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TRAVAIL DE SÉMINAIRE
présenté
par
sous la direction de
Yves Emery
2
Table des abréviations
al. alinéa(s)
art. article(s)
ATF Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral
BLV Base législative vaudoise
BuGC-VD Bulletin du Grand Conseil du Canton de Vaud
CA Cour administrative du Tribunal cantonal vaudois
CDPJ Code de droit privé judiciaire du 12 janvier 2010, BLV 211.02
CDAP Cour de droit administratif et de droit public du Tribunal cantonal
vaudois
Ch. chiffre
CO Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse (Livre
cinquième : Droits des obligations, RS 220
CPC Code de procédure civile du 19 décembre 2008, RS 272
CPP Code de procédure pénale du 5 octobre 2007, RS 312.0
Cst. Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101
DFJP Département fédéral de justice et police
éd. édition
édit. éditeur
EMPL/D Exposé des motifs et projet de loi/de décret
FF Feuilles fédérales
GDC Application de gestion des dossiers des dossiers de la chaîne civile et des
dossiers en matière d’assurances sociales [en service depuis 1997]
Go Gigaoctet
Ibid. Ibidem
LAr Loi fédérale du 26 juin 1998 sur l’archivage, RS 152.1
lit. littera
LOJV Loi cantonale vaudoise du 12 décembre 1979 sur l’organisation
judiciaire, BLV 173.01
LTF Loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral, RS 173.110
LPA-VD Loi vaudoise du 28 octobre 2008 portant sur la procédure administrative
vaudoise, BLV 173.36
LP Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite,
RS 281.1
N° Numéro
OJV Ordre judiciaire vaudois
Olico Ordonnance du 24 avril 2002 concernant la tenue et la conservation des
livres de comptes, RS 221.431
PCF Loi fédérale du 4 décembre 1947 de procédure civile fédérale, RS 273
RLArch Règlement vaudois du 19 décembre 2011 portant sur l’application de la
loi du 14 juin 2011 sur l’archivage, BLV 432.11.1
RS Recueil systématique du droit fédéral
s./ss suivant/suivants
TO Téraoctet [corresponds à 1000 Go]
3
Bibliographie
Canton de Vaud, Exposé des motifs et projet de loi sur l’archivage [LARCH] et modifiant la
loi du 19 septembre 1978 sur les activités culturelles, BuGC-VD, Législature 2007-2012,
tome 20, pp. 248 [cité : EMPL LARCH].
Canton de Vaud, Exposé des motifs et projet de décret accordant au Conseil d’État un crédit
d’investissement de CHF 17’600’000. — pour financer la mise en œuvre de la nouvelle
gouvernance documentaire, de l’archivage électronique et du renouvellement du système
d’information des Archives cantonales, Lausanne 2018 [cité : EMPD 315).
Canton de Vaud, Exposé des motifs et projet de loi portant sur les moyens d’identification
électronique et le portail sécurisé des prestations en ligne de l’État [LCyber] et modifiant la
loi du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative [LPA-VD], Lausanne 2018 [cité :
EMPL 51].
Canton de Vaud, Exposé des motifs et projet de décret accordant au Conseil d’État un crédit
de CHF 13’008’000. — destiné à financer la modernisation du système d’information de la
justice vaudoise, Lausanne 2014 [cité : EMPD 141).
KETELAAR Eric, [Dé] construire l’archive, in Matériaux pour l’histoire de notre temps, éd.
La contemporaine 2006/2 n° 82.
4
MALAIS Ophélie, Le sort des archives en contexte révolutionnaire, l’exemple vendéen [1789-
1795], éd. Université d’Angers 2014, consultable sous :
<http://dune.univ-angers.fr/fichiers/20128977/20142MHD2516/fichier/2516F.pdf>.
POTIN Yann, La matérialité différée du pouvoir, in Pouvoirs, vol. 153, n° 2, éd. Le Seuil,
Paris 2015, pp. 5-21.
5
1 Introduction
« C’est dans les dossiers des archives de la police que se trouve notre seule immortalité »
écrivait Milan Kundera dans le Livre du rire et de l’oubli, nous ne pouvons-nous porter à faux
face à pareil apophtegme. Aujourd’hui encore, les archives policières ou judiciaires recèlent
de véritables trésors nous renseignant sur les mœurs, conflits et autres requêtes judiciaires. En
droit, l’archivage poursuit ainsi une double mission, d’une part, d’assurer que la consultation
des documents soit possible tant pour les parties que pour toutes personnes s’intéressant à
l’évolution du droit, des mœurs aussi bien dans une perspective juridique, historique que
sociologique, mais aussi, d’autre part, à une fin de sécurité du droit et de concrétisation de
l’état de droit. D’ailleurs, n’a-t-on pas détruit, en partie, les archives féodales durant la vague
révolutionnaire de 1789 en France1 et fait de même, avec les titres seigneuriaux en Pays de
Vaud au tournant de l’Helvétique2 ?
Nul ne contestera l’importance des archives et leur utilité tant pour les affaires
actuelles que comme source d’informations pour les générations futures. Aussi, dans ce
travail, nous nous intéresserons aux questions de conservation des jugements civils telle que
pratiquée par les tribunaux d’arrondissement vaudois, plus particulièrement ceux rendus par le
Tribunal d’arrondissement de La Côte. Schématiquement, les causes patrimoniales d’une
valeur entre CHF 10 000.- et CHF 100 000.-3 non compris, ainsi que les compétences
spéciales telles que fixées par les art. 6 et 7 du Code de droit privé judiciaire du 12 janvier
2010 (CDPJ ; BLV 211.02) incluant notamment les questions liées au droit matrimonial et au
divorce ou encore les litiges de droit du travail – Prud’hommes –, sont tranchées par le
tribunal d’arrondissement.
Finalement, nous préciserons que seule la conservation des archives intermédiaires et des
archives définitives nous intéresse dans ce document. Les archives courantes, soit celles
portant sur la gestion quotidienne des affaires se trouvant à proximité immédiate du travailleur
ne relèvent pas à proprement parler du champ archivistique 5. La distinction peut aussi se faire
entre sa valeur primaire, soit « ce pour quoi le document a été créé, et la valeur secondaire,
1
MALAIS, p. 11 ss.
2
BOURLA-PAPEY in <https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/017220/2002-12-18/> (consulté le 11.03.2020) et à ce titre, nous ne
pouvons-nous empêcher de recommander la lecture de l’ouvrage de C.-F. RAMUZ, La Guerre aux papiers narrant
magnifiquement les enjeux et tensions propres à cette période tout en respectant le déroulement historique tel que connu par
les historiens aujourd’hui.
3
Art. 96d al. 2 cum 96b al. 3 LOJV.
4
Message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur l’archivage, FF 1997 II 829 (834).
5
HOUDAYER, p. 20.
6
son intérêt scientifique »6. Sous cette seconde approche, c’est aussi la valeur secondaire qui
nous intéressera dans le présent travail. Si l’État de Vaud ne fournit par le ratio entre
documents produits et documents archivés, différentes sources articulent ce ratio entre 1 et
15 %7.
2 Méthodologie
2.1 Présentation générale
Afin de mener à bien notre travail, nous avons eu un premier contact avec Mme Joëlle
Sordet, Première greffière du Tribunal d’arrondissement de La Côte, afin qu’elle nous
autorise à nous entretenir avec Mme Mélyne Michon, Cheffe de chancellerie du premier
greffe civil. Alors que nous aurions dû nous rendre au tribunal pour le visiter, la situation que
nous connaissons a fait que seule Mme Laurie Gervasi a pu la rencontrer dans le cadre de son
activité professionnelle, sans que cela ne nous empêche de lui adresser quelques questions par
écrit (annexe I). En parallèle, nous nous sommes adressés au Secrétariat général de l’Ordre
judiciaire vaudois afin qu’ils nous communiquent divers documents portant sur les calendriers
de conservation. Pour se faire, M. Jean-François Meylan, juge au Tribunal cantonal vaudois,
nous a appuyé dans notre demande. Cela nous a permis de consulter de manière extraordinaire
les calendriers de conservation des tribunaux, ainsi que la directive pour la gestion des
archives (annexe II). Cette dernière concerne le cadre général administratif de l’archivage. Il
convient là de préciser que celle-ci n’a pas rang de loi ou de règlement. Finalement, les
archives cantonales ont pu répondre à quelques questions précises que nous leur avons
adressées.
Notre expérience professionnelle nous est hautement utile et nécessaire pour rédiger ce
travail. En effet, Mme Gervasi a travaillé huit mois au sein du greffe civil du Tribunal de
l’arrondissement de La Côte comme gestionnaire de dossier en charge de l’archivage. Cela lui
a permis de suivre les différentes étapes qu’une cause judiciaire traverse : de l’ouverture du
dossier à sa gestion courante, sans omettre la clôture et l’archivage. Quant à Mme Agnesa
Mulak, elle travaille actuellement comme collaboratrice scientifique au sein d’une étude
d’avocats. Cela lui permet de voir l’envers du travail d’un tribunal, notamment la réception
des affaires tranchées par toute autorité judiciaire du pays et ainsi, d’avoir un retour pratique
des dossiers qui sont archivés par les tribunaux et ceux devant être conservés par les
particuliers.
Tant les contacts avec Mme Michon, que les documents du Secrétariat général de
l’Ordre judiciaire vaudois, ainsi que notre expérience professionnelle, nous permettront de
mener une étude de terrain, appuyée par un modèle de management. Nous présenterons le
logiciel utilisé par les autorités judiciaires, le processus d’archivage en tant que tel, la
répartition des tâches au sein d’un greffe civil et la gestion de la conservation des dossiers. En
plus d’un travail de terrain, il apparaissait nécessaire de nous pencher sur le cadre
réglementaire en vigueur et de son évolution. À cet égard, nous nous attarderons sur les
normes vaudoises avec des parallèles avec le droit fédéral. Rappelons-nous que les procédures
fixent le déroulement et l’ouverture des différents procès, mais ne prévoient rien quant à ce
6
HOUDAYER, p. 21.
7
Ibid., p. 21, CHABIN Marie-Anne, Archiver, après ?, Djakarta, 2007, discours retranscrit <(http://www.marieannechabin.fr/
archiver-et-apres/5-connaissance-historique/> consulté le 7 avril 2020). Pour l’Unil, environ 15 % des archives sont destinées
à la conservation historique (<https://www.unil.ch/uniris/fr/home/menuinst/archives-de-lunil/archivage-dans-les-unites-de-
lunil.html>, consulté le 7 avril 2020).
7
qu’il se passe après la décision définitive, en mettant de côté l’exécution alors même que,
pour des questions de sécurité du droit et de conservation des preuves, se pose logiquement la
question de la sauvegarde des décisions. Avant que nous proposions quelques alternatives,
nous nous pencherons également sur le dilemme de l’élimination ou la conservation des
documents. Nous conclurons en faisant une synthèse de tous les points soulevés lors du
présent travail.
2.2 Management de
processus
Pour mener à bien notre travail, nous nous sommes basés sur le modèle des 7 s tel que
théorisé par Mckinsey8. Il présente les sept facteurs nécessaires à l’optimisation d’une
organisation interne au sein d’une société ou d’une administration. Ce modèle allie tant des
éléments liés à la structure de l’entreprise que d’autres, relatifs au personnel.
Le point de départ de cette matrice est le facteur des valeurs partagées aussi définies par
« ce que l’organisation représente et en quoi elle croit »9. Dans le cadre de l’Ordre judiciaire,
ces valeurs sont en soi facilement identifiables puisque constitutionnelles et de rang légal :
indépendance, célérité, probité, impartialité ou encore inamovibilité sont, entre autres, des
valeurs qu’il est possible de trouver. De ces valeurs, il s’agira d’en subsumer des stratégies
permettant d’allouer les moyens tant matériels qu’en personnel, sans oublier de déceler les
points faibles et forts de l’organisation. Singulièrement, cette analyse ne se fait que
partiellement au sein des tribunaux d’arrondissement. La majorité de ces analyses, notamment
concernant l’allocation de ressources nouvelles – a fortiori en personnel – est du ressort du
Tribunal cantonal, qui bien que se basant sur les requêtes, réanalyse toutes les demandes afin
d’en juger le bien-fondé de cette dernière.
Des stratégies découlent ce que McKinsey nomme les systèmes, soit les processus,
nécessaires à la mise en place des missions ou prestations demandées. À ce propos, les
tribunaux vaudois sont soumis à différents processus d’archivage mêlant des moyens
informatiques, nous le verrons notamment par l’usage de GDC, et des tâches requérants
l’intervention du personnel de l’État.
8
notre travail, il est également important de s’intéresser au style de management possible. De
manière générale, le personnel se trouvant au sein de l’Ordre judiciaire vaudois n’est pas
spécifiquement formé à la conservation des documents. En effet, les archives cantonales ont
pour seules tâches d’assurer la conservation des décisions ne revêtant plus une utilité
judiciaire immédiate. Concernant les autres dossiers, ayant encore cette utilité, les
gestionnaires de dossier, les greffiers et présidents les gèrent et préservent dans les offices ou
dans les archives intermédiaires des tribunaux sans pour autant qu’une formation ait été
dispensée. Relevons que l’ensemble du personnel ne fait que suivre les calendriers de
conservation des archives tels qu’édictés par la Cour administrative du Tribunal cantonal.
9
Le Tribunal d’arrondissement de La Côte est composé de deux greffes civils, un dédié
au pénal, un aux prud’hommes, ainsi que d’un pour les poursuites et les faillites. Chacun
d’eux est constitué d’une cheffe de chancellerie qui est en charge d’organiser la répartition
des tâches entre les différents gestionnaires de dossier. L’archivage quant à lui est fait par
chacun des collaborateurs et est effectué au fur et à mesure. Toutefois, l’archivage n’est de
loin pas prioritaire et, la charge de travail étant importante, il s’accumule rapidement. Une
aide ponctuelle est alors nécessaire afin de garantir son suivi. Des contrats de durée
déterminée sont régulièrement octroyés afin qu’une personne puisse archiver les dossiers.
Cela permet au tribunal d’assurer la bonne conservation de ces derniers, tout en assurant le
reste des tâches.
Il y a différentes étapes à suivre. En premier lieu, le dossier physique doit être vidé.
Seul le dossier du procès-verbal des opérations contenant les actes procéduraux et les procès-
verbaux d’audience est conservé. Les pièces quant à elles doivent être restituées aux parties.
Le reste du dossier, à savoir les correspondances avec les avocats et les parties, les diverses
expertises et les notes des juges, n’est pas conservé. Une fois que le dossier matériel est
clôturé, il convient d’archiver le dossier informatique. Un numéro d’archive est attribué au
dossier. Puis, il est impératif d’imprimer une dernière fois le procès-verbal des opérations afin
de le mettre à jour dans le dossier physique. Lorsque que ces étapes ont été effectuées, un
index contenant le nom des parties, la matière d’espèce, par exemple une requête commune de
divorce avec accord complet, et le numéro d’archive est créé par tranche de dix dossiers et par
ordre alphabétique. Finalement, les dossiers sont stockés par numéros sur des étagères. Une
fois par an, les documents de l’année précédente sont reliés et entreposés par matière dans la
salle d’archives. Ainsi, une section sera dédiée aux affaires du droit de la famille, une autre
pour les affaires pécuniaires, une pour les prud’hommes et une dernière pour l’assistance
judiciaire.
10
Art. 2 al. 1 lit. c RLArch.
11
Directive interne n°13, 17, 19 et 37.
12
Directive interne n° 3.
13
Directive interne n° 10.
10
conservation, aux documents ayant une valeur archivistique que concernant les durées de
conservation dans les offices.
La conservation des dossiers diffère d’une instance à une autre, mais également selon la
matière. Il convient également de distinguer le temps de conservation selon qu’il s’agisse du
rôle – registre d’inscription des affaires –, du répertoire dudit rôle, des procès-verbaux ou des
dossiers des affaires. De plus, il est important de préciser que les délais se calculent à partir de
la date à laquelle la décision est devenue définitive et exécutoire.
Pour les affaires civiles familiales, le rôle ainsi que son répertoire sont conservés tant
qu’utile dans GDC, puis sont transmises aux Archives cantonales vaudoises18. Les dossiers
des affaires doivent être sauvegardés jusqu’à ce que la décision soit devenue définitive et
exécutoire19. Puis, comme vu précédemment, le dossier peut être démembré. Finalement, le
procès-verbal doit être archivé et maintenu dans la salle des archives pendant trente ans,
ensuite de quoi il sera adressé aux Archives cantonales vaudoises20.
En ce qui concerne les affaires civiles pécuniaires et de droit du travail, le rôle et son
répertoire sont conservés tant qu’utile avant d’être éliminés 21. Quant aux dossiers des affaires,
ils sont maintenus dans le dossier physique jusqu’à ce que la décision soit devenue définitive
et exécutoire, à la suite de quoi ils peuvent être dissouts. Les procès-verbaux doivent être
archivés durant quinze ans. Ils sont ensuite éliminés ou envoyés aux Archives cantonales
vaudoises22.
14
BLV 173.01.3.
15
Art. 71 lit. a et b.
16
Directive interne n°3.
17
Il sera possible de les trouver sous la cote K XVII (ordre judiciaire vaudois) et K XVIII (tribunaux de district).
18
Directive interne n° 3, p. 1 ch. 1.
19
Ibid.
20
Ibid.
21
Directive interne n° 3, p. 1 ch. 2 et p. 6 ch. 6.
22
Ibid.
23
Cela découle de la souveraineté cantonale comme actuellement prévu par l’art. 3 Cst. renforcé par l’analyse du canton de
Vaud dans son EMPL portant sur l’archivage : « en Suisse, le droit archivistique est réglé de manière fédéraliste : la
Confédération et les cantons ont chacun leur loi et/ou règlement en la matière », EMPL LARCH, p. 250.
11
surprendre a fortiori au regard des procédures de révision des jugements possible tant pour les
jugements pénaux24 que civils25 nécessitant pourtant de réexaminer les actes de procédure
d’alors. Néanmoins, l’explication tient en la volonté du constituant fédéral de maintenir la
compétence cantonale concernant l’organisation de la justice 26, émanation de la souveraineté
cantonale27.
Aussi, dès 1852, la Confédération adopte en la matière son premier règlement fixant les
tâches et buts des archives fédérales tout comme le sort des documents datant des antérieurs
régimes à l’état fédéral28. Ce n’est qu’en 1997 afin de remplacer une longue succession de
règles normatives de rang administratif que le Conseil fédéral propose aux Chambres
fédérales l’adoption d’une Loi fédérale sur l’archivage 29. Par cette norme, « le Tribunal
fédéral … entre dans le champ d’application de la loi, c’est-à-dire qu’il sera tenu de
garantir l’archivage de leurs documents selon les principes de cette dernière » 30. Ainsi, au sens
de l’art. 2 al. 1 de la Loi fédérale du 26 juin 1998 sur l’archivage (LAr), devront être archivés
tous les documents ayant une valeur juridique 31. Relevons que le Tribunal fédéral, étant
délégataire de la compétence d’adopter un règlement interne portant sur l’archivage, s’est doté
de pareil instrument. Ajoutons que depuis l’adoption de la LTF32, le Tribunal fédéral se doit
d’informer le public quant à sa jurisprudence 33. Dans une réponse à une interpellation, le
Conseil fédéral rappelle que les arrêts de notre Haute cour sont accessibles sur Internet depuis
les années 2000 et que, concernant les arrêts de principe, l’accessibilité papier34 existe depuis
la fondation de la Cour suprême fédérale par le biais du recueil officiel des arrêts du Tribunal
fédéral35.
12
les jugements sont rendus publics par publication ou par mise en ligne assurant ainsi, en plus
des archives propres au Tribunal fédéral, différents moyens et lieux de conservation. Pour les
autres pièces du dossier, les archives de notre Cour suprême d’une part rechercheront à
assurer une conservation à long terme des documents ayant une valeur archivistique et,
d’autre part, les tribunaux inférieurs feront de même avec les pièces et actes retournés auprès
de leur greffe — avec toutefois le risque de perdre en cohérence dans les choix de
conservation puisque les tribunaux cantonaux sont soumis aux lois cantonales41.
Sur le plan cantonal, le Code de procédure civile « prévoit que les décisions des tribunaux
civils doivent être accessibles au public ; le droit cantonal fixe les détails » 42. Hormis cette
contrainte, l’art. 54 CPC ne pose aucune autre obligation. Aussi, il s’agit de s’intéresser au
droit cantonal qui, lui, règle ces questions d’archivage. Le canton de Vaud a adopté une
première loi portant sur les activités culturelles qui est adoptée en 1978 donnant comme tâche
à l’État de s’assurer qu’aucun document ayant une valeur historique se trouvant tant en
possession des communes que du canton, voire en mains de privé, ne soit détruit 43. En
parallèle, le Conseil d’État a adopté des règlements ayant pour objet de régir le processus de
destruction des documents ayant un caractère patrimonial 44. Suite à l’introduction de la Loi
sur l’information45 et de la Loi sur la protection des données 46, une Loi sur l’archivage 47 a été
adoptée en 201148. Contrairement au droit fédéral, le législateur vaudois a décidé qu’elle
devait s’appliquer à l’ensemble services publics du Canton comprenant l’Ordre judiciaire
vaudois (art. 2 al. 1 lit. c LArch).
À l’instar du droit fédéral49, le droit vaudois précise que l’archivage a pour mission
notamment d’assurer la sécurité du droit et de protéger le patrimoine documentaire vaudois 50.
Au regard du but de la loi et au sens de l’art. 5 al. 1 LArch, les autorités se doivent de
proposer aux Archives cantonales vaudoises tous les documents 51 dont l’autorité n’a plus
besoin pour traiter les affaires courantes. À ce titre, les Archives cantonales vaudoises ont
élaboré différentes directives (supra 3.4).
41
Art. 1 al.1 lit. h LAr.
42
Interpellation Glättli, n° 15.3685 déposée le 18.06.2015 : « Comment assurer la publicité des jugements en Suisse ».
43
EMPL LARCH, p. 251.
44
Ibid. Relevons que le premier en la matière date de 1946 et prévoyait la remise des anciens registres et autres documents du
gouvernement antérieurs à 1803 (BLV 432.11.1.1).
45
Loi cantonale vaudoise du 24 septembre 2002 sur l’information (LInfo), BLV 170.21.
46
Loi cantonale vaudoise du 11 septembre 2007 sur la protection des données personnelles (LPrD), BLV 172.65.
47
Loi cantonale vaudoise du 14 juin 2011 sur l’archivage (LArch), BLV 432.11.
48
À ce titre, le Conseiller d’État vaudois Philippe LEUBA exposait que ces trois lois « constituent les trois côtés d’un triangle
législatif réglant la gestion de l’information produite par les collectivités publiques vaudoises ; elles participent de la
préoccupation d’un État de conserver obligatoirement des parts pérennes d’information, à des fins de preuve juridique et de
témoignage historique », in COUTAZ / GILLIÉRON, p. 3.
49
Art. 2 LAr — Principes.
1
Tous les documents de la Confédération qui ont une valeur juridique, politique, économique, historique, sociale ou
culturelle sont archivés.
2
L’archivage contribue à assurer la sécurité du droit, ainsi que la continuité et la rationalité de la gestion de l’administration.
Il crée, en particulier, les conditions nécessaires aux recherches historiques et sociales.
50
Art. 1 al. 1 lit. b et d LArch.
51
Le terme document doit être compris comme « toutes les informations, enregistrées sur quelque support que ce soit, en
particulier sur support électronique, produites ou reçues par les autorités mentionnées à l’art. 2, ainsi que tous les instruments
de recherche et toutes les données complémentaires qui sont nécessaires au repérage, à la compréhension et à l’utilisation de
ces informations » (art. 3 al. 1 lit. a LArch).
13
« Les archives sont au fondement de la constitution du savoir historique, mais aussi de la
mémoire de la nation et de la construction de l’État » 52. Les législateurs tant cantonaux que
fédéraux ont compris ce principe puisque différentes normes ont comme objectifs « d’assurer
la sécurité du droit [… et] de créer les conditions nécessaires aux recherches historiques et
sociales »53. Si l’importance de conserver des sources est reconnue par tous – d’ailleurs : « pas
de documents, pas d’histoire »54 – la manière de sauvegarder ces documents en tant que tels
reste à fixer. Ainsi, le rapport explicatif lié à un projet de Loi vaudoise sur l’archivage
rappelait que le processus d’archivage n’est « pas la simple accumulation des éléments de la
mémoire collective, […], mais d’un ensemble complexe de processus qui doivent permettre
l’enregistrement de toutes les informations utiles et leur conservation […] »55. Aussi, une
délicate pesée des intérêts se doit d’être menée entre conservation et élimination.
14
Jusqu’à l’arrivée des ordinateurs et des autres moyens numériques, la seule manière de
conserver des décisions judiciaires était d’en avoir un exemplaire papier pieusement déposé
dans les archives d’un palais de justice ou dans celle d’un État 64. D’ailleurs, originellement,
les archives servaient de lieux dans lesquels l’État déposait ses textes de loi et les fruits de son
activité sous format papier conférant, ainsi, aux différents pouvoirs une légitimité dans leurs
actions65. Un exemple éloquent n’est autre que les archives royales françaises : « représentant
à peine l’équivalent d’une vingtaine d’armoires bien garnies de chartes féodales, de privilèges
pontificaux, de contrats de mariages ou de testament, de traités diplomatiques, ce modeste
trésor […] a suffi à incarner jusqu’à la Révolution française la légitimité du pouvoir
dynastique français »66. Plus récemment encore, rappelons que nombre de régimes
s’appuyaient aussi sur la captation physique des archives papier d’une nation ou d’une région
vaincue pour asseoir leur légitimité.
Si l’avantage incontestable du papier est qu’il reste lisible et compréhensible sans avoir
besoin d’user de divers logiciels ou appareils68, se pose malgré toute la question de son coût
de conservation et la difficulté d’en sauvegarder des copies exhaustives pour parer à tous les
malheurs. Il était estimé, en France, qu’un mètre linéaire d’archives coûtait entre CHF 100.- et
CHF 300.-69.
64
KETELAAR, p. 66 s.
65
POTIN, p. 6 à 10.
66
Ibid. p. 11.
67
Art. 3 al. 3 RLArch.
68
Les archives cantonales vaudoises furent d’ailleurs touchées par cette obsolescence technique puisqu’une campagne de
numérisation de microfilm a dû être menée afin de les numériser (<https://www.vd.ch/toutes-les-autorites/archives-
cantonales-vaudoises-acv/pole-de-numerisation/>, consulté le 6 avril 2020).
69
L’HUILLIER/M’BAÏREH, p. 299.
15
administrative se faisait sur simple format papier le reste étant constitué de microfilmes 70 71.
S’il ne fait aucun doute que cette proportion a fortement diminué, le papier reste encore un
moyen probatoire important et surtout la forme sur laquelle les décisions judiciaires sont
rendues. Dans le domaine judiciaire, si la transmission électronique des dossiers est possible
pour les parties72, cela n’est pas encore la règle et le papier reste le moyen privilégié de
transmission des actes et autres documents nécessitant dès lors de la place pour stocker ces
documents. Actuellement encore, les jugements ne peuvent en aucun cas être communiqués
autrement que par voie écrite ou, dans certains cas par oral avec simplement le dispositif par
écrit73. L’art. 238 lit. h CPC précise que la décision se devra d’être signée par le tribunal
l’ayant rendu. La doctrine interprète sans l’ombre d’un doute que les termes « signature du
tribunal » ne peuvent être compris que comme la signature manuscrite sur un document écrit
renfermant le jugement74. Aussi, notre jugement de divorce sera obligatoirement rendu en
version papier avec des copies certifiées conformes données aux parties et la décision
originale sera archivée et conservée par le tribunal. Quant aux documents informatiques ayant
servi de support, ils seront conservés aussi informatiquement. En effet, ils sont rédigés sur un
document Word, puis, rattachés à GDC. Tant que les dossiers ne sont pas archivés, ils peuvent
être modifiés en tout temps et ne constituent donc pas un moyen de preuve. Toutefois, une
fois que le dossier du fond est archivé informatiquement, il est difficile – mais non pas
impossible – d’apporter des modifications. Il convient de rouvrir le dossier, puis, de lui
réattribuer le même numéro d’archivage. Relevons que la mise en œuvre du projet Justitia 4.0
pourrait accélérer la numérisation de la justice et permettrait surtout à toutes les parties d’user
de la voie électronique pour saisir la justice et de rendre des décisions de manière électronique
ayant une validité juridique complète75.
16
milliers de jugement requiert une vaste salle, ce dont ne dispose pas nécessairement chacun
des tribunaux. Malgré cela, nous considérons que ce moyen de conservation ne doit pas être
abandonné a fortiori pour les documents ayant une forte valeur archivistique, chose que les
jugements civils n’ont certes pas toujours.
D’entrée de cause, posons que le droit vaudois sur l’archivage envisage déjà l’usage du
numérique comme moyen d’archivage. L’art. 7 LArch préconise que les autorités se doivent
de prendre en compte les exigences de l’archivage dans le choix des systèmes d’exploitation
numérique. L’art. 6 RLArch apporte plus de précisions en donnant entre autres pour mission
aux Archives cantonales et à la Direction des systèmes d’information de concevoir un cahier
des charges et l’ensemble du processus d’archivage avec comme objectif d’assurer la
conservation définitive de ces documents sous forme dématérialisée82.
Finalement, outre les problèmes probatoires d’une copie numérique, nous n’avons pas
de moyens sûrs à très long terme pour stocker des dizaines de TO de données 86. Tout se
79
Rapport de la commission du Grand Conseil chargée de contrôler la gestion du Conseil d’État du Canton de Vaud,
année 2009, p. 67.
80
ERNST Wolfgang, (in)Differenz: Zur Extase der Originalität im Zeitalter der Fotokopie, in Materialität der Kommunikation,
éd. Suhrkamp, Frankfort 1988, p. 515.
81
L’HUILLIER/M’BAÏREH, p. 299.
82
L’entier de la jurisprudence rendue par le Tribunal cantonal est librement consultable à cette adresse :
<https://www.vd.ch/themes/justice/jurisprudence-et-lois/jurisprudence-du-tribunal-cantonal-et-du-tripac/>.
83
EMPD 141, p. 10.
84
EMPD 141, p. 14.
85
ROJV, p. 32.
86
EMPD 109, p 19.
17
détériore plus rapidement que le papier et ceci nonobstant des conditions d’exploitation
optimales87. Aussi, il n’apparaît pas judicieux d’abandonner le stockage des décisions
judiciaires sous forme papier.
87
USKE, p. 12.
18
6.3 Une solution mixte
Dans le pays du « juste milieu » tant décrit par le poète VILLARD-GILLES88, nous ne
pouvons passer à côté de la solution prenant en compte à la fois l’archivage physique et un
archivage numérique. Si, durant la première décennie de ce millénaire, l’archivage numérique
faisait craindre la perte de mémoire, cela n’a pas empêché son développement89. Osons même
le dire d’entrée de jeu, ce développement est celui qui a déjà cours dans notre administration
cantonale90.
Concernant les procédures civiles et pénales, le droit fédéral les régissant, le justiciable
vaudois tout comme les services étatiques cantonaux se doivent d’attendre les révisions
législatives et notamment la mise en place du projet Justicia 4.0. Notons que le Conseil
fédéral souhaite déjà une dématérialisation partielle des actes authentiques par le biais d’une
loi fédérale offrant aux officiers publics cette possibilité 93. À cela s’ajoute qu’un domaine du
droit privé est actuellement en train de vivre sa révolution numérique : celui de l’exécution
forcée94. Ainsi, pour le canton de Vaud, 64,5 % des réquisitions de poursuite (art. 67 LP) ont
été fait par le biais du réseau e-LP95. Dans son rapport annuel, le Tribunal cantonal relève que
« la mise en place [du réseau e-LP] permet un accès direct aux pièces principales de la
procédure et facilite le traitement des archives » 96. Force est de constater que la
dématérialisation est en marche.
S’il n’est pas pertinent de reprendre les avantages et inconvénients de chaque support
d’archivage, relevons que l’usage des deux moyens engendre forcément la nécessité de gérer
deux flux archivistiques : l’un numérique et l’autre papier. À ce titre, il apparaîtrait intéressant
– quoique demandant des moyens importants dont les auteurs ne disposent pas – de
s’intéresser à cette gestion dans les entreprises privées. En effet, en raison notamment en droit
88
VILLARD-GILLES Jean, La Venoge, ce poème est consultable à l’adresse suivante : <https://www.e-periodica.ch/
digbib/view?pid=cov-002:1956:83::159#572>.
89
EMPD 109, p. 6.
90
Ibid., p. 6.
91
EMPL 51, art. 27a et 44a pLPA-VD.
92
ROJV, p. 31.
93
Office fédéral de la justice (DFJP), Rapport explicatif de Loi fédérale sur l’établissement d’actes authentiques
électroniques et la légalisation électronique (LAAE), Berne 2019, consulté le 9 avril 2020 à l’adresse :
<https://www.admin.ch/ch/
f/gg/pc/documents/3018/Actes-authentiques-electroniques_Rapport-expl LAAE_fr.pdf>.
94
Ordonnance du DFJP du 9 février 2011 concernant la communication électronique dans le domaine des poursuites (RS
281.112.1, ordonnance e-LP).
95
ROJV, p. 103.
96
Ibid., p. 104.
19
comptable, les entreprises, bien qu’allant toujours plus vers une dématérialisation des
documents et des factures, se doivent encore de conserver un certain nombre de documents en
format papier97 alors que d’autres peuvent revêtir une forme électronique 98. Il est probable que
diverses solutions existent déjà afin d’assurer l’authenticité des documents afin d’en garantir
la valeur probante des documents99 ; il serait ainsi possible de s’inspirer de la Loi fédérale sur
la signature électronique100 pour développer diverses sécurités assurant l’intégrité des
documents.
Cette solution alliant les supports doit être la voie à suivre. Ne serait-il pas « absurde de
déclarer la guerre au papier, il faut le réserver aux usages pour lesquels il est et demeurera
longtemps encore le support le mieux adapté »101. Aussi, il est toutefois un embranchement
qu’il s’agira d’éviter : celui de la numérisation des archives papier préexistantes au-delà du
nécessaire. En effet, outre la redondance de ces sources, les coûts en personnels et en moyens
en deviendraient exorbitants avec comme preuve cette fausse bonne idée des archives
fédérales d’offrir la numérisation de n’importe quel document archivé en leur sein paralysant
ainsi l’institution102. Gardons en tête que cette numérisation, cette transition digitale, doit être
vue comme une évolution heureuse malgré les quelques adaptations qu’elle nécessitera103. Elle
permettra d’assurer des recherches rapides dans d’immenses bases de données et offrira « des
conditions matérielles d’archivages autrement mieux adaptées aux besoins »104 de
l’administration.
7 Conclusion
Nous l’avons démontré, une bonne gestion des archives permet « de garantir tout à la fois
le bon fonctionnement des autorités, les droits des collectivités et ceux des citoyens et les
sources pour tout travail historique [, elles] sont des témoignages de l’identité d’une
société »105. S’il semble de prime abord superflu de porter autant d’attention à un jugement de
divorce rappelons-nous que sa valeur touche, certes en premier lieu, les parties, mais
intéressera surtout l’ensemble de la société un jour comme étant les reflets des mœurs d’une
époque106.
Notre analyse de terrain nous a permis de relever plusieurs points fondamentaux. Tout
d’abord, nous relevons que le modèle de management choisi, à savoir les 7s de McKinsey,
nous paraissait être le plus pertinent pour notre analyse. Toutefois, nous constatons que dans
le cadre de la gestion des archives d’un tribunal, le cadre légal et règlementaire ne laisse que
peu de marge de manœuvre aux différents tribunaux. Ce faisant, les lignes fixées par la LArch
lient l’ensemble de l’Ordre judiciaire rendant souvent caduc les volontés d’amélioration
97
Art. 958f CO.
98
Art. 2 al. 2 Olico.
99
HOUDAYER, p. 29 ss.
100
Loi fédérale du 18 mars 2016 sur les services de certification dans le domaine de la signature électronique et des autres
applications des certificats numériques, RS 943.03.
101
L’HUILLIER/M’BAÏREH, p. 300.
102
ATS/NXP, Numérisation des archives victime de son succès, in 24heures, 24.10.2019, consultable sous :
<https://www.24heures.ch/suisse/numerisation-archives-victime-succes/story/17721260> (consulté le 8 avril 2020).
103
EMPD 109, p. 6.
104
L’HUILLIER/M’BAÏREH, p. 300.
105
COUTAZ/GILLIÉRON, p. 6.
106
À ce titre, lisons « l’affaire Calvin » dans la revue Passé simple d’avril 2020 (n° 54, p. 1 à 12) narrant l’importance d’un
simple reçu du payement d’un salaire. Si l’histoire du vol de ce papier et de sa lutte judiciaire pour recouvrer la possession de
ce document par les archives d’État de Genève est intéressante, les propos des experts rappelant que la richesse d’une archive
se retrouve dans la combinaison de documents, même anodins, ne fait qu’appuyer la nécessité de conserver les décisions
judiciaires au-delà de leur vie utile.
20
pouvant apparaître dans le cadre des 7s de McKinsey. Ensuite, contrairement aux entreprises
privées notamment, les calendriers de conservation fixés par la Cour administrative du
Tribunal cantonal laissent une très faible marge de manœuvre aux tribunaux pour organiser
leur planning. En effet, ils sont tenus de les suivre, ce qui a néanmoins pour avantage de
coordonner le calendrier judiciaire puisque c’est la même autorité de référence qui fixe les
échéances pour l’ensemble de l’Ordre judiciaire. En ce qui concerne la conservation
électronique des dossiers archivés, elle se fait à l’aide de GDC qui est, rappelons-le, le logiciel
commun à tous les tribunaux. Le fait qu’ils aient tous le même système informatique facilite
l’échange de dossiers entre instances, mais également la collaboration entre les gestionnaires
de dossier des différents greffes. De plus, l’archivage informatique a pour avantage de
conserver les données quoi qu’il advienne. En effet, si le tribunal devait, par exemple, prendre
feu, les dossiers physiques disparaîtraient alors que les dossiers informatiques seraient
conservés. Cela assurerait donc une meilleure garantie de conservation. Finalement, au sein
du Tribunal d’arrondissement de La Côte, le suivi de l’archivage est principalement assuré par
les gestionnaires de dossier. Cela leur ajoute une charge supplémentaire de travail importante,
ce qui nécessite parfois d’appeler du renfort. Toutefois, le suivi des dossiers, ainsi que
l’archivage y est assuré.
Nous pouvons donc conclure en disant que ce qui importe le plus, ce n’est pas que les
documents soient conservés de manière numérique ou sous format papier. Rappelons-nous
avant tout que les archives se caractérisent par trois choses qu’il s’agira, en tout temps, de
respecter. En premier lieu, « elles [doivent] être placée dans un lieu public, en second lieu, on
ne reçoit que dans ce lieu que des écritures authentiques ; le troisième est qu’elles doivent être
confiées à la garde d’un officier public »107. Il en va de la continuité des activités étatiques, de
la sécurité du droit et des droits des justiciables 108. À ce titre, le Canton de Vaud a su
habilement marier différentes normes permettant à tout un chacun l’accès – tout en
garantissant la protection des données – aux différents documents récents ou anciens, soit par
le biais de la Loi cantonale sur l’information soit grâce à la Loi cantonale sur l’archivage 109. Il
ne reste plus qu’à déterminer les moyens techniques les plus pérennes afin de conserver à long
terme les documents informatisés ou autres jugements et relevons qu’actuellement, le papier
reste encore la meilleure des solutions notamment au vu de la complexité de réouverture d’un
dossier sur GDC, sans parler des défis de compatibilité des logiciels ni des coûts écologiques
liés à l’usage de serveur pour le stockage des données 110. Se diriger vers une utilisation mixte,
à savoir la conservation tant sur papier que sur informatique, est la bonne direction à
emprunter selon nous.
107
POTIN, p.13.
108
COUTAZ/GILLIÉRON, p. 6.
109
EMPL LARCH, p. 251.
110
CARNINO Guillaume et MARQUET Clément, Les datacenters enfoncent le cloud : enjeux politiques et impacts
environnementaux d’internet, Zilsel, 2018/1 (n° 3), p. 55 ss.
21
8 Annexe I
Questions Réponses
Trouvez-vous qu’il y a un bon suivi L’archivage est fait, dans la mesure du possible, au
de l’archivage ou est-il fur et à mesure. Parfois, la charge de travail due à
constamment mis de côté afin de l’arrivée de nombreux dossier engendre le fait que
pouvoir avancer dans le travail l’archivage prend du retard. Toutefois, d’une
usuel d’un gestionnaire de dossier ? manière générale, il est assuré afin de pouvoir
procéder, notamment, aux copies de jugement dans
les temps.
Que pensez-vous du système Ce système est ancien, mais reste très performant.
informatique mis en place par En effet, il est commun à tous les tribunaux et
l’OJV, à savoir GDC ? facilite donc l’échange de dossiers entre les
différentes instances. De plus, il est fonctionnel.
22
Quelle serait, selon vous, la Je pense qu’il est nécessaire de conserver les
meilleure solution à adopter ? dossiers physiques et informatiques. Je ne crois pas
qu’en l’état actuel des choses il serait judicieux de
n’archiver que sur support informatique. Je pense
que le dossier papier est accessible en tout temps,
ce qui n’est pas nécessairement le cas avec le
dossier informatique. En effet, lorsque l’on
communique les droits à l’instance supérieure par
exemple, nous n’avons plus accès au dossier
informatique durant la procédure de deuxième
instance, car les droits nous sont retirés.
9 Annexe II
1. Directive de la CA n°3 du 9 septembre 2008 portant sur le calendrier de conservation
des archives des Tribunaux d’arrondissement ;
2. Directive n°10 du 8 décembre 2016 portant sur le calendrier de conservation des
archives des justices de paix ;
3. Directive de la CA n°13 du 5 février 2018 portant sur le calendrier de conservation des
archives de la Cour civile du Tribunal cantonal, et ;
4. Directive de la CA n°19 du 5 février 2018 portant sur le calendrier de conservation des
archives de la Cour d’appel civile, de la Chambre des recours civile, de la Chambre
des curatelles, de la Cour des poursuites et faillites, de la Chambre des révisions
civiles et pénales (affaires civiles) et du Président du Tribunal cantonal.
23