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Rapport de la conférence "Conséquences de la crise


financière"

Premier panel : " Une meilleure gouvernance pour le marché


financier "
modéré par Heide Rühle, députée européenne (Verts)

Introduction de Pierre Jonckheer, député européen, Vice-président du Groupe


des Verts/ALE

Va-t-on vers des réformes en profondeur, à la fois de l'organisation des marchés


financiers et des orientations des politiques économiques et sociales ? Durant cette
législature, les Verts et d'autres au Parlement européen se sont heurtés à la
Commission Barroso qui avait comme slogan "moins légiférer pour mieux gouverner".
Ce n'est pas le moindre des paradoxes que ce soit la Commission qui soit désormais
en charge de formuler de nouvelles propositions de réglementation notamment sur les
agences de notation et la fiscalité de l'épargne. La stratégie de Lisbonne de 2008 a été
dévoyée au profit d'un agenda de libéralisation et de dérégulation. Aujourd'hui l'attitude
qui prévaut face à la crise financière est celle d'un Etat comme acteur passif. Quant au
discours de l'Eurogroupe, sur la politique économique, il reste celui de " business as
usual "

Deux remarques :

- Il ne faut pas sous-estimer la perte de légitimité d'une série d'acteurs qui ont prôné la
"self régulation" et qui sont toujours aux commandes ; une vraie confrontation devrait
s'ouvrir entre les autorités publiques et les opérateurs de marché. - Cette crise est aussi
celle d'un modèle de compétitivité économique et de développement. En France et en
Italie, 7,5 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté économique. Le
surendettement des ménages américains est lié à la politique des salaires aux
Etats-Unis et de façon plus générale à la croissance de l'inégalité et de la précarité.
Pour les écologistes, la crise est une opportunité pour réorienter les investissements
publics et privés afin d'assurer un mode de vie plus durable et plus équitable pour tous.
Deux questions :

- Quelle politique économique alternative pour soutenir l'activité et la relance, et


comment la finance t'on ? - Quelles compétences pour l'Union européenne ? La crise
est une opportunité pour se poser la question ; de fait l'UE s'est développée à l'occasion
des crises successives.

Christian Chavagneux, rédacteur en chef - adjoint d' " Alternatives économiques "

Quelle régulation pour la finance ? Pourquoi réguler la finance internationale ? Parce


qu'elle a pris une place disproportionnée, tant dans les économies nationales qu'au
niveau international, par rapport aux activités de production. Ce secteur représente 5
fois la richesse produite aux Etats-Unis et 7 fois la richesse produite en
Grande-Bretagne. Cette dernière constitue un acteur clef car le premier marché
financier du monde est la City de Londres, avant Wall Street. La finance dérape et c'est
l'économie réelle qui s'effondre. Une bataille politique est déjà engagée pour réformer
ce système.

10 chantiers de régulation sont ouverts ; ils consistent en :

• une politique monétaire préventive,


• un meilleur contrôle des risques,
• un encadrement des marchés de produits dérivés,
• la suppression des paradis fiscaux,
• un encadrement des rémunérations,
• une réforme des agences de notation,
• une modification des normes comptables,
• une régulation des fonds spéculatifs,
• la surveillance des liquidités des banques,
• une nouvelle gouvernance financière mondiale.

Les 4 premiers chantiers sont les plus importants : # Une politique monétaire préventive
Peut-on éviter les crises ? Les plus graves sont celles qui impliquent le système
bancaire, car le crédit est malade, et l'économie suit. De façon préventive, il faut
surveiller la distribution des crédits par les banques (prévenir les distributions
excessives, en augmentant le coût pour les banques de la distribution de crédits). Il faut
également contraindre les banques à mettre à mettre un capital supplémentaire de
côté, ou à mettre une réserve obligatoire à la Banque centrale.

# Un meilleur contrôle interne des banques Il y a des problèmes d'organisation interne


des pouvoirs, des problèmes de rapport de force politique dans les banques. La
gouvernance y est défectueuse (exemple d'UBS en Suisse). Les modèles techniques
de gestion sont inadaptés, ils appartiennent au passé. Le rapport de Gerald Corrigan
d'août 2008, préconise d'aller beaucoup plus loin dans la régulation : un bon contrôle
est un contrôle qualitatif. Il faut des contrôleurs internes, disposer d'un état des risques
en tant réel. Les décisions importantes doivent être prises au sein des Conseil
d'Administration, car se sont des décisions politiques et non techniques.

# Un encadrement des marchés de produits dérivés Ils représentent 600 000 milliards.
Il existe un marché organisé et un marché de gré à gré ; il faut supprimer ce dernier car
trop complexe et opaque pour les régulateurs et pour les acteurs privés.

# La suppression des paradis fiscaux Essentiel. Si les paradis fiscaux demeurent, les
autres mesures ne servent à rien. Ce sont des zones de sous ou de non régulation, qui
représentent un manque à gagner fiscal. Des mesures peuvent être prises au niveau
national. Le reporting pays par pays pour les multinationales assurerait la transparence
des activités et permettrait de pointer du doigt les problèmes.

Pervenche Berès, députée européenne (PSE), Présidente de la commission


économique et monétaire du Parlement européen

Cette crise est un enjeu majeur de la prochaine campagne électorale. La bataille pour la
régulation en est le principal objectif.

Deux débats : # Si on veut que la finance " revienne dans son lit ", c'est-à-dire qu'elle
finance l'économie réelle, il va falloir investir pour mettre des " gendarmes " dans les
banques et cela à un coût. # Concernant le "Paquet Union économique et monétaire" :
la Banque centrale va voir son rôle accru en matière de supervision. Pas de gendarme
européen si la Banque centrale n'est pas impliquée.

Que faire sur le plan institutionnel ? Actuellement c'est le marché financier qui a un
impact sur la politique économique et cela n'est pas normal. A l'instar des compétences
transversales de la commission économique et monétaire du Parlement européen, la
Commission européenne devrait renouveler son organisation interne. Il s'agit d'avoir
une approche plus intégrée de la politique économique et des marchés financiers. La
Commission n'a pas de vision globale, elle reste cantonnée dans des carcans. Depuis
2002, de nombreuses demandes ont été formulées par le Parlement européen
concernant la supervision, rémunération, les normes comptables etc.

Que faire demain ? # Les règles : Il faut ajouter, aux 4 chantiers incontournables de C.
Chavagneux le chantier des rémunérations des professions financières, qui constitue
avec celui des paradis fiscaux l'enjeu essentiel. # L'application des règles : en terme
macroéconomique, l'investissement est quasi inexistant, mais la commande publique
peut relancer intelligemment l'économie. Il faut un plan de relance européen coordonné,
car les pays ne pourront s'en sortir seuls.

Eric De Keuleneer, Professeur à l'Université Libre de Bruxelles et Directeur du


CREDIBE

La finance pilote une bonne partie de l'agenda international, du fait de la perméabilité


existant entre le secteur de la finance et le secteur politique, notamment aux USA. La
finance transmet la richesse mais ne la crée pas. Les rémunérations au bonus ont
contaminé l'économie ; l'éthique de l'économie de marché a été émoussée par ces
politiques de bonus. La sphère financière pèse fortement sur les décisions politiques
aux Etats-Unis. A l'OMC, les Etats-Unis font toujours pression pour que les pays
émergeants ouvrent leurs marchés pour les bienfaits des marchés financiers. Il sera
impossible de faire avancer la cause de la régulation, si on ne voit dans celle-ci que le
contrôle par des bureaucrates. La régulation c'est autre chose, comme l'avait montré
l'Administration américaine de Roosevelt, dans les années 30, en mettant en œuvre
d'excellents principes. Si la proposition européenne consiste à mettre en place des
contrôleurs, nous faisons fausse route.

Quelques propositions : # Revenir à une fonction plus simple de la banque, avec des
banques ayant chacune des fonctions dissociées. En effet, les fonctions de crédit,
d'investissement, de dépôt, d'assurance sont incompatibles entre elles. # Progresser
sur la gouvernance des banques en responsabilisant les Conseil d'Administration. #
Créer un fonds d'intervention qui prendrait les premiers risques financiers (à la place
des pouvoirs publics), un fonds de risques systémiques, financé par une taxe sur
certaines activités bancaires - une taxe Tobin revisitée. Il serait contre-productif de
vouloir réformer les agences de rating car elles ont trop de pouvoir. # Revenir à une
taxe carbone qui peut tirer les enseignements de l'année 2008. Le prix élevé du pétrole
cette année montre que les USA peuvent fonctionner avec un pétrole à 100 $ le baril et
qu'on peut rassembler 400 milliards de dollars par an, pour financer la sécurité sociale
et investir dans l'environnement.

Sven Giegold , Economiste et co-fondateur d'Attac Allemagne

Dans le monde globalisé, les règles sont restées nationales. Le problème n'est pas
celui de la transparence, mais d'une régulation adéquate. La question clé est celle de la
réglementation. On assiste à une véritable perversion du principe de concurrence, cette
erreur structurelle s'applique aux questions fiscales et sociales. S'ajoute à cela les
orientations idéologiques qui apprécient le fait qu'il y ait le minimum de régulation. Mais
les marchés financiers ne peuvent fonctionner correctement avec leurs propres forces.
Quelle règlementation bancaire est souhaitable ? Il faut exclure toute possibilité de
refuge, toutes les banques doivent avoir un minimum de capital propre, avec un taux
unitaire partout. Les Verts doivent formuler une vision plus vaste et soutenir : # Une
sorte de TVA sur les transactions financières pour éviter de trop fortes fluctuations des
taux de change, pour réglementer le marché des devises. # Le rééquilibrage du rapport
de force entre les détenteurs des capitaux, les entreprises et les salariés, pour la prise
de décision. Les salariés doivent avoir un droit de veto, sur la base de règles
démocratiques. # L'utilisation de l'article 58 du Traité CE pour interdire les échanges
avec les paradis fiscaux. # L'implication de l'ONU dans le règlement de la crise ; il ne
faut pas laisser le règlement de la crise aux mains du G20 ou du FMI.

Deuxième panel : Crise financière, écologique et social : l'heure d'un


" Green New Deal " est arrivée
modéré par Caroline Lucas, députée européenne (Verts)

Introduction de Caroline Lucas

Nous voulons un changement structurel, modifier la fiscalité, investir dans les


renouvelables, ce qui va créer des emplois verts. C'est au moment d'une crise
économique qu'il faut investir dans le secteur de l'écologie. Les médias ne parlent que
des aspects chiffrés de la crise, mais nous perdons de vue le capital naturel. Le
problème du resserrement des crédits est réel mais il faut le placer dans le cadre de la
crise écologique.

Jean Pisani-Ferry, Professeur d'Economie à l'Université Paris Dauphine et


Directeur de Bruegel (Brussels European and Global Economy Laboratory)

Qu'est ce qui est urgent, qu'est-ce qui est important ? Quelle sera l'ampleur de la
récession ? Quelles seront les nouvelles contraintes financières ? Nous sommes dans
une situation keysienne typique. Il faut donc utiliser la politique fiscale et la politique
monétaire. Comment ? Les Etats doivent acheter la marge de manœuvre dont ils ont
besoin, avec une réforme pour que les finances publiques soient plus durables. Il faut
envisager les choses différemment sur le court terme -mesures d'urgence- et le long
terme - plan à moyen terme-. La situation est loin d'être simple, mais il ne faut pas
tarder à mettre en oeuvre les mesures nécessaires au risque de la compliquer
davantage. L'autarcie financière n'est pas la solution. Elle aurait un effet déflationniste
et demanderait un ajustement qui serait coûteux.

Béla Galgoczi, chercheur à ETUI-REHS (European Trade Union Institute for


Research, Education, Health And Safety)

Un élément central dans cette crise : la durabilité. Comment mieux gérer le marché
financier, comment inciter les banques à revenir à leur métier de base. Cette crise est
une renaissance de l'économie keynésienne. La relance écologique est possible
comme réponse mondiale. L'Etat a un rôle spécifique à jouer pour assurer cette
transition.

Ann Petifor, Directrice de Advocacy International

L'économie anglo-américaine est à l'origine de la crise. Il y a un lien direct entre la


dérégulation, l'augmentation de la consommation et l'augmentation des émissions,
entre la finance et le changement climatique, entre la crise financière et économique et
la crise de l'environnement. Jusqu'à présent, la politique de l'argent facile a permis une
surconsommation qui a elle même induit une augmentation de la pollution. Elle a
également entraîné une augmentation des inégalités et un développement du crédit,
nécessaire pour maintenir la consommation. Il est possible d'avoir une activité
économique sans avoir une croissance économique. En 1946, l'adoption du principe du
contrôle du capital a introduit le droit pour un pays de déterminer sa politique
économique. Mais en 1971, Nixon a démantelé le système de Bretton Woods. Il faut
réguler et contrôler les taux d'intérêt et les transferts de capitaux. Le projet de "Green
New Deal" (ou Nouvelle Donne Verte) publié en juillet 2008 par le Green New Deal
Group, propose des politiques coordonnées pour résoudre la triple crise du crédit, du
changement climatique et de la hausse des prix du pétrole.

Olivier Marquet, Directeur de la banque Triodos, Belgique

Depuis 25 ans nous travaillons pour une banque différente, qui utilise l'argent à des fins
environnementales, culturelles ou sociale. Nous sommes actif uniquement dans le
secteur de l'économie réelle et fonctionnons de façon très transparente quant à
l'utilisation des dépôts d'épargne ce qui correspond à l'exigence de nos clients. En effet,
nous avons un taux de croissance de 20% par an et ces derniers mois le nombre de
demandes d'ouverture de comptes a augmenté de 6 à 10 fois. Attente forte du public
d'investir dans une banque qui finance des projets qui font sens. Il faut remettre en
question la gestion par et pour les actionnaires et mettre en place des Conseil
d'Actionnariat responsable dans les banques.

Conclusion de Daniel Cohn-Bendit, Coprésident du Groupe des Verts/ALE

Grâce à la fin de l'idée de la "toute puissance du marché", le débat de fond a repris. Il


n'y a pas de solution nationale et tous ceux qui le pensent comme le gouvernement
allemand, se trompent. La mise en place d'une taxe carbone qui permettrait de collecter
400 milliards de dollars par an, voici le vrai débat. On pourrait les investir dans la
transformation écologique. Avec elle, on peut répondre au problème des émissions de
CO2. Il faut mettre en œuvre le Green New Deal.

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