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L’apôtre réputé félon qui vécut en Palestine au début du 1er siècle et dont les Evangiles racontent qu’il
vendit Jésus aux prêtres du Temple pour trente pièces d’argent aurait-il écrit pour justifier sa trahison ?
Son rôle - néfaste mais essentiel - dans la Passion a toujours intrigué : pourquoi désigne-t-il Jésus à ses
bourreaux en l’embrassant ? Pourquoi, peu de temps après, pris de remords, rend-t-il l’argent et va-t-il
se pendre ?
Ce nouveau manuscrit peut-il modifier notre vision des Evangiles ? Ces questions font sourire
Rodolphe Kasser : « Oui, en quelque sorte, la figure de Judas est « réhabilitée » dans ce texte car son
rôle négatif trouve une explication positive. Mais il faut dire et redire qu’il s’agit d’une interprétation
postérieure, imaginée au IIe siècle. Vous ne trouverez ici aucune information historique nouvelle sur le
véritable Judas l’Iscariote. »
Il n’empêche, cet « Evangile de Judas » reste d’un intérêt exceptionnel pour mieux comprendre les
débuts du christianisme, qui se développe alors plus ou moins clandestinement dans l’Empire romain,
en même temps que d’autres courants religieux. Pour Rodolphe Kasser en effet, si ce texte a été rédigé
en grec (puis traduit en copte) dans un milieu déjà très familier du christianisme, il relève pourtant
clairement d’un autre mouvement religieux : la « gnose », qui signifie « connaissance » en grec. Il
s’agit d’une sorte de religion ou philosophie ésotérique comprenant de nombreuses sectes, qui s’est
développée entre le second et le quatrième siècle dans l’Empire romain. De petits groupes d’initiés, les
gnostiques, inspirés par certaines idées philosophiques grecques et par les Ecritures bibliques,
réinterprétaient à leur façon le christianisme. Ils pensaient que le véritable Dieu était inconnaissable et
incréé « hors de toute matière ». Il était masqué aux yeux des hommes par un dieu inférieur malfaisant,
créateur du monde, le dieu biblique. Pour les gnostiques, le monde est donc un lieu infesté par le mal,
les ténèbres et le péché, où l’on adore un usurpateur. Seuls seraient « élus », sauvés, ceux qui
échapperaient à cette supercherie et atteindraient la perfection par une initiation à des pratiques, des
paroles de type magique. Ceux-là rejoindraient la lumière, le véritable Dieu après un parcours difficile.
Inutile pour eux d’essayer de convertir les autres, ni de se reproduire, car le monde court dans son
ensemble, à sa perte…
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Cette vision très pessimiste entrait en totale contradiction avec le message de salut universel des
premiers missionnaires chrétiens ! L’Église, après 313 - date à laquelle le culte chrétien est autorisé
avec bienveillance par l’Empire romain - a logiquement écarté les nombreux textes gnostiques, et
d’autres au caractère simplement trop légendaire, du canon biblique. Ils sont depuis lors connus sous le
nom d’ « apocryphes » c’est à dire « cachés »… Les manuscrits de ces textes ont peu à peu disparu,
victimes de campagnes volontaires de destruction, de l’oubli des hommes ou de l’usure du temps. Le
mouvement gnostique nous est donc surtout connu par les arguments développés contre lui par les
théologiens de cette époque, dans des textes de controverses. D’où l’importance de « L’évangile de
Judas » qui ouvre un accès direct à cette pensée et fera mieux comprendre aussi les réponses des
chrétiens de ce temps.
Le récit développé dans « l’évangile de Judas », commence par montrer Jésus qui rejoint ses disciples
en train de préparer la Pâque. Jésus se moque d’eux et explique que célébrer l’eucharistie est inutile ! «
Il essaie de les instruire des idées gnostiques, mais il voit très bien, explique Rodolphe Kasser, qu’ils
sont trop stupides pour le comprendre. Sauf Judas, que les autres détestent mais que Jésus affectionne
particulièrement. » Jésus, à l’issue d’un long dialogue où il l’initie et interprète ses rêves, demande lui-
même à Judas de le livrer aux autorités afin qu’il soit délivré de son corps matériel et retourne vers la
lumière. Et le récit se termine sobrement sur la rencontre de Judas avec les Juifs qui cherchent Jésus. «
L’auteur s’adresse donc à un public qui connaît les évangiles et en même temps, son but est de leur
révéler leur « vrai » sens, décrypte le spécialiste. Les gnostiques ont toujours aimé « retourner » des
personnages qui symbolisent le mal ou l’ambiguïté dans la Bible, comme Caïn, le premier criminel; le
roi Hérode qui massacra les enfants innocents; ou encore Thomas, le disciple incrédule et ici Judas, le
traître perfide. En ayant ce manuscrit sous les yeux, on comprend mieux la colère d’Irénée de Lyon
pour qui cette interprétation de la relation entre Judas et Jésus est insultante et hérétique ! »
Dans quelques mois, la publication scientifique du manuscrit avec des photographies de chaque page,
permettra aux chercheurs du monde entier de se pencher sur ce texte à leur tour. Rodolphe Kasser
espère que la confrontation avec d’autres textes gnostiques apportera de nouvelles informations. Il
conclut avec humour : « le scribe qui a écrit « l’évangile de Judas » savait qu’un titre pareil ferait
scandale ! » Mais il ignorait sans doute que sa provocation attiserait encore la curiosité au XXe
siècle…
Années 1970 : Le manuscrit est découvert par des paysans sans doute sur un site archéologique de
Moyenne-Egypte, Muhâzafat Al Minya. Il est probablement partagé en plusieurs parties entre les
découvreurs et exporté illégalement.
1983 : L’objet réapparaît en Suisse dans les mains d’un antiquaire.
1983-2000 : Divers antiquaires tentent de le vendre à des universités américaines mais à un un prix
beaucoup trop élevé. Toutes ces pérégrinations et les manipulations inconsidérées, sans égards pour la
fragilité excessive du papyrus, endommagent gravement le codex (livre relié); il présente désormais
une déchirure brutale aux 2/3 de la hauteur des 62 feuillets qui nous sont parvenus. Cette crevasse,
dont les bords s'effritent de plus en plus, empêche la lecture sur une bande d’environ 1 à 5 cm. Certains
folios ont été réarrangés avec des bas de pages qui ne coïncident pas avec le haut…
2001 : la Fondation suisse Maecenas, dont le président est l’avocat Mario Roberty acquiert le
manuscrit dans le but de le faire publier et de le rendre à l’Egypte. Elle contacte Rodolphe Kasser, qui
demande une restauration immédiate du codex et sa protection sous plaques de verre, avant
d’entreprendre son étude et sa traduction.
La composition du manuscrit
Le codex est probablement incomplet car il ne contient que deux cahiers de feuilles de papyrus reliées
entre elles, en quoi il diffère des autres manuscrits contemporains connus. Le texte est en copte, la
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langue de l’Egypte à l'époque romaine, notée en un alphabet grec adapté. D’après des datations au
carbone 14 de fragments infimes de papyrus, le manuscrit a été copié entre 220 et 340 après J.-C. Mais
le texte grec qu’il traduit est plus ancien et pourrait remonter aux années 170-180 après J.-C. Outre
l’évangile de Judas, le codex contient trois autres textes apocryphes dont deux sont déjà connus mais
dans des versions différentes.
Le terme d'Évangile recouvre chez les gnostiques des réalités diverses. Comme dans la
prédication chrétienne, il circule sans doute très tôt pour désigner l'annonce de la Bonne
Nouvelle, puis, dans la deuxième moitié du IIe siècle, il sera employé pour désigner en outre le
texte même des Évangiles. Mais à cette époque justement les Évangiles se multiplient dans les
milieux gnostiques, alors que l'Église officielle n'en retient que quatre. La démarche s'avère
profondément différente.
Il convient de souligner tout d'abord que les anthologies modernes ont tendance à regrouper sous la
catégorie d'Évangiles gnostiques des textes qui visiblement relèvent de divers genres littéraires et
émanent de milieux différents. Certains de ces textes portent le titre d'Évangile (ainsi, L'Évangile de
Vérité), mais en quoi s'agit il d'un Évangile ? D'autres qui n'en portent pas le titre, correspondent à ce
qu'on a appelé traditionnellement un Evangile apocryphe, soit un récit ou une légende mettant en scène
des personnages évangéliques autour d'une révélation du Sauveur à ses disciples (ainsi, Le Livre de
Thomas l'athlète, Les Actes de Pierre et des Douze Apôtres, Le Dialogue du Sauveur).
Dès la fin du IIe siècle, les Évangiles gnostiques soulevaient l'indignation d'un grand évêque, Irénée de
Lyon, qui luttait contre une forme de gnose chrétienne, celle des Valentiniens: « Quant aux disciples
de Valentin, se situant en dehors de toute crainte et publiant des écrits de leur propre fabrication, ils se
vantent de posséder plus d'Évangiles qu'il n'en existe. Ils en sont venus en effet à ce degré d'audace
d'intituler « Évangile de Vérité » un ouvrage composé par eux récemment et ne s'accordant en rien
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avec les Évangiles des apôtres. S'il diffère de ceux que nous ont transmis les apôtres, tous ceux qui le
veulent peuvent se rendre compte » (Contre les hérésies, III, 11, 8).
Par ce court extrait, on voit qu' Irénée connaissait l'existence des Évangiles canoniques circulant dans
l'Église, les « Évangiles des apôtres ». Il cherche par ailleurs à prouver qu'il n'y a que quatre Évangiles
canoniques, alors que les chrétiens du IIe siècle ont connu une grande variété de traditions circulant
sous le nom d'un apôtre prestigieux. C'est un trait de la lutte contre les hérésies de penser que les
Évangiles des hérétiques ont été composés récemment. Selon Irénée, les hérésies propagées par les
gnostiques sont « récentes » par opposition à la tradition ancienne des apôtres, transmise fidèlement
dans l'Église depuis les origines.
Les découvertes de Nag Hammadi ont mis au jour un Évangile de Vérité qu'on peut être tenté de
rapprocher du texte valentinien incriminé par Irénée. De fait, le livre s'ouvre par une référence à la
prédication de l'Évangile: « L'Évangile de la Vérité est joie pour tous ceux qui ont recu, du Père de la
Vérité, le don de Le connaître par la puissance de la Parole... car le nom d'Évangile est la manifestation
de l'espoir et une découverte pour ceux qui le cherchent » (p. 16, 31ss). Toutefois le contenu de cet
Évangile, de cette bonne nouvelle gnostique, n'a rien à voir avec une évocation de la vie du Seigneur,
de ses discours ou de ses miracles. Il s'agit bien au contraire de ce que les gnostiques ont toujours
affirmé: le salut passe par les paroles de Jésus directement transmises dans ces révélations écrites, ainsi
que par les commentaires qui en sont donnés. Cela ne pouvait pas manquer de choquer Irénée.
Peu après le milieu du IVe siècle, Épiphane, évêque de Salamine, rédige un immense traité où l'on
retrouve la panoplie traditionnelle des invectives contre les hérésies. Il mentionne certains gnostiques
qui « mettent en avant un écrit tarabiscoté et racoleur, tas de fariboles qu'ils ont affublé d'un nom
prétendant que c'est un Evangile d'achèvement. En réalité il ne s'agit pas d'une bonne nouvelle, d'un «
Évangile », mais d'une catastrophe achevée... D'autres n'ont pas honte de citer un Évangile d'Ève. C'est
au nom de celle ci, supposée avoir trouvé « l'aliment de la connaissance » à partir d'une révélation que
lui aurait transmise son interlocuteur, le serpent, qu'ils se figurent avoir été produits... » (Panarion, 26,
2,5ss).
Ces deux références à des Évangiles gnostiques soulignent encore que ces textes ne visent pas à
expliquer la vie et l'oeuvre de Jésus, mais bien plutôt à promouvoir une réflexion du croyant gnostique
en vue de l'accomplissement, de « l'achèvement », du salut, qui se réalise par le biais de la révélation
gnostique. L'Évangile d'Ève renvoie à une lecture peu orthodoxe du texte biblique. Le serpent sert
d'initiateur à Ève, figure du croyant gnostique, qui, grâce à l'aliment qu'est l'initiation à la connaissance
gnostique, sera engendré de manière nouvelle.
Ces quelques références anciennes illustrent le fontionnement de ces groupes gnostiques. Le salut est
proposé sous forme de connaissance; accessible par le biais d'une révélation orale, parfois aussi
transmise par écrit, cette révélation consiste principalement en paroles attribuées au Sauveur, ou en
commentaires de ces paroles. Si on lit l'Épître de Ptolémée à Flora, on verra que la transmission de ces
connaissances suit des règles bien précises: il s'agit d'une transmission stricte des traditions remontant
au Sauveur (Épiphane, Pan., 31, 7,9). Les groupes gnostiques fonctionnent donc avec des sortes de
maîtres spirituels, entourés de disciples avides de progresser sur la voie de la connaissance. Au dire des
Pères de l'Église et à la lecture des textes gnostiques eux mêmes, on peut penser que ces groupes
pouvaient être situés dans les marges des communautés chrétiennes, à l'intérieur d'elles, ou à
l'extérieur. À part la caractéristique élitiste d'un accès au salut réservé à ceux qui utilisent leur
intelligence et leur culture, il devait être parfois difficile de distinguer un gnostique d'un fidèle chrétien
ordinaire.
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De nombreux textes gnostiques soulignent l'existence d'une relation fraternelle très chaleureuse entre
les membres du groupe d'adeptes. La relation directe avec un maître spirituel encourageait à gommer
les différences sociales; cela pouvait correspondre à ce que l'apôtre Paul disait des communautés
chrétiennes où « il n'y a plus ni juif ni grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme » (Ga 3,
28). Mais cette relation directe au Sauveur ressuscité, à travers les paroles du maître spirituel, pouvait
se passer d'une médiation de la hiérarchie ecclésiastique; cela a engendré des conflits avec la hiérarchie
ecclésiastique orthodoxe, soucieuse de faire respecter un minimum d'ordre dans les célébrations
liturgiques.
Mais il serait inexact de penser qu'on peut définir les gnostiques par un anti ritualisme. L'accès à la
connaissance passait aussi par une ritualisation précise, comme l'indiquent par exemple L'Évangile
selon Philippe ou L'Évangile des Égyptiens. Suivant les groupes, on trouvait soit une sorte de rite
d'initiation chrétienne, soit une critique des rites chrétiens, en particulier du baptême ou de la
pénitence.
Par ailleurs, les adeptes de groupes gnostiques étaient encouragés à mener un genre de vie ascétique.
Des textes comme L'Évangile selon Thomas, Le Livre de Thomas l'athlète, Les Enseignements de
Sylvain mériteraient de fýgurer dans les anthologies de textes spirituels. À la suite des positions des
Pères de l'Église, on a trop souvent pris les gnostiques pour des intellectuels méprisant le monde et leur
corps. L'Évangile selon Thomas est un bel exemple d'invitation à la découverte et à la maîtrise du
corps. Des textes comme le Traité tripartite, L'Apocryphe de 3rean, ou L'origine du monde
illustreraient encore d'autres facettes de ces milieux gnostiques, férus d'exégèse biblique, de théologie,
d'astronomie, de cosmologie, de recettes médicales, ou simplement de psychologie.
La gnose est aussi finalement une médecine de l'âme, une découverte qui passe par la connaissance de
soi même. C'est peut être tout ce qui fait son actualité encore aujourd'hui.
***
Texte de l’Evangile de Judas :
THE GOSPEL OF JUDAS
Translated by
Rodolphe Kasser, Marvin Meyer, and Gregor Wurst,
in collaboration with François Gaudard
From The Gospel of Judas
Edited by Rodolphe Kasser, Marvin Meyer, and Gregor Wurst
Published in book form complete with commentary by The National Geographic
Society. http://www9.nationalgeographic.com/lostgospel/_pdf/GospelofJudas.pdf
Copyright (c) 2006 by The National Geographic Society.
INTRODUCTION: INCIPIT
The secret account of the revelation that Jesus spoke in conversation with Judas Iscariot
during a week three days before he celebrated Passover.
He began to speak with them about the mysteries beyond the world and what would
take place at the end. Often he did not appear to his disciples as himself, but he was found
among them as a child.
SCENE 1: Jesus dialogues with his disciples: The prayer of thanksgiving or the eucharist
One day he was with his disciples in Judea, and he found them gathered together and
seated in pious observance. When he [approached] his disciples, [34] gathered together
and seated and offering a prayer of thanksgiving over the bread, [he] laughed.
The disciples said to [him], “Master, why are you laughing at [our] prayer of
thanksgiving? We have done what is right.”
He answered and said to them, “I am not laughing at you. <You> are not doing this
because of your own will but because it is through this that your god [will be] praised.”
They said, “Master, you are […] the son of our god.”
Jesus said to them, “How do you know me? Truly [I] say to you, no generation of the
people that are among you will know me.”
When [his] disciples heard this, they each were troubled in spirit. They could not say a
word.
Another day Jesus came up to [them]. They said to [him], “Master, we have seen you
in a [vision], for we have had great [dreams …] night […].”
[He said], “Why have [you … when] <you> have gone into hiding?” [38]
Jesus said, “It is impossible [44] to sow seed on [rock] and harvest its fruit. [This] is
also the way […] the [defiled] generation […] and corruptible Sophia […] the hand that
has created mortal people, so that their souls go up to the eternal realms above. [Truly] I
say to you, […] angel […] power will be able to see that […] these to whom […] holy
generations […].”
After Jesus said this, he departed.
JESUS TEACHES JUDAS ABOUT COSMOLOGY: THE SPIRIT AND THE SELF-
GENERATED
Jesus said, “[Come], that I may teach you about [secrets] no person [has] ever seen. For
there exists a great and boundless realm, whose extent no generation of angels has seen,
[in which] there is [a] great invisible [Spirit],
which no eye of an angel has ever seen,
no thought of the heart has ever comprehended,
and it was never called by any name.
“And a luminous cloud appeared there. He said, ‘Let an angel come into being as my
attendant.’
“A great angel, the enlightened divine Self-Generated, emerged from the cloud.
Because of him, four other angels came into being from another cloud, and they became
attendants for the angelic Self-Generated. The Self-Generated said, [48] ‘Let […] come
into being […],’ and it came into being […]. And he [created] the first luminary to reign
over him. He said, ‘Let angels come into being to serve [him],’ and myriads without
number came into being. He said, ‘[Let] an enlightened aeon come into being,’ and he
came into being. He created the second luminary [to] reign over him, together with
myriads of angels without number, to offer service. That is how he created the rest of the
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enlightened aeons. He made them reign over them, and he created for them myriads of
angels without number, to assist them.
JESUS DISCUSSES THE DESTRUCTION OF THE WICKED WITH JUDAS AND OTHERS
“[…] light [—nearly two lines missing—] around […] let […] spirit [that is] within you
dwell in this [flesh] among the generations of angels. But God caused knowledge to be
[given] to Adam and those with him, so that the kings of chaos and the underworld might
not lord it over them.”
Judas said to Jesus, “So what will those generations do?”
Jesus said, “Truly I say to you, for all of them the stars bring matters to completion.
When Saklas completes the span of time assigned for him, their first star will appear with
the generations, and they will finish what they said they would do. Then they will
fornicate in my name and slay their children [55] and they will […] and [—about six and
a half lines missing—] my name, and he will […] your star over the [thir]teenth aeon.”
After that Jesus [laughed].
[Judas said], “Master, [why are you laughing at us]?”
[Jesus] answered [and said], “I am not laughing [at you] but at the error of the stars,
because these six stars wander about with these five combatants, and they all will be
destroyed along with their creatures.”