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Les deux premiers chapitres de ce cours ont abordé les banques d’un double point
de vue. Dans le Chapitre 1, nous avons montré que les banques – en fait, dans une
acception plus large, les intermédiaires financiers – étaient des acteurs importants
Nous avons aussi souligné que les intermédiaires financiers sont davantage
capables que les marchés de faire face aux problèmes posés par les asymétries
d’information. Dans le Chapitre 2, nous sommes allés un peu plus loin en montrant
que les banques ont une double spécificité par rapport aux autres intermédiaires
d’en faire une entreprise comme les autres à travers le jeu de la concurrence. C’est
en ce sens que l’on parle de firme bancaire. A travers ce terme, on souligne que la
banque comme toute autre entreprise doit générer un résultat net positif afin d’être
viable dans le temps. Cependant, en même temps, la banque n’est pas une
très particulières.
1
Dans ce chapitre 1, on privilégie une approche en termes de firme bancaire, ce qui
(Section 3). La section 4 présente une typologie des risques bancaires conduisant à
banques ;
2
• d’exposer les principaux facteurs explicatifs du mouvement de consolidation
du résultat bancaire ;
financements ;
Nous avons déjà souligné dans le Chapitre 1 l’imbrication de plus en plus étroite
entre la banque et les marchés financiers. A cette fin, nous avons distingué entre
3
intermédiation de marché et intermédiation de bilan. Cette imbrication est le
Ainsi la banque capte les ressources des ménages qui forment des dépôts à son
passif et prête à l’économie sous forme de crédit. On obtient alors le bilan simplifié
suivant :
4
Comme l’indique ce bilan, la banque emprunte des ressources à court terme – ici
les dépôts – et prête à moyen-long terme. Elle effectue ce que nous avons appelé
une activité de transformation qui doit lui permettre de dégager une marge
d’intermédiation. Celle-ci est la différence entre les taux d’intérêt à court terme
payés sur ses ressources et les taux longs perçus sur ses emplois. Dans la mesure
où, en principe, les taux courts sont inférieurs aux taux longs, il en résulte une
ressources stables. Dans le premier cas, la banque va émettre des titres de créances
entreprises, Etats. Comme précédemment, le placement peut être dans une logique
3Les certificats de dépôts sont ici l’instrument privilégié. Il s’agit de titres de créances négociables
dont la durée est d’un jour à un an émis sur le marché monétaire. Le montant minimal d’émission
en Zone euro est de 150 000 euros. Ils ont été introduits en France en 1985. Ils sont apparus en
1961 aux Etats-Unis.
5
Actif Passif
Crédits Dépôts
(emplois illiquides) (Ressources liquides)
titres courts et en acquérant des titres longs. Ainsi, elle supportera le versement
terme. On peut alors parler de marge d’intermédiation sur titres. Le fait d’émettre
des titres courts situés au passif et d’acquérir des titres longs mis à l’actif constitue
une forme de transformation des échéances. Dès lors, le fait d’émettre au passif
une part croissante de titres longs afin d’acquérir des ressources stables participe
verrons plus loin que la règlementation prudentielle oblige les banques à collecter
Afin de faire face à ses besoins de ressources courtes, la banque peut se refinancer
sur le marché interbancaire (voir aussi le Chapitre 2). Elle peut soit se refinancer
taux fixé par cette dernière, soit combiné les deux. La banque peut aussi avoir des
6
Actif Passif
Crédits Dépôts
(emplois illiquides) (Ressources liquides)
Enfin, la banque peut émettre des actions – s’il s’agit d’une société par actions – ou
des parts sociales – dans le cas d’une banque mutualiste ou coopérative – qui
représentent une partie de ses fonds propres. Ces titres apparaissent à leur passif.
Actif Passif
Crédits Dépôts
(emplois illiquides) (Ressources liquides)
7
1.2. Les mutations du paysage bancaire
Après avoir présenté la situation des systèmes financiers avant les années 1980
(1.2.1.), les objectifs visés par la libéralisation financière sont introduits (1.2.2.).
analysés (1.2.3.).
A la fin des années 1970, les systèmes financiers de nombreux pays développés se
caractérisent par des réglementations que l’on peut regrouper en deux ordres
principaux : d'une part, celles qui exercent une contrainte sur la capacité des
agents financiers à effectuer des opérations aux prix du marché (contrôles sur les
taux d'intérêt ou segmentation organisée des marchés...) et, d'autre part, celles qui
fixent des barrières entre les institutions financières et encadrent strictement les
8
- la garantie de la stabilité des systèmes financiers. Il s'agit là d'une considération
essentielle des réglementations, héritage des crises bancaires des années 1930.
La libéralisation financière des années 1980 ne doit pas être interprétée comme
une remise en cause du bienfondé de ces préoccupations, mais plutôt comme une
(ou au moins plus efficace) des ressources entre les secteurs de l'économie. On
rentables et qui n'auraient pas été financés si le taux monétaire s'était formé
librement (à l'équilibre, il y a égalité entre les deux) sont mis en route avec un coût
des coûts de l'intermédiation qui pèsent in fine sur le coût de l'endettement des
9
entreprises et des ménages. Dans une perspective libérale, on considère que si on
met les banques en situation de concurrence, soit entre elles en décloisonnant les
On peut même considérer que l'expansion des financements par titres de créances
négociables conduit à une dilution des risques par émiettement des prêteurs alors
Le fait que la libéralisation financière soit sensée (i) mieux satisfaire les
de financement accessibles et (ii) mieux diluer les risques entre les agents prêteurs,
montre enfin les conséquences de ces mutations sur la structure des bilans
bancaires (1.2.3.4.).
10
1.2.3.1. Le décloisonnement
s'agit d'une ouverture qui est à la fois externe (levée des contrôles de changes) et
considérer l’indice Chinn et Ito∗ qui s’appuie sur les rapports annuels publiés par
L’indice est une mesure synthétique prenant en compte (i) l’existence de taux de
change multiples, (ii) les restrictions sur les transactions du compte courant, (iii)
1 présente l’indice de Chinn et Ito pour les pays avancés, les marchés émergents
∗
Pour les notions suivies d’une « * », voir aussi le glossaire.
11
Graphique 1 L’indice de Chinn et Ito par groupe de pays, 1970‑2019
Pays développés
Pays émergents
Pays en
développement
1.2.3.2. La déréglementation
quatre-vingt qu'il est difficile d'isoler des innovations financières. En effet, les
Les activités traditionnelles des banques ont été libéralisées dans la plupart des
pays développés. Les autorités ont ainsi supprimé les contraintes pesant sur les
12
du crédit a largement réduit les obligations d’emplois pour les banques. La
dérivés largement pénétrés par les banques tels que les futures*, les swaps* et les
possibilité pour les banques de mener des activités sur titres a été élargie,
d'assurance a été d'une ampleur plus limitée, cependant les autorités ont assoupli
L'imbrication des activités bancaires et non financières est demeurée limitée par
la réglementation. Même s'il existe de très importantes différences entre les pays,
on peut considérer que cette séparation a été relativement moins affectée par la
déréglementation.
13
1.2.3.3. La marchéisation
niveau de la formation des prix. Ainsi, les réformes financières sont ancrées dans
l'idée qu'il faut laisser jouer au taux d'intérêt sa véritable nature qui est d'être un
prix de marché. Si l'on se situe uniquement au niveau des banques, on dira qu'il y
retrouve ici la connexion créée entre les différents marchés. D'autre part, on
passif, il apparaît dès les années 1980, une augmentation des émissions
résultats des banques. L'objectif est d'alléger le bilan des banques par cession des
prise de risque.
des marchés financiers dans les pays, mais aussi le poids des mécanismes de la
libre concurrence. Les intermédiaires financiers sont amenés à devenir des acteurs
14
essentiels de ces marchés, notamment à travers le processus de mobiliérisation des
créances.
des mutations financières est d’avoir augmenté le degré de concurrence au sein des
On observe dans un grand nombre de pays développés une réduction du poids des
interbancaire.
transactions qui ne font pas l’objet d’une garantie par l’intermédiaire de titres
liquidités. Ces transactions étant plus risquées, elles portent un taux d’intérêt plus
élevé que le second type de transactions interbancaires. Ces dernières sont en effet
gagées par des titres – on dit qu’elles sont collatérisées*. Les titres apportés comme
15
fréquemment l’objet de ce que l’on appelle un haircut afin d’en limiter le risque. Le
haircut fait référence à la différence entre le prix de marché d’un actif détenu par
la banque emprunteuse et le prix auquel est fait le repo sachant que la banque
niveau mondial 4. Elle a une conséquence fondamentale ayant des implications sur
les banques. Plus précisément, les années qui ont précédé la crise financière ont
banques dans de nombreux pays développés, mais aussi dans certains pays
émergents. En prenant appui sur les travaux de Hahm et al. (2013), il est possible
d’autres agents économiques – leur caractéristique essentielle est d’être une source
aux guichets sont devenues un événement extrêmement rare, au moins dans les
pays avancés. Le second type de financement pour les banques est constitué par le
l’émission de titres de dettes à court et à long terme. Il s’agit d’une ressource non
16
essentielle (non-core liabilities) qui peut se révéler instable dans les périodes de
qu’ils créent une interdépendance accrue entre les marchés monétaires et les
marchés financiers, et, au-delà, l’activité de crédit des banques. En effet, une part
pension, ce qui implique que les banques utilisent davantage leurs portefeuilles de
(2008 : 107), « les fonds empruntés par les banques avec une garantie servent à
leur tour dans une large mesure à prêter avec garantie à d’autres participants du
marché. Cependant, la garantie utilisée pour les deux volets de ces opérations
n’affiche pas forcément la même nature ou la même liquidité. En fait, les banques
d’entreprise pour financer des formes d’actifs moins liquides mais à rendement
plus élevé, qui peuvent à nouveau servir de sûreté. Selon une enquête sur le
marché des pensions publiée en juin 2007, les obligations d’entreprise et les titres
actives sur le marché des repos : la part de leurs actifs financés par des prises en
pension au jour le jour a presque doublé entre 2000 et 2007. La conséquence est un
ont eu une maturité raccourcie, ce qui n’a pas été le cas de leurs actifs.
17
De nombreuses études montrent qu’il existe une relation entre stabilité bancaire
aux non-core liabilities augmente la fragilité bancaire. Une des explications à cette
externes, c’est la liquidité de financement. Cette dernière est en lien direct avec la
fournisseur de liquidité à l’économie, elles émettent des titres à court terme afin
de détenir des actifs moins liquides. On retrouve ici ce que l’on appelle l’activité de
- soit en vendant des titres sur les différents segments du marché financier,
d’importantes transactions sans provoquer de fortes variations des prix des actifs ;
- l’étroitesse du marché qui porte sur les écarts entre cours acheteur et
vendeur. Plus cet écart est important, plus le marché est étroit ;
18
- l’immédiateté liée à la rapidité d’exécution des transactions ;
- la résilience qui fait référence « à la rapidité avec laquelle les prix des actifs
Les banques commerciales, dans leur activité quotidienne, effectuent des prêts à
est libellé dans une devise étrangère à l'emprunteur, au prêteur ou aux deux.
(Graphique 2).
l'emprunteur, mais pas aux deux. Un segment est celui des prêts transfrontaliers
par les résidents d'un pays dans leur monnaie nationale. Par exemple, une banque
à Tokyo (aire orange sur le graphique 2). L'autre segment est lui aussi
transfrontalier mais implique des résidents qui empruntent dans leur monnaie
nationale auprès d'une banque à l'étranger (aire bleue sur le graphique 2). Par
exemple, une société à New York pourrait emprunter des dollars américains à une
banque à Londres ou à Tokyo. Ces deux exemples impliquent une contrepartie qui
19
est un résident non américain et effectue donc des transactions dans une devise
étrangère.
Le troisième segment est le marché offshore – hors frontières - (aire grise sur le
prête des dollars à une firme allemande située en Allemagne. Le dollar n’est pas la
en :
– eurodevises, qui recouvrent les financements à court terme (du jour le jour à un
an) ;
– eurocrédits pour les financements par crédits bancaires d’un à huit ans
d’échéance.
segments, en %
20
Entre 1965 et 1980, le montant des prêts bancaires internationaux est passé de 17
2023)
de gros : le montant minimal des transactions est de l’ordre d’un million de dollars.
recul marqué, et durable, des transactions interbancaires. Depuis 2019, les crédits
21
interbancaires et ceux à destination du secteur non bancaire sont très proches en
termes de montants.
individuels. La plus grande partie des dépôts consiste en dépôts à terme, leur
nationale sont souvent soumis à des réserves obligatoires ce qui explique que les
banques offrent des conditions plus avantageuses sur les dépôts en devises.
A partir des années 1980, les banques ont amorcé une nouvelle étape dans leur
distinguée de leur activité internationale. Alors que cette dernière repose sur la
captation de dépôts dans un pays pour effectuer des prêts dans un autre, la
mondialisation est « une stratégie consistant à collecter des fonds et octroyer des
marchés nationaux, grâce à une implantation locale » (McCauley et al., 2002 : 44)8.
8 R.N. McCauley, J.S. Ruud et P.D. Wooldridge (2002), « Mondialisation de l’activité bancaire », BIS
Quarterly Review, mars, p. 44-55.
22
banques. Ce graphique appelle deux commentaires principaux. D’une part, les
processus comme le montre le poids plus important des créances locales dans ce
groupe de pays relativement aux pays développés. D’autre part, dans l’ensemble
des pays émergents et en développement, deux régions ont été fortement marquées
Graphique 4 Poids des créances étrangères locales dans le total des créances
étrangères en %
par des banques étrangères a été encouragée par les institutions internationales
banques locales.
23
La mondialisation des banques n’est pas du seul fait des banques des pays
à la montée des interconnexions entre les banques, mais aussi entre les banques
comme nous l’avons déjà souligné plus haut, les banques sont d’autant moins
et donc les incertitudes quant aux expositions aux risques – y sont plus importants
que sur les marchés domestiques. Les banques centrales ont dû intervenir pour
Les banques japonaises, et dans une moindre mesure les banques françaises et
24
d’origine. D’autres systèmes bancaires lèvent des fonds en dehors de leur espace
pays où elles s’implantent. Une autre dimension doit être prise en compte : le degré
- d’une part, le rôle limité de la maison mère dans l’allocation et la distribution des
décentralisation ;
- d’autre part, la part des créances locales financées localement. Plus cette part est
A partir de ces deux caractéristiques, il apparaît que les banques espagnoles sont
américaines ont des degrés élevés de centralisation. Quel lien peut-on faire entre
des banques aux tensions sur les marchés interbancaires telles que celles que l’on
Une analyse de la structure des créances et des engagements bancaires par devises
permet de mesurer l’importance des financements entre devises et, par là-même,
la dépendance aux opérations de swaps sur le marché des changes. Les banques
25
non-américaines ont des positions en dollars qui tendent à excéder les
financements en dollars. Elles doivent donc recourir à des swaps pour convertir
des financements libellés dans d’autres devises en dollars américains. Les banques
une perturbation sur le marché des changes. A contrario, les banques suivant un
modèle plus décentralisé sont moins exposées à une perturbation. Or, la crise
s’appuyant moins sur les financements entre devises ont donc été moins exposées
aux tensions affectant ce type de financement. Les enquêtes effectuées auprès des
banques depuis la crise montrent que celles-ci entendent accroître leur appel au
financement de détail (retail funding) avec pour objectif majeur de diversifier leurs
sources de financement. Cela devrait favoriser un glissement vers des modèles plus
décentralisés. En outre, les banques entendent faire davantage appel aux marchés
firmes leaders ou de la sortie des firmes les plus faibles. C’est le processus de
26
- les fusions – acquisitions dans lesquelles deux firmes formellement
- les alliances stratégiques lorsque des partenariats sont passés entre firmes
alliances peuvent être utiles lorsqu’il s’agit de faire des échanges d’informations
crédit.
27
Tableau 1 Nombre d’institutions de crédit, Union européenne
Comme le souligne Pujals (2013) 10, cette évolution a eu deux effets principaux. En
premier lieu, un effet taille au sens où, parmi les dix premiers établissements
croissance externe entre 1990 et 2010. En second lieu, on observe aussi un effet
concentration : la part des cinq principales institutions bancaires dans le total des
principales :
- des fusions entre des banques commerciales de taille importante d’un côté
l’Union européenne.
28
Graphique 5 Nombre et valeur des fusions-acquisitions dans le secteur bancaire
restaurer ses fonds propres. Ensuite, la crise des dettes souveraines en Zone euro
29
Tableau 2 Les dix principales opérations de fusions-acquisitions domestiques
très importante ensuite. Selon les données publiées par le Federal Deposit
30
Insurance Corporation (FDIC), le nombre de banques commerciales a chuté de
Le graphique suggère que si les faillites ont pu jouer un rôle dans ce mouvement
expliquent l’essentiel.
31
Graphique 7 Nombre de banques en Suisse depuis 1985
de la banque. Elles peuvent tout d’abord conduire à une réduction des coûts pour
coûts unitaires due aux synergies liées à la production d’une gamme diversifiée de
géographique ;
Les fusions – acquisitions peuvent ensuite accroître les revenus pour les raisons
suivantes :
32
- accroître la taille de telle manière à permettre à la firme bancaire de servir
à ses clients la gamme de produits dont ils ont besoin. C’est le principe du « one-
stop shopping » ;
réputation.
Les fusions – acquisitions répondent aussi à des forces externes que nous avons
Les changements technologiques exercent une influence positive sur les fusions –
33
A travers ses effets sur la concurrence au sein du marché et les conditions d’entrées
Compte tenu du fait que les fusions – acquisitions obéissent à une logique de
améliore l’efficacité bancaire. Nous allons montrer qu’en réalité le diagnostic est
L’efficience est une notion difficile à définir précisément car elle possède plusieurs
dimensions :
- selon une définition technique étroite, une firme sera dite efficiente si elle
minimise les coûts pour une quantité donnée de production. De manière similaire,
on dira qu’elle est efficiente si elle maximise son profit pour une combinaison
combinés ;
34
- l’efficience technologique considère les économies d’échelle et de variété :
une firme sera dite efficiente si elle cherche à atteindre sa taille optimale
montre quelques similarités : le ratio des coûts opératoires au revenu brut est plus
élevé pour les petites banques (actifs totaux inférieurs à 5 milliards de dollars) et
diminue d’un niveau de plus de 60 % à environ 55 % pour les banques dont les
actifs sont compris entre 20 et 50 milliards de dollars. Pour les plus grandes
banques, avec des actifs supérieurs à 50 milliards de dollars, ont les ratios les plus
d’échelle.
On relève cependant que la profitabilité s’accroît avec la taille. En effet, les coûts
opératoires élevés sont compensés par un ratio action / actifs totaux plus bas – un
Quels sont les principaux résultats des études consacrées aux fusions –
35
Pour celles-ci, les difficultés à améliorer l’efficience en termes de coûts sont
expliquées par une autre difficulté : celle des banques à réduire les coûts salariaux.
Par contre, les banques américaines améliorent leur efficience en termes de profit
plus efficientes qui prennent le contrôle des banques les plus faibles.
Une question importante est celle de savoir si les fusions – acquisitions permettent
significative leur taille peuvent espérer réduire les coûts liés aux investissements
technologiques ou répartir sur une base plus large ces coûts. Dans les deux cas, il
profitabilité.
taille critique : au-delà d’une certaine taille (10 milliards de dollars), les coûts
convient d’être prudent dans l’interprétation de ce résultat qui suggère que les
la plupart des travaux datent de la fin des années 80 et du début des années 90.
Ils n’intègrent donc pas les effets possibles des nouvelles technologies.
Les travaux sur les économies de variété n’identifient pas d’effet significatif des
fusions – acquisitions.
36
En conclusion, il apparaît que, contrairement à ce qu’en attendent les praticiens,
l’efficacité des banques. On peut donc penser que cette stratégie repose davantage
(Il est conseillé de lire attentivement cette section même si elle ne fera pas l’objet
d’une évaluation. Cette section permet en effet de bien identifier les différentes
- d’une part, la banque de réseau, appelé aussi banque de détail* (ou retail banking
en anglais) ;
banque de détail est fondée sur le traitement de masse des différentes opérations.
Par exemple, les crédits aux particuliers et aux professionnels sont traités de
(méthode du scoring par exemple). Ce traitement standardisé signifie aussi que ces
37
conséquence, dans un environnement concurrentiel, est qu’elles dégagent des
fondée sur le sur-mesure. Ainsi, les financements structurés faisant appel à des
désormais non plus en termes de statut, mais en termes de métiers. On peut alors
(2.3.) 12.
banques :
12Cette section s’appuie essentiellement sur Chabert D. (2014), op. cit., Chapitre 2 et Saïdane D.
(2006), La nouvelle banque, métiers et stratégies, Revue Banque Editeur, Paris. Pour le métier de
conservation d’actifs, voir Chabert D. (2014).
38
- mise à disposition des agents économiques d’instruments de paiement
etc.) ;
- activité de courtage liée aux actions commerciales des banques afin de favoriser
développement d’un modèle du type « one stop shopping » dans lequel l’agence – le
guichet – est le point d’entrée unique pour accéder à une diversité de produits et
a joué un rôle déterminant pour favoriser ce modèle. Ainsi, dans le cas de la France,
le nombre d’agences est passé de plus de 16 000 en 1970 à 26 000 entre 1985 et
2004 (Saïdane, 2006 :21). Cette logique de développement extensif des banques a
39
traditionnelle fondée sur la relation de proximité. La stratégie a consisté à chercher
à sortir de la banque physique les activités les moins margées pour la banque afin
de gros, appelée aussi « wholesale bank ». Elle porte sur des opérations de
du commerce international.
Elle concerne les grandes entreprises ainsi que les investisseurs institutionnels.
Cette activité rassemble les opérations dites de haut de bilan telles que les fusions-
40
stratégique, le conseil en privatisation… A ces différentes opérations, il convient
mesure à destination de ses clients tels que les financements structurés. Pour les
investisseurs, la plate-forme appelée Fixing Income répond aux besoins des clients
d’investissement
41
Les financements structurés sont quant eux au croisement des activités de crédit
agissant au niveau international (on les appelle parfois Global Players) de monter,
Lynch. Il s’agit des Big Three. En Europe, les banques les plus importantes sont
Groupe Crédit Suisse, Deutsche Bank Group et UBS Group. En France, on peut
citer Calyon née de la fusion entre le Crédit Agricole (entité CASA) et le Crédit
lyonnais.
dans la mesure où cette dernière est amenée à distribuer des produits issus de
l’activité de la première.
banque universelle).
la gestion d’actifs pour compte tiers repose sur une stratégie d’optimisation des
besoins spécifiques de la clientèle. Elle fait référence à ce que l’on appelle aussi la
banque privée.
42
Graphique 9 La gestion d’actifs, de titres et assurance
institutionnels). Il s’agit non seulement d’assurer la « garde » des titres mais aussi
de gérer tous les évènements affectant la vie des titres conservés (détachements de
Cette section aborde la question de l’efficacité des banques. Nous entrons ici en
dans un premier temps les spécificités du bilan bancaire (3.1.). Nous verrons
13 Pour une présentation plus détaillée, voir Chabert D. (2014), op. cit., p.89-94.
43
(3.2.). Ensuite est analysée la formation du résultat de la firme bancaire (3.3.) et
Une première spécificité du bilan des banques repose sur son asymétrie. Ainsi, les
banques ont dans leur passif des engagements liquides dont la valeur nominale est
fixe (les moyens de paiement et les dépôts d'épargne) alors que leur actif est
interbancaire qui rend compte des relations avec les autres banques. Les
des banques avec une conséquence très importante : la santé de chaque banque
rapidement, ce qui peut constituer un foyer de crise dite systémique. Les réactions
Une troisième spécificité du bilan des banques doit être notée : ses parties sont
dites non contingentes. Pour comprendre ce point, on peut comparer les banques
44
- les bilans des intermédiaires financiers tels que les fonds de pension et les
OPCVM sont tels que des pertes enregistrées sur l’actif entrainent une réduction
- au contraire, pour les banques, l’apparition d’une perte sur les actifs (incidents
de crédit par exemple) ne se traduit pas par une réduction de la valeur de son
passif. Par exemple, même si la banque enregistre des pertes liées à des
leurs dépôts.
La non-contingence des éléments du bilan est l’un des fondements des ratios de
banques : les revenus d’intérêt (3.2.1.) et les revenus hors intérêt (3.2.2.).
des échéances des intermédiaires financiers. En même temps, ces derniers opèrent
une transformation des risques puisque les crédits accordés sont soumis à des
incidents de crédits (en ce sens ils sont risqués) alors que les dépôts sont non
risqués.
différence entre les produits perçus sur les emplois (les taux débiteurs) et le coût
45
Compte-tenu du fait que les banques doivent lever des ressources pour développer
leur activité de crédit – soit auprès des ménages clients, soit sur les marchés
des taux d’intérêt. Cette notion a été présentée de manière détaillée dans le
précédent chapitre. Rappelons qu’elle décrit pour un titre homogène (par exemple
des titres émis par l’Etat) l’ensemble des rendements sur différentes maturités (un
mois, trois mois, …, dix ans, trente ans). Plus précisément, la banque essaie de
jouer sur la structure des taux d’intérêt à travers son activité de transformation
- lorsque les taux courts sont très inférieurs aux taux longs – on parlera alors de
la banque lève des ressources à court terme peu coûteuses et les prête à long terme
- lorsque les taux courts et les taux longs se rapprochent – on dit qu’il y a un
- lorsque la courbe s’inverse, les taux courts deviennent supérieurs aux taux longs,
rendements respectifs.
la Suède, les banques centrales ont adopté des taux d’intérêt négatifs.
46
Graphique 10 Structure par terme des taux d’intérêt en Suisse et en Zone euro
Sources : BNS, bulletin trimestrielle 1/2023, p.23 et BCE, courbe au 24 mai 2023
Pour comprendre les effets des bas taux d’intérêt sur la marge d’intérêt, il est
important de distinguer entre les effets de court terme et les effets de moyen-long
termes 14.
À court terme, une baisse des taux d'intérêt peut exercer un impact favorable sur
l'activité et la rentabilité des banques. En effet, tant que la courbe des taux ne
s'aplatit pas – on observe cet aplatissement en Suisse et en Zone euro pour les
maturités longues – des taux plus bas se traduisent par des coûts de financement
plus bas pour les banques, des valeurs d'actifs et de garanties plus élevées (leur
valeur actualisée augmente), un risque de défaut plus faible sur les prêts nouveaux
financement des investisseurs et favorisant les prêts à crédit. La baisse des taux
d'intérêt à court terme accentue la pente de la courbe des rendements, ce qui est
À moyen et à long terme, les effets positifs des taux d'intérêt bas tendent à
14Elena Carletti, Stijn Claessens, Antonio Fatás et Xavier Vives (2020), Model in the Post-Covid-
19 World, The Future of Banking 2, CEPR et IESE Banking Initiative, édité par le Centre for
Economic Policy Research, Londres.
47
s'estomper. Alors que l'économie entre dans un scénario où les taux nominaux à
d'intérêt à long terme continuent de baisser, la pente de la structure par terme des
Autrement dit, les taux longs baissent plus rapidement que les taux courts. C’est
des taux réduit les marges que les banques peuvent obtenir entre les actifs à long
terme et les passifs à court terme. Cela réduit la marge nette d'intérêt, qui
48
Graphique 12 Répartition des revenus d’intérêt et des revenus hors intérêt au
Bien que cette évolution affecte principalement les nouvelles émissions de prêts,
l'utilisation de taux variables peut aussi réduire les marges. En deuxième lieu, la
présence d'une borne inférieure effective sur les taux nominaux crée une rigidité
sur les taux de dépôt ou les rendements des obligations. Cet effet contribue à la
plus endettées ou financées par des dépôts ou qui accordent des prêts à taux
les investissements liés aux titres à revenu fixe15. Enfin, pour tenter d'accroître la
49
rentabilité, les banques peuvent commencer à s'engager dans une recherche de
des classes d'actifs de moindre qualité. Le premier effet est généralement associé
puisque leurs incitations à la surveillance diminuent à mesure que l'écart entre les
taux de prêt et de dépôt diminue. Cela peut à son tour produire des risques d'erreur
Des études récentes ont analysé les effets des taux d'intérêt bas sur la rentabilité
des taux d'intérêt bas sur les marges d'intérêt nettes, avec des effets plus prononcés
pour les banques ayant des taux de dépôt élevés, les petites banques et les banques
Dans son rapport 2022 sur la stabilité financière, la BNS précise que les banques
davantage axées sur le marché intérieur ont connu un nouveau repli de la marge
d’intérêt net à partir d’un niveau déjà bas 16. Plus précisément, l’évolution des taux
sur les prêts hypothécaires en cours est passé de 1,37% fin 2019 à 1,09% fin 2021,
au fur et à mesure que les prêts arrivant à échéance étaient renouvelés à des taux
d’intérêt lié notamment au fait que les banques ont de plus en plus répercuté la
charge de l’intérêt négatif sur les déposants contribuant à la baisse de leurs coûts
16 La BNS définit la marge d’intérêt par approximation comme le produit net des intérêts divisé
par la somme des créances hypothécaires, des créances sur la clientèle et des immobilisations
financières.
50
de financement. La BNS précise que si les taux d’intérêt devaient demeurer bas,
les marges d’intérêt resteraient sous pression et pourraient poursuivre leur recul
lorsque les prêts arrivés à échéance seront renouvelés à des taux plus bas. De ce
point de vue, les hausses attendus des taux courts liés aux pressions inflationnistes
(forme ascendante du chapitre 3) de la pente des taux. Par rapport à son niveau de
2007, la marge d’intérêt moyenne sur les créances en cours des banques axées sur
Dans son rapport sur la stabilité financière paru en novembre 2021, la BCE
rappelle que les revenus nets d’intérêts ont reculé au sein de la Zone euro de 6 %
un environnement de taux d'intérêt bas. Depuis 2018, les banques ont cherché à
pandémie liée au COVID-19 – notamment les garanties de l'État – ont aidé les
l'économie réelle. Ces politiques ont cependant entraîné une baisse des primes de
51
Le Graphique 13 montre clairement le recul de la marge d’intérêt net dans la
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Royaume-Uni Etats-Unis Canada Espagne Italie Allemagne France Suisse Suède Japon
Les revenus hors-intérêt proviennent largement des activités des banques en tant
produits non bancaires. Le point commun de ces différentes activités est de générer
Comme nous l’avons souligné dans l’analyse des comptes en T, la structure des
catégories de banques : (i) les banques dites à activité globale, qui sont au nombre
52
de deux (Crédit Suisse et UBS, avant la fusion) ; (ii) les banques dont l’activité est
Les deux banques à activité globale sont des banques dites universelles. Cela
signifie qu’elles mènent des activités diversifiées allant bien au-delà de l’activité
dit, Crédit Suisse et UBS sont particulièrement impliquées dans la gestion privée
d’investissement (1/3 environ du total des expositions des deux banques). Compte-
17Deux critères sont retenus : soit les prêts domestiques excèdent 50 % de l’actif, soit les banques
ont un rôle prédominant dans la gestion des dépôts domestiques.
53
Graphique 14 Structure des revenus des banques suisses, en % du total des
revenus en 2021
Source : Banque nationale suisse, Rapport sur la stabilité financière 2022, p.21.
Dans la mesure où les banques domestiques sont davantage concentrées dans les
activités de dépôts et de prêts (en particulier les prêts hypothécaires), les revenus
d’intérêt ont une place prédominante. En ce qui concerne les autres banques,
Comme nous l’avons souligné plus haut, le bilan de la banque est non contingent.
ces deux éléments. D’une part, elle dont intégrer le fait que les taux courts et les
taux longs peuvent changer au cours du temps. D’autre part, elle doit prendre en
compte le fait que la banque est confrontée à un rendement de fait incertain sur
54
son portefeuille de créances alors qu'elle s'est engagée sur les dépôts à offrir un
rendement certain. Autrement dit, le taux perçu relève d’un rendement incertain
- le coût de la collecte des ressources peut augmenter alors que celui des emplois
- les taux d’intérêt sur les marchés baissent dans un contexte où les crédits sont à
c’est-à-dire s’assurer que les intérêts qu’elle perçoit sur son actif excèdent
accompagnée par ce que l’on a appelé une marchéisation des conditions bancaires :
les taux pratiqués par les banques tendent à être indexés sur l’évolution des
conditions du marché : les taux EONIA* (jour le jour) (devenu ESTER depuis le
deux octobre 2019) ou EURIBOR* (un mois ou trois mois par exemple) pour les
55
La question fondamentale à laquelle la banque est confrontée est qu’elle ne connait
pas quand les conditions d’accès à ses ressources vont changer ni dans quelles
directions.
Bilan de la banque
répercuter dans le taux d’intérêt appliqué à la clientèle. Or, une estimation précise
la banque. Notre bilan simplifié en est une illustration. Le montant collecté par la
banque est de 3 000 000 d’euros. On a supposé que 60 % de ce montant est sous la
56
Face à la difficulté d’estimer le coût des ressources sur la durée des immobilisations
(les crédits), la banque peut élaborer un bilan notionnel qui « consiste à construire
des différentes ressources au coût de marché si l’on devait trouver sur le marché
Ainsi, la banque compare le coût effectif de l’accès aux ressources (partie gauche)
au coût qu’elle aurait supporté pour des maturités identiques en recourant aux
marchés aux conditions du moment (partie droite). Lorsque l’on compare les deux
bilans, on voit que le bilan notionnel fait l’hypothèse que la banque n’a pas de
Le taux de marge est égal à la différence entre le coût notionnel et le coût réel
d’accès aux ressources, soit 1,072 % − 0,35 % = 𝟎𝟎, 𝟕𝟕𝟕𝟕𝟕𝟕 %. Il s’agit de la marge
commerciale sur les ressources. Elle repose sur la capacité de la banque à lever des
ressources à des taux inférieurs à ceux en vigueur sur les marchés. Compte-tenu
de la structure des ressources bancaires, cette capacité porte sur les dépôts qui
doivent servir des taux inférieurs aux conditions du marché (ici l’EONIA) en
déposants.
57
Le second élément à intégrer dans l’analyse est le rendement des emplois. Le
raisonnement est identique à celui conduit sur les ressources. Plus précisément, la
banque compare le taux effectif de rendement de ses emplois avec des placements
Afin de simplifier l’analyse, on suppose que les emplois de la banque sont sans
la rémunération qu’elle obtiendrait si elle avait acquis des titres d’Etat avec des
La marge commerciale sur les crédits est la différence entre le taux moyen
Bilan notionnel
58
La marge d’intermédiation est de 2,35 % et se décompose de la manière suivante :
Le résultat est conditionné par la marge que l’on vient de définir à laquelle on doit
retirer les frais de gestion liés à l'administration des crédits et des dépôts :
alors tenir compte des pertes moyennes attendues sur le portefeuille des crédits.
Le taux d'intérêt pratiqué sur les crédits incorpore ainsi une prime de risque qui
taux supérieur aux coûts supportés afin de dégager une marge bénéficiaire.
3. L'impact des risques pris par la banque sur ses activités de crédit et de marché.
59
La rentabilité de l’intermédiation de bilan repose sur le taux de marge
Le taux de marge doit aussi intégrer les intérêts perçus en lien avec la détention
prestataires de services. Elles offrent ainsi des services à ses clients (notamment
les opérations sur cartes bancaires et le placement de titres). Comme nous l’avons
distribution de ces services est basée sur des relations clients/fournisseurs nouées
sur le plan interbancaire. Cela donne lieu à des paiements de commissions entre
banques. Un exemple est l’utilisation par le client de la banque Beta des automates
de la banque Alpha. Beta devra supporter une charge liée à cette utilisation. On
60
Les banques effectuent aussi des opérations sur les marchés de capitaux pour
compte propre. Ces opérations génèrent des plus ou moins-values, des marges
Le PNB agrège l’ensemble de ces activités. Il s’écrit comme tant la différence entre
PNB
=
(Intérêts reçus sur prêts et placements + commissions perçues + plus-values + dividendes
perçus) - (Intérêts payés à la clientèle + intérêts sur emprunts + commissions payées +
moins-values)
soit aussi :
PNB
=
Marge sur crédits + Marge sur tarification des services + Résultat des opérations de
marché + Résultat des participations
Le PNB peut ainsi bien s’interpréter comme la valeur ajoutée de la banque. Il finance les
Deux ratios sont particulièrement utilisés pour estimer la rentabilité globale des
banques. Ils sont tous deux fondés sur le résultat net* des banques. Ce dernier
- le résultat brut d'exploitation qui repose sur le PNB auquel on enlève les charges
- le résultat d'exploitation avant impôt qui est le RBE auquel on a déduit les
Le résultat net est alors le résultat d'exploitation ajusté du solde des opérations
exceptionnelles.
Le premier ratio est le Return on Equity (ROE)* qui constitue le ratio de rentabilité
Le second ratio est le Return on Assets (ROA)* qui mesure le rendement net de
62
premier lieu, ce ratio est très dépendant des provisions effectuées. En effet, le
résultat net incorpore le coût du risque alors que les actifs figurent au bilan sans
les provisions qui leur sont rattachées. En deuxième lieu, les activités hors-bilan
ne sont pas prises en compte alors qu'elles représentent une part importante de
l'activité des banques. En troisième lieu, les actifs sont tous placés sur un même
10 0,5
5 0
0
-0,5
-5
-1
-10
-15 -1,5
France Allemagne Suisse Royaume-Uni Etats-Unis Espagne France Allemagne Suisse Royaume-Uni Etats-Unis Espagne
-20
Les banques doivent faire face depuis les années 2000 à une nouvelle
système bancaire parallèle appelé aussi shadow banking (4.2). Plus récemment, et
de façon sans doute plus structurelle, les banques doivent faire face à la
digitalisation de nos économies avec l’arrivée de nouveaux acteurs que sont les
Avant d’étudier ces acteurs, il est important de rappeler les principaux défis
auxquels doivent faire face les banques. En effet, ces défis exercent une influence
63
sur la capacité des banques à répondre à ces nouvelles formes de concurrence (4.1).
4.1 Les principaux défis auxquels doivent faire face les banques
L’environnement dans lequel évolue les banques depuis quelques années est
2009.
En premier lieu, comme nous l’avons rappelé plus haut dans ce chapitre, les
banques doivent faire face à un environnement durable de bas taux d’intérêt qui
nouvelles sources de revenus. Accroître leur rentabilité est capital pour les
banques si elles entendent lever des capitaux afin de réaliser les investissements
marché, que ce soit le prix des actions ou les ratios capitalisation boursière sur
accroissement significatif des prêts non performants (ce que l’on n’observe pas
encore).
Voir notamment McKinsey & Company (2020), McKinsey Global Banking Annual Review 2020,
21
December.
64
et ce, dans un contexte où le coût du capital est élevé pour ce secteur économique.
Comme le rappellent Carletti et al. (2020 : 47-50), s’il est difficile de démontrer
(dont les crédits). D’une manière générale, on observe aussi une tendance du
secteur bancaire à chercher à réduire la taille des actifs risqués détenus à leur
bilan.
En troisième lieu, la crise financière mondiale couplée aux effets de Bâle III a
conduit les banques à revoir les modèles d’affaire adoptés avant 2007. Dans un
état des lieux des principaux changements ayant affecté les modèles d’affaire des
banques depuis la crise financière mondiale 22. Les tendances centrales dans la
redéfinition des modèles d’affaire des banques ont été, d’une part, un
redéploiement des activités de trading vers des produits moins complexes et par
là-même dont il est plus facile d’estimer le niveau de risque effectif, et, d’autre part,
poids des dépôts dans le financement des banques. Les banques ont aussi cherché
22Committee on the Global Financial System (2018), Structural changes in banking after the crisis,
January.
65
intéressant de restructuration est le cas d’UBS.
Dans les années qui ont précédé la crise financière mondiale, l’activité de banque
s'est accompagné d'une réduction importante de son bilan, divisé par deux entre
allait se retirer d'un nombre substantiel de lignes de métier concernant des actifs
revenu fixe. UBS a transféré une partie des actifs de la banque d'investissement à
66
son siège central pour liquidation. Fin 2014, UBS considérait son processus de
aux contraintes réglementaires pesant sur les banques 23. Ainsi, selon le Conseil de
(CERS) propose quant à lui une définition moins large en considérant que le
financières […]. Cette mesure englobe toutes les entités du secteur financier, à
transformation de maturités.
23 Adrian T., Ashcraft A., Boesky H. et Pozsar Z (2012), « Shadow banking », Revue d’Économie
Financière, n°105, p. 157‑184.
67
des crédits a pour objectif de céder à d’autres tout ou partie du risque et du
cela, les banques sortent de leur bilan une partie des crédits octroyés, ce qui leur
Dans sa version la plus simple, la titrisation repose sur deux étapes (schéma ci-
dessous) :
- dans la première, une société, appelée l’initiateur, et le plus souvent une banque,
qui détient des créances ou d’autres actifs générateurs de revenu choisit les actifs
qu’elle veut enlever de son bilan. Elle les regroupe dans un portefeuille de
référence. Elle vend ensuite ces actifs à un émetteur créé par une institution
financière (le sponsor) pour acheter les actifs en question. Cet émetteur est souvent
mettant sur le marché des titres rémunérés négociables – à moyen ou long terme
(asset backed securities) ou à court terme (asset backed commercial paper) – qui
sont vendus à des investisseurs sur le marché des capitaux. Ceux-ci reçoivent des
référence.
L’initiateur assure le service des prêts du portefeuille, collecte les paiements des
développement, septembre.
Les crédits titrisés sont mis en pools c’est-à-dire qu’ils sont assemblés par une
tranches contenant chacune des crédits classés selon divers niveaux de risques. La
logique est de pouvoir proposer aux investisseurs les types de produits financiers
- la tranche senior : elle est la moins risquée et peut bénéficier de la meilleure note
- la tranche equity est la plus risquée avec un rendement ex ante non défini et une
La tranche senior est sensée être protégée de tout défaut dans la mesure il faut des
taux de défaut très supérieurs à l’historique pour que cette tranche soit
ponctionnée. Elle est donc censée être moins risquée que les autres, ce qui concoure
69
à sa notation. En outre, diverses techniques de réhaussement de crédit, dont
l’intervention des monolines 24, permettent d’émettre des tranches AAA alors que
Les prêts hypothécaires ont d’abord fait l’objet de la titrisation. Les Mortgage-
Backed Securities (MBS) font référence aux titres représentatifs d’un portefeuille
crédits ont fait l’objet d’un processus de titrisation : crédits automobiles, prêts
étudiant, encours de cartes bancaires… Ces actifs sont regroupés sous le terme
citer les Collateralized Debt Obligations (CDO) qui font référence à des titres
crédit, voir aussi des actifs ayant déjà fait l’objet d’une première titrisation (ils sont
jacent est constitué de prêts bancaires, des CBO (Collateralised Bond Obligations)
24 Les rehausseurs de crédit – dits aussi assurances monolines – ont pour fonction de garantir les
institutions publiques ou privées qui émettent des emprunts sur les marchés financiers. Les
rehausseurs bénéficiant de la meilleure note possible par les agences de notation (AAA), les crédits
qu’ils garantissent bénéficient eux aussi de cette notation, ce qui conduit à un coût de financement
(le taux d’intérêt) plus faible. Si, historiquement, les rehausseurs de crédit ont garanti les titres
émis par les collectivités publiques américaines, ils ont diversifié leur activité en direction des
produits structurés. Le terme monoliner fait référence à l’idée qu’ils ont une activité unique.
70
où le sous-jacent est composé d’obligations, des CSO (Collateralised Synthetic
Obligations) où les sous-jacents sont des dérivés de crédit, des CDO2 (CDO de
CDO)… Les dérivés de crédit sont des contrats permettant le transfert du tout ou
partie du risque de crédit sur un tiers que l’on appelle entité de référence.
échéances. En effet, l’émetteur emprunte à court terme des ressources (au passif,
sous la forme de billets de trésorerie adossés à des actifs) pour financer des produits
sont une pratique ancienne utilisée par les banques commerciales pour obtenir de
obtenue auprès de cette dernière, les premières amènent des titres garantissant le
prêt temporaire. Au cours des années 1990, le repos est devenu une pratique de
d’autres acteurs non bancaires tels que les assurances, les fonds spéculatifs, les
banking.
alternative mise en œuvre par les fonds spéculatifs appelés aussi hedge funds*.
Les hedge funds sont des groupes d’investissement privés le plus souvent offshore
71
été particulièrement rapide à partir des années 1990 à la suite de la libéralisation
- la vente courte : ils empruntent des titres et les vendent en anticipant de les
racheter à un prix plus bas sur les marchés avant le moment où ils devront les
rembourser au prêteur ;
- l’effet de levier : pour développer leurs activités, ils utilisent des fonds empruntés.
implique qu’ils prennent des positions importantes sur les marchés lorsque le coût
des capitaux est bas, ce qui correspond à la période qui a précédé la crise financière
mondiale. En dépit de leur taille relativement petite – leur encours est par exemple
dix fois inférieur à celui des fonds de pension – les hedge funds peuvent influencer
les marchés de deux manières principales. D’une part, en jouant sur l’effet de
levier, ils sont en mesure de prendre des positions très importantes sur les
investisseurs. C’est cette imitation qui provoque les perturbations sur les marchés.
Deux raisons majeures ont conduit à intégrer les fonds spéculatifs dans le
Monarcha G. et Teïletche J. (2013), Les hedge funds, Collection Repères, La Découverte, Paris.
25
Une illustration des risques pris par les Hedges Funds est la quasi-faillite de Long-term Capital
26
72
périmètre du shadow banking 27. Tout d’abord, des hedge funds peuvent être des
filiales de banques. Ils permettent ainsi à ces dernières de développer des activités
proche de celle des banques au sens où ils détiennent des titres peu liquides alors
que leurs ressources (épargne des clients et lignes de crédits des banques) sont de
court terme.
principaux 28. En premier lieu, les agents économiques ont recouru au shadow
les banques ont transféré une partie importante de leurs activités hors-bilan 29. En
gestion des risques répondant à plusieurs besoins. Tout d’abord, il permet aux
investisseurs de diversifier les risques par rapport au système bancaire : les entités
mais ne le sont pas encore tels que des engagements de crédit irrévocables à accorder, des cautions,
des achats et ventes de titres non encore enregistrés pour tenir compte des délais de
règlement/livraison, des engagements liés à des instruments de financement à terme (opérations
sur des produits dérivés) …. Ce dernier est le poste le plus important de l’hors-bilan.
30 Brender A. et Pisani F. (2009), La crise de la finance globalisée, collection Repères, La Découverte,
Paris.
73
financière mondiale suggère que le système bancaire parallèle a encouragé les
l’évolution des actifs gérés par les différents acteurs du système financier mondial
depuis 2002. Depuis cette année, le total des actifs financiers gérés par l'industrie
Il convient de noter que, d’une part, le secteur bancaire parallèle a été fortement
frappé par la crise financière mondiale (recul de sa taille relative) et que, d’autre
part, sa part a reculé en 2020 par rapport à 2019 sous l’effet de la crise liée à la
COVID-19. Plus précisément, les Etats sont massivement intervenus pour soutenir
le crédit bancaire, ce qui a donné un rôle plus important aux banques au cours de
cette période.
pays avancés, l’ensemble des pays avancés et les pays émergents. Dans l’ensemble
des pays considérés, à l’exception des Etats-Unis, on voit que les banques
cependant très important d’observer que, parmi les intermédiaires financiers non
74
bancaires, la catégorie « autres intermédiaires financiers » est la plus importante.
L’intermédiation financière non bancaire regroupe les sociétés d’assurance, les fonds de pension,
les autres intermédiaires financiers, les autres intermédiaires financiers incluant notamment les
fonds d’investissement, les sociétés financières, les véhicules de financements structurés
(titrisation)… et les auxiliaires financiers (comprenant toutes les sociétés et quasi-sociétés
financières dont la fonction principale consiste à exercer des activités étroitement liées à
l'intermédiation financière mais qui ne sont pas elles-mêmes des intermédiaires financiers.
Exemples : les courtiers d'assurance, les courtiers de crédit, les conseillers en placement ...).
Les Etats-Unis ont représenté en 2021 29,5 % des autres intermédiaires financiers,
stabilité financière.
75
Tableau 5 Composition du système financier fin 2021, en %
Institutions Autres
Banques financières Société Fonds de intermédiaires
Autres Banques en % centrales en % publiques en % d'assurance en pension en % financiers en %
intermédiaires du total des du total des du total des % du total des du total des du total des
financiers en % actifs financiers actifs financiers actifs financiers actifs financiers actifs financiers actifs financiers
du PIB domestiques domestiques domestiques domestiques domestiques domestiques
France 116,0 56,4 10,5 15,5 14,7
Espagne 72,7 52,0 21,8 0,8 5,9 2,9 15,9
Allemagne 107,8 47,3 15,5 13,0 3,6 19,8
Japon 130,1 47,1 15,8 7,3 11,1 3,5 14,7
Royaume-Uni 332,3 45,8 4,1 8,9 11,3 28,4
Italie 66,9 42,6 19,5 5,2 12,6 1,7 14,7
Suisse 358,9 34,6 12,6 8,3 12,8 31,7
Canada 331,2 31,1 3,1 2,8 5,8 12,7 40,6
Etats-Unis 194,5 22,5 6,6 8,0 9,6 20,4 33,0
Tous les pays 194,8 37,4 8,4 4,4 8,3 9,3 31,5
Pays avancés 262,6 32,5 8,1 4,0 9,0 11,3 34,2
Pays émergents 72,6 56,6 9,6 5,8 5,5 1,5 20,9
C'est dans cette perspective que le CSF a proposé une mesure « étroite » du système
bancaire parallèle compris comme toutes les entités non bancaires impliquées dans
liquidité c’est le cas des autres intermédiaires financiers non impliqués dans les
fonds fermés ;
- les entités consolidées dans le périmètre prudentiel d’un groupe bancaire et donc
76
Le graphique 18 donne l’évolution depuis 2002 du système bancaire parallèle
11,7 % en 2011 à 13,7 % fin 2020. Une grande partie du système financier parallèle
« étroit » est logée aux États‑Unis (30,3 % du total), suivis par la zone euro (23,2 %),
important sur les marchés et établissements financiers ainsi que sur la prestation
77
de services financiers » 31. Une manière complémentaire de définir la fintech est de
numériques qui ne sont pas exploitées par des banques commerciales » 32.
financiers. Ainsi, alors que les entreprises fintech opèrent principalement dans les
services financiers, celles liées à la bigtech n'offrent des produits financiers que
dans le cadre d'un ensemble beaucoup plus large de secteurs d'activité. En d'autres
Les implications de la fintech sur les systèmes financiers sont potentiellement très
d’innovation financière » 35. En effet, alors que dans les décennies précédentes, les
31CSF (2017), Financial Stability Implications from FinTech, Supervisory and Regulatory Issues
that Merit Authorities’ Attention, juin.
32 Stijn Claessens, Jon Frost, Grant Turner et Feng Zhu (2018), « Les marchés du crédit fintech à
travers le monde : taille, moteurs et enjeux de politique publique », Rapport trimestriel BRI,
septembre.
33 Alibaba, Amazon, Apple, Facebook, Google et Tencent …
34 Pour une présentation détaillée, voir Jon Frost, Leonardo Gambacorta, Yi Huang, Hyun Song
Shin and Pablo Zbinden (2019), « BigTech and the changing structure of financial intermediation »,
Economic Policy, Vol. 34, n°100, p.761–799.
35 François Villeroy de Galhau (2016), « Construire le triangle de compatibilité de la finance
78
financier, qui sont à l’origine des innovations financières. La caractéristique
technologies.
marché du crédit fintech sont abordés (5.3.3). Enfin, on souligne les principales
joindre la bigtech – fait référence à l’ensemble des prêts qui sont accordés par le
désignations de ces plateformes peuvent différer entre les pays. Ainsi, les
ces nouveaux entrants est que ces derniers recourent aux technologies et
innovations numériques, d’une part, afin d’établir une interaction quasi totale avec
leurs clients en ligne, et, d’autre part, pour traiter de vastes quantités
79
d’informations les concernant. Comme le soulignent Claessens et al. (2018), les
banques commerciales – y compris les banques en ligne – n’ont pas encore atteint
un degré de numérisation aussi élevé. Par exemple, les banques sont amenées à
recourir à du personnel hors ligne alors que les firmes de la fintech et la bigtech
Une autre différence importante avec le marché bancaire traditionnel est liée au
fait que les banques gèrent des dépôts à vue, ce qui n’est pas le cas des fournisseurs
de crédit fintech et bigtech. Cette différence en implique une autre : les banques
déclaration complète des données bancaires) alors que les firmes liées au marché
du crédit fintech et bigtech sont encore peu ou pas concernées par ces exigences
Le Cambridge Centre for Alternative Finance 36 est sans doute l’une des
cependant incomplètes. Dans cette perspective, Cornelli et al. (2020) ont tenté de
des distribués par les bigtech et les fintech. La partie droite donne une indication
36https://www.jbs.cam.ac.uk/faculty-research/centres/alternative-finance/
37Giulio Cornelli, Jon Frost, Leonardo Gambacorta, Raghavendra Rau, Robert Wardrop and Tania
Ziegler (2020), « Fintech and big tech credit: a new database », BIS Working Papers, n°887,
September.
80
pour quelques pays de leur importance dans le total des crédits des économies
concernées.
En 2019, le crédit fintech et bigtech (ensemble crédit alternatif total) a atteint 795
milliards de dollars dans le monde. Les bigtech (572 milliards de dollars) ont connu
une croissance particulièrement rapide en Asie (Chine, Japon, Corée du sud et Asie
mondiaux de crédit fintech (223 milliards USD) ont quant à eux diminué en 2018
dehors de la Chine, le crédit fintech continue de croître. Par rapport aux données
encore une part faible des crédits totaux (0,3 % du stock de crédit global au secteur
privé sur les marchés du monde entier en 2018 selon Cornelli et al. (2020), il existe
cependant d’importantes variations entre les pays. Plus précisément, les crédits
1,1 % en Indonésie. Sur d'autres grands marchés comme les États-Unis, le Japon,
la Corée et le Royaume-Uni, les flux de prêts fintech et big tech représentent moins
81
Graphique 19 Les crédits liés à la fintech et à la bigtech
Note : CN, Chine, US, Etats-Unis, JP, Japon, KR, Corée du sud, GB, Royaume-Uni, ID, Indonésie,
NL, Pays-Bas, RU, Russie, KE, Kenya et DE, Allemagne.
et de la bigtech dans nos économies est de considérer les fonds levés par cette
fintech sur les marchés entre 2001 et 2019. Le pic a été atteint en 2018 avec un
Les bigtech utilisent en grands parties leurs fonds propres pour financer la
pénétration des activités financières, de sorte que les chiffres de leurs activités de
82
Graphique 20 Fonds levés par la fintech en milliards de dollars, 2001 - 2019
Source : Elena Carletti, Stijn Claessens, Antonio Fatás et Xavier Vives (2020), The
Bank Business Model in the Post-Covid-19 World, The Future of Banking 2, CEPR
et IESE Banking Initiative, édité par le Centre for Economic Policy Research,
Londres, p.61.
traditionnelles.
Note : Ant, Ant Financial, CCB, China Construction Bank, ICBC, Industrial and Commercial Bank
of China, JPM, JPMorgan Chase, WF, Wells Fargo, BAC, Bank of America.
Source : Kathryn Petralia, Thomas Philippon, Tara Rice et Nicolas Véron (2019),
Banking Disrupted ? Financial Intermediation in an Era of Transformational
Technology, Geneva Reports on the World Economy, n°22, édité par le Centre for
Economic Policy Research, Londres, p.54.
83
Comme le rappellent Meier et al (2023 : 70), au cours des années 2020, la Suisse a
près de 400 entreprises FinTech en Suisse, dont environ un tiers étaient actives
dans des projets liés au DLT. La « Crypto Valley », à Zoug, en Suisse centrale, et
frein au développement des entreprises FinTech. Les licences FinTech sont ainsi
intentionnellement moins strictes que les licences bancaires. Le 1er janvier 2019,
la Suisse a modifié la Loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne, dite Loi
sur les banques dont la première version date de 1934 38 afin d'exiger l'obtention de
licences FinTech pour les entreprises dont le total des dépôts dépasse 100 millions
de CHF et acceptant des dépôts supérieurs à 1 million de CHF. Ces sociétés ne sont
propres des banques suisses. Elles doivent disposer de fonds propres, sous une
volonté de fournir aux entreprises FinTech avant leur lancement des conseils au
cas par cas sur un éventail de sujets, tels que les modèles commerciaux utilisant
38 https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/51/117_121_129/fr
84
des actifs numériques ou des offres initiales de jetons, stablecoins et la technologie
blockchain. Des conseils sur les règles et les interprétations juridiques sont aussi
interdiction de verser des intérêts, d'investir ou de mélanger les fonds des clients
avec les propres fonds ; respect des règles de la loi anti-blanchiment ; restriction
sur les services financiers qu'elles peuvent offrir ; et limitation des formes
être lié à la fois à la qualité des services de paiement existants et à l'ampleur des
En 2017, Alipay (lancé en 2004 (puis Ant Financial depuis 2014) par Alibaba) et
WeChat Pay (lancé en 2011 par Tencent) avaient acquis respectivement 500
al., 2020) et près de 16 % du PIB (Petralia et al., 2019). Cette croissance rapide
En Inde, une stratégie plus descendante a été adoptée avec pour objectifs visés par
les autorités d’améliorer l'accès aux comptes bancaires et aux paiements, l'idée
sous-jacente étant que cet accès est le point d'entrée pour de nombreux
consommateurs dans le système financier. Cette stratégie portée à la fois par des
85
acteurs publics et privés a permis des gains importants en matière d'inclusion
fournir une infrastructure financière numérique en tant que bien public 39.
des paiements par application mobile a elle aussi été assez rapide. M-Pesa, lancé
pour la première fois par l'opérateur de réseau mobile kenyan Safaricom en mars
2007, s'est rapidement emparé d'une part importante du marché des transferts
Pay (créé en 2016) traite la moitié des 100 millions de transactions mensuelles de
Frost et al. (2019, op. cit.) soulignent qu’il est important de distinguer entre
39 Pour une présentation synthétique, voir, entre autres : G30 (2020), Digital currencies and
stablecoins, Risks, Opportunities, and Challenges Ahead, Report by the Working Group, Box 1, p.6-
7.
86
paiement distincte. Ainsi, dans les pays où l'infrastructure de paiement bancaire
en place est dominante - comme les États-Unis, l'Europe et la Corée du sud - les
innovations dans les services de paiement liées à Google Pay, Amazon Pay, Apple
Pay, Samsung Pay et les paiements sur Facebook Messenger reposent toutes sur
forte pénétration des cartes de crédit et des comptes bancaires dans la population
c
Note : SG, Singapour, HK, Hong Kong, KR, Corée du sud, IL, Israël, AE, Emirats Arabes Unis, PL,
Pologne, MY, Malaisie, TH, Thaïlande, CZ, République tchèque, CN, Chine, IN, Inde, RU, Russie,
HU, Hongrie, CL, Chili, SA, Arabie Saoudite, BR, Brésil, ZA, Afrique du sud, TR, Turquie, ID,
Indonésie, AR, Argentine, CO, Colombie, DZ, Algérie, PE, Pérou, MX, Mexique, PH, Philippines,
AE, Pays avancés (moyenne).
Source : Jon Frost (2020), « The economic forces driving fintech adoption across
countries », BIS Working Papers, n°838, February, p.3.
Libre reposent sur une infrastructure de paiement distincte qui est intégrée aux
87
électronique et de services, une messagerie et des réseaux sociaux plateforme
respectivement).
Les bigtech facturent des frais inférieurs à ceux des fournisseurs historiques et
fonctionnent avec de faibles marges. Dans un certain nombre de cas, ces services
et pour cette raison peuvent même être subventionnés par d'autres métiers de
l'entreprise.
sont communs à l’ensemble des formes de crédit. On identifie ainsi les variables
l’investissement dans les entreprises de la fintech (rapporté au PIB) est plus élevé
dans les économies où le système financier est plus profond, la profondeur étant
Le degré de compétitivité sur les marchés du crédit peut exercer une influence sur
88
s’accompagner de marges plus élevées sur le crédit bancaire et, donc, soutenir les
sources de financement alternatives moins onéreuses pour les emprunteurs tel que
montrent que le crédit fintech tend à être plus important dans les économies où les
intermédiaires financiers déjà présents sont plus rentables, ce qui suggère bien
Un autre facteur important porte sur l’inclusion financière. Ce terme fait référence
à la capacité des agents économiques à accéder aux marchés du crédit et, plus
évaluer les informations sur les emprunteurs ou d’atteindre plus efficacement les
clients que les prestataires de crédit actuels, le crédit fintech pourrait être plus
développé dans les pays où l’accès au crédit est plus difficile. Ce facteur explique
mondial des services bancaires, elles occupent une place non négligeable dans
certaines régions où elles fournissent déjà une très grande partie des services
Les plateformes analysent une gamme de données beaucoup plus large que
empreintes numériques. Claessens et al. (2018) citent ainsi le cas d’une plateforme
P2P indienne dont le site internet affirme que, dans le cadre de son évaluation de
89
crédit, elle passe en revue plus de 1 000 données par emprunteur. Certains
prêteurs fintech utilisent des informations clients détaillées dont ne disposent pas
dans le cas des big tech, les données exclusives de plateformes de distribution en
de nouveaux entrants à conquérir une part non négligeable du marché des services
bancaires dans des économies plus avancées est encore largement débattue.
Les études suggèrent que la réglementation financière exerce des effets ambigus
d’intermédiation financière et donc exercer une influence positive sur les fintechs.
d’éventuels nouveaux entrants. Les règles propres au secteur des fintechs peuvent
avoir un impact. Une réglementation plus souple des activités fintech pourrait
soumis à des règles plus strictes dans le secteur des prêts traditionnels. Les études
l’activité de crédit fintech. Une explication possible est que les règles régissant les
réglementation bancaire est plus souple. Une autre explication réside dans le fait
qu’il pourrait être plus difficile de lancer de nouvelles activités de prêt dans les
90
Dans tous les cas, ce résultat contredit l’argument selon lequel l’arbitrage
part des individus pour les solutions numériques qui a modifié de manière
une étude publiée en 2018, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire identifie deux
celle des distributeurs automatiques a pris une vingtaine d'années, tandis que les
temps d'adoption de la banque en ligne et de la banque mobile ont été à chaque fois
un peu plus rapides. En outre, une génération née avec le numérique grandit
91
peuvent être plus rapidement sensibles qu’auparavant, ce qui signifie que les
qui permet d’exploiter les informations multiples collectées sur les clients, joue un
modèle centré sur les produits à un modèle centré sur les consommateurs.
Comme nous l’avons déjà souligné plus haut, le recours aux nouvelles technologies
numériques et à des données plus détaillées sur les clients a des implications
moins élevés liés à une plus grande efficacité dans le traitement de l’information
processus de crédit concernant les clients et le montage des prêts peut être un
40 Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (2018), Implications des évolutions de la technologie
financière pour les banques et les autorités de contrôle bancaire, février.
92
Les algorithmes d’apprentissage automatique exploitent souvent des séries de
Des études confirment les remarques précédentes. Ainsi, des travaux montrent que
les prêteurs fintech aux États-Unis offrent un meilleur service aux emprunteurs
les autres prêteurs. Dans une perspective similaire, il a été montré que le système
emprunteurs d’obtenir des conditions de crédit plus favorables. Des études sur les
des données sur les empreintes numériques des clients enregistrés sur leur site,
produisent de meilleurs résultats que les évaluations reposant uniquement sur les
ont élargi l’accès au crédit. Des études concernant les États-Unis montrent que le
prêt P2P est non seulement un substitut au prêt bancaire en ce qu’il est utilisé par
les clients infra-marginaux des banques, mais aussi un complément dans les
opérations de petite taille qui seraient trop coûteuses à financer pour des
bien adapté au financement des petites entreprises et des particuliers moins aisés.
Avant l’arrivée de ces nouveaux acteurs, ces emprunteurs à l’accès limité au crédit
onéreux. Par exemple, les lignes de crédit automatisées accordées à des entreprises
93
présentes sur la plateforme de commerce électronique d’Alibaba semblent accroître
de change qui les rendent non seulement coûteux mais aussi porteurs de risques
opérationnels. Ils sont aussi pour les consommateurs plus longs que les paiements
domestiques. Les paiements transfrontières sont d’autant plus onéreux que les
des transferts familiaux ou opérés par des migrants à des meilleures conditions
que celles pratiquées par le système traditionnel. Ainsi, des systèmes de « peer-to-
La BNS a effectué une enquête au dernier trimestre 2018 auprès d'un échantillon
crédit concernant l'influence de la numérisation sur les banques dans ces deux
41
Jean-Pierre Landau avec la collaboration d’Alban Genais (2018), Les crypto-monnaies, Rapport
au Ministre de l’Économie et des Finances, juillet. Voir aussi les développements dans le chapitre
2 sur la monnaie digitale qui ont des liens avec cette question.
94
domaines. Les résultats de l'enquête montrent que les banques anticipent un
acteurs et de gagner en efficacité, d'une part, en réduisant les coûts et, d'autre part,
banques interrogées considèrent que les bigtechs seront des concurrentes directes
en raison de leur taille et des effets de réseau. Elles perçoivent davantage les
processus des crédits hypothécaires aux ménages. L'enquête révèle aussi que les
objectifs de numérisation sont davantage limités pour les banques de petite taille,
les contraintes financières liées aux besoins d'investissement jouant ici un rôle
important 42.
Les fintechs, mais aussi les big tech, soulèvent d’importantes questions en termes
appelle la data privacy qui porte sur la protection des données personnelles. C’est
une question importante sur laquelle les régulateurs de différents pays tentent de
mettre en place des règles. Une seconde question porte sur la possible émergence
d’une industrie capable de capter des parts croissantes des différents segments des
42 Voir BNS (2019), Enquête sur la numérisation et la fintech dans les banques suisses, août.
https://www.snb.ch/fr/mmr/reference/fintech_20190827_umfrage/source/fintech_20190827_umfrag
e.fr.pdf
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systèmes financiers. En effet, ce qui caractérise la fintech mais plus encore la big
tech est la présence d’externalités de réseaux. Plus les firmes de ce secteur captent
de l’information, plus elles peuvent offrir de nouveaux services et plus elles offrent
important est que l’accaparement d’une part croissante des marchés peut générer
43Sur ces points, le chapitre 3 du BIS Annual Economic Report (2019), Big tech in finance :
opportunities and risks, juin. Voir aussi pour une vue d’ensemble : Frederic Boissay, Torsten
Ehlers, Leonardo Gambacorta et Hyun Song Shin (2021), « Big techs in finance: a new trade-off
between efficiency and privacy », SUERF Policy Briefs, n°250, December; Petralia et al. (2019),
op.cit., chapitre 4.
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