 1 . <.J>atv6�t8va, ' sl ment l'être abordé discur sive-
i
mettant ainsi l'accent sur ces déterminations caractéristiques pr cis
1 1 11 nt av L o u s ' S a ra t r s, mai envi a gé un qu e ment
l 111H · 'f/1 1 rs1 L i v ·: se-mon .Lr r-soi-m êm » Nous avons
de l'être-là (à savoir Je fa i t qu'il s'agisse d ' u n comment d e
l'être-là) nous sommes déjà a l l é s , d a n s l ' i n t rprétat ion, au-
64 <1>mv6µi;vov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 65

obtenu cette détermination caractéristique sur la base de notre 1 1 , " 1 w 1 1 d contingent ni de dépassé, rien qui ser�it d� r ière �
1 1 , 1 , 1 1 0 1 1 n us irions à l'occasion chercher matlere a illus­
propre interprétation et l'avons fixée pour nos considérations .
à venir. Le mode d'encontre immédiat de l'étant, et la saisie lt, , p:res opinions, mais que ce qui nous fait encontre
1 1 1 1 • pr
inaltérée de l'étant selon ce mode, doiven t être en quelque t 1 1 1 1 1 J, •l
1111-ttations de l'histoire, ce n'est pas autre chose que
manière phénoménologiquement décisifs. , , • 1 1 , I ' " p r Dasein.
,
· d pou rq uoi nos considératio ns n'ont nen d'un recit his-
. . .
1 ,

' " ' 1 ,., , 1 1 hique, mais sont le regard jeté concrète�ent au sem
..
_
[47] § 4. La conscience comme thème . f, l I H I 11 1ssibilités bien déterminées de notre Dasem. En met-
de la phénoménologie d'a ujourd'hui 1 .1 1 1 1 1111 u r ces possibilités, et en les confrontant avec
, , 11, 1·voquées auparavant, nous avons du même co�p la
Nous devons donc maintenant poser cette question : quel 1 . 1 1 , , 1 ,, 1 1 1 r pérer une distinction fondamentale au se ml de
est le thème ou le complexe d'être réal qui forme l'objet de la 1 1 1 1 1 1 • 1 1 · 1 1 rche.
recherche que l'on désigne aujourd'hui sous le nom de phé­
noménologie ? J'en donne d'abord une détermination pure­ a ) La philosophie grecque
ment formelle en me référant à la position la plus avancée n. connaît pas le concept de conscience
atteinte à ce jour par Husserl dans les Idées pour une phéno­
ménologie et une philosophie phénoménologique pures. Il 1 , 'nl expliquer que quelque chose comme . la
,111111
résulte de ce texte que la phénoménologie se définit comme , , ,,, 11 ' • 'fi, :, s it Je thème de la philosophie ? Cette question

la science eidétique descriptive de la conscience pure transcen­ i1 1 1 1 1 our nous fondamentale dès lors que nous nous souve-
1 ,

dantale1. Pour nous, cette détermination importe unique ment 1 1 1 1 1 11 t ] l l J s Grecs ne connaissaient ri� n de tel que la
, , 1 1 111 1 n ·. I l n'y a pas de concept de conscience dans la philo­
_
,
parce qu'elle indique que la conscience est le thème de la
phénoménologie. Pour nous, la question est celle-ci : com­ " '1 '11 , r cque, à quoi il faut cependant ajouter qu'on tr� uve
ment ce qu'on appelle la « conscience » en vient-il à posséder "' j 1 1 . i 1 1 l i ipativement chez les Grecs ,q��lque chose � m e�t
, , 1 1 1 , ,111 1 / 'hui inclus dans le concept speciflquemen t phenome-

1 1 1 il; il' qu d conscience. Aristote a vu pa � exe �ple, da� s son


ce singulier privilège de constituer le thème d'une science
1 1 1 1 1 1 1 1 'l · 1 Ja perception, que nous percevions srrnultanement
fondamentale telle que prétend l'être la phénoménologie ?
• )l i omme quelque chose d'étant. Nous avons une
Sommes-nous en mesure d'expliquer ce singulier privilège ?
111 " .

, , , , , o 1 1 ' l l� cl la vision1. Il se demande dans quel mode de per­


Compte tenu de ce que nous avons appris jusqu'ici, sommes­
' , 1 i 1 , n n us p rcevons la vision et les choses sei_n blabl� s : Il e�
nous capables d'expliquer ce singulier privilège en montrant
que le champ d'être appelé « conscience » n'obtient pas cette _ resurgit : la visee qm
pour la v611cnç et la question
p t io n a-t-elle le même caractère d'_être � L�s deu�
position privilégiée par hasard ou arbitrairement, mais que
' I''' l ns r t n t i n déci dées. Nous pouvons auJourd
ce privilège se fonde sur des possibilités spécifiques que Je
1 hm cons1-
j 1, ln ba d s
Dasein comporte en lui et qui sont déjà prédessinées dans la
, , ur , 1 éta t de fait '
détenrunés de la recherche,
' I " f J u n m pr he nsio n beaucoup plus f�ndamentale d�
philosophie grecque ? Si nous réussissons à montrer cela,
1

, , 1 , 1 1 1 nrt ( t l Il d nt t moigne la psyc_hologie m?�erne qm


nous serons alors en mesure de voir que ces mutatio ns sont
, 11 , 1 d 1 d but 1 1 blan q u dan la perception de la v1s1on, de la
fondées et motivées dans notre Dasein même, et que l'his­ -
toire qui apporte avec elle ces possibi lités et ces mutatio n , ule t mêm chose, en l'occurrence
1. E . Husserl, Jdeen, l , cf. p. 1 39 [cf. I ra 1. fr., op. cil. , p. 238 J . Hll ll , / p 111/11111, Ill , ';1 • h 1 2 sq 1·
! If 1 11 1 1 /\ 1 si Il' t'l { 1 p/PnonP1iologie selon Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 67

u I l q u s it la position adoptée 1 plin traditionnelle qu'on connaît sous le nom de logique.


pt i< n <Ju mp rtement propre est 1 1 · 1! thèmes dont traite cette dernière étaient familiers de
' q u i ' S t perçu dans ce cas ne l l 1 1tiserl à titre purement personnel dans la mesure où celui­
mm · u n v u u un réalité psychique ' 1, uprès avoir conduit des recherches mathématiques, avait
au sens m od du term . n voit malgr tout se manifester
- rn 1 1
l v J o ppé des considérations logiques en s'efforçant de com-
-

dans la philosophi e [49] grecque plus tardive une connais­ •1


1 nI1dre la spécificité de la pensée mathématique. Les
sance de ce qu'on appelle la conscience ou la conscience de N1·1·h rches logiques n'ont pas pour ambition d'élaborer
soi, - une connaissance non pas au sens d'une réflexion q t t · Ig ue nouveau manuel de logique [50] mais leur intention
philosophique, mais une connaissance puisée à l'expé­ l1 111Jamentale est de faire en sorte, d'une manière générale,
rience naturelle de ce que nous appelons aujourd'hui au 11111· l s objets dont s 'occupe la logique soient pris pour thème
sens fort « conscience morale ( Gewissen) » (cruvioiôrntç). Cette . / '1111 manière telle qu'une recherche portant sur eux puisse
« conscience morale » passe dans la conscience chrétienne de 11111 ctiller effectivement au contact de ce qui y est en cause, -
la vie et fait l'objet d'explications plus développées dans la , '•Wt•à-dire d'une manière telle que les objets spécifiques à cette
théologie. Que quelque chose comme la conscience ait été le , /1 11 lp line deviennent accessibles à une intuition spécifique qui
thème d'une recherche, voilà qui est exclu pour la conscience /, · , / 1gitime. Intuition veut dire uniquement ici : se rendre pré­
grecque et chrétienne. ·w 11t l'objet en lui-même tel qu'il se montre. L'ambition fon­
o l11111 ntale de ces Recherches logiques est d'assurer et de
b) La percée de la phénoménologie I' 1 1 u r t l i r méthodiquement ce « rendre présent ». Avec une
dans les Recherches logiques de Husserl 1 1 1 • rientation, ces recherches ne pouvaient qu'exercer une
..

et sa tendance fondamentale i11tlu nce bénéfique puisqu'elles engageaient la recherche sur


111 voi de l'ouverture des choses elles-mêmes. Ces recherches,
Pour entendre le revirement du champ thématique qui, de 11v1' · la moisson de leurs « résultats », ont fait fructifier la phi-
l'étant comme monde, devient l'étant qu'est la conscience du 1 1•.n
1 p h ie contemporaine à un point que l'on ne peut plus
monde, il est nécessaire de caractériser à grands traits le 11ppt , ·ier aujourd'hui ; c'est là une chose dont ceux-là mêmes
point d'arrivée, donc la phénoménologie d'aujourd'hui, et q 11 nt été « stimulés » par elle n'ont que très faiblement
cela à la façon dont l'exige notre considération. La recherche , 1 11 1 fl j nce. Toute la démarche à laquelle obéit notre considé-
que nous désignons sous le terme de phénoménologie est 1 d l1 1n prend issue d'un mouvement d'approche en direction
apparue pour la première fois sous l'intitulé express Recherches '" '' ltoses elles-mêmes et travaille, par-delà un simple savoir
1 111 1 , à entrer dans la proximité des choses.
1
"
logiques1. Ces recherches se meuvent dans le cadre d'une dis- 1 ,

*
Cf., à ce sujet, Annexe, complément 6, p. 321 sq. c) La direction de la philosophie grecque
1. E. Husserl, Logische Untersuchungen, Erster Band : Prolegomena zur et la question de son revirement
Logik, 3• éd., Halle a.d.S., 1 922. Zweiter Band : Untersuchungen zur Phiinome­

1
nologie und Theorie der Erkenntnis, Erster Teil ( I.-V. Logische Untersuchung),
3• éd. Halle a.d.S., 1922. Zweiter Band, Zweiter Teil (VI. Logische Untersu­ nfnm n t la conscience en vient-elle alors à se constituer
H alle a.d.S., 1 922. [trad. fr., H. Élie, A.-L. Kelkel et R . Schérer, Recherches
chung) : Elemente einer phiinomenologischen A ujkliirung der Erkenntnis, 3c éd.
hamp d- recherche ? La définition de la phénomé-
logiques, t. 1 : Prolégomènes à la logique pure, Paris, PUF, 2• éd., 1 969 ; t. 2 : 1i1 1l1 i 1 1 1 n t re q u e la con cience devient un objet philo-
Recherches pour la phénoménologie et la théorie de la connaissance, 1 •e partie :
· Recherches I et Il, Paris, PUF, 1 969, 2• part ie : Recherches Ill, IV et V, Paris,
1 1pl1iqu au p r i x d ' u n pu.rifïcation bien déterminée. La

PUF, l 972 ; t. 3 : Recherche V I : Élérn.enls d 'une élucidation phénornénologique • • ln , 'Î ' l l d vi n l pas un Lh m d re c h erc he possible
de la con.naissance, Paris, P U F, 1 974 1. 1 1 1 1 u l l'e r m ' 1 ' pr
• u ls rn
t i ( i n voqu -t-on po ur
68 <l>mv6µi;vov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl La phénoménologie d 'aujourd'hui 69

soutenir que la conscience a besoin d'une purification pour p1 1 1 n: particularité d'être à proprement parler lorsqu'elle est
pouvoir devenir l'objet d'une science fondamentale ? Il y a I ' ' sentemen t achevée. Dans l'ontolog ie grecque, qui est une
donc deux questions auxquelles il faut répondre : 1 ° com­ 1 111tologie du « monde », la (52] « vie » (en tant qu'être dans
ment se fait-il que la conscience soit prise pour thème ? I l · monde) est ce qui donne les caractères éminents . Le 3 °,
2° comment se fait-il qu'elle ait besoin d'une purification ? • 1 111cernant les deux, l'être-là du monde et de la vie ; on vise
Pour entendre ce que cette considération a de spécifique, I 'a�pect circonsta nciel des choses dans la mesure où cette
(51] il faut avoir constamment présent à l'esprit ce que nous .. ·irconstantialité » constitue précisément le trait spécifique
avons obtenu dans notre interprétation d'Aristote. L'énumé­ d1 l'être. Le 4° concerne un phénomè ne fondamental de
ration d'un certain nombre de catégories par lesquelles les l '1 t re-là qui n'a pas été caractérisé plus avant chez les Grecs.
1
Grecs caractérisaient l'être a déjà dû nous fournir un premier 1 •1 derniers sont malgré tout allés beaucoup plus loin sur ce
aperçu des motifs qui étaient pour eux déterminants dans 11 ·t que la théorie actuelle de la connaissance. C'est
leur recherche. Ces diverses catégories de l'être font l'objet, q11 •!que chose qui s'est fait jour en considérant la spécificité
dans le travail philosophique des Grecs, d'une considération , 1 11 fait que le monde soit « là », - qu'un étant soit dans un
spécifique et fondamentale. La manière dont l'être abordé 1111 1nde, monde qui est « là », ouvert.
discursivement y est analysé doit nous mettre sur la voie de Nous voyons ainsi au bout du compte que les quatre direc-
la direction dans laquelle s'oriente la philosophie grecque. 1 11 1ns sont toutes puisées à l'état de fait de l'être au monde.
1 >11 ne trouve ici nulle trace de la conscien ce, même s'il y a
Nous verrons ce qui, de tout ceci, est resté vivace dans la phi­
l i 1'n chez Aristote un traité intitulé Ilëpi \j/UXf\<;. Comment en
losophie postérieure.
v1 ·nt-on à ce revirement si radical que ce qu'on nomme
La multiplicité de l'étant est d'abord scindée chez les Grecs
en ce qui est toujours et ce qui peut être aussi autrement.
.. cun cience » devienne le thème de la philosophie tout
1 · 1 1 L.l re ?
Cette scission a ceci de caractéristique qu'elle concerne
l'ensemble de tout ce qui est. La scission fondamentale joue
quant à elle entre les quatre déterminations fondamentales de
§ 5. Le thème de la conscience
l'être qui pour Aristote ne forment pas un quelconque sys­
tème, mais sont les motifs vivaces dans lesquels se meut sa
recherche : 1 ° 'tO ôv Tffiv Kannopt&v ; 2° 'tO ôv ôuvaµët - dans les Recherches logiques
Èvëpyëi<;X ; 3° 'tO ôv Kmà auµBëBîJKOÇ ; 4° 'tO ôv cûç ÙÀî]0Èç1.
Le 1° est porté par une perspective qui s'oriente sur le a) Les Recherches logiques entre orientation
Myoç. Ka'tîjyopdv est un Àëydv au sens fort du terme : accu­ traditionnelle et questionnement originaire
ser sans détour quelqu'un de quelque chose. La « catégorie »
s'oriente constamment sur cette possibilité du Dasein qu'est I' ur commencer, nous allons envisager les choses de
le langage, possibilité dans laquelle le monde ambiant étant I '• xt rieur pour voir de quoi il retourne dans ce travail au
est « là ». Le 2° procède d'une saisie spécifique de la vie elle­ p 1' mier abord. D'un côté ce qui a été entrepris dans les
même puisque « être-en-vie » signifie « être-possibilité ». Le /fr herches logiques se présente d'une manière parfaitem ent
1 ° et le 2° se rapportent uniquement à la vie entendue au 1 1 11 litionnelle, mais d'un autre côté il s'y abrite quelque chose
sens d'être là dans un monde. Ce faisant, la « vie » est elle­ , 1 originaire et d 'e x t r� memen t remarqua ble : les Recherches
même quelque chose qui survient dans le monde et qui a /, ,� fqu 'S v u l n t l r d s t ravaux préparato ires dont la s � ul�
·

1111hit ion s l d m t t r u 1 re a rd l'objet


·
_ de cette d1sc1-
1. A ristote, Métaphysique, E 2, 1 026 a 33 sqq. pl n , omm · si I ' n pra t i q u a i t des ciences
70 <l>mv6µi:vov chez A ristote et La phénoménologie selon Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 71

n'ayant, semble-t-il, pas le moindre objet. Il ne semble pas I o �ique se concentre donc sur la pensée théorique. Un mode
seulement qu'il en aille ainsi, mais il en va bien ainsi, c'est­ d pensée déterminé passe au premier plan et devient au
à-dire que l'on s'en tient ici à des concepts verbaux que l'on l ond le thème exclusif. Dans la mesure où cette pensée se
fait jouer les uns contre les autres. Qu'est-ce alors que la d p se en énoncés et se [54] tient en connexion bien spéci­
science ? l l q ue avec le domaine de la signification et avec les vécus de
[53] Mais à côté de cela, l'orientation est elle aussi large­ p"nsée, c'est tout ce complexe qu'il faut réussir à prendre en
ment traditionnelle. À l'époque, il y avait en philosophie une v i le dans son unité originaire pour être capable d'explorer
forte propension à donner un fondement scientifique à la , · états de fait dans des perspectives déterminées.
,

logique et à la théorie de la connaissance en leur procurant . . cette époque, Husserl avait une théorie assez singulière
une assise psychologique. Dans la mesure où les premiers q 1 1 il avait reprise à Brentano et qui est aujourd'hui abandon­
'

" · · depuis longtemps : la signification est, par opposition à la


travaux de la phénoménologie se sont développés pour partie
en se rattachant à cette tendance et pour partie en la criti­
pluralité des actes de signification possibles susceptibles de la
quant, ils possèdent une orientation traditionnelle bien déter­
·Hl sir , une unité idéale, une species, par opposition aux indivi­
minée. Mais ce qui fait leur spécificité réside dans la manière
d 1 1 nlités concrètes (les actes), ce qui fait dire à Husserl que la
dont ils s'y prennent pour fonder la logique : ils veulent se
.11r11,ijïcation idéale représente le genre pour les individualités
• I l; sont les actes visant à chaque fois cette signification. Cette
rendre présent un état de fait au sein duquel tous les objets
d1 ·urie a joué un grand rôle pendant les premières années de
de la logique pourraient être trouvés et interrogés, de sorte
que la logique aurait en quelque sorte un milieu bien à elle
l . 1 phénoménologie. La conception très traditionnelle de l'abs-
et parfaitement défini. Pour la psychologie de l'époque, le
1 1 1 ' ÛOn que Husserl avait héritée de Brentano, qui l'avait lui-
1 1 1 rne reçue de la scolastique, rendait nécessaire, pour explo-
champ objectif n'était pas l'« âme » - l'« âme » dans la déter­
mination ontologique référée à l'être du vivant - , mais la
s significations idéales, de se rendre concrètement pré­
"' 1 l i à chaque fois les vécus dans lesquels les significations
conscience.
ri• 1 1 1 -
là, de les réaliser subjectivement (Husser1)1•
b) Signification idéale et actes de signification ;
visée vide et remplissement de signification ; l 'n rmi les actes de signification, on peut opérer la différence
la conscience comme région des vécus ; •1 1 1 w m te : 1 ° les actes où il y a une entente vide ; 2° une telle

les vécus intentionnels comme actes ; n l i 1 1 te de signification peut se configurer en une entente

la conscience comme perception interne , 11 · n t e sur l'état de choses visé lui-même et remplie par lui.
1 1 1 1 visée vide et un remplissement de signification sont des

Nous allons maintenant tirer au clair, en partant de la . 1r 'lcs. Pour entendre proprement, et en même temps donner
chose même, comment la tentative pour élaborer les objets 1111 ndication du lieu où il est possible de se représenter ces
déterminés de la logique exige elle-même de s'assurer et de 1 10•i A au premier chef, il est besoin de préciser ce qu'il faut
prendre en vue ce qu'on appelle la conscience . D'après la tra­ , 1 l i ·ndr par « acte ». Les actes sont identifiés à des vécus
dition, la logique traite des concepts, des jugements et des 1111 ·11tionn.els. L'acte correspond à un genre déterminé au sein
raisonnements concluants. Ce sont des choses qui ont un rap­ . 1 1 l 1 sphèr> intégrale des vécus caractérisée comme con.science.
port avec la signification, laquelle est en connexion a vec
1 , 1 \. 1 1 uss • ri , [ I , Loµ,ische
/,J 1 1 111 ,1', 1 . : Rn·llerciles pour la phh1omé11ologie el la 1héorie de la connais-
l'expression langagière, connexion qui n'est pas cont ingente . 11Lersuc/11111g, op. cil., p. 1. 4 1. ( trad. fr. Recherches

1 111 , , , I • pnr 1 I • : R1,l"iwrf'lw I l : « L'u nit · i 1 ale d l 'espèce el les t héones


Car toute pensée et toute connaissance, toute recherche t héo­
1 1 11 1 l 1 1 1 1 u • l'nh�t r11 · 1 i J11 », p. l ôn ].
_
rique se déposent en « énoncés ». L'intérêt de la recherche
72 <l>mv6µEVov chez A ristote et la phénoménologie selon Husserl
La phénoménologie d'aujourd'hui 73

La cons:ienc� n,e signifie rien d'autre qu'une région d'événe­ 1 our entendre l'analyse qui suit, il nous faut [56] prendre
�e?ts deterrrunes ayant le caractère de vécus. C'est en ce sens , 11 ·otation sur la direction des considérations de la philoso-
regwnal que le concept de [55] conscience doit être entendu. 1 11!/ ' grecque. Le champ thématique en est l'étant en tant que
�e c�?cep� sera conservé par Husserl ultérieurement, et cela 1111mde et l'être de la vie. La philosophie grecque interprète ce
«
J�squ, a �e JOU:. Le �e :me de conscience définit une catégo­ »
' l i 1111aine d'objet et l'explique en mettant en évidence des
r,i� d ob1e.t �e�errrunee. La question est de savoir quel est , 1 1 rn tères d'être déterminés ; on peut donc dire que l'inter-
l etant qm, a titre de vécus, peut être désigné ou caractérisé 1 '' d a t ion grecque de l'être-là reste à l'intérieur même de
comme . conscience. Ces vécus appartiennent à ]a région f ', iP-Là et qu'elle est cet être-là lui-même rendu explicite
« conscience >�. To�s ces objets peuvent être appréhendés d.111t1 l'explication. Contrastant avec cette orientation axée
s :lon une gmse bien caractéristique. On désigne ce mode .11r un état de choses déterminé, la philosophie moderne a un
fi • l i t autre aspect. Son thème est la conscience saisie dans une
, sous le nom de perception interne. Ces vécus me sont
d acc�s
consc1ents. L'ensemble de la région des vécus est la région 1 'i1rification déterminée, ce qui veut dire que ce qui vient ini-
dont Je. peux p�endre conscience dans la perception imma­ 1 11 ment sous le regard a besoin d'une réélaboration déter-
nente. La conscience, au sens de perception interne comme 1 1 1 11 •e pour répondre aux exigences qui résultent de cette
p�rception de l'imma�ent, se rattache immédiatement au pre­ ' • •uception de la philosophie.
rruer concept de conscwnce comme région du vécu. 1 1 semble qu'on ait simplement affaire, chez Husserl, à des
D�ns cette région, il y a une classe déterminée de vécus, à ' 1 1 1-trences ne concernant que des distinctions verbales, et
sav01r les actes, les vécus qui, en tant que tels, se dirigent sur 1 ' i · s t d'ailleurs ce qu'on lui a reproché. C'est l'image gros­
quel9ue chose. ?r l:usage s'est aujourd'hui installé de désigner ' 1 r' et cependant dominante que l'on se fait de ce qui est en
auss� un acte isole comme conscience de quelque chose*. j 1 1 1 dans les Recherches logiques. La conscience comme
":pres les R_echerches, logi9ues, Husserl a restreint Je concept 1 1 1•, lon est 1° caractérisée par son mode d'accès : la percep-
d acte. Il exi�te de � ve��s mtentionnels, par exemple ce qu'on 1 11 111 interne, 2° par le fait que cette région contient une classe
appelle les vecus d arnere-plan, qui ne sont pas des actes. Les 1 l1 i r m i n ée de vécus, les actes, qui sont tout à fait fondamen-
1 1111 . pour la structure de la conscience. C'est cette région
11s ience qui constitue le thème de la considération phéno-
actes cor�e�po�dent a�x vécus intentionnels qui ont pour
�ar�ue distmctive le fait que l' ego -cogito y soit explicite. Les 1 '

11"'1iologique, et cela en réalité dans la perspective d'une cla-


1 I Îl; a t ion critique de la connaissance. Cela ne peut signifier
d1f��rents concepts de conscience sont donc tous intimement
rehes les uns aux autres et ils étaient simultanément à l'œuvre
qu ceci : les éléments fondamentaux constitutifs de la
1 . , • l q ue doivent être élevés à une clarté telle qu'ils peuvent
dans les travaux philosophiques de l'époque . La conscience est
.
le �erme régional désignant l'ensemble du fonds des vécus psy­
. 1 1 J118t it: uer un fondement sûr pour toute édification subsé­
' j l i · ri te de la connaissance. La clarification des phénomènes
chiques auquel la conscience peut avoir accès en tant que tels
dans un� ap�rception interne, de sorte à vrai dire que cette
l1 111damentaux de la logique, opérée par le biais de leur inser-
1 r ) J î d a ns la région conscience, a le caractère d'une clarifica-
a�erception i��e:ne puisse porter sur une classe éminente de
1 ù l l ritique de la connaissance.
vecus caractenses comme conscience-de-quelque-chose (cf.
Recherches logiques, V, § 1 sqq. )1 .

* Cf., à ce suj et, Annexe, comp lémen t 7, p. 321 .


l. Cf. E. Husserl, V. Logische Untersuchung, op. cil.,
§ 1 sqq . , p. 345 s
( .trad. fr., Reche17hes logiqu es, l . 2, 2• partie , Recherche v : « Des vécus i n te n t i , �
�;
.
ne 1 s et de leurs ; conten us" », § 1
sqq., p. 1 44 sqq . ) .
hez A ris101e 1 la 1 h. 1i logie selon
75
m n
74 <l>atv6µevov Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui

l i s'agit donc d'abord, concernant cet être déterminé


[57) § 6. Le souci au sein duqu l la onscience 1 11 11nmé « conscience », [58] de connaître une bonne fois le
se rencontre : que la connaissan soit elle-même connue 1 1 1tt i dans lequel cet être se trouve. Cette interpréta tion sup­
pose que la possibilité même du souci spécifique soit vue

�près �ette première approche du th m


de Ja phénoméno­ dans son être. Pour donner simpleme nt un fil directeur au
l?gie en:1sagée dans sa prem ière p rc e, posons-nous les ques­ ·1t 1j t du caractère d'être du souci, disons que le souci, en tant
1 / / / il se soucie, ouvre en premier lieu ce dont il se préoccup e,
l ' i q u e le souci, dans son être spécifiqu e, garde et retient d'une
tions smvantes : 1° quel être est donc la région « conscience »,
quels sont les caractères d'être qui la détenninent ? 2° comment
se fait-il que ce soit précisément cette régi o n-ci, avec ces carac­ l a�·on spécifique l'étant qu'il a ouvert en tant que tel. Ce qui,
pi 1 1 un souci, a été ouvert et a été ainsi retenu est configuré,
tèr�s d'être déterminés, qui acquière une primauté telle qu'elle
• 1 st-à-dire élaboré par le souci de manière à ressortir
expli-
devient le thème d'une science qui se désignera plus tard elle­
• 1 1 rnent. Cette explicitat ion ne consiste pas à philosop her
1 li oriqueme nt à son propos.
même comme science fondamentale de la philosophie ?
Chaque souci a sa manière par­
t • 1 1 1 ière de configurer ce qu'il a ouvert. Ce qui a été confi­
/ ' l l t � devient, pour le souci, quelque chose à quoi il s'assujettit.
a) Le souci et ses possibilités d'ouverture,
1 \ assujettis sement fait partie du sens de l'être préoccupé par
de rétention et de configuration de ce dont
il se préoccupe ; comment il s'assujettit
à ce dont il se préoccupe et s'y perd lque chose. Finalement, ce à quoi le souci s'assujettit devient
lque chose en quoi le souci se perd.
Con_unent appréhender objectivement la conscience pour
pouvo1r, partant de là, mettre en relief, en quelque sorte, les b) Le souci d'une connaissance
qui soit elle-même connue
caractères d'être qui sont les siens ? Pour déterminer les carac­
tères d'être d'un étant, on peut interpréter le souci au sein
l l agit donc d'interpréter cet être déterminé, la conscience,
·,

d 1 1 1 ' s n mode déterminé de présence et dans la tendance cor­


duquel se rencontre cet étant déterminé en tant que cet étant­
c1. Pour donner davantage qu'un simple fil directeur destiné à
.
' ' l.l l i v qui pousse à l'élaborer dans La perspective du souci
i l 1 1 ns 1 q uel elle-même se rencontre. Cette tâche implique de
entendre la suite, disons que notre interprétation va se concen­
' . 1 1 n t riser à grands traits ce souci, ce que nous allons faire en
trer sur une manière d'être, celle dans laquelle on est préoc­
cupé par quelque chose. L'interprétation de l'être-préoccupé
1, 1 ageant sur la base d'états de fait concrets.
1 o n s ce but, demandons-nous comment se présente effective-
par quelque chose donne à voir ce quelque chose comme ce
dont le souci se préoccupe spécifiquement. Ce quelque chose se
. 111 nt le thème « conscience » pour la philosophie d'aujourd'hui.
manifeste dans la guise selon laquelle il est « là » dans le souci · 1 1 · d l'extérieu r, la phénomé nologie a le même domaine
d ohj · t ' que la discipline philosoph ique qu'on appelle la
c'est à p �rtir de cette présence que devient visible l'être qu�
1 ,, ·h I gie. Husserl a lui-même caractéris é, dans l'intro­
peut av01r le quelque chose en tant qu'il fait encontre dans et
pou� le souci: Le souci n'est rien de subjectif et ne défigure pas o l 1 1 t l n a u x Recherches Logiques\ la phénomén ologie comme
l'objet dont il se préoccupe, mais le laisse bien plutôt accéder
à son être véritable. Lorsque l'étant est interrogé eu égard au 1 , I!. J l uss ri, Logische Untersuchungen, Zweiter Teil : Unlersuchungen zur

6, p. 1 8 sq . l l rnd. fr., Rech.er '/1.es logiques, l . 2 : Recherches pou.r la. ph.é-


Ein.­
li /11111 ,
souci qui l'ouvre, ce qui est recherché ce n'est pas la manière 1 // /J/1 111('11 logi und T heorie d'r Erk:en.ntnis, Halle a. d. S., 1 901 ( 1 '< éd.),

dont il est appréhendé, mais précisément comment i l fa i t l i br - 11 1111 1irlo11lr el la 1/1 'Orie rie �n connais.1·an.ce. ·.1 ··· part ie, i n t roduction, § 6,
ment encontre à partir de l ui-même. 1 1 11 n t l • . < ' '" t . ). p. �q . I.
76 <l>mv6µi;vov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl L a phénoménologie d'aujourd'hui 77

une psychologie descriptive. Puisque Husserl traite de la , 1 , 111 ·cience de quelque chose ». D ans la configurat
�o� du
conscience [59) dans la perspective d 'une clarification cri­ 1 1 i 11 111p thém atiqu e, le souc
i vise la conn ai �sance the01 �ique
1 1 I l qu'el le est facti veme nt là à titre
de scien ce ; la scien ce
tique de la connaissance, le travail phénoménologique pos­
comm e com­
sède la même orientation que la critique de la connaissance 1 11 1 1 1 1 autant qu'e lle se déploie culturellement
alors dominante. Dans la mesure où Husserl souligne que le pli x . possible d'efficien ce et préte nd form er la base [60)
thème de ses recherches est donné dans le « fait (Faktum) » . j 1 1 1 1 culture fond ée sur l a scien ce.
des sciences, et notamment dans le fait des sciences mathé­ t a tend ance qui pous se à élabo
rer la conscience d �ns le
feste
11 1 1 , d'un e clarification critique de la conn aissa nce mam
�ll �
matiques de la nature, l'orientation de sa problématique est
1 1 wure plus nette men t les trait� �e ce souc
exactement la même que celle des philosophes « marbour­ i. D an � qu
geois ». 1 1 1 1 11pective la conn aissa nce theo
nque es�-elle en: 1sagee .
Dans le cadre de ces deux dimensions traditionnelles - la 1 1 1 118 la perspective du connaître. Le souc
i se soucie que .la
dimension psychologique et la dimension de théorie de la , 1 ,1111.aissance soit elle-m
ême conn ue parc e que la connais-
connaissance -, lesquelles sont particulièrement vivaces 1 1 1 c doit pren dre en char ge
la sûreté du Dase in e� d e la
souc i d ' une
dans les Recherches logiques, on voit poindre quelque chose , i i l l. ui: . Dans la recherche phénoménologique, ce
d'originaire, à savoir que, dans l'élaboration de la conscience 1 1 11 1 naissance conn ue est anim é par
la volo nté de gagner �n
conduite dans la perspective de la clarification critique de la 1 , ,1 r al à parti r duqu el la possibilité de fond
er tout sav01r,
connaissance, il s'agit avant tout de prendre en vue en lui­ 1 1 1 1iü que tout être cultu rel, puiss e être de ? .
on al01. Cette

11 connaissance conn ue,


même ce qu'il s'agit d'élaborer. Ce qui est tout à fait origi­ n p r 'Sivit é spécifique du souc i d'une
naire, c'est que des états de fait phénoménaux sont mis en i j l l �i rnifie form ellem ent : « il y va de
la chose en �ause . elle-
relief, alors que jusqu'à présent la philosophie était bien plu­ , lm au�s1 par
1 1 1 me », ce souci de la chos e mêm e est porte
tôt encombrée des catégories des sciences de la nature, et de
tendance bien déte rmin ée. Nou s auro ns l'occasion
que d'un autre côté la critique de la connaissance était tribu­
1, rür sur l a maxi me « droit aux chos es mêm es1 » p � rce
taire de Kant, ce qui la rendait insuffisamment libre à l'égard
q t i u n dogm atism e très born é
peut parfaitement aus�1 se
de la chose elle-même pour s'affranchir de la problématique
1 H h r là-de rrièr e. Ces indic
ations plu�ôt formelles n � v1�ent
kantienne.
1 1i- 1 rime abord qu'à fixer le souci �omme sou
�i d une
La question est alors la suivante : quel est le souci qui conn ue, a le reco ndm re sur le
, 1 nnaissance qui soit elle-m ême
motive la configuration de la conscience comme thème, et la en sûre té.
11 11 r al où se fonde le trava il de mise . .
motive à vrai dire dans la tendance spécifique qui pousse à
main tena nt de mon trer que c'est bien ce sou � 1 �m
élaborer la conscience dans le sens d'une clarification cri­ Il s a git
'

, ttl ff ctive ment à I'œuv re. Nous


n'all ons pas cher�her a d1s-
le et dans le détai l le travail de Hu�-
tique de la connaissance ? Rendons-nous bien présent le
1 1 i l r de fond en comb

11 ri ' mais nous allon


s nous mett re à l'éco ute de ce trava�l
contexte dans lequel on est amené à fixer l'objet thématique
« conscience ». Le regard se porte sur les connaissances, et
1 · nd ro i t o ù i l parle de lui-même, c'est -à-di re à l_' endr
o� t
1 t1 il s p rono nce de manière critiq�e s�r .
plus particulièrement sur les connaissances scientifiques, les­ la philo soph ie
d , uj urd'b ui . 'Iout e critiq ue de bon al01, qm se tient
quelles sont caractérisées, en un sens fort, comme « conscience au cœur
de quelque chose » : ce sont des vécus de signification avec,
ss i·I ' L o 0oiscli e Un.t 'rsuch
au sein de ces vécus, les significations des énoncés de la pe n
I;" 1 1,,"1 "'
­

:U
. ungen., · ( 1 .-V . Unte 1"mc·h. ung) , 3c éd Halle
lt Il r ; i 1 1 r i 7 71 orie der Erken.11.tms, i '' partie
en zur Phiinome­
l,
t. 11 ntersuchung

1. 2, .1 ,; 'p,ut1e
... ,
sée théorique. C'est ce qui explique aussi la primauté que
.u1 . � .,i 1l' • 1•1•11teii1111 ,, , *' ., I'n . 6 i t ra t. fr., Recherches logiques,
1
possède la « conscience » sur tous les a ut re s vécus. En oi, ....

1 1 1 1 1u u · 1 ion. � . p. I].
t .#

c'est en effet une i ncongruité de caract ri er l 'amour omm


78 <l>mv6�tëvov chez A ristote et la phénoménologie selon
Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 79

1· r
de la chos e eH -mê me, man ifeste en tant
que telle , à partir de r ncontre dans le souci de manière si inconditionnelle que
la façon mêm e d o n t e l l e se défend et résis
te contre quelque 1 lin 1ue souci e n reçoive sa motivation fondam� ntal� .
chose, cela mêm e dont i l y va pour elle. .
L'explicitation d'un souci dans les perspectives m ?ique, �s
1 11 1vre du même coup accès à ce que nous appelons 1 mqwe- _
11;d, spécifique de ce souci.
[61] § 7. L 'explication de Husserl , .
[ 2 ] Lorsque nous envisageons la phénomenologie dans sa
avec la philosophie contemporaine pvrcée concrète chez Husserl, nous obt� 1:1ons, dans le cadre
dans « La philosophie comme science rigoureuse » 1j • ces considérations apparemment cntiques, une vue sur
et le souci qui y est à l'œu vre d'une connaissance d 8 états de choses fondamentalement positifs. In�iquons
qui soit elle-même connue. d ores et déjà le résultat de l'interprétation qui va smvre : le
_
·li 1 u c i concret qui conduit à configurer la consCience comme
La visée générale de cet essai
h'Ue à titre de champ thématique, à la retenir et � la poser
_
C'est dans « La philosophie comme science rigoureuse1 » f 1 wdamentalement comme thème ultérieur de la p�Ilos�phie,
_
de Husserl que nous disposons de cette explication avec la ,. ·st Je souci d'une connaissance connue, et ceci a vrai dire
1 l uue manière telle que la connaissance de la connaissa�ce
_
philosophie d'aujourd'hui. Ce travail a paru dix ans après les
�1 1 l t attestée et attestable sur une base assurée à tous p �mts
d · vue. Nous allons maintenant établir, en prenant appm sur
Recherches logiques. Dans l'intervalle, on avait réussi à y voir

I ' ·ssai de Husserl, que ce qui motive très généraleme�t le


plus clair sur la recherche phénoménologique, et celle-ci

1 le spécifique que joue la conscie � ce, c'est bi: n en fait le


avait pu être développée sous une forme systématique pour

•l1 1t1ci concret d'une connaissance qm s01t elle-m�1!1e conn_u� .


être intégrée aux travaux de la philosophie. Nous allons exa­ .
miner si ce que nous avons déterminé au titre de souci spéci­
fique caractérisant la mise en relief du champ « conscience » . l 'our ce faire, nous allons commencer par caractenser la visee
1: nérale de l'essai de Husserl.
s'y rencontre en effet explicitement. Ces considérations nous . . , ,
ouvriront un autre horizon réal encore. omme le titre l'indique, l'essai ne vise pas a echaf �uder
Les possibilités de préoccupation peuvent en même temps 1 1 1 1 programme mais tout simplement à ai�uiser l� conscience
servir de fil directeur pour configurer la chose qui se ren­ puur l 'idée d'une philosophie comme �ctenc; r��o �reuse. �l
1 'pose sur la conviction qu'on � perd� JUsqu a l id�e de phi­
,
contre dans le souci. Les possibilités du souci se laissent
caractériser comme suit (cf. ci-dessus p. [58]) : un souci déter­ l1 >t1ophie considérée comme science ngoureuse ; c est pour­
l j l l i la tâche qu'il se propose �st d'a�ord de mettre en
miné a pour spécificité 1° d'ouvrir ce sur quoi il se porte et de
l'amener à l'être-là ; 2° d'expliciter concrètement, dans sa lumière cette idée elle-même pms de lm procurer la force
1 1�venable en donnant des exemples concrets de re� h:rc�es
u · ce gen re et de leur méthode. Cette tâc� e est m � nee a � ien
façon d'être là, ce qu'il a ouvert ; 3° de retenir d'une façon
déterminée ce qu'il a configuré explicitement ; 4° de s 'assujet­
tir à ce qu'il a retenu, c'est-à-dire d'en tirer des principes non pas sous forme d'un exposé tbématI�ue, mais �n d�ve­
lvppant une critique. Cette dernière a en h�ne de mire d une
déterminés à titre normatif pour ce dont se préoccupent _
1 a ffa i b l i sement de cet te même idee. Cette these est presen-
pa r t la falsification de l'idée de p ? Ilosophie : t d'autre part
d'autres soucis ; 5° de se perdre, c'est-à-dire de poser ce qui _ ,
1 . t ra v rs u n e opposition h istorique : à l'époque mode�ne,
t p l u 1 r c i é111ent de p u i s Descart�s jusqu'à �ant et _auss� en
l . E. Ffuss erl, « Ph i losop hie als stren
e der Kultur, Bd. l, 1 9 1 0/J 9
ge Wisse nscha ft » , i n Logos,

r t rad. fr., M. de Laun ay, L a Philosophie comm J l , Hefl. 3, p. 289- 4 1


nale Zeitschrift für Philosophi Internatio­

1 989]. e science rigoureuse, Paris, 1


U F, pfirl i h z Fi ht une id d é t nmnée de philo ophie sc1en-
t i fiqu 1 c I' ,u;r . l m m diat m n t ap r- s , c' t -à-d i re dans /
80 <l>mv6�1evov chez A ristote et la phénoménologie selon Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 81

11 1 ( '
le romantisme, cette idée de philosophie scientifiqu connaît '1 , , , , Fl· nal. ement' il nous faudra voir comment, sur la
' '
un affaiblissement, même s'il convient [63] de releve er ' ""'' d 1 1 ouci mis au jour de la sorte, ( 64] la cons�ie_nce
se •


chose remarquable, à savoir que Hege l avait lui aussi l'esp cette
oir 1 1 1 1 1 1 1•1 d termin ée dans son caractè re d'être. es bm1tes de
de rendre la philosophie scientifique une bonne fois pour 1111 1 , . tions nous apparaîtront du meme coup ; en
• ' 1 1 l" d éra • .

1 1 1 1 1 1 • 1\. t r ignant exclusivement à l'essai d� Husserl


toutes, et que pour lui, tout comme pour Husserl, s'agissait , nous ne
i
de faire en sorte que la philosophie puisse être ilensei
1 1 1 1 1 1 1 1 1 . I)" en mesur e de savoir pourqu 01 on en est arnve,
_ _
� Cl
Husserl rend la philosophie romantique responsable gnée .
d'un i l 1 1 1 1 1 IH<ll'lière généra le, à ce que la conscience s01t d evenue •

1. 1 l i • 1 1 1C de la philosop hie.
mouvement de réaction, que l'on peut caractériser a) comme
un naturalisme, b ) comme un historicisme.
Dès que ces deux orientations ont fait irruption dans le
La critique husserlienne du natura fzsme
1
.�
champ du travail philosophique, la philosophie entendue .
comme science rigoureuse s'est trouvée ruinée, et cela
blement. Pour l'idée de philosophie, le critère directeurdou­ est
formellement de savoir si la philosophie a progressé au poin a) La naturalisation de la conscience
d'être à même de déployer un contenu doctrinal objective­t
st la forme de cette critique, et contre quoi �st-elle
antre le naturalisme et l'historicisme . Ex�hqu�ns
ment communicable et à tout jamais contraignant. Tant
•1 1 1 1 1 1 • n t n en est venu à forger ce ter�e et ce qu �n vise
qu'elle n'en est pas capable, ce n'est pas une science
reuse. (Ajoutons qu'il faut aujourd'hui noter que Hussrigou ­ ' •

l 1 1 1 · . 1 1 l l f1 parle de naturalisme. Le naturalisme apparait :


erl se vec
1 1 ' 1 1î 1 ' a t i o n et le découv
montre à présent beaucoup plus positif aussi bien �
Fichte que de Hegel, et qu'il n'écrirait plus mainvis-à tena
-vis de rement de la nature. De la m
1
n:e
qu'il a dit contre l'idéalisme spéculatif.) nt ce 1 1 1 11 1 1 1 r·' J'historicisme est issu d'un découv remen t de h �s­
Mettons l'accent, dans cette considération, sur découvrement de la nature considér � e comme � bjet
tique qui nous occupe. Nous voulons tirer au clairlaleprob léma­ 1e. nce e' mm · ente , en l'occurrence la science mathema-
J l a nature. Ce découvrement de la nature �� pour
caractère
d'être de la conscience, qui forme le thème de la _
philosophie. ' 1 11 l'il'q n nce le naturalisme. Cela veut drre : le g�nre d etre
et
I ' ,1 , l propre aux enchaîn
Montrons d'abord que le souci dont nous venons
est bien à l'œuvre dans la configuration du champdethém parler s d � v1ent, p � r � on
' ' 1 1 1 1 1 i•U 1 fil directeur pour saisir tout genre d etre et d o?1ec-
i
ements naturel
a­ �
rrélativement, la rigueur sp�cifiq�e de la science
tique « conscience ». Concentrons-nous sur la critique et
demandons : 1° Comment se présente cette critique ? a) 11 1 •

contre quoi est-e lle dirigée ? b ) comment la critiq i 1 1 r 1 l/i r1îa.tique de la nature devi�nt determm�nte pour tout
gée est-e lle développée ? 2° Quels sont les motifsue i l1 11 1 in i n d'être et pour sa détermmat1on du po�nt de v�� de la
ainsi diri­ _
de cette cri­ _
' i La question est alors de sa:01� - 1usqu a _quel
.
de se�;�:
tique concrète ? Pourquoi la considération critique vise- 1 1 1 1 1 , l i'sanc
justement le naturalisme et l'historicisme et pourquoi let-elle 1 11 1 1 1 1 1 1 n t el élargissement de cette idée particul; ere _
' f t! /Jj•t a t rouvé u n écho dans le champ
fait­ t� ematiq ue .
phi�?s?-
elle de la façon indiquée, que l'on peut caractériser comm '(

une clarification des problèmes ? 3° Comment ces moti fs ren­e p l i l •' phi , t e n quel sens le champ objectif
de la
1 •l1
dent-ils visible ce dont il s'agit à proprement parle r dans la l a m t h de . n t tombé s sous la dépendance de l
1dee
critique, c'est-à-dire le souci qui est à l'œuv re dans l'élab 1 11 ·l ·n •, m a t h m a l i q ue de la nature .
tion de la critique et dont il est le moyen ? 4° En l i a ison aora­
ft », op.
les caractères du souc i de connaître ainsi mis e n évide nce,veci l 1 , 11r I • N N� " " H- 1 2• f. • · . 1 l uss , r l , " P h i l osophie ais st renge W i.ssenscba
• [trad · fr " L ·a P.hilosop lu e comme
/ • N 11 l l l t11ll i ls ·h ' P h i lo. 0 1 h • », 1 . .94•. .
1 hilosoph1qu » , p. 1 9-59 ) .
1
Il • ' ,. /.1(1111' ·11s1>, « L . nnlu n l i�m
nous faudra voir dans quel le mesu re ce souci appa raît e pr s- ,
83
82
La phénoménologie d'aujourd'hui
<l>mv6µevov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl

l ' '' V ' h


l'ind ex
[65] Le caractère fondamental de cette science, indépen­ l giques. Hus serl soul igne expr essé men t que
damment de sa rigueur, est que ses résultats peuvent être , , , · 1 1 1 p l a i re de tout e idéa lité,
ce sont les lois logico-for-
énoncés sous forme de lois. Une légalité éminemment scien­ 1 1 11 1 1i-s 1 •
tifique est une légalité « universellement contraignante ». Le
cara�tère contraignant de ces propositions est à ce point pré­ b) La naturalisation des idées
dommant et s'impose en même temps tellement dans le
c il1ls
des
champ du Dasein humain, que c'est bien lui le véritable motif la naturalisation de la conscience, la naturalisation
1 . J, ,·s •onstitue une autre falsification
de l'idée de philo soph ie
qui conduit à absolutiser l'idée de cette science. La nature
, 1 11 1 1 1 1 1
n ente nd
ainsi comprise n'est pas pour la philosophie une chose étran­ science rigoureuse. Pour expl ique r ce qu'o
rète s de �
�ère parce que la philosophie a visé depuis toujours une léga­ 1 111 1 idée » , rapp elon s que les rech erch es conc
,.. , . , //er ·hes logiques port
lité que l'on peut qualifier de normative. Ce n'est donc pas ent sur les significations. Celles-ci
sition à la
un ac�ident si une science qui, comme la science de la nature, •11 11 1 1 nsidérées comme des unités idéa les par oppo
s qui les effec tuen t. Cett e unité
a atte �nt un �e� ? egré de rigueur cherche à faire en sorte que 1 1 1 1 1 1 l l pl icité des actes signifiant
le fond eme nt de
d 1 1 N · n s est une unité idéale de
validité. Sur
les Objets spec1f1ques de la philosophie tombent sous la coupe
, , 1 1 1 u n i té idéa le des prop ositi
ons, apparaissent alors des léga-
de la science de la nature. e léga lité spé­
La première chose qui frappe lorsqu'on considère les effets 1 1 1 1 bien déterminées d'un nouv
eau genre. Cett
' l 1 1 J U , du sens est alors réint
de la naturalisation de la philosophie, c'est que cette même erprétée par cette philosoph qui ie
la nature comme
, , , t t u te chose sous l'angle des sciences de
1 1 1 w 1 a J ité du cours naturel du
tendance naturaliste conduit à naturaliser la conscience.
(Cette assimilation de l'idée et de la conscience renvoie à processus de penser : la léga-
1 1 1 d · normes et des idées est réinterpr
étée comme une léga­
Descart�s.) Comment en vient-on à naturaliser précisément
l i t • du cour s de la pens ée. L'id ée, la
léga lité idéale n'est tout
la consc1ence et comment faut-il l'entendre dès lors que la
_
philosophie
_
a pour tâche de mettre au jour la légalité des 11 1 1 1 pl men t pas aper çue.
La critique imm anente aux sciences
, j , fn n a t ure est une
�odes de comportement quant à leur complexe de significa­ critique qui, en tant que critique déployée
tion ? Le problème est de fonder la légitimité qui permet à la t l 1 i N in même de la connaissance
scientifique de la nature, se
, j , · y •I ppe en ayan t le regard
conscience d'invoquer et d'attester un objet comme effective­ fixé sur les chos es. En tant que
états de
ment étant. Pour fonder la légitimité des positions et des actes , 1 t_ u naturaliste, cette critique est orientée sur les
, l i t 1s s. Il est absurde, dit Hus
de la conscience, il faut étudier ces complexes eux-mêmes. I l serl, que les possibilités critiques
·cien ce particulière puis sent expl
orer critiquement cette
fa�t procéd�r à l a critique d e l a connaissance. L'être psy­
, , co n toute pureté pour auta nt qu'e lle est science. Un
chique, :on�1dere �e nature, est déterminé dans l'optique ce fait
d�s categones des sciences de la nature. L'organisation uni­ men t fondamental d'objet est intervenu <de
>. La méconna issan ce de
ce niveau a cond uit [67] la
taire de ce malentendu est ce que l'on peut appeler la psy­ par elle-
chologie expérimentale en tant qu'elle prétend avoir une de la nature à s'im aginer pouvoir résoudre
de la connaissa nce, et a
significati?n fondamentale. Husserl n'a jamais voulu dire quoi 1 s prob lème s de la théo rie
vue l'objectivité spéc i­
que ce s01t contre la psychologie expérimentale comme telle . h d u mêm coup de prendre en
on · t i t ue en t a n t que telle la «
conscience », et de
l a i r, à p a r ti r de là,
Les lois idéales sont réinterprétées comme des légalités [66 ] s que pose nt la
les prob lème
de purs processus de conscience. Cela concerne non seu l e­ re.
, 1 11 1 nn issa n t l 'a t i n en t a n t q u'êtr e prop
ment le domaine de la pensée mais également ce l u i de actes
fr., op. dt. , p. O I.
volontaires. Les normes qui son t v a l ides cla n s ce dom a i ne /

son t ré i nt e r p ré t é e s e l l es a ussi comm des lois cl pr c ·sus 1 . J/ 1 1 .. p. 9. 1 t rod.


4 <Dar v6µevov chez A ristote et
la phénoménologie selon Husserl
La phénoménologie d'aujourd'hui 85

Da� s l'analyse husserlienne, la crit


.
mte nt10 nne llem ent dissociée de
ique du nat ura lism e est 1 1 1 1 ntale ; 3° dégager le domaine des problèmes de la ph�lo-
111 1plüe ; 4° caractériser la discipline qui satisfait à ce domame
celle de l'historicisme. Cette
dernière nous occupera par la suit
d1' problèmes (la scientificité est caractérisée en considér�nt
e et nou s découvrira toute
une série de nouveaux états de cho
ses. d '11bord la capacité de voir adéquatement le genre d'obj et
Le nat uralisme est en pre mie r
d 1 1 1 1 t il s'agit et ensuite le genre de traitement qui en résulte).
lieu un naturalisme des
idées, en second lieu un nat ura
lism e de la conscience. Un e 1 objet de la science de la nature est la nature e� tant �ue
complexion idé ale de lois idé ale s,
1 1 a l u re physique, en tant qu'unité d'un être chosique bien
lesq uel les, du poi nt de vue
d e � mo des de comportement de
. la vie , peu ven t êtr e caracté­ dd erminé. Cet être se caractérise fondamentalement par le
nsees c�m� e des l is normative
. � s, auxquelles correspondent 1 11h que chaque chose est perceptible, dans cett� s�hè�e d'être,
d� s disc iphn� s pre, cises dans les dom ain
1 1 1 m me identiquement la même dans une multiphcite de per-
es théorique, axiolo­ .
giqu� et p �atiq ue. L�s réalités ulti
mes sur lesquelles reposent 1 • 1 ·pl:ions directes différentes. Cet êt e de l ch s naturelle
ces leg aht �s normatives, ce son t
les idées. La caractéristique � ,� ��
na en même temps tel que cette memete identifiable de la
du �at�rahsme est qu' il ne voit
pas les idées, il est aveugle
aux zdee� . La conscie . , hos naturelle peut être perçue par une pluralité de sujets.
t ' t être chosique est identifiable intersubjectivement en tant
nce est le thème véritable de la crit
la conscience en tan t qu' obj et ique,
élaboré dans le cadre d 'une q 1 1 tel o u tel. Tout étant possède, dans l'étendue d u temps e t
théorie de la connaissance. La
question demeure de savoir d1 l'espace, comme o n dit, des propriétés déterminées et
comment la méthode naturaliste
, certes élargie de manière · ' nscrit du même coup dans un ensemble de séries causales.
fon dam ent ale , peut être en situatio
t 'haque propriété chosique n'est rien d'au �re qu'une �o sibi-
n non pas de fonder mais
tout au mo ins d'avoir l'entente �
de la légitimité des positions 1 1 1 déterminée unitaire, régie par la 101 de causahte, de

opérées par la conscience.
1 1 1odifications de cette chose réglées dans le cadre de la
c) L'être de la nature comme hor n a t ure universelle. Toute chose peut être ainsi fondamentale-
izon 1 1 1 nt déterminée dans le cadre de la nature par référence au
de la psychologie exp érim ent ale
1·1 101plexe fonctionnel des relations chosiques . <;ette unité
.
N�us demandons : comment la crit d1osique spécifique s'expose à travers des app�nt10�� -
, bhr ue . ique s'y pre nd- elle pou r et être spécifique de la nature est l'horizon imphcite dans
et
1 ·qu 1 cette psychologie aborde alors l � s �tats de c?oses [6�]
� � .1� naturalisme falsifie l'impulsion pour une phi loso
? Le fil directeur est le sui­
phi e scientifiquement rigoureuse ­
va� t : s'il �!?paraît que la science q u'el le emprunte confuséme�t et arbitr�lfeme �t a la trad�-
de la nature, ave c les moyens
�u elle utihse pour poser et élaborer son obj et, ne 1 on : l'imagination, la perception, la representation. Ces phe-
simp�ement pas attei�dre le champ peut tout 1 1 1 Hl nes fondamentaux n'entrent pas eux-mêmes dans le
des problèmes de la phi lo­ d1amp thématique de la psychologie, mais c'est en liaison
sop hie [68 ], toute philosophie qui
:iv
fait usa ge, d'une ma niè re ou eux que les états de choses sont élaborés de manière à
d'une aut re, de cet te mé tho de nat
l 1 1 i r apparaître des régularités et des lois déterminées. Ces
uraliste se trouve du mê me
cou p condamnée. La psychologie
11 ls véhiculent elles aussi les concepts fondamentaux dont
expérimentale n'est pas autre
chose qu' une discipline scientifiqu
1 · l l"S procèdent mais avec la même mésintelligence et indi� ­
e qui, par la manière dont
elle pose son obj et et par l'idée
l 1 1 t io n . Cette insuffisance fondamentale de la psychologie
de légalité qui est la sien ne,
reprend a, son compte la méthode
Une quadruple tâche se fait jou r
des sciences de la n ature. 1 1 os· sur la prédominance du mode de considérat�o n
1 r pr a u x sci ence de la nature, lequel vise les reg:ilantes
: 1 ° car act éris er la scie n ti­ _ , ,
thé ma tiqu e de l a na t u re ·
ficité spé cifique de la science ma
2° caractériser l'or ien tati on s cien d s l r s us t pa s � o u t r la chose dans son apparaitre ; en
t i fiq u e de la psycho log ie
exp � lant d la s rt , .la p ychol ie ne voit. pas que son
87
d 'aujourd 'hui
<l>mv6µcvov
8 chez A ristote et la phénoménologie selon Husserl La phénoménologie
. , m onadique une unité con sti-
» est un e um te
e t empor �lit é dont l'h , ce
domaine spécifique n'est pas comparable avec celui des ' i 111sc ien ce orizon
·
ms erti on dan s un
sciences de la nature. 1 1 1 1 · c pa r son . . . app arten ant a
111 clo ub lem en t
mfmi .. cha ue é tant
t faire l' ?i.1�
Les objections formulées par Husserl ont déjà perdu aujour­ poursui-
1
· t. d'un e recherche
d'hui de leur pertinence parce que le travail phénoménolo­ 1 l 1 1 1 1 rn i ne d'être peu . que d ans un futur sans
gique a investi la psychologie et que s'y sont fait jour des '' n aussi bie n
dans un passe m m 1
changements essentiels dont on ne peut cependant absolu­ "" . . de la conscien ce
1 )u He méthode fa
ut-il appliquer . à cet être
,
une dis-
1
ment pas espérer une réorganisation de la psychologie. On se
de la conscience donne lieu à
1.f10n.s générales et uni
contente en effet de reprendre un certain nombre de résul­ 1 11111 1' que l' e a b or a tion verselle-
' , , 1 1v con .
à des pro pos
.
duis ant . tzvi·te' absolue ?. Puisque cet
mats phe, no-
tats du travail phénoménologique et d'utiliser sa terminolo­
, , , , ·1 1t ·ontra an t s, et à un e o b1ec
gie, mais cela ne conduit à aucun amendement de la science . ign � nature
n'es t pas
1 ' 1 1111t est un domame d v
etre q ui
l'on pratique
, d e ne peu t pas e� t re celle que
d) L'être spécifique de la conscience considérée 1 1 1 1 · 1 1 , l a met h o . . .
. ntiflque de la nature. D ans la mesure
comme le véritable objet de la philosophie d111 1s l'in terrogat10n scie pas nat ure ' mais possèd
e quelqu e
. re
on n'est
essence, 1 a eule méthode l'in tuition des
et la méthode de l'intuition des essences 11 1 1 I' tan t en qu esti pouvant con d m
' l i 1 1tJ • comme une
pour atteindre des propositions
universellement contraignantes '' d s résultats ferm es es �
�a méth ode de
seule, satisfait à ce que re
quiert
n s 1 · 1 1 ces . Cett e met, hod e, et lle . utres
f
nce qui parvienne à d'a.
1 1 1 1 . cons 1 d
. era , io n de la con scie
À la différence de l'être de la nature, la conscience a ceci de . sciences
. , s et a, d'autres constatations que celles des .
particulier qu'il n'y a pas en elle quelque chose comme une 1 ,·p ula nte voir les connexions
' il- la na tur e, e t q . ,
ui ait pour ac
t� h e de
unité identique qui se maintiendrait de part en part à travers a vu sous
et de me ttre ce qu' elle
1I , ·11 les
1de ales
. n ftfiques con trai
en tan t qu'
une multiplicité d'expériences directes . C'est une chose qui est ..
. . ns scie gnantes.
fondamentalement exclue du domaine d'être du psychique . ln1 me de propos itio
Chaque vécu perceptible n'est déjà fondamentalement plus le
même à l'instant où l'on va pour le percevoir une nouvelle . . des pro blèmes enten due
fois. Le fait qu'un étant caractérisé comme conscience ne I /11 § 9. La cla rificatw n . .
1 '
me puri Fica tion et radica hsatwn
puisse pas être identifié va si loin que cela vaut aussi pour un com n dation
sou�i d� � ûre te et la fio
,
seul et même sujet, tandis que les [70] choses de la nature peu­ de leu r ten dan ce. Le
_ olu e
vent, quant à elles, être identifiées intersubjectivement. C'est d'une scien tifzczte abs

:
là le fondement concret de la caractérisation de l'être du psy­ , l'endroit de cette
. considé -
chique comme courant et comme flux . Ce n'est pas une termi­ N us �� man don� mamten;
� ive cette critique, qu' est
-ce
i Il n cn t1que : q u est-ce qu
. ·
nologie triviale, populaire, mais la raison en est le mode d'être i · et ? Com men t
ge, �e,��le caractériser
l'ex am en de son ob1
· ·
·
spécifique du psychique lui-même. Cet être psychique, ainsi le cho ix e t ode ,

o - nous, d �une façon


q i i:no t 1ve
u cette meth
.i ·v
I ,
caractérisé dans sa perceptibilité, ne se présente pas fonda­ - à ce propos que la méth ode
e l J e -m e m e ? H usser
n
'*
mentalement à travers des apparitions, mais est lui-même
LI ne clar t1 · pi. ca (
ll' i qu
nit
.
·
.1. on des pro ble mes .
on
objet tel qu'il apparaît. L'objet de la philosophie n'est jamais ,
once c t re u. n e na tu ralisation, et cela
nature, mais toujours phénomène. Il est remarquable que H us­ a r i t i 1 u s pro n

1
/
J). 8
serl, dans les Recherches logiques, où il mène ses i n vest igat ion
., op. dt., p.
1 li lei., p. 97 \ t rnd . fr 1 ..
om pl ni
dans une perspective phénoménologique concrè t e r e fuse
f. . • • SL•J' ' l , ;\111 1eXt'.
nl ' .
d'employer ce terme de phénomène . Cet � t r s i n g u l i · r •
89
urd'hui
88 <l>mvoµevov
La phénoménologie d'aujo
chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl
scien tificité abso-
''" l
' . 'est l'assur ance et la fon.dation d'u ne
n� turahsrr:: i , la critique parce quba e sa
1
afin d'atteindre une science véritable de la conscience. Dans la
'"'
.
mesure où cette clarification est critique, l'ambition et l'idée
d'une élaboration scientifique de la conscience sont précisé­ I ' ' 1 1 h l m a tiqu e et ,
:!
t���: �is�nt , à asseoir, surauuntravers
, l't normative
1 ega
e se
ment élevées à l'absolu. La décision est donc en même temps ... l1·11 tifi quement ass�re�!{· lau em :xa
i l 1 1 1 11· laboration scient iq , enc:lar cte de la conscience .
ifi
une décision principielle pour la chose considérée. À travers
cette critique, il s'agit de faire en sorte que devienne possible 1 ' ' i ' l ,/,l q ue. , p rend la forme d une ioncati
on des p roblè
on fai
ble, m· es à ,la tra.dit, et le questionne, et t
mes.
. nne du
sie
1 ,
1 1 1 ,·prend les pro
une légalité rigoureuse, c'est-à-dire une légalité rigoureuse­ , ·swn d etermmee po ur
deci
' " ' 1 1 1 . cou p un e nt la
1 11 1 1 1 1 I ten d
ment objective, contraignante et légitimable. Cette démarche
a
.
ance du qu estwnnement, et
cela en radicalisa . po
« » ur
" i 1 . /1 m e a
qui vise à purifier spécifiquement le champ conscience de d . Il s'a git
toute réalité effective, ce qui constitue la base d'une philoso­ , l' œuvre dans. ce que l' on repren la ten ce dan
1 l 1 l'l'. ' tl de m� ne�
rad1cal em�nt à son terme
1 1 1 1 l l fi que . on
phie comme science rigoureuse, - cette démarche tendue
11 ' entee sur les scien��s de' la des nature. En conce-
vers l'universellement contraignant correspond au souci . e une cl anficati on problèmes, la
' 1 1 1 1 1 l ;. 1 cntiqu� .co,mm
' ' • t ue 'est dec1 dee pou; � :�
caractérisé précédemment comme souci d'une connaissance l t dance scientifique duéli natura-
' er
urification vis ant à min
1
connue.
l i •u 1 1
d u
tl'bl �s d :mettre en péril la
. Ile pre nd la for m conquête
'i 1 1 1 1 'S mo me nts suscep
Pour un sujet, un vécu ne saurait jamais se répéter identi­
.
rification
' 1 1111

quement à lui-même. Le complexe d'être propre au psy­ a bsolues . Ce tte pu
vidence et d'u ne certitu.de
son absolu isafi�nb.
(,

i l 1 I l l ten dan ce est


chique est un courant de vécus réglé par une temporalité
I " Tl no us faut do�c. d'�bo r
/
av01r n présent à l'e spritrticer
déterminée et doté d'un horizon doublement infini. En ce qui
concerne la possibilité d'identification, on pourrait dire que
q11" i;l� oifie une clanficatw n des .P.ro b e'�es� pour voir à pa ue
ce vécu est identifiable intersubjectivement dans la mesure nd l a punficat'o i n d la problématiq
" ' 1 : l a f. orme ue pre
' ' ' ' la mét�ode de
où un être psychique est entendu univoquement par une plu­ la. . [73 ] philosophie naturaliste
, et com-
. ifzczt. , abso lue s' manifeste en chacune
l l l l ' l l i Je sou ci de sci
ralité de sujets. Cette possibilité d'identification ne doit
cependant pas être confondue avec la possibilité d'identifica­ , li " · s ta pes 2 0 I � �aut v01r co°:i.�
ent �
: � l'ordre des prmobent lèmes
; sit�v �ment a� t alisme com se
' •1 1 ' n1p run te po
tion intersubjective de la chose naturelle. Cet être psychique et
hef ici u�� 1:a��n af�� dém
est interprété par la psychologie, quant à son mode d'être, . terminé e au na tur a-
comme une chose qui est là en accompagnement de [72] la 1 1 1 1 1 1 1 f s t � dere� pro blè me de
1 vo� om ent le
a vra3 i. d ire 1e problème decen
1 1 •1 1 1 1 " ·t a sa me tho ?e.
la connaissance
/ 1 1 1 , na 1 san ce , et
nature. L'être psychique est posé comme fondé dans l'être de '
ii . . ·
.s

, /1 • 111 n a t u re P hysi· ,
la nature. Toute légalité est une légalité de réalités de fait et . que, occupe une pos1't'o i n trale ·' et par
la science de la nature a affaire à des réalités de fait. La ques­ ' at'q
em i ue qui fournit son
.
1 1 111� ·que nt q ue c est cette pro bl
,
.
11 1 1 1 on a u. t· b em�
tion est alors de savoir s'il est possible de rendre intelligible ». '
ent en se
·

de Ja conscience 4o Consmm
«

i 1 1 t t a ·ha nt à cer
une réalité de fait comme telle par des faits. l'h istoire, on
tames tenda�ces .à l'œuvre da
Ce qui nous importe maintenant, ce n'est pas de prendre
position sur l'être de la nature ni sur le psychisme ; c'est de 1, .. 1 1 1 t po s i t ive me nt
à contribution.
savoir quelles sont les tendances qui animent la critique du
naturalisme, quel est Je souci qui guide le choix de l'objet et la
critique. Nous soutenons avant tout la chose suivante 1 :

souci qui est à l'origine du choix de l'objet de la critique est


le souci d 'une connaissance connue, le souci de s 'assurer de la
connaissance au moyen d'une con n a i s a nce de l a co n na is-
t 0 <J>m v �L vov chez A ristote et la phénoménologie selo
n Husserl L a phénoménologie d'aujourd'hui 91

§ 10. La clarification des problè N 1 11is distinguons finalement : 1 1° la recherche en tant que
mes 1 1 •1/d déterminé du Dasein ; 12° le souci lui-même en tant
q 1 11" possibilité déterminée du Dasein. Ce n'est qu'à par�ir de là
Sur le 1°. Qu'est-ce qu'un problème, quelles sont ensuite
q 1 11 s décide ce que signifie se décider pour un « ��oblem� ».
1 >nns cette question concrète : le monde exteneur e �st� -
les possibilités contenues dans une clarification des problèmes ?
t 1 · ]'interrogé est le monde extérieur. Concernant les d1ffe-
En interprétant de façon plus précise le complexe phénomé­
1 1 · n t ·s possibilités touchant l'interrogé, c� demie� � eut d'abord
n �l « pr�blème », nous allons découvrir des phénomènes qui,
'' t 1 1 • pris en considération plus ou moms exphcitement. L �
d eux-memes, nous occuperont fondamentalement à nouveau
par la suite. q 1 1 dJÜonnement peut tenir compte plus ou moms _ de ce qm
1 · l i v bé à proprement parler avec ! 'interrogé, par exemple ce
Le mot qui restitue le mieux celui de problème est « pro­
.
' l " l ' •i n ifie « monde extérieur » par opposition à � n « �onde
jet ( Vorwurf) ». On a coutume d'identifier « problème » et
« question ». Un problème est une question configurée d'une 1 1 1 1 l'ieur » possible, et ainsi de suite. Il peut auss� arnver -
manière déterminée et posée de façon expresse. Pour mettre
' " ' · ' st d'ailleurs la règle - que dans ce questionnement,
en lumière le « problème » lui-même dans sa structure nous
' 1 1 1 1 1 1 rrogé ne soit pas envisagé plus avant. Il est certes là à
1 t 1 d'objet thématique de la question, mais non pas dans un
allons examiner de plus près ce qu'est une question.
1 1 · i · 1 1 rd appropriatif explicite. L'interrogé lui-même est donc
, 1· q u e la question articule, dans notre cas c'est le monde
a) La question et ses structures
En toute q �estion, nou� distingu · · � I ! ri ur.
_ nne, ; 3 ons : 1 ° !'interrogé ; 2° le nans la question, !'interrogé est saisi selon une certaine
questio
l " ' ' SJ ctive, on questionne pour sav?ir si le m?nde extéri� ur
la perspecllv e dan s laquelle on que
e:z vu� de q �oi �'int errogé est interrog stionne, ce
tionne en lm ; 4 la mo dalité du que p nHS de ou non une réalité. Ce qm est questionne, c� � est
é - ce qui est ques­ ,
p 1 1 t, 1 monde extérieur, mais l'être réel du � ond � exteneur.
stionnement elle-même
1 11 qu stion elle-même articule donc le questio?"ne selon une
c'est-à-dire le fait d'attendre
à proprement par ler un�
réponse. 5° Le trait caractéristique
fondamental de ces diffé­ , 1 1 1 t n i n e perspective. Le questionnement configure le ques­
rents moments permet alors de com
prendre le rapport entre t 11 111n en fonction de la manière dont !'interrogé est à
question et p roblème. Nous distingu
, huqu
ons en outre : 6° le mode fois lui-même rendu immédiatement présent. La
d'encontre de ce qu'on appelle que
p 1· 1 sp ctive du questionnement, c'est donc, en l'espèce, ce en
stion ou problème savoir
si les questions [74] se rencontren
"" · de quoi le monde extérieur est interrogé, en l' ? ccur-
t comme on tro�ve des
pierres sur un chemin - l'être de
1 1 · 1 1 : la réalité. D ans quelle mesure [75] la perspective d u
Ja « question » ; 7° l'élucida­

tion des modifications possibles des
�ans _une question ; les différences
moments déterminants q 1 1 ti t i n uement fait-elle l'objet ? 'une appropriatio� expre�s� ?
t1 1
_
p r pective » est ce que vise le regard lorsqu Il se du� ge
entre interrogé et ques­
. 1 1 1 q u el q u e chose, Je contenu de cette visée). Toute question
tionne, entre la perspective du que
quest�onnement ; 8° la mise en évid
stionnement et le mode du
question et en tout problème, i1 a
ence du fait que , en toute o·'ll uj t t e à l a même possibilité d'illusion que c�lle que �ous
toujours déjà été déc idé pa r
ava�ce ? 'une méthode déterminée ; 9° , . 1 111s cl j à rencontrée à propos du langage. L mterroge est
le rapport entre problème en vue de quelque chose - e n vue de son être,
et histoire des problèmes ; 10° l'analys
e et l 'inte rpré tat ion déci ­ as cl la question que nous avons prise pour exemple.
sives de Ja question comme telle
en tant q u e recherche. La
née . I l s'ag i t de m on t r r ici
ntendons en fait spontanément par
co m m t J. Dans le q uestionné,
question est une recherche détermi
que la « que stio n » n 'est pas du tou t
un phé nom ne th ori q u c . n tant que qu. lqu hase. Et ce
'hui 93
La phénoménologie d'aujo urd
<l>cuv6µ.i:vov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl

clans ce cas, ce à quoi tendenla con réponse au bout du


1 1 11 1 1 1 1
» nexion idéale de
�< en tan� qu,e quelque chos� en vue de quoi !'interrogé est , 1 1111p tc, c'est une possible mi se
mte1_roge, c � st l� perspective du questionnement ou c'est
p� u_tot 1.es propositions valides.

.
; ce qui se tient dans cette perspective, ce vers quoi se 1 1 111t
à une qu est ion peu t av0 1r. �uss1 �ne
��nge le �ues�10n:iement. La perspective fait l'objet, comme
_ li) M ais la rép on se
nt différente, une onentation
1 mterroge lm-meme, d'une appropriation plus ou moins ' " w11 tat ion fondamentalemepar conséquent aussi la question,­
. 1 1 1 1 1 1' laq uel le la rép
onse, et
expresse dans ,le . q,uestionnement lui-même, par exemple le
, lw1 he à se porter elle-même,l'ét par la réponse, dans un rap
ental déterminé à
» ant inte�r.ogé, do�c �on pas
t ' " / /, fi ndam
conc:pt de « reahte est d'ores et déjà plus ou moins fixé. Le
d �gre auquel la perspective du questionnement a été configu­ unitaire de propositions, maise aetpod'u rter
,1 iiiïl ment er un fon ds n
1 • 1 1 1 de celui qui question
ree pour être disponible en toute clarté détermine en même ne au contact d'un êtr
temp� la possibilité pour que soient mis en relief au contact par ce qu 'il y � un dan -
de l'mterrogé lui-même, les moments caractéri�tiques ' par . l1 11111:1 1ne réa l, précisément peunt-êdetrel'ét en question . Ce tte
I"
�xen�p�e les caractères d'être du monde extérieur. on voit , ntrinsèque à êtr e rejeté loi au conant
e à po rter tac t d'un étant en tant
I • 11Ja nce de la rép ons t s�
,,,, ,, tel comporte elle -m
imme diatement que la configuration de la perspective du
_ ême plusieurs possibilités. Ilr�epeu
�uestionnement est en connexion étroite avec la configura­
1 11 1 1 qu e l'étant, au contact duqu el il s'a�it de po r celm
ti�n des aspects manifestatoires de la question elle-même. En ond, se révèle, dans l'mterrogatl? n et la
mem� temps, ce qui a �té configuré dans la perspective du q 1 1 lftle stio nne et rép êm�
1 qi1 )l)se , être qu elq ue
chose qui mérite d'ê tre lm -m
questlonnem:nt peut faire qu'une question, même si elle se pre sens d'être, donc qu elq ue cho se qm
�on?� elle-meme comme question, soit marquée du sceau de 1 1 1 t l ' r r gé dans son pro
"' , .· d'être interrogé en
raison de son être spé ie rieden cifi qu e,
111 1 1 I · q ue rép on dre tre ?e
1 opmion dogmatique.
, tou t comme questionner, nenssigd'ê nif
�e véri�able questionnement, celui dans lequel on cherche d' tUt re que mettre au jou
r des déterminatio )
�ra1m�nt a trancher une question, se détermine à partir de ce
l'd 11nt . Cela implique que l'ét ant qui questionne (le Dasem
a qu�i, a, proprement parler, tend la réponse à partir de la
- à déterminer l'être de l'étants
marner� dont on ente� � _la, réponse elle-même, y aspire, la , 1 111t rib ue fondamentalement. La rép onse dispar�ît en ce se?
revendique. Les possib1htes caractéristiques sont les sui­ 1 1 1 1 rrogé, et réciproquement
p1 1 >pre qu 'elle ne parvient pas du tout à e� le-meme, _ a, � a �if­e,
s1 dir
k , ne du pre mi er
vantes : cas où elle se déposait, pour am ». Da ns ce
a) On P��t cherc?er à obtenir des réponses sous la forme ives autonomes
de proposll��ns valt�es. �a �éponse à laquelle on aspire est d11f \ des « formulations object
ent , il est possible que la répre se on ne
1 1 1 1 )( 1 de qu est ionnem de la
u?e proposit10n,' et a . vr�i dire une proposition telle que la sait disparaît
rep?nse app?rtee ennchisse et accroisse le trésor des vérités 11 1lt précisément réponse quee sidiselle aît et en même tem ps
l 1onn ma niè re. Si la répons chepar t
valides et pms�e être insérée et intégrée, au titre de ce qu'on
lil r , d'u ne certaine façon, rép le mi vers l'étant, on ne sor
n
1 •11s du. questionnement
no�me un resultat, dan� _un domaine d'unités objectives . La onse rebondit e_n ques�ionne-s
v�hdes. Tou�es les propositions scientifiques, dans la mesure ond du questionnement qm ren v01e san
1 1 r' i l t . Da ns ce reb
ou ?� conçoIt e? effet la science comme un système de pro­ constit ue ce que nous
_ �es, s?nt des vérités en ce sens-là. Il convient à un no uve au q uestio nne me ntichsekei �)- Il n'e de _prime
.ipp l ns la que stio nna bili
posit10ns ob1ecti té (Fragl st
_ une distinction dans la mesure où les 1 st10nner
cepend a�t de faire ici
_ 1 ho i d ri n d cid sur
le po int de savoir s1 ce (77 que
r p n lr
ou no n a�ec l'enri-
I'[
proposlt��ns, en tant que résultats, (76] sont des propositions p cifi que s on t un rap por t
nna i anc · caractérisé ci-dess
·

j/
us, s'il s ne sont
' hl s
de transitio� ? �ns la mesure où ces propositions, qui énon­ n-1' n l cl
cent des vahdites, forment la base d'un questionnement plus '
s n t nd re sur ce
. J I ' fa. u I r a i t d ' a bor d
ample les prenant elles-mêmes pour point de départ . M a i s 1 1, 1
94 <l>mv6µevov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 95

que signifie questionner et répondre de manière uniquement problème lui-même, et n'est interrogé que pour avoir été repris
scientifique. Ces guises possibles de la réponse et de la ten­ de la tradition.
dance de la réponse déterminent la mise en jeu de toute [78] Le plus souvent, les problèmes ne se présentent pas
question, la configuration de tout accès <à ce qui est en ques­ i;ous la forme de questions explicites, mais de mots-ques­
tion>. Il n'est pas possible d'engager ici une discussion tions. Ceux-ci orientent dans des directions déterminées du
concrète de toute cette complexion. questionnement une entente qui s'est déposée dans les mots.
Les mots véhiculent la problématique sous une forme tra­
b) Le problème et les moments di tionnelle. Ces mots-problèmes, et le mode d'être spéci­
de l'être d'un problème : la clarification fique des problèmes, peuvent être objectivés dans l'analyse
d'un problème implique de se décider historique ; on parle, comme on dit, de l' « histoire des
pour l'interrogé, le questionné, la perspective problèmes », de l' « état d'un problème » , des « intérêts
du questionnement et la tendance de la réponse dominants pour un problème » 1 • L'école de Marbourg a eu
l mérite tout particulier d'avoir éveillé (dans le cadre des
Qu'en est-il d'un problème par rapport à une quest
ion ? possibilités de l'époque) l'entente d'une analyse historique
Quel genre de question appel le-t-o n problème ? Dans
toute vivante, laquelle s'est ensuite désignée elle-même sous le
question, l'interrogé est posé conjointement avec
la ques­ nom d' « histoire des problèmes ». Pour cette analyse histo­
tion ; il ne fait pas l'objet d'une élaboration expresse.
Le pro­ ri.que, il existe en quelque sorte un fonds déterminé de pro­
blème est une question que l'on pose, une question
que l'on blèmes qui se trouvent par exemple chez Platon, Kant, etc.
tient expressément pour devoir appeler et mérit
er une e qu'on vient de dire doit montrer en toute lisibilité qu'il
réponse, c'est une question que l'on pose explic
itement n'y a de problèmes que pour des points de vue ; car c'est
comm e une tâche à accomplir. C'est par ce caractère
de tâche a lors seulement qu'une perspective de questionnement peut
qu'un problème se distingue de toute autre question,
et en ê t re fixée et maintenue. Une perspective de questionnement
est rendue en quelque manière explicite. Il ne peut y avoir
vérité la tâche dont il s'agit s'adresse à la connaissanc
e enga­
gée dans un travail de recherche. Dans la mesure où
le pro­ d 'histoire des problèmes que sur la base d'un point de vue
blème comporte une tâche expresse, l'importan
t est de philosophique explicite. En revanche, dans une recherche
progresser dans la réponse. Dans une problémati
que, on véritablement libre de points de vue, les seules sources pos­
consacre bien moins de temps encore à s'enquérir de
! 'inter­ sibles et les seuls motifs possibles du questionnement et de
rogé en lui-même. L'interrogé se donn e, d'une
manière la configuration des perspectives de questionnement, ce sont
caractéristique, comme quelq ue chose où tout ce qu'il
y a les « choses mêmes (Sachen) ». Un dernier moment est que
d'autre se tient déjà tout prêt. Cette détermination
d'être chaque problème apporte avec lui sa méthode. Ce n'est
pécifi que du problème fait que l'interrogé est néces
saire­ qu'avec des concepts déterminés qu'il est possible d'établir
ment recouvert dans une problémati que. Tout probl
ème
1 . Sur I'« hist oire des problèmes », cf. W. Windelband, Lehrbuch der Ge­
recon n u et débat tu publi quem ent n'est
pas tant l'indice qu'il
y a là que l q ue chose de fondamental, mais est un préju
la p l us dange reuse espèc e dans la mesu Tü b i n gen, 1 9 1 9, P- J V ; N. [- f artman n , « Zur Methode der �hilosop •e ge­
gé de schichte der Philosophie [ Manuel d'histoire de la philosophie], 8• éd: inchangée,
?
s hichte » in Kant-Sturlien, vol. 15, Berlin, 1 9 1 9, P- 459-485, passim_ Sur 1 « etat
re où les probl èmes , _ ,

d'un prob I me », f_ N_ Hartmann, Griindzüge einer Metaphysik d� r Erke;i ntnis,


en t a n t q ue tels, son t propr es à recouvrir
d a n s la mes u re 0C1 le probl è me reço i t une
les choses en cause '

1 9 1 , P- , !_ t rad- fr., R. Vancourt, Les Principes � une m�taphy­


sique de ln co1w.oissan ·e, L . 1 , Pans, A ubier, 1 945, P- 3 9 , 42). Sui 1 « mtéret pour
réponse et dépen d •,
Berl i n , L'i ! zi
_

u n prohl 1 1 1 • f. N . l l a r l m o n n , " Zu r Mel.ho le der Philosoph1egesch1chte »,


d u q u t io n n é _ D a n s u n probl ème, .!'inter
q t1 d a n s la p rs 1 cl i ve d u q u · t i onnem
rogé n 'est int rrogé _

op. f'lt. , p. 118 .


»,

en t hérit av J
96 él)mv6µevov ch z A ristoi• •/ la ph 1110111. 'tlOl gi • selon Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 97

quoi que ce soit sur l'obj t d· .l i m i L sur lequel on s'inter­ conscience d'un être humain. Husserl qualifie de « transcen­
roge.
Sur la base des moments de l 'êtr du problème dont on
dantal » le fait d'être ainsi libre à l'égard de toute position
naturaliste. C'est une purification du champ objectif au sens
vient de parler, il n'est pas difficile d comprendre ce que où toute position naturaliste se trouve mise hors circuit. Le
signifie clarification d'un problème . CJarifi r un problème, ce champ de la conscience n 'est pas, quant à son être, une réa­

1
n'est rien [79] d'autre que se saisir, à titre de tâche, de ce qui, lité de fait ( Tatsiichlichkeit). On ne met pourtant pas hors cir­
dans et avec la question, est interrogé et questionné, autre­ cuit le fait que [80] cet étant soit un étant individuel, unique.
ment dit c'est se décider conjointement pour /'interrogé, pour L'être de la conscience est, dans la mise hors circuit transcen­
la perspective du questionnement et pour La tendance de la dantale de la nature, une unicité individuelle de courant de
réponse. Cela vaut également pour la clarification critique de vécus.
la tendance de la problématique naturaliste. Y a-t-il une méthode d'élaboration de la conscience pure
t ranscendantale telle qu'elle conduise à des constatations ayant
c) La clarification husserlienne de la tendance une validité intersubjective ? Ce que Husserl appelle connais­
de la problématique naturaliste par la purification sance eidétique satisfait à ce réquisit. Remarquons également
transcendantale et eidétique de la conscience. ici que cette idée de connaissance eidétique résulte d'une
Évidence et validité absolue démarcation critique déterminée par rapport aux sciences de
ta nature. Cette purification correspond à ce que Husserl
Dans la clarification des problèmes du naturalisme, Husserl
1
appelle la purification eidétique de la conscience. Dans ces
1
se décide pour un objet déterminé et en même temps pour deux directions de purification, la direction transcendantale
1 une méthode scientifique, c'est-à-dire exacte. La clarification t la direction eidétique, ce qui est à l'œuvre, c'est le souci de
consiste à clarifier la conscience qui est ici posée, et à clarifier "assurer d'un champ objectif permettant d'atteindre tout ce
11
dans le même temps la perspective du questionnement ainsi qui est absolument contraignant.
que la tendance du questionnement. La modalité est celle de Avec la réduction transcendantale, on atteint enfin l'objet
la tendance à interroger scientifiquement et exactement ce t hématique à propos duquel il est possible de demander : com­
qui est à clarifier. Une purification de l'objet et de la méthode. ment une science qui s'y rapporte est-elle possible ? Com­
Cette double purification doit nous montrer qu'elle est ani­ ment faut-il le saisir pour qu'une science puisse s'instaurer ?
mée par le souci déjà mentionné d'une connaissance elle­ uel mode de saisie satisfait à l'idée de fondation absolue ?
même connue. .i l 'on envisage l'évolution de la phénoménologie d'un
i
1
En quel sens la conscience est-elle purifiée pour deve­ point de vue purement historique, on voit qu'il n'est pas
nir, après purification, objet d'une phénoménologie de la
1
ncore question d'intuition des essences dans les Recherches
[ conscience ? La conscience est posée dans la psychologie l giques . Dans la Deuxième Recherche, on a affaire à une
1 d'une manière telle qu'avec elle c'est en fait un être physique rte de t héorie de l 'abstraction, une phénoménologie de
qui est posé. Toutes ces positions de la conscience comme l'appréhension du général qui explore uniquement la
enchaînement de vécus sont autant de positions de la nature . n · cience de généra l i té dans l 'expérience aussi bien des
Pour pouvoir entendre des faits dans leur être-connu, i l ne imples cho es q ue des réalités à chaque fois en cause. Il
faut pas que la sphère qui doit permettre de les connaître ait t pa du L o u l tabli p a r là q ue cette saisie eidétique puisse
le même caractère que ces faits eux-mêmes . La conscience
M a is ' 'Sl r
l r l ra ns1 os , an pl us, à t us les a u t res champs objectifs.
doit être purifiée de toute immixtion de positions nat ura­ 1
1 rsq 1 ' ) J l <.1 i 1
lar q u l 'on procède /
listes. On ne doit pas poser en elle q uelq ue chose com m la 1 1 u l mode de
98 <l>mv6µcvov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl La phénoménologie d 'aujourd'hui 99

saisie propre à la conscience pure transcendantale qui donne


lieu à des propositions contraignantes de toute éternité. § 11. L 'ordre suivi par le questionnement et le fil
Il faut donc examiner quels sont les motifs décisifs qui directeur de l'explication de la structure
conduisent au souci de s 'assurer d'une scientificité absolue et de tous les enchaînements de vécus
de la maintenir s'agissant de [81 ] la conscience pure transcen­
dantale. Reste à trancher la question de savoir si l'affirmation
a) Orientation sur les rapports disciplinaires ;
de Husserl prétendant avoir établi quelque chose pour toute
conscience, y compris pour celle de Dieu1, demeure à bon
la philosophie comme science normative
et axiologique
droit. Husserl reprend à son compte ce qui est essentielle­
ment et scientifiquement décisif dans la tendance scienti­
Un deuxième moment qui révèle la présence de ce souci
fique. La problématique purifiée reste malgré tout, elle aussi,
l une connaissance connue est en relation étroite avec le pre­
du naturalisme.
En ce qui concerne le terme de « transcendantal » , il est à
rnier et se manifeste dans l'ordre suivi par le questionneme_nt.
e premier moment est l'idée de validité et d'évidence abso­
noter qu'il convient de dissocier, dans le travail de Husserl,
l u s. Tout le questionnement se déploie dans un cadre déter­
d'une part la façon dont ce travail se définit et se fixe termi­
nologiquement lui-même et d'autre part ce que Husserl a miné [82) qui est axé sur les disciplines et les rapports
réellement mené à bien dans son travail effectif. On n'a pas tl.isciplinaires. Il s'agit de fonder une nouvelle discipline des­
fait cette distinction, et si on ne l'a pas fait et si on a donc si t i née à prendre la place des sciences de la nature. On ne se
mal compris Husserl, c'est parce qu'on n'a appréhendé les demande pas si cette discipline a tout bonnement un sens. La
Idées qu'en liaison avec la philosophie de l'époque. En consi­ position de cette discipline est guidée derechef par un intérêt
dérant les choses ainsi, on s'est fermé tout simplement la pos­ hsciplinaire, il s'agit même de mettre en place la discipline
sibilité de voir l'élément décisif. Ce qui est essentiel, c'est fondamentale de la philosophie. La discipline qui vient prendre
tout simplement que quelque chose a été accompli ici, c'est 1.a place des sciences de la nature est censée devenir la disci­
que la chose en cause a été mise en mouvement. L'interpré­ pli ne fondamentale de la philosophie, laquelle se présente
tation que l'on donne de soi-même n'a aucune importance. lJ -même comme une unité de disciplines. Tout le concept
Le plus souvent, là où quelque chose a été effectivement Y philosophie s'oriente sur cette unité de disciplines pour
accompli, celui que cela concerne ne sait pas du tout de quoi 1 'quel les, en tant que sciences normatives, on s'assure d'une
il retourne. di cipline fondamentale.
n voit se faire jour dans ce contexte une autre tendance
L ra d i tionnelle de la phénoménologie, laquelle vise ici aussi à
u n cientificité rigoureuse : en l'occurrence la conception de
ln 1 h i l osop h i e comme science normative et axiologique. Tout
LU 1 ng de l 'essai dont nous parlons, rien n'est dit sur l'objet
r n 1 1 1 d e cette science, mai s on développe uniquement l'idée
d'u n li ·cip l i ne tra i tant de cet objet. Le souci d'une connais­
onnue se ni a n i fe te dans le fait même que l'on cherche
i n d r une n o u vel ) forme cl scientificité. L'intérêt pour
l 1 · host ni>me n s'"xprim pa du tout, si ce n 'est q u 'on dit
H usserl, ldeen, l, 1 56 sq. f t racl. fr., op. cit., p. 265 ] . q u ' i l a l i n 1 1 1 ' ho · ' p rm t l a n t q u lqu h se cl tel.
/
1. E. p.
1 00 <I>mv6µEVov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 101

b) La connaissance théorique comme fil directeur § 12. Les moments caractéristiques du souci
d 'une connaissance connue dans la critique
Le troisième moment est le fait que la problématique de la
philosophie, et de toute la critique, ne prenne pas pour fil
husserlienne du naturalisme : la ré-flection,
l'échéance, la préstruction, la mé-prise et l'omission
directeur quelque chose comme une structure fondamentale
de la conscience. Ce qui sert de fil directeur, c'est bien plutôt
la classe des vécus de la connaissance théorique, et ce fil
Demandons-nous maintenant, à côté de ces moments,
directeur sert en vérité à expliquer la structure de tous les omment se présente ce souci lui-même, quels sont précisé­
ment les moments caractéristiques à prendre en compte dans
e souci concret. Le souci de /'absolument contraignant, dans sa
enchaînements de vécus. La conscience pratique est toujours
traitée par analogie. « L'analogue vaut aussi pour l'évalua­
tion et l'action1 . » La connaissance théorique se voit donc manière de guider la critique et le travail positif, manifeste un
attribuer un primat, mais non pas au sens où on commence­ moment caractéristique, un phénomène qu'on appellera ré­
rait par se demander quel [83] est le phénomène originaire flection. Ce phénomène spécifique caractéristique du souci
onsiste en ce que ce qui est pris dans le souci lui-même -

l bjectivement contraignant qu'il s'agit d'atteindre - est


de la connaissance théorique. La connaissance mathématique
de la nature est mise sans plus au fondement à titre de proto­
type. Les sciences dites de l'esprit sont toujours envisagées présent dans l'être concret du souci lui-même au sens où tout
par opposition aux sciences de la nature et sont déterminées e qui entre dans l'horizon du souci se trouve foncièrement
relativement à elles comme autres. L'idée de science est pré­ déterminé par cela dont le souci se préoccupe.
dessinée par l'idée des mathématiques comme science. On Tout ce que le souci d'une connaissance connue intègre
prend à nouveau orientation, d'une manière purement for­ au complexe de ses tâches [84] est envisagé à la lumière de
melle, sur le moment de la validité. La validité de type nor­ souci. Toute question, tout ce à quoi le souci a affaire est
matif est appréhendée elle aussi à partir du théorique pur : a ppréhendé d'emblée dans cette perspective déterminée.
« Les principes logico-formels sont l'index exemplaire de H u ·serl dit littéralement : « En fait, l'idée de science
toute idéalité2. » Ces quatre moments caractéristiques ont dû rn brasse tout ; pensée dans son achèvement idéal, elle est
faire apparaître que, dans toute la problématique, c'est bien l ' l raison même1• » Cette proposition est d'une p ortée qu'il
le souci d'une connaissance elle-même connue qui sert de n faudrait pas totalement sous-estimer d'emblée. La ré­
guide, qui définit le problème, et qui se maintient d'un bout n ction de ce dont le souci se préoccupe sur tout ce à quoi
à l 'autre. 1 a. a ffaire est un moment caractéristique du souci dans la
m. sure où ce dernier se caractérise par le fait qu'il ne sait
ri n de lui-même.
a ns un souci de ce genre, il y a quelque chose qui reste

"P i hq u e ment inexprimé, à savoir que le souci échoit dans


· l a même dont il se préoccupe. Le souci, en tant que tel, ne
p nd pa le temps de se demander si ce à quoi il a affaire ne
ra i l pas d t e r m i n é n défi n i t ive par lui-même. Que cela
i t t i r i m p l i c i t m n t d l u i-même, c'est ce q u 'exprime la
1 . f. E. H usserl, « Philo ophie ais strenge W issenschaft », op. cil. , p. 290
/

. Ibid., 1 . V 1 f. L rn 1 . fr., op. cit., p. 20] . 1 . //J /., [ 1. 9 1 f. tri 1. fr., Of .


r 1 racl. fr., p. 1 2- 1 l
cil., 1 . 1.
1 02 <l>mv6µcvov chez A ristote et la phénoménologie selon Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 103

ré-flection. Ce que nous découvrons maint enant, c'est ce trait précisément en se mé-prenant en lui-même. Le fait de se-mé­
du souci que nous appelons l'échéance ( Verfallen). prendre-en-soi-même est ce qui conduit le souci à déterminer
Cette inexpressivité qui permet que le souci s'absorbe en toutes choses à partir de là.
lui-même a malgré tout une expressivité spécifique : celle de Ce se-mé-prendre-en-soi-même fait que tout ce qui croise
la préstruction à titre de reflet spécifique donné avec le souci. le chemin du souci est pris en préoccupation d'une manière
Le souci, dans la mesure où il s'absorbe dans ce dont il se telle que ce qui n'entre pas dans la préoccupation du souci,
préoccupe, est certes inexprimé, mais il s'interprète malgré non seulement n'est pas là, mais est pris en préoccupation
tout spécifiquement lui-même sous la forme d'un système comme quelque chose n'ayant pas à être là. D ans la mé­
programmatique : il se procure à lui-même une signification, prise, nous voyons se manifester un autre phénomène que
un sens, une explicitation dans le programme qu'il se nous appelons l'omission. Tout souci en tant que souci omet
construit d'avance de façon tout à fait formelle. À travers quelque chose. Ce n'est nullement un phénomène qui serait
cette construction qu'il projette en avant de lui, à travers appliqué au souci de l 'extérieur. Ce qui est omis, c'est préci­
cette « préstruction », le souci se donne une tranquillité bien sément ce dont le souci prétend lui-même se préoccuper.
spécifique et s'assure de quelque chose qui oblige en contrai­ Essayons de nous rendre présent concrètement ce phéno­
gnant objectivement. Le souci se procure, par cette sorte de mène. Examinons quelle est la nature de l 'omission du souci
préstruction de ce dont il se préoccupe, une expressivité spé­ d'une connaissance connue, c'est-à-dire demandons-nous si
cifique. Le souci a besoin d'une tranquillité spécifique pour ce souci n'omet pas quelque chose dans le champ, précisé­
pouvoir s'adonner entièrement à l'objet de sa préoccupation. ment, de ce dont il prétend se préoccuper. Nous demandons
Par cette préstruction, la ré-flection se trouve en même donc : quelle est cette omission qui se manifeste dans ce
temps [85] renforcée dans sa possibilité. L'assurance avec souci concret ? En mettant ainsi en lumière une omission
laquelle on présente tout dans le sens du programme, avec déterminée [86], et en vérité en tant qu'omission procédant
laquelle on fait violence à l 'histoire tout entière, s'accroît de ce souci déterminé, nous obtenons une confirmation sup­
avec la configuration de la préstruction en tant que telle. La plémentaire du caractère de souci de ce souci lui-même.
ré-flection va si loin que la possibilité d'une morale concrète Nous allons mettre au j our cette omission caractéristique en
est rendue dépendante de l 'existence effective d'une éthique examinant la seconde partie de la critique husserlienne, la cri­
considérée elle-même comme science absolument contrai­ tique de l'historicisme. Il nous faudra voir dans quelle mesure
gnante. La préstruction consolide la ré-flection dans ses pos­ on peut déceler, dans cette critique, une omission spécifique
sibilités d'efficience. Tout ce qui fait encontre est déterminé à ce souci. Pour cela, il nous faudra d'abord montrer que
par l'idée selon laquelle toutes les tâches à venir sont déjà cette omission est déjà perceptible dans la critique du natura­
prédessinées, et est considéré de ce fait comme ayant déjà lisme. C'est seulement à partir de là que nous verrons que
une place précise dans le programme. cette omission n'est pas une sorte d'oubli. Nous verrons que
En suivant à la trace ces moments de ré-flection, de pré­ ce qui est omis fait bien l'objet d'une omission mais d'une
struction et cette expressivité caractéristique du souci, on omission au sens du souci. Ce qui est omis n'est pas oublié, il
voit se manifester quelque chose d'originaire qui est au fon­ est tout bonnement exclu. Le souci se défend contre cela
dement de ce complexe phénoménal : un phénomène fonda­ même qu'il omet.
mental qui n'est pas seulement propre au souci, mais dont L'obj e t thématique est la conscience et c'est en vérité la
nous verrons qu'il est lié bien plus intimement encore au J :r a J i t d chaque comportement possible. Cette légalité est,
caract è re d 'être d u Dasein, à savoir la mé-prise : le souci, e n n L a n t q u e t I le, idéale e t possè de u n fondement idéel : elle /
' a bsorba n t d a n l o bj e t de sa préoccu pation , est c q u 'il
' t doi t t r rL i fi mm l a l i t normat ive de manière à
1 04 <l>mv6µi::vov chez A ristote et la phénoménologie selon Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 1 05

fournir une norme générale et absolument objective pour le Dans la mesure où la seule chose qui importe est de fonder
Dasein de l'humanité en son entier. La science normative se la validité, l'exploration de la conscience progresse de bout en
voit assigner la tâche de régler et d'affermir, par son assu­ bout en détournant d'emblée le regard de cela même qu'il
rance, le Dasein humain, c'est-à-dire la culture. Jusqu'à pré­ s'agit de normer. Il faut bien voir que cette omission n'est
sent, il n'a jamais été question de cela même qu'il s'agit de pas une simple négligence, une faute d'attention, quelque
normer ; j amais l'étant qu'il s'agit de normer ne fait l'objet chose à quoi il pourrait être remédié après coup, mais que ce
d'une recherche qui serait conduite dans une perspective tout qui est ici omis est omis à la façon de quelque chose dont on
aussi originaire. Il est même dit que des phénomènes tels que se préoccupe qu 'il soit omis. C'est là le véritable sens de l a
le « Je concret » et l ' « âme » doivent être mis hors circuit. critique d e l 'historicisme.
Donc cela même qu'il s'agit de normer n'entre pas du tout
dans le champ de l'objet thématique proprement dit. Quand
on affirme qu'il y a là une omission, cela ne signifie nulle­ (88] § 13. La critique husserlienne de l'historicisme1
ment qu'on devrait s'enquérir de ce qui est à normer pour
que la norme puisse être mieux adaptée à ce qui doit être La question qui se pose à présent est de savoir comment
normé. Il s'agit bien plutôt de dire, et plus principiellement, l 'histoire est prise en vue dans le cadre du thème de la
que le sens de la norme, et de la légalité normative, ne peut conscience. On a souligné le fait que la problématique philoso­
être mis au jour tant qu'on ne s'est pas rendu présent le phique s'orientait fondamentalement à cette époque, et c'est
genre d'être que l'on vise avec l'être normé et l'être qui peut t oujours le cas aujourd'hui, sur la science et sur les disciplines
être normé. [87] La possibilité de la normativité ne peut être scientifiques ; l'histoire entendue comme objet thématique d'une
mise en lumière si cette normativité n'est pas envisagée en ·cience ou d'un groupe de sciences, l'histoire en tant qu'objet
de savoir scientifique, en tant que science historique.
tant que normativité pour, et cela veut dire si le pour quoi de
la normativité n'est pas envisagé dans sa structure d'être.
Si cette omission est bien présente en effet, si l'idée de a) L'autre terrain de cette critique
norme est discutée avec une légèreté aussi étonnante, c'est
parce que l'idée de norme procède d'un regard bien particu­ Husserl affirme en guise d'introduction que l'historicisme
lier issu lui-même du souci d'une connaissance connue. Cette st une surenchère d'idées scientifiques déterminées. La
·ci nce de l'histoire, dit Husserl, n'a affaire qu'à des faits. Son
idée de norme est puisée à l'état de choses du jugement théo­
rique : on invoque une proposition théorique. La proposition bjet relève des sciences empiriques positives. Au premier
ainsi invoquée sous-tend toute la considération puisque c'est
abord, on ne voit pas comment cette question peut avoir un
l i n avec l'idée de philosophie comme science rigoureuse.
à son contact qu'est mise au jour la différence entre occur­
rence propositionnelle qui survient et sens propositionnel qui
Parallèlement à la théorie de la connaissance, se développe
vaut. Le sens, objectivement valide, est toujours lui-même
t te époque une philosophie qui a reçu son impulsion de
tandis que l'énonciation judicative concrète change au
i l l h y. Dans ses travaux sur les sciences de l'esprit, Dilthey
t pa rvenu à des vues fondamentales sur la science histo-
contraire réellement. Tout ce qui relève de l 'occurrence judi­
cative se trouve mis hors circuit dans la mesure où c'est une

1 . Sur 1 s § § J · - 1 4, ·f. E. H usserl, « Phi losophie ais s t renge Wissenschaft »,


forme trouble de la manifestation de ce qui vaut. C'est sur
p. clt. : « l l istorizismu� und Wcl l � nsch a u u ngs1 h i losophic », p. 323-341 [ t ra d . fr.,
cette base fragile que la définition de l'idée qui est valide,
etc., est obtenue pour être ensuite étendue formellement et
analogiquement à tous les comportement s de la conscience. Inn du monel · " » , r >· 1 1 -80 1.
!, 1 f 'li//o.l'!Jp/iit' co11111ie science rigo11reuse, « l l istori ·ism e t phi losophi comme
"
106 <l>mv6µcvov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 107

rique : le « développement de la conscience historique » déterminé de connaissance et si nous nous demandons ce


entraîne progressivement, selon D ilthey, la ruine de la dont ce souci se préoccupe dans cette conscience. Il s'agit de
croyance dans l'existence d'une philosophie absolue, c'est­ déterminer le souci qui anime la critique de Husserl. Le souci
à-dire ici de la conscience de quelque chose en tant que d'atteindre une sûreté absolue en ce qui concerne la connais­
savoir1• B ien plus que l'i ncompatibilité des systèmes, c'est le ·ance détermine le choix des thèmes qui sont à l'œuvre dans
développement de la conscience historique qui conduit préci­ toute la critique ainsi que la manière de les traiter. Nous
s �ment � la conviction qu'une philosophie absolue est impos­ avons mis au jour au bout du compte un moment fondamen­
sible. Disons tout de suite que ce motif n'a pas été éclairci t a l du souci que nous avons caractérisé comme cette omis­
autant qu'il aurait pu l'être [89] et c'est la raison pour sion présente en tout souci. [90] Pour bien entendre ce dont
laquelle la critique husserlienne de l'historicisme se situe il s'agit, remarquons tout de suite que l'omission est elle­
d'emblée sur un autre terrain que la critique du naturalisme. même une chose dont le souci se préoccupe. Une omission
Avec le naturalisme, on n'a pas seulement affaire, de façon peut être caractérisée comme un souci déficient. Est déficient
beau�oup plus lisible et beaucoup plus tangible, à un groupe un être qui, dans sa guise d'être, porte atteinte à ce à quoi, et
de sciences, à une théorie de la science, mais Husserl s'inté­ •n vue de quoi, il se rapporte en tant qu'étant. L'omission est
resse en priorité au groupe des sciences de la nature et n'éla­ lonc elle-même un souci, et à vrai dire un souci déficient au
bore pas le second groupe de manière approfondie. C'est s ns où le souci ne peut atteindre cela même dont pourtant il
pourquoi l'analyse de la surestimation de la scientificité de ce préoccupe conformément à son propre sens.
groupe devient plus incertaine, l'argumentation plus circons­ Le souci se soucie, entre autres choses, que quelque chose
pecte et celle-ci fait par ailleurs davantage appel au senti­ it laissé de côté. Ce qui caractérise le souci dans son être,
ment qu'à l'évidence absolue. Cette critique se meut dans n'est pas simplement d'être, mais d'être tel ou tel et d'avoir
une direction telle que Husserl en vient à dire que l'histoire, t lies ou telles possibilités déterminées. Cette mobilité caracté­
c'est-à-dire la science historique, ne peut se prononcer ni ri t i que inhérente à l'être de tout souci prend pour nous la
pour ni contre la validité des idées. Donc le fait que la philo­ forme de l'omission. Omettre, ce n'est pas seulement laisser
sophie n'ait pas été jusqu'à présent une science rigoureuse d côté quelque chose, mais, dans la mesure où le souci a
n'est pas une preuve contre la possibilité de l'idée d'une telle a ffai re à ce dont il se préoccupe, il a aussi affaire à ce qu'il
philosophie. L'argument habituel est mis en avant : l'histori­ met. Le souci se soucie que la chose omise soit véritable­

cisme, pensé jusqu'au bout de manière conséquente, conduit m n t omise et ne vienne plus croiser son chemin (en quoi on

à un relativisme et ce dernier à un scepticisme*. · n t i n ue apparemment, dans l'omission, à se préoccuper que


qu lque chose ne soit pas omis). Le souci barre lui-même la
b) Le Dasein humain est ce qui est omis v i à ce qu'il omet afin de ne plus jamais être importuné
dans le souci déficient de normativité absolue d a n son omission.
Retenons donc ceci : de quoi se préoccupe-t-on ? De ce
q t 1 l a norme soit absolument contraignante et que ce carac­
i r con t ra i gn a n t soit justifié, et ce afin qu'une forme idéale
Pour nous, la question directrice est d'entendre la
ci
conscience dans son caractère d'être. Ce caractère d'être
u l t ur e devien n e possible à titre d'accomplissement véri­
t bl
devient visible si nous nous rendons présent concrètement le
1 l ' i dée d ' humani té. On met en avant une détresse
pr u m d u Dasein h u m a i n à l a que l l e i l i mporte de remé­
souci qui se porte sur la conscience entendue comme champ
·

L Ibid., p. 324 [ trad. fr., op. cil. , p. 63] . c i i r fonda m- n l a l men t e n t rava i l l a n t à ce que les normes
* Cf., à ce suje l , Annexe, compl m e n l 9, s. � n s n" 1
.
p. 322. Dasein h u main
108 <I>mv6µEVov chez A ristote et la phénoménologie selon Husserl
La phénoménologie d'aujourd'hui 109

entre bien lui aussi dans l'horizon de la préoccupation. La vérité Dilthey est invoqué d'une manière telle qu'il se trouve
question subsiste donc : qu'est-ce donc qui est omis ? Dans ce neutralisé d'emblée par un slogan. Cette critique se prive de
souci d � s'assurer absolument de la norme et en même temps la possibilité d'entendre un tant soit peu positivement le tra­
de configurer une légalité de bon aloi, le Dasein humain n'est vail diltheyien en quelque sens que ce soit. Puisque ce travail
jamais lui-même problématisé. Cela même qui doit être est placé d'emblée dans la rubrique « historicisme », la cri­
assuré comme tel n'entre à aucun moment dans le thème de tique va consister à mettre au clair toutes les inconséquences
la considération. Tout d'abord cela n'entre jamais dans le qui se rencontrent chez Dilthey lui-même. Dans cette cri­
thème de manière fondamentale au même titre que tout le t ique de l'historicisme, les obscurités ne sont pas clarifiées,
reste ; ensuite on le [91] relègue comme une chose d'impor­ mais deviennent principielles.
tance secondaire, comme ce dont on se souciera plus tard. [92) En ce qui concerne la question de savoir comment se
Tout le poids du souci porte uniquement sur la légalité nor­ présente le Dasein historique, Dilthey a lui-même lâché prise
mative en tant que telle. Ce qui est omis, c'est ce dont on se parce qu'il n'avait pas du tout la possibilité de poser cette
préoccupe à proprement parler : le D asein humain. On ne se question. Il faut dire toutefois que l'idée d'interpréter Dil­
demande pas ce qu'il est, mais l'idée d'humanité et le they à la lumière d'une philosophie normative quelle qu'elle
concept d'homme sont abandonnés à l'appréciation du bon oit, pour ensuite le cataloguer comme relativiste, est totale­
sens ordinaire. Nous allons voir à quoi ressemble plus préci­ ment étrangère à son style. Il faut laisser en place le travail
sément ce qui est omis et en quoi le souci est un souci défi­ de Dilthey tel qu'il est. On n'a pas le droit de le juger à
cient, comment le souci se soucie de ne pas se laisser aborder l'aune des représentations bien connues que l'on se fait ordi­
par le Dasein humain, de le rendre inoffensif et de le mainte­ nairement de la philosophie ; il faut comprendre que son tra­
nir dans cette inoffensivité. vail n'est en rien une réflexion vide sur l'histoire et la
conscience historique, qu'il s'agissait d'un travail véritable­
ment historique et que, dans ce travail, s'est peu à peu confi­
§ 14. La critique de l'historicisme conduite g u ré quelque chose comme la possibilité d'une conscience
dans le cadre de la clarification des problèmes nouvelle et spécifique du Dasein. Vivre dans l'histoire était
pour Dilthey une possibilité du Dasein qu'il avait lui-même
L'historicisme fait égale ment l'objet d'une considérat vécue, mais il ne l'a pas percée à jour parce qu'il continuait
ion
plus approfondie conduite dans le cadre de la clarif de se situer dans le cadre de l'approche traditionnelle de
ication
d�s prob lèmes. On pourrait pense r au prem ier abord l 'histoire, que je qualifie pour ma part d'approche esthétique
qu'en
d1 cutan t l'historicisme dans cette perspective, on va de l'histoire, une approche régie par l'idée classique d'huma­
renco n­ ni té. Ce qui nuit à la critique, c'est le fait qu'elle reprenne à
t rer le Dasein huma in concret. Nous verrons que ce dont
s n compte les obscurités présentes chez Dilthey lui-même et
on
se souci e en réalité dans cette probl émat ique, c'est que
l'his­ en tire matière à réfutations.
toire ne soit pas du tout prise en vue.
b) L'omission du Dasein historique
a) La critique husserlienne de Dilthey
1
nou s envisageons les choses positivement, demandons­
n u c que le souci d'une connaissance connue omet dans la
ans la cri tique de l 'historicisme qui prend également
la
ri t iq u d l h i s l o r i c is m . . Dison q ue la première chose qui
f nne d'une clari fica t ion des probl èmes
, on part d'une vision
I
'

s r ma rq u d isiv m n t dan la r i t i q u de l 'h i ·toricisme,


du m n le délerrnin , cel le confi gurée par D i lt hey ; t en
110 cDmv6µsvov chez A ristote et la phénoménologie selon Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 111

c'est le moment caractéristique de ré-flection. Comment ·ophie considérée comme science rigoureuse ayant une léga­
l'histoire est-elle envisagée avant tout ? L'histoire considérée lité absolu ment justifiée. L'histo ire est envisagée dans une
comme champ thématique d'une tâche de connaissance bien perspective dont on ne se deman de à aucun moment si elle a
déterminée. La possibilité même de voir le Dasein historique tout bonne ment un sens. La problé matiq ue est purem ent et
en tant que tel, d'instaurer un rapport originaire avec l'être ·i:mple ment présup posée . Il apparaît alors [94] q�e ce qu� est
historique, se trouve d'emblée exclue. La question de savoir nccom pli en fait de travail positif <dans la scienc e histo­
r iq ue > n'a absolu ment aucun rappo rt
ce qu'est un être historique comme tel ne peut pas du tout se avec l'exigen�e de
faire jour dans le cadre de cette clarification des problèmes. rigueu r mathé matiq ue que requie rt cette idée de la phd� so­
[93] L'histoire est fixée comme un objet de la science histo­ phie. La rigueur requise fait précis ément défaut en des pomts
rique, comme un domaine unitaire déterminé de faits. Dans décisifs.
la mesure où la science historique vise à développer des
analyses déterminées, l'histoire devient du coup un maté­ c) Origine et légitimité de l'opposition
riau de considération historique. Le Dasein historique est entre factualité et validité
dégradé en un ensemble factuel qui sert de matériau pour
des tâches déterminées. La tâche en question consiste à déga­ D 'où vient l'opposition entre factualité et validité, et de quel
ger: sur la base du matériau concret du D asein spirituel, une iroit cette opposition ? De quel droit est-ell e érigée en diffé­
vanété de formes considérées comme des formes du sens. rence fondamentale pour toute considération de l'étan t ?
Cette approche morphologique a son pendant exact dans Je Dans la science elle-m ême, Husse rl établi t une différence
domaine de la nature organisée. Dans le domaine de la n t re la science comme unité de validité objective et la science
nature organisée on peut également mettre en évidence des omme formation cultur elle factue lle. Toute science se diffé­
aspects morphologiques. Cette considération historique se re ncie de cette façon. Puisque la scienc e histor
ique n'a affaire
propose d'établir une morphologie ou une typologie des évé­ qu'au x faits, elle étudie les faits uniqu ement dans le�r fact�a­
nements historiques. L'événement historique lui-même devient J i l . . En se fonda nt sur l'étud e de l'histo ire de la phdos oph1e ,
du même coup d'autant moins important en tant que maté­ , ur l'étud e du factue l,
il est donc impos sible d'étab lir ce
riau. Ce qui arrive à chaque fois de manière unique n'est que q u ' e st la science en tant qu'un ité de validit é object ive. Ce
le matériau exemplifiant le type. Cette configuration de l'idée n' t donc pas seulem ent l'histo ire, mais
aussi la scienc e his­

1 de considération historique fait que le Dasein historique est t rique que cette différe nce condu it à mettr e à l'écart comme
entièrement dégradé. L'histoire n'est prise en vue qu'à titre n n signifiante. . . ,
,I L point vérita bleme nt en questi on est celm de
d'objet de la science historique. Toute voie conduisant à la diffe-
1 l'historique comme tel est barrée. Le souci d'une connais­ r nce entre factuel et valide : 1 ° d'où vient
cette différence ?
inée, peut-o n
1
sance connue a exclu le Dasein humain comme tel de toute i elle vient d'une base concr ète déterm
possibilité d'encontre. L'histoire est dégradée à un niveau 1' t n I r e à toute formation spirituelle quelle qu'elle soit ?
d i ffé r enc e vient du comportement
encore inférieur comme réserve de matériaux et collection et t théori que et du
d'exemples pour cogitations philosophiques. La tendance à jug ment. On y oppose le sens valide et la factualité du com­
saisir le Dasein humain tourne court. p rt ment j ud ica t i f t te di fférence est élevée à l'absol u. C'est
L'omission, le souci de ce qui est omis, se manifeste dere­ i t s n t i r d a n t o u t ce q� 'el le com � orte
l ' u n r h e rche ffect1v e et ngou­
i ·j q u I' mi s i o n s fa
chef dans le fait que, loin d'en rester là, on soumet l ' h ist o i re ù run l . n s I
u n 1 lat n i ·m
d isp ns
; la r 's ouss p a r fa i l m e n t
ainsi dégradée dans cet te dégrad a t i o n à l a q uest ion d · a v o i r r us 'l on · 1 p p l i
que l l e e s t J ' i mport a n c d ! ' h i t i r pou r l ' id d ' u n · p h i l - 1 l IlJ I .
1 L <l>mv6µ.svov chez A ristote et la phénomé
nologie selon Husserl L a phénoménologie d'aujourd'hui 113

[�5] Cette différence n'a pas été introduite par Husserl, dans l'horizon de la validité. On soutient que l'historicisme
m�Is elle court à t�avers toute l'histoire de la philosophie*. dit que les vérités ne valent pas en elles-mêmes mais ne sont
D1lthey est le premier à avoir pénétré concrètement dans sa tenues pour valides que par des êtres humains déterminés
spécificité l'évolution de l'histoire de l'esprit qui commence
a � xvme siècle finissant et que l'on caractérise comme un
pour un temps déterminé. On ne cherche pas du tout à savoir
s'il n'y a pas, dans l'historicisme, une possibilité que la vérité
developpem,ent , de !a conscience historique. II n'est cepen­ soit déterminée autrement. La thèse de l'historicisme est
dant pas alle �res 101? dans cette direction parce qu'il n'avait envisagée par avance dans le sens choisi par la critique qui
pas la formation methodologique requise pour ce faireh et oppose frontalement validité absolue et tenir-pour-valide
p�rce que la possibilité même de traiter le problème de l' is­ factuel. La ré-flection se manifeste en outre dans le fait que
t01�e de f�çon complètement indépendante de la science his­ l'idée de validité est identifiée d'emblée à l'idée de vérité, ce
tonque lm est demeurée cachée**. qui revient à dire qu'il n'y a pas de science si l'idée de vali­
La distincti?n du valide et du factuel est purement et sim­ dité n'est pas assurée de manière absolue. Il se pourrait pour­
plement repnse, telle �uelle, sans le moindre changement, tant que l'idée de validité absolue soit absurde et que malgré
sous. l.a forme ou elle regne dans la philosophie platonisante
tradit1onnelle . La cr! tique de l'historicisme montre que ce
cela, ou plutôt à cause de cela, la science soit possible. Toute
l'argumentation husserlienne consiste à opposer l'un à
dont le soucI_ se preoccupe - la validité absolue au sens l'autre, de façon purement formelle, sens valide <idéal> et
d'épanouissement de l'idée d'humanité - conduit à mettre sens temporel réel. Aucune autre possibilité ne se fait jour
�ors circuit le Dasein de l'être humain et tout véritable ques­ dans le cadre de cette alternative. Le souci, en raison de sa
tionnement à son sujet. mé-prise, reste enfermé dans ce dont il se préoccupe. La cri­
tique est donc complètement privée de liberté.
d ) Le reproche de scepticisme et ce qu'il manifeste� La détresse du souci proprement dite devient palpable
le souci d'une connaissance connue comme angoiss dans cette argumentation. La démonstration progresse d'une
devant le Dasein manière parfaitement étrange. La réfutation fondamentale
est accompagnée d'une remarque annexe censée porter le
Le coup décisif porté par la critique contre l'historicisme «
coup décisif ( dans ce cas, toutes les propositions que
est l'argument du scepticisme : pensé de manière consé­ « j'énonce maintenant deviennent non vraies1 » ) . Le souci
quente », tout historicisme conduit au scepticisme1 . Nous d'une connaissance connue accomplit alors en ce point précis
a �lons d'abord examine: cette critique de trois points de vue : un pas très étonnant : il invoque cela même qu'il omet. Dans
1 comment se manifeste le souci d'une connaissance la démonstration, on montre à celui que l'on veut réfuter ce
com �ue ? 2° comment se présente la détresse spécifique de ce que serait le Dasein s'il n'y avait pas de validité absolue. En
soucI ? 3° comment l'omission se manifeste-t-elle en lui ? lorgnant vers le Dasein, on suscite en lui de l'angoisse. Dans
Le souci d'une connaissance connue se manifeste en ceci son extrême détresse, le souci invoque le Dasein comme un
qu � la ré-flection qui le caractérise (la ré-flection implique Dasein possiblement inassuré, et [97 ) l'invoque pour ne sur­
tou.1ours un aveuglement relatif) s'y fait valoir dans la tout pas le prendre en considération. À l'endroit où la cri­
manière dont la thèse de l'historicisme [96] est interprétée t iq ue porte Je coup décisif de l' argumentatio ad hominem,
l i s soucie expressément de ce qu'elle omet sans cesse, et
* Cf., Annexe, comp léme nt 10 p. 323. 1 r vendique pour oi ; e n exhibant un Dasein susceptible de
* * Cf:• a
à ce sujet ,
Annexe, comp léme nt 1 1 , p. 323 sq.
'

(trad .
·
• ce suiet

fr., op.
,

1 . fbirl. . l t rnd. fr., 1111. M l.


1. Ibid., p. 324 sqq. cil., p. 63 sqq . J .
p. . • clt., p.
1 1 4 <l>atvôµcvov chez A ristote et la phénoméno
logie selon Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 1 15
se trouver dans un tel état d'in urité,
à ne pas faire sienne ce Dasein. séc
C'e st là
elle invite tacitement exprimée, une connaissance définie �evenue publiq�e, c'est­
imp
table sign!fication de toute argumentatio licitement la véri­ à-dire orientée vers la commumcation, _ la transm1ss10n_ et
en brandissant le scepticisme. Le sou n qui croit faire peur l'appropriation. La validité est la guise ?�� laquelle la ,vérité
connue n'est rien d'autre que l'angoisseci d'une connaissance est publiquement là. Cette forme spec1fique que �res � nte
devant le Da sei n. la vérité dans sa subsistance publique _ est articulee d une
e) Les idées préconçues sur le Dasein manière telle qu'elle a déjà laissé échapper la vérité. On e�t
inhérentes à ce souci bien loin d'avoir la garantie d'être en possession d'une vali­
dité contrairement à ce qu'on prétend puisque la vérité sup­
Da ns ce souci, il y a des idées précon pose que soit ménagé un accès spécifique à l'étant que la
bie. n déterm iné es dont cette critiqu e,
çues sur le Dasein « vérité » découvre. La vérité n'implique pas seulement que
app are
�� donne pas la moindre justification. Nous mment radicale, soit ménagé un accès à l'étant, mais aussi que s?i� of�e.�te la
ici que trois : 1° l'argumentation rep n'en retiendrons possibilité que l'étant fasse encontre dans son ongmante ; �l a
laquelle l'être humain visé par cette arg ose sur l'idée selon possibilité d'avoir> commerce <avec l'étant> dans son ?:1g1-_
tout prix à c�n�aître la vérité et à la pre um ent atio n cherche à narité puisque l'étant que nous nous som�es appropne ne
Y a a � !on � l 1dee selo n
ndre en garde ; 2° il peut que se perdre parce que la P?�ses�1on que n?�s en
laquel
vah_ d1te ; 3 Il_ y a au fond l'idleéela selo
vérité serait identique à Ja avons, précisément, se délite. L'identification de Ala vente, et
l '. être de la vérité pourraient faire l'obn laquelle Ja vérité et de la validité n'est donc pas évidente en elle-meme. Avant
tion . dans une déduction théorique, etjet d'une démonstra­ tout il faut bien voir que la vérité, dès lors qu'elle est inter­
c?ns�dère que la négation de la vérité d'un autre côté on prété e dans la perspective de la validité, recou�re précisé­
redmte ad absurdum dans une déduction pourrait elle aussi être ment les problèmes décisifs du Dasein. La question s� ��se
Su� le pre�ier point : est-il donc vra théorique. de savoir si l'interprétation de la vérité en tant que va�1dite a
Da sem hum am veuille à tou iment établi que le tout simplement un sens en ce qui concerne la connaissance
n,a�e�n h�main n'e st-il pas bien plutôt enctrelin laà vérité ? Le
t pri x con naî historique. C'est encore ?eaucoup pl�s do �teux c�mce�na� t
�ente et a se bercer d'illusions auprès esquiver la la connaissance philosophique, et carrement 1mposs1ble s agis­
_ .
tient heu ? La quest10n est Join d'être d'u n fan tôm e qu.i en sant de la « vérité » de l'art et de la religion.
tranchée, ou du moins, si cela n'est pas rég lée et dev rait être Sur le troisième point : on voit donc que le so��i d'une
ouverte comme telle. Seu le l'ex pos sib le, êtr e laissée onnaissance connue, là même où il combat le scepticisme e�
humai� peut �e�me �tre d'�ta quoi plo rat ion de l'êt re du Da sein
Et qu en serait-Il s ,Il s ,avera1t?lirqu' que ce soit à ce suj et. avançant les arguments décisifs, tend à faire en sorte q�e so�t
. nstamment rendue possible la fuite devant le Dasem lu�­
som�es absolument pas en état, surau1 la
ourd'hui [98] nous ne même. Il se préoccupe que l'on ait les yeux rivés sur la v�ü ­
trad1t10nnelle, de thématiser ontolo base de la philosophie dit.é et que l'on détourne le regard de la pos�ible P �rspectzve
d un Dasein inassuré. La critique de l'h1stonc1sme est,
_
h�ma �n ? Est-il seu lem ent possible giquement le Dasein
direct10n du D asein ? d'aller plus avant en aujourd'hui [ 99] comme hier, p��ticuliè�em� nt percu�ante
p a rce qu'elle laisse l'objet de la cntJqu e lm-�em� dans 1 o?�­
. Su
ide
� le deuxième point : on pré pose que
ntique à la validité (l'ê tre-vrai sup la vérité est u r.i l , parce q ue le scepticisme s'exphc1te lm-mem � en utih­
. .
zon de la validité, la vérité com me val
-
est inte rpr été dans l'ho ri­ ant 1 m o y os q u ' i l combat de on côté . Le scept�c1srne . �st
idit é. Phé nom ène de I

t h é o r i q u j u s q u 'a u x
dégr,adation élevé à l'absol u dans l'ordre u n r volL f condc on t r la d- m i sion d la pl11losoph1e,
m i- h m i n . a d i L i n L ion n t r 1
·
ris u n · 1 rop i l io n . p-
« Idees » de Pla t o n ) . La val iclit caract r ua i s i l r si , n fa i tc

),
l i ·iiH n , ·t I ' 1 hso l u t ism 1 l n v�i l ' u r r ' P( s s u r u n bas 1 1 1 -
urd'hui 1 17
La phénoménologie d'aujo
1 1 6 <Dmv6µi;vov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl

§ 1 5. Détermination plu
claircie, et doit par conséquent être récusée dans son ensemble. s précise et plus tranchée
La différence entre être idéal et être réel non seulement n'est connaissance co nn ue
du souci d'une
pas légitimée, mais n'est issue, y compris dans le champ qui lui
est le plus propre, à savoir le champ théorique, que d'une s relatives
.
1 nous avo ns de'velop pé toutes ces considération
�� ::s: ��
sphè re singulièrement limitée. Le fil directeur décisif, les . 1 a critique '
. o décisif sur leq ue l rep ose
concepts d'être et d'être-vrai, ne sont pas fondés comme le la que stl � n sol permettant de trancher concrè­
"e t pour s
:
r
req uiert une science qui vise la possibilité d'une légitimation d'être de la
�:
.
i ·m en t cette �ues
ultime. On voit se manifester là une omission fondamentale tion .. q l est le caractère
recherche
c mp thématique de la
[·on.science posee comme
fJhénomenologique ?· Co
de la critique ainsi que de la recherche positive. l ob ten u ? Nous
Il y a quelque chose de beaucoup plus important que cette . , · mment ce ch. amp e st-i
décou vri r en lui , et
omission, à laque lle il est somme toute possible de remédier, a I l ns no us ren
dre pre, sent ce souci pour
· · · , d'être là l'être qu e po de ce ssè
c'est la manière dont l'argumentation contre le scepticisme 1 partir de ses po ss1b i1 i tes '
il nt il se pré occ up e.
: �: �: :��� ;:�
finit par sombrer dans l'indigence. L'argumentation doit se
, onse définitive à cette question,

;:r
résoudre à procéder ad hominem. La possibilité de s'en-tenir­ A t d'a pp ort er un e rep
tr
te de déterminer de :nanièr
fermement à ce qu'on appelle l'historicisme est développée e plus p é s t
1 'im r
· h •e le souci d'une
. . connaissance connu
jusqu'à ses dernières conséquences et est conduite de façon inter-
;stw. ns . 1 o Comment le souci
, . nséquent trois a� tres qu
�?
que s'ouvre cette perspective sur un Dasein ayant un caractère

le souci
occup · 20 Qu 'est-ce que
déterminé. La conséquence nécessaire de l'historicisme est pr te- t-il ce dont il se pre
t), dont �� a. adm s écé
r
· demment
qu'il n'y a peut-être plus alors de principe de contradiction, d bjectivité (Sachlichkei
1 e souci.
e a p erc ée de la
- que toutes les propositions que nous énonçons à présent l \J. il con stit uai t Je
moment. caractenstique
. herche phénoméno 1 og�qu
sont fausses. L'argumentation s'en tient à cette perspective e ?. 30 En quel sens

;
tifique ?
un ouci de ri ue ur scien
d'un Dasein inassuré, en supposant bien évidemment que ceux nractérisé de la sor�: est-il
auxquels l'argument s'adresse reculeront devant elle. , questions sont lle es entre
� e l e s . La ré onse à la premi
ère
L'argument contre le scepticisme présuppose de plus q ue tre s.
pr pare la réponse aux au
l 'homme tient, en un sens décisif, à sauver la vérité. C'est là
nce jus ti�iée
un simple présupposé concernant le Dasein de l'être humain,
\ IOl ] a) Le souci d'u ne connaissa
ment contraignant
lequel n'a pas été envisagé jusque-là. Il y a dans cette argu­ et de ce qu i est universelle
mentation d'une part cette idée préconçue déterminée à pro­ par son évidence
pos de l'être humain et ensuite [100] la conviction que la
connaissa.nce
e sou ci d 'un e con naissance connue vise un e
vérité consiste dans la validité. En tant que validité de la pro­ .
position, la vérité se donne dans sa validité ou non-validité . nce définitivement val ide susceptible
ttst ifiée, un e connaissa posi-
spécifiques dans l'espace public. Cet aspect éminemment . er en t a n t que t e lle avec l'ensemble des pro
1 on t1tu ' l a b ase
l 'ioi1 . t d un it é pro po siti
on nel les assurées par ell e, .
·
econdaire <de la vérité> est lui aussi impropre à servir de fil
sciences. Le souci d'un
. e connais san ce
v rita bl de tou tes Les
·
directeur. D ans l 'argument décisif contre le scepticisme, on
. . t 1us. tifi , �ar
. . ee
. t I · sou ci d'u ne
voit donc q ue le souci d'une connaissance connue se prend à con nai ssance qu i s0t
pnse

e t t con nai ssance est com
I
n propre piège, q u 'il se mé-prend - trouvant refuge, à
I l -m m .
nna issa n s · i.· e n.Ll·1· · e . Le
. . d' un e
1 ' .i n s t a n t d cisif, auprès de cela même qu'il fui t . ·iqu sou ci · .
·

· 1 ter mi né e
'Sl . l u i d ' u n . " i n l. i fi i t
1 1
'hui 1 17
La phénoménologie d'aujourd
1 1 6 <Dmv6w:vov chez Aristote et la phénoménologie selon Husserl

§ 1 5. De'termination plus
claircie, et doit par conséquent être récusée dans son ensemble. précise et plus tranchée
La différence entre être idéal et être réel non seulement n'est con nu e
pas légitimée, mais n'est issue, y compris dans le champ qui lui du souci d'u ne connaissance
est le plus propre, à savoir le champ théorique, que d'une sidérations re�a�ives
sphère singulièrement limitée. Le fil directeur décisif, les Si nou s avons développé toutes cesleqcon
concepts d'être et d'être-vrai, ne sont pas fondés comme le , la question du souci décisif sur
�'est pour disposer d'u n sol perme
� ; �� �
uel repose la cntiqu� ,
ttant de t:an � co r �
:;�:� ��:�; � ��;:: ;
requiert une science qui vise la possibilité d'une légitimation st e e re
ultime. On voit se manifester là une omission fondamentale teme�t cette que '
recherche
?
th m e la
conscience p os e
ce champ est-11 ob t�nu . No. us
de la critique ainsi que de la recherche positive.
Il y a quelque chose de beaucoup plus important que cette hénoménologique ? Co mm ent et
palion s nou s ren dre pré sen,
t ce souci pour découvnr en, lm,
.
omission, à laquelle il est somme toute possible de remédier, , l'être que possede ce
c'est la manière dont l'argumentation contre le scepticisme à partir de ses poss1'b'li'tes d'être là
I

finit par sombrer dans l'indigence. L'argumentation doit se


résoudre à procéder ad hominem. La possibilité de s'en-tenir­
dont il se préoccupe.
Avant d'a ppo rte r une rép ons e déf init ive � � ette questio ·
n

tran
1 ·mp ort e de
ma niè re plu s precise et plu s
fermement à ce qu'on appelle l'historicisme est développée
;
dét erm ine r de
pos�� par
1 ée le souci d'une
jusqu'à ses dernières conséquences et est conduite de façon connaissance connue et de
que s'ouvre cette perspective sur un Dasein ayant un caractère . ns .. 1 o Co mm ent le sou ci mter-.
·onséquent trois autres questio
déterminé. La conséquence nécessaire de l'historicisme est
qu'il n'y a peut-être plus alors de principe de contradiction,
rète-t-il ce dont il se préoccupet ?on20a adm�is pre��
� 'objectivité (Sachlichkeint t), don
Qu 'e t-ce e
ced�mme t �
l e souci

- que toutes les propositions que nous énonçons à présent me caractéristique de la percee de �
qu' il constituait le mo
· , ·
? En que l sen. s le. . souci?
sont fausses. L'argumentation s'en tient à cette perspective ·echerche phénomenolog1que sou3°ci de rigueur c1e ·

d'un Dasein inassuré, en supposant bien évidemment que ceux l ara cté risé de la sor
te est -il un � ntlf1q��re.
réponse a la premie
auxquels l'argument s'adresse reculeront devant elle. es questions sont liée s entre elles. La
L'argument contre le scepticisme présuppose de plus que prépare la réponse aux autres.
l'homme tient, en un sens décisif, à sauver la vérité. C'est là
ti�iée
l LOl ] a) Le souci d'u ne connaissance justra
un simple présupposé concernant le Dasein de l'être humain,
ignant
lequel n'a pas été envisagé jusque-là. Il y a dans cette argu­ et de ce qu i est universellement con
mentation d'une part cette idée préconçue déterminée à pro­ par son évidence
pos de l'être humain et ensuite [100) la conviction que la
naissance
vérité consiste dans la validité. En tant que validité de la pro­ . e sou ci d'une con nai ssa nce connue vise un� con .
position, la vérité se donne dans sa validité ou non-validité .1us�-t.1..fiee, u ne connaissance définitivement val ide susceptibl�
spécifiques dans l'espace public. Cet aspect éminemment " , ,
1 , ens emb le des propos1-
onstituer en tant que telle, avec ass a bas e
secondaire <de la vérité> est lui aussi impropre à servir de fil
l ion s et d e s uni tés pro
pos. itionnelles urées par elle, �ssa
directeur. Dans l'argument décisif contre le scepticisme, on
v rita bl de tou tes Les scie
nces. Le souci d'u. ne. . . . , nce con nai
voit donc que le souci d'une connaissance connue se prend à t .l e sou c i d'u ne con
naissance qui. s01t 1ustif1ee �ar
on propre piège, qu'il se mé-prend - trouvant refuge, à Cette con nai ssance est c�m � nse I
.l ' i ns t a n t décisif, auprès de cela mê me q u ' i l fuit.
.
l i -m êm
o n n a iss ne s ien tifïq
ue. Le sou ci d _une
•sL · lui d'un ·
. i en t i fi c i t dét erm r n ée
118 <l>mv6µevov chez A ristote
et la phénoménologie sel
on Husserl
La phénoménologie d'aujourd'hui 1 19
et en même temps ultim
e, et la scientificité est
déterminée comme ce qu elle-même choses mêmes » possède certes, y compris sous ce �te forme,
i « contraint tous les êtr
nables ». Scientificité veut es raison­ une certaine originarité par rapport aux constructions de la
dire « être universelleme
gna�t pour tout être intellige nt contrai­
nt » ; le souci de scientificité philosophie d'aujourd'hui. Mais au sens le p �us p�opre d �
souci de qui est universell est le _ que cet appel procede d �Il SO�CI
cette philosophie, il est clau
ement contraignant par son
L'élé��nt �aractéris tique � évidence. qui n'est pas à la mesure des choses. Cet appel n e� t �1en
_ de ans cette auto-explicitatio .
ce qu Il s ag it connaitre dans ce tte co n est que d autre qu'une invitation à aller se perdre, de faç�n dec1s1ve,
d'emblée secondaire. Le nnaissance est
souci vise primordi aleme dans le souci de ce qui est universellement contraignant, a, s �
re�, d'une m nièr énér nt à procu­ représenter uniquement les choses prédessinées d�ns ce souci'.
� �! ale, un mode de connaissan
sou, susceptzble d �tre ab ce, quel qu 'il
solume�t contraignant. Ce de sorte que cet appel « droit aux choses memes » , qm
av ec un e conception de la va de pa ir
la science envisagée conc nemble aller entièrement de soi, laisse complètement hors de
com me unité d'une p roblé rètement son champ une possibilité beaucoup plus fo�da"1:entale, celle
matique et d'une méthode
de donner à L'étant une liberté telle que ce s01t umque_ment ce
a �n vue un ques tionne"1 . Le souci
:ent assuré déterminé. La
meme en tant que quest ques tion qui le rend digne d'être interrogé qui décide de ce q�1 est pr�_ ­
ion, ce qui détermine au
�ompte l a question, la ten bout du _ . d 1t
tion s va!1_ �es a ens d'ap
dance à y répondre pa r de inordialement objet de la philosophie. Une telle dec1s1on �
s proposi­ _ ,
_ �� odictiques, voilà ce qui décid tre libérée en elle-même, car il se pourrait qu une co�nais­
tout mte ret pns a la chose interro e, avant sance de ce genre n'ait rien à voir avec le c?ncept de science
cause, � 'acq �ert proprement gée. L'in terrogé , la chos e en "mprunté aux mathématiques, il se pourrait que cette c�pa­
i té à décider en donnant libre cours aux cho�es acc�mphsse
la configurat1�n et la clari son être propremen t dit
que par
fica tion correcte de la que
t ut simplement le sens véritable de la connaissance .
me� me. La philosophie _
devient alors la science fo
stion elle ­
� uisq u �' s t nda mentale
� � . elle qui doit permettre de formu ler
t10� s defimtiv e"1:ent vala bles. La seule des p roposi­ c) Le souci de rigueur scientifique
tou1 ours de sav01r comme et unique question c'es t
nt peu t se déployer la scie comme forme dérivée de sérieux ;
ce qui contrain t univers n tificité de l'idée mathématique de rigueur érigée,
ellement. Dans ce souci
elles -i:uêmes ne font enco les choses de façon non critique, en norme absolue
ntre primordi alement q'u'à
pro�lem es, de complexes titre de
objectifs prédessinés par
mati ques déterminées. des pro blé­ Nous sommes maintenant armés p ?ur recher�her ce �ue
•ignifie pour la science elle-même, l'exigence de rigueur scien­
tifiqu e. La rigueur est [103] ce dont un � ouci s� �réoccupe en
[102] b) « D roit aux choses mêm '
es » : _
le souci qui se porte sur mettant en œuvre une forme détermmee de seneu.x. Dans la
les choses
en les visant d 'avance mesure où ce qui décide primordialement, ce n'est p�s la cap�-
dans l 'optiqu e _ bien plut t
de ce qui est universellem ité des choses libérées à parler elles-mêmes, mais
ent contraignant �
la possible légitimation de ce qui présente u� caractere , cont ai­
ilnant, l e sérieux se concentre sur l'élaborah�� de ce �ara�tere
Cela implique que la m �
axime « droit aux choses
d e contrainte. Le souci de rigueur est le seneux or�ente sur
ne peu t déjà plus avoir ici m êmes »
le se ns
[ 'aptitude à être fo ndé et sur une fondati?n de bon aloi.
_
ch os es lib rem en t à pa rti r de « se re ndre prés entes Jes
d'elles-mêmes av an t tou t
e s. r.ieux, d a n · Ja mesure où i l se fonde sur �e souci md1-
n � ment ? 'un ge re ?éter question ­ . . .
miné » ; elle a bien p l u tôt
la1 sser l ,mterrog�e faire en le sen s de
qu ' , sl u n f r m e dérivée d e sér. ieux. Il ne possede pas cette
ett /Jr ob lé­
_ ue préd co ntr e dans le cadre cl•
essinée bien déterm in ée. La
ma · i rn ' d ro i t
matLq
au :x �
' f' ., • • suj"t , /\1111e .e. ornril rncnL 1 2, p. 4.
120 <flmv6µevov chez Aristot
e et la phénoménologie selon
Husserl La phénoménologie d'aujourd'hui 121
originarité qui pourrait le con re à
tout au sens où c'e st d'abord dui risquer le tout pou r le dont il se préoccupe. Nous avons vu comment le souci se per­
�e�u, pour déterminant. L'idée mathématique de
ce qui est con nu qui doi t êtr
e dait dans le champ thématique « conscience » dans la mesure
engee de façon non critique en norme absolu rigu eur est où l'instauration d'une contrainte ultime n'apparaît pas seule�
pas seulement ici, mais dans tou e, et à vrai dire ment comme une possibilité d'existence de la culture parmI
te l'hi
En érigeant ainsi au rang de norme cetsto ire de la science. d'autres mais où la science ultime de la conscience est déter­
contingente de rigueur, on a donné nai
ssa
te
nce
idé e totalement minée c�mme l'iJyioµovtK6v du Dasein humain en général, de
plexe de questions, dont celle-ci : com à tou t un com­ sorte que ce qui se manifeste dans cette posi�ion fondamentale
rique peut-elle se hisser au niveau d'u me nt la scie nce histo­ ultime, c'est bien la perte spécifique du souci dans ce dont 1_ � se
La capac�té d'une sci nce à être rigour ne scie nce rig our
euse n'est pas quelque
eus e? préoccupe. Nous n'avons pas encore rép?ndu . à l� ques�1on
chose qm pourrait. lm� être con décisive qui est de savoir comment le so �c1 en vient a se preoc-
procéder de la science elle-mêmfér ·uper de ce dont il se préoccupe, à savoir la conscience.
é de l'extérieur · cela doit _
e en
de l'étant et être configuré à partir d'etan t que déc�uvrement .
s mmes donc face à une tâche nouvelle qm est de montrer que
Nous
pas une idée vide, ma is quelque chose lle. La rigueur n'est 'est bien ce souci d'une connaissance connue qui ouvre ce
en forme à partir de la science elle -mê de concret qui se met 'hamp thématique « conscience » .
La réponse apportée aux trois dernième *.
à . quel point le souci se prend consta res questions montre a) Circonspection et visée du souci
p1e, ge et se mé-prend en lui-même. C'emment à son propre
caractère de mé-prise que nous ent st à la lumière de ce Pour comprendre cette dernière légitimation, il es� besoin
caractérisation du souci que nou s avoendons maintenant la l'une brève préparation : nous allons nous re�d�e �resent un
me nt lorsque nous avons dit que chaquens donnée précédem­ moment du souci sur lequel nous n'avons pas ms1ste expresse­,
quelq.ue chose, le retenait, l'interpré souci se saisissait de �n nt jusqu'à présent - et cela en nous appuyant un � qu� ment
d �nt Il se préoccupe et finalement setait, s'assujettissait à ce 'ur ce que nous avons déjà établi à propos du souci. �1 �ous
pn se est une mobilité de l'être-là du perdait en lui . La mé ­ n us souvenons de l'omission présente en chaque souci, il e�t
Pa i l e de voir comment, dans cette guise spécifique du souci,
souci.
i t ce que nous appelons la circonspection du souci. Chaque
[104] § 1 6. Le sou ci d 'un e con
naissance con nu e , uci est en tant que tel vision . Ê tre vision [105] n'est pas une
ou vre le champ thématique
« conscience
l t rmination extrinsèque au souci, mais est donne, avec son
».
Retour sur la con crétion histor .
t r Une certaine visibilité fait partie de l'être au sens de
I,
iale du souci I ' t re au sein d'un monde. Cette visibilité est là en tant que telle
Jusq� 'à présent, n us avo au fond sim lans chaque guise de l'être humain (du Dasein), y �ompns_
le so�c1 d ,une connai�ssancenscon nue con
plement montré que d a n la guise fondamentale du Dasein, à savoir l s� uc1. Cet �e

se preoccupe en assurant une problé fig urait l'objet dont il '
.
visibi l i té n a rien à voir avec la connaissance theonque, mais
c?ncernant �et objet. Nous avons éga e et une méthode n t it ue un mode d'accomplissement de la constitution fonda­
ma tiqu
1 d une connaissance connue reconduis lem ent vu que le souci nt ntale du Dasein qu'i l faut mettre en lumière comme un être­
.cf ·ou vert (cf. la fin du cours, p . 307 et la deuxième partie,
1 fondamentales possibles au champ thé ait tou tes les questions
que le souci d'une connaissance connue ma tiq ue « con science » p. 1 ) e 1 h nom nes se situent à un niveau bea �coup p�us
.
s'assuj etti ssait à c� ri i n-a i r qu e q u i nous a été t ra ns m i s par cert� mes t � eo�
à ce sujet, A nnexe, com pl-m e n t 1 3, ri s. haqu sou i 1 os d une per p t i v d t er m ée qui lui m
p. 324 sq q .
* /

t t , lors I l l ' i 1 erspect 1 ve


Cf.,
.
rropr , sou sl ff t i f, tt

1
1
l <I>mv6µt:vov chez A ristote et la phénoménologie selon Husserl L a phénoménologie d'aujourd'hui 123

n 'est autre que la circonspection qui s'accomplit chaque fois, l savoir comment un souci déterminé, défini par l'en-v ue­
_ _ qm_ n'est pas laissée au hasard mais est
circonspection d -quoi de son viser, c'est-à -dire par sa visée
explici�e, est en
conduite p�r ce que nous appellerons la visée du so�ci. Chaque _
apacité d'ouvrir quelque chose dont Il peut se preoc�uper,
pas que fart le souci_ est conduit par cette visée. d ne comm ent le souci de !'unive rsellem ent
contraignant
Il faut montrer comment le souci ainsi caractérisé ouvre nt vre et met en place en tant que tel un champ d'être. En effet,
par l a manière même dont il déploie et rend effective sa pers� 1 souci de !'unive rsellem ent contra ignant n'est pas du tout
_ q�elque chose de bien déterminé dont il a à se pré­
pective, li à un champ d'être déterm iné. La questi on est ? o?c de
occuper ; il faut montrer comment le souci d'une connaissance comment la configuration du souci le condm t a v01r_
'1woir
'
connue ?uvre en fait, en s'accomplissant, le champ thématique bjet décisif de sa préoccupation dans un domaine d'être
« conscience ». Pour nous, le point décisif, c'est d'abord de 1 termin é vers lequel il se dirige lui-mê me. .
savoir comment le souci d'une connaissance connue obtient haque souci est, dans son être, un souci fac�if, �e qm _ veut
d'une façon générale, son champ thématique spécifique : Mire que la concrétion /active de l'être du souci fart partie de
ou encore dans quelle mesure le souci d'une connaissance ,,.. q u 'est le souci lui-mê me. La /activité fait part�e de ce
connue est p�opre à ouvrir et à maintenir le champ théma­ < i u st le souci lui-mê me. Cela signifi e
' que le souc1 est une
u i e du Dasein. Le Dasei
_
tique « conscience ». Pour le comprendre, il faut avoir pré­ n est en tant que tel factif. _
� 0 consid érant origin airem ent le souci
sent à l'esprit une spécificité fondamentale de tout souci à et son être, nous
savo�� que c'est un souci en capacité de voir qui, d'u� e s mmes reconduits à une factivité qui est là à chaque fois. Il
mamere ou d'une autre, prend en vue ce dont il se soucie. La "1t essent iel que l'éluci dation du souci ne le t ransform� pas
capacité de voir (ou la visibilité) du souci est un caractère _
n u n objet dont l'être serait indifférent. La gmse concrete de
donné avec le Dasein lui-même. Le Dasein, en tant qu' être au I ' ·tre du souci d'une conna issanc e connu
e, dans laquelle la
t nscience s'ouvr e comm e champ, nous
monde (être-à), est un être ouvrant. Ce qui s'exprime dans la est donnée au grand
tournure « au monde », ce n'est pas que deux objets seraient ur dans les recherches de Desca rtes. En ce point de nos
r�l.iés l'un à l'a�tre. e� quelque manière, mais que l'être spé­ n idérat ions, une remar que fonda menta le s'impose concer­
ennent avec [: 07]

cifique de celm qm vit se fonde sur le fait d'avoir le monde n a n t le rapport que nos considération s entreti
sur le mode de la préoccupation. Nous appelons « visibilité » / historiai. Ce qui a été dit vous montr e que le retou� a la
la façon dont un étant s'oriente ainsi dès le moment où il vit · · n.crétude historiale du souci n'a rien de fortm _ t, mais est
c'est-à-dire e.st .au monde, un monde qui est le sien [106]'. r q u is par la signification du « philos?pher » lui-m_ê�rie ��
H ns où ce souci est explor é à chaqu e fois
Chaque souci vit dans une perspective dirigée sur ce dont il dans son ongmante
se préoccupe. Le souci voit l'horizon de la préoccupation à t da n s ce qu'il a d'histo riquem ent décisif .
Descartes et !fus­
travers l �s .différentes possibilités de la vision particulière qui ,1 ri. ne sont pas ici des exemp les choisi s au hasard pou� i�l��-
le ca�actense, laquelle est à son tour conduite et dirigée par 1 r r c e que nous avons dit du souci, mais des possL,btlttes
la pnse en vue, la visée explicite de ce dont il se préoccupe . compr end ce _ t qu en ce
faisan
/ ' tr du souci lui-mê me. On
p i n t de nos consid ératio ns l'effort pour conqu érir
l'ê�re pro-
b) La recherche de Descartes comme concrétion r ment d i t de ce souci , et de ce qu'il ouvre, nous re1ette de
I ' n a l y e d u phéno mène d u souci en plein dans
historiale factive du souci dans son ouverture l'histo ire*.
du champ thématique « conscience »
La tâche qui nous incom be à p rés e n t est d 'obt e n i r I
l'entente de quelqu e chose de p l u s origi n a i re e ncore : i l s'a i l ·� ·r .. . . St1j 'i , / ll l l'XI', 'l llllpl Ill · n t 1 4, p. :i 6.
( 1 09] D E UXIÈM E PA R TIE

R E TOU R À D ES C A R T ES
E T À L 'O N TO LOG I E
S CO L ASTI QU E
QUI L E D É T E RM I N E

I
Premier Chapitre

Pour s'entendre sur le retour à Descartes


en rappelant les étapes parcourues
j usqu'à présent

§ 1 7. La situation herméneutique
des recherches accomplies jusqu 'à présent
et de celles qui vont suivre

Le retour à Descartes* auquel nous sommes conduits de par


la situation actuelle de la philosophie elle-même n'a pas été
élucidé en toute transparence dans sa spécificité. La manière
dont le retour à Descartes a été opéré dans la critique de Hus­
serl a fait se répandre des erreurs d'interprétation bien déter­
minées, et c'est la raison pour laquelle il est nécessaire de
préciser la forme que va prendre ce retour. Pour bien nous
ntendre sur ce retour, nous allons procéder très simplement,
c'est-à-dire nous allons nous remémorer les étapes que nous
avons parcourues jusqu'à présent. Se remémorer, ce n'est pas
simplement redire ce qui a été dit, mais y voir plus clair en
parcourant d'un bout à l'autre le chemin accompli jusqu'ici.
Par cette remémoration, ce qui a été parcouru jusqu'à pré­
•en t se trouve placé dans u n horizon aux contours plus tran­
hés. La remémoration doit faire ressortir plus nettement les
impulsions décisives qui animent nos considérations. 1° Les
impulsions décisives sont [110] déterminées par ce qui se
ti nt d'avance sous le regard en toute recherche ; 2° par la
mani re dont ce qui se tient d'avance sous le regard est vu ;
" f., C' suj 1 . Annexe, com1 1 mcnl 1 5, p. 326 sqq. I
diat l n pr 1 1 1 i· r
Ce texte précède i m mé-
• m •ni p h ra s d u § 1 7.
Pour s'entendre sur le retour à Descartes 1 29
J 8 Retour à Descartes

3° par la manière dont cette anticipa tion d'un thème déter­ tnénologie ». Le second a cherché à caractériser ches ce qu'on
miné trouve sa motivation dans une situation détermin ée désigne aujourd'hui sous ce term e. Ces d � ux � e che � pos­
cite, method1que
par la manière dont cela détermine l 'explication conceptuelle'. sèdent une unité thém atiqu e et une umvo
Il faut donc bien s'entendre ici sur 1 ° l'acquis préalable : ce déterminées. L'une et l'autre progressent en interprétant le
que l'on possède d'avance pour la recherche, ce sur quoi le donné préa lable dans la perspective du Dasein. perspectiv . e
regard se porte constamment ; 2° la guise dans laquelle ce wmv6µi>vov et Myoç, ont été inter prété s dans
la
que l'on tient dans l'acquis préalabl e est vu : la vision préa­ de l'être -là (Dasein) : « se-montrer » considéré comm�enune un
lable ; �0 la manière dont ce qui est vu selon une guise p ssibil ité déter miné e du mond e, laque l � e peut virer
det, �rmi:iée �st ex.plicité conceptu ellement à partir d'une se faire passer pour autre chose », ce qm a rend u possi ble le
J ploie ment ultér ieur du phén
motivat10n determmée : la saisie préalable. Ce sont là les « omèn e » en « simp le ap a­
ale du Dasem :

?1oments de la situation herméneutique à la base de toute r nce ». Le Myoç, comme possi bilité fonda ment
i� terprétation. 'Epµ11vi:u: i::tv veut dire : interpréter au sens où · mme abord discu rsif et discu ssion du mond e qui fait
l'mterprétation se tient au-dessus d'elle-m ême en toute trans­ ·ncontre.
parenc� . Le� caractères de la situation herméneutique sont Le second moment de nos considérations se caractérisa it
tous dete�mmes , ? �r la catégorie du préalable. Le préa­ par le fait qu' il est question de l'être dès l'explicitationt h é m � - de la
«

pr blém atiqu e. Nous avon s inter prété


lable » qui caractense les déterminations de la situation h er­ le ch � m � .
1 lque
m �neutique est une détermination fondam entale du Dasein « conscience » dans l'hori zon d'un souci de�er�ne ;
lm-mêm e . L'acquis, la vue, la saisie sont des constitutions nous avons interprété la configurat ion du champ them atiqu e
·ornm e une guise du Dasein. tre en souci
fondamentales qui n'apparaissent que pour le Dasein. Ê selon cette guise
1

L ��quis préalable de la rech erche elle-même, c'est le Dasein.


'
1't-il une moda lité fonda ment ale du Dase
in. Ce qui ressort
L� Vt�zon préalable, la perspective dans laquelle le Dasein est donc de cette interprétation du souci d'une connaissan ce
lm-mem e vu en tant que tel, c'est l 'être ; le Dasein est en effet , onnue, c'est le fait que le souci est la possi bilité d'êtr ment- e, expli
ap préhendé quant à son être, quant aux possibil ités et aux 1 • lt ment saisie, de ce qui se trouv e anno ncé indicative
l n n s l'inte rprét ation d'Ari stote
g �1ses de son être. La saisie préalable est déterminée par le <
.
fait que les caractères d'être sont rendus explicites. Le Dasein Dans l'interprétation du souci , nous avons mis en lumière
1 • s u c i quan t aux possi bilité s d'être
e� t vu dans la perspective d'une possibil ité d'être proprement · suivantes : la ré-flection ,
lu 1 r struction, la mé-prise, l'omission. Le souci
dite, celle de l'existen ce (Existenz). Cette possibilité d'être du d'une connais­
., 1n
J?asein n � s'ouvre que dans un question nement herméne u­ conn ue est une fuite devant le Dase in comm e tel. Cela
tique radical. L'explication est elle-même une possibil i lé 11011s permet du même coup d'entendre cette autre , que�tion :
• j l l s.i g nifie q ue la consc ience devie nne cham
d'� tre que l 'on peut décrire dans un questionnemen t radica l p thematique ?
, a-
qui a été traditionnellement qualifié de philosophique . En cc / n on.science acquiert une primauté comme champ
them
1 / l i , du fa it d'un souci du Dase in
sens, tous ces caractères, dans la mesure où ils concerne n t lui-même. Le Dasein fuit
l'existence (Existen z), sont des existentiaux. Les existent iau d 1 , vn n l IL; i-mêm e et se prive ainsi de la possi bilité de s'aper-
so�t des déterminations d'être bien spécifiques qu i n'ont rien à 1 1 v i r t d e s'app rében der dans sa radic alité. C'est là le sens
vo1� avec les catégories ordinaires. Les catégories concern e n t 1 11 t v n m n t appa remm ent anod in, à savoir que la
tou1ours des. d?m �ines d'être mondain s réaux (sachhaltig). d v i n ne c h a m p thém atiqu e.
Les cons1derat10ns menées jusqu 'à p résent comport n i
deux [ 11 : ] � oments d e prime a bord d i s t incts. L p r 1 1 1 i ,
. .
/

moment eta1t centré s u r l 'écl a i rcis ement c l u t e rme « 1 h


n o-
130 Retour à Descartes Pour s 'entendre sur le retour à Descartes 131

f"rmé du même coup le chemin qui mène à la vie .elle-même.


(112] § 18. Se libérer de toute discipline out en cherchant à voir et à saisir la vie, il avmt tendance
et des p ossibilités traditionnelles, c'est se libérer l 1 1 3) à aborder la vie avec la même problématique � ue ce
pour le Dasein. La recherche ontologique qu'on appelle « nature » ; même si lui-même c.ombattai� de l�
du Dasein en tant que destruction manière la plus nette qui soit toute psychologie natura.hste ' . il
1·onsacrait néanmoins tous ses efforts à la psychologie. �1�­
Ces deux recherches : l'élucidation du terme <phénoméno­ l hcy partageait la même façon de voir que �e c?nt.re qu01 il
,
logie> et la caractérisation de ce qu' on désigne par là, ne H1� 1 evait . II n'est pas complètement parvenu a l air hbre en ce
prennent pas leur orientation sur une discipline préexistante. Ces 1 p 1 i concerne les orientations qui é.ta �e�t les sienn�s. �l .Y a
recherches ont ceci de particulier qu'elles conduisent en quelque chose de beaucoup ph.�s difficile qu� la surete ms-
dehors de toute discipl ine vers un complex e phénoménal 1 nctive avec laquelle on mamtlent le cap, c est la transpa-
spécifique : le Dasein. Se libérer de toute discipline pour le 1 i; n ce de l'instinct. , ,
Dasein lui-même. Cette libération signifie : se saisir des pos­ ·1 ,'interpréta tion orientée sur le Dasein est confrontee a

sibilités permettant que le Dasein devienne lui-même thème 1111 difficulté particulière que l'on peut tout au plus met�re
d'une recherche qui soit déterminée par le Dasein lui-même. 1 1 1 jour et qu ' il est impossible de surmonter : t?ute tent �tlve
Cette recherche n'est rien d'autre qu'une possibilité du p1 J u r expérimenter plus originai�e?1e�t le Dasem pr� nd i�sue
Dasein comme tel. 1 li' la situation actuelle de l'exphcitatl on et de la determma-

La tâche qui vise à se libérer pour l' état de fait « Dasein » 1 iun conceptuelle du Dasein et de la vie. Or cette situation
implique de se libérer des possibilités traditionnelles et des •':-<I dominée par l'ontologie et la logique anc!e� nes, �ne o �to �

façons traditio nnelles de déterm iner cet être en le subordon­ 11 1 • i t une logique que tout le monde consi�ere �UJ?u,rd hm
nant aux problématiques générales de l a philosophie. Il faut , qn1me allant de soi, si bien que la tâche visant a hberer le
l •rts•in et à en obtenir des modalités d'explicatio n nouvell� s
bien voir que toutes les recherches qui ont été conduites
jusqu'à présent concernant en quelque manière le Dasein .1 11 cessairement de pair - dans la mesure où le Dasem
d uj our d'hui est ontologiquement obstrué - avec cette a �tre
(sous le titre de flux de vécus, raison, vi e , Je, personne, etc.) ,
attestent d'une omission fondamentale : l'étant dont elles . pl l nsiste à ébranler le Dasein act.uel d�ns ce qu il _a
i l'ql i t rué, à le déconstruire en recondmsa nt a. leur sens on­
I' n n i r
traitent n'a pas été interrogé d'abord e t avant tout dans sa
Ies catégories fondamen tales « conscience » '. «, per-
constitution p ropre. Il apparaîtra que la philosophie tout
entière, du fait même de son origine , n ' a pas été jusqu'ici en 1 11\n », « sujet », ce qui signifie montrer, en cons1 � erant
l 'i l r in de ces catégories elles-même s, que celles-ci pro­
mesure de déterminer plus précisément en tant que Dasein ' 1 u n nt d'un tout autre sol d'expérien ce de l'être, et que,
cet étant qu'elle prend dans l'acqui s pré alable. Ce qu'on a , 1 J1 1 1 p t t n u de leur orientation conceptuelle, elles ne son!
1 1. 1 ,
mis en circulation sous le titre de « ph i losophie de la vie » .ta me s ure de ce que nous voulons prendre en vue a
1 t
tend sans conteste vers le Dasein en sa vi vacité. Mais la phi­
rc
losophie de la vie montre au bout d u compte combie n
Dasein .
'I ' u l re c h e rc h o n tologiq ue portant sur le Dasein est, en
1 1 1 1 1 J u L I l , destructive, elle est e n co nnexion intime. avec
l'entente qu'elle a d'elle-même, et de sa t â che fondam ental ,
est pauvre. La vie désigne une guise d 'êt re pou r laquell _ .
1 1 1' n appe l J . la c n ci ence h 1ston � ue. L.e Da.setn; le
l 'ontologie ne nous a légué j usqu 'à prése n t aucun ca t ori . 1 1.1 i n r 1 ui est aujourd 'hui le nôtr , n 'est n n q m o i t 1 � 0! � ' ce
Dil they, g u i est a l lé .le plus loin d a n s 1 p oss i bi l i t s d ' a p i r -
s / 1/1,i't ' n . , b n s l ';l ) n s i s t a n ' f n c.f a m n l ' l l d s s p r b r l r t és ,
h e n s i o n de la v ie , l ' a fa i l n t ra va i l h n t 1 ·H r a l io n , t s' ·si , 1 1 1 J ist in J U i l l ' u n Das in
1 32 Retour à Descartes
Pour s'entendre sur Le retour à Descartes 133

antérieur. Dans cette perspective absolument fondamen­ moyen d'une distinction empruntée à la logique tradition­
tale, l'histoire n'est donc nullement une chose quelconque nelle : le genre et l'élément du genre. Compte tenu de ce
qui serait derrière nous et qui fournirait aux sciences de q ue nous avons dit jusqu'ici, on voit que [115) la relation
l'esprit matière à quelque affairement, mais l'histoire est véritable du Dasein à ses possibilités - et cette relation
quelque chose que [1 14) nous sommes nous-mêmes. Ce qui est historique - s'élargit, dans la position du champ théma­
nous est au contraire présenté en fait de passé n'est pas du t ique « conscience », en une relation logico-formelle, l aquelle
tout le passé, mais un piètre présent ; il s'agit avant toutes ne concerne en rien l'être mais simplement une structure
choses d'ouvrir le passé lui-même. Notre conscience histo­ logico-formelle. Nous arracherons pour ainsi dire la réponse
rique (Spengler) est une conscience qui tout simplement >n interp rétant cette recherche du point de vue de son origine
asphyxie l'histoire1 • Il n'est plus du tout question de l'histoire ontologique. On verra que les déterminations de l'être de
ni de l'être historiai. Chaque orientation historique doit être cette conscience reconduisent à l'ontologie et à la logique
considérée non comme une chose contingente, mais comme antiques. Nous verrons que la nouveauté, qui est la marque
une tâche déterminée prédessinée à partir du Dasein lui­ cli.stinctive de Descartes, n'est une nouveauté que d'un point
de vue extérieur ; il n'y a pas en réalité de rupture chez Des­
même.
cartes mais la saisie de cette possibilité prédessinée que nous
avons déjà examinée. Le souci d'une connaissance connue
§ 1 9. Retour sur l'être véritable du souci est une possibilité d'être qui détermine ontologiquement la
d'une connaissance connue envisagé philosophie grecque en un sens déterminé sous la forme de la
dans son passé originaire, primauté absolue accordée au 8i;ropdv sur toutes les possibi­
autrement dit retour à Descartes lités d'être du Dasein.
Faire mémoire, c'est méditer sur la situation herméneu­
Ces déterminations, qui ont été présentées jusque-là de t ique, sur la situation de l'explicitation elle-même. Le site de
manière très générale, doivent être maintenant appliquées au la considération peut être caractérisé dans son être selon
cas particulier qui nous occupe, celui de l'interprétation du cliverses perspectives. Les plus importantes sont : l'acquis
souci d'une connaissance connue. Nous demandons donc à préalable compris comme ce qui se tient d'avance sous le
présent : comment et de quelle manière l'interprétation du r"gard, ce en vue de quoi tout ce qui est envisagé est inter­
souci d'une connaissance connue conduit-elle à Descartes ? prété. C'est le Dasein que nous avons caractérisé comme
Dans notre interprétation de Husserl, nous avons vu 11 quis préalable de l'interprétation. Quand on caractérise
que la position du champ thématique « conscience » faisait m me « acquis préalable » ce que l'interprétation tient dans
1 référence d'une manière déterminée au Dasein pris en un sa visée, cela signifie qu'une décision est intervenue - que le
sens concret, à savoir comme exemplification déterminée de l asein est le point de mire de la recherche. En examinant la
quelque chose de général. La conscience désigne la sphère de sit uation herméneutique proprement dite et le moment de
phénomènes qui sont étudiés du point de vue des structures 1 o quis préalable, nous verrons quels sont les motifs du
appartenant à toute conscience en tant que conscience . l osein Jui-même qui nous ont conduit à nous décider pour le
L'être humain n'est qu'un cas particulier de cette possibil ité i h me du « Dasein ». La reconduction de l'acquis préalable à
d'être générale « conscience ». Ce complexe est déterminé au ln pris préalabl ( Vomahme), laquelle appartient à une
1 st rat plus rad ica le, loit être remise à plus tard. Le Dasein a
r vision t · d a n la. p rspect ive d l'être, [ 1 1 6) le Dasein
manu crite.
/
1. Cette p h rase est ra t u rée clans l a copie aya n t fa i
t l'obj t

q u rn
· t s n · i ra l r d'êt r d'un mani re tel.le
l'un

,
134 Retour à Descartes
Pour s 'entendre sur le retour à Descartes 1 35

que ses « catégories explicites soient mises au jour sur


»

b�se de l'être spé �ifiqu e du Dasein. Nou s verro la originaire.Ce retour à l'être véritable du souci pour en déter­
ns plus
sement que ce qm, dans nos considérations précédentes tou­i­ préc miner l'être-ouvrant est un retour à un complexe de recherches
chant le Dasein , a été présenté en fait de catég auquel est attaché le nom de « Descartes » .
plus du tout en ligne de compte à présent. Nouories s
n'entre
désig nons
comme exist _ entia
_ l le caractère d'êtr
e du Dasein pris en tant § 20. La destruction comme chemin
qu'être et cela à vrai dire parce que le Dase pris comme
possibilité d'êtr e déterminée, est ce que nous in,appe de l'interprétation du D asein. Trois tâches
tence ( Existenz) . Cette possibilité n'est pas toujourslons là
exis­
c'est
à accomplir pour expliquer comment le souci
une possibilité qui mûrit dans la méditation philosophique d'une connaissance connue ouvre. La question
Ce n'est pas quelque chose qui peut être posé absolument . du sens de la vérité de la connaissance chez Descartes
comme unique possibilité d'être. Nou s voyons le Dase ni
quan t à ses caractères d'être. Ce que nous visons ce sont ces in
Ce retour semble marquer une inflexion dans nos considéra­
d� termi� ations . d'être en tant qu'existentiaux. Ù n'y a pas tions qui ne se dirigent plus sur les choses elles-mêmes et
d analogie possible entre le complexe de ces carac prennent un tour historique. L'être du souci est un être histo­
d.us comme exist�ntiau x et un quelconque systèmetères enten­
de catégo­ rique, et il a beau être déraciné comme peut l'être aujourd'hui
le souci d'une connaissance connue, il n'en demeure pas moins
nes. Les ex1st_ e nhaux excluent
_ toute systématicité en quelque
sens que ce soit. Leur connexion est fond ée d'une tout autre historique. Pour une considération qui s'oriente véritablement
� ani�r�. Ce qui est aperçu de la sorte dans le Dase peut ·ur l'être, cela veut dire que l'histoire n'a pas disparu même si
�tre fixe concep tuellement dans un discernement interinpréta 1 souci est déraciné ; l'histoire est bien là, mais souterraine­
tif. La connex10n structurelle de cette explication concep­­ ment. Cela nous conduit déjà à voir précisément le Dasein
tu��e est caractérisée comme saisie préa lable . Il y a dans omme quelque chose qui est recouvert par sa propre histoire,
saisie tout le complexe de possibilités que four la
nit
i� terprétation. La saisie préalable n'est qu'un terme synth une telle par l'histoire de l'explicitation qu'il donne de lui-même. Le
tiqu� p�ur désigner la conceptualité qui se dépl é­ ·adre de la recherche catégoriale et de la logique prédessinée
oie dans
explication. Pour mettre en lumière le caractère fond ame ntal · cette par les Grecs gouverne jusqu'à ce jour la vision de ce qu'on
du souc i d'un e connaissance connue, c'est-à-dire son être­ ;:ippelle le Dasein. Pour réussir à voir le Dasein, il est néces­
ouvrant, il nous faut faire retour à l'être vérit
"aire de le libérer en chaque cas des excroissances concep­
able du souci. l uelles que le Dasein a lui-même configurées pour s'expliquer
L�s considérat!ons précédentes ont déjà montré que le lui-même, et où se manifeste aujourd'hui la tendance particu­
souci d ,une connaissance connue exerçait aujou
rd'hu i une li re du Dasein à s'obstruer lui-même. Le Dasein s'est obstrué
natio n particulière et gouvernait la problématique de ladom i­
,j losophie. Le souci d'un e conn aissa nce conn ue exer ce phi­ une
lui-même dans toute la sphère de son être. La libération du
asein qui s'accomplit sur le chemin de la déconstruction, de
ln destruction, reconduit les concepts à leur origine spécifique.
domination qui n'est plus contrôlable, une dom inati on cou­
1 · 1 L ]. En même temps, ce chemin fait apparaître que les
pée d� ses racines et qui ne sait plus rien de
sa provenance .
epls ne sont pas à la mesure du Dasein lui-même, il montre
On vit en ayant tendance à ériger la conscienc e e n thèm e ·. m
fondamental. L'êtr e véritable du souc i de con
connue est perdu de vue [ 1 1 7]. II est impossi b l e d e voi
n a issan ce ·ornm nl le Dasein en vient à s'obstruer lui-même au cours de
vé ritab le du souc i en cons idéra n t sa form m oy 1 1 11 . rl il ' f�at r 1 hi l o i r . uand je désigne, pour faire court, cette méthode
faire ret o u r à 1 t t rl i u l i r d ' i n l q r t '1 t i n d u Dasein de éth ode destructive,
ce qu 'est v 'rifabl men t le sou
. ut m
/
·i dans son 1 ass'
p u l s' · n t n d r c i ' q u � t r p i n t d
.
'IH vu .
1 36
Retour à Descartes
Pour s'entendre sur le retour à Descartes 137
� ° Cette méthode de ruction
ton que univ. erselle , madest n 'est pas une méthode his­ ;_i.ujourd'hui le nôtre, quelque c� ose comme un respec� pour
is un che
qui .procède des nécessités du Dasmin concret bien déterminé /'histoire au sein de laquelle se 3oue notre propre destm. . L �
gon ale du Dasein ; elle se bor ein et de l'exp loration caté­ destruction, en tant que critique de !'aujourd'hui, est ams1
semble être une chose purementne à cela . La destruction une critique qui rend visible dans son originarité �ropre ce
cependant qu' elle ne se met pas ennégative. Il faut bien voir l J U'il y a de positif dans le passé. Ce faisant, le p�s�e, apparaitA
ce qu' elle soumet à destruction, ma quête des faiblesses dans pour la première fois comme ce que nous avons ete a propre­
et de productif. . Elle prend en vue is de ce qu' il y a de positif ment parler et pouvons être de nouveau .
la recherche. Il s'agit de faire app les possibilités positives de 3° On voit que l a destruction est, au sens pr�pre d� t �rme,
elles trouvent leurs limites. Ce araître à leur contact là où ·onnaissance historique et qu'elle n'a nul besom de l ad3onc-
qu 'on appelle très générale­
men t le travail théologique et phil
ch�mp ? e la destruction . Le trav osophique entre dans Je
t ion d'une problématique systématique. . . .
4° Il faut dire en outre que la destruction ne peut 1amais
theo�og1e chr�tien ne a constammen ail théologique, parce que la ·hercher à réfuter comme s'il s'agissait de protéger sa �ropre
forge ses outils scientifiques con t vécu d'expédients et a p sition par la réfutation. Pour cette raison, la d estructI �n ne
ch aque fois à la philosoph ie dan ceptue ls en se rattachant à ,
p ·ut pas être prise isolément à la façon d'une methode d ana­
pr? blè � es touchant le Dasein s la mesure où certains des l se historique autonome ; elle n'a de sens que comme expl? ­
theolog1e. Quant à savoir si une sont également débattus en rn.tion qui ouvre ce qui est réellement en cause dans le Dasem
pro�re conceptual ité sans rien théologie qui créerait sa quant à ses caractères d'être.
p�ss1�le, ?n n'e n discutera pas dev oir à la philosophie est .. .
Accomplissons maintenant le pas déc1s1f et ap�hquons plu�
1 r ·cisément ce que nous venons d'é: a.blir en faisant �eto�r a
n � vecu J usqu 'ici que de la phil ici . En tout cas, la théo logie
nai :� de Luthe r a été elle aussi, oso phie . La position origi­ / scartes. Pour expliquer l'être ventable du souci d une
entieremen � recouverte par Mel anc dix ans apr ès son appari tion,
hth ·onnaissance connue, de son être-ouvrant, il nous faut n�us
que ce der�� er avait fini par repren on et par la tradition ,, ·quitter de ces trois tâches : 1° montrer que ce souci. est bien
vue l � positif ne signifie dre d'A rist ote. Prendre en � l'œuvre dans le travail de recherche de Descartes ; 2° mo�­
ch e � a apporter des améliopas que la destruction devrait cher­
i ,. r que c'est ce souci qui ouvre la conscience, et comment Il
En Jug ean t l'hi stoire du Darat I " fait · 3° montrer que des caractères d'être déterminés de ce
ions en séparant le vrai du faux.
sein à l'au ne de la vérité et de la
fausse �é on se mép d sur le q 1 1 ' c; souci peut ouvrir et ouvre sont déjà prédessinés par
caracten�se le sens phiren type de connaissance
losophique et théologique de la vérqui 1 t re déterminé de ce souci.
( 1 20] La première preuve est purement extrinsèqu� : Il e �t
01 � ité . .
I l ! i J d'établir, en s'appuyant sur le Dtscours de la methode ,
2° La destr �tion est en réal .

sou!"11e t a, la �ntiq ité critique. Mai ce qu'e lle
ue, ce n'es t pas le passé auquels elle l j i l J travail de Descartes est régi par le critè e f? ndam ntal
acce� ; ce q 1 tom be s le cou ouvre � �
, 1 la clara et distincta perceptio. Pour mener a bien la tache
plut ot le pres� ent, notresou p de la critique, c'est bien
q u i st proprement la nôtre, il faut m�ntrer que c'�st �ien ce
recou:er� par un passé Das ., > l i i qui ouvre la conscience, et voir comment Il 1 ouvre
ein d 'aujourd'hui en tant qu'i l est
tote m sam t Augustin qui sont sou
dev enu imp rop re. Ce n'est pas Aris­
1 J i m ce co n t e x te nous aurons à nous rendre présent le souci
:
A
,

plu tot le pre,sent. La critique tend pré mis à la crit ique , m a i s b i e n


l u n s a pleine teneur et à préciser ensuite ce que re �ouv e le
qu'e�le � r� nd pour objet en le cisé me nt à faire voi r ce
i rn d « vé r i té » . Le sou.ci de connaissance est onente sur
:
m e t t a n t en ra ppo rt a ve
pa �se ongznat.re, et ce ·on
na1 re de l a rech e rchl a p ol u rvreinJ d re man ifest h for11 1 o r i 1-
nrt . . A Min11r//u)1g li/1er die Methorle, /
L asein qu i
·

r, I ' 1 9.
·
I r, d a n s 1 L 1 n" 3° é d . , trad. et notes de
'l , Bu h n . 11 , L i pzi >, M e i n
Pour s 'entendre sur le retour à Descartes 139
1 38 Retour à Descartes

la vérité. Cette orientation sur la vérité de la connaissance l'être en souci et y apprenons comm ent le chemi n s'y trouve
témoigne déjà d'une idée déterminée de vérité. Nous parvien­ préde ssiné de telle maniè re que le souci d'une connaissance
drons au plus près de ce que signifie cette idée de la vérité si èonnue s'accomplisse sur le chemin du doute. 2° Le doute est
nous orientons la « vérité » sur le Dasein lui-même et si nous une forme explicite du souci de connaître au sens où l'on s'y
demandons en quel sens la vérité appartient au premier chef montr e préoccupé d'une idée bien déterminée de la vérité.
au Dasein. C'est la question augustienne du rapport entre La doctrine de l'être et de l'être-vrai, telle qu'ell e a prévalu
veritas et vita. L'orientation du concept de vérité sur un souci au Moye n  ge sous sa forme aristo télicie
nne, est passée
de connaître déterminé - orientation qui s'est développée hez Desca rtes, ce qui nous renvo ie du même coup au point
1 dépar t de nos consid ératio ns. Avec ces analys es, nous
historiquement à partir des Grecs - a enfermé la philoso­
0 mmes suffisa mmen t prépa
rés pour explic iter le Dasein lui­
phie dans une problématique inextricable. L'idée de vérité
même dans la persp ective indiqu ée et pour voir jusqu 'à quel
que nous rencontrons dans le cadre du souci de connaître
apparaîtra dans sa signification véritable - non pas comme point les reche rches les plus avanc ées de la philos ophie de
ia vie d'aujourd'hu i (Dilth ey) tende nt à placer
un caractère du connaître, mais comme une constitution fon­ la vie sous
damentale de la vie elle-même, une constitution qu'un mode l'empr ise de la conna issanc e philos ophiq ue et de sa concep­
d'être du souci a entraîné hors de ses possibilités. Des indices t ualité.
témoignant de l'ancrage de la vérité dans le Dasein apparais­ La destruction, qui possè de un caractère négat if dans la
sent déjà dans la philosophie grecque à travers le terme à.1-.i] 9Eta. m sure où la négat ion, correc temen t enten
due, constitue
Nous expliciterons d'abord le phénomène de la vérité en nous h i · n en effet le propr e du Dasein lui-mê me,
ne doit pourtant
conforman � à la manière traditionnelle d'envisager le concept pa être caract érisée comm e négati ve au sens
de la négation
de vérité. A première vue, le Dasein comme tel n'apparaît l ique. La destruction prend elle-même d'emblée pour thème,
pas du tout dans le contexte du phénomène de la vérité. La clans ce qu'ell e soume t à élabo ration , non pas les points
vérité est perçue comme un caractère du jugement, de la fa i b les, mais l'élém ent propr ement positi f
et appré hendé
connaissance théorique, la vérité signifiant la même chose p sitivem ent par la problé matiqu e qui donne son impuls ion à
que validité. Dans la mesure où [121] connaître c'est expri­ l'interprétation elle-m ême. Ce n'est pas un hasard si ce posi­
t i f [ 1 22], qui n'est pas à mettre au compt e d'un point de vue
mer le connu, recueillir le connu dans la proposition, dans la
trange r, est aussi ce sur quoi on insiste , en tant qu'il est lui­
mesure où cette proposition est communicable et où, pour être
m �me positif, dans ce qui nous apparaît, dans la mesur
e où en
communiquée, elle a besoin d'une compréhensivité (Ein­
sichtigkeit), des phénomènes déterminés viennent se stratifier t u te philosophie il y va, expres sémen t ou non,
du Dasein lui­
m �me. L'obje t de la recherche est abordé théma tiquem
ent
autour de la « vérité » . C'est tout ce complexe qui forme la
par son côté positif . La destru ction est condu ite par un autre
problématique de la théorie de la connaissance au sens le
plus large du terme. •oncept de vérité que celui ordinairement en usage en
tJ ·i ·n e. La destru ction est critiqu e ; la critiqu
L'interprétation précise du souci d'une connaissance connue e a ceci de posi­
qui prend appui sur la considération cartésienne doit s'orien­ L i f q u'elle s'orien te sur le présent consid éré comm e ce en quoi
I : \ cl t ruct ion qui s'acco mplit a son Dasein , elle s'orien te sur
ter d'emblée sur cette question : quel est le concept de vérité
pr nt dan la mesur e où celui-ci vit dans la recher che
et d 'être-vrai qui est central chez Descartes ? Cel a nous per­
q 1 1 a mp l i t l a destruction ; c'est pourquoi la critiqu e de ce
mettra de comprendre quel est précisément .le mode d 'être
q11i a p p a rt i e n t à l'h istoire n 'est rien d'autr e que la critique du
n d u i t d façon à r ndr pa r là même la situati
lui-même de ce qui est appréhendé comme vrai. Notre consi­
i ) 1· s n i
on /
dération se concentre s u r l e phénomène de la vérit • s u i va n t
' l ' i n t r p r t a l ion l i rn pi d l ri t i 1 u 111 n t a m e u b l i e .
deux perspect ives. 1 ° Pa r 1 fa i t q u n u y J i o n s l a u i .. e d
1 40 Retour à Descartes

Cela signifie de plus que la destruction n'est pas une consi­


dération historique au sens courant du terme, et surtout pas
r i 231
au sens de l'histoire des problèmes. Dès le départ, l'orienta­ Deuxième Chapitre
tion historique de la destruction ne consiste pas à passer en
revue une série de visions du monde ; la destruction est bien Descartes.
plutôt une lutte avec le passé et à vrai dire une lutte où le
Comment le souci d'une connaissance
passé est amené à son être propre dans la mesure où la des­
truction est proprement objective. L'objectivité de la destruc­ connue ouvre et ce qu'il ouvre
tion amène le passé à son être véritable, c'est-à-dire le rend
apte à exercer un contrecoup sur le présent. Ce n'est que si
le passé est ainsi mis en capacité d'exercer ce contrecoup
que son objectivité s'éveille tout comme s'éveille, pour le
présent, sa relation intime à l'histoire. Ainsi il devient clair
pour la destruction que la recherche philosophique ne peut L'interprétation sera désormais conduite dans la perspec-
absolument pas se réduire à une considération systématique 1 i v e suivante : nous allons maintenant nous intéresser théma-

1 i.quement à Descartes afin de savoir comment le soue� d'une


et historique. Une recherche de ce genre vient avant cette
distinction, elle se situe à un niveau beaucoup plus originaire <'Onnaissance connue ouvre et ce qu 'il ouvre. La connaissance
que la base sur laquelle s'opère la scission de l'historique et
·tit à prendre au sens traditionnel conformément aux possibili-
1 · de détermination offertes par le travail de recherche dans
du systématique.
1 domaine de la connaissance. La domination de la connais­
i\'rtl'l e théorique considérée comme vrai critère de toute connais-
1,nnce est restée si forte dans l'évolution de notre histoire
1 ) t l lectuelle qu'on va jusqu'à appréhender le phénomène de
1 t f j dans la perspective du phénomène de la « connaissance ».
1 ,hJ ' i l en résulte des incohérences fondamentales, c'est ce que
1 n peut voir en considérant l'histoire de la théologie.
'/
1
§ 21. D éterminations de la « vérité »

U nous faut donc, en faisant fonds sur ces concepts déter-


1 l l l fl de la connaissance, nous orienter sur les détermina­
i on de la « vérité » et voir comment la position d'une idée
J1 l v r i té e n t raîn e, pour la vérité, des possibilités détermi-
1 1 ' • d ' t re d a n l a v i e .
1 f l v ri t t p r i s 1 ° com m e l e vrai : l 'étant qui est là et est
ci uv rl d a n s un m d dét rm i n é de connaissance. /

r 1i st I' t a n t J a n I , tr - 1 q u ' i l 1 oss de de l u i - m ê m e et


·
14 Retour à Descartes Descartes. Comment le souci d'une connaissance. . . 143

qui est mis proprement à découvert, en termes scolastiques : recouvert et faire défaut, mais même dans ce cas la proposi­
verum id, quod enuntiando ostenditur. Dans 1'enuntiando se t ion peut prétendre être contraignante au titre de quelque
trouve déjà contenue une autre possib ilité de déterm ination chose qui, du fait de son origine, exige en soi-même d'être
du sens de la vérité. [ 1 24] affirmé. [125)
2° Expér imente r et avoir là origin airem ent un étant connu 5° Dans la mesure où l'on considère que le caractère
a lieu en unité avec le fait d'ab order discur siveme nt cet étant contraignant d'une proposition est quelque chose qui doit
et d'en discute r en l'expér ime ntant. L'étan t découv ert qui est •tre reconnu, une proposition, dès lors qu'elle est là comme
connu est ce dont on parle. L' étant en tant que connu est là une proposition valide, est objet d'un devoir. Si l'on prend la
et peut être là expres sémen t en tant que ce dont on discute. proposition comme objet d'un devoir et si l'on définit l'objet
Ce dont on discute , c'est ce qui est dit - et qui est dit ·
l'un devoir comme une valeur, on caractérise alors la vérité
expres sémen t. L'étan t décou ve rt qui est dit, c'est ce que nous mme une valeur.
ap �elons une p roposition. La propo sition est quelqu e chose La mise au jour des différentes possibilités d'être-là de ce
qui garde en elle l'étant en tant que découvert dans la
1 nous avons déterminé en commençant comme étant le
ue
mesur e où il est dit. C'est dans cet être-d it de l'étant en tant vrai a dû faire apparaître en toute lisibilité que le vrai pos­
que vrai que la propo sition est elle-m ême comm unicab le. En sede, dans la vie, des possibilités déterminées d'être là. Ces
t a 1� t qu e dite, e �le est déjà là d ans l'être-
_ là. Une proposition di fférentes possibilités témoignent d'un éloignemen t crois-
qui retient un etant expres sérnent découvert est une vérité 1'ant à l'égard de ce qui constitue le vrai proprement dit :
comm un icable, laquel le peut ê t re acceptée ou bien, si elle est 1 t ant lui-même dans sa manière d'être à découvert.
réfutée, rejetée . En commençant par la possibilité mentionnée en dernier
3° La guise suivan t laque lle une vérité de ce genre est là en lieu, la vérité comme valeur, il est clair qu'il n'y a là plus rien
eJle-m êm e, c'est-à -dire en étant pour ainsi dire suspen due du sens originaire de la vérité. La philosophie des valeurs est
_
dans le vide, et sans qu'on y t i e nne compt e du fait qu'il y est l"l lement éloignée du sens et de l'être-vrai que le chemin sur
parlé d'un étant déterm iné. La proposition peut être là sur Je 1 quel s'effectue la mise en lumière du sens propre de la
mode de la redite tout en prét endan t avoir part à la vérité v--:rité lui est définitiveme nt barré. Ce chemin que nous avons
exprim ée clans la proposition . En ce sens, la vérité possède d crit n 'est pas un chemin quelconque et nous ne le mettons
d a n s la public ité le mode d'être d'une
validité dont la forme pas non plus en évidence à des fins de destruction. Ce che-
de .légi timati on est variab le et p
eut même manq uer. 111in d'éloignemen t est le chemin que l'histoire a elle-même
4° Cette validité elle-même , qui est propa gée en étant 11uivi, c'est le chemin où se meut l'interprétatio n de l'étant
· mme vrai. Cela veut dire que la tendance à interpréter la
expri mée de différe ntes maniè re s et qui est là en étant pro­
pagée de cette façon, est susceptible en soi, en vertu de son v ·ri té dans la variété des acceptions qu'on a dite s'annonce
origin e, d 'une possib ilité de lég itimat ion spécifique. Dans la jà dans la philosophie grecque. Outre le fait que les Grecs
mesure où une validit é est acce p tée si la possib ilité de la légi­ n t pas véritablement pris en charge le sens originaire de
t i m e r est elle-m ême valide , la pr oposit
tr -vra i, le vrai a d'emblée été appréhendé comme une
orrect e, il y a là rectitude. D ans la mesur e où lorsqu 'on
ion est une proposition
t l1.-r nninat ion de la proposition. Cette orientation s'est trou­
cl n n e son assentiment à une va lidité, ce
à quoi l'on clonn v r n fo rcé par le fait que la connaissance théorique a pris
g la n t s u r son o rig i n e la t o u t ci s u i te u n e importance particulière dans le développe-
:;on ass n t nnent se mon tre en se ré
,

v a l i d i t é p os s è de en soi une rec t it ude péci


1 1 1 nt 1 la philosopbi grecque. Le destin u ltérieur de l 'idée
I ' r i in ' e t elle 1.a pos cl en t a n t
fi q u e régi e ur
qu' Il fait l'obj t d ' u n J v ril s' »t t ro u vé s l ié de. m a n i re définitive à partir de là. /
a p p ropri. a t ion m nt cl · iv pour donner
I l n' a u pa r l a uil q u u n s ut t· n t H
.
expre re t i t uc l p ut" l i" '
1 44 Retour à Descartes Descartes. Comment le souci d 'une connaissance. . . 145

un nouveau .s �ns à l'idée de vérité : dan s le Nouveau


ment et en liaison avec lui chez saint Augustin. Ce Testa­ que nous déterminons en disant qu'il ne se soucie que de lui­
sens ne fait. naturel! ement pas l'objet d'une explnouveau même, et cela en un double sens. a) Le souci de connaître en
expresse dan s les Evangiles . la th eo .
icitation tant que curiosité ne se soucie que de lui-même veut dire : il
' [126] , l agie aura it du en . � s absorbe entièrement en lui-même de sorte que la seule
reva�ch.e se charger d'expliciter , dans Je cadre de so chose qui compte, c'est d'être en capacité de voir. Il devient de
om1� �e le fatre . Le « paradoxe » chez Kierkegaard Elle :
ex�hcatton d� la foi, ce sens originaire de la vérité.
moins en moins sensible à l'appropriation véritable de l'étant
�us �� nen d �aut�e que le fruit de cett e omission fondame n'est lui ( 1 27). S'intéresser à tout et n'importe quoi, y compris à la
e l mterpretat10n de l'idée de vérité. ntale religion et à la religiosité - un trait qui est aujourd'hui
dominant - , est un rejeton maladif de ce souci d'un nouveau
•enre. b) Le souci de connaître ne se soucie que de lui-même
au sens où il n'a besoin d'aucune autre chose. Il pourvoit
§ 22. Trois possibilités du souci ntièrement à lui-même, il est sans besoin. En tant que tel, il
d 'une connaissance connue : tle dérobe dès qu'on fait mine de prendre au sérieux ce qu'il
curiosité, sûreté, être contraignant nnaît.
2° Le souci de connaître est un souci de sûreté. Dans cette
N ou� �vans considéré le connaître dans une pers orte de souci, l'important est que le connaître s'accomplisse
de, t erm mee ' celle du souc1. d' une . pective
. . connaissa nce conn cle telle façon que le connaître et le connu soient eux-mêmes
conv�ent mam t�na nt de prendre une vue plus tranchée ue. Il
. connus dans cet être-connu . Le connaître lui-même accède
sur le
� ; . un être-connu déterminé. Le souci d'une connaissance
souct de connaare. Cel a sign ifie que le
souci d'une connais­
sa� e connue ne c?nstitue qu'une possibilité déte
rminée et onnue : le caractère spécifique de ce souci - dans la
qu I . � �u� faut mam tenant envisager celui-ci selon d'autres m.esure où il lui importe de posséder le connaître lui-même

poss1b11ttes. - est de donner le connaître en toute intelligibilité ; dans la
. � �o �ci de conn ître peut être caractér selon trois pos­ mesure où l'intelligibilité est ce qui importe d'abord et avant
s1 bI I.tes . 1 0 le souci� de curiosité ; 20 le souciséi de sûreté . 30 le
l ut à ce souci, il en vient à manifester un intérêt tout parti­
sou ci du con traignant. ' ·ulier pour les considérations de méthode. La singulière pri­
1 o Le souc i de conn aissa nce peu t d'ab mauté des considérations de méthode caractérise la forme
� ent ne pas se con tent er de la conn aiss anceetqu'i
ord orig inai re- a tuelle du connaître. Là encore, le souci se mé-prend. Il est
.
d un . sect eur dé :erm iné de l'éta nt con crèt eme nt là.l a I
souci de con n � 1tre, l'import ant est préc isém ent, Po � � � = oncerné au premier chef par la sûreté de la connaissance
1 ssible, et cela au point de s'accommoder fort
bien de voir
nan t un dom � me déterminé du con nu, d'être à con cer­ d travers ce qui doit être connu. Dans ce contexte, se déve­
� rogresse: touj ours plus avan t dan s la connaissance .mêm Le
e de
souc i
loppe justement une cécité spécifique à l'égard de ce qui doit
tr co nnu à proprement parler . Le terme de « méthode »
- p ren d.
e connaitre . se prend à son propre piège, il se mé
Pou r �e souci de connaitre � , l'important n'es •tf t p ri s ce faisant, dans le cadre de ce souci de sûreté, en un
connait et encore �oi� s le mode d 'être de cet qplus ce q u ' i l ' n bien déterminé : c'est le chemin permettant d'atteindre
u '
L.a. s� ule chose � u , il vo t déso rma is, c'est qu 'il y a de aît .
i l conn I ' >vid nce la p l us grande possible, alors que le terme de

btlit�s de co nn � 1tre t? u.1�ours nouvelle s . Le souc i de con 1 o s i ­ 1 m thod » n son sens propre ne peut signifier que ceci : le
m ��1feste ams . 1 � réc 1 sém e n t ce naît re · li m in qui mène droit aux choses mêmes est ouvert et
q u i l se p re n d so 1 -m � m à o n prop r ·pi 11,'S l l r .
ca ract è re spé i fi q u q u i l'a i l.
. , s m -p r n f , . " L ' sou i d u ·ontraignant va d pa i r l a plu part du temps
144 Retour à Descartes
Descartes. Comment le souci d'une connaissance. . . 145

un nouveau sens à l'idée de vérité : dans le Nouveau Testa­ que nous déterminons en disant qu'il ne se soucie que de lui-
ment et en liaison avec lui chez saint Augustin. Ce nouveau 1�iême et cela en un double sens . a) Le souci de connaître en
sens ne fait naturel!ement pas l'objet d'une explicitation tant �ue curiosité ne se soucie que de lui-même veut dire : il
expresse dans les Evangiles ; la théologie aurait dû en s absorbe entièrement en lui-même de sorte que la seule
revanche se charger d'expliciter [1 26], dans le cadre de son chose qui compte, c'est d'être en cap�ci�é de ;�ir. Il devi�� t de
explication de la foi, ce sens originaire de la vérité. Elle a rnoins en moins sensible à l'appropnatlon ventable de 1 etant
omis de le faire. Le « paradoxe » chez Kierkegaard n'est lui [ 1 27). S'intéresser à tout et n'import� quo.i, y co�pris � l �
aussi rien d'autre que le fruit de cette omission fondamentale religion et à la religiosité - u� trait qm est au1ourd hm
de l'interprétation de l'idée de vérité. clominant - , est un rejeton maladif de ce � ouc1. d ,un n.ou�eau
renre. b) Le souci de connaître ne se soucie que de lm-meme
au sens où il n'a besoin d'aucune autre chose. Il pourvo�. t
§ 22. Trois possibilités du souci ·ntièrement à lui-même, il est sans besoin. En tant que tel, il
d'une connaissance connue : se dérobe dès qu'on fait mine de prendre au sérieux ce qu'il
curiosité, sûreté, être contraignant n nnaît.
2° Le souci de connaître est un souci de sûreté. Dans cette
Nous avons considéré le connaître ·orte de souci, l'important est que le connaît�e s'accom�lisse
déterminée, celle du souci d'un e condan nais
s une perspective
sance connue. II de telle façon que le connaître et le connu s01ent eux-memes
convient mai nten ant de prendre une vue p lus onnus dans cet être-connu. Le connaître lui-même accède
tranchée sur le
souci de connaître. Cel a signifie que 1 un être-connu déterminé. Le souci d'une connaissance
le sou
sance connue ne con stitu e qu'une pos sibi lité ci d'une con nais ­
connue : le caractère spécifique de ce souci - dans la
qu'il nou s faut maintenant envisager celui-ci déterminée et mesure où il lui importe de posséder le connaître lui-même
possibilités. selon d'autres
- est de donner le connaître en toute intelligibilité ; dans la
Le souci de connaître peut être cara isé selo mesure où l'intelligibilité est ce qui importe d'abord et ava� t
sibilités : 1 ° le souci de curiosité ; 2° lectér
sou ci de
n trois pos­ 1 ut à ce souci, il en vient à manifester un intérêt tout partl-
souci du contraignant. sûre té ; 3° le .
ti lier pour les considérations de méthode. La singulière pri-
1 ° Le sou ci de con nais san ce peu t ,.
1nauté des considérations de méthode caractense la forme
d'ab ord et orig inai re­
men t ne pas se con ten ter de la con nais a. tuelle du connaître. Là encore, le souci se mé-prend. Il est

111 d'un sect eur dét erm iné de l'ét ant con crètsan ce qu'i l a pris e ncerné au premier chef par la sûreté de la co?naissan�e
eme
sou ci de con naître, l'im por tant est pré cisé nt là. Pou r le p s ible, et cela au point de s'accommoder fort bien de ;ou
nan t un dom aine déterminé du connu, d'être men t, con cer­ d travers ce qui doit être connu. Dans ce contexte, se �ev� ­
1 progresser toujours plus avant dan s Ja connaissan à mêm e de loppe justement une cécité spécifique à l'égard de ce qui d01t
de connaître se prend à son propre piège, il ce. Le souci tr connu à proprement parler. Le terme de « methode , »
Pou r le souci de con naître, l'important n 'est se mé- pre nd . 't pri ce faisant, dans le cadre de ce souci de sûreté, � n un
connaît et encore moins le mode d'être de ce plus ce q u i l '
n bien déterminé : c'est le chemin permettant d'attemdre
La seule chose qu' il voit désormais, c'est q u il qu' il con naît . l 'Viclen.ce Ja plus grande possible, alors que le term� de
bilités de connaître toujours nou vell es . Le ouc y a des possi­
'
. m t h d . » en on sens propre n e peut signifier que ceci : le
man ifeste ains i pré cisé men t ce cara ctère sp c i de con naît re ·h 'nûn qu.i mène droit aux choses mêmes est ouvert et
qu'i l s e pre nd soi- mêm e à son pro pr pi , s i fi q u q u i fa i t
m -pr n e t , "
• sou ·i d u contraignant va d p·1 i r la pl upart d u te m p s
e connaissance . . . 1 47
146 Retour à Descartes Descartes. Comment le souci d'un

rtes res te à proprement par-


avec l'une des deux formes de connaissance que nous venons sance théoriq ue, alors que Desca
ler de par t en par t un médiéval
*. .
de mentionne r : il vise non seulement à permettre toujours vra i, nou s n'a von s pas fait
_ Da ns notre déterm ina tion du
plus de connaissances ou à connaître de manière plus assurée qu' il a été fixé par Hu sse rl
intervenir le concept de vérité tel
es1• H usserl s'or ien te s_u� le
et avec une évidence absolue, mais il tend aussi à faire en
so�te que � a connaissance comme telle ait une position à ce [ 1 29] dans ses Recherches logiqu
· ns de la vér ité com pri se
com me vér ité de la propos1t1on,
pomt dommante que le connaître s'impose comme une chose erm iné e comme rem pl�sse ­
[128] qui a le pas sur toutes les autres possibilités du Dasein c'es t-à- dir e que la vérité est dét
con sist e dans le remphsse­
et qui les détermine. La caractéristique du souci du contrai­ ment d'u ne inte ntio n. La vér ité
à vid e.
gnant est de surestimer singulièrement la connaissance ce m.e nt de ce qui a d'a bor d été visé
ificatio ns de la vérité,
' Conformément aux diverses sign
qui fait dire à ce souci, lorsqu'il parle de lui-même : « Les t un rapport déterminé au
propositions de la connaissance sont frappées du sceau de nou s avons nou s-m êm e à présen
éristique du souci de curio-
l'éternité1• » Ce qui se manifeste ici, c'est une présomption souci de connaître. U n trait caract
que ce soi t qu'à la condition
' 'i ité est qu'il ne se soucie de quoi
du connaître à l'égard de lui-même qui fait que la connais­ contraign�nt a �e?i de par­
sance animée par ce souci se masque systématiquement ses que ce soi t nouveau. Le souci du
rale me nt, a la d1fference du
t iculier qu' il n'affecte pas uni laté
propres possibilités d'être là. Un degré supplémentaire de possibilité déterminée d �
souci de curiosité et de sûreté, une
cette présomption sans born es caractéristique de ce souci de uliè rem ent le connaître lm:
Oasein, mais qu' il surestime sing
connaître est franchi avec la manière dont ce souci s'explique artient en un sen s accentue
mê me , et que le con naître app
avec l 'historicisme. D sein_. Il faut se dem� n­
Le concept de vérité à chaque fois dominant est en aux possibilités fon dam ent ale s du � lm- me me , cet te gmse
A

Dasein
der ici que lle est don c, dan s le
connexion avec ces diverses possibilités du souci. Dans la de connaître, et cel a de tell e
d'être de l'être en sou ci au sen s
mesure où ces connexions dans leur unité ont été à l'œuvre pos sib ilité s déterminées de
dans ! 'histoire et règnent aujourd'hui encore, il est clair que sorte que , dan s l'êt re en s9u ci, ces
son êtr e.
le present, au sens le plus large qui soit, n'est pas prêt pour dép loieme nt soi ent là en ver tu de
cette seule et unique question : que signifie vérité de La vie et
d�t ? as�in ? Aucun des deux « tenants » de la question, ni la
vente, m le Dasein, n'est éclairci en quelque façon que ce soit .
Et pourtant on est persuadé d'avoir en main tout ce dont on
a besoin pour établir quelque chose à leur sujet.
Il nous faut voir d'où p rovient la domination actuelle d u
souci de connaître, et de quelles racines ce souci est aujourd ' h u i
comme coupé. Notre considération porte sur le souci d'une
connaissance connue parce que celui-ci est apparu à un to u r­
nant décisif de L'histoire de La philosophie. Descartes repré­
sente �n tournant décisif uniquement dans l ' i n terprétation
que 1 epoque actuelle donne d'elle-même et de son h istoire
,
une interprétation placée sous la dom i nation de la con n a is� ,. r., ,
· sujet, J\n.nexe, compléme n t 1 6, p. 329 sq .. .
p . 1 1 5 sq.q. [ ft ?d.
_
.
.
1 , '· l l uss · r l , V I . Logische
f1 . ,

ierche
Unte rsuclwng, op. c1.l.,

. . . 37 1 flrl'i icrcltes /ogir 1 1 1 es, L . . ,. Recl


e éluc 1clal 1on phen omé -
p f.
VI : « - 1 · m n t s d'un
». op. cit.
t rad. fr., Ctl., p. 80).
»,
l . Cf. E . Husserl, « Philosophie ais st ren e W isscnschafl
nolo iqu I ' l u ·o n nnissun · 1 . 1 43 s JQ. 1
op.
La détermination cartésienne du falsum et du verum 1 49

Nous nous orientons d'abord sur le concept de falsum et


[130] Troisième Chapitre demandons plus précisément : comment se fait jour chez
Descartes la nécessité d'éclaircir le falsum en tant que tel ?
La dé termination car tés ien uelles déterminations Descartes retient-il dans le phéno­
ne mène du falsum ? Quels moments emprunte-t-il à la tradition
du falsum et du verum ot: à la philosophie de son temps ?
[ 131] Le falsum est déterminé d'abord comme error, l'error
·omme tel est caractérisé comme malum ; ce dernier, confor­
mément à l'approche traditionnelle, est, en tant que non esse
a u sens de privatio, une forme déterminée de non-être. Cette
·aractérisation doit permettre également de jeter une
lu mière sur le verum. Le falsum n'est même rien d'autre que
§ 23. Aperçu préliminaire 1 cavendum que le souci de connaître a à éviter. Le concept
sur La pro blématiq ue ll terminé de cavendum donne déjà en lui-même un aperçu
�ous in�erprétons J e travail de Descartes en sou i<ur le verum. La question est de savoir si Descartes déter-
troi s que st10 ns. La deu xième lev ant 1 1 1 ü1e le verum selon la même orientation fondamentale.
que stio n s'é non ce : que l est à
pro pr� me nt par ler le champ est ce qui a été contesté jusqu'à présent au motif que Des-
d'être qu' ouvre le sou ci d'u ne artes assigne le falsum à la voluntas, et le verum à la percep­
con�atssance con nue ? La tro
isiè me que stio n est cel le de li en tant que détermination théorique. Mais nous verrons
sav 01r comment le souci. d' une
,. con nai. ssa nce con nue en tan t ( l tl la caractérisation du verum s'effectue en réalité de la
d� � �
es � t�l, tien
.
t là :e champ d'ê tre ave c ce car
t r me . �a de ux1. em e questio actè;e d'ê tre 1 1 tê m e manière que celle du falsum. Ce qu'il faut donc arriver
n est la que stio n déc isiv e. y omprendre, c'est qu'il est en fait nécessaire, en raison de
répo n re, c est rep _ ond re du
mê me cou p à la tro1. s1e ,
.
me . · t te interprétation spécifique du verum et du falsum, que le
Qu 'est-ce done que le souci. d une
.
ue s1gm.fi ent « vrai. » et « faux »
. ' connaissance connue tient (alsum soit assigné à la voluntas et la veritas aux idées ou
et retient dans son souci ? 1 o Q · ·ncore à leur saisie, à la perceptio. L'interprétation plus pré­
i.s du verum et du falsum nous apportera la détermination

.
que veut-on dire lorsqu'on affi
rme que le souci d'u ne connais �
v r laquelle tend le souci lorsqu'il veut le verum. Dans la
sanc conn�� est en quête de la
vérité ? 2. Quel est cet « être »
� ue 'on d�s1gne comme un être dan 1 1 1 ure où le souci d'une connaissance connue ouvre, en un

etr dans l erreur ? De quelle
s la vérité ou comme un
possibilité d'ê tre dans le Dasein J i. tain sens, la conscience et fixe celle-ci comme domaine
�ar e-�-on lorsqu'on dit_ que le Dasein 1 1 · · t re, c'est donc que l'orientation sur u n verum e t u n falsum
ut rprétés en un sens déterminé décide du domaine d'être
est sur le mo de de
::�
J apprehens�_ o� de la vérité ou
d s choses mêmes. Pourquoi l'être-vrai implique-t-il une déci-
qu'il est dans l 'erreur ? A ré­
der la ve��te, ou être dans l 'erreur

ue qu Ils sont dans le Dasein
.
sont considérés du int
Sur quelle concep tion du
�� 1l n · ur l 'être, c'est ce qui ne pourra être compris qu'en fai­
D �sem _ esc art es pre nd- Il_ appui ? 3. Qu . r tour à l'ontologie dans laquelle se meut toute la
pre des sm . A e d u sou ci dés .
el est le chenun q ue
.
e ce t etr rche cartésienne. L'interprétation doit être reconduite
m p l e x ion originaires. Dans ce retour au lieu de prove­
orm ais mis en lum ière ? On
tre de ce che min se t ro u v e11 l
ven. a qu ' ave c le caractère d'ê
A e co u J? pre, d ess n' n v i agerons que les étapes principales, et
du m em ·
rne es des pos si b i l i t s bi' e n d l
,

n l r r dans 1 d tail . Nous prendrons en consi­


·

,
nee s de ce g u , I l peu t a t t e i nclr r m i-
fo n d a m n i. a l s p u r cet t e e x p l i ca tion :
de ce q u 'i l p u t ouv rir .
,
1 50 Retour à Descartes \
La détermination cartésienne du falsum et du verum 151
sain t Thomas, sain t An selm e, sain
t Augustin tout en ren ­ cette saisie. Car cogito veut dire cogito me cogitare. Sum cer­
voy ant brièvement à Ari sto te.
f.us me esse rem [133] cogitantem, nunquid ergo etiam scio
quid requiratur ut de aliqua re sim certus ? nempe in h�c
(132 ] § 24. L e cog ito sum , la clar a prima cognitione nihil aliud est, quam clara quaedam e� dzs­
et dis tincta per cep tio et la tâc he tincta perceptio ejus quod affirma ; quae sane non suffzceret
à s 'ass ure r, qua nt à son être
consistant ad me certum de rei veritate reddendum, si posset unquam
, du critère de la vérité ontingere, ut aliquid quod ita clare et distincte perciper�m fal­

Des�a tes �P?elle ses �echerc?es Mé
dita tion s de prima phi­
sum esset : ac proinde jam videor pro regula generalz passe
losophw . L , idee de pnma phtloso statuere, illud omne esse verum quod valde clare et distincte
?
L'in �itul de la rec her che cartésienn
.
phia est aristoté licie nne
e mo ntr e que Des car te�
percipiol. Il faut bien voir la relation ici établie : la clar� �t
distincta perceptio est donnée en même temps que la saisie
savait tres pertme mm ent qu' il se mo uva it dans l 'hor
l'ont� logia generalis. Il ne s'agit izon de du cogito sum. Par cogitatio, D escartes n'entend p �s les v� cus
q u i se dirigent seulement sur quelque ch � se, m �1s les � ecus
don c pas d'u ne prima philo­
sop hz� en un � ens mo der nisé , mai
s ce qui s'ex prim e ici, c'es t q u i ont en même temps en eux une conscience d eux-memes.
la clalfe conscience de se reli er à la
problématique de l'on to­ l l dit : si quelque chose que je saisis de cette manière, c'est­
logie anc ienn e.
< -dire par la clara et distincta perceptio, pouvait se révéler
D onnons d'abord que lqu es ind
falsum_ . Av ant d'e ntr er dans l'in terpicat ion s sur le con cep t de faux, je ne pourrais plus me fier à ce critère. Desca�tes
rétation proprement dite ,
il est �mporta�t de s'as sur er du con ;;idopte le critère pour le légitimer. Ce qui différencie l'�nen­
- _ . texte où pre nd pla ce la tation cartésienne et l'orientation moderne de la philoso­
qua tne me Medzta tzon dan s les Meditationes. Il
d'é l�ci der le con tex te de ce que stio convient phie, c'est le fait que, pour Descartes, le critère ne suf�it pas
nne me nt et de ce qui le n tant que tel. Il dit : quand j 'énonce cette proposition _ :
motive avant d'e nga ger l'explicatio
n plu s pré cise du falsum . ·ogito sum, j'expérimente que je suis porté à donner mon
Des cartes a trouvé que lqu e chose
de vrai, et ce que lqu e assentiment à la proposition que je saisis. Mais D escartes
chose qui_ se pré sen te ave c l'év iden
l i t : pour fonder la connaissance, je ne p � ux p as m' e ?
ce de l 'être-vrai c'es t le
cogit� um, � u mie ux : la res cog
� itans qua ens . Cogitdtio équ i­ r mettre à une relation obscure, au fait _ que Je s01s porte, a
vaut a zntentz� · Cogitationis nomine,
_ intellego illa omnia, quae donner mon assentiment à ce que je saisis ; je dois m'assurer
nobzs conscu_ s in nabis fiunt, qua tenu
s eorum in nab is de la clara et distincta perceptio elle-même quant à son être.
conscientia est2• Des car tes caracté
rise le concept de cogitatio
� n u� sens qui coïncide à peu près avec le T l faut légitimer la regula generalis comme critère absolu

mtentwnnel utilisé auj our d'h ui concept de vécu p ssible de la connaissance. La philosophie récente a vu
.
re� ��gztans est donc que lqu e cho
dans la phénoménologie. La Jans la preuve cartésienne une véritable rechute dan �
_ se qui est en tant que m u l ti ­ l ancienne métaphysique. Mais il faut plutôt se demander s1
_ us d e c e
phc1te d e possibl es vec genre. E n saisissant l'être d e l a
Descartes, Meditationes de prima philosophia, Meditatio III, p. 33. [Je .suis
res cogitans, o n sais it d u mê me cou
p l e critère d e l 'évi den ce d e 1.

!"q u i s pour me rendre certain de quelque chose ? Dans cette prenuere conna1s­
rt a i nque j e suis une chose q ui pense ; mais ne sais-je donc pas auss1 ce qm est
theca ph1losophorum, vol. 1, s ump ribua philosophia, cu ra v i t A . B uc he n a u ' B i b l i o­
.
il n e se renco n t re rien qu'une clarre et d1stmcte perceptwn de ce que .Je
1. Descartes, Medüationes de prim
. .
•i n
2. Descartes, �nnc1.pta phll. osophiae,s Felic is Mein eri, L ipsia , 1 9 1 3 . � n n� is ; l a q u e l le de vrai ne serait pas suffisante pour m'.ass.urer qu'elle est vraie,
p. 7. [Par l e mot de pe nsée , J , e n tend sqq. , t. V I I I , Pari s, 1 905, pars p r i rn a , § 9,
Ch. Ada m et P. 1 anne ry, Par 1s, 1 897 in Œuvres de Descartes, p u b l iées par
s' i l pou v a i l j a m � 1 is a rriver q u ' u n e chose que je concevra is a1ns1 clairement � t d1s­

que nous 1 'a p ercevons 1. 1 n m d 1. a l m e s t o u t ce qui s fait en nous d l lie sorl


l l n 1 1 n · n t s t rouvfü fausse. Et p a r t a n t i l me se mbl e que dejà .1e puis etabhr
_
pour r
d l L i n · t ' 111 ' l l l
n t pa r nous -m 1 n ral0 q u tout s les hos s que nous concevons tort clairement et
m s. J _
�on 1 1 u u 1 s vrm ·s. I
La détermination cartésienne du falsum et du verum 1 53
Retour à Descartes
ein se trou ve mis en jeu
Descartes n'a pas vu en réalité les choses plus radicalement 1·hcrchons à établir comment le Dascon science. Il ne peut pas
en se mettant en quête à nouveaux frais de la fondation du dan s ce qu'o n vise aujo urd 'hui par
s ::i rir de fixer un caractère d'être déterm iné concern ant cet
critère lui-même . (Husserl a centré tous ses travaux ces der­ r à com prendre précisé-
nières années, sur la question de la légitimation de l'idée 1 )IJjet. [135 ] L'important est d'arrive ions trou vent leur fon-
d'évidence absolue à partir d'elle-même.) 1 1 1 nt dan s que l cad re ces
déterminat
, telles que
1 I ·ment. Toutes les dét erm inat ion
s fondam ent ales
[ 13�] C'est cette entreprise de légitimation du critère qui ce, la perception
condmt Descartes à tirer au clair le falsum. Disons brièvement li' privilège dont jou it, sur le pla n
de l'éviden
en quoi l 'analyse du falsum est déterminée par la nécessité de 1 1 1 t crn e ou encore le mo
de d'être spécifique de personne,
la
s 'assurer, quant à son être, du critère de la connaissance. J'ai �on t déracinées du sol don t elles son
t issues. Elles n'on t plus
in�iqué, dit Descartes, quel était le critère, mais d'une façon l l ·Uem ent de légi tim ité
intrinsèque, mais se font simplement
qm reste encore obscure. Je dois essayer de le prouver. Pour v n l ir par elle s-m ême s. Toute ten
tative qui .s'enquiert des
l'i,nsta �t, j'ai . seulement le cogito sum, ce n'est pas une lt ndements de la philoso phi e actu
elle de la vie ne peut que
ded��tlon mais une représentation unitaire, une perception d b ucher sur le vide . Nou s devons
commencer par tirer au
con1omte du sum dans le cogito. En pénétrant en moi-même 1•l :ü r ce que sign ifie , ava nt tou
te autre détermination,, � tr,e
um et nou s cherchons plu s prec1se
-
j.e découvre que je suis une res finita, par conséquent une re; v r a i . Nous par ton s du fals t les
t il est déterminé, que ls son
tmperfecta, donc que je ne peux pas avoir en moi le fonde­ 1 1 1 • n t à sav oir commen
ment de mon existence (Existenz). En me considérant moi­ 11wyens employés, en fait de catégories de l'êtr e, pour le
même, je suis donc conduit à rechercher un fondement de d1 lcnnin er. Cel a nou s fou rnir
a du même cou p le sol pour le
mon Dasein. Comment Descartes en vient-il, sur la base de 1•,•rum . Et cela nou s per
mettra de sav oir comment se caracté-
l'a.nalys� de cette donnée interne, à déterminer que c'est 1 i:< Ja res cogitans. Des cart
es a une conscience bien nette que
I ' inal yse du ver um et du falsum rev
Dteu qm m'a donné l'existence, que c'est de lui dont procède
êt une importance fon��:
ons *. Vous apercevez d'or es et de1 .
a
tout ce qu'il y a de positif en moi ? Je trouve en moi une idée 1 1 1 n t a l e pour ses Méditati pas pn­
n'es t
1' u n concept bien par
ticulier d'être-vrai qui
dé�� r�inée de Dieu en tant qu'infini, laquelle, en tant
qu ide� , est une �ealitas objectiva. Si Dieu est, et si ce qu'il y a l lHJ' rdia lement orienté sur le jugement mais sur l'étant lui-
Se
1 1 1 ·1ne . C'e st le clare et
de positif. en m01 procède de lui, si ce positif est de création distincte perceptum qui est veru m.
êlé le sen s propre de la fau sset é.
divine, c'est-à-dire est vrai, alors tout ce qui survient en moi 1 11 1u v e du mêm e coup dém de la
l 1 ut cett e rech erch e vise à
est, �n tant qu'il est, un verum. Donc la clara et distincta per­ fonder les connaissances
ceptto, laquelle entre dans la constitution de mon être créé à .1 i n ce mo der ne de la nat ure
. C'est cette fondation qui
pro�rement �arle�, d.ans la perfectio de mon Dasein, cette per­ di nn .l e ton à tou te la
quatrième Méditation. Il s'agit certesi.
11• J l 'error, mais non pas du
ceptw est vraie. St Dieu existe et si je tiens de lui mon Dasein
péché, de l'error boni et mal
r ind iqu e que l'êt re
i� ne pe�t pas être la cause qui fait que je me trompe. La ques� \ 1 d- term ination du péché comme erro
( fi l able de l'ho mm e est vu dan s la déf aillance, dans l'error.
tt�n qu� s� �ose alors est la suivante : si mon être procède de
i t de I ' error dan s une acception rest
reinte bien détermi­
1?1eu, d ou vient alors l 'er;eur ? Ce n'est que si j'ai montré qu 11 A
naître
1 erreur ne peut pas proceder de Dieu, et cela en vertu de son JJ des ideae specu.lativae, du saisir etcartdues con
ri 1 ues . C'e st dan s ce cad re que Des
lign e
1 li
sou
l 'l 1 1 1 p rt anc f n da rn e n t ale du sen s
être, que le critère valant pour tout connaître sera fondé dan du verum et du falsum .
son être et qu'en même temps sera ouverte Ja possibilité d u
.
falsum en tant que malum da ns l 'ens creatum .
Lorsque nous soumet ton la m l i t a t ion ca r t sienn à l.
1 1 1 1 I 111 'nl 1 7, p. :\
c

q u e nous avons a p p 1 l a cl st ruction, · Ja v u t cli r q u nous � ' f .. • s11j •1, 1 1 1 1 e œ, (


154 Retour à Descartes La détermination cartésienne du falsum et du verum 1 55

1 · st quelque chose comme une imago rei. Elle donne quelque


1·hose à voir, elle présente quelque chose. Représe nter est la
[136] § 25. La classification cartésienne f l )nction fondamentale de l'idea.
de la multiplicité des cogitationes. Aliae vero alias quasdam practerea formas habent, ut, cum
110Lo, cum timeo, cum affirma, cum nego, semper quidem ali-
/
Le j udicium comme lieu du verum et du falsum
1 1 nam rem ut subjectum meae cogitationis apprehendo, sed
Pour nous représenter concrètement le lieu où le verum et 11/iquid etiam amplius quam istius rei similitudinem cogita­
i p;'te [137] complector ; et ex his a/iae voluntates, sive
le falsum font leur apparition, il nous faut tirer au clair la affec­
manière dont Descartes classe la multiplicité des cogitationes . tns, aliae autem judicia appellan tur1• L'idea a une forma,
Cela vous montrera que Brentano est essentiellement déter­ q uelque chose qui constitu e son être. Elle consiste dans le
miné par la classification cartésienne. C'est dans la troisième l a i t d'être représen tante, tandis que les autres cogitationes
Méditation que Descartes procède à cette classification. Nunc s nt d'autres formes, d'autres guises d'être. Lorsque
1 n(firme, veux, nie, rejette, j'ai des cogitationes, mais,
dans
�utem ordo videtur exigere, ut prius omnes meas cogitationes
tn certa genera distribuam, et in quibusnam ex illis veritas aut 1 '1' · cogitatio nes, quelque chose est là, un subjectu m
falsitas proprie consistat, inquiram1• Il est nécessaire de décou­ ( ùnOKEiµEvov) , c'est ce qui gît là d'avanc e en tant qu app re­ '

per la multiplicité du psychique en différentes classes pour lll'nsum. Toute cogitatio , qu'elle soit idea ou non, est appré­
li 'ndante . Mais dans ces cogitationes, j'appréh ende
pouvoir dire quelque chose sur le verum et le falsum. Des­ plus
cartes veut établir par ce moyen quelles sont les cogitationes 1 · 1 1core de ce qui est donné. Quand je saisis concrèt ement
où se rencontrent à proprement parler la vérité et la fausseté. q uelque chose, je me dirige sur ce qui est appréhe ndé : dans
Le verum esse est l 'être déterminé d'une cogitatio détermi­ 11 · omporte ment volonta ire comme dans l'émotio n, je suis
née, tout comme le falsum esse est le non-être déterminé 1 l t i ré (affectus) par ce que je saisis, ou alors je juge, c'est­
î c l i re acquies ce, dis oui Uudicium) . C'est là que se
d'une cogitatio. Commençons par établir quelles sont les trouve
cogitationes qui, d'une manière générale, sont prises en consi­ 1 1 1 racine de la classific ation brentan ienne : représen tation
dération pour cela. ( /tl a ) , jugement Uudicium ), affect (affectus) qui aura une
Quaedam ex his tanquam rerum imagines sunt, quibus salis 1 1 1 l'l uence considér able sur le dévelop pement de la phéno-
proprie convenit ideae nomen2• Une classe de cogitationes est 1 1 1 noJogie. La voluntas a un double sens et désigne en pre-
1 1 1 l r lieu toute actualis ation d'une possibil ité psychiq ue,
celle des ideae tanquam rerum imagines. Tout un enchevêtre­ et
ment d'erreurs s'est formé autour du terme d'imago dans la 1 · 1 1 second lieu le compor tement spécifiq uement volontai re.
mesure où l'on a pris les représentations pour des images de Nous verrons dans nos considér ations quel est le concept de
ce qui est à l'extérieur. Imago rei doit cependant être inter­ Pr: luntas q ui intervien t ici.

prété de façon beaucoup plus formelle au sens où une idea Jam quod ad ideas attinet, si solae in se spectentur, nec ad
11/.11d quid illas referam, falsae proprie esse non possunt, nam
q ue J e puisse avoir occasion d 'exa m i n er c e l a
1• / ve apram, sive chimaeram imaginer, non minus verum est
l. Descarte s Meditatio n.es de prima philosophia, Meditatio Ill, p. 35 sq .
:

1 ordre de med1ter q ue Je me s u i s proposé, q u i est de passer


(�t afin
sa n s i n t e r ro m p re
_ .

[ D 'm r t res, o u t re c e l a , o n t q u e l q ues a ut res formes : com m


' rnlio n s q ue .1e t ro u v e ra ' les p r e m i è res en m o n e s
.

.
p a r degrés des

rai ns, q ue j 'a (f i rm e ou q u e Je 1 1 1 e . Je conç? 1s bten alors q u


p r i t à c e l l e s q u e j 'y p o u r ra i e , lorsque
1 . Il Id.

0 1 1 1 1 1 1 1 sujet de l 'act r o n de mon esp ri t , m a i s J aj o u t e aussi


u, , qu
t. r o u ve r a p rès, .ri fa u t r c .1 q u e je d i v i se t o u tes mes e l q ue

de l a v r i l <
p e n sées en ce rt a i n s ge n res, j
e t q ue J e considèr . _ q uelque
e cla ns l e s q u e l s de ces gen res il y a p r o p re m e n t 1 h1J

1/Jir/. �· 36. f • n[ r ' I ll •l ns s, i 's u 1 1 ·s son1 0 1 1 · t · 'S v o l o n l s ou a rrc t io ns. e t les a u t res J uge-
ou de l ' e r re u r. )
· Jws · pur · · 1 1 • n · t i o n à l ' i d e q u • j ' H i de ce l t e chose-l à ; el. de ce
genre

p
1 1 1 1 1' •

il · I l ·s-11 s ·ul ·s
·

o n v i · n t propr 1 1 1 · n t 1 · n 1 1 1 <. J ' id - . ]


I l l 'S p ' l lS S, q ue l S- u nes SOl l l COI T l l l l 1 ·s i r rn l •s cl •s
hos ·s, ' I c 'si qu · 1 1 11 1 1 t H. I
verum
La détermination cartésienne du falsum et du 157
156 Retour à Descartes
e titre
me unam imaginari quam alteram1• Quand je vois simplement peut sans doute dire qu'ils sont toujours vrais , au mêm
en effet
_
une zdea c�mm: t� lle, et que je ne rapporte pas l'idea, ce qui que les ideae et les·voluntates, puisq u'ils survi enne nt
Y : st represente, a autre chose, mais me rends simplement
en autre
dans ma conscience. Ils peuv ent cepe ndan t virer
seule ment en elles- mêm es les
present le contenu représenté en tant que tel, alors il est clair chose . Tant que je considère
ment au judic ium, je ne
que ces ideae ne peuvent pas être fausses. Car que j 'aie une ideae qui serviront ensuite de fonde
chèvre ou une chimère en tant que « contenu » de l'idea peux pas sombrer dans l'erreur.
ême
l'une :t l'autre sont vraies ; aucune n'est fausse si je m � Cette déter mina tion de l'idea comme vraie en elle-m
ue
borne a les prendre comme représentées. Ma représentation renvo ie en fait à la déter mina tion de la philo sophi e grecq
vrais en
du représenté, mon avoir-présent de l'idea, sont en effet d'après laquelle les aicr9rrta comme tels sont toujours
res­
_ Le [138] concept de vérité ne porte pas primordiale­
vrais. eux-mêmes. Cette proposition, qui chez Aristote est
immé diate et à des mode s
ment sur le contenu de l'idea mais sur l'imaginer lui-même. treint e à la saisie sensib le la plus
ue très géné ralem ent à
Dans l � mesure où je suis représentation, cet être représen­ de saisie déterminés du vouç, est étend
.
tant qm est le mien est vrai en tant qu'il est effectif. Pourquoi toute saisie possi ble quelle qu'el le soit.
Desc artes ne peut pas ignorer qu'un e certaine fauss
eté se
A
cet etre en tant qu'être est-il vrai, nous ne pouvons le savoir , une
que si nous faisons retour à la tradition. Nu/la etiam in ipsa rencontre (139] aussi dans les idées en tant que telles
a dif­
voluntate, vel affectibus, falsitas est timenda, nam quamvis fausseté qu'il élucide au moyen de cette distinction : il y
férentes sortes d'idé es, des idées 1° qui sont innée s (idea e inna­
prava, quar:ivis etiam ea quae nusquam sunt passim optare, ent du « dehor s » (ideae
non tamen zdeo non verum est illa me optare2. Dans la mesure tae), 2° des idées qui me vienn a
o� mon imaginer est un être qui reste toujours vrai, le vou­ adventitiae) , 3° des idées qui sont produites par moi (ideae
e elles> par le
loir � t le� �ffects ne sont, eux non plus, jamais faux. Il se peut me ipso factae)1• Ces idées se différencient <entr
si ce
�u� Je desire quelque c�ose qui ne soit tout simplement pas ; fait qu'il est plus ou moins difficile d'établir en chaque cas
e
il n � n d��eure pas moms que mon désir est un être, que ce
à-dir
qu'elles représentent extra mentem est « vrai », c'est-
_ effectif. Même si la fausseté proprement dite (jalsitas form
alis)
ne peut pas se rencontrer dans
que Je desire soit ou non. Cela découle de l'être du cogito. les idées , il y a néanm oins en
. . . sofa supersunt judicia, in quibus mihi cavendum est ne as form alis ne conce rne
fal'.ar3. Il ne reste donc que les jugements pour lesquels je Iles une falsitas materialis2. La falsit
du non
d01s prendre garde à ne pas être trompé. Cela signifie donc que les seuls jugements, lesquels peuvent avoir l'être
ent en aucun cas à l'idée .
, se verum. Cette fausseté ne convi
que si verum signifie esse au sens de cogito, l'être là-devant
n esse consiste seule ment à présenter. À partir du mom ent
d'une cogitatio en tant que res, alors falsum doit signifier le rempli son
où. quelq ue chose a été présenté, l'être de l'idea a
rôl e . L ' idea est fauss e lorsq
non esse d'une cogitatio. Les jugements ont, en raison de leur u'elle repré sente quelq ue chose qui
caractère d'être, la possibilité d'être et de ne pas être. On comm e s'il en était pourvu.
n'a pas telle ou telle propriété
de chale ur et de froid ,
rsque je suis en présence d'une idée
1 . Ibid. (Maintenant, pour ce q u i concerne les idées, s i on les considère seule­
ment en elle�-mêmes, et qu'on ne les rapporte point à quelque autre chose, elles
que je veux , à propo s
1 r que je resse ns du froid et du chau d et
ne peuven.t, � proprement parler, être fausses ; car soit que j'imagine une chèvre 1 ette idée, tirer au clair sa vérité et sa fausseté, c'est- à-dire
véritable ou non, si la
2. lbtd. [Il ne faut pas cramdre aussi qu'il se puisse rencon trer de la fausset
1a v ir i l'être -froid est un être-froid
ou une ch1mere, Il n'est pas moins vrai que j'imagine l'une q ue l'autre.]
dans les affections ou volontés ; car encore que je puisse désirer des choses m a u­ plutô t une sorte d'être-chaud et réciproque-
vaises, ou même qui ne furent jamais, toutefois il n'est pas pour cela moins vrai
1 . Il Il. , 1 . 37.
_
3 . Ibid. ( JI ne reste plus que les seuls ju emenls, cla n s lesquels j dois 1 r • n d r ,
que Je les des1re.J
gai de so1gneusemen1 de ne me poi n t t ro m 1 er. J 2. lhlrl. f l. 116.
.
158 Retour à Descartes L a détermination cartésienne du falsum e t du verum 159

ment, - je ne peux donc pas, lorsque j'ai affaire à la chaleur cogitationes qui soit susceptible de fausseté, c'est le judicium.
ou au fr �id, décider lequel des deux est à proprement parler. Descartes attire en même temps l'attention sur une manière
La question de l'être de l'esse extra mentem prend son orien­ d'être de la cogitatio en tant que cogitatio, une manière d'être
�atlon
_ sur un concept d'être déterminé mais il est sûr que ces q ui concerne également le judicium. Et c'est précisément
tdeae me présentent bien quelque chose. Toute idea est en parce que le judicium est ici sur le même plan que les ideae et
t �nt qu'idea, rem repraesentans. Si j'en viens finaleme�t à les voluntates, au sens où lui aussi survient en effet dans la res
dire que le froid est une privation de la chaleur et si d'un cogitans, que le judicium est susceptible d'un defectus. C'est
autre côté, )' o� serve que l'idea du froid me donne q�elque uniquement pour cette raison que le non verum esse peut por­
ch ?se de reel, il me faut alors dire que cette idea est fausse ter atteinte à l'être spécifique du jugement. Toute la considé­
pmsque la considération véritable de l'être me montre que le ration tend à mettre en évidence : 1° en quoi consiste l'être du
t:oi_ � est un non esse. L'idea est matériellement fausse, cela jugement ; 2° quelles sont les déterminations d'être qui permet­
sigmfie _ �u'elle est un � atériau possible qui, lorsqu'il est repris tent quelque chose comme un defectus, lequel defectus consti­
dans un Jugement, devient fausseté possible d'un jugement. t ue la ratio formalis, l'être proprement dit du falsum.
Nous savons ce qu'est le judicium seulement négative­
ment : c'est cette cogitatio [141] dans l'être de laquelle la fal­
(1 40] § 26. Différence entre /'idea sitas est fondée dans son être. Descartes entreprend de
comme repraesentans aliquid discuter de la falsitas et de la veritas pour que le critère de
et son repraesentatum ; realitas objectiva l'évidence ne soit pas seulement établi par la vague conscience
et realitas formal is s iv e a ctual i s d u caractère irrésistible de son intelligibilité intrinsèque, mais
pour qu'il soit démontré rigoureusem ent. Il faut montrer que
L'idea présente des possibilités de différenciation qui vont 1 être de la res cogitans, dans la mesure où elle est un être
prendre toute leu: im �ortance. Qu'y a-t-il dans une idea, que •ffectif, exclut toute erreur. Il ne faut pas seulement montrer
trouve-t-on ou qu attemt-on, dans un jugeme nt, qui renvoie à q ue la res cogitans est, dans son être, créée par Dieu, mais

quelqu e chose extra mentem ? Pour élucide r ce point, Des­ au si que ce qui survient en elle realiter à titre d'erreur est
cartes a recours à une différence qu'il emprunte à la tradition q u e lque chose qui ne peut pas procéder de D ieu1 • C'est ce

et que l'on peut �aracté�iser comme celle de la realitas for­ q u i conduit Descartes à entreprendr e l'explication du falsum.

maüs _ et de la realttas ob1ectiv 1 a n s la mesure où le falsum est dans la conscience, il s'agit


a1. Descar tes doit s'il veut teni r
ce tte considération jusqu'a u bout, démontrer 'l'existence de cl prouver qu'il ne peut pas provenir de Dieu. Nous n'allons
Di_ �u en se fondant s�r la conscie nce. Il le fait en montra nt pil considérer en détail la preuve cartésienne <de l'exis-
1 nce> de D ieu, mais envisager seulement le point charnière
qu il Y a dans la conscience une idea qui possède un caractère
n u t our duquel s'articule la considératio n.
tout à fait spécifiq ue, celui de realitas objectiva.
Les indications précédentes sur les distinctions fondam en­ Pour cela, examinons brièvement comment Descartes, à
p a rt i r du sol où il se tient, c'est-à-dire le cogito sum, par­
t �les opérées par Descartes dans la multiplicité des cogita­
twnes son � essenti� lles p �_:ce qu'elles font déjà apparaî t re u n i nt à sortir de la conscience, c'est-à-dire réussit à montrer
n v · la même évidence q ue quelque chose existe à l'extérieur
�oncept d etre-vra 1 e t d etre-faux qui re vê t pour nous u n
,; 'Ira rnentem 2 ) . La q uesti o n est de savoir où sont les points
A
importance fondamentale. I l n e s u bsiste q u 'u n se u l gen re d

l . Ibid., p. 4 1 .
La détermination cartésienne du falsum et du verum 161
1 60 Retour à Descartes

<l'accroche qui permettent de sortir de la conscience et d'affir­ donne les exemples suivants : Nam proculdubio illae quae
ita
mer un être extra mentem. Nous savons déjà que l'idea, dans ·''ubstantias mihi exhibent, majus aliquid sunt, atque, ut
son être proprement dit, est elle-même vraie, que l'idea est foquar, plus realitatis objectivae in se contin ent, quam illae quae
quelque chose que nous avons caractérisé comme un connaître. ia�. tum modos, sive accidentia, repraesentant1• Ces ideae quae
1' :praesentant substantias, majus repraesentant
La saisie théorique de l'être advient primairement dans Je que celles qui
champ de l'idea. Nous demandons maintenant : comment Des­ représentent seulement des accidentia. La différence du majus
cartes parvient-il, sur le sol délimité par le cogito sum, à poser · t· du minus est illustr ée à l'aide de la différ
ence de la substan­
lia et de l'accidens, laque lle est
un esse extra mentem ? Pour faire entendre ce cheminement, tirée de la philos ophie grecque
Descartes introduit une différenciation dans la sphère des puisque c'est là que la supériorité ontolo gique de [143] l'oùofo.
.'l LU : le ()\)µ�E�T]KOÇ est établi e. Le sol sur
ideae. Nempe quatenus ideae istae cogitandi quidam modi tan­ lequel cette différen­
tum sunt, non agnosco ullam inter ipsas inaequalitatem, et omnes t · iation a été obtenue n'est ici déjà plus présent.
a me eodem modo procedere [142] videntur1• Nous pouvons Parmi les substa nces, il y a une différ ence entre la substan­
tla .finita et la substantia infinita. Parmi les ideae
qui sont en
; dans
considérer toutes les ideae, chaque percipere d'une idea, d'un
1 1 1 i, il y en a une qui repré sente un
point de vue où elles sont toutes égales. Toutes les ideae sont ens realiss imum
1 acte même où je me consid ère comm
égales si je les considère comme des guises du cogitare, si je -
e res finita, cette subs­
considère l'idea uniquement comme cogitatio, comme reprae­ t1mtia infinita se donne comm e creator2. C'est là d'abord
le
sentans aliquid. Toute idea en tant qu idea est un esse cogitans. '
1 t 1nds subsistant de ce que Descartes veut mettre en lumiè re
Mais si je considère les ideae eu égard au repraesentatum, je rnmm e réelle ment subsis tant au sein de la res cogitans.
trouve qu'elles diffèrent : sed quatenus una unam rem, alia omment l'être de ce qui est représenté dans la realitas
aliam repraesentat, patet easdem esse ab invicem valde diversas2. i 1f1j cliva de l'idea se trouve-t-il garanti par l'être- donn� d'une
h l l e idea ? Pour rendr e éviden t l'être
La question est alors de savoir quel est précisément ce •
là-devant effectif de ce
moment par lequel les ideae se différencient. Le repraesenta­ q 1 i i s t présenté à titre d e realitas objectiva d e l'idea, i l est fait
11pp l à des axiomes généraux de .la scolas�ique qui son; éno?
tum est considéré d'après le sens d'être du représenté lui­ ­
même : la représentation d'une pierre, d'un objet géométrique, ,., ,. brièvement : non passe altquid
. esse, nen ne peut etre s 11
de Dieu. Ce sont des repraesentata. Ils sont considérés quant à 11 1•nt de rien (fieri a nihilo 3).
Tout ce qui est doit procéder,
d 1 1 1 1 son être, de quelque chose. Le caractère d'être
leur modus essendi. Ce mode d'être est la realitas objectiva . de cette
, 11t1sa doit être au moins égal, sinon supérieur,
« Objectiva » a encore ici le sens originaire de ce qui est ten u à celui de son
en vis-à-vis, de ce qui est présenté. La realitas objectiva e st , 1 1' -t . I l est donc impossible qu'un e chose vienne à l'être à par­
l'être d'une res en tant que res repraesentata dans une idea. D u i 1 d'un aliquid minoris realitatis. Ces axiom es sont introduits
point de vue de la realitas objectiva, il y a une diversitas ent re p 11• scartes peu avant la considération décisi ve.
les idées. La realitas objectiva peut différer d'une idée à l 'a u t re _ /que hoc non modo persp icue verum est
de iis e.ffectib us,
sur le mode du majus et du m inus. L'étant présent dans sa , 1 1 1 rum realitas est actualis sive .formalis,
sed etiam de ideis, in
teneur d'être peut différer quant à cette teneur. Descart s
! , If Id., 1 . 40 sq . [ Car, en effet, celles qui me représe
ntent des .substan ces
l. 1 111( 1 1 1 • clou le q ue lq u e ch ose deplus, et contien nent en s� 1 ( pom am_s1 parler)
certames façons de penser, je ne reconnais entre e l les a u c u n e d i ff rence ou in - alit
Ibid. [À
savoir, si ces idées sont prises en tant seulemenl que cc sont d · a plus de
r objecl ive, c'est-à- dire particip enl par represe ntat10n
•i
1 .111
ntent seulem ent des
·li
I\ u · i t l · n ls . J
u de pcr(ecl ion, q u e cel le q u i me représe
2 . Ibid. [Mais , les considérant comme des ima es, d o n t l ' s u n e s repr6s · n i · 1 1 1
galité, et toutes semblent procéder de moi d ' u n e même sorte . ] tl' I r
l•Hi
1 , !/Id. . p. 4 1 .
u

' /li t l.
u ne chose et les a u t res u n e a u t re, i l est é v i d e n l q u 'el les son t fort d i l'ffa · 1 1 1 · s lt:s
unes des autres . ]
1 62 Retour à Descartes La détermination cartésienne du falsum el du verum 1 63

quibus consideratur tantum realitas objectiva1• Un nouveau causa de la realitas objectiva ne doive pas être aussi réelle que
concept de realitas fait ici son apparition : realitas actualis sive la causa de la realitas formalis. Même si la causa ne transmet
formalis. La realitas formalis est ce mode d'être qui repré­ rien de sa realitas effective à ma conscience, iJ ne faut pas
sente l'être effectif de l'objet en tant qu'être. Appliquons croire qu'elle serait de ce fait moins réelle . L'idea n'a pas seu­
cela à l'idea. Les ideae sont ce qu'elles sont par le fait qu'elles lement le modus essendi au sens de realitas formalis en tant
donnent un représenté. Descartes applique alors l'axiome que cogito mais elle a en outre une realitas formalis qui cause
ontologique général avancé à l'instant à [144] la realitas la realitas objectiva1 • La realitas objectiva appartient aux ideae
objectiva des ideae2. La realitas objectiva, la teneur d'être de elles-mêmes en tant qu' ideae , et parce que cette realitas leur
ce qui est représenté a besoin d'une causation qui lui corres­ appartient en vertu de leur nature, l'être de l'idea lui-même
ponde. Descartes assure sa réflexion doublement en mon­ requiert la realitas formalis de la res repraesentata. Même s'il
trant qu'on aurait tort de croire que l'axiome ne saurait être n'y a aucun transfert de realitas formalis, je ne peux pourtant
pas [145] croire que l'idea aurait besoin, pour sa causation, de
moins de realitas. Il n'est pas nécessaire de développer davan­
valable au motif qu'il n 'y aurait pas de realitas formalis dans
les ideae. Descartes concède que l'être proprement dit de la
realitas formalis ne passe pas dans la conscience. Mais cela lage la preuve proprement dite.
n'empêche pas d'appliquer l'axiome de la causation parce Nam quemadmodum iste modus essendi objectivus compe­
lit ideis ex ipsarum natura, ita modus essendi forma
lis compe­
que la realitas objectiva n'est pas un pur et simple rien, mais ex earum
tit idearum causis, saltem primis et praeci puis,
bien un quelque chose. Nam quamvis ista causa nihil de sua pour soi, à titre
iiatura2• La realitas objectiva d'une idea exige
realitate actuali sive formali in meam ideam transfundat, non lis dont l'être soit
ideo putandum est il/am minus realem esse debere, sed talem d cause, une res ayant une realitas forma
esse naturam ipsius ideae, ut nullam aliam ex se realitatem présent dans la realitas objectiva. D ans la mesure où j'ai
formalem exigat, praeter illam quam mutuatur a cogitatione l'idea de Dieu et où je ne peux pas, en tant qu'imperfectum,
mea, cujus est modus ; quod autem haec idea realitatem ·tre cause de cette idea, je dois avoir été moi-même causé
par cet esse perfectum. Il s'agit là d'une application de cette
1 roposition scolas tique généra le : Dieu est lui-mê me
objectivam hanc vel il/am contineat potius quam aliam, hoc son être
p rofecto habere debet ab aliqua causa in qua tantumdem sil t lisible en toute net-
- eus est entitas essendi sui). I l devien
ad minimum realitatis formalis quantum ipsa continet objecti­ emen t forme lle,
1 •t que Descartes transp ose, de façon simpl
l
vae3. De ce que la realitas formalis ne se retrouve pas réelle­ à l'être au
axiom es relatifs à la cause de l'esse naturale,
l:l ns de ce qui est représ enté en tant que
ment dans la realitas objectiva, on ne saurait conclure que la tel. Il peut le faire
1 orce que !'«
l'ens formale de
1 . Ibid. [ Et cette vérité n'est pas seulement claire e t évidente dans les effets
object ivité » appar tient à
l id,a : en effet l'idea est en tant qu'ell e fait voir. Lorsq
u'elle
t, 1.'être- vu de quelq ue chose
qui ont cette réalité q ue les philosophes appellent actuelle ou formelle mais
aussi. L'être -vu de quelq ue
t1ve. J
a uss1 dans les idées où l'on considère seulement l a réalité qu'ils nomm en t �bjec­
.
est
2. Ibid. , p. 42 sq.
h « est » ce qu'il est avec ce qui y est vu, la prése nce de
3. ibid., p. 42 . [ Car encore que cette cause-là n e tr a n s m et te en mon idée a uc u n e qu Igue chose « dans » la perceptio - est un être de ce dont
chose de sa réalité actuelle ou fo rmelle, on ne doit pas pour cela s' i m ag i ne r qu ·
_
1 1 pr s nce est à chaqu e fois présen te. Si ce dont la présen ce
cette cause dmve etre moms réell e ; mais on doit savoir q ue toute idée é t a n t u n
ouvrage d e l 'esprit, s a nature est telle qu'elle n e demande d e soi a ucune a u l Te r a­
hté fotmelle, que celle qu'elle reçoit et emprunte de la pe nsée ou de l 'espri t , c l o n 1
2. /birl. , p. 43. J ar, t o u t a i nsi q u e celle manière d'être obj ective m e n t
1. fi id.
ell � est seulement un mode, c'est-à-dire une m a n i è re ou façon de p nscr. Or, a f i n
appar­

qu u n e 1dé e con tie n n e u ne telle réa l i té ob1ecl1ve p l u tôt q u ' u n • m i l rc, ·II i J<cs, J • l e u r propt" n a t u re , clc rnême a ussi l a manière ou
le es ici ·es (à t o u t le m o i n s a u x pre-
. l a façoIJ

doute a v o i r c e l a de q uelque cause, cla ns laquel l i l se rcnco n l r • 1 o u r J • mo i ns


loit sans lll nu

r '
.

autant de réalité fo r m e ll e q ue celle id · ·on 1 i · 1 1 1 de r a l i l nhj • ·t i v " J 111 · s )


I l ' 1r l'orrn •J I ·m ·111 " I rwni ·1 1 1 a u x ·aus 'S

111 1 'N ·I p r i n 'il d ' l • 1 1 r pro J nnl u r ·. J


1 64 Retour à Descartes La détermination cartésienne du falsum et du verum 1 65

est présente est Dieu, alors cette présence ne peut pas sont verum. Cette détermination montre en toute clarté que le
« être » à partir de moi, c'est-à-dire ne peut pas être produite critère de la clara et distincta perceptio a pour effet de niveler
par moi en tant que res finita. Cette élucidation est perti­ les caractères d'être . Cela correspond à un mode d'accomplis­
nente si l'on maintient entièrement pour l'idea l'esse de la res sement spécifique du souci d'une connaissance connue. Nous le
cogitans, du cogitare, c'est-à-dire si l'on entend l'idea comme voyons à l'œuvre là où deux guises d'être différentes sont nive­
un ens creatum. Pour nous, cela veut dire que Descartes voit, l6es dans la conscience en étant soumises toutes deux sans rete­
dans l'être de la res cogitans, un être double où se concentre nue à l'analyse causale au sens de la scolastique.
la différence entre esse repraesentatum et esse repraesentans*.
Nous avons élucidé un moment important du fondement
ontologique de la détermination cartésienne de la conscience l 1 47) § 27. La question de l'être
et cela à vrai dire en ayant en vue une différence que fait du falsum et de l'error
Descartes à propos de l'idea. Descartes distingue deux modes
d'être de l'idea : 1 ° le mode d'être en tant que cogitatio L'interprétation de l'esse du falsum et de l'error va nous
(modus essendi mutuatus a cogitatione), 2° le modus essendi 1pporter un éclaircissement supplémentaire sur l'esse de la
objectivus, l'être du représenté [146] en tant que représenté .
' "�' cogitans. Nous n'allons pas suivre le cheminement de
Cette différenciation au sein de l'idea est la base qui permet
1 •cartes à proprement parler ; nous examinons simplement
à Descartes de soutenir avec évidence, en s'appuyant sur de
1•om ment la question du falsum est mise en train et explici­
t
vieux principes ontologiques, que ce qui est présenté existe
(est là-devant). Toute realitas objectiva requiert de soi-même
une causa dont le caractère de réalité corresponde à l'étan l
a ) La constitution de l'error : intellectus et voluntas
en tant que libertas ; les deux concepts de liberté
qui est donné dans la realitas objectiva. Toute cause en tant
que cause est réelle. L'être au sens de la causa est la realita.1·
formalis. Il ressort de ce raisonnement, qui est construit, pour chez Descartes
partie, en insistant tout particulièrement sur la clara et dis­
tincta perceptio de I'idea de Dieu et en invoquant des pri n ­ 1 i u n'est pas seulement positivement la cause de l'idée
1 p 1 j'ai de lui. Dieu ne peut pas non plus être la cause de
l 1 l tint (de l'errare) qui est également en moi* . Deinde, ad me
cipes de l'ontologie traditionnelle, que Descartes nivelle
/ " t if lus accedens, et qualesnam sint errores mei (qui soli imper­
unitairement un être double au sein même de la res cogitans :
( 1 '1 1 n m aliquam in me arguunt) investigans, adverto il/os a
l'esse du cogitare et l'esse du cogitatum. Tous les deux sont un
esse animi, un être qui, en tant que tel, est de prime abord
indépendant de l'être du corps. Descartes nivelle la realitos , /111;/ 11s ·ausis simul concurrentibus dependere, nempe a facul­
objectiva et la realitas formalis de l'idée et ce nive llement si noscendi quae in me est, et a facultate eligendi, sive ab
rendu possible, à vrai dire, parce que le cogitare en tant q u · 1
1 1 1 1 lrii libertate, hoc est ab intellectu, et simul a voluntate1 • La
cogitare et le cogitatum en tant que cogitatum sont donnés av · · • 1 1 1 1 ., tr uve dans la conjonction de la facultas intellegendi
une même évidence, et peuvent se légitimer comme q u e l q u ·
chose de là-devant (aliquid). Du point de vue de l esse ven 11 1 1, uj c t, A nnexe, complément 1 9, p. 33 1 .
rt 's,
' ·
'

ces deux sortes d'être sont au bout du compte i de n t i q u L ·s


Meditatio I V, op. cil. , p. 64. ( En suite de quoi, me regardant de
.

deux étants sont, c'est-à-dire sont créés pa r D i e u , c'e t -à- l i rl'

* Cf., à ce sujet, A nnexe, complémcnl 1 8. p. 3 0 sq .


1 66 Retour à Descartes La détermination cartésienne du falsum et du verum 1 67

e t de l a facultas eligen di (libertas arbitrü), en bref dans J'intel pas prétendre à cette infinité, ma finité n 'est pas un manque.
­
lectus simu l cum volun tate. Descartes mont re que chacu Je ne peux prétendre à rien de plus. Voilà comment se carac­
ne de
ces facultas en tant que facultas ne peut être un fonde térise la facultas intellectus chez Descartes.
ment
suffis ant de l 'error. Le caractère de facultas est une Une preuve de ce genre est nécessaire parce que pour
guise
d'êtr e d'un genre posit if leque l, en tant qu'esse posit Descartes c'est bien dans l'intellect que réside la perfection
ivum, est
un esse creatum. En tant que telle, cette guise d'être est un de l'homme. Descartes dit certes que la perfectio se trouve
bon �m. En tant que facultas, l'être du falsum ne peut donc dans la voluntas, mais l'explication de la voluntas s'oriente,
pas e tre un malu m. Nam per solum intellectum percipio tan­ en se rattachant à saint Thomas, vers l'intellect en tant que
.
tum tdeas de quibus judicium ferre possum, nec ullus facultas eligendi. Nec vero etiam queri possum, quod non satis
error
proprie dictus in eo praecise sic spectato reperituri. Desca amplam et perfectam voluntatem, sive arbitrii libertatem, a
rtes
soulè ve là contre quelq ues objec tions courantes puis entre Deo acceperim ; nam sane nu/lis illam limitibus circumscribi
­
pren d de les réfuter. L'intellectus en tant que facultas experiori. La facultas eligendi est une facultas qui n'est limi­
et e n
tant qu' ens creatum est un bonu m. Quamvis enim [148] tée par rien. L'imaginari ou la mémoire sont en revanche
innu­
mera e fartasse res existant, quarum ideae nullae in .li mités. Avec eux, je peux me figurer des êtres idéaux mais ils
me sunt
non tamen proprie illis privatus, sed negative tantum destit
u� ne vont pas au-delà de ce que je trouve en moi-même. Sola
tus, sum dicendus, quia nempe rationem nullam possu est voluntas, sive arbitrii libertas, quam tantam in me experior,
m
afferre, qua probem Deum mihi majorem quam ut nullius majoris ideam apprehendam ; adeo ut il/a praecipue
dederiL
cognoscendi facultatem dare debuisse2• On pourrait sit, ratione [149] cujus imaginem quandam et similitudinem
alors dire
q � e les erreu rs survi enne nt de fait, et se dema nder pourq Dei me referre intelligo2• Je peux m'imaginer avoir un pou­
uoi
r ne
Dieu ne m'a pas créé en faisant en sorte qu'au cune erreu voir d'imagination plus ample, mais non pas que ma volonté,
s e produise jama is e n moi. Cela supposerait que notre qui est d'une certaine manière absolue, pourrait être plus
. intel­
lectus ait la mêm e const itutio n que celui de Dieu c'est- rande. Concernant ma volonté, je fais l'expérience de ma
à-dire
r ssemblance avec Dieu.
soit il !imité q�ant à la possi bilité des objet s qu'i l peut saisi
. . T.
Mais 11 est hmité , et conc ernan t ce qu'il saisit , il ne saisit pas Nous avons ici affaire à ce rapport caractéristique à la tra­
u11 d i t ion que nous rencontrons chaque fois que l'être de
tout dans une clara et distincta percep tio. C'est donc

dé au� ? Non. Car la limit ation de mon intell ect n'est pas
un ' l ' h omme est mis en jeu : faciamus hominem secundum imagi­
!
p �tvatt� . out ce dont je suis actue lleme nt doté ne peut
êtr · n m et similitudinem Dei3. Ce n'est pas un hasard si Des-
deter mme comm e carentia que par rapport à l'idéa q
l u , artes indique ici que l'être de ma volonté démontre que
rn n être est une imago et similitudo Dei. Je dois certes
repré sente la const itutio n de Dieu . Mais puisq ue je
ne peu
1. P: 6 4 sq. ( Car par l'enten demen t seul je
Ibid.,.
des choses , q ue je puis assu rer o i
i
n 'assure n i n e n i e a u cu n 1• 1 . Ibid. [Je ne puis pas aussi me plaindre que Dieu ne m'a pas donné u n libre
chose, mais Je conçoi_ s seulem ent les i d�es

' i l n e se t rou 1
nrbi t rc, ou une volonté assez ample et parfaite, puisqu'en effet j e l'expérimente
.
mer. Or, e n l e cons1d erant
'
. Ibid. , p. 66. [ I l n'y a que l a seule vol o n t é , q ue j'expérimente en moi ê�re si
a111s1 préc1se ment, o n peut d i re q u
_ _ vo u et si étendue q u ' e l le n 'est renfermée dans aucunes bornes.]
J � mms en llll aucune erreur , pourvu q u 'on
prenne Je mot d'erre ur en sa p rop i '"
2.
s1gmf1cat1on.]
p . 65 E t encore q u l y a i t pe u t ê t re
,
l' l l ! l 1 c o o
\ 'i une i n fi n i té de ho se s c l a ns · 1 l u : ·n so r t e q u · c' st e l l e p r 1 nc 1 p a l e m e n t q u me fait connaitre q ue Je porte
que j e ne o n ç i p i n t l'!clée d'aucune a u t re plus ample e t plus eten-
Ibid., - c i _

on ne pe u t pas d i re po l 1 I' 1 1 1 1 • t I� r ss m bl a n ·c 1 ' 1 i u . J


n .ai. aucune idée en mon e n tendem ent,
monde dont ie _

, de q ue l q u e chose q u i so i t d O il . 1 :1. H i l l i o r u m S 1 ro r u m i u x t a V u l
', _
,
6 : faciam.us hominem ad
cela q u I l soit pnve de ces i dées comme
1 atam lem e n t i n a m nova e d i t i o, curavit

son q � 1 pu isse rrouver q ue Dieu : u t d O me


nature m a i s seulem ent q u ' i l ne l e s a pas
; pa rce q u en eff ·t i l n'y " a u u ne m i
clonn · r u n · p l us grand . · 1 1 l u s a m i 1
1 à
, 1\ l o L i u s ra n w t i c 1 , M ··cl i o l u n i 1 9 1 4, L i h r 1 c n sis, 1 ,

e q ue c c l l q u il m 'a l o n n e. /
c
/ f n isons l ' hom m n o t re i m age et se l o n
. de connaitr
faculte ,
verum
La détermination cartésienne du falsum et du 1 69
1 68 Retour à Descartes

admettre que la voluntas Dei surpasse ma voluntas, mais dans Jaire que vise ici Descartes, c'est le fait de ne pas être orienté
précisément sur quoi que ce soit. Le concept augus� 1m . . n de
une perspective qui ne concerne pas l'ens formate de la �
volonté. Nam quamvis major absque comparatione in Deo liberté repose à l'inverse sur l'idée que la determmatw est
quam in me sit, tum ratione cognitionis et potentiae quae illi constitutive de la libertas, que la determinatio n'est pas un
adjunctae sunt, redduntque ipsam magis firmam et efficacem, manque mais la guise d'être proprement dite de la volonté en
tum ratione objecti, quoniam ad plura se extendit1 . 1 ° D u tant que volonté libre. C'est en ce point qu'on voit avec quel
point d e vue d e la ratio cognoscendi, c'est-à-dire concernant art consommé Descartes, comme souvent, franchit les obs­
la transparence de l'acte volontaire, je suis en retrait par rap­ tacles en les évitant les uns après les autres. 11 détermine la
port à Dieu. 2° D ieu a aussi, concernant la possibilité libertas comme absolue indifferentia quod facere et non facere
d'accomplir ce qui est voulu par lui, une potestas plus grande. idem possumus . Là-dessus il détermine la voluntas en faisant
3° Ratio objecti : concernant la possibilité des objets voulus comme si cette première détermination équivalait à une deu­
par lui, la volonté de Dieu est supérieure à la mienne. Mais si xième où la liberté est appréhendée comme libertas au sens
je considère en revanche Je vouloir purement en lui-même, il de l'absentia coactionis, tout en étant malgré tout un determi­
s'avère qu'il n'est pas supérieur au mien : non tamen, in se nari. Ê tre libre, ce n'est pas simplement pouvoir faire indiffé­
formaliter et praecise spectata, major videtur, quia tantum in remment une chose ou une autre, mais le determinatum esse
eo consistit, quod idem vel facere vel non facere (hoc est affïr­ �d aliquid quod propositum est ab intellectu au sens d 'un
mare vel negare, prosequi vel fugere) possimus, vel potius in affïrmandum vel negandum sive prosequendum vel fugzen­ _
eo tantum, quod ad id quod nabis ab intellectu proponitur dum. Saint Thomas dit : appetitus nihil aliud est quam quae­
affirmandum vel negandum, sive prosequendum vel fugien­ tlam inclinatio appetentis in aliquid1• La voluntas implique
dum, ita feramur, ut a nu/la vi externa [150] nos ad id determi­ donc d'être tendu vers quelque chose de déterminé, et non
nari sentiamus2• En quoi consiste alors l'esse formate de la
voluntas ? Passe idem facere vel non facere : le pouvoir de
pa d'avoir là indifféremment plusieurs possibilités. Toute
ln linatio est une inclinatio in aliquid, tout esse qua esse un
faire et de ne pas faire une seule et même chose qui est pro­ I num, donc toute inclinatio une inclinatio in bonum2. Des-
posée comme telle <à la volonté>, voilà ce qui constitue la a rtes dit : Neque enim opus est me in utramque partem ferri
libertas. p sse, ut sim liber, sed contra quo magis in unam [151] pro­
f ) ndeo, sive quia rationem veri et boni in ea evidenter intel­
À travers cette détermination, Descartes a implicitement
t/. o sive quia Deus intima cogitationis meae ita disponit, tanto
en vue une détermination traditionnelle de la liberté, un
concept de liberté que l'on peut caractériser comme absentia / I rius il/am eligo3 . Ê tre libre, ce n'est donc pas avoir le pou­
V ir d'aller d'un côté aussi bien que de l'autre mais : quo
coactionis et determinationis ; le concept véritablement sco-

l vo . H, complectus primam
1 . Descartes, Meditatio IV, op. cit. , p. 66. [Car, encore qu'elle soit i ncompara ­
blement plus grande dans Dieu q ue dans moi, soit à raison de la co mrn i ssa nce e l
1i' uncla Parmae , 1 853, in Opera Omnia, 1852 sqq., t. l l , quaest10 VlII,
i, ancti T h omae Aquinatis Surnma Theologica,

soit à raison de l'objet, d'autant qu'elle se porte et s'étend i n fi n iment à p l us d • u l us '1 .


de la puissance qui s'y trouvant jointes la rendent plus ferme et plus efficac" Parmae,
L ( U n ap pé t i t n'est rien d'autre que l'inclina tion d'un être
vers quelque
!' h ()
111

q uaes t i o X l l l , a rt i culu Y l.
·.
2. .
choses.] 1
ibid. , p. 66 sqq. [ Elle ne me semble pas toutefois plus gra nde, si je la co nsi­ . Ibid., .
. hbre, .il n , est
dère formellement et précisément e n e lle-même. Car elle consiste seu l e m e n t e n • . s artc · . Meditatio I V, op. cil. , p . 67. [Car, afi n q ue ie sois
n
l'autre des deux
;
n cssuir que j sois i nd i fférent à cboisir l ' u n ou
rs l' �m, soit _ q ue Je
ce que nous pouvons faire u n e chose, ou ne la faire pas (c'est-à-dire a ffirm 'r o u

v ie.le mm · n i q ue 1 • hi ·n cl 1 vra i s'y rencont re n t ,_ soi t q.
nier, poursuivre ou fuir), ou plutôt seulement e n c e que, pou r affirmer ou n i 'I", 1 1n 1 r 1ir · rnRis plul t, !'autant 1 lus que je penche v e
_
11 1 insi l 'i n t ri • u r d · 1110 1 ni>é0, c.l'n u 1 b e
·
ue Dieu d1s-
poursuivre ou fuir les choses q ue l 'e n tende m e n t nous propose, nous R issons ·11 l l l l l lll\ÏS • •

ll rais choix et JC
l l ! J !'ll SN ' , !
l u n t l us l i r m n t i'en
teUe sorte que no us n e sent ons poi n t qu'aucu n · rorcc exl ri • u re nous y
con traigne . ] 1
170 Retour à Descartes La détermination cartésienne du falsum et du verum 1 71

magis in unam propendeo eo liberius. On aperçoit ici le lui la possibilité d'un defectus. Ce doit être un être tel qu'il
concept augustinien de liberté : plus la propension au bonum n'est véritablement que s'il est comme il doit être. Car ce n'est
est originaire, plus la liberté de !'agir est proprement ce que si un debitum est présent dans un être que l'on peut parler
qu'elle est. Un agir qui se place entièrement sous la volonté d'une carentia. L'être de l'erreur réside dans cette conjonction,
de Dieu est absolument libre. C'est cette libertas que Des­ t nullement dans l'être de I'intellectus comme tel en tant que
cartes vise ici et qu'il fait intervenir, de manière très caracté­ facultas, ni dans l'être de la voluntas en tant que facultas. C'est
ristique, dans la perspective de la clara et distincta perceptio. q uelque chose qui est exclu pour Descartes parce que
Je suis vraiment libre lorsque je me dirige vers quelque chose l'homme a été créé par Dieu avec cette constitution. Même si
quod intelligo. Je vis dans une propensio in unam partem , la connaissance est limitée, on ne peut pas dire pour autant
dans une direction où j'acquiesce à ce que je connais clare et qu'elle n'a pas quelque chose qu'elle devrait avoir. On ne peut
distincte. Le sens véritable de l'être-libre implique une mot i­ pa non plus caractériser la voluntas en tant que telle comme
vation tout à fait caractéristique. E n revanche, l' indifferen t ia , q u !que chose de négatif. J'expérimente moi-même la volonté
le posse formel n 'est précisément pas de la liberté, mais b i e n ( l ltnme quelque chose d'infini, et il faut entendre par cette
plutôt l 'infimus gradis libertatisl. 1 1 1 fi n i té le fait que la volonté peut se porter identiquement sur
Dans ces propositions qui semblent aller tellement de so i 1 1 u te chose sur le mode du facere et non facere passe. La per­

et être avancées si librement, c'est en fait tout l'arrière-plan /1' ·tio voluntatis consiste en ceci que la voluntas peut se porter
de l'époque qui se manifeste. Ce rejet de l' indifferen t io •,1 1 r toute chose au sens d'un pouvoir et d'un non-pouvoir.
comme esse liberum est un coup porté contre les Jésuites t l l n ns la détermination de l'infinité de la voluntas, prévaut en
reflète en même temps un certain penchant pour Po ri ­ 1 1 n l i té un sens déterminé de la liberté : libertas voluntatis au
,1 1 1 d'indifferentia. À l'endroit où Descartes entreprend d'en
, I, t 1miner le caractère positif, il commence par caractériser la
Royal*.
lil•Ntas par l'indifferentia. La seconde détermination vient se
l 1 1· �- la première sans qu'il n'y ait apparemment aucune rup-
b) Le concursus de l' intellectus et de la voluntas
1 1 1 1 , Descartes parle d'une liberté dans laquelle il y a une
comme être de l 'error. Les problèmes théologiques
à la base de ces deux concepts de liberté
, /, l11rniinatio ad prosequendum vel fugiendum.
1 ' s deux concepts de liberté avec lesquels Descartes opère
1 1 1 1 1 J u r ondement des problèmes théologiques qui occu-
L'error a son être dans un concursus2, lequel ne conce rn ·

1 111 • nl les théologiens depuis saint Augustin et qui, en tout


pas Dieu mais deux possibilités de comportement prése n t ·s f
dans l'être humain lui-même. Si les facultas [152] eligendi ·1
• ,,. [ J ] donnaient )jeu à des débats particulièrement vifs à
l 1 1 iq ue o ù Descartes, précisément, rédigeait ses Médita-
intellegendi sont des causae qui concourent en même tem 1 s ,
1
il nous faut alors examiner de plus près ce singu lier simul essl'
voluntatis et intellectus. Que signifie : l'intellectus et la vo/01111 ' 1 1 1 • 1 /,1' , débat théologique où apparaît le problème de la
porte entièrement sur la question du lien entre la
sont ensemble en même temps ? Ce simul esse doit corr ·s
pondre à une conjonction des deux telle qu 'elle soi t p r d t · r t la liberté. Pou r la problématique théologique, la
l t l 11 1 ! st u n fa i t q u i ne sa urait être mis en doute. Le fait que
l 1 1 1 1 h u m a i n -·o i t l i bre n'est pas u n e veritas naturalis, mais un
minée par l'être propre d e chacun d'eux. Cet t e volun111.1·
alliée à l 'intellectus doit donner naissance à u n ê t re q u i a i t · 1 1
i l 1 •1 · 1 1 , ' I u t d t ri n e met tant en doute la liberté est héré-
1 11 11 11 , v a n h , fa i t q uest i o n dans le débat théo-
Ibid.
' u i , n r
1 , , , . 1 p 1 • , " '' l la nal11 ra vo/un.tatis t libertati '. L ' o bj et de la
1
Cf., à ce sujet , A nnexe, compl rnenr O. 1 sq.
1.
*
2. Descartes, Merlitatio I ll, op. cit. , p. 64. 1 1 1 1 i t OV ' F,' ' 'Sl d • s n v c i r t )ln111en l n t ' n d r la l i b· r l é d e la
p.
1 72 Retour à Descartes La détermination cartésienne du falsum et du verum 1 73

volonté. Et la question de la signification de la liberté l'homme sans pour autant restreindre l'efficace de la grâce
humaine se meut en réalité dans deux directions que l'on de Dieu. C'est contre ce texte et contre tout le courant théo­
peut qualifier, en bref, d'aristotélicienne et augustinienne. La logique qu'on appelle le molinisme que l'oratorien Gibieuf a
liberté prise en un sens aristotélicien implique une double écrit le De libertate Dei et creaturae ( 1630)1 . Ce texte met
absentia : une absentia coactionis et une absentia determina­ l'accent, d'une manière tout à fait radicale, sur le concept
tionis. Pour saint Augustin, une determinatio in summum augustinien de liberté, et affirme que la présence d'une deter­
bonum est précisément l'élément constitutif de la liberté. minatio in summum bonum est précisément ce qui constitue
Lorsque la volonté est orientée sur le souverain bien, elle la liberté véritable de l'homme. Ce n'est que lorsque Dieu
n 'est sujette à aucune servitudo. Ces deux déterminations devient présent en l'homme que l'homme est véritablement
font l'objet de controverses jusqu'à ce jour. libre. La grâce ne peut en aucun cas porter atteinte à la
Le problème général est le suivant : 1° Comment détermi­ l i berté puisque c'est elle, et elle seule, qui donne naissance à
ner la signification et la modalité de l'efficace de la grâce de la liberté véritable. L'infl u ence que toutes ces complexions
Dieu pour que la liberté de l'homme ne soit pas ruinée ? ont pu exercer sur le jansénisme est encore inéclaircie à ce
2° Comment déterminer la liberté pour qu'elle puisse se j ur. Dix ans après le De libertate, a paru un ouvrage qui a
soumettre à la grâce de Dieu sans s'abolir du même coup fait grand bruit : Augustinus (1640). Son auteur Jansenius,
elle-même ? Cela suppose la possibilité d'un point de vue ·vêque d'Ypres, s'était proposé d'expliciter la théologie
médiatisant, d'une concordia entre la liberté de l'homme et ;_wgustinienne en l'opposant à la scolastique et au molinisme.
l'efficace absolue de Dieu. Le caractère de la praescientia et Le titre exact de l'ouvrage est le suivant : A ugustinus sive

de la praedestinatio divines entre ici aussi en jeu. Tout cela a il ctrina S. Augustini de humanae naturae sanitate, aegritu­
contribué à faire de ces moments des problèmes d'actualité à rlin.e, medicina contra pelagianos et Massilienses2• L'adver­
l'époque. Par opposition à la doctrine protestante de la foi t-1air principal de saint Augustin était le moine irlandais [155)
(Luther, De servo arbitrio, 1 525 1 ) , qui rabaisse la libe rté P � Jage qui avait fondé un courant théologique encore vivace
humaine d'une façon absolue, les Jésuites cherchent à 1 I ' nos jours, et vivace à vrai dire non pas sous la forme radi­

accroître la liberté humaine. Le pays de naissance de la [1 541 t•n l de Pélage, mais à travers un courant modéré que l'on
théologie jésuite est l'Espagne. Le véritable fondateur de ' I ! lle par conséquent le semi-pélagianisme. Le semi-péla-
1•1 i nni me s'est implanté notamment au sud de la France, dans
111 r
cette doctrine de l'indifférence est le jésuite espagnol Pedro
da Fonseca. Cette doctrine a été développée par la suite par ion de Marseille. Jansenius relève que Gibieuf a bien
qui était en question ici : la détermination vraie, c'est­
' d i r platonicienne, d e l a liberté est supérieure à s a défigu-
Bellarmin qui a joué un grand rôle au concile de Tre n t e2•
D e tous les Jésuites espagnols, un des plus remarquabl s
1 . d i n aristotélicienne. Molina écrit dans le De concordia :
1//1d a ens liberum dicitur, quod positis omnibus requisitis ad
est Molina, auteur du De concordia gratiae et liberi arbürii
( 1588)3 qui tend à déterminer positivement la liberté d ·
1 1, ·r·n tum, potest agere et non agere3 : est dit libre cet agent

1. De servo arbitrio Martini Lutheri ad Erasmwn Roterodam um , Wittcnb 'r} .


q11 , d lors qu'il dispose de tout ce qui est nécessaire pour

2. Le cardinal Franz Romulus Robert Be l lar m i n SJ ( 1 542- 1 62 1 ) t a i l u 1 1 1, , ; 1 i c u r, De liberlale Dei et crea1urae Libri duo,
1525-1 526.

l p ren s i s ,
Paris,1 630.

adversus Pelagianos &


neveu d u cardinal Cervini, qui a accédé au t rône pon t i fi c a l e n 1 555 a u 1110111 · 1 1 1 l, 'or n I i i l nns n i i , Episcopi A ugustinus seu doctrina Sanctii A ugus-
1111
b
du concile d e Trente, sous l e nom d e Marcel I l . /.i /1111111111oe na111raP san.itate, aegritudine, rn.edicina

\, î ,.
3 . D. Ludovicus Molina, Liberi arbitrii cum gra1iae donis, divina prae.1·1·ii'1 1t111, \ 1. 1 1 1 / 1•11,\'l'.I', t ri bus l o m i s ompr ·nsa, Louva in, 1 640.
M o l i n 1,
2° ·d. A n v 1 59. . il \ J J J I V, 1 1 , 1 . 8.
providentia, praedestin.atione et reproba1ione, oncordia, ad 1101111111/os pri1111!1' 1111 ·o rrlio, ot! 1 1 01 1 r 1 11//o.1· prinrne parfis D. Thom.ae articulas,
partis D. Thornae A rliculos, rs, 1rl ·u l u m q1111 ·Hl i o n i s · L l is p u l o t io
La détermination cartésienne du falsum et du verum 1 75
1 74 Retour à Descartes

agir, a encore la possibilité d'agir ou de ne pas agir, ou bien quam in alteram impellit, est infimus gradus libertatis 1•
qui, tout en s'étant décidé dans un sens déterminé a encore L'indifferentia est l 'infimus gradis libertatis, quo magis in
'
conscience d'avoir la possibilité d'aller dans l'autre. Être ainsi unam propendeo, sive quia rationem veri et boni in ea eviden­
placé indifféremment devant deux possibilités est le sens véri­ ter intelligo, sive quia Deus intima cogitationis meae ita dispo­
table de la liberté. Mais dès l'instant où j 'ai choisi, je cesse nit, tanto liberius illam eligo2• D ans mon comportement
d'être libre. La liberté est supprimée. La liberté véritable volontai re, plus j 'incline par avance d'un certain côté, plus je
réside dans l'état d'indifferentia, tandis que pour saint Augus­ vis libremen t. Nec sane divina gratia, nec naturalis cognitio
tin la liberté humaine consiste dans ce determinari dans la sou­ unquam imminuunt libertatem, sed potius augent et corrobo­
mission à un bonum. Mais en quelque sens que l'�n prenne la rant3. La grâce divine ne diminue donc pas la liberté humaine ,
liberté, il y a une difficulté avec la prescience et la prédestina­ mais la grâce l'accroît et la renforce. Descartes transpos e ce
qu'on appelle, en théologie, l'efficace de la grâce divine à
1 i nfluenc e exercée par [157] l'intelle ct sur la volonté . La
tion de D ieu. Qu'en est-il de l'omniscience de Dieu ? Il faut
bien que Dieu ait la prescience des possibilités déterminées
que l'homme choisit. Pour lui, elles ne sont pas là à titre de clara et distincta perceptio joue le rôle de la grâce. C'est elle
futurum, mais d'un futuribile, lequel peut encore être saisi de qui rend présent, pour le judicium, son bonum spécifique.
telle ou telle façon. Cest ce que Molina appelle scientia media. 'est pourquoi la voluntas est déterminée, dans son être
1 ropre, à suivre l'intellec t qui propose un objet
à la voluntas
D 'un point de vue théologique général, il y a en Dieu une
·He-mêm e. C'est en ce sens qu'il faut entendre à proprement
praescientia mere naturalis : D ieu prévoit tout événement pos­
parler le simul esse voluntati s et intellectu s. De même que la
sible. Tout est là d'avance dans son intellect absolu. Une
d terminatio à un bonum fait partie de l'être de la volonté, de
praescientia mere libera : Dieu prévoit ce qui arrive du fai l
1 u6me c'est l'intellectus qui propose à la voluntas le percep­
twn en tant que prosequendum. Plus la voluntas s'en tient
d'une volonté. Il prévoit aussi ce que les hommes [ 156] réali­
sent librement. C'est une praescientia qui n'est ni naturalis n i
Zibera, qui n e concerne n i les événements e n général n i c e g u i 11ü mement à ce qui est saisi claireme nt et distincte ment, plus
est causé par l a volonté de Dieu. Dans l a théologie august i­ 1 h m me est proprem ent ce qu'il est* . Saisir volontai rement
nienne au contraire, la liberté est entendue au sens où être 11· lare et distincte perceptum, c'est pour Descartes la plus
libre veut dire : ne pas se soumettre aux exigences du monde h11ut possibilité d'être de l'homme . Pour peu qu'on examine
ni aux tentations du diable mais subordonner sa volonté à la l . 1 ' urce des proposit ions cartésien nes, on s'aperço it que la
.1 u l base qui les légitime n e relève e n rien d'une connais­
1 11 • rationne lle pure.
volonté de Dieu. Toute action de l'homme en tant qu'homm '
.•
est soumise à une finis et cette finis en tant que bonum est
l'élément constitutif de la liberté. L'indifférence se rencon l r '
certes dans la volonté humaine. Le fait qu'elle s'y renco n l r '
est ce qu'Aristote a mis au jour dans son analyse et c'es t su r
que je sens,
ce sol qu'il a établi son concept de liberté. Mais l'indifferentia
ne se rencontre pas à titre d'élément constitutif de la liber/fis 1, 1 s i lf t s, Meditatio IV, op. cit. , p. 67. [Cette i ndifférence

mais seulement en tant que creatura ; l' in diff"eren tia d o i t '\ I r · l i be rté. ]
l " ' 11 d'ou LJ ne raison, est le plus bas degré de la
j . . , 11 1 11 je ne suis poi n t emporté vers un côté plutôt que vers un autre par le

comprise comme deficiens. L'indifférence ne fai t pas part i ' u · t, !li/il. 1 'a u t ant p l us q u e je penche ve rs l ' u n , soit q u e je connaisse évidem­
1 bien t 1 vni i s'y rencon t re n t , soi t que Dieu dispose ai nsi l ' in térieur
,1, 1 1 1 p ns " d 'n u ltl n t 1 l us l i br'm 'nt j' n fa i choix e t j e l'embrasse .]
la liberté même si elle se rencontre clans l 'action. '11• 11! ljll

C'est cette con ception que Desca rt s repr nd à so l i , Ili! /, l l � t •rt ·N lu r


compte dans son i n terpré t at ion cl l 'error. Indiff'erentia a u l<'J J J i l i 1 1 1 illlL I n u i ! i l u rt , l'n u 1 1 1 • n 1 u 1 1 1 . pl u 1 1, ·1
Io forl i l'icn t . l
' d i vi n..: 't la onnaissanc e n a t u relle, bien loin de

1 'l .. � u l • 1 , . 11111•, e. •nn1r1 1 1 lc n t 2 1 . r . . , 2.


illa, quam experior, cum n u lla me ratio i n unam part'm mn)!.i.I' _
1 74 Retour à Descartes La détermination cartésienne du falsum et du verum 1 75

agir, a encore la possibilité d'agir ou de ne pas agir, ou bien quam in alteram impellit, est infimus gradus libertatis1•
qui, tout en s'étant décidé dans un sens déterminé, a encore L'indifferentia est l 'infimus gradis libertatis, quo magis in
conscience d'avoir la possibilité d'aller dans l'autre. Être ainsi unam p ropendeo, sive quia rationem veri et boni in ea eviden­
placé indifféremment devant deux possibilités est le sens véri­ ter intelligo, sive quia Deus intima cogitationis meae ita dispo­
table de la liberté. Mais dès l'instant où j'ai choisi, je cesse nit, tanto liberius il/am eligo2• Dans mon comportement
d'être libre. La liberté est supprimée. La liberté véritable volontaire, plus j 'incline par avance d'un certain côté, plus je
réside dans l'état d'indifferentia, tandis que pour saint Augus­ vis librement. Nec sane divina gratia, nec naturalis cognitio
tin la liberté humaine consiste dans ce determinari, dans la sou­ unquam imminuunt libertatem, sed potius augent et corrobo­
mission à un bonum. Mais en quelque sens que l'on prenne la rant3. La grâce divine ne diminue donc pas la liberté humaine,
liberté, il y a une difficulté avec la prescience et la prédestina­ mais la grâce l'accroît et la renforce. Descartes transpose ce
tion de Dieu. Qu'en est-il de l'omniscience de Dieu ? Il faut qu'on appelle, en théologie, l'efficace de la grâce divine à
bien que Dieu ait la prescience des possibilités déterminées 1 influence exercée par [157] l'intellect sur la volonté. La
que l'homme choisit. Pour lui, elles ne sont pas là à titre de lara et distincta perceptio joue le rôle de la grâce. C'est elle
futurum, mais d'un futuribile, lequel peut encore être saisi de qui rend présent, pour le judicium, son bonum spécifique.
telle ou telle façon. Cest ce que Molina appelle scientia media. 'est pourquoi la voluntas est déterminée, dans son être
D'un point de vue théologique général, il y a en Dieu une propre, à suivre l'intellect qui propose un objet à la voluntas
praescientia mere naturalis : Dieu prévoit tout événement pos­ I l -même. C'est en ce sens qu'il faut entendre à proprement
sible. Tout est là d'avance dans son intellect absolu. Une parler le simul esse voluntatis et intellectus . De même que la
praescientia mere libera : Dieu prévoit ce qui arrive du fai t tl ·t rminatio à un bonum fait partie de l'être de la volonté, de
d'une volonté. Il prévoit aussi c e que les hommes [156] réali­ 1 1 1 ·me c'est l 'intellectus qui propose à la voluntas le percep­
sent librement. C'est une praescientia qui n'est ni naturalis n i l11m en tant que prosequendum. Plus la voluntas s'en tient
libera, qui n e concerne ni les événements en général n i ce q u i l 1 1 t·i mement à ce qui est saisi clairement et distinctement, plus
est causé par l a volonté d e Dieu. Dans l a théologie augusti­ 1 h o m me est proprement ce qu'il est*. Saisir volontairement
nienne au contraire, la liberté est entendue au sens où êtr · 11 clare et distincte perceptum, c'est pour Descartes la plus
libre veut dire : ne pas se soumettre aux exigences du monel ' h : 1 1 i' t possibilité d'être de l'homme. Pour peu qu'on examine
ni aux tentations du diable mais subordonner sa volonté à l a l . 1 llôllrce des propositions cartésiennes, on s'aperçoit que la
volonté de Dieu. Toute action de l'homme en tant qu'hornm · ,1 1 11 base qui les légitime ne relève en rien d'une connais-
est soumise à une finis et cette finis en tant que bonum est 1. 1 1 1 rat ionnelle pure.
l'élément constitutif de la liberté. L'indifférence se ren co n t r ·

certes dans la volonté humaine. Le fait qu'elle s'y rencon t r ·


est ce qu'Aristote a mis au jour dans son analyse et c'est s 1 1
c e sol qu'il a établi son concept d e liberté. M ais l'indifferenti11
ne se rencontre pas à titre d'élément constitutif de l a libertos
mais seulement en tant que creatura ; l' indiff"erentia cloi t '\ 1 r ·
comprise comme deficiens . L'indifférence ne fait pas pa rt i ' 1 ·
la liberté même si elle se rencontre dans l a c tio n
' .

C'est cette conception que Descartes r pre n d à .'O i l


compte dans son interprétation cl l 'error. lndifferenl.ia out1'111
illa, quam experior, cum nulla me râlio in unam f art 'rn mrt 11.1·
1 76 Retour à Descartes La détermination cartésienne du falsum et du verum 1 77

Qu'est-ce que ce simul esse ? L'intellectus et la voluntas sont


§ 28. Le sens d'être de l'error : l 'error en tant que parfaits en eux-mêmes, ils ne comportent au�u� m�i:nent
res et en tant que privatio, en tant qu'atteinte déficient. C'est en considérant plus à fond aussi bien l zntel­
à l'être véritable de l'homme créé (cre atu m esse) . lectus que la voluntas que Descartes est ai:nené à déterrn_iner
Le perceptum esse et le creatum esse en tant que la voluntas. La voluntas est libertas, et la hbertas est la deter­
déterminations fondamentales de l'esse mination fondamentale de l 'humanitas. Le contexte théolo­
de la r e s cogitans gique intervient de manière décisive dans cette �éte�mination
cartésienne de la liberté humaine. La détermmation de l a
Nous cherchons à mettre en évidence le caractère d'être liberté humaine résulte d e l'idée de la liberté d e Dieu en tant
qu' actus purus. Les moments que � e �cartes ret�ent �es �is­
de
la res cogitans. Un nivell ement apparaît au sein de
la res
cogitans au sens où le cogitare et le cogitatum sont placé cussions de son époque sont augustimens. La determmation
s l'un
et l 'autre dans une région unitaire, celle de ce qui est augustinienne de la liberté en tant que determinatio in
saisis ­
sable par une clara et distincta perceptio. C'est là une bonum remonte, en empruntant un chemin bien particu� ier, à
des
directions où se manifeste, dans le point de départ carté l'ontologie grecque puisque la détermina� i�n de la liberté
sien,
un nivell emen t du conce pt d'être , nivel lemen t orien humaine procède de la doctrine néoplatomcienne du double
té sur
l'être au sens de perceptum esse. mouvement doctrine selon laquelle tout être créé reçoit son
'
Une deuxième détermination du caractère d'être de la être de l'Ëv au sens où il est délaissé par cet Un mais a en
cogitans nous est fournie par l 'explicitation du sens
res même temps tendance au recursus. Il appartient à l'être d e
(158] de _
l'être du cogit are. De quel esse est-il ques tion dans l'âme (159] de faire retour là d'où elle vient. Cette détermi­
l 'esse de nation formelle est passée dans l'explicitation concrète du
l 'error, dans l'esse falsum ? Le falsu m est le cogit
atum de Dasein de l'être humain chez saint Augustin. Le co�r�nt
augustinien, renforcé par Jansenius, s'est ravivé dans !: Eghse
l 'error. On voit ici aussi se produire le nivellemen
t dont on
vient de parle r, celui du percipere et du perceptum . Ce
pas un hasar d si la déter minat ion de l'esse error est aussi
n'est catholique de façon caractéristique au cours du x 1x0 s1e�le au
une ein de l'Oratoire. Les fondements véritablement philoso­
détermination de l'esse falsum et si les deux terme s
sont phiques que Scheler expose dans son éthique proviennent
empl oyés par Descartes dans le mêm e sens. Quel
genre eux aussi de ce complexe.
d'« être » est l'esse erroris et comm ent Desc artes s'y
prend -il Ces connexions sont présentes chez Descartes mais en
pour déterminer cet être lui-m ême ? Dans la mesu
re où tant déthéologisées d'une manière spécifique. C'est le verum
l'errare est quelque chose, ce ne peut pas être u
simp le nihil. D 'un autre côté, l e falsum est, par rappo
n pur e t qui motive l'inclinatio voluntatis in judi�ium . P our que le
rt au verum puisse être un motif, il faut qu'il s01t donne, simul cum
_
verum, un non-ê tre, c'est un être qui est un non-ê tre
et non voluntate, c'est-à-dire comme un bonum pour l a voluntas ou
pas un pur et simp le néan t. Un tel être est une privatio
. � ncore l'assensio. La forme d'accomplissement sous l aq�1elle
Quel est, au sein même de l'être positif du cogi tare,
le 1 verum est donné est la clara et distincta perceptio. Etre­
moment véritable auquel il peut être porté atteinte (car
le fal­ l i b r signi fie : maintenir, dans le jugeme� t, l '. inc�inati� axée
s u r le clare et distincte perceptum. Cette znclmatw preflgure
sum esse, en tant que déter mina tion du cogitare, est _
une p ri­
vatio, un defectus) , quel est le mom ent susce ptible
defectus si bien que l'errare puisse être l u i - m ê m e u n
d'un qui constitue l 'être volontaire, et fait en même t:mps ? ar­
e priva­ l i d e l a natura d l'être humain. Dans l a mesure ou cet etre­
tio ? D'une manière géné rale, Desc art s déter m ine
1 - a ra -
tère d'être de l 'error ain i : simul esse volun tatis et in! lie lil r à av î r Je deœrminari a clare et distincte percepto, est
tus. n s t i l u t i f d la nat u r d l'homm , laquelle se définit préci-
verum
L a détermination cartésienne du falsum et du 1 79
178 Retour à Descartes

sément par sa relation véritable à l 'intellectus dans cette table à la cause première, à Dieu, pour autant que ce com­
mesure même le fait de se laisser déterminer es � susceptible portement possèd e quelqu e chose de Dieu et a de la
d'un defectus. Par conséquent, la regula generalis pour la perfec tion, mais non pas pour autant que cet être déterm iné
liberté est la clara et distincta perceptio. Se tenir ainsi en rap­ possède un defectus. Sicut quidquid est motus in claudica­
port au perceptum, c'est être véritablement libre et faire en tione, causatur a virtute motiva ; sed quod est obliquitatis in
sorte de s'y tenir, c'est l 'usus rectus libertatis. Da�s la mesure ea, non est ex virtute motiva, sed ex curvitate cruris 1 . Il en va
où le fait d'être ainsi déterminé est un être qui appartient à ici comme dans la claudi cation qui est causée par la cause du
cela même qui est déterminé, c'est quelque chose qui est sus­ mouvement (c'est-à-dire Dieu) ; dans la mesur e où la claudi ­
ceptible d'un defectus. Le defectus consiste en ceci que la cation est un mouve ment, sa cause est le pouvoir de se mou­
guise spécifique d'accomplissement <de la liberté> ne prête voir, donc un bonum . Mais ce qui est un defectus dans la
pas suffisamment attention au fait d 'être ainsi déterminée claudication ne procède pas du pouvoir de marcher, mais du
dans la perspective du perceptum, et donc errat. L'errare est fait que la jambe est arquée, donc d'un defectus.
un usus libertatis non rectus1 • Il peut être porté atteinte à la Récapitulons l'explication de l'error chez Descartes pour
rectitudo, et dans la mesure où la rectitudo est atteinte ' bien voir la direction dans laquel le elle se développe. L'errare
l 'errare est constitué. est apparu comme un deficere a determinatione. Dans l'errare, il
Il devient clair que l'être de l'error comporte deux moments est porté atteinte à la déterminité véritable de la voluntas
caractéristiques. 1 ° Dans la mesure où l 'error est un être c'est dans sa relation au perceptum. Ce deficere est un deficere a
[160] une res. 2° Dans la mesure où c'est une defectio: c'est libertate. Mais la libertas constitue l'être véritable de
une privatio. Descartes voit en toute lisibilité que Dieu l 'homm e. Donc le deficere a determinatione voluntatis est un
demeure la cause véritable même dans le cas de l 'error [ 1 61] deficere ab esse au sens de l'esse perceptum. Ce deficere
puisque l 'error est un cogitare. Dans la mesure où l 'error est est en même temps , dans la mesure où c'est un deficere ab
une res, Dieu en est l'auteur. Mais dans la mesure où l 'errare esse perfectum, un deficere ab esse creatum, de sorte que le
est un non rectus usus, l'error n'est pas causé par Dieu mais falsum n 'est rien d'autre qu'un non esse de l'ens creatum.
résulte de la liberté de la volonté comme telle. Saint Thomas L'esse creatum est la détermination fondamentale dans l'expli -
dit (Somme théologique, 1, qu. XLIX, art. II, 3) : A d secun­ ation de l'errare et de l'être de la libertas. Se tromp er, c'est
dum dicendum quod effectus causae secundae deficientis redu­ porter atteint e à l'être véritable de l'être créé de l'homm e.
ans la mesure où l 'errare est un esse de la res cogitans, il
'
ti nsuit que l'errare, en tant qu' esse de la
citur in causam primam non deficientem, quantum ad id quod
res cogitans, est du
habet entitatis et perfectionis, non autem quantum ad id quod
habet de defectu2• Il faut dire que l'effet de la cause seconde, m.�me coup un non esse de la res cogitans comme creatum.
de la libertas hominis - en tant qu'elle est déficiente, c'esl­ Nous obteno ns par conséq uent une nouve lle déterm ination
à-dire en tant qu'elle porte atteinte à cet ê tre q u 'e l l e caus , "'" l 'être de la res cogitans comm e esse creatum. La déterm i­
dans la mesure où la volonté le motive non recte - , est impu- nat ion précéd ente était que la res cogitans est un être qui
et distincta percep ­
1 u t être saisi unitair ement dans la clara
1. t/ . J ercept um esse et creatum esse a Deo sont les déterm ina­
t i n fondam e n t a les de l esse de l a res cogitans.
Descartes, Meditatio IV, op. cil., p. 70.
vol. l , comple rens p:irl •rr1
pnmam, Parmae, 1852, m Opera Omnia, Parmae, 1 852 sq q . , L I' , 1 u . X LI X , i r t.
2. Sancti Thomae Aquinatis Summa Theologica, '

I I _: Utrum summ um bonum, qu.od est Deus, sù causa mali. j O n doi t d i re en u ·u·
x1eme heu que 1 ;effet de la cause seconde défa i l l a n te se ram n 1) la ·aus • 1 r 1 , //iitl. ! A insi rout · qu'il y a de mouvem ent dans la jambe qui
y
1 lflr \ puissun ' mol ri
boite est causé
_ e non cléfa 1 1 iante pour t our cc q u ' i l a d 'cn t i t el 1 p ' r f · 1 i n , m 1 i s 1 1 0 1 1
·

; li ent n'est pas


1ll. 1 w 1 1 ' p ltiss11n · m< l ri " i l 11 pour '[1us la l i fformil de la jambe. ]
· cl vi ce mouvem
' 'lllilÎS · qu'il c l dans
m 1 er


pour ce qu'il a d e déficien t . ]
Retour à l'ontologie scolastique 181

préter le traité de saint Thomas : De veritate qui se trouve


dans les Quaestiones disputatae1. [163] À côté de cette grande
[162] Quatrième Chapitre question De veritate, cet ouvrage contient entre autres : De
scientia Dei, De praedestinatione, De conscientia, De libero
Retour à l'ontologie scolastique arbitrio, De gratia, donc des textes qui ont un caractère
Le verum esse chez saint Thomas d'Aquin essentiellement théologique, tandis que le De veritate est phi­
losophique au sens que la haute scolastique donne à ce
terme.
La « quaestio prima » est divisée en douze questions
(articles) : 1 ° Quid sit veritas. 2° Utrum veritas principalius in
intellectu quam in rebus reperiatur. 3° Utrum in intellectu
componente et dividente sit veritas. 4° Utrum una tantum veri­
tas sit, qua omnia vera sint. 5° Utrum praeter primam aliqua
Quel est le fondement de ces deux déterminations de la res alia veritas sit aeterna. 6° Utrum veritas creata sit immutabilis.
cogitans comme esse perceptum et comme esse creatum ? 7° Utrum veritas in divinis personaliter vel essentialiter dica­
Pour tirer au clair cette question, nous devons remonter en
deçà de Descartes puisqu'il y a une connexion <entre ces
tur. (Si l'être de la vérité en Dieu doit être conçu comme
appartenant à l'être de Dieu ou bien à l'être personnel de
deux déterminations> dans l'ontologie scolastique. Disons Dieu dans la mesure où la vérité est en effet en connexion
tout d � suite que ce qui institue à proprement parler la intime avec la vie interne de Dieu.) 8° Utrum omnis veritas sit
connexion entre l'esse perceptum et l'esse creatum, c'est l'esse a prima veritate. 9° Utrum veritas sit in sensu. 10° Utrum res
verum. L'étant dans la modalité de l'être-saisi est identique à aliqua sit fa/sa. 1 1 ° Utrum falsitas sit in sensu. 12° Utrum in
l'être au sens d'être vraiment. L'esse creatum en tant qu ' esse intellectu sit falsitas.
creatum est caractérisé comme esse bonum et verum. Avec ce Nous ne retenons que quelques passages que nous cher-
constat purement verbal, nous n'avons à vrai dire encore rien chons à interpréter. Pour entendre l'ensemble de la doctrine
obtenu. Pour appréhender concrètement le caractère d'être I.e l 'être-vrai et de la vérité chez saint Thomas, il importe de
de la res cogitans, il nous faut mettre en lumière comment le bi.en avoir en vue le contexte où apparaît la discussion de
se�s de l'esse verum est déterminé dans la scolastique elle­ 1 être-vrai et de la vérité. Le premier article fournit des indi­
meme. ·a.tions à ce sujet. Saint Thomas part d'une considération de
rn thode : Unde oportet quod omnes aliae conceptiones intel­
!, tus accipiantur ex additione ad ens2• Toute explication de
·

§ 29. La connexion du verum et de / 'ens : qu'est quelque chose doit atteindre la détermination for-
l'être-vrai en tant que mode d 'être n i He ens de sorte que les déterminités concrètes d'un objet
(D e v e ritate, qu. /, art. J) •oi n t obtenues par un addere. Qu'est-ce que le verum ? Il
'tlt t ab l i que Je verum est un ens. Demandons-nous alors

! , Thomas d ' A q u i n , De verilate, in Sancti Thomae Aquinatis Quaestiones dis­


Le problème de la vérité a été traité d i ve rse m e n t
dans
p 11tata', vol . I l , omplcclens de veri t a le et quaestiones quolibeticas, Parmae,
toute la scola stique , mais toujo u rs en l i a ison avec Ari
t ot - .
La haute scola stique est cepe n d a n t la u l q u i i t 1 arv 1 8. 9, i n Opr'm 11111ia, Parmac, 1 852, t o mu s I X .
, f/Jlrl., q u n �t io 1 , 1 1 rl i ulus 1 . r ra r ons q u c n l , i l est 11 cessa i re q u e toutes l es
nu
à don ner la d o c t ri n e globa l d la v
rit . N us a l lons i n t r- ·o n ' p l ions Ù" l ' i nt ' i l t s' n t n cl nl par add i t ion à I ' t a n L l
1 82 Retour à Descartes Retour à l'ontologie scolastique 1 83

quelle est la connexion de la déterm inité concrète du verum l'être [165] qui conduise précisément à déployer ces deux
avec l'ens. Peut-on interpréter cette connex ion avec l'ens caractères d'être en prenant appui sur l'étant ? Pour répondre
[164] en disant que le verum est une détermi nation de l'ens à la question de ce qui motive la connexion entre l'esse crea­
sur le mode d'une affectio ? Non. Saint Thomas : puisque tum et l'esse perceptum, nous allons montrer que l'esse en
l '_ê tre-vrai n'est pas une chose et n'est pas une proprié té cho­ tant qu'esse perceptum et l'esse en tant qu'esse creatum ren­
s1que, quell e est la relation du verum à l'ens ? Le verum est voient à un esse verum, le problème étant alors de détermi­
un modus de l 'ens. Toute la discussi on sur l'être de l'être­ ner l'être de cet esse verum. Pour nous orienter plus
vrai vise l'être lui-mêm e dans cette perspec tive. Le verum facilement, rappelons une fois encore brièvement quel a été
esse doit être appréhendé comme un mode relative ment à le cheminement de l'interprétation que nous avons dévelop­
l'ens. pée concernant le falsum et l'error. Nous avons entrepri�
Saint !�ornas distingue deux modes dans lesquels les cette interprétation pour voir le verum. Les deux modt
,
determ _
1111tes de l'être peuvent se trouver avant tout. En met­ •ssendi ont été appréhendés unitairement dans la perspective
tant encore complètement à part la questio n du verum, il de l'idea en tant que l'esse au sens de la cogitatio, c'est-à-dire
commence l'explication de façon entièrem ent ontologico-for­ au sens du domaine des cogitation.es, la res cogitans. L'esse de
melle. !I est important de bien voir à quel endroit le verum la res cogitans est le clare et distincte perceptum esse, le per-
esse fait son entrée. Saint Thomas distingu e donc d'abord ·eptum esse s'identifie au verum esse. Quelque chose de
deux modes : 1° le modus specialis, 2° le modus generalis. Le re m arquab l e nous est apparu au cours de ces considératio� s :
m ?dus Sf �cialis se rattache à la manière dont les catégories nous avons vu un nivellement spécifique de l'être se prodmre
anstote, hc1enne s se rapportent ontologiquement à l'oùaia. au sein même de la res cogitans dans la mesure où le per-
Cela donne lieu à différents modi speciales essendi. L'être d u eptum esse ne concerne pas seulement le cogitatum mais
verum ? e peut pas relever de cette complexion parce qu'il v a gaiement le cogitare. L'esse perceptum est l'esse verum pro­
se mamfester comme u n relativum. prement dit, lequel concerne les deux possibilités de la res
Le modus generalis p eut être compris de deux façons : t gitans en tant que telle. La res cogitans est donc 1 ° l'être au

1 ° considé ré in se, 2° considéré in ordine ad aliud. Si l'ens est A ns de l'esse perceptum. 2° L'error est une privatio, en tant
considéré en soi et en fait affirmativement on a la déterm i­ q u e privatio, c'est un non esse, non pas un non esse en tant
nation de la res ; si l'être est considéré nég�tivemen t, on a l a q u e nihil, mais un non esse entis. Ici le « non » est caractéris-
déterm ination de l'unum. Négativement, l'ens est un être q u i 1 iq uement celui de l'usus voluntatis non rectus. La rectitud
?
s e caractérise par l'indivisibilité. Omne ens considéré per se l st frappée de nullité. Non rectus veut dire : deficiens a rectt-

est une res et un unum. 111dine, c'est-à-dire a determinatione. La determinatio in


Si l'être dans le modus generalis est considé ré in ordine ad 11 mum est la véritable détermination fondamentale de la
aliud, c'est un aliud quid ou encore un aliquid, c'est q uelqu · / I rtas, d'où deficiens a libertate. La libertas est la natura
chose et non pas autre chose. Si un ens est considéré secun­ ltom.inis, il y a donc deficiens a natura humana. La natura
dum convenientiam unius entis ad aliud, on a l 'ens en t a n t /1,1 1,rnana est, en tant qu'humana natura creata, deficiens a
que bonum ou verum. C'est seulem ent à cet endroit q u 'ap 1 · 1 - 11titura creata, de.fïciens ab esse en tant que creatum, c'est-à­
raît la possi bilité d'être du verum. J.r non esse crea tu m . Le fa ls u m est, en bref, un non esse
Comment l'esse creatum et l ' esse percept um so n t-i l 1•rcatum . Non esse falsum non esse non creatum esse crea-
= =

l'un à l'autre ? Est-il pos sible d e t rouve r u n base d e d 111111, don non falsum = esse verum. Esse verum creatum =

minat ions onto l ogi q u e s d'où provie nnen t ce o m m n t. 1 p •r ep.tum esse et le crea tum esse, en tant
d 'ê t re ? E t peut -on d t nnine r u n m od cl • l l! 1 L ' n n i n a l ions c.I' lr s r 1 66 ] ca ra c t ri n t-ils relative-
à
184 Retour à Descartes Retour l'ontologie scolastique 1 85

ment au verum esse c'est ce que nous a llons voir en tirant


- avoir spécification à partir de l'ens est à rejete r d'emb lée.
au clair comment entendre le verum. Descartes ne traite pas Quod ens non potest esse genus, sed secundu'r: hoc a.liq�a
expressément de cette question. Mais l'emploi qu'il fait du clicuntur addere supra ens, inquantum expnmunt zpstus
verum et du falsum esse montre que d'un bout à l'autre c'est modum, qui nomine ipsius entis non exprimitur1• Parce que
la doctrine scolastique de la veritas et de la falsitas qui est au l ens ne peut pas être lui-mê me genus, les direct ions de
n,
fondement de cette doctrine du verum et du falsum. concrétion de cet ens ne sont pas celles d'une spécificatio
D ans sa Disputatio de veritate, saint Thomas aborde le pro­ mais dans cette perspective on peut dire que quelq ue chose
blème en replaçant le verum dans la problématique générale ajoute quelq ue chose à l'ens en tant que t�l ; c�s détermi�� ­
du sens de l'ens et de l'esse. Il commence par une réflexion üons exprimunt ipsius modum, on a affaire a une addttw
d'ordre méthodologique : si je veux tirer au clair le verum, je supra ens puisq u'on peut faire apparaître des catégories fo� -
dois établir en premier lieu que le verum est un quelque lamen tales qui sont des modes de l'être lui-mê me, des cate­
chose, un quid. Dans tout questionnement, je dois parvenir rories qui sont inclus es en lui sans pour autan t que 1'.être en
au bout du compte à un élément ultime. Car si le processus t>Oit lui-mê me l'expr ession . Ces déterm inatio ns appar tienne nt
se poursuivait à l'infini, la connaissance comme détermina­ 1 l'être de l'étan t en tant qu'éta
nt.
tion serait impossible. Tous les concepts fondamentaux sont La considération moda le de l'être comme tel peut prend re,
donc reconduits à un concept ultime. Illud autem quod primo de prime abord , deux direct ions puisq u'on . distin g�e le
intellectus concipit quasi notissimum, et in quod conceptiones modus specialis et le modus generalis. Ces dermers modt so� t
de mode s qui appar tienne nt à tout ens en tant qu'
ens, tandis
que les modi speciales sont des déterm inatio ns qu� abord ent
omnes resolvit, est ens1 • La détermination générale à laquelle
toute détermination se réduit est l'ens, l'étant pris en un sens
purement formel et vide. Unde oportet quod omnes aliae I ' ·tant sous un aspec t déterm iné, dans la
perspective de son
conceptiones intellectus accipiantur ex additione ad ens2. Par 1 t'r proprement dit. Il s'agit de toutes les catégo ries qui
conséquent, puisque tous les concepts fondamentaux se valent pour un étant concret, tandis que les autres valent
p ur tout étant et pas seulem ent pour
réduisent à l'ens, les conceptiones concrètes doivent être l'étan t dans son être
obtenues par une additio déterminée à ce concept donné par c ncret.
avance. C'est là très généralement la direction méthodolo­ · e verum appartient à la classe des modi generales. Il faut
lil n voir la direct ion vers laque lle s'orie nte le verum
gique que suit saint Thomas pour déterminer le verum esse dans
en quelque sens que ce soit*. I ' , plicati on, et observ er l'endr oit où il appar aît dans le c ��r�
Il l'oriente dans la direction de l'ens puisque le verum esse
. 1hte
d · déterm inatio ns de l'ens qua ens et le genre de poss1b
est très généralement quelque chose et non pas un rien. L'ov, d' t r qu'il consti tue en tant que modus essendi. A� sein d�
1 1 1 rlus generalis, nous disting uons deux
l'étant comme tel, est certes l a détermination la plus général modi essendt : 1 ° sm-
: i n t que l'étan t est consid éré purem ent en lui-mê
qui soit pour tout étant possible, mais il n 'a pas le caractère me (ens in
d'un genre. L'ens n'est pas un genus dont [ 1 67] pourraie n l ,, , , 0 suivan t qu'il est consid éré
en tant qu'ens in ordine ad
procéder, par u n processus d e spécification quelconque, 1 s tl t td.
objets concrètement étant. L'idée selon laquelle i l pourrait: L 1 pre m i re façon de consid érer l'ens, ceUe dans
laque lle il
r 1 ] pri e n l u i-mêm e, celle dans laquel le je m'en tiens
1. Ibid. [Or c e q u e l ' i ntellect conçoit e n premier comme l e plus o n n u ·t i\

2 . Ibid. [Par conséq u e n t , i l est nécessaire q u e toutes l , s a u t res · o n · • p l i o n s u · T h omus I ' A q u i n , / e verita""· op. cit. 1 L'6tant ne
, c'est e n t a n t q u 'elles expnme nt
quoi il rédu i t analyt i q uement toutes les concept ions esl l 'éla n L I
peul pas ê t re u n genre,

l ' i n tellect s'entende n t par Hddi t ion à l'éta n t . l 11 N l 'on dit Ill · •s
1 1 ; 1J • u • l ' " t 1 1 n t l u i-1 11 1 1 1 ', 1111 tl · 111
n • 1 rirn pnr le 1 10111 d''ta n t . l
i ' S t u n t

Cf., à ce sujet, A1111e. e. ompl 111 n t


j t · n t ;

1 3.
d ·hos ·s n n u

* . . 1111
186 Retour à Descartes Retour à l'ontologie scolastique 187

uniquement à l'étant en tant qu'étant, se scinde à son tour : ente1• Il ne peut y avoir un esse [169] au sens de la convenien ­
a) lorsque je prends cet ens in se affirmativement (nous pour­ tia que s'il y a un étant dont l 'être véritable a la propriété de
rions dire : en tant qu'objectivement là), j 'obtiens la détermi­ convinere cum omni ente. Y a-t-il un étant qui s'accorde avec
nation fondamentale de l'ens, à savoir l 'essentia ou encore la tout étant ? Hoc autem est anima, quae quodammodo est
res ; b) lorsque je prends l' ens in se négativement : chaque omnia2• Cette connexion de l'unum ens avec l'étant entendu
ens qua res est, en tant que tel, un quelque chose qui est en au sens d'entièreté et de tout ne peut être' rendue intelligible
lui-même et qui est indivisible dans son être. Cette indivisio que si le convenire appartient à l'être de cet aliquid. Cette
n'est rien d'autre que l'individualité au sens de la logique for­ détermination trouve sa source chez Aristote, De anima (III
melle. C'est à cette indivisio que j'ai affaire lorsque j'appré­ 8, 431 b 21 sq.) : Ti \j/UXÎJ -rà ov-ra ncùç fonv· mivrn yàp tj
hende l'ens in se négativement ; l'expression catégoriale de aicr8ri-rà -rà ovrn tj vori-rét3. Tout étant peut être saisi soit dans
cette indivisio est l'unum. Omne ens est unum. la perception sensible soit dans le vos::t:v. Puisque chaque
Il y a également une double possibilité s'agissant de l'ordo étant est perceptible par l'âme, l'âme est d'une certaine
ad aliud : 1 ° secundum divisionem unius ab altero, en distin­ manière toutes choses, elle met à découvert et tient en sa
guant une chose d'une autre, et hoc exprimit hoc nomen ali­ possession tout étant, elle a tout étant. Saint Thomas fait
quid : dicitur enim aliquid quasi aliud quid1, chaque res en alors fond sur cette proposition aristotélicienne non seule­
tant qu' ens in ordine ad aliud est un aliquid. Chaque étant en ment pour la v6ricr1ç et l'afo8rimç, mais fondamentalement
tant qu'étant est aliquid, aliud-quid, quelque chose d'autre, pour chaque virtus de l'anima elle-même. Il y a dans l'anima
et non pas cette chose-ci. Unde sicut ens dicitur unum, .la faculté de saisir ( intellectus) et de tendre vers un but
inquantum est indivisum in se, ita dicitur aliquid, inquantum ( voluntas ) . Bonum est quod omnia appetunt. Convenientiam
est ab aliis divisum2• La divisio donne elle-même lieu à ces vero entis ad intellectum exprimit hoc nomen verum4• Le
deux perspectives, indivisum in se : unum, divisum ab altero : verum est un modus essendi tel, à vrai dire, que l'ens, qui est
aliquid. Cette explication va au-delà d'Aristote y compris sur ici considéré ad omnia, possède le caractère d'être de l'âme.
le plan scientifique. Vous remarquerez que nous n'avons encore rencontré, tout
2° Alio modo secundum convenientiam unius entis ad au long de cette explication, aucun objet concret. Mainte­
aliud3• Le second moment est celui dans l equel je considère nant, avec la détermination de la convenientia comme modus
un étant secundum convenientiam ad aliud. Cette convenien­ ssendi, on voit apparaître un être concret qui, sur le fonde­
tia introduit une détermination entièrement nouvelle. Elle ment de sa cpumç, a la propriété de convenire cum omni ente,
est donnée de manière formelle, mais nous sommes cepen­ un être conçu com me rencontre et accord unius entis ad
dant mis en présence de situations concrètes. La convenientia aliud. L'être-vrai est une guise de l'être au sens d'un être-
est la guise dans laquelle il y a rencontre, concordanc , osemble déterminé de deux étants. On voit bien ici com­
accord en quelque façon. Cette détermination non potest esse rneot .le verum se déploie sur l'arrière-plan de déterminations
nisi accipiatur aliquid quod natum sit convenire cum omni
l. Ibid. [( . . . ) n'est vra iment possible que si l'on prend une chose qui soit de
1. Ibid. [( . . . ) suivant une distinction entre l'une et l'autre ; et c ' e s t ·ç nul. u re à s ' acco rd e r avec tout é t a n t )
' 1/Jid. r r t e l le est l'â me, qui d'une
.
qu'exprime le mot « quelque chose »; car il se dit aliquid, com me si l'o n d i s�1 i t certaine façon est toute chose.)
1 •s tr s : 1 s 0 t. res en effet ont ou sensibles ou intelligibles.)
aliud quid (quelque autre chose).) . A ristote, De anima, l U 8, 43 1 b 2 1 sq. [ L'âme est en quelque manière tous
2. Ibid. [Donc, de même q ue l'étant est appelé « u n ,, en t a n t q u ' i l e s t i n <. l i v is
en soi, de même il est appelé « q uel q ue chose » e n tant q u 'on le d i st i n u ' 1 ·s 4. Thomas d ' A q u i n , De verilale, q u a es t i o l, a r t i c u l us l [ Le bien est ce que
l u u t cbos ' r" h rchc. Ln convcri;1 1 1 c avec l ' i n te l lect est ce q u e xpr im e , pour sa
3. Ibid. [ Ce pe u t. ê t re e ns u i te s u i v a n t la conv·nan ' l'un t n n t il u n 1 1 1 1 t r". I p 1 r1 , 1 ' 1 • rn 1 · 1 • v n r i . J
autres. ) · '
1 88 Retour à Descartes Retour à l'ontologie scolastique 1 89

d' �tre f�ndamentales, comment, sur la base de cette [170] contexte de la doctrine de l'être telle qu'elle est mise ici au
mise en Jeu, le verum se constitue fondamentalement dans la fondement, ne constitue pas une transgression des limites de
dimension formelle de l'esse in ordine ad aliud. la considération fondamentale relative à l'être, c'est ce que
nous allons comprendre en [171] ameublissant en quelque
sorte le sol sur lequel se déploie cette considération relative
§ 30. L 'être proprement dit du verum à l'être. Demandons-nous donc dans quelle mesure le crea­
en tant que convenientia dans /'intellectus tum est posé en même temps dans le verum. Nous ne pour­
(De veritate, qu. !, art. 1, 2, 3) rons trancher cette question qu'après avoir tiré au clair quel
est, au sens propre et primordial, l'être dont le verum est le
�uel est alors l'être proprement dit du verum, et qu'est-ce modus. Ce n'est qu'ensuite que nous saurons en quel sens la
détermination du verum appartient au caractère d'être de la
qm constitue l'être originaire du verum ? Si le verum est une
res.
convenientia, la question est alors de savoir si le verum est le
Pour déterminer de manière plus précise la connexion propre
convenire lui-même, ou bien si le verum a son être propre­
à chaque être, saint Thomas a recours à plusieurs expressions
m �nt dit_ dans l'anima, ou bien s'il l'a dans la res cum qua
_ différentes qui ne sont pas toutes purement et simplement
anima convemt.
synonymes. La convenientia est la détermination la plus
Le sens du verum se scinde en trois déterminations fonda­
mentales : 1 ° le verum est fondé sur la res avec laquelle l 'âme
générale de la relation de chaque être à l'âme, à l'esprit, etc.
s'acco�de ; 2° id quod formaliter rationem veri perficit1 ; il est
Le terme de convenientia est à retenir car on verra que ce
mot possède en fait un double sens et que c'est précisément
ce qm constitue formellement la perfectio de l 'être-vrai, le
verum étant alors identique à la rectitudo ; 3° secundum effec­
cette équivocité particulière qui rend possible avant tout un
tel point de départ. La convenientia est le fait, pour un étant,
tum consequentem ; et sic dicit Hilarius, quod verum est decla­ d'être relié à un autre étant, de renvoyer à lui dans un rap­
rativum et manifestativum esse2• En un troisième sens, être­ port de dépendance mutuelle.
vrai signifie être manifestant (manifestativum esse), declarati­
vum esse : mettre un étant dans la clarté. 1 ° En un sens, la determinatio de la convenientia vise
La question est de savoir laquelle de ces déterminations l'intellectus ; dans la mesure où la convenientia concerne, en
fondamentales correspond à l'être proprement dit du verum. tant que caractère du verum, le connaître, ce dernier doit
La façon dont saint Thomas s'y prend pour trancher cette être déterminé du point de vue de la convenientia, et saint
Thomas qualifie cette déterminité d'assimilatio intellectus ad
r m 1• La proportio, le fait d'être rapporté à la chose elle­
que stion est caractéristique de la transformation que la sco­
_
lastique a fait subir à Aristote. En considérant seuleme n t
l'élément mentionné e n premier, nous allons chercher à voi r même, fait partie de la natura de l'intellectus, et avoir saisi la
dans quelle mesure se manifeste, dans ces différenciations l a res comme cognita fait partie de l'être de l'intellectus.
tendance qui va dans l e sens de cette détermination qui a fi n i 2° 1 1 est nécessaire ut res intellectui correspondeat2• L'intel­
z, tus est, dans son être, orienté sur la res tandis que la res, de
par prendre l'ascendant.
Pourquoi le fait de renvoyer à l'anima - et à l 'anima vue n côté, correspon d à l 'intellectus. Ces deux guises de l'être­
précisément dans la perspective de l 'intellectus , dans 1 -
mble dans l 'orientatio n mutuelle de l'un sur l 'autre se
nt appr hencler, compte tenu de leur nature, de façon
l . Ibid.
2. Ibid. (Selon l'effel consécu t i f. Et c'est n ' s ns qu sa i n t l l i la i r · c .J i t : 1.1• 1 . Ibid.
vrai fait clairement voir l'être, el le 111011.ifes/e. j . Ibid.
1 90 Retour à Descartes Retour à l'ontologie scolastique 191

concise comme une conformitas 1 • Cette conformitas a été choses, mais doit être conçu comme ce en quoi se rencontre le
[172] caractérisée, dans la philosophie judéo-arabe médié­ verum au sens de convenientia completa. Sicut sanum per prius
vale, ou plutôt dans ses traductions latines, en termes d'adae­ dicitur [173] animali1, on appelle sain, au sens premier, un
quatio. D'où la formule : adaequatio rei et intellectusz. La vivant, même si nous disons aussi qu'un remède, en tant
conformitas, qui se constitue aussi bien du côté de l'anima qu'effectiva sanitatis2, est sain eu égard à sa capacité de rendre la
que du côté de la res, est en un sens purement formel la santé à un vivant. Ce qui, à proprement parler, est vrai est ce en
convenientia. quoi le sens du verum est achevé.
Appréhendé comme relation, le verum en tant que conve­ En ce qui concerne la connexion entre la res et l'intellectus,
nientia comporte trois moments : 1° la relation comme ratio elle-même s'accomplit et est effective dans le cognoscere. Or le
formalis, le convenire ; 2° le fundamentum à propos duquel il cognoscere est lui-même un motus cognitivae virtutis3, un mou­
peut Y avoir avant tout un convenire : la res ; 3° en même vement de la vertu cognitive qui part de l'intellectus au sens de
.
temps, la cognitio elle-même comme effectus veritatis. Le l'assimilatio ad rem et y retourne. La perfection d'un mouve­
concept de verum : 1 ° relativement au fundamentum 2° rela­ ment est là où le mouvement parvient à son terme. Le mouve­
tivement à la ratio formalis, 3° relativement à l'efiectus du ment du connaître va du connaître au connu en passant par la
connaître3, la vérité d'un jugement. Compte tenu de ces trois res et se termine par conséquent dans le connu, tandis que le
��rections, la question fondamentale est de savoir quel est motus appetitivae virtutis4, le mouvement de la vertu appétitive,
1 etre dont le verum est le modus proprement dit. Où le au sens d'une tension qui se porte volontairement vers quelque
verum réside-t-il ? chose, se termine ad rem, à la chose puisque c'est elle qui, d'une
Considérons à présent la question de ce qu'est à proprement manière ou d'une autre, est faite au sens où l'on s'en est
parler le verum. Avant de décider ce qu'il en est, saint Thomas acquitté. Saint Thomas renvoie à Aristote qui relève, dans le De
anima, une certaine circularité entre les différents actes de l'être
de l'âme. Le terminus de la convenientia, le convenire, accède à
commence là encore par une considération formelle : dans
lequel de ces trois moments le verum est-il dit per prius et per
posterius4 ; où le verum est-il, à proprement parler, vrai, de sorte son être dans l'anima elle-mê me, dans l'intellectus ; l'être pro­
que le reste ne peut être dit vrai que per denominationem ? premen t dit du verum est in intellectu5• D ans le contexte de
Négativement, l'être que l'on peut caractériser primairement cette interprétation scolastique du verum et de la connais­
co:nrne vrai n'�st pas la res. Le modus essendi ne convient pas tiance, c'est là un résultat surprenant au premier abord puisque
.
prrmairement a la res, non semper oportet quod id quod per - en termes modernes - l'être de la vérité et la connais-
ance sont ici transférés dans le « sujet ». L'être proprement
dit du verum est certes in intellectu, mais il est dans l'intellec­
prius recipit praedicationem communis, sit ut causa aliorum, sed
illud in quo primo ratio illius communis completa invenitur'.
Pour avoir un fil directeur, il faut remarquer, dit saint Thomas, tus Dei6, et Dieu est lui-mêm e l'ens perfectissimum. Tout le
que ce qui supporte à proprement parler la ratio communis n 'est ·omplex e de la convenientia est vu de manièr e pureme nt
pas nécessairement à comprendre comme causa des autres bjective » et ontolog ique. Sed sciendum, quod res aliter
·omparatur ad intellectum practicum, aliter ad speculativum.
L Ibid.
2. Ibid. 1 . Ibid. ( Pa r exemple sain se d i t d'abord de l ' a n i mal.]

:J. Ibid.

1, a r l ic u l us f l .
3. Ibid. Jbirl.

S. Ibid. [ l i "· · Il id.


4. Thomas d ' A q u i n , De veritate, q uaes t i o

hi n o t i o n de c 1 r /j •11 1
n 'est pas toujours nécessa i re q u e cc q u i reçoit d ' a bord le pré d i c n l

Il 1 1.
com m u n soi t c o m m e l a c a u s e d e s a u t res, m a i ·s cc · n q u o i . . !birl.
i.
com m u n s'acco m p l i t e n p re m i - r. J
Retour à Descartes Retour à l'ontologie scolastique
1 92
1 93

rerum 1 . D ans 1,.mtellect1cus causat


Intellectus enim pra .
. res, unde est
.
.
mensuratw [174) devraient encore être dites vraies relativement à la saisie et à
qu e l a res qu 'il s'agit dctUs practicus, la relation
,
a, la res est telle la pensée divines. [175) Sed si uterque intellectus, quod est
· llectus . , rrrune e, en un sens, a, partrr
e faire est dete
. .
ld e l' tnte �Ut conçoit un plan. Tandis qu'i nversement, dans
impossibile, intelligeretur auferri ; nullo modo ratio veritatis
.
e champ de l'tntelle remaneret1. Mais si l'on supposait en revanche que les deux
.
,.
ch ose meut l mtellect Cfits spéculatif, la res movet mtellectum2, la intellects, donc y compris l'intellect divin, étaient supprimés,
· l'être de la vérité comprise comme modus rei n'aurait alors du
Ain si s'instaurent
! tntellectus et 1 a res des rapports
,. de mesure dans lesquels même coup plus de sens. Par conséquent, l'être proprement
a, tour mensurans et
,
peuvent A
etre tour dit du verum est proprie in intellectu, inproprie in re ; per prius
e
mensuratum. La res .
d ame nt a1 ement à deuxlle-même est mamtenant rapportee fon-
ad intellectum divinum, per posterius ad intellectum humanum,
, est le mes ,
num, la res inte/lectus. Secundum intellectum huma­ · · ·
relatif au saisir humain.
A
ltr
1 a chose a sai. si.:. Si Cet ans. m Le connaitre qm saisit se mesure a Que peut-on caractériser à proprement parler comme
.
tn tellectum dtv. mum ,te mê e chose est considérée, secu .
ndum verum dans l'être de la pensée ? Saint Thomas commence
c e st une res mensurata, c'est-a-due artift-
. .
.
ctata ou encore crew ' par une réflexion de fond. II s'agit de savoir où la convenien­
. Q3, causata. Res ergo naturalis inter duos tia est proprement ce qu'elle est. La réponse est : in intellectu .
· tellectus consttt
tn uta4·' Chaque res comme telle est scmdee . , dans Et en quoi consiste cette convenientia dans l'intellectus ? Ce
son eA tre et ce1 a conf() , . . ,
doit être une relation dont relèvent aussi bien la res que
port : secun dum adaeqrmément a ces d eux possi bil ltes de rap-
u l intellectus dans Jeurs possibilités véritables. L'être propre­
res es t vera pour auta ationem ad utrumque vera dicitur5. La
. tu qu' elle est ordinata6, rruse en ordre par
.
l e connaitre d1vm et ment dit du verum n'est pas dans un intuitus dirigé sur la
c 'est seu1ement cet etre determme
A .
'
A
· · , qw,·
de so1-meme , fiorm
. A , quidditas rei, mais l'intellectus est vrai pour autant qu'il juge.
t
tellectus humanuas aestimatwnem7 ou . .
.
,. une mensura pour 'est à ce titre qu'il est garant du verum. Ce n'est qu'en tant
1 tn .
· j Prima · autem ratw ventatts [secundum 1 componens et dividens2 (cruv0wts - ôtaipecns) qu'il se
ue
e:t comr:�rat��
tn tellectum D et per
. Prius inest rei quam secunda : quia prior m t en avant en produisant de lui-même quelque chose qui
. ad intellectum divinum quam humanum ; unde, l u i revient en propre, tandis que dans l'intuitus l'intellect est
p ur ainsi dire adonné à la similitudo. Ce n'est que là où la
ordme ad inhiuln . anus non esset, adhuc res dicerentur
e tam st tn t� ectus
.
res est mise en relation avec l'activitas véritable de l'intellec­
verae tn . Car ce n'est que dans
l a mesure ou, 1a res lectum divinum8• . . .
te
tus que je peux parler de convenientia. Il n'y a d'égalité que
, qua .
ordznata ad tntellectum dtvznum
qu A �s t
. elle peut etre. en genéral une mensura pour un mtellectus
. . D one s1 l'in t
.
_
1: ù les diversa comme tels relèvent, dans leur être, de la
llectus humanus n'existait
h umam . . pas, 1 es choses
e r lat ion d'égalité qui les unit. Unde ibi primo invenitur ratio
l. Ibid. [Il faut savoir ,. .
.
11eritatis in intellectu ubi primo intellectus incipit aliquid pro-
,
qu'à l'intellect s é ql.:t une chose se rapporte a, 1 in t ellect pratique aut re·
pourquoi il es t la mes r u l êl t i f. En effet, l'intellect prat i q ue cause la chose, c'est
1 11·ium habere quod res extra animam non habet3 • C'est pour­
q 1 1 i l 'intellect est proprement ce qu'il est là où le connaître
ment
��
2 . Ibid. d�s choses.]
3. Ibid. 1/1 ' rique commence, de soi-même, à avoir en propre
4. Ibid. (La cho se natu . 1 p 1 lque
, entre
5. Ibid. [( . . . ) est a el é l l e pl acee . les deux intel lects ( . . . ).]
re chose qu.od res extra animam non habet, que n'a pas
6. Ibid. PP e v r aie suivant une adéquation à l'une o u à l 'a u l r " I
7 . Ibid.
8. Ibid. ( E n effet la noti . .. .
. � n pre1111e " re de v n té (suiva n t. 1 1 n t c l l ·ct de D i e u ) 1:st
.

rappor t à l'intelle ct h ina i. n� n de : car son rapport à l'intel lect divin 1 r< 'de son
clans la ch ose avant 1 a se c

; '\:si pourqu o ·1 , n 1c• 111c s.·1 I"1 11 ( ' 11 c t 1 wnu1 ·1 1 1 n • : x �· s( 111 1


u
'l... ) r · appel es vn1 1cs rc.:lat 1 vc 1111: 1 1 t !\ 1 1nl ·J I ·t d 1 v 1 1 1 . I
en
pas, les choses serai e nt
, •
1 94 Retour à Descartes Retour à l'ontologie scolastique 1 95

la chose extérieure à l'âme. Tandis que dans la saisie intui­ cependant que de la poursuite du motus de la res vers l'intel­
tive, la visée théorique est [ 1 76] fixée sur la chose elle-même, lectus et dans l'intellectus vers soi-même.
dans l'intellectus, cette visée est active au sens propre du
terme, elle est là en tant qu' actus : quando incipit judicare de
[177] Vous devez, à chaque étape de l'interprétation, ne pas
oublier que J'analyse que nous conduisons est en quête de
re apprehensa, tune ipsum judicium intellectus est quoddam caractères d'être et que nous nous interrogeons, pour reprendre
proprium1• Ce n'est que de cette façon que l'aequalitas pro­ les termes de Descartes, sur la res cogitans en cherchant l'esse
prement dite des diversorum est atteinte et que se constitue qui constitue l'esse de la res en tant que telle. Nous avons été
la convenientia proprement dite. amené à préciser notre problématique lorsque nous nous
Cette interprétation du point de vue aristotélicien selon sommes aperçu, en analysant l'error, que l'error était un esse
lequel l'être de l'àÀ:118i:t: a est dans la ôtavma2 manifeste la ten­ déterminé comme un non esse creatum. C'est la raison pour
dance de la scolastique à fonder en toute autonomie des pro­ laquelle la res cogitans, considérée comme un être au sens de
positions qui se trouvent simplement chez Aristote et qui ne l'esse verum, s'identifie à l'esse creatum. Elle est en même
peuvent être fondées en réalité qu'en prenant en compte tout temps un esse perceptum. Ces deux déterminations d'être fon­
le complexe des orientations du questionnement du cher­ damentales sont liées entre elles. Nous avons établi que le fon­
cheur. Toute l'argumentation montre que saint Thomas veut dement de ces deux déterminations n'est autre que le verum.
maintenir en place l'autorité d'Aristote et est conduit pour ce Comment l'esse creatum et l'esse perceptum sont-ils posés l'un
faire à fonder toute une théorie de la convenientia. et l'autre dans le verum ? C'est ce qu'il va s'agir de montrer.
Toutes les déterminations d'être font retour à l'esse creatum.
Nous verrons d'abord que l'ens verum se fonde sur un esse
§ 31. En quel sens le verum est dans l'intellectus dont la détermination fondamentale est l 'esse creatum, lequel
(D e veritate, qu. /, art. 9) renvoie du même coup à un esse increatum. Au début de cette
considération, nous nous sommes demandé quel était le
L'article 9 est cependant bien plus important. Saint Tho­ contexte dans lequel la question du verum était posée. Le fait
mas y montre que et comment le verum est dans l'intellectus que l'être-vrai ne soit pas orienté sur le connaître ni la validité
dans la mesure où l'intellectus connaît le verum qua cogni­ de la connaissance, et que le verum soit au contraire déterminé
tum, ce que Brentano a appelé conscience i nterne : chaque fondamentalement comme un modus entis, a une importance
cogitatio est en même temps un savoir de soi-même. Ce redi­ capitale. Pour la problématique ontologique médiévale, le
tus, ce retour en soi-même appartient, à titre de trait distinc­ verum est placé sur le même plan que les déterminations
tif, à l'être spécifique de chaque étant qui est un être comm e l'unum, le diversum, la res, le bonum, l'ens. Ce sont des
spirituel. Le reditus in se ipsum a été transmis au Moyen  ge déterminations que le Moyen Âge appelle des transcendentia,
par le traité pseudo-aristotélicien Liber de causis. Puisq u e 1 s transcendantaux parce que ces déterminations se situent
l'intellectus est u n être qui saisit conjointement e t explicite­ au-delà de toute déterminité d'être concrète et déterminent de
ment ce qu'il appréhende comme tel, l'être du verum connaît 1 ur côté tout être. Dans cette perspective, le pulchrum n'a pas
un position cent rale, et est traité le plus souvent en liaison
av c le bon.u.m, et cela à vra i dire sous l'influence du néoplato-
une élévation caractéristique : il n'est pas seulement
conscient, mais élevé à la conscience de soi. I J ne s ' a g i t là
1 1 i m ( Pse u d o- De n ys l'A réopagite). Nous avons d'abord
l . ibid. [ Lorsque l'intellect commenc e à juger d e la chose appréhen
dée, �lors
mon l r q ue l e verwn e s t u n modus generalis entis in ordine ad
2. A ri stote, Métaphysique, E 4, 1 027 b 7.
ce J ugement même de l'intellect est po u r lui un certa i n propre. ! 1/iud au n d la Of! venientia. U n exa men plus approfondi
< J ' h con venin1tin I ' la ·m-respon len. tia, cl l 'assimilatio et de
1 96 Retour à Descartes Retour à l'ontologie scolastique 1 97

la conformitas a fait apparaître [178] que la convenientia est utrum veritas sit in sensu ; et videtur quod non. Anse/mus enim
rapportée à l'intellectus, qu'elle atteint son terme dans l'être dicit (lib. De veritate, cap. 12), quod veritas est rectitudo sofa
connu. C'est dans l'ê tre connu que réside l'être proprement dit mente perceptibilis. Sed sensus non est de natura menus. _ Ergo
du verum. Cette reconduction de la convenientia, qui, en tant veritas non est in sensu1• Saint Thomas donne la réponse posi­
que telle, reste une relatio même si son centre de gravité se tive à la question posée en apportant par la mên_ie occasion
trouve d'un seul de ses côtés, a une base ontologique. L'être _
des précisions supplémentaires sur l'être du verum in mtellectu.
proprement dit du verum est reconduit à l'être de l'intellectus. Premièrement : In intellectu enim est sicut consequens actum
Il faut bien comprendre que l'être du verum est à proprement intellectus2 l'être de la vérité est dans la saisie elle-même. Deu­
parler dans l'intellectus si l'on veut comprendre les autres xièmeme;t : sicut cognita [vera] per intellectum ; consequitur
questions que pose saint Thomas.
namque intellectus operationem, secundum q �od judicium
Quel est alors l'être originaire où repose ce qu'est propre­
intellectus est de re secundum quod est ; cognoscttur autem ab
ment l'être-vrai. Si le verum esse est proprement in intellectu, intellectu secundum quod intellectus refiectitur supra actum
quel être de l'intellectus est le primo esse à partir duquel se
suum3. Le reflecti de l'intellectus est compris au sens où l'intel­
laissent déterminer aussi bien J'originarité de l'être du verum
lect <fait retour sur son acte> non solum secundum quod
que l'être proprement dit ultime du verum ? Nous partons du
cognoscit actum suum4 ; la vérité ne serait donc pas une saisie
proprie esse et faisons retour au primo esse. Dans cette de l'acte, c'est-à-dire d'un acte au sens d'un événement adven­
régression, nous parvenons à l'être de l'intellectus au sens de
tice. La réflexion sur un acte est une réflexion dans laquelle
l'intellectus divinus. L' être divin, au sens de l'être connais­
l'acte est rendu présent secundum quod cognoscit propor­
sant, est l'être originaire de la veritas et cela de telle sorte
que cet être originaire détermine l'être proprement dit du
tionem eius ad remS, en tant qu'il se rapporte à ce qu'il saisit.
Dans la réflexion de l'intellectus sur cet acte lui-même, la chose
verum en l'homme, et ensuite l'être improprement dit du
en cause qui est saisie comme vraie par cet acte est �année
verum dans la res. Ce n'est qu'à partir de l'être originaire et .
conjointement à l'intellect. Ce reflecti opéré dans la saisie e11e­
proprement dit du verum qu'il est possible d'entendre pour­
quoi, et à quel titre, la res peut être elle aussi dite vraie. Cette même ne peut alors s'accomplir que si l'intellectus est tel qu'. i �
considération nous reconduit à l'esse Dei et, concernant cet saisisse sa propre natura : quae cognosci non potest, nt�l
cognoscatur natura principii activi, quod est zpse .
_ mtellectus, in
être fondamental, la dernière question qui se pose à nous est
de savoir comment l'être de Dieu est déterminé catégoriale­ cujus natura est ut rebus conformeturf>. Cette natura se trouve
1 . Tbomas d'Aquin, De veritate, quaestio I, articulus IX. (En neuvième lieu, il
ment et comment l'être de la vérité est incorporé à cet être
de Dieu. Notre considération se termine donc par cette q ues­ st demandé si la vérité est dans les sens ; et il semble que non. Anselme dit en
tion : quel est l'être de Dieu, et comment la problématique f(et que « la vérité est une rectitude que seul l'esprit peut percevmr ». Or les
8
2. Ibid. [(La vérité) est en effet dans l'intellect en tant que consequence de
scolastique détermine-t-elle cet être ? ns n'ont pas la nature de l'esprit. La vérité n'est donc pas dans les � ens.)

Donnons d'abord quelques indications sur la manière dont l'acte de l'intellect.)


,.
1 1.. En effet, elle résulte de l'opération de l'intellect en tant que le J � gement de
il convient d'entendre ce qu'est proprement l'être du verum 3. ibid. [(La vérité est dans l'intellect) en tant qu'elle est connu� par 1 mtel-

l ' l n l · l l ec t porte sur la chose telle qu'elle est ; et elle est connue par l mtellect en
dans l'intellectus. Puisque l'intellectus est le terminus cognos­
cendi, le lieu où le mouvement de connaissance s'achève ,
4. //Jirl. [ Non se ulement e n tant qu'il connaît son acte . ]
t n n t. q ue l ' i n tellect f a i t re t o ur sur son acte.)

5. Ibid. ! E n tant q u ' i l on n aî t la pro por l lo n de son acte à l a chose.]


c'est donc dans cet achève ment q u ' i l fa u t a ussi t ro u ve r ce
, , .
qu'est proprement l'être du verum. 1. /hic/. ! Laquelle ( p roport i o n ) ne peu t etre connue qu une fois connue la
[ 1 79] L'art icle 9 a pporte une réponse sou une forme plus n n t u r 0 • l'a t l u i-m me, l a q uelle ne peut être connue sans que soit connue la
sit in sens. Nono quaeritur,
n tur <.lu 1 rin ip a t i f, 1 ui st l ' i n t c l l et. l u i -même , do n t la nature 11npilque
précise, i l s'i n t i t ule : Utrum
1 u'i l soi t ·n ·on fon n i t nv · · 1 ·s ·hos 's. I
veritas
198 Retour à Descartes Retour à l'ontologie scolastique 1 99

dans la conformitas. Le psychique n'est pas considéré comme particularité de faire retour à leur être véritable dans un
un passage où se déroulerait une histoire qui ferait qu'il sorti­ retour complet. Cette reditio completa constitue la perfection
rait de lui-même pour aller vers quelque chose <l'étant, mais d'un être de ce genre dans la mesure où, par cette reditio,
être dirigé en vis-à-vis sur la res appartient à la nature de tout l'étant que l'intellectus saisit est en même temps recueilli
l'intellectus. Cette ouverture à [180] l'étant n'est pas quelque et possédé en propre. Par cette capacité à recueillir en même
chose qui serait ajouté de l'extérieur, mais coappartient à l'être temps [181] l'objet qu'il connaît et saisit, cet étant croît lui­
de L'intellectus lui-même. C'est précisément dans la mesure où même en amplitudo, en amplitude d'être. La pierre n'est que
l'intellectus réfléchit sur lui-même et prend en vue la proportio selon une guise déterminée, elle n'a jamais pour soi l'étant
ad rem relativement à lui-même, qu'il voit la veritas, et c'est sur lequel elle repose ; elle est simplement avec cet être, à
dans la mesure où il la voit, la perçoit, que cette dernière est côté de lui. In hoc enim quod cognoscunt aliquid extra se
reprise dans l'être de l'intellectus. positum1, par la connaissance, ces étants sortent d'eux­
Cette détermination devient encore plus nette : Sed veritas mêmes. Dès qu'un étant possède en propre la capacité de sai­
est in sensu sicut consequens actum ejus ; dum scilicet judi­ sir conjointement son acte de saisie, de redire in cognitum -

cium sensus est de re, secundum quod est ; sed tamen non est dans les sens déjà incipit redire res sentiens il commence à -

in sensu sicut cognita a sensu1. Dans la perception sensible, le faire retour en soi (cf. Aristote sur l'T]ôovTj - le fait de se
perçu est sans doute là de cette façon, c'est-à-dire qu'il est là sentir en tel ou tel état) . Mais la reditio completa fait encore
comme vrai dans la mesure où la perception parvient à son défaut, et cela à vrai dire parce que l'être du corpus prend
terme en percevant et est vraie en tant que percevante. Mais fonctionnellement part à cet être spécifique que constitue,
dans la perception sensible, l'être-percevant et la chose per­ pour le sensus, le fait de sortir de soi. Parce que ces moments
çue ne font pas l'objet d'une réflexion de la part de la per­ corporels coappartiennent à l'être qui saisit, ils font aussi
ception elle-même. Si enim sensus vere judicat de rebus, non obstacle à un redire véritable j usqu'à lui, alors qu'au
tamen cognoscit veritatem, qua vere judicat2• Dans la percep­ contraire la substantia sciens n'est pas liée à la materia, mais
tion sensible, on perçoit sans doute également que la percep­ est une pure forma, par où il faut entendre un mode d'être
tion est en cours d'accomplissement. Mais cette perception qui comporte aussi peu de coactatio que ce soit, et qui, pour
ne perçoit pas naturam suam (. . . ) nec naturam sui actus, nec cette raison, porte en soi l'entièreté de l'être possible, et cela
proportionem ejus ad res (. . . ) . Illa quae sunt perfectissima in d'autant plus que cette forma est l'ens absolutum. L'être pro­
entibus, ut substantiae intellectuales, redeunt ad essentiam prement dit du verum est déterminé dans l'intellectus suivant
suam reditione completa3, <les étants les plus parfaits>, ces deux perspectives, à savoir : 1 ° le connaître est le terme
comme les substantiae intellectuales, ont un être qui est pour pour la convenientia, 2° le connaître est lui-même connu.
soi, qui fait retour à soi, tout en étant à vrai dire codéterminé
par le fait de connaître quelque chose. Ces étants ont pour

1 . Ibid. [Mais la vérité est dans les sens comme conséquence de leurs actes,
c'est-à-dire tant que le jugement des sens porte sur la chose telle q u'elle est. ;
mais cependant, elle n'est pas dans les sens comme connue par les sens. ]
2. Ibid. [Si les sens j ugent en effet des choses en vérité, cependa n t i l s n ·

3. Ibid. [(Elle ne perçoit pas) sa nature, ni ( . . . ) la n a t u re le son a le, n i s;1


connaissent pas la vérité par laquelle i ls j ug e n t en vé r ité ] .

proportion à la chose ( . ) De tous les étan ts, ce u x q u i son t. 1 ·s p l us par fa i t s,


. . .

comme les substances i n t e l. lect uel les, fon t r t o u r à 1 u r css n c r n r L i i l r t o u r


t J' 'S. ]
1 . I l irl. 1 Pflr 1 ' fa i t e n eff · t. 1 u ' i ls con n a isse n t q ue l q u e chose q ui est posé hors
.
comp l e t ] U ·111 Ill
200 Retour à Descartes Retour à l'ontologie scolastique 20 1

nisi per intellectum divinum eas in esse producentem 1 • L'être


§ 32. La fondation de l'être proprement dit de l'intellectus divinus est un passe producere. Si on ne prend
du verum dans la vérité originaire de Dieu pas cette proposition : omne ens est verum una veritate uni­
I (De v eri tat e, qu. !, art. 4 et 8) quement dans son acception formelle, elle a le sens suivant :
chaque esse, dans la mesure où il est ens creatum, est verum.
Où se fonde alors originairement l'être proprement dit du Le fondement de la détermination d'être donnée conjointe­
verum ? Où se trouve l'ens qui donne au proprie verum la fonne ment dans le verum est que l'être en tant qu'être est déter­
d'un proprie verum primo et fonde ainsi tout l'être du vrai ? miné d'avance comme esse creatum. La question de l'esse du
Je procède en suivant le fil directeur de notre probléma­ verum ramène à l'esse creatum de sorte que c'est à partir de
tique. [182] Saint Thomas aborde cette question à l'article 4, l'être de /'ens creatum que devient intelligible l'être du verum.
et en fait il se demande ici utrum sit tantum una veritas qua Il n'est pas possible de traiter ici du lien unissant la philo­
omnia sunt vera1, s'il n'y a qu'une vérité unique par quoi sophie thomiste à [183] l'ontologie aristotélicienne. Nous
toutes les autres choses sont vraies. Cette question reçoit une allons simplement montrer, à propos de la sphère phénomé­
réponse affirmative . Elle enferme des présupposés bien nale de la conscience, dont le contenu est tout autre, que
déterminés . Le verum est dans l'intellectus divinus proprie et cette région est déterminée par une ontologie qui, par ses
primo ; il est dans l'intellectus humanus proprie, mais secun­ catégories et les possibilités de détermination et de question­
dario, in rebus autem improprie et secundario2• L'être-vrai nement qu'elles prédessinent, a une tout autre origine.
dans la mesure où c'est un esse dans l'intellectus humanus es � Quel est le cadre qui détermine le verum ens comme thème
lui aussi un derivatum de la prima veritas, laquelle pos �ède de recherche fondamentale, c'est-à-dire le cadre déterminé par
son être proprement dit et originaire en Dieu. Veritas autem le terme transcendentia ? Quel est l'être proprement dit auquel
quae dicitur de rebus in comparatione ad intellectum huma­ le verum doit être attribué à titre de modus ? En considérant
num, est rebus quodammodo accidentalis3. Les choses elles­ plus précisément cet être proprement dit, nous sommes par­
mêmes sont certes également vraies relativement à l'intellect venu à l'esse in intellectu componente et dividente dont l 'être
humain. Mais l 'être de la res n'implique nullement qu'elle soit est caractérisé par la reditio in se ipsum. Cet être proprement
saisie par un intellectus humanus. C'est pourquoi l 'être-saisi et dit du verum soulève la question de savoir comment le verum
le verum esse est pour la res accidentel. Les choses seraient devient originairement concret. Le primo esse au sens de pro­
encore même si elles n'étaient pas objet d'un connaître qui prie esse est l'esse in intellectu divino. Saint Thomas traite de
les atteint. Sed veritas quae de eis dicitur in comparatione ad cette question dans le cadre de la problématique qui est pour
intellectum divinum eis inseparabiliter communicatur1. Mais Jui décisive : y a-t-il une vérité par laquelle toutes les autres
l '. être-vrai de la res relativement à l'intellectus divinus appar­ sont déterminées dans leur être ? L'article 4 montre en toute
tient a_ la chose en el le-même. Non enim subsistere possunt netteté que cette vérité unique existe. Concernant cette vérité
originaire, il faut montrer que cette una veritas est précisément
l . Thomas d'Aquin, De veritate, quaestio !, aniculus IV. [S'il y a une v é r i l é
I l e dont dérivent toutes les vérités, y compris les vérités de
, . 2. ibid. [La vérité est dans l'intellect divin proprement et premièrement ; d a n � n ationes et privationes. C'est à l'article 8 que saint Thomas
umque par laquelle toutes choses sont vraies.]

1 rntellect humam proprement mais secondai. remen t ; et dans les choses, i m pro­ d ve Joppe cette considérat ion complémentaire qui détermine
, 3 . ibid. [La vérité qui se dit des choses re l a t i ve m e n t à l ' i n te l lect h u ma i n es l ,
prement et seconda1re111e nt.]
nv-ar1t tout l 'originarité de l 'être du verum.
.
4. Ibid. [M ais la vérité q u i est d i te d'el les re l a t i ve m e n t à J ' i n t • I l 1 divin leu r
J. li Ir/. 1 1 2 1 1 •s n
d une certa111e façon, accidentelle pour les choses . ]

dn 1 1s I' I r ·. 1
qui les
pr
1 ° u v , 11·1 ·n ff t subsis 1 e r q u e par l ' i ntel lect d i v i n
e t com m u n i q u ée i nsé parablem ·n i . / >U U Î I
202 Retour à Descartes Retour à l'ontologie scolastique 203

Le résultat de l'article 4 est en r ésumé le suivant : la vérité 1 1 1esure où elle est, une qualitas sur le fondement de laquelle
qui peut être attribuée à la res dans le sens où elle appartien l instaure l'aptitude à l'adaequatio intellectus ad rem.
inseparabiliter aux choses, à la res en tant que res en tant Saint Thomas obtient ainsi, pour tout ce qui est, un concept
qu'elle subsiste, doit être reconduite en dernière instance à l 1 1ndamental de vérité qui se ramène en définitive au rapport
du ausare et du causari au sens d'un faire qui produit et met en
/11rme. Le quid pensé et créé par cet inte�lect es� l'être �r�i a�
l'intellectus divinus quasi ad causam, ad humanum autem
quodammodo quasi ad effectum, inquantum intellectus a
s ·ns originaire. La considération complementalle destmee a
rebus scientiam accipit1• L'intellectus [ 184] humanus a une
tout autre relation à l'être de la convenientia et de la res q u e 1 1 1ontrer que tout ce qui est est en réalité vrai fait apparaître
l'intellectus divinus. Ces relations sont cependant caractéri­ que ce n'est pas seulement la res, mais aussi l'intellectus [185]
sées l'une et l'autre en tant que convenientia. La convenientia qui dépendent, au sens de la derivatio, d'une vérité à laquelle la
relativement à l'intellect divin signifie que celui-ci est la "'fiiO de la res est soumise1. Ce n'est q u' a u sein des creata �ue
_
l'iritellectus occupe la position privilégiée qui est la sienne ; il la
p ·rd relativement à l'una veritas. L'aspect de chaque chose, son
causa tandis que l'autre est un effectus . Si par conséquent on
prend la vérité en son sens véritable et originaire de l'être du
verum en Dieu, alors omnia, toutes les choses son t fonda­ nltience, n'est rien d'autre que l'imitation de l'ars2 de la
1 nm cience productrice de Dieu. En effet l'essence per formam
par laquelle une chose est ce qu'elle est et est, en tant que telle,
mentalement vera, vraies. Tout ce qui est est vrai relative­

11 ment à l'être unique de Dieu. Relativement au verum esse


secundario et proprie, relativement à l'intellectus humanus, il
y a plusieurs vérités, une multitude de propositions vraies
vr:.:iie,nata est facere de se veram apprehensionem in intellectu
J111mano3, l'être tel ou tel est le fundamentum d'une vera per­
' <•plio. Chaque apprehensio qui suit le lumen natura�e est en
11 1 1 -même, dès lors qu'elle saisit quelque chose, une sa1s1e de la
concernant une multitude de vérités que l'on peut tirer des .
choses. Si autem accipiatur veritas proprie dicta, secundum
quam res secundario verae dicuntur ; sic sunt plurium vero­ v · ri t:é. Cela montre clairement que la veritas rerum inclut en
rum plures veritatis in animabus diversis. Si autem accipiatur soi Leur entitatem. Les choses ne sont vraies que pour autant
l j \ I Iles includunt entitatem in sui ration e4• À l'être ainsi dét�r-
11.tiné de l'entitas, superaddit [veritas] habitudinem adaequatw-
veritas improprie dicta, secundum quam omnia dicuntur vera ;
sic sunt plurium verorum plures veritates ; sed unius rei una
11 s� l'être-vrai ajoute cette aptitudo convenientiae déterminée.
1 :rn la mesure où la res est créée, elle est, en raison de son
est tantum veritas2. Relativement à Dieu, tout est vrai dans la
lr créé, placée dans une relation d'être à Dieu et à tout intel-
mesure où chaque chose n'est qu'une veritas puisq ue son
être-vrai se fonde sur le fait qu'elle est elle-même relat ive à
1 •t usceptible d'être avec elle et auquel elle s'adéquat� . Il � �
d m J'adaequare (convenientia, conven ire), une éqmvocite :
l'intellectus divinus. Dans la mesure où la vérité est dite d e la '
1 ° adaequatio ad intellectum humanum, 2° adaequatio ad intel­
res elle-même, la vérité est certes relative à Dieu, mai elle
/,, ·tu.m. divinum6, en quoi le sens de l'adaequare diffère ici et là.
appartient à cette res dans sa forma. Le fait que la chose soit
telle signifie qu'elle est vraie. La res a en elle-même, dans la
• n va-t-i l de même pour la negatio e t la privatio ? En effet
1. Ibid. [À l'intellect divin comme à une cause, mais à l'intellect l ' h u r rn i i n
com me � un effet, d'une certaine façon, dans la mesure où l ' i n tel l e t reçoit la 1' A q u i n , De veritate, q uaestio l, articu lus VIU.
Il id,
· 1 , Thom as

p réhens ion v r ai e
_
2. Ibid. [ Mais si l'on prend la vé r i té propre m e n t d i t · se lon l aq uc l i ' i 's ·hos ·s J. li id. l Est le n a t ure à a user une a p
science a partir des choses.) • • • • A
de so1-rneme dans
I ' 1 1 1 • I l • l hu m u i n . I
âmes. Et si l'on prend la v rit i rn propr · m •nt dit , s · I o n 11 . /lllt i. \ l n l u • n t l • u r 1.: n t i t dn n s i' u r
sont dites vra1es seconda1rement, alors les véri tés de pl usi · u rs chos ·s v rn i ·s sont
ua t i on . I
n t ion.l
\( L i
_ _
laquelle toutes les ch ses ·ont di tes vrai 'S, <1lors 1 s v r i t d , plusi •111-. · h os ·s
pl usieurs clans diverses
·q
v r "l u t ion cl\1d
vra ies so n t p l us i u rs, m a is l a v r i t 1 ' 1 1 1 1 · chos · vra i · est u n i q 1 1 '- I
ri1�) njout · u11 •

/), // /ri.
· · 1 1 1 1.
Retour à l'ontologie scolastique
204 Reto4r ,
a Descartes 205

celles-ci sont effectivement ·


·
. pmsque
vraies ·Je peux effective- dans le verum, ce verum en tant que positivum est lui-aussi
cnme. S' ensm. t-d alors qu '
ment , par exemple co ns
· a, une pnvatw
' créé par Dieu. Patet ergo quod veritas in rebus creatis inventa
·
·
tater quelque chose comme un
.
·

. nihil aliud potest comprehendere quam [1 °] entitatem rei, et


est eIl e aussi une vérité Pt
l.J.ne ventas ·
. relative
oce, dant de la prima ventas ? Sed
vel privationes [ .
. · · [2°] adaequationem ad intellectum, et [3°] [adaequationem}
negatzones intellectus ad res vel privationes rerum1 • La saisie et l'être-vrai
. . · .} non habent altquam formam 1 ,
1 es nega . i0 ·
, t ions et 1 es pnvat relativement à [187] la privatio ont leur être proprement dit
e t en tant que telles n 'ont ' sont determmees
Ils , · , negativement
, ·
. <l l'evidence il dans l'être de l'intellectus. L'intellectus, dans la mesure où il
[186] D ieu. Une pnvatw n ' e .
. . , . aucun rapport dIIect ·
. s1. 1 a pri -
. �nisit ce qui est, est lui-même vrai, et, en tant que tel, se
. d i ri ete sur son bonum spécifique. Le bonum intellectus est le
. st pas une entztas. M ais
e c un mtellectus et est amsi u n ·
vatw entre en relation av · ·
l '/l/'um.. L'intellectus qui s'oriente donc sur un étant en le sai-
s saisie mais elle ne devient pas
ven, · t e,
, a1 ors e11e est certe
,
. . . ·
pour autan t etant e au sens d . ls0ant est en même temps lui aussi créé par Dieu puisque
tas vera2 une vraie . . 'une entztas. Lapis· verus et caec1·
pierre 1 ' · t un bonum limité. On a ici affaire à tout un écheveau qui
.
·
1 l a i s ·e cependant facilement démêler à condition toutefois
, · , non eode111
s se habet ad 4 trumque3.
mo do venta '. e t une vraie ceclte,
. . La ventas a son fond •

szus rei4' d <lns la chose elle-meme ; c'est da n ,


ment ex parte zp ·
A d11 m.ettre complètement de côté la manière de penser
.
' s
l a pierre comme telle dan . · 1 1 1 o 1d rn
. , a, entrer en relat·
·
que rés ·1 1 • . L'intellectus et la res sont placés dans la région uni-
1 1 1 1 1 · d l 'ens creatum, et le connaître devient ainsi un rapport
sa teneur qmdditative
. qm la sa1s 1 l . 1 ·1
sa capacite · ·

il l1
. ·
. part de Ion a, un mtellectus
. 1 1 ecl . .1 '.• 1. l
1 a motzv atw la teneur rea bjectif dans cet être de l'esse creatum.
1 '"' vu s fondamentales sont capitales pour entendre quoi
a11er a, 1, mte
revanche on ne peut pas . , 1 e pour , · ,
dire que la cecite contien n u 1 w
, 1 e positive sur l
·
. .
· ·1 1 1
·

. e fondement de laquelle la
teneur rea · q 1 1 i ,. ' it à la scolastique ; tous ceux qui vivent au sein de
.
.
pourrait motiver qu'un intel . . . : 1 •1•1 1 1 ' ' • 1•n1111 1 xions considèrent qu'elles vont tellement de soi
' Il' 1 r us n t comme inadéquate toute façon moderne de
lect la saisisse. Quand 1e
caeclt. as, il n ,y a dans le ve1- . dis
a nen qm s01t comme un 11101 1 1 · 1 1
·

. .
. .

, , 1 11 , 'h ses . Mais c'est précisément cette approche posi-


· 1 1 • •11
d u pnva tzvum esse. Le veru .
r--. l i • t 11 la pos ibilité même de connaître, de la convenientia
·
pas 1 m-me . A me une privatio >n relativement a, une pnvallo •

mme un modus essendi, qui confère à l'interpré-


, .
, . , de ce genre · �l u ans 1 a mesure ou une vrai
, "te' de 1 a teneur réal� le ne tIIe pas son caract r 1 n 1 1
• 1 1 1 1 1 1 1 1 ••
est une vente .
' 1 01 1 1 . 1 1 1 d l 1 ( relation » de vérité une sûreté que n'ont jamais
ce dont elle est vra 1e . 1 1 1 1 y 1
·
d e ven
1 t l • 1 1 1 1 1 I•» o u t res in terprétations du connaître et de l'être­
· •

que la relati.on de la cécité � de 1 , . , . té d - 1 , n


_
d isan t qu , une cecite
. , . , mtell.ectus. La ve11
ne s 1 < ! l
onnaître perd à vrai dire son sens originaire,
1 1 1 ' 1 1 ' j ' nnaître acquièrent un sens d'être neutre, celui
·
est ef..,"'-ectivement .
pas sur l a pnvatw comme l la-devant •

,
. . ,
, i. f de 1 a privQ elle. La vente ne prend 1 as 1 1 1 1 1 1 nl q u i part d'un être pour aller vers un autre.
,
· ,

tzo au sens ou la capac1l J 111 1 1 1 /


sur l' eA tre negat l 1 1 1 1 1 1 11 111
1 1 1 1 1 11 1 11 ' f 'll
. ·

. serait mot · .
t
. . ·
u r l 'esse creatum permet d'appréhender
l' m tellectus d ' u n n i i l

A saisie
1 1 • ' ' l 1 1 1 li l ' l l u n ·ens qui i nclut formellement la conve­
vatw a, etre
. . lVe, e par
. .
.
. . e aussi positiveme nt en r l i 1 1 ' ' ' ' " I " . l 1 1 1 •1 1· ' 1 1 1 ii generales.
t e Il e que ce dermer sais1ss .
don t 1 a pnva tw est privatio , M . 1
. A ... C
.
ais a pnvatw e 1 1 - in
epen l a n l
trouve pas d ans 1 e verw---_.
, · �c. lm-meme .
an droit qu'il n'y a a u L 1 1 H' 111• 11tl
mesure o u on peut dire à b . .

. .
2 . Ibid. p n va l lons ( . . . ) 1 111 1 111 1
1. Ibid. [Mais les négations ou l e
'!;; c
.
ln chose, 2)
n 'o n t · t J ni tiu ' lu
( La vérité
p1 1s I véril l. rouv l a ns les choses créées ne

p;:is � l 'u n ' 1 11 1111 I hos . ou aux


3. Ibid. l 'adéquation à
1
ne se rapporte::
4. Ibid. 'I 1 l'u u 1 r d• • 111 111 1111 Il 1 privations des
Retour à Descartes
206
Retour à l'ontologie scolastique 207

§ 33. Les possibilités de dé der à une remotio. L'idée de Dieu est orientée sur l'idée de
termination de l 'être
de D ieu au regard de l 'on .1'implicitas D ei. Dieu est compris par ava� ce �o�m � un e�s
tologie aristotélicienne
(Su mm a the olo gic a, /, qu
. II, u. Ill)
simplex [189] de sorte que la remotio consiste a ehmmer pre­
çjsément la compositio de toutes les déterminations d'être
C?m� ent toute l région de q ui sont celles de l'être du monde tel qu'il est accessible de
aussi bren la totaht_ e� de l
l'ens creatum, qui compre nd p r i me abord. Cette caractérisation vous mont�e déjà que
res qu e I'intellectus qu a res, [1 88 j
co?1me n� tou �e cette reg , �10n de l'être du monde tel q u'il est accessible est compns au sens de
, ? No us l 'esse creatum est -el le eJI produire, mettre en forme. Compositio est compositio ex mat:­
°? em e determmee '­

�ions fond�m �nta les en référa


pouvons découvrir ses déter
m in; i ria et forma, de s orte qu'il s'agit d'éliminer toute maten�
m�reatum, a l esse De i. La gu nt l'esse creatum à un ens parce que celle-ci l i mite chaque êtr� , et c'est po�rqu01
g � ise d'un être qui dérive d'u
ise de l 'ens creatum co mm
, l'article premier d e la question III traite de la question de
n être ori gin air e, est cddéter .
� : e pa r la � anière de concevoir m i­ savoir si un être corporel peut être posé dans l 'être de Dieu
l etr� de Di eu . La question de le caractère fondamenta l cl , Utrum Deus sit co rp us ) . La possibilité même d'une composi­
l 'être de Di eu est traitée d tio fait défaut ; il r e ste l'actus purus à titre d'essentia Dei.
plus� eu:s c�nt xte s. No us a ns
. � choisissons de no us int ére Indiquons encore une fois que, dans la détermination du
celui o u il s �git de dé mo ntr sse r ;)
. er l 'existence de Di eu lui -m verum esse en tant que modus essendi, l'esse est conçu
êm ,
1
No tre mt entio n � 'es t pas du tout d'e
,
la pre uv e de ex1 st n � de ntr er dan s la qu est ion cl : comme esse creatum, et que le fait que cet esse creatum en
. � t_: Di eu en elle -m êm e, mais sim lant que creatum soit objet de l'intellectus divinus prédessine
? 1en t de tITe r au cla IT 1 etre de D ieu que l'o pJc ­
Jeu da ns l � preuve de l 'existe n met d'avance e n le modus essendi du verum. Puisque chaque étant en tant
t qui
nce de Di eu . Qu el est l 'ét an qu'étant est mesuré à l 'aune de cet intellectus, chaque esse est
m : fourmt l e sol sur leq ue
l fonder l 'existence de Di eu
meme ? l u 1·_ u n verum. Seule l a formalisation de cette complexion d'être
Si ?o �s considérons ce qu 'il c ncrète relative a u verum a rendue possible la probléma­

que 1 exi ste nce de Dieu n'e tique dans la forme que lui a donnée saint Thomas. Il � st à
en est , nous nous apercevo
ns .
st pa s tant la source à partir
a, 1 , m
.
laq ue lle l'être de l'ens creatu de noter que dans la philosophie grecque, on dit certes aussi que
,A . m est déterminé , ma1s· que c ' l !iv, le KaÀÛv, l 'àya86v sont des déterminations qui app � rtien­
�erse J, etre de ? 1eu qw. est lui -m êm e déter esl
cer tam e preconcept10n de miné pa r u n e n nt à l 'être comme tel, et qu'elles sont dans une relation de
f�n ? amenta�e montre qu e
l 'être du créé. Cette con sid r versibilité, l 'une pouvant être mise à la p lace d'une autre,
éra tio n
. l 'être apparemment origin mais chez Aristote il n 'y a pas trace de la moindre deductio.
d� nve e1: rea hté de l 'esse creatum à traver ai re
de ter mm . s une mé tho de Revenons à l ' être de Dieu. Si nous nous intéressons à cet
ee. C'e st là à proprement
au ra �out �°?e d 'ap pe ler plu pa rle r le sol de ce q u 'on ' tre, ce n'est pas dans une perspective théologique, mais
remot!? (eh ?'u. nation] des car d la théologie négative : u n e 11 u s nous focalisons sur les déterminations de l'existence de
s tar
actères d'être inc om pa tib
avec l 1de_e d un ens absolutum l s i eu et de son être seulement pour y découvrir le sol à partir
P o ur ef�ectuer cette remotio d u q u e l Dieu est déterminé, Dieu étant compris comm � c� usa
i.
v� ? un ens absolutum, ne 'fficiens, comme ens creans. En effet �ans la mesure o � 1 etre
. . il faut déjà avo ir q u e l q u e iclé A
p �slt1 ,
d un cntere permettant de serait-ce q ue po u r d is pos r d D i e u d o i t être attesté démonstrativement, cette demons­
dire s'il y a J i e u ou n o n de t ra t i n a b e so i n d e s ' appuyer sur quelque chose. Ce à par­
t i r 1 q uo i la d é m o n s t r a t i o n s e développe, l'étant qu'est le
p roc
pli�tu�:.omas d 'A q u i n , Summa theo
logica, par prima, q u a s r i o 1 1
1 : Oe lei ,,.;111• n1on.de, d o i t j l 90 1 ê t re a m e u b l i. et a r t ic u lé . Demandons-nous
1u 1 sl l ' r,11-,: ière-p lan d ' Atre q u i s u ppor t e o n t ologi q ueme n t
208 Retour à Descartes Retour à l'ontologie scolastique 209

« tout à la fois » et l'être de Dieu et l'être du monde et l'être La troisième preuve vise l'esse Dei comm e un esse necessa­
de Dieu dans son rapport au monde. rium per se, non ab alio, le monde étant considéré comme un
Saint Thomas a présenté ce qu'on appelle en bref la étant qui, à de nomb reux égards, peut ou bien être tel ou
« preuve de Dieu » à plusieurs endroits : dans la première bien autrement parce qu'il peut être possib le selon différentes
partie de son Commentaire des Sentences, très clairement perspectives. Une nécessité dernière doit correspondre à ce
dans la Summa contra gentiles, en détail dans la Summa theo­ pouvoir être possible selon différentes perspectives. Ces remo­
logica, I, quaest. II, art 31 : Utrum Deus sit. La question est de tiones se confortent mutue llemen t à partir de la première
savoir quels sont, en ce qui concerne l'être dont prend issue détermination.
la tâche qui vise à saisir l'être de Dieu, les caractères d'être Dans la quatrième preuve, l'être de Dieu est déterm iné
ayant la fonction de fundamentum. Dans ce texte, saint Tho­ comme un maxime ens, comme un summum ens, le mond e
mas donne cinq preuves. Cela veut dire qu'il considère l'être présen tant différents degrés d'être. Chaqu e étant rencontré
du monde dans cinq perspectives différentes et qu'il envisage dans le monde est toujours ce qu'il est dans une appropin­
Ê
chaque fois l'être de Dieu selon une modalité déterminée de quatio déterminée ad aliquid quod maxime est. tre-coloré
ce monde en opérant une remotio. ou avoir telle ou telle forme a en soi la signifi cation d'une
Première preuve. L'être de Dieu comme primum ens immo­ appropinquatio d'un maxim um, d'une valeur limite . Cette
bile movens (cf. Aristote, Physique vrn : np&rnv Ktvouv appropinquatio manifeste en tout étant exige par consé quent
àKivrrrov2, certes dans un tout autre contexte). On accède à ce que ce maxim um lui-mê me soit.
primum ens immobile movens en considérant le monde comme Cinquième preuve : à côté de cette détermination, il y a
quelque chose qui se trouve là au sens d'une res où se montre dans l'étan t une certaine gubernatio rerum propter finem . Les
quelque chose comme un moveri. Le monde est vu comme un choses sont à chaque fois orientées, en fonction de leur
être en mouvement, le mouvement étant pris au sens large de caractère d'être et de leur déterm inatio n, vers une certai ne
µi::ta�oÀ� . La preuve est conduite de manière complètement fin où elles atteignent ce qu'elle s sont véritableme nt. Elles
formelle, ce qui signifie qu'il n'est pas du tout question d'un ont codéterminées par une finis, par une fin où l'être est
quelconque rapport religieux de l'être humain à son Dieu. véritablement ce qu'il est, et vers laquel le tend chaqu e étant.
Tout mouvement requiert un moteur et puisque ce processus En termes grecs, l 'être qui forme le sol de la preuve de
ne peut pas se poursuivre à l'infini, il faut qu'il y ait un primurn <l'existence de> Dieu est Ktvouµi::vov, no10uµcvov, µcta�ÀTJttK6v,
movens, et ce dernier est Dieu. Ce n'est pas la preuve elle­ KaÀ6v , téÀEtoV. D ans ces caractères, on peut aperc
evoir en
même qui nous intéresse, mais uniquement ce qui en constitue toute netteté les catégories essent ielles à traver s lesque lles
le sol, en l'occurence la res dans le caractère du moveri. l'ontologie grecq ue appréhende les npayµata, les chose du s
La deuxième preuve vise Dieu comme causa efficiens prima. ommerce immé diat, les choses telles qu'ell es se donne nt là à
Le monde qui est là est vu comme une concaténation de [1 9 1 ] portée de la main .
causae efficientes (notciv - naoxi::tv) . Le monde consiste en [ 1 92] Que l 'être au sens des catégories fondamentales de
chaînes d'efficiences, être signifie produire un effet. Cet être l'ontologie grecque soit bien le sol à partir duquel l'être de
requiert, à titre d'explication ultime, une causa e.fficiens prima ; ieu est déterminé, c'est ce qui apparaît en toute lisibilité dans
la quaestio ' su ivante où le problème est de savoir
l'étant qui met lui-même en œuvre <l'ensemble de la série> ce qu'est
doit avoir le caractère de la causa efficiens prima . i u à propre ment parler , ou encor e comment déterm iner cet
:
I l , a r t i u l us I l l . 1 . Thomns d ' A q u i n , Surnma theologica, pars p r i m a
, si
quae t o L J J De dei sim­
1 . Thomas d'Aquin, Swnma theologica, pars p r i m a , q u ac s t i o
2. Aristote, Physique, v 1 1 1 5, 256 a 9 ; 7, 260 a 5. pli ' Î l t l l '.
210 Retour à Descartes Retour à l'ontologie scolastique 21 1

être de Dieu. Saint Thomas considère que l'être de Dieu est considérer qu'une) s'appuie sur les conclusions de la quaestio
un e�s simplex excluant toute composilio en quelque sens que précédente, à savoir Deus est le summum bonum non per par­
ce s01t. Nous n'allons pas envisager cette quaestio dans sa tota­ ticipationem, et ne peut donc contenir aucune materia. Le prin­
l �té bien qu'elle soit de la plus haute importance pour la ques­ cipe d'individuation n'est pas la materia mais son être
tion �t les connexions qui nous occupent. On voit que spécifique en tant que forma et qui se fonde sur le fait que
question de la preuve de l'existence de Dieu, la question de ll aa cette forme est telle qu'elle ne peut être accueillie dans aucune
détermination de son être, prend son orientation sur le sol de materia. Le principe d'individuation est certes ici la materia,
l '.être du m�nde auquel elle retourne constamment. La quaes
tw I I I a ceci de particulier qu'elle se réfère constamment à l a
­ mais elle l'est négativement : dans la mesure où la matière est
quaestio qui la précède, ce qui montre bien que l'être de Dieu
ce qu'elle est, elle ne peut pas entrer de manière pertinente
avec les cinq caractères indiqués, a déjà été fixé. La quest dans la détermination de l'être de Dieu lui-même.
io1;
de savor_ r utrum Deus sil corpus (article 1 ), s'il y a dans l'être L'article 3 comporte la détermination essentielle, à savoir
d � Dieu quelque chose comme la materia, reçoit une réponse que, pour l'être de Dieu, essentia et esse (l'essence et l'exis­
_ et cela en se référant à la patristique où ces tence) sont identiques. Il ne peut pas en être autrement car il
neg� tlve : , un questions est parfaitement impossible de faire des distinctions réales en
avaient JOUe grand rôle dans la lutte engagée contre les Dieu. Cette preuve comme quoi Dieu contient son propre
gnostiques et les manichéens. Au Moyen  ge, elles étaient esse repose entièrement sur une conception de l'essentia
devenues plus ou moins sans objet . orientée sur 1 '6pmµ6ç. L'essentia de l'homme, l'humanitas ne
Artic le 2 : utrum in Deo sil compositio formae et mater comprend pas la totalité des déterminations de l'être concret
s'il y a en Dieu une composition de matière et de forme. iae E� de l'homme : non est totaliter idem homo, et humanilas.
tant que primum movens, Dieu est actus purus, en tant que L'humanitas est la pars formalis hominis, ce qui implique
maxime ens, il est primum bonum, il ne peut pas y avoir en l u i qu'une autre partie est codéterminante. En Dieu, homo et
de la mat�ria � t il est privé de toute compositio. Le fait que l a humanilas, c'est-à-dire Deus et Deitas sont identiques. L'être
forma s01t pnse (en renvoyant à Platon) comme une guise de la déité en tant que telle est l'être de Dieu. Oportet quod
une transformation essentielle de l'ontologie aristotélicienne.à
d'être, comme étante et constitutive de l'être, correspond Deus sil sua Deilas, sua vita : dans son être même, Deus est sa
propre vie. La question de la détermination de la concomi­
�� question s'éclaire à partir d'une des objections (la troi­ tance de l'essentia et de l'esse avait une grande importance au
sieme) : materia est principium individuationis ; les chose Moyen  ge ; ces problèmes y ont été amplement discutés et
prennent tel aspect déterminé lorsque la forma est délimitée ets c'est pourquoi toute une série de traités nous ont été trans­
limitée par la materia. Sed Deus videtur esse individuum ; non mis sur ce sujet comme le De ente et essentia.
enim de muftis praedicatur. Ergo [193] est composilus ex mate­ [ 1 94] L'article 4 aborde cette question de 1'identitas de
ria et forma '. Cette objection caractéristique montre quel était l.'essentia et de l'esse sous un nouvel angle puisque l'interpré­
l� sens fondamental de la catégorie d'individuum au Moye tation n'est plus centrée sur l'être de Dieu en tant que com­
Age : non de multis praedicatur. L'esse individui est vu sousn positum possible, mais que l'être de Dieu est compris comme
l'angle de la prédication. Le concept d'individuum a surgi dans u n e détermination directe de l'essentia. Ensuite (article 5) la

l'ontologie grecq ue. La preuve de saint Thom a ( po u r ne'e nà


le cadre de l'orientation ontologique forme lle et ramèn 1 u s t i o n est de savoir si l'être de Dieu peut être placé dans
un genu.s quelconque - cette question ne relève pas de la
1 i q u e formell , mais a une dimension essentiellement onto-
n' 'SI p u s '11 ·ffcl
1 . _ Ibid. , art i c u l u s I l . [ M a i s D i e u paraît ê t re u n i n d i vi d u ; i l 1 7 e t 8) : Deus nullo
compo s de m a t i ' r ' 1 I · l'o ri n . 1
i q u . � n fi n u n e réca p i t u l a t i on ( a rt i c l e s
prédiqu é de plusieu rs SUJCls. Donc il est
11wdo ·ompositus sed ornnino simple .
212 Retour à Descartes

Pour ce qui nous concerne, il résulte de ce qui précède que


le verum est orienté, dans son être, sur l'esse creatum, que
l'esse creatum est lui-même appréhendé catégorialement dans [195] Cinquième Chapitre
les catégories fondamentales telles qu'elles ont été configurées
par l'ontologie grecque avec Aristote ce qui fait que d'emblée Le souci de connaissance chez D escartes
plus aucune question originaire n'est posée mais que Dieu est
d'emblée perçu dans la perspective et . les déterminations de
l'être qui ont été fixées par l'ontologie traditionnelle et qui se
donnent dans une interprétation déterminée de l'être du
monde. Ces déterminations fondamentales sont celles qui
déterminent par conséquent l'ens creatum dans son acception
la plus large. Au sein de l'être ainsi déterminé, l'être de
l'homme doit être envisagé lui aussi dans le cadre de l'être de
l'ens creatum et c'est à partir de lui qu'il faut voir la natura Nous allons voir maintenant comment le souci de connais­
hominis et la perfectio de cette natura. Cette ontologie prédé­ sance se trouve prédessiné et déterminé chez Descartes d'une
termine l'être spécifique du connaître, l'être du souci de manière bien particulière, comment ce souci ouvre et ce q u il '

connaître, et elle prédétermine du même coup - dans la


ouvre à titre <l'étant effectif et avec quels caractères d'être.
mesure où le verum est ce qui importe à la connaissance - ce
sur quoi se porte le souci.
§ 34. La détermination cartésienne de l'être
du connaître en tant que jugement dans l'horizon
de l'être comme creatum esse

II n'est pas possible ici de montrer comment le Moyen Âge


a transformé l'ontologie grecque et les questions déterminées
qu'elle véhicule. II faudrait pour cela prendre en considéra­
tion toute la sphère d'influence de la problématique théolo­
gique et l'influence qu'elle a exercée sur la philosophie.
Avec l'interprétation que nous avons développée, nous nous
sommes procuré la base de l'élucidation qui va suivre, si tant
st que, dans la perspective d'une recherche radicale, l'inter­
prétat ion de la philosophie aristotélicienne s?it bien l'é�ément
d cisi f pour engager, sur la base de connexions concretes, la
tâche q u i e s t la nôtre, c'est-à-dire pour engager la question
ri l 'être de la connaissance. Nous avons appréhendé l'être de
\a connai ·a nce comm un souci d app rop riation du vrai. La
'

d 'at.t}ourd 'h ui n o us a fou r n i le cha m p thé-


tTia t i 1 u ». N us avon i nt rrogé crit i q uement
214 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 215

ce champ thémati que quant à son caractère d'être, un ques­ règles déterminées. Cela suppose une régulation (Regel­
tionnem ent qu'il va s'agir de motiver , ce que nous allons nahme). La caractérisation de la connaissance comme souci
faire en mettant en œuvre la recherche elle-mê me. devient pour la première fois explicite en toute lisibilité dans
Nous avons obtenu deux choses : 1 ° nous avons déterminé cet être du connaître considéré comme judicare et dans la
en mettant en lumière le sens d'être du verum, ce que vise le' régulation qu'il implique. Cet être en souci, en tant qu'obser­
souci de connaître [ 1 96]. Ce souci prend en souci le vrai, vation de la vérité au sens où il s'agit de se soumettre à
l'appréhension de la vérité, la poursuite de la vérité. En sou­ des [197] règles déterminées, a donc prédessiné des chemins
mettant à discussion le verum quant à son esse, nous avons déterminés à son plein déploiement. En ce qui concerne le
fixé dans son sens d'être ce que vise le souci. 2° Dans la mode d'accomplissement <du connaître> lui-même, puisqu'il
mesure où l'être de la connaissance est une cogitatio et où la s'agit d'obtenir, pour le connaître ainsi compris, un sol qui soit
cogitatio appartient au domaine de ce qui est déterminé conforme à la regula, le connaître doit s'accomplir comme un
comme res cogitans, dans la mesure aussi où la res cogitans continere et un abstinere. Se contenir et s'abstenir, c'est là le
est déterminée comme un esse percept um, où le percept um e n mode d'être spécifique du dubitare. Ce mode d'accomplisse­
tant que tel est une res percepta et où la res percepta est ment du connaître prédétermine du même coup le chemin à
conçue comme un verum, dans la mesure enfin où le verum suivre pour s'approprier le connaître. Le dubitare emprunte
est vu dans la perspective de ce qui le fonde, il apparaît que un chemin qui passe par les différents chemins possibles
le caractère d'être de la cogitatio au sens de connaître se offerts au saisir. Sur ce chemin, le dubitare et l'intelligere sont
déterm ine fondam entalem ent comme creatum esse et appar­ mis en œuvre d'une manière telle qu'ils finissent par tomber
tient, en tant que ce creatum esse, à la res cogitans . La res sur quelque chose d'indubitable, quelque chose qui satisfait,
cogitans constitu e l'être de l'homm e et le caractè re d'être dans son être, à ce que signifie la regula.
de la res cogitans prédétermine du même coup l'être de Pour nous, la question est la suivante : en quel sens le souci
l 'homme . de connaître, compte tenu de l'être du cogitare que nous
Il faudra nous demand er comme nt Descar tes, sur la base avons mis au jour, est-il ouvrant dans l'accomplissement du
de cet horizon, déterm ine plus exactement l'être de la cogni­ judicare ? Le judicare ouvre-t-il quelque chose au premier
tio, du connaît re. Il nous faudra expliquer pourqu oi J a chef, ou bien se borne-t-il à rendre visible ce dont on est
connaissance est appréhendée chez Descartes en mettan t déj à assuré ? D ans la mesure où il s'avère que le souci de
l'accent précisément sur le j ugemen t, sur le judicare. En quoi connaître n'ouvre qu'en apparence, qu'il se borne à rendre
cette déterm ination, dans cette accentuation, trouve-t-elle sa explicite quelque chose dont on est assuré par avance, la per­
motivat ion dans la position fondamentale de l'être d u cée décisive fait apparaître l'être spécifique du souci au sens
connaître e t d e l'homm e ? Dans quelle mesure cette déterm i­ d'un rassurement. Tous les caractères du souci sont repris
nation fondam entale de l'homme prédess ine-t-el le le chemin dans ce phénomène fondamental. Cet être du souci de

,/
sur lequel, en accomplissant le judicare, on atteint la perfectio connaître révèle en même temps le mode d'être de la vie. Les
hominis qui consiste dans l'assecutio veritatis ? Dans la caractères d'être du souci de connaître qui ont été mis en
mesure où l'être de l'homme est un perfectum esse, m a i s u n lumière sont des guises déterminées de l'être du Dasein. Il
perfectum esse où l 'errare est présent, si b i e n que l e venm·1 (a u t a l ors éta b l i r ce que signijïe Dasein lui-même, ce qu'est ce
n'est qu'un medium esse, l'erreur est quelque chose q u i doit a ra t ère fondamental du Dasein qui s'exprime dans le da de
être surmonté pour que la perfection de l 'h o m m e soi t com­ Dasein, dan le « l à » de l'« être-là » . On verra qu'un phéno­
plète. L'être de l 'hom me doit être délivré de t o u te rr u r. du Oas>in t !' �,Ire-à-découvert (Entdeckheit). L'être­
uv 'rt st un a ra l r r ndF1 m ntal cl u « là » et détermine
Pour être parfaite , l a con n a i ssance d o i t ·e o u m l l r à d 's
Retour à Descartes
Le souci de connaissance chez Descartes 217
216
et positivam1• Je
l'être spécifique du Dasein au sens d'être dans un monde. En tum Dei, sive entis summe perfecti realem quod ab omm.
vois en même temps [ideam] nihili, sive
ejus
ayant en ligne de mire ces phénomènes fondamentaux, nous
serons mis en état de discuter concrètement le sens véritable perfectione summe abest2• [199 ] Je vois cet
�tre doub.l � : l'e�s
summe perfectum et le nihil, dès lors �u �
Je �� saisis m01 -
du phénomène qui nous accompagne constamment, le verum,
la 1 e�p�nen ce fond

et de voir comment, du seul fait que (198] nous sommes mêm e comme que lque chose. C'e st
nud ite : en . tant qu.e
men tale dan s sa spécificité et dan s sa
nihil ��e 1e ne su�s
nous-mêmes et portons nous-mêmes, d'une manière bien
le
que lque chose, ce n'es t pas rien . J'ai
Je m'expe nm ente �01-
déterminée, une charge d'histoire, cette explication de l'être
dans la perspective de l'àÀ:r10tç a dévié au point de recouvrir pas , il m'est don né du même coup.
pas comme Die u,
entièrement cet être qui a fini par ne plus être qu'un produit même com me que lque chose, mai s non
me co?'1me u� ens
objectif et universel. Nous atteindrons ce faisant quelque sum me perfectum, et je me sais is moi -mê et a vrai. dire la
nt,
chose qui entre d'avance dans les intentions de ce cours, à medium un être situé entre Die u et le néa
rminée que l'êtr.e
situatio� de mon être est tout autant
savoir non pas critiquer, mais ouvrir des phénomènes positifs déte
i perfectum, mai s
un
sur la base de considérations concrètes. La question porte sur entre lequ el je suis plac é. Je suis moi auss
un med ium perfectum ; je suis un ens crea
le caractère d'être de la conscience, et sur le souci dont elle tum et, �n tant que
né�esss aireme �t un
tel, un perfectum, mêm e si ce n'est pas
par-!�1t, qm. est fait d�
procède ; il s'agit de savoir si ce souci de connaître peut légi­ .
timement prétendre à la radicalité ou bien si ce n 'est pas bien sum me perfectu m. Un fact um qui � s � ,
plutôt le retour au thème du « Dasein » qui va rendre pour la u a une fm determi­
part en part, et cela en étan t porte 1 usq
tel aspect. � escart�s
première fois effectives les possibilités de la recherche phé­ née de lui-même où il présente tel ou
en s'ex amm ant . lm­
noménologique. En ce point, nous avons à faire face à un détermine plus avant cet ens medium.
�nt cette res �m est
qm n est pas Die u. Il
problème de méthode : de quel droit avons-nous entrepris même quant à ses pos sibi lités , �n examm ,
d'interroger la phénoménologie quant au caractère d'être que lque chose, qui n'es t pas nen et
de ce qu'elle prend pour thème ? C'est bien pourtant ce découvre che min faisant que la cogitati
o au sen s de vo �u��a�
véri table possib� hte
est cette possibilité d'être où perce la
l'ens me�ium ratwne
qu'il nous faut faire sur la base de l'interprétation que nous .
avons développée, avec cette réserve que la considération d'être : cett e détermination d'êt re de
Dei me �eferre
radicale correspondante, la discussion du fondement de cujus imaginem quandam et si� ilitudi.nem, etre
1 de J? ieu au
intelligo3, où je m'aperçois que J y a:tems . e par ceci que le
A
l 'être, ne pourra pas être menée à bien parce qu'il est
impossible d'engager ici une interprétation de l'ontologie
plus haut degré. Le medium ens se dete
:mm
grecque. a proprement par ler,
mode d'être au sens de voluntas est, ,
Avec nos deux interprétations, celle de Descartes et de en son sen s ven·t able,
parfait. Ce qui constitue la voluntas
saint Thomas, nous avons obtenu, je le rappelle, la détermi­
c'es t la determinatio, et la determinati
o comme telle es� une
nation d'être du creatum esse et donc celle du verum, c'est­ prement d�t est
à-dire ce qui est visé par le souci. Avec le creatum esse, nous determinatio in bon um. Le medium ens pro ectum, mais, en
don c l a voluntas. Cet ens est san s doute
perf
avons obtenu l'être de la cogitatio, et du même coup l 'être de
J . D e scarte s Meditalio IV, op. ctt. ,p. 6"1 . [J e 1·ema rque. qu'il ne. se présente
positive idée de Dieu , ou bien d un et1e
·
l'intelligere, l'être du connaître lui-même . Nous cherchons , _ .

maintenant à savoir comment Descartes détermine l'être de pas seule ment à ma


cet être-connaissant qu'est l'homme sur l 'a rr i ère- pl a n de l'êt re
pensée une réelle et

· . d e ce q ui est infini-
. du néan t , c , est-a, -due
2 . fbirl. \ U ne e rl.éli n e idée
ouve raine men l parfa i t .]

. .
négauve
mis en lumière comme creatum esse.
En considérant le fondement d 'ê t r q u i a é t 111 1 a u
111 · n t
p. (-6. \
loi n d tout' sorte de perfection
.)
r ,.
ît re q ue je po te \ imag e et la 1 essem
blanc e
Ù ' ( j 'L I. \
. . Ibid., u i me fai t eonM
j our, l e creare, Descartes d i t : anirnadverto r ideam ] non tan-
21 8 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 219

tant que medium perfectum, ce n'est pas un summe perfec­ gence des choses afin que soit garantie l 'appropriation effec­
tum, ce qui signifie que cet être déterminé a donc une possi­ tive de ce qui est en cause.
bilité relativement à la perfection absolue. Cet être apparaît
donc comme celui de la voluntas. Dans la mesure où Descartes,
dans toute sa recherche, a en ligne de mire la connaissance et § 35. La régulation du jugement :
voit l'être de l'homme à partir de là, il doit nécessairement la clara et distincta perceptio
déterminer fondamentalement l'être du connaître, et donc comme règle générale du connaître
l'être de l'homme, comme judicium. Car c 'est alors seule­
ment que l'être de [200] l'homme se relie, dans son être, à la L'interprétation de l'être du connaître suit des étapes déter­
summa perfectio puisque le judicium représente un modus minées dont l'optique conduit Descartes à une conception
volendi. Judicium équivaut à assensionem p raebere, donner [201 ] particulière du connaître entendu comme judicium,
son assentiment. cette détermination étant introduite dans les déterminations
La raison pour laquelle le sens de la poursuite de la vérité fondamentales de l'être de l'homme. Le connaître ainsi entendu
s'oriente sur l'assecutio veritatis est à chercher dans le même prédessine pour lui-même sa propre possibilité d'accomplisse­
moment que celui qui conduit à déterminer l'être de ment. Cette détermination fondamentale de l'être du connaître
l'homme en considérant que son être proprement dit est dans comme judicare fait que le judicare doit se soumettre à une
la voluntas. Tous les modes d'accomplissement du connaître règle qu 'il pose de lui-même. L'interprétation de la règle va
en tant qu'abstinere et continere sont déterminés par ce nous apporter une vue plus précise sur le caractère d'être de
même caractère d'être ; et ce qui se trouve du même coup la connaissance en tant que souci . Ce connaître s'accomplit
prédessiné, c'est la manière dont il est possible d'atteindre le sur le mode du dubitare dans le but d'assurer un sol qui soit
non errare en conduisant correctement ses moyens de conforme aux réquisits du connaître. Le connaître ainsi assuré
connaître . Acquérir et déployer un habitus non errandi exige n vient à ouvrir un domaine d'être bien déterminé, celui qui
de fixer constamment le regard sur ce que les règles donnent a été thématisé comme conscience.
d'avance en demandant qu'on l'observe et le suive. Développement de l'interprétation de la régulation <de la
Il nous faudra encore montrer comment la façon de conce­ connaissance> : ce qu'est la règle, d'où elle vient, ce qu'elle
voir la régulation <de la connaissance> se trouve également implique*. D escartes compte l'idea de la liberté et l'être-libre
prédessinée sur la même base ontologique de l'esse creatum au nombre des expériences qui sont données avec le sum res
et sur la détermination corrélative de l'intelligere comme ·ogilans. Libertatis autem et indifferentiae, quae in nobis est,
judicium. Vous voyez à quel endroit le verum apparaît chez nos ita conscios esse, ut nihil sit quod euidentius et perfectius
D escartes dans son interprétation du connaître comme judi­ omprehendamus1 . Il n'y a rien qui ne soit saisi evidentius et
cium, et comment il tend à se rapprocher de ce qu'on entend J rfectius que le fait fondamental de la liberté. Descartes met
aujourd'hui par validité au sens d'un être dont on est cert a i n . i i d reche f en avant, dans sa détermination de la libertas, le
Ici s e trouve accompli l e premier pas dans l é loi gn e me n t d u ncept de liberté qu'il a en réalité rejeté : libertas et indife­
f
r nlia. ( Descartes était conduit à agir ainsi pour que sa philo-
'

sens effectif d e l'àÀ:r10tc; .


" ( 'f. , c ' sujet, A nnexe, corn pl· men t 23, p. 333 sq.
Un travail exploratoire de ce genre m e n a u cœu r de l a
1 . 1 'S art 'S. ! 'ri11cipù1 ph i/osophiae, pars prima, § 4 1 , p. 20. (Nous sommes
recherche elle-même ne p e ut p a s pre n d r
a rg ume n t at i o n généra l e et a bs t ra i t ; il p r '
' fél i::;a n l n 11ussi t · J I ·111 ·nt nssurés d l<l l i h • rt · 1 de l ' i n d i ff rcn
< l'int
e qui est en nous, q u ' i l n'y
sort que cha u n d s pas q u ' i l a · o m p l i t so i t p u i s I l i- 11 l'i n 1 u • 1 H us ·onn11issic ns 1 lus cluir · m · n l . I
220 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 221

sophie puisse être reçue dans les collèges jésuites. Il s'est maintenant plus précisément cette règle, cette guise qui
efforcé de trouver un manuel approprié qu'il lui a suffi de conduit le verum à se présenter et qui devient du même coup
reprendre pour intégrer en douceur l'enseignement des Jésuites. un critère pour l'assensus. [203]
Les Principes sont un texte mû par des orientations bien 1° Considérons ce mode d'encontre du verum lui-même :
déterminées ; mais d'un autre côté, ce texte est structuré de a) quant à son origine. Où la supposition selon laquelle le
façon très claire et très scolaire pour pouvoir être utilisé dans verum doive faire encontre de telle ou telle façon a-t-elle été
les écoles.) Le connaître doit donc être appréhendé d'une obtenue et puisée ? b) Quelle est la conception de la saisie de
manière telle [202] qu'il puisse être déterminé comme cette la vérité qui confère à la règle sa légitimité ? Comment le
cogitatio qui est un modus volendi, et c'est cette détermina­ mode d'encontre requis pour le verum est-il soumis lui-même
tion du connaître qui oblige à caractériser le connaître comme à la règle ? 2° Considérons la façon dont la règle est prise
judicium. Le judicium se caractérise par l'assensus, par l'assenti­ elle-même comme règle, comment un souci bien déterminé
ment donné à ce qui est proposé à la voluntas par la percep­ s'y fait jour, sous quelle forme ce qui est à régler se trouve
tio . Le connaître pris en ce sens est un mode d'être de l'être posé dans la régulation <de la connaissance> elle-même.
de l'homme, lequel est en même temps confronté à la possi­ 3° Considérons comment le verum fait encontre dans la régu­
bilité de l'erreur. Pour que l'homme puisse accéder à son être lation <de la connaissance>.
proprement dit, il doit s'attacher à accomplir l'être du La règle à laquelle Descartes soumet le connaître est la
connaître en évitant l'erreur. Cela veut dire : il doit y avoir clara et distincta perceptio. Considérons donc d'abord ce que
une disposition et une sûreté telles que là où il y a un non signifie perceptio et ce qu'il faut entendre par clare et dis­
liquet, c'est-à-dire un « ce n'est pas clair », le jugement s'abs­ tincte. Descartes emploie souvent perceptio dans le même
tienne d'assensus . L'habitus doit donc être déterminé plus sens que apprehendo, deprehendo, animadverto : percevoir
précisément comme un continere et abstinere au sens de quelque chose en lui-même. Dans les Principes, Descartes
s'abstenir d'assentir. Dans l'idée de perfectio, se trouve déjà distingue deux modes : le modus percipiendi, le modus
prédessinée la nécessité que ce qui est proposé au jugement volendi1 . Dans le premier modus, il range le sentire, l'imagi­
soit donné selon une guise bien déterminée. La question est nari, l'intelligere la perceptio étant prise ici en un sens
-

donc celle-ci : comment ce qui est saisi dans la perceptio doit­ large qui inclut à la fois l'afoerimç et le pur vodv. Ce dernier
il se présenter pour que le jugement puisse être un jugement correspond à cette sorte de perceptio que vise la regula gene­
fondé ? Sous quelle forme le verum doit-il se manifester pour ralis. Pris au sens large, le percipere englobe tous les modi qui
que l 'assensus représente une determinatio in bonum ? La n'ont pas le caractère de la volitio, même s'il désigne aussi
saisie et la présentation de l'être-vrai doivent se soumettre à surtout tout ce qui est saisissable au sens de l'évidence spéci­
une direction déterminée au sens où, sous cette direction, le fique : percevoir, intelligere purement chaque chose en elle­
vrai se montre comme ce à quoi l'on doit donner son assen ti­ même. Les modi volitionis : cupere, adversari, affirmare, negare,
ment. Le vrai doit se montrer d'une manière teJle qu' i l dubitare. Une perception qui est sûre au point de pouvoir
devienne possible de décider à son contact s'il est possible ou fonder légitimement un jugement ne doit pas seulement être
non d'y assentir légitimement. Ê tre dirigé en étant soum is à u n e perceptio clara, mais aussi une perceptio distincta. Ces
une règle doit en même temps constituer un critère à l ' a u n d u x perspectives prédessinent donc en quel sens le verum
duquel se décide d'accorder son assentiment ou non. La règl d it fai re encon t re .
qui dirige l'assentiment, et sert de critère, doit comporter u n omment Descar tes détermine+il la claritas ? Il le fait à
indication de la manière dont la vérité doi t: fa i r e ncon l r ·
pour être à même de recevoir u n as ntim n t . on id ro n s 1. Jhirl. . * . . p. 1 7 .
222 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 223

l'aide des moments [204] qui entrent dans la caractérisation du Le distinctum est le moment spécifique correspondant à la
mode <l'encontre du verum1• 1 ° Le perceptum est ce qui est claire délimitation du clair lui-même. Il y a des perceptiones
saisi par un acte de saisie orienté expressément sur lui, par une claires qui ne sont pas par là même distinctes, mais il ne
mens attendens, par un esprit en tension vers une saisie qui est s'en trouve pas qui soient distinctes sans être claires parce
vivace lorsqu'elle tend à saisir en lui-même ce qui est à saisir. que la distinction est un moment fondé sur la clarté. Des­
Il y a aussi des perceptiones qui manifestent une certaine pré­ cartes l'illustre sur un exemple1 qui donne une indication de
sence, qui donnent quelque chose qui est là, mais où peut la restriction que ce critère introduit en propre. Lorsque
manquer l'orientation qui tend à saisir expressément ce qui est quelqu'un ressent une douleur intense, la douleur est alors
donné dans la perceptio. La perceptio doit nécessairement, si absolument claire pour lui en tant qu'elle est là, mais elle
tant est qu'elle doive être claire, prendre expressément ce qui n 'est pas nécessairement distincte. La plupart du temps, les
est à saisir dans le mouvement même où elle tend à s'accom­ hommes confondent ce qu'ils saisissent dans une claire sensa­
plir. 2° Le perceptum doit, pour la saisie ainsi caractérisée, être tion de douleur avec un jugement obscur sur ce qui, en un
présent. L'être qu'il s'agit de saisir ne peut pas m'être donné sens, est donné en même temps que la claire sensation de
sous la forme de quelque chose dont je me souviens. Je peux douleur, comme lorsque nous disons : la dent me fait mal, la
me souvenir de quelque chose, ce dont je me souviens peut jambe me tiraille. La douleur est donnée ici de façon absolu­
être donné clairement et même distinctement dans Je souvenir ment claire, mais elle n'est pas donnée distinctement : je
lui-même ; même si le souvenir peut donc donner l'étant lui­ localise la douleur dans la dent alors qu'elle concerne en réa­
même, il n'a pourtant pas la capacité de donner l'étant comme lité la res cogitans ; tandis que la douleur ne se donne phéno­
quelque chose de présent. La pure représentation de quelque ménalement, en l'occurrence, que dans la dent.
chose, qui donne son objet sans omettre aucun de ses Cet être de la connaissance comme judicium, c'est la
moments, n'a pas non plus ce pouvoir. 3° Le perceptum doit liberté de l'être humain en tant qu'être connaissant. L'être­
être là comme une res aperta. Descartes veut dire par là en libre est une propensio in bonum, c'est un être qui a la possi­
tout état de cause (nous n'examinerons pas ce point plus en bilité de l'errare. Mais cette propensio a besoin d'être dirigée
détail) que le perceptum gît là ouvertement, il est là en lui­ de façon à être contenue dès lors qu'elle n'a plus aucune légi­
même sans être recouvert en aucune manière et n'est pas non mité. Cette direction doit être donnée à l'être du connaître à
plus donné indirectement. 4° Ce qui gît là-devant en étant titre d'élément fondamental, elle doit fournir à l'assentiment
ouvertement présent doit être perçu d'une manière telle qu'il le sol auquel il assentit, et le fournir en réalité d'une manière
puisse satis fortiter movere l'acte de saisie dirigé sur lui . Ce qui telle que l'assentiment, tout en donnant son assentiment à
est saisi doit être présent et ouvert à un point tel qu'il prenne soi-même, sache en même temps clairement qu'il assentit à
pour ainsi dire dans ses filets le percipere qui va pour le saisir. bon droit. La règle qui doit régir le don préalable du fonda­
Ces quatre moments caractérisent la perceptio comme une mentum pour le judicare doit consister en ceci qu'elle garan­
perceptio clara . Pour être distincta2, une perceptio doit être
t i t le mode <l'encontre du verum pour le judicare et le
garantit d'une manière telle qu'il devienne possible de déci­
elle-même claire. Le moment du distinctum consiste en ceci
der si le judicare doit effectivement donner son assentiment,
ou bien s'il doit au contraire le refuser.
que la perceptio est sejuncta et praecisa, qu'elle diffère telle­
ment des autres perceptiones que la tot alité de l ' horizon de
clarté de la perceptio [205] se trouve du même cou p assu rée.

p. 2 1
2. Ibid. 1 . 1/Jid. * 46, p.
1. Ibid., § 45 , sq.
.
222 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 223

l'aide des moments [204] qui entrent dans la caractérisation du Le distinctum est le moment spécifique correspondant à la
mode d'encontre du verum1 • 1° Le perceptum est ce qui est claire délimitation du clair lui-même. Il y a des perceptiones
saisi par un acte de saisie orienté expressément sur lui, par une claires qui ne sont pas par là même distinctes, mais il ne
mens attendens, par un esprit en tension vers une saisie qui est s'en trouve pas qui soient distinctes sans être claires parce
vivace lorsqu'elle tend à saisir en lui-même ce qui est à saisir. que la distinction est un moment fondé sur la clarté. Des­
Il y a aussi des perceptiones qui manifestent une certaine pré­ cartes l'illustre sur un exemple1 qui donne une indication de
sence, qui donnent quelque chose qui est là, mais où peut la restriction que ce critère introduit en propre. Lorsque
manquer l'orientation qui tend à saisir expressément ce qui est quelqu'un ressent une douleur intense, la douleur est alors
donné dans la perceptio. La perceptio doit nécessairement, si absolument claire pour lui en tant qu'elle est là, mais elle
tant est qu'elle doive être claire, prendre expressément ce qui n'est pas nécessairement distincte. La plupart du temps, les
est à saisir dans le mouvement même où elle tend à s'accom­ hommes confondent ce qu'ils saisissent dans une claire sensa­
plir. 2° Le perceptum doit, pour la saisie ainsi caractérisée, être tion de douleur avec un jugement obscur sur ce qui, en un
présent. L'être qu'il s'agit de saisir ne peut pas m'être donné sens, est donné en même temps que la claire sensation de
sous la forme de quelque chose dont je me souviens. Je peux douleur, comme lorsque nous disons : la dent me fait mal, la
me souvenir de quelque chose, ce dont je me souviens peut jambe me tiraille. La douleur est donnée ici de façon absolu­
être donné clairement et même distinctement dans le souvenir ment claire, mais elle n'est pas donnée distinctement : je
lui-même ; même si le souvenir peut donc donner l'étant lui­ localise la douleur dans la dent alors qu'elle concerne en réa­
même, il n'a pourtant pas la capacité de donner l'étant comme lité la res cogitans ; tandis que la douleur ne se donne phéno­
quelque chose de présent. La pure représentation de quelque ménalement, en l'occurrence, que dans la dent.
chose, qui donne son objet sans omettre aucun de ses Cet être de la connaissance comme judicium, c'est la
moments, n'a pas non plus ce pouvoir. 3° Le perceptum doit liberté de l'être humain en tant qu'être connaissant. L'être­
être là comme une res aperta. Descartes veut dire par là en libre est une propensio in bonum, c'est un être qui a la possi­
tout état de cause (nous n'examinerons pas ce point plus en bilité de l'errare. Mais cette propensio a besoin d'être dirigée
détail) que le perceptum gît là ouvertement, il est là en lui­ de façon à être contenue dès lors qu'elle n'a plus aucune légi­
même sans être recouvert en aucune manière et n'est pas non mité. Cette direction doit être donnée à l'être du connaître à
plus donné indirectement. 4° Ce qui gît là-devant en étant titre d'élément fondamental, elle doit fournir à l'assentim ent
ouvertement présent doit être perçu d'une manière telle qu'il le sol auquel il assentit, et le fournir en réalité d'une manière
puisse satis fortiter movere l'acte de saisie dirigé sur lui. Ce q u i telle que l'assentim ent, tout en donnant son assentiment à
est saisi doit être présent et ouvert à un point tel qu'il prenne soi-même , sache en même temps clairemen t qu'il assentit à
pour ainsi dire dans ses filets le percipere qui va pour le saisir. bon droit. La règle qui doit régir le don préalable du fonda-
Ces quatre moments caractérisent la perceptio comme u n '
1nentum pour le judicare doit consister en ceci qu'elle garan­
perceptio clara. Pour être distincta2, une perceptio doi t ê l r · t i t le mode d'encontre du verum pour le judicare et le
elle-même claire. Le moment du distinctum consiste en cc i arantit d'une manière telle qu'il devienne possible de déci­
que la perceptio est sejuncta et praecisa, qu'elle d i ffère t e l l '­ der si Je judicare doit effectivem ent donner son assentime nt
ment des autres perceptiones que la total ité de l'horizon d · ou bien s'il doit au contraire le refuser. '
clarté de la perceptio [205] se trouve du m A me cou p a sur ·

t . Ibid., § 45, p.
1 . 1/Jirl * 4 6, r i.
21 sq.
2. lhid. .•
224 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 225

[207] qui font qu'une connaissance est une connaissance


[206] § 36. Origine de la clarté et de la distinction. scientifique. C'est de là que vient le concept spécifique de
L 'idée cartésienne de science science et de scientificité tel qu'on l'emploie en France sous
et les Règles pour l a direction de l ' esprit le nom de « science » , surtout en mathématiques et dans les
sciences mathématiques de la nature. Omnes probabiles
Quelle est l'origine de ces caractères déterminants : la cognitiones rejicere1, il faut rejeter comme non scientifiques
clarté et la distinction, d'où Descartes prend-il le droit de
- toutes les connaissances qui ne sont que probables. C'est en
préjuger que ce qui a été posé dans la regula generalis vaut ayant en vue cette idée de science que nous nous proposons
pour toute connaissance possible ? Si l 'on considère la règle de nous-mê mes la règle qui nous permet de nous hisser à la
uniquement quant à sa teneur, on ne voit pas du tout, au pre­ hauteur véritable de l'existence ( Existenz ) humaine et scien­
mier abord, en quoi cette règle, et ce qu'elle dit, doit ren­ tifique. Descartes dit ici : si nous voulons prescrire à la
voyer à un domaine d'objet déterminé. La règle ne dit rien recherche des règles qui soient conformes à l'idée de science,
sur le caractère objectal spécifique de ce qui doit être saisi la première chose à faire est de bien voir les règles. Circa illa
conformément à cette règle. La teneur de cette règle ne per­ tantum objecta oportet versari, ad quorum certam et indubita­
met pas non plus d'établir quelle relation appréhensive est ici tam cognitionem nostra ingenia videntur sufficere2• Ce qui est
spécifiquement visée, si ce percipere concerne simplement un caractéristique, c'est donc que le sens de l'idée de science
mode déterminé d'accès à l'étant et de commerce avec l 'étant prédessine un domaine bien déterminé d'objets qui sont seuls
en tant qu'objet du connaître. Le sens dans lequel le perci­ de nature à venir en considération au premier chef à titre
pere se rapporte à son objet est purement formel, général el d'objets possibles d'une recherche scientifique. On prédes­
indéterminé . La règle est une règle pour la connaissance el sine des domaines bien déterminés d'objets qui relèvent
en vérité pour l a connaissance scientifique. Prenons pour fi 1 d'une recherche scientifique, et d'autres qui en sont d'emblée
directeur l'idée de science dont part Descartes et demandons­ exclus. Même si la règle ne dit rien sur les objets quant à leur
nous d'où cette idée a été puisée. D'où Descartes a-t-il tiré sa teneur réale, elle se prononce pourtant sur l'ensemble du
conception déterminée de la science ? Y a-t-il des enseigne­ domaine d'expérience possible en prédessinant des objets
ments de l'histoire de la connaissance qui auraient été pour déterminés conformes à son sens.
lui déterminants et où il aurait puisé cette idée déterminée Descartes détermine plus avant cette idée de science dans sa
de science ? Si l'on voulait mettre au jour cette origine avec tructure en la caractérisant comme cognitio certa et evidens.
toute la rigueur requise, i l faudrait procéder à une interpréta­ es moments constitutifs de la science comme telle sont :
tion intégrale des Regulae ad directionem ingenii1• N ous al lons J 0 l'intuitus, 2° la deductio3• Au lieu d'intuitus, on trouve aussi
simplement fournir ici les éléments les plus indispensables à experientia : notandum est, nos duplici via ad cognitionem
ce sujet. r•rum devenire, per experientiam scilicet, vel deductionem4• Le
Descartes détermine la science com me une connaissa nce oncept d'experientia est J e concept aristotélicien d'È7taycoyi],
caractérisée de manière déterminée : omnis scientia est cogni­
tio certa et evidens2 . Certa et evidens sont les deux m o m e n t s p. 3.
ibid., p. 2. [ l i ne faut s'occuper q ue des objets dont notre esprit paraît pou­
1 . 1 bid.,
2.

. 1 esca rtc s , Regula Ill, op. cil. , p. 5 .


voir a t t e i nd re une con n aissance certaine et indu bitable. ]
1 . Descartes, Regu/ae ad direction.em ingenii, d'après l 'éd i t ion origi mile d ·
4. es <lrtcs, l?egula Il, op. cil. , p. 4. / l i nous faut remarquer q ue nous parve-
2. Descartes, Regu la Il, op. cil. , p. 2. / Toute science est u n · con n < i issnn · • · · r­
1701, éd. par A. Buchenau, Leipzig , Dürr'sche B uchha n d l u ng, 1 907.
11ons p 1r unt: doul 1 • voie la con naissance des choses, à savoi r par l 'expérience
i u pur lu 1
taine et évidente. ] ·
lu ·L ion . J

1 1
226 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 227

conduire [208] jusqu'à la chose en cause elle-même ; ce n'est façon générale, a [209] pour fonction de donner au préalable
pas l'èµm;1pia, l'« expérience » au sens d'« empirie ». Ces deux l'objet, à l'instar du vouç. L'accent porte donc d'abord sur
moments constituent la structure de l'intelligere en tant que l'intuitus en tant que don préalable du fundamentum.
connaître scientifique. L'intelligere, envisagé dans une perspec­ En considérant l'idée de science ainsi comprise et sa struc­
tive scientifique, peut prendre la forme de l'intuitus et de la ture, la question qui se pose est de savoir s'il y a quelque chose
deductio ou encore de l'illatio, de l'inférence. de tel que la connaissance, et si nous avons déjà rencontré des
L'intuitus est ce côté de la connaissance prise dans son formes de connaissance qui donnent leurs objets en confor­
ensemble dont la fonction fondamentale est simplement de mité avec le mode d'accomplissement requis pour l'intuitus.
donner au préalable l'objet en genéral, les différentes fonc­ Ex quibus evidenter colligitur, quare A rithmetica et Geometria
tions du connaître dans son accomplissement véritable étant caeteris disciplinis longe certiores existant ; quia scilicet hae
toujours à comprendre, encore une fois, comme des judicia. solae circa objectum ita purum et simplex versantur, ut nihil
Chaque intuitus, envisagé dans son être véritable de connais­ plane supponant, quod experientia reddiderit incertum1 . Les
sance, est un judicare. Le passage suivant montre bien la objets de l'arithmétique et de la géométrie sont caractérisés
signification fondamentale que Descartes attribue à l'intui­ comme objectum purum et simplex, si bien que ces objets ne
tus : Omnis quippe deceptio, quae potest accidere hominibus, peuvent donner lieu à rien d'incertain pour une saisie qui se
dico, non belluis1, toute erreur dans le champ de la connais­ dirige sur eux. Les objets de l'arithmétique et de la géométrie
sance proprement dite, c'est-à-dire rationelle, nunquam ex ont en fait une objectivité qui les qualifie pour être des objets
mala illatione contingit, sed ex eo tantum, quod experimenta possibles d'une science rigoureuse. Sunt igitur omnium maxime
quaedam parum intellecta supponantur2• Le corrélat objectif faciles et perspicuae, habentque objectum quale requirimus2, que
de l'intuitus, ce sont les experimenta : ce qui est saisi comme nous exigeons compte tenu de la position de cette idée bien
tel dans l'acte pur et simple de saisir. Le fondement de l'erreur déterminée de la science. Solae supersint A rithmetica et Geo­
est que nous n'avons pas, dans le juducium, satis intellecta metria ex scientiis jam inventis, ad quas hujus regulae observa­
experimenta en tant que fundamenta, vel judicia temere et tio nos reducit3• L'application de la règle disant que ne sont à
absque fundamento statuantur3• C'est à l'intuitus accompli considérer que les objets saisissables dans une perceptio certa
comme il se doit qu'il revient de fournir les experimenta ser­ et evidens nous conduit aux sciences arithmétique et géomé­
vant de fundamentum à chaque judicare. En ce qui concerne trique, qui sont les seules disciplines scientifiques constituées à
la structure de l'intuitus, Descartes montre que l'intuitus n'est
pas un pouvoir spécial, mais nascitur a sofa rationis luce4, il
ce jour. Ainsi la direction imposée par l'idée de science mise
au point de départ implique de les référer à ces disciplines par­
procède et tient son être de la lumen naturale, de la raison ticulières que sont l'arithmétique et la géométrie. Descartes
humaine. L'intuitus est donc donné avec la lumière naturelle conclut l'exposé de sa deuxième règle ainsi : Jam vero ex his
de la connaissance elle-même et ce n 'est en rien quelque omnibus est [210] concludendum, non quidem sofas A rithmeti-
chose qui ne pourrait être déployé qu'en mettan t en œuvre
1 . Descartes, l?egula Il, op. cil. , p. 4. [De là se conclut avec évidence la raison
une méthode particulière de connaissance ; l'intuitus, d'une

1.
J our laquelle l'arithmétique et la géométrie sont bien pl us certaines que toutes
Ibid. [Toutes les erreurs où peuvent tomber, je n e d i s pas l e s bêtes, mais les i'S disciplines : c'est qu'el les traitent d'un objet si pur et si simple qu'elles

[Ne proviennent jamais d'une mauvaise i n fé re n , mais se u l e m e n t 1 2. Ibid. r " l i e · sont ai nsi les p l u s (aciles et les plus claires de toutes, et elles oat
hommes.] ·
1 1 'aclm llent abso l u m e n t rien que l'expérience ait rendu i ncertain.]
2. Ibid. ·

3. Ibid. [Ou b i e n l'on porle cles j u eme n l s à lu 1 g r • ' I s n n s fun l · men1 . I


ce q u'on admet certaines exp riences mal co m p ri se · . 1 u n objet 1. · J q ue ce lui que nous exigeons. ]
4 . D s a rt s, l?e1<11/n Ill, op. cil. . p. 6. !P r o v i ' 1 1 1 de l n s ·ul • l u m i r ·· cl • J:1 ru ison . I 1 r i • • 1 J 'mi l h 1 1 1é 1 i Jll ' , H l l x q u • 1 1 ·s l ' ohsc rv< 1 1 io n de n L rc r g l e nous ramène.]

3. l/1itl. , J 1. 3. j J 1 n subsisle pa rm i les sciences déjà constit uées que la géomé-
228 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 229

cam et Geometriam esse addiscendas, sed tantummodo rectum tible de nos jours de manière absolume nt fondame ntale
veritatis iter quaerentes circa nullum objectum debere occupari, dans la Logique de Husserl, laquelle veut être une mathesis
de quo non possint habere certitudinem A rithmeticis et Geome­ universalis. Descartes présente rapidemen t l'histoire de son
tricis demonstrationibus aequalemt. I l résulte de cette deu­ propre rapport aux disciplines mathématiques et à leur his­
xième règle non pas qu'on devrait se limiter, en tout et pour toire. Il explique qu'il avait remarqué très tôt que les
tout, à l'arithmétique et à la géométrie, mais que quiconque Anciens avaient déj à fait une série de découvertes dans le
cherche le droit chemin de la vérité ne doit pas s'attacher à domaine des mathématiques, mais qu'ils n'avaient pas réussi
d'autres objets que ceux ayant une certitudo égale à celle des à les fonder correctement. Sed in neutra Scriptores, qui mihi
objets de ces sciences. Il est dit par là en toute netteté et sans abunde satisfacerent, tune forte incidebant in manus1• Aucun
malentendu possible que l'idée de scientificité et en même de ces auteurs ne l'a satisfait au point que les disciplines
temps celle de la constitution des objets possibles d'une scientifiques puissent correspondre à l'idée de science rigou­
science sont prédessinées par la constitution des objets de la reuse . Descartes poursuit et montre, en s'orientant sur le
géométrie et de l'arithmétique. lumen naturale, que les principes de toute la connaissance
C'est en se référant à l'histoire de la connaissance et aux humaine y sont déjà disposés. Et quamvis multa de figuris et
disciplines qui en font partie que Descartes a élaboré son numeris hic sirn dicturus, quoniarn ex nullis aliis disciplinis
idée de science . Au Moyen  ge, en partie à la suite d' Aris­ tarn evidentia nec tam certa peti possunt exempta, quicumque
tote, les disciplines mathématiques étaient déjà considérées tamen attente respexerit ad meum sensum, facile percipiet me
comme les sciences les plus rigoureuses de toutes, mais ce nihil minus quam de vulgari Mathematica hic cogitare2• Même
n'étaient pas les plus hautes. La science la plus haute est la si je traite aussi ici de figures et de nombres, parce qu'on
théologie eu égard à son objet, Dieu. peut tirer de ces domaines des objets évidents, il est facile,
Comment Descartes a-t-il tiré son idée de science de cette aux yeux de quiconque voit correctem ent, de comprendre
expérience fondamentale de la science mathématique ? Qu'est­ que les réflexions que je développe ne concernent nullemen t
ce qui est à proprement parler mathématique dans l'arithmé­ la mathesis vulgaris au sens des disciplines traditionn elles,
tique et la géométrie ? Descartes s'est posé cette question mais que j'expose une certaine discipline qui est autre, une
d'une manière très originale en méditant sur l'histoire des di · cipline originaire dont celles-là sont dérivées : quandam
sciences, et c'est de cette méditation qu'est issue l'idée de aliam me exponere disciplinam, cujus integumentum sint
mathesis universalis. Il montre dans la quatrième règle qu'en potius quam partes3• La mathesis universalis4 est la fons5 de
méditant de façon plus acérée sur le cours de l'histoire des t u te les autres*.
sciences, et sur les structures des disciplines dites scienti­
[ . D e sc a r te s , Regula I V, op. cil. , p . 10 . [Mais, ni pour l'une ni pour l'autre, je
fiques, on découvre une mathématique originaire fonda­
mentale ayant un champ objectif bien déterminé qui est 11 r · ussissais à mettre la mai n su r des auteurs capables de
me satisfaire entière-
2. J/)id, p. 9. [ El bien
111 n i ." \
proprement ce d'où Descartes tient son idée [211] de science .
1111br s, pui q u 'on ne
que je sois ici amené à parler souvent de figures et de
Il y a là un curieux amalgame de considérations mathéma­ 11 peul demander à aucune autre science des exemples
vra fa ilemcnt que je ne songe ici à r ien moins qu'à la mathématiq
tiques et ontologiques, un amalgame qui est encore percep- 1 1 . vi 1 nts cl aussi certai ns, quiconque considérera attentiveme nt ma pensée
' 1p r
ue
]. Ibid, p. S. [De tout cela i l faut maintenant conclure, non poin t cert es q u ' o n , //JI I, I J' ·pose un n u t rc d isci p l i ne
rn d l n u i r '. I

ne doive étudier q ue l 'arithmétique et la géomé t ri e, mais seulement q ue ceux 1 purt i " n st t ua n L ·�- l
dont cel les-ci sont plutôt l'enveloppe
qui cherchent le droit chemin de la vérité ne doivent s 'occ u pe r d'aucun ?bJ 1 i\ 1 . Il /,
l l\ 1 i
propos duquel ils ne puissent obtenir une certitude ga l e aux d monsl rat ions le �. 1 /1 /. , p. 1 0.
'f .. ; suj • t ,
.
l'arithmétique et de la éom t r i e . I 11111'M'. • i n 1 1 1 11 1 • n i 4, p . . • 4.
230 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 231

[212] Il s'agit pour nous d'établir l'origine de ces deux mathématiques préexistantes, à la mathesis universalis signi­
caractères qui doivent régir le mode <l'encontre du verum en fie pour Descartes mettre au jour la manière dont l'idée de
tant que fondamentum de l'affirmation. Considérons pour ce méthode scientifique en général se laisse configurer à partir
faire la détermination cartésienne de la science en tant que de cette science. Les mathématiques ne prédessinent pas seu­
cognitio certa et evidens . Remarquons tout de suite qu'il n'est lement l'idée des objets de science possibles, mais fournissent
\ pas question ici de l'objet de la science mais que cette inter­ en même temps, dans une radicalisation déterminée, l'idée de
prétation de la connaissance scientifique est orientée sur l'idée la méthode et du même coup celle de la configuration de la
de certitude et d'évidence. La règle concerne, dans sa fonc­ méthode. La méditation sur la configuration de la méthode se
tion régulatrice, la connaissance comprise comme connais­ déploie dans le cadre d'une considération générale traitant
sance scientifique. Toute la réflexion se déploie d'avance de la possibilité de la science. Descartes est tenu ici de se
sans que soit visé un domaine d'être déterminé, c'est une prononcer, eu égard à l'idée de science qui l'anime, sur la tra­
réflexion entièrement formelle. En procédant ainsi, Des­ dition enseignée et sur la façon dont y sont abordées les
cartes établit que l'experientia fait partie de la fonction fon­ opinions traditionnelles. Il vise par là la scolastique qui tra­
damentale d'une scientia dans la mesure où elle prépare le vaillait en se référant aux autorités reçues dans les diffé­
sol sur lequel la science peut se développer. Le développe­ rentes théories et soumettait leur point de vue à discussion,
ment de la science lui-même est à mettre au compte de la mais pas à la façon dont Descartes le conçoit. Il dit à ce sujet
deductio. En considérant cette idée de science et l'idée de dans la troisième règle : Circa objecta p roposita non quid alii
structure scientifique qu'elle prédessine, demandons-nous si senserint, vel quid ipsi suspicemur, sed quid clare et eviden­
tout étant peut servir de fundamentum possible à une saisie ter possimus intueri vel certo deducere quaerendum est ; non
scientifique. Les objets doivent être tels qu'ils ne puissent aliter enim scientia acquiritur1 . Il ne s'agit pas de traiter de
donner lieu, dès lors qu'ils sont saisis, à rien d'incertain. Ils ce dont d'autres ont traité dans des domaines réais détermi­
doivent en eux-mêmes, de par leur teneur d'être, être nés, mais d'établir ce que nous pouvons saisir avec clarté et
quelque chose de purum et simplex. On voit par conséquent évidence. Nulle science ne peut être acquise d'une autre
se dessiner ce à quoi tend toute science visant une cognitio façon.
certa et evidens. La saisie d'objets simplicissima. Car plus les
objets sont simples, moins il y a de risque de laisser subsister
Cela montre que Descartes prépare déj à, non certes
directement mais indirectement, l'impossibilité d'avoir la
quelque chose d'obscur en les saisissant. L'idée de science moindre entente de ce qu'est la science historique telle que
prédessine la constitution fondamentale de ce qui peut être nous la connaissons aujourd'hui. On voit aussi comment la
objet de science. Les disciplines qui donnent lieu à des objets possibilité d'atteindre à la scientificité dans ce domaine se
de cette nature sont l'arithmétique et la géométrie. Cela trouve positivement écartée. Ce n'est pas un hasard si [214]
montre que Descartes a orienté son idée de science et de cette même impossibilité se rencontre dans la phénoménolo­
connaissance scientifique sur l'état de fait des discipli nes gie d'aujourd'hui, en l'occurrence dans son incapacité fon­
mathématiques, et à vrai dire non pas sous une forme pré­ damentale à avoir la moindre entente que ce soit de la
existante quelconque, mais -[213] et c'est Je point décisi f - connaissance propre aux sciences de l'esprit. De ce point de
il a orienté son idée de science et de con naissance scienti­
fique sur une conception qu'il a lui-même con figurée et e n l . Desca rtes , Regu.la LI/, op. cil., p. 5. [Touchant les objets que nous propo­
l 'occurrence sur l'idée de science q u 'il a posée a u d p a r t l a
, sons à not re ét ude, il faut rechercher, non point ce que d'autres ont pensé, ou ce
science comme clara e t distincta perceptio. E t à vrai dir ccl l t ion claire el vi l e nte ou cc q ue n o us pouvons déduire avec certitude ; car ce
q ue no us-mêmes nous ent revoyons, mais ce dont nous pouvons avoir une intui­
déma rche consist a n t à fai re ret o u r, e n deçà cl n' sl 1 as a u l rcni>nl q u 'on n a q u i ri la sci n ce J
,

dis ipl i n s · .
232 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 233

vue, il paraît assez bizarre de voir qu'on cherche aujourd'hui de position contre l 'histoire et contre l'histoire de la science
à se tirer d'affaire dans les sciences de l'esprit en appelant la elle-même : l'histoire n'est vue que comme un savoir d'érudi­
phénoménologie à la rescousse. Le fondement de cette ten­ tion [215) d'enjeu secondaire, tandis qu'aujourd'hui les choses
dance spécifique à considérer l'histoire avec une certaine sont inverses et quiconque considère la situation actuelle peut
hostilité se trouve chez Descartes, et, en fait, cette tendance constater qu'atteindre le fond des choses en menant simple­
prend chez Descartes sa motivation dans un tout autre hori­ ment une critique historique radicale relève d'une recherche
zon que celui qui prévaut aujourd'hui. philosophique possible. Quant à savoir si c'est bien .là de la
Il dit que l'étude des Anciens n'aurait d'autre fonction que philosophie ou non, c'est une question jugée sans intérêt.
de nous permettre de savoir ce qui a été découvert avant nous Après avoir récusé l'importance de la connaissance histo­
et de voir en même temps quaenam [. . . ] supersint excogi­ rique comme telle, Descartes distingue deux questions : 1 ° la
tanda1, ce qu'il reste encore à trouver. C'est l'histoire qui per­ méthode doit me permettre de ne jamais prendre un falsum
met de mener à bien ce genre d'enquête. En ce qui concerne pro vero ; 2° elle doit me permettre d'atteindre la connais­
la discussion des autorités dans la scolastique, Descartes sou­ sance de la totalité des objets pouvant venir en question.
ligne que cette discussion doit rapidement tourner court parce Vous voyez tout de suite que ces deux déterminations
que ceux qui ont réussi à trouver les points de vue défendables s'orientent sur les deux éléments fondamentaux de la
en chaque science ne sont pas très nombreux, mais au connaissance scientifique, l'intuitus et la deductio. L'intuitus
contraire fort rares : Et nihil prodesset suffragia numerare, ut doit être correctement dirigé pour ne pas fournir un funda­
illam sequeremur opinionem, quae plures habet Auctores. Nam mentum faux à la deductio. La méthode doit être telle que la
si agatur de quaestione difficili, magis credibile est ejus verita­ deductio progresse pas à pas à partir du fundamentum . Il n'y
tem a paucis inveniri potuisse, quam a multis2. Même si je a pas de science possible si ces deux moments ne sont pas mis
m'appropriais la totalité des démonstrations qui ont été trou­ en œuvre conformément à l'idée même de science.
vées jusqu'à ce jour, je ne serais pas capable pour autant de Descartes considère alors l'histoire des mathématiques au fil
conduire une recherche mathématique. Cela montre que Des­ directeur de l'idée de méthode prise en ce sens. Au cours de
cartes argumente en faisant fonds sur une vision déterminée cette considération, il s'aperçoit que l'histoire des mathéma­
de la science. L'opposition entre science et histoire est ici par­ tiques tend à prendre en un sens manifestement toujours plus
ticulièrement nette. Si omnia Platonis et A ristotelis argumenta rigoureux les domaines d'objet dont elle traite. Et jam viget
Legerimus, de propositis autem rebus stabile judicium ferre A rithmeticae genus quoddam, quod Algebram vacant, ad id
nequeamus3 : Même si j'avais appris tous les arguments des praestandum circa numeros, quod veteres circa figuras facie­
philosophes anciens, je ne serais pas encore en mesure de por­ bant1, si bien que les fruits sont issus de principes méthodiques
ter un stabile judicium sur les choses en cause elles-mêmes. innés en nous : fruges ex ingenitis hujus methodi principiis
C'est la situation scientifique de l'époque qui explique la prise natae2 . La configuration de ces principes résulte d'une matu­
ration spontanée [216) des possibilités fondamentales du
connaître qui sont logées en nous : nescio quid divini3• Même
. 2. Ibid. [Et i l ne ser� it d'aucun profit de compter les voix,
1. Ibid.
pour s u i v re l 'opi­
s'il se trouve que c'est maintenant précisément que les disci-
nion qui a le plus de repon d a n ts : car, lorsqu ' il s'agi t d ' u n e q ue s t i o n d i ffi c i l e il
_ la vellte, a son s uj e t . ] l . Descartes, Regula I V, op. cit. , p. 9 . (Et de
e�t plus vra1s�mbl�ble qu'il s'en soit trouvé peu, et non pas bea u co u p, p�u r
decouvnr nos jours on voit en honneur une
e
c rt a n i e s rle appelle algèbre, et qui est destinée à
d ' a ri t h mét i q ue, q u e l ' o n

q u e n o u s sommes i n cap a b le s de po r t e r u n j u ge m e n t assur


3. Ibid. [ S i nous avons l u to us les raisonnem ents de Platon
_ et d ' A rist ote, e t effe t ue r sur des n o m bres ce que les Anciens faisaient sur des figures. ]
nous p ro po se . ]
. . !bit!. IJ sais q u o i d d i vi n . !
s u r les s u j e t s q u 'on 2. J/Jirl. 1 Des fru i t s issus de� p ri n c i p es in nés d e cette méthode . ]
· n •
234 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 235

plines mathématiques livrent leurs fruits, celles-ci ne sont pas concerne l'ordo vel mensura1. Peu importe que cette mensura
encore parvenues à parfaite maturité (perfecta maturitas1). Je quaerenda sit, que cette mesure soit à chercher dans un
vais radicaliser ce à quoi aspire la connaissance mathématique. domaine réal déterminé : nombres, sons, ou figures spatiales ;
Je ne vais pas m'en tenir ici à un domaine particulier d'objets ac proinde generalem quandam esse debere scientiam, quae id
mathématiques, mais, en dépassant le contenu déterminé des omne explicet2, il doit y avoir une science générale qui explique
mathématiques, je vais m'élever jusqu'à la méthode elle­ tout ce qui peut être expliqué touchant l'ordre et la mesure en
même, jusqu'aux premiers éléments constitutifs de ce dont général sans faire référence à quelque contenu réal déterminé
s'occupe toute connaissance mathématique. Il désigne cette que ce soit. La mathesis universalis est donc la science formelle
idée comme mathesis universalis. Il donne aussi un certain des relations d'ordre et de mesure comme telles. La possibilité
nombre d'indications sur la formation de cette idée au cours de la mathesis montre que les disciplines mathématiques,
de l'histoire. Cum vero postea cogitarem, unde ergo fieret, même si elles se recommandent déjà par la clarté et par la sim­
ut primi olim Philosophiae inventores neminem Matheseos plicité de leurs objets, sont aussi capables de faire retour aux
imperitum ad studium sapientiae vellent admittere [µ110Eiç objets les plus simples. Toute science doit pouvoir être rame­
àyi::coµfap11wc; d0hco2] [ ] plane suspicatus sum, quandam eos
• • .
née à ses moments les plus simples. At ego, tenuitatis meae
Mathesim agnovisse valde diversam a vulgari nostrae aetatis3. Il conscius, talem ordinem in cognitione rerum quaerenda perti­
s'agit de reprendre cette idée et de la mettre en forme d'un naciter observare statui, ut semper a simplicissimis et facillimis
bout à l'autre, de faire retour à ce qui se cache derrière ces exorsus, nunquam ad alia pergam, donec in ipsis istis nihil mihi
connexions et de se demander quel est l'élément commun que ulterius optandum superesse videatur3. La mathématique vul­
visent toutes ces disciplines4• Pour ce faire, il s'intéresse gaire présente aux yeux de Descartes un certain ordre, auquel
d'abord au nom qu'on leur donne et observe que mathesis il donne alors une portée absolue en l'étendant à toute science
signifie très formellement disciplina (une doctrine, ce qui comme telle . L'essentiel est que cet ordre, tous ces ordres
s'apprend, ce qui peut être appris, ce qui est susceptible d'une soient explicités et maintenus de bout en bout dans l'accom­
communication intersubjective) , être mis dans les dispositions
plissement de la recherche. Car c'est alors et alors seulement
requises pour faire une expérience déterminée. La mathesis a
qu'il est possible de tirer des déductions en partant de fonde­
ceci de remarquable qu'on y met en œuvre la méthode mathé­
ments qui soient effectivement assurés. Car la deductio est le
matique sans se rendre expressément présent chaque fois ce
moyen qui permet de saisir l'intégralité des objets d'un
qu'il s'agit d'expérimenter, et que, par la seule force probante
domaine scientifique. L'idée de méthode inclut en elle celle de
series. L'idée de série sert de fil directeur à la mise en forme
de la déduction, on y parvient à [217] des résultats déterminés
qui s'attestent de ce fait comme valables. L'élément commun
méthodique parce qu'on y va des objets les plus simples à ceux
1. Ibid. qui sont composés.
2. Eliae in Prophyrii lsagogen el Arislolelis Categorias cornrnentaria, éd. Dans la sixième recherche (règle), la question est de savoir
A . Busse, Cornrnentaria in Aristotelern Graeca, vol. XVI I I, pars J, Berlin, 1 900,

M . Hayduck, Commentaria in Aristotelem Graeca, vol. XV, B e rl i n, 1 897 , p. 1 1 7 , 27. 1.


p. 1 18, 18 sq. Joannis Philoponi in Aristotelern de anima libros cornmentaria, éd.
3. Descartes, Regula IV, op. cil., p. 10. ( Mais par la suite j 'en vins à me 1 J sq. ( ( . . . ) cette mesure est à chercher ; et par conséquent i l doit
Ibid.
2. Ibid., p.
voulussent admettre à l 'étude de la sagesse personne qui [Ot i gn o ra n t de la 3. Ibid, p. '12. [Quant à moi, conscient de ma faiblesse, j 'ai décidé d'observer
demander comment donc il se faisait que jadis les créateurs de la phi losophie n e y avoir une science générale qui explique tout.]

mathématique tou t à fait différente de la mathémat ique ordi na i re de n ot re


mathématique ( . . . ] , j 'en vins alors à me figu re r q u ' i ls ava ient con n u une c rt a i ne op in i â t re m e n t , dans ma quête de connaissances, un ordre tel qu'en partant tou­
jours des cho es les plus simples et les plus faciles, je m'interdise de passer à
4.
temps.] d'aut res, avant. q ue c l a n s les l?re m i è r e s il ne m'appara1.sse q u'il ne reste plus nen
Ibid., p. 1 1. à cl sir ·r.]
236 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 237

ce que doit contenir une série pour pouvoir légitimement catégories possèdent ou non une teneur réale n'ayant aucune
diriger [21 8] toute connaissance scientifique. Res omnes per espèce d'importance. Relèvent de l'absolutum : independens,
quasdam series passe disponi1, tous les objets peuvent être causa, simplex, universale, [21 9] unum, aequale, simile, rectum,
ordonnés suivant certaines séries non quidem in quantum ad relèvent du respectivum : dependens, effectus, compositum, par­
aliquod genus entis referuntur, sicut il/as Philosophi in catego­ ticulare, multa, inaequale, dissimile, obliquum1 •
rias suas diviserunt, sed in quantum unae ex aliis cognosci Nous sommes en train de rechercher l'origine de la regula
possunt2, la série, en tant que fil directeur de toute recherche generalis de Descartes et cela en vérité pour voir comment se
méthodique, n'est pas puisée dans les choses elles-mêmes, manifeste, dans la manière même dont la règle est comprise, le
elle ne procède pas d'une déterminité générique de l'être, caractère d'être spécifique du connaître soumis à cette règle.
mais la mise au jour d'une possible sériation dans un Les mathématiques s'attestent d'emblée comme cette discipline
domaine d'objets doit prendre son orientation sur le fait que dont les objets correspondent précisément à ce que Descartes
la série comme telle prédessine la possible connaissance exige d'une cognitio vera et evidens. Descartes s'enquiert des
d'une chose à partir d'une autre si bien que la série déter­ catégories sérielles parce que la série permet de saisir ce qui
mine utrum profuturum sit aliquas alias prius, et quasnam, et est objectif ; ce n'est pas la teneur réale des objets qui lui
quo ordine perlustrare3. L'idée de série ne procède pas de la importe, mais ce qu'il s'agit d'atteindre, c'est un véritable rap­
considération de la teneur réale des objets, mais de leur pos­ port de connaissance. La détermination des catégories sérielles
sible capacité, pour autant qu'ils sont envisagés dans un rap­ est orientée sur cette considération purement méthodique.
port mutuel, à être connus au sens de la deductio. Descartes fait expressément remarquer qu'il range la causa
Dans cette perspective, on voit se mettre en place deux dans la classe des res absolutae alors qu'à proprement parler la
déterminations chez Descartes. Les choses sont res absolutae et causa, en tant que concept de corrélation, est en soi relative à
res respectivae4. Vous voyez tout de suite que ces deux catégo­ l'effectus2. Mais du point de vue de l'ordre du connaître qui
ries font écho à l'intuitus et à la deductio. L'intuitus a toujours vise ce dont il faut s'acquitter en premier lieu dans la connais­
un absolutum, la deductio un respectivum. Le respectivum pos­ sance, la causa est quelque chose d'absolu parce que ce n'est
sède en soi un involutum, quelque chose à quoi il renvoie et qui que si la causa a été mise en lumière qu'il est possible de pro­
est très souvent un obscurum qu'il s'agit donc de désenvelop­ gresser dans la deductio. Le secret de toute la méthode consiste
per. En y regardant de plus près, on s'aperçoit immédiatement à atteindre chaque fois l'absolutum dans les diverses séries
que ces deux catégories formelles rassemblent en réalité les de la connaissance, non pas l'absolu quant au contenu, mais
choses les plus diverses quant à leur teneur d'être. La configu­ l'absolu méthodique. Beaucoup de choses peuvent être alors
ration de l'idée de méthode ne tend à rien d'autre qu'à opérer absolues d'un certain point de vue, et relatives d'un autre, sui­
une mathématisation conséquente au sens de la méthode vant l'ordre structurel des concepts. L'universale est un absolu­
mathématique elle-même, la question de savoir si certaines tum quia naturam. habet m.agis sim.plicem3, mais envisagé du
point de vue de son origine dans l'individuum, c'est un respec­
l . Descartes, Regula VI, op. cil. , p. 1 4. [Toutes choses peuvent se d i spose r tivum bonum4• Ainsi l'essentiel de cette élaboration formelle,
sous forme de séries.) c'est bien que l'objet soit saisi conformément à la règle.
2. Ibid. [Non point en tant qu'on les rapporte à q uelque genre d ' " t re, comme
ont fait les ph1losophes qui les ont réparties en leurs catégories, mais en t a n t
3. Ibid. [S'il sera utile de résoudre d ' a u t re s difficult: s a u pr alabl 1 squel les, 2. Ibid .. 1 . 1 5.
qu'elles peuvent se connaître les unes à pa r t i r des a u t re s .]· 1. Ibid.

3. Ibid. !Puisq u ' i l poss èd e une nat u re plus s i m pl e . )


·,

4. l/Jitl.
et dans quel ordre.]
4. Ibid.
238 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 239

[220] C'est aussi dans cette perspective que Descartes entre­ dem privationes et negationes, quatenus a nobis intelliguntur,
prend de disposer suivant un certain ordre les objets qui ont quia non minus vera cognitio est, per quam intueor quid sit
en eux-mêmes un caractère de simplicitas. Cette énumération nihil, vel instans, vel quies, quam illa, per quam intelligo quid sit
des objets simples est importante dans la mesure où Descartes existentia, vel duratio, vel motus1• Cette énumération [22 1 ] des
y postule, pour les différents domaines d'être, une dimension choses les plus simples censées fournir, dans la perspective de
unitaire, celle de l'égale simplicité de tout ce qui est objectif. l'idée de scientia, un possible fundamentum à la science qui
Ces différents domaines sont : la res pure intellectuales, la res leur correspond, montre à elle seule qu'elle n'a pas été obte­
pure materiales, la res communes1 • La diversité des contenus nue en interrogeant les différents domaines d'être.
n'intéresse absolument pas Descartes. Pure intellectuales illae
sunt, quae per lumen quoddam ingenitum, et absque ullius ima­
ginis corporeae adjumento ab intellectu cognoscuntur : tales § 37. Le souci de connaître comme souci
enim nonnullas esse certum est, nec ulla fingi potest idea corpo­ de certitude en tant qu 'on s 'y méprend
rea, quae nobis repraesentet, quid sit cognitio, quid dubium,
quid ignorantia, item quid sil voluntatis actio, quam volitionem En récapitulant, disons que l'origine du contenu de la
regula se manifeste sous deux aspects : 1 ° du point de vue de
ce que la règle doit régir ; 2° comment elle régit. Ce que la
liceat appellare, et similia, quae tamen omnia revera cognosci­
mus2. Il s'agit là de ce qu'on appelle en termes modernes une
saisie eidétique d'actes de conscience déterminés. Descartes règle régit, c'est la scientia, appréhendée sur le modèle des
pose que les res intellectuales peuvent être saisies immédiate­ disciplines mathématiques préexistantes. Comment elle régit :
ment par le lumen ingenitum. Pure materiales illae sunt, quae il s'agit de suivre la méthode tirée des mathématiques. L'expé­
non nisi in corporibus esse cognoscuntur, ut sunt figura, exten­ rience de ces sciences déterminées déjà données, et déjà don­
sio, motus, etc. Denique communes dicendae sunt, quae modo nées à vrai dire au sens où d'emblée cette science n'est pas
rebus corporeis, modo spiritibus sine discrimine tribuuntur, ut envisagée quant à la teneur réale des objets comme tels, mais
existentia, unitas, duratio, et similia3. (Scheler n'a fait que en considérant comment les objets font encontre à la connais­
reprendre cette thèse en étendant la saisie eidétique du champ sance qui donne son assentiment ; en d'autres termes le souci
de la conscience jusqu'à la connexion d'être universelle. Le qui se manifeste dans le contenu de cette règle, et se soumet
fondement en est à chercher dans l'ontologie ancienne qui a à la règle ainsi comprise, est le souci spécifique de certitude.
pénétré l'époque contemporaine par différents canaux.) Caete­ La règle montre que le souci de connaître ne s'en tient pas à
rum, inter has naturas simplices placet etiam numerare earun- un étant en tant qu'étant et ne vise pas les objets dans leur
teneur réale, mais dans leur capacité à être saisis, cette capa­
Descartes, Regula XII, op. cil. , p. 37.
cité étant envisagée dans la perspective de l'assentiment.
( Sont purement intellectuelles celles que l 'entendement connaît grâce
1.
2. Ibid. Cette contention du souci de connaître en tant que conten­
à une sorte de lumière innée et sans le secours d'aucune image corporelle : qu'il tion du souci de certitude est donc absolument spécifique. Il
s'en trouve en effet de telles, cela est certain, et l 'on ne peut imaginer aucune
faut bien voir cette expérience caractéristique de la science
l 'ignorance, et aussi ce que c'est que cette action de la volonté qu'on peut appe :
idée corporelle qui nous représente ce que c'est que la connaissance, le doute
dans ce qu'elle a de spécifique si l'on veut entendre au pre-
tivement. ]
Ier vobt10n, et choses semblables, que nous connaissons cependant t outes e ffec­
3. ibid. (Sont purement matérielles celles qui ne se connaissent q ue dans les J . Ibid., p . 38. f De p l us, aunombre de ces natures simples, il convient de
corps, comme sont la figure, l'étendue, le mouvemen t , etc. E n f i n doive n t êt re com pter aussi l e u rs privations et leurs négations, en tant que nous en avons
appelées communes celles q u i s ' a t t r i b u e n t sans d i scri m i n a t i o n , t a n t ô t a u x choses que c'est que le néant, l'instant
l ' i n t e l l i gence : car si je perçois i n t ui tivement ce

o vem e n t . ]
corporel les, tantôt aux espri ts, comme l'existence, l ' u n i té, la d u r c, 't hos ·s que celle qui me
ou 1 r pos, cc n 'est pas par U I) e conna issance m o i ns vé r i t a b l e
sem blables . ] f; 1 i 1 cornpr ·nclr c'
· que sl q u e l 'exist ence, la d u rée ou le m u
240 Retour à Descartes Le souci de connaissance chez Descartes 241

mier chef comment les objets sont traités dans leur contenu à Le sort réservé à la doctrine des idées innées, que Descartes a
partir de cette méthode. Le fait que ce souci soit présent empruntée au mouvement de l'Oratoire de son époque, [223]
dans des sciences déterminées montre, dans cette perspective montre que Descartes a précisément repris et transformé des
bien précise, pour le dire rapidement, que l'esse est pris pri­ doctrines proprement théologiques et philosophiques en étant
mordialement en souci en tant que verum, et le verum en conduit par la règle, et par le principe selon lequel ces doctrines
tant que certum, [222] de sorte que l'ens ne remplit sa fonc­ doivent satisfaire la règle. Il y a dans l'être de l'homme une idée
tion propre que par le détour du certum. de l'être de Dieu. On avait accentué la doctrine de cette façon
Ce souci de certitude, avec sa contention caractéristique, se pour donner un fondement apologétique à la lutte contre
caractérise par le fait qu'il confère à la règle configurée par lui­ l'athéisme. Descartes a repris la doctrine et l'a intégrée à sa doc­
même une portée et une prétention bien déterminées. Le souci, trine de la clara et distincta cognitio. Il fallait qu'il le fasse tout
qui se donne à lui-même la regula, ne limite pas cette règle à son simplement pour y voir clair dans la doctrine. La scolastique
domaine d'origine propre, mais la règle vaut dorénavant comme enseignait que la connaissance d'entendement n'est possible
regula generalis. En même temps qu'il configure la règle, Je que si un fundamentum est déjà donné, en quelque manière, à
souci développe une prétention fondamentale qui fait que la l'intellectus : oùôbt0TE voël èivi:;u cpavn'wµawç Î) 'lfUXÎJ1. Les
règle normant le souci reçoit du même coup ce sens : seule une phantasmata sont les phénomènes qui, pour la scolastique, font
connaissance qui se confo1me avant tout à la règle est science au la transition entre la connaissance proprement sensible et celle
premier chef. Le sol originaire est abandonné dans la configura­ d'entendement. Ce problème faisait difficulté pour la scolas­
tion de la règle elle-même. tique parce qu'on ne voit pas comment un être sensible peut
Cette prétention de la regula à valoir comme regula gene­ passer dans un être spirituel. La connaissance sensible apporte à
ralis conduit D escartes à exclure purement et simplement la connaissance d'entendement les species intentionales vers les­
du domaine de la science des possibilités déterminées de quelles l'intellectus tend intentionnellement à titre de fundamen­
connaissance, ou encore à transformer des disciplines déjà tum. Les species intentionales constituent la base de l'explication
existantes dans le sens voulu par la règle . Cela se voit avant du concept d'intentionnel. Dès le départ, Descartes ne pouvait
tout dans le fait que Descartes montre que la connaissance pas accepter cette conception foncièrement thomiste de la
historique ne saurait en aucun cas être considérée comme connaissance. Pour Descartes, il est établi fermement, au sens
une connaissance réale autonome, et qu'elle ne peut avoir de la clara et distincta perceptio, que le corporel ne peut être
qu'une valeur propédeutique. saisi que comme extensio. Toutes les autres déterminations de la
Descartes transforme toutes les sciences fondamentales, corporéité, celles qui apparaissent lorsque j'aborde le domaine
telles que la théologie, la métaphysique et les mathéma­ intermédiaire de la physiologie, sont laissées de côté. Lorsque
tiques, dans le sens voulu par la regula generalis . Concernant Descartes s'engage dans la tâche fondamentale d'élucidation du
la physique, il procède de la façon suivante : à la différence connaître lui-même, il lui est impossible de s'aventurer dans cet
de l'ancienne physique qui s'attachait à mettre au jour les entre-deux ; s'y risque-t-il qu'il ne réussit qu'à atteindre un obs­
qualitates substantiales, il exige que les objets de la physique curum . Il a intégré la doctrine des idées innées à sa propre doc­
ne soient avant tout pris en considération que s'ils satisfont à trine. Conduit par la règle, il lui faut réinscrire l'interprétation
la regula. Je ne dois me proposer rien d ' a u tre q u e l'extensio. de la connaissance dans les limites du champ de ce qui est acces­
En fait, Descartes a été très tôt en possession de la regula sible conformément à la règle elle-même. C'est un des exemples
generalis, il lui a seulement fal lu la saisir e x p l i ci t e me n t et les plus nets de la manière dont [224] des problèmes théolo-
caractériser les disci pl i n es m a t h é m a t iq ues cla n s u n s �n q u .i
soit conforme à cette règ l e .
1 . Arislole, De anim.n, '1 I l 7, 43 1 a 1 6 sq . [ L'âme ne pense jamais sans image.]
Retour à Descartes
Le souci de connaissance chez Descartes 243
242

[225] mon tre que le souci de conn aître


com pren d d'em blée le
giques et philosophiques ont été transformés par l'application ale­
primordi
verum comme un certum. La vérité est comprise ntas est axée
men t comme certitude ; la propensio de la
étonnamment conséquente de la regula generalis.
volu
En voulant outrepasser les limites de son domaine originaire, Le bon.um n'es t
. à ce bon um.
le sou�1 a?parait comme un phénomène de méprise quant à ses sur la disposition de la va/u n.tas
m, si bien que le
. .
poss1bilites les plus propres. Il se méprend, c'est-à-dire ne s'en plus le veru m mais le veru m comme certu
de l'hom me en
tient pas à la fonction qui est proprement la sienne selon la souc i interprète de soi-même la perfectio
comprenant la voluntas, en tant que judicium
, comme pro-
rè�le, à ce pour q�oi il est fait . Dans l'explicitation qu'il fait de

lm-meme, le souci perd de vue ses possibilités les plus propres, pensio in certum.
la propensio du
et se mé-prend en soi-même en faisant de la règle une regula Le certum ainsi pensé comme bon um de
dans le cadre onto­
generalis. . Et c�tte méprise va à vrai dire en se renforçant parce juge men t est alors en même temps inséré
aître comprise en
. . .
que la s1gmficatlon fondamentale qu'elle se prête à elle­ logique prée xista nt. La possibilité de conn
n fondamentale de
même l'occulte. Dans la mesure où la regula est précisément ce sens est vue à part ir de la déterminatio
ns plus lisiblement
une regula generalis, et se donne comme seule et unique voie l'homme com me ens med ium . Nou s voyo
mais que le centre
d'accè� possible à une connaissance rigoureuse, sa méprise que l'ens medium n'es t pas un ens medium
de gravité de cet être, ente ndu comme perf
ectum, se déplace
est �am��nue à l'arrière-plan. Eu égard à la prétention que medium est un
la regle eleve dans sa teneur même, le souci de connaissance, du côté de Dieu. Dan s la mesure où cet ens
ses poss ibili tés, com me
en tant que souci de certitude , se manifeste comme une ens creatum , il est déterminé, dans tés. Une pro­
poss ibili
méprise qui va en se renforçant. Dans cet être du connaître se en.s creatum, et aussi assuré qua nt à ces dans sa pos­
rée
fait jour une mobilité bien déterminée du Dasein qui conduit pensio in bon um se trou ve ce faisa nt assu naître comme
con
sibi lité. La nouvelle inte rpré tatio n du
la configuration des idées scientifiques et l'interprétation du
propensio est insérée dans ce cadr e de l'ens assuré, c'est-à­
Dasein en son entier. i par avan ce le sol
dire que le souci de certitude s'assure ains
souci de certitude,
sur lequel il détermine son propre être . Le
itation radicale sur
qui paraît au premier abord être une méd
§ 38. Le souci de rassurement. est en réal ité un rass ure­
le fundamentum de la conn aissa nce,
L 'interp rétation du verurn en tant que té d'êt re de l'ho mm e.
certum
ment du connaitre en tant que possibili en se renfor­
qui va
développée par Descartes Le souc i de certitude, dans une méprise
en maintenant en l'état l'ontologie scolastique çant, ne fait qu'u n avec le souci de rassurem
en.t.
sing ulier inhé rent à la mobilité de la
Ce phénomène
Descartes nous
Dans tout ce contexte de configuration de la règle, com­ connaissance en ce qu'e lle a de décisif chez
e encore dans le
ment se manifeste l'être du connaître eu égard à la manière apparaitra de manière plus caractéristiqu
du doute métho­
dont la règle elle-même est prise globalement et du point de doute méthodique. On va voir que le chemin
renc e, et que la méditation
vue du phénomène faisant que cette règle est obtenue avant dique n'est qu'u ne simple appa qu'explici­
apparenc e ; elle ne fait
tout comme règle ? Que montre la régulation <du con naître> radi cale n 'est radi cale qu'e n
cipes préconçu s bien déte rminés.
lui-même quant à l'être du connaître considéré comme un ter des poss ibi l i tés et des prin
La co n séq ue n ce est [226] q u ' i l faut renoncer
à voul oir gagner
un sol vérit able au fil di rect
souci déterminé ? Nous savons que l'être d u co·n n aî tre est y rega rder de
eur du cogito ; et à

pl us pr , on a · iste à u n d é p l ace m e n t
caractérisé par Descartes comme judicium, comme rnodus
vole�di, comme prop ensio in bon.um. Le bon.um dans la pro­ du sens du veru m qui
pen.sw du judicium est le verum. La r ulat ion <d u conrnît r > i rica t ion i m p rcep tible , ma i s prim or-
s'a ompa n d'un mod
à
Descartes 245
244 Retour Descartes L e souci de connaissance chez

vent être saisis par l'intel­


diale de la détermination fondamentale de l'être de l'homme. son assentiment aux principes qui peu
peut pas ne pas incli­
Dans la mesure où le souci s'explicite en se proposant d'avance lectus et de la même façon la volonté ne um est une donnée de
ner a� bien. Le determinatum esse in
bon
la règle en question, il détermine le verum comme un certum. le determinatum esse in
bonum, quia in �onurr_i
Mais le verum pris ce sens est inséré dans l'ontologie ancienne la natura hominis au même titre que
qui constitue le fondement allant de soi de toute l'explication. verum pour l'intellectus, inquantum est
bonum est la determ1-
Le verum réinterprété en certum est maintenu en même temps naturaliter ordinatur1• La determinatio in e comme creatum .
mm
comme un bonum, ce bonum correspondant à la natura homi­ nation plus exacte de l'être de l'ho enim alicujus
tra : hoc
nis. Ce déplacement de sens donne lieu à une interprétation de Apprehensio veri non est in poteste nos te nostra nec imp . e­
m ad hoc non est in potesta
l'être de l'homme qui voit sa perfectio s'accroître de manière luminis, quantu sus n'es t pas en notre
singuli�re, cet ac�roissement étant cependant d'ores et déjà rari potest2. L'assentiri au sen s de l'assen L' actus rationis sub­
.
garanti parce qu'il est créé par Dieu et destiné à atteindre Je potestas, mais il est nécessaire par nature erminatio� n turell�
sou mis à la dét � ,
bonum en tant que verum. Ce déplacement de sens caractérise jacet, l'acte de la raison est . .
t multiplier a 1 envi
pourrai
le so�ci de connaître (qui effectue ce déplacement) comme un de l'homme. Ces passages, que l'on
sem ble, montrent com­
souci de rassurement, et finalement comme un souci de certi­ et qui manifestent une cohérence d'en
base, mais en réinterpré­
tude qui barre d'emblée la voie à toute possibilité d'être fon­ ment Descartes a repris toute cette
tant cette ordinatio naturalis au veru
m d'une manière telle que
damentalement inassuré quant à son être . L'être du connaître certum. Le certum enferme
s'e�t rassuré par avance en reprenant à son compte l'interpré­ le verum soit mis en jeu comme un
qui ne relève originaire­
un concept de vérité très spécifique
tation de l'être de l'homme comme creatum. Il est nécessaire s ce concept a quitté �es
d'avoir bien en tête cette complexion pour voir à partir de là ment que des mathématiques, mai
et s'est étendu au pomt
comment le vieux fonds de l'ontologie scolastique s'est trouvé limites de son domaine d'origine
devenue absolue. Omnis
subrepti ��ment transformé par Descartes, non pas cependant d'e xercer une domination qui est
est aliquid3, dans la
.
parce qu Il aurait voulu fonder une théorie de la connaissance . clara et distincta perceptio proculdubio rien - sed necessa­
pas
mesure où c'es t quelque chose et non
Il ne s'agit pas pour Descartes de théorie de la connaissance. ité de la regula generalis est
rio Deum authorem habet.4. La vér
Ce sont des considérations purement ontologiques. Le phé­ est une res que l'on peut
attestée par le fait que cette règle
nomène de la connaissance en tant que telle ne joue ici en tant qu' ens, un verum.
qu'u? rôl � secondaire. La transformation caractéristique trouver là. Or toute [228] res est,
consiste bien plutôt en ceci que Descartes a interprété le
1. Ibid . [En tant que bien, car <il> est natu Il, complectens pnm
relle men t ordo nné au. bien .]

respectu CUJUS,
verum comme un certum en laissant en l'état le fondement de am secu n­
6:
theologica, vol.
dae . Qua estio xvn , artic ulus
l'ontologie ancienne en son entier de sorte que c'est le maintien 2. Tho mas d'Aq uin, Summa Alio modo, quantum ad ob1ectum,
em, ut verit atem c1rca ahqwd appre­
en l'état de ce fondement qui a entraîné une réinterprétation duo actus rationis attenduntur
: prim o quid
per virtutem al1cu­
state nostra ; hoc enim contingit
de l'être de l'homme. hendat ; et hoc non est in pote quan tum ad hoc, actus
Saint Thomas dit : Intellectus enim non potest non assentire
supernaturalis. Et ideo
jus [uminis, vel naw ralis vel [Ens uit , au pomt d e vue
ra, nec imperart potes!. �
de son obje t, et à cet égar d deux
ration.is non est in potestate n.ost raiso n doiv ent
_
etre envi sages. Le
acte s de la
principiis [227] naturaliter notis : et similiter voluntas non potesl n simple la vérité '. Et cela. .'.''est
pas en notr pou­
e
non adhaerere bono1 : l'intellectus ne peut pas ne pas don ner prem ier c onsis te à saisi r de faço
d'une certam e lum1 ere n a �ure\le ou surna­
voir, car cela se prod u i t par la vertu vue, 1 ,acte de la raiso n n est pas en notre
ce pom t de
p uvoi r el ne peut ê t re com man
, de
�· Thomas d'Aquin, Summa theologica, pars pri ma, q uaestio LX I I , ar1 iculus S.
turel le. C'es t pour quoi
. . .
p. 74. [ To u te conc eptio n clair e
.

'S, M rli i
dé.] .

et de 1 o i t i f. ]
et distm cte
o

moin Ir d ul q u e l q u e hose de réel our son aut eu r. ]


cir.,
·s i sans 1
.
e t t o J V, op.
cipes natu1.ellemenl connus ; et de même la volonl. ne peul pas 11 pns Hdh rer
. D scar1
i 1
[ L mtelhge nce, en effet, ne peut pas ne pas donner son asscnt i1m;n1 a u x prin­

4. f/Jirl. \ M ais doil n "'ssa i ri.;m · n avoi r Dieu


au bien en tant q ue tel . ]
246 Retour à Descartes

C'est pourquoi la perceptio est, en tant que creatum, un verum,


et elle est, pour cette raison, universellement contraignante, de
même que les principes mathématiques et les règles fonda­ [229] Sixième Chapitre
mentales de la méthode mathématique ne sont rien d'autre
que les fruges spontaneae des semina1 qui sont à vrai dire ras­ Le caractère d'être de l a res cogitans,
semblés dans la clara et distincta perceptio. Ces semina sont ali­ de la conscience
quid divini2·. Ils tiennent leur être de Dieu qui les a créés. La
règle fondamentale est transférée dans l'être de l'homme
lequel est déterminé comme medium ens. Mais ce medium en;
est tel que son centre de gravité caractéristique dans le bonum
soit tendu vers l'ens perfectissimum ; ce n'est donc pas en réa­
lité un véritable medium, mais il se tient proche de Dieu. Ce
qui se manifeste ici, c'est un péliaganisme extrême dans l'ordre
de la connaissance théorique. Nous sommes maintenant en mesure d'apporter une réponse
radicale à la question décisive, la question du caractère d'être
de la conscience en tant que champ thématique de la phénomé­
nologie. Nous allons trancher cette question en déterminant le
caractère d'être de la res cogitans. Nous allons examiner com­
ment le souci caractéristique de connaître ouvre le cogito et
quel caractère d'être doit posséder le cogitare. Nous envisa­
geons le chemin sur lequel le connaître accède au cogito en
distinguant trois perspectives que nous allons considérer suc­
cessivement : 1 ° Que vise, avant tout, le souci de connaître
lorsqu'il se met en peine de ce qui apparaît comme cogitatio ?
Qu'est-ce qu'il recherche ? 2° Comment s'accomplit cette recher­
che ? 3° Quel est le chemin concret qu'emprunte la recherche
caractérisée de cette façon ?

§ 39. Le certum aliquid recherché


par le souci de connaître

Le cogito sum apparaît chez D escartes dans le contexte


d'une tâche fondamentale que celui-ci assigne à la connais­
sance : fonder d'abord et avant tout une science fondamentale,
d ispo er pour la connaissance un fundamentum qui soit un fun­
L Descartes, Regu.la I V, op. cil. , p. 9. clamentum inclubitabile totalement con forme à ce qu'exige la
.
2. Ibid. regu la gen e ralis La recher he q u i pr nd cette d irection ne peut
.
248 Retour à Descartes Le caractère d'être de la res cogitans, de la conscience 249

manifestement s'accomplir qu'en prenant appui sur la situation


où mûrit l'effort autour de ce fundamentwn. C'est sur la base [231 ] § 40. La recherche soucieuse
de cette situation qu'il faut chercher le fundamentum qui doit en tant que dubitare, remotio et suppositio falsi
[230] satisfaire à la règle. La recherche doit s'accomplir en par­
courant les possibilités du connaître telles que les offre la Le deuxième moment que nous considérons est la recherche
situation scientifique concrète de Descartes. Ce parcours de elle-même. Comment s'accomplit la recherche ? La recherche
recherche s'accomplit en conformité avec le souci de connaître. est une recherche du connaître dans laquelle le connaître
La première question, celle qui porte sur ce qui est recherché, scrute avec attention et où le regard du souci cherche à
se laisse déterminer sans grande difficulté. Il suffit d'appréhen­ prendre en vue quelque chose qui satisfasse au certum. Tout ce
der de façon plus serrée en quel sens la mise en jeu de ce qui qui, dans la situation concrète où s'accomplit la recherche, est
est recherché détermine le caractère d'être de ce qu'il s'agit de présent comme obscurum ou incertum est rejeté. Le connaîtr e,
trouver. Le recherché, c'est le certum au sens où, pour Des­ entendu comme judicare, accomplit la recherche sur le mode
cartes, la seule chose qui importe est de trouver un certum ali­ de la dubitatio. Le judicare refuse son assensus à ce qui se pré­
quid. Ce qu ' est le certum est secondaire ; son quid est en sente comme obscurum. Le judicare devient un abstinare qui,
définitive indifférent dès lors qu'il satisfait à la règle. L'accent au fur et à mesure que la recherche s'accomplit, devient un
est nettement mis sur le recherché comme tel : pergamque continere. Ce mode d'accomplissement de la recherche sous
porro donec aliquid certi, vel, si nihil aliud, saltem hoc ipsum forme d'un dubitare est caractérisé plus précisément de la
pro certo, nihil esse certi, cognoscam1 - pourvu que je trouve façon suivante : tout ce qui ne satisfait pas au dubitare ne vient
quelque chose de certain, et quand bien même ne serait-ce que pas en question à titre de fundamentum possible, mais la dubi­
ceci : je vois qu'il n'y a rien de certain. [ . . . ] quid invenero quod tatio prend la forme d'une remotio. Cette remotio au sens de
certum sit et inconcussum2• Il est à noter que, dès le départ, le ne-pas-laisser-quelque-chose-venir-en-question aboutit pour
caractère d'être spécifique du recherché ne vient absolument finir chez Descartes à une suppositio caractéristique. La dubi­
pas en considération de façon primordiale, mais que ce qu'il tatio incerti se change en une suppositio falsi. Mettre en doute
s'agit de trouver n'est à interroger que pour savoir s'il satisfait l'incertain équivaut pour Descartes à supposer que l'incertain
à la règle. Ce qu'il est en lui-même, quel être il possède de lui­ est faux. Ce changement opéré par la recherche n'a, pour Des­
même, cela n'entre absolument pas dans le champ du question­ cartes, rien d'impossible. C'est précisément dans cette trans­
nement. Le troisième point nous montre comment le recherché formation spécifique que se montre la possibilité spécifique du
se trouve pris en vue de manière plus précise par Descartes, à connaître ; c'est précisément dans cette suppositio, dans cette
savoir la règle doit elle-même satisfaire au principe de la série radicalisation du doute pour ainsi dire, que se manifeste la
de sorte que le recherché ne doit pas seulement être un certum, propriété fondamentale du conn�ître e� tant que ju ica �e : s��
mais un certum qua absolutum et simplex. Cette exigence elle­ libertas, au sens où plus le connaitre qm recherche s en tient a
même est prédessinée par la regula generalis. sa propre determinatio in bonum en tant que certum., pl�s ce
dubitare est libre. Nous savons déjà, en effet, qu'être hbre,
c'est prend r e au sérieux la suppositio falsi. Ce n'est qu'après
1 . Descartes, Meditatio 11, op. cil. , p. 1 7 . [Et je continuerai toujours dans ce
chemin, jusqu'à ce que j 'aie rencontré quelque chose de certain, ou du moins, si avoir parcouru concrètement Je chemin de la recherche que
je n e puis autre chose, j usqu' à ce que j'aie appris certainement q u ' i l n'y a rien au pourron d i re ce q ue cette transformation spécifique signifie
2. Ibid. [(J'aurai droit de concevoir de haut es espéran es, si je suis assez h e u­
monde de certain.]
au boul du compte pour Je caractèr e d'être du cogito. La pos­
reux) pour trouver seulement u n chose q u i soi t certaine et indubi t :o1 l l>. I si b i l i l 1 • r nv r · m nl s l a i se t r s schémati quement
250 Retour à Descartes Le caractère d'être de la res cogitans, de la conscience 251

apercevoir dans le fait [232] que l'incertum, qui constitue pour maintient d'un bout à l'autre : cet ordo consiste à faire retour
Descartes l'objet de la dubitatio, n'est rien d'autre en réalité à un certum qui soit un absolutum et [233] simplex, au sens
que le non verum puisque le certum est le verum. L'incertum où le fundamentum suffit à fournir le point de départ à toute
est déjà en soi, en tant que non verum, un falsum, et en tant deductio. Ce que je cherche ne peut pas être un respectivum
que falsum, un non ens. C'est la raison pour laquelle Descartes ens. Ce doit être, encore une fois, un simplex et non un com­
est amené à dire que tout ce qui est simplement donné d'emblée positum. Ce dernier point est capital pour entendre précisé­
n'existe pas. Cette possibilité se fonde sur les relations explici­ ment comment la considération progresse. Car autrement on
tées ci-dessus. La considération se poursuit dans cette attitude pourrait se demander pourquoi Descartes ne dit pas tout de
de suppositio, qui est aussi celle de la recherche du certum, et suite : il y a des objets qui me sont donnés, je saisis par
la recherche, en essayant d'aller plus loin, tombe sur quelque exemple l'extensio du poêle, et je ne peux quand même pas
chose qu'il faut qualifier à proprement parler de trouvé puisque mettre en doute que je la saisis ! Pourquoi Descartes
ce qui est trouvé correspond exactement à ce dont la recherche n'engage-t-il pas alors plus tôt le retour à la cogitatio ? Pour
est en quête. entendre ce parcours, il faut bien voir ce que Descartes
recherche : certum, absolutum, simplex. Le doute ne peut pas
cesser avant d'avoir atteint un certum de cette sorte.
§ 41. Le chemin suivi par la dubitatio en souci Descartes interprète les possibilités dans lesquelles quelque
dans la première Méditation sous l'égide chose, qui semblait jusqu'à présent vrai, m'est donné comme
de la regula generalis : l'être de l'être en recherche des possibilités a sensibus ou per sensus1• Ce que j 'ai admis
(ego sum) comme première découverte jusqu'à présent comme vrai m'est donné ou bien dans la per­
ception sensible ou bien avec la participation de la perception
Le chemin lui-même que suit la dubitatio ainsi caractérisée, sensible. La seconde possibilité concerne les vérités mathéma­
dans la situation concrète où se trouve la recherche elle­ tiques et géométriques pour autant qu'elles se rapportent à
même, passe en revue les différentes possibilités de saisir les des intuitions. À côté de cela, il y a également toute une série
objets, les différentes possibilités de rencontrer l'étant telles d'objets que seule communique l'expérience sensible au sens
que Descartes les connaît. Descartes parcourt ce chemin étroit du terme. Le souci doit suivre ces deux chemins et exa­
dans la première Méditation. Il nous faut d'abord considérer miner ce qui se rencontre sur chacun d'eux. En parcourant ces
deux choses à propos de ce chemin : en premier lieu ce qui différents chemins, je n'ai pas à soumettre à la critique chaque
est passé en revue de la sorte, et en second lieu comment on acte d'expérience en particulier ; je m'en tiens bien plutôt aux
le passe en revue. principes de ces différents modes d'accès à l'étant.
Dans ce doute méthodique, il faut bien voir d'abord que Descartes entreprend alors d'examiner en profondeur ces
Descartes suit un ordre déterminé. Il attache la plus grande deux chemins, ce qui le conduit à exclure visiblement de plus en

I' importance à ce que cet ordo soit observé . L'ordo fait partie plus de choses ; il effectue la remotio toujours plus radicalement
intégrante de la méthode. Ideoque non alium ordinem sequi si bien qu'au bout du compte il n'y a plus rien qui corresponde
potuisse, quàm illum qui est apud Geometras usilatus i . L'ordo adéquatement au critère. Il est à noter ici que tombent sous le
cou p d cette remotio : 1 ° tout ce qui est donné par les sens,
2° n rnêm tem ps [234] des déterrninations fondamentales
que Descartes maintient d'un bout à l'autre e st à se s yeux
comme 1 lo ·us, le ternpus, la duralio, donc des déterminations
fondamental, et il n'est autre que celui que la géomét rie

1. Descartes, Medilationes de prima philosophia, synopsis, p. 2 . / J me suis vu


obligé de suivre un ordre sem blable à cel u i dont se s rv nt 1 s g om 1 r s. l 1. 1 'S 11rt •s, Medi1111i�1 / , op. ci1 .• 1 . 9.
252 Retour à Descartes Le caractère d'être de la res cogitans, de la conscience 253

fondamentales dont Descartes montrera plus tard qu'elles ne soumettant les différentes opiniones à une eversio generalis1, à
sont pas du tout perçues par les sens mais uniquement par un renversement général, et en vérité non pas en critiquant
l'intellectus, et sur lesquelles il fera plus tard reposer la possibi­ dans le détail chaque conviction en particulier, mais en
lité d'une physique rigoureuse ne voyant le corporeum qu'à titre confrontant uniquement les principia de ces opiniones avec la
d'extensum. Mais ici ces déterminations fondamentales doivent règle, et cela conformément à ce qu'il cherche, à savoir un fun­
tomber elles aussi sous le coup de la remotio. Descartes va damentum à titre de principium. Mais les principia des opi­
même jusqu'à exclure l'arithmétique et la géométrie ; ce qu'elles nions ne sont pas autre chose que les points de départ dont
disent est certes reconnu comme simplex et maxime generale Descartes prend issue pour parvenir à ce sur quoi il a une opi­
mais n'est pourtant pas satisfaisant. Le doute méthodique en nion, pour y avoir accès , pour avoir commerce avec lui, de
son entier ne montre lui-même rien d'autre sinon l'efficacité sorte que ces principes permettent d'appréhender <ce dont ils
singulière de la regula generalis. De ce point de vue, Descartes sont principes> en orientant vers lui. Les principes, ce sont ces
manifeste en fait ici une admirable radicalité du philosopher. différents modes d'accès et de commerce de l'être vivant, ce
Ce qu'il faut cependant lui contester, c'est que l'origine de la ne sont pas des propositions.
règle soit elle-même philosophiquement radicale. Il y alors a des modes d'accès qui sont déterminés a sensi­
Il nous faut voir, à partir de la détermination du connaître bus, et d'autres qui le sont per sensus, c'est-à-dire où les sens
comme judicare soumis à la règle considérée, comment le ont leur part, et cela avant tout dans l'imaginatio. Cette dis­
connaître ainsi entendu s'y prend pour trouver le fundamen­ tinction renvoie à la partition traditionnelle de la conscience.
tum de toute connaissance possible. Cette tâche ne peut être Ces différents modes d'accès et de commerce avec l'étant
menée à bien à vrai dire qu'à partir de la situation déterminée doivent être interrogés de façon critique. Donc s'agissant de
qui est celle de la connaissance, à partir des opinions et des ces modes d'accès et de commerce, ou plus exactement de ce
orientations déterminées disponibles concernant les différents qui s'y donne et y est appréhendé, dès qu'un incertum, en
points de vue sur la connaissance, à partir de la vie elle-même quelque sens que ce soit, se manifeste, Descartes ne le laisse
qui se déploie dans des convictions fondamentales sur l'être pas simplement de côté, mais cet incertum tombe sous le
lui-même. Tout ce dont on dispose ici doit être interrogé pour coup de la remotio, de sorte que ce qui se donne là est posé
savoir comment il se présente et en quoi il satisfait aux réqui­ comme non étant. Le mode d'accès ne vient pas davantage
sits de la règle. Tout ce qui se révèle ne pas y satisfaire n'est en question pour la recherche. (Ce que Husserl a en vue avec
pas simplement conservé là comme une chose incertaine, mais la réduction est quelque chose de totalement différent.) À
Descartes passe de la dubitatio incerti à la suppositio fa/si. Et partir du moment où ces modes d'accès sont tombés sous le
en vérité ce passage n'est pas seulement légitimé par le fait coup de la remotio, il n'en est plus question dans la recherche.
que le dubitare y gagne sa liberté, mais il a aussi pour fonction La situation terminale se configure par le biais de la remotio.
de conduire la recherche elle-même dans une situation termi­ Au terme de son cheminement, la recherche se tient en un
nale bien déterminée à partir de laquelle il sera possible de lieu où elle n'est placée devant rien et devant le rien de ses
t rouver ce qui est recherché. Pour entendre philosophique­ propres possibilités.
ment Descartes, il est indispensable que ce complexe souter­ Descartes commence par le mode d'accès de la perception
rain soi t dégagé en tou te clarté . La considérat ion ne peut être sensible , par le comment de ce mode d'accès : pleraque tamen
comprise q ue dans le c o m pl exe fo r m é par l'id e d u r cherché, alia sunt de quibus dubitari plane non potest, quamvis ab iisdem
[ 235 ] la ign i fi ca t i o n de la r gle, et le chemin, tracé à part i r de hauriantur ; ut jam me hic esse, foco assidere, hiemaü toga esse
là, 1 l a series, d l a m L hocl .
art d r sur 1 h m i n cl n 1 . l/Jirl.. 1 . 8.
254 Retour à Descartes Le caractère d'être de la res cogitans, de la conscience 255

indutum [236] [. . ], et similia1 : des données déterminées qui se


.
vigiliam a somno posse distingui1. Cela montre que ce qui
trouvent là sont données conjointement dans l'horizon du m'est donné ainsi n'est tout simplement pas en fait un certum
monde environnant concret lui-même. Ces données sont alors mais u n obscurum, dans la mesure où c'est sur le mode de la
confrontées à la règle, et la question est de savoir si elles procu­ veille que j'ai accès au monde ambiant que j'ai là. Mais
rent un fundamentum certum. La question reçoit une réponse puisque la veille ne peut pas être distinguée, suivant un critère
négative, et Descartes dit : ce qui se donne là de cette façon ne absolument clair, de l'autre mode d'accès au monde ambiant
doit nullement, à première vue, être mis en doute comme chose qu'est le rêve, [237] ni l'un ni l'autre ne peuvent prétendre être
incertaine. Manus vero has ipsas, totumque hoc corpus meum des modes d'accès à u n possible fundamentum. Ils appartien­
esse, qua ratione posset negari ? nisi me forte comparem nescio nent tous deux à u n domaine d'être qui apparaît d'emblée aux
quibus insanis, quorum cerebella tam contumax vapor ex atra yeux de Descartes comme un obscurum, à u n domaine inter­
bile labefactat, ut constanter asseverent vel se esse reges, cum médiaire entre les res extensae et la res cogitans. Peu importe
sunt pauperrimi, vel purpura indutos, cum sunt nudi, vel caput ce qui pourra se donner à moi de cette manière : je ne l'inter­
habere fictile, vel se totos esse cucurbitas, vel ex vitro conflatos ; roge plus dans la perspective du fundamentum ; ces deux déter-
sed amentes sunt isti, nec minus ipse demens viderer, si quod ab minations fondamentales (la veille et le rêve) sont l'une et
iis exemplum ad me transferrem2. Si je voulais mettre cela en l'autre non pertinentes.
doute, il faudrait que j 'aille j usqu'à me compter parmi ces Ideoque saltem generalia haec, oculos, caput, manus,
insensés qui ont des opinions étranges sur eux-mêmes. totumque corpus, res quasdam non imaginarias, sed veras
Mais qu'en est-il donc : Praeclare sane, tanquam non sim existerez. Il est certes possible que le poêle qui m'est donné
homo qui soleam noctu dormire, et eadem omnia in somnis n'existe pas dans sa concrétion spécifique. Mais qu'en est-il
pati, vel etiam interdum minus verisimilia, quam quae isti vigi­ alors de l'idée du quelque chose en général : ce qui est donné
lantes. Quam frequenter vero usitata ista, me hic esse, toga ves­ dans ce cas n'a-t-il pas au bout du compte un sens d'être légi­
tiri, foco assidere, quies nocturna persuadet, cùm tamen positis time ? (Il est à noter que toute la discussion se développe sur
vestibus jaceo inter strata3! Ne me semble-t-il pas souvent en la base du concept de res qui prend ainsi une extension entiè­
rêve que je suis entouré d'un monde qui ressemble comme rement formelle.) Peut-être que ces generalia ne sont pas eux
deux gouttes d'eau à celui dans lequel je me trouve ? Quae non plus des choses dont je peux dire qu'elles sont. Ils com­
clum cogito attentius, tam plane video nunquam certis indiciis portent peut-être quelque chose dont le caractère est spécifi­
1 .Ibid., p. 9. [Il se rencontre peut-être beaucoup d'autres choses, desquelles
q uement sensible : imaginaria esse possent3, il se pourrait
.
qu'ils soient imaginaires dans la mesure où l'idée de colora­
on ne peut pas raisonnablement douter, quoique nous les connaissions par leur
tion est donnée avec celle de poêle en général. Même s'ils
feu, vêtu d ' une robe de chambre [ ] et autres choses de cette nature.]
moyen <p a r le moyen des sens> : par exemple, que je sois ici, assis auprès du
. . . sont plus universels, ces generalia ne peuvent pas, eu égard à
2 . Ibid. , p. 9 sq. [Et. comment est-ce que je pourrais nier q ue ces mains et ce
o q s- c i soien t à moi ? si ce n 'est peut-être q ue je me compare à ces insensés, de
leur provenance, être invoqués au titre d'être.
q L 1 i le cerveau est tellement troublé e t offusqué par les noires vapeurs de la bile, Et en réalité je trouve dans le poêle l'extensio (quelque chose
q L 1 ' i l s ass u re n t constamment qu'ils sont des rois, lorsq u'ils sont très pauvres ;
q u ' i l s son t vêt us d'or et de pourpre, lorsq u'ils sont tout n us ; ou s'imagin e n t être

l o i n t d'indices concluants, ni de m arques assez certaines par où l 'on puisse dis­


des cruches, ou avoir un corps de verre. M a i s quoi ? ce son t des fous, et je ne l . .Ibid. [Et m'arrêtant sur cette pensée, je vois si manifestemen t qu'il n'y a

3. Ibid., p. 1 O. [Toutefois j'ai ici à considérer q ue je suis homme, et pa r cons t i ngue r netteme n t la vei lle d'avec le sommeil.]
s 'rais pas moins ext ravaga n t , si je me réglais sur leurs exemples.]
-

to u t le reste du corps, ne sont pas choses imaginai res,


pour le moins, ces choses générales, à savoir, des yeux,
·hos 'S, ou q u e l q u efo i s de moins vraisemblables, que ces i nsensés , lo rsq u i l s
q u e n t que j 'a i cou t u me le dormir et de me représenter en mes songes les même 2 . Ibid., p. J l . [Ai ns i ,
t t.e. des rn a .i n s, el
v • i l l · n l . o m bi(;n d" r ois m 'est - i l a rriv de songer, l a n u i t, q ue j' é t a i s en cc l i ' LI , q u e
' un

j ' t 1 1 is h u i i l l\ 1 u • j' 1ais a u p r's du rcu, q uoi 1ue j ' f'uss(; t o u t nu d ·cl 1 1 ns ni 111 l i t '/ j . . !bit!.
1 1 a i s vroi 'S (; t cxisui ntes. J
256 Retour à Descartes Le caractère d'être de la res cogitans, de la conscience 257

de magis simplex et universale1, de plus simple et de plus uni­ duo et tria simul juncta sunt quinque, quadratumque non plura
versel), figura rerum extensarum, item quantitas, sive earumdem habet latera quam quatuor1. Descartes tient maintenant des
magnitudo et numerus : item locus in quo existant, tempusque données pour lesquelles les conditions d'accès qu'il avait
per quod durent, et similia2, donc à la différence des generalia, d'emblée rendues incertaines ne sont plus pertinentes. Nous
ce sont des universalia et à vrai dire des universalia qui ne font savons en effet que la regula a été tirée de ces objets. Et pour­
plus référence maintenant à des data sensibles spécifiques. Ces tant Descartes n'en reste pas là. Pourquoi n'en reste-t-il pas aux
déterminations fondementales du donné, ce sont d'une certaine objets dont il dit pourtant lui-même qu'ils sont donnés avec une
manière les couleurs dont sont revêtues toutes les réalités effec­ clarté et une distinction absolues ? Parce qu'ils ne peuvent pas
tives en tant que telles (ex quibus tanquam coloribus veris procurer un fundamentum absolutum à la science fondamen­
omnes istae, seu verae, (238] seu falsae, quae in cogitatione nos­ tale ; en effet cette science est la prima philosophia, l'ontologie
tra sunt, rerum imagines effinguntur3). Le passage des generalia au sens ancien du terme. Descartes veut énoncer sur l'être, sur
aux universalia indique vers où Descartes s'achemine pour ainsi l'être causé, sur l'être de Dieu, des propositions conformes à la
lire : il y a encore un magis simplex. La mise à l'écart est tou- regula. Il ne peut pas le faire au moyen de propositions mathé­
jours effectuée sous la conduite de l'idée de la règle qui enjoint
de rejeter tout compositum dans la mesure où celui-ci com­
matiques. La considération tout entière est axée sur la prima
philosophia au sens de l'ancienne métaphysique, et n'a rien à
porte toujours en lui-même une possibilité d'obscurum. Qua­
i
voir avec la théorie de la connaissance.
ropter ex his forsan non male concludemus Physicam, (239] Ce que donnent les mathématiques doit donc être, lui
Astronomiam, Medicinam, disciplinasque alias omnes, quae a aussi, ébranlé : Verumtamen infïxa quaedam est meae menti
rerum compositarum consideratione dependent, dubias quidem
vetus opinio, Deum esse qui potest omnia, et a quo talis, qualis
esse ; atqui Arithmeticam, Geometriam, aliasque ejusmodi, quae exista, sum creatus : unde autem scia ilium non fecisse ut nulla
nonn.isi de simplicissimis et maxime gen.eralibus rebus tractant, plane sit terra, nullum caelum, nulla res extensa, nulla figura,
atque utrum eae sint in rerum natura n.ecn.e, parum curant, ali­
nulla magnitudo, nullus locus, et tamen haec omnia non aliter
quid certi atque indubitati continere4• Les données maxime sim­ quam nunc mihi videantur existere2 ? Il est à noter que la situa­
plices sont manifestement celles des mathématiques, et c'est tion concrète est déterminée en grande partie par la conviction
pourquoi on peut dire que ces dernières ont pour objet les sim­
que Dieu existe, conviction qui se reflète dans le préjugé bien
plicissima et maxime gen.eralia. Nam sive vigilem, sive dormiam, déterminé selon lequel être en général signifie la même chose
qu'esse creatum ; par conséquent la conviction de l'esse Dei se
J. Ibid. lisse partout où Descartes traite de l'être et c'est pourquoi la
question de savoir si je n'ai pas été créé par quelqu'un de
trompeur n'a rien d'étrange ; c'est au contraire une question
qui, pour Descartes, se présente d'elle-même et par elle-même

rn ·ront toujours le nombre


J. Ibid. [ Car, soit q ue j e veille ou
que je dorme, deux et trois joints ensemble for­
de cinq, et le carré n'aura jamais plus de quatre côtés.]
t i n · 01 i n i rn , q u 'il y a un Dieu q u i peut tout, et: par q u i j' a i été créé et produit
2 . Ibid. , p . 1 2 sq. !Toutefoi , il y a longtemps que j'ai dans mon esprit une cer­

t •1 qu • je suis . ( r q u i me peut avoir assuré que ce Dieu n'ai t po in t fait qu'il n 'y
i i l uu u 1 1 l • r r >, nu u n ·i 1, auc�1n orp é tendu, a ucune figure, aucune gran­
.
u · u 1 , 11u ·u n li •u, ·t lJU n 1111111oins j';ii · les s · n t i m · nts

l l l l • LOul ccli1 11 • rn • s ·111 1 1 ' poi n t x.isl •r t 1 u t r ·m · n t qu j ' 1 vois 'IJ


1 t o u tes ces choses, et
·
Retour à Descartes Le caractère d'être de la res cogitans, de la conscience 259
258

dans le cadre de sa considération et qui doit nécessairement ce que la recherche trouve, c'est l'être en rech: rche lequel
être elle aussi prise en considération. enferme en soi son propre être. Je trouve le dubttare comme
ldeoque etiam ab iisdem, non minus quam ab aperte falsis, un esse et le dubitare est un cogitare. Dans cette mesure,
accurate deinceps assensionem esse cohibendam, si quid certi l'esse est un sum. L'esse de cette res que je trouve est un être
velim invenire1 • Il se pourrait que l'appréhension que j'ai spéci­ qui doit s'exprimer par le sum. Ce qui est trouvé, ce n'est p �s
fiquement de ces objets soit malgré tout elle aussi inassurée. que le dubitare fasse encontre à la m�ni ère d'u� e res, mais
.
Pour m'assurer contre cette non-sûreté elle-même, j 'accomplis que, dans le dubitare, un esse est donne s1multanement.
derechef le pas qui va de la dubitatio à la suppositio : Quaprop­
ter, ut opinor, non male agam, si, voluntate plane in contrarium
versa, me ipsum fallam, illasque aliquandiu omnino falsas imagi­ § 42. La recherche soucieuse en q uête
nariasque esse fingam2• C'est ainsi que Descartes s'est approché de la quiddité de l e go sum sous la conduite
'

non sans difficultés de ce que j 'appelle la situation terminale : de la regula generalis


putabo coelum, aërem, terram, colores, figuras, sonos, cunctaque dans la deuxième Méditation : l'ego cogito
externa nihil aliud esse quam ludificationes somniorum [. . ] : .

considerabo meipsum tanquam manus non habentem [. . . ] : n


Nous accompagnons d'abord le cours de la considératio
manebo obstinate in hac meditatione defixus3• Il se place devant telle qu'ell e se poursuit : Nondum vero satis intelligo, quisn
am
le rien et cherche à se maintenir dans cette situation. Mais cela sim ego ille, qui jam necessario sum ; deincepsque cave�dum e�t
veut dire, pour cette [240) situation terminale elle-même : il ne forte quid aliud imprudenter assumam i� locum_ me11• Co�s1-
ion
n'est pas seulement placé devant le rien, mais aussi dans le rien dérons maintenant comment Descartes repond a la quest
des possibilités d'atteindre encore quoi que ce soit. Ma de la quiddité de ce qu'il trouve là. Descartes n'adm et, en fai �
ce qui
recherche est placée devant le rien et elle est elle-même dans le de détermination de l'ego, que ce qui satisfait à la règle,
la
rien, tout en se caractérisant elle-même comme quête d'un cer­ est donné de telle sorte qu'il soit donné conformément à
tum. Elle est ainsi placée devant le rien et dans le rien. règle, et qui ainsi s'atteste comm e étant. C � � men
,
t puis-j e
Mais elle-même est encore, même si la possibilité d'accéder parvenir à déterminer ce qu'est cet ego ? D01s- 3e m en [241)
à quoi que ce soit lui est refusée . Elle persiste dans l'attente tenir à une definitio ? Hominem scilicet. Sed quid est homo
?
de quelque chose. À présent, la recherche ne peut plus Dicamne animal rationale ? Non, quia postea quaerendum
atteindre qu'une seule chose, l'être en recherche lui-même, et foret quidnam animal sit, et quid rationale, atque ita ex un_a
à vrai dire ce qui est trouvé et satisfait au sens de la regula, quaestione in plures difficilioresque delaberer2• Je ve�x. vorr
ce n'est pas en quelque manière le dubitare comme tel, mais mment je m'apparaissais à moi-même dans mes opmwnes.
J veux discuter de mon propre Dasein en cherc
hant un carac-
1. Ibid., p. 14. (De sorte qu'il est nécessaire que j'arrête et suspende désor­

De cartes, Medilatio fi, op. cil. , p. 18. [Mais je ne connais pas encore
mais mon jugement sur ces pensées, et que je ne leur donne pas plus de créance
�ssez
cl tir m e n t ce q ue je suis,
que je ferais à des choses qui me paraîtraient évidemment fausses si je désire 1.
moi q ui suis certa111 que Je suis ; de sorte que desor­
trouver quelque chose de constant et d'assuré dans les sciences. ] _
pas imprud em-
2. Ibid. (C'est pourquoi je pense que j'en userai plus prudemment, si, prenant inois il fa u t q u e je prenne soigneu sement garde de ne prendre
J étais un homme . Mais �u est-ce
., . . ,
2. fhirl., p. J 9. l_ Sa n s d i ff i c u l té, j ' a i pensé que
un parti contraire, j 'emploie tous mes soins à me tromper moi-mêm e, fei g n a n t 1 1 1 • n t q u elq ue a u t re chose pour moi . ] .
que toutes ces pensées sont fausses et imaginaires.] n a b le ? Non c� 1 tes . car 11 fau­
3. Ibid., p. 15. (Je penserai que le ciel, l'air, la te r re , l e s cou l e u rs , les figu res,
dr iit 1 ur upr s r · h ·r ·h r cc que c'est qu a ni ma _
q u e c'est un a n 1 1 1 1 a l ra1 son
q u 'u n h o m i n ' ? D i ra i-je
l , el ce q ue c est que 1_ a1son­
_ _
t u i nsi d ' u n · s · u l c qu ' s t i o n no11s
,
les sons et toutes les choses extérieu res que nous voyons ne sont que des i l l u­
·t
une
l lf l h l '.
e n l en

u'uut r ·s
t om b n o ns 1 nscn 1 b l e m

mains ( . . . ). Je demeurerai obst i n m n t at.tach à ·t t · p ·ns c. I


sions et tromperies ( . . . ). Je me consicl rcrai moi - mt:me o m m n 'a y a n l poi n t. 1 '
p l us l i f fi ·i l ·s · n i harniss · s. I
· n fl n i l �
Retour à Descartes
itans, de la conscience 261
260 Le caractère d'être de la res cog

non d�sti�gu ?) cum


tère qui le définisse et soit conforme à la règle. Descartes ne non potest, cum videam, si� e (quo � jam s n?.n altqu!d szm 1 . Le
s'en tient pas à des definitiones quelconques mais à ce qui se cogitem me videre, ut ego zpse co�ttant remterprete, s en un
sen
voi r , l'ouïr le sentir son t à pre
donnait de soi-même dans la considération naturelle du
cogi to me ; idere, videor videre, etc .
�ors � ue je �ois, jeA me
Dasein : Sed hic potius attendam, quid sponte et natura duce d�nne en me��
pos sèd e en mê me tem ps mo i-m�me
que le se� tzre �st en � efl­
, Je sms
cogitationi meae antehac occurrebat, quoties quid essem consi­
derabam1. Il poursuit donc la considération dans le même sens tem ps à mo i-mêm e. Cel a veu t dire
le est bie n sur cod ete r­
que précédemment : Nempe occurrebat primo, me habere vul­ niti ve lui aus si une cogitatio , laq uel
s. Ain si n'e ntre , dan s la
tum, manus, brachia, totamque hanc membrorum machinam min ée après cou p par les org ane
pos sèd e le car act ere de la
qualis etiam in cadavere cernitur, et quam corporis nomin; dét erm ina tion de l'ego que ce qui
designabam2. Remarquons que Descartes perçoit son propre res cogitans.
Dasein comme une chose dotée de propriétés déterminées, il
le voit dans les déterminations catégoriales qui sont celles uni versellement
d'une chose donnée pourvue de propriétés. Il le dépouille § 43. La proposition valide
ci de certitude
pour ainsi dire en éliminant tout ce qui n'est pas donné en con traignante trouvée par le sou
conformité avec la règle : tout ce qui, d'une façon ou d'une
stio n décisive qui est
autre, est déterminé par les sens, tout ce qui comporte un No us devons cep end ant poser la que
t D artes détermine la
esc
de savoir comment la manière don
sa quiddité � ermet de
obscurum. Pour déterminer la quiddité de l'ego, seules inter­
viennent ces données dont il était question dans la détermina­ res cogitans dans sa quoddité et dans ce qu , il_ a ven , tabten:-ent
tion de la quoddité. La question : quid sum ? se trouve réglée
et
voi r ce qu' il cherchait véritablement
étant les formulations
par cette proposition de Descartes : sum res cogitans. Quid est trouvé. Nous allons examiner, en interprénonce sa découverte
rtes
hoc ? Nempe dubitans, intelligens, affirmans, negans, volens, du cogito sum , la façon dont De sca
nolens, imaginans quoque, et sentiens3• Le sentire lui-même est et le sens qu'il lui don ne. D escartes opere
,
ctio n que suit sa rec her che ,
maintenant repris dans la détermination de la quiddité de l'ego Dan s la dire
des remotiones. La recher­
des dubitationes, des suppositiones,
parce que Descartes a obtenu une détermination plus précise la dét erm inat ion de s�n
du sentire en le déterminant comme un animadvertere comme che de la res cogitans elle -mê me , et
être s'or ien te sur l'ho rizo n dans
lequel se donne le D ase m
tel où la médiation sensible n'est plus de mise. Lucem video, le, a�ec cette feui�l � de
strepitum audio, calorem sentio. Falsa haec sunt, dormio enim. prOJ; re, sur cet hor izo n : devant le poê cons1dérat1_ 0n c�1ti�ue
pap ier dan s les ma ins, hab illé .
�a .
A t [242] certe videre videor, audire, calescere4• Sed .fieri plane pnn c1p es. Cel a veu t dire . la
reste con stam me nt axé e sur les
des d'a ccè s à l'ét ant
1 . lbid. [ ais j e m 'arrêterai plutôt à considérer ici les pensées q ui n aissaient
!'1 remotio porte sur les prin cipe s, les mocip es tom ben t sou s le
.
ci-devant d elles-memes , en mon espnt, _ et qui ne m 'étaient i nspirées que de ma
don t De sca rtes est fam ilie r. Ces prin
ne d' abo rd . à vra i dire
seule nature, lorsque je m'appliquais à la considération de mon être . ]
up de la remotio et cell e-ci con cer _
2 . ibid. [Je me considérais , premièrement, comme ayant u n visage, des mains,
_
' q u i est don né selo n ce mo de
et ens mte , en fais ant ret��r
a u x con diti on d'êt re de ce
des bras, et toute cette machme composée d'os et de chair, telle q u e l l e paraît en
connaître, les mo des du sa_1sir
u x- m ê m es . L s a i si r qui s'ef
un cadavre, l aquelle je désignais par le nom de corps . ]

3. ! id.' p. �3. (<Je suis> u n e chose q u i pense. Qu'est-ce q u ' u ne c h ose q u i fectue dan s l'état de veil le,
.
u re où il est co n di t i on n é (24
_ une chose q u i doute, q u i co nço i t , q u i a ffi rme, q u i n ie , q u i
an la m
pense C , est-a-dlfe
3] par mo n être phy -
4 . Ibid. p . 24. [ J e vois la l u m ière, j'o uïs l e bru i t , j e resse ns l a chaleur. M a is
veut, q ui ne veut pas, qui_ i m agine _ aussi, et q u i sent. . ]

1a 1 , u L ras f iil" q u > lorsq ue je


vois, ou
fliitl 1 . :10. I l l ne ,
:

te fo i_ s, à L o u t le 1 1 10 1 1 1s il esl L r s e rL a i n q u ' i l m s m h l , q u e j , v Jis, q u e j ' < u'îs'


,

· n s • voi r, i u ' 1noi q u i p


ne d i s-
..
1 on me d 1 . q ue ces a pparenc s so n t l a usses cl q u ' j ' d rs. u ' i l soi t o i n s i ; L o u­ · (ce q u e je

plus ) lorsq ue j · 1
!. e.I
· n sc n ' soi t qu · l q u e chos
et q uc j c m ' c h<t u fl'c. I 1ln ll '
Retour à Descartes
Le caractère d'être de la re s
262
cogitans, de la conscience 263

siologique, reste non pertinent. Descartes achève la considé­


certi, cognoscam1• [244] En persistant obstinément dans cett�
ration ?ar un fallam me ipsum1 général : je veux me tromper
. attitude, je vais m'efforcer d'aller plus avant dans les possi­
m01-meme. Descartes caractérise la situation terminale
bilités qui me restent. La prochaine étape de la recherche
ainsi : manebo obstinate in hac meditatione2, je vais persister
obstinément là où ma recherche m'a conduit : pergamque
conduit la recherche devant elle-même. Le dubitare rencontre le
dubitare et la question est alors de savoir ce que trouve la
porro donec aliquid certi, vel, si nihil aliud, saltem hoc ipsum recherche ainsi caractérisée. Le dubitare est placé devant lui­
pro certo, nihil esse certi, cognoscam3. même et à vrai dire il est dans une attitude de recherche telle
Il est essentiel de bien se représenter la situation terminale '
que la recherche demande à présent à ce qu'elle ren�ontre, e�
dans sa structure : 1 ° la première chose qui la caractérise est
qu'elle place devant un rien en fait de données ; 2° elle place
l'occurrence le dubitare : es-tu donc un certum ? Qu est-ce qm
à proprement parler me fait encontre dans le dubitare ? Dans
dans un rien en fait de possibilités d'accès ; il n'y a plus rien le dubitare, je rencontre le me dubitare, et le me dubitare se
vers quoi Descartes puisse diriger sa recherche. 3° La montre à moi comme un me esse. Est-il donc un certum ? Oui,
recherche, placée dans le rien et devant le rien, est caractéri­ cogito, sum. Quant à savoir ce qu'est véritablement ce qui a
sée doublement : a) elle est caractérisée par sa tension vers été trouvé là lui-même, c'est ce qu'il nous faudra établir par la
quelque chose ; elle est tendue vers un fundamentum absolu­ suite. Pour l'instant, retenons simplement que le dubitare est
tum et simplex et possède, en tant que recherche, ce trait bien trouvé comme un me dubitare, un me esse.
déterminé de tension ; b) elle est déterminée par un horizon Descartes poursuit dans cette direction et entreprend de
particulier au sein duquel quelque chose comme un certum déterminer dans sa quiddité ce qu'il a trouvé. II ne fait entrer
peut, d'une façon générale, faire encontre. Cet horizon est dans la détermination du ce que c'est, de la quiddité, que ce qui
déterminé également par le cheminement <de la recherche> satisfait à la règle elle-même : me velle, me affirmare, me dubi­
c'est l'horizon de mon propre Dasein qui tombe maintenan � tare, ce qui lui fait dire : quis sum ? res cogitans. La détermina­
de plus en plus sous le coup de la remotio. La direction tion du quid de ce qu'il a trouvé d'indubitable dans sa
d'attente demeure, et elle va à vrai dire vers moi-même. recherche signifie donc pour lui délimiter et déterminer la
C'est ce qu'il ne faut pas perdre de vue si l'on veut com­ consistance régionale de la cogitatio. Mais le but de Descartes,
prendre que le revirement du dubitare vers lui-même n'a rien
de violent mais résulte de la tendance de la recherche. La
dans sa détermination quidditative de l'ego, ne peut pas être
de montrer que l'ego est l'unité d'une multiplicité (c'est pour­
recherche est poussée à effectuer le saut conduisant à se voir tant cette idée qui guide toute la traduction de Buchenau). La
soi-même. Enitar tamen et tentabo rursus eandem viam quam question de l'unité d'une multiplicité n'est absolum_en � pas �n
heri fueram ingressus, removendo scilicet illud omne quod vel problème pour Descartes. Il demande : qu'est-ce qm fait partie
minimum dubitationis admittit, nihilo secius quam si omnino de la complexion régionale de la res cogitans ? Il détermine le
falsum esse comperissem ; pergamque porro donec aliquid quid de ce qu'il a trouvé en se fondant sur ce qui appartient à
certi, vel, si nihil aliud, saltem hoc ipsum pro certo, nihil esse la complexion régionale du cogito. C'est donc ainsi que la

Des ca r t es , Medilatio 1, op. cil. ,


( J 'emp l oie tous mes soi ns à me t rom­
1.
qu.oddité et la quiddité de la res cogitans sont déterminées.
p. 1 4.

1 . Ibid. [ J e m 'efforcerai néan m o i ns , et suiv ra i derechef la même v? ie où


pe r· 1 1 101-1 1 1ê me. ]

3· j ' lais ent ré h i r, en m'éloign a n t de t ou t: ce en q uo1 i e pourrai 1111ag111er le


2. Ibid.,
scartc s, Med11a110 Il, op. et!., p. 1 7. ! J
p. l 5 . [ .J e deme urera i obst iném ent attach

1 1 1 1. 1 1 , J. isq u 'à c q ue j ' a ie renco _


é à cette pensé e. ]

n t r quelq ue chose de ertain , ou du n io i n d r dou te, tout de même q u e s1 Je conna issais que cela tût . absol umen �
e con t i n uerai toujo urs clans cc he-
p u r · H u t r hos . J USqu' I\ c q u e j'aie
.
o n t i n u rai toujou rs cla1�' e .c � 1 e 1 1 1 i n , j usqu'à cc q�e ]_ 'aie ':enco n t re

11

q u l q u • hos 1 • r1 n1 1 1 , ou d u m ms, si J ne p u i s a u l 1 e c ! 1ose, JLISqu à ce que


moins , si je •
appri s crt11in 111 n t q u 'i l n ' a ri 1 1 fnu x ; t j

J ' n i • 11p1 r iN • r l n i n · 1 1 1 · n i q u ' i l n' B ri n u u 1 1 1ond de


mon 1 d ' ertai n . J au .
· rt a 1 n . I
Retour à Descartes
Le caractère d'être de la res cogitans, de la conscience 265
264

Demandons-nous plus précisément : qu 'est véritablement ce


rim ad id coactus, sed quia ex magna Luce in intellectu magna
que Descartes a trouvé et que pense-t-il avoir lui-même vérita­
consequuta est propensio in voluntate1. Cette situation termi­
nale, où a disparu toute possibilité d'un obscurum, a entraîné
blement trouvé avec le cogito ergo sum ? Ce qu'il a trouvé est­
une propension à judicare, [246] à assentir à ce qui se donne.
il un certum et en quel sens ? Ce qui a été trouvé est un aliquid
Cet assentiment à ce qui se présente maintenant à moi n'a
non pas au sens d'une res, ce n'est pas le dubitare comme tel
rien de forcé et ne procède pas non plus d'une situation
d'indétermination : atque ita tanto magis sponte et libere illud
qui a été trouvé, ce n'est pas [245] l'esse du dubitare ; ce qui a
ét� trouvé '. c'est bien plutôt ceci : me dubitare, me esse, que je
credidi, quanta minus fui ad istud ipsum indifferens2. Ma
s01s en tram de douter, c'est là mon être. Ce qui a été trouvé,
situation était celle d'une attente toute en tension. Moins elle
ce n'est pas un aliquid au sens d'une res, mais un aliquid au
était indifférente, plus ma propensio était déterminée. Par le
sens d'un rapport réal, d'un état de choses (Sachverhalt). La
, processus de remotio, elle fait mûrü en son sein la détermina­
decouverte fondamentale de la recherche est une veritas, une
tion spécifique au certum en tant que Jundamentum absolu­
proposition qui est énoncée en faisant fonds sur sa dimension
d'objectivité ; ce qui a été trouvé n'est pas un objet comme tel,
tum. Il faut bien se rendre présente cette determinatio
spécifique pour voir le mouvement qui conduit la recherche
ce n'est pas le dubitare ni l'ego, mais un fonds consistant, le
à se refermer sur l'être en recherche lui-même*.
fonds consistant d'un état de choses, le fait que le me dubitare
soit dans le me esse, que l'esse soit donné ensemble avec le
dubitare. Ce fonds consistant est recueilli dans la proposition
cogit� erg? s�m ; en d'autres termes, on peut dire en bref que
ce qm satisfait au certum recherché, ce n'est pas une res mais
une proposition, une validité. Le souci de certitude cherche et
trouve une validité qui soit universellement contraignante. Dans
la mesure où le souci de connaître subit chez Descartes un revi­
rement avec l'interprétation du verum en tant que certum, dans
cette mesure même la découverte fondamentale n'est pas une
res, mais une veritas, une proposition certaine.
Il reste à montrer que c'est bien cela en effet que cherche
Descartes, et que c'est la veritas en tant que veritas qui
correspond à ce qu'il cherche. Et nous allons essayer de le
montrer en considérant les différentes formulations de sa
découverte et en examinant ce qu'elles expriment. Pour
entendre de manière réellement unitaire la transition qui va
6 8 . [Par exem ple, exam inant ces
J. D esca r tes , Meditatio I V , op. cit. , p .
de la recherche à la découverte, il importe de bien voir que jours
cela seul
pnssé s si quelq ue chose e x istai t dans
Je mond e, et conn aissan t que, de
la recherche a elle-même une determinatio bien déterminée .
t très évide mmen t que {ex1s ta1s m01�
La recherche reçoit sa determinatio au momen t où elle qu • j' xami nais cette ques tion, il suivai 1
s
j uger qu'un e chose que ie concevais �
a
•loi · ment é t a i t vraie, non
ais pas m'em pêche r de
m me, je ne pouv _ par aucun e cause exte­
atteint la situation terminale . Exempli causa, cum examina­
rl · u r " mais seule me n t . p a rce q ue
que je m'y t rou v s e J·orce
enteo de-
l ' u n e grand e clarté q u i é t a i t en m o n
111 · 1 1 1. a suivi u n · grand e in l i nat ion
rem hisce diebus an aliquid in mundo existeret, atque adverte­
à -roire avec d'aut ant plus de l i berté
. li /ri., 1 . 68 sq. \ Et je .me suis port
en ma volon té . \ .

. l
rem, ex hoc ipso quod illud examinarem, evidenter sequi me ,

q l l • j 1 1 1 • s 1 1 is t rnuv n v 1 1 1 o i 1 1 s
4 sqq.
· • s11j •!, 111w 1e, ompl 1 1 · n t . , p. '.l.
• ·n
existere, non potui quidem non ju dicare illud quod tam tare ' d'i nd i ffé r
·r..

intelligebam verurn esse ; non quod nh afiq11a vi '/emn .fi4. ,_ •


1 47 ) TR O IS I È M E P A R TIE

LA MIS E E N É VID E N C E
D E L 'OMISSIO N
D E L A Q U ESTION D E L ' Ê T R E
CONSID É R É E COMME U N E MIS E
E N L UMI È R E D U D A S E IN
Premier Chapitre

ci de certitude,
L'o bli tér ati on , par le sou
écifique
de la question de l'ê tre sp
de la res cogitans

§ 44. L 'inversion cartésien


ne
jointement soi-même »
du « toujours se posséder con
formelle
en proposition ontologique
osi­
connaissance dans son opp
Si la théorie actuelle de la me
te se réclame dan s le mê
tion caractéristique à Aristo st par ce que
sens de val idi té, c'e
tem ps de l'idée de vérité au e
e prend uniment son origin
ette discipline philosophiqu et
ation a d'abo rd eu pour eff
bez Descartes. Cette orient com-
s d'entendre ce qu 'Aristote
qu' on est devenus incapable à mo dif ier cet
qu'on en est venus
pr nait par vérité et ensuite rce che z
de pair et trouve sa sou
'lre en certum. Tout cela va me nt
considération de ce revire
escartes ; c'est pourquoi la r no tre
d u verum en certum n'i
mp ort e pa s seu lem ent pou
conscience, ma is aus si parce
7uestion du caractère d'être de la actuelle sur la conscience
qu l 'orientation de la phi
losophie
les d'appré­
n d u i t à des imp oss
ibilités fondamentales, cel
h n cl e r des phé nom ène s com
ls se
me l'esprit, la vie - lesque
clan s la me sure
1 nt pou rta nt toujours sur
la conscience -
i-
li n abo rde ces ph éno
s dét erm
mènes avec des catégorie

rev ire me nt signifie voi r que


P ur n us, la que l i.on du
' a u t re que la relégat ion de
cl rni ·r n v ul rie n cli r d
si lur• ·a t '!? ria l d l 'on tologie
1 248 1 for-
Ï_1 ·on s ·ie1 1c dans la
o l i )11 n i 1 ' a ru t • rist i 1 u
l • r ·l
' 'l
roi t
11 1<11
, 1 u'o n
.
270 La mise en évidence de L'omissio
n de la question de l 'être
L 'oblitération, par Le souci de certitude. . . 271
s'être assuré d'u ne sph ère certain alors
éta t d'in terroger celle-ci qua nt à e,son car
qu' on n'est pas en qu'ils se rencontraient aussi b�en ?ans la veille que dans_ le
actè
cartes a don né à cet te relégation une exp re d 'être. Des ­ rêve. Vers la fin de la Méditatzon, 11 les reprend au contrai�e
dan s la mesure où lui- mê me ne pre nd pas ression prégnante tous les deux dans la res cogitans. Quel est l'élément caracte­
une chose (Sache) qui aurait été trouvée le cogitare comme ristique qui met le sentire et l'imaginari en capacité d'être
structure d'u ne cause don t on a à débattre><un e chose ayant la eux aussi finalement cogito » ?
«

est d'avoir trouvé une proposition certain ; ce qui lui importe Descartes apporte l'élément décisif à la conclusion d� la
du cogito est pou r De scartes une propos e. Cette proposition deuxième Méditation : Fieri enim potest ut hoc quod vzdeo
me lle qui vau t de cet te cho se (Ding) ition logique et for­ non vere sit cera ; fieri potest ut ne quidem oculos habeam,
caractériser en bref com me chose pensanque nous pou von s quibus quidquam videatur ; sed fieri plane non pot�st, cum
tion mathématique couplée à une con te. Un e formalisa­ videam, sive (quod jam non distinguo) cur:i co�ztem r:z,e
pou r le reste, la cogitatio n'intervient pasditi on déterminée : .
videre, ut ego ipse cogitans non aliquid sim1• Ici s�nt identI�1es
stn�c�urel. Il suffit que la chose pen san te dan s son caractère cum videam et cum videre cogitem. Descartes �oit la relat! o?
pos1t10n. permette cette pro­ ainsi : jam non, <je ne les distingue> pas mamtenant ? u il
Pour nous, la que stio n qui se pos s'agit pour moi de déplacer le videre dans la res �ogztans.
vrai que ce qui a été trouvé dan s elaest alo rs ceUe-ci : s'il est
situ <Ici> sentire cogitare me sentire, cogitare cogztare me
= =

�n_e propositio n, un éta t de choses consignation terminale est ogitare. On voit donc que Descartes comprend d'emblée le
s1t10n, qu'en est- il alors, d'u ne manière géné dan s une propo­ ·ogitare comme une guise d'être spécifique dans laq�elle on
même à l'origine de cet état de choses érale, de la chose st conjointement en possession de soi-mêm e, un� guise dans
? L'é tat de choses ne .
peu t tou t de mê me pas être une e fict laquelle celui qui est est du �ê�e _coup pnmordrnl�men� en
le résultat de la recherche est un pur éta (Ve
ion . Il faut bie n, si
rapport à soi et se possède ams1 so1-meme. Cette determma­
t rha
à l'�rigine de cet éta t soit toujours percep lt), que la chose t i on fondamentale enferme un phénomène que Descartes ne
av01r en que lqu e ma niè re un motif réal poutibl e. Il doi t bien y fixe pas explicitement. Cogito ne veut pas dire simplem� nt :
cho ses de la cho se elle -mê me . La chose eller tirer cet éta t de j constate quelque chose qui pense ; mais c �est un cogz�� re
�vo ir été vue d'u ne façon ou d'u ne aut re. -mê me doi t bie n qui est à la vérité tel que j'ai moi-même part a c� tte �am�re
tive est alors de savoir comment Desca La que stio n posi­ ci être en l'ayant. On qualifiera plus tard cette �etermmatlon
mettre cet éta t de cho ses sous la forme rtes a été am ené à d conscience de soi, de conscience interne qw accompagne
ont olo giq ue formel. Qu 'a-t -il trouvé qui d'un éta t de choses ·haque acte de conscience. Mais vous voye� déjà q�e. le
cet état sous cette forme ? Nous dem and l'autorise à me ttre
'i ni ple fait de parler d'accompagneme �t n ' attei�t p �s venta­
Descartes dét erm ine -t-il la res cogitan ero ns : comment lil ment ce dont il s'agit. L'être du cogztare consiste a se po�­
l'en dro it où il finit par reprendre l 'imaginars comme teIJ e à ' ·d r conjointement soi-même. C'est précisé��nt parce qu'il
le champ de la res cogitans ? Il faut bien i et le sentire dans f i i t p a r t i e de l'être du cogitare qu'il soit con10111tement pos­
ristique de la res cogitans, auquel le sentireque le trait caracté­ ' d 1 a r soi-même selon une guise spécifi� ue que Desc�rtes
· ·

1 1 t d i re : is qui cogilat, non potest non exzstere dum cogztat .


ven t se conformer pou r pouvoir être et l'imaginari doi­ 2
repris dans la res
nal de la cogitatio en général qui aut oris c l e a ractèr régio­
cogitans , vien ne ici au jou r. Qu el est
don c e

sen tire et l ùnaginari dan s Je dom ajne e à [24 9 ] rep ren dre le
'

le che min d u dou te, Descar tes a déj à dree la res cogitans ? S u r
nco n t r le sen tire et
x lus l'un
'
l im aginari. M a is i l l e s a va i t
a lors t l 'a u t r , pa r
certitude. . . 273
272 La mise en évidence de l'omission de la question de l 'être L 'oblitération, par le souci de

à la recherche. I� ne f�ut
multipliant les conditions imposétees qui
[250] Tant qu'on interprète la conscience interne comme un recherche_ n est nen
phénomène d'accompagnement pouvant ou non faire défaut pas perdre de vue que ce dou ose au contraire sur une
on perd d� vue ce qui est décisif pour Descartes. Puisqu� d'indéterminé ni de général ; il rep
cogito lui-mê1?�· lequ�l est
dans le meme temps Descartes prend appui sur ce phéno­ conception bien déterminée duerm iné de conditions qm font
, dans la res cogitans pour transformer cette relation en
mene soumis à un ensemble bien détl'on peu t:ouver, qu'un: chose
une relatio� _ ontologico-formelle absolue - parce que c'est qu' il n'y a, parmi tout ce que pre à tfair e encontre a cette
une propos1�10n de ce genre qui lui importe par avance - , il bien déterminée qui soit pro qui ne lui correspond pas
prend o�cas10n de cette relation pour établir une proposition recherche. Toute autre chose .
ontologico-formelle. Mais cette proposition, à partir du tombe sous le coup de la remotio portance que p.rend pour
mome ?t o� son contenu est pris en un sens ontologico-for­ Un exemple révélateur de l'iméris tique se v01t dans la
mel, n attemt plus son objet._ En faisant de l'état de choses la Descartes cette structure car,act s ce qu' il a trouvé en pre­
mat�èr� d'une proposition formelle, Descartes inverse et per­ manière dont Descartes trouve dan pour le trouver . Sum cer­
verttt bien plutôt l'être spécifique de ce qu'il avait vu aupara­ mier lieu en même temps le critère id ergo etiam scio quid
vant : le phénomène du se posséder conjointement soi-même. tus me e�se rem cogitantem. Nunqu Nempe in hac p ima
? �
Mais si cette proposition est prise comme un index formel requiratur ut de aliqua re sim certus a quaed�m et dzs. tzncta
d est, qua m clar
(formale Anzeige), c'est-à-dire si elle n'est pas prise directe­ cognitione nihil aliu mie. r cogttare ne trouve
� e?t , (a�quel cas ,e�le ne veut pas dire grand-chose) mais est perceptio ejus quod affirmo 1. Ce pre mais. c'es t .en
pas seulement quelque chose qu'ent il aurai� l�,
referee a la concretJon de ce qu'elle vise précisément elle est rem et d1stmctement luc1d�
alors parfaitement légitime . Il appartient en effet à l'être du même temps une cognitio clai à quelqu e �hase : �lle �e v01t
cogito qu'il soit à chaque fois. Tout être au sens de Dasein se quant à ce que veut dire avoir-l -même qu elle ;�1t. C est l�
c�racté �·is� par le fait qu'il est à chaque fois, il est de plus gaiement elle-même dans cela nou� avo�s ?�J3 �encont�e
deter��e par s?� être-temporel (Zeitlichkeit) et ensuite par même phénomène que celui que e ou celm-c1 eclaire la dif­
hez saint Thomas2 dans le passag
du sensus en disant qu'il Y a, dan
,
la m�mere spec1flque qu'a cet ego sum d'être dans ce qu'il s
possede. Descartes ne considère pas davantage l'état de fait f rence de l'in tellectus et lité � ��
1 s diverses facultates animae, diff
érentes pos sibi � ­
edi
du cogit�tum . en son entier. Ce qui est important, c'est que , et que cette pos s1b1 hte est
vou.s .voy1e,z simplement c�tte chose : Descartes tire cette pro­ iio, de faire retour sur soi -mê me plè te dan s
l imitée dans le cas du sensus tandis qu'elle est com
position d un fonds consistant phénoménal déterminé la res er de causis, renvoie à Ari s-
est posée dans un état de choses où il s'agit de l'être du cer­ 1 cas de l'intellectus (tir é du Lib
t�m � n tant que veritas. Avec la validité, la proposition t te).
n attemt �lus l� res ; la res, avec toute la richesse qui est
c_haque fois l� siem1e, n'est plus prise en considération qu'à
titre secondaire. Le sens du sum se vide jusqu 'à signijïer être
�n quelque chose a� sens ontologique et formel. La proposi­
tion de Desc�rtes : Je. sms. u?e chose pensante (sum res cogi­
tans) en e�t 1 express10n adequate . Descartes dit même qu'il
, p. 33. p e suis cert ain que
ne peut, m ne veut, rien dire à propos du « je » n i du « suis » 1. es a r t s, Meditatio f i l , op. cil.
je suis une chose
auss i ce q u i est requ
iui p · ns ; mais n s�is-je clon e past · prem 1 rc con n a1ssa nce . .il ne se 1 enco nt1e
me rendre cer­
parce que la �uestion de l'être, s'agissant de l ê t re spéci fique
is po ur

l t i n o qu · 1 iuc chos · · D u ns
r ept ion cl · c q u e J
ri •n q u 'u n · 111 i r · · t list i n t p c
'

de. la res cogttans, ne le concerne d'avance q u 'à t i t re o n­


cct '
. onn R1s. J

, St1in t ' l 'i i n l f l, d' /\qu ln , Oe


vNil lie , 1 u o ·st

datre . [251 ] I l a assuré cet te att i t ud vi à - i d u cogito n


in l . art icul us l
s- v ·
274 La mise en évidence de l'omission de la questi 275
on de l 'être L 'ob litératio n, par le souci de certitude . . .

dère au con�raire [2?�) cette d t rmination ontologi


' que en la
rapportant a son ��1gme, n s:r : conduit
[252] § 45. Récapitulation de la caractérisation à voir que l'ov veut
dire finalem ent : ov n:owu?µio�ov: non 'pas
de la res cogit ans trouvée par Descartes : être créé au sens
' ph éno mè ne
oblitération de la possibilité d'accès d'esse creatum par Dieu' mais etre cre e comm e . ites
à l'être authentiq ue de la res cogit ans
.
· cancret . L'esse creatum outrepasse les lim qm·
du Dasem
sont les siennes 1orsq� 1ï est pns
. A
au-de la' de l'etre du monde.
'

Parce que l'êtr: 1


.

��� �
- eA e repris en tant 'qu'actus
purus, dans ce eA ; � f;� . e�� ;e �esse credtum, �l � cet etre
Pour récapituler : comment se manifeste ce que Desc
a trouvé dans la reche rche conduite conformément
artes y a �lus
à la règle , cartes de recour ir a
considérée et qu'est-ce que cela signifie pour le
caractère rien qui empêche desorma1s D es
d'être de la res cogitans ? pour la res cogitans. .
nation de la
1 ° L'être qui est préd iqué de la res cogitans, c'est
l'esse cer­ 60 Ainsi, on peut dire que ce mo de de détermi
tum et seule ment lui. 2° Dès le débu t, la recherche et . ans cornme esse creatum no n seulement ne pose pas
la res cogit . . ,
en oblite-
déter mina tion du cogitare ne tende nt nulle ment à interr l a question de l 'être au�h�� t�qu; de la res cogitans
oger que cette
le cogitare dans son être spécifique . Il n'entre pas
du tout rant de surcroît la possibilite d y avoirA accès ' mais absence
dans les tâches de la recherche cartésienne de pose recherche et ce tte découv erte font m u rir en soi une .
r cette . , a, savo · r celle de toute questio n en
question de l'être mêm e si D escartes érige ensuite de besoin bien détermm ee, �
cet être . . s . Le certum esse prime
formel au rang d'être absolu. 3° Non seule ment la reche direction de l' eA t. r e .de la res cogitan .
rche pré dication d'
A
etre . T o ute a utre question relative a,
ne poursuit pas du tout cet objectif, mais c'est préci dans toute .
sément l 'être est déterminée et conduite par elle.
cette recherche qui, d'un e manière générale, barre
par avance
le chemin sur lequel il est possible de déterminer cet
être, et
empêche que la chose dont il s'agit puisse être donn
ée en elle­
mêm e dans son être spéci fique . Ce qu'on cons tate
bien plu­
tôt, c'est que cet être de la res cogitans doit préci
sément
renoncer, pour ainsi dire, à son être spécifique pour
devenir
purement formel et entre r, comm e simp le quelq
ue chose,
dans la proposition.
4° Ce qui est reten u pour faire partie des déter mina
tions
d'êtr e de la res cogitans provient de l'ontologie tradi
tionnelle,
laque lle n'éta it pas du tout orientée primo rdiale ment ,
en réa­
lité, sur cette comp lexio n d'être de la res cogitans.
5° Cette
ontologie traditionnelle ne tient plus de manière origi
naire ce
qu'el le prend princ ipiell emen t pour fond emen t, mais
elle le
possède dans une transformation bien déterminée
q ui se
montre de la mani ère la plus nette dans le fait qu'es
se ne
signifie rien d'autre qu'esse creatum. Cela impliq ue q
ue l'être
de D ieu, tout comm e l'être de la créat ure, est com
pris caté­
goria leme nt dans le mêm e sens de l esse creat um . D
i e u n ' st
que la causa p rima et absoluta de l esse creaL um . i
'

'
l 'on ons i-
La problématique cartésienne de la certitude. . . 277

les relie, et cela en ayant d'abord en vue un élément négatif :


[254] Deuxième Chapitre 1 ° le fait que la région conscience soit posée comme absolue
ans que l'être lui-même (255] soit interrogé en un autre sens
L a pro blém atiq ue que celui qu'il possède dans la question de l'être absolument
?e la certitude de lacar certain ; 2° il nous faudra bien voir que Husserl appréhende,
tésienne
res cogita
ns
et l' m d:/term mat io n · de façon beaucoup plus aiguisée que tous ses prédécesseurs,
du caract ère d'ê tre
de la consc1enc� en t� Le sens de l'être certain, le phénomène de l'évidence. Nous
nt que champ thémat allons considérer brièvement ces deux moments : la position
de la p hen omenolog ique
ie de Husserl de l'être de la conscience comme région d'être absolue et
l'idée d'évidence, pour voir jusqu'à quel point le champ thé­
matique se trouve effectivement déterminé eu égard au rôle
qui lui est assigné : fournir le sol à toute problématique phi­
II nou s reste à examin losophique et finalement trancher le problème fondamental
er pa rtant de 1 a' comment tou
problématique de l'eAtre de l . te la de la raison.
a res cog1tan s e t l a ,
repons
reçoit, est liée à la de'ter . . e qu'elle
m maü ' . , On a montré ce qui entrait positivement en considération,
du caractère d'être de la con .on ou plu toAt a, l'm determination quant à sa consistance réale, dans la position cartésienne de
. science en tan t que champ
tzqu e de la phénomén olog théma- l'être de la conscience effectuée conformément aux exigences
ie.
de la regula generalis. La question de savoir ce que Descartes
a vu dans cette res, laquelle ne fournit aucun motif légitime
§ 46. Descartes et Husserl : pour configurer la proposition fondamentale, a fait appa­
raître que Descartes avait saisi ce moment : tout cogitare est
différences fondam entales en même temps un cogitare me cogitare. Ce qui montre qu'il
Pour consid érer le rapp y a là pour Descartes un moment constitutif, c'est que cette
ort ue 1� travail. de Hu d termination fondamentale sert précisément de moment
sserl entre-
t �1 l t imp?s�i �Ie
tient avec celui de D esc
des analogies exté rieure
�� � t
� : �
� e s 'e n tenir à régulateur pour décider de l'appartenance ou de la non­

� �
t pro ce e appartenance de caractères tels que le sentire et l ' imaginari
a u domaine de la res cogitans . Il résulte de tout ceci que
p river de tou te possibi eqm va udrait à se
lité d' � te�d� vent. able
veu t H usse rl. On aurait ment ce que
�: :
tort ass1m� er la doct l'être de la res cogitans est un être qui se possède conjointe­
rine de Hus­
II f u ouhgner � 'em
serl à celle de D escarte s
� blée en effe t ment soi-même dans son être. Cette donnée éprouvée au
une différen ce fon dame
�tale n a m ame- re don t Husserl
n tact du cogitare est ce sur quoi Descartes s'appuie pour
appréhende la conscience
quant à s n con ten u ., en
.
cl 'ager ce rapport déterminé dans la chose vue de cette
con cernant Je traitement
de la questzon de l 'être de l revanche ' açon. L'état de choses qui entre dans la proposition : is qui
et le sens de l'esse certu a conscience
m H ogitat, non potest non existere dum cogitat n'est pas déter­
perspective ouverte pa r Des usser1 se meut entièrement dans La
P 1us que ja mais, alle r
cartes et veu t m ê me, . rn i 11 dans son être par la res, mais par le sens du certum. La
t 1 o1. n que D escar 1 r p i t i o n el le-même, la consistance de l'état de choses
'
·
au1o
pers pect ive de faço n e n ·
plus urd' hui
i n a b solu e N ous
tes p o ur sais i r cette
.

. . qu' li xprim , est subordo1mée à la règle du principe de


n l rad icl i o n , l a q u l i e concerne la coexistence possible de
·.

. e
n e p o u vo n s expl
f' '. e 1 � ce fon d a m
rer ic1 .
que t rè s b riè v e m e n t fa
ental
o-
J r p !>i l i ns. Pris dans sa m a t r i a l i t , ce p r i nc i p e est u n e
cf if
HusserJ et Desca r te �. N
, I l ons
a
S l tr
.
n t re

lim i l e p ri n c i pe d e
· ou m rst r s u rl o u l
qur d ni la validil n ' si q u
. tude. . . 279
cartésienne de la certi
278 . . . de la question de l'e't.re
La mise en évidence de l'om1sswn
La pro blématique
ristique de
. t, un mo me nt par ticulièrement car acté vait pas
précisém en dance n'a
contradiction [256] ne vaut p as absolu�ent, mais seulement Aupar avan t, cette ten
I· 1 ne v � ut pas i'h istoire de l'esprit. ui une dimen­
pour une complexion régio nal e d etermmée , ·
a pris a ujou rd'h
, ' fo nda m enta l ; elle c'est la
meme pour l'aspect ontologico-for� el des pures relations du un caractère prim o rdialement en question,
. Ce qui vien t aire­
quelque chose en généra1 mais umquement pour des legali­ , !'lion effarante. con stitu er une science, second t
' ssib ilité de
, science et la po n que le concep
tes pures, plus formelles encore que l es quelque chose*. J'évo- dont on traite, si bie
que ce point pour si naler que c�tte onentat�on sur l'évidence
_ ment c'e st l'êt re de ce e, c'est être un
te détermination : êtr
absolue ne suffit pa� elle n P us a_ garantir la radicalité de reç oit en fait cet c'est ce concept
d'être rati on scientifique -
?� _ sum es t l a d ecouverte , domain e pos sibl e d'él abo
la considération . La pro pos1 t wn cogito décisif pour Husserl.
ayant un caractère de fiun damentum absolutum stmplex avec . d'être qui est en fait que lle m esure les déte
rminations
ns- no us dan s cédente
1 aquelle Descartes interrom�t sa recherche. Le sens d'être de D emando
don née s da ns la récapitulation pré
. que nous a vo ns terro­
la res cogitans est détermme par ce caractere ' d' etre A en tant m ent po ur le dom aine d'o bje t dont l'in
v alent effecti ve nce
re enquête, la con scie
·

que proposition dotée d' un contenu real , · La question de dép art de not
ation est au poi nt d e
A . ménologie ; deman­
l' etre de la res cogitans est ams1. reg , 1 ée une fois pour toutes.
p thé m atique de la phéno
que cham proprement par-
. 1 . .
n tant
Elle ne se pose plus pour D escartes parce que la seul e chose faut se représenter à
qui UI importe désormais c'est d'obtemr, a, p�rt�. r de ce fun­
. don s-n ou s co m men t il elle autorise à
n ent re D escartes et Husserl, si
.
damentum et à l 'aide de la ded· �ctw dans les differents ordres
rela tio ez Husserl ce
ique « conscien ce » ch
ler cet te
, du ch a mp thé mat ns chez D es-
r dire
possibles, de nouvelles proposit10ns sur les complexions d'être.
dit du cara ctèr e d'être de la res cogita accentué.
Nous pouvons donc dire eu egard , au caractère d'être de la qui a été me sen s voire en un sens
' cela da ns le mê tout le
artes, et bien présent à l'esprit
1 U v ous faut ,
découverte dans laquelle l a res cogitans apparaît, que le fon- insis te, avo ir
j'y utre
dement de l'être est l'esse certum . La tendance de a recher- dit da ns le cours. Celui-ci n'a d'a
ch e est d'emblée telle qu ,l , n 'entre pas du tout dans ses
que j'a i avec ce
. c nte n u de ce con vient l'explicatio n
par er com m e il
. . . de l 'être et de l b ut que de pré ique dans la phé-
mtentwns de poser la questwn
, .
a poser en se
a été mis en jeu à titre de champ thémat
donnant si librement ce qu e11 e questionne que ce l a parle à qui
rdu i.
partir de son caractère d'être ro �e �e qm. est recherché ne
·
nomén ologie d'a ujo u cin q points de
cette comparaison de
peut venir en question que s'� ���isf� t � u :ens d'être qui lui N ou s allo ns m ene r te méthodiq ue
, us con sid ére ron s 1 ° le rapport du dou relation
a été assigné d'avance par la e erc e . 1 etre au sens d'esse v ue : no erl ap pelle réd uction ; 2° la
certum. Ce dont il est e f10 en fait
ce que H uss côté ( D es­
artésie n à
� que du cogito d'un
_ de catégories d'être,
dans cette considérati �� � t ans �o� te l'organisation des ntre la mis e en je u thé
co
mati
nsci en ce de l'autre (Husse
rl) ; 3° la
artes) et cel le de la le du
sciences, ce sont des catégories � en , tees de la tradition qui
actè re abs olu de la res cogitans et cel re
question du car
.
_ , ; 4 ° la relation ent
ns de l' abs olui té
passent pour ne pas av 01r b esom d'être questionnees,
.
· des de la conscience p ure t qu' esse creatum

,
categories héritées sous u n e f rme � u 1 s'est déjà éloignée de la res cogitans en tan
. 1 cara ctè re d'ê tre de la conscience
l'origine de telle sorte ue le expen � nces où elles ont été tre fondamentale de
puisées ne sont plus .Pré; en tes mais onentées e t mterpretées
atio n d'ê
· l .la dét erm in cad re qui m otive
n
· , ens regionale ; ° le
5
d ans la perspective d'a�t�es con�ex10ns réales (le christia-
. 8] e tan t qu' ances ulti-
l a
D escartes et les tend comme
pure (25
ch ez
u:re c ez D e s ca rt es vise à [257 ]
, t rec her che e
ul timemen fondam entale compris
1 1 1 1 m. n t déci
nisme ). La tendance à sives de la science
fonder les sciences a' con figurer des, d 1. sc1. p .m e s t ou.1 o u rs de l a conscience .
· .

.
nouvelles, et cette tend ance dev1ent, a partir de D sca rtes n otr e xa m en en m
etta nt d'abord au
u i r
( J h n.om. , n.o log ie
ond
en.tale 1 d u x 1 osi t ion s
'
.
N us a i l ns
la nda m
j )U r ha r u . r
''re nc , I
* Cf., à ce sujet, A nnexe, cornpl 'rncnl 6, p. 3
)ÏS rli[/
7.
281
sienne de la certitude . . .
280 La mise en évidence de l'omission de la question de l'être La prob lématiq ue carté

. cartes1e . nne. Che z Descartes, il s'agit d'exclure_ �t


r
, saisie
pour voir, partant de là, comment, en dépit de différences sous mo tw
conn exi . ons d'�t e e et les modes de autr
ct ui leur correspondent parce quel"/es. Les
des rapports décisifs, il y a néanmoins une communauté qui <.l. 'éc arte r cert ain es unes comme les es
montre que Husserl se situe malgré tout dans la tendance scien ces sont ten ues
ne sati. sfont pas à la regula gener� s
unitaire fondamentale de la recherche cartésienne, le souci · es et ce qu'e l l es saisis � sent r sujet à illusion. .
pou
n � sont pas mises de côté
de connaissance étant finalement chez lui à l'œuvre sous la pou r mce rta m . , mais
forme du souci de certitude. l'o ur Husserl, le� sc1e nces h , me fondame ntal ch erch é. La
intégrées et rep�1.ses dans 1lee sen : . d'installer les de la scieetnce
scie nce s, ce
r duction a. pos
a) Le doute méthodique cartésien (remotio) itiv ement
. s le d o.ma me thém atique
q u, ell es saisisse nt ' dan . de
et la réduction husserlienne
uv el 1 e. L a ,
re duc
.
t1on a pos 1tiv. eme nt pour tâche non e,pasmais.
no . certitudes ou à l'incertitudela
Sur le 1°. À première vue, les deux procédés ont quelque TJh. qu er 1' e'tant quan. t aux re à po uvoi r être , b ore,
li le rendre thém
atiq � ue ent prop
chose en commun, et cela au point qu'on serait presque tenté erch�e.
de dire que la réduction est au fond la même chose que la dans la scie nc e rech , art de ces deux procédé sa
· Par cons eq uen t le p oint d e d ep · e
1 rent . Descartes envisag
'
remotio. En effet si l'on considère leur point de départ, l'un ' c1er . , eme nt d'ffé
et l'autre sont logés à la même enseigne. Husserl part, l u i aussi un sens fon _ la que stio n crit . mee,
iqu
comme Descartes, du « moi dans son monde ambiant ». De :-100 mon de a
mbi. ant. à la. lum1e_ re detum Husse rl est a m
nsist ant à sav01r s1 c�lm-civise est un cer .
la même façon, le but que visent ces deux procédés semble r . non P as à ébr anler ce ,
mond.e
par la ten d ance opp.
osee et .
être le même puisqu'il s'agit de progresser jusqu'au cogito en . nt, a, dec , ouv nr de s obs cun , m ais au contrair amai
tes, e . voir.
tant q u'absolutum. Et la démarche est finalement la même run bia . m m dans sa donation orig re
1 récisé ment ce mond - � � n dont je m'y rapporte.

puisque l'un comme l'autre procèdent à une exclusion : Des­ e l m


cartes sur le mode de la remotio, Husserl sur le mode de la ·t· à
uant à
voi r en
sav 01r
êl
� ?
s1
e
Ru
tem
sse �
ps
:
� d : n i� manière dont il con duit
ment l'ap er-
réduction. Cette convergence est renforcée par le fait que
1 ' xa men du 0:onde am ? '
i ' t p eut tout sim pleitiv
v oir, c'est la une q�es�ion secmond
Husserl se réfère expressément au doute méthodique de aire. Pos ement, la
Descartes. re l'être .en
t ndance n ' est . pas
d'ebranl er, ais de m ett
À y regarder de plus près, des différences fondamentales
\':l p acité d'être m terroge, �-, ���v�ade ux frais dans la spectiven
per
apparaissent cependant, d'abord en ce qui concerne simple­ qu L s g constituer. La réductioa-
d . l a science nouvelle situ
ment le but visé. Descartes veut atteindre un absolutum sur chez D escartes, sur une ant
11 déb ouc he don c pas, com m e le
lequel toutes les sciences puissent être fondées et instituées, . ale où la recherch e se trouve placée dev .
es pos��'bTtes
le fundamentum étant donc le point de départ de séries t on ter mm . ' de trouver qu01 que ité ce
i l n , et da ns le ne n ? possibil
démonstratives déterminées. Pour Husserl, il ne s'agit pas
A il . (260) La r ed uct1?�n �
, on g��e bien plutôt latom be sous
d'atteindre un fundamentum pour toutes les sciences, mais ossi
t l etr qui n' est que p et non pas rien , ble
bien plutôt de [259] trouver une science, une science nouvelle p r metta nt que tou
1 r ar. d , donc que
l' ensem bl e. d e l'être ' e the, matique- .

mo d·rt ·ica t ion déter. miné '


·
qui ne prenne pas seulement le fundamentum pour point de
r i v 1 nn e, da11s une
. . ·
départ mais qui érige le fundamentum lui-même en thème de
cette science, le fundamentum non pas comme « ce à partir 1H n t pr- e n t .
»
de quoi » aller plus avant, mais comme le « ce sur q uoi d'une
science. Mais cela veut dire que H usserl adopte, vis-à-vis de
toutes les sciences, une tout a u t re position qu D ca r te s .
Cela veut dire que l 'excl usion a u n l o u t a u l r s n lan · la
282 La mise en évidence de l'om
ission de la question de l'êt
re La problématique cartésienne de la certitude . . . 283

b) Le cogito cartésien et la con d'analyse très primitif. Brentano n'a jam�is � u l'entente d � ce
science husserlienne dont il s'agissait à proprement parler, Il s en �st tenu � la
.
Sur le 2°. Ce que nous avons seule différence parfaitement triviale entre objet et sa!Sle.
dit concernant la différence L'école autrichienne a aujourd'hui entièrement sombré dans
en �re les deux procédés montr
e d'ores et déjà que Descarte
v?1t le cogito utrement que s la logistique, et est devenue totalement impuissant� . Le des­
� Hu sse rl. Descartes questionne .
d abord le cogtto en posant init tin de la théorie de l'objet montre qu'elle n'a .1 amais eu
ialement « mon être » et en se
dem an�ant si c'e st un cert�m, l'entente de la nécessité d'une ontologie ; elle est devenue
une res satisfaisant à la regula
ge�era!ts Husserl ne qu est 10n une computation vide de relations et de connexions de �ela­
ne pas le cogito po ur savoir s'il
satisfait a� une nor me quelco tions, ce qui l'a rendue opaque au traitement de connexions
nque, mais il le voit po siti ve­
me nt. Il che rch e positivement d'être concrètes.
une structure fon dam ent ale et
la trouve dan s ce qu 'il appelle Ce qui sépare H usserl et Descartes se voit précisément
l 'intentionnalité. Il voit po siti
vem ent la conscz.ence dans la ­ dans ce que Descartes et Husserl font, l'un et l 'autre, de la
turel �écis�f. Or ce�a a un e sig
per spe ctive de ce moment str
uc­ découverte phénoménale du cogito me cogitare. Pour Des­
nification décisive po ur toute
problemattque ulten. eure de la cartes la découverte fondamentale sert uniquement de base
la conscience : l'in ten tio nna lité
de la conscien n'e st pas un pour é tablir une proposition ontologico-formell� qui satisfait,
�� éta t quelconque de l 'ego, ma
dan� �e « s � dm ger sur » est is par son caractère de certitude, au certum, � � qm, en t� nt que
éga lem ent do nné ce sur quo
se dm ge. L mtentionnalité ne i il telle, devient le point de départ de propositions posseda?t le
do it pas êtr e considérée com
une propr�é �é des processus me même caractère de validité mais ne se rapportant pas neces­
psychiques, mais il faut y voi
un e modahte dans laq uel le que r sairement à l'être de la conscience . Pour Descartes il ne s'agit
lque chose fait encontre d'une
fa�on tel le que ce qu i fait enc pas de saisir thématiquement la res cogitans ; pour H usserl
ontre soi t pri s en vue ave c le
faire encontre lui -m êm e : le ·n revanche le phénomène spécifique du « se rapporter
se-diriger-sur en un ité ave c son
« ce sur quoi » spécifi qu e. C'e onsciemment à quelque chose » devient le point de d �part
st là le sen s fon dam ent al de
que veut dire d'emblée « int ent ce d'une interprétation fondamentale de la réflexion. Le fa� t de
ion nal ité » : dans l'attitude du .
cogitare es� égalem� t donné, la réflexion non pas comme fu ndamentum d'une proposit10�
en unité avec le cogitare, le cog
ta�m au titre de l eta ?
nt dans la ma niè re do nt il fait i­ n tologico-formelle, mais comme instrument destin � à confi­
fois encontre lor squ 'on y accède cha que urer le cheminement propre <de la phénoménologie> : « La
et a commerce avec lui .
A ve� cette décou verte de m. thode phénoménologique se meut intégralement dans le �
n tes de la réflexion 1 . » Remarquons bien ici ce sur qu01
l 'intention nalité, la voi e po
co�dutre une rech�rche on tolo ur
i rte Ja réflexion, en l 'occurrence la [262] conscience et son
gique radicale est po ur la pre
mt.�re fots. exp ressement ou ver ­
te dans l'histoire de la philo
phte . so­ ':uactère
" fondamental : l'intentionnalité. La réflexion ne
Bre nt�no et la scolastique abo rte pas sur des processus psychiques, mais sur la manière
rdent les pro blè me s d'u ne
faç on q�i reste foncièrement s rapporter au monde objectif. C'est par conséquent une
vag ue et con fus e. [26 1 ] Husserl .
a vu positi. vement qu elq ue cho rr ur fondamentale de caractériser la phénoménologie hus­
se de fondam ent ale me nt neu
et c'e st aus si la rai son pour f •rli nn comme une « phénoménologie des actes » ou
r n m u n e « p ychologie transcendantale » ainsi que le fait
laq uel le la rec h e rch e q u i t rait
the_ matiq . uem �
8 •h 1 r. i on v u t l ' i n te rp r ter ainsi, il faut alors prendre le
ent de la con sci enc e d a n s son
me nt� I se tie t loi n a �-d e s,s car act ère fo n d a ­
que 1 on ass oci e vol on t r rs a 'I t l'a l 0 1 1 1 111 T- h rs, ri veut q u 'on l 'entende . La phé-
� us d ' u n cou ra n t p h
i l sop h i q u
. ien
a u t rich
la p h n o m n o l o i : l a r: h n
1 . E. l l 1 1NN · r i , fri<'<'ll. 1, § 77, p. 1 44 l l r 1 1 .
n e de l 'obj t , l a q u I
op. ·if., p. 47 1.
l n 'a j a m a is d pas u n niv au l'r. ,
.. 285
tésienne d e la certitude.
. de l'être L a problématique car
284 La mise en évidence de l'omission de la questwn
uel on réfléchit est présentur t, si ce sur
noménologie ne se dirige J·ustement p �s sur des actes au sens 1 �nexion, l' acte sur leqdir ige n'est pa s l'obje t na el, mais
1 ancien du terme ' ma·si sur des domames encierement nou- qu i la réflexion se e tab le, pour
1 i' I' bje t da ns la
modalité où il est visé. s Un
veaux, sur la manière de se r�pporter à quelque chose en.
pr endre un ex em ple sim ple , n'e nt re pa da ns jet spélé-
la pr ob
ci­
ayant .présent cela même a, qu01 on se rapport. e 1s: T�mcapable,
nt que Je
1na tique de la phénoménlaolo gie en t ant que ce t ob de son
dalité
ne fais pas fonds là-dessus ·e a, Jam squ'on considère d an sstlapamo
� �
lorsque je considère directe�e � t l�:: �t' de voir, en quelque t lqu e-c i, ma is lor
jet , ce qu i sig nif ie qu e la tab le n'e s pré sente uni­
sens que ce soit ' quelque chose comme un caractere , d' etre, et i re- ob
vue de sa cap acité à être expérimentée ,
1

men t du poin t de actère


a, Pl us forte raison de d�, p ?yer q� elque chose comme une
,
qtL
111a is ce qui devient prueése nt ici , c'e st bie n plutôt lechcar ose s du
ontologie. J'en reviens ams1 au fait que . c' es_t �· c1,· _en r�alité, leq l fait partie entreelle-même. au tre s
que le sol pour une recherche ontolo�1que � ete d�gage pour d son êtr e-r ée l,
d maine de l' analy
se phénoménologique différence est la
l� premièr_e fois dans l'histoire de a philosophie, et cela
Le troisième momesolu nt où s'introduit une tre le plus clai-
d une mamère telle qu'on s . t �=pable de progresser comme . Ce qui nous le mon
l'ex�ge une recherche scient��q et non pas sous la forme de 1\1termination de l'ab sat ion correspondante du relatins vu m.
c'e st la car act éri da la
la simple réflexion. · 01e nt,
tum absolutum simplex
,�
1
1 est un nd am en ult é-
. dé pa rt à une déduction
cog ito fu
c) L'absolutum cartésien de la res cogztans
. mesure où il sert de pointintdededépart de la démonstration, le
,
et l'ab so 1 mte .
· h usserlienne de la consc1ence pure 1 l .,ure. En tant que poamentum po ur tous les objets possibles
{widamentum est fund s le point de
sserl, la conscience n'est pa
.
Sur le 30, L'absolutum chez D escait- � s ne s1gmfie . .
rien n gén éra l. Pour Hu
l ·part d'u ne chaîne
démonstrative, mais la consc ience est
d'autre que le fundamentu sim� le� qm sert de point de au sens d'une région tre d'ê émi-
départ à la déduction Est ;�t �< re at » chez Descartes tout Ile-même un absolutumbso le fait qu'il car act é-
ce qui est déduit tou� ce 11 rite. Da ns le
sens de l'a lutum, il yna de leur teneu r réa le
n occ �pe � as 1 � première place i, en rai so
un domaine d'objets qu
� :
.

dans la chaîne d �s raison;�: � l�t1 » s1�mf1e ch�z _Husserl : 1

en son gen re, en rem plissent le champ. Pour r et n� s­


être un étant qui s ' annonc� da onscience, q�1 tient de la 111ü q ue premier moment pour dégagerl, il
conscience la possibilité d mon�:er en lm-même. Par ('ar t s le cogi to n'est queonletol -formelle. Pour Husse
conséquent, la conscience e: �:nt qu <;_tre absolu signifie cet ta bli r une proposition quelqogueicoch os e d'absolument certain
être dans lequel s'anno nce tout autre etre poss�'bl e tenant de 'agit pa s de trouver suite autre chose ; mais c'est préci­
� C'est
11
p ur pouvoir en dédu
ire en ne science.
1 a conscience la possibilité de se m�n�rer en s01-meme.
· l'�m en t ce (264)
.fun da mentum qui est le thè me d'uloignant du
ce sens de la conscience qu_1 est vise chez Husserl. Le fait
t l n s'agit pa s de reg
arder vers autre chose en s'éme absolu.
que la [263) phénomén 1 1�� : le qu'elle s'est constituée
�!
dans le cadre philosophi �; � poque, s01t_ . devenue pour itn damentum ; le fundam
entum est lui -m êm e thè
Husserl une science rationnell e est une question secondaire 1) La res cogitans cartésien ne comme ens creatum
qui ne nous intéresse pas d. ans ce contexte où il s'agit t l a co n sci e n ce hu sserlie
nne comme ens regionale
d'entendre la phénome'no logte comme posst·b tï"tte,, et de la
configurer plus avant Mais ell� ne peut être configurée pl u s plu s nettement encore
4° . tte d i ffé re n ce app aralaît question du caractère
avant qu'à la condition de faire .retour
pu�· se sa vivacité. C'est la détern�11h
. aux ,ra. cme · . ou, elle
r nt1011 de J i n t n t io n n a l i té
,
q u a t ri m mo m e n t ave
c
c La res . cogitans
·qg itan .s t d la co nsc ien
qm rend avant tout possi ble 1 a met ode de la r h r h m n'I 'SS creatu m..
an. l'esse creatu .m , se
nomeno , 1 ogique ; ca r cette m t hod t po ibl
279
ienne de la certitude . . .
278 La mise en évidence de l'omission de la question de l'être La problématique cartés


stique de
particulièrement caractéri
��i�:eu e�ent précisément, un moment
� �
va it pas
contradiction [256] ne vaut s ab ravant, cette tendance n'a
pour une complexion régio�:le d:� �r::� · l'h isto ire de l'e spr it. Au pa en ­
'
v u pas
da me nta l ; ell e a pris aujourd 'hu i un e dim
A
meme pour l'aspect ontologie�-for� e l des pures relations du un car act ère fon
nt pr im ord ialement en question, c'e st la
sio n eff ara nte . Ce qu i vie ire­
quelque chose en général mais umquement pour des légali­
' la po ssi bil ité de co nst ituer un e science, seconda
; !i
science et concept
tés pures plus formelles encore que les quelque chose*. J'évo- on tra ite , si bie n que le
que ce �int ���r ��n: :r :;::: cette orientat�on sur l'évidence ment c'e st l'être de ce do nt termination : être, c'est être un
.
absolu: ne s

d'être reçoit en fait cette
.
plus a, garantir la radicalité de ora tion scientifique - c'est ce
concept
. . . sum est l a d ecouverte , domaine possi ble d'é lab

� �
la considération . La propos1t10n cogtto if pour H usserl.
laquelle Descartes inter��m
ayant un caractère de fi d

7��t;e�h : �� utum simplex avec
. Le sens d , etre de
A
d'être qu i est en fait décis
elle mesure les détermi
De mand on s-n ou s dans qu la récapitulation précédente
dans
nations

. , que no us avons do nn ée s terro­


la res cogitans est détermme par ce caractère d'At e re en tant do ma ine d'objet dont l'in

;�: b �:i � t ����,��:,�:


t eff ec tiv em en t po ur le
r, valen nscience
que proposition dotée d' n ·
rt de notre enquête, la co
an s �:� r �e �� �s gation est au po int de dépa de la phénoménologie ; deman­
��� � ;
� n s p e p�u: escartes parce
�:
e e a sc tique
en tant que champ théma ent pa r­
que la seule ch ose t se représenter à proprem
. l . . . . dons-nous co mm en t il fau
� �� ,
qm m importe désormais c'est d'obte mr, a, partir de ce fun- e au tor ise à
damentum et à l'a'd d 1� : ;.ctw da�s les différ�nts ordres
scartes et H usserl, si ell
. ler cette rel ati on entre De erl ce
ue « conscience » chez H uss
possibles, de nouv� l�s r p ion� sur es complexions d'être . redire du champ thé ma tiq
d'être de la res cogitans ch
ez De s­
, qui a été dit du caractère acc tué.
en
Nous pouvons donc dire eu egar au caractère d'être de la me sen s voire en un sen s
'
' . car tes , et ce la da ns le mê t le
bien pr ése nt à l'esprit tou
dement de l'être est I esse certum . La tenda nce de 1a recher-
découverte dans laquelle l a res cogttans apparaît, que le fon- ist e, av oir
fau t, j'y ins
'
Il vo us e
ns le cours. Celui-ci n'a d'autr
l n entre pas du to u t dans ses
de ce qu e j'a i dit da
contenu ec ce
che est d'emblée telle qu "l e il convient l'explication av
. et de l a poser en se, but que de prép arer comm champ thématique dans la phé-
donnant si librement ce qu'ell e quest1 0nne que cela par1 e a
intentions de poser la question de l'être e de
. qui a été mis en jeu à titr
partir d e son caractère d'être ro��ef �e qm est recherché ne
. . noménologie d'a ujo urd ui. ints de
comparaison de cin q po
peut venir en question que s' fi � �, ;: ns d'être q �i lui N ous allons mener cette
� �
tho dique
1° le rap po rt du do ute mé
a été assigné d'avance par la re��� c� . re au sens d esse vue : nous considérerons
e H uss erl appelle réduction ; 2° la rel
ati on
ce qu
certum. Ce dont il est que st'10n en fait. de categ
· à
car tés ien (D es­
,
, �ne � d'être,
la mi se en jeu thé ma tique du cogito d'u n côté
�:d
e la
d �ns cette considération et dan o a 1s ? n de� ntr
ce de l'a utre (H usserl) ; 3° du
sciences, ce sont des catégories �ér �� : e �: ;ra�l�:ion q m ) et cel le de la co nsc ien
car tes le
. qu est ion du caractère ab
solu de la res cogitans et cel entre
pas�ent pour ne pas avoir besoin d � tre quest10nnees,' A
, des conscience pu re ; 4° la rel ati on
s ns de l'a bsoluité de la m
cogitans en tant qu 'esse creatu
l'origine de telle sorte que 1 es expenences
categories héritées sous u ne forme qm. s'est d eJa ' ' ' e' l 01· gnée de
, le caractère d'être de la res la co nsc ien ce
où elles ont été n d'ê tre fondamentale de
puisées ne sont lus �;=�� ntes mais � rientées et interprétées
, t la dé ter mi natio
s regionale ; 5° le cadre qu es ulti­
i motive
dans l a perspec�ve res connex10ns réales (le christia­ pu re [ 25 8 ] en tan t qu 'en
ch ez Descartes et les tenda
nc
11 nisme ) . La tendance à l ' œu �re chez Descartes vise à [257]
. . m es t ou.1· ours
ult im. em en t l a recherche
m dé cis ive s de l a s ci e nce fonda me nta le co mp ris e comme

ph >no m. >n o logie d la co


rn.e nt
fonder les sciences ' à con figurer des, discipl'
tr xa me n n m e t t an t d'a
. . nsc ien ce.
nouvelles, et cette tendance d ev1ent, a partir de De sca r t e s bo rd au
n
en c ' fi nd am. n.tale cl s de
us al lon s on du ir
ux 1 osi tio n
' j ur ha 1 u • fc is la rliff"r
N
ce SUJel, Annexe, complément 26, p. 337.
·
* Cf. , a
11 280 La mise en évidence de l 'omission de la question de l'être La prob lématique cartésienne de la certitude
... 281

lure et
pour voir, partant de là, comment, en dépit de différences sous remot!:io cartésienn e. Chez Descartes, il s'agit d'exc saisie
rter certaines connexions d'êtr e et les mod es de
des rapports décisifs, il y a néanmoins une communauté qui d'éca
e les autres
montre que Husserl se situe malgré tout dans la tendance qui le:ur correspondent parce que les unes comm
sont tenues
unitaire fondamentale de la recherche cartésienne, le souci ne sa1tisfont pas à la regula generalis. Les sciences
à illusio� .
de connaissance étant finalement chez lui à l'œuvre sous la pour incertaines et ce qu'e lles saisissent po.ur sujet � ,
cote, mais
forme du souci de certitude. Pour Huss erl, les sciences ne sont pas mises de
e fond amen tal cher ché. La
intégn·ées et reprises dans le thèm
talle r les scien ces, et ce
a) Le doute méthodique cartésien (remotio) rédu ction a positivement le sens d'ins ce
atiqu e de la scien
et la réduction husserlienne qu'e llles saisi ssen t, dans le dom aine thém
tâche non pas de
nouvelle. La réduction a posit ivem ent pour
de, mais
Sur le 1°. À première vue, les deux procédés ont quelque critiq uer l'étant quant aux certitudes ou à l'incertitu
être élabo ré
chose en commun, et cel a au point qu'on serait presque tenté de le rend re thém atiqu emen t prop re à pouv oir
de dire que la réduction est au fond la même chose que la dans la scien ce reche rchée .
édés a
remotio. En effet si l 'on considère leur point de départ, l'un Par cons éque nt, le point de départ de ces deux proc
envisage
et l'autre sont logés à la même enseigne. Husserl part, lui aussi un sens foncièrement diffé rent. Descartes
ère de la ques tion critique
comme Descartes, du « moi dans son monde ambiant ». De son monde amb iant à la lumi
m. Huss erl est animé
la même façon, le but que visent ces deux procédés semble consi:stant à savoir si celui-ci est un certu
ébra nler ce mon de
être le même puisqu'il s'agit de progresser jusqu'au cogito en par la tendance opposée et vise non pas à
aire à voir
tant qu'absolutum. Et la démarche est finalement la même ambi ant, à découvrir des obscurités, mais au contr
origi naire
puisque l'un comme l'autre procèdent à une exclusion : Des­ préci:séme nt ce mon de lui-m ême dans sa donation
rapporte.
cartes sur le mode de la remotio, Husserl sur le mode de la · t à voir en mêm e temps la façon dont je m'y
il cond uit
réduction. Cette convergence est renforcée par le fait que uant à savoir si Huss erl, dans la man ière dont
peut tout simp leme nt l'ape r-
Husserl se réfère expressément au doute méthodique de l 'exam en du mon de amb iant,
ndair e. Posit ivem ent, la
Descartes . voir, c'est là une question seco
de mett re l'être en
À y regarder de plus près, des différences fondamentales L ndan ce n'est pas d'ébr anler , mais
dans l a persp ectiv e
apparaissent cependant, d'abord en ce qui concerne simple­ apacité d'être interrogé à nouveaux frais
1 l a science nouvelle qu'il s'agit de cons titue r. La rédu ction
ment le but visé. Descartes veut atteindre un absolutum sur
une situa ­
lequel toutes les sciences puissent être fondées et instituées, débo uche donc pas, com me chez Desc artes , sur
n term inale où la rech erch e se trouve placé
e deva nt le
le fundamentum étant donc le point de départ _ de séries
ri n et dans le rien des poss ibilit és de
démonstratives déterminées. Pour Husserl, il ne · s'agit pas trouver quoi que ce
' i t .' [ 260] La réduction configure bien
d'atteindre un fundamentum pour toutes les sciences, mais plutô t la poss ibilit é
bien plutôt de [259] trouver une science, une science nouvelle "rme ttant que tout l 'être qui n'est que poss ible tombe sous
qui ne prenne pas seulement le fundamenturn pour point de l r gard , donc que l 'ense mble de l'être , et non pas rien,
iJ vi nne, dans une mod ificat ion déter miné
e, thém atiqu e-
départ mais qui érige le fundamentum lui-même en thème de
cette science, le fundamentum non pas com me « ce à pa rt ir n 1 n t p rése n t .
de quoi » aller plus avant, mais comme l e « ce sur q uoi » d 'une
science . Mais cela veut dire q ue H usserl adopte, v is-à-vis d e
toutes les sciences, une t out a u t r pos i t ion que D a rt - .
Cela veut dire q u l 'e xcl usion a u n tout a u t r s n d a n · la
1 1
282 La mise en évidence de l'omission de la question de l'être La problématique cartésienne de la certitude. . . 283

d' analyse très primitif. Brentano n'a jamais eu l'entente de ce

1 1
b) Le cogito cartésien et la conscience husserlienne dont il s'agissai t à proprement parler, il s'en est tenu à la
seule différence parfaitement triviale entre objet et saisie.
Sur le 2°. Ce que nous avons dit conc erna nt la diffé
rence L'école autrichienne a aujourd'hui entièrement sombré dans
entre les deux procédés montre d'ores et déjà que
Desc artes la logistique, et est devenue totalement impuissante . Le des­
voit le cogito autre ment que Husserl . Descartes ques
tionn e tin de la théorie de l'objet montre qu'elle n'a jamais eu
d'abord le cogito en posant initia leme nt « mon être
» et en se l 'entente de la nécessité d'une ontologie ; elle est devenue
demandant si c'est un certum, une res satisfaisant à
la regul une computation vide de relations et de connexions de rela­
generalis. Husserl ne questionne pas le cogito pour savoi a
r s'il tions, ce qui l'a rendue opaque au traitement de connexions
satisfait à une norme quelc onqu e, mais il le voit
positive­ d'être concrètes .
ment . Il cherche positivement une structure fondamen
tale et Ce qui sépare Husserl et Descartes se voit précisément
la trouve dans ce qu'il appelle l'intentionnalité. Il voit
posit i­ dans ce que Descartes et Husserl font, l'un et l'autre, de la
vement la conscience dans la persp ectiv e de ce mom
ent struc­ découverte phénoménale du cogito me cogitare. Pour Des­
turel décisif. Or cela a une signification décisive pour
toute la cartes, la découverte fondamentale sert uniquement de base
probléma tique ultérieure de la conscience : l'inte ntion
nalité pour établir une proposition ontologico-forrnelle qui satisfait,
de la cons cienc e n'est pas un état quelconque de
l'ego, mais par son caractère de certitude, au certum, et qui, en tant que
dans ce « se dirig er sur » est également donné ce sur
quoi il telle, devient le point de départ de propositions possédant le
se dirige. L'intentionnalité ne doit pas être considérée
comme même caractère de validité mais ne se rapportant pas néces-
une propriété des processus psychiques, mais il faut
y voir airement à l'être de la conscience. Pour Descartes il ne s'agit
pas de saisir thématiquement la res cogitans ; pour Husserl
une modalité dans laquelle quelque chose fait enco
ntre d'une
façon telle que ce qui fait encontre soit pris en vue .
avec le n revanche le phénomène spécifique du « se rapporter
faire encontre lui-même : le se-diriger-sur en unité
avec son consciemment à quelque chose » devient le point de départ
« ce sur quoi » spécifique. C'est là le sens fond amen
tal de ce d' une interprétation fondamentale de la réflexion. Le fait de
que veut dire d'emblée « inten tionn alité » : dans l'atti
tude
cogitare es� également donné, en unité avec le cogitare, le du Ja réflexion non pas comme fundamentum d'une proposition
ta�um au titre de l'étant dans la mani ère dont il fait chaq cogi­ ntologico-formelle, mais comme instrument destiné à confi­
ue urer le cheminement propre <de la phénoménologie> : « La
fois encontre lorsqu'on y accède et a commerce avec
lui. m.éthode phénoménologique se meut intégralement dans les
A vec cette déco uverte de l'intentionnalité, la voie
conduire une recherche ontologique radicale est pour lapour · 1ctes de la réflexion1 . » Remarquons bien ici ce sur quoi
p rte la réflexion, en l'occurrence la [262] conscience et son
mière fois expressément ouverte dans l'histoire de la philopre­
so- ·a ractère fondamental : l'intentionnalité. La réflexion ne
phie. .
1 rte pas sur des processus psychiques, mais sur la manière
1
Bren tano et la scolastique abordent les prob lème
s d'une e rapporter au monde objectif. C'est par conséquent une
façon qui reste foncièrement vagu e et confuse. (261
] Husserl rreur fondamentale de caractériser la phénoménologie bus­
a vu posit ivem ent quelque chose de fondamen talem
ent neuf ' rlienne comme une « phénoménologie des actes » ou
et c'est aussi la raiso n pour laquelle la reche rche q
u i t rait � m m une « psychologie transcendantale » ainsi que le fait
thém atiqu emen t de la consc ience dans son ca ractè re
fonda ­ ' h 1 r . Si on veut l'interpréter ainsi, il faut alors prendre le
p t d'acl com m e H usserl veu t q u' o n l'entende . La phé-
ment al se tient loin au-de ssus d ' u n cou ran t phi losop
que l 'on ass oc i e volon t iers à la phén om nolo ie : la
h ique ·

th orie
1. T l. l l uss · ri . Jr/1•1•11, 1 , � 77, fl · 1 44 I L n1d. fr. , op. cit., p. 47 1.
a u t rich i e n ne d l 'obj t , laqu I l n 'a jama is d pass
1 1 1 n i v au
284 L a mise en évidence de l'omission de la question de l'être L a problématique cartésienne d e la certitude . . . 285

no n:énologie ne se dirige justement pas sur des actes au sens réflexion, l'acte sur lequel on réfléchit est présent, si ce sur
anc1en du terme, mais sur des domaines entièrement nou­ quoi la réflexion se dirige n'est pas l'objet naturel, mais
veaux, s �r la manière de se rapporter à quelque chose en
aya�t rresent cela m �me à qu �i on se rapporte. Tant que je
l 'objet dans la modalité où il est visé. Une table, pour
prendre un exemple simple, n 'entre pas dans l � pro �l � ­
ne fais ras fon �s la �dessus, Je reste à jamais incapable,
_
_ considere
_ matique de la phénoménologie en tant que cet ob3et speci­
lorsque Je dtrectement l'étant, de voir, en quelque fique-ci, mais lorsqu'on la considère dans la modalité de son
_
sens que ce s01t, quelque chose comme un caractère d'être et être-objet, ce qui signifie que la table n'est pas présente uni­
à plus �orte raison de déployer quelque chose comme �ne quement du point de vue de sa capacité à être expérimentée,
ontologie. J 'en reviens ainsi au fait que c'est ici, en réalité,
que le s �� pour une recherche ontologique a été dégagé pour
mais ce qui devient présent ici, c'est bien plutôt le caractère
de son être-réel, lequel fait partie entre autres choses du
l � premier� fois_ dans l'histoire de la philosophie, et cela
domaine de l'analyse phénoménologique elle-même.
_
d UI�e mamere telle qu'on soit capable de progresser comme Le troisième moment où s'introduit une différence est la
l'e �ge une recherche scientifique et non pas sous la forme de détermination de l'absolu. Ce qui nous le montre le plus clai­
la simple réflexion. rement, c'est la caractérisation correspondante du relativum.
Le cogito est un fundamentum absolutum simplex dans la
c) L'absolutum cartésien de la res cogitans mesure où il sert de point de départ à une déduction ulté­
et l 'absoluité husserlienne de la conscience pure rieure. En tant que point de départ de la démonstration, le
Sur le 3°. L 'absolutum chez Descartes fundamentum est fundamentum pour tous les objets po�sibles
, ne signifie rien n général. Pour Husserl, la conscience n'est pas le pomt de
d autre que l: fu damentum simp lex

, art a, la ded uct1 qui sert de poin t de départ d'une chaîne démonstrative, mais la conscience est
dep 0n. Est dit « rela tif » che z Descartes tout
ce qui est dédu it, tou� ce Ile-même un absolutum au sens d'une région d'être émi­
�ans la �ham� e des raisons.qui« Reln'occupe pas la prem ière place
atif » signifie chez Husserl :
nente. Dans le sens de l'absolutum, il y a le fait qu'il caracté­
rise un domaine d'objets qui, en raison de leur teneur réale
etre un etant qui s'annonce dan s la conscie
_ nce, qui tien t de la unique en son genre, en remplissent le champ. Pour D �s­
cons:ienc e la pos sibil ité de se montrer en lui-m
?onsequent, la conscience en tant qu'être absolu ême . Par cartes le cogito n'est que le premier moment pour dégager et
etre dans lequ el s'annonce tout autr e être sign ifie cet tabLir une proposition ontologico-formelle. Pour Husserl, i l
_ nce pos sible tenant de n s'agit pas de trouver quelque chose d'absolument certain
p ur pouvoir en déduire ensuite autre chose ; mais c'est préci­
la con scie la pos sibil ité de se montrer en soi- mêm
ce sens de la con scie nce qui est visé chez e. C'es t
Hus serl . Le fait ment ce [264] fundamentum qui est le thème d'une science.
que la [263] phé nom éno logi e, telle qu'e
lle s'es t constituée J l ne s'agit pas de regarder vers autre chose en s'éloignant du
fundamentum ; le fundamentum est lui-même thème absolu.
dans le cadre �hilo sophique de l'ép oqu
e, soit devenue pour
Hus serl une science · rat1_ 0nnelle est une
q� i ne nou s int�resse pas � ans ce con
question secondaire
texte où il s'ag it d) La res cogitans cartésienne comme ens creatum
t la conscience husserlienne comme ens regionale
d en endre
� ,
la phenomenologte com me pos
configure� plus ava��- Mai s ell ne peut êtresibilité, et de la
� con figu rée plus
avant qu a la con d1t10 n de faJre retour
aux raci nes où elie 4° . ett différence apparaît plus nettement encore
q u a t ri n1e m 111 n t , a vec la question du caractère
puis e sa viva cité . C'es t la déte rmin atio n
de J ' i n t nt ionn a l i té
qui r� nd avant tout poss ible la rn ' t hod e
_ d e la r cher h p hé ­ la r s ·ot: ilans l 1 la c o n cienc . La res cogitans
c)n 1 111 ' 'SS<' creotum. 't n s l 'ess ·rea tu
nom enol og1q ue ; car cette m thod t pos i bl i, r§ · c Ja t 1 l rm i n· m, se
286 La mise en évidence de l'om
ission de la question de l'êt
re La problématique cartésienne de la certitude. . . 287
trouve inclus l'esse verum, et
ce der nie r sub it chez Descarte
un revirement qui le change
en
s disposition du système de la foi catholique les f� nd� rr.ients
cogitans se fonde en dernière insesse certum. L'être de la res ra tionnels nécessaires, et cela sur un mode sci : ntif1que.
tance sur l'être caractérisé
comme esse creatum . La con cette intention procède d'une considération du sys�eme de la
fo,i qui requiert de lui-même une telle fondation : nam
science comme conscience abs
lue est quant à elle déterminée o­
par ce caractère d 'être : être
un e région possible pour un q1.wmvis nabis fidelibus animam humanam c�m corpo�e �on
e science ou, en d'autres ter _ ; certe t fide­
êtr e un ens regionale . La distin mes interire, Deumque existere, /ide credere suffictat �
ction entre la conscience d'u
par t et l'ét ant qui s'annonce n� Libus nulla religio, nec fere etiam ulla moralis virtus, vi detur
dan s la conscience d'autre par
est, sel on Hu sse rl, la distinctio
n
t posse persuaderi, nisi prius illis ista d�o rati?�e naturalt_ pro ­
des c�tégories. L'ê tre en tant queoriginaire de toute doctrine bentur : cumque saepe in hac vita ma1ora vttus quam virtuti _ _

conscience est ce en quoi
tout etre transcendant est là
en un sens ou en un autre bus praemia proponantur, pauci rectum utili praeferrent, �l
L'essentiel est que la consci nec Deum timerent, nec aliam vitam expectarent. Et qua� vis
ence, prise au sen s de struct
fondamentale de l'in ten tio nna ur� mnino verum sit, Dei existentiam credendam esse, quoniam
lité , soit un do ma ine d'ê tre
possi le où tou t être tra nsc irn. sacris scripturis docetur, et vice versa credendas sa � ras
tro uve� com end ant s'annonce et pu isse
êtr e scripturas, quoniam habentur a Deo ; quia ne�pe, cum /ides
me tel. Husserl met cette dis
me nt de tou te aut re considéra tin ctio n au fon de­
tion concernant l'êt re. Pa r là sil donum Dei, ille idem qui dat gratiam ad reltqua credenda,
l'être de � a conscience est mis potest etiam dare, ut ipsum exist�re credamus ; non tarr:en ho c
en jeu comme l'être qui fourni _ .
un domame réal à la science t in.fidelibus proponi potest, quta circulum esse 1udicarent 1.
fon dam ent ale , celle qu i est
soubassement de toutes les aut
res sciences et qui les « fonde
au ,'existence de Dieu doit être fondée ratJonelleme�t pour
_
d'une � a�i �re caractéristiq » qlll e quiconque se tient en dehors de la foi ait des motifs pour
ue. Nous verrons ce que sig
pl � s prec1sement être au sen nifie se soumettre aux règles de la foi. C'est dans ce but que D � s-
s d'être objet possible d 'un _
science en reconduisant le sen e artes entreprend ses Méditations, et il prétend à vr 1 dlfe
et ce q � i la 1:1ot�ve, au souci
s de cette détermination d'être �
a'Voir donné, croit-il, pour la première fois une [26�] demons­
de cer titu de qui est à l'o rig in
de la determmat10n ou plu tôt � tJration pleinement valide de l'existence de Dieu et de
1 immortalité de l'âme. On appelle tout ce complexe des deux
de la non-détermination d'être
de la res cogitans. Mais aupara
vant, il nous reste à caractéri
ser la différence des deux po
sitions quant à leur orientatio
­ p1ièces fondamentales de la foi les preambula fidei. Desc�rtes
ultime. n réclame même ici d'un concile. On ne peut pas expnmer
[265] e) Le contexte qu i mo tive au
fi u ' i lnous suffise, à nous autres qui sommes fidèles, �e cro1re par l a foi qu ; 11. Y a
bout du compte 1. Descartes, Meditationes de prima philosophia, épître �édicatoire. (Ca1 bien
L i n Dieu, et que l'âme humaine ne meurt po111t avec le co'.ps , certamement 11 ne
la recherche de Descartes et
les tendances décisives
ultimes de la phénoménologie s mble pas possible de pouvoir jamais persuader aux 111fidèles aucune rehg1on,
;1 i . u asi m ê m e aucune vertu morale, si premièrement on ne leur prouve ces
de Husserl
: le 5°. Chez Descartes, l'horizo tl u� c hoses par raison naturelle. Et d'autant qu'on propose souvent en cette v1
t l 1 i u s gra n d e s récompenses pour les vices que pour les vertus, peu de pet
Su �
onn s préféreraient le juste à l'utile, si elles n'étaient re.tenues, nt par la cra111�e
_ e. Cela
la fat catholtqu n est celui du système de .
, � D i e u , ni pa r l ' a t tente d ' u n e autre vie. Et q uo 1 q u . il soit absolun� ent v..ra1 qu L i
ne se rem arq ue pas seu lem ent
en ceci
r l u i roire q u ' i l y a u n D ie u , parce qu'il e t ainsi enseigné dans les Samtes Ecntures,
que Descartes met l'ontologie anc ,..
tiq ue à la base de ses con sid ienne de la h a u t e sco las­
,
1 i 'u ; l ce l a parc q u e . la foi é t a n t u n don de D i e u , celui-la meme qrn donne la
éra tio ns fon da me n t ale mais 'I t l 'a u l re pa rt q u ' i l fa u t croire les Saintes Écritures, parce qu � lies viennent de
apparaît expressément dan s
f 1• · . 1 o u r l'Hil'"' roi r · 1 ·s a u l r' � c h oses, la 1:e u l a u ss 1 do:111e1 p o u 1 n � us fa1 1
' _
son ép î t re déd ica t o i re à
faculté de théologie de la So rbo
.
n n e q u ' i l a p J a c e en . . cela a u x 1 n l,1.d eles , . q u�.
la
l ê t e
1 n r r ni i . 1 1 1 s ' i rn n i n •r 1 u • l 'o n ·0 1 1 1 1 1 1 • 1 t ru 1 1 en ·1 la l a u l c. q u e les log1 c1 en s
·

D
l'!'O i r • q u ' i l ' X i s t . : on n suura 1 1 n < n n m o '. n s p 1 op�se1

m ttr
ses Méditations. L'i n te n t ion de de
ca r l s st d à la 1 l 1 J 1 1 1 n 1 · 1 1 1 un · ·r ·I " '
288 La mise en évidence de l'omission de la question de l'être
La problématique cartésienne de la certitude. . . 289

l'intention que poursuivent les Méditations plus nettement


que Descar�es le fait ici. Quant à savoir si Descartes a rédigé [267] a) Reprise indiscutée du cogito sum
cette le �tre a la Sorbonne par peur du bûcher, c'est une ques­
.
tion qui en l'espèce est d'importance secondaire. Trois moments sont ici révélateurs : 1 ° il faut d'abord
La considér�tion plus fondamentale de Husserl, laquelle remarquer que même si la réduction se différencie certes
entend se constituer dans l'exploration de Ia conscience comme fondamentalement du doute cartésien du point de vue de son
être absolu, est entreprise en revanche avec l'intention de sens méthodique, elle présuppose néanmoins pour elle-même,
fonder une science rationnelle absolue reposant sur elle­ comme allant de soi, le résultat du doute méthodique lui­
même, avec cette justificati on absolue de la raison : déga­ même. La proposition cogito sum, qui procède de la situation
ger les règles d'un développement enfin pleinement libre de terminale du doute méthodique, est maintenant invoquée
l'humanité. Cela n'empêche pas que des résidus de l'ancienne comme une simple trivialité, et cela à vrai dire dès le début
métap� ysique soient aussi implicitement en jeu dans cette de la considération qui met en œuvre la réduction. Et cette
entrepnse. M ais l'orientation fondamentale de Husserl est trivialité s'introduit en réalité par le biais de la psychologie et
foncièrement différente, comme l'est par conséquent aussi le de la théorie de la connaissance aujourd'hui dominantes qui
fondement lui- �1ê �e dans la mesure où ce fondement opère sont particulièrement influencées par la philosophie anglaise
com �ne d �_ termmat1on d'être ultime des objets qui viennent (laquelle fait directement retour à Descartes) , une philoso­
en discussion. phie qui thématise la conscience elle-même comme une
donnée immédiate. Le cogito sum non seulement n est pas '

discuté chez Husserl, mais est repris comme allant de soi. La


§ 47. Husserl et Descartes : leur rapport conscience est le point de départ laissé entièrement ininter­
et leur tendance fondamentale unitaire rogé sur lequel la réduction tout entière prend son orienta­
dans le souci de certitude t ion.

Ces différences, qui sautent aux yeux lorsqu'on considère b) La certitudo est expressément requise
le � choses de plus près, n'empêchent pourtant pas, et même pour la région d'être absolue
exigent que ce qui a été dit de la détermination d'être de la res
cogitans soit étendu à la mise en jeu de la conscience à titre 2° Le cogito sum n'est pas seulement repris sans discussion
de champ thématique de la phénoménologie. Cela est d'autant mme une trivialité, mais cette évidence allant de soi est
plus nécessaire que c'est bien le même souci de connaissance largie de manière fondamentale dans la mesure où cette cer­
qui est à l'œuvre dans la mise en jeu et la configuration du tltudo est à présent expressément requise non seulement
�� amp t�ématf qu.e .de la phén ? mé �ologie. Le souci a quitté p ur une proposition ontologico-formelle déterminée édifiée
1 c1 s ?? h�u d ongme et se situe a un plus haut degré de u r le cogito ou pour des cogitationes isolées, mais pour
mob1hte,_ Il barre et obstrue plus radicalement encore les pos­ l 'i n l ral ité de ce domaine objectif particulier comme tel. Le
sibilités d'encontre de l'être spécifique de la conscience. ·r gita est à présen t posé comme norme explicite de la saisie

1 L te région d être absolue e lJe-même. L'évidence est donc


'

m rne Lemps élargie en ce sens fondamental .


La problématique cartésienne de la certitude . . .
291
290 La mise en évidence de l'omission de la question de l'être

de la connaissance en science fondam entale d e la phénomé­


[268] c) La reprise du cogito sum comme certum nologie de la conscience. Il apparaît du même coup que ce
pour poser l'auto-évidence absolue qui prime dans ce souci de configuration scient ifique, c'est d_e
de la conscience - ce qui constitue un déracinement conquérir un domai ne réal susceptible d'élab oration scienti­
fique. Tout étant est appréhendé et déterm iné par avance en
3° Cette reprise s'effectue en délaissant le sol qui donne fonction de son aptitude à devenir un doma ine réal pour une
tout simplement un sens et une légitimité au certum esse. Ce science qui le prend pour objet. La possib ilité pour l'étant de
sol sombre simplement dans l'oubli, pas seulement chez Hus­ faire encontre en tant qu'étant dans son caractère d'être se
serl, mais déjà dans toute la philosophie venue après Des­ l rouve donc barrée par là-même ; l'étant fait encontre comme
région possible pour une science alors qu il faudrait pl �t�
' t
cartes. L'appareillage ontologique fondamental comme tel en
son entier a cessé d'être bien connu. On ne veut expressément c mmen cer par se deman der si les domai
nes réals des d1sc1-
plus rien en savoir du tout. Le cogito sum flotte désormais plines scienti fiques traditi onnell es s'origi nent authentique­
dans le vide. Alors que Descartes cherchait encore à démon­ ment dans le monde d'être qu'elles préten dent atteindre. Il
trer son critère en le reconduisant à l'être absolu de Dieu, on faut renoncer à la théma tisatio n, il faut se mettre en quête de
renonce aujourd'hui à toute démonstration et on exige de ce l 'être spécifique comme tel. Il faut se deman der si celui-ci a
critère qu'il soit absolument évident par lui-même. Cette réellement besoin d'être configuré pour entrer dans une science
évolution s'exprime de la manière la plus nette qui soit dans le prenant pour objet. Ce n'est qu'alors qu'on pourra parl�
r
ce propos de Husserl (dans une séance de séminaire) : « Si (le la possibilité de constituer de nouvelles sciences*. Ma1s
Descartes en était resté à la deuxième Méditation, il serait puisque nous sommes aujour d'hui dans cette situation très
J' marquable où tous les domai nes de la
arrivé à la phénoménologie. » Cela veut dire que si Descartes vie et tous les mondes
avait négligé tout le contexte fondamental de l'être qui donne de l'être sont théorisés d'une manière singul ière en raison de
sa justification au cogito, ce qui serait resté c'est ce que veut l:t domin ation du souci de configuration scient ifique, la tâche
aujourd'hui la phénoménologie. Husserl ne s'exprime pas ici f ndame ntale qui se fait jour est de faire retour, une
bonne
sur la base d'une claire perception des connexions histo­ 1 is en amont de cette théori sation afin de conquérir à nou­
riques, mais en étant mû par le refus de parler de Dieu et de v ,a:tx frais, à partir du Dasein lui-même, la possible positio n
l'âme dès le début de la philosophie. Cela montre ce que f rulamentale.
veut la phénoménologie elle-même : poser la conscience en
reprenant le cogito sum en tant que certum comme une chose
allant de soi, et cela en procédant à un élargissement fonda­
mental qui a forme d'un déracinement ; cette mise en jeu de
la conscience procède du souci de certitude.

d) Le souci de certitude comme souci


de configuration scientifique

Le souci de certitude est ici un souci de configuration scien ­


tifique. La transformation et l a réélabora t ion de la sci en ce
[269) sur le modèle d'une sc i ence t e n u pou r xem p l a i re, la
transformat io n de la p ychologie e t cl la t h-ori c1 r l ·s ie n n � 'f. , 1 � · s 11j •l , ll 111w.1 1" ·0 1 1 1 pl � n i · n l 7, p . . . 7.
L 'omission originaire chez Husserl de la question de l'être 293

sibilité de laisser l'étant faire encontre dans son caractère


d'être.
[270] Troisième Chapitre [271 ] Cette tendance (qui repose sur l'idée de s�ience t �lle
qu'elle domine a�jourd'?ui) doit être i�versée � ar il fau� b �e�
L' omission originaire chez Husserl voir que cette mise en 1eu de la conscience n a nen . d ong1-
de la question de l'être du champ thématique naire. En fait le concept de conscience a été tout simplement
de la phénoménologie, et la tâche consistant repris par Husserl à la psychologie cartésienne et à la théorie
à voir et à expliquer le Dasein dans son être kantienne de la connaissance. Par ce biais, c'est l'ensemble
des catégories fondamentales utilisées pour caractériser la
conscience qui ont été reprises, des catégories qui, de leur
côté, ne procèdent pas d'une analyse qui se mettrait en quête
du caractère d'être spécifique de cet être.
Par conséquent, il faut d'abord et avant tout se demander,
§ 48. La défiguration husserlienne si tant est que la tâche de thématisation de la conscience
des découvertes phénoménologiques demeure à bon droit, quel est cet être spécifique que l'on
par le souci de certitude provenant de Descartes érige ici en domaine réal*. Nous sommes donc renvoyés à
partir de là, si l'on considère correctement ce à quoi tend une
La tendanc e à l'œuvre chez Husserl comporte cependa nt thématique adéquate, à la nécessité de déterminer la teneur
d'autres détermin ations funestes et qui le sont précisém ent réale d'une région en faisant retour à son caractère pré­
pour ce que Husserl a mis au jour dans la recherche phéno­ rogiona l. Cette tendance résulte de la domination du souci de
ménolog ique. Ces déterminations sont funestes parce que les ertitude lorsqu'il prend l'allure spécifique du souci de confi­
découvertes husserlie nnes sont défigurées par une interpré ta­ uration scientifique.
tion des résultats inspirée par le souci de certitude et par ce
dont ce souci se préoccu pe. Nous allons envisage r ces défigu­ a) L'intentionnalité
rations selon trois perspectives : 1 ° concernant l'intentionna­ comme comportement théorique spécifique
lité elle-mêm e, 2° concernant la compréhension de l'évidence,
3° concernant la détermination de la recherche phénoméno­ e même souci de certitude entraîne alors une défïguration
logique comme recherche eidétiqu e. aractéristique de ce que la phénoménologie - en dépit de
t u t ce qui la rattache à la tradition - a accompli de positif :
1 ° ur l a question de l'intentionnalité dans la mesure où celle­
Ces trois moment s révèlent que le cogito sum et sa certi­
i - st toujours comprise, pas tant explicitement à vrai dire
tudo sont en fait vivaces chez Husserl en un sens beaucoup
plus fondamental qu'il n'y paraît, de sorte qu'on ne parvient
qu'implicitement, comme un comportement théorique spéci­
que. I I est caractéristique que le terme d' « intentionnalité »
pas ici, à plus forte raison, à déploye r une question portant
expressément sur le caractère d'être de la conscience. L'inté­
s i l 1 plus souven t rendu, lorsqu'il s'agit de lui trouver un
rêt se concentre bien plutôt exclusiv ement sur le problèm e
r u ·ivat n t , par ce lui de « visée (Meinen ) », on parle de visée
v 1 n t -r i re, amoureu e, haineuse, etc. Cette fixation du terme
de la configur ation d'une science fondame ntale, l 'étant
étant d'emblée envisagé quant à sa capacité à fo u rn i r Je
thème de cette science fondame ntale . L'ê t re a u s ns d 'être- 1 272 ] a p ur on qu n d 'ori n t e r le regard, dans chaque
région pour une science fa i t plus qu j a m a i · b l a 1 l a po -
• ·r.. 1. • • suj ·t, 1 1 1 1 1• 1 r•, l· < mpt 111 • 11 1 8 , p . 3 . 8.
294 La mise en évidence de l 'omission de la question de l'être
L 'omission originaire chez Husserl de la question de L'être 295

analyse de l'intentionnalité, dans une certaine direction cela ·

comme un recouvrement du visé et de ce qui y est appré­


se voit aussi très explicitement dans le fait qu'on soutie� t en
hendé. Faire que se recouvrent le visé et le donné intuitif,
toute connaissance de cause que, dans toute structure inten­
voilà ce qui constitue l'évidence. La norme de l'évide�ce elle­
tion � elle complexe, la visée théorique forme le fondement,
même est d'être sans contredit ni controverse, de meme que
qu � Juger � vouloir, aimer sont fondés sur une représentation
celle du cogito sum est le principe de contradiction. L'évi­
qm fourmt d'une manière générale ce qui peut être voulu
dence est spécifiquement une évidence de l'app réhensi�n et
haï, aimé . Cette transformation s'explique par le fait qu� _ transposee analog1que­
de la détermination, et elle est ensmte
l'étude de l'intentionnalité est orientée préférentiellement
ment aux autres modes de comportement et à leur évidence ;
sur la nature intentionelle du connaître. C'est un malentendu
Husserl voit que chaque domaine objectif possède une �vi­
méthodique que de conduire la recherche sur les vécus émo­
dence spécifique correspondant à la teneur réale du domame
tionnels en procédant par analogie avec la connaissance.
considéré, alors que la question véritable de l'évidence, en
C'est là quelque chose de caractéristique parce qu'en agis­
·on sens fondamental, ne commence en réalité qu'avec la
question de l'évidence spécifiqu e qu'il y a d'accé�er à un � tre
sant de la sorte, on reprend du même coup des structures qui
ont été obtenues précisément dans une tout autre approche. . et de s , en temr a, un etre
et d'ouvrir cet étant, de retenu
L 'étant est lui aussi, dans la mesure où il s'étudie principielle­ devenu accessible. Ce n'est qu'au sein du phénomène pris en
ce sens que l'évidence théorique est à sa place. �'_é;idence
ment dans son être-donné immédiat, pris dans l'appréhension
théorique spécifique. L'étant réal en tant que simple chose est déterminée chez H usserl par son concept de vente.
est le paradigme de l'étant. Cet étant au sens de chose natu­
relle devient, et lui seul, à titre de fondement des différentes c) La réduction eidétique de la conscience pure
possibilités d'être, le support des déterminations de la culture .
?e l'histoir: , _e �c., si bien que l'être au sens de nature finit pa; est guidée par des déterminations ontologiques
étrangères à la conscience
etre caractense comme une valeur. Ce qui se manifeste donc
dans la constitution des régions d'être, c'est là encore la pré­
3° La prédominance du souci de certitude se manifest� en
_
dommance du souci_ de certitude inhérent à l'attitude axée _ �1 � ue
ceci qu'on s'en tient, concernant le champ thema
sur la connaissance théorique de la nature. _
« conscience » à des déterminations de l'ontologie tradltwn­
nelle, et plus e�core à celles de la logiq�e formel�e. Le domaine
b) L'évidence comme évidence de la saisie : trans-
de la conscience pure, obtenu par la v01e de la reductlon
et de la détermination dans l'ordre
ndantale, désigne d'abord, en tant que conscience pure, sim­
de la connaissance théorique
ple ment l'unicité d'un flux de conscience i � dividuellement
d termin é dans son être. Mais cela ne constitue pas encore
2° L'interprétation de l 'évidence. L'évidence joue un rôle
véritablement un domaine scientifique possible. Le but est
d' t a bl ir des propositions scientifiques et non pas de parler de
fondamental dans la méthode phénoménologique, et d 'abord
en raison de son rapport au cogito cartésien. JI faut dire que t Ile ou telle conscience pure. C'est la conscience pure [274] en
n ral q u ' i l faut déterminer. La réduction transcendantale
ce que H usserl dit de l'évidence dépasse e t de Join tout ce
qu'on a pu en dire, et qu'il est le premier à a vo i r i n stal lé ce Hubit alors une nouvell e réduction, la réduction eidétique. Il
qui est ici en cause sur un [273] sol adéquat*. En défin i t ive
l'évidence est interprétée, dans son mode d 'accomplis ement :
nvi n t d dégager l es caractères génériques des différents
us, la con ience e n énéra l , déterminée par le caractère
Cf., à r n l;;irn n t a l d 1 '< i n l n t ion n a l i t », puis les d ifférents genres
29. p. J 8.
*

j' J11dome11to11 ' , Lu d ivisi ) 1 ) m t h diqu


ce suj e l , Annexe, ompl ·ment
u id sur ces déter-
. question de l'être 297
. aire chez Husserl de la
. . n ori.gm
L 'omissw
296 La mise en évidence de l'omission de la question de l'être

minations ontologiques : genre, espèce, singularité eidétique, dif­ ['histoire de l'o rigi �e
férence spécifique - donc des catégories qui ont leur sol à § 49. L 'exploration de ,
, os po ur vo ir
elles et qui ne disent rien d'un être tel que la conscience. des catégories est le presupp e_
Compte tenu de cette prédominance du souci de certitude, il et déterminer Le Dasem
n'est pas suprenant que, dans le cadre de la configuration de la
· tent é de dire que tou t le disp osit if
méthode d'exploration de la conscience pure, quelque chose On pourrait eA tre . A

comme l'idée d'une mathesis des vécus soit devenue possible. u yploye pour attem dre
, . le poi nt de vue qm est le not re est
ltat obt enu est
Ce fait montre à lui seul combien reste vivace la conception .

1>1e n com
·

. p
1 exe et que d'u n autre côté le résu · si· l ' on
. n nunce . 11 faut dire là-c ont re qu' on
,
. r
se me pre ndrait
cartésienne tout entière tendue vers la science. Dans les ldeen, bie . . . .
. . , ltat dan s le fait d'avmr ams. i mis au 1ou
Husserl laisse en suspens la question de savoir si la conscience vou . lait vol f un res u .
1 ' .1.mss1 on dont nou s ven
r sim pleme nt
1 pure peut être décrite par une mathesis des vécus1. C'est • ons de parler. Ob tem · - · · .
. t de vue de H usse rl, voi1 a qm .sera it b ien
quelque chose qui est désormais acquis, et toute l'intensité du 1 e po m , .
fiante du mo nde . Ce don t il s a �1t, _
un aperçu sur ce
1 travail husserlien vise à trouver dans le cogito un point de l fl chose la plu s insi gni
' ·
us vou lons etab hr
départ beaucoup plus radical que celui auquel Descartes était port s re' ais fondamentaux. . No .
1 nt les rap , � n un
?'h m a : anc e,

1
parvenu, pour découvrir à partir de là la mathesis des vécus et que les éla borations de ce qui est au1 our isse nt
déterminer les possibilités pures des vécus. Le principe phéno­ tl ns de c1sif , corn
, . me thème de . la, phi loso, .phi e sub.
ménologique « droit aux choses mêmes » reçoit du même coup .
t'm fluenc. e d' un e t enda nce
détermmee ' et qu il n e, suffit. pas ,
une interprétation bien déterminée. « Droit aux choses mêmes » com pn s d ans 1 a. phe'noméno
logie ' d'en app ele r a la sim ple
. es.
. . aux cho ses . I l se pour-
veut dire : droit aux choses pour autant qu'elles sont en ques­ lntmt10n et de dire qu' on s'e n remet ,
gne de pre, 1ug
nw. t que
tion à titre de thème d'une science. On voit par conséquent ici tou t cela soi t grevé d'u. ne mo nta , ·
. . il faut d abo rd que ce 11 es-c1
p ur
que Husserl se dissimule à lui-même ce qu'il veut en restrei­ arn ver aux c has es mêm es
.' e me t no n
gnant la considération au champ des caractères régionaux de oie nt libérées, et cette libération est celle qu per
.
le. Il
1 a J e1 an d un m
l'étant lui-même. ,, ' . stant , mais une recherche" fon. damenta ,
F urer la vz·st on et cette tâch
La mise en jeu de la conscience comme champ thématique · e est si d '
e l icat e qu on ne
A
·a.u t con1zg '
. n,a
de la recherche phénoménologique au sens propre du terme . , que nou s som mes nou s-m eme s
a ura it se 1, exagerer parce
. . gnes d'h1' sto ire
re , que
. pre
dissimule par conséquent ce dont toute philosophie est en , , à un degré qu' aucune aut epo
tm
· · · ·
quête. La conscience est la région des vécus. La vie elle­ ns en me A me tem ps une conscience aigue· d e l a
. nnu , et avo
même, en tant qu'intégralité des vécus, est déterminée es.
var i été infinie de ses facett
qui a pe�mis d� pr�ndr.e e,n v��
.
comme région réale de ces faits particuliers. [275] On ne par­ inte rpr éta tif
Le dis pos itif
,,
lf epm se
l 1111ss1on d on.t nous
vient pas à entendre la vie elle-même dans son être véritable . . . lon s est bie n lom .d .avo
par .
·
u a pre, -
u t ses po ss1 b 1.. l'te
ni à répondre à la question de son caractère d'être. Toute la smv i 1 usq
i ' s pui squ e nous n'av ons A

n t. qu un s.e u l (2761 des fils , · te, . ces


philosophie de l'humanité, de l'esprit, de la vie, de la culture , de cet ech, eveau : le connaitre et
. corre' l.at .. l a ven
ou c1 c1
·
est un seul et même fucus a non lucendo. On veut faire une ·
na1 Atre , ou enc ore son .
con
philosophie sur le Dasein sans avoir interrogé le Dasein lui­
a u j ou rd ' h u i pou r nou s ce q � 'il y a de plu s faci-
l Jn nt accc i b 1 e . n re
même. J at ion. s ont · e le mode
.
. · ·
vanch e Ja relation entr
·
, on ap. ? e 11 e le
d l ' hom me et ce
/ ' i re non thé ori que
qu
p 1 l u d i ffi · i l à c rn r.
l l ne fau t pas
t uw rn. ·sl b au 0 u
· '

t
::; r a l ion n ayan . . t.
1

u rrn i l c' I pr h n c l r

1 . E. H usse r l , ldee11, 1 , p. 1 4 1 j t rnd . fr., op. cil., p. 4 1 j. n ir 1u ' n 1 t


298 La mise en évidence de l'omission de la question de l'être L 'omission originaire chez Husserl de la question de l'être 299

recours à de simples analogies ; des contextes totalement dif­ avons mis en lumière les traits spécifiques du souci, et avons
férents entrent ici en ligne de compte, en l'occurrence la déterminé le souci comme une guise du Dasein. Ce résultat
th �o� ogi: et l � dogmatique chrétiennes. De même que l'àÀ:r1Eltç positif ne vient d'abord lui-même qu'à titre de contribution à
� , ete ? egrade en verum et en certum, il s'avère aussi que l'éclaircissement de la situation spécifique de l'interprétation
l ayaElov a subi. un processus de dégradation caractéristique en question. Plus la situation dans laquelle se déploie l'inter­
qm a abouti à le déterminer comme valeur. J'exposerai les prétation sera rendue lisible en toute transparence, plus
aspects les plus importants de ces complexions dans mon s'accroîtra la possibilité de mettre en place et de voir ce qu'il
c?urs sur saint Augustin, en analysant les concepts augusti­ y a d'historial.
mens de summum bonum, /ides, timor castus, gaudium, pec­
catum, delectatio. Ces différentes possibilités se concentrent
chez saint Augustin, de sorte que c'est de là que vient § 50. Reprise des caractères du souci
l'influence qu'elles exerceront par la suite sur le Moyen  ge de connaître rencontrés sur le chemin parcouru
et la modernité. et mise en lumière du Dasein lui-même
Mais il ne suffit pas non plus de retracer l'histoire de cette dans quelques-unes
dégradation pour être véritablement en situation de voir les de ses déterminations fondamentales
relations dont nous parlons. Il faut reconduire ces deux
déterminations fondamentales à l'ontologie grecque et cette avons
Nous allons cherc her à rassembler ce que nous
dernière doit être elle-même prise en considération dans la consi dérat ions pré­
m�sure où elle configure une certaine psychologie, une cer­ obtenu concernant l'être du souci dans les
de l'être du
tame doctrine de la vie, quel que soit le nom qu'on lui donne. cédentes et à nous rendre présente une guise
Dasein comme tel qui s'annonce dans les différents carac tères
du souci ; autrement dit nous allons nous rendre présent
Seule une exploration à ce point fondamentale de l'histoire le
spécifique de l'origine des catégories permettra de déterminer mani feste dans ces carac tères
le Dasein en tant que tel à partir d'expériences concrètes, indé­ aractère d'être du Dasein qui se
du souci, et notam ment dans ceux du souci de conn
aître.
pendamment de toutes les déterminations catégoriales qui cette interp réta­
o�t prospéré sur un tout autre terrain. Vous voyez vous­ Dans le cadre de cette récapitulation et de
t ion plus approfondie du souci comme modalité
du Dase in,
memes que ce que nous avons obtenu ici est en réalité bien entre
mince, et on se méprendrait si on voulait voir une philosophie nous allons tomber sur une connexion fondamentale
ce dont ce souci se préoc cupe , ce
dans ce que nous avons atteint. Il ne s'agit pas ici de parvenir l 'être du souci lui-m ême et
souci , le Dase in comm e tel.
à une philosophie ; il faut conseiller à qui le voudrait d'éviter 1 u ' i l prend véritablement en
airem ent la relati on
très sérieusement de s'engager dans une telle recherche. La ela nous conduira à saisir plus origin
artes en en
r� cherche [277] qui se propose la tâche dont nous parlons se 1 278] que nous avons déjà renco ntrée chez Desc
elle :à
tie�t en de�ors ?e ce qu'on appelle communément philoso­ d n oant simp lemen t une interprétation rapid e et form
avoir le faü que la conscience est un étant qui, dans
son être,
phie. Elle vise simplement à configurer le sol pour quelque
' · possède conjointement soi-m ême. Huss erl met cet état de
chose de ce genre. Dans cette tâche, elle se trouve constam­ ent et de
fa i l a u fonde ment de la configurat ion du chem inem
me� t exposée au danger de l 'enlisement et du manquement .
l a m l h od e de l a reche rche phén omén ologi que elle-m ême.
S1 ce que nous avons élaboré est donc négatif en un sens carac ­
N us y voyon s pour n o t re part une déter m inité d'être
bien précis, il faut dire aussi que nous avons bien obtenu est une
malgré tout quelque chose de positif en metta n t en vidence l rist i 1 u du sou i t 1 .u m A rn oup, puisq ue le souci
cette omission . En mettant en év.idence cette omi sion, nous moch l i l · d u I asein, 1 • I a.w in l u i-111 A m •.
de la question de L'être 301
300 La mise en évidence de l'omission de la question de l'être L 'omission originaire chez Husserl

le �ouc� de connaître
Dans le mot d'ordre de la phénoménologie : « droit aux jusqu'ici en visant plu s explicitement ein lu1-mem � e, �t en
le Das
choses mêmes », « chose » signifie l'étant en tant qu'il fait comme guise du Dasein et donc , rehen­
encontre comme région possible pour une science. Chaque nous demandant dan s que lle mesure les caracteres app
ci peuvent être déterminés
étant est vu à travers la science, l'étant esthétique l'est par dés dans la perspective du sou
comme des caractères d'être du
Dasein, nous reprenons le
t la mise en �vide�ce de
exemple à travers l'histoire de l'art qui le montre tel qu'il
peut être là objectivement. Le principe a donc apparemment chemin parcouru en considéran � e
du Das em lui-mem
une portée radicale. Mais tel qu'il est interprété, ce principe L'omission comme une mise en Lumière Il ne faut pas cher­
barre le chemin au lieu de l'ouvrir librement. La libération dans ses déterminations fondamentales. que cette mise en évi­
s ce
du Da�ein n'est pas quelque chose qui irait de soi et n'est pas cher un résultat ou une théorie dan
le et vraie manière de saisir
garantie par la simple mise à l'écart de préjugés faciles à dence a fait apparaître, mais la seu
de le rendre fécond pour la
le sen s de ce qui a été atteint est
me ner à bie n la r�cher_che
repérer. Nous sommes donc confrontés à la tâche visant à
1?
exf!lique� le asein dans son être, mais cette tâche exige que configuration du sol sur leq uel
s acéré sur �e qm se _tient
concrète, de porter un regard plu
oger le Dasem qua�t- a _ses
soit configure et assuré la point de vue pris sur le Dasein lui­
d'avance sous le regard, d'interr
n sera élaboré � ongm�1re­
même. Cette tâche n'est pas méthodologique, mais relève de
la recherche concrète. Dans notre considération introductive catégories d'êt re. Plu s la situatio
transparente a elle -me me,
nous avons envisagé d'emblée un phénomène déterminé d� ment d'u n bout à l'autre et rendue
à interprétation � eviendra
plu s ce qu' il s'agit de soumettre
nou s allo ns f.aire appa­
Dasein, en l'occurrence le connaître, et l'avons déterminé
comme souci de connaître. La caractérisation des différents appararent et sais issa ble . Ce que
n cette accept10n metho­
concepts de vérité, depuis l'être dans la guise de l'être-à­ raître doi t être pris uniquement selo
mulation qui est . cell e de
découvert jusqu'à l'être-vrai au sens de valeur et de son dique. Il faut dire, dans une for
déterminé le sou ci comme
l'in dex form el, que nous avo ns
e un « comment (Wie) >> du
explication, est étroitement liée à l'être pour lequel la vérité
vaut comme proposition et validité. C'est là un des fils de une mo dali té du Dasein (comm

l' cheveau du phénomène fondamental qui se tient depuis le
Il nou
dét erm iné e,_ est pris
Dasein ). Le sou ci, dan s une concrétion s fau t ma inte nan t
debut sous le regard, et qui est désigné comme Dasein. om me sou ci de con nai ssa nce .
tes ces deu x dét erm ina ­
Une autre ligne de recherche bien plus importante nou s ren dre con crè tem ent pré sen
;_1 t ion s : le sou ci com me modalité
du D ase in dans le souci de
concerne l 'à� a96v 1 faut engager une considération critique
pour savoir. JUsqu a quel point ces connexions ont été obte­ onn aître.
nues dans la perspective du Dasein. Ces deux recherches
orientées respectivement sur l'àya96v et sur l 'àÀ:r19Éç, doivent '. 1280) a) Trois groupes de caractères du
souci
nue
qua �t � elles, être ressaisies dans un [279] horizon d'être plus d'une connaissance elle-même con
. et leur déte rmi nat ion uni tair e
ongmaire, celui de ce dont traite l'ontologie grecque. D ans la
mesure où nous ressaisissons toutes les recherches dans cet
iter à un caractère de
D ans ce but , nou s allons nous lim
avons obtenu qua nd no�s
horizon et où celles-ci visent donc au bout du compte l'être
de � 'homme, on peut aussi qualifier ce processus d'anthropo­ l '�t re du souci , celu i que nous
e fondamental du souci :
av ns mi en lum ière le caractèr
I' t r d u sou ci de cer titu
logie, ce terme n'étant toutefois pas à prendre au sens de s
de comme être -ou vrant. C'e st dan
l'analyse dilthéyienne entendue comme exposition histo­
u ;' ul
les cara ctèr es
per p c t ive q u al lons interpréter
de cara ctèr es d�
q u n us avo n d a é à t i t r
ri que, mais plutôt au sens d'une recherche portant p rinci­
t a été co m p n s
.
ptellement sur des connexions catégoriales. Lor qu nou
cherchons à répéter et à reprendre ce que nous a vons par uru.
du ,
,
ouv •no n:-1 1ous 1 u 1 ° I ' , , . -ou vran
302 La mise en évidence de L'omission
de la question de L'être L 'omission originaire chez Husserl de la question de l'être 303
c?i:nme mobi!ité p im rdiale du sou
; � ci de certitude ; <à quoi Chacun de ces trois groupes renvoie à un caractère spéci­
s aJ o� tent> 2 la retentwn de ce qui
a été ouvert ; 3° la conji­ fique de l'être du souci de certitude.
gu �atwn de ce qui a été rete nu
qm a � té configuré ; 5° la perte dan
; 4° l 'assujettissement à ce
. s ce à quoi le souci s'es t a) Renforcement, méprise, rassurement
assigne.
No� s avons vu antérieurement que et déguisement en tant qu'éloignement
le souci de certitude l.oin de l'être
po� vait être caractérisé comme une
omission et une mé-prise
qUt �e prend à son propre piège, que Sur le 1°. Dans le premier groupe, le souci de certitude se
le souci de certitude se
ten ait dans une mo bili té spécifique
v� na! t � s'év ite lui-m ême . C'est en
, qu'e n lui le Dasein en manifeste comme n'ayant de cesse de se renforcer, ce qui le
lai�se 1 m . ; _ ce poi nt que nous avons conduit à se placer dans un état bien déterminé où il a son
terpretation . Nous n'avons pas encore cherch séjour et que nous déterminons comme éloignement loin de
voir les caractères de l'omission et é à
de la mé-prise dans la l'être. Pour le souci de certitude, ce qui compte avant tout
per spe c�ive du D_asein. Il s'agit à pré
.
sent de dégager le souci c'est le fait d'être valide et contraignant, mais ce dont il y a
de certi�ude , pns dans la concrét
ion de son mouvement validité, c'est-à-dire l'étant lui-même, n'est pas primordiale­
comme etre -ou vra nt, en visant ses
caractères spécifiques en ment pris en vue, il ne lui est pas fait droit. Mais en même
tant que souci et de les ent end re com
me des caractères d'êt re temps l'être du connaître n'est pas interrogé en lui-même
quant à son être et n'est pas non plus ébranlé dans son être.
du Dasein. L'interprétation qu' il s'ag
it maintenant de déve­
lopp�r s� uffre cependant d'une lacu
. ne dans la mesure où elle C l semblerait pourtant que ce soit le cas, et cela précisément
se deploie umlat�rale men t et ne fait
pas entrer en ligne de du fait même de la recherche. Mais cette eversio, cet ébranle­
com� t� les relat10ns concrètes
. qu'i l fau dra it pre ndr e en ment apparen t de toutes les possibilités de connaître, a lieu
consideration sur la base de l'interp
Nous allon� énum�rer les caractèr
rétation de l 'àya96v. ur le fond du rassurement du fait que le certum esse soit
, . es du souci tels qu'i ls assuré en tant bonum. L'eversio, et le doute méthodique, est
Je déguisement caractéristique dont se pare le souci de certi­
.
�esu lten t de l m t� rpretatJon du souci de certitude dans
etre-o�vrant. Tr01s d'en tre eux ont son
. déjà été analysé s, mai s tude qui se comporte comme si ce qui lui importait avant
nou s n av�ns pas det , erm mé les
. aut res dans la suit e de notre tout était une fondamentation radicale. En se déguisant ainsi,
cons1de, ration.
1 souci se porte lui-même où il veut. Il se donne à lui-même
Le premier groupe est celui-ci : le sou
ci de certitude se ren­ 1 aspect d'une scientificité radicale, il semble être préoccupé
force d �ns la régulation <de la con
naissance>, et ce renforce­ de configuration scientifique, la science étant entendue
ment fait [�81 J qu' il se méprend sur
s, Il. y a aussi le rassurement dans la
.
, erm mat 1on soi-même. En unité avec m me [282] caractère universellement valide et contrai­
c: s det
ou le certum esse, en tan t que pos mesure n a n t de tout ce qui est. Le souci de certitude séjourne donc
sibi lité d'êt re, est déplacé dans la modalité du déguisement en donnant un caractère
dans l 'esse creatum en tant que bon
um et se trouve, du même ntraignant à ce qui peut être dit publiquement de l'étant
d ' aprè s l 'esp r i t du temps, et cela sans que l'étant comme tel
coup as�uré par l 'être créé. Le qua
: trième caractère est celu i
du deguzsement.
soi t primordialemen t r e n du présent. Tout est vu dans l'hori-
ctères de dissimu la ­
Le deuxième groupe comprend les cara
.
, �e maturation de l'absence de bes 7, n de l ' idée de la science, la réforme de la science dans
1 h rizon cl l ' id é cl certum. Je caractérise ce séjour du
twn
oin con cer na n t t o u t e
enq uet e portant sur le caractère d'ê
Le troisième gro upe com pre nd 1 s 'O U i 0 1 1 1 1 1 1 - é lo ig n ment d u ouci loin d e l'être, non seule-
tre, e t l 'échéance.
twn ( Verbau en ) e t d u déplacemen t
. ca racl res de l 'obstruc­ 1 1 1 n i loi n d l 'ttre r/11 rnond m�is au i t à plus forte raison
loin 1 l 'ure r/11 1 us ' i n r · J1111ne tel.
( Verlegen ).

de l'être 305
L'on1 originaire chez Husserl de la question
304 La mise en évidence de l'omission de la question de l'être

Obstn\ ei et
déplac�ment
'Y )
de 1 etre
,
n.: v ,o11· ---
.com
�) Dissimulation, maturation de l'absence . .
rn .. 1 11 .r1 e nt
de besoin et échéance font me
Sur le:i � grou
pe nommé en dernier lieu , l'obstr�ctio
n
stitue, outre l'éloign.e??ent l �m d
que l'être-temporel du Dasein reste absent �
�tA le de1A .,,· rvi. ent,decon �
l. et�e et 11 n
Sur le 2°. La dissimulation et la maturation de l'absence de tr01 s1em e dete m1-
,(Il.ce l'être-temporel, une ,
besoin, qui sont incluses dans le moment de l 'omission, carac­ i de certitude : le nivellement de l etre
.
� du souc
nation d1
� qu'i l se sou ­

térisent un nouveau moment de l'être du souci. Parce que le ci de certitude, en tant
� ans la ' où le sou
c1e du d.' t J
positions,
souci de certitude s'en tient à la seule validité et n'a de cesse re vali de et contraignant des pro
figurer la
de se préoccuper de propositions contraignantes, et parce un e' tat où l'important est de con ·
,
lité déte�mmee d e
··c1� �nce, ::t est conçu comme une totaalité
que la science a acquis prestige et considération, tout accès à é" ourn ·
de sc1enc��· Le

•:ég10ns ] "1 .l1 ,Jes


l'être se trouve définitivement barré dans la mesure où il accessibles par une plur
passe dorénavant par la science. La conséquence est que le
est posé d'emblée comme une p
�urahte de
souci, dans cet état, finit par ne plus éprouver aucun besoin tou� de des. Cel a
r gi�ns ' ' , �
.. . 0 susceptibles de propos itions vali
� s le même
en ce sens qu'il n'interroge pas du tout, quant à sa pertinence
e Dasein comme tel est transféré dan
im pli qr n 11 (;)9- itude obs-
cbamp 1 1
intrinsèque et son origine, ce avec quoi il travaille (avec <en
e que l'éta nt. Ainsi le souci de cert
arrière plan> tout le fondement de l'ontologie ancienne) , il
rr - ns déte
du
rminé ' et à vrai dire dan s le cadre
t rue, eni1 J. �-
·

ne questionne pas du tout la pertinence intrinsèque de ce


souci dtJ l n l1
. .tft
· ificité, la possibilité que l'êtr e du Das em· fasse
qu'il se propose à nouveaux frais. Mais cela veut dire que la
eA tre ' dans sa possibilité propre ava
nt cette
ncontr 1 1' i;o so ?
pnmor dia1 e. Le souci de certitude

tradition n'est pas du tout aperçue comme tradition. La tradi­ . déplace
tion est explicite lorsque ce qui en relève, et comment cela en subordlp ·. n e autre :
su l'être en la rem plaçant par cett
relève, vient sous le regard. Puisque tel n'est pas le cas et que
les éléments traditionnels sont repris en même temps que
toute q
'""�
c01nme1' 1 ' ' �
0bJ�et d'une science ? C'e st dan s
le cadre de
·

ce tte_ P� ' n 1 .
entale que tout e que st10n rel a-
. -i-a atiq ue fon dam .
tout le travail de fondation, il est clair que la tradition ne le Dasem,
u ve a .1
e. En ce qui con cern e
, : trouve tran ché
vient pas sous le regard. Puisque la tradition vient du passé, '

c la s1g 1 11,. 1ue


sur un
que le présent n'a auçune visibilÙé sur le passé et que ce der­ le sou ci de certitude rabat tout être
s ul et - ,
nier n'offre aucune visibilité, l'être-temporel du Dasein [283] plan .
reste absent dans les différents caractères <du souci>. Cela se
)
l 84 • 1 La fuit
voit dans le fait que Descartes appréhende simplement le e du Dasein devant lui-même
et devant l'être-à-découvert
1 1 • 1 11"1
cogito comme une res cogitans, comme une multitude de
� ·
t
être-dans-un-monde, l'ensevelissemen .
cogitationes où il n'est nullement fait état d'une extension
lités <l'encontre, l a d"ist ors1 � n
temporelle entre la naissance et la mort ; c'est une multitude •
' . s possibi
nu- -.tfime mob ilité fondamentale du Dasem
de choses qui sont enchaînées les unes aux autres par l'ego . 11

Le souci de certitude, en tant que souci axé sur la certitude,


ractères : éloignement loin de l'être,
absence �e_
se préoccupe en même temps que l'être-temporel reste abse n t. es 1- ' en umte
l' tre-lci i"l' " l
et nivellement doivent être vus
ation fondamentale d u
ême. �a
'' -nin
Mais cela veut dire que le Dasein ne fait pas encontre en tant
que tel. Le souci de certitude est la dissimula/ion de l ' A t re. rn m. e
Das ein lui-m
Dasetn
sl 1 I l l
1 s a v � i r co m me n t se m a n ifest e le
- 1 1 1·, 'll d 1 r m i n a t. i o n . 1 o
' 1 1 1 in 1i l l f
qu e t r i s ca ract ères
11
1 'f / , >1muriginaire chez Husserl de la question de l'être
306 La mise en évidence de l'omission de la question de l'être L 307

du souci de certitude, la certitude elle-même considérée 11• ,. ·��aun certain sens, explicitement ou non, l 'être
1 1111 1 � .raî�atant que tel. Toute saisie, tout connaître est,
même
comme guise du Dasein, font apparaître le Dasein comme ce du con 11 ,
qui fuit devant soi-même d'une manière telle que, en fuyant i1:1? du phénomène fondamental de l a distorsion,

du poi
11
1,, , 1 1 1 ç
ainsi devant soi-même, il se soucie également des possibilités 11 11 rro n du Dasein lui-même. Mais cela signifie
de recouvrement du Dasein. 2° La fuite devant le Dasein l ui­ , ::rd1fusein, qui est sur le mode du souci de certi­
,.� -«: romte devant soi-même en tant qu'être connu,
u
même et l'ensevelissement de ses possibilités d'encontre pour
lui-même. C'est dans cette mobilité fondamentale du Dasein . rttirl�ue le souci fuit, c'est le Dasein dans la possi-
1 11 1
que se fait jour cette découverte fondamentale dont on a parlé 1 • 1 1 "" êtib-même connu et interprété. Être au sens
précédemme nt. On voit que le souci qui est tendu vers 1 11, , /Çlll'ill\l'.O n de veut dire être-à-découvert, se tenir dans

1 pe1l11te visibilité. Ce devant quoi Je souci fuit, c'est


,
', , , 1 1 , 1
quelque chose dont il se préoccupe, tout en étant préoccupé
par quelque chose, se préoccupe également de son propre 111 , ,/ ç:iü1wt du Dasein. L'àÀT]9Éç de l'ontologie grecque
Dasein, et à vrai dire ici où le Dasein fuit devant lui-même le 1 1 ,
1 1 1 1 rterliit qui n'a pas porté ses fruits. Cet ÙÀT]9Éç est
, , 1 1 ,cd,es Grecs ont jeté au cœur de l 'être-à-décou-
souci se préocupe également d'ensevelir le Dasein lui-même, '
1
de faire que sa rencontre soit impossible. Tout en étant tendu 11 1 1 1 �i1b�recs eux-mêmes n'ont pas tardé à le remettre
1 , , 1 ;e-t��allons nous rendre présent ce que signifie l a

; 111� 11
vers quelque chose qui est pris en souci, se préoccuper dans
,
un même mouvement de l 'être du souci, c'est là le même /Ji�devant lui-même, et cela à vrai dire dans la
phénomène que celui dont Descartes s'est saisi pour énoncer, 1 -a;:i11« la détermination fondamentale du Dasein
11 1
sous la forme du cogito me cogitare, une proposition ontolo­ :
1 , , 1 11
.ê i't!li cou vert, être-dans-un-monde en toute visibi-
I 1 p
gique formelle que Husserl a ensuite configurée comme lllŒ n e de l'être-à-découvert permettra en même
réflexion, comme voie d'accès éminente à la conscience. Pour e�� ll l i ner d e manière encore plus tranchée en
1� i• f't - hl;�é est une détermination fondamentale du
"' "
nous, ce qui se manifeste là, c'e�t une mobilité fondamentale
:i. ·uœe.
1, , 1
caractéristique du Dasein lui-même. Or cette mobilité vaut
pour chaque souci concret. Ce caractère fondamental, qui 1 , �1 ithmtrer que les caractères mis au jour dans le
représente un des points cardinaux sur lesquels doit s'orien­ t d e déterminer des moments déterminés de
ter une interprétation fondamentale du Dasein, sera désigné llitiàOasein lui-même et cel a à vrai dire relative-
terminologiquement comme distorsion. Cela signifie que dès 11 , j L ü�re. Nous avons articulé les caractères du souci
l 'abord le Dasein ne peut pas absolument pas être appré­ • œnsouci de certitude en trois groupes, et avons
":1,1
11
hendé primordialement par le phénomène de l'intentionna­ . arfu une mobilité spécifique dans chacun de ces
lité. Le phénomène de l 'intentionnalité se dirige d'avance sur � 1 c >llU�être du connaître comme souci de certitude
le fait de voir quelque chose en se dirigeant vers lui. �
� 1 1 1 1 e Uii1n éloignement spécifique qui le maintient loin
M 1 lt - ,i� l-dire dans un état qui [286] ne laisse pas le
Quant à savoir ce que signifie que la structure d'être du
� 1 1 11 1
Dasein est à chercher dans la structure [285] de distorsion, ni!icompris approcher l'être qui est le sien, mais
1 111 m� maque étant du point de vue de sa certitude
c'est ce que nous allons éclaircir en interprétant de manière -
111 1 11 ' .. l11�ci de connaître, en tant que souci de certi­
plus acérée ce que montre l 'être de la mobilité spécifique de
l'être en tant qu'être-en-fuite devant soi-même. Dans la ��1i dans la certitude elle-même. Le deuxième
mesure où il s'agit ici du souci de certitude, e t où Ja certitude ul!oimulation, la configuration de l'absence de
tend à interpréter le monde, cela signifie que t o u t e t ension fü1 ra ctérise , la mobilité du souci en tant que
qui va pour saisir quelque chose, t o u t e d é t e r m i n a L i o n de 1 'lil1� 1 ' t r -t m poreL Le moment caractéristique
ce q u'est e sse n t i e l leme n t le m o n d , d é t: e rm i n t o u j o u rs l u crcif x io n · •st 1 ' ra 1 port d c t êt re à l a t ra d i t i o n .
·
308 La mise en évidence de l'omission de la question de l'être L 'omission originaire chez Husserl de la question de l'être 309

Ce souci de connaître, auquel il s'agit précisément de trouver Avec la caractérisation de ce moment de fuite du Dasein
un fondement, reprend, sans la moindre critique, l'ensemble devant lui-même, se manifeste un phénomène fondamental
du fonds de déterminations ontologiques qui sont à la base du Dasein que j'appelle la distorsion . Ce terme implique que
de cet être du souci lui-même. Du même coup, la tradition l'être du Dasein n'a pas le caractère d'un « quelque chose qui
dans laquelle le souci de connaître a configuré cet idéal se rapporte à autre chose », d'un « je me rapporte à un
scientifique ne fait plus l 'obj et d'une appropriation origi­ obj et �>. Ce phénomène signifie au contraire que l'étant visé
naire. Dans la mesure où la tradition ne fait pas l'objet d'une par le terme de « conscience » est un étant qui se préoccupe
appropriation explicite, l'être du connaître lui-même ne per­ de sort propre Dasein tout en étant fixé sur le monde. Il n'est
çoit pas ses propres possibilités d'être en toute transparence. nullement nécessaire qu'une réflexion portant explicitement
Car ce n'est que là où un être se perçoit dans la situation qui sur le Je intervienne. Tout en ayant affaire à quelque chose,
est la sienne que la tradition dont il relève peut devenir expli­ on est préoccupé de son propre Dasein. C'est lorsque la
cite. Le dernier groupe de caractères détermine ensuite réflexion fait défaut que le phénomène se montre en son sens
l'autre moment de la mobilité que nous avons caractérisé Je plus propre . Car c'est alors précisément qu'on peut voir
comme nivellement de l'être. Tout étant est vu sur un plan q ue cette distorsion est une inclusion de l'être proprement
fondamental unitaire d'être, l'intérêt décisif étant dicté par la dit du souci dans cela-même dont il se préoccupe, et on peut
science, par la systématicité scientifique. L'étant est vu à par­ le voir dans le fait que le Dasein en est comme envahi dans
tir de l'idée de systématicité scientifique. L'étant est corréla­ son être. Il entre dans le sens de cet être qu'il le soit lui­
tivement divisé en une multiplicité de régions. Ce faisant, même. Nous sommes ici en butte à une difficulté langagière
toute détermination d'être, et notamment celle du Dasein, se particulière parce que le Dasein est un être qui ne peut pas
meut déjà à un niveau qui n'est plus propre à un questionne­ fondamentalement, à partir du moment où il s'agit de le
ment portant véritablement sur i'être, mais vise simplement à déterminer ontologiquement de manière adéquate, être déter­
atteindre des entités saisissables et à énoncer des proposi­ miné comme un être que l 'on a, mais au contraire comme cet
tions sur elles. Ces caractères définissent l'être du connaître, · t re que l'on est. Il y a déjà là une interprétation bien déter­
en l'occurrence l'être du connaître entendu comme guise du minée de l'étant en tant que Dasein, et ce caractère mani­
Dasein lui-même. feste à vrai dire une possibilité d'être du Dasein. L'étant que
Dans la mesure où le connaître, dans les perspectives qu'on 1 n est est l'étant qui [288) comporte la possibilité de devenir
vient de dire, est éloigné de l'étant comme tel, et notamment un « je suis ». Mais cette possibilité n'est pas nécessairement
de l'être du Dasein, donc [287) de lui-même, cette mobilité xplicitement présente dans le Dasein ; le Dasein ne cherche
caractérise Je mouvement de fuite du Dasein devant lui­ m Jme qu'à déplacer cette possibilité.
même. Cette mobilité de la fuite du Dasein devant lui-même e phénomène fondamental de la distorsion - un pbéno-
est une mobilité qui ne se meut pas simplement en s'éloi­ 1 1 1 ne fondamental qui a été déterminé depuis longtemps
gnant du Dasein pour aller séjourner spécifiquement dans la omn:i.e réflexion - est vu ici dans sa concrétude, et à vrai
science. Tout en fuyant devant lui-même, le Dasein se préoc­ l i r à titre de regard préalable jeté sur la structure d'être du
cupe de son propre déplacement. Cette ontologie empêche Dos in comme tel. Ce phénomène constitue pour nous un fil
que le Dasein puisse faire encontre lui-même comme Dasein. d i J' t eur méth odiq ue puisque c'est à partir de lui que le
La préoccupation de l 'idée de science configure une certaine 1'n ra t r fondamental de l a conscience, l'intentionnalité, peut
ontologie et la tient fermement comme u n ique po ssi b i li t i re n crit e t r con d u i t clans les limites qui sont les
, 1 s limit s d sa f n ·tian interprétative . Ce phéno­
Lr
d'interroger le Dasein. Tendance à J ensevel i seme n t d u Dasein
'

lui-même . st n m � m l 1 1 1 1 s la bas st ru c t u ra l e à partir de


' '
310 L a mise en évidence de l'omission de la question de l'être L 'omission originaire chez Husserl de la question de l'être 311

laquelle des phénomènes tels que la joie, la peur, la tristesse, l a menace, réside dans l e Dasein lui-même. L a menace
l'angoisse deviennent explicables - des phénomènes que contre laquelle le Dasein se défend est le fait qu'il est. Le fait
l'on manque dès lors qu'on les détermine en termes d'inten­ qu 'il soit est la menace du Dasein lui-même. Ce phénomène
tionnalité. Je ne peux pas appréhender le phénomène de de menace, considéré sous l'angle de la défense contre soi­
l'angoisse en le caractérisant comme un « être-en-relation-à­ même sur le mode de la fuite et du recouvrement, nous pou­
quelque-chose » ; c'est bien plutôt un phénomène du Dasein vons l 'apercevoir dans le souci de certitude qui en est une
lui-même. restriction particulière.
Lorsque nous demandons contre quoi le Dasein se défend
c) Factivité, menace, étrangeté, quotidienneté et ce qu'est à proprement parler la menace devant laquelle
fuit le Dasein, nous tirons alors l'index de nos considérations
Il est essentiel, s'agissant du fondement concret, de ne pas du vers où de la fuite et de l'être du fuir. Le souci de certi­
perdre de vue le sol qui permet de caractériser et de configu­ tude caractérise l'être du Dasein comme un être auquel il
rer plus avant la mobilité du souci de certitude comme fuite importe de se déployer en un rassurement. Le souci de rassu­
du Dasein devant lui-même dans la guise du recouvrement. rer l 'être du connaître fait lui-même partie du souci de certi­
Le souci de certitude fuit devant le Dasein lorsque celui-ci tude . Pour le montrer concrètement, nous devons faire
devient un objet de connaissance possible. La fuite du i.ntervenir la deuxième possibilité, le souci de curiosité, ce
connaître devant le Dasein lui-même est une fuite de la souci de connaître qui guidait tout particulièrement le
connaissance devant le Dasein qui se caractérise par les pos­ connaître grec. Pour la connaissance, il s'agit avant tout de se
sibilités de transparence, d'être-explicité et d'être-à-découvert. familiariser avec l'étant, d'être chez soi au milieu de l'étant
Le Dasein est dans le caractère de l'être-à-découvert, c'est un lu i-même afin que le Dasein y soit assuré. Mais dans la
être dans un monde. Ce phénomène a le caractère d'être de mesure où ce vers quoi s'enfuit la fuite est un monde fami­
l'étant qui est sur le mode de l'être-dans-un-monde en tant li. r, cel a ne peut signifier que ceci : ce devant quoi fuit le
qu'être dans le là. Nous pouvons dire aussi d'une pierre Dasein, dans la guise du souci de certitude, c'est l'étrangeté.
qu'elle est là, mais elle est là dans l'horizon de mon monde, 1 ' trangeté est la menace proprement dite qui pèse sur le
de mon être, lequel est dans le monde en ayant le monde en l asein. L'étrangeté est la menace qui dans le Dasein fait
toute visibilité. Avoir-en-toute-visibilité signifie que l'étant rps avec l e Dasein lui-même. L'étrangeté se montre dans la
qui est dans le monde est-conjointement-en-toute-visibilité . O] quotidienneté du Dasein. Ce phénomène d'étrangeté
[289] Cette visibilité conjointe est exprimée par le là. Le n 'a rien à voir avec la solitude, avec le fait de ne pas pouvoir
Dasein est ici et maintenant, dans l' à chaque fois, c'est j )ti ct iciper à quelque chose et d'être empêché de faire ceci ou
quelque chose de factif La factivité n'est pas une concrétion ' · l a . l i n'est plus visible lorsque le Dasein se perd dans la
de quelque chose de général, mais la détermination origi­ 1 fi xion sur lui-même . O n le dissimule en interprétant le
naire de l'être spécifique du Dasein en tant que Dasein. 1 ) 1s in a u sens de personn alité . Si on demande ce qu'est
Si nous considérons de plus près le phénomène de la fuite 1 t ra ngeté, e l l e n 'est rien, si on demande où elle est, elle n 'est

du Dasein devant lui-même dans la guise du recouvrement, s i 111!1/ p a rt Elle s'exprime dans la fuite du Dasein devant lui-
.

nous considérons comment le sens du Dasein s'expl icite dans 1 1 1C m n t a n t que fu i te dans la familiarité et le rassurement*.
cette fuite de l'être devant lui-même, il apparaît a l o rs q ue 1 '

Dasein se défend contre lui-même . Se défendre ainsi contr '


soi-même n'est pas une détermination con t i n ge n t e d u Oasein
m a is est constit utiv de o n ê t re. Ce co n t re q uo i i l ' d � h 1 I , «r. . f • • s11jc1. !11111/' rt'. wi1 1 I 111 · 11 1 . 0, p . :. 8 sq f ·
(291] ANNEXE
[293] Compléments tirés des notes de cours
d'Helene Weiss et d'Herbert Marcuse

Complément 1 (p. [6])


Aristote, De anima. Si on traduit : « De l'âme », c'est au­
jourd'hui compris de travers en un sens psychologique. Si
nous nous en tenons non pas à la lettre mais à ce qui vient en
discussion dans la recherche d'Aristote, nous traduisons :
« Au sujet de l'être dans un monde. » Ce qu'on appelle gros-
ièrement, de manière équivoque, les facultés de l'âme, la
perception, la pensée, la volonté, ce ne sont pas pour Aris­
tote des vécus, mais des guises de l'être-là d'un vivant dans
son monde.

Complément 2 (p. [9])


La couleur est visible, et encore autre chose que nous pou­
v ns certes caractériser par le discours (Kai o Myfi) µi:v fonv
elndv), mais pour lequel nous ne disposons d'aucun terme
· i t i f (àvcüvwLov 81'; ruyxaw:1 6v) (418 a 26 sqq.). Ceci aussi
fa it p a r tie du cercle de ce que l'on peut également voir et
J r ce v o i r dans la vision. La couleur est ce qui est répandu en
t a n t q ue tel ur un visi ble : xp&µa ( . ) ÈcniT à Èni wù Ka8' afrrà
. .

pcaoù ( 4 1 8 a 29 sq . ) . La col oration que présente chaque fois


q u i st. là t p rçu chaq LI foi s f>.1 <poni ( 4 1 8 b 3), la coL1-
l ur n p u t. 1 " · '\t r ' p ' r L I · a n l a l u m i re : xp&µa oùx
316 A nnexe Compléments tirés des notes de cours 317

opœrov UVcl) cpw-r6ç (418 b 2). Toute l'élucidation de ce


qu'il nous faut entendre par couleur, perceptible, visible, [295) Complément 4 (p. [30])
dépend de ce qu'il nous faut [294] entendre par clarté,
lumière. Qu'est-ce donc que la lumière, la clarté ? fon oi] Ce n'est que dans la mesure où l'afo9ricnç est une telle
n ôtacpav€ç (418 b 4 ) . C'est manifestement quelque chose ouvaµ1ç qu'elle a ce pouvoir déterminé d'être au milieu,
qui laisse voir autre chose à travers soi. La clarté est pré­ qu'elle est une µca6TîJÇ ; en tant que milieu, la perception
sence de feu, présence du ciel au sens large. <l>&ç oÉ fonv parle, c'est un discours, Àoyoç nç ; en tant que Àoyoç, en tant
Ti w1hou èvtpyiow, wu owcpavouç n ôtacpav€ç (418 b 9 sq. ) . qu'elle parle, elle différencie (Kpivci) ; en tant que telle, la
La lumière est ce qui laisse voir à proprement parler e t ce perception perçoit (o€xw9m) de telle sorte que quelque
qui constitue la clarté. chose se passe concernant le percevant : celui-ci devient un
autre (micrxio1v, à.Uoiwmç).
*
Il est nécessaire de voir en toute netteté le principe fonda­
mental sur lequel reposent toutes ces explications de
Complément 3 (p. [29]) l'afo0rimç ; c'est ce qui est appelé ici 'lfDXÎJ· La \j!DXÎJ est
quelque chose qui owaµio1. (La ouvaµ1ç est traditionnellement
La perception est donc, en tant qu'elle est ce discours dans entendue, et déjà dans le néoplatonisme, comme une faculté.
le temps, quelque chose d'unitaire, mais c'est aussi quelque On interprète cela comme si agissaient dans l'âme on ne sait
.
chose qm, dans son être propre, est pluriel pour plusieurs en quelles forces occultes dont on pourrait constater la pré­
ceci en effet qu'elle perçoit une multiplicité. Elle est sence ; face à cet occultisme, la psychologie expérimentale
ôtatpio-r6v et malgré tout aoiaipiornv ( 427 a 2 sqq.), et cela à moderne se pense infiniment supérieure) .
vrai dire en tant que percevante. La perception a en soi­ Liuvaµ1ç n e signifie pas force, faculté, mais désigne une
même une possibilité de fractionnement. C'est ce qui per­ guise tout à fait concrète de l'être. L'ov owaµio1 et l'ov
met de comprendre que nous appréhendons le monde Kœrà èviopyciÇL sont les guises fondamentales de l'être chez Aristote.
cruµPcPYJKOÇ. Nous voyons toujours le monde dans un en tant Il n'est pas du tout étonnant que ces déterminations jouent
que. Quand je vois quelque chose au loin, je ne vois pas un tel rôle dans la psycholbgie d'Aristote puisque Aristote
quelque chose d'indéterminé, mais d'abord et le plus sou­ caractérise la \j!DXÎJ comme une oùcria. Âme n'équivaut pas à
vent, nous le saisissons en tant que quelque chose. On ne substance, ce n'est pas un petit morceau d'on ne sait trop
peut accéder à ce caractère fondamental déterminé du quoi, mais une oùcria, une modalité de l'être (un « comment »
monde qu'à partir d'une capacité de discernement, à partir de l'être). Ce qui attache le vivant à l'être, c'est l'âme,
d'une guise déterminée du percevoir (Kpivio1v). Et c'est parce laquelle se caractérise par le fait d'être ouvaµ1ç, son être se
que la guise fondamentale de la perception aborde discursi­ caractérise par l'être-possible. Elle est en telle guise que, pour
vement le monde en tant que ceci et cela que Je monde peut elle, quelque chose de bien déterminé est possible. Cette mul­
se donner en tant que ceci et cela. C'est là la base de la pos ­ ti plicité : âme qui nourrit, qui perçoit, qui pense, qui veut, ces
sibilité de l'illusion. Ce qui se montre ( cpaivo�tcva) est mis à diverses guises du pouvoir-être d'un vivant ne sont pas des
découvert en se donnant seulement pour tel ou tel et en ne fonctions qui fonctionneraient dans une harmonie réciproque
l'étant pas. t J le qu'il n 'y aurait plus qu'à déterminer la nature exacte de
t accord ; il faut au con traire bien voir que ces diverses pos­
*
, ibilil ·
d' A l r fon d n t s u r cli ff ren ts niveaux d'origin arité
d u p u voi r- 1 r •. i U n v i v n t 1 t rm i n un animal par
,
318 Annexe Compléments tirés des notes de cours 319

exem ple, est caractérisé comme être percevan


t, alors toutes bien l e faux que l e vrai. L e Kat est important, e n effet c'est l à
les autres poss ibilit és de la [296] \lfDXfi , comme
se nourrir, se o ù la ol>v0ems e t la ôtaiprnts sont présentes que l e vrai e t la
reproduire, sont déterminées dans leur être
par l'être-perce­ tromperie sont là tous les deux, en l'occurrence à titre de pos­
vant.
sibilités. Ce qui est ici en vue apparaît plus nettement dans le
Si par conséquent l 'être de l'homme est la Çml)
rrpaKnKij et De anima, III 6, (297] 430 b 1 sqq., où il est dit de manière
très prégnante : TÜ yàp \jfëùôoç tv <JUv0foet àei, l'illusion ne se
s'il se caractérise par le fait de « se préoccup
er de quel que
chose avec lequel il a commerce de man ière
réfléchie », de rencontre jamais que là où il y a composition. Kai yàp âv To
vivre dans un commerce préoccupé, alors toute
s ses autres Af:uKov µ1) Af:uK6v, TÜ µ1) ÀBUKÜV 0uvé811Kev. 'EvôéxeTat ÔÈ Kat
poss ibilit és d'être doivent être ente ndue s dans
cet être origi­ ôtaipecnv cpavm rravm. - Tout ce qui est èv ouv0foet peut
naire et ne doivent l 'être qu'e n étant repri
ses en quel que être dit èv ôtatpfoet, ce qui fait encontre sans qu'il soit expli­
man ière dans l'être proprement dit qui est le sien,
c'est -à-di re cité, et qui est mis au jour dans une certaine perspective, est
reprises dans cette poss ibilit é d'être directrice
. Il est donc toujours, dans l'abord discursif ordinaire, une ol>v0ems - ou
fond amen talem ent absu rde de cons truir e de toute
s pièce s un bien, suivant la façon de voir, cette même chose est aussi
assem blage à parti r de ces diffé renc es, de la perc
eptio n, etc., une ôtaipems. 'Evôéxemt. . . : quand j'aborde un objet blanc en
pour les faire se rejoi ndre aprè s coup en
un Je ponc tuel. disant qu'il n'est pas blanc, le non blanc est déjà posé
Tout cela, ce ne sont que des constructions
mythiques qui conjointement ( 0uvé811Kev) par avance dans l'objet mis en
vont à l'encontre de ce qu'Aristote a vu et
expli qué. De la évidence. Avec le « non », je me situe déjà, en ce qui
même mani ère, analyser une perception isolé
men t est déjà concerne l 'objet, dans une perspective déterminée qui n'est
méthodologiquement, mesu ré à l'aun e de ce qui
un non- sens. Il s'agit bien plutô t de voir que la
est en cause, pas présente dans l'objet lui-même, je place l'objet dans la
poss ibilit é de perspective du non-être-blanc possible. La proposition n 'est
la perception en l'homme repose par avance
sur le fait qu'il pas apparemment ici un vrai Myoç, mais un pur et simple
parle, qu'il veut.
abord discursif au sens d'6pmµ6ç. Mais le « non » n 'est pas
un simple non, le « en tant que » est déjà posé avec le non.
*
Concernant l'6pzaµ6ç, il n 'y a pas de négation. Ce qui est à
nier est pris en tant que quelque chose dans une certaine
Complém ent 5 (p. [40]) perspective, même si ce n 'est qu'à titre de possible négation
de soi-même. Le domaine dans lequel il peut y avoir illusion
Il nous reste à nous assurer dans quell e mesure
Aristote a est ainsi nettement délimité : ce n'est que dans la mesure où
expressément conscience de ce que le domaine
proprement il y a ol>v0ems et ôtaipecnç qu'il y a quelque chose comme
dit où se rencontre la poss ibilit é de l'illu sion est
celui où les l'illusion. De anima, III 3, 427 b 1 1 sqq. : Ti µÈv yàp afo011mç
choses sont là avec ce caractère qui fait qu 'elles
sont prises en Trov iôimv àei àÀ110fiç, Kai rrifotv ùrrapxet rnîç Çc:[>otç, 8tavoefo0at
8' èvôéxemt Kai \jfEUôros, Kai oùôevi ùrrapxet <P µ1) Kai Myoç. La
tant que telles et telles , un domaine où les
choses font
encontre dans une appréhension déter miné e, un
doma ine où perception des états de choses relevant en propre et spécifi­
par conséquent un accès simp le n 'est pas de mise
m ai s où le quement d 'une guise du percevoir - cette perception est
monde se tient toujours dans une perspective déter
interpretatione, chap . 1 (16 a 1 2 sq. ) : m:pi yàp
m i née . De t o ujours telle qu'elle ne puisse donner lieu à aucune illusion.
ouv0ecnv Kai Aussi longtemps q ue je vois et dans la mesure où simplement
je vois, ce q ue je vois est par faitement délimité. (Dans le
ôtaipeoiv fon TO \jfêÙÔÜS Tê Kai TO aÀ:r10és. C' St
dans l ' horizo n
tavoefot lat, il fa u t sou l i ner le ôta : il sépare comme dans
de l à où il y a q u e l q ue chose comm e u n êt re-pr is-en
m ble t ,

taf. pc tç ) . M a is ; l t · 1 r pti n l ie-mê me peu t s'accomplir


un être- pris-à -pa rt-l'u n-de- l 'a u t re que r�n on l r n t aussi
320 Annexe Compléments tirés des notes de cours 321

sur le mode de l'illusion (8iavoc'io9m 8 '€vôtxi:mt Kai \lfeuô&ç


(De anima, III 3, 427 b 13)) et celle-ci n'a d'existence effec­ Complément 6 (p. [48])
tive que là où il y a Myoç, discours monstratif. Nous voyons
donc ici la relation intime entre la nécessité que l'être soit Nous pouvons dire aujourd'hui qu'Aristote, en se conten­
abordé discursivement selon certaines perspectives, et la pos­ tant simplement de mettre en évidence l'état de fait, a témoi­
sibilité de l'illusion. Jusqu'où Aristote [298] est allé dans gné d'une compréhension beaucoup plus fondamentale des
l'exploration de ces relations : être-là = parler suivant des véritables connexions [299] que les modernes avec leurs for­
perspectives, des préconceptions déterminées, c'est ce que mules hâtives et leur interprétation de ces phénomènes en
montre aussi le De anima III (une recherche centrale sur termes de conscience de soi.
l'être de l'homme dans le monde). Aristote dit que la percep­
*
tion, telle qu'elle se produit en fait, n 'est j amais pure percep­
tion, par exemple de couleurs comme telles, mais que nous
sommes d'une certaine manière partie prenante aux choses : Complément 7 (p. [55])
le monde est toujours là d'une manière telle que le discours
parle dans une perception où nous prenons part aux choses. Il y a ainsi trois concepts de conscience qui sont intime­
Tà �LÈv 013v aio9avw8m . . . La pure perception équivaut à la ment liés et qui étaient en vigueur à cette époque sans que
simple nomination, c'est un accès pur et simple, elle laisse les leur connexion n'ait été aperçue ; Husserl est le premier à
choses se tenir là purement et simplement, sans explicitation. l 'avoir dégagée. La conscience est donc le terme régional
(Je vois le coloré.) Il s'agit là de l'aio9avwem en ce sens désignant l'ensemble des vécus psychiques accessibles en tant
apprêté. 'Dmv ôf> �ôù il Àurc11pov afo8i:cnç ( . ) : mais quand
. . que tels par la conscience dans l'aperception interne, laquelle
nous percevons une chose qui nous réjouit ou nous afflige, la concerne ainsi une classe éminente de vécus caractérisés
perception est alors semblable à un discours, lequel est comme conscience de quelque chose.
Kœracpamç ou bien èm6cpamç, c'est-à-dire que la perception
*
appréhende quelque chose en tant que quelque chose. Dans
cette perception, lorsque quelque chose qui me réjouit vient
soudain à ma rencontre, la perception elle-même et le fait de Complément 8 (p. [71])
se réjouir en voyant ne font qu'un, la perception est là à par­
tir du même milieu, Tfj µw6nrn. Et dans la mesure où c'est cette Cela ne peut vouloir dire que ceci : les tendanc es présentes
perception unitaire qui est la perception originaire et la plus dans les problèmes doivent être rendues transparentes et
proche, puisque les choses du monde sont des rcpayµœm, des sûres. Un problème n'est rien d'arbitraire ni de gratuit, mais
choses dont nous avons à nous préoccuper, le commerce natu­ c'est, en tant que question déterminée, une question posée
rel avec ces choses est donc un flôw8m ou un Àurci:fo9m. Aussi au contact de quelque chose, sur quelque chose, dans une
longtemps qu'on s'oriente sur une théorie des facultés de perspective détermi née. En ce sens, la question implique
l'âme, on est incapable de voir ces connexions ; mais Aristote qu'une décision déterminée a déjà été prise sur la façon
philosophe à partir des choses mêmes et non pas en se réfé­ d'interroger et d'aborder la chose en question . Dans la posi­
rant à quelque manuel de psychologie qu'il aurait trouvé là. t ion du problèm e, le mode d'accès à la chose elle-mêm e est
alement fixé et du même coup se trouve égaleme nt fixée et
*
d ·idée la 111 t: hode. Quand une critique se résout à prendre
la form d'un « l f:l r i fî ati n d s problèm e », cel a signifie
322 A nnexe Compléments tirés des notes de cours 323

qu'elle reprend du même coup à son compte des domaines


réals déterminés et tend à les élaborer suivant des orienta­ [30 1 ] Complément 10 (p. [95])
tions déterminées. Ce qui est repris à titre de domaine réal
'
c'est la conscience. Troeltsch1 a traité depuis peu le problème de l'historicisme
en faisant fonds sur cette absence de clarté. Ce livre est un
*
document de tout premier ordre sur l'époque. Il montre com­
ment on peut traiter de questions fondamentales dans une
[300] Complément 9 (p . [89]) publication volumineuse sans même que les choses dont il
s'agit soient seulement interrogées. Cette façon de faire
On admet alors que ce serait là un malheur absolu pour deviendra - c'est clair pour qui connaît le Dasein - un fil
l'humanité et qu'il ne vaut pas la peine de se demander si, au directeur pour les vingt prochaines années jusqu'à ce qu'autre
bout du compte, la nécessité du scepticisme ne serait pas fon­ chose, peut-être à nouveau la nature, devienne matière à
dée expressément dans le Dasein. On est simplement invité à bavardage.
reconnaître que, puisque l'historicisme mène au scepticisme,
on ne pourrait alors plus rien démontrer avec lui. Négative­ *

ment, l'histoire est rendue d'une certaine manière inoffen­


sive. Cette menace n'est pas autre chose que le souci de Complément 11 (p. [95])
sauver la validité absolue, et de mettre hors circuit l'histoire
e_n l a déclarant non pertinente pour la philosophie, ce qui Tout le travail de Dilthey se concentre en ce point : l'évo­
_ .
s1gmfle rendre explicite l'omission dont se rend coupable ce lution de l'histoire de l'esprit depuis le xvme siècle est deve­
souci. On ne perçoit pas du tout l'être historia!. Il nous faut
bien entendre cette omission concrète en demandant : 1 °
nue tellement limpide aux yeux de Dilthey qu'il en vient
lui-même à pressentir que la conscience historique est en
comment l'histoire est-elle perçue ici d'une manière géné­ passe de devenir une possibilité de l'existence. Cependant lui
rale ? Est-elle mise en jeu d'une manière qui permette aussi aborde la question dans une perspective traditionnelle,
d'ent�ndre le Dasein �oncret à partir d'elle ? 2° Qu'est-ce qui
et c'est pourquoi il ne sort pas lui non plus de la probléma­
est dit, dans cette rruse en jeu de l'histoire, concernant la
tique léguée par la tradition : comment une science de
connexion de la validité des normes et de l'être normé ?
l 'esprit est-elle possible en tant que science ? Critique de la
La considération de cette omission fournira ainsi l'occa­
raison historique. Toutefois, il ne considère pas seulement
sion de donner des indications sur ce que le souci a aussi en
.l'autre côté du globus intellectualis, mais il met de plus en
ligne de mire lorsqu'il prétend (L'idée de philosophie comme
plus l'accent sur la conscience historique ; pourtant il cède
science rigoureuse) se préoccuper à proprement parler de
l'idée de raison et se saisir par là de la tâche fondamentale de toujours derechef à la pente qui incline traditionnellement en
l'humanité elle-même. (Pour s'orienter concrètement sur direction de la science. Ces possibilités positives contenues
dans le travail de Dilthey restent encore méconnues à l'heure
actuelle, on est même en passe - en le rattachant à la phé-
cette question, voir Dilthey, Introduction aux sciences de
! '.esprit. Ensuite : L 'édification du monde historique, publica­
tions de l'Académie des sciences de Berlin, 1 9 10.)
] . • . Troeltsch, Der Historismus und seine Probleme, erstes Buch : Das
* /ogische Problem der Geschichtsphilosophie [ L 'historicisme et ses problèmes,
pr mi r l i vr : Le pro/Jlème logiquç de la philosophie de / 'h isto ire] , Tübingen,
1 \1 .
324 Annexe Compléments tirés des notes de cours 325

noménologie - de les rendre complètement impossibles. souci, en d'autres termes de soumettre les choses à un carac­
Sous le titre d'historicisme, [302) la critique développée à tère universellement et définitivement contraignant. Ce n'est
l'encontre de ce travail, qui est l'œuvre de toute une vie, laisse que si les choses satisfont à cette expérience cruciale qu'elles
échapper ce qu'il comporte de positif et interprète la position admettent une élaboration. Le mot d'ordre « droit aux choses
diltheyienne dans la perspective du souci de validité absolue. mêmes » n'est pas une libre donation de l'objectivité où pour­
La critique est conduite sans que son fondement soit assuré. rait se décider, sur la base de ce qui est en question chaque
On se dispense d'asseoir fermement la découverte effective fois, quelles sont les choses qui méritent, en vertu de leur
sur la base de laquelle la distinction entre valeur et fait a été être, de faire l'objet d'une recherche déterminée. Dans la
établie. On ne s'assure pas des états de fait sur lesquels repose mesure où le souci vise la validité de la connaissance, la
cette distinction, si ce n'est en appelant à la rescousse la base rigueur est une rigueur formelle, objectivement indéterminée,
fragile du jugement théorique. Tout cela est réinterprété en et n'est objectivement rigoureuse que pour les objets mathéma­
étant fondé et configuré dans une optique théorique. tiques. L'évidence spécifique à la connaissance mathématique
est le fil directeur de l'idée de philosophie comme science rigou­
*
reuse. En adoptant ce point de départ, on ne se demande pas
si l'objet, si ce que la philosophie prend d'elle-même pour
Complément 12 (p. [102]) objet, peut relever d'un tel a priori. Cette question, là encore,
n'est pas même posée, et c'est la raison pour laquelle l'exi­
Le mot d'ordre « droit aux choses mêmes », qui procède de gence d'une philosophie qui soit une science rigoureuse est
ce souci, est conditionné en un sens bien déterminé. On peut dogmatique. Le genre d'objectivité et de rigueur dont il s'agit
en dire autant du concept de philosophie élaboré par Scheler ici fait paraître le souci comme étant préoccupé de ne j amais
(philosophie réale) et qu'on pourrait caractériser bien plutôt prendre en souci autre chose que soi-même. En ce qui
comme une philosophie de dogmes bien déterminés. · concerne le problème de savoir ce qui constitue le caractère
d'être de la conscience, nous sommes allés aussi loin que le
*
permettait en lui-même le souci d'une connaissance connue,
ainsi qu'il est apparu dans les réductions. - On ne se contente
Complément 13 (p. [103}) pas cependant de faire de cette science une discipline parmi
d'autres, mais on l'érige en discipline fondamentale de toutes
La dernière fois, nous avons porté l'explication du souci les disciplines philosophiques, et du même coup de toute
j usqu'à un certain achèvement en pointant du doigt le fait science possible. Le souci d'une connaissance connue ne
que le processus caractéristique par lequel le souci d'une configure pas seulement ce champ à titre de tâche déterminée,
connaissance connue se mé-prend en lui-même se scindait en mais s'y assujettit en étendant l'alternative (validité idéale -
deux moments : l'objectivité (Sachlichkeit) et la rigueur. Ces état de choses empirique) à toutes les sciences possibles. La
deux moments, qui ont été mis en avant au moment de la per­ science qui a été ainsi promue se voit chargée du rôle émi­
cée de la recherche phénoménologique et qui le sont encore nent de mettre en lumière tout être-là quel qu'il soit dans les
aujourd'hui, s'avèrent [303) guidés par le souci en question, perspectives les plus diverses. Toutes [304) sont placées sous
c'est-à-dire qu'ils ne procèdent pas primordialement d'un la j uridiction de la raison qui a là ses représentants.
regard porté sur les choses qu'il s'agit de don ner à voi r. Le
souci d'objectivité n'est rien d'autre, pou r le form u l e r d'une *

manière extrême, que la mise en demeu re d 'avoir pa rt à ce


Compléments tirés des notes de cours 327
326 Annexe

ment Descartes, il faut dire qu'un certain revirement s'est


Complément 14 (p. [107]) opéré dans l'attitude adoptée à l'égard de Descartes e� ce
sens qu'on cherche à présent à mieux comprendre les racines
Cet état de fait fondamental était déjà constamment pré­ de sa pensée. Cette manière de rattach� r ?: scartes a;i
dominant dans le cours. Le point de départ chez Aristote est Moyen Âge est cependant motivée par des interets apolog� ­
déterminé par la teneur réale thématique du cours. Cette tiques douteux. S'il s'agit de montrer, comme on le fait
considération s'attache à rendre présente cette teneur réale, depuis déjà longtemps de façon courante, qu� l� fameux
et c'est pourquoi nous serons aussi constamment renvoyés cogito ergo sum se trouve déjà chez saint Augustin, il n'y a au
à l'histoire dans les analyses qui suivent. Tout le socle de fond rien à redire . Il y a pourtant une différence entre ce que
la recherche se situe en deçà de l'opposition entre perspec­ Descartes cherchait avec le cogito et le contexte dans le�uel
tive systématique et perspective historique. On se mépren­ celui-ci apparaît chez saint Augus�in. Des pe.rsonnes pl� ines
drait d'emblée sur ces explications si on voulait les faire de zèle ont cru rendre service à saint Augustin en proceda?- t
entrer dans un cadre systématique arbitraire. Le thème est le de cette façon. On a fait si peu de cas de� contextes respectifs
Dasein /actif en tant que tel, lequel est en tant que tel histo­ qu'on a cru pouvoir les mettre en relation sur la � eule b � se
rique. L'historialité détermine le caractère d'être de l'objet de propositions énoncées identique�ent. Le tr� vail de �ise
thématique. Cela dit pour indiquer comment ce retour à une en lumière du rapport de Descartes a la scolastique est ega­
concrétion historiale déterminée trouve sa motivation dans lement à mettre au compte, pour l'essentiel, de cherc�eurs
les choses elles-mêmes. Dans la mesure où l'émergence fac­ français mais il leur a manqué les outils herméneutiques
tive du souci en question se fait jour dans le travail de indispensables. Avant eux, il y a déjà l'étude de FreudenthaJl
recherche de Descartes, c'est à lui dorénavant qu'il nous faut sur Spinoza et la scolastique » (dans des Mélanges e?­
«

faire retour. hommage à Zeller). Jusqu'à prés� nt, les chercheu�s frança�s
n'ont pas dépassé le stade de simples c� nstatatlons ex.te­
*
rieures. Ils n'ont pas réussi à e�tendre véntablement le heu
unissant Descartes au Moyen Age. Nous n'allons pas pou­
Complément 15 (p. [109]) voir pénétrer plus avant dans ces � omplexions: mis à part la
question du vrai et du faux. � Ou peu�-on v? u que [306] le
Il faut 1° établir que le souci d'une connaissance connue souci dont nous parlons est bien le souci dominant chez Des­
est à l'œuvre dans le travail de Descartes. C'est ensuite seu­ cartes ? Dans le Discours de la méthode, Descartes ne veut
lement qu'il sera possible d'entendre comment ce souci pas faire une théorie de la méthode, mais il veut simplen:ent
ouvre la conscience à titre d'être déterminé. 2° Élucider
-
parler de l'utilisation pratique de sa méthode, il_ exphq� e
cette ouverture de la conscience à partir de l'être du souci. comment il est parvenu à sa méthode au cours de sa vie,
Concernant le 1 °, il faut montrer que le (305] souci en ques­ quels ont été les motifs qui l'ont � oussé à la n_i ettre en
tion est bien présent chez Descartes. Nous disposons d'un forme. Il souligne explicitement qu'il ne ch� rch� a � ersua­
document sur cette question avec le Discours de La méthode, der quiconque d'adopter cette méthode, mais qu il. lai�se au
1637. Il y a aussi les quatre premières Méditations, et notam­ con t raire tout un chacu n libre de s'assurer et de configurer
ment la quatrième ; la première partie des Principia philoso­
phiae ; les Regulae ad directionem ingenii. Je ne peux pa
1. J. c
Freu l n t h a l « pi noza und die Schol ast ik », i n_ l�hilosophisc
he Aufsii'.�e,
4 d uard Zclle r z u s in m. fünfzi
,
Le1pz1g,
entreprendre une étude détaillée de Descartes . gjiih n e n Docto r-Jub ilaum gew1d met,

Concernant l a façon de considérer a u jourd ' h u i h istori q u -


-
1 887. 1 . 83- 1 38.
I' Compléments tirés des notes de cours 329
328 Annexe

p
par lui-même la méthode de la connaissance. Il a publié ce nomme aujou rd'hu i phénoménologie. Com ment ce cham
? L'inte rprét ation nous a
traité en 1637 avec trois autres traités. Ces derniers ont été acquiert-il ce singulier privilège
spéci fique dans leque l ce
réédités ensuite sous le titre de Specimina philosophiae. Un conduit à mettre au jour le souci
d'une
compte-rendu sommaire du contenu du Discours : Descartes champ thématique se trouve contenu. C'éta it le souci
les carac tères
explique qu'il s'est toujours intéressé aux sciences. Il s'est connaissance conn ue. Nous avon s rencontré là
ble sur
bien vite rendu compte que les mathématiques possédaient fondamentaux du souci lui-m ême. Le moment vérita

une rigueur particulière quant aux possibilités de connaître, lequel se laisse recueillir le caractère d'être du champ thém
op­
mais qu'en philosophie il n'y avait pas une seule proposition tique n'a pas été mis au jour dans les considérations dével
donc de le faire appar aître en
qui ne donne lieu à contestation. Cette observation l'a pées jusqu 'ici ; il convient
la quest ion : en quoi est-ce bien
conduit à se désintéresser totalement des sciences et à se toute transparence en posant
r
tourner vers la vie. Mais le désir de connaître quelque chose là le souci spécifique pour lequel la conscience se laisse ouvri
d'une
� 'indubitable était toujours renaissant en lui. Il entreprend comme champ thématique ? Dans quelle mesu re le souci
e
fmalement, en cessant de s'intéresser à toutes les connais­ conn aissa nce conn ue confi gure- t-il la consc ience comm
faire retou r
sances concrètes et - selon lui - contingentes, de configurer champ thématique ? Pour ce souci, il convient de
des règles de comportement pour la connaissance véritable ; à Descartes.
le principe qu'il retient est de configurer une méthode de
*
connaissance qui soit absolument certaine ; il se peut que la
méthode ne permette pas d'aller très loin elle non plus, tout
ce qu'il veut est ne pas tomber en chemin. On peut déjà voir Complément 16 (p. [128])
ici l'intérêt qu'il porte à la sûreté de la connaissance comme
la
telle. Descartes configure quatre règles fondamentales du De ce point de vue, Descartes est en fait le fondateur de
comportement de connaissance, quatre regulae perceptiànis :
hant à la
philosophie mode rne, mêm e s'il la fonde en se rattac
éval et
1 ° seul est ce qui est saisi dans une clara et distincta perceptio. tradition, même s'il est, à proprement parler, médi
i le
2° Chaque difficulté qui se présente dans l'ordre de la grec. - La conscience de son côté domi ne aujourd'h �
ique,
connaissance doit être résolue en analysant ses éléments cham p véritable de la philosophie (la personne, le psych
prend ses distan ces à l'égar d
constitutifs. 3° Il faut commencer, dans la recherche de la la vie, etc.) ; même là où on
en oppo sant la trans cen­
vérité, par les objets les plus simples et les plus faciles à d'une philosophie de la conscience
perçoit
connaître. 4° D ans chacun des domaines d'objets à connaître, dance de l'étant à l'immanence de la conscience, on
la consc ience et
il faut chaque fois s'efforcer de faire en sorte que l'examen toujours la transcendance par opposition à
e de la
soit complet. - Cet intérêt spécifique porté à la configura­ [308] on ne sort donc nullement de la sphèr
tion de ces règles formelles, avant toute libération de l'accès conscience.
[307] à un étant, manifeste à lui seul Je primat que Descartes
*
accorde à la validité de la connaissance. C'est l 'indubitable,
quelle qu'en soit la nature puisque c'est le souci qui prédes­
sine pour l ui un domaine d'être déterminé, q u i conduit alors Complément 1 7 (p. [1 35])
Descartes à un être déterminé, l'être effectif a u sens de l a
Cf. la q u a t r i è m e Méditation. Dans celle-ci, on mont re que
e q u i st saisi clair m e n t e t d isti n ct e m e n t est vrai.
première règle.
Il y a ici
Descartes s'inscrit dans notre probléma t iq ue concernant le
one pl d t r11 1 i n du vra i q u i prend son orien tation sur
ca ractère d 'ê t re d u c h a m p t hémat ique de la di ·ci p l i n q u i s un
330 A nnexe Compléments tirés des notes de cours 331

l'esse perceptum. La question de savoir en quoi consiste l'être


du faux est en même temps débattue. La discussion autour Complément 19 (p. [ 147])
de cette question - esse verum = esse perceptum - est
importante pour consolider ce qui précède et entendre ce qui Nous devons alors nous demander : 1° comment Descartes
suit (Synopsis, p. 5). Dans la quatrième Méditation, il s'agit, explique-t-il la constitution de l'error ? 2° Où se trouve, dans
en partant de la certitude caractéristique de l'être de la res l'être spécifique de l'error, le moment d'être qui fait de lui
cogitans, et en suivant le fil directeur du critère de la clara et une p rivatio ? 3° Sur la base de quelles perspectives ontolo­
distincta perceptio, lequel est lui-même fondé de manière giques Descartes interprète-t-il le falsum et l'error ? En pour­
absolue en étant reconduit à Dieu, d'ouvrir la voie à la suivant l 'interprétation dans ces trois directions, nous devons
connaissance de ce qui est extra mentem, de la res extensa, donc tomber sur des catégories fondamentales de l 'être bien
c'est-à-dire de la nature en tant qu'objet de la science mathé­ déterminées, et en vérité des catégories ayant quelque rela­
matique de la nature. tion avec celles déjà mentionnées de la res cogitans. C'est­
à-dire que nous tombons sur des résidus de l'ontologie aristo­
* télicienne.

*
Complément 18 (p. [145])

Pour nous, cela veut dire que Descartes voit, dans l 'être de Complément 20 (p. [15 1 ])
la res cogitans, un être double : 1 ° comme repraesentans et
2° comme repraesentatum. Mais de fait, tous les deux se ras­ Dans ces propositions, qui semblent ici aller tellement de
semblent chez lui en unité dans chacune des idées. C'est soi, c'est tout l'arrière-plan de l'époque qui se manifeste ;
pourquoi « cogitatio » sert aussi bien à désigner le cogÙatum elles montrent tout simplement que cette quatrième Médita­
que le cogitare. Pour Descartes, ce transfert <de significa­ tion en son entier ne présente pas la moindre originalité. Le
tion> ne soulève aucune difficulté parce que l'esse au sens de rejet de l'indifferentia est un coup porté contre les Jésuites, et
la realitas objectiva ( l' être-représenté du représenté) est la détermination positive de la libertas en tant que propensio
inclus dans la représentation du représenté. Ce dernier cor­ est une prise de position en faveur de Port-Royal et de la
respond à un degré d'être moindre [309], mais n 'est pas rien. nouvelle [3 10] opposition des Oratoriens ; le cardinal Bérulle,
Descartes dit que 1 ° les cogitationes et 2° les ideae sont don­ dont le confident, le père Gibieuf, avait rédigé ce texte : De
nées avec une évidence absolue dans la clara et distincta per­ libertate Dei et creaturae (1630). - Les Méditations de Des­
ceptio.- C'est là l'origine de l 'affirmation de Husserl selon cartes ont paru en 1641. La Correspond ance montre que Des­
laquelle, dans la sphère de la conscience (comprise comme cartes avait reçu un exemplaire dédicacé par l'auteur et qu'il
domaine), sont donnés avec évidence : 1 ° les actes, le noé­ l'avait lui-même étudié. - Ce passage chez Descartes fait
tique, la noêsis, et 2° ce qui est visé dans les actes eux­ référence à la problématique théologique fondamentale du
mêmes, les noêmata ; ce sont les ideae au sens de Descartes. rapport de la grâce divine et de la liberté humaine. Problé­
Le noétique, ce sont les cogitationes en tant qu'operationes matique qui remonte au débat de saint Augustin avec Pélage.
mentis. Le texte théologique fondamental de Luther : De servo arbi­
trio ( 1 525/ 1 526) : Du serf arbitre. Ce titre montre à lui seul
*
q u 'i l est d irigé contre la doctrine de la liberté véritable de l'agir
t van t 1 u. 1. rit a t é suscité par ce texte d ' É rasme :
·
I'

332 Compléments tirés des notes de cours 333


A nnexe

De libero arbitrio diatribe. Le texte de Luther a joué un dant déthéologisé de manière spécifique chez Descartes pour
grand rôle dans le développement de la Réforme, encore ren­ être transféré dans la sphère de l'évidence rationnelle pure.
forcé par Calvin. - A, la même époque, la Contre-Réforme a Ce qui avait été précédemment établi dans le cadre d'une
été mise en œuvre systématiquement par les Jésuites. Ces compréhension de la conscience religieuse est ici sécularisé.
derniers mettaient l'accent, pour s'opposer à l'abaissement De telles propositions sécularisées se rencontrent aujourd'hui
de la volonté humaine, sur les possibilités positives de la encore partout en philosophie, et pour peu qu'on examine
libertas humaine. Le premier représentant important en est leur légitimité, on s'aperçoit que le seul terrain où elles ont
le moine espagnol Fonseca, puis le cardinal Bellarmin [ . . . ). une justification n'a rien à voir avec la connaissance ration-
En 1 588, Molina ressaisit, sous une forme systématique, le nelle pure.
conflit de la gratia Dei et du liberum arbitrium dans le texte :
*
De concordia gratia et liberi arbitrii. De là vient qu'on a
« »
appelé molinisme la doctrine de l' essentia de la libertas,
qui consiste dans l 'indifferentia ou la scientia media, laquelle [312] Complément 22 (p. [166])
a été au cœur de l'opposition des Oratoriens et plus tard du
jansénisme. Cette question de la resolutio des concep tiones dans l ' ens
enferme une réflexion plus vaste qui est fondée sur une
*
interp
.
rétatio n élargi e de l'ens lui-mê me (Arist ote, Métaphy-
sique ?)
. .
[31 1 ] Complément 21 (p. [157])
*

Il y a donc ici à la base une idée déterminée de l'homme et


de sa capacité à saisir la clara et distincta perceptio et de vivre Complément 23 (p. [201 ])
en elle. On voit ici se prédessiner le souci d'une connaissance
connue. La propensio n 'est rien d'autre que ce souci de la L'expérience fondamentale dans laquelle Descartes déter­
clara et distincta perceptio. mine l'être de l'homme est : sum res cogitans. Dans la mesure
Comment peut-il y avoir, dans cet être déterminé comme où je m'expérimente comme ce quelque chose et où j'expéri­
simul esse, un non-être spécifique, une privatio ? Quel est le mente en unité avec cela que je ne suis pas rien (idea nega­
moment d'être de ce simul esse auquel il peut être porté tiva) j'ai du même coup, à l'horizon de mes expériences
,

atteinte, qui est donc defectus, et comment le falsum est-il déterminées elles-mêmes, l'idée d'un être qui est parfait mais
déterminé à partir de là ? Ainsi, cette explication de l' error
- que je ne suis pas. Je ne suis pas rien, mais je ne suis pa� non
doit être appréhendée dans l'horizon du rapport entre gratia plus Dieu. - On se méprendrait complètement �ur la phi�oso­
et libertas, avec les déterminations ontologiques sur les­ phie cartésienne si on conduisait l'interprétat10n en faisant
quelles elles reposent. Elles doivent être saisies en connexion comme si rien d'autre n'était donné de prime abord que le
avec les déterminations ontologiques que nous avons déjà cogito sum. En effet, toute la preuve de l'exist ence de
D ieu
mises au jour au moment de la détermination de l'idea dans et l'onto logie qui la fonde sont posée s conjoi nteme nt dans le
sa double realitas. ogito. C'est une erreur de croire que toute la philos op � ie de
Nous avons vu quel était l'arrière-plan de la relation de la De cart repose sur la seule proposition de la conscience,
doctrine cartésienne de la liberté avec l ' acte d j uger_ et t aq u I l t d ' u n e c rtaine maniè re constr uite de toutes
arrière-plan est de nature purement t héologique, il st p n- pi s. ::n saisiss a n t à. là f is l'id de l 'ens summ e perfectum
334 A nnexe Compléments tirés des notes de cours 335

et celle du nihil, je me convaincs que j e suis un milieu entre être. A nimadvertit [mens] fieri non passe quin ipsa interim
Dieu et le néant. Cet être lui-même, en tant que creatum, est existat <(l'esprit) reconnaît qu'il est absolument impossible
un bonum, et c'est à vrai dire un bonum dans la mesure où que cependant [qu'il pense] il n'existe pas lui-même>
son être est un cogitare. Le cogitare s'accomplit de manière (Synopsis, al. 2). Non possumus supponere nos nihil esse qui
déterminée, il a en soi une inclinatio dirigée sur un bonum. talia cogitamus <nous ne saurions supposer que nous ne
D ans la mesure où il s'agit de déterminer l'être de l'homme, sommes point pendant que nous doutons de la vérité de
la question sera de savoir en quoi consiste la détermination toutes ces choses> (Principia philosophiae § 7). (Principia
d'être qui constitue la plus haute perfection de l'être humain § 49 : non potest non existere qui cogitat <celui qui pense ne
de sorte que cette détermination d'être le fasse entrer dans peut manquer d'être ou d'exister>.)
une [3 13] proximité avec l'être de Dieu. Cette détermination Il ressort clairement de ces expressions que : 1 ° ce qui est
d'être s'explicite dans la libertas. recherché et qui a été trouvé est un état de choses. C'est 2°
une proposition, un verum d'un genre bien particulier.
*
[314] Sur le 1 ° : Fieri non passe ( . . . ) Ce qui a été trouvé
doit être un état de choses. La proposition signifie qu'il est
Complément 24 (p. [211 ]) impossible que mon doute et mon non-être existent ensemble,
ou en termes positifs qu'il est nécessaire que je sois à partir
Les différentes étapes telles que Descartes les retrace en du moment où je doute. La proposition énonce donc une
les situant en même temps dans la continuité des orientations impossibilité spécifique sous la forme d'un état <de choses>
initiales de la philosophie grecque (Platon) montrent que ( Verhalt), comme nous disons. Non passe supponere ( . . ) ce .

chacune des étapes dans l 'exposition de la quatrième règle serait une supposition impossible. Un être-impossible ainsi
est guidée par l 'idée de scientia certa et evidens, et . que la caractérisé est un état de choses.
configuration formelle de la regula n'est rien d'autre que le Sur le 2° : « Si - alors » équivaut à une condition. Si je
mode d'appréhension des objets possibles tiré du sens de la pense, alors je suis. Ego etiam sum, si me fallam. Une relation
mathesis universalis, ou plus exactement n'est rien d'autre conditionnelle spécifique entre mon être et mon cogitare. La
que l a régulation de ce mode d'appréhension en considérant formule spécifique : cogito ergo sum est caractéristique. Est­
ces relations purement objectives elles-mêmes, lesquelles ne ce une déduction ? La doctrine de Descartes ne permet pas
comportent en soi rien de matériel . d'en décider. - Que voit-on ? En fait, le ergo n'exprime pas
une déduction ; mais ce qui a été trouvé comporte une articu­
*
lation déterminée : ce qui a été trouvé, ce n'est pas cogito, ce
n'est pas esse, mais cogitare ergo esse. C'est le fait que l'être
Complément 25 (p. [246]) soit donné conjointement avec la pensée. Ce fonds subsistant
est primordial. Le donné est un fundamentum certum. Non
pas une déduction, mais une explication immédi ate du
La question est alors de savoir comment Descartes déter­ donné. Ce qui a été trouvé ne peut pas être une déduction
mine ce qu'il a trouvé ; il s'agit à présent de voir ce que les parce qu' i l doit être a priori pour Descartes : en effet Des­
formules qu'il emplo ie veulent dire concernant cette ques­ a rtes veut un absolutum et toute deductio en tant que
tion : ce qui a été trouvé est-il une res ou bien un verum ?
Meditatio II (p. 21) : cogitatio est ; haec sala a me dive/li nequit :
onclu ion d e v ra i t déj à le présupposer. Cogitare me esse
q u i va u t à u n t a t (d choses) . Le sens de l ergo est u n e arti­
'

n <..l fi n i t i v ,
la pensée est, elle seule ne peut pas être d i oci cl mon L i l · H i n. q u i a t t r u vé es t q uelq ue cho e
Compléments tirés des notes de cours 337
336 Annexe

où apparaît une pluralité déterminée de données telles que dique est l 'une de ces propositions. Ce sont des connaissances
l'une coexiste avec l'autre. L'une apparaît dans une dona­ universelles, et universelles parce que aucun type déterminé
tion conjointe déterminée avec l'autre. (Meditatio IV : ex hoc d'objet n'est pertinent pour les saisir compte tenu de leur
ipso ( . . . ) (p. 68), voir ci-dessus). Cette consécution n'a évi­ teneur réale. Vous voyez ainsi que ce qui a été trouvé n'est
demment pas ici le sens d'une déduction, mais veut dire que pas en fait une res, mais un verum ; et à vrai dire ce verum
le me existere est donné conjointement avec la recherche. Ce vaut absolument, il a une validité universelle. Cet état de fait,
qui montre indirectement, et bien plus distinctement encore, à savoir que ce qui a été trouvé n 'est donc pas une res mais un
que c'est bien une proposition que l'on cherche, c'est que le verum, est le fondement véritable et ultime de notre discussion
principe de contradiction est ce qui permet de contrôler que concernant la question de savoir comment le caractère
ce qui a été trouvé correspond bien en fait à ce qui est d'être de la res cogitans est lui-même appréhendé. Cet être
recherché : repugnat enim, ut putemus id quod cogitat, en ipso s'exprime-t-il à partir de lui-même, ou bien cette res est-elle
[315] tempore quo cogitat, non existere <il est contradictoire saisie par avance, du fait de la forme même de la recherche,
de soutenir que ce qui pense n'est pas véritablement au comme élément possible d'un état de choses bien déterminé,
même temps qu'il pense> (Principia, § 7). Ce qui a été trouvé de sorte que cette res est envisagée d'emblée quant à sa capa­
est envisagé dans l'horizon de cette condition - il est vu à cité à entrer dans un état de choses avant d'être reprise elle
travers le principe de contradiction. Nier l'être contredit aussi dans ce qui a été trouvé lui-même ?
l'être de la négation. Ce qui a été trouvé a pour norme la
*
non-contradiction. Ce qui a été trouvé s'exprime dans une
proposition, mais ce dont on se soucie, c'est que ce soit un
énoncé, <pamç. Ce qui est recherché et a été trouvé a un
caractère propositionnel. Le certum est un verum. Principia [316] Complément 26 (p. [256])
§ 49 : Is qui cogitat, non poteste non existere dum cogitat
<celui qui pense ne peut manquer d'être ou d'exister pen­ Récemment, Husserl est arrivé lui aussi à cette conviction,
dant qu'il pense> : cette proposition apparaît, dans le passage ce qui sera, pour sa conception de la doctrine de la vérité,
d'où elle est tirée, dans un contexte tout à fait caractéris­ d'une importance telle qu'elle peut l'amener à modifier de
tique : il s'agit de ce qui peut être d'une manière générale fond en comble sa position s'il est conséquent avec lui-même.
objet de perceptio. Vel tanquam aeternae veritates <ou bien L'usage du principe de contradiction n'est légitime qu'à la
toutes les vérités éternelles>. 1 ° Ex nihilo nihil fit <de rien condition qu'il soit accompagné des plus grandes précautions,
rien ne se fait>. 2° Impossibile est idem simul esse et non esse comme chez Aristote.
<il est impossible qu'une même chose soit et ne soit pas en
*
même temps> (une proposition qui, sous cette forme, est
tout simplement fausse). 3° Quod factum est, infectum esse
nequit <ce qui a été fait ne peut pas ne pas avoir été fait>, on Complément 27 (p. [269])
ne peut pas faire que ce qui s'est produit ne se soit pas pro­
duit. 4° Is qui cogitat, non potest non existere dum cogitat 'est alors seulemen t qu'on pourra parler de la possibilit é
<celui qui pense ne peut manquer d'être ou d'exister pen­ de constituer de nouvelles sciences ; cela suppose de ques­
dant qu'il pense>. - Ces propositions font partie des veri­ l i nn r l'être de l'étant, de voir les mondes d 'être au sein des
tates aeternae, de ce qu'on appelle les notiones communes ou m p l xions d'exp 'rience fondame ntales de la vie factive

axiomata. Et ce que Desca rtes a trouvé dans ce dou t r n . t ho- ' Il - n '\ m ' .
338 Annexe Compléments tirés des notes de cours 339

cupé, le monde, fait donc encontre dans les caractères fonda­


*
mentaux de la préoccupabilité.
C'est également ce phénomène fondamental de l'étrangeté
Complément 28 (p. [271]) qui permet d'expliquer ce que nous appelons le langage. Le
langage : une guise spécifique de l'être de l'homme, de l'être
On ne peut poser la question du sens de l'être, avant de le au monde. Le langage veut dire, vu primordialement (de
configurer en domaine réal, qu'à la condition de gagner un manière interprétative) à partir de la façon de parler dans
sol antérieur à toute partition de l'étant entre différentes l'étrangeté : s'exprimer, faire entendre sa voix dans l'étran­
sciences. geté. (C'est un phénomène bien connu qu'on se met à parler
fort quand on se trouve dans une situation d'étrangeté.)
*
Lorsqu'on s'exprime ainsi, on ne veut pas raconter à autrui
une chose ou une autre [31 8] - cela signifie plutôt : adresser
[317] Complément 29 (p. [273 ]) la parole au monde de la préoccupation selon une guise où
c'est le Dasein qui s 'exprime. Le Dasein s'exprime, d'une cer­
D'un autre côté, le fondement de l'évidence est pourtant à taine manière, en partant de soi - dans l'éloignement de soi.
nouveau appréhendé, en raison de l'attitude dominante, en Toutes les significations originaires du langage sont pour
liaison avec l'évidence de la saisie théorique. L'évidence est cette raison, dans leur caractère fondamental, herméneu­
l'évidence spécifique de l'appréhension et de la détermina­ tiques - ce ne sont pas des significations réales, des significa­
tion ; donc l'évidence d'une appréhension et détermination tions de « chose », mais elles concernent le Dasein lui-même.
d'objets. De là vient le caractère originaire primordial des pronoms
personnels « je », « tu ».
*
Je souligne que ce n'est qu'à partir du phénomène de dis­
torsion, lequel fait structurellement partie du fondement de
Complément 30 (p. [290]) l'étrangeté, qu'il est possible de reconduire l'intentionnalité
sur le sol où elle est à sa place. Si l'on considère la manière
Ce phénomène d'étrangeté est la condition de possibilité dont la doctrine de l'intentionnalité a été reçue dans la philo­
pour qu'il y ait quelque chose comme un être-à-découvert sophie d'aujourd'hui, on voit bien que cette doctrine a ren­
dans le Dasein. La visibilité (Sichtigkeit) n'est qu'une inter­ contré une certaine résistance : les arguments <avancés contre
prétation déterminé du « là », ce n 'est qu 'une façon détermi­ elle> s'inscrivent certes toujours uniquement dans les pers­
née d'en être quitte avec l'étrangeté. pectives de la théorie de la connaissance, mais il y a malgré
Cet être du Dasein qui subit les assauts de sa propre étran­ tout une conscience obscure de ce phénomène qui se voit dans
geté permet d'entendre que le souci fasse partie de l'être le fait qu'on a remarqué que l'acte de se diriger sur, consi­
véritable de l'être au monde. déré comme structure fondamentale de la conscience, carac­
Le souci - être tendu vers quelque chose qui fait encontre térisait de manière bien trop explicite et même suraiguë l'être
dans le monde - ne fait qu'exprimer une mise à distance de a u monde. Mais ce qui importe pour la phénoménologie,
l'étrangeté. Être tendu vers quelque chose en s'en préoccu­ c'est que Je Dasein soit positivement pris en vue tel qu'il est
pant, c'est fuir l'étrangeté. d ans la moyenne, ce que l'interprétation de l 'intentionnalité
Le Dasein, c'est être au monde dans la guise d u souci, de o m m st ruct u re fonda mentale d e l a conscience a rendu par
la préoccupation du monde lui-même. Ce don t on t pr oc- avan i m possihl . 1 i'nt d- départ a cond u i t à reprendre
340 Annexe Compléments tirés des notes de cours 341

encore une fois au bout du compte les problématiques


et la succession de toutes sortes d'événements ; cela ne veut
anciennes et a permis que s'engage, dans la recherche phéno­
pas dire non plus que le Dasein a une histoire au sens où il
ménologique, une discussion comme celle de savoir si la
aurait conscience d'un avoir été, mais :) Le Dasein est dans le
théorie de la connaissance pouvait demeurer à bon droit ou
temps de l'histoire dans la mesure où il est lui-même tem­
non dans la recherche phénoménologi que.
porel.
« Comment la conscience, ou le "je", parvient-elle à accé­
Le Dasein est temporel : ici le temps n'est pas une mesure
der au monde ? Comment le monde est-il dans la conscience ?
(au sens de la datation historique, de la chronologie), mais le
Comment ceux-ci entrent-ils en relation l'un avec l'autre ? »
Dasein a en lui-même cette extension spécifique, cet être-tem­
Ce sont là des questions posées fondamentalement de travers
porel qui fait que, à partir de l'anticipation d'une chose future
à propos d'un phénomène que l'on n'a pas pris la peine
- laquelle est prise en souci - , il se préoccupe conjointe­
d'aller regarde r. Ce qui est en questio n, c'est bien l 'être de
ment de son passé et du même coup se rapporte au présent.
l'homme : l'être au monde fait partie de l'être du Dasein . La
Passé - présent et futur ne sont pas des dimensions qui
question de savoir comme nt le Dasein entre en relation avec
seraient juxtaposées les unes aux autres, mais elles détermi­
le monde ou bien comment le monde entre en relation avec
nent le comment du Dasein en unité. - S'il en est ainsi, et si
le Dasein n'a par avance, s'agissant du Dasein, absolument
toute philosophie interroge d'une manière ou d'une autre,
aucun [31 9] sens. Ce qui, d'une manière générale, peut être
explicitement ou non, le Dasein, on peut alors [320] déduire
élucidé, c'est la chose suivante : comment se fait-il que le
du rapport qu'une philosophie entretient avec l'histoire dans
Dasein ait configuré une science qui a recouvert à ce point ce
quelle mesure cette philosophie a vu le Dasein en tant que
tel. C'est ce qui devra aussi nous servir de fil directeur pour
phénomène fondamental (être au monde), comment se fait-il
qu'il ait configuré une position qui interroge le Dasein d'une
engager une réflexion radicale sur les possibilités qui sont
manière à ce point privée de sens.
offertes dans la situation philosophique d'aujourd'hui pour
Il faudrait répondre à ces questions non pas abstraitement,
porter le Dasein lui-même sous le regard pour la recherche.
mais en considérant concrètement l'histoire du Dasein -
- À côté des tendances de la recherche phénoménologique
l 'histoire de la connaissance et de la science.
et d'une certaine manière en liaison avec elle, il y a les
Lors de la caractérisation du souci comme guise fonda­
recherches de Dilthey qui se meuvent dans une direction qui
mentale de l'être au monde, on a dit que c'était une tension
vise expressément à prendre en vue la vivacité de la vie, et
vers le monde dans laquelle on se préoccupait du monde. Ce
prennent donc par là-même l'histoire en considération. -
dont on se préoccupe est donc pris anticipativement : le
Mais toute l'entreprise de Dilthey reste encore prisonnière
Dasein saute en un certain sens par-dessus lui-même en pre­
des problématiques traditionnelles et ne tend qu'instinctive­
nant en vue et en se souciant de quelque chose qui n 'est pas
ment à mettre à découvert le Dasein en lui-même. Dilthey
encore là, et dont il lui faut d'abord se préoccuper. Partant
n'a pas réussi précisément à se libérer de l'histoire de la
d'un être qui est déjà là (ein schon Da-sein) , d'un souci déter­
science et des questions qui lui ont été transmises par la tra­
miné, on aspire à quelqu e chose qui n'est pas encore là. Dans
dition, si bien que son instinct a été étouffé par la tradition.
cette extension du Dasein qui part du « déjà » pour aller vers
Quel était le rapport de Dilthey à l'histoire de la philoso­
le « pas encore », se manifeste la structu re spécifiq ue fonda­
mental e du Dasein en tant qu'être en souci. C'est cet êt re­
phie de son temps, c'est ce que de prochaines publications
permet tront de voir. U n complément intéressant attendu :
e expl ications avec le discours de rectorat de Windelband
temporel qui fait que le Dasein est lui-mêm e historia!. (Ce l a
n'a rien à voir avec le fait extrinsèque su ivant 1 q u 1 tou t
J 894 ur « ' h i t o i r e t la science de l a nature », lequel est
l u i -m · m d l rn1 i n 1 f l r J ' lntrocluction. d Dilt hey.
Dasein humain est pris dans l'histoire : dans la s i rn u l t a n i t
342 Annexe

On voit ici à quel point Dilthey était au clair quant à la


tâche d'une psychologie spéciale - mais toute la probléma­
tique s'oriente sur le problème de l'histoire considérée [322] POSTFACE
comme science historique - (l'histoire, une région pour une D E L ' É D IT E U R A L L E M A N D
science) . Cette science étant elle-même délimitée par opposi­
tion à la science de la nature. - La conception diltheyienne
de l'histoire représente malgré tout un progrès par rapport à
Windelband/Rickert dans la mesure où chez ces derniers la
connaissance historique n'est encore interrogée que du point
de vue de sa conceptualité. Dilthey voit que la psychologie
n'est pas une science de la nature, et qu'elle ne peut en
aucune façon être rangée parmi les sciences de la nature
comme veulent le faire Windelband et Rickert. La psycholo­
gie en tant que science fondamentale des sciences de l'esprit Le présent volume 1 7 de l ' Édition intégrale contient le
désigne une doctrine de la vie, de l'être de l'homme [32 1 ] texte inédit du cours donné par Heidegger à raison de quatre
(une anthropologie) - c'est la discipline fondamentale de heures par semaine pendant le semestre d'hiver 19231192 4 à
l'histoire. L'instinct de Dilthey le porte à voir la vie dans son l'université Philipp de Marbourg où il venait d'être nommé
être - malheureusement il se fourvoie en cherchant à fonder professeur ordinaire à titre personnel sur la chaire extraord� ­
la science de l'esprit sur une psychologie d'un nouveau naire de philosop hie. Ce premier cours de Marbourg de Hei­
genre. Chez lui, cette tendance est mise en œuvre et degger était annoncé, dans l'affiche des cours, sous le titre
déployée en toute sûreté dans une familiarité concrète avec Les débuts de La philosophie moderne ; il a été donné en fait
l'histoire de l'esprit lui-même. Procéder systématiquement sous le titre Introduction à La recherche phénoménologique,
n'entrait pas dans les possibilités de Dilthèy. Une lacune fon­ comme en attestent aussi bien le document original que toutes
damentale : il n'a pas configuré de catégories ni de probléma­ les notes de cours prises par les auditeur s.
tique unitaire précise. Il a cherché à restituer ce qu'il a vu Pour éditer le texte de ce cours, nous disposio ns d'une
dans un exposé mi-esthétique, mi-artistique. Même si, les copie dactylographiée du manuscrit original réalisée selon
dernières années de sa vie, il a vu que les Recherches logiques toute vraisemblance peu de temps après la fin du cours ;
de Husserl permettaient pour la première fois de donner un cette copie a été annotée de la main de Heidegger, en partie
sol effectif à toutes ces questions, il n'a pas vu qu'ici de nou­ au crayon, en partie à l'encre. Heidegger a inscrit sur la cou­
velles . . . verture à l'encre verte « Premier cours de Marbourg, Semestre
d'hiver 1 92311924 ». La page de titre porte au crayon rouge la
mention de Heidegger « Introduction à La recherche phéno­
ménologique. Semestre d'hiver 1 92311 924. Manus�rit original
détruit ». À l'époque où Heidegger préparait l' Edition inté­
grale, il avait demand é à l'éditeur du présent volume, qui
l ' a ista i t dans ce tte tâche d'édition , de se charger du premier
cou rs 1 M arbourg. l i lui avait alors indiqué oralement que
sa n m i n a t ion à M a rb ur et le démé n agem e n t de Fribourg
, M a rb u r l ava i nl p rt u rb q u l q u t rnps e t q u i l a vait
'
'
344 Postface de l'éditeur allemand Postface de l'éditeur allemand 345

dû mettre ce cours par écrit en toute hâte. En raison de cette de savoir par qui avec certitude. Il se peut que Herbert Mar­
rédaction précipitée, son manuscrit était difficilement lisible, cuse ait reçu ces notes, comme beaucoup d'autres d'ailleurs,
ce qui l'a conduit à faire réaliser une copie dactylographiée des mains de Walter [324] Brocker. Le texte de ces notes est
de l'original, qu'il a ensuite détruit. cependant incomplet ; il ne couvre que les séances du
Outre la copie originale revue à la main, [323] ainsi que 1er novembre 1 923 au 11 janvier 1 924 et compte 81 feuillets
nous l'appellerons par la suite, nous avions à notre disposi­ dactylographiés.
tion, pour éditer ce cours, les notes du fonds d'Helene WeiB Alors que le travail éditorial était engagé, Gerhart B au­
et celles d'Herbert Marcuse. Les notes « WeiB », qui forment mann (Fribourg) a aimableme nt communiq ué à l'éditeur
un ensemble de 5 1 4 pages manuscrites, portent la mention d'autres notes du cours provenant du fonds Gerhard Nebel
« copie de Friedel Landshut » placée sous le titre du cours. que ce dernier avait lui-même prises en tant qu'auditeur de
Les notes des séances du 15 au 25 février 1 924 figurent dans Heidegger. Il s'agit d'un cahier de toile noire rédigé en carac­
un autre manuscrit . L'indication « Fin de la dernière séance tères à la fois latins et allemands qui porte au verso de la cou­
(26 février). Notes d'Elli Bondi » apparaît dans les notes verture la mention : « Heidegger, Introduction à la recherche
prises les dernières heures du cours. Harmut Tietjen a bien phénoménologique, III ». C'est donc le troisième cahier d'un
voulu se charger de mettre au net ces notes, lesquelles res­ ensemble de probablement quatre. Ce troisième cahier com­
tent au demeurant très lisibles, et en réaliser une copie dac­ mence avec la séance du 8 janvier et s'achève avec celle du
tylographiée, ce qui a grandement facilité le traitement des 1 5 février.
notes pendant le travail éditorial. Au moment de l'établisse­ Dans la copie originale dactylographiée, les termes grecs ont
ment du plan et de la préparation de !' Édition intégrale, Hei­ été ajoutés à la main à l 'encre, mais non pas par Heidegger lui­
degger avait demandé à Ernst Tugendbat, le neveu d'Helene même. La révision manuscrite du texte apporte des améliora­
WeiB, de bien vouloir lui fournir des copies de toutes les tions stylistiques, précise une pensée, supprime des phrases
notes de cours figurant dans le fonds de . sa tante. Ernst par endroits, ou bien en insère d'autres différemment formu­
Tugendbat avait bien volontiers accédé à cette requête. Là­ lées. Dans l'ensemble, ces révisions restent sur le même plan
dessus Heidegger a chargé les éditions Klostermann de faire que celui de la méditation développée dans le cours. Ici ou là,
réaliser, dans un atelier de reprographie, une copie de ces figurent en regard des pages dactylographiées, donc sur la
notes, et de les lui envoyer. Ces copies ont été classées dans gauche et au verso de la page précédente, des annotations
des dossiers par ordre chronologique à Fribourg, et ont été rédigées la plupart du temps sous une forme abrégée, mais
déposées pour finir au fonds Heidegger, conservé aux Archives elles sont d'origine incertaine, et c'est pourquoi il a fallu les
littéraires allemandes de Marbach. laisser de côté dans l'édition du cours. Un certain nombre de
Les deuxièmes notes de cours sont une copie de l'exem­ marques de lecture et de soulignements au crayon, qui s'écar­
plaire dactylographié qui figure dans les archives Herbert tent considérablement de ceux du style de Heidegger, mon­
Marcuse, lesquelles sont conservées à la Bibliothèque muni­ trent que cette copie originale a circulé entre d'autres mains.
cipale et universitaire de Francfort (cf. Thomas Regehly, Dans la copie originale, et non pas dans les notes, le texte du
revue des Heideggeriana dans les archives Herbert Marcuse cours est articulé en trois parties paginées indépendamment
de la Bibliothèque municipale et universitair e de Fra ncfort, les unes des autres : la première partie comprend 103 pages, la
in Heidegger Studies, vol. 7 (1991 )). Mais Herbert Marcuse a deuxième 140, et la troisième 49. Cette articulation d'ensemble
rencontré Heidegger pour la première fois en 1 928, et ne restitue la structure du texte du cours.
peut donc pas avoir assisté lui-même au cou rs. Ces not s o n t [325 ] L s trois notes de cours précisent toutes les dates aux­
donc été prises par q u J q u ' u n d 'a u t re, m a is i l e t i m po s i b l q ue l l s s son t c l roü l es le séances. Ces notes retranscriven t
346 Postface de l'éditeur allemand Postface de l'éditeur allemand 347

en règle générale soigneusement le cours en reproduisant choisi une variante de ce qui était mis par écrit. Ces variantes
très fidèlement le déroulement des séances. En les compa­ n'ont pas été corrigées, mais seulement les erreurs de trans­
rant avec la copie originale, on s'aperçoit aussi que Hei­ cription n'ayant manifestement aucun sens.
degger s'est éloigné à plusieurs reprises du texte de son Il y a probablement une autre erreur de lecture derrière le
manuscrit qu'il a présenté oralement avec des modifications nom de « Hegel » qui apparaît à la page 39 dans une remarque
plus ou moins importantes, en lui apportant parfois aussi des entre parenthèses de Heidegger ; celle-ci ne se rencontre que
compléments. dans la copie originale et ne figure dans aucune des notes de
Après ces indications concernant les sources utilisées pour cours. À cet endroit du texte, cette remarque qui renvoie à
l'édition, disons maintenant quelques mots sur les règles ayant « Hegel » n'a pas beaucoup de sens. Il faut donc supposer qu'il
présidé à l'élaboration éditoriale du texte. Le cours édité resti­ n'y avait pas du tout « Hegel » dans le manuscrit, mais ou bien
tue le texte dans sa révision manuscrite, ce qui signifie que les un terme difficilement déchiffrable, ou bien une abréviation
ratures ont été maintenues telles quelles. Il n'y a qu'un seul cas que le copiste a interprétée en « Hegel ». Si la remarque de
où une proposition raturée a été rétablie, c'est celle où appa­ Heidegger renvoyait non pas au mot « herméneutique » qui
raît une critique heideggerienne de la conception spengle­ précède, mais à la proposition d'Aristote qui suit, il se pourrait
rienne de l'histoire ; cette proposition a été rétablie pour que qu'il s'agisse en réalité de Husserl et de sa théorie de la nomi­
cette critique ne soit pas perdue. L'éditeur a fait figurer en bas nalisation (cf. Ideen 1, § 1 1 9, p. 248).
de page une note qui le signale <cf. n. 1, p. 1 32>. La collation des notes de cours avec la copie originale a
Sans même qu'il ait à procéder à une comparaison minu­ montré que les rédacteurs de ces notes n'ont commis que de
tieuse de la copie originale avec les notes de cours, le lecteur très rares erreurs de compréhension. L'éditeur a dû assez
attentif se heurte à de nombreuses fautes de déchiffrement souvent réassocier des membres de phrases qui allaient
qui brouillent le sens, et qui sont dues à l'auteur inconnu de' ensemble (et que le copiste - sans doute en raison d'une
la copie. Dans la mesure où seule une petite partie de ces graphie approximative - avait considérés comme des propo­
fautes ont été corrigées par Heidegger dans sa révision sitions indépendantes) et reconstituer à partir de là des
manuscrite d'ampleur inégale, il faut partir du principe qu'il phrases complètes en se laissant guider par le sens et en sui­
n a pas collationné la copie originale avec l es notes de cours
'
vant les notes de cours. Un terme absent de la copie origi­
à sa disposition comme il l'a fait avec les copies réalisées plus nale, et probablement déjà aussi du manuscrit, a quelquefois
t a rd par son frère Fritz. C'est l a raison pour laquelle l'édi­ été inséré sur la base des notes « WeiB » pour une meilleure
t u r a dû veiller tout particulièrement à rectifier ces erreurs lisibilité. On s'est autorisé une seule fois de la liberté laissée
1 tt re et du texte. Les fautes de déchiffrement qui se laissent
de transcription qui brouillent le sens pour fixer l'état de la par Heidegger aux éditeurs d'adapter son texte à condition
que le sens en soit préservé. Il s'agit de l'alinéa où Heidegger
oupçonner à la simple lecture ont été confirmées chaque expose succinctement l'emploi qui a été fait du terme « phé­
fois pa r la comparaison avec les notes de cours, et notam­ noménologie » depuis Lambert. Dans la copie originale, cet
m n t avec les seules qui soient complètes, celles de WeiB. La alinéa [327) est pris au sein de développements traitant de la
pi ori g i n a l e e t les n otes o n t été comparées à plusieurs vision et de son objet chez Aristote. Pour ne pas rompre
r 1 rise . Tou s Je termes q u i se son t révélés être des fautes l 'enchaînem ent des idées, l 'alinéa consacré à l'interprétation
d 1 - t u r o n t été t ac i te m e n t cor r i gés Quand i l a fal l u
. d'Aristote a été placé immédiatement en tête, et constitue à
pr n I r u n d - i ion sur d s fau tes de déchi ffr ment [ 326 ), p résen t le début du premier chapitre de la première partie du
n n l nu ompt fonclam n t a lernent d u fai t q u e 1 i cl e g r , c ou rs L s d veloppe m e n t s fig u r a n t d a n s cet alinéa ont été
.

dn n, son x pos o ra l, ' lail J i n de son m a n us r i t l av·� i t ompl t s p·1r l 'adjonct ior1 d l rois pet i t membres d e
348 Postface de l'éditeur allemand Postface de l'éditeur allemand 349

phrases tirés des notes « WeiB » et dont H eidegger n'avait occurrence. Pour faciliter le repérage, tous les noms propres
fait mention que dans son exposé oraL Ces trois ajouts sont : apparaissent en règle générale en italique, � l '. exceptio� du
« dans le Nouvel organon de Lambert >>, « en liaison avec des nom des penseurs auxquels est consacré - ams1 que le signa­
tournures analogues qui étaient très en vogue à l'époque lent les sous-titres - un chapitre ou un paragraphe.
comme "dianoiologie'', "aléthéiologie" », « d'après une com­ En ce qui concerne les rares références et indications biblio­
munication orale de Husserl ». graphiques de Heidegger qui figurent, toujours en abrég� ,
En ce qui concerne les citations grec0ques et latines, les plus dans le corps du texte, elles ont été vérifiées, complétées puis
placées en notes de bas de page. La totalité des notes de, �s ?
1
longues d'entre elles - que HeideggeJr, compte tenu des cir­
constances déjà évoquées de la rédaction de son cours, de page, numérotées paragraphe par paragraphe <dans ed1-
n'avait pas reproduites dans son manuscrit, mais qu'il avait tion allemande>, proviennent de l'éditeur. Pour vérifier les
exposées oralement à partir des textes eux-mêmes - ont été citations et les indications de titre, on s'est servi des exem­
reprises des notes de cours « WeiB » pour être insérées dans plaires de la bibliothèque personnelle de Heidegger dès lors
ce qui est désormais le texte du cours. La collation de la qu'ils étaient disponibles. Parmi ces exemplaires, il y a le De
copie originale avec les notes a permis de déterminer en anima, la Métaphysique et la Physique d'Aristote, le D� veri­
toute sûreté l'endroit où introduire ces citations. tate et la Summa theologica de saint Thomas d'Aqum, les
Les graphies propres à Heidegger ont été conservées à par­ Meditationes, les Regulae ad directionem ingenii et le Dis­
tir du moment où elles étaient reconnaissables dans la copie cours de la méthode de Descartes, et La philosophie comme
originale. La ponctuation a été rectifiée et complétée d'après science rigoureuse, Les recherches logiques et les Idées direc­
le texte et le sens. trices I de Husserl. Au nombre des ouvrages de la biblio­
Tout en respectant les paragraphes que Heidegger a indi­ thèque personne lle de Heidegger ayant été utilisés pour cette
qués par endroits dans sa révision manuscrite, l'ensemble a édition, on compte aussi un tiré à part couvert d'innombrables
été articulé en paragraphes en fonction du seris et de ce qui annotations de la deuxième partie des Recherches logiques
est en cause, et cela pour structurer le texte. L'éditeur s'est que Husserl avait offert à Heidegger. D ans chacun des deux
fondé sur l'articulation d'ensemb le du cours en trois parties volumes composant cette partie, on trouve la mention manus­
pour organiser la totalité du texte. Le travail éditorial a éga­ crite suivante reproduite à l'identique : « Offert par Edmund
lement consisté à trouver la formulat ion de l'ensemb le des Husserl à l'occasion de la nominatio n à Marbourg à l'été
sous-titres. Comme il est de mise dans l 'édition de tous les [329] 1923. (Séminair es privés du samedi matin consacrés à la
cours de Heidegge r, il a fallu dégager ici l'articulation imma­ cinquième et sixième Recherche logique entre le semestre
nente du texte rédigé en continu, la faire ressortir en intro­ d'lùver 1 920/1921 et le semestre d'été 1923) Martin Heideg­
duisant les divisions adéquates correspondantes et [328] ger ». Le De veritate et la Summa theologica font partie de
formuler les sous-titres en s'aidant des termes essentiels et l'édition intégrale des œuvres de saint Thomas d'Aquin que
des tournures exprimant la pensée principale de la division Heidegger avait autrefois renùse à Eugen Pink pour la
en question. bibliothèque du séminaire de philosoplùe et de pédagogie de
Les termes isolés et les membres de phrase soul ignés par Fribourg. Les Meditationes de prima philosophia et les Regu­
Heidegger dans sa révision manuscrite ont été mis en i talique lae ad directionem ingenii de Descartes sont cités par Heideg­
conformément à la typographie choisie par ailleurs par l'édi­ ger d 'après la pagination de l'édition originale maintenue
teur. En particulie r, ont été mis en italique les termes et les ent re crochets d roits en marge de son exemplair e person­
expressio ns repris dans les sous-titre s ainsi qu les t erm s u pa i nat ion figure également dans l 'édition Artur
directeurs i n t rod uits par Heidegger lor d 1 u r pr m i - r
n 1.
B u h n a u ·1 t u I l m n ( d isponibl lan la « Bibl iot hèq ue de
350 Postface de l'éditeur allemand Postface de l'éditeur allemand 351

philosophie » aux éditions Felix Meiner. Lorsque les exem­ mêmes. Au lieu de viser en premier lieu l'appropriation des
plaires personnels manquaient, on s'est référé aux éditions qui choses, le choix de ce qui entre dans l'horizon des tâches de la
étaient disponibles en 1 923.

philosophie est conduit par une idée de science posée de
n Annexe, figurent trente fragments plus ou moins longs manière non critique. Le fait que la phénoménologie de Hus­
.
tires des notes de « WeiB » et de « Marcuse », en guise de serl soit prise elle aussi dans cette tradition historiale, le fait
compléments au cours. Ces fragments correspondent à des que la domination du souci d'une connaissance connue y soit à
développements où Heidegger, dans sa présentation orale a l'œuvre avant même que soit libérée la possibilité <l'encontre
enrichi de manière essentielle, dans une direction ou d;ns des états de choses fondamentaux, le fait que les choses elles­
un � autre , le �exte du m �nuscrit. Les notes de bas de page mêmes ne viennent du coup en discussion que si elles corres­
_
qm renvoient a un complement en annexe sont appelées par pondent à cette idée préconçue de la connaissance et de la
des astérisques, pour qu'elles soient repérées plus facilement science, c'est ce que doit permettre d'établir l'interprétation
et se distinguent des notes bibliographiques. Les textes des que donne Husserl lui-même de la phénoménologie dans le
compléments sont reproduits dans la forme même qu'ils ont texte programmatique publié en 1 91 1 La philosophie comme
dans les notes de cours, donc sans élaboration éditoriale par­ science rigoureuse.
ticulière. Exceptés les compléments 7, 8 et 10, qui ont été Le souci d'une connaissance connue à l'œuvre dans la phé­
repris aux notes « Marcuse » en raison de leur plus grande noménologie husserlienne de la conscience ne devient cepen­
prégnance, tous proviennent des notes « WeiB ». Le complé­ dant transparent dans sa provenance historiale qu'à la
ment 30, qui constitue la conclusion des notes « WeiB » ' condition de faire retour, dans la deuxième partie du cours, à
s'interrompt bien comme on le voit à la p. 342. la concrétion historiale de ce souci chez Descartes et de son
ouverture de la res cogitans . Parce que l'interprétation cir­
*
constanciée de Descartes est conduite par la [331] question
du sens de la vérité de la connaissance, l'interprétation des
[330] Sous le titre d'introduction à la recherche phén
oméno­ Meditationes part de la quatrième Méditation et attribue en
logiq ue, le cours vise, en se conformant à la devis
e de la même temps aux Regulae ad directionem ingenii une fonction
recherche phénoménologique « droit aux choses
mêmes », et directrice pour la démarche de Descartes dans les Medita­
en soumettant la phén omén ologi e à une inves
tigation cri­ tiones. Mais dans la mesure où Descartes détermine le verum
tiq�e, à appréhender originairement la recherche
phénoméno­ en tant que certum en maintenant l'ontologie scolastique, il
logique comme une phénoménologie du Dasein.
La première faut également faire retour historialement au De veritate et à
partie s'?uvre sur l'interprétation du <pmv6µcvov
et du Myoç la Summa theologica de saint Thomas d'Aquin.
chez Anstote pour montrer en toute netteté que
les éléments
fo�damentaux de la recherche philosophique tels qu'ils
En se fondant sur les aperçus herméneutiques de la deu­
ont été xième partie, la troisième partie montre comment la question
rms en forme par Aristote sont : l 'être du monde
et la vie en de l'être authentique de la res cogitans est oblitérée par le
tant qu'être dans un monde. En opposition à cela,
le dévelop­ souci cartésien de certitude, comment Husserl, en raison du
pement ultérieur de la quête philosophique des états
de choses souci, hérité de Descartes, d'une connaissance connue, défi­
s'est effectué, surtout depuis Descartes, sous la
domi nation gure la découverte phénoménologique en y omettant le
d'une idée de certitude et d'évidence axée sur
la rigueur Dasein . Le cours dans son ensemble est conduit par l'idée
mathématique. Heidegger interprète cette idée à la
lumiè re du se lon laquelle l'exploration de l'histoire de l 'origine des caté-
Dasein qu'il met au jour comm e souci d'une con
nais ance ories t raditionnel les (la dest ruct ion phénoménologique) est
le pr a l abl 1 o u r voi r e t dét e r m i ner le Dasein, e t q ue c'est
connue avant tout quest ionne ment en direc t ion
d s chos�
352 Postface de l'éditeur allemand

seulement en procédant ainsi qu'on se conforme à la ten­


dance de la recherche phénoménologique qu'exprime la
maxime « droit aux choses mêmes » .

J 'exprime ma sincère reconnaissance à l 'exécuteur testa­


mentaire de Martin Heidegger, Hermann Heidegger, qui a
bien voulu accompagner attentivement toutes les étapes du
travail d'édition.
Je remercie très vivement le professeur Gerhart B aumann
(Fribourg) qui m'a communiqué les notes de cours du pre­
mier cours de Marbourg de Heidegger, et quelques notes
Présentation du traducteur 7
d'autres cours de Marbourg ; ces notes proviennent du fonds
de Gerhard Nebel, qui a autrefois assisté aux cours de Hei­
degger avant de devenir plus tard écrivain ; elles sont désor­
REMARQUE PRÉLIMINAIRE
mais déposées au fonds Heidegger des Archives littéraires
allemandes de Marbach. Le professeur Hans Hübner (Got­
Tâche du cours : la passion du questionnement juste e t de
tingen) [332] et le professeur Otto Poggeler (Bochum) m'ont bon aloi 15
apporté des informations extrêmement utiles, je leur en suis
extrêmement reconnaissant.
Je remercie de manière particulièrement chaleureuse Paola­ P R E M I È R E P A R TI E
Ludovica Coriando qui a établi de façon très experte la biblio­
<D A IN O M E N O N E T A O ! O I: C H E Z A R I S T O T E
graphie d'ouvrages difficilement accessibles et s'est livrée à E T L ' I N T E R P R ÉT A T I O N Q U E H U S S E R L
une laborieuse recherche sur les citations pour lesquelles il n'y D O N N E L U I - M Ê M E D E L A PH É N O M É N O LO G I E
avait aucune indication de sources. Harmut Tietjen avait
n trepris de collationner les parties manuscrites du cours, et Premier Chapitre. Quelques lumières sur le terme « phé­
de revoir entièrement avec Mark Michalski selon des pers­
-
noménologie » en faisant retour à Aristote 21
p- clives chaque fois particulières - la copie qui en avait été
fai te ; je les en remercie du fond du cœur. Paola-Ludovica § J. Élucidation du rpa.zv61œvov à partir de l'analyse aristo­
oriando et Ivo de Gennaro m'ont assisté très savamment et télicienne de la perception du monde sur le mode de la
avec beaucoup de soin dans la correction des épreuves ; je les 22
r 111 rcie t rès chaleureusement pour leur grande aide.
vision
a) Le cpcuv6µevov comme mode de présence insigne de
l'étant : être là au jour 22
Fribourg-en-Brisgau, m a rs 1 994 b) Le cpcuv6µevov comme ce qui se montre en soi-même
dans l a clarté comme dans l'obscurité 26

F.-W. V. H E R R M A N N
354 Table des matières Table des matières 355

§ 2. La détermination aristotélicienne du A.6yoç 29 § 6. Le souci au sein duquel la conscience se rencontre :


que la connaissance soit elle-même connue 74
a) Le discours (À.éyoi:;) comme voix qui signifie quelque
chose (<pffiVÎ] 011µavrtKtj ) ; OVOµa et p1] µa 29 a) Le souci et ses possib i lités d'ouverture, de rétention
b) Le discours monstratif (À.éyoi:; Ù7lo<pavnK6<;) qui met et de configuration de ce dont il se préoccupe ; com­
à découvert (àÀT]0EUEtv) Je monde qui est l à ou bien ment il s'assujettit à ce dont il se préoccupe et s'y perd 74

(mrciqiami:;) et de séparation (à1l6<pami:;) ; 1'6ptcrµ6i:;


le recouvre ('l'i;u8w0m) dans la parole d'attribution b) Le souci d ' une connaissance qui soit elle-même
36 connue 75
c) La possibilité de l' illusion , le À.éyoi:; Ù7lo<pavnK6<; et

§ 7. L 'explication de Husserl avec la philosophie contem­


l ' a\'.cr011crti:; 41
d) Les trois perspectives sur Je lj/EÙbo<;. L'être-là factif
poraine dans « La philosophie comme science rigou­
reuse » et le souci qui y est à l'œuvre d'une connaissance
du langage comme source proprement dite de l ' i llu­
sion. La circonstantialité et l'échappement du monde 47
e) Le langage et l e monde dans leurs possibilités d ' i llu­ qui soit elle-même connue. La visée générale de cet essai 78
sion. Le renversement de signification du qimv6µi;vov

§ 8. La critique husserlienne du naturalisme


en apparence 55 81
f) La cr1Jv0wti:; et la 8taipwti:; sont l e domaine où le vrai
et le faux peuvent faire encontre 57 a) La naturalisation de la conscience 81
b) La naturalisation des idées 83
c) L'être de l a nature comme horizon de la psychologie
Deuxième Chapitre. La phénoménologie d'auj ourd'hui
expérimentale 84
dans l'interprétation que Husserl lui-même en donne 59
d) L'être spécifique de l a conscience considérée comme

§ 3. Rappel des états de fait obtenus dans l'interprétation


le véritable objet de la philosophie et la méthode de
l'intuition des essences pour atteindre des proposi­
tions universellement contraignantes 86
d 'A ristote. Saisie anticipative de la domination du souci de
l 'idée de certitude et d'évidence, avant toute libération de la
f. ossibilité d 'encontre d'états de choses plus fondamentaux 59 § 9. La clarifïcation des problèmes entendue comme puri­
fication et radicalisation de leur tendance. Le souci de
§ 4. comme thème de la phénoménologie sûreté et la fondation d'une scientificité absolue 87
d 'a ujourd 'h ui
La conscience
64
a) La philosophie grecque ne connaît pas le concept de § J O. La clarification des problèmes 90
65
b) La percée de la phénoménologie dans les Recherches
conscience 90
a) La question et ses structures

logiques de Husserl et sa tendance fondamentale


b) Le problème et les moments de l'être d'un pro­
66 blème : la clarification d'un problème i mplique de se
c) La direction de la philosophie grecque et la question décider pour !'interrogé, Je questionné, l a perspec­
de son revirement 67 tive du questionnement et l a tendance de la réponse 94
c) La clarification husserlienne de la tendance de la

.� . Le thème de la conscience
problématique naturaliste par l a purificati� n trans­
dans les Recherches logiques 69
a ) Les Recherches logiques en t re orientation t ra d i t i o n ­
cendantale et eidétique de la conscience. Evidence
et validité absolue 96
69
n i lïca t ion id é a le et actes de s i g n i fi c a t i on ; v isée
n e l l e e t q uest i o n n e m e n t origi n a i re

§ I J . L 'ordre su i vi
vid · t rc mpl isse rnent de sign i fica t ion ; la c o nsci e nc e
h) i
par le questionnement el le fil directeur
0111111 • r
de l 'explication de la structure de tous les enchaînements
comme p rcc ption i n l c rn '
ion lies vécus ; les vécus i n t e n t ionnels
·o m m e 1 1 t ·s ; la ·onsci n c 70 de vh1 1.1· 99
356 Table des matières Table des matières 357

a) Orientation sur les rapports disciplinaires ; la philo­ b) La recherche de Descartes comme concrétion histo­

b) La connaissance théorique comme fil directeur


sophie comme science normative et axiologique 99 ria le factive d u souci dans son ouverture du champ
1 00 thématique « conscience » 1 22

§ 12. Les moments caractéristiques du souci d'une connais­


sance connue dans la critique husserlienne du natu­ DEU XIÈME PARTIE
ralisme : la ré-flection, l'échéance, la préstruction, la RETOUR À D E S C A R T E S ET À L'ONTO LOGIE
mé-prise et l'omission 101 S C O L A S T I Q U E Q U I L E D É TE R M I N E

§ 13. La critique husserlienne de l'historicisme 105 Premier Chapitre. Pour s'entendre sur l e retour à Des­
cartes en rappelant les étapes parcourues j usqu'à pré­
b) Le Dasein humain est ce qui est omis dans le souci
a) L'autre terrain de cette critique 105
sent 127
déficient de normativité absolue 1 06
§ 1 7. La situation herméneutique des recherches accomplies
§ 1 4. La critique de l'historicisme conduite dans le cadre de jusqu'à présent et de celles qui vont suivre 127
la clarifïcation des problèmes 108
§ 1 8. Se libérer de toute discipline et des possibilités tradi­
b ) L'omission d u Dasein historique
a) La critique husserlienne de Dilthey 1 08
109 tionnelles, c 'est se libérer pour le Dasein. La recherche
c) Origine et légitimité de l 'opposition entre factualité ontologique du Dasein en tant que destruction 130
et validité 111
§ 1 9. Retour sur l'être véritable du souci d'une connaissance
d) Le reproche de scepticisme et ce qu'il manifeste, le

devant l e Dasein
souci d'une connaissance connue comme angoisse
connue envisagé dans son passé originaire, autrement dit
e) Les idées préconçues sur le Dasein inhérentes
1 12
à ce retour à Descartes 132
souci 1 14
§ 20. La destruction comme chemin de l'interprétation du
§ 15. Détermination plus p récise et .plus tranchée du souci D asein. Trois tâches à accomplir pour expliquer com­
d 'une connaissance connue 1 17 ment le souci d'une connaissance connue ouvre. La ques­
tion du sens de la vérité de la connaissance chez
a) Le souci d'une connaissance j ustifiée et de ce qui est
Descartes 1 35
universellement contraignant par son évidence 117
b) « Droit aux choses mêmes » : le souci qui se porte
sur les choses e n les visant d'avance dans l'optique Deuxième Chapitre. Descartes. Comment le souci d'une
de ce qui est universellement contraignant 118 connaissance connue ouvre et ce qu'il ouvre 141
c) Le souci de rigueur scientifique comme forme déri­

§ 21. Déterminations de la
vée de sérieux ; l ' idée mathématique de rigueur éri­
« vérité » 141
gée, de façon non critique, en norme absolue 1 19

§ 1 6. L e
souci d'une connaissance connue ou vre le champ § 22. Trois possibilités du souci d'une connaissance
thématique « conscience ». Retour sur la concrétion histo­
connue : curiosité, sûreté, être contraignant 1 44
riale du souci 1 20
a ) Ci rconspccl i o n et v i sé lu souci 1 1
358 Table des matières Table des matières 359

§ 31. En quel sens le verum est dans l'intellectus (De veri­


tate, qu. l, art. 9)
Troisième Chapitre. La détermination cartésienne du fal­
1 94
sum et du verum 148

§ 23. Aperçu préliminaire sur la problématique § 32. La fondation de l'être proprement dit du verum dans
la vérité originaire de Dieu (De veritate, qu. 1, art. 4 et 8)
148
200

§ 24. Le cogito sum, la clara et distincta perceptio et la


tâche consistant à s 'assurer, quant à son être, du critère de § 33. Les possibilités de détermination de l'être de Dieu au
regard de l'ontologie aristotélicienne (Summa theologica,
!, qu. Il, u. Ill)
la vérité 150
206

§ 25. La classification cartésienne de la multiplicité des Cinq u ième Chapitre. Le souci de connaissance chez Des­
cogitationes. Le j udicium comme lieu du verum et du 213
cartes
falsum 154

§ 34. La détermination cartésienne de l'être du connaître en


§ 26. Différence entre l'idea comme repraesentans aliquid tant que jugement dans l'horizon de l'être comme crea­
et son repraesentatum ; realitas objectiva et realitas for­ tum esse 213
malis sive actualis 158

§ 35. La régulation du jugement : la clara et distincta per­


§ 27. La question de l'être du falsum et de l'error 1 65 ceptio comme règle générale du connaître 219

tant que libertas ; les deux concepts de liberté chez


a) La constitution de l'error : inte/lectus et volu.ntas en

§ 36. 0 rigine de la clarté et de la distinction. L 'idée carté­


Descartes 1 65
sienne de science et les Règles pour la direction de
être de l'error. Les problèmes théologiques à la base
b) Le concursus de l'intellectus et de la voluntas comme 224
l'esprit
de ces deux concepts de liberté 170
§ 37. Le souci de connaître comme souci de certitude en
§ 28. Le sens d'être de l'error : l 'error en tant que res et en tant qu 'on s 'y méprend 239
tant que privatio, en tant qu 'atteinte à l 'être véritable de
l'homme créé (creatum esse). Le perceptum esse et le § 38. Le souci de rassurement. L 'interprétation du verum
creatum esse en tant que déterminations fondamentales en tant que certum développée par Descartes en mainte­
de l'esse de la res cogitans 176 nant en l'état l'ontologie scolastique 242

Quatrième Chapitre. Retour à l'ontologie scolastique. Le Sixième Chapitre. Le caractère d'être de la res cogitans,
verum esse chez saint Thomas d'Aquin 1 80 de la conscience 247

.fi 29. du verum et de l'ens : l'être-vrai en t an t § 39. Le certum aliquid recherché par le souci de connaître 247
d 'être (De veritate, qu. 1, a rt. J)
La connexion
que mode 1 80
§ 40. La recherche soucieuse en tant que dubitare, remotio
249
/, /, 2, 3)
§ .JO. dit veru m et su pposi t i o fa l s i
n i c n l i a dans / 'i n lcl l ect us ( De veri l a t e, qu..
L 'être p roprement du en tant que co n vc­
ar t . 1 88
Table des matières 361
360 Table des matières

c) L'absolutum cartésien de l a res cogitans et l ' absoluité


§ 41. Le chemin suivi par la dubitatio en souci dans la pre­ 284
husserlienne de l a conscience pure
mière Méditation sous l'égide de la regula generalis :
d) La res cogitans cartésienne comme ens creatum et la
l'être de l'être en recherche (ego sum) comme première 285
conscience husserlienne comme ens regionale
découverte 250
e) Le contexte qui motive au bout du compte la
recherche de Descartes et les tendances décisives
ultimes de la phénoménologie de Husserl 286
§ 42. La recherche soucieuse en quête de la quiddité de
l'ego sum sous la conduite de la regula generalis dans la
deuxième Méditation : l 'ego cogito 259 § 47. Husserl et Descartes : leur rapport el leur tendance
fondamentale unitaire dans le souci de certitude 288
§ 43. La proposition valide universellement contraignante a) Reprise indiscutée du cogito sum 289
.
.
trouvée par le souci de certitude 261 b) La certitudo est expressément requise pour la région
d'être absolue 289
c) La reprise du cogito sum comme cenum pour poser

TROI SIÈME PARTIE l'auto-évi dence absolue de la conscience - ce qm


constitue un déracinem ent
290
LA MISE EN ÉVIDENCE DE L'OMISSION DE LA d) Le souci de certitude comme souci de configuration
Q U E S TI O N D E L ' Ê T R E C O N S I D É R É E C O M M E U N E scientifique 290
M I S E E N L U M I È R E D U DASEIN

Troisième Chapitre. L'omission ongmaire chez Husserl


Premier Chapitre. L'oblitération, par le souci de certi­ de la question de l'être du champ thématique de la phé­
tude, de la question de l'être spécifique de la res cogi­ noménologie, et la tâche consistant à voir et à expliquer
tans 269 le Dasein dans son être 292

§ 44. L 'in version cartésienne du « toujours se posséder § 48. La défiguration husserlienne des découvertes phéno­
conjointement soi-même » en proposition ontologique ménologiques par le souci de certitude provenant de Des­
formelle 269 cartes 292
a) L'intentionnalité comme comportement théorique
spécifique 293
§ 45. Récapitulation de la caractérisation de la res cogitans
trouvée par Descartes : oblitération de la possibilité b) L'évidence comme évidence de la saisie et de la
détermination dans l'ordre de la connaissance théo­
d'accès à l'être authentique de la res cogitans 274 294
rique
c) La réduction eidétique de la conscience pure est gui­
Deuxième Chapitre. La problématique cartésienne de la dée par des déterminations ontologiques étrangères
certitude de la res cogilans et l'indétermination du à la conscience 295
caractère d'être de la conscience en tant que champ thé­
matique de la phénoménologie de H usserl 276 § 49. L 'exploration de l'histoire de l'origine des catégories
est le présupposé pour voir et déterminer le Dasein 297
§ 46. Descartes e t Husserl : différences fondamentales 276
a) Le cloute méthodique cartésien (remolio) el l a réd uc-

cogito
280
b) L ' carL sien et la conscience h usserli n n '
t ion husse r l i e n n
8
Table des matières 363
362 Table des matières

§ 50. Reprise des caractères du souci de connaître rencon­ Complément 19 (p. [ 1 47]) 33 1
Complément 20 (p. [151]) 331
Complément 2 1 (p. [157])
trés sur le chemin parcouru et mise en lumière du Dasein
332
Complément 22 (p. [166])
lui-même dans quelques-unes de ses déterminations fon­
333
Complément 23 (p. [201 ] )
damentales 299
333
a) Trois groupes de caractères du souci d'une connais­ Complément 24 (p. [21 1 ]) 334
Complément 25 (p. [246])
sance elle-même connue et leur détermination uni­ 334
Complément 26 (p. [256])
taire 301 337
Complément 2 7 (p. [269])
a) Renforcement, méprise, rassurement et déguise­ 337
ment en tant qu'éloignement loin de l'être 303
Complément 28 (p. [271 ]) 338
Complément 29 (p. [27 3 ])
�) Dissimulation, maturation de l'absence de besoin et 338
Complément 30 (p. [290])
échéance font que l'être-temporel du Dasein reste
338
absent 304
y) Obstruction et déplacement comme nivellement de
l'être 305 Postface de l'éditeur allemand 343
b) La fuite du Dasein devant lui-même et devant l 'être­
à-découvert de son être-dans-un-monde, l'ensevelis­
sement de ses possibilités <l'encontre, la distorsion
comme mobilité fondamentale du Dasein 305
c) Factivité, menace, étrangeté, quotidienneté 310

ANNEXE

C O M P L É M E N T S T I R É S D E S N OT E S D E C O U R S
D ' H E L E N E W E I S S E T D ' H E R B E RT M A R C U S E

Complément 1 (p. [6]) 315


Complément 2 (p. [9]) 315
Complément 3 (p. [29]) 316
Complément 4 (p. [30]) 31 7
Complément 5 (p. [40]) 318
Complément 6 (p. [48]) 321
Complément 7 (p. [55]) 321
Complément 8 (p. [71 ]) 321
Complément 9 (p. [89]) 322
Complément 10 (p. [95] )
Complément 1 1 (p. [95])
323
323
Complément 72 (p. [ 1 02 ]) 324
ornp lémen t 7 3 (p. [ 103 ]) 324
omp léme nt 74 (p. [ 1 07 ]) 326
omplément J 5 (p. [ J 09 ]) 326
"omplément 1 6 (p.
I l 5 ])
[ 1 28 ] )
o mp lémen l 1 7 (p.
329
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Table des matières 363
362 Table des matières

§ 50. Reprise des caractères du souci de connaître rencon­ Complément 19 (p. [ 1 47]) 33 1
Complément 20 (p. [151]) 331
Complément 2 1 (p. [157])
trés sur le chemin parcouru et mise en lumière du Dasein
332
Complément 22 (p. [166])
lui-même dans quelques-unes de ses déterminations fon­
333
Complément 23 (p. [201 ] )
damentales 299
333
a) Trois groupes de caractères du souci d'une connais­ Complément 24 (p. [21 1 ]) 334
Complément 25 (p. [246])
sance elle-même connue et leur détermination uni­ 334
Complément 26 (p. [256])
taire 301 337
Complément 2 7 (p. [269])
a) Renforcement, méprise, rassurement et déguise­ 337
Complément 28 (p. [271 ])
ment en tant qu'éloignement loin de l'être 303
338
Complément 29 (p. [27 3 ])
�) Dissimulation, maturation de l'absence de besoin et 338
Complément 30 (p. [290])
échéance font que l'être-temporel du Dasein reste
338
absent 304
y) Obstruction et déplacement comme nivellement de
l'être 305 Postface de l'éditeur allemand 343
b) La fuite du Dasein devant lui-même et devant l 'être­
à-découvert de son être-dans-un-monde, l'ensevelis­
sement de ses possibilités <l'encontre, la distorsion
comme mobilité fondamentale du Dasein 305
c) Factivité, menace, étrangeté, quotidienneté 310

ANNEXE

C O M P L É M E N T S T I R É S D E S N OT E S D E C O U R S
D ' H E L E N E W E I S S E T D ' H E R B E RT M A R C U S E

Complément 1 (p. [6]) 315


Complément 2 (p. [9]) 315
Complément 3 (p. [29]) 316
Complément 4 (p. [30]) 31 7
Complément 5 (p. [40]) 318
Complément 6 (p. [48]) 321
Complément 7 (p. [55]) 321
Complément 8 (p. [71 ]) 321
Complément 9 (p. [89]) 322
Complément 10 (p. [95] )
Complément 1 1 (p. [95])
323
323
Complément 72 (p. [ 1 02 ]) 324
ornp lémen t 7 3 (p. [ 103 ]) 324
omp léme nt 74 (p. [ 1 07 ]) 326
omplément J 5 (p. [ J 09 ]) 326
"omplément 1 6 (p.
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[ 1 28 ] )
o mp lémen l 1 7 (p.
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