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De l’égalité des races humaines d’Anténor Firmin, une œuvre presqu’oubliée du monde

littéraire haïtien

Parue pour la première fois en France en 1885, puis rééditée à Port-au-Prince par les éditions
Fardin en 1985, « De l’égalité des races humaines » est un essai d’anthropologie positive de
Joseph Auguste Anténor Firmin plus connu sur le nom d’Anténor Firmin. Ce dernier, après
avoir intégré la société d’anthropologie de Paris sous le parrainage de son ami Louis Joseph
Janvier, avait lu de « L’inégalité des races humaines », l’ouvrage de Joseph Arthur de
Gobineau, un blanc français raciste qui était lui aussi membre de ladite société. Gobineau,
dans son essai, montrait que la race blanche était nettement supérieure aux autres races, et
pour lui inférieure de toutes les races c’était alors la race noire.

Il écrit en ces termes en ce qui concerne la race noire : « La variété mélanienne [à pigment
de peau foncée] est la plus humble et gît au bas de l’échelle. Le caractère d’animalité
empreint dans la forme de son bassin lui impose sa destinée, dès l’instant de la conception.
Elle ne sortira jamais du cercle intellectuel le plus restreint. Ce n’est cependant pas une
brute pure et simple, que ce nègre à front étroit et fuyant, qui porte, dans la partie moyenne
de son crâne, les indices de certaines énergies grossièrement puissantes. Si ces facultés
pensantes sont médiocres ou même nulles, il possède dans le désir, et par suite dans la
volonté, une intensité souvent terrible ». Ses considérations sur la race noire, pour signifier
son infériorité, comme on peut le remarquer, se font sur le paraitre, misant surtout la
coloration de la peau, le volume de la boite crânienne.

Pour apporter un démenti formel à la thèse de Gobineau qui préconisait une hiérarchisation
entre les races humaines, une doctrine selon laquelle il existerait des races inférieures et
supérieures, Firmin s’est vite mis au travail afin de contrer ces théories racistes en vigueur de
l’époque, en rédigeant une thèse contraire " De l'Égalité des races humaines ", de 665 pages
réparties en une vingtaine de chapitres.

Cet essai volumineux de Firmin, il faut le souligner, tient d’abord de la littérature car il y
rappelle les performances et les recommandations des grands maîtres de l’écriture. Il tient
ensuite de la polémique en ce sens que l’auteur y fait l’apologie de la race et prend avec
véhémence le contrepied des thèses racistes en cours au dix-neuvième siècle. Il les a réfutées
avec courage notamment celle de Gobineau.
Ce livre forme une totalité ouverte sur un vaste champ du savoir.

Dans les différentes lignes peintes par l'auteur, il dénonce les discours infondés prétendant
expliquer la répartition inégale des races humaines basant sur l’espace géographique, le
volume de la boîte crânienne, la texture de la chevelure et la coloration de la peau. Aucun de
ces éléments, pour lui, n’autorise la classification des races. Il écrit : « L'étude de l'indice
général de la tête osseuse, faite au moyen du craniophore, ne donne pas une mesure de
nature à mieux consolider les classification des races, telles qu'on est habitué à se le
présenter. Par le même instrument, on peut encore déterminer le degré d'inclination du front.
Le résultat en est que lorsqu'on parle du [front déprimé du nègre] on commet une erreur qui,
involontaire ou entretenue par d'anciens préjugés, prend les proportions d'une grosse
bêtise ».
Firmin avance avec certitude et ceci en présentant de solides arguments, qu’aucune race
n’est inférieure ou supérieure par rapport à une autre. Il souligne que « Les races sont égales,
elles sont toutes capables de s'élever aux plus nobles vertus, au plus haut développement
intellectuel, comme de tomber dans la plus complète dégénération ». Il s'ensuit que l’égalité
des races s’explique et se prouve en ce sens que toute espèce humaine est composée
d’atomes, de cellules et d’un système pour la faire fonctionner.
Firmin encourage dans son essai toutes les races, n’importe où elles se trouvent et se
gouvernent dans l’univers, doivent rompre avec tous les usages arbitraires, les mépris
systématiques des lois et de la liberté, le déclin des formes légales et de la justice distributive.
« Puisse donc ce livre contribuer à répandre la lumière dans les esprits et rappeler tous les
hommes au sentiment de la justice et de la réalité », a-t-il écrit.
Firmin en a profité pour faire l'éloge de la glorieuse histoire d’Haïti pour étayer sa thèse, tout
en confiant à cette petite république noire des Antilles dont la mission est noble et sacrée,
quelques lignes dans son fabuleux texte. 
Il s’exprime ainsi : « En Haïti comme ailleurs, il faut à la race noire la liberté, une liberté
réelle, effective, civile et politique, pour qu’elle s’épanouisse et progresse. Si l’esclavage lui
fait horreur, horrible aussi doit lui paraître le despotisme… » Cet essai de Firmin tient d’une
gloire honorable, ce qui lui a permis d’être au rang des grands intellectuels de son temps.

Cet ouvrage, après avoir été publié, a fait valoir aux yeux de ceux qui traitent le noir
d’inferieur, sa capacité intellectuelle, ses passions pour la science. Firmin a combattu avec
bravoure l’état de la colonisation et du traitement inhumain du noir. Notons que ce livre a fait
de Firmin un universaliste. Car il a inspiré plusieurs grands auteurs notamment ceux de la
négritude dont Frantz Fanon, Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, pour ne citer que ceux-
là, dans leurs luttes contre le racisme et le colonialisme.

Wooselande ISNARDIN

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