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Julien TURBÉ Conférence de méthodes

Jean-Philippe DEMON
Licence Sciences Économiques
Mention Analyse et Politique Économique

LES MARCHÉS
FINANCIERS

13/03/2001
Plan
Introduction

Partie 1 : Du système bancaire aux marchés financiers.


I/ Rappel des différents systèmes de financement de l'économie.
II/ Le système financier français avant les mutations des années 1980.
III/ Le système financier actuel.
IV/ L'évolution du système de financement de l'économie.
A/ Les imperfections du système bancaire.
B/ Les mutations.

Partie 2 : Description et organisation des marchés financiers en France.


I/ La Bourse.
A/ Le rôle de la Bourse.
B/ Classification des marchés boursiers.
C/ Fonctionnement des marchés boursiers : principes de base.
II/ Le marché des actions.
A/ Les actions.
B/ Les notions de rentabilité et de risque.
III/ Le marché des obligations.

Partie 3 : Les marchés financiers sont-ils efficients ?


I/ La théorie de l'efficience des marchés financiers.
A/ Principe.
B/ Les trois formes de l'efficience des marchés financiers.
C/ La valeur fondamentale.
II/ Remise en cause de l'efficience des marchés financiers.
A/ Une théorie difficilement applicable.
B/ Les mécanismes contrariant le principe d'efficience.
III/ Les conséquences.
A/ Les bulles spéculatives.
B/ Quelques exemples.
Conclusion.
Bibliographie.
Introduction

De nos jours les marchés financiers sont omniprésents, en particulier la Bourse, terme
devenu inévitable dans les médias ; tout journal télévisé a une rubrique consacrée à la Bourse,
la presse spécialisée ne cesse de croître et le développement d’Internet a engendré un
engouement populaire envers la Bourse. Cependant les marchés financiers restent complexes
et ont des fonctions particulières, illustrant bien le fait qu’ils persistent néanmoins à être
l’affaire de professionnels. Depuis quelques temps ils connaissent un développement
fulgurant, à tel point qu’ils sont au centre du débat sur le système de financement des retraites.
Les marchés financiers n’ont cependant pas toujours eu la même emprise sur l’économie et
sont le résultat d’un récent changement de cap économique, la confiance qu’on leur accorde
résultant de leur fonctionnement supposé efficace.
Ces considérations nous ont invités à nous demander comment en sommes-nous arrivé
à une telle ampleur des marchés financiers ? Quelle est l’organisation des marchés
financiers ? Qu’en est-il de l’efficacité des marchés financiers ?
Dans une première partie nous éluciderons donc l’évolution du système de
financement de l’économie française et insisterons sur les mutations intervenues au cours des
années 1980, puis nous expliquerons l’organisation globale des marchés financiers en portant
un regard plus prononcé sur la Bourse et enfin dans une troisième partie nous expliciterons la
théorie de l’efficience des marchés financiers et nous énumèrerons les erreurs de marché
allant à l’encontre de son bon usage, avant d’illustrer nos propos.
Partie 1 : Du système bancaire aux marchés financiers.

I/ Rappel des différents systèmes de financement de l’économie.


Le financement est l’ensemble des moyens utilisés par un agent économique pour
obtenir les capitaux nécessaires au développement de son activité et de ses investissements.
Cette définition laisse comprendre que des agents économiques ont des capacités de
financement c’est-à-dire des capitaux excédentaires et que d’autres agents ont des besoins de
financement c’est-à-dire la nécessité de se procurer des capitaux. Synthétiquement les
ménages sont considérés comme les pourvoyeurs de capitaux qui représentent leur épargne et
les entreprises, l’Etat ou les administrations comme les agents recherchant des capitaux.
L’objectif d’un système de financement est d’être le plus efficace possible (rapidité,
simplicité, coûts minimums) dans l’ajustement des capitaux d’un agent à un autre. Le circuit
du financement de l’économie est assez simple et on y distingue trois principaux circuits :
-le financement interne ; il s’agit de l’autofinancement, souvent des entreprises qui
financent leur développement avec leurs fonds propres (leurs bénéfices).
-le financement externe direct ; les agents à capacités et à besoin de financements
sont directement mis en relation sur un marché des capitaux.
-le financement externe indirect ; l’intervention d’intermédiaires financiers comme
les banques qui collectent les fonds disponibles et les redistribuent aux agents en ayant
besoin.
Remarque : le financement de l’économie peut également se faire grâce à la création
monétaire. Ce mécanisme est différent car n’inclut pas d’agents à capacités de financement.

II/ Le système financier français avant les mutations des années 1980.
L’origine de ce système basé sur le financement externe indirect remonte à la seconde
guerre mondiale : la loi du 02 décembre 1945 établit la spécialisation bancaire mais elle est
une entrave à la concurrence et réduit les capacités de financement. Il s’ensuit fort
logiquement les réformes Debré, effectuées entre 1966 et 1969, qui permettent une refonte en
profondeur de l’appareil bancaire et intensifient l’activité bancaire.
Le nombre de guichets est démultiplié dans le but d’accroître les dépôts qui
constituent les capacités de financement et les ressources des banques. Les banques accordent
ensuite des crédits aux entreprises, c’est ainsi qu’elles jouent le rôle d’intermédiaires entre les
agents économiques ; on parle d’intermédiation financière. Les taux d’intérêts résultaient du
cloisonnement des marchés du fait de la puissance des banques, constituant un oligopole
bancaire, celles-ci régulant le taux d’intérêt en opérant une sélection des investisseurs en
fonction du risque du projet. Les banques sont encouragées à financer plus que ce que
l’épargne collectée le permet en utilisant la création monétaire. Dans ce système l’Etat joue
également un rôle primordial ne serait-ce que par le fait que les banques soient nationalisées.
Il encadrait le crédit, le volume des crédits pouvant être distribué chaque année étant
déterminé, il fixait le coût de refinancement et favorisait certaines banques (le secteur
bancaire mutualiste et coopératif) en leur accordant moins d’impôts ou plus de possibilités
notamment la permission de distribution de crédits à taux bonifiés en fonction de secteurs
jugés prioritaires.
Ces années d’avant mutation sont donc caractérisées par une amplification du système
de financement externe indirect de l’économie caractérisé par l’expansion du rôle
d’intermédiaire des banques assurant 80% des financements externes et qui minimisent les
risques, en vue d’une meilleure efficacité du système qui répond au nom d’économie
d’endettement.

III/ Le système financier français actuel.


Suite aux mutations survenues au milieu des années 1980, le circuit du financement de
l’économie a beaucoup évolué.
D’après les données de 1991-1992, on peut voir que les entreprises françaises se
financent à 66% par l’autofinancement, à 23.1% par des actions sur les marchés financiers, à
18.7% par le crédit bancaire et à 0.5% par les obligations. Ce qu’il faut retenir de ces chiffres
est une diversification dans la structure du financement et aussi la part importante (qui l’est
encore plus actuellement) issue des marchés financiers.
Les entreprises utilisent de plus en plus le marché des actions pour se financer et de
moins en moins le crédit. La capitalisation boursière est de 586 milliards en 1996 contre 35
milliards en 1975 ; elle a été multipliée par 7.5 de 1984 à 1996 et représente presque la moitié
du PIB français. A eux seuls ces chiffres montrent l’ampleur des marchés financiers au sein
du financement des entreprises. Le secteur bancaire n’est pas délaissé pour autant, même si la
part des établissements de crédits dans le financement des entreprises est passée de 67% en
1984 à 23% en 1995, mais son rôle a évolué en faveur d’une plus grande intervention sur les
marchés financiers correspondant mieux aux attentes du moment. La diversification des outils
financiers permet une grande fluidité du financement et des capacités importantes de celui-ci.
La part de l’autofinancement est évidemment prépondérante et croît constamment : en
1997, le taux d’autofinancement des entreprises en France était de 118% ! Le financement de
la dette de l’Etat se fait également sur les marchés financiers par l’émission d’obligations.
Actuellement, la structure du financement de l’économie est diversifiée mais tend à
rendre les marchés financiers de plus en plus importants. L’évolution récente des années 1980
permet de mieux cerner la situation actuelle de l’économie et de mieux comprendre l’intérêt
croissant des agents économiques en faveur des marchés financiers.

IV/ L’évolution du système de financement de l’économie.


A/ les imperfections du système bancaire:
La crise mondiale de l’économie, qui s’étale sur les années 1970, a vu apparaître un
nouveau contexte économique qui montre les limites du système bancaire ; la désinflation
comporte des effets bénéfiques primordiaux, notamment dans les échanges internationaux, or
la création de la monnaie par anticipation d’une épargne future, afin d’augmenter les capacités
de financement, crée de l’inflation dont bénéficient les banques. Le développement du
commerce extérieur implique des meilleures conditions de concurrence freinées par
l’oligopole bancaire et les prêts bonifiés accordés par l’Etat aux secteurs prioritaires et
nécessite des besoins de financement croissants pour les entreprises, limités par l’encadrement
du crédit dans la lutte contre l’inflation et la sélection des projets opérés par les banques. Les
besoins de financement de l’Etat sont également en pleine expansion du fait des déficits
publics importants. Le cloisonnement du système financier montre les limites de sa
modernisation car ne permet pas de s’adapter à la désinflation (compétitive) qui est un facteur
important dans la croissance des échanges internationaux et empêche la multiplication
considérable des besoins de financement des entreprises et de l’Etat, ce qui caractérise une
situation non-optimale du financement de l’économie.
Les déséquilibres du système économique international affaiblissent également les
banques, surtout la crise de l’endettement, face aux risques d’insolvabilité.

B/ les changements intervenus :


Pour palier aux faiblesses du circuit de financement, un vaste mouvement
d’innovations financières va se mettre en place dans les années 1980. La libéralisation
financière se caractérise essentiellement par une déréglementation du secteur bancaire, mais
aussi par le décloisonnement et la désintermédiation.
L’homogénéisation du système financier par la loi du 24 janvier 1984 vise à
universaliser les établissements de crédit afin d’abolir les privilèges particuliers et de
renforcer la compétition entre banques, provoquant le développement d’opérations plus
risquées sous l’impulsion de la concurrence.
La déréglementation se manifeste par de nouvelles formes de collectes des ressources
(les CODEVI et les livrets d’épargne populaire) ainsi que par le développement d’une finance
directe de court terme engendrée par les innovations sur le marché monétaire de 1985 : les
certificats de dépôts négociables, les bons du Trésor et les bons de trésorerie, afin de donner
un accès direct aux entreprises au marché monétaire. Ces réformes génèrent l’unification des
marchés financiers de court et moyen termes et abaissent les coûts d’intermédiation.
Le décloisonnement est caractérisé par la banalisation des circuits de financement sur
les produits (titres, options, obligations…), les échéances (court ou long terme) et
l’organisation, ainsi que par la concurrence des places financières facilitant les transferts de
capitaux.
La désintermédiation est défini par la diminution d’interventions d’acteurs financiers
entre les agents à capacité de financement et ceux à besoin de financement, ce qui implique
une baisse des coûts d’intermédiation et une réduction de la part du crédit dans le
financement. Elle favorise aussi l’augmentation de la titrisation qui consiste à faciliter les
contacts directs entre les agents.
Le développement des marchés financiers permet une meilleure adaptation aux
évolutions économiques apparues dans les années 1970 (lutte contre l’inflation, financement
des déficits publics et développement du commerce extérieur). Ils ont été adoptés en vue
d’une plus grande efficacité du financement de l’économie et ont acquis une place essentielle
au sein de l’économie actuelle.

Après avoir vu l’évolution du système de financement français


jusqu’à l’adoption des marchés financiers qui ont aujourd’hui un
poids extrêmement important dans l’économie, nous allons donc nous
intéresser à leur organisation.
Patie 2 : Description et organisation des marchés financiers en France.

Le marché financier au sens large est celui sur lequel se confrontent les offres et les
demandes de capitaux à long terme. Cette confrontation, afin d'être la plus efficace possible,
doit se réaliser en un lieu commun qu'est la bourse. Elle est à la base d'un système de marché
financier. Les capitaux négociés prennent la forme d'actifs financiers dont il existe plusieurs
types, en quantités et de « qualités » différentes. En bourse, on peut ainsi échanger deux
grandes catégories de valeurs mobilières qui différent selon la nature et l'étendue des droits
qui leur sont associés : les actions et les obligations.

I/ La bourse.
A/ Le rôle de la bourse :
La bourse, qu'elles que soient son origine, sa nature ou son importance, est d'abord un
lieu de négociation et d'échange. Cela signifie qu'elle met en présence directe les agents
économiques offrant leurs capitaux et les agents demandant des capitaux. Il y a mise en
relation des capacités de financement et des besoins de financement. La bourse permet en
outre une allocation optimale des ressources financières vers les agents ou les secteurs qui
assurent l'utilisation la plus efficace de ces capitaux. Trois fonctions principales de la bourse
permettent à cette confrontation d'être la plus efficace possible : la liquidité, l'évaluation et
l'arbitrage.
Le but des investisseurs est avant tout d'assurer la rentabilité de leur portefeuille. La
bourse se doit de satisfaire cet objectif en permettant à chaque détenteur de titres de se
dégager rapidement et facilement d'un investissement que l'agent jugera, à l'avenir peu
rentable. La bourse permet ainsi la liquidité du titre, c'est à dire sa transformation rapide en
monnaie.
L'agent doit être capable de comparer à chaque instant la rentabilité de tous les titres
qui lui sont offerts afin de maximiser la rentabilité de son propre portefeuille. L'évaluation des
titres est donc la deuxième fonction fondamentale de la bourse : les titres doivent, à tout
instant, être évalués les uns par rapport aux autres afin que la circulation de l'information soit
parfaite.
Enfin, le but de l'arbitrage est, très synthétiquement, de favoriser un investissement
jugé plus rentable qu'un autre. L'opération consiste à profiter d'un écart de cours d'une même
valeur entre deux places financières en investissant sur la place la plus basse et en revendant
sur la plus haute. L'arbitrage permet donc de resserrer les écarts de cours, de fluidifier le
marché, et d'assurer son équilibre.
Toujours dans un souci d'efficacité optimale, il est important que les coûts de
transaction soient les plus faibles possibles et que l'information soit fiable, rapide et d'une
déontologie sans faille.

B/ Classification des marchés boursiers :


Le marché boursier est composé de trois compartiments principaux qui correspondent
chacun à des obligations différentes pour les émetteurs, notamment en ce qui concerne
l'ouverture du capital, le contrôle des comptes et l'ampleur des informations à donner au
public.
Le premier marché, géré par la Société des Bourses Françaises (SBF), accueille les
plus grandes sociétés françaises et étrangères, entreprises dont le volume de titres échangés
quotidiennement assure au marché une liquidité suffisante. Pour être admises au premier
marché, les sociétés sont soumises à un examen strict destiné à vérifier la régularité juridique
de leurs opérations et à s'assurer que leur situation financière est satisfaisante. On y trouve des
sociétés comme Carrefour-Promodès, Total-Elf-Fina, Renault...
Le second marché a été crée en 1983 afin de répondre à une baisse des candidatures
sur le marché officiel due à des conditions d'entrée strictes. Ainsi, ce marché admet des
entreprises qui n'ont ni la taille ni la notoriété suffisante pour figurer au premier marché. Y
sont cotées, des entreprises telles que Hermès, Bonduelle...
Lancé en 1996, le nouveau marché doit permettre à des sociétés à fort potentiel de
croissance de trouver les capitaux nécessaires à leur développement. Il accueille notamment
les entreprises du secteur des nouvelles technologies, en particulier celles liées à Internet. On
peut dire qu'il est, en France, l'équivalent du NASDAQ américain, très médiatisé à l'heure
actuelle. Les valeurs du nouveau marché sont, entre autres, Multimania, Selftrade, Genset...

C/ Fonctionnement des marchés boursiers : principes de base.


La bourse est un marché réglementé par des textes fixant les conditions d'admission
des titres sur les marchés, les techniques de cotation, les transactions. Le principe général
régissant le fonctionnement du marché est celui de la confrontation des offres et des
demandes conduisant à l'établissement d'un prix unique. Le marché est dit «dirigé par les
ordres». Les ordres sont les ordres d'achats ou de ventes émis par les investisseurs. Toujours
dans un souci de liquidité des marchés, le système de la contrepartie a été mis en place. Ce
principe assure à l'émetteur d'un ordre quelconque l'existence d'un ordre inverse afin de mener
à bien la transaction.
En France, il existe 2 modes de cotation des titres dont le principal est la cotation en
continu. Depuis 1986, a été instauré en France le système CAC (Cotation Assistée en
Continu). Ce système assure à tous les investisseurs un accès instantané au marché et à
l'information à tout moment et en tout lieu mais aussi l'exécution quasi immédiate de leurs
ordres. Ainsi, l'introduction d'un ordre provoque une variation instantanée du cours de la
valeur concernée dès lors qu'il existe une contrepartie ou ordre inverse. Dans le cas contraire,
l'ordre est mis en attente.

II/ Le marché des actions.


A/ Les actions :
Une action est un titre cessible et négociable sur un marché représentant une fraction
du capital social d'une entreprise. Le détenteur d'une action devient ainsi actionnaire de
l'entreprise. On y trouve les actionnaires individuels, les non-résidents, les sociétés
industrielles et commerciales, les OPCVM (Organismes de Placements Collectifs de Valeurs
Mobiliers), les entreprises d'assurances et les caisses de retraites. On dit que l'action est un
revenu à valeur variable car il dépend des résultats de l'entreprise.
La détention par une personne d'actions émises par une entreprise donne des droits à
cet actionnaire que l'on peut regrouper en trois catégories. L'actionnaire a un droit de vote à
l'assemblée générale de l'entreprise, le poids de ce vote est proportionnel au nombre d'actions
détenues. Au plus, un individu détient d'actions d'une société, au plus il est influent sur
l'ensemble des décisions prises par le comité directeur. La déréglementation des années 80
vient renforcer grandement ce pouvoir, notamment sous la forme des fonds de placement
collectifs qui conduisent à un effet de concentration du capital financier. En outre,
l’actionnaire a un droit sur les bénéfices de la société, il en reçoit une fraction proportionnelle
à sa part du capital, et un droit sur l’actif social, c’est à dire un droit sur l'ensemble du
patrimoine de la société.
Une société de capitaux est obligatoirement amenée à émettre des actions lors de sa
constitution. L'émission d'action à la création lui permet de collecter des fonds assurant ses
ressources initiales, c'est à dire le capital social. Cependant, la société a la possibilité tout au
long de son existence d'élargir son capital en émettant de nouvelles actions, en créant des
actions gratuites à destination de ses actionnaires ou en acquérant tout ou partie d'une
entreprise (à condition d'émettre des actions d'apport aux actionnaires de la société acquises).
Les indices boursiers, en mesurant les évolutions globales des valeurs, constituent des
références permettant d'apprécier les performances des investissements et des marchés
financiers. Plus généralement, ils évaluent les actifs des sociétés et constituent donc des
indices économiques, donnant une approche de la santé d'une économie. Le CAC40 est le
principal indice boursier français. Il a été crée en juin 1988, il est calculé sur une base 1000 au
31 décembre 1987. Sa composition est décidée par un conseil scientifique mis en place par la
SBF. Il s'appuie sur les valeurs les plus importantes de la bourse de Paris et est recalculé en
continu et diffusé toutes les 30 secondes.

B/ Les notions de rentabilité et de risque :


Seul le cours de bourse auquel l'action se négocie chaque jour est connu avec
certitude. Le calcul du taux de rentabilité attendu d'une action ne peut être entrepris qu'à partir
d'une estimation du prix futur du titre et des dividendes versés par la société. Le calcul n'est
ainsi que le résultat d'une anticipation économique. Dans l'hypothèse où le risque est nul, le
taux de rentabilité doit au moins être égal au taux d'intérêt. La décision d'investir dépends
donc de la rentabilité d'une valeur et du risque qui y est associé.
Associé en partie à une estimation future de la valeur d'un titre, un investissement se
révèle donc être un acte risqué, le futur étant, par définition, incertain. Quel que soit le type
d'actions détenues, il existe donc un risque propre à chaque valeur. En effet, il peut varier
grandement entre 2 valeurs. Investir dans une grande société bien implantée ou dans une start-
up ne présente pas le même degré d'incertitude. Les prévisions sur un grand groupe sont plus
faciles du fait de l'information abondante en découlant, de sa stabilité et de sa notoriété. Toute
la valeur d'une jeune entreprise est évaluée sur ses performances futures et non sur son passé,
inexistant.
Il existe certains outils de mesure du risque qui évalue la volatilité d'une action par
rapport au marché comme par exemple, le coefficient bêta qui distingue deux types de risque.
Le risque lié à la société émettrice vient du fait que l'activité, les bénéfices et la distribution
des dividendes peuvent évoluer plus ou moins favorablement pour les actionnaires. Le risque
lié au marché est engendré par l'évolution de la conjoncture économique. Les fluctuations du
marché touchent plus ou moins fortement les valeurs de l'économie. Cet indicateur dépend du
secteur de l'entreprise (il existe des secteurs influençant l'économie plus que d'autres), de la
structure des coûts d'exploitation (chiffre d'affaires à atteindre relativement élevé ou pas), de
la structure financière (plus la société est endettée, plus l'indicateur le sera), de la qualité de
l'information fournie aux investisseurs (une information de mauvaise qualité augmentera la
volatilité d'un titre).

III/ Le marché des obligations.


L’obligation est un titre de créance représentatif d’un emprunt contracté par une
société, une entité publique ou l’Etat. L’emetteur d’un emprunt obligataire s’engage à
rembourser les détenteurs à une échéance déterminée et à leur verser un intérêt tous les ans.
L’obligation est négociable ; elle est acquise lors de l’émission sur le marché primaire ou
échangée en Bourse. Le marché obligataire est caractérisé par la forte présence de l’Etat en
tant qu’émetteur (en 1996 l’Etat a émis 62.6% des obligations).
Il existe de nombreuses formes d’obligation telles que les obligations convertibles en actions,
les obligations échangeables, les obligations à bons de souscription ou à coupon zéro…
L’émission des obligations se fait par l’intermédiaire des banques : une banque « chef de
file » qui établit le contrat d’émission, les garants dont le rôle est de financer les titres qui
n’ont pas trouvé preneur et les placeurs qui interviennent pour la diffusion des titres. Le
contrat d’émission stipule la valeur nominale (d’au moins 100 francs) souvent égale au prix
d’émission, la valeur de remboursement de l’obligation en général égale à la valeur nominale,
la durée (d’un minimum de trois ans) et le taux qui peut être fixe, variable ou révisable.
Le versement des intérêts est constant dans le temps, quel que soit la valeur des obligations. Si
le taux d’intérêt augmente, pour que l’acheteur perçoive ses paiements (constants), le prix de
l’obligation diminue afin que la multiplication du nouveau taux et du nouveau prix contribue
à verser le même versement annuel pour l’acheteur de l’obligation. Inversement une
diminution du taux d’intérêt provoque une augmentation du prix de l’obligation.
Le risque (minime) peut être de différentes natures : financier si la société émettrice ne peut
faire face à ses engagements, monétaire en cas de perte de pouvoir d’achat de la monnaie ou
issu des variations du taux d’intérêt. Mais le risque est extrêment faible par rapport au marché
des actions (et par conséquent les rendements sont également nettement inférieurs), les
émetteurs étant majoritairement l’Etat ; dans le cas d’entreprises émettrices, celles-ci sont très
surveillées et de forte renomée telles que Pernod Ricard, Promodès, BNP Paribas…
Les obligations représentent une source de financement essentielle de l’Etat et
constituent un placement assez sûr pour les investisseurs.

Après avoir développé l’évolution du sytème de financement de


l’économie française qui a aboutit à la situation actuelle d’une
économie de marchés afin de présenter une meilleure allocation des
ressources aux agents ayant besoin de fonds, nous allons
naturellement nous intéresser à l’efficacité de ces marchés financiers.
Partie 3 : Les marchés financiers sont-ils efficients ?

I/ La théorie de l’efficience des marchés financiers.


A/ Principe :
L’efficience des marchés financiers est une théorie, issue de la notion de marchés purs
et parfaits conçus au XIXe siècle, dont la définition est évolutive. La première définition est
celle de Fama et date de 1965 : un marché financier est efficient si et seulement si l’ensemble
des informations disponibles concernant chaque actif financier coté sur ce marché est
immédiatement intégré dans le prix de cet actif.
Pour aboutir au bon fonctionnement des marchés, cinq conditions en rapport avec la
définition de Fama doivent être de vigueur :
-la rationalité des investisseurs, c’est-à-dire que toute anticipation issue d’un événement
positif doit conduire l’investisseur à acheter (ou à conserver) et toute anticipation issue d’une
information négative doit le mener à vendre. On parle d’anticipations rationnelles.
-la libre circulation de l’information et la réaction instantanée des investisseurs afin que le
prix de l’actif intègre instantanément l’information. Cela suppose que tous les agents puissent
bénéficier de la même information dans le même temps et qu’ils puissent tous immédiatement
agir sur le marché dans des conditions identiques.
-la gratuité de l’information pour éviter la non-réaction volontaire en vu d’un prix trop élevé
de l’information par rapport aux possibilités d’évolution du cours.
-L’absence de coûts de transaction et d’impôt de bourse qui pourraient avoir pour
conséquence d’annuler des gains potentiels, dans quel cas les investisseurs n’auraient aucun
intérêt à intervenir.
-l’atomicité des investisseurs et la liquidité ; un investisseur ne mettra pas en vente ses titres si
cet agissement à lui-seul peut faire chuter le cours du titre.
Il découle de l’hypothèse d’efficience que celle-ci concerne tous les marchés, tous les
secteurs et toutes formes d’actifs financiers, que des conditions draconiennes soient respectées
sur les informations et surtout qu’aucun investisseur ne pourra exploiter l’information en vu
de réaliser un profit et que, forcément, la lecture du cours à venir d’un actif est impossible.
Sur le long terme, il est normalement impossible de surperformer le marché ; cette dernière
idée correspond à l’efficience informationnelle. L’efficience dans l’évaluation de la valeur
fondamentale est présente lorsque le prix du marché reflète la valeur réelle de l’entreprise
cotée ; un troisième type d’efficience est celle de la diversification du risque et l’efficience
allocative représente une synthèse des trois précédemment citées.
Les hypothèses et conditions de la théorie de l’efficience n’étant généralement pas
vérifiées du fait de la vigueur de la définition de Fama, Jensen a proposé en 1978 une autre
définition : un marché est efficient si les prix des actifs cotés intègrent les informations les
concernant de telle manière qu’un investisseur ne peut, en achetant ou en vendant cet actif, en
tirer un profit supérieur aux coûts de transaction engendrés par cette action. Jensen insiste
donc sur l’impossibilité de réalisation de profit et exclut l’absence de coûts de transaction. Les
conclusions des analyses à propos de l’efficience des marchés dépendent parfois de la
définition sur laquelle on se base. Nous nous appuierons sur la définition de Fama qui est
habituellement considérée comme la plus complète et la plus riche.

B/ Les trois formes de l’efficience des marchés financiers :


Suite à la définition de Fama, on peut affecter la théorie de l’efficience des marchés
financiers de trois degrés différents en fonction de la nature des informations : déjà connues,
présentes ou privilégiées. Les différentes formes de l’efficience s’appliquent donc à la
condition informationnelle.
La forme faible prétend qu’il n’est pas possible de tirer parti des informations passées
concernant un actif financier pour prévoir l’évolution future du prix de cet actif, c’est-à-dire
que le prix d’un actif prend en compte toutes les informations contenues dans les prix passées.
Un investisseur ne peut donc pas réaliser de profit sous la forme faible de l’efficience car ses
prévisions nées de l’analyse des prix passés ne sont aucunement certaines. Des tests ont été
menés afin de savoir si cette forme faible de l’efficience des marchés financiers est valide ; les
résultats se sont révélés globalement positif même si quelques tests remettent en cause cette
forme faible.
La forme semi-forte affirme qu’il est impossible de tirer parti d’informations, au
moment même où celles-ci sont rendues publiques, pour prévoir les variations de cours futurs
d’un actif. Le traitement de l’information publique entraîne une réaction instantanée des
investisseurs qui ne peuvent en tirer un avantage. Autrement dit, si le cours d’un actif varie
instantanément à la publication d’une information, le forme semi forte est valide ; plus le
cours répond rapidement à une information, plus l’efficience des marchés financiers est
acceptée. Les tests sont mitigés quant à la validation de cette forme semi-forte car
l’ajustement du cours d’un actif à l’issu de la publication d’une information peut être rapide
mais rarement immédiat.
La forme forte prétend qu’il n’est pas possible à un investisseur de tirer un avantage
d’une information privilégiée c’est-à-dire non publique. Evidemment la croyance en cette
forme d’efficience est beaucoup plus subjective et paraît invraisemblable. Le délit d’initié
n’existerait donc pas, au contraire toute action sur le marché d’un investisseur bénéficiant
d’informations privilégiées servirait à renseigner les autres investisseurs. Les tests ne sont pas
assez probants pour affirmer que la forme forte de l’efficience des marchés financiers est
valide.

C/ La valeur fondamentale :
De l’efficience informationnelle des marchés, se dégage la conclusion que le prix
d’une action incorpore toutes les informations disponibles, soit la totalité de l’information
possible si l’on se place dans l’hypothèse de la forme forte de l’efficience. Ainsi en analysant
l’ensemble des informations économiques, comptables et financières d’une entreprise, il est
possible de déterminer la valeur fondamentale qui la caractérise et d’en déduire la valeur
d’une de ses actions. Il existe diverses méthodes de calculs de cette valeur. Une première
consiste à additionner la valeur des actifs d’une entreprise et sa capacité à faire des bénéfices.
Une autre méthode consiste à déterminer la somme actualisée de ses bénéfices futurs. Il s’agit
alors de prévoir les dividendes futurs de la société.
En théorie, les différents prix successifs d’une action devrait osciller autour de cette
valeur intrinsèque, résultat des caractéristiques propres à la firme. La valeur fondamentale
apparaît alors comme une moyenne sur le long terme du prix des actions.
Il semble donc qu’un marché efficient est un marché efficace au sens où il réalise sa
fonction, c’est à dire qu’il permet une allocation optimale des ressources. Cependant, ce
fonctionnement reste théorique et de nombreux auteurs ont essayé de remettre en cause ce
concept.
II/ Remise en cause du concept d’efficience des marchés financiers :
A/ Une théorie difficilement applicable :
Tout d’abord, tout ordre passé sur un marché financier donne lieu à des coûts de
transaction ; cependant, d’après la définition de Jensen, cela n’empêche pas la réalisation d’un
marché efficient, au contraire plus les coûts de transaction seraient élevés, plus les marchés
seraient efficients. Il existe aussi certaines bourses de par le monde qui exigent un impôt de
bourse.
Mais les conditions les plus improbables à exécuter sont celles relatives à
l’information. Il est évidemment difficile de transmettre une information à tous les
investisseurs au même moment ; malgré les progrès technologiques en matière de
communication, les décalages temporels dans l’obtention des informations semblent
inéluctables. De même, l’information doit être compréhensible pour tous dans le but d’être
interprétée de la même façon par tous les agents : investisseurs professionnels et boursicoteurs
amateurs n’ont certainement pas les mêmes capacités de compréhension face à des
évènements très techniques. D’autant plus que le nombre d’individus plaçant leur épargne en
Bourse sans avoir aucune connaissance financière de base ne cesse de croître, leur
intéressement au marché n’est pas forcément régulier et ils peuvent donc aisément passer au
travers d’informations. L’efficience des marchés est certainement plus probable lorsque ceux-
ci ne sont constitués que d’investisseurs avertis.
Il paraît aussi utopique de penser que les investisseurs disposant d’énormément
d’actifs (les fonds de pension par exemple) n’utilisent pas leurs simples agissements pour
réaliser une plus-value ; pourquoi ne pas vendre massivement ses titres pour que leurs prix
diminuent et les racheter aussitôt les cours suffisamment bas ?
La rationalité des agents peut également laisser planer quelques doutes, les
investisseurs n’ayant pas forcément un comportement cohérent face aux informations et ce
pour plusieurs raisons : le besoin de liquidité, la non-compréhension…
Les conditions nécessaires au bon fonctionnement des marchés financiers sont donc
souvent difficiles à mettre en œuvre dans la réalité autant du point de vue du comportement
des agents que de celui du processus lié à l’information.

B/ Les mécanismes contrariant le principe d’efficience :


Loin du concept d’efficience, il existe concrètement sur les marchés divers
mécanismes ou effets qui viennent remettre en cause le fonctionnement théorique d’un
marché.
On trouve ainsi le phénomène de mimétisme des agents économiques. Cela se
manifeste par le fait qu’un agent suit les décisions d’autres agents pour prendre ses propres
décisions. Pour Keynes, le mimétisme est d’abord un comportement rationnel. Il fait
l’hypothèse que les agents économiques sont ignorants, qu’ils sont incapables d’interpréter les
informations qu’ils reçoivent, ils ne peuvent donc anticiper le futur. Ainsi, il aura tout
avantage à imiter les autres qui, eux, doivent savoir. Il est pourtant impossible de savoir s’ils
savent réellement. Ce mécanisme remet en cause l’atomicité des agents puisque à présent
l’action d’un seul agent, qui serait une référence pour les autres, aurait une très grande
influence sur le marché. Les comportements des agents dépendent de moins en moins des
valeurs économiques réelles (leurs besoins, leurs ressources) et de plus en plus des évolutions
du marché (notamment l’évolution du prix d’une action).
Une autre grande défaillance du marché est l’autovalidation. On parle aussi
d’anticipations autoréalisatrices, cela signifie que des anticipations d’agents économiques
peuvent se concrétiser uniquement parce que ces agents pensent qu’elles sont justes, et cela
qu’elles soient réellement justes ou non. Par exemple, si une majorité d’opérateurs du marché
des changes pense que le dollar va s’apprécier dans le futur, donc qu’ils ont intérêt à en
acheter aujourd’hui pour le revendre ultérieurement, leurs opérations d’achat vont
mécaniquement valider leur croyance (le dollar va augmenter), que celle-ci soit
économiquement fondée ou non. C’est l’enseignement fondamental de la théorie des « tâches
solaires ». Une croyance faisait croire que si le soleil présentait de nombreuses tâches, alors
les récoltes ne seraient pas bonnes. Ainsi, lorsque les paysans voyaient des tâches sur le soleil,
plutôt que de produire beaucoup et de risquer des pertes, ils préféraient produire moins, d’où
une diminution du volume des récoltes. Il n’y avait pourtant aucune incidence mesurable des
tâches sur les récoltes, mais le résultat est là : s’il y a des tâches solaires, les récoltes
diminuent.
Le price momentum est présent lorsque la performance (positive ou négative) des
derniers mois a tendance à continuer pour les mois suivants, c’est-à-dire que les cours des
actifs ne s’adaptent que lentement à l’arrivée de nouvelles informations, comme si les bons
(mauvais) résultats des derniers mois engendraient de bonnes (mauvaises) nouvelles quelles
que soient les informations intervenues. La réaction par rapport à l’information n’est donc pas
instantanée mais s’étale dans le temps et l’utilisation des informations passées permet la
réalisation d’un gain. Ce phénomène ne vient certainement pas de la lenteur de l’information
mais de la confiance des investisseurs envers des titres ayant déjà prouvés leur performance.
Le price momentum est semblable à la notion d’effet d’élan.
La surréaction est caractérisée par un excès d’optimisme (pessimisme), appelé
surinterprétation, des investisseurs sur les perspectives d’une société, se traduisant par des
achats de titres qui augmentent (diminuent) jusqu’à ce qu’ils se rendent compte que leur
optimisme (pessimisme) était non fondé, donc ils vendent (achètent). Il s’ensuit ainsi des
variations de prix qui ne sont pas le fait de nouvelles informations. La surréaction est une
variation trop forte du prix d’un actif financier qui doit donc être compensé par la suite, en ce
sens la volatilité des cours est accrue.
Un phénomène lié à la surinterprétation est la sous-réaction, signifiant que
l’information est sous-estimée. Les investisseurs réagissent mais avec une intensité
insuffisante par rapport à l’événement, entraînant un ajustement progressif dans les mois qui
suivent. L’investisseur qui a réagit instantanément peut donc tirer parti de la hausse graduelle
du cours des actifs.
Toutes ces tendances relèvent de faits observés sur les marchés financiers et tendent à
rendre le marché moins efficace car il semble possible de bénéficier de profits en jouant sur
les erreurs de marché. Cependant certains économistes prônent continuellement l’efficience
des marchés et estiment ces phénomènes en adéquation avec l’efficience des marchés.

III/ Les conséquences :


A/ les bulles spéculatives :
Ces différents dysfonctionnements de marché engendrent des conséquences majeures.
Un des principaux effets observés par les spécialistes est la formation de bulles spéculatives.
Une bulle spéculative peut se définir comme l’écart qui existe entre le prix de marché d’un
actif financier (le prix de l’action) et le prix qui serait justifié au regard de ses véritables
déterminants (la valeur fondamentale). Par exemple, dans le cas d’une entreprise dont la
capitalisation boursière est estimée, apparemment convenablement, par le marché à cent
millions de francs, une bulle spéculative apparaît si, sans raison spécifique, la capitalisation
boursière de la firme s’élève brusquement à cent cinquante millions puis, quelque temps plus
tard, et toujours sans raison apparente, rejoint son niveau d’origine. C’est pourquoi les bulles
spéculatives sont totalement contraires à l’hypothèse d’efficience des marchés qui dit que le
prix de l’action doit être égal aux revenus futurs générés par une firme, et donc à la valeur
fondamentale. L’existence d’une divergence durable entre le prix d’un titre et sa valeur est
donc bien le signe d’une certaine inefficience des marchés.
La formation de ces bulles est engendrée par deux mécanismes décrits précédemment
que sont le mimétisme et l’autovalidation. Lorsque quelques agents pressentent un
accroissement du cours d’un produit financier, ils s’en portent acquéreurs et, la demande
faisant pression sur l’offre, leur prévision se réalise (anticipations autoréalisatrices). Désirant
participer au mouvement, les autres opérateurs font de même (mimétisme) en provoquant
l’explosion du prix du titre concerné. Le processus peut se poursuivre bien au-delà de ce que
voudraient les fondamentaux du marché (par exemple, dividendes, taux d’intérêt et situation
des entreprises pour les actions). On assiste alors à une divergence entre le prix de l’action qui
augmente très fortement et la valeur réelle de l’entreprise qui, elle, continuera de suivre la
trajectoire tracée par les données économiques. Ainsi, la formation d’une bulle spéculative
vient du fait que les agents économiques ne fondent plus leurs décisions sur leurs
anticipations, mais sur le comportement des autres agents.
Les bulles spéculatives sont dangereuses dans la mesure où elles ne reposent pas sur
des valeurs réelles de l’économie et qu’elles peuvent éclater à tout moment, diminuant
fortement la richesse des investisseurs. De plus, les plus touchés ne seront pas les spéculateurs
qui auront investi tôt, puisque à l’origine de la hausse du cours. Ils auront pris soin d’alléger
leur position sur les titres concernés. Au contraire, la bulle fera le plus de dégâts chez les
investisseurs individuels. En effet, ils reçoivent l’information bien après et réagissent donc
avec un temps de retard, achetant leurs titres au moment où les spéculateurs commencent à
vendre. Désireux de réaliser un profit, ils « prendront » toute la baisse. La bulle spéculative ne
provoque pas que des méfaits dans la sphère financière. Aux Etats-Unis, 25% du revenu des
ménages est d’origine boursière. Il y aura donc une dépendance accrue de la consommation
par rapport aux marchés financiers. Voilà un vecteur de propagation des crises vers la sphère
réelle, c’est à dire le monde de la production et de l’emploi. Une importante crise boursière
aurait pour conséquence une chute de la production et une hausse du chômage.

Il est très difficile de se rendre compte de la naissance d’une de ces bulles. Pour cela, il
faut pouvoir connaître les déterminants du prix considéré, ce qui n’est pas toujours évident.
Actuellement, certains économistes s’inquiètent de la présence d’une bulle spéculative sur les
marchés américains et en particulier pour les valeurs de l’Internet. Ainsi, le magazine
américain Fortune livre les estimations suivantes : prenons le géant cybermédiatique AOL.
Pour justifier le niveau actuel de l'action, il faudrait que les bénéfices augmentent de 67%,
chaque année jusqu'en 2010. Dans le cas de Yahoo, le niveau du cours correspond à une
progression de 95% par an. C'est-à-dire que les bénéfices doivent pratiquement doubler,
chaque année, durant dix ans. A titre de comparaison, Microsoft a réalisé «à peine» 40%
d'augmentation annuelle du bénéfice durant les dix dernières années. L’analyse de cette étude
laisse apparaître que des entreprises comme Yahoo ou AOL sont cotés à des niveaux bien plus
hauts que ne le laisse penser les fondamentaux qui les caractérisent, notamment le niveau de
bénéfices. Faut-il y voir l’existence d’une bulle ou est-ce une des caractéristiques des valeurs
de la nouvelle économie ? Les récentes corrections qu’a subi le NASDAQ au printemps 2000
semble privilégier la première solution.
Au regard de ces chiffres, il paraît étonnant que les autorités régulatrices ne prennent
pas de mesures pour tenter de revenir à des niveaux plus proches de la réalité économique. Le
grand manitou des marchés américains, à savoir Alan Greenspan directeur de la banque
centrale américaine, aura bien essayé depuis 5 ans de raisonner les acteurs des marchés
financiers. Sa formule « l’exubérance irrationnelle des marchés » restera comme le signe de
son impuissance. Il semble, en effet, que plusieurs facteurs jouent pour le maintien d’une telle
bulle. Frédéric Lordon, dans son ouvrage « Fonds de pension, pièges à cons ? », s’est ainsi
intéressé aux causes de la dimension de la bulle américaine comme de sa durée
exceptionnelle. Il présente l’hypothèse que « l’une des caractéristiques les plus profonde de la
bulle est qu’elle a cessé d’être une aberration locale, une dérive transitoire, une parenthèse
dans le cours d’une dynamique financière autrement raisonnable, pour devenir un caractère
permanent du régime d’accumulation financiarisé ». Ceci voudrait dire que les bulles
spéculatives sont devenues une des caractéristiques « normales » des marchés financiers et
qu’il devient inutile de chercher à les enrayer. Il pousse plus loin son analyse : « la bulle puise
les raisons de son prolongement indéfini dans le fait de répondre à une nécessité fonctionnelle
de ce régime d’accumulation… ». A présent, la bulle devient une nécessité. Mais une
nécessité pour qui et pour quoi ? En fait, cette forte hausse des cours qu’engendre la bulle va
devenir le réservoir qui permet d’atteindre des normes de rentabilité exorbitante. On pense
alors à ces fameux 15 % de retour sur fonds propres qu’exigent les gestionnaires de fonds de
pension. Pour Lordon, « les fonds de pension contribuent à l’entretien d’une bulle chronique,
aussi bien en y déversant leurs liquidités qu’en puisant dans la hausse des cours de quoi
satisfaire leurs exigences de rentabilité financière ». Il arrive ainsi à la conclusion que les
fonds de pension « nourrissent » la bulle spéculative, ne trouvant plus dans les performances
de « l’économie réelle » leurs possibilités de rentabilité. On comprend mieux pourquoi des
normes de régulation ne se mettent pas en place. Il est en effet impossible de réduire les
exigences de rentabilité et donc de dégonfler la bulle sans déclencher une crise importante.
Toute baisse sérieuse et durable des cours conduit à un effondrement des marchés. La seule
solution paraît être la fuite en avant, mais jusqu’à quand et jusqu’à quel niveau ?
On peut penser que dans les années à venir, la finance va connaître de nouveaux
« petits » krachs, tels ceux de 1997-1998. Se produiront alors de petits ajustements,
dégonflant temporairement la bulle, mais qui ne parviendront pas à signer la mort de ce
régime financiarisé. Cependant, si l’on suit toujours le raisonnement de Lordon,
l’accumulation de ces « petites crises » va entraîner un cumul de tension qui provoquera sur le
long terme une « grande crise ». Cela ressemble fortement à un processus économique et
historique qui a frappé l’économie mondiale à la fin des années 30, suite à la crise de 1929.
Elle se déclencha aux États-Unis après une période d'euphorie économique, une forte hausse
des valeurs boursières, un crédit facile et abondant facilitant la spéculation. Cette crise
majeure se révéla par un krach boursier : chute des cours de 90% en 3 ans, qui mirent 25 ans à
retourner à leur niveau. Pour Lordon, la suite de l’histoire est claire, si rien n’est fait, si le
marché est livré à lui-même, « le régime d’accumulation financiarisé est voué à disparaître
dans les convulsions et dans les ruines ».

B/ Quelques exemples :
Le 17 septembre 1998, le cours relatif à Alcatel, grande société de l’industrie
technologique française, chutait de 38.4%. Les explications ont été multiples, mais aucune
réelle justification n’a été avancée à propos de cette mémorable chute. A l’origine, Serge
Tchuruk annonce que sa société ne pourra tenir ses prévisions ; la sanction ne se fait pas
attendre et des ordres massifs de ventes du titre sont enregistrés, et la SBF décide de
suspendre le cours tant il y a de ventes. A l’ouverture de la Bourse de New-York, même
scénario… Suite à une mauvaise nouvelle, la réaction a été immédiate mais certainement
exagérée ; il peut s’agir d’une surréaction amplifiée par un certain mimétisme, les ordres de
vente s’enchaînant les uns à la suite des autres. De plus, la veille de l’annonce de la mauvaise
nouvelle, le cours d’Alcatel chutait déjà de 5.9% à Paris et de 10% à New-York ; y aurait-il eu
délit d’initié, certains investisseurs ayant bénéficier d’informations privilégiées ? L’hypothèse
de vente massive de quelques fonds de pensions anglo-saxons détenant une forte part de la
capitalisation d’Alcatel a également été avancée, remettant en cause l’atomicité des
investisseurs.
Un autre exemple connu est la chute des cours représentant les nouvelles technologies.
Au cours du mois d’avril 2000, les cours ont constamment diminué avec une baisse record de
10% le 14 avril 2000. Cette chute correspond à un éclatement de la bulle crée sur les start-up
cotées ; en effet, avec le développement d’Internet, les investisseurs ont sans cesse renouvelé
leur confiance aux entreprises insérées dans les nouvelles technologies et ont anticipé une
situation économique future trop élevée. La bulle n’a cessé de grossir jusqu’au moment où ces
sociétés ont dû annoncer des prévisions moindres et où les investisseurs se sont aperçus du
trop fort décalage entre la valeur fondamentale et la cotation boursière. Les ventes se sont
succédées, créant un réajustement de la valeur des actions par rapport à la valeur réelle des
entreprises.
Ces deux exemples expriment bien la remise en cause de l’efficience des marchés
financiers, ceux-ci n’ayant pas toujours un comportement cohérent par rapport à la situation
économique réelle. La grande volatilité du marché des actions et les troubles évidents du
système financier expriment le manque de stabilité évident d’un tel système en l’état actuel
des choses, d’autant plus que les maux financiers affectent la sphère réelle.

Les marchés financiers sont source de risques incalculables du


fait de l’ampleur des conséquences issues des nombreux
dysfonctionnements, notamment les krachs. Le marché ne semble pas
assez raisonnable pour s’autoréguler ou la réglementation en vigueur
manque de puissance…Quelles qu’en soient les causes, les marchés
financiers sont dangereux particulièrement lorsque les crises
financières sont transférées dans la sphère réelle de l’économie.
Conclusion

Les problèmes économiques rencontrés au cours des années 1970, ainsi que le
renforcement de la concurrence par la mondialisation , ont poussé les autorités à mettre en
place un système de financement de l’économie plus adapté et censé être beaucoup plus
efficace, à savoir l’économie de marchés financiers. La Bourse en est le moteur, caractérisée
principalement par un marché des actions volatil et un marché des obligations, refuge de
sûreté. Le bon fonctionnement des marchés financiers repose sur le principe d’efficience,
mais celui-ci s’avère difficilement applicable, d’autant plus qu’il existe quelques
dysfonctionnements relatifs au comportement des investisseurs. Ces mécanismes allant à
l’encontre de l’efficience des marchés financiers entraînent des crises, parfois des krachs
boursiers, dus à l’éclatement de la bulle financière. Les conséquences peuvent être terribles et
se répercuter sur la sphère réelle ; en effet, il s’ensuit une diminution de la richesse des
investisseurs qui sont aussi les ménages.
A une époque où les transformations du système de financement des retraites semblent
de rigueur, la réflexion devrait s’intensifier à propos de l’idée d’un système par capitalisation,
basée sur l’exploitation des marchés financiers. La question des retraites est un sujet de
société, toute la population est concernée. Il semble donc hasardeux de laisser la volatilité des
marchés financiers se charger d’assurer une répartition équitable du revenu national : les
inégalités de revenus des retraités ne feraient qu’amplifier et en cas de crise sérieuse, certaines
générations seraient totalement flouées. N’oublions pas que la rentabilité des marchés
financiers repose sur les richesses crées par la population active et qu’en ce sens le problème
macroéconomique lié au problème des retraites reste identique avec un système par répartition
ou par capitalisation, ce dernier demeurant inéquitable sur les plans intra et
intergénérationnels.
La discussion à propos des retraites n’est pas terminée et la tendance du moment qui
vise plutôt à réformer le système par répartition semble plus adéquat. Mais peut-être qu’en
améliorant l’efficacité des marchés financiers et en résolvant ses quelques
dysfonctionnements, l’indexation des retraites sur ces marchés financiers reste imaginable.
Bibliographie

Livres
« Marchés financiers : gestion de portefeuille et du risque » B. JACQUILLAT / B. SOLNIK
« Macroéconomie financière » M. AGLIETTA
« L’efficience des marchés financiers » P. GILLET
« Théorie économique et crises des marchés financiers » H. BOURGUINAT / P. ARTUS
« Fonds de pension : piège à cons ? » F. LORDON

Magazines / Quotidiens
L’Expansion du 15 février au 1er mars 2001 : « Bourse : pourquoi on vous ment »

Sites Internet
www.attac.org : Site de l’association ATTAC
www.lesechos.fr : Site du quotidien économique Les Échos
www.ladocfrancaise.gouv.fr : Site d’informations publiques

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