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Premiers contacts avec le monde des Lumières françaises

« Je me trouble. Je m'égare. Et bref, me voilà épris de Madame Dupin. »22 Tableau de Jean-Marc Nattier.

Rousseau entre dans l'orbite de deux figures importantes des Lumières, Condillac et D'Alembert,


lorsqu'en 1740, il trouve un emploi de précepteur auprès des deux fils du prévôt général de
Lyon, M. de Mably. Ce dernier est le frère aîné de Gabriel Bonnot de Mably et d'Étienne Bonnot
de Condillac qui feront tous deux une carrière littéraire6. Rousseau compose pour le plus jeune
des deux fils un Mémoire présenté à M. de Mably sur l'éducation de Monsieur son fils 23. Ayant
ainsi l'occasion de fréquenter la bonne société lyonnaise, il s'y gagne quelques amitiés,
notamment celle de Charles Borde qui l'introduira dans la capitale. Chambéry est proche et il
peut rendre quelques visites à « Maman », mais les liens sont distendus. Après une année
difficile auprès de ses jeunes élèves, Rousseau s'accorde avec M. de Mably pour mettre fin au
contrat23. Après quelque temps de réflexion, il décide alors de tenter sa chance à Paris24.
À Paris, grâce à une lettre d'introduction auprès de M. de Boze, il est présenté à Réaumur, qui lui
permet de soumettre à l'Académie des sciences un mémoire présentant son système de notation
musicale. Celui-ci prévoit la suppression de la portée et de la remplacer par un système chiffré.
Les académiciens ne sont pas convaincus par le projet qui, selon eux, ne serait pas nouveau,
l'inventeur étant le père Souhaitty25. Rousseau s'obstine, améliore son projet et le fait publier à
ses frais, sans rencontrer le succès espéré, sous le titre de Dissertation sur la musique
moderne26. À cette époque, il se lie d'amitié avec Denis Diderot, tout aussi méconnu que lui, et
reçoit les conseils du père Castel. Il fréquente le salon de Madame de Beserval, et de Madame
Dupin qu'il tente vainement de séduire. Elle lui confie durant quelque temps l'éducation de son
fils11 Jacques-Armand Dupin de Chenonceaux, en 1743.
En juillet 1743, Rousseau est engagé comme secrétaire de Pierre-François, comte de Montaigu,
qui vient d'être nommé ambassadeur à Venise. Sa connaissance de l'italien et son zèle le
rendent indispensable auprès d'un ambassadeur incompétent. Il apprécie la vie animée de
Venise : spectacles, prostituées27 et par-dessus tout la musique italienne. Mais l'importance qu'il
se donne le rend arrogant et Montaigu le congédie au bout d'un an. Il est de retour à Paris le 10
octobre 1744. Cette courte expérience lui a néanmoins permis d'observer le fonctionnement du
régime vénitien et c'est à ce moment, alors qu'il a 31 ans, que s'éveille son intérêt pour la
politique. Il conçoit alors le projet d'un grand ouvrage qui s'intitulerait Les Institutions
politiques mais qui deviendra le fameux Du contrat social. Il y travaille de temps à autre pendant
plusieurs années28.
Il s'installe alors à l'hôtel Saint-Quentin, rue des Cordiers, où il se met en ménage avec une jeune
lingère, Marie-Thérèse Le Vasseur, en 1745. Cette dernière lui apporte l'affection qui lui manque.
Il l'épouse civilement à Bourgoin-Jallieu le 30 août 1768. Jean-Jacques doit alors supporter non
seulement une femme bavarde mais aussi la famille de celle-ci29. Entre 1747 et 1751 naîtront cinq
enfants que Jean-Jacques Rousseau, peut-être sur l'insistance de la mère de Marie-Thérèse30,
fait placer aux Enfants-Trouvés, l'assistance publique de l'époque. Il explique d'abord qu'il n'a pas
les moyens d'entretenir une famille31, puis au livre 8 des Confessions, il écrit qu'il a livré ses
enfants à l'éducation publique en considérant cela comme un acte de citoyen, de père, et
d'admirateur de la République idéale de Platon32. Au livre suivant des Confessions, il écrit
également qu'il fit ce choix principalement pour soustraire ses enfants à l'emprise de sa belle-
famille, qu'il jugeait néfaste. Cette décision lui sera reprochée plus tard par Voltaire, alors qu'il se
pose en pédagogue dans son livre Émile, et aussi par ceux qu'il appelle
la « coterie holbachique » (l'entourage de D'Holbach, Grimm, Diderot, etc.). Cependant, certains
de ses amis, dont Madame d'Épinay avant qu'elle se brouille avec lui, avaient proposé d'adopter
ces enfants33.
En mai 1743, il commence la composition d'un ballet héroïque, Les Muses galantes, dont des
extraits sont présentés à Venise en 174434. En 1745, Rameau qui écoute des morceaux
des Muses galantes chez un fermier général juge que « certains sont d'un apprenti, d'autres d'un
plagiaire »35. Pour la victoire de Fontenoy, il contribue à la création de la comédie-ballet du
duo Voltaire-Rameau, les Fêtes de Ramire, basée sur La Princesse de Navarre de Voltaire
accompagnée de la musique de Rameau36. Il gagne sa vie en exerçant les fonctions de
secrétaire, puis de précepteur chez les Dupin de 1745 à 1751. Le cercle de ses fréquentations
compte dès lors Dupin de Francueil, sa maîtresse Louise
d'Épinay, Condillac, D'Alembert, Grimm et surtout Denis Diderot. En 1749, Diderot l'invite à
participer au grand projet de l'Encyclopédie en lui confiant les articles sur la musique37.

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