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Les paradis fiscaux

évasion fiscale / évitement fiscal.


- optimisation fiscale = utiliser des dispositifs légaux pour réduire au maximum ses impôts
- fraude fiscale = le fait d’éviter l’impôt de manière illégale
La différence entre la fraude et l’optimisation fiscale est difficile à déterminer : utilisation des failles du
droit. Problème aujourd’hui taxation des bénéfices des firmes transnationales (FTN) = firmes multina-
tionales. Une entreprise ne peut avoir qu’une seule nationalité mais elle peut ouvrir des filiales ou des suc-
cursales dans d’autres pays.
filiale = entreprise juridiquement indépendante de l’entreprise mère mais l’entreprise mère possède plus
de 50% du capital (a le pouvoir de décision)
succursale = établissement dépendant de la maison mère mais établi à l’étranger
entreprise transnationale = entreprise mère + filiale(s).
Les différentes filiales se facturent des biens et services entre elles et le prix qu’elles font payer est appelé
le prix de transfert. En jouant sur les prix de transfert, la firme peut transférer les bénéfices d’un pays à
l’autre. Le bénéfice devient nul dans les pays à forte taxation. Beaucoup de firms transnationales réalisent
tous leurs bénéfices de l’UE dans un seul pays (Irlande, Luxembourg et Pays-Bas. Irlande = impôt sur les
sociétés de 12,5%. Les autres filiales de l’UE sont à la limite du déficit.
Starbucks réalise tous ses bénéfices de l’UE aux Pays-Bas, Amazon au Luxembourg. Pour éviter cela les pays
proposent des taux préférentiels d’imposition sur les sociétés aux grandes entreprises => le taux effective-
ment payé par les grandes entreprises est très inférieur au taux officiel qui est payé par les PME.
En France l’impôt sur les sociétés est progressif et de 33% au delà de 500k€ de bénéfices. Les grandes en-
treprises profitent de niches fiscales permettant l’optimisation, dans certains cas par des accords avec les
gouvernements (c’est ce qui s’est passé en Irlande, aux Pays-Bas et au Luxembourg. Aujourd’hui l’UE con-
sidère que ces accords sont illégaux. A priori l’UE n’a pas de compétences en fiscalité mais ici l’UE utilise
ses prérogatives en termes de la concurrence : la Commission a jugé que ces accords fiscaux étaient une
entrave à la concurrence (Margrethe Vestager présidente de la Commission).
Une autre façon d’éviter l’impôt est de déplacer ses bénéfices vers les paradis fiscaux. Panama Papers
(2016), Paradise Papers (2017). Paradis fiscal est une mauvaise traduction de Tax haven.
paradis fiscal = un pays avec un taux d’imposition très bas et qui refuse l’harmonisation fiscale avec les
autres pays. —> stratégie non-coopérative de concurrence fiscale.
Souvent ce sont aussi des paradis bancaires = pays où la législation bancaire est très protectrice pour les
déposants. Principalement dans l’application du secret bancaire : l’identité des déposants est protégée par
la loi. Paradis fiscal + paradis bancaire => absence de taxation sur les avoirs des non-résidents. Les paradis
fiscaux et bancaires (PFB) permettent la fraude fiscale pour les autres pays.

I. Qu’est-ce qu’un paradis fiscal et bancaire ?


L’expression vient des États-Unis au XIXe siècle. À l’époque certains États connaissent des problèmes budgé-
taires, un groupe d’avocats d’affaires de New York arrive à convaincre les législateurs de ces États de per-
mettre la domiciliation fictive des entreprises dans leur État en échange d’un taux d’imposition très faible.
L’intérêt pour l’État en faillite est de capteur une taxe sur une richesse créée ailleurs.
1880 New Jersey, 1898 Delaware.
Au XXe siècle dans les pays développés le taux de prélèvements obligatoires augmente continument no-
tamment de fait de la mise en place de l’État-providence. Taux de prélèvements obligatoires 1900 10% /
ajd 45% (impôts et cotisations rendues obligatoires par l’État / PIB). Le paradis bancaire est une invention
Suisse : 1934 vote la loi sur le secret bancaire permettant de créer des comptes masqués. Oppose cette loi
aux autres États quand ils lui demandent de coopérer dans la lutte contre l’évasion fiscale.

Aujourd’hui ces PFB sont très importants pour les FTN : il est très difficile de suivre l’origine des IDE (prêt,
achat de plus de 10% du capital de l’entreprise, création d’une filiale ou succursale). Environ 30% des IDE
des FTN transitent par des PFB => les flux d’IDE entrants et sortants pour un pays sont parfois surprenants.
Exemple : Chine 20% Îles Vierges, Îles Caïman et Îles Samoa. Le principal investisseur en Russie est l’île de
Chypre (les capitaux sortent de Russie en euros puis sont investis en Russie au nom de Russes. Permet
d’éviter la taxation en roubles et la dépréciation de la monnaie).
Pendant longtemps les grands pays développés ont longtemps toléré un paradis fiscal à leur porte car ils
peuvent le contrôler de jure ou de facto. Aux USA certains États jouent ce rôle : Delaware ou des micro-
États des Caraïbes (Îles Vierges ou Îles Caïman). En France : Monaco dont le PM est nommé par le gou-
vernement français. Au Royaume-Uni les îles anglo-normandes (Jersey). Allemagne et Autriche ont le
Liechtenstein. Ces paradis fiscaux ont parfois des spécialisations : Suisse est un paradis bancaire mais non
fiscal. Monaco est un paradis fiscale pour les personnes physiques étrangères mais pas pour les entreprises.

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Il n’y a pas de définition officielle ou communément acceptée d’un PFB. Certaines institutions interna-
tionales ont mis en place des listes :
- OCDE. 4 critères de définition d’un paradis fiscal :
• impôt extrêmement faible,
• application des lois fiscales n’est pas transparente,
• refuse de coopérer avec les autres États pour lutter contre la fraude fiscale,
• absence sur place d’activité économique substantielle qui justifierait les sommes placées.
- G7 publie deux listes différentes : les États participant au blanchiment d’argent sale et les États qui re-
fusent de participer à la coordination de leur système bancaire (qui refusent de partager les données
bancaires).
- UE 3 critères pour un paradis fiscal : refus de partager les données bancaires, mesures fiscales préféren-
tielles (accords individuels avec une entreprise par exemple), permet de transférer sur place des béné-
fices réalisés ailleurs.

II. Services rendus par le PFB à ses déposants


Services financiers
PFN n’a d’intérêt que s’il est interconnecté avec les circuits financiers internationaux (l’argent doit pouvoir
entrer et sortir facilement). Les grandes banques commerciales mondiales ont souvent créé des filiales
dans les PFB “banques coquilles” (elles n’ont pas d’activité économique réelle sur place mais leur intérêt
est seulement d’exister juridiquement pour servir de relai). Grâce aux banques coquilles, les sommes
placées aux PFB échappent au législateur dans le pays d’origine. Le secret bancaire assure que le titulaire
du compte ne soit pas identifiable => peut bénéficier des services du PFB depuis chez lui par sa banque =>
les grandes banques commerciales ont été accusées d’organiser la fraude fiscale.

Services juridiques
Législation mise en place pour permettre d’éviter l’identification des propriétaires des fonds : société-
écran = entreprise du droit local du PFB dont la gestion est confiée à un mandataire local qui est souvent
un avocat d’affaires servant de prête nom. Officiellement le propriétaire des avoirs n’est qu’un actionnaire
et le nom de l’actionnaire est doublement protégé : par le secret bancaire et par le secret professionnel de
l’avocat. Souvent les sociétés écrans ne sont pas imposées sur leurs avoirs mais paient un impôt forfaitaire.
Elles sont interdites de toute activité commerciale dans le PFB.

Qualité des institutions


Pendant longtemps la qualité première d’un PFB a été sa proximité géographique avec un grand pays
développé. Aujourd’hui avec internet et la mondialisation c’est beaucoup moins vrai : de nouveaux PFB se
développent dans les îles du Pacifique. Aujourd’hui la qualité principale attendue est d’abord la stabilité
des autorités publiques afin qu’il n’y ait pas de risque que les avoirs soient saisis par le gouvernement.
Deuxième qualité : capacité à résister à la pression des autres pays qui voudraient obtenir une harmonisa-
tion fiscale et une coopération administrative.

III. Quel est l’avenir pour les PFB ?


Pendant longtemps les grands États ont été indulgents avec les PFB, surtout ceux à proximité. Royaume-Uni
crée même son propre PFB avec l’île de Jersey, l’objectif étant d’éviter le départs de capitaux vers des PFB
plus lointains que le grand État ne pourra pas contrôler.
Début 200X, les choses changent
- mondialisation financière et NTIC => capitaux partent dans des paradis fiscaux de plus en plus lointains
(îles du Pacifique)
- attentats 9/11 => lutte contre le terrorisme devient une priorité pour les États-Unis => besoin de lutte
contre l’opacité des flux financiers (car c’est ce qui permet de financer le terrorisme) : accusent les par-
adis fiscaux de favoriser l’argent sale. PATRIOT ACT interdit aux banques américaines d’entretenir des
relations avec des banques coquilles.

Pourtant, chaque État reste souverain => les autres États ne peuvent pas contraindre un autre à coopérer.
Quels sont les outils ? Les listes noires établies par l’OCDE, le G7 et l’UE. Ces listes ne sont pas un recense-
ment des PFB mais un outil de politiques publiques au service des grands pays développés. On peut noter
qu’aucun État fédéré des USA n’a jamais été sur une liste de PFB, aucun État européen sauf le Lichtenstein
pendant une période assez courte. Ces listes sont en fait beaucoup plus courtes que celles des économistes
et des fiscalistes.
Lorsqu’un pays est étiqueté comme PFB par l’UE, les flux de capitaux en sa provenance sont vus comme
suspect et sont même interdits d’entrée dans l’UE.
2001 mesures de rétorsion envers les Îles Nauru. La publicité autour de ces mesures de rétorsion a fait que
les capitaux des Îles Nauru ont été vus comme suspects. 2006 les Îles Nauru ont annoncé leur volonté de
coopérer. Lorsqu’un pays s’engage à coopérer, il est retiré de la liste.
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OCDE 2000 35 PFB, ajd un seul
G7 liste noire sur le blanchiment d’argent. 2000 15 pays, ajd seulement la Birmanie.
UE 2017 17 pays. Certains pays se sont engagés à coopérer juste avant ou juste après la publication. ajd 9
pays.

On peut jouer sur la spécialisation des paradis fiscaux. Les capitaux des Îles Nauru peuvent passer par un
compte masqué en Suisse. En fait, 2017 la Suisse a renoncé au secret bancaire pour les étrangers sous la
pression de l’UE.
Depuis 2017 s’est mis en place l’échange automatique de données bancaires. 2018 100 pays y participent,
on espère 150 pays d’ici 2020. Permet de savoir qui est le titulaire du compte à l’étranger => supprime de
fait le secret bancaire. Permet de lutter plus efficacement contre la fraude fiscale même s’il faut parfois
remonter une cascade de sociétés écran pour retrouver la personne physique bénéficiaire résiduelle —>
enjeu des Panama Papers et des Paradise Papers.

Conclusion
Au sein de l’UE se pose la question de l’optimisation fiscale pour les FTN. L’optimum collectif est la
coopération, c’est-à-dire qu’il y ait une harmonisation fiscale entre les pays mais la fiscalité est une
prérogative des États membres et non de la Commission => l’harmonisation fiscale nécessite une unanimité
des États membres. Les projets ont systématiquement été bloqués par le Conseil européen (organe
représentant les États) => stratégie fiscale non coopérative.
=> Plusieurs États européens ont mis en place une taxe Google : taxer les FTN en fonction du CA réalisé sur
place et non des bénéfices. En France cette taxe a été votée mais censurée par le Conseil constitutionnelle
: il y a une rupture d’égalité entre les entreprises (en effet, dans la loi c’était l’administration fiscale qui
décidait au cas par cas)

En 2016, Apple a été condamné par la Commission européenne à verser 14G€ à l’Irlande, dette arriérée
d’impôts et acquittée en 2018.
En 1991 Apple avait signé un accord avec le gouvernement lui permettant de fortement réduire ses impôts.
En 2014 la Commission européenne a calculé que le taux d’imposition sur les bénéfices d’Apple était de
0,0005% (en Irlande l’impôt sur les sociétés est de 12,5%). La commission n’a pas remis en cause l’impôt sur
les sociétés en Irlande, en effet elle n’a pas de compétences fiscales mais ici a fait avancer le dossier grâce
au droit de la concurrence : a considéré qu’il s’agissait d’une aide d’État déguisée.
L’Irlande a eu des problèmes financiers. Ces 14G€ représentent un quart du budget de l’État. 2011 nation-
alise sa banque, du jour au lendemain l’Irlande est devenu un pays très endetté (31% de déficit fiscal).
Pourtant il y a un consensus politique sur le fait de conserver ce modèle fiscal car il est au fondement du
“miracle irlandais” : 1974 entre dans la CEE. Ajd PIB/tête 2e plus grand dans l’UE, presque niveau des USA.
En effet, l’Irlande est intéressante pour les FTN des USA : langue, fiscalité, fuseau horaire.
Ajd les accords fiscaux avec une entre entreprise sont interdits dans l’UE

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