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Chapitre 4.

Système financier, Etat et les enjeux de la nouvelle


économie financière

Introduction

1. Définition du système financier


2. La métamorphose du système financier
3. Le passage d’une économie d’endettement à une
économie de marchés de capitaux
4. Le marché des capitaux
4.1. Le marché monétaire
4.1.1. Le marché interbancaire
4.1.2. Le marché des titres de créances négociables.
4.2. Le marché financier

5. Bref rappel de quelques théories du rôle économique de


l’Etat

6. Etats et trajectoires des pays en développement

7. La politique budgétaire

7.1. L’équilibre budgétaire


7.1.1. Les prélèvements et les dépenses publiques
7.1.2. L’équilibre budgétaire
7.2. La politique budgétaire
7.2.1. La variation de l’épargne
7.2.2. La variation de la demande d’investissement

8. Le rôle de la politique budgétaire en période de récession

9. Etat, régionalisation et mondialisation de l’économie

Conclusion
Le système financier assure l'intermédiation entre les deux types
d’agents, les agents à capacités de financement et les agents à
besoin de financement suivant en cela deux modes de financement,
direct ou indirect. Dans la finance directe, le financement se passe
sur le marché financier, lieu où s’échangent les valeurs mobilières
(action, obligation, etc.) émises par les agents non financiers à
capacités de financement. Dans la finance indirecte, une institution
financière (la banque notamment) joue le rôle d’intermédiaire.
Le système financier permet la facilitation des échanges en
facilitant les paiements et en apportant une dimension intemporelle
par l'accès au crédit. Il permet également la mobilisation de l'épargne
et la production des informations sur les investissements rentables et
sur les capacités d'endettement des agents. Il donne des possibilités
de répartition du risque en permettant aux agents de détenir des
portefeuilles diversifiés.
Avant les années 80, l’Etat occupait une place prédominante dans
ce système. Aujourd’hui le cadre national s’estompe au profit de
l’intégration régionale. Les systèmes financiers sont composés de
marchés financiers, de banques, d’autorités réglementaires, etc. Ce
changement de structure est-il le vrai responsable des crises qu'a
connues le monde durant ces quatre dernières décennies ? La crise
financière de 2008 par exemple, a montré la faiblesse des théories
dominantes actuelles basées sur la déréglementation, la capacité du
système à s’auto réguler et le comportement rationnel des acteurs
économiques. La question qui se pose est quel est le degré de
pertinence et d’efficacité des interventions des Etats dans l'économie
de manière générale et dans le système financier en particulier et
précisément dans des situation de crises.

1. Définition du système financier


Le système financier est l’ensemble des institutions, des
instruments et des mécanismes par lesquels les capacités de
financement des ménages et des institutions vont couvrir les besoins
de financement des entreprises et des administrations. Deux modes
de financement existent dans ce système ; la finance directe et la
finance indirecte. La première relie directement les agents à capacité
de financement aux agents à besoin de financement. Ceci se passe
dans un marché financier où sont apportés et vendus des titres
financiers. La deuxième appelée finance intermédiée fait intervenir
les intermédiaires financiers, notamment les banques. Les agents à
capacités de financement font des dépôts qui seront prêtés à des
agents à besoin de financement. Ces transferts de fonds de manière
directe ou indirecte permettent une allocation plus ou moins optimale
des ressources au sein de l’économie.

2. Les métamorphoses du système financier

Le système financier subit continuellement des transformations.


Les analyses se faisaient avant dans un cadre national où l’Etat
occupait une place dominante. La mise en œuvre des politiques
économiques était focalisée sur les missions et les objectifs que ce
fut en matière de croissance ou d’emploi. Tout se passait sous le
contrôle de la puissance publique. L’économie administrée d’après-
guerre commençait à s’ouvrir à la perspective de la déréglementation.
On assiste à un recul de l'Etat et à l'émergence des marchés
financiers (chapitre 7) et une transformation du système bancaire
(chapitre 6). Les systèmes financiers sont composés actuellement de
marchés, de banques, des autorités réglementaires, etc. On peut voir
cela à travers les études et les recherches faites sur le système
financier. Si on prend par exemple, l’ouvrage de Brochier publié en
1975 (voir bibliographie), dans son introduction, on pourrait lire : « …Il
s’agit d’une refonte totale, d’une réécriture complète de l’ancien
ouvrage publié il y a 15 ans ». Les raisons à cela, est que « les
systèmes financiers et les mécanismes de financement ont évolué à
un rythme particulièrement rapide depuis 15 ans suivant en cela les
changements profonds des structures économiques ». Dans
l’introduction de son ouvrage publié en 1999 (voir bibliographie),
Arnauld De Servigny écrit « la sphère financière a connu au cours
des 20 dernières années une évolution accélérée et des
transformations radicales… Les livres traitant d’économie financière il
y a 20 ans situaient leur analyse dans un cadre national où l’Etat
occupait une place dominante ». « La perspective a clairement
changé aujourd’hui. Le cadre national s’estompe au profit de
l’intégration internationale. L’Etat n’est plus le référentiel
incontournable ». Le financement de l’économie se focalise alors sur
les principaux protagonistes du système financier : le marché, les
banques, les autorités réglementaires, etc.
Ces changements sont le fruit de la prise d’importance des
marchés financiers et de leur internationalisation. Avant 1980, ces
marchés jouaient un rôle secondaire dans les systèmes financiers
européens et japonais, les marchés financiers américains dominaient.
Actuellement et avec l’augmentation du niveau de l’épargne au japon
et la déréglementation des marchés financiers européens, les
marchés financiers ont pris de l’importance. Les banques ont aussi
changé dans leur rôle et leur fonctionnement. Elles interviennent
activement sur le marché financier. Avant les banques faisaient le
crédit, prenaient le risque, le surveillaient, puis encaissaient des
fonds au fur et à mesure. Dans le modèle actuel, essentiellement
américain, les banques font des crédits et prennent le risque, mais ne
le gardent plus, ne le surveillent plus et s'empressent de le
transmettre à d'autres. Le modèle bancaire qui était un modèle de
"création – garde – suivi" devient un modèle de "création – titrisation
– distribution". Le risque a donc disparu des établissements où il se
trouvait auparavant. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point
dans le chapitre consacré au système bancaire pour expliquer ces
transformations et les conséquences néfastes qu’elles ont générées
à travers l’analyse de la crise des « Subprimes ».
Cependant ces deux intervenants dans le système financier
n’occupent pas la même place ici et ailleurs. Dans la zone euro par
exemple, le financement bancaire est important (145% du PIB en
2007 sur un total de 311%) par rapport à celui des Etats-Unis (63%
sur 375%). Par contre le financement par action et obligation est plus
important Aux Etats-Unis que dans la zone Euro.
Il est certes vrai que le financement par les banques dans la Zone
euro est plus important qu’aux Etats-Unis mais dans les deux
régions, les émissions d’obligations et d’actions sont très modestes.
Cela est du en partie au fait que ces ressources sont de long terme.
Les entreprises ne récoltent sur le marché des titres qu’une partie
minime pour leur besoin financier. Les ressources proviennent
principalement des d’intermédiaires financiers non bancaires non
soumis aux contraintes réglementaires bancaires car ils ne reçoivent
pas de dépôts du public. Ceci montre à quel point le système
financier a été sujet à des changements dans le temps et à des
évolutions qui ont donné lieu à des opérations qui parfois ont rendu
certaines distinctions entre agents financiers très floues tel par
exemple ces institutions non bancaires qui ont racheté les créances
des banques à travers des opérations de titrisation (spécialement aux
Etats-Unis).
Encadré 7
Système financier marocain
Etude dans le cadre de la réflexion
prospective sur le Maroc 2030 menée par le
Haut Commissariat au Plan (HCP)

Le système financier marocain a été profondément


réformé depuis le début des années 90, autour de nombreux
axes notamment le décloisonnement des marchés de
capitaux par la transformation des relations entretenues
entre les différents éléments constitutifs du système
financier, la libéralisation des opérations financières et les
réformes du cadre réglementaire des banques et du marché
financier.
Ainsi ont été introduits, dans le cadre de la loi bancaire en
1993 et des textes attenants, le désencadrement du crédit, la
suppression progressive des emplois obligatoires, la
libéralisation des taux d’intérêt débiteurs en 1996 et, la
même année, le lancement d’un marché des changes
interbancaire.
A partir de 2000, un nouveau plan comptable pour les
établissements de crédit a été adopté. Cette libéralisation de
l’activité bancaire s’est réalisée dans un cadre prudentiel
renforcé (notamment en matière de classification des
créances douteuses à provisionner) que le système bancaire
a globalement su intégrer, exception faite des anciens
organismes financiers spécialisés.
Le marché financier, quant à lui, après sa modernisation
par une batterie de mesures, en 1993, a connu, en 2004, une
mise à jour de son infrastructure et de ses règles de
fonctionnement et un renforcement des pouvoirs de l’autorité
de marché. En 2006, la promulgation de la nouvelle loi
bancaire apporte deux éléments fondamentaux que sont
d’une part, des nouvelles règles prudentielles dans le cadre
de Bâle II qui sont plus qualitatives et spécifiques et qui
nécessitent le recours à de nouveaux profils en matière de
ressources humaines et à des moyens techniques
sophistiqués et d’autre part, l’autonomie de la banque
centrale, seule institution chargée de veiller à la régulation et
à la surveillance du système bancaire et de conduire la
politique monétaire.
Pour la plupart, ces réformes ont soit atteint leurs objectifs
soit réunissent toutes les conditions pour atteindre les
résultats escomptés, et d’un point de vue institutionnel, le
Maroc dispose actuellement du système financier le plus
structuré de la rive sud de la méditerranée et certainement le
plus performant, qui affiche des taux de rentabilité réels très
attrayants, les meilleurs après ceux observés en Afrique du
Sud. Cependant, rares sont les institutions ou entreprises
financières qui peuvent se prévaloir d’une taille susceptible
de concurrencer les plus grandes banques d’Afrique du Sud
ou même d’Egypte.
La recherche de la taille critique passe par un mouvement
de concentration et pose la question des modalités et des
formes de ladite concentration. Le problème de l’intégration
des structures de marché inéluctable pour la survie du
marché n’est quant à lui et à l’heure actuelle pas encore
posé.
3. Le passage d’une économie d’endettement
à une économie de marchés de capitaux
Dans une économie d’endettement, les agents se financent auprès
d’intermédiaires financiers. Le financement se fait par le crédit. Les
taux d’intérêt sont administrés. Les banques octroient le crédit après
l'avoir évalué et financent les opérations dont elles anticipent
favorablement le résultat. Le crédit constitue ainsi le principal mode
de financement de l'activité productive. Même lorsque les entreprises
ont par leur dimension un accès au marché des valeurs mobilières, la
faiblesse du taux d'autofinancement implique le recours
complémentaire au crédit. Les banques doivent assurer le
financement auprès de la banque centrale, préteur en dernier ressort.

L’économie des marchés de capitaux se fait sur le marché


financier par émission de titres. Les taux d’intérêt sont flexibles, et
résultent de la confrontation entre l’offre et la demande. Ce système
privilégie la finance directe et se passent d’intermédiaires financiers.
Cependant, ces derniers, y compris les banques, sont présents sur
les marchés à la fois comme offreurs et comme demandeurs de
titres.

L’existence de ce système n’exclut pas le crédit qui constitue une


activité essentielle des banques. Il est destiné aux agents qui n'ont
pas de dimension suffisante pour emprunter sur le marché des titres.
Les entreprises à forte notoriété font appel au marché financier pour
le financement d'accroissements significatifs de leur activité. Dans
ces conditions, les banques diversifient leur activité et détiennent des
actifs diversifiés combinant à des degrés divers risque et rendement.
La présence dans leur bilan de titres publics (actifs non risqués et
rémunérés) apparaît comme une nécessité de bonne gestion.
Figure 5 : Agents économiques

A partir des années 1930, le système financier était


principalement bancaire, les marchés financiers avaient une
importance très faible. Les banques contrôlaient une partie du capital
des grandes entreprises particulièrement au Japon et en Allemagne.
A partir des années 70, les marchés financiers prenaient une place
importante dans le système financier. Ce renversement de tendance
est dû à l’adoption du système des changes flottants en 1973 qui
donna naissance à un véritable marché des changes ; à l’adoption
également par les Etats-Unis du système de retraite par capitalisation
et qui créa une demande croissante des obligations longues (10 à 30
ans) et des actions de la part des fonds de pension. On ajoute à cela
le gonflement de la dette publique des pays industrialisés qui donna
naissance au marché des taux d’intérêt.

Encadré 8
Qu’est-ce qu’un système financier
efficace ?

Tobin (1984) fournit quatre définitions :


1/ l’efficacité de l’arbitrage des informations (information
arbitrage efficiency) ;

2/ l’efficacité de l’évaluation fondamentale (fundamental


valuation efficiency) ;

3/ l’efficacité en matière d’assurance complète (full


insurance efficiency) et

4/ l’efficacité fonctionnelle (functional efficiency). Une


cinquième forme possible de l’efficacité est l’efficacité
transactionnelle.

L’efficacité de l’arbitrage des informations se fonde


sur le postulat que les prix reflètent toutes les informations
publiques disponibles. Elle suggère, par conséquent, que
seules les informations privilégiées permettraient d’obtenir
un rendement surpassant constamment le marché. En
termes techniques, cela signifie que, dans n’importe quel
marché efficace sur le plan de l’information, le meilleur
modèle d’évaluation des actifs est une marche aléatoire
(selon un modèle d’évaluation à marche aléatoire, le prix
actuel d’un actif donné est le meilleur indicateur du prix
futur de cet actif).

L’efficience de l’évaluation fondamentale fait


référence à une situation dans laquelle le prix d’un actif
financier est complètement déterminé par la valeur
présente des paiements futurs auxquels donne lieu cet
actif. Cette définition de l’efficience exclut les bulles et
suppose que les prix des actifs sont toujours guidés par
des éléments fondamentaux. Elle implique également que
le prix des actifs est toujours « le bon » et qu’il est
impossible qu’apparaissent des périodes de folie
financière ou de panique financière. Au cours des
périodes de folie financière, les prix des stocks (ou des
maisons ou de tout autre type d’actifs) deviennent « trop
élevés » en raison d’un optimisme excessif, alors que
pendant les périodes de panique financière les prix des
actifs deviennent « trop bas » en raison d’un pessimisme
excessif ou d’un manque de liquidités.

L’efficacité en matière d’assurance complète fait


référence à la présence de contrats contingents. Selon
cette définition, un marché est efficace si les agents
peuvent acheter et vendre des assurances couvrant tous
les états possibles de la nature (souvent désignées sous
le terme de contrats Arrow-Debreu).

L’efficacité fonctionnelle est liée à la valeur ajoutée


sociale de l’industrie financière. Les marchés financiers ne
fournissant pas de services relevant directement de la
fonction d’utilité, la rentabilité sociale de l’intermédiation
financière se réduit à deux points : la stabilisation de la
consommation et la croissance économique. Selon Bodie,
Merton et Cleeton, la fonction ultime d’un système
financier est de « satisfaire les préférences de
consommation des individus, y compris tous les produits
de première nécessité tels que la nourriture, les
vêtements et le logement » (Bodie et al., 2009, 2, notre
trad.).

L’efficacité transactionnelle se rapporte à la capacité


du marché à traiter un grand nombre de transactions à un
faible coût. Cette définition suggère que les marchés
liquides ou les marchés caractérisés par un écart faible
entre l’offre et la demande sont plus efficaces que les
marchés non liquides ou les marchés caractérisés par un
écart élevé entre l’offre et la demande.
Extrait article
Ugo PANIZZA, « La finance et le développement
économique », International Development Policy | Revue internationale
de politique de développement. Article en ligne. URL :
http://poldev.revues.org/966 ; DOI : 10.4000/poldev.966

4. Le marché des capitaux


Les marchés de capitaux comprennent les marchés de capitaux à
court terme, c’est le marché monétaire et le marché de capitaux à
moyen et long terme (le marché des actions et obligations) c’est le
marché financier. A ces marchés vient s'ajouter le marché des
produits dérivés.

4.1. Le marché monétaire

Sur ce marché sont fixés les taux d'intérêt à court terme. Il


comprend deux marchés, le marché interbancaire et le marché des
titres de créances négociables. L'accès au marché monétaire est
réglementé.

Deux types d'intermédiaires interviennent sur le marché


monétaire, les agents du marché interbancaire et les organisateurs
principaux du marché. Les intervenants sur ce marché sont les
institutions financières - Trésors nationaux, banques centrales,
banques, gestionnaires de fonds, assureurs, etc. - et les grandes
entreprises se procurant des financements courts.

4.1.1. Le marché interbancaire


Le marché interbancaire est réservé aux établissements de crédit.
Il permet la redistribution des liquidités et les ajustements de
trésorerie entre les banques. Les établissements de crédit
interviennent sur le marché interbancaire en tant que prêteurs s’ils
ont un excédent et en tant qu’emprunteurs s’ils ont un besoin. Les
taux d'intérêt à court terme se forment sur ce marché où se
rencontre l'offre et la demande de liquidités bancaires. Le Trésor
public intervient essentiellement en tant qu'emprunteur pour financer
l'Etat. Pour ce faire, il émet des «BTV» ou Bons du Trésor à Taux
Variables dont la durée est généralement comprise entre zéro et
deux ans et dont les principaux bénéficiaires sont les intervenants du
marché interbancaire. La banque centrale intervient pour réguler la
liquidité sur ce marché par des opérations d’open market et par des
réserves obligatoires.

4.1.2. Le marché des titres de créances négociables.

Ce marché est ouvert à tous les opérateurs économiques. Les


titres de créances négociables sont des titres émis au gré des
émetteurs, négociables, représentant un droit de créance pour une
durée déterminée. Ils sont dématérialisés et transmissibles. Ils ne
sont pas cotés. Le Trésor public émet des bons du trésor, à taux
fixes, négociables et leur souscription est également ouverte à tous
les agents économiques, contrairement à ce qui se passe sur le
marché interbancaire. Les titres sont émis en continu contrairement
aux obligations.

4.2. Le marché financier

Même si nous aurons l'occasion d'aborder le marché financier


dans le chapitre 7, nous en présentons ici un brève description. Le
marché financier est un marché sur lequel sont émis et échangés des
titres à moyen et long terme, comme les actions (titre de propriété) et
les obligations (titre de créance). L’obligation est un titre à revenu
fixe, représentatif d’une dette. Les actions sont par contre des
fractions du capital de la société émettrice. Elles donnent droit sur les
revenus nets et sur les actifs. Les actions sont des titres à long terme
car elles n’ont pas de dates d’échéance contrairement aux obligations
qui sont des engagements contractuels qui donnent lieu à un
versement déterminé par l’emprunteur à des intervalles fixés jusqu’à
une certaine date appelée échéance où le dernier versement est fait
et la dette s’éteint. La dette à court terme a une maturité inférieure
ou égale à un an. La dette à long terme dépasse les dix ans. Le
marché financier est constitué de deux marchés, le marché primaire,
le marché secondaire et le marché des produits dérivés.

5. Bref rappel de quelques théories sur le rôle


économique de l’Etat
Au 19ème siècle, c’est la doctrine libérale qui prévalait. L’Etat était
absent des affaires économiques et une séparation existait entre le
politique (l’Etat) et l’économique (les activités économiques). L’Etat
doit respecter les droits naturels des individus et se contentait de
remplir des tâches que le privé était incapable de remplir (justice,
défense nationale, etc.). Il disposait pour cela d’un budget qui doit
être équilibré. L’équilibre budgétaire est la conséquence logique de la
neutralité de l’Etat en matière économique. Si le budget n’est pas
équilibré, l’Etat se trouvera devant l’obligation d’emprunter. De même
que l’excédent du budget ne sert à rien, il ne peut être thésaurisé car
ceci est contraire au principe de la circulation des richesses.

Après la crise économique des années 30 et la 2ème guerre


mondiale, la situation a changé. La grande dépression nécessitait
une intervention de l’Etat pour la stabilisation économique et la
réalisation du plein emploi. La politique budgétaire était un moyen
d’intervention dans la vie économique. L’équilibre budgétaire annuel
fut abandonné. En effet, le budget doit être déficitaire lorsqu’il s’agit
de combattre un état de stagnation et de sous-emploi ; excédentaire
lorsqu’il faut lutter contre une tendance inflationniste. Le déséquilibre
est donc admissible.

Le débat sur la théorie de l’intervention de l’Etat englobe deux


théories : la théorie normative de l’économie publique qui définit ce
que doit être l’Etat, son rôle et ses limites d’intervention ; et la théorie
positive de l’économie publique qui décrit les mécanismes de
l’intervention de l’Etat en admettant d’emblée la nécessité de son
intervention. Sous ces deux types de théories s’abritent quatre
principaux courants sur le rôle de l’Etat : le libéralisme originel qui
couvre la théorie classique et néoclassique ; le libéralisme
interventionniste dont la théorie keynésienne est le pilier, la théorie
marxiste et la théorie de la régulation.

Dans la théorie classique, on ne parle pas d’Etat mais de l’impôt.


L’impôt doit être juste et ne doit pas décourager l’initiative des
individus. Adam Smith préconisait que le corps social ne peut
fonctionner que s’il existe des moyens institutionnels. Donc il faut
donner de l’impôt en proportion de son revenu pour contribuer aux
dépenses du gouvernement. L’impôt doit assurer une répartition
équitable du revenu et de la richesse.

Dans la théorie néoclassique, le rôle de l’Etat est facultatif. Le


marché est équilibré par les comportements des agents économiques
qui cherchent à satisfaire au maximum leurs besoins. L’Etat doit
intervenir uniquement dans certains cas comme le monopole ou la
gestion des biens collectifs. Le marché tendant naturellement à
s’autoréguler, avec la présence d’un État protecteur de la libre
concurrence. Le libre-échange et la libre concurrence doivent aboutir
à la répartition optimale des ressources.
Les événements marquants du 20è siècle ont confié à l’Etat le
rôle de « gendarme », ce rôle se développait dès la seconde moitié
du XIXe siècle. L’Etat doit protéger les droits de propriété, veiller à la
régulation (en cas de grandes fluctuations, politiques
macroéconomiques), assurer la redistribution (équité, justice sociale,
capabilité), régler la concurrence et protéger l’information et la liberté
de choix des consommateurs. Les économistes néoclassiques
justifient théoriquement cette extension du rôle économique de l’État
de la manière suivante : en bon gendarme, l’État doit intervenir pour
créer, puis faire respecter les conditions d’une concurrence pure et
parfaite (libre entreprise, liberté de déplacement du capital et du
travail, transparence de l’information, comparabilité des produits et
présence de suffisamment de producteurs et d’acheteurs sur chaque
marché pour que les prix s’imposent aux agents économiques, ce qui
suppose notamment l’absence de monopole). Les développements
de la micro-économie, donnent encore davantage d’importance au
rôle de l’Etat (externalités négatives (pollution) et positives
(recherche) dans le cadre de l’école du bien-être).

La crise de 1929, a donné un écho particulier aux analyses de


John Maynard Keynes (1883-1946) qui sont nées d’ailleurs suite à
une réflexion sur cette crise et à l’échec de la théorie néoclassique à
expliquer ses causes. Pour ces derniers, l’origine de la crise est
institutionnelle. Le salaire (prix du travail) était élevé en raison de la
pression des syndicats et de la politique sociale. La solution pour eux
était de libéraliser le marché du travail. La baisse des salaires incitera
les entreprises à embaucher davantage. Pour Keynes, les
mécanismes d’auto-ajustement du marché ne conduisent pas
forcément à une allocation optimale des ressources. Il incombe alors
à l’État de soutenir la croissance, stimuler l’économie afin de parvenir
au plein-emploi, notamment par des politiques conjoncturelles de
relance de la demande et en engageant des dépenses publiques
supplémentaires. La rigidité des salaires n’est pas la cause car le
niveau de l’emploi ne dépend pas des salaires mais des anticipations
des travailleurs. Pour réaliser un maximum de profit, les entreprises
augmentent leur production tant que les coûts de production sont
inférieurs aux recettes. Il n’existe pas de mécanismes de régulation
automatique. La surproduction et le sous-emploi sont possibles. Le
problème majeur de la dépression est le chômage, ce qui fait que
Keynes s’intéressait aux facteurs qui déterminent le niveau de
l’emploi. Les entreprises essaient d’ajuster la production et la
demande. L’emploi dépend de la production donc de la demande. S’il
y a un sous-emploi, c’est que la demande est insuffisante. L’apport
fondamental de Keynes est que : Rien ne prédit que l’économie
fonctionnera en situation d’équilibre car le déséquilibre est la norme ;
Même en cas d’équilibre, rien ne prédit que c’est un équilibre de plein
emploi ; L’économie peut durablement connaître un équilibre de
sous-emploi ou un équilibre de suremploi. Cet apport aboutira à trois
conclusions principales :

- Keynes rejette l’idée néoclassique selon laquelle on peut faire


confiance aux mécanismes automatiques, c'est-à-dire la flexibilité du
taux d’intérêt pour maintenir ou restaurer le plein emploi. Pour les
libéraux, la flexibilité du taux de salaire réel est équivalente à la
baisse du salaire et donc à la baisse du chômage. La flexibilité du
taux d’intérêt implique l’augmentation des investissements et donc la
baisse du chômage. En cas de suremploi, on augmente le taux
d’intérêt et les gens trouvent mieux à thésauriser l’argent qu’à
investir. Ceci décharge la population active d’une partie de l’activité.
- Pour Keynes, le niveau de l’emploi dépend de la demande
effective, c'est-à-dire la demande de la consommation et la demande
d’investissement. Or, il n’y a aucune raison ni loi qui fait que la
consommation et l’investissement vont employer la totalité de la
population active.
- Le plein emploi n’est qu’une situation parmi d’autres. Il n’est
ni normal ni certain ni automatique. Le plein emploi, une fois atteint
n’est pas durable. L’offre n’est pas toujours égale à la demande. A
l’équilibre, l’épargne est égale à l’investissement. On passe du
déséquilibre à l’équilibre par une modification du revenu national
(mécanisme du multiplicateur) et rien ne garantit que cet équilibre soit
celui du plein emploi. Ainsi l’équilibre chez Keynes se réalise par une
variation du taux d’activité économique et non par une variation du
taux d’intérêt comme chez les classiques.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’Etat est devenu très présent


dans l’économie. Durant les trente glorieuses (période qui s’étale de
la deuxième guerre mondiale jusqu’au premier choc pétrolier et qui
est marquée par une combinaison d’Etat et d’économie de marché)
l’Etat est un producteur, au travers notamment des entreprises
publiques, il mène une politique de modernisation industrielle,
s’efforce de planifier l’évolution de l’économie. Il est aussi un
employeur de plus d’un quart des salariés et un consommateur
important, via les marchés publics. Il encadre le marché du travail
(droit du travail protecteur des intérêts des salariés, fixation d’un
salaire minimum, etc.). Il assure un rôle de régulation de l’économie
(contrôle des prix, contrôle des changes, régulation du crédit, etc.). Il
met en œuvre les principes keynésiens de réglage de l’activité
économique par les politiques budgétaire et monétaire.

L’objectif de l’interventionnisme étatique est d’éviter les crises et


les déséquilibres, en particulier le chômage, instaurer la protection
sociale, lutter contre les inégalités et réaliser des investissements
collectifs de grande envergure.

La croissance a été forte pendant trois décennies. Les ménages


ont accédé à la consommation de masse, à la mobilité offerte par
l’automobile, au confort des logements neufs. La sécurité sociale a
contribué à l’amélioration de la santé et à l’allongement de la durée
de vie. Les inégalités ont été réduites. Le plein emploi a été assuré.

Cette réussite ne s’est pas effectuée sans déboire, parfois très


néfastes. On peut citer dans ce cas la constitution de corporation
dans le secteur public encourageant son immobilisme, la mise en
place d’une politique agricole productiviste et qui a mis fin à la
paysannerie traditionnelle et un exode rural massif, l’encouragement
de l’immigration par les employeurs appuyés par les pouvoirs publics
pour peser sur les salaires, etc.

A la fin des années 60, le régime se dérègle, la théorie de


régulation se propose pour expliquer cette crise. La théorie de
régulation, qui est tout à la fois à l’écart du marxisme et du
keynésianisme et qui est le fruit d’un programme lancé à la fin des
années 60 a essayé d’apporter des analyses à cette période. La
question posée était de savoir si la croissance d’après-guerre allait
durer. Ceci conduit Aglietta à mettre au jour le régime qui a permis la
croissance des trente glorieuses : le régime d’accumulation fordiste.
Keynes raisonnait dans une économie peu ouverte sur l’extérieur, or
depuis la crise des années 30, les économies se sont largement
internationalisées. Quant à Marx, il prévoyait une paupérisation de la
classe ouvrière or durant les trente glorieuses, c’est l’inverse qui s’est
produit.

La théorie de régulation s’est proposée comme un dépassement


du capitalisme et du marxisme pour se développer dans un contexte
de crise. Son objectif est d’expliquer les changements et de repérer
les nouveaux régimes d’accumulation susceptibles d’émerger.
La question principale est : quel est le rôle de l’Etat dans une
situation de crise définie comme un problème de régulation resté
sans solution ?
Dans un système libéral, l’Etat n’a pas de place. La régulation se
fait par le marché. Dans la théorie de régulation, la politique
économique est une construction sociale, le fruit de compromis. La
réussite d’une politique économique ou d’un modèle repose sur le
compromis entre les agents qui y participent. L’Etat n’est pas le
maître mais doit faire participer les partenaires sociaux. L’apport
principal en ce qui concerne l’analyse de la raison économique de
l’Etat se situe à l’écart du clivage micro –macro, luttes des classes,
etc. pour procéder à une démarche globalisante dans laquelle la
mixité de l’économie relève d’une conception pleinement
interrelationnelle de l’économie, du social et du sociétal qui dépasse
très largement l’étude du rapport social de production pris au sens
habituel.

À partir des années 1970, l’État-providence entre en crise et l’Etat


recule à cause de la remise en cause par notamment les
économistes de l’école des choix publics1, de la légitimité de son
action, le rôle économique de l’État connaît une triple inflexion : en
premier lieu, la légitimité de son action qui servait les intérêts
électoraux plutôt que l’intérêt général, s’ajoute à cela le
ralentissement économique de 1973 et enfin la venue de la
mondialisation qui a conduit l’État à renoncer à certains de ses
instruments, comme le contrôle des changes, le blocage des prix ou
l’encadrement du crédit, tandis que d’autres étaient confiés à des
institutions supranationales (l’Union européenne, la Banque centrale
européenne, l’organisation mondiale du commerce) ou à des
autorités administratives indépendantes.

1
La théorie du Choix Public peut être résumé en trois points,
l'individualisme méthodologique, le choix rationnel et la
politique comme échange. Cette école montre l'inefficacité publique,
Notamment dans le domaine des dépenses publiques, et elle montre que le
développement des interventions publiques ne s'explique pas par l'intérêt
général, mais par les intérêts de certains groupes sociaux.
6. Etats et trajectoires des pays en développement

Cette contre révolution classique des années 80 a marqué les


politiques et les trajectoires des pays. Il est intéressant de voir
comment ce revirement a été vécu par le monde en développement.
Ce dernier regroupe une grande variété de situations économiques
allant des pays qui ont tiré profit de cette conjoncture, les pays
émergents, vers les pays qui sont restés dans le gouffre de la
pauvreté et du sous développement, les pays les moins avancés.
Cette période s'est caractérisée par une hétérogénéité des modèles
de développement et le rôle de l'Etat s'est avéré déterminant dans la
trajectoire de ces pays. Les années 80 étaient marquées par le
Consensus de Washington. Ce dernier, d'inspiration néoclassique et
faisant référence aux "programmes de stabilisation et d'ajustement
structurel" a été conçu pour guider les pays du Sud vers le
développement. Il appelle à une faible intervention de l'Etat au profit
des marchés, un équilibre budgétaire et une privatisation des
entreprises publiques. Il est préconisé par la Banque Mondiale, le
Fonds Monétaire International et le Trésor public des Etats-Unis qui
selon eux, la dérégulation et la fiscalité sont les moyens par
excellence dont dispose un pays pour se développer. Ce consensus
s'appuie sur 5 principes : la stabilisation par une inflation très faible et
une réduction des déficits ; la privatisation pour plus d'efficacité ;
l'ouverture pour attirer plus d'investissements directs étrangers ; la
déréglementation des marchés et l'équilibre budgétaire. Les
politiques de libéralisation financière visent à réduire le rôle de l'Etat
dans la mobilité des capitaux et la détermination des taux d'intérêt.

Le résultat de ce programme fut pour le moins qu'on puisse dire,


contrasté et n'a pas eu les mêmes effets sur tous les pays concernés.
Pour certains pays, on constatait un rééquilibrage économique avec
une inflation maitrisée mais une croissance au ralenti et des
inégalités qui se creusent. La pauvreté a été maitrisée en Asie, un
peu moins en Amérique Latine mais complètement explosée en
Afrique Subsaharienne qui a connu un recul de sa part dans les
exportations et le produit intérieur brut (PIB) mondiaux. Les pays
d'Asie orientale et du Pacifique par contre, ont réalisé une ascension
économique considérable. Certains pays sont donc parvenus à
réaliser une croissance économique et s’inscrire dans la catégorie
des pays « émergents » alors que d'autres affichent toujours des taux
de croissance très faibles et sont classés dans la catégorie des pays
« les moins avancés». Des analyses plus poussées ont montré que la
réussite des premiers est attribuée au rôle joué par l'Etat. La
croissance même élevée dans certains pays africains a été très peu
créatrice d’emplois.

En principe, toute croissance économique est le produit des


politiques publiques qui doivent réaliser une combinaison optimale
des facteurs de production dans l’objectif de créer de l’emploi et du
bien-être à la population. De l’Ecole classique anglaise (A. Smith,
Ricardo) jusqu’aux théoriciens contemporains de la croissance
endogène (Romer, Lucas, Barro) en passant par les keynésiens
(Keynes, Harrod-Domar, Kalecki, Hicks) et les néo-classiques
(Solow, Von Mises et Hayek), tous nous ont enseignés cette même
combinaison pour ce même résultat. De nos jours, d’autres variables
sont à intégrer : Une bonne répartition des richesses, l’ouverture des
économies, les infrastructures, les intégrations régionales, les
sources de financements, les réformes institutionnelles, etc. A cela
s’ajoute encore les spécificités démographiques et culturelles qui
peuvent influencer dans une large mesure le niveau de productivité.

Les caractéristiques principales des grandes transformations


qu’ont connues les pays asiatiques et sud-asiatiques sont
l’émergence de régimes capitalistes, des taux de croissance très
élevés et un phénomène d’urbanisation accéléré. La Corée du Sud,
Hong Kong, Singapour, Taïwan furent les premiers à enclencher la
révolution capitaliste au cours des années 1960. L’Indonésie,
Malaisie, Philippines, Thaïlande les suivirent au cours des années
1970-1980. Et enfin, les Démocraties populaires (Cambodge, Chine,
Laos et Vietnam), l’Inde et la Birmanie à partir des années 1980 et
surtout 1990. Les transformations se sont opérées de manière très
rapide. La place de plus en plus importante que prenait le capitalisme
sous différentes formes enclenchait une dynamique accélérée de
croissance et d’ouverture internationale. L’Etat y joue un rôle capital
en mettant en place les conditions institutionnelles nécessaires à
l’épanouissement du capitalisme dans sa forme agraire notamment,
et d’autre part, il impose des programmes d’industrialisation. Par son
action, il est alors qualifié d’État développeur, il porte autoritairement
des programmes pour atteindre un objectif, il planifie et il noue des
alliances politiques à dessein. L’Etat est intervenu à la fois dans les
politiques industrielles, l’ouverture aux IDE sous conditions, les
politiques de taux d’intérêt, de change visant à la stabilité des cours
afin de construire politiquement l’insertion dans la mondialisation.

Les pays d’Asie ont su tirer avantage de la mondialisation et


l’utiliser en leur faveur contrairement aux pays en développement.
Tout en protégeant leurs marchés intérieurs, elles inondent les
marchés extérieurs de leurs produits. Par exemple, 95% des voitures
vendues au Japon, en Chine et en Corée du sud sont produits
localement. La Chine a su développer une industrie automobile et
mettre en place des droits de douane de plus de 100% sur les
importations de véhicules tout en imposant à tous les constructeurs
de construire des usines de montage sur place. L’Etat a ensuite
remonté les droits de douane sur les pièces détachées pour faire
venir l’ensemble de la filière sur son territoire. La leçon tirée de cette
politique protectionniste c’est qu’il est essentiel de protéger les
industries naissantes et leur laisser le temps de se développer
et de se tourner ensuite vers l’exportation. Ceci se fait aussi à
travers des réformes favorisant les industriels nationaux au
détriment des industriels étrangers. C’est donc un modèle où
l’Etat est très présent par une politique industrielle doublée d’un
protectionnisme commercial et d’une limitation des
importations. Le modèle économique asiatique montre le rôle
prégnant de l’Etat.

Les économies africaines se basent pour la plupart sur les


ressources naturelles, le secteur manufacturier est très peu
développé, la productivité agricole reste faible entrainant un exode
rural vers les villes. L’urbanisation est très mal gérée et représente un
problème majeur du fait de l’incapacité de l’infrastructure urbaine à
faire face à l’afflux d’immigrants ruraux. Or un vrai processus de
transformation économique devrait d’abord s’attaquer aux inégalités,
au chômage et à la très mauvaise qualité des services sociaux, c'est
à dire aux conséquences d'un programme d'ajustement structurel.
Ces mesures imposées pour ramener les déficits des finances
publiques et de la balance des paiements dans des limites qui
permettent d’organiser une gestion financière déflationniste ont crée
un désastre économique. La perte de contrôle de l'Etat sur la
régulation des indicateurs macroéconomique a réduit les capacités
d'aboutir à un décollage économique.

Les critiques adressées au Consensus de Washington ont abouti à


une série de réformes institutionnelles. Des concepts comme la
bonne gouvernance et le renforcement des institutions ont été mis en
place dès les années 90. Des transitions politiques vers des régimes
pluralistes ont vu le jours dans plusieurs pays, la lutte contre la
corruption et le gaspillage des ressources publiques, la protection de
l'environnement, la promotion du développement locale basée sur
une démocratie participative, etc. toutes des actions mises en place
pour relancer la croissance et atteindre le développement
économique durable. Mais la crise asiatique de 1997 et ensuite celle
de l'Argentine (qui poursuit l'austérité budgétaire), prescrites au début
des années 2000 marquent la fin du Consensus de Washington. La
baisse des dépenses publiques avec le recul de la croissance n'ont
fait qu'augmenter le chômage et exploser la pauvreté. De grands
économistes dénoncent ce Consensus doutant même de l'idée d'un
programme applicable à tous les pays. Joseph Stiglitz (La grande
désillusion, 2000), explique l'échec des politiques d'ajustement
structurel par cette obstination à réduire les distorsions sur des
marchés considérés comme étant efficaces alors qu'ils sont en réalité
imparfaits.

Les politiques publiques doivent être revues, notamment une


politique budgétaire contra cycliques. Cette question ne fait pas
l'unanimité de tous les économistes et décideurs politiques. Des
suspicions quant à ces effets sont avancées par ces détracteurs
notamment le FMI. Des dépenses publiques financées par le déficit
accroissent les achats auprès du secteur privé et stimulent donc
l’activité des firmes. Ceci est favorable à la production et à
l'investissement ce qui augmentera le niveau de l'emploi. Le déficit
public améliore les perspectives de profit des entreprises ; les
entreprises et les ménages voient dans la pratique du déficit public un
remède à la contraction de la consommation et de l’investissement.
Ce faisant, il contribue à la hausse des cours des titres émis par les
firmes privées en même temps qu’il incite les banques à une baisse
des taux d’intérêt. L’accroissement du revenu auquel il contribue
induit une hausse de l’épargne. Loin d’évincer les entreprises, le
déficit budgétaire exerce, de par son effet créateur de demandes et
de profits, un impact positif sur les décisions de production et
d’investissement et d’emploi.

7. La politique budgétaire
7.1. L’équilibre budgétaire

L’équilibre budgétaire est l’égalité entre recettes et dépenses de


l’Etat. La neutralité de l’Etat chez les Classiques est symbolisée par
cet équilibre. Les finances publiques modernes vont entrainer un
élargissement de la notion de l’équilibre budgétaire et son
dépassement.

7.1.1. Les prélèvements et les dépenses publiques

On désigne par prélèvements obligatoires tous les versements


effectués par des personnes physiques ou morales aux
administrations publiques afin de financer leurs dépenses.
Les dépenses publiques correspondent aux dépenses effectuées
par l’administration publique. Elles sont incluses dans le budget de
l’Etat. Il existe plusieurs types de dépenses :
Les dépenses de fonctionnement des services publics : salaires
des fonctionnaires, entretien des bâtiments, etc. ;
La fourniture de services publics (comme l’hospitalisation ou
l’enseignement à titre gratuit) et les prestations en numéraire
(subventions aux entreprises, pensions de retraite et allocations
familiales, etc.) ;
Les dépenses d’investissement : construction de bâtiments et
d’infrastructures (hôpitaux publics, bibliothèques, routes, etc.).

7.1.2. La notion d'équilibre budgétaire

La notion d’équilibre budgétaire est définie par un état d’égalité


parfaite entre recettes et dépenses. Mais cette vision mathématique
ne tient en aucun cas compte d’éventuels problèmes de contingence
qui souvent contraint les Etats en leur qualité de défenseur de l’intérêt
général. Cet équilibre budgétaire a été très défendu dans les finances
publiques classiques qui précédèrent la seconde guerre mondiale
alors qu’avec Keynes, la notion fut contestée et critiquée comme
étant une « fausse norme ». Les déséquilibres budgétaires peuvent
être tolérés pour relancer la croissance économique et l’emploi. Les
pouvoirs publics doivent combattre le déficit lorsque la situation
économique le permet comme ils ne doivent pas le craindre lorsque
l’économie l’exige.

Aujourd’hui la notion d’équilibre budgétaire est de retour marquant


ainsi un retour du « libéralisme » en matière de finances publiques.

7.2. La politique budgétaire

La politique budgétaire est un ensemble de moyens que met en


œuvre un gouvernement pour agir sur l'économie du pays en utilisant
son pouvoir de fixer les recettes de l'Etat et les priorités dans la
répartition des dépenses publiques.

Il faut distinguer deux aspects de la politique budgétaire : un


aspect microéconomique qui concerne l’affectation des ressources
aux emplois et un aspect macroéconomique qui se rapporte au
niveau de l’activité économique, au taux de chômage, etc.

La politique budgétaire vise à améliorer les résultats


macroéconomiques en modifiant les dépenses publiques et les
impôts. Face à un niveau de production inférieur au niveau de plein
emploi, les responsables de la politique économique peuvent
contribuer à ramener le plein emploi en augmentant les dépenses
publiques ou en baissant les impôts. On peut vérifier sur le plan
théorique quel est l’impact de ces deux actions sur les autres
variables économiques.

7.2.1. La variation de l'épargne


Soit une hausse des dépenses publiques (∆G) compensée par
une baisse équivalente des investissements étant donné que la
consommation C est stable car le revenu disponible Y-T est inchangé
et la production totale est déterminée par les facteurs de production.

Pour cette baisse des investissements, le taux d'intérêt doit


augmenter. Les conséquences donc d'une hausse des dépenses
publiques est l'augmentation du taux d'intérêt et la baisse des
investissements. On dit qu'il y a une éviction de l'investissement par
les dépenses publiques.

Cette augmentation des dépenses publiques est financée par


l'emprunt car le niveau des prélèvements est resté inchangé. Ce
financement va réduire l'épargne nationale, puisque l'épargne privée
reste inchangée.

Figure 6 : La variation de l’épargne

Taux
d’intérêt S2 S1

r1

ro

I(r)

Investissement (I), Epargne (S)


La figure montre un glissement de l'offre de fonds prêtables pour
l'investissement. La demande de fonds prêtables excède l'offre. Le
taux d'intérêt augmente (de r0 à r1) jusqu'à ce que la courbe
d'épargne intersecte la courbe d'investissement. Une hausse des
dépenses publiques entraîne une hausse du taux d'intérêt.

On examine maintenant le cas d'une réduction des impôts (∆T) Le


revenu disponible va s'accroitre de ∆T et par conséquent la
consommation C va croître aussi de (∆T X PmC). Plus la PmC est
élevée, plus l'impact d'une réduction des impôts sur la consommation
est grand.

La production est déterminée par les facteurs de production. Les


dépenses publiques sont déterminées par la politique budgétaire.
Donc un accroissement de la consommation est compensé par une
réduction de l'investissement. Le taux d'intérêt doit alors augmenter
dans ce cas.

Une hausse des dépenses publiques comme une réduction des


impôts, évince l'investissement et augmente le taux d'intérêt.

7.2.2. La variation de la demande d'investissement

Les mesures budgétaires préconisées par l'Etat peuvent avoir une


influence sur la demande d'investissement. Des incitations fiscales
(comme des innovations technologiques) stimulent la demande
d'investissement.

Figure 7 : Variation de la demande d’investissement


r S

r1 B

I2

A
r1 I1

I, S

La hausse de la demande d'investissement déplace la courbe


d'investissement vers la droite. Pour un taux d'intérêt donné, le
montant de l'investissement est supérieur. Le nouveau point
d'équilibre se trouve au point B. L'épargne reste inchangée, le volume
d'équilibre de l'investissement reste inchangé également. Une hausse
de la demande d'investissement n'a d'autres effets que
l'augmentation du taux d'intérêt. L'offre de fonds prêtables est
donnée.

En supposant que la fonction de consommation dépend aussi du


taux d'intérêt, ce qui veut dire que l'épargne dépendra aussi du taux
d'intérêt et la courbe d'épargne sera croissante et non verticale. La
hausse du taux d'intérêt influence positivement l'épargne et
négativement la consommation.

Figure 8 : Taux d’intérêt et épargne


r

Sr

I2
A

I1

I, S

Si l'épargne est fonction du taux d'intérêt, tout glissement vers la


droite de la fonction d'investissement accroît le taux d'intérêt en
même temps que le volume de l'investissement. Le taux d'intérêt
accru incite les gens à épargner davantage, créant ainsi des
ressources disponibles en vue de l'investissement

8. Le rôle de la politique budgétaire en période


de récession

Les expériences de ces dernières années ont montré que la


solution qui consiste en l’augmentation des dépenses publiques en
période de récession n’est pas toujours possible. Aux Etats-Unis par
exemple, la chambre des représentants a instauré un amendement
pour l’équilibre budgétaire en 1995. Le traité de Maastricht a imposé
aux pays membre de l’UE de ramener le déficit public à 3% du PIB.
Friedman expliquait que les initiatives que prend l’Etat pour relancer
l’activité économique et faire diminuer le chômage entrainent de
l’inflation. Cette dernière est à l’origine de la baisse du chômage via
la création monétaire prônée par la politique de relance keynésienne.
Cette politique bute enfin de compte sur les anticipations adaptatives
des agents économiques qui intègrent dans leurs comportements les
effets inflationnistes avec un retour à la situation initiale (d’avant la
mise en place de la politique de relance) mais avec un niveau
d’inflation et de chômage supérieur. Ce dernier point se référant à la
courbe de Philips sera développé dans le chapitre 10.

Les politiques de relance caractérisées par une hausse des


dépenses publiques ou/et une baisse des impôts adoptées par la
plupart des pays pour faire face à la crise financière se sont-elles
avérées efficaces ?

Sur le court et moyen terme, il y a une opposition entre deux


grandes écoles théoriques, les keynésiens qui stipulent que l’’Etat
doit augmenter ses dépenses publiques (ou baisser les impôts) pour
stimuler l’activité économique et relancer ainsi la croissance2. Les
théories néolibérales critiquent radicalement ces politiques de relance
en dénonçant les effets néfastes des déficits budgétaires keynésiens
et des programmes des dépenses publiques.

Dans une étude faite par Jérôme Creel, Éric Heyer et Mathieu
Plane3les auteurs concluent que l’impact sur l’activité des politiques
budgétaires diffèrent, d’une part, en fonction des instruments utilisés
(dépenses publiques, baisse d’impôts…), des horizons de prévision,
de la taille des pays et de leur structure productive et fiscale. L’impact
de toute politique économique variera selon la position de l’économie
dans le cycle.

9. Etat, régionalisation et mondialisation de


l’économie
2
Une augmentation d’un point de PIB des dépenses publiques (ou de baisse
équivalente des impôts) doit donner lieu à une augmentation du PIB de plus
d’un pourcent, c’est l’effet multiplicateur.
3
Etude publiée dans la Revue de l’OFCE, n° 116, janvier 2011, pp 61-88.
Depuis la fin des années 80, les États ont perdu une partie de leur
pouvoir. La mondialisation, surtout dans ses aspects économiques,
augmente la contrainte extérieure et diminue le pouvoir d’intervention
des États dans l’économie mondiale face aux marchés financiers. Les
États se désengagent de l’économie en privatisant les entreprises
publiques. Les Etats perdent leur pouvoir par le haut avec la
régionalisation (exemple Union européenne). Ils perdent aussi leur
pouvoir « par le bas », avec la décentralisation et l’augmentation du
pouvoir des régions. La mondialisation et la régionalisation de
l’économie sont deux phénomènes opposés et qui se sont
développés parallèlement. La mondialisation économique et
financière trouve ses origines dans le développement des nouvelles
technologies d’information et de communication, L’intégration
économique régionale définit comme le degré d’interpénétration de
l’activité économique entre des pays appartenant à la même zone
géographique (BCE, 2004) se mesure par des critères réels comme
les échanges commerciaux, monétaires et financiers et comme la
convergence des taux d’intérêt.

Néanmoins, l’Etat reste toujours actif dans la mise en place


d’infrastructures ou de mesures dont l’impact est sociétal comme le
développement durable, les règles sur l’environnement (droit de
pollution, taxe carbone, etc.), les crises économiques, les systèmes
des retraites, etc.

Encadré 9
Rôle de l’Etat dans le financement de
l’économie
Le nouveau rapport de la Banque mondial (Global Financial
Development Report), (2012), pose la problématique du rôle
de l’Etat dans le secteur financier et le meilleur équilibre entre
le soutien au crédit et l’aide d’urgence en faveur des banques.
Le rapport examine le comportement des systèmes financiers
durant la crise financière mondiale. En abordant la question
des banques publiques, le rapport montre que dans certains
pays comme le Chili, la Tunisie, L’Inde, etc., les autorités ont
injecté des capitaux dans les banques publiques pour servir de
prêts aux entreprises (PME) et aux exportateurs. Certaines
banques d’Etat ont continué d’octroyer des crédits au risque
d’évincer les banques privées. Le rapport pointe le doigt sur
les risques inhérents à de telles pratiques et recommande aux
pays d’analyser les risques posés par les banques publiques.
Pour une évaluation des Etats dans leurs activités de
réglementation et de supervision, le rapport note que certains
pays ont adopté des politiques prudentes, ce qui les a mis à
l’abri des risques, c’est le cas notamment de la Malaisie et du
Pérou. En Australie, au Canada et à Singapour, les
supervisions ont été efficaces. Par contre, d’autres pays,
notamment en Europe et en Asie centrale, ont été largement
touchés par la crise. Ce ci est dû au fait que ces pays
acceptaient des définitions du capital moins strictes, faisaient
preuve de moins de rigueur dans le calcul des normes de
fonds propres au regard des risques de crédit.

Conclusion

La présence de l’Etat dans le secteur financier est essentielle pour


assurer la stabilité économique, stimuler la croissance et créer de
l’emploi. L’Etat doit superviser, veiller à une concurrence équitable et
de renforcer l’infrastructure financière. L’absence de réglementation
dans le secteur de la finance, les incitations à la prise de risque sont
des sources d’instabilité. Une concurrence bien organisée peut
contribuer à un accroissement de l’efficacité du système financier,
ainsi qu’au renforcement de l’accès aux services financiers, sans
nécessairement nuire à la stabilité du système.

Les crises financières ont montré que les marchés financiers


peuvent être des sources d’instabilité financière et que les États
restent la puissance incontournable dans les situations de crise
économique et financière même dans les pays considérés comme
libéraux. L'Etat intervient pour assurer les intérêts communs et
remédier aux déficiences des marchés. Il assure les fonctions
d'allocation, de stabilisation et de redistribution au moyen de
politiques macroéconomiques de stabilisation et de relance. Son rôle
dans l'économie fait pourtant toujours l’objet de controverses entre
économistes, Etat neutre ou Etat interventionniste, le débat est
toujours d'actualité.
Questions de révision

1. Quel est le rôle du marché interbancaire et comment la banque


intervient-elle sur ce marché ?
2. Comment expliquer l'émergence des marchés financiers à partir
des années 80 ?
3. Quel est le rôle de l'Etat dans l'économie ?
4. Quels sont les mécanismes de la politique budgétaire ?
5. Comment les théories de l'Etat ont-elles évolué depuis le 19è ?
Expliquez le lien de chaque théorie avec le contexte existant ?
6. Expliquez pourquoi la croissance a été forte durant les trente
glorieuses ? Quels sont les effets néfastes de cette croissance.
Questions d'analyse et de réflexion

1. Comment l'interdépendance et l'ouverture économiques des


différents pays de la planète peuvent-elles affaiblir les Etats au
niveau international et diminuer leur marge de manœuvre au niveau
national ?
2. Les crises financières remettent-elles en cause l'Etat-
providence ?
3. Comment améliorer la gouvernance économique mondiale ?
4. Quel est l'impact du processus d'intégration économique et
monétaire sur la croissance ?
5. Les intégrations régionales en Afrique peuvent-elles contourner
les effets négatifs de la mondialisation ? Expliquez pourquoi.
6. Comment le mode de financement du développement dans les
pays pauvre peut-il être un frein à la croissance et au
développement ?
7. Quelles sont les causes structurelles des crises financières ?

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