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Caroline Baud 03.11.

2021 BA4 d’Archéologie Classique


Université de Genève Faculté des Lettres

Dossier : droit de l’archéologie et des musées : aspects


suisses et internationaux

L'affaire des peintures murales de Teotihuacán : la lutte pour la


restitution des biens aztèques 

Figure 1 : Une peinture murale représentant un personnage qui a été identifié comme étant la grande déesse de Teotihuacán.
[Consulté le 04.12.2021] Disponible : Teotihuacan — Wikipédia (wikipedia.org)

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Table des matières


1. Introduction.....................................................................................................................3
2. La propriété culturelle.....................................................................................................3
3. Les aspects éthiques........................................................................................................4
4. Conclusion........................................................................................................................6
5. Avis personnel..................................................................................................................7
Bibliographie...............................................................................................................................8

Figure 2 : perspective de "l'allée des morts" depuis la "pyramide de la Lune".


[Consulté le 04.12.2021] Disponible : View from Pyramide de la luna - Teotihuacan — Wikipédia (wikipedia.org)

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1. Introduction
Le conflit de restitution des peintures murales de Teotihuacán se déroule entre
les Etats-Unis et le Mexique. Dans les années 60, un dénommé Harold Wagner
achète plusieurs peintures murales provenant du site de fouilles aztèques, et
décide de les ramener aux Etats-Unis alors que ces dernières ne lui
appartiennent pas puisqu’elles font parti du patrimoine culturel du Mexique 1.
Suite à son décès, c’est le Fine Arts Museum de San Francisco qui hérite de ces
peintures. Les peintures ne peuvent être restituées dans leur intégralité au
Mexique, cependant, plus de la moitié des peintures lui a été restituée grâce à
un projet d’accord permettant un climat positif.
Au premier regard, cette affaire paraît assez « simple » dans sa résolution,
puisqu’il n’a fallu qu’une vingtaine d’année pour trouver un accord entre les
deux parties. Cependant, elle reste très intéressante puisqu’elle sort des cas
des restitutions classiques et permet d’étudier la question de la propriété
culturelle sous un angle divers. En effet, les dates d’entrées en vigueur des
conventions de l’UNESCO et d’UNIDROIT sont postérieures à celle de cette
affaire, il faut donc comprendre la notion de propriété culturelle sur d’autres
principes juridiques. Pour cela, il faut alors se baser sur le contexte des fouilles
et les différentes législations du Mexique ainsi que des Etats-Unis, car c’est en
se penchant sur ces dernières qu’il a été possible de régler la question de
propriété entre le Fine Arts Museum et l’INAH.
De plus, dans cette affaire, il ne s’agit pas vraiment d’un litige à proprement
parlé puisqu’ici c’est le Fine Arts Museum qui a prit l’initiative de prendre
contact avec le consul général du Mexique pour entamer des négociations
concernant le rapatriement des peintures aztèques. Le cas des peintures de
Teotihuacán a donc été réglé de façon à ce que le Mexique comme les Etats-
Unis soient satisfaits et que le climat entre les deux soit positif.
2. La propriété culturelle
Selon la définition de l’UNESCO, sont considérés comme patrimoine culturel
« les monuments, œuvres architecturales, de sculpture ou de peintures
monumentales, éléments ou structures de caractères archéologiques,
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Treaty of Cooperation between the United States of America and the United Mexican States
Providing for the Recovery and Return of Stolen Archaeological, Historical, and Cultural Properties,
22 mars 1971

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inscriptions, grottes et groupes d’éléments, qui ont une valeur universelle


exceptionnelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la science ; … »2. Or,
le traité de coopération entre le Mexique et les Etats-Unis prévoyant la
restitution et le retour des biens archéologiques, historiques et culturels volés,
a été conclu en 19713, c’est-à-dire une année avant la convention de l’UNESCO
de 1972. La convention n’avait donc pas été ratifiée au moment des faits.
Dans le cadre de cette affaire, la question s’était effectivement posée de qui
détenait la propriété culturelle des peintures issues de fouilles du site de
Teotihuacán. Le Fine Arts Museum de San Francisco, conscient des problèmes
d’ordre légal et éthique posés par le problème de la propriété des peintures
murales, prit donc contact avec le consul général du Mexique à San Francisco,
dans le but de déterminer si des négociations relatives à une éventuelle
copropriété ou à un rapatriement partiel des peintures seraient possibles.
Conformément au traité de coopération de 1971, le gouvernement mexicain
déposa une requête formelle auprès du procureur général des Etats-Unis visant
à suspendre l’exécution du testament de M. Wagner et à ordonner le retour
des peintures au Mexique. La Federal District Court rejeta la demande de
restitution, invoquant la non-rétroactivité du traité de coopération. Suite à
cela, le testament est donc exécuté : les peintures deviennent la propriété de la
ville et du comté de San Francisco et sont placées sous la garde du Musée.
Cependant, comme dit précédemment, les peintures murales font parties du
patrimoine culturel du Mexique, selon la convention de l’UNESCO de 1972. Le
droit de posséder une partie de ce patrimoine est alors octroyé en décembre
1981 suite à une nouvelle négociation menée par le directeur général de
l’INAH, Garcia Cantú, permettant au Mexique de se voir restituer au minimum
cinquante pourcent des peintures mural, puis par la suite, septante pourcents.

3. Les aspects éthiques


La légitimité des musées à détenir des biens provenant de cultures d’autres
pays est souvent remise en question dans les débats actuels. Selon le droit
mexicain, tous les monuments archéologiques immeubles appartiennent à
l’Etat, y compris les éléments de ces monuments qui ont été démembrés. En
effet, selon le professeur Carlos Chafón, le monument est un signe

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Convention de l’UNESCO concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de 1972
3
Treaty of Cooperation between the United States of America and the United Mexican States Providing for the
Recovery and Return of Stolen Archaeological, Historical, and Cultural Properties, 22 mars 1971. Les États-Unis
ont en conséquence adopté la loi intitulée Regulation of Importation of Pre-Columbian Monumental or
Architectural Sculpture or Murals (27 octobre 1972, Public Law n. 92-587, 19 U.S.C. §§ 2091 ff., 1972). De son
côté, le Mexique a adopté la loi dite Ley federal sobre monumentos y zonas arqueológicos, artísticos et
históricas (6 mai 1972, D.O. 6 mai 1972, qui remplace la loi fédérale de 1934).

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communicatif, un véritable témoignage et un document authentique 4. De plus,


selon l’article 28 de la loi sur les monuments au Mexique 5, les monuments
archéologiques sont des biens meubles ou immeubles, produit de cultures
antérieures à l’établissement des hispaniques
sur le territoire national, ainsi que les restes
humains, la flore et la faune liés à ces
cultures. En ajout à cela, selon l’article 35 de
la même loi, les monuments historiques sont
des biens liés à l’histoire de la nation, depuis
l’établissement de la culture hispanique dans
les pays, aux termes de la déclaration
respective ou par détermination de la loi. De
ce fait, les peintures murales de Teotihuacán
faisaient partie intégrante du patrimoine
culturel du Mexique. M. Wagner n’avait donc
pas le droit de sortir du territoire mexicain les
peintures sans licence d’exportation6. En Figure 3 : Conservators from Mexico Churubusco
l’occurrence, il n’avait jamais obtenu Centre. M. H. de Young Memorial Museum, 1984.
[Consulté le 14.12.2021] Disponible : San
l’autorisation d’exporter ces peintures7. Francisco, Mexico, and the Teotihuacan Murals
(tandfonline.com)
Le litige a cependant été résolu au moyen
d’un accord octroyant aux parties la copropriété des peintures murales de
Teotihuacán, en prévoyant notamment qu’au moins la moitié des fragments
devaient être restitués au Mexican National Museum ; que le musée mexicain
et le Fine Arts Museums partageraient le coût de la conservation ; et que les
peintures seraient exposées dans les deux institutions, chacune mentionnant la
participation de l’autre.
En définitive, le litige a été résolu sans que la question de la propriété n’ait été
tranchée.

4
Ley sobre protección y conservación de monumentos arqueológicos e históricas, poblaciones tipicas y lugares
de belleza natural (1934), citée dans l’ouvrage de Francisco Arturo Schroeder Cordero, « Legislación protectora
de los monumentos y zonas de monumentos en México ».
5
Ibidem, 669.
6
Ibidem, 670.
7
Merryman, Elsen et Urice, 366.

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4. Conclusion
Les notions éthiques ont permis de voir la question de la restitution d’un point
de vue qui s’éloigne légèrement des tribunaux et de l’aborder sous d’autres
angles. Cet aspect est finalement impossible à dissocier de l’actualité et des
débats qui remettent en question la place de la culture et la responsabilité des
grandes nations face aux pays sources de celle-ci.
L’affaire des peintures murales de Teotihuacán illustre donc bien les difficultés
posées par la restitution d’œuvres d’art lorsqu’il est question de législation
nationales et de principes de droit international contradictoires8. Bien que les
négociations aient abouti à la mise en place de cet accord entre le Mexique et

Figure 4 : Figure 4 : Exhibition celebrating the Returned Murals. National Museum of Anthropology, Mexico City, 1986.
[Consulté le 14.12.2021] Disponible : San Francisco, Mexico, and the Teotihuacan Murals (tandfonline.com)
les Etats Unis, ce dernier n’a été possible que grâce aux professionnels du
monde de l’art qui ont géré cette affaire en mettant de coter toute
considération politique, et dont le but premier était d’assurer la bonne
conservation des peintures.
Le Fine Arts Museum ne pouvait pas ignorer les questions actuelles et ne
pouvait prendre le risque de nuire à son image ainsi que de dégrader ses
relations avec le Mexique. La démarche du Fine Arts de San Francisco de
8
Renold, Chechi & Renold, 6.

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résoudre les problèmes éthiques concernant les peintures murales a permis de


découler à la création d’un projet d’accord, offrant ainsi aux deux parties la
possibilité d’exposer ces peintures et de partager leur importance culturelle et
historique. Il s’agit donc d’une victoire pour les deux parties, mais d’autant plus
pour le Mexique qui, grâce à cet accord, s’est vu restituer les peintures qui
avaient été importées sans autorisation. De plus, l’affaire permet de créer une
base légale pour des cas similaires et incitera peut-être les instances publiques
à collaborer avec les Etats d’où proviennent leurs collections.

5. Avis personnel
De mon point de vue, la résolution de l’affaire est plus qu’idéale ; l’accord entre
le Mexique et les Etats Unis ont de grands points positifs, et permettent
notamment au pays d’origine des peintures – le Mexique – de se voir restituer
un nombre conséquent de peintures.
J’aurais trouvé cela absurde et extrêmement dommage que des peintures aussi
riches et importantes soient exposées en dehors de leur pays d’origine. En
effet, en se penchant sur l’iconographie de ces peintures on se rend compte
que plusieurs Dieux aztèques y sont représentés, ce qui donne un caractère
d’autant plus important pour la population locale. Le nom du site de
Teotihuacán signifie « lieu où les hommes sont devenus Dieux » ou « cité des
Dieux », il est donc logique de penser que ce lieu est un voir le site le plus
important de la ville du Mexique. De plus, ce site a été l’une des plus grandes
cités de Mésoamérique, il est donc particulièrement important à mes yeux que
ce qui se trouve sur les terres aztèques restent sur leur terre d’origine au vu de
l’ancienneté de la zone du site de Teotihuacán.

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Bibliographie
Littératures
BERRIN, K., “San Francisco, Mexico, and the Teotihuacan Murals.”, Museum
International, vol. 59, no. 3, Blackwell Publishing Ltd, 2007, 9–21 pp. [Consulté
le 14.11.2021] Disponible :
San Francisco, Mexico, and the Teotihuacan Murals (tandfonline.com)
“Agreement Relating to the Return of the Teotihuacán Murals”, In : Law Ethics
and the Visual Arts, MERRYMAN, J. H., ELSEN, A. E., et URICE, S. K., 368-369 pp.,
The Netherland: Kluwer Law, 2007, 5ème édition.
MERRYMAN, J. H., ELSEN A. E., et URICE, S. K., Law Ethics and the Visual Arts,
The Netherland: Kluwer Law, 2007, 5ème édition.
RENOLD, C., CHECHI, A., & RENOLD, M.- A., “Affaire peintures murales de
Teotihuacán – Fine Arts Museums of San Francisco et National Institute of
Anthropology and History”, Arthemis Art-Law Centre University of Geneva,
Mars 2019, 1-7 pp. [Consulté le 14.11.2021] Disponible :
Murals of Teotihuacán – Fine Arts Museums of San Francisco and National
Institute of Anthropology and History — Centre du droit de l'art (unige.ch)
SELIGMAN, Thomas K., “The Murals of Teotihuacán: A Case Study of Negotiated
Restitution.”, In : The Ethics of Collecting Cultural Property, publié par Phyllis
Mauch Messenger, 73-84 pp., New Mexico: University of New Mexico Press,
1999, 2ème édition.
TOSCANO, S., “La Pintura Mural Precolombina de México.”, Boletín
bibliográfico de antropología americana, vol. 4, no. 1, Instituto Panamericano
de Geografia e Historia, 1940, 37–51 pp. [Consulté le 14.11.2021] Disponible :
Vista de La pintura mural precolombina de México, de Salvador Toscano |
Anales del Instituto de Investigaciones Estéticas (unam.mx)
Législation
Mexico, Ley sobre protección y conservación de monumentos arqueológicos e
históricas, poblaciones tipicas y lugares de belleza natural, 9 janvier 1934, 82 D.
O. J25. [Consulté le 14.11.2021] Disponible :
legislacion-protectora-de-los-monumentos-y-zonas-de-monumentos-en-
mexico (1).pdf

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Treaty of Cooperation between the United States of America and the United
Mexican States Providing for the Recovery and Return of Stolen Archaeological,
Historical, and Cultural Properties, 22 U.S.T.S. 494, T.I.A.S. n. 7088, 1971.
[Consulté le 14.11.2021] Disponible :
treaty01 (state.gov)
U.S. Regulation of Importation of Pre-Columbian Monumental or Architectural
Sculpture or Murals, 27 octobre 1972, Public Law n. 92-587, 19 U.S.C. §§
2091ff, 1972. [Consulté le 14.11.2021] Disponible :
92-587 (state.gov)

Conventions
Convention de l’UNESCO sur les mesures à prendre pour interdire et empêcher
l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens
culturels de 1970.
Convention de l’UNESCO concernant la protection du patrimoine mondial,
culturel et naturel de 1972.

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