Vous êtes sur la page 1sur 8

Giuseppe Vena Parcours ECCA

Fanon avec Stoler? Deux manieres complementaires d’envisager les relations


sexuelles à l’age du colonialisme

Table des matieres

1. Introduction : est-elle possible une comparaison entre les deux ?


2. Les deux chapitres dans « Peau noire, masques blancs »
3. « L’empire de la chair » et le lien colonial entre race et sexe
4. Conclusion

Introduction : est-elle possible une comparaison entre les deux auteurs ?

Avec le progrès des études postcoloniaux dans les années récentes, la question du lien entre
racisme et sexisme dans le contexte coloniale est devenue une source majeure d’intérêt pour les
chercheurs. On pourrait nommer une vaste littérature féministe qui a essayé de lire de façon plus
avertie de ce point de vue un ouvrage classique comme Peau noire, masques blancs de Frantz
Fanon1. Notre propos dans ce travail sera diffèrent : plutôt qu’enquêter les biais de l’approche de
Fanon à la question, le but serait de mettre en relation son analyse en termes psychanalytiques et
phénoménologiques du rapport entre le genre et la race avec l’enquête généalogique développée
dans La chair de l’empire par l’anthropologue Ann Laura Stoler. Au premier regard ces deux
auteurs semblent assez éloignés du point de vue méthodologique mais surtout par rapport au
contexte des analyses : les Antilles françaises à l’époque de Fanon ne rentrent pas dans la liste des
archives coloniaux examinés par Stoler, qui au contraire se penche surtout sur les Indes. Avant de
tout rapprochement, il faut donc d’abord prendre conscience de la distance qui sépare les deux
livres, mais rien nous oblige de s’arrêter là. En effet, tout en étant conscient de l’impossibilité d’un
rapprochement mot à mot de Stoler et Fanon, on pourrait commencer à penser l’un avec l’autre, à
intégrer les deux chapitres de Fanon -La femme de couleur et le Blanc et L’homme de couleur et la
Blanche- à l’analyse historique très ponctuelle des pratiques censées règlementer les unions entre
races aux colonies.

1
Voir Gwen Bergner, « Who is that Masked Woman ? Or, the Role of Gender in Fanon’Black skin, White masks  » ou
« A Woman’s Place. Cross-Sexual Perceptions in Race Relations : the case of Mayotte Capecia and Abdoulaye Sadji »
D’un coté la psychanalyse et les fictions romanesque que Fanon s’engage à critiquer en
profondeur, de l’autre les données historiques qui nous permettent de reconnaitre les dispositifs
de savoir-pouvoir à la base de la double domination. Même s’il s’agit bien évidemment d’un
partage plus complexe que celui qui veut le regard de Stoler extérieur et celui de Fanon
« intérieur », c’est évident combien le regard sur les unions sexuelles mixtes change d’une analyse
à l’autre. Il faut donc commencer la lecture avec une certaine prudence méthodologique, sans la
prétention de corriger un parcours théorique avec l’autre ou celle d’aller voir quelle est la
meilleure façon de mener une critique. Au même temps on espère de faire mieux ressortir des
structures de pouvoir racialisant communes, en profitant de ce que l’approche de Fanon peut
ajouter à la recherche de Stoler, et vice-versa. C’est en effet une des caractéristiques principales
de la Philosophie Critique de la Race celle de s’emparer d’un certain éclectisme théorique, qui
peut souvent produire des résultats féconds à partir des rapprochements qu’on pourrait qualifier
comme peu orthodoxes. Dans la préface à l’edition française du livre d’Ann Stoler, le sociologue
Éric Fassin dresse une première confrontation entre les deux travails :

Toutefois, la perspective était bien différente : en les étudiant dans leur relation, le psychiatre martiniquais
s’attachait surtout à montrer comment les unions mixtes, condamnées (ou presque) à la «  mauvaise foi »
sartrienne, étaient le révélateur du racisme colonial. En revanche, pour Ann Stoler, la race ne fait pas obstacle
à une relation sexuelle « authentique » ; au contraire, à travers les lignes de la couleur, ou dans le périmètre
blanc, le sexe constitue la race. La vérité du sexe est bien politique : loin de les transcender, il dit les
frontières raciales, en même temps qu’il les faits (et les défait). 2

Les deux chapitres de Peau noire, masques blancs sur la question de genre

L’analyse qui se déroule dans ces deux chapitres au titre speculaire que l’on a nommé auparavant
revête une grande importance dans l’ouvrage et se pose comme une sorte d’introduction aux
chapitres suivantes. D’abord, il faut souligner la nécessité de conduire deux discours séparés :
l’attitude de la Noire envers le Blanc n’est pas exactement la même de celle du Noir envers la
Blanche. Les critiques ont souligné plusieurs fois le changement de Fanon entre le roman de
Mayotte Capecia (sans revenir sur la complexe histoire editoriale du temoignage 3) et celui de René
Maran, Un homme pareil aux autres. Tout en gardant un jugement decisement negatif des deux
ouvrages, l’analyse du personnage quasi autobiographique decrit par René Maran met toujours en
evidence une certaine complexité psychologique du complexe de jean Veneuse, alors que la
question de la negresse est souvent traitée de manière assez superficielle. Dans le chapitre sur la
femme de couleur, c’est le complexe de lactification, le besoin de se blanchir à etre au centre du

2
Eric Fassin, preface à L’empire de la chair, La decouverte, p.15
3
Voir Christiane P. Makward, Mayotte Capécia, ou l’aliénation selon Fanon, Paris, Karthala, 1999
discours de Fanon, qui ne se soucie pas trop de toute une serie des raisons socio-economiques qui
peuvent expliquer l’interet d’une martiniquaise pour un officiel petainiste. « Elles aussi peut-être
s'apercevront un jour « que les Blancs n'épousent pas une femme noire ». Mais ce risque, elles ont
accepté de le courir, ce qu'il leur faut, c'est de la blancheur à tout prix 4». Etrange manière de
sauver la race, pas à travers la tradition mais plutôt par l’acquisition progressive de la blancheur,
en rejetant donc toute proposition amoreuse qui viendrait d’un homme noir, en s’enfermant dans
une apparement paradoxale negrophobie. Le cas du metissage est sous ce regard emblematique :

D'abord il y a la négresse et la mulâtresse. La première n'a qu'une possibilité et un souci : blanchir. La


deuxième non seulement veut blanchir, mais éviter de régresser. Qu'y a-t-il de plus illogique, en effet, qu'une
mulâtresse qui épouse un Noir ? Car, il faut le comprendre une fois pour toutes, il s'agit de sauver la race. 5

Celui du concubinage semble en effet etre, dans le cadre de l’analyse de Fanon, le seul moyen
dont une femme dispose pour ameliorer sa situation, tandis qu’au contraire si on analyse le recit
de Maran on voit que son personnage peut s’approcher au status desiré à travers l’acquisition
d’une grande culture et un travail au rang d’un blanc. Cependant ce qui lui reste nécessaire et qui
se cache derrière ses relations morbides avec des femmes blanches, c’est la sanction blanche.
C’est pour ça que la femme vraiment objet de son désir, Andrée Marielle, est en réalité la fille d’un
poète. « Mais voilà, ce nègre, qui par son intelligence et son travail assidu s'est élevé à la réflexion
et à la culture de l'Europe, est incapable de s'évader de sa race » commente durement Fanon.
Après une premiere lecture, on peut sans efforce constater que l’analyse du roman de Maran
semble s’integrer à la perfection avec les autres chapitres, où en effet n’est jamais question que du
Noir et du Blanc. Comme le fait remarquer Bergner dans son article, la femme, soit blanche soit
noire, est toujours prise au milieu du rapport homosociale entre des hommes blancs et des
hommes noirs. Il est significatif de ce point de vue que dans le chapitre de Capécia la question du
choix entre le blanc (dont Fanon souligne plusieurs fois la foi pétainiste) et le noir est au centre du
discours, alors que l’histoire racontée par Maran élide la présence des femmes noires tendant à
mettre même les femmes blanches au rang des outils fonctionnels à la découverte de l’intériorité
de Veneuse. Par la comparaison des deux chapitres on voit alors que « the difference between
Capécia et Veneuse lies not in their valuation of whiteness but in their claim to whiteness 6» au
sens où le mimetisme de la femme de couleur se met en place seulement sous la forme du desir
de l’union avec le Blanc. En effet, lorsqu’il s’agit de Veneuse, Fanon souligne : « Il faut que ce
mythe sexuel — recherche de la chair blanche — ne vienne plus, transité par des consciences

4
Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, p.39
5
Ibidem, p. 44
6
Bergner, p. 84
aliénées, gêner une compréhension active7 », en impliquant donc que la névrose d’abandonnique
dont Veneuse est un exemple ne témoignerait pas d’un général complexe d’infériorité naturel qui
concernerait tout homme noir. Au contraire en lisant de Nini et de Mayotte, on a parfois
l’impression, en dépit de toute démenti fanonienne, comme le souligne Chow dans son
commentaire, que les femmes se conduisent toutes de la même manière 8 et que pour Fanon soit
beaucoup plus facile de prouver de l’empatie pour Veneuse que pour Mayotte. Dans son essai,
Bergner essaie de donner ampleur à la perspective de Fanon, en analysant la valeur symbolique
des échanges sexuelles coloniales.

If women function as commodities mediating social and symbolic relationships among men, then colonialism may be
contested largely through the ability of black men and white men to control the exchange of "their" women. For
example, white men succeed in colonizing black men to the extent that they are not subject to black men's dictates re
garding "their" (black men's) women (i.e., black women).

Au-delà du debat sur l’androcentrisme de l’auteur, ce qui nous intéresse ici c’est de relever que la
condition féminine aux colonies se caractérise par une double production. Dans son article sur la
revue Lo sguardo di Calibano Viola Carofalo est trés claire sur cette question: «Se il Nero è
prodotto dal Bianco, la Donna Nera lo è doppiamente. Proprio come la razza anche il corpo
sessuato è infatti l’effetto di una relazione di potere, è forgiato a misura di questo rapporto di
forza9». C’est pour cette raison que l’on ne saurait s’arreter à la considération de Fanon selon
laquelle « l’amour authentique demeure impossible tant que ne seront pas expulsés ce sentiment
d’infériorité ou cette exaltation adlérienne, cette surcompensation, qui semblent être l’indicatif de
la Weltanschauung noire 10». L’intersection entre la domination de genre et celle de race doit alors
être comprise à la lumière des pratiques historiques qui réglementaient les rapports entre
colonisateurs et colonisés selon une stricte logique de pouvoir.

L’empire de la chair et le lien colonial entre genre et race

L’historienne americaine Ann Laura Stoler dans son livre L’empire de la chair. Savoirs intimes et
pouvoirs raciaux en régime colonial a essayé de fournir une lecture foucaldienne de la question de
la domination coloniale. Sa méthode de recherche se réclame de façon explicite de la généalogie
et de la critique au sens de Michel Foucault : le but de son livre c’est d’aller voir dans les archives
des grands empires hollandais et français quels dispositifs de pouvoir ont été mis en place afin
7
Fanon, p. 66
8
Cfr. R. Chow, Il sogno di Butterfly. Costellazioni postcoloniali, Meltemi, Roma 2004, p. 65.
9
Viola Carofalo, IL PERSONALE È POLITICO? PROCESSO DI AUTOCOLONIZZAZIONE E RAPPORTO TRA I GENERI IN
FRANTZ FANON. «Si le Noir est produit par le Blanc, la Femme Noire l’est doublement. De meme que la race, le corps
sexué est l’effet d’une relation de pouvoir, il est forgé à mesure de ce rapport de force » (traduit par moi)
10
Fanon, p. 33-34
d’assurer la domination coloniale sans pour autant interdire les liens sexuels entre les races. Le
focus principal est alors l’univers des pratiques interdites mais aussi bien celui des pratiques
encouragées par les colons, qui entrecroisent entre eux domination masculine et domination
blanche. Déjà dans l’introduction, lorsqu’il s’agit d’analyser l’injonction du fonctionnaire français
Georges Hardy à la vigilance raciale 11, Stoler avance l’hypothèse d’une crainte blanche consciente
de la réalité des rapports sexuels entre blancs et noires, qui montre donc comme l’endogamie
blanche était « un geste réactif, un espace d’intervention contesté, une politique strategiquement
planifiée et une invention relativement tardive 12». Il n’y a pas donc une vérité a-temporale du
rapport colonisateur-colonisé, une façon de s’imaginer le premier contact quasi-mythique qui
serait commune à tout contexte raciale. C’est pour ça évidemment que dans la recherche
stolerienne on ne pourrait pas employer les termes de Blanc et Noire avec la lettre majuscule.
Peut-on croire vraiment que le pouvoir colonial ne se fonde que sur la répression et les interdits ?
Si on analyse ce genre de gouvernamentalité sexuelle sans s’appuyer sur des concepts préalables
issus de la lecture traditionnelle, on découvre alors une nouvelle rationalité derrière l’ambivalence
des unions interraciales. Le point de départ du travail de Stoler est en fait une « aphasie
profonde » sur la question de la règlementation des rapports interraciaux, surtout du côté de
l’ethnographie et de l’historiographie. A quel point de la domination la question du métissage, par
exemple, devient-elle centrale dans les débats des pays colonisateurs ? Quel est le rôle de toute
une série de précautions et des conseils donnés aux colons à propos de leur vie privé ? « En effet,
les catégories de colonisateur et de colonisé étaient sécurisées par des formes de contrôle sexuel
qui définissaient les arrangements domestiques des Européens et les investissements culturels par
lesquels ils s’identifiaient comme tels 13». Pendant toute l’ouvrage elle souligne en effet le fait
qu’on n’a pas affaire, en traitant de la question du concubinage, à un simple symbole de la réalité
colonial. Le sexe au contraire est bien au centre du développement de la structure de pouvoir de
l’empire colonial, donc faire l’histoire de ce genre des pratiques signifie aller au cœur de la
fabrication raciale aux colonies. Tout en rappelant les analyses de Saïd, Stoler prévient le lecteur
de faire attention au « glissement analytique entre symboles sexuels du pouvoir et politique de la
sexualité14». Les différentes manières d’aborder le sujet au passé n’ont pas toujours tenu compte
de cette incorporation raciale de la sexualité, qui était à la base du critère d’établissement des
frontières entre la communauté européenne et celle native. Plutôt que de se remettre à des
11
« L’homme reste homme tant qu’il est sous le regard d’une femme de sa race », cité à p.19
12
Ann Laura Stoler, La chair de l’empire, La Decouverte 2013, p.20
13
Ibidem, p.70
14
Ibidem, p.73
considérations d’ordre général sur la possibilité ou l’impossibilité de l’amour authentique entre
colonisés et colonisateurs, Stoler, pour en dire une, donne importance aux raisons historiques qui
ont causé le passage de la prostitution au concubinage et s’efforce de comprendre le sens
plurivoque de ce dernier terme dans les différents contextes étudiés. Elle parle ainsi d’une
« tension entre le concubinage comme confirmation de la hiérarchie et le concubinage comme
compromis menaçant15» qui mène ensuite les autorités locales à mettre en place des sanctions
plus dures. Lorsqu’elle aborde la question du déclin du concubinage, souvent attribué à
l’intensification de la présence des femmes européens aux colonies, Stoler renverse la façon la
plus commune d’envisager ce phénomène, en soutenant que « si les femmes blanches furent à
l’origine du déclin, elles l’ont été comme participantes à un projet politique et à un réajustement
racial de plus grande ampleur16». Son regard d’historienne et de généalogiste nous emmène
encore une fois à aller au-delà d’une série de tendances qui pourront apparaitre universelles dans
le rapport de domination aux colonies : la naissance d’une théorie clinique sur la dégénérescence
psychophysique du colon, à laquelle on ne pourrait remédier que par le retour à la civilisation,
mais aussitôt le rappel constant et instrumentale à une idéale moralité européenne ne sont que
des exemples de phénomènes à saisir dans un contexte plus large, sans pour autant ceder à la
tentation d’une explication univoque.

La chronologie varie en fonction des contextes, mais on peut observer un parallélisme évident dans
l’évolution de la moralité sexuelle et dans celle des stratégies de gouvernement. On a condamné le
concubinage au moment même ou l’on a accentué la standardisation de l’administration européenne. 17 

Cette gouvernamentalité nouvelle se déploie pleinement à travers l’institution d’un nouveau


savoir de type médicale qui est censé protéger la santé physique du colon en lui interdisant des
aventures sexuelles avec les indigènes et en créant une sorte de cordon sanitaire autour de la
famille européenne. Le cas du métissage en particulier, souligne Stoler dans son œuvre, peut être
lu aisément comme une « métonymie de la biopolitique impériale 18» parce qu’il essaie d’imprimer
une direction univoque à une multiplicité de dimensions de la vie humaine, afin de garder ces
« liens invisibles » qui forment une communauté étatique selon le philosophe allemand Fichte et
selon l’idéologie nationaliste du début du vingtième siècle. Ce n’est pas très difficile de relever
dans ces débats une tension originaire de l’emprise coloniale : « la tension entre une forme
d’autorité fondée simultanément sur l’incorporation et la mise à distance 19», qui se manifeste

15
Ibidem, p.82
16
Ibidem, p.90
17
Ibidem, p.116
18
Ibidem, p. 121
19
Ibidem, p. 126
souvent dans la décision des peres d’abandonner les métis. A côté de la construction et diffusion
nombreuse d’orphelinats afin de gérer le problème, on peut raviser le noyau des contradictions au
sein du statut que ces enfants allaient obtenir : la question qu’on se pose est alors « est-ce que les
métis devaient constituer une catégorie juridique spécifique soumise à une éducation particulière,
ou fallait-il les assimiler à la culture française pour atténuer la menace qu’ils représentaient ? 20».
Stoler cite le cas de l’examen de frenchness pour toute personne née de parents inconnus sur
territoire français ou revendiquant un parent français : ce qu’il fallait c’était non seulement
l’aspect physique suite à un examen medico-legale, mais aussi le fait qu’il porte un nom français, a
vécu dans un milieu européen et tous le considèrent de descendance française.

Conclusion

Il y a bien sur une dette de toute une serie de rechercheurs dans ce milieu envers l’oeuvre de
Frantz Fanon, et on ne se trompe pas en disant que ce discours vaut aussi pour Ann Stoler. Au-delà
des lectures possibles de ces deux controverses chapitres dans Peau noire, masques blancs, Fanon
doit etre reconnu comme un des premiers à envisager la question raciale à travers le prisme du
genre sexuel. Certes, il l’a fait sans vraiment donner à la question la centralité qu’elle meritait et
tombant dans des equivoques remarquables. Il nous faut toutefois avouer que pour Fanon il ne
s’agit jamais de nous offrir des symboles de la domination raciale tout court. Ce sont au contraire
des modalités d’oppression qu’il a interet à enqueter dans leur specificité, en prenant au serieux
l’idée d’une psychopatologie negre mais ayant pour but de denaturaliser le complexe d’inferiorité.
Dans sa polemique avec Octave Mannoni, auteur d’une Psychologie de la colonisation où il semble
dessiner le portrait d’un complexe de dependance naturel dans la mentalité noire, Fanon est très
clair : il n’y a rien qui soit naturel dans cette inferiorité ressentie par le Noir.

S'il se trouve à ce point submergé par le désir d'être blanc, c'est qu'il vit dans une société
qui rend possible son complexe d'infériorité, dans une société qui tire sa consistance du
maintien de ce complexe, dans une société qui affirme la supériorité d'une race; c'est dans
l'exacte mesure où cette société lui fait des difficultés, qu'il se trouve placé dans une
situation névrotique.
Bien que Stoler prefere se reclamer d’autres penseurs et d’autres methodologies dans sa
recherche, Fanon reste un classique dans cette tradition et il est quand-meme difficile de nier son
influence. L’analyse de Stoler se developpe autour des auteurs europeens de la colonisation, en
nous donnant une vue opposée par rapport à celle de Fanon. D’abord il est important de ne pas
pretendre à une explication exhaustive, qui expliquerait au meme temps le dedans et le dehors du
20
Ibidem, p. 135
phenomene, son essence et son historicité. Ce qu’on apprend d’une comparaison improbable c’est
plutôt une certaine flexibilité conceptuelle, arriver à comprendre qu’il n’y a presque jamais une
seule manière correcte de traiter le phenomene. Ecc. Continua questa idea

Vedi libri alla BSG foto sul telefono

Vous aimerez peut-être aussi